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POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES
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6e SESSION
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LE HAV
ASSOCIATION
FRANÇAISE
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L'AVANCEMENT DES SCIENCES
IMPRIMERIE CENTRAL!'] PF.S CHEMINS DE FKR. — A. CHAIS ET C"
RCE BERGÈRE, 20, A PARIS. — 18878-8.
ASSOCIATION
FRANÇAISE
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POUR
L'AVANCEMENT DES SCIENCES
COMPTE RENDU DE LA 6E SESSION
LE HAVRE
— 1877 —
LIBRARY
NEW YORK
BOTANICAL
QARDEN
PARIS
AU SECRÉTARIAT DE L'ASSOCIATION
76, RUE DE RENNES, 76
1878
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ASSOCIATION FRANÇAISE
POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES
Reconnaissance d'utilité publique.
■ MINISTERE
de
l'Instruction publique
et
DES BEAUX-ARTS
CABINET
BUREAU
de l'Enregistrement
général
et des Archives.
N° 7970
DÉCRET.
Le Président de la République française,
Sur le rapport du Ministre dé l'Instruction publique et des
Beaux-ArLs,
Vu le procès-verbal de la séance tenue à Lille, le 27 août 1874,
par l'Assemblée générale de l'Association française pour l'avance-
ment des sciences, et la demande formée par cette société, le
5 décembre 1873, à l'effet d'être reconnue comme établissement
d'utilité publique;
Vu les statuts de ladite société, l'état de sa situation financière
et les autres pièces fournies à l'appui de sa demande;
Le Conseil d'État entendu,
Décrète :
Art. 1er. — L'Association française pour l'avancement des
sciences est reconnue comme établissement d'utilité publique.
Art. 2. — Les statuts sont approuvés tels qu'ils sont annexés
au présent décret.
Aucune modification ne pourra y être apportée sans l'autori-
sation du gouvernement.
Art. 3. — Le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts est chargé de l'exécution du présent décret.
Fait à Paris, le 9 mai 1876.
Signé : Maréchal de Mac-Mahon.
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Par le Président de la République :
Le Minisire de l'Instruction publique et des Beaux-Arts,
Signé : Waddington.
Pour ampliation :
Chef du Cabinet et du Secrétariat,
Signé : L. de Lasteyrie.
STATUTS ET RÈGLEMENT
STATUTS.
TITRE Ier. — But de l'Association.
Art. 1er. — L'Association se propose exclusivement de favoriser par tous
les moyens en son pouvoir le progrès et la diffusion des sciences au double
point de vue du perfectionnement de la théorie pure et du développement des
applications pratiques.
A cet effet, elle exerce son action par des réunions, des conférences, des
publications, des dons en instruments ou en argent aux personnes tra-
vaillant à des recherches ou entreprises scientifiques qu'elle aurait provoquées
ou approuvées.
Art. ± — Elle fait appel au concours de tous ceux qui considèrent la
culture des sciences comme nécessaire à la grandeur et à la prospérité
du pays.
Art. 3. — Elle prend le nom d'Association française pour l'avancement des
sciences.
TITRE II. — Organisation.
Art. 4. — Les membres de l'Association sont admis, sur leur demande,
par le Conseil.
Art. 5. — Sont membres de l'Association les personnes qui versent la
cotisation annuelle. Cette cotisation peut toujours être rachetée par une somme
versée une fois pour toutes. Le taux de la cotisation et celui du rachat sont
fixés par le Règlement.
Art. 6. — Sont membres fondateurs les personnes qui ont versé à une
époque quelconque une ou plusieurs souscriptions de 500 francs.
Art. 7. — Tous les membres jouissent des mêmes droits. Toutefois, les
noms des membres fondateurs figurent perpétuellement en tête des listes
alphabétiques, et ces membres reçoivent gratuitement pendant toute leur vie
autant d'exemplaires des publications de l'Association qu'ils ont versé de fois
la souscription de 500 francs.
IV ASSOCIATION FRANÇAISE
Art. 8. — Le capital de l'Association se compose des souscriptions des
membres fondateurs, des sommes versées pour le rachat des cotisations, des
dons et legs faits à l'Association, à moins d'affectation spéciale de la part des
donateurs.
Art. 9. — Les ressources annuelles comprennent les intérêts du capital, le
montant des cotisations annuelles, les droits d'admission aux séances et les
produits de librairie.
Art. 10. — Chaque année, le capital s'accroît d'une retenue de 10 0/0 au
moins sur les cotisations, droits d'entrée et produits de librairie.
TITRE III. — Sessions annuelles.
Art. 11. — Chaque année, l'Association tient, dans l'une des villes de
France, une session générale dont la durée est de huit jours : cette ville est
désignée par l'Assemblée générale au moins une année à l'avance.
Art. 12. — Dans les sessions annuelles, l'Association, pour ses travaux
scientifiques, se. répartit en sections, conformément à un tableau arrêté par le
Règlement général.
Ces sections forment quatre groupes, savoir :
1° Sciences mathématiques,
2° Sciences physiques et chimiques,
3° Sciences naturelles,
•4° Sciences économiques.
Art. 13. — 11 est publié chaque année un volume, distribué à tous les
membres, contenant :
1° Le compte rendu des séances de la session ;
2° Le texte ou l'analyse des travaux provoqués par l'Association, ou des
mémoires acceptés par le Conseil.
COMPOSITION DU BUREAU.
Art. 14. — Le Bureau de l'Association se compose :
D'un Président,
D'un Vice-Président,
D'un Secrétaire,
D'un Vice-Secrétaire,
D'un Trésorier.
Tous les membres du Bureau sont élus en Assemblée générale.
Art. 13. — Les fonctions de Président et de Secrétaire de l'Association sont
annuelles; elles commencent •immédiatement après une session et durent
jusqu'à la fin delà session suivante.
Art. fil. — Le Vice-Président et le Vice-Secrétaire d'une année deviennent
de droit Président et Secrétaire pour l'année suivante.
Art. 17. — Le Président, le Vice-Président, le Secrétaire et le Vice-Secrétaire
île chaque année sont pris respectivement dans les quatre groupes de section,
et chacun d'eux est pris à tour de rôle dans chaque groupe.
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Art. 18. — Le Trésorier est élu par l'Assemblée générale; il est nommé pour
quatre ans et rééligible.
Art. 19. — Le Bureau de chaque section se compose d'un Président, d'un
Vice-Président, d'un Secrétaire, et au besoin d'un Vice-Secrétaire élu par cette
section parmi ses membres.
TITRE IV. — Administration.
Art. 20. — Le siège de l'Administration est à Paris.
Art. 21. — L'Association est administrée gratuitement par un Conseil
composé :
1° Du Bureau de l'Association, qui est en même temps le Bureau du
Conseil d'administration;
2° Des Présidents de sections :
3° De trois membres par section, élus à la majorité relative en Assem-
blée générale, sur la proposition de leurs sections respectives,
renouvelables par tiers chaque année.
Art. 22. — Les anciens Présidents de l'Association continuent à faire partie
du Conseil.
Art. 23. — Les Secrétaires des sections de la Session précédente sont admis
dans le Conseil avec voix consultative.
Art. 24. — Pendant la durée des Sessions, le Conseil siège dans la ville où
a lieu la Session.
Art. 25. — Le Conseil d'administration représente l'Association et statue
sur toutes les affaires concernant son administration.
Art. 26. — Le Conseil a tout pouvoir pour gérer et administrer les affaires
sociales, tant actives que passives. 11 encaisse tous les fonds appartenant à
l'Association, à quelque titre que ce soit.
11 place les fonds qui constituent le capital de l'Association en rentes sur
l'Etat ou en obligations de chemins de fer français, émises par des compagnies
auxquelles un minimum d'intérêt est garanti par l'État; il décide l'emploi
des fonds disponibles; il surveille l'application à leur destination des fonds
votés par l'Assemblée générale, et ordonnance par anticipation, dans l'inter-
valle des Sessions, les dépenses urgentes, qu'il soumet dans la Session sui-
vante à l'approbation de l'Assemblée générale.
Il décide l'échange ou la vente des valeurs achetées ; le transfert des
rentes sur l'État, obligations des compagnies de chemins de fer et autres
titres nominatifs sont signés par le Trésorier et un des membres du Conseil
délégué à cet effet.
Il accepte tous dons et legs faits à la Société ; tous les actes y relatifs sont
signés par le Trésorier et un des membres délégué.
Art. 27. — Les délibérations relatives à l'acceptation des dons et legs, à des
acquisitions, aliénations et échanges d'immeubles sont soumises à l'appro-
bation du gouvernement.
Art. 28. — Le Conseil dresse annuellement le budget des dépenses de l'As-
sociation ; il communique à l'Assemblée générale le compte détaillé des recettes
et dépenses de l'exercice.
VI ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L AVANCEMENT PES SCIENCES
Art. 29. — 11 organise les Sessions, dirige les travaux, ordonne et sur-
veille les publications, fixe et affecte les subventions et encouragements.
Art. 30. — Le Conseil peut adjoindre au Bureau des commissaires pour
l'étude de questions spéciales et leur déléguer ses pouvoirs pour la solution
d'affaires déterminées.
Art. 31. — Les Statuts ne pourront être modifiés que sur la proposition du
Conseil d'administration et à la majorité des deux tiers des membres votants
dans l'Assemblée générale, .sauf approbation du gouvernement.
Ces propositions, soumises à une Session, ne pourront être votées qu'à la
Session suivante : elles seront indiquées dans les convocations adressées à tous
les membres de l'Association.
Art. 32. — Un Règlement général détermine les conditions d'adminis-
tration et toutes les dispositions propres à assurer l'exécution des Statuts. Ce
Règlement est préparé par le Conseil et voté par l'Assemblée générale.
TITRE V. — Dispositions complémentaires.
Art. 33. — Dans le cas où la Société cesserait d'exister, l'Assemblée géné-
rale, convoquée extraordinairement, statuera, sous la réserve de l'approbation
du gouvernement, sur la destination des biens appartenant à l'Association.
Cette destination devra être conforme au but de l'Association, tel qu'il est.
indiqué dans l'article 1er.
Les clauses stipulées par les donateurs, en prévision de ce cas, devront être
respectées.
Les présents Statuts ont été délibérés et adoptés par le Conseil d'État dans
sa séance du 12 avril 1876.
Le Maître des Requêtes,
Secrétaire général du Conseil d'État,
Signé : A. Fouquier.
Vu à la Section de l'Intérieur,
le 29 mars 1876.
Le Rapporteur.
Signé : de Marchevii.le.
Pour copie conforme :
Le Chef du Cabinet du Ministre de F Instruction publique,
Sii.rné : L. de Lasteviue.
REGLEMENT.
TITRE I. — Dispositions générales.
Article Ie*. — Le taux de la cotisation annuelle des membres non fonda
teurs est fixé à 20 francs.
Art. 2. — Tout membre a le droit de racheter ses cotisations à venir en
versant une fois pour toutes la somme de 200 francs. 11 devient ainsi membre
à vie.
Les membres ayant racheté leurs cotisations pourront devenir membres fon-
dateurs en versant une somme complémentaire de 300 francs. 11 sera loisible
de racheter les cotisations par deux versements annuels consécutifs de
100 francs.
La liste alphabétique des membres à vie est publiée en tête de chaque
volume immédiatement après la liste des membres fondateurs.
Art. 3. — Dans les Sessions générales, l'Association se répartit en quinze
sections formant quatre groupes conformément au tableau suivant :
1er croupe : Sciences mathématiques.
1. Section de mathématiques, astronomie et géodésie;
2. Section de mécanique;
3. Section de navigation;
4. Section de génie civil et militaire.
2e groupe : Sciences physiques et chimiques.
5. Section de physique ;
6. Section de chimie ;
7. Section de météorologie et physique du globe.
3e groupe : Sciences naturelles.
8. Section de géologie et de minéralogie;
9. Section de botanique;
10. Section de zoologie et de zootechnie;
11. Section d'anthropologie;
12. Section des sciences médicales.
4e groupe : Sciences économiques.
13. Section d'agronomie;
14. Section de géographie;
15. Section d'économie politique et statistique.
Art. 4. — Tout membre de l'Association choisit chaque année la section
à laquelle il désire appartenir. Il a le droit de prendre part aux travaux des
autres sections avec voix consultative.
Art. 5. — Les personnes étrangères à l'Association, qui n'ont pas reçu
d'invitation spéciale, sont admises aux séances et aux conférences d'une Sec-
vm ASSOCIATION FRANÇAISE
tion, moyennant un droit d'admission fixé à 10 francs. Ces personnes peuvent
communiquer des travaux aux Sections, mais ne peuvent prendre part aux
votes.
Art. 5 bis. — Le Président sortant fait de droit partie du Bureau pendant
les deux semestres suivants.
A_RT. 6. — Le Conseil d'administration prépare les modifications réglemen-
taires que peut nécessiter l'exécution des Statuts, et les soumet à la décision
de l'Assemblée générale.
11 prend les mesures nécessaires pour organiser les Sessions de concert avec
les comités locaux qu'il désigne à cet effet. 11 fixe la date de l'ouverture de
chaque Session. 11 nomme et révoque tous les employés et fixe leur traite-
ment.
Art. 6 bis. — Dans le cas de décès, d'incapacité ou de démission d'un
ou de plusieurs membres du Bureau, le Conseil procède à leur remplacement.
La proposition de ce ou de ces remplaçants est faite dans une séance convo-
quée spécialement à cet effet : la nomination a lieu dans une séance convoquée
à sept jours d'intervalle.
ART. 7. _ Le Conseil délibère à la majorité des membres présents. Les dé-
libérations relatives au placement des fonds, à la vente ou à l'échange des
valeurs et aux modifications statutaires ou réglementaires ne sont valables que
lorsqu'elles ont été prises en présence du quart au moins des membres du
Conseil dûment convoqués. Toutefois, si, après un premier avis, le nombre des
membres présents était insuffisant, il serait fait une nouvelle convocation
annonçant le motif de la réunion, et la délibération serait valable, quel que
fût le nombre des membres présents.
TITRE II. — Attributions du Bureau et du Conseil
d'administration.
ART. 8. — Le Bureau de l'Association est en même temps le Bureau du
Conseil d'administration.
ART. 9. _ Le Conseil se réunit au moins quatre fois dans l'intervalle de
deux Sessions. Une séance a lieu en novembre pour la nomination des Com-
missions permanentes ; une autre séance a lieu pendant la quinzaine de
Pâques.
Art. io. — Le Conseil est convoqué toutes les fois que le Président le juge
convenable. Il est convoqué extraordinairement lorsque cinq de ses membres
en font la demande au Bureau, et la convocation doit indiquer alors le but de
la réunion.
Art. 11. — Les commissions permanentes sont composées des cinq membres
du Bureau et d'un certain nombre de membres élus par le Conseil dans sa
séance de novembre. Elles restent en fonctions jusqu'à la fin de la Session
suivante de l'Association. Elles sont au nombre de quatre :
1° Commission de publication ;
2° Commission de Gnances;
3° Commission (l'organisation de la Session suivante;
4° Commission des récompenses ri encouragements.
POUB I.' Il v^1 KM1 N l DES SCIENI l S lx
Art. 12. — La Commission de publication se compose du Bureau et de
quatre membres élus, auxquels s'adjoint, pour les publications relatives à
chaque section, le Président ou le Secrétaire, ou, en leur absence, un des
délégués de la section.
Art. 13. — La Commission des finances se compose du Bureau et de quatre
membres élus.
Art_ 14. _ La Commission .l'organisation de la Section se compose du
Bureau et de quatre membres élus.
Art# 13. _ Pendant la durée de la session, chacune des sections qui n'est
pas représentée dans le Bureau par le Vice-Président et le Vice-Secrétaire
général, désignera un de ses délégués pour faire partie de la Commission des
subventions: ces nominations seront considérées comme non avenues pour les
sections qui se trouveraient représentées dans le Bureau par suite de la nomi-
nation en Assemblée générale du Vice-Président et du Vice-Secrétaire général
de la session suivante.
Art. 16. — Le Conseil peut en outre désigner des Commissions spéciales
pour des objets déterminés.
Art. 17. — Pendant la durée de la Session annuelle, le Conseil tient ses
séances dans la ville où a lieu la Session.
TITRE III. — Du Secrétaire du Conseil.
Art. 18. — Le Secrétaire du Conseil reçoit des appointements annuels dont
le chiffre est tixé par le Conseil.
Art. 49. — Lorsque la place de Secrétaire du Conseil devient vacante, il
est procédé à la nomination d'un nouveau Secrétaire dans une séance précédée
d'une convocation spéciale qui doit être faite quinze jours à l'avance.
La nomination est faite à la majorité absolue des votants. Elle n'est valable
que lorsqu'elle est faite par un nombre de voix égal au tiers au moins du
nombre des membres du Conseil.
Art. 20. — Le Secrétaire du Conseil ne peut être révoqué qu'à la majorité
absolue des membres présents, et par un nombre de voix égal au tiers au
moins du nombre des membres du Conseil.
Art. 21. — Le Secrétaire du Conseil rédige et fait transcrire sur deux
registres distincts les procès-verbaux des séances du Conseil et ceux des As-
semblées générales. Il siège dans toutes les commissions permanentes, avec
voix consultative. Il peut faire partie des autres commissions. Il a voix con-
sultative dans les discussions du Conseil. Il exécute, sous la direction du
Bureau, les décisions du Conseil. Les employés de l'Association sont placés
sous ses ordres. Il correspond avec les membres de l'Association, avec les
présidents et secrétaires des Comités locaux et avec les secrétaires des sections.
11 fait partie de la Commission de publication et la convoque. Il dirige la
publication du volume et donwe les bons à tirer. Pendant la durée des
Sessions, il veille à la distribution des cartes, à la publication des program-
mes et assure l'exécution des mesures prises par le Comité local concernant
les excursions.
X ASSOCIATION FRANÇAISE
TITRE JV. — Des Assemblées générales.
Art. 22. — Il se tient chaque année, pendant la durée de la Session, au
moins une Assemblée générale.
Art. 23. — Le Bureau de l'Association est en même temps le Bureau de
l'Assemblée générale. Dans les assemblées générales qui ont lieu pendant la
Session, le Bureau du Comité local est adjoint au Bureau de l'Association.
Art. 24. — L'Assemblée générale, dans une séance qui clôt définitivement
la Session, élit, au scrutin secret et à la majorité absolue, le Vice-Président et
le Vice-Secrétaire de l'Association pour l'année suivante, ainsi que le Trésorier,
s'il y a lieu. Elle nomme, sur la proposition des sections, les membres qui
doivent représenter chaque section dans le Conseil d'administration. Elle
désigne enfin, une ou deux années à l'avance, les villes où doivent se tenir
les Sessions futures.
Art. 25. — L'Assemblée générale peut être convoquée extraordinairement,
par une décision du Conseil.
Art. 26. — Les propositions tendant à modifier les Statuts, ou le titre Ier du
règlement, conformément à l'article 31 des Statuts, sont présentées à l'As-
semblée générale par le rapporteur du Conseil et ne sont mises aux voix que
dans la Session suivante. Dans l'intervalle des deux Sessions, le rapport est
imprimé et distribué à tous les membres. Les propositions sont en outre rap-
pelées dans les convocations adressées à tous les membres. Le vote a lieu sans
discussion, par oui où par non, à la majorité des deux tiers des voix s'il s'agit
d'une modification au Règlement. Lorsque vingt membres en font la demande
par écrit, le vote a lieu au scrutin secret.
TITRE V. — De l'organisation des Sessions annuelles
et du Comité local.
Art. 27. — La Commission d'organisation, constituée comme il est dit à
l'article 14, se met en rapport avec les membres fondateurs appartenant à la
ville où doit se tenir la prochaine Session. Elle désigne, sur leurs indications,
un certain nombre de membres qui constituent le Comité local.
Art. 28. — Le Comité local nomme son Président, son Vice-Président et
son Secrétaire. Il s'adjoint les membres dont le concours lui paraît utile, sauf
approbation de la Commission d'organisation.
Art. 29. — Le Comité local a pour attribution de venir en aide à la
commission d'organisation, en faisant des propositions relatives à la Session,
et en assurant l'exécution des mesures locales qui ont été approuvées ou
indiquées par la Commission.
Art. 30. — Il est chargé de s'assurer des locaux et de l'installation néces-
saires pour les diverses séances ou conférences; ses décisions, toutefois, ne
deviennent définitives qu'après avoir été acceptées par la Commission. Il pro-
pose les sujets qu'il serait important de traiter dans les conférences, et les
personnes qui pourraient en être chargées. Il indique les excursions qui
seraient propres à intéresser les membres du Congrès, et prépare celles de ces
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES XI
excursions qui sont acceptées par la Commission. 11 se met en rapport, lors-
qu'il le juge utile, avec les sociétés savantes et les autorités des villes ou
localités où ont lieu les excursions.
Art. 31. — Le Comité local est invité à préparer une série de courtes
notices sur la ville où se tient la Session, sur les monuments, sur les éta-
blissements industriels, les curiosités naturelles, etc., de la région. Ces noti-
ces sont distribuées aux membres de l'Association et aux invités assistant au
Congrès.
Art. 32. — Le Comité local s'occupe de la publicité nécessaire à la réus-
site du Congrès, soit à l'aide d'articles de journaux, soit par des envois de
programmes, etc., dans la région où a lieu la Session.
Art. 33. — Il fait parvenir à la commission d'organisation la liste des
savants français et étrangers qu'il désirerait voir inviter.
Le Président de l'Association n'adresse les invitations qu'après que cette
liste a été reçue et examinée par la commission.
Art. 34. — Le Comité local indique en outre, parmi les personnes de la
ville ou du département, celles qu'il conviendrait d'admettre gratuitement à
participer aux travaux scientifiques de la Session.
Art. 35. — Depuis sa constitution jusqu'à l'ouverture de la Session, le
Comité local fait parvenir deux l'ois par mois, au Secrétaire du Conseil de
l'Association, des renseignements sur ses travaux, la liste des membres nou-
veaux, avec l'état des paiements, la liste des communications scientifiques
qui sont annoncées, etc.
Art. 36. — La Commission d'organisation publie et distribue de temps a
autre aux membres de l'Association les communications et avis divers qui se
rapportent à la prochaine Session. Elle s'occupe de la publicité générale et
des arrangements à prendre avec les compagnies de chemins de fer.
TITRE VI. — De la tenue des Sessions.
Art. 37. — Pendant toute la durée de la Session, le Secrétariat est ouvert
chaque matin pour la distribution des cartes. La présentation des cartes est
exigible à l'entrée des séances.
Art. 38. — Tout membre, en retirant sa carte, doit indiquer la section à
laquelle il désire appartenir, ainsi qu'il est dit article 4.
Art. 39. — Le Conseil se réunit dans la matinée du jour oira lieu l'ou-
verture de la Session ; il se réunit pendant la durée de la Session autant
de fois qu'il le juge convenable. Il tient une dernière réunion, pour arrêter
une liste de présentation relative aux élections du Bureau de l'Association,
vingt-quatre heures au moins avant la réunion de l'Assemblée générale.
Le Président et l'un des Secrétaires du Comité local assistent, pendant la
Session, aux séances du Conseil, avec voix consultative.
Art. 40. — La Session est ouverte par une séance générale, dont l'ordre
du jour comprend :
1° Le discours du Président de l'Association et des autorités de la ville et
du déparlement ;
2° Le compte rendu annuel du Secrétaire général de l'Association :
XII ASSOCIATION FRANÇAISE
3° Le rapport du Trésorier sur la situation financière-
Aucune discussion ne peut avoir lieu dans cette séance.
A la fin de la séance, le Président indique l'heure où les membres se réu-
niront dans les sections.
Art. 41. — Chaque section élit, pendant la durée d'une Session, son pré-
sident pour la Session suivante : le président doit être choisi parmi les mem-
bres de l'Association.
Art. 42. — Chaque Section, dans sa première séance, procède à l'élection
de son vice-président et de son secrétaire, toujours choisis parmi ses membres.
Elle peut nommer en outre un second secrétaire, si elle le juge convenable.
Elle procède aussitôt après à ses travaux scientifiques.
Art. 43. — Les présidents de section se réunissent dans la matinée du se-
cond jour, pour fixer les jours et les heures des séances de leurs sections respec-
tives, et pour répartir ces séances de la manière la plus favorable. Ils décident,
s'il y a lieu, la fusion de certaines sections voisines.
Les présidents de deux ou plusieurs sections peuvent organiser en outre des
séances collectives.
Une Section peut tenir, aux heures qui lui conviennent, des séances supplé-
mentaires, à la condition de choisir des heures qui ne soient pas occupées par
les excursions générales.
Art. 44. — Pendant la durée de la Session, il ne peut être consacré qu'un
seul jour, non compris le dimanche, aux excursions générales. Il ne peut être
tenu de séances de sections ni de conférences pendant les heures consacrées à
une excursion générale.
Art. 43. — Il peut être organisé une ou plusieurs excursions générales ou
spéciales pendant les jours qui suivent la clôture de la Session.
Art. 46. — Les Sections ont toute liberté pour organiser les excursions par-
ticulières qui intéressent spécialement leurs membres.
Art. 47. — Une liste des membres de l'Association présents au Congrès
paraît le lendemain du jour de l'ouverture, parles soins du Bureau. Des listes
complémentaires paraissent les jours suivants, s'il y a lieu.
Art. 48. — 11 parait chaque matin un Bulletin indiquant le programme de
la journée, les ordres du jour des diverses séances et les travaux des Sections
de la journée précédente.
Art. 49. — La commission d'organisation peut instituer une ou plusieurs
séances générales.
Art. 50. — Il ne peut y avoir de discussion en séance générale. Dans le cas
où un membre croirait devoir présenter des observations sur un sujet traite
dans une séance générale, il devra en prévenir par écrit le Président, qui
désignera l'une des prochaines séances de section pour la discussion.
Art. 51. — A la fin de chaque séance de Section, et sur la proposition du
Président, la Section fixe l'ordre du jour de la prochaine séance, ainsi que
l'heure de la réunion.
Art. 52. — Lorsque l'ordre du jour est chargé, le Président peut n'accor-
der la parole que pour un temps déterminé qui ne peut être moindre de dix
minutes. A l'expiration de ce temps, la Section est consultée pour savoir si la
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES XIII
parole est maintenue à l'orateur ; dans le cas où il est décidé qu'on passera à
l'ordre du jour, l'orateur est prié de donner brièvement ses conclusions.
Art. 53. — Les membres qui ont présenté des travaux au Congrès sont
priés de remettre au secrétaire de leur section leur manuscrit ou un résumé
de leur travail; ils, sont également priés de fournir une note indicative de la
part qu'ils ont prise aux discussions qui se sont produites.
Lorsqu'un travail comportera des figures ou des planches, mention devra en
être faite sur le titre du mémoire.
Art. 5i. — A la fin de chaque séance, les secrétaires de section remettent
au Secrétariat :
1° L'indication des titres des travaux de la séance;
2° L'ordre du jour, la date et l'heure de la séance suivante.
Art. 55. — Les secrétaires de section sont chargés de prévenir les auteurs
désignés pour prendre la parole dans chacune des séances.
Art. 50. — Les secrétaires de section doivent rédiger un procès-verbal des
séances. Ce procès-verbal doit donner d'une manière sommaire le résumé des
travaux présentés et des discussions; il doit être remis au Secrétariat aussitôt
que possible, et au plus tard un mois après la clôture de la session.
Art. 57. — Les secrétaires de section remettent au Secrétaire du Conseil,
avec leurs procès-verbaux, les manuscrits qui auraient été fournis par leurs
auteurs, avec une liste indicative des manuscrits manquants.
Art. 58. — Les indications relatives aux excursions sont fournies aux mem-
bres le plus tôt possible. Les membres qui veulent participer aux excursions
sont priés de se faire inscrire à l'avance, afin que l'on puisse prendre des
mesures d'après le nombre des assistants.
Art. 59. — Les conférences générales n'ont lieu que le soir, et sous le con-
trôle d'un président et de deux assesseurs désignés par le Bureau.
11 ne peut être fait plus de deux conférences générales pendant la durée
d'une Session.
TITRE VII. — Des comptes rendus.
Art. 00. — Il est publié chaque année un volume contenant : 1° le compte
rendu des séances de la Session ; 2° le texte ou l'analyse des travaux provo-
qués par l'Association, ou des mémoires acceptés par le Conseil.
Art. 01. — Le volume doit être publié dix mois au plus tard après la Ses-
sion à laquelle il se rapporte. 11 est expédié aux invités de l'Association.
L'apparition du volume est annoncée à tous les membres par une circulaire
qui indique à partir de quelle date il peut être retiré du Secrétariat.
Art. 02. — Les membres qui n'auraient pas remis les manuscrits de leurs
communications au secrétaire de leur section, devront les faire parvenir au
Secrétariat du Conseil avant le 1er décembre. Passé cette époque, le titre seul
du travail figurera dans les comptes rendus, sauf décision spéciale de la com-
mission de publication.
Art. 02 bis. — Dix pages au maximum sont accordées à un auteur pour
une même question; toutefois pour les travaux d'une importance exception-
XIV ASSOCIATION FRANÇAISE POUR i/ AVANCEMENT DES SCIENCES
nelle, la commission de publication pourra proposer au Conseil d'administra-
tion de fixer une étendue plus considérable.
Art. 63. — La Commission de publication peut décider, d'ailleurs, qu'un
travail ne figurera pas in extenso dans les comptes rendus, mais qu'il en sera
donné seulement un extrait que l'auteur sera engagé à fournir dans un délai
déterminé. Si, à l'expiration de ce délai , cet extrait n'a pas été fourni au
Secrétaire du Conseil, l'extrait du procès-verbal relatif à ce travail sera seul
inséré.
Art. 64. — Les discussions insérées dans les comptes rendus sont extraites
textuellement des procès-verbaux des secrétaires de section. Les notes four-
nies par les auteurs pour faciliter la rédaction des procès-verbaux devront
être remises dans les vingt-quatre heures.
Art. 65. — La Commission de publication décide quelles seront les planches
qui seront jointes au compte rendu, et s'entend à cet effet avec la Commission
des finances.
Art. 66. — Aucun travail publié en France avant l'époque du Congrès ne
pourra être reproduit dans les comptes rendus : le titre et l'indication biblio-
graphique figureront seuls dans ce volume.
Art. 67. — Les épreuves seront communiquées aux auteurs en placards seu-
lement ; une semaine est accordée pour la correction. Si l'épreuve n'est pas
renvoyée à l'expiration de ce délai, les corrections sont faites par les soins du
Secrétariat.
Art. 68. *— Dans le cas où les frais de corrections et changements indiqués
par un auteur dépasseraient la somme de 15 francs par feuille, l'excédant cal-
culé proportionnellement serait porté à son compte.
Art. 69. — Les membres dont les communications ont une étendue qui
dépasse une demi-feuille d'impression recevront 15 exemplaires de leur travail
extraits des feuilles qui ont servi à la composition du volume.
Art. 70. — Les membres pourront faire exécuter un tirage à part de leurs
communications avec pagination spéciale au prix convenu avec l'imprimeur
par le Bureau. Les tirages à part porteront la mention : « Extrait des Comptes
rendus du Congrès tenu à... par V Association française pour V avancement des
Sciences. » Us seront distribués aussitôt après la publication des comptes
rendus.
LISTE DES MEMBRES
DE
L'ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES
(MEMBRES FONDATEURS ET MEMBRES A VIE)
MEMBRES FONDATEURS
PARTS
Abbadie (d'), Membre de l'Institut, 120, rue du Bac. — Paris 4
Aimé-Girard, Professeur au Conservatoire des Arts-et-Métiers, 5, rue du Bellay.
— Paris '.
Alberti, Banquier, 17, rue de Londres. — Paris
Almeida (d), Professeur au lycée Corneille, 31, rue Bonaparte. — Paris
Amboix (d'), Capitaine d'état-major, 69, boulevard Malesherbes. — Paris .....
Andouillé (Edmond), Sous-Gouverneur honoraire de la Banque de France, 2, rue
du Cirque. — Paris
André (Alfred), Banquier, 49, rue Abbatucci. — Paris
André (Edouard), 158, boulevard Haussmann. — Paris
Aubert (Charles), Licencié en droit, Avoué plaidant. — Rocroi (Ardennes)
Audibert, Directeur de la Compagnie de Paris à Lyon et à la Méditerranée
(Décédé)
Aynard (Ed.), Banquier, 19, rue de Lyon. — Lyon
Azam, Professeur à l'École de Médecine. — Bordeaux
Baille, Répétiteur à l'École polytechnique, 2, rue de Fleurus. — Paris
Bâillon, Professeur à la Faculté de Médecine, 12, rue Cuvier. — Paris
Balard, Membre de l'Institut (Décédé)
Bamberger, Banquier, 12, rue Boissy-d'Anglas. — Paris
Bartholony, Président du Conseil d'administration du chemin de fer d Orléans,
12, rue La Bochefoucauld. — Paris
Béchamp, Doyen de la Faculté de Médecine de l'Université catholique, 8, rue Beau-
harnais. — Lille
Belon, fabricant, avenue de Noailles. — Lyon
Beral (E.), Ingénieur des Mines, 60, rue Taitbout. — Paris
Bernard (Claude), Membre de l' Académie des sciences et de l'Académie française,
(Décédé)
Billault-Billaudot et Cie, Fabricants de produits chimiques, place de la Sor-
bonne. — Paris
Billy (de), Inspecteur général des Mines (Décédé)
Billy (Charles de), Conseiller référendaire à la Cour des Comptes, 14, rue Fran-
klin. — Paris
Bischoffsheim (L.-R.), Banquier (Décédé)
Bischoffsheim (Raphaël-Louis), 39, boulevard Haussmann. — Paris
Blot, Membre de l'Académie de Médecine, 24, avenue de Messine. — Paris.. . .
Bochet (Vincent du) (Décédé)
Boissonnet, Général du Génie, Sénateur, 78, rue de Rennes. — Paris
Boivin (Emile), 145, rue de Flandre. — Paris
Bondet, Chargé de cours à la Faculté de médecine de Lyon, 2, quai de Retz.— Lyon.
Borie (Victor), Membre de la Société centrale d'agriculture de France, 19, rue
Louis-le-Grand. — Paris 1
XVI r ASSOCIATION FRANÇAISE
Boudet (F.), Membre de l'Académie de Médecine [Décédé)
Bouillaud, Membre de l'instilul, Professeur à la Faculté de Médecine, 32, rue
Saint-Dominique-Saint-Germain. — Paris
Brandenburg (Albert), Négociant, 1, rue de la Verrerie. — Bordeaux
Bréguet, Membre de l'Institut et du Bureau des Longitudes, 39, quai de
1 Horloge. — Paris
Bréguet (Antoine), ancien élève de l'École polytechnique, 39, quai de l'Horloge.
— Paris
Breittmayer (Albert), ancien Sous-Directeur des Docks et Entrepôts de Marseille,
8, place de la Préfecture. — Marseille
Broca (Paul), Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Mé-
decine, 1, rue des Saints-Pères. — Paris
Broet, 52, avenue de Saint-Cloud. — Versailles
Brouzet (Ch.), Ingénieur civil, 5, cours Morand. — Lyon
Burton, Administrateur de la Compagnie des Forges d'Alais, 24, rue Le Peletier,
Paris
Cacheux (Emile), Ingénieur civil des Arts et Manufactures, 25, quai Saint-Michel.
— Paris
Cambefort (J.), Banquier, Administrateur des Hospices, 13, rue de Lyon. — Lyon.
Camondo (Comte N. de), 31, rue Lafayette. — Paris
Camondo (Comte A. de), 31, rue Lafayette. — Paris - . . .
Caperon père
Caperon fils
Carlier (Auguste), Publiciste, 12, rue de Berlin. — Paris
Carnot (Adolphe), Ingénieur des Mines, Professeur à l'Institut national agrono-
mique, 89, rue de Morny. — Paris
Casthelaz (John), Fabricant de produits chimiques, 19, rue Sainte-Croix-de-la-
Bretonnerie. — Paris
Caveistou père, Membre de l'Académie de Médecine (Décédé)
Caventoo fils, Membre de l'Académie de Médecine, 51 lis, rue Sainte-Anne. —
Paris
Cernuschi (Henri), 7, avenue Velasquez. — Paris t. .
Chabaud-Latour (de), Général de division du Génie, Sénateur, 41, rue Abbatucci.
— Paris
Chabrières-Arlès, Administrateur des Hospices, 12, place Louis XVI. — Lyon. .
Chambre de Commerce (la). — Bordeaux
— — — Lyon
— — — Nantes
Chantre (Ernest), Sous-Directeur du Muséum, 37, cours Morand. — r Lyon.. . .
Charcot, Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Méde-
cine de Paris, 17, quai Malaquais. — Paris
Chasles, Membre de l'Institut, 3, passage Sainte-Marie-Saint-Germain. — Paris. .
Le Chatelier, Inspecteur général des Mines (Décédé)
Chauveau (A.), Directeur de l'École vétérinaire, Professeur à la Faculté de Méde-
cine de Lyon, 22, quai des Brotteaux. — Lyon
Chevalier, Négociant, 50, rue du Jardin-Public. — Bordeaux
Clamageran. Avocat, 57, avenue Joséphine. — Paris
Clermont (de), Sous-Directeur du Laboratoire de Chimie à la Sorbonne, 8, bou-
levard Saint-Michel. — Paris
Cloquet (Jules), Membre de l'Institut, 19, boulevard Malesherbes. — Paris. . . .
Collignon (Ed.), Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, 70, boulevard Saint-
Germain. — Piris
Combal, Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier
Combes, Inspecteur général des Mines, Directeur de l'École des Mines (Décède)..
Compagnie des chemins de fer du Midi, 54, boulevard Haussniann. — Paris.. .
— — d'Orléans, 1, place Walhubert. — Paris. . . . .">
— — de l'Ouest, 110, rue Saint-Lazare. — Paris 5
— — de Paris à Lyon et à la Méditerranée, 88, rue Sainl-
Lazare. — Paris 5
— du Gaz Parisien, rue Condorcet. — Paris 4
— des Salins du Midi, 84, rue de la Victoire. — Paris 2
— des Messageries maritimes , 28, rue Notre-Dame-des- Victoires. —
Paris 1
pour l'avancement des sciences- Xvt
Compagnie des Fonderies et Forges de Terre-Noire, la Voulte et Bességes. —Lyon.
— générales des Verreries de la Loire et du Rhône, à Rive-de-Gier (Loire),
(M. Hutter, Administrateur délégué)
— des Fonderies et Forges de l'Horme, 8, rue Bourbon. — Lyon. . . .
— du Gaz de Lyon, rue de Savoie. — Lyon
— de Roche-la-Molière et Firrainy. — Lyon
— des Mines de houille de Blanzy (Jules Chagot et C"), à Montceaux-les-
Mines (Saône-et-Loire), 55, boulevard Haussmann. — Paris
Conseil d administration de la Compagnie des Minerais de fer magnétique de
Mokta-el-Hadid, 59, rue de la Victoire. —Paris
Conseil d'administration de l'École Monge, 165, boulevard Malesherbes.— Paris.
Coppet (de), Chimiste. — Villa Irène, aux Baumettes. — Nice
Cornu, Membre de l'Institut, Ingénieur des Mines. Professeur à l'École polytechnique,
38, rue des Écoles. — Paris
Cosson, Membre de l'Institut et de la Société botanique, 7, rue Abbatucci. —
Paris
Courtois de Viçose, petite rue d'Albade. — Toulouse
Courty, Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier. — Montpellier. . .
Crouais (Fernand), Armateur, 14, rue Héronnière.— Nantes
Daguin, ancien Président du Tribunal de commerce de la Seine, 4, rue Castel-
lane. — Paris
Dalligny, Maire du 8e arrondissement, 5, rue d'Albe. —Paris
Dayillier, Banquier, 14,' rue Roquepine. — Paris
Degousée, Ingénieur civil, 35, rue de Chabrol. — Paris
Delaunay, Ingénieur des Mines, Membre de l'Institut, Directeur de l'Observa-
toire. [Décédé)
Dr Delore, Chirurgien en chef de la Charité, Professeur agrégé à la Faculté de
Médecine de Lyon, 31, place Bellecour. — Lyon
Demarquay, Membre de l'Académie de Médecine. [Décédé]
Demongeot, Ingénieur des Mines, Maître des requêtes au Conseil d'Etat.
[Décédé.)
Dhôtel, Adjoint au maire du 2° arrondissement, 107, boulevard de Sébastopol.
— Paris
Dr Diday, ex-Chirurgien en chef de l'Antiquaille, Secrétaire général de la Société
de Médecine, rue de Lyon. — Lyon
Dollfus (Mme Auguste), 53, rue de la Côte. — Le Havre
Dollfus (Auguste), 53, rue de la Côte. — Le Havre
Dorvault, Directeur de la Pharmacie centrale, 7, rue de Jouy. — Paris
Dumas, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, Membre de l'Académie
française, 69, rue Saint-Dominique. — Paris
Dupouy (E.), Avocat, Conseiller général, Député de la Gironde. — Bordeaux. . .
Dupuy de Lôme, Membre de l'Institut, Sénateur , 374, rue Saint-Honoré. — Paris.
Dupuy (Paul), Professeur à l'Ecole de Médecine, 78, chemin d'Eysines. — Bordeaux
Dupuy (Léon), Professeur au Lycée, 13, rue Vital-Caries. — Bordeaux
Durand-Billion, ancien Architecte. [Décédé)
Duval (Fernand), Administrateur de la Compagnie parisienne, 53, rue François Ier.
— Paris . • • •
Duvergier, Président de la Société Industrielle, 35, rue Saint-Cyr. — Lyon. . .
Eichthal (d'), Banquier, Président du Conseil d'administration des chemins de
fer du Midi, 42, rue Neuve-des-Mathurins. —Paris
Engel, Relieur, 91, rue du Cherche-Midi. — Paris
Erhardt-Schieble, Graveur, 12, rue Duguay-Trouin. — Paris
Espagny (le comte d), Trésorier-payeur général du Rhône. [Décédé)
Faure (Lucien), Président de la Chambre de Commerce. — Bordeaux
Follin (Mme veuve), 244, boulevard Saint-Germain. — Paris.
Fremy, Membre de l'Institut, Professeur au Muséum et à l'École polytechnique,
33, rue Cuvier
Friedel, Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des Sciences, 60, boulevard
Saint-Michel. — Paris
Friedel (Mme), née Combes, 60, boulevard Saint-Michel. — Paris
FRossard (Ch.-L.), 14, rue de Boulogne. — Paris
b
XVIII ASSOCIATION FRANÇAISE
Fumouze (Armand), Docteur-médecin-pharmacien, 78, Fau bourg-Sain t-Denis. —
Paris
Galante, Fabricant d'instruments de chirurgie, 2, rue de l'École-de-Médecine. —
Paris
Galline (P.), Banquier, Président de la Chambre de Commerce, U, place Belle-
cour. — Lyon
Gariel (C.-M.), Ingénieur des Ponts et Chaussées, Professeur agrégé à la Faculté
de Médecine, 41, rue des Martyrs.— Paris
Gaudrt (Albert), Professeur au Muséum d'histoire naturelle, 7 bis, rue des Saints-
Pères. — Paris
Gauthier- Villars, ancien élève de l'École polytechnique, Libraire, 55, quai des
Augustins. — Paris
Geoffroy-Saint-Hilairf. (Albert), Directeur du Jardin d'acclimatation, 50, boulevard
Maillot. — Neuilly (Seine)
Germain (Henri), Député de l'Ain, Président du Conseil d'administration du Crédit
lyonnais, 8, rue Murillo. — Paris
Germain (Philippe), Directeur de l'agence du Comptoir d'escompte de Paris, 33,
place Bellecour.— Lyon
Germer-Baillière, Libraire, Conseiller municipal, 108, boul. St-Germain.— Paris.
Gillet fils aîné, Teinturier, 9, quai Serin. — Lyon
Dr Gintrac père, Correspondant de l'Institut. [Décédé)
Girard (Ch.), Manufacturier, 20, rue des Écoles.— Paris
Goldschmidt (Frédéric), Banquier, 22, rue de l'Arcade. — Paris
Goldschmidt (Léopold), Banquier, 8, rue Murillo. — Paris
Goldschmidt (S. -H.), 33, boulevard Malesherbes. — Paris
Gounouilhou, Imprimeur, 11, rue Guiraude. — Bordeaux
Gruner, Inspecteur général des Mines, 84, rue d'Assas.— Paris
Dr Gubler, Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Méde-
cine, 18, rue du Quatre-Septembre. — Paris
D'Guérin (Alphonse), Membre de l'Académie de Médecine, 9, rued'Astorg.— Paris.
Guiche (marquis de la), 16, rue Matignon. — Paris
Guimet (Emile), Négociant, place de la Miséricorde. — Lyon
Hachette et Cie, Libraires-Éditeurs, 79, boulevard Saint-Germain. — Paris. . . .
Hadamard (David), 14, rue Bleue.— Paris
Haton db la Goupillière, Ingénieur des Mines, Examinateur d'admission à l'École
polytechnique, 8, rue Garancière. — Paris
Haussonville (comte d'), Membre de l'Académie française, 109, rue St-Dominique.
— Paris •
Hecht (Etienne), Négociant, 19, rue Le Peletier. — Paris
Hentsch, Banquier, 20, rue Le Peletier. — Paris
Hillel frères, 31, rue Lafayette. — Paris
Hottinguer, Banquier, 38, rue de Provence. —Paris
Houel, Ingénieur, 75, avenue des Champs-Elysées. — Paris
Hovelacque (Abel), Professeur à l'École d'anthropologie, conseiller municipal,
35, rue de l'Université. — Paris
Dr Hureau de Villeneuve, 95, rue Lafayette. — Paris
Huyot, Ingénieur des Mines, Directeur de la Compagnie des chemins de fer du
Midi, 10, rue du Cirque. — Paris
Jacquemart (Frédéric), 58, Faubourg-Poissonnière. — Paris
Jameson (Conrad), Banquier, 38, rue de Provence. — Paris
Javal, Membre de l'Assemblée nationale. (Décédé.)
Johnston (Nathaniel), ancien Député, Pavé des Chartrons.— Bordeaux. .....
Dr Jourdanet, 1, rue de Berri. — Paris
Kann, Banquier, 58, avenue du Bois-de-Boulogne. — Paris
Kœnigswarter (baron Maximilien de), ancien Député, 4, rue d'Astorg. — Paris.
Kônigswarter (Antoine), 60, rue de la Chaussée-d'Antin. — Paris
Kuhlmann (Frédéric), Correspondant de l'Institut. — Lille
Kuppenheim (J.), Négociant, membre du Conseil des Hospices, 26, quai St-Antoine.
— Lyon
Dr Lagneau (Gustave), 38, rue de la Chaussée-d'Antin. — Paris
Lalande (Armand), Négociant, 84, quai des Chartrons. — Bordeaux
Lamé-Fleurï, Ingénieur en chef des Mines, secrétaire du Conseil général des
Mines, 62, rue de Verneuil. — Paris 1
POUR I- AVANCEMENT DES SCIENCES XIX
Lamy (Ernest), 83, rue Taitbont. — Taris
Lan, Ingénieur en chef des .Mines. Directeur des Forges de Châtillon et de Com-
mentry, 3, rue du Regard. — Paris
Lapparent (de), Ingénieur des raines, 3, rue de Tilsit. — Paris
Larrey (le baron), Membre de l'Institut et de l'Académie de Médecine, Député
des Hautes-Pyrénées, 91, rue de Lille. — Paris
Laurencel (le comte de), 26, rue des Écoles. — Paris
Lauth (Ch.), Chimiste, Membre du Conseil municipal, 2, rue de Fleuras. — Paris.
Leconte , Ingénieur civil des mines, 49, rue Laffitte. — Paris
Lecoq de Boisbaudran, Correspondant de L'Institut, Négociant. — Cognac
Le Fort (Léon), Membre de l'Académie de médecine, Professeur à la Faculté,
96, rue de la Victoire. — Paris
Le Marchand (Augustin), Ingénieur géologue, aux Chartreux. — Petit Quevilly,
près Rouen
Lesseps (Ferdinand de), Membre de l'Institut, Président-fondateur de la Compagnie
universelle du canal maritime de l'Isthme de Suez, 9, rue Richepance. — Paris.
Leudet, Directeur de 1 École de médecine de Rouen, 49, boul. Cauchoise.— Rouen.
Levallois (J.), Inspecteur gén. des mines en retraite. [Décédé]
Lévy-Crémieux, Banquier, 34, rue de Chàteaudun. — Paris
Loche, Ingénieur des ponts et chaussées, 16, rue de Berlin. — Paris
Df Lortet, Doyen de la Faculté de Médecine de Lyon, Directeur du Muséum
d'histoire naturelle, i,quai de la Guillottière. — Lyon
Lugol, Avocat, 11, rue de Téhéran (parc Monceaux). — Paris
Lutscher, Banquier, 43, rue La Bruyère. — Paris
Luze (de) père, Négociant, rue et château Rivière. — Bordeaux
D' Magitot, 8, rue des Saints-Pères. — Paris
Mangini, Sénateur, rue des Archers. — Lyon
Mannberger, Banquier, 59, rue de Provence. — Paris
Mannheim, Chef d Escadrons d'artillerie, Professeur à l'École polytechnique, H, rue
de la Pompe (Passy) Paris »...
Mares (Henri). — Montpellier ,
Martinet (Emile), Imprimeur, 2, rue et hôtel Mignon. — Paris
Marveille (de), château de Calviac-Lassalle (Gard)
Masson (G.), Libraire de l'Académie de Médecine, 120, boulevard St-Germain.— Paris.
M. E. (anonyme). — Paris
Ménier, Membre de la Chambre de Commerce de Paris , député de Seine-et-
Marne, 37, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. — Paris H
Merle (Henri). — Salindres (Gard)
Meynard (J.-J.), Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées en retraite, 3, quai
Saint-Clair. — Lyon
MlRABAtJD, Banquier, 29, rue Taitbout. — Paris
Monod (Charles), Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, 12, rue
Cambacérès. — Paris
MoNt (C.) — Comraentry (Allier)
Morel d'Arleux (Charles), Notaire, 28, rue de Rivoli. — Paris
Dr Nêlaton, Membre de l'Institut. [Décédé)
Ollier, Ex-chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon, Correspondant de l'Insti-
tut et de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine de
Lyon, 5, quai de la Charité. — Lyon
Oppenheim frères, Banquiers, 17, rue de Londres. — Paris
Parran, Ingénieur des mines, Directeur des mines de fer magnétique de Mokta-
el-Hadid, 3, rue du Regard. — Paris
Parrot, Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine,
15, quai Malaquais. — Paris
PasteUr, Membre de l'Institut, 45, rue d'Ulm. — Paris
Perdrigeon, Agent de change, 178, rue Montmartre. — Paris
Perrot (Adolphe), Docteur es sciences, ancien préparateur de Chimie à la Faculté
de Médecine de Paris. — Genève (Suisse) ,..,,,
Peyre (Jules) , Banquier. — Toulouse
Piat (A.), Constructeur mécanicien, 49, rue Saint-Maur. — Paris
Piaton, Président du Conseil d'administration des Hospices, 9, rue Ravez. — Lyon.
Picciom (Antoine). — Pino (Corse)
XX ASSOCIATION FRANÇAISE
Poirrier, Fabricant île produits chimiques, 49, rue Hauteville. — Paris
Potier, Ingénieur des mines, répétiteur à l'École polytechnique, l.rue de Bou-
logne. — Paris
Poupinel (Paul), 64, rue de Saintonge. — Paris
Poupinel (Jules), 8, rue Murillo. — Paris
Quatrefages de Bréau (de), Membre de l'Institut, Professeur au Muséum, 36,
rue GeofTroy-Saint-Hilaire. — Paris
Bécipon (Emile), Propriétaire-Industriel, 47, avenue Friedland. — Paris
Beinach, Banquier, 31, rue de Berlin. — Paris
Benouard fils (Alfred), Filateur, 46, rue Alexandre Leleux. — Lille
Benouvier (Charles), à la Verdette, près le Pontet, par Avignon (Vaucluse). . . .
Biaz (Auguste de), Banquier, 10, quai de Betz. — Lyon
Dr Bicord, Membre de l'Académie de Médecine, 6, rue de Tournon. — Paris. . .
Biffaut (le général), 10, rue Garancière. — Paris
Bigaud, Fabricant de produits chimiques, 8, rue Vivienne. — Paris
Bigaud (Madame), 8, rue Vivienne. — Paris
Bisler (Charles), Chimiste, 39, rue de l'Université. — Paris
Bochette (de la), Maître de forges (Hauts-Fourneaux et Fonderies de Givors), 11,
cours du Midi. — Lyon
Bolland, Membre de l'Institut, Directeur général des Manufactures de l'Étal,
66, rue de Bennes. — Paris
Dr Bollet de l'Yslk. — Montmerle-sur-Saône (Ain)
Bomilly (de), 22, rue Bergère. — Paris
Bosiers (des), Propriétaire, 154, boulevard Haussmann. — Paris
Bothschild (le baron Alphonse de), 2, rue Saint-Florentin. — Paris
Dr Boussel (Théophile), Député de la Lozère, 118, rue Neuve-des-Mathurins.
— Paris
Bouvière (A.), Ingénieur civil et Propriétaire. — Mazamet (Tarn)
Saint-Paul de Sainçay, Directeur de la Société de la Vieille-Montagne, 19, rue
Richer. — Paris
Salet (Georges), Préparateur à la Faculté de Médecine, 84, boulevard St-Germain,
— Paris
Salleron, Constructeur, 24, rue Pavée, (au Marais). — Paris
Salvador (Casimir), [Décédé).
Salvador (Casimir), 2e souscription. (Décédé)
Sauvage, Directeur de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est. (Décédé) . . .
Say (Léon), Sénateur, Ministre des Finances, 45, rue La Bruyère. — Paris ....
Scheorer-Kestiser, Sénateur, 84. rue Neuve-des-Mathurins. — Paris
Schrader père, ancien Directeur des classes de la Société philomathique, 20,
rue Borle. — Bordeaux
Sedillot (C), Membre de l'Institut, Ex-Médecin Inspecteur général, Directeur de
l'École militaire de santé de Strasbourg, 131, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Serret, Membre de l'Institut, 36, rue Saint-Martin. — Versailles
Seynes (dk), Agrégé à la Faculté de Médecine, 63, rue de Varcnnes. —Paris. .
Siébert, 23, rue Paradis-Poissonnière. — Paris
Société anonyme des Houillères de Montrambert et de la Béraudière. — Lyon.
Société nouvelle des Forges et chantiers de la Méditerranée, 28, rue Notre-
Dame-des-Victoires. — Paris
Dr Suchard. — Lausanne (Suisse)
Surell, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées en retraite, Administrateur
du Chemin de fer du Midi, 54, boulevard Haussmann. — Paris
Talabot tPaul), Directeur général des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la
Méditerranée, 10, rue Saint-Arnaud. — Paris
Thénàrd (le baron Paul), Membre de l'Institut, 6, place Saint-Sulpice. — Paris.
Tissié-Sarrus, Banquier. — Montpellier
Tourasse (Pierre-Louis), Propriétaire, Petit Boulevard. — Pau
Tourasse (Pierre-Louis), 2e souscription
Tourasse (Pierre-Louis), 3e souscription
Tourasse (Pierre-Louis), 4e souscription
Vautier (Emile), Ingénieur civil, 46, rue Centrale. — Lyon
Verdet (Gabriel), Président du Tribunal de commerce. — Avignon
Ykrnus (Félix), Banquier, 29, rue Tailbout. — Paris
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES \KI
Vernes d'Arlandes (Th.), 25, Faubourg-Saint-Honoré. — Paris 1
Vignon (J.), 45, rue Malesherbes. — Lyon 1
Dr Voisin (Auguste), 16, rue Séguier. — Paris 1
Wallace (sir Richard), 2, rue Laffitte. — Paris 2
Wurtz (Adolphe), Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté de Médecine et à
la Faculté des Sciences, 27, rue Saint-Guillaume. — Paris 1
Wurtz (Théodore), 40, rue de Berlin, — Paris 1
MEMBRES A VIE
Anonyme, 42, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris.
Baille (Mme), 2, rue de Fleuras. — Paris.
Bargeaud (Paul), Percepteur. — Saint-Genis-de-Saintonge (Charente Inférieure) ,
Baron, Ingénieur de la Marine, rue du Ha. — Bordeaux.
Dr Barrois (Oh.), 37, rue Rousselle, faubourg Saint-Maurice. — Lille.
Barrois (Jules), .17, rue Rousselle, faubourg Saint-Maurice. — Lille.
Baysellance, Ingénieur de la Marine, Président de la région Sud-Ouest du Club Alpin
— Bordeaux.
Bélime (Frédéric), Propriétaire. — Vitteaux (Côte-d'Or).
Bergeron, Ingénieur civil, 26, rue de Penthièvre. — Paris.
Bergeron (Jules), Ingénieur des Arts et manufactures, 75, rue Saint-Lazare. — l'ari-v
Bergeron (Jules), Membre, de l'Académie de médecine, 75, rue Saint-Lazare. — Paris.
Bertrand (.1.), Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France, 9, rue des
Saints-Pères. — Paris.
Bichon, Constructeur de navires. — Lormont, près Bordeaux.
Blandin, Député de la Marne, maire d'Epinay, 93, boulevard Haussmann. — Paris.
Bonneau (Théodore), Notaire honoraire. — Marans (Charente-Inférieure).
Bordier (Henri), Bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque nationale, 182, rue de
Rivoli. — Paris.
Dr Boutin (Léon), 18, rue de la Pépinière. — Paris.
Brandenburg (M™6 veuve), 1, rue de la Verrerie. — Bordeaux.
Briau, Directeur des chemins de fer Nantais. — La Madeleine-en-Varades (Loire-
Inférieure).
Brocard, Capitaine du génie. — Grenoble.
Brolemann (Georges), Administrateur de la Société générale, 166, boulevard Hauss-
mann. — Paris.
Brolemann, Président du Tribunal de commerce, 11, quai Tilsit. — Lyon.
Caix de Saint-Aymour (Vicomte Am. de), Membre du Conseil général de l'Oise,
de la Société d'anthropologie et de plusieurs Sociétés savantes. — Château d'Ognon,
près Barbery (Oise).
Caperon père.
Caperon fils.
Cardeilhac, Négociant, 91, rue de Rivoli. — Paris.
Cassagne (comte Antoine de), Propriétaire, membre de la Société des Sciences
industrielles, Arts et Belles-Lettres de Paris, au château de Saint-Jean-de-
Libron, près Béziers (Hérault).
'Cazalis de Fondouce (Paul-Louis), Secrétaire général de l'Académie des Sciences
et lettres de Montpellier, 18, rue des Étuves. — Montpellier (Hérault).
Cazeneuve, Directeur de l'École de médecine, 26, rue des Ponts-de-Comines. — Lille.
Cazenove (Raoul de), Propriétaire, 8, rue Sala. — Lyon.
Cazottes (A.-M.-.I.), Pharmacien. — Millau (Aveyron).
Chambre des Avoués au Tribunal de lre instance. — Bordeaux.
Chambre de Commerce du Havre.
Dr Chatin (Joannès), Professeur agrégé à l'École supérieure de pharmacie, 49, rue
de Rennes. — Paris.
Dr Chil-y-Naranjo (Grégorio). — Palmas (Grand-Canaria).
Cleveland Abbe, Astronome et Météorologiste, Army Signal Office.— Washington (U.S.).
Cloizeaux (des), Membre de l'Institut, Professeur au Muséum, 13, rue Monsieur.— Paris.
Clouzet (Ferd.), Conseiller général, cours des Fossés. — Bordeaux.
XXII ASSOCIATION FRANÇAISE
P.otteau, 36, boulevard Saint-Michel. — Paris.
CûUNORD (F..), Ingénieur civil, 127, cours du Médoc. — Bordeaux.
Crespel-Tilloy (Charles), Manufacturier, 14, rue des Fleurs. — Lille.
Dr Dagrève (E.), Médecin du Lycée et de l'Hôpital. — Tournon (Ardèche).
Dr D.uly (Eugène), 5, rue Legendre. — Paris.
Degorce (E.), Pharmacien de lr* classe de la marine. — Cayenne (Guyane française).
Delattre (Carlos), Filateur. — Roubaix.
Delessert (Edouard), 17, rue Raynouard. — Paris-Passy.
Delon (Ernest), Ingénieur civil, 14, rue du Collège. — Montpellier.
Delvaille, Docteur en médecine. — Bayonne.
Depaul (Henri), avenue Drouet-d'Eiion. — Reims.
Detroyat (Arnaud). — Bayonne.
Dida (A.), Chimiste, 9, rue Popincourt. — Paris.
Dida, fils, 9, rue Popincourt. — Paris.
Doré-Grasun (Edmond), 24, rue Crébillon. — Nantes.
Douvillé, Ingénieur des Mines, 3, rue du Bac. — Paris.
Dr Dransart. — Somain (Nord).
Duclaux (Emile), Professeur à la Faculté des sciences, 29, avenue de Noailles.— Lyon-
Ducrocq (Auguste). — Niort (Deux-Sèvres).
Dr Dulac. — Montbrison.
Eichthal (Gustave d'), 44, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris.
Eichthal (Eugène d'), 44, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris.
Eichthal (Georges d'), 24, rue de l'Arcade. — Paris.
Eichthal (Louis d'). — Les Bezards, par Nogent-sur-Vernisson (Loiret).
Elisen, Ingénieur administrateur de la Compagnie générale transatlantique, 21, rue
Abbatucci. — Paris.
Espous (Auguste d'). — Montpellier.
Faye, Membre de l'Institut, Inspecteur général de l'Instruction publique, 9, chaussée
de la Muette. — Paris.
Fontarive, Propriétaire. — Linneville, commune de Gien (Loiret).
Fodrment (le baron de), — Cercamp-lès-Frévent (Pas-de-Calais).
Fournier (Félix), 3Iembre de la Commission des échanges internationaux, au Minis-
tère de l'Instruction publique, 119, rue de l'Université. — Paris.
Dr Fromentel (de). — Gray.
Giard, Professeur à la Faculté des sciences, 75, rue Beauharnais. — Lille.
Dr Gibert, 41, rue Séry. — Havre.
Dr Gintrac (Henri), Directeur de l'École de médecine. — Bordeaux.
Gobin, Ingénieur en chef du service municipal, 8, place Saint-Jean. — Lyon.
Gournerie (de la), Membre de l'Institut, Inspecteur général des ponts et chaussées,
75, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Guieysse, Ingénieur hydrographe de la marine, 42, rue des Écoles. — Paris.
Guy, Négociant, 29, quai Valmy. — Paris.
Héron (Guillaume), propriétaire, 11, rue Sainte-Ursule. —Toulouse.
Hovelacque-Gense, 2, rue Fléchier.— Paris.
Hovelacque-Khnopff, 88, rue des Sablons. — Passy-Paris.
Humbert (G.) 45, rue Malesberbes. — Lyon.
Jackson (James), 13, avenue du Bois de Boulogne. — Paris.
Jones (Charles), chez M. R.-P. Jones, 14, boulevard Malesherbes. — Paris.
Jungfleisch, Conservateur des Collections à l'École polytechnique. — Paris.
Kœchlin (Jules), avenue Ruysdaël, 4 (parc Monceaux). — Paris.
Labrunie. Négociant, 49, Pavé des Chartrons. — Bordeaux.
Lacretelle, Ingénieur. — Bois-d'Oingt (Rhône).
Laennec , Directeur de l'École de médecine, 13, boulevard Delorme. — Nantes.
Lallié (Alfred), Avocat, 11, tenue Camus. — Nantes,
Dr Lantier (E.), 150, avenue de Neuilly. — Neuilly.
Laroche (Félix) , Ingénieur des Ponts et Chaussées, 118, avenue des Champs-
Elysées. — Paris.
Laroche (Mmo Félix), 118, avenue des Champs-Elysées. — Paris.
Latham (Lionel), 9, rue Escarpée. — Havre.
Laussedat, Colonel du génie, Professeur au Conservatoire des Arts-et-Métier*
15, rue Vanneau. — Paris.
Lavalley, Ingénieur, 18, rue Murillo. — Paris.
Lebret (Paul) , 22, rue Cauraartin. — Paris.
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES XXIII
Lechat (Charles), maire de Mantes, place Launay. — Nantes.
Le Monnibr, Professeur de botanique à la Faculté «1rs sciences. — Nancy.
Lepine, Professeur à la Faculté de médecine de Lyon. — Lyon.
Lespiault, Professeur à la Faculté des sciences, rue Michel-Montaigne. — Bordeaux.
Levasseur, Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France, 26, rue Monsieur-
le-Prince. — Paris.
Lisbonne, Ingénieur de la marine, 168, rue du Faubourg-Saint-Honoré. — Paris.
Longhamps (G. de), Professeur de mathématiques spéciales au Lycée — Poitiers.
Longhaye (Àug.), Négociant, 22, rue de Tournai. — Lille.
Loriol (de), Ingénieur civil, ancien élève de l'École des mines, 46, rue Centrale. —
Lyon.
Loter (Henri), Filateur, 394, rue Notre-Dame. — Lille.
Maas, 15, rue de la Banque. — Paris.
Mahyer, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, 102, rue de Grenelle-Saint-Ger-
main. — Paris.
Mangin (A.), Directeur des constructions navales, 42, rue de Berri. — Paris.
Marchegay, Ingénieur civil des Mines, 27, quai Tilsit. — Lyon.
Dr Mares (Paul), rue Babazoun. — Alger.
Makignac (Charles) , Professeur. — Genève (Suisse).
Marjolin , Chirurgien des hôpitaux, 16, rue Chaplal. — Paris.
Martin (William), chargé d'affaires d'Hawaï, 13, avenue delà Beine-Hortense. — Paris.
Masurier (J.), Négociant, 3, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
Maurel (Marc), Banquier, Conseiller municipal. — Bordeaux.
Maurel (Emile) , Négociant, 7, rue d'Orléans. — Bordeaux.
Maxwell-Lyte (F.), Ingénieur chimiste, 6, cité du Betiro, 30, Faubourg Saint-Honoré.
— Paris.
Mbunier (Madame Hippolyte). (Décédée.)
D' Micé, Professeur à l'École de Médecine. — Bordeaux.
Milne Edwards (Alphonse) , Professeur de zoologie au Muséum et à l'École de phar-
macie, rue Cuvier, au Muséum. — Paris.
Mirabaud (Paul), 29, rue Taitbout. — Paris.
Mont-Louis, Imprimeur, 2, rue Barbançon. — Clermont-Ferrand.
Mortillet (Gabriel de), attaché au Musée des Antiquités nationales. — Saint-Gei
main-en-Laye.
Dr Nicas. — Fontainebleau.
Normand, Conseiller général de la Loire-Infér., 12, quai des Constructions. — Nantes.
OniER , Directeur-Adjoint de la Caisse générale des Familles, 4, rue de la Paix. —
Paris.
Œchsner de Contnck (William), 105, rue de Bennes. — Paris.
Parise, Professeur à l'École de Médecine, 26, place des Bluets. — Lille.
Parmentier (le général), Membre du Comité des fortifications, hôtel d'Orléans, 17, rue
Richelieu. — Paris.
Passy (Frédéric) , Membre de l'Académie des sciences morales et politiques, 8, rue
Labordère. — Neuilly-sur-Seine.
Pereire (Henry), 35, Faubourg-Saint-Honoré. — Paris.
Pereire (Emile) , 89, rue de Morny. — Paris.
Pereire (Eugène!, Administrateur de la Compagnie générale transatlantique, 8'», bou-
levard Malesherbes. — Paris.
Perez, Professeur à la Faculté des Sciences. — Bordeaux.
Perricaud, Cultivateur. — La Balme (Isère).
Dr Perroud, Médecin de l'Hôtel-Dieu, chargé de cours à la Faculté de médecine de
Lyon, 6, quai des Célestins. — Lyon.
Philippe (Léon), Ingénieur des Ponts et Chaussées, 80, rue Taitbout. — Paris.
Piche (Albert) , Conseiller de préfecture, 8, rue Mnntpensier. — Van
Dr Pierrou. — Chazay-d'Azergues (Rhône).
Plassiard, Ingénieur des Ponts et Chaussées en retraite, 4, rue Poissonnière-, —
Lorient (Morbihan).
Pommery (Louis), Négociant en vins, rue Vauthier-Le-Noir. — Beims.
Prat, Chimiste, 101, route de Toulouse. — Bordeaux.
Quatrefages (Madame de), 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire. —Paris.
Quatrefages (Léonce de), 36, rue Geoffroy-Saint-Hilalre. —Paris.
Heille (le baron), Député du Tarn, 10, boulevard de la Tour-Maubourg. — Paris.
Dr Beliquet, 17, boulevard de la Madeleine. — Paris.
XXIV ASSOCIATION FRANÇAISE
Renouard (Madame Alfred), 46, rue Alexandre' Leleux. — Lille.
Rilliet, 8, rue de l'Hôtel-de- Ville. — Genève (Suisse).
Risler. — Calèves, près Nyon, canton de Vaud (Suisse).
Robin , Banquier, 38, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Lyon.
Robin Ch.), sénateur, membre de l'Institut et de l'Académie de Médecine, 94, bon
levard Saint-Germain. — Paris.
Roger (Henri) , Membre de l'Académie de Médecine, Professeur agrégé à la Faculté
de Médecine, 15, boulevard de la Madeleine. — Paris.
Sabatier (Armand), Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. — Montpellier.
Saint-Olive (G.) , Banquier, 13, rue de Lyon. — Lyon.
Schlumberger (Charles), Ingénieur des eonstructions navales, 30, rue du Plat. —
Lyon.
Segretain , Commandant du génie, 60, cours d'Aquitaine. — Bordeaux.
Servier (Aristide-Edouard) , Ingénieur des arts et manufactures, Directeur de la
Compagnie du gaz de Metz, 21, rue Baudin. — Paris.
Seynes (Léonce de), 58, rue Calade. — Avignon.
Siégler (Ernest), Ingénieur des Ponts et Chaussées. — Bar-le-Duc.
Société académique de la Loire-Inférieure. — Nantes.
Société philomathique de Bordeaux.
Société industrielle d'Amiens. — Amiens.
Société centrale de Médecine du Nord. — Lille.
Stengelin, maison Évèque et Cie, 31, rue Puits-Gaillot. — Lyon.
Dr Teillais, place du Cirque. — Nantes.
Dr Teissier, Professeur à la Faculté de médecine de Lyon, 16, quai Tilsitt. —
Lyon.
Terquem (Alfred), Professeur à la Faculté des Sciences, 116, rue Nationale. —
Lille.
Dr Thulié, 31, boulevard Beauséjour. — Paris.
Trélat (Ulysse), Membre de 1 Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de
Médecine, 33, rue Jacob. — Paris.
Turenne (le marquis de) , 26, rue de Berri. — Paris.
Dr Vaillant (Léon), Professeur au Muséum, 5, rue Médicis. — Paris.
Vanev (Emmanuel), Conseiller à la Cour dappel, 14, rue Duphot. — Paris.
Van Iseghem (Henri), avocat, conseiller général de la Loire-Inférieure, 1, rue de
l'Hôtel-de- Ville. — Nantes.
Vassal (Alexandre). — Montmorency (Seine-et-Oise).
Vautier (Théodore) , étudiant, 46, rue Centrale. — Lyon.
Verneuil. Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine
11, boulevard du Palais. — Paris.
Vbvrin (Emile), fondé de pouvoir au Crédit lyonnais, Secrétaire de la Société d'éco-
nomie politique. — Lyon.
Vieillard (Albert), 77, quai de Bacalan. — Bordeaux.
Vieillard (Charles), 77, quai de Bacalan. — Bordeaux.
Viellard (Henri), Manufacturier. — Morvillars (Haut-Rhin).
Willm, Chef des travaux chimiques à la Faculté de Médecine, 82. boulevard .Mont-
parnasse. — Paris.
POUR I. \\ WCKMKNT DES SCIENCES XXV
MEMBRES ANNUELS
Les noms des membres Fondateur* sont suivis de la lettre Tel ceux des membres à vie
île lu lettre R. — Les asl,-risi/ues indiquent les membres ont ont assiste au Congrès
itu Havre.)
Abaoie père. Vétérinaire, 5, rue Franklin. — Nantes.
Abbadif. (n'), Membre de l'Institut, 12(1, nu- ilu Bac. — Paris. — F
Abria, doyen de la Faculté des Sciences, quai de Bacalan. — Bordeaux.
Académie des Sciences, Belles-Lettres ci Arts — Bordeaux.
Adam (Paul), place Bichelieu. — Bordeaux.
•Adam (A.). Directeur de tissage. — Le Thillot (Vosges).
Admyrauld (Gabriel). — La Rochelle (Charente-Inférieure).
Agache (Edouard), .Manufacturier, 47. boulevard de la Liberté. — Lille
Agache (Edmond), 49, boulevard de la Liberté. — Lille.
Agache (Alfred), square de Jussieu. — Lille.
Aimé-Girard. Professeur au Conservatoire des Arts .-t Métiers, ">. rue du Bellay, —
Paris. — F
*Aimry, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
Alanore, Pharmacien de ire classe, Président de la Société médicale, Membre de la
Société botanique de France. — Clermont-Ferrand.
Alauze, Avoué, rue Ferrère. — Bordeaux.
Albenque, Pharmacien. — Bodez (Aveyron).
Alberti, Banquier, 17, rue de Londres, — Paris. — F
Alexandre, Pharmacien, 20, cours du Chapeau-Bouge. — Bordeaux.
Wlglave (Em.), Directeur de la Revue scientifique, Villa de la Réunion, 122, route de
Versailles. — Paris (Auteuil) .
Alicot (Mme veuve), rue Sainte-Foix. — Montpellier.
Dr Alix, Médecin principal de lre classe à l'Hôpital militaire. — Toulouse.
Allard (Henri), conseiller municipal, rue Bonne-Louise. — Nantes.
Allezard, Juge d'instruction. — Issoire (Puy-de-Dôme).
Alliot, Ingénieur, filature Péan, rue Miséricorde. — Nantes.
"Alluard (E.), Doyen de la Faculté des sciences, Directeur de l'Observatoire météo-
rologique du Puy-de-Dôme. — Clermont-Ferrand.
Almeida (d'), Professeur au lycée Corneille, 31, rue Bonaparte. — Paris. — F
Alphandery, Membre du Tribunal de commerce, 4, rue de la Licorne. — Alger.
Amboix (d'), Capitaine d état-major, 69, boulevard Malesherbes. — Paris. —F
Amé (G.), attaché au chemin de fer du Midi, 7, rue Naujac. — Bordeaux.
Amenc (Léon), place Delille, maison Jarton. — Clermont-Ferrand.
Andouard, Pharmacien, Professeur à l'École de Médecine et de Pharmacie, 1, rue du
Calvaire. — Nantes.
Andouillé (Edmond), Sous-Gouverneur honoraire de la Banque de France, 2, rue du
Cirque. — Paris. — F
André (Fréd.), Ingénieur des Ponts et Chaussées. — Bayonne.
André (Charles), Astronome, Professeur à la Faculté des Sciences. — Lyon.
André (Alfred), Banquier, 49, rue Abbatucci. — Paris. — F
André (Edouard), 158, boulevard Haussmann. — Paris. — F
*Angot (Alfred), Professeur au Lycée Fontanes, 9, rue Berthollet. — Paris.
Anonyme, 42, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris. — R
Arbaumont (Jules d'), Membre de l'Académie de Dijon, 43, rue Sermaise. — Dijon.
Dr Ariza. — Madrid.
Dr Arles, 4, rue des Trésoriers de la Bourse. — Montpellier.
Ablès-Dufour (Armand), 12, place Louis XVI. — Lyon.
Armaingaud, Docteur en Médecine, 61, cours de Tourny. — Bordeaux.
XXVI ASSOCIATION FRANÇAISE
Vrmilhon (L.), Maire d'Ambert, Conseiller général du Puy-de-Dôme.— Ambert (Puy-
de-Dôme),
A un \ in, Vétérinaire, 52, place de Jaude. — Clermont-Ferrand.
Arnoult (Jules), Chef du bureau de la voie au chemin de 1er des Charcutes. —
Saintes,
*Akquenbourg (Charles), Ingénieur civil. — Pont-de-Metz par Amiens.
Arosa (A,), Membre de la Société de géographie, 42, rue Bassano. — Paris.
*Arson, Ingénieur en chef de la Compagnie du gaz, 40, rue de Bourgogne. —
Paris. «
'Asselin, Courtier, 5, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
Astaix, Conseiller général du Puy-de-Dôme, 6, rue de Mézières. — Paris.
Aubergier, Doyen de la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand. — Clermont-
Ferrand.
*D' Aubert, 33, rue Bourbon. — Lyon.
Aubert (Charles), Licencié en Droit, Avoué plaidant. — Rocroi (Ardennes). — F
*Audin (Emile), Chimiste, 176, rue du Temple. — Paris.
Aubry, Ingénieur des Ponts et Chaussées. — Milhau (Aveyron).
Dr AunÉ, — Fontenay-le-Comte (Vendée).
"Audenet, Ingénieur en chef de la Compagnie transatlantique. — Havre.
Aurilhon, chef de section de la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée. — Thiers (Puy-
de-Dôme) .
Avenard (Alfred), Négociant. — Pouliguen (Loire-Inférieure).
Aynard (Ed.), Banquier, 19, rue de Lyon. — Lyon. — F
Azam, Professeur à la Faculté de Médecine. — Bordeaux. — F
Azambre (F.), Notaire. — Fourmies (Nord).
Dr Bachelot-Villeneuve. — Saint-Nazaire (Loire-Inférieure).
*Bachelu (Louis), Ingénieur civil, 49, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Lyon.
Bâclé (Louis), Ingénieur, 137, boulevard Magenta. — Paris.
Dr Baelde. — Marcq-en-Barceul iNord).
*Bailhache, Régisseur de biens, 29, rue de l'Orangerie. — Havre.
D' Baillarger, Membre de l'Académie de Médecine, 8, rue de l'Université. —
Paris.
*Baille, Répétiteur à l'Ecole polytechnique. 2, rue de Fleurus. — Paris. — F
"Baille (M-0), 2, rue de Fleurus. — Paris. — R
Bâillon, Professeur à la Faculté de Médecine, 12. r rue Cuvier. — Paris. — F
Bâillon (MraB H.), 12, rue Cuvier. — Paris.
"Baillou (A), Propriétaire. — Vérac (Gironde).
Balguerie (Edmond), 25, allées de Chartres. — Bordeaux.
Balguerie (Raoul), Consul ottoman, 26, cours du Chapeau-Rouge. — Bordeaux.
Balguerie (Mra° Raoul), 26, cours du Chapeau-Rouge. — Rordeaux.
Bail, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. 3, Faubourg-Saint-Honoré,
-- Paris.
"Ball (Allen), 3, rue de l'Orangerie. — Havre.
*Ball. — Sainte- Adresse (Seine-Inférieure).
Bamherger, Banquier, 12, rue Boissy d'Anglas. — Paris. — F
Baour (Abel), Membre de la Chambre de Commerce, cours du Chapeau-Rouge. —
Bordeaux.
*Dr Baraduc (Léon), Médecin des mines de Saint-Éloi.— Monlaigut-en-Combraille, par
Saint-Éloi (Puy-de-Dôme).
"Barascud (Hippolyte), Pharmacien, 57, rue du Cherche-Midi. — Paris.
Dr Baratier. — Bellenave (Allier).
Baruedette (Frédéric), 12, rue Réaumur. — La Rochelle.
Dr B\rhat (Antoine). — Charlieu (Loire).
Barbier (Ernest), Pharmacien, rue des Quatre-Églises. — Nancy.
"Barbier, Docteur ès-sciences, 54, rue Hélène. — Havre.
*Barbier, Peintre, rue Édouard-Larue. — Havre.
*Barbot, Constructeur-Mécanicien, impasse Liard. — Havre.
"Barbulée (Edmond), rentier, 63, rue d'Orléans. — Havre.
Bardoux. Député du Puy-de-Dôme, Ministre de l'Instruction publique. — Paris.
Barge (Henry), Architecte, élève de l'École des Beaux-Arts, maire. — Jeanneyrias
(Isère).
*Bargeaud (Paul), Percepteur. — Saint-Genis-de-Saintonge (Charente-Inférieure). — R
Bargoin, Négociant, 27, rue Balainvillers. — Clermont-Ferrand.
POUR h AVANCEMENT DES SCIENCES XXVII
Barmont (de), 2, rue de Salorges. — Nantes.
Baron, Ingénieur de la Marine, rue du Ha. — Bordeaux. — R
'Baron, Ingénieur, Directeur des Tabacs. — Havre.
Barral (J.-A.), Secrétaire perpétuel de la Société centrale d'agriculture de France.
66, rue de Rennes. — Paris.
Barrois (Th.), Filateur, 113, rue Launoy. — Lille-Fives.
*Dr Barrois (Ch.), 37, rue Rousselle, faubourg Saint-Maurice. — Lille. — R
•Barrois (Jules), 37, rue Rousselle, faubourg Saint-Maurice. — Lille. — R
Bartholony, Président du Conseil d'administration du chemin de fer d'Orléans, 12.
rue La Rochefoucauld. — Paris. — F
Dr Barudel, Médecin en chef de l'hôpital militaire, 11, rue de Paris. — Vichy
(Allier).
Basset (Charles), Négociant, 34, rue des Merciers. — La Bochelle.
Dr Basset, Médecin inspecteur des eaux de Royat, 2, cité Trévise. — Paris.
Basset (Henri), Étudiant en médecine, 2, cité Trévise. — Paris.
'Basset, Négociant, 19, rue Mare. — Havre.
*Bassot, Capitaine d'état-major, 15, rue Tronchet. — Paris.
Bastide (Etienne), Pharmacien, 4, rue de la Citadelle. — Bézièrs.
Bastide (Henri), Pharmacien, 27, place Francheville. — Périgueirx.
Batilliat (Sisoï), Pharmacien, 25, rue Pont-Laguiche. — Màcon.
Baud, Conseiller municipal, 6, rue Saint-Louis. — Clermont-Ferrand.
Dr Baudet. — Cadillac, par Cérons (Gironde).
Baudoin (Edouard), Négociant, 28, place Notre-Dame. — Étampes.
Baudouin, Marchand de fer. — Pons (Charente-Inférieure).
Baudrimont père, Professeur à la Faculté des sciences. — Bordeaux.
Dr Baudrimont lils. — Bordeaux.
*Baudry, Agent-Voyer en chef, 14, rue Lemaistre. — Havre.
Baumgartner, Ingénieur des Ponts et Chaussées, rue de la Verrerie. — Bordeaux.
Baumevielle (Aristide), 4, rue de l'Échiquier. — Paris.
*Bayard, Pharmacien, ancien interne des hôpitaux de Paris, Secrétaire de la
Société des pharmaciens de Seine-et-Marne. — Fontainebleau.
Baysellance, Ingénieur de la Marine, Président de la région sud-ouest du club Alpin.
— Bordeaux. — R
Bazaine, Ingénieur des Ponts et Chaussées en retraite, 94, rue d'Amsterdam. — Paris.
Bazaine (Achille), Ingénieur civil, ancien élève de l'École polytechnique, 42, rue de
Bruxelles. — Paris.
Bazaine (Mrae Achille), 42, rue de Bruxelles. — Paris.
*Bazan, ancien Avoué, 169, boulevard de Strasbourg. — Havre.
Beau-Delince, Propriétaire. — Saintes (Charente-Inférieure).
Beaudin (Léon), Architecte, 8, rue Plantey. — Bordeaux.
'Beaufort (de), Sous-Chef de l'exploitation de la Compagnie transatlantique, 35, quai
d'Orléans. — Havre.
*DP Beauregard (Henri), 38, rue d'UIra. — Paris.
Béal (l'abbé), Professeur de mathématiques. — Pléaux (Cantal).
*Dr Béchamp (Joseph), Professeur de chimie à la Faculté de médecine de l'Université
catholique, 8, rue Beauharnais. — Lille.
*Béchamp, Doyen de la Faculté de Médecine de l'Université catholique, 8, rue Beau-
harnais. — Lille. — F
*Béchamp (Mlle Thérèse), 8, rue Beauharnais. — Lille.
Bechi (E.), Professeur à l'Institut technique. — Florence (Italie).
Béclard, Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine.
65, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Bedorez, Professeur de physique au Lycée du Mans, 60, rue de Flore; — Le Mans.
Béer (Guillaume), 88, rue des Mathurins* — Paris.
Beigbeder (D.), ancien Ingénieur des* manufactures de l'État, 13, rue d'Arcet. —
Paris .
Bélime (Frédéric), Propriétaire. — Vitteaux (Côte-d'Or). — R
Belaigne de Bughas, Consul de France. — Newcastle (Angleterre).
'Bellet, Notaire. — Montferrand (Puy-de-Dôme).
'Bellet (M""). — Montferrand (Puy-de-Dôme).
Bellier, Ingénieur civil, 101, cours d'Alsace-Lorraine. — Bordeaux.
'Belloc, Ingénieur, ancien élève de l'École polytechnique. — LTsIe-sur-le-Serein
(Yonne).
XXVIII ASSOCIATION FRANÇAISE
*Bellot, Docteur-Médecin, 5, rue des Pincettes. — Havre.
*Bellot, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, 11, place de PHôlel-de-Ville. _
Havre.
Belon, fabricant, avenue île Noailles. — Lyon. — F
Dr Benoit, Docteur ès-sciences, Ingénieur civil, 4, passage des Eaux. — Paris
(Passy).
Benoit (Léon). — Le Croisic (Loire-Inférieure).
Beral (E.), Ingénieur des Mines, GO, rue Taitbout. — Paris. — F
Dr Berchon, Médecin principal de 1" classe de la marine, Directeur du service sani-
taire de la Gironde. — Pauillao (Gironde).
Berchon (M™»). — Pauillac (Gironde).
Berdoly (H.), Avocat. — Château d'Uhuart-Mixe, près Saint-Palais (Basses-Pyrénées).
Berge, Avocat, 20, rue Malher. — Paris.
'Bergeron, Ingénieur civil, 26, rue de Penthièvre. —Paris. — R
*Bergeron (Jules), Ingénieur des arts et manufactures, 75, rue Saint-Lazare. —
Paris. — R
*Bergeron (Jules), Membre de l'Académie de Médecine, 75, rue Saint-Lazare. — Paris.
— R
Bergis-Dounous (Èm.), 17, rue Villebourbon. — Montauban.
Bergis (Léonce), Propriétaire. — Tempe, près Montauban.
Berluc-Pérussis (L. de), Sous-Directeur de l'Institut des provinces. — Aix-en-
Provence.
Bernadac (A.), ancien élève de l'École polytechnique, ancien lieutenant de vaisseau,
10, rue de Borne. — Paris.
Bernard (Bémy), Conseiller municipal, boulevard Saint-Aignan. — Nantes.
Bernard, Contrôleur des Contributions directes, 5, rue de l'Escale. — La Bochelle.
Bernard (Auguste), Percepteur des Contributions directes. — Saint-Martin-de-Bé.
"Bernal, Consul britannique, 15, rue Edouad-Larue. — Havre.
Berne, Chargé de cours à la Faculté de Médecine de Lyon, 14, rue Saint-Joseph.
Lyon.
Berrens. Manufacturier. — Barcelone.
"Berteloot, Clerc principal, 24, rue de la Comédie. — Havre.
"Bertèche (G.). — Saint-Amand-les-Eaux (Nord).
"Berthaut, Professeur à l'École Monge, 19, rue Jouffroy. — Paris (Batignolles).
Berthier (Camille), Ingénieur civil. — La Ferté-Saint-Aubin (Loiret).
*Dr Bertillon, 20, rue Monsieuc-le-Prince. — Paris.
Dr Bertin (Georges), Professeur suppléant à l'École de Médecine, 2, rue Franklin.
— Nantes.
"Bertin, Sous-Directeur de l'École normale, 45, rue d'Ulm. — Paris.
Bertrand (J.), Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France, 9, rue des
Saints-Pères. — Paris. — R
"Besnard, Pharmacien, 175, rue de Normandie. — Havre.
Besselièvre (Ch.), Manufacturier, Conseiller général de la Seine-Inférieure. —
Maromme, près Bouen.
Bethmann (Edouard), 5, rue de la Verrerie. — Bordeaux.
'"Bethouard (Emile), Beceveur des Domaines. — Doullens (Somme).
Beurier, Professeur, 2, rue Brochant. — Paris.
Beylot, Vice-Président du Tribunal civil. — Bordeaux.
Bézineau, 31, rue des Argentiers. — Bordeaux.
Bibliothèque de l'École Fénelon, 23, rue Malesherbes. — Paris.
Bichon, Constructeur de navires. — Lormont, près Bordeaux. — R
Bidard (L.), Membre de la Société géologique de Normandie. — Havre.
*Dr Biehmonî (de), 10, rue Marengo. — Bordeaux.
Bignon (Jean), Élève à l'École centrale, 1, rue Le Peletier. —Paris.
Billault-Billaudot et Cie, Fabricants de. produits chimiques, place, de la Sorbonne.
— Paris. — F
Dr Billon, Maire. — Loos (Nord).
Billy (Charles de), Conseiller référendaire à la Cour des Comptes. 14. rué Franklin.
— Paris. — F
Billy (Alfred de), Inspecteur des Finances, 2, rue Corvelto. — Paris.
•Bimar (Auguste), rue Édouard-Adam. — Montpellier.
'Binet, Maison Perquer. — Sainte- Adresse (Havre).
•Biochet, Notaire. — Caudebec (Seine-Inférieure).
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES XXIX
'Bmghoffshbim (Raphaël-Louis), 39, boulevard Haassmann. — Paris. — F
D' Bitot, Professeur à 1 École de Médecine. — Bordeaux.
'Riais, Courtier, 5, place de l'Hôtel-de- Ville. — Havre.
Dr Blanchet. — Le Montet-aux-Moines (Allier).
Bi.andin, Député de la Marne, Maire d'Epinay, 93, boulevard Haussmann. — Paris.— R
'Blavet, Négociant, Président de la Société d'horticulture de l'arrondissement
d'Étanipes, 10, 1:2 et 14, rue de la Juiverie. — Étampes (Seine-et-Oise).
♦Blbszynski (Félicien), Ancien officier d'artillerie, 21, rue Mogador. — Havre.
Blondeau (Charles), 15, boulevard du Roi-René. — Ai\.
Bi.iit, Membre de l'Académie de Médecine, 24, avenue de Messine. — Paris. — F
Bobierre, Directeur de l'École supérieure des Sciences, 12, rue Voltaire. — Nantes.
Boca (Alcide), ancien Membre de la Chambre de commerce. — Valènciennes.
Boca (Léon). — Valènciennes.
Boeswilwald, Chimiste, 92, rue de Maubeuge. — Paris.
Bœswilwald, Négociant, 30, rue du Chilou. —Havre.
D' Bogros. — Latour-d Auvergne (Puy-de-Dôme).
Boire, Ingénieur civil, 143, rue Beauharnais. — Lille.
*Boissellier, Agent administratif de la marine. — Rochefort (Charente-Inférieure).
Boisson (Alphonse), manufacturier, 186, route de Toulouse. — Bordeaux.
Boissonnet, Général du Génie. Sénateur, 78. rue de Rennes. — Paris. _ F
BorviN (Emile), 145, rue de Flandre. — Paris. — F
*Dr Bommy (J.-B.-Marie-Ferdinand de). — Neuchàtel-en-Bray.
"Bondet, Chargé de cours à la Faculté de Médecine de Lyon, 2, ipiai de Retz. —
Lyon. — F
Dr Bonnal. — Arcachon.
Bonneau (Théodore), Notaire honoraire. — Marans (Charente-Inférieure.) — R
Bonnet, Teinturier, 6, rue Bugeaud. — Lyon.
Bonnet (Mmo Léonie), chez M. F. Robert. — Le Puy-en-Velay.
Bonté (Ad.), Négociant, 25, boulevard delà Liberté. — Lille.
Bontems (Georges), Ingénieur civil, 11, rue de Lille. — Paris.
Bonzon, Pharmacien. — Ariane (Puy-de-Dôme).
Boquien, Chef d'escadron d'artillerie en retraite, 19, rue du Calvaire. — Nantes.
Bordier (Henri), Bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque nationale. 182, rue de
Rivoli. — Paris. — R.
Bordet (Adrien), Avocat défenseur, 4, rue Neuve-du-Divan. — Alger.
Borel, 5, quai des Brotteaux. — Lyon.
Borelli (le vicomte de), premier Secrétaire d'ambassade à Athènes, 41, rue de
l'Université. — Paris.
'Borély, 28, place de l'Hôtel-de- Ville. — Havre.
Borie (Victor), Membre de la Société centrale d'agriculture de France, 19, rue
Louis-le-Grand. — Paris. — F
Borson, Général chef d'état-major. — Clermont-Ferrand.
*Bossière (Emile) Armateur, 1, rue des Noyers. — Havre.
'Botelho (Caries-José), Étudiant en médecine, 27, rue Saint-Firmin. — Montpellier.
*Botkine (Léon), Rentier, 6, rue des Noyers. — Havre.
Dr Boucaumont. — Royat (Puy-de-Dôme) .
Boude (Paul), Raffineur de soufre, 52, rue Saint-Ferréol. — Marseille.
Boudet (F1.), Membre de l'Académie de Médecine, 30, rue Jacob. — Paris. — F
*Bougarel (Charles), Pharmacien, 8, rue F'avart. — Paris.
Bouillaud, Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté de Médecine, 32, rue Sainl-
Dominique-Saint-Germain. — Paris. — F
Bouilly, ancien Interne des hôpitaux, aide d'anatomie à la Faculté de Médecine de
Paris, 22, quai de Béthune. — Paris.
*Boulé, Ingénieur des Ponts et Chaussées, 23, rue Abbatucci. — Paris.
"Boulland, 58, rue Monsieur-le-Prince. — Paris.
Bouquet, Membre de Unstitut, 22, rue Soufflot. — Paris.
Bourdelles, Ingénieur des Ponts et Chaussées. — Lorient.
'Bourdet (Désiré), archéologue, 97, rue aux Dames. — Havre.
•Bourquin (Henri). — Havre.
*Bourquin (G.), Rentier, 67, rue des Gobelins. — Havre.
*Boudet de Bardon, Conseiller général du Puy-de-Dôme. — Riom.
*Bourdil, Ingénieur des Arts et Manufactures, 13, boulevard Haussmann. — Paris.
Bourdon (C), 87, boulevard Voltaire. — Paris.
XXX ASSOCIATION FRANÇAISE
Bourgade, Professeur à l'École de médecine et de pharmacie, rue des Grands-Jours .
— Clermont-Ferrand.
*Dr Bourgeois, 12, boulevard Poissonnière. — Paris.
Bourget (Léon), Courtier, 6, place Boyale. — Nantes.
Bouriaud, Défenseur, 34, rue Duquesne. — Alger.
Dr Bourlier (Charles), Professeur à l'École de médecine. — Alger.
Dr Boursier, 1, rueAusone. — Bordeaux.
Boussuge (V.), Avocat, 1, rue Soufflot. — Lyon.
*Dr Bouteiller (.).), Médecin des Épidémies, Membre du Conseil central d'hygiène
publique de la Seine-Inférieure, 31, rue Saint-Nicolas. — Bouen.
Boutet, Propriétaire. — Sainte-Hermine (Vendée).
D' Boutin (Léon), 18, rue de la Pépinière. — Paris. — R
Boutmy, Maître de forges, Conseiller général des Ardennes. — Messempré, par
Carignan.
*Bouvet, 51, rue de la Bourse. — Lyon.
Bouzique (Emile), Pharmacien. — Saint-Amand (Cher).
Boyenval, Ingénieur des manufactures de l'État, à la manufacture des Tabacs. —
Lyon.
BoYer (François). — Volvic (Puy-de-Dôme).
Boyer, Naturaliste, 15, rue Desaix. — Clermont-Ferrand.
D' Boymier. — Saint-Foy (Gironde).
Dr Brachet. — Aix-les-Bains.
*Dr Brame (Ch.), Professeur de chimie à l'École de médecine. — Tours.
Brandenburg (Albert), Négociant, 1, rue de la Verrerie. — Bordeaux. — F
Brandenburg (Ma'e veuve), 1, rue de la Verrerie. — Bordeaux. — R
Dr Brandza, Professeur à l'Université. — Bucharest (Roumanie).
Brandza (Mrae). — Bucharest (Roumanie).
*Brault, Lieutenant de vaisseau, 13, rue de l'Université. — Paris.
Dr Breen (James), 2, rue Notre-Dame. — Bordeaux.
Bréguet, Membre de l'Institut et du Bureau des Longitudes, 39, quai de l'Horloge.
— Paris. — F
Bréguet (Antoine), ancien élève de l'Ecole polytechnique, 39, quai de l'Horloge. —
Paris. — F
*Breittmayer (Albert), ancien Sous-Directeur des Docks et Entrepôts de Marseille.
8, place de la Préfecture. — Marseille. — F
Breton (Paul), Étudiant en pharmacie, 51, rue Pouchet. —Paris.
*BreuL (Charles), Avocat à la cour d'appel, 40, rue des Écoles. — Paris.
Brezol (Charles), Industriel. — Mohon (Ardennes).
Briau, Directeur des chemins de fer Nantais. — La Madeleine-en-Varades (Loire-In-
férieure). — R
*Bricard, Ingénieur, Secrétaire général de la Compagnie des forges et chantiers de
la Méditerranée, 9, rue Picpus. — Havre.
Bricka (Adolphe); Négociant, 13, rue Maguelonne. — Montpellier.
Bricka (Scipion) fils, 13, rue Maguelonne. — Montpellier.
*Brière, Docteur-médecin, 5, rue Madame-Lafayette; — Havre.
'Brilinski (Mme), 1, rue Fléchier, — Havre.
•Brilinski (Mathieu), Négociant, 1, rue Fléchier. — Havre.
Brissaud, Professeur d'histoire au lycée Charlemagne, 6, boulevard St-Michel. — Paris.
D' Brisson. — Averton, commune de Montils (Charente-Inférieure).
Brissonneau, Industriel, Adjoint au maire, 86, quai de la Fosse. — Nantes.
Brivet, Ingénieur de la Société anonyme de produits chimiques, établissements Malé-
tra, 140, rue de Rivoli. — Paris.
*Broca (Auguste), 1, rue des Saints-Pères. — Paris.
Broca (Mme), 1, rue des Saints-Pères. — Paris.
* Broca (Paul), Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Méde-
cine, 1, rue des Saints-Pères. — Paris. — F
Broca (de), Capitaine de port, rue de l'Ermitage. — Nantes.
Brocard, Capitaine du génie. — Grenoble. — R.
Brœmer (Gustave), Chimiste, 9, quai Serin. — Lyon.
Broet, 52, avenue de Saint-Cloud. — Versailles. — F
Broglie (le nue db), Sénateur, 10, rue de Solférino. — Paria.
Brolemann (Georges), Administrateur de la Société Générale, 166, boulevard Hauss-
mann. — Paris. — R
POUR I, A\ WC.KMKM' DKS Mll.NCES \\\l
Bhouhann, Présidenl du Tribunal de commerce, 11, quai Tilsit. — Lyon. — R
Brongniaht (Charles), dea Sociétés entomologiqaea de France et de Belgique, des
Sociétés géologiques de France el de Manchester el de I Lcadémie des sciences
naturelles de Philadelphie, au Muséum d'histoire naturelle, et 7, rue Guy-La-Brosse.
— Paris.
'Brostrom, négociant — Havre.
Brouaroel, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, 6, rue Bonaparte. — Paris.
Brciusskt (Jules), Banquier, 11, rue des Cadeniers. — Nantes.
Brouzet (Ch.), Ingénieur civil, ■".. cours Morand. — Lyon — F
Dr Bruch (Edmond , Professeur à l'École de médecine. — Alger.
Mm ki., ancien Constructeur île machines agricoles. — Moulins (Allier).
'Brunschvicg (Léon), Avocat, 8, rue Marceau. — Nantes.
Bruyère, Négociant, J7. me de Béthune. — Lille.
"Blcaille. — Bouen.
Buc.hin. — Lons-le-Saulniei'.
Buffet (Charles), Fabricant, rue Sainte-Marguerite. — Beims.
Buhan (Pascal), place des Quinconces. — Bordeaux.
Buhlmeyer, Libraire, 15, rue des Beaux-Arts. — Paris.
Buisson, Président du consistoire protestant, 1, place Saint-Clair. — Lyon.
Dr Bureau (E.), Professeur au Muséum d'histoire naturelle, 24, quai de Béthune. — Paws
Bureau (B.), Graveur, 6, rue Esquermoise. — Lille.
Bureau (Léon), Négociant, 15, rue Gresset. — Nantes.
Bureau (Etienne) , Négociant, 15, rue Gresset. — Nantes.
Bureau père (Louis), Propriétaire, 15. rue Gresset. — Nantes.
Dr Bureau (Évariste), 3, rue Piron. — Nantes.
IV Bureau (Louis). 15, rue Gresset. — Nantes.
Burton, Administrateur de la Compagnie des Forges d'Alais, l't, rue Le Peletier.
— Paris. — F
'Dr Buttura, de Cannes, 20, rue Vital. — Passy-Paris.
Dr Butz. — Caudéran, près Bordeaux.
Cabanes (J.-J.), 17, rue Fondaudège. — Bordeaux.
Cacheux (Emile), Ingénieur civil des Arts et Manufactures, 25, quai Saint-Michel. —
— Paris. — F
cahours, Membre de l'Institut, à la Monnaie, rue Guénégaud. — Paris.
Gaillard (Frédéric), Négociant, 9, rue Cambronne. — Nantes.
Gaillard (Arthur), Courtier maritime, 33, quai de la Fosse. — Nantes.
Cailliot, Professeur, 48, rue Monsieur-le-Prince. — Paris.
Caix de Saint-AymoUr (Vicomte Am. de), Membre d;i Conseil général de lOise, de
la Société d'anthropologie et de plusieurs Sociétés savantes. — Château d'Ognon,
près Barbery (Oise). — R
Callot (Ernest), Directeur de la Société d'assurances mutuelles Aunis el Saintonge,
10, rue Béaumur. — La Bochelle.
Calvé (Jules), Avocat, 14, rue Foy. — Bordeaux.
Cambefort (G.), 15, quai de l'Est. — Lyon.
Cambefort (Ch.), 5, place Saint-Clair. — Lyon.
Cambefort (J.), Banquier, Administrateur des Hospices , 13, rue de Lyon. —
Lyon. — F
•Caméré, Ingénieur des Ponts et Chaussées. — Vernon (Eure).
Camondo (Comte N. de), 31, rue Lafayette. — Paris. — F
Camondo (Comte A. de), 31, rue Lafayette. — Paris. — F
Dr Camus. — Montmarault (Allier).
Candolle (Casimir de), Botaniste. — Genève (Suisse).
Dr Cany (G.), Ancien président et doyen actuel de la Société de médecine, 4, plate
Saint-Pantaléon. — Toulouse.
*Capelle, Ingénieur, 7, rue Bonivet. — Havre.
Caperon père. — F 'et R
Caperon fils. — F et R
*Capron, Négociant, 130, boulevard de Strasbourg. — havre.
Caqué, Professeur de mathématiques, 83, rue Notre-Dame-des-Champs. — Paris.
Carcaradec (de), Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, 1, rueBoyale. — Nantes
Cardeilhac, Négociant, 91, rue de Bivoli. — Paris. — R
Carême, Ingénieur civil, 67, boulevard Montmorency. — Auteuil.
XXXII ASSOCIATION FRANÇAISE
Carles, Pharmacien, 30, quai des Chartrons. — Bordeaux.
Carlier (Auguste), Publiciste, 12, rue de Berlin. — Paris. — F
"Carnot (Adolphe), Ingénieur des Mines, Professeur à l'Institut national agronomi-
que, 89, rue de Morny. — Paris. — F
'Caron (Auguste), Négociant, 22, rue de Joinville. — Havre.
*Caron-Landrieu, Négociant, 100, rue de Paris. — Havre.
Carrère de Meynard, Avocat, Docteur en droit, 3, rue Peyralière. — Tolilouse.
Carron (C), Ingénieur, 21, rue Trécloître. — Grenoble.
Cartailhac, Directeur de la Revue des matériaux pour l'Histoire de l'homme, 5, rue
de la Chaine. — Toulouse.
Dr Cartaz, Rédacteur de la Gazette hebdomadaire, 58, rue Neuve-Saint-Augustin. —
Paris.
Carton (Louis), Professeur de sciences au collège Notre-Dame. — Valenciennes.
Cassagne (comte Antoine de), Propriétaire, membre de la Société des Sciences indus-
trielles, Arts et Belles-Lettres de Paris, au château de Saint-Jean-de-Libron, près
Béziers (Hérault). — R
Castanier (Jacques), Constructeur mécanicien, Conseiller général du Bhône, rue
de Condé. — Lyon.
Casthelaz (John), Fabricant de produits chimiques, 19, rue Sainte-Croix-de-la-
Bretonnerie. — Paris. — F
*Catalan, Professeur d'analyse à l'Université. — Liège.
"Catalan (Mmc). — Liège (Belgique).
*Catel (Mme). — Fontenay-le-Comte.
Catel-Béghin, Maire de Lille, 11, rue Beauharnais. — Lille.
*D' Caubet, ancien Interne des hôpitaux de Paris, aide de clinique et professeur
suppléant à l'École de médecine. — Toulouse.
*Caubet (Mrae). — Toulouse.
Causse (Scipion), Propriétaire, 32, quai Jays. — Lyon.
Cavaglion (Emmanuel), Rentier, 12, rue d'Albe. — Paris.
Caventou fils, Membre de l'Académie de Médecine, 51 bis, rue Sainte-Anne. —
Paris. — F
Cazalis de Fondouce (Paul-Louis), Secrétaire général de l'Académie des sciences et
lettres de Montpellier, 18, rue des Étuves. — Montpellier (Hérault). — R
'Cazavan, Directeur des forges et chantiers de la Méditerranée, 31, rue d'Harfleur. —
Havre.
Cazeneuve, Directeur de l'École de Médecine, 26, rue des Ponts-de-Comines. —Lille.
— R
*Dr Cazeneuve (Paul), 26, rue de la Lanterne. — Lyon.
Cazenove (Raoul de), Propriétaire, 8, rue Sala. — Lyon. — R
D1 Cazin. — BouIogne-sur-Mer.
Cazottes (A.-M.-J.), Pharmacien. — Millau (Aveyron). — R
*Celliez, Ingénieur, 24, rue Royale. — Paris.
Cercle d'Alger de la Ligue de l'Enseignement, 1. rue de Bône. — Alger.
Cercle Girondin de la Ligue de l'Enseignement, 16, rue Mably. — Bordeaux.
Cercle philharmonique de Bordeaux.
Cernuschi (Henri), 7, avenue Velasquez. — Paris. — F
♦César-Fischer (les fils), Négociants, 35, rue Bernardin-de-Saint-Pierre. — Havre.
Cézard (Louis), Raflineur. — Chantenay (Loire-Inférieure)..
•Chabanais, Peintre, 4, rue Picpus. — Havre.
Chabaud-Latour (de), Général de division du génie, sénateur, 41, rue Abbatucei. —
Paris. — F
Dr Chabrely, à la Bastide. — Bordeaux.
*Chabrier, Ingénieur civil, 89, rue Saint-Lazare (avenue du Coq). — Paris.
Chabrières-Arlès, Administrateur des Hospices, 12, place Louis XVI. — Lyon. — F
Dr Chaigneau, Maire de Floirac, allées de Tourny. — Bordeaux.
Chaignon (vicomte de). — Condal (Jura).
Chambre des Avoués au Tribunal de l*8 instance. — Bordeaux. — R
Chambre de Commerce (la). — Bordeaux. — F
— — — Lyon. — F
— — — Nantes. — F
— — Havre. — R
Champlouis (le baron de), 8, boulevard Lalour-Maubourg. — Paris.
Champonnois, 45, rue Neuve-des-Petits-Champs. — Paris.
POUR i, 'avancement des SCIENCES XXXIII
uimpvALLiER (deI, Lieutenant-colonel d'artillerie, directeur de l'École d'artillerie. —
Clermont-Ferrand.
( hvnal (F.), ancien négociant, 107, rue de Vendôme. — Lyon.
Chancel, Doyen de la Faculté des sciences. — Montpellier.
Chansseixs (Jules), Ingénieur principal de la Société des Houillères de Saint-
Ëtienne. — Méons.
Chante-Grellet (Albert), Avocat a la Cour d'appel de Paris, 61, rue Neuve-des-
Petits-Champs. — Paris.
Chantre [Ernest), Sous-Directeur du Muséum, 37, cours Morand. — Lyon. — F
Chapelle (de), Docteur en médecine, pont de la Maye. — Bordeaux.
Chaperon [Charles), 27, rue Borie. — Bordeaux.
Chaplain-Duparc (G.), Capitaine au long cours, Ingénieur civil, 4, rue des Minimes.
— Le .Man-.
Chapon (Jules), 16, impasse Sainte-Catherine. — Bordeaux.
ùiappellier (Georges), Manufacturier. — Màsnières (Nord).
Dp Chappet, 49, avenue de Noailles. — Lyon.
Charcellay, Pharmacien. — Fontenav-le-Comte (Vendée).
Charcot, membre de l'Académie de médecine, Professeur à la Faculté de méde-
cine de Paris, 17, quai Malaquais. — Paris. — F
*Chardey (J.), Négociant, 33, rue des Viviers. — Bavre.
(hakier. Architecte. — Fontenay-le-Comte (Vendée).
*Dr Charpentier, 11, rue Champollion. — Paris.
"Charpv (V. Adrien), Chef des travaux anatomiques à la Faculté de médecine, 14, rue
Laurencin. — Lyon.
*Charropin (Georges), Pharmacien de 1"> classe. — Pons (Charente-Inférieure).
Dr Chartier, Professeur à 1 École de médecine, 22, rue du Calvaire. — Nantes.
Chasles, Membre de l'Institut, 3, passage Sainte-Marie-Saint-Germain. — Paris.
— F
Dr Chassagnt, 8, place de la Miséricorde. — Lyon.
Chasteigner (le comte. Alexis de), 23, rue Monlbazon. — Bordeaux.
Chatard (Georges), Fabricant de pâtes alimentaires, usine Saint-André. — Clermont-
Ferrand.
Chatel (Victor). — Valcongrain, par Aunay-sur-Odon (Calvados).
(hatelperron (Collas de), Propriétaire. — Clermont-Ferrand.
D' Chatin (Joannès), Professeur agrégé à l'École supérieure de pharmacie, 49, rue
de Rennes. — Paris. — R
Chaudessolle (Félix), Avocat, 3, montée de Jaude. — Clermont-Ferrand.
Chaumeil, Inspecteur primaire, 146, rue David-Johnston. — Bordeaux.
Chaumeix (Alexandre), Fabricant de pâtes alimentaires, usine Saint-André. —Clermont-
Ferrand.
Chaurigaud, Avocat, 4, rue Grégoire-de-Tours. — Clermont-Ferrand.
Dr Chawssat. — Lavaveix-les-Mines (Creuse).
Chauvassaignes (Franc), Conseiller général du Puy-de-Dôme, Chàteau-Theux {Puy-
de-Dôme).
Chauvassaigne (Paul), Conseiller général du Puy-de-Dôme, 63, rue Marbeuf. —
Paris.
*Chauveau (A.), Directeur de lÉcole vétérinaire, Professeur à la Faculté de médecine
de Lyon, 22, quai des Brotteaux. — Lyon. — F
*Dr Chauvel, 15, rue de la Paix. — Havre.
Chauvet (G.), Notaire. — Ruffec (Charente).
Chauvet (Made). — Ruffec (Charente).
*Chauviteau, 9, rue d'Anjou-Saint-Hortoré. — Paris.
Chaovot, 26, pavé des Chartrons. — Bordeaux.
*Chazelles (Etienne de), ancien Préfet du Cantal, rue Grégoire-de-Tours. — Clermont-
Ferrand.
Chèguillaume (J.), 13, rue Briord. — Nantes.
Chenantais, Architecte, 10, rue Lafayette. — Nantes.
Dr Chenantais, 22, rue de Gigant. — Nantes.
*Chenel, 52, rue du Champ-de-Foire. — Havre.
Chervin (Arthur), Directeur des Annales de démographie internationale, 90, avenue
d'Eylau. — Paris.
*Cheuret, Notaire, 16, chaussée d'Ingou ville. — Havre.
Cheux (Albert), Météorologiste, 9, rue Chaperonnière. — Angers.
XXXIV ASSOCIATION FRANÇAISE
Chevalier, Fabricant de produits chimiques, 3, rue Magenta. — Villeurbanne
(Rhône).
Chevalier (Victor), Chimiste à l'usine de PIon-d'Aren, par Istres (Bouches-du-
Rhône).
Chevalier, Négociant, 50, rue du Jardin-Public. — Bordeaux. — F
Dr Chil-t-Naranjo (Grégorio). — Palmas (Grand-Canaria) — R
Choisy, Ingénieur des ponts et chaussées, 84 bis, rue de Grenelle. — Paris.
Cholley (Paul), Pharmacien, 8, rue Favart. — Paris.
"Chouillou (Albert), Élève à l'École d'agriculture de Grignon, 69, avenue Riboudet. —
Rouen.
*Chouillou (Edouard), Fabricant de produits chimiques, 13, quai du Havre. —
Rouen.
"Chouillou (Lucien), Employé de commerce, 13, quai du Havre. — Rouen.
"Clamageran, Avocat, 57, avenue Joséphine. — Paris. — F
*Clamageran (Mme), 57, avenue Joséphine. — Paris.
*Claudon (Emile), Négociant. — Béziers.
*Claudon Adolphe), Négociant. — Béziers.
Cleiftie (Georges), Avocat, vice-président de l'Association polytechnique nantaise
15, rue Clapeyron. — Paris.
Clément, Médecin des hôpitaux, 53, rue Saint-Joseph. — Lyon.
*Clerc, Pharmacien, 37, rue de Berry. — Havre.
*Clerc (Camille), Grande Rue. — Havre.
*Clerc (Mmo Camille), Grande Rue. — Havre.
Clercq ^h. de), 38, rue Vital. — Paris-Passy.
*Clermont (de), Sous-Directeur du Laboratoire de chimie à la Sorbonne, 8, boulevard
Saint-Michel. — Paris. — F
Clervaux (le comte de). — Saintes (Charente-Inférieure).
Cleveland Abbe, Astronome et Météorologiste, Army Signal Office. — Washington
(U. S.). -R
Cloizeaux (des), Membre de l'Institut, Professeur au Muséum, 13, rue Monsieur. —
Paris. — R
Cloquet (Jules), Membre de l'Institut, 19, boulevard Malesherbes. — Paris. — F
*Clouet (G.), Professeur de pharmacie et de toxicologie à l'École de médecine, 52, rue
de la Grosse-Horloge. — Rouen.
Clouzet (Ferd), Conseiller général, cour des Fossés. — Bordeaux. — R
Cochot (Albert), Ingénieur-Mécanicien. — Gond, près Angoulême (Charente).
*Cody, Ingénieur. — Havre.
*Cohendy, Archiviste du département. — Clermont-Ferrand.
*Coindre, Ingénieur des ponts et chaussées. — Au Puy (Haute-Loire).
Colignon (Emile), rue Percière. — Rouen.
Collet, Lieutenant de vaisseau, Répétiteur à l'École polytechnique, 151, boulevard
Magenta. — Paris.
*Collignon (Ed.), Ingénieur en chef des ponts et chaussées, 70, boulevard Saint-
Germain. — Paris. — F
*Dr Coi.lineau, 187, rue du Temple. — Paris.
Colombel (Georges), Avocat, Adjoint au maire, 3, rue Cambronne. — Nantes.
Dr Colrat, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Lyon, 19, rue Gentil. —
Lyon.
*Colson (Mrae), 33, rue. des Viviers. — Havre.
Combal, Professeur à la Faculté de médecine de Montpellier. — F
Comme, Chef de culture, 15, rue de Belleville. — Bordeaux.
Compagnie des chemins de fer du Midi, 54, boulevard Haussmann. — Paris. — F
— — d'Orléans, 1, place Walhubert. — Paris. — F
— — de l'Ouest, 110, rue Saint-Lazare. — Paris. — F
— — de Paris à Lyon et à la Méditerranée, 88, rue Saint-
Lazare. — Paris. — F
— du Ga/. Parisien, rue Condorcet. — Paris. — F
— des Salins du Midi, 84, rue de la Victoire. — Paris. — F
— des Messageries maritimes, 28, rue Notre-Dame-dcs-\ ictoiies. — Paris
— F
— des Fonderies et Forges de Terre-Noire, la Voulle et Bességes. — *
Lyon.— F
P01 R l.W \m EMEN l Dl - SOI Ni l s uu
Compagnie générale des Verreries de la Loire et du Rhône, à Rive-de-Gier (Loire)
(M. IU'tter, administrateur délégué). — F
— des Fonderies et Forgea de L'Horme, s. pue Bourbon. Lyon. F
— du Gaz de Lyon, rue de Savoie. — Lyon. — F
— de Roche-la-Molière «'t. Firminy. — Lyon. — F
— des mines de houille de Blanzj Jules Chagot et CieJ à Montceaux-les-
Mines (Saône-et-Loire) , 55, boulevard Baussmann. — Paris. — F
Comte (Hippolyte). — SaintrJean-d'Angély [Charente-Inférieure).
'Coninck (William m . Négociant, 1, rue de Boulogne. — Havre.
Conseil d'administration de la Compagnie des Minerais de fer magnétique de Mokta-
el-Hadid, 59, rue de la Victoire. — Paris. — F
Conseil d'administration de 1 École Monge, 165, boulevard Malesherbes. — Paris. — F
*Dr Constantin. — Saint-Barthélémy (Lot-et-Garonne).
Constantin, Membre de la Société géologique de Normandie. — Ha\re.
Coppet (de). Chimiste; villa Irène, aux Baumettes. — Nice. — F
'Corenwinder, Chimiste, 61, rue Solférino. — Lille.
Cornil, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris. Député de l'Allier, G, rue
de Seine. — Paris.
'Cornu, membre de l'Institut, Ingénieur des Mine*, Professeur à l'École polytechnique,
38 rue des Écoles. — Paris. — F
'Cornu (Mmc), 38, rue des Écoles. — Paris.
Cornu (Max), Aide naturaliste au Muséum, chargé du cours de botanique, 5, place
Monge. — Paris.
Cornulier (de), Conseiller général de la Loire-Inférieure, 13, rue du Lycée. —
Nantes.
Cornut, Ingénieur civil, 71, rue d'Isly. — Lille.
"Corpet, Ingénieur-Mécanicien, 119, avenue Philippe-Auguste.— Paris.
CossÉ (Victor), Raflineur, 1, rue Daubenton. — Nantes.
Cosson, Membre de l'Institut et de la Société de botanique, 7, rue Abbatucci. —
Paris. — F
'Cotteau, 36, boulevard Saint-Michel. — Paris. — R
Dr Coudereau, 13, Galerie Vivienne. — Paris.
Counord (E.), Ingénieur civil, 27, cours du Médoc. — Bordeaux. — R
"Coup, 2* Capitaine du paquebot la Ville-de-Paris. — Havre.
Coupelon, Notaire. — Clermont-Ferrand.
"Courant, Filateur, 42, rue Demidoff. — Havre.
'Courant (Edmond), Négociant, 75, rue de la Côte. — Havre.
Courcières, Inspecteur d'académie, 66, rue de Lyon. — Lyon.
'Courtois (Henri), Licencié es sciences physiques.— Au château de Muges, par Damazan
(Lot-et-Garonne).
Courtois de Viçose, petite rue d'Albade. — Toulouse. — F
'Courty, Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier. — Montpellier. — F
Courty (Mlle Marie). —Montpellier.
Courty (Mlle Mathilde). — Montpellier.
*Cousinard, Constructeur, 53, rue de Saint-Quentin. — Havre.
Dp Coutagne (Henri), 79, rue de Lyon. — Lyon.
Coutanceau, Ingénieur civil, rue de la Concorde. — Bordeaux.
Coutereau (Léon), Banquier. — Branne (Gironde).
'Couvert (Joannès), Négociant, 1, rue Joinville. — Havre.
Crapon. — Pont-1'Évêque (Isère).
Crepeaux (Virgile), 98, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris.
Crépy (Paul), Négociant, Membre du Tribunal de commerce. —Lille.
Crespel-Tilloy (Charles), Manufacturier, 14, rue des Fleurs. — Lille. — R
'Croizier (Eugène), Licencié en droit, 2, rue Sainte-Ursule. — Moulins (Allier).
'Croppi, Constructeur, 57, rue du Champ de Foire. — Havre.
Crouan (Fernand), Armateur, 14, rue Héronnière. — Nantes. — F
Cruzel (Pierre), ancien Pharmacien. — Miramont (Lot-et-Garonne).
Cuisin (Charles). Dessinateur d'histoire naturelle, 20, avenue d'Orléans. — Paris.
Cureyras (G.), Licencié en droit, Notaire. — Cusset (Allier).
Curie (Jacques), Préparateur de chimie à la Sorbonne, 2, rue de la Visitation. — Parisi
*Currie (J.-M.), Négociant, 2, rue aux Cailloux. — Havre.
Cusset, Imprimeur, membre du Conseil municipal, 123, rue Montmartre. Paris.
'Dagrève (E.), Médecin du Lycée et de l'Hôpital. — Tournon (Ardèche). — R.
XXXVI ASSOCIATION FRANÇAISE
*Dr Daguillon. — Joze par Maringues (Puy-de-Dôme).
Daguin, ancien Président du Tribunal de commerce de la Seine, 4, rue Castellane,
— Paris. — F
"Daleau (François). — Bourg-sur-Gironde.
Dalléas, Propriétaire, 4, cours de Tournon. — Bordeaux.
Dalligny, Maire du 8e arrondissement, 5, rue d'Albe. — Paris. — F
*Dr Dally (Eugène), 5, rue Legendre. — Paris. — R
Damour, Médecin-dentiste, 1, Montée de Jaude. — Clermont-Ferrand.
Danel, Imprimeur, 93, rue Nationale. — Lille.
Daney, Négociant. — Bordeaux.
Dan D\wson, Milesbridge chemical Works near Huddersfleld (Angleterre).
*Dan, Pharmacien, 23, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
*Dardel, Percepteur, 29, rue de la Côte. — Havre.
Darlu (A.), Professeur agrégé de philosophie, 2, rue Église-Saint-Martin. — Angoulême.
Daubrée, Membre de l'Institut, Directeur de l'École des mines, 62, boulevard Saint-
Michel. — Paris.
D1" David (Ph.), rue Amelot. — La Rochelle.
*David, Pharmacien, 23, rue des Pincettes. — Havre.
Davillier, Banquier, 14, rue Roquépine. — Paris. — F
*Davioud, Négociant, 24, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
*Daymard, Ingénieur de la Compagnie Transatlantique, 11, place de l'Hôtel-de-Ville.
— Havre.
Debize, Lieutenant-Colonel d'état-major, 42, quai de la Charité. — Lyon.
*Decamps, Pharmacien, 1, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
Dbcazes (le duc), Député, château de Lagrave, par Saint-Denis-de-Pile (Gironde).
Décès (A.), 72, rue du Faubourg-Saint-Denis. — Reims.
Dr Dechambre, Membre de l'Académie de médecine, 91, rue de Lille. — Paris.
Decharme, Docteur es sciences, Professeur de physique à l'École supérieure et au lycée
d'Angers, 11, rue de Bellay. — Angers.
Dr Decrand (J.), ancien Chef declinique à la Faculté de Montpellier ,17, cours Lavieu-
ville. — Moulins-sur-Allier.
Decroix (Jules), Banquier, 42, rue Royale. — Lille.
Decroix, Conseiller général de la Loire-Inférieure. — Cap-Choux, par Boulay-des-
Mines (Loire-Inférieure).
*Defodon, Rédacteur en Chef du Manuel général de l'Instruction primaire, 79, bou-
levard Saint-Germain. — Paris.
Degorce (E.), Pharmacien de lre classe de la marine, à Cayenne (Guyane française)
— R
Degousée, Ingénieur civil, 35, rue de Chabrol. — Paris. — F
Degoutin, Avocat, rue d'Alliance. — Nancy.
Degrange-Touzin, Avocat, 24 bis, rue du Temple. — Bordeaux.
*Deguerre (Mme Ve A.), 1, boulevard François Ier. — Havre.
•Dehérain (P.-P.), Professeur de chimie à l'École de Grignon, 15, rue de Madrid. —
Paris.
Delabrosse, Conseiller général de la Loire-Inférieure, place de la Monnaie. —
Nantes.
*Deladerrière, Avocat. — Valenciennes.
Dr Delage, 18, rue des Fleurs. — Lille.
Delahaye (Victor), Ingénieur, ancien élève de l'École polytechnique et de l'École des
mines, 34, rue Hôpital. — Rouen.
Dr Delamare, Officier de l'Instruction publique. Professeur à l'École de plein exercice
de médecine, 3, place Graslin. — Nantes.
*Delaroche, Négociant, 57, rue de la Côle. — Havre.
Delattre (Carlos), Filateur. — Roubaix. — R
Delaunay (Gaston), Sous-Inspecteur des Eaux et Forêts.— Vitry-le-Franoois.
Delavaud, Pharmacien en chef de la marine, 10, rue des Fonderies."— Rochefort
(Charente-Inférieure).
*Dr Delbarre (Dis). — Cambrai (Nord).
Delbruck (.].). — Langoiran (Gironde).
Delecroix (Emile), Avocat, 36, rue de Roubaix. — Lille.
Delesalle (Alfred), Filateur. —La Madeleine (Nord).
Delessert (Edouard), 17, rue Raynouard. — Paris-Passy, -"• R
Dr Delmas, 1, rue David-Johnston. — Bordeaux.
POUR [/AVANCEMENT DES SCIENCES KXWII
Delocrk, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, 38, rue de la Reine. —
Lyon.
•Delon Ernest), Ingénieur civil, 14, rue du Collège. — Montpellier. — R
l>r Delohe, Chirurgien en chef de la Charité, Professeur Bgrégé à la Faculté do
médecine de Lyon, 31, place Bellecour. — Lyon. — F
Delrif.i;. Banquier. — Marmande [Lot-et-Garonne).
Delvaille, Docteur en médecine. — Bayonne. — R
Dekanbl, Professeur au Lycée, 23, rue de Strasbourg. — Nantes.
Dr Démons. 15, rue Michel-Montaigne. — Bordeaux.
Denoybl (Antonin), Propriétaire, 't. rue des Deux Maisons. — Lyon.
Dbnucb, Professeur à l'Ecole de médecine.— Bordeaux.
•Depaul (Henri), avenu.' Drouet-d Erlon. — Beims. — R
Depodi li Ernesl . I nimiste, 87, rue des Pètes. — Paris.
•Deprbz (Marcel , ingénieur, 1", rue Cassini. — Paris.
Dequot, Filateur, 27, rue de Wazemmes.— Lille.
•Derenbouhg (Hartwig), Chargé du cours de grammaire arabe à l'Ecole des langue*
orientales vivantes, 3, place du Théâtre-Français. — Paris.
*Dero, Docteur-médecin, 69, r lu Champ-de-Foire. — Havre.
*Deronde, Pharmacien, 86, rue d'Etretat. — Havre.
Deroo, Pharmacien, 119, rue de Paris. — Lille.
*Deros (A.), Ingénieur. — Grigny lihône).
Deroulèoe, Propriétaire. — Bouscat, près Bordeaux.
Dertelle (Gustave), Propriétaire. — Charleville Lrdennes).
•Deruelle. Propriétaire, 199, rue de Vaugirard. — Paris.
•Desaii.i.y. Exploitation de phosphate de chaux fossile. — Granpré Lrdennes),
Desbonnes F. . Négociant, 18, allées de Chartres. — Bordeaux.
Desbbjbbbs, Secrétaire du comité des Porges, 56, rue de Provence. — Paris.
Dr Descamps. — An/.in (Nord).
•Descamps (Ange), Pilateur, 31, rue de Thionville. — Lille.
•Descamps (Auguste), 31, rue de Thionville. — Lille.
Descat (Constantin), Maire de Roubaix, Député du Nord. — Roubaix (Nord).
Deschamps, Pharmacien. — Riom.
•Deschamps, Négociant, 34, boulevard de Strasbourg. — Havre.
•Deschamps, Négociant. 2, rue Madame Lafayette. — Havre.
•Deschamps, Directeur des bateaux de Honneur, Grand-Quai. — Havre.
Deshates, ingénieur civil des Mines, aux Fonderies.— Terre-Noire (Loire).
Deslandes (Arthur), Armateur. — Dieppe.
•Deslongchamps. Professeur à la Faculté «les sciences. — Caen.
Dr Desmaisons-Dupallans. — Castel-d'Andorte, près Bordeaux.
*Desmaroux, Pharmacien. — Havre.
Desmetd-Wallaert, 2, rue Sans-Pavé. — Lille.
Desmettre (Ant. . Négociant. — Tourcoing (Nord .
•Desnoyers (Alfred), Ingénieur, 36, rue GeolTroy-Saint-Hilaire. — Paris.
•Dessolins, Négociant, 13, rue Corneille. — Havre.
Detroyat (Arnaud). — Bayonne. — R
•Devat (F.), — Condé-sur-Vesgres (Seine-et-Oise).
•Devé. Négociant, 14, rue Caligny. — Havre.
Dhôtel, Adjoint au maire du 2e arrondissement, 107, boulevard de Sébastopol. —
Paris. — F
Diacon, Professeur à l'Ecole de pharmacie. — Montpellier.
Dida (A.), Chimiste, 9, rue Popincourt. — Paris. — R
Dida fils, 9, rue Popincourt. — Paris. R
Dr Diday, ex-Chirurgien en chef de l'Antiquaille, Secrétaire général de la Société de
médecine, rue de Lyon. — Lyon. — F
•Dieppedale, Constructeur, 54, rue Hélène. — Havre.
Dietz (.1.), 4, rue de la Monnaie. — Nancy.
Dr Dieulafoy (Georges), Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, 16,
rue Caumartin. — Paris.
*Dion (de), Ingénieur civil, Vice Président de la Société des ingénieurs civils, 68, rrre
de Babylone. — Paris.
DmN (Ph.), Rédacteur à la Gironde, 8, rue Cheverus. — Bordeaux.
Dollfus (Mme Auguste), 53, rue de la Côte. — Havre. — F
Dollfus (Auguste), 53, rue de la Côte. — Havre. — F
XXXVIII ASSOCIATION FRANÇAISE
Dollfus (Auguste), Président de la Société industrielle. — Mulhouse.
*Dollfus (Adrien), 29, avenue Montaigne. — Paris.
Dollfus (Charles), 1, rue Spontini. — Paris.
*Dombre (Louis), Ingénieur, Sous-Directeur des mines. — Aniche (Nord).
Donnadieu, Professeur au Lycée de Lyon. — Lyon.
D?nc:, de Cannes, ancien Élève de l'École des mines, 248, Faubourg-Saint-Honoré.
— Paris.
Dont, Ingénieur civil, 21, rue de Lodi. — Marseille. .
Dor (Eugène). — La Rochelle (Charente-Inférieure).
Doré-Graslin (Edmond), 24, rue Crébillon. — Nantes. — R
Dormer (Lord), Grove-Park, Warwich. — Londres (Angleterre).
Dormoy. Conseiller municipal, rue Vilaris. — Bordeaux.
*Dorvault, Directeur de la Pharmacie centrale, 7, rue de Jouy. — Pans. — F
Dr Douaud, rue Notre-Dame. — Bordeaux.
Douhet (le comte de), Sénateur, 40, rue Saint-Dominique-Saint-Germain —
Paris.
Douillard de la Mahautière, Propriétaire, cours du Jardin-Public. — Bordeaux.
Dr Douillet. — Lamballe (Côtes-du-Nord).
Doumerc, Ingénieur civil. 10, rue Copenhague. — Paris.
Doumerc (Jean), Ingénieur civil des mines, membre de la Société géologique de France,
1, rue Corail. — Montauban.
Doumerc (Paul), Ingénieur civil, Membre de la Société géologique de France. —
Montauban.
Dourif, Professeur à l'École de médecine. — Clermont-Ferrand.
*Dourt, Avoué, 6, boulevard de Strasbourg. — Havre.
Douvillé, Ingénieur des mines, 3, rue du Bac. — Paris. — R
Dr Doyon, Médecin des eaux. — Uriage (Isère),
*Dr Dransart. — Somain (Nord). — R
Drée (le comte de) , Sous-Directeur du haras. — Annecy (Haute-Savoie).
Drevon (Henri), 67, cours d'Herbouville. — Lyon.
Dron (Achille), Chirurgien en chef de l'Hospice de l'Antiquaille, Professeur agrégé
à la Faculté de médecine de Lyon, 5, rue Pizay. — Lyon.
*Drouault (Mme Ch.ï, 76, rue de Rennes. — Paris.
*Drouaux, Négociant, Trésorier de la Société géologique de Normandie, 16, rue
Corneille. — Havre.
*Dr Drouet, 47, rue d'Etretat. — Havre.
*Droz (Alfred), Avocat, 48, rue Jacob. — Paris.
*Dubar, Rédacteur de l'Écho du Nord, Grande-Place. — Lille.
Dr Dubest (Hippolyte). — Pont-du-Chàteau (Puy-de-Dôme).
*Dubois. — Fécamp (Seine-Inférieure).
Dubois (E.), Professeur de physique au Lycée, 33, rue Voiture. — Amiens
Dubois (Emile). — Saint-Jean-d'Angély (Charenle-Inférieure).
*Duuoc, Constructeur, 19 et 21, rue Dicquemare. — Havre.
*Dubhscq, Constructeur d'instruments d'optique, 21, rue de l'Odéon. — Paris.
Dcbouché (Adrien), Négociant. — Jarnac (Charente).
Dr Duboué. — Pau.
Dubourg, Avoué, 27, rue du Temple. — Bordeaux.
*Dr Dubreuilh (Ch.), 12, rue du Champ-de-Mars. — Bordeaux.
Dubuisson (Edmond). Ingénieur civil, 8, rue de Bouille. — Passy.
*Dubus, Econome de l'hospice, 7, rue Bonivet. — Havre.
*Duchaufour (Georges), Négociant en métaux, 52, rue de Paris. — Lille.
*Duchaufour (Eugène), Négociant en métaux, 52, rue de Paris. — Lille.
Duchemin (E.). 33, place Saint-Sever. — Rouen.
Duchesne (Armand). 9 bis, rue Pigalle. — Paris.
Duclaux (Emile), Professeur à la Faculté des sciences, 29, avenue de Noailles. —
Lyon. — R
Ducretet (E.), Fabricant d'instruments de physique, 21, rue des Ursulines.—
Paris.
*Ducrocq (Auguste). — Niort (Deux-Sèvres). — R
Dr Dudon, 10, rue Huguerie. — Bordeaux.
*Dufaitf.lle, Rentier, Hôtel de Bordeaux. — Havre.
Dufaure (Gabriel), Ingénieur civil des mines. — Royan (Charente-Inférieiuv .
Dr Dufay. Député de Loir-et-Cher, 76, rue d'Assas. — Paris.
pnl i; l'AVANI I Ml M Dl 9 81 ll\< l S \\\l\
agrégé préparateur a l'École normale supérieure, 23, rue de Vau-
girard. — Paris.
, ii i du Muséum d'histoire naturelle, 6, rue Héronnière. — Nantes.
Poi \. (i rédéric . 10, place Dauphine. — Bordeaux.
Dr Ddlac. — Montbrison. — R
'Dumas, S crétaire perpétuel de l'Académie des sciences, Membre de l'Académie fran-
çaise, 69, rue Saint-Dominique. — Paris. — F
'Dumas ' rue Saint-Dominique-SaintrGermain. — Paris.
*Dr Dimimi. i">. rue de l'Hôtel-de-Ville. — Rouen.
•Dumint, Ingénieur, 30, rue de la Comédie. — Bavre.
•Ium/mit. Consul il • Danemark, 2. rue Edouard-Larue. — H
il, Pasqui . Négociant, 6, Bernardin-de-Samt-Pierre. — Havre.
Di Pasqoieb James), Nég ciant, Î6, rue delà Côte. — Havre.
Dup schbl, Ingénieur en chef des ponts el chaussées. Montpellier.
Dupont, Vétérinaire, s, rue d'Orléans.— Bord» iux.
h, Conseiller général, Député de la Gironde. — Bordeaux. — P
Dupri Lnatole), Préparateur I -'•">. rue d'Dlm. — Paris.
Dl i ,,.!, sén teui Mem re de l'Institut, 374, rue Saint-Honoré. — Paris. — F
q, Ptn i',,n , Professeur à l'École de Médecin . 78, chemin d'Eysines. — Bordeaux.
- F
1m,., j Léon), Professeur au Lycée, 13, rue Vital-Caries. — Bordeaux.— F
Dupiy, Pharmacien. — Branne [Girond
, Ed. , Pharmacien de lr" classe, ex-interne des hôpitaux de Paris. — Château-
neuf I liaivnte).
•Durand, Membre de la - ologiq le Normandie, 48, rue de 1 Aima. —
Havre.
'Durand (Edouard), Professeur des scienci iphiques à l'Université catholique,
'tii. rue d'Assas. — Paris.
•Durand (Th.), iO, rue d' Lssas. — Taris.
Durand-Claye (Alfred), Ingénieur des ponts el chaussées, 85, rue Richelieu. —
Paris.
ï)r Durand-Fardel, 36, rue de Lille. — Paris.
Durand-Gasselin, Banquier, 6, rue Jean-Jacques Rousseau. —Nantes.
Durando Gaétan), Bibliothécaire de l'École de médecine. — Alger.
Durassier, Chimiste, 24, avenue de Wagram. — Paris.
Dureau (Alexis), Archiviste de la Soci.Hr d'anthropologie de Paris, Bibliothécaire
adjoint àl'Académie de médecine, 16, rue de la Tour-d'Auvergne. — Paris.
Duret (P.-H.), père, Propriétaire, 59 bis, rue de Condillac. — Bordeaux.
D1' Duriau, rue de Soubise. — Dunkerque.
Du Rieux, Ingénieur civil. 6, rue Brigode. — Lille.
Durillon (E.). — Château de la Gontière-Anse (Rhône).
Durozier, Pharmacien, 58, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Durros, Négociant, 7.3, cours d Alsace-Lorraine —Bordeaux.
Durrwell (Eug.), Chimiste, chez M. Ed. Carrey. — Saïda, près Oran (Algérie).
Dussaut (Mlle Caroline), aux Ruches. — Fontainebleau.
*Ddtaillt (G.), 63, rue des Saints-Pères. — Paris.
Duval (Antonin), Manufacturier, 31, ue du Puits-Gaillot. — Lyon.
Duval (Fernand). Administrateur de la Compagnie parisienne du gaz, 53, rue Fran-
çois Ier. — Paris. — F
*Duval, Banquier, 19, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
*Duvergier, Président delà Société Industrielle, 35, rue Saint-Cyr. — Lyon. — F
*Duvergier (Mme), 35, rue Saint-Cyr. — Lyon.
*Ebran, Propriétaire, 14, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
*Eichthal (d), Banquier, Président du Conseil d'administration des chemins de fer du
Midi, 42, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris. — F
Eichthal (Gustave d'), 44, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris. — R
^Eichthal (Eugène d'), 44, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris. — R
Eichthal (Georges d'), 24, rue de l'Arcade. — Paris. — R
*Eichthal (Louis d'). — Les Bezards, par Nogent-sur-Vernisson (Loiret). — R
Élie (Eugène), Propriétaire, 22, rue Berthelot. — Elbeuf.
*Elisen, Ingénieur administrateur de la Compagnie générale Transatlantique, 21, rue
Abbatucci. — Paris. — R
*Eloi, Propriétaire, 9, place des Écoles. — Havre.
XL ASSOCIATION FRANÇAISE
*Engel (Arthur), 29, rue Marignan. — Paris.
Engel, Relieur, 91, rue du Cherche-Midi. — Paris. — F
Engel (Eugène), chez MM. Dollt'us, Mieg et O, 9, rue Saint-Fiacre. — Paris.
Erhardt-Schieble, Graveur, 12, rue DugiwTv-Trouin. — Paris. — F
Ernest, Négociant, rue de Strasbourg. — Nantes.
Dr Escande. — Sarlat (Dordogne).
Escarraguel, Propriétaire,!, allée de Tourny. — Bordeaux.
*Espous (Auguste d'). — Montpellier. — R
Estor, Professeur d'anatomie pathologique et d'histologie à la Faculté de médecine
de Montpellier. — Montpellier.
Estor (Mme). — Montpellier.
Estor (Louis). — Montpellier.
Estor (Eugène). — Montpellier.
Estor (André). — Montpellier.
Etienne, Négociant raffineur, 36, rue Grande-Biesse. — Nantes.
Etiennez (Etienne), Avoué, 1, rue de l'Échelle. — Nantes.
Eudel (Emile), Capitaine au long cours, rue du Chemin-des-Poules. — Nantes.
Eyssartier (.Maurice), Pharmacien. — Uzerches (Corrèze).
Eymard (Albert), Fabricant de produits chimiques, 15, chemin de Cerland. —
Lyon .
•Eymard (Paul), Membre de la Société d'agriculture et arts utiles, 22, rue Constantine.
— Lyon.
Fabre (Charles), Propriétaire, 24, rue des Petits-Hôtels, place Lafayette. — Paris.
Fabre (Ernest), Ingénieur-Directeur de l'usine de l'Homme-d'Armes. — L'Homme-
d'Armes, près Montélimart (Drôme),
Faget (Marius), Architecte. — Bordeaux.
*Faguet (L.-Auguste), Préparateur de botanique à la Faculté des Sciences et au labo-
^ ratoire de la Faculté de Médecine, 22, rue des Boulangers. — Paris.
Faivre, Doyen de la Faculté des sciences, 27, rue Gentil. — Lyon.
Falateuf (Oscar), Avocat, Membre du Conseil de l'ordre, 8, rue du Conservatoire.
— Paris.
Falières, Pharmacien. — Libourne.
^Falsan (Albert), Géologue. — Collonges-sur-Saône (Rhône).
*Farge, Directeur de l'École de médecine. —Angers.
Fargeix, Conseiller général du Puy-de-Dôme. — Clermont-Ferrand.
Fargues de Taschereau, Professeur de physique au lycée Henri IV, 13. rue Bois-
sière (Trocadéro). — Paris.
Fasci, Professeur d'hydrographie, Officier d'académie.— Saint-Tropez.
Faure (Lucien), Présidant de la Chambre de commerce, — Bordeaux. — F
Faure (Jules), 16, cours d'Alsace-Lorraine. — Bordeaux.
Faure (Ernest), Propriétaire. — Tresses (Gironde).
*Faure (Félix), Négociant, 121, boulevard François Ier. —Havre.
Faure (Fernand), 16, rue du Palais-de-Justice.°— Bordeaux.
Faure, Ingénieur civil, Fabricant de produits chimiques, 35, rue Sainte-Claire. —
Clermon t-Ferrand .
Faure (M»« Antoinette), 53, rue de Vaugirard. — Paris.
'Eauvel, Docteur-médecin 64, rue Bapaume. — Havre.
Dr Fauvelle, Président de la Société de médecine de l'Aisne. — Laon (Aisne).
Favier. Professeur de mathématiques au Collège, 16, rue de la Juiverie. —
Étampes.
D' Favre, Médecin consultant de la Compagnie P.-L.-M., 1, rue du Peyrat. —
Lyon .
Favreuil (de), Géomètre expert, 25, rue du Molinel. — Lille.
Faye, Membre de l'Institut, Inspecteur général de l'instruction publique, 9, chaus-
sée de la Muette. — Paris. — R
*Fayol, Ingénieur en chef des houillères de Commentry (Allier).
Fée (Félix), Médecin en chef de l'hôpital militaire, Professeur agrégé à la Faculté de
.Médecine de Nancy. — Bougie (Algérie).
•Féligonde (de), ancien Dépulé, rue Savaron. — Clermont-Ferrand.
Dr Fkréol (Félix), 8. rue des Pyramides. — Paris.
•Ferère (G.), Armateur, 8, rue Âufray. —Havre.
Féret (Edouard), Libraire, coins de l'Intendance. — Bordeaux.
Ferrand (Eusèbe), Pharmacien, !»3, rue Saint-Honoré. — Paris.
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES XLI
Perrière Gabriel), rue du Réservoir. — Bordeaux
Fbrrouillat (Prosper), Fabricant « I * ■ produits chimiques, 1, rue d'Egypte.— Lyon.
Pessenko Ivan, Bipowitzch). — Charkow (Russie).
Février le Général , I ommandant la place, 34, quai de la Charité. — Lyon.
Fibre [Paul), Archéologue. — Voiron (Isère).
*Dr Fieuzal, 93, rue du Faubourg-Saint-Honoré. — Paris.
Fiévet, Fabricant de sucre. — Masnj Nord).
Filhol, Professeur à la Faculté des sciences. — Toulouse.
Filhol, Interne des Hôpitaux de Paris, 16, rue Cuvier. — Paris.
Fillon, Propriétaire. — Saint-Cyr-en-Talmondais (Vendée).
Filloux. Pharmacien. — Arcachon.
I'im.t (Etienne), Préparateur de chimie à la Faculté des sciences. — Clermont-
Ferrand.
Flamant, Ingénieur des ponts et chaussées. — Nice.
Fi.ament (Henri), Ingénieur civil, 94, rue Hauteville. — Paris.
Fleury; Recteur de l'Académie. — Douai.
Fleury, Directeur de l'École de médecine. — Clermont-Ferrand.
Fleury Victor), Propriétaire. — La Drouétière, commune de .Mauves (Loire-Infé-
rieure).
Florand Maurice), Pharmacien de I" classe. — Guéret (Creuse).
•Flourf.ns (('..), Ingénieur chimiste, Membre de la Société industrielle du Nord. —
Haubourdin, près Lille.
l'm.LiN (M",e veuve), 2'i4. boulevard Saint-Germain. — Paris. — F
Foincin, Professeur d'histoire et de géographie au Lycée de Bordeaux, Membre de la
Société de géographie. — Bordeaux.
*Fontanès, Pasteur, 153, boulevard de Strasbourg. — Havre.
Fontannes (F.), Géologue. 4, rue de Lyon. — Lyon.
Fontariye. — Linneville, commune de Gien (Loiret).— R
Fonteneau (Félix), Propriétaire, rue du Gommier. — Nantes.
Fontoynont, Pharmacien, 9, rue Lévis. — Batignolles-Paris.
*Fonvielle W. de), Homme de lettres, 50. rue des Abbesses. — Paris.
Fort fils, Négociant, coins du Jardin-Public. — Bordeaux.
Dr ï'ortineau, 65, rue de Rennes. — Nantes.
Dr Foulhouze (P. de la), 4, glacis de la Poterne.— Clermont-Ferrand.
Fouque (Charles), Archiviste de la Société d'histoire naturelle de Toulouse, 64, rue de
la Pomme. — Toulouse.
Fourcam), Sénateur. — Bordeaux.
Fourcand (Léon), Négociant. Membre du Conseil municipal, 34, rue Saint-Remy. —
Bordeaux.
Foureau (Fernand), Membre de la Société de géographie de Paris. — Fredière-St-
Barbant, par Mézières (Haute-Vienne) .
*Fouret, Ingénieur, 10, rue Billault. — Paris.
*Fourment (le baron de). — Cercamp-lès-Frévent. — (Pas-de-Calais). — R
Fourmond (L.), Négociant, 4, avenue de Paris ila Bastide). — Bordeaux.
Fournereau (l'abbé), Professeur de sciences à l'institution des Chartreux. —
Lyon.
Fournet, place Tourny. — Bordeaux.
•Fournie (Victor), Ingénieur des ponts et chaussées, 46, rue Madame. — Paris.
Dr Fournier (Alban). — Rambervilliers (Vosges).
Fournier (Félix), Membre de la Commission des échanges internationaux au Ministère
de l'Instruction publique, 119, rue de l'Université. — Paris. — R
*Fourmer-Latouraille. — Brioude (Haute-Loire.)
Frachon (E.), Ingénieur civil des mines. — Annonay (Ardèche).
Francezon (Paul), Chimiste et industriel. — Alais (Gard).
*Dr Franck (F.), Préparateur au Collège de France, 111, rue Notre-Dame-des-
Champs. — Paris.
•Frantzen. Fabricant de fleurs, 8, cour des Petites-Écuries. — Paris.
D' Frat (Victor), 23, rue Maguelonne. — Montpellier.
Fréchou, Pharmacien. — Nérac.
*Dl Fredet. — Clermont-Ferrand.
Frémenville (de), Géologue, 23, rue Sainte-Hélène. — Lyon.
*Fremy, Membre de l'Institut, Professeur au Muséum et à l'École polytechnique, 33, rue
Cuvier. — Paris. — F
XLH ASSOCIATION FRANÇAISE
*Fremy (Mœe), 33, nie Cuvier. — Paris.
Freyssinge, Pharmacien de lre classe, 97, rue de Rennes. — Paris.
Friedel, membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des sciences, 60, boule-
vard Saint-Michel. — Paris. — F
Friedel (Mrae), née Combes, 60, boulevard Saint-Michel. — Paris. — F
Friederich, Négociant. — Fontenay-le-Comte (Vendée).
Froment, Agent- Voyer, Conducteur en retraite. — Aa Cheylard (Ardèche).
*D" Fromentel (de). — Gray. — R
Frossard (Ch.-L.), 14, rue de Boulogne. — Paris. — F
Frouin (André). — Celles, canton d'Archiac (Charente-Inférieure).
Fulcrand (Charles), Colonel-Directeur du génie, 2, rue Boussairolles. — Mont-
pellier.
Fcmouze (Armand), Docteur-Médecin-Pharmacien, 78, Faubourg-Saint-Denis. —
Paris. — F
*Gachassin-Lafite (Léon), Avocat, 1, rue Castillon. — Bordeaux.
Gachassin-Lafite (Paul), Négociant, 73, rue de la Course. — Bordeaux.
*(',ache (Henri), 181, avenue d'Eylau. —Paris.
*Gagu, Architecte, 4, rue du Lycée. — Havre.
Gaillard, ancien Élève de l'École polytechnique, Adjoint au maire. — Clermont-
Ferrand.
*Dr Gairal père. — Carignan (Ardennes).
Galante, Fabricant d'instruments de chirurgie, 2, rue de l'École-de-Médecine. —
Paris. — F
Dr Galdo (Manuel M.-J. de), Professeur d'histoire naturelle à l'Université, ex-maire
de Madrid, sénateur du royaume, rue Hortaleza. — Madrid.
Gal, Répétiteur à l'École polytechnique, 60, boulevard Saint-Germain. — Paris.
*Dr Galezowski, 25, boulevard Haussmann. — Paris.
Galibert (Paul), Avoué, 1. rue Cheverus.— Bordeaux.
*Dr Gauppe, Préparateur d'histoire naturelle à l'École de pharmacie, Aide de clinique
à la Faculté de médecine, 48, rue Sainte-Anne. — Paris.
*Gallard, Médecin des hôpitaux. 7, rue Monsigny. — Paris.
Gallard, Banquier. — Guéret (Creuse).
Gallé-Reinemer, 1, rue de la Faïencerie. — Nancy.
Galline (P.), Banquier, Président de la Chambre de commerce, 11, place Bellecour.
— Lyon. — F
Galos (Robert), 103, rue Croix-Blanche. — Bordeaux.
Gandriau (Raoul), Manufacturier. — Fontenay-le-Comte (Vendée).
Garcia (Manuel), Ingénieur du service de la voie du Chemin de fer des Charentes.
— Saintes (Charente-Inférieure).
*Gariel (C.-M.), Ingénieur des ponts et chaussées, Agrégé libre à la Faculté de
médecine, 41, rue des Martyrs. — Paris. — F
Gariel (M01* Marguerite), 41, rue des Martyrs. —Paris.
*Garlandat (Mlle H.). — Saint-Jean-d'Angély (Charente-Inférieure).
*Garnaud, rue Peyronet. — Neuilly.
Garnier (Paul). Ingénieur mécanicien, 16, rue Taitbout. — Paris.
*Garreau, ancien Capitaine de frégate, 1, rue de Floirac. — Agen.
Dr Carreau. — Laval (Mayenne).
Dr Garrigou. 38, rue A'alade. — Toulouse.
Garrisson (Gaston), Étudiant. — Montauban.
Gassies, Directeur du Musée préhistorique, allées de Tourn.v. — Bordeaux.
Gaudefroy, 8, rue de la Montagne-Sainte-Ceneviève. —Paris.
Gaudin, Conseiller général de la Loire-Inférieure. 112, Faubourg-Saint-Honoré. —
Paris.
*Gaudon, Négociant, 156, boulevard de Strasbourg. — Havre.
*Gaudry (Albert), Professeur au Muséum d'histoire naturelle, 7 bis, rue des Saints
Pères. — Paris. — F
*Gauthier, Propriétaire, 18, rue Guillaume-le-Conquérant. — Havre.
Gauthier-Villars, Libraire, 55, quai des àugustins. — Paris. — F
Gautié, Ingénieur des ponts et chaussées. — Clermont-Perrand.
Gautier (AntoineL — Château de Piquayne, près Gazères (Haute-Garonne
POl'R LAVANCEMEN1 DES SCIENCES XUII
Gautier, Professeur agrégé à la Faculté de médecine, 105 6is, boulevard d'Enfer. —
Paris.
•Gautrbac (Louis), Administrateur de La Compagnie générale Transatlantique, 124,
rue Saint-Lazare. — Paris.
Gavarret, membre de l'Académie de médecine, Professeur a la Faculté de médecine,
73, rue de Grenelle-Saint-Germain. — Paris.
Gavellb Emile), Filateur, 275, rue de Solférino. — Lille.
Dr Gay. — Jarnac.
•Gay (Henri), Professeur de physique au lycée d'Amiens, 1, rue Basse-Notre-Dame.
— Amiens.
Dr Gatat, 10, rue de la Barre. — Lyon.
•D'Gayet, Chirurgien titulaire de l'Hôtel-Dieu, Professeur à la Faculté du médecine
de Lyon, 1, rue de la Barre. — Lyon.
•Geay, Directeur des Constructions navales, 7::. quai Colbert. — Havre.
Dr G ELUE, 33, me Neuve. — Bordeaux.
Genajllb. Ingénieur civil, •'>:<. rue de l'Hôtel-de-Ville. — Lyon.
Cen.un. Chimiste, 1, rue de la Charité. — Arras
•Geneix-Martin (l'abbé . Professeur a l'École Albert-le-Grand. — Arcueil.
•Gé.nestal, 170. boulevard de Strasbourg. — Havre.
•Génestai H. . Négociant. — Bavre.
Geneste (Eugène), Ingénieur civil, 42, rue du Chemin Vert. — Paris.
Gknevier (Gaston), Pharmacien, 83, quai de la Fosse. — Nantes.
Gf.nevoix (Emile), Pharmacien, 14, rue des Beaux-Arts. — Paris.
Génibrel (Charles), Négociai)! . — Béziers.
Gensoxjl (Paul . Ingénieur civil, 42, rue Yaubecourt. — Lyon.
Geoffroy Saint-Hii.aire (Alberl . Directeur du Jardin d'acclimatation, 50, boulevard
Maillot. — Neuilly (Seine). — F
•George, Architecte, 23, rue de 1 Hùtel-de-Yille. — Havre.
l)r Gérard, 2, rue Constantine. — Lyon.
Germain (Henri), Député de l'Ain. Président du conseil d'administration du Crédit
lyonnais, 8, rue Murillo. — Paris. — F
Germain (Philippe), Directeur de l'agence du Comptoir d'escompte de Paris, 33,
place Bellecour. — Lyon. — F
♦Germer-Baillikre, Libraire, Conseiller municipal, 108, boulevard Saint-Germain.
— Paris. — F
Gessler (Charles de), au château du Chesnay-sur-Ecos (Eure).
•Giard, Professeur à la Faculté des sciences, 75, rue Beauharnais. — Lille. — R
Giat, Pharmacien. — Cusset (Allier).
*Dr Gibert, 41, rue de Séry. —Le Havre. — R
Gibiard (l'abbé), Professeur de Sciences physiques et naturelles. — Pléaux (Cantal).
Gibon, Ingénieur directeur des forges de Commentry. — Commentry (Allier).
Giffard (Henri), Ingénieur, 14, rue Marignan. — Paris.
*Giffard (Emile), Pharmacien de première classe, place du Ralliement. — Angers.
Gillet (François), Teinturier, 9, quai de Serin. — Lyon.
Gillet-Paris, Ingénieur, 41, rue de la Reine. — Lyon.
Gillet fils aîné, Teinturier, 9, quai Serin. — Lyon. — F
Gillon, Serrurier-Mécanicien, 11 et 13, rue du Départ (gare Montparnasse).
— Paris.
Ginoux de Fermon (le comte), Député et Conseiller général de la Loire-Inférieure,
48, rue de Bourgogne. — Paris.
D' Gintrac (Henri), Directeur de l'École de médecine. — Bordeaux. — R
*Girard (Ch.). Manufacturier, 20, rue des Écoles. — Paris. — F
Girard, Directeur de la Manufacture des tabacs. — Lyon.
Girard père, 3, rue des Jeûneurs. — Paris.
Dr Girard, Conseiller général du Puy-de-Dôme. — Riom (Puy-de-Dôme).
Girard de Rialle (Julien), ancien Préfet de la République, 64, rue de Clichy. —
Paris.
Girardon, Ingénieur des ponts et chaussées, 1, cours Lafayette. — Lyon.
Giraud (Dominique), Négociant. — Saint-Peray (Ardèche).
D' Giraud-Teulon, Membre de l'Académie de médecine, 53, rue de Rome. — Paris.
Dr Girin, 24, rue de Lyon. — Lyon.
Giroud, 27, rue des Petits-Hôtels. — Paris.
Glotin, ancien Officier de la marine, 11, rue de la Devèse. — Bordeaux.
XLIV ASSOCIATION FRANÇAISE
Gobert, Pharmacien-Chimiste. — Montferrand (Puy-de-Dôme).
*Gobin, Ingénieur en chef du service municipal, 8, place Saint-Jean. — Lyon. — R
*Gobin (Madame), 8, place Saint-Jean. — Lyon.
Goblet, Chimiste. — Croix (Nord).
Godard (Camille), Négociant, 106, façade des Chartrons. — Bordeaux.
Godchadx (Auguste), éditeur, 10, rue* de la Douane. — Paris. — R
Godefroy (l'abbé), Professeur de sciences au Petit- Séminaire. — La Chapelle
(Loiret).
*Godefrot, Assureur, 20, rue de la Comédie. — Havre.
Goldschmidt (Frédéric), 22, rue de l'Arcade. — Paris. — F
Goldschmidt (Léopold), Banquier, 8, rue Murillo. — Paris. — F
Goldschmidt (S.-H.), 33, boulevard Malesherbes. — Paris. — F
*Gondouin, Propriétaire, 5, rue des Brindes. — Havre.
Gonet (Georges de), Percepteur des Contributions directes. — Saint-Fort-sur-Gironde.
Gonindard (l'abbé), Directeur de l'institution des Chartreux. — Lyon.
Gonnard (F.), Ingénieur des hospices, 54, quai Saint- Vincent. — Lyon.
Gordon (Richard), Bibliothécaire-adjoint, à l'École de médecine. — Montpellier.
Dr Gosse. — Genève.
Gosselet, Professeur à la Faculté des sciences, 18, rue d'Antin. — Lille.
Gosselin, Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté de médecine, 3, rue des
Pyramides. — Paris.
Gouget, Archiviste du département. — Bordeaux.
"Goujon (Gabriel), 131, boulevard Saint-Germain. — Paris.
Goullin (Gustave), Vice-consul de Belgique, 13, rue Gresset. — Nantes.
"Goumin (Félix), Propriétaire, 3, route de Toulouse. — Bordeaux.
"Goumois (Just de), Négociant, 71, Grand'Rue. — Besançon.
Gounouilhou, Imprimeur, 11, rue Guiraude. — Bordeaux. — F
Goupilleau, Président de la section d'agriculture de la Société académique, 3, rue
Cambronne. — Nantes.
Gourdon (Camille), Professeur de l'école La Martinière. — Lyon.
Gournerie (de la), Membre de l'Institut, Inspecteur général des ponts et chaussées,
75, boulevard Saint-Michel. — Paris. — R
Goussard, Président de section au Conseil d'État. — Watten, près Saint-Omer.
Gousset, Inspecteur d'académie, 13, rue des Cadeniers. — Nantes.
Gozzadi.m (Comte J.), Sénateur du royaume d'Italie, ancien Président du Congrès
international d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques. — Bologne (Italie).
Grad (Charles), Secrétaire du Comité de statistique de la Société industrielle de
Mulhouse. — Logelbach (Alsace).
Grand'Eury, Ingénieur, rue de Paris. — Saint-Etienne.
Grandidier, 14, rue de Berry. — Paris.
Grandville, Propriétaire. — Port-Saint-Père (Loire-Inférieure).
Grayelle, Pharmacien. — Nevers.
Gremailly, Directeur de l'hôtel de la Paix. — Bordeaux.
Grenier (0.), Ingénieur-constructeur de la maison veuve Chevalier-Grenier, 60, quai
de Perrache. — Lyon.
*Grenier, Pharmacien, 61, rue des Pénitents. — Havre.
Grimaux, Professeur de chimie générale à l'Institut national agronomique, Répéti-
teur à l'École polytechnique, 104, rue d'Assas. — Paris.
Grissac (de). — Bel-Air-les-Cartes, par Mortagne-sur-Gironde (Charente-Infé-
rieure).
Groc, Directeur du service des eaux. — La Rochelle (Charente-Inférieure).
*Grolous, Ancien élève de l'École polytechnique, 1!), Faubourg-Saint-Eloi. — Choisy-
le-Roi.
Gros (Camille), Professeur à l'École de médecine. — Alger.
Dr Gros-i.lrin, Député de l'Ain. — Gex (Ain .
Gross. Professeur cgrégé à la Faculté de Médecine, 17, quai Lsabey. — Nancy.
Grossard (Hippolyte), Négociant. —Bordeaux.
*Grosseteste (William), Ingénieur, ancien élève de l'École centrale, quai de la Suire.
— Mulhouse.
Grottes Comte Jules des . Conseiller général, 11, place Dauphinc. — Bordeaux.
*Groult. Fondateur des musées cantonaux. — Lisieux.
Gruner, Inspecteur général des mines, <S4. nie d'Assas. — Paris. — F
PODB L AVANCEMENT l>KS SCIENCES XLV
D' Gubler, Membre de l'Académie de médecine, Professeur à la Faculté de méde-
cine, 18, me du Quatre-Septembre. — Paris. — F
Dr Gubpin, rue Thiac. — Bordeaux.
Dr Gl-krin Alphonse] . Membre de l académie de médecine, 9, rue d'Astorg. — Paris. — F
Guérir (Jules . Ingénieur civil, 106, boulevard Saint-Germain. —Paris.
Gubrin, Proviseur du lycée Biaise-Pascal. — Clermont-Ferrand.
Guernb (J. de), Étudiant. !t. i m- Lewarde. — Douai.
•Gobrout, Préparateur au Muséum, 2î. rue des Fossés-Saint-Jacques. — Paris.
Gobrrand, avocat, 29, rue Gustave Gazavan. — Bavre.
1,1 esnd, Percepteur. — Saint-Georges-de-Cubillac, canton de Saint-Genis-de-Saintonge.
Gcestier (Daniel), Membre de la Chambre de commerce. — Bordeaux.
(Iuestier (Gaston), Propriétaire, 40, cours du \\\ Juillet. — Bordeaux.
Guézard, 7, rue du Rond-Point. — Montrouge [Seine).
Guiard, Ingénieur des ponts e( chaussées. — Corbeil.
Guiberteau (Emile), rue du Cir. — Saint-Jean-d'Angélj (Charente-Inférieure).
Guiche (marquis de la , 16, rue Matignon. — Paris. — F
Guiet (Gustave), 95, avenue .Montaigne. — Paris.
Guieysse, Ingénieur hydrographe de la marine, 42, rue des Écoles. — Paris. — R
Guillaume (Léon). — Baraucourt-les-Forges. (Ardennes).
'Guillemard, Conseiller municipal. — Havre.
Guillemet (Gabriel). — Fontenay-le-Comte [Vendée).
(Iuilley, Président du Cercle des Beaux-Arts, 27, rue de Gigant. — Nantes.
Dr (iuiLLAUD, Licencie es sciences naturelles, 11, boulevard Henri IV, à .Montpellier.
Dr Guillon père, 25, rue Gaillon. — Paris.
'Guillot, Entrepreneur, 4, rue Madame Lafayette. — Havre.
Guillotin, 76, rue de Lourmel. — Paris.
Guimet (Emile), Négociant, place de la Miséricorde. — Lyon. — F
Dr Guiraui). — Montauban.
Guy, Négociant. 2!t. quai Valinv. — Paris. — R
"Guyerdet (A.). Attaché aux collections géologiques de l'École des mines, 16, rue Gay-
Lussac. — Paris.
*Guyot-Lav aline, Vice-Président du Conseil général du Puy-de-Dôme. — Clermont-Ferrand.
Hachette et C'", Libraires-Éditeurs, 79, boulevard Saint- Germain. — Paris. — F
Hadamard (David). 14, rue Bleue. — Paris. — F
*Hallaure, Propriétaire, Maire de Bléville, 20, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre. .
Hai.lez (Paul), Pharmacien de lre classe, 62, rue de Gand. — Lille.
Hallopeau (P.-F.-A.), Inspecteur principal au chemin de 1er de Lyon, Répétiteur à
l'École centrale (Métallurgie), 3, rue de Lyon. — Paris.
Halphen (Constant), 11, rue Tilsit. — Paris.
•Halphen (G.), Capitaine d'artillerie, Répétiteur à l'École polytechnique, 51, rue
Sainte-Anne. — Paris.
Dr Hameau, Docteur en médecine. — Arcachon.
*Dr Hamy, 129, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Hanappier (Mme), 57, rue du Jardin-Public. — Bordeaux.
*Harel, Négociant, 15, rue de la Comédie. — Havre.
*Harembert (Armand), Propriétaire. — Verneuil (Eure).
*Haraucourt (C), Professeur au Lycée. — Rouen.
Haton de la Goupillière, Ingénieur des Mines, Examinateur d'admission à l'École
polytechnique, 8, rue Garancière. — Paris. — F
Hatt, Ingénieur hydrographe, 9, rue Madame. — Paris.
•Hauguel, Négociant, 35, rue Hilaire-Colombel. — Havre.
•Hauser, Négociant, 83 rue Tourneville. — Havre-.
Haussonville (comte d'), Membre de l'Académie française, 109, rue St-Dominique. —
Paris. — F
Hauterive (Georges d'). — Issoire (Puy-de-Dôme).
Hayès, Pharmacien, 12, avenue de la Grande-Armée. — Paris.
Hébert, Professeur de géologie à la Faculté des sciences, 10, rue Garancière.— Paris,
Hecht (Etienne), Négociant, 19, rue Le Peletier. — Paris. — F
Hedelin (Mrae), 2, rue de Villiers. — Paris (Ternes).
"Henninger, Préparateur à l'École de médecine, 13, rue Daguerre. — Paris.
Henriet, Vétérinaire, 44, place de Jaude. — Clermont-Ferrand.
Henrivaux, Manufacture de glaces et produits chimiques. — Saint-Gobain (Aisne).
XLVI ASSOCIATION FRANÇAISE
*Dr Henrot (Adolphe). — Reims.
*Henrot (Jules), Président du Cercle pharmaceutique de la Marne, 75, rue Neuve. —
Reims.
"Henrot (Mme Henri), 73, rue Neuve. — Reims.
Dr Henrot (Henri), Professeur suppléant à l'École de médecine, 73, rue Neuve. —
Reims.
Dr Henry, 39, rue de Béthune. — Lille.
Henry, Ingénieur des ponts et chaussées. — Dunkerque.
Henry (Edmond), Ingénieur des ponts et chaussées, 2, rue de l'Oriflamme. — Orléans.
Hentsch, Banquier, 20, rue Le Peletier. — Paris. — F
Herbault-Nemours, Agent de change, 12, rue Port-Mahon. — Paris.'
Hérilier (Charles), 26, quai Jayr. — Lyon.
*Héron (Guillaume), Propriétaire, 11, rue Sainte-Ursule. — Toulouse. — R
*HÉRONi 7, place de Tourny. — Bordeaux.
*Hérouard (Julesi, ancien Elève de l'École centrale, 23, rue Saint-André. — Saint-
Quentin (Aisne).
Herrenschmidt, Négociant, 44, rue Bernardin-de-Saint-Pierre. — Havre.
Herscher (Charles), Ingénieur civil, 42, rue du Chemin-Vert. — Paris.
*Hervé-Mangon, Membre de l'Institut, 6!), rue Saint-Dominique. — Paris.
*Heuzey, Banquier, 7, rue de la Paix. — Havre.
*Heuzey (Jules), fils. — Havre.
Hillel frères, 31, rue Lafayette. — Paris. — F
*Himely, Négociant, 38, rue de la Côte. — Havre.
*Hippeau (C), Secrétaire du Comité des travaux historiques au Ministère de l'instruction
publique, 8, rue de la Pompe. — Paris-Passy.
Hirsch, Architecte en chef de la ville, 17, rue Centrale. — Lyon.
Hirsch, Ingénieur des ponts et chaussées, 63, boulevard Suchet. —Paris (Auteuil).
Dr Hoggan (M""* Francès, Elisabeth), Membre des British Association for the Advan-
cement of Science et British Médical Association, 13, G-randville place, Portman
square. — Londres. W.
Dr Hoggan (George), Membre des British Association for the Advancement of Science
et British Médical Association, 13, Grandville place, Portman square. — Londres. W.
Holstein (P.), Agent de change, 20, rue de Lyon. — Lyon.
Hottinguer, Banquier, 38, rue de Provence. — Paris. — F
Houdoy (J.), Propriétaire, square Jussieu. — Lille.
Houel, Ingénieur, 75, avenue des Champs-Elysées. — Paris. — F
*Houzé de l'Aulnoit (Alfred), Professeur à l'École de médecine. — Lille.
*Houzé de l'Aulnoit, Avocat. — Lille.
«Hovelacque (Abel), Professeur à l'École danthropologie, conseiller municipal, 35, rue
de l'Université. — Paris. — F
Hovelaque-Gense, 2, rue Fléchier. — Paris. — R
Hovelacque-Khnopff, 88, rue des Sablons. — Passy-Paris. — R
Hovelacque-Mahy, 99, rue Royale. — Lille.
Hubert (Pierre), Industriel, 6, rue Scribe. — Nantes.
*Huchon, Architecte, 33, rue Casimir-Périer. — Havre.
Dr Huette. — Montargis.
Huguet, Professeur adjoint à l'École de médecine et de pharmacie. — Clermont-
Ferrand.
Humbert (G.), 45, rue Malesherbes, — Lyon. — R
*Dr Hureau de Villeneuve, 95, rue Lafayette. — Paris. — F
"Hureau de Villeneuve (M"e), 95, rue Lafayette. — Paris.
Huret (E.), 24, avenue des Champs-Elysées. — Paris.
*Huriez (L.). Professeur, hôtel des Phares. — Havre.
HussoN, Maire de Viry-Chàtillon. — Viry-Chàtillon.
Huyot, Ingénieur des mines, Directeur de la Compagnie des chemins de fer du
Midi, 10, rue du Cirque. — Paris. — F
Dr de Hysern (Joachini), ancien Professeur, Conseiller royal, Inspecteur général de
l'instruction publique d'Espagne, 20, rue du Prado. — Madrid.
Dr Icard, Secrétaire général de la Société des sciences médicales, 48, rue de Lyon.
— Lyon.
*Icard (J.), Pharmacien, 24, cours Belsunce. — Marseille.
Illaret (A.), Vétérinaire. — Saint-Ferme, par Monségur (Gironde).
POUB l \\wriMi\i DES SCIENCES M, Vil
♦Irasoit.. Négociant, 169, boulevard de Strasbourg. — Havre.
•Iselin, Négociant, 51, rue <le la Côte. — Eavre.
•Jablonski, [nstituteur, rue d'Épréménil. — Havre
Jàccoud, Membre de l académie de médecine, Professeur agrégé à la Faculté de
médecine, 62, boulevard Baussmann. — Paris.
Jackson, James , L3, avenue du Bois-de-Boulogne. — Paris. — R
Jacquet, Directeur de l'usine de la Voulte. — La Voulte (Ardèche).
Jacquemart (Frédéric), 58, Faubourg-Poissonnière. — Paris. — F
'Jalard, Pharmacien, 526, rue Sainte-Anne. — Narbonne.
"Jalard (Justin), Avocat. Juge de paix suppléant. — Narbonne.
Jallandb-Crovillb, Propriétaire, 11, rue des Cadeniers. — Nantes.
Jaloustre tils, 4gentvoyer. — Clermont-Ferrand.
Jameson (Conrad), Banquier. 38, rue de Provence. — Paris. — F
Jamin (Léon), Ingénieur, 96, rue de Rennes.— Nantes.
Jangot, Propriétaire, 7, rue Montée-des-Anges. — Lyon.
Mwm.ttaz (Edouard), Aide au Muséum, Directeur-adjoint du laboratoire de. minéra-
logie à l'École des hautes études, 9, rue Linnée. — Paris.
"Janssen, Membre de l'Institut, Directeur de l'Observatoire physique. — Meudon (Seine-
et-Oise).
Jaquiné, Inspecteur général honoraire des Ponts et Chaussées. — Nancy.
Mardel-Gekai i) M":, 31, cours du XXX-.luillet. —Bordeaux.
"Jardin, Conseiller municipal, 20, impasse Saint-Thibault. — Havre.
Maumes, Professeur agrège à la Faculté do médecine de Montpellier. — Mont-
pellier.
Jean, Interne des hôpitaux de Paris, 66, nie d'Alésia. — Paris.
.Ieanjean. Professeur à l'École de pharmacie. — Montpellier.
Dr Jeannin (0.). — Montceaux-les-Mines s,n' -et-Loire .
Jennepin, Chef d'institution. — Coulsore (Nord).
Joanne (Ad.), Présidenl du Clup Alpin français, 20, rue de Vaugirard. — Paris.
Johannot (IL), Fabricant de papiers. — Annonay (Ardèche).
Johnston (H.), Négociant, 25, rue Vauban. — Bordeaux.
Johnston (Nathaniel), ancien Député, pavé des Chartrons. — Bordeaux. — F
Joly, Ingénieur des ponts et chaussées, 19, rue Colbert. — Nantes.
*Joly (Charles), Vice-Président de la Société centrale d'horticulture de France.
11, rue Boissy-d'Anglas. — Paris.
Moly (Ambroise), Entrepreneur, 44, boulevard François Ier. — Havre.
Jones (Charles), chez. M. R. P. Jones, 14, boulevard Malesherbes. — Paris. — R
Jordan (A.), Professeur, 40, rue de l'Arbre-Sec. — Lyon.
Jouet (Daniel), élève à l'Institut national agronomique, 27, cours du Jardin^Public.
— Bordeaux.
"Jouffroy (Ch.), 1, rue Childebert. — Lyon.
Dr Jouon, 23, rue du Moulin. — Nantes.
Dr Jourdanet, 1, rue de Berry. — Paris. — F
Jourdain i:, Pharmacien, 52, quai de la Fosse. — Nantes.
Jousset de Bellesme, Professeur de physiologie à l'École de médecine, ex-Professeuf
à l'École Turgot. — Nantes.
*Jouvin, Négociant, 12, chaussée d'Ingouville. — Havre.
"Joyau, Professeur de philosophie au Lycée de Limoges. — Limoges.
Juglard (Mme J.), 1, rue Lavoisier. — Paris.
Julien, Professeur de géologie à la Faculté des sciences. — Clermont-Ferrand.
Jullien, Ingénieur des ponts et chaussées. — Béziers.
*Jullien (Jean), Chimiste, 18, rue des Écoles. — Paris.
*Jung, Négociant, rue de la Côte. — Havre.
Jungleisch, Conservateur des Collections à l'École polytechnique. — Paris. — R
*Jusselin, Propriétaire, 8, rue Madame Lafayette. — Havre.
*Juteau, Négociant, 6, rue de Bourgogne. — Havre.
Kann, Banquier, 58, Avenue du Bois-de-Boulogne. — Paris. — F
Dr Kastus, Professeur de chimie à l'école La Martinière, 9, rue Constantine. — Lyon.
*Kerdyck, Négociant, 33, boulevard François Ier. — Havre.
*Kessler, Fabricant d'engrais chimiques, cours Sablon, maison Taburier. — Clermont-
Ferrand.
Dr Kirchberg, Professeur suppléant à l'École de médecine, 1, rue Basse-du-Chàteau.
— Nantes.
XLVIII ASSOCIATION FRANÇAISE
*Klipffel (Auguste), Négociant. — Béziers.
Dr Kloz, 36, cours de Tourny. — Bordeaux.
Kœchlin (Jules), avenue Ruysdaël, 4 (parc Monceaux). — Paris. — R
"Kœchlin (Emile), 85, boulevard Saint-Michel. — Paris.
"Kœchlin, Négociant, 17, rue Marie-Talbot. — Sainte-Adresse (Seine-Inférieure).
"Kœchlin, Négociant. — Sainte-Adresse (Seine-Inférieure).'
"Kœhler (Léon), Employé, 53, rue d'Orléans. — Havre.
Kœnigswarter (baron Maxim ilien de), ancien Député, 4, rue d'Astorg. — Paris. — F
Kônigswarter (Antoine), 60, rue de la Chaussée-d'Antin. — Paris — F
Korosi (Joseph), Directeur du bureau municipal de statistique, Membre de la Com-
mission internationale de statistique. — Budapest (Autriche-Hongrie).
Kovalski, Professeur à l'École supérieure de commerce et d'industrie, 18, rue Ravez.
— Bordeaux.
*Krafft (Eugène), Professeur de mathématiques, au Lycée. — Nice.
Kuhlmann (Frédéric), Correspondant de l'Institut. — Lille. — F
Kuppenheim (J.), Négociant, Membre du conseil des hospices, 26, quai Saint-Antoine.
— Lyon. — F
Labat, Professeur à l'École de médecine. — Bordeaux.
*Dr Labbé, 65, rue des Feuillantines. — Paris.
Labrunie, Négociant, 49, Pavé des Chartrons. — Bordeaux. — R
Lacaze-Duthiers (de), Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des sciences.
7, rue de la Vieille-Estrapade. — Paris.
Lachaize (Laurent), Peintre-Verrier, — Rodez.
Dr Lachaud. — Lugon (Gironde).
*Lachesnez, Sous-chef de l'économat à la Compagnie générale transatlantique.
35, quai d'Orléans. — Havre.
Lacretelle, Ingénieur. — Bois-d'Oingt (Rhône). — R
Lacroix, Propriétaire. — Saint-Loubès (Gironde).
"Ladcreau, Directeur du laboratoire de 1 État et de la Station agronomique du Nord.
— Lille.
Laennec, Directeur de l'École de médecine, 13, boulevard Delorme. — Nantes. — R
Laère (G. de), 9, rue Saint-Charles. — Paris.
Lafargue (Georges), Sous-Préfet. — Oloron.
Lafargue, Industriel. — Manufacture de Laprade, par Aubeterre (Charente).
*Dr Lafaurie, 25, rue de Joinville. — Havre.
*Dr Lafitte, Médecin consultant. — Coutras (Gironde).
Lafitte (Paul), 6, rue Castellane. — Paris.
Lafon, Professeur à la Faculté des sciences, 2, place Louis XVI. — Lyon.
Lafont (Georges), Architecte, 17, rue Rosière. — Nantes.
Lafont, Propriétaire. — Le Puy-en-Velay.
*Dr Lagneau (Gustave), 38, rue de la Chaussée-d'Antin. — Paris. — F
Lagneau (.Mme), 38, rue de la Chaussée-d'Antin. — Paris.
Dr Lagout, Aigueperse (Puy-de-Dôme).
Lagrange, Directeur de la raffinerie Guillon, 45, quai Bourbon. — Paris.
•Lagrave, Magistrat, 27, cours de l'Intendance. — Bordeaux.
"Lagrené (de), Ingénieur en chef des ponts et chaussées. — Mantes (Seine-et-Oise).
Lagrolet, Négociant, 124, cours d'Alsace-Lorraine. — Bordeaux.
Dr Lahens (Th.), 49, cours du Jardin-Public. — Bordeaux.
Dr Lailler, 22, rue Caumartin. — Paris.
*Lair (Charles), 18, rue Lascases. — Paris.
Laisant, Député et Membre du Conseil général de la Loire-Inférieure, 16, avenue de
Villiers. — Paris.
Lalande (de), 22, rue d'Enfer. — Paris.
Lalande (Armand), Négociant, 84, quai des Chartrons. — Bordeaux. — F
Lalanne, 23, rue Doidy. — Bordeaux.
Lalanne, Propriétaire. — Castillon (Gironde).
Dr Lalesque (Jules). — La Teste (Gironde).
Lallemand (A.), Doyen de la Faculté des sciences. — Poitiers.
"Lallemant, Lieutenant-colonel du génie, 74, rue du Champ-de-Foire. — Havre.
Dr Lallement (Ed.), Professeur suppléant à l'École de Nancy, 28, rue Saint-Dizier.
— Nancy.
Lallié (Alfred), Avocat, 11, tenue Camus. — Nantes. — R
Lalouette, Directeur de l'Omnium, 13, rue de Lyon. — Lyon.
PODH l.'.W WCK.MENT DES^SCIENCES [xr.!\
l wK-l'i.KiRY. Ingénieur en chef des mines, secrétaireTdu Conseil général des mines,
63, rue de Verneuil. — Paris. — F
Lamotte (Martial), Directenr du Jardin botanique. — Clermont-Ferrand.
I iHODBJtox, Imprimeur en taille-douce, 38, rue Lacépède. — Paris.
I moOROUX, Chef de bataillon en retraite, 186, boulevard de Strasbourg. — Havre.
I.\my Ernest), 83, rue Taitbout. — Paris. — F
I \mv (A.), Professeur à l'École centrale, 77, boulevard Saint-Michel. — Paris.
I.amy (Ed.), Élève à l'Ecole centrale, 77, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Lan, Ingénieur en chef des mines, Directeur des Forges de Châtillon et de Commen-
try, 3, rue du Regard. — Paris. — F
'Lancereai'x, Membre de l'Académie de nie.lerine. Professeur agrégé à la Faculté de
médecine de Paris, •'). rue Saint-Arnaud. — Paris.
'Landa, Rédacteur du Progrès de Saône-et-Loire. — Chalon-sur-Saône (Saône-et-Lcire).
i \mi\rii, Sous-Préfet — Harmande.
Dr Lande, Chef interne de l'hôpital Saint-André, rue Vital-Caries. — Bordeaux.
*Dr I.AMumsM, 31, rue Chaptal. — Paris.
I wi.itiKi . Négociant, 100, rue de Paris. — Havre.
'Landrir, Chimiste, 25, rue Michel-le-Comte. — Paris.
Landron, Pharmacien. — Dunkerque.
1)- Lanbssaw de , Professeur agrégé à la Faculté de médecine, 13, r les Halles.— Paris.
Lan»;, Directeur de la Société d'enseignement professionnel, 7, rue des Marronniers
— Lyon.
'Langer (Edouard), Négociant, rue Marie-Talbot. — Havre. (Sainte-Adresse.
*I.\m;f.r (Paul), Négociant, lit;, ru.» Saint-Thibault. — Havre.
"Dr Langbvin, 131, rue de Paris. — Havre.
'Langlet (Mrae), 67, rue Véronèse. — Reims.
•Dr La.m.i.kt. t)7. rue \i-n>u>^r _ Reims.
•Lannelongub, Professeur à l'École de médecine, 24, rue du Temple. — Bordeaux.
Lanoire (Albert), 8, rue Hustin. — Bordeaux.
I)r Lantibr (E.), 150, avenue de Neuilly. — Neuilly. — R
Landssb lils, Négociant, 13, rue du Temple. — Bordeaux.
'Lapeyrière (Gabriel de , Propriétaire, château de Riencazé par Saint-Gaudens (Haute-
Garonne).
Laporte, Professeur du cours municipal de géométrie et de mécanique, 71, rue
Mouneyra. — Bordeaux.
Laporte (Maurice), Négociant. — Jamac (Charente).
"Laporte, Constructeur, .">, rue Saint-Louis. — Havre.
Laporte (Gaston), Avocat. — Ne vers.
Lapparent (de). Ingénieur des mines, 3. rue de Tilsil. — Paris. — F
Dr Larauza, Médecin en chef des Thermes. — Dax (Landes).
Laroche (Félix), Ingénieur des ponts et chaussées, 118, avenue des Champs-Elysées
— Paris. — R
Laroche (Mrae Félix), 118, avenue des Champs-Elysées. — Paris. — R
La Roche-Tolay (H. de). Ingénieur en chef des ponts et chaussées. — Bor-
deaux.
Laroque, Professeur de mathématiques spéciales au lycée, rue Malherbe. —
Nantes.
Dr Laroyenne, Chirurgien en chef de la Charité, chargé de clinique complémentaire à
la Faculté de médecine de Lyon, 110, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Lyon.
Laroze (Alfred), Avocat, 17, rue Montméjan. — Bordeaux.
Laroze (Numa), Négociant, 18, quai des Chartrons. — Bordeaux.
Larré, Avoué, rue Vital-Caries. — Bordeaux.
Larrey, Négociant industriel, 50, quai de la Fosse. — Nantes.
Larrey (le baron) , Membre de l'Institut et de l'Académie de médecine, Député des
Hautes-Pyrénées, 91, rue de Lille. — Paris. — F
Larronde (E.), Conseiller municipal, 9 rue Vauban. — Bordeaux.
Lartet, Docteur es sciences, chargé de cours à la Faculté des Sciences. — Tou-
louse.
*Larue et Cie, Négociants, 37, rue Bernardin-de-Saint-Pierre. — Havre.
Lataste, Maire de Libourne. — Libourne.
"Latham (Ed.), Négociant, 41, rue de la Côte. — Havre.
*Latham (Lionel), 9, rue Escarpée. — Havre. — R
Laubenheimer, Brasseur. — Nérac
d
L ASSOCIATION FRANÇAISE
Laubenheimer (M"°). — Nérac.
Laumer (de Saint-), ancien Maire. — Chartres (Eure-et-Loir;.
Laurencel (le comte de), 26, rue des Écoles. — Paris — . F
Laurent, Directeur de la fabrique de produits chimiques. — Loos près Lille.
Laurent, Négociant, cours de l'Intendance. — Bordeaux.
Laurent (de Saint-), Avocat, 68, rue David-Johnston. — Bordeaux.
Laurière (de), 15, rue des Saints-Pères. — Paris.
*Laussedat, Colonel du génie, Professeur au Conservatoire des arts et métiers, 15, rue
Vanneau. — Paris. — R
Dr Laussedat (L.), Député de l'Allier, Membre honoraire de l'Académie de méde-
cine de Belgique, 114, rue du Bac. — Paris.
Laussedat (Henri), Étudiant en médecine, 15, rue Vanneau. — Paris.
Lauth (Ch.), Membre du Conseil municipal, Chimiste, 2, rue de Fleurus.— Paris. — F
Lavalley (Etienne), Propriétaire, 6. rue de Rome. — Paris.
*Lavalley, Ingénieur, 18, rue Murillo. — Paris. — R
Lavaud de Lestrade, Directeur du grand séminaire. — Montferrand (Puy-de-
Dôme).
Lawrence-Smith, Président du Congrès scientifique américain. — Louisville (Kentucks,
United States.)
Lawton (William), Négociant, Pavé-des-Chartrons. — Bordeaux.
Lebeault (P.), 53, rue Réaumur. — Paris.
Le Blanc (Victor), Négociant, rue de Vertou. — Nantes.
Le Blanc (Paul). — Brioude (Haute-Loire).
•Le Blanc (Félix), Professeur à l'Ecole centrale des arts et manufactures, 9, rue Vieille-
Estrapade. — Paris.
Dr Le Blaye (J.), 9, cours de Gourgues. — Bordeaux.
Le Bouvier, Entrepreneur, au Pont-Rouge. — Rochefort.
Le Bouvier (Mme), au Pont-Rouge. — Rochefort (Charente-Inférieure).
Lebrët (Paul), 22, rue Caumartin. — Paris. — R
*LE Bris, Négociant, 56, rue du Lycée. — Havre.
"Lebrun, Entrepreneur de travaux, 7, rue Caligny. — Havre.
*Dr Lbcadre (A.), 13, rue Fontenelle. — Havre.
*Lecadre (E.), Négociant, 21, place de l'Hôtel- de-Ville. — Havre.
*Dr Lecadre (neveu), 2, rue de l'Orangerie. — Havre.
Lechat (Charles), maire de Nantes, place Launay. — Nantes. — R
Le Chatelier (Henry), Ingénieur des mines. — Besançon.
Le Chatelier (Mra«). — Besançon.
Lechevrel (Marcel), Étudiant. — Chanu (Orne).
Lechin. — Courtenay (Loiret).
Lechin (Mn,e). — Courtenay (Loiret).
Le Cler (Achille), Ingénieur civil, Maire de Bouin (Vendée), 47, rue Bonaparte. —
Paris.
Dr Leclerc (Alfred). — Rouillac (Charente).
Dr Le Clerc (J.-B.), 12, rue Ratisbonne. — Lille.
Leconte, Ingénieur civil des mines, 49, rue Laffitte. — Paris. — F
Lecoq de Boisbaudran, Correspondant de l'Institut, Négociant. — Cognac. — F
♦Lecureur, Rédacteur du journal le Havre, Membre de la Société géologique de
Normandie, 5, rue de Berry. — Havre.
♦Dr Lécuyer (H.). — Beaurieux (Aisne).
*Ledanois, ancien Référendaire au Sceau, 14, rue de Maubeuge. — Paris.
Ledoux (Samuel), Négociant, 29, quai de Bourgogne. — Bordeaux.
Ledru Professeur à l'École de médecine. — Clermont-Ferrand.
Ledru' Architecte, Président de la Commission départementale. — Clermont-Ferrand.
Dr Leenhardt (René). — Montpellier.
'Leenhardt (Frantz), Professeur à la Faculté. — Montauban (Tarn-et-Garonne).
*D' Lefébure, 5, rue Escarpée. — Havre.
Lefebvre (Jules), Agrégé de l'Université, Professeur au Lycée. — Nancy.
Lefèvre (Léon), Ingénieur des ponts et chaussées. — Abbeville (Somme).
Lefort (Jules), Membre de l'Académie de médecine, 87, rue Neuve-des-P&tits-Charaps.
— Paris.
•Lefort (Joseph) , Avocat à la Cour d'appel, 44, rue Lafayette. — Paris
'Lefort (M"' J./, 44, rue Lafayette. — Paris.
Lefort (Pierre), Étudiant en droit, 21, boulevard Rochechouart. — Paris.
POUR L'AVANCEMENT DF.S SCIENCES
i.l
'I.EKORT (Gustave), 87, rue Neuve-des-Petits-Champs. — Taris.
Le KoRT(l.éon), Membre 'le L'Académie de médecine, Professeur à la Faculté de
médecine, 96, rue de la Victoire. — Paris. — F
*Lefranc, Pharmacien, 112, rue d'Etretat. — Havre.
Lefranc (Edmond) , 14, quai Louis XVIII. — Bordeaux.
Dr Le Gendre, 103, rue Porte-Dijeaux. — Bordeaux.
*Legrano, Négociant, 3 et 5, rue Naude. — Havre.
'Legris (Georges), Ingénieur mécanicien. — Maromme (Seine-Inférieure).
*Legris (Edouard), Ingénieur mécanicien. — Maromme (Seine-Inférieure).
Leguay (Louis), Architecte expert, 3, rue de la Sainte-Chapelle. — Paris.
Leloir, Interne des Hôpitaux, 17, rue Monge. — Paris.
Lelong, Capitaine au 36e rég. d'artillerie, 13. place Delille. — Clermont-Ferrand.
Lemale, Imprimeur, 3, rue de Bapaume. — Havre.
'I.kmarchand (Abel) , Constructeur de navires, 29, rue du Perrey. — Havre.
*Le Marchand (Augustin), Ingénieur géologue, — aux Chartreux, Petit-Quevilly, près
Bouen. — F
'I.emarié (Eugène), Naturaliste. — Saint-Jean-d'Angély (Charente-Inf.).
Lemercier (le comte Anatole), Président du Conseil d'administration du chemin de
fer des Charentes. — Saintes (Charente-Inférieure).
Le Mesle (G.), Géologue, 6, rue du Grain-d'Or. — Blois.
*LeMierre, Négociant, 20, rue de la Comédie. — Havre.
'Lkmoine (Emile), Ingénieur civil, ancien Élève de l'École polytechnique, 55, rue du
Cherche-Midi. — Paris.
*LeMoîne (G.), Ingénieur des ponts et chaussées, 70, rue d'Assas. -- Paris.
Le Monnier, Professeur d'histoire naturelle à la Faculté des sciences. — Nancy.
Lemut, Ingénieur civil, 6. rue de l'Entrepôt. — Nantes.
Leneveu (Ernest), Ingénieur civil, 41, chaussée de la Madeleine. — Nantes.
•Lennier (G.), Directeur du Musée d'histoire naturelle, 2, rue Bernardin-de-Sainl-
Pierre. — Havre.
Lenoir, Négociant, Membre du Conseil municipal. 9, cours d'Alsace-Lorraine. —
Bordeaux.
Lenoir (Léon), Architecte, 11, rue Contrescarpe. — Nantes.
Lenoir, Avoué, Adjoint au maire. — Clermont-IYrrand.
Df Léon, Professeur à l'École de médecine navale. — Bochefort.
Léon (Adrien) , Député de la Gironde, 5, rue Foy. — Bordeaux.
Léon (Alexandre), Administrateur de la Compagnie du Midi, Armateur U cours du
Chapeau-Bouge. — Bordeaux.
Léon (Anselme), Négociant, 22, rue Fondaudège. — Bordeaux.
Dr Léon-Dufour (A.). — Saint-Sever-sur-Adour (Landes).
*Lepaute, Constructeur de phares, 6, rue Lafayette. — Paris.
*Lepine, Professeur à la Faculté de médecine de Lyon. — Lyon. — R
*Lerch, Négociant, 24, rue de Joinville. — Havre.
Leroux, Capitaine au 81e de ligne. — Bodez (Aveyron).
Leroux, Conseiller général de la Loire-Inférieure. — Saint-Julien-de-Vouvantes
(Loire-Inférieure) .
Dr Leroux (Armand). — Ligny-le-Chàtel (Yonne).
Le Boux (Henri), chef du Cabinet du Préfet de la Seine, au Luxembourg. — Paris.
Leroy (L.j, Ingénieur civil, entrepreneur de travaux publics, 10, boulevard de Calais.
— Argenteuil.
*Leroy, Pharmacien, 137, rue de Paris. — Havre.
Lescarret, Président delà Société philomathique, rue Montméjan. Bordeaux.
*Lesidaner, Propriétaire, boulevard de Strasbourg. — Havre.
Lesmarie (l'abbé), Professeur. — Pléaux (Cantal).
Lesmaris, Notaire, 23, rue Pascal. — Clermont-Ferrand.
LesnIer (Frédéric), Conseiller général de la Gironde. — Carbon-Blanc (Gironde).
Lespiault. Professeur à la Faculté des sciences, rue Michel-Montaigne. — Bordeaux
— R
Lesseps (Ferdinand de), Membre de l'Institut, Président-Fondateur de la Compagnie
universelle du canal maritime de l'Isthme de Suez, 9, rue Bichepance. •— Paris. —F
*Lessert (Alex, de), 15, rue de Bordeaux. — Havre.
*Lestrange (le vicomte de). — Saint-Julien, par Saint-Genis-de-Saintonge (Charente-
Inférieure).
LII ASSOCIATION FRANÇAISE
Dr Lesure (Alfred). — Attigny (Ardennes).
•Letellier (Georges), 15, rue Thibaut. — Havre.
"Letellier, Directeur de la Société française des archives photographiques, historiques
et monumentales. — Havre.
*Letellier (M-"), Rentière, 32, rue de Joinville. — Havre.
•Letellier-Ferard (Ed.), Rentier, 14, rue d'Etretat. — Havre.
*Letellier-Ferard, Rentier, 14, rue d'Etretat. — Havre.
Dr Letessier. — Lormont-Bordeaux.
Létiévant (le Professeur E.), Chirurgien en chef de 1 Hôtel-Dieu, de Lyon, 16, place
Bellecour. — Lyon.
Letourneux , Président honoraire du Tribunal de Fontenay, 5, rue Jean-Jacques. —
Nantes.
Letrange (Edouard), ancien Maire. — Charleville (Ardennes).
*Leudet , Directeur de l'École de médecine de Rouen, 49, boulevard Cauchoise. —
Rouen. — F
*Leudet (Mrae), 49, boulevard Cauchoise. — Rouen.
*Leudet (Ollivier), Étudiant, 49, boulevard Cauchoise. — Rouen.
*Leudet (Robert) , Étudiant, 49, boulevard Cauchoise. — Rouen.
*Leudet, Propriétaire, Grande-Rue. — Havre.
*Leudet, Pharmacien, 20, place de l'Hôtel-de-ville. — Havre.
*Leureau (Louis) , Manufacturier, ex-préparateur adjoint de chimie à l'École indus-
trielle la Martinière. — Chalon-sur-Saône.
"Levasseur, Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France, 26, rue Monsieur-
le-Prince. — Paris. — R
Levi-Alvarès (Albert), Ingénieur civil, 94, rue Miroménil. — Paris.
Dr Levieux, Vice-président du Conseil d'hygiène et de salubrité de la Gironde. —
Bordeaux.
Lévt-Crémieux, Ranquier, 34, rue de Chàteaudun. — Paris. — F
*Dr Leyad, 148, cours de la République. — Havre.
Leydet, 33, rue Ausone. — Rordeaux.
Lhéritié (Lucien! , Constructeur-Mécanicien, 15, rue Sainl -Louis. — Clermont-
Ferrand.
L'Hôte, Chimiste, 19, boulevard Magenta. — Paris.
Libaudière, 1, rue Duplessis. — Rordeaux.
"Ltchteinstein, Négociant, 6, rue des Ormeaux. — Havre.
Liès-Bodard, Inspecteur de l'Académie. — Paris.
Liguine (V.), Professeur à l'Université. — Odessa (Russie).
Lilienthal, Membre de la Chambre de commerce, 13, quai de l'Est. — Lyon.
Limur (Comte de), Membre de la Société géologique de France, hôtel de Limur. —
Vannes.
•Linder, Ingénieur en chef des mines. — Alais.
"LioNNETi Courtier, Membre de la Société géologique de Normandie, 17, rue Escarpée.
— Havre.
•Liouville, Député de la Meuse, Agrégé à la Faculté de médecine de Paris, 9, rue
Mazarine. — Paris.
Lisbonne, Ingénieur de la marine, 168, rue du Faubourg-Saint-Honoré. — Paris.
— R
•Livache, Ingénieur civil, 24, rue de Grenelle-Saint-Germain. — Paris.
Locard (Arnould), Ingénieur civil, 59, rue de la Reine. — Lyon.
Locard, Membre de la Société d'agriculture, 59, rue de la Reine. — Lyon.
Loche, Ingénieur des ponts et chaussées, 16, rue de Berlin. — Paris. — F
Lœvy (Maurice), Astronome à l'Observatoire. 6, rue Cassini. — Paris.
Loir, Professeur à la Faculté des sciences, 54, avenue de Noailles. — Lyon.
*Loisnel, Maire de Neufchàtel (Seine-Inférieure).
L'Olivier (Victor), ancien Ingénieur des manufactures de l'État, 208, rue de Grenelle.
— Paris.
Lombard (Louis), Ligénieur civil, 4, rue Constantine. — Lyon.
Longchamps (G. de), Professeur de mathématiques spéciales au Lycée. — Poitiers. — R
Loncke, Directeur particulier de la Compagnie d'Assurances générales, 13, boulevard
de la Liberté. — Lille.
Longhaye (Aug.), Négociant, 22, rue de Tournay. — Lille. — R
Lopez-Dubec (Félix), Armateur, 28, place Dauphine. — Bordeaux.
Lordereau, Ingénieur des ponts et chaussées. — Clermont-Ferrand.
I'i.ik l'avancement des sciences '-m
Lorenti cadet. Secrétaire général de la Société d'agriculture, 22, cours Morand. —
l.\on.
Lorieux (Edmond), Ingénieur des naines, 3 Ws, rue Bonne-Louise.— Nantes.
Lorin, Préparateur de chimie industrielle et de physique générale. Chef de manipu-
lation de physique à l'École centrale des arts et manufactures, i, rue des Coutu-
res-Saint-Gervais. — Paris.
'Loriol (P. deï, Géologue. — Fontenex, près Genève (Suisse
Lorioi. (de). Ingénieur civil, ancien élève de l'École des mines, 46, rue Centrale. —
Lyon. — R
D' Lortet, Doyen de la Faculté de médecine de Lyon, Directeur du Muséum d histoire
naturelle. 1. quai de la Guillotière. — Lyon. — F
Lory (Charles), Doyen de la Faculté des sciences. — Grenoble.
Loste, Notaire. 50, rue Ferrère. — Bordeaux.
Lottin. — Noyers (Loir-et-Cher).
I.otz-Brissonneau, Ingénieur civil, 86. quai de la Fosse. — Nantes.
"Louer (Ernest), 81, rue de Normandie. — Havre.
•Louer (Jacques), Brasseur, 20, rue d Étretat. — Havre.
•Lougnon (Cyr), Étudiant, 48, rue C.ay-Lussac. — Paris.
•Lougnon (Victor). 48. rue Gay-Lussac. — Paris.
Saint-Loup. Professeur à la Faculté des sciences. — Besançon
Loyer (Henri), Filateur. 394, rue Notre-Dame. — Lille. — R
Loyson, Président honoraire en Cour d'appel, 42, rue Vaubécour. — Lyon.
•Lucas (Edouard), Professeur au Lycée Charlemagne, 56, rue Monge. —Paris.
Lucas-Championnière, Chirurgien des hôpitaux, 13, rue Bonaparte. — Paris.
Lugol, Avocat, H, rue de Téhéran (parc Monceaux). — Paris. — F
Luneau, Ingénieur des ponts et chaussées. — Arras.
'Dr Lunikk. Inspecteur général des asiles d'aliénés de France, 6, rue de l'Université.
— Paris.
Lutschek, Banquier, 43, rue La Bruyère. — Paris. —F
Luuyt, Ingénieur en chef des mines, 2, rue de la Chaussée-d'Antin. — Pari*
Luze (de) père, Négociant, rue et château Rivière. — Bordeaux. — F
Lykiardopoulos, 32, rue des Écoles. — Paris.
Maas, 15, rue de la Banque. — Paris. — R
Mabit, Professeur à l'École de médecine. — Bordeaux.
Macé, Professeur à l'École de médecine. — Rennes.
Machelard, Pharmacien, 142, rue Notre-Dame. — Lille.
Madelaine (Joachim). — Evian-les-Bains (Haute-Savoie).
Madelaine, Inspecteur du service de la voie au chemin de fer des Charentes. —
Saintes (Charente-Inférieure) .
Dr Magitot, 8, rue des Saints-Pères. — Pans. — F
Magné. Négociant, 12, rue de Sèze. — Bordeaux.
Magnien (A.-G.) — Trémont, par Tournus (Saône-et-Loire).
Mahaut, Négociant, rue de la Poissonnerie. — Nantes.
*Mahéraux, Couvreur, 40, rue Saint-Quentin. — Havre.
Mahieu (Aug.), Filateur. — Armentières (Nord).
Mahmoud-Bey, Directeur de l'Observatoire du Caire, Vice-Président de l'Institut Égyp-
tien.— Alexandrie (Egypte).
Mahue (Louis).— Anizy-le-Château (Aisne).
Mahyer, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, 102, rue de Grenelle-Saint-Ger-
main. — Paris. — R
Mailho, Pharmacien, 9, cours des Fossés. — Bordeaux.
*Dr Maire, 33, rue de Berry. — Havre.
Mairet, Constructeur-Mécanicien, 41, rue Centrale. — Lyon.
Malafosse (Gaston de), Avocat, Docteur en droit, 13, Grand'Rue Nazareth.— Toulouse.
Malézieux (E.), Ingénieur en chef, Secrétaire du Conseil général des ponts et chaus-
sées, 108, rue du Bac. — Paris.
Dr Malherbe père, Professeur à l'École de médecine, rue Affre.— Nantes.
Malingre, Ingénieur civil, rue Cervantes. — Madrid.
*Mallard, Entrepreneur de travaux publics, 21, rue Lemaistre. — Havre.
Mallay (Emile), Architecte, Secrétaire de l'Académie des Sciences, belles-lettres et
arts, 1, rue du Port. — Clermont-Ferrand.
Mallet, Propriétaire, 6, place de la Madeleine. — Paris.
*Mallet (F.), Négociant, 25, rue de l'Orangerie. — Havre.
LIV ASSOCIATION FRANÇAISE
Dr Mallez, 6, rue du Vingt -Neuf-Juillet.— Paris.
Malvezin (Th.), 5, place Dauphine. — Bordeaux.
Manès, Ingénieur civil, Directeur de l'École supérieure de commerce et d'industrie.
20, rue Judaïque, — Bordeaux,
Manès (Mme), 20, rue Judaïque. — Bordeaux.
Mangin (A.), Directeur des constructions navales, 42, rue de Berry. — Paris. — R
Mangini, Sénateur, rue des Archers. — Lyon. — F
Mannberger, Banquier, 59, rue de Provence. — Paris. — F
♦Mannheim, Chef d'escadron d'artillerie, Professeur à l'École polytechnique, 11, rue de
la Pompe. — Passy-Paris. — F
♦Maquenne, Licencié es sciences. — Grignon (Seine-et-Oise).
Dr Marcé, 1, rue de l'Écluse.— Nantes.
♦Marchand (fils), Pharmacien. — Fécamp.
'Marchand (Eugène), Correspondant de l'Académie de médecine. — Fécamp (Seine-
Inférieure).
Marchegay, Ingénieur civil des mines, 27, quai Tilsit. — Lyon. — R
D' Marduel, 23, rue de Bourbon. — Lyon.
Maréchal, 25, rue du Manège. — Bordeaux.
Mares (Henri). — Montpellier, — F
Mares (Mme veuve), rue Salle-l'Évêque. — Montpellier.
Dr Mares (Paul), rue Babazoun, — Alger. — R
Dr Marey, Professeur au Collège de France, 13, rue Duguay-Trouin. — Paris.
*D' Marguerite, 3, rue de la Comédie. — Havre.
Mariage (J.), Fabricant de sucre. — Thiant, par Denain (Nord).
'Marical, Pharmacien, 112, rue de Paris. — Havre,
Marie, Avocat, 1, rue du Calvaire. — Nantes.
Marié-Davy, Astronome, Directeur de l'Observatoire de Montsouris.
Marignier, Ingénieur civil.— Joze, par Maringues (Puy-de-Dôme).
Marignac (Charles), Professeur. — Genève (Suisse). — R
*Marjoun, Chirurgien des hôpitaux, 16, rue Chaptal. — Paris. — R
Dr Marmisse, 49, rue Saint-Sernin. — Bordeaux.
Marmorat, Négociant, 21, rue Centrale. — Lyon.
Dr Marmottan, Député de la Seine , 31, rue Desbordes-Valmore. — Paris.
Marnas (J.-A.), 11, quai des Brotteaux. — Lyon.
*Marsy (le Comte Arthur de), Membre de la Commission centrale de la Société de
géographie. — Compiègne (Oise).
♦Marteau, Bédacteur en chef du Journal du Havre, 46, rue Vivienne. — Paris.
Martel (Alexandre), château de Cassan, par Roujan (Hérault).
Martin (Albert), 7, rue du Puits-Gaillot. — Lyon.
♦Martin (André), Étudiant en médecine, 1, rue Perdonnet. — Paris.
♦Martin (Ferdinand), 3, rue de la Cité. — Havre.
Martin, Greffier au Tribunal de commerce. — Paris.
♦Martin (William), Chargé d'affaires d'Hawaï, 13, avenue de la Reine-Hortense. --
Paris. — R
Martin-Barbet, Pharmacien, 21, cours de Tourny. — Bordeaux.
Martineau, Avoué, 4, rue de Feltre. — Nantes.
Martinet (Ludovic). — Château de la Roche, commune de Craray (Cher).
Martinet (Emile), Imprimeur, 2, rue et hôtel Mignon. — Paris, — F
Martins (Charles), Professeur à la Faculté de médecine. — Montpellier.
Marveille (de), château de Calviac-Lasalle (Gard). — F
♦Marviesse, Ingénieur des forges et chantiers de la Méditerranée, 27, place de
l'Hôtel-de- Ville. — Havre.
Marx (Armand), Négociant, 18, rue du Calvaire. — Nantes.
Marx (Raoul), Négociant. 18, rue du Calvaire. — Nantes.
Mascart, Professeur au Collège de France, 7, rue Malebranche. — Paris.
Masfrand, Pharmacien, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Aurillac (Cantal).
Masquelez, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, Directeur des travaux munici-
paux, 128, rue Nationale. — Lille.
•Masquelier, Négociant, 7, quai d'Orléans. — Havre.
♦Masquelier (Em.), Négociant, 7, quai d'Orléans. — Havre.
"Dr Massart. — Honfleur.
Masse (E.), Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier, Chef des
travaux anatomiques, 6, rue Saint-Firmin.— Montpellier.
Pont LAVAM.KMKYI l»KS SCIENCES LV
Dr Massé. — Pelle-grue (Gironde).
MaSSBNAT (Élie). — Brive (Corrèze).
Massehon, Directeur des douanes, 38, quai de la Fosse. — Nantes.
•\I\ssmn (Georges), Libraire de l'Académie de médecine, 120, boulevard Saint-Germain.
— Paris. — F
Masbon (Lucien), employé, 53, rue d'Orléans, — Havre.
M. E. (anonyme). — Paris. — F
Dr Masurel, 18, rue de la Barre. — Lille.
Masurel jeune, Inventeur mécanicien, 29, rue Inkermann. — Lille.
*Masurier (J.), Négociant, 3, place de lHôtel-de-Ville. — Havre. — R
Matharel (de), Trésorier général. — Clcrmont-Ferrand.
Mathias, Ingénieur de la traction au chemin de 1er du Nord, 28, rue des Fossés.
— Lille.
Maublanc (Amédée de), rue Saint-Denis. — Nantes.
Maukras (E.), Notaire. — Pons (Charente-Inférieure).
'Maugbr (Emile), Étudiant, 11, rue de Coude. — Paris.
'M m mur, Secrétaire général de la Société de géographie, l'i, rue .lacob. — Paris.
Maurel (Marc), Banquier, Conseiller municipal. — Bordeaux. — R
Maurel (Emile), Négociant, 7, rue d'Orléans. — Bordeaux. — R
'Mauxion, Externe des hôpitaux, 34, rue Saint- Jacques. — Paris.
'Maxwell-Lyte (F.), Ingénieur-Chimiste, ti, cité du Retire-, 30, Faubourg-Saint-
Honoré. — Paris. — R
Mater, .Négociant, 20. rue Saint-Georges. — Paris,
*Maze (abbé). — Harfleur.
♦Médinger, Professeur au collège. — Châlons-sur-Marne.
Mbhc, Pharmacien de première classe. — Villefranche (Rhône).
Dr Mbioe, — Moulin.-. [AHiei
Meigné, Ingénieur des arts et manufactures, Directeur propriétaire de l'usine à gaz.
— Saintes (Charente-Inférieure),
Meissas, 81, boulevard Saint-Germain. — Paris.
Mekarski, Ingénieur civil, 96, avenue de Clichy. — Paris.
Mellac, notaire. — Nérac.
Mellac (André), Étudiant en droit. — Nérac.
Meller père. Négociant, 43, Pavé-des-Charlrons. — Bordeaux.
Mellerio, Élève de l'École des hautes éludes, 18, rue Neuve-des-Capucines.— Paris.
Mellinet, Propriétaire, 88, quai de la Fosse. — Nantes.
Menche de Loisne, Ingénieur en chef des ponts et chaussées. — Laon.
Mencière, Chef de section au Chemin de fer des charentes. — Saint-Genis de Sain-
tonge.
Menier, Membre de la Chambre de commerce de Paris, député de Seine-et-Marne, 37,
rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. — Paris. — F
♦Mercadier, Répétiteur à l'École polytechnique, 85, rue Legendre.— Paris.
Dr Mercier (Anatole) . — Fontenay-le-Comte (Vendée).
Merget, Professeur à la Faculté des sciences, 5, rue de l'Hôtel-de- Ville. — Lyon.
Mérijot, Industriel. — Bourdon (Puy-de-Dôme).
Merle de Massonneau (Antoine), Vice-Président du Comité agricole. — Nérac.
Merle (Henri). — Salindres (Gard). — F
Merlin, 110, rue Bonaparte. — Paris.
'Merville (Jules), 1, rue de la Paix. — Havre.
*Merville (Mme Jules), 1, rue de la Paix. — Havre.
Meschinet de Bichemond (Louis-Marie). Archiviste de la Charente -Inférieure,
Officier d'académie, correspondant du Ministre de l'instruction publique pour les
travaux historiques, 23, rue Verdière. — La Rochelle.
D" Mesnard (P. des), 186, sur le Cours. —Saintes (Charente-Inférieure).
Messimt, Notaire, 13, rue de Lyon. — Lyon.
Mestrezat, Négociant, Consul suisse, rue du Parlement. — Bordeaux.
D1' Métadier, allée d'Orléans. — Bordeaux.
*Metgé (L.), Professeur, 5, rue de la Cité. — Havre.
*Metteil, Pharmacien, 20, rue de Normandie. — Havre.
Metzger, Ingénieur des ponts et chaussées. — Saint-Flour.
Meunier (Fernand), ancien Élève de l'École de Grignon, engagé conditionnel au
121e de ligne. — Saint-Etienne (Loire).
D^ Meunier (Valéry). — Pau.
LVI ASSOCIATION FRANÇAISE
'Meunier, Négociant, 83, rue de la Côte. — Havre.
'Meurdra (H.), Directeur de la Compagnie des Eaux du Havre, 91, rue de Montivil-
liers. — Havre.
Meure, Pharmacien, 147. rue Notre-Dame. — Bordeaux.
Meurein, Pharmacien, 30, rue de Gand. — Lille.
Meynard (J.-J.), Ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite. 3, quai Sainl-
Clair. — Lyon. — F
Meyran (Octave), 39, rue de l'Hôtel- de- Ville. — Lyon.
Dr Micé, Professeur à l'École de médecine. — Bordeaux. — R
Micé (Louis), 79, rue Turenne. — Bordeaux.
Michaud (ils, Notaire. — Tonnay-Charente (Charente-Inférieure).
Michel (Charles), Avoué, 23, cours de l'Intendance. — Bordeaux.
Dr Mignot, Lauréat de llnstitut. — Chantelle (Allier).
Dr Millet-Lacombe. — Miallet (Dordogne).
Millet-Lacombe (Mme). — Miallet (Dordogne).
*Millot (Arthur). Professeur à l'École nationale de Grignon, 11, rue Mazarine. —
Grignon (Seine-et-Oise).
Milne Edwards (Alphonse), Professeur de zoologie au Muséum et à l'École de
pharmacie, rue Cuvier, au Muséum. — Paris. — R
Min Barabraham, Banquier, 12, place Puy-Paulin. — Bordeaux.
Mirabaud (Paul), 29, rue Taitbout. — Paris. — R
Mirabaud, Banquier, 29, rue Taitbout. — Paris. — F
Missonnier, Pharmacien. — Saint-Flour (Cantal).
Moinier, Avocat, Maire de Clermont-Ferrand. — Clerinont-Ferrand.
Moitessier, Professeur à la Faculté de médecine. — Montpellier.
Molle (F.), Pharmacien. — Gannat (Allier).
Mollins (S. de), Ingénieur civil. — Croix (Nord).
Monchy (de). Propriétaire, 52, rue des Remparts. — Bordeaux.
Mondiet, Professeur au Lycée. — Mont-de-Marsan.
Mongeaud, Chef du bureau de la voie au chemin de fer des Charentes, — Saintes
(Charente-Inférieure) .
D' Monnereau. — Saintes (Charente-Inférieure).
"Monod (Charles), Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris. 12. rue
Cambacérès. — Paris. — F
*Monod (Julien), Négociant, 61, rue de la Côte. — Havre.
*Monod (Ed.), Négociant, 3, rue Escarpée. — Havre.
*Monod (Philippe), Négociant, 61, rue de la Côte. — Havre.
*D' Monod (Louis), 5, rue des Écuries d'Artois. — Paris.
*Montargis. chez M. Daymard, Ingénieur, 11, place de l'Hôtel-de-Ville. — Havre.
Montaut, Avocat. — Marmande (Lot-et-Garonne).
Montcourt, Professeur de mathématiques au lycée, 1, rue Pré-Nian. — Nantes.
Dr Montfort, Professeur à l'École de médecine, 19, rue Voltaire. — Nantie.
Mont-Louis, Imprimeur, 2, rue Barbançon. — Clermont-Ferrand. — R
Mony (C). — Commentry (Allier). — F
*Morandière, Ingénieur de la Compagnie de l'Ouest, 27, rue Notre-Dame-des-Champs.
— Paris.
Dr Moreau (E.), 7, rue du Vingt-Neuf-Juillet. — Paris.
*Dr Moreau (Armand), Membre de l'Académie de médecine, 55, rue de Vaugirard. — Paris
Moreau (Benjamin), Conseiller municipal, 52, rue de Rennes. — Nantes.
Mobel d'Arleux (Charles), Notaire, 28, rue de Rivoli. — Paris. — F
'.Morière, Professeur à la Faculté des sciences. — Caen.
Moritz, Directeur de l'Observatoire. — Tiflis (Russie).
D' Morlot, Docteur en médecine, 24, rue Saint-Philibert. — Dijon.
Mortillet (Gabriel de), attaché au Musée des Antiquités nationales. — Sainl-Ger-
main-en-Laye. — R
I)1 Mory (Gustave), 5, rue Thomas. — Clermont-Ferrand.
U' Muser, 14, rue des Petits-Hôtels. — Paris.
Mosneron-Dupin, Président de la Sociélé industrielle, 14, rue Voltaire. —Nantes.
•Mossé (Alp.), Interne des hôpitaux à l'Hôtel-Dieu. — Paris.
Motelay (Léonce), Rentier, cours de Gourgues. — Bordeaux.
*Dr Motta-Maïa de Rio-Janeiro, 17, rue de Téhéran. — Paris.
Mouchez (le commandant , Membre de l'Institut, Directeur de l'Ub-ervatoire, 2, rue de
Tournon — Paris.
POl'It L AVANCEMENT DES SCIENCES LVH
Moulan, Négociant. 75, rue du Molinel. — Lille.
- \l,.i i iv. Négociant, 169, boulevard de Strasbourg. — Havre.
*Dr Mourgues. — La Sale (Gard).
Mourlan-Descudé, Propriétaire. — Nérac.
Dr Modssous, 38, nie d'Aviau. — Bordeaux.
Moussous fils. 38, rue d'Aviau. — Bordeaux.
Mulsant, Président de la Société linnéenne, Correspondant de l'Institut, 25, quai Saint-
Vincent. — Lyon.
•Mundler. Négociant, 48, rue des Gobelins. — Havre.
Mure (Auguste), Chimiste à la Faculté des sciences. — Clermont-Fcrrand.
Murray. Économiste, membre honoraire du Cobden Club, 11, boulevard Bonne-Nou-
velle. — Paris.
\ai.ullac (le marquis de), 13, rue d'Anjou Saint-Honoré. — Paris.
*Dr Nadaud. — Angoulème.
\\nsouty (le général de). — Bagué res-de-Bigorre.
Wansouty (Max de), Ingénieur, Préparateur des cours de chimie analytique et tech-
nologique ;i l'École centrale, 2, rue Saint-Martin. — Paris.
Narjot de Toucy, Administrateur de la Compagnie du chemin de fer de Clermont à
Tulle, 19, rue Tronchet. — Paris.
D' Négkié, Médecin des hôpitaux, cours Potal. — Bordeaux.
*Dr Nepveu, 24, rue d'Enghien. — Paris.
Névrezé, Avocat, 28, rue Saint-Sulpice. — Paris.
Dr Nicas. — Fontainebleau. — R
Nicodème, Ingénieur civil de la maison Lloyd et Lloyd, 38, Crande-t '.haussée. —
Lille.
Nicolas, ancien Pharmacien. — Saint-Amand-Tallende (Puy-de-Dôme).
Nidelet (Urbain), Notaire, 14, rue Crébillon. — Nantes.
Ni vet. Ingénieur civil. — Echoisy (Charente).
Nivet (M""). — Echoisy par Luxé (Charente .
"Nivoit (Edmond), Ingénieur des mines. — Mé/ieres (Ardennes).
Noack, Ingénieur, 4, rue Constantine. — Lyon.
*Noel, Ingénieur de la marine, 45, quai d'Orléans. — Havre.
Noël, Négociant en bois du Nord, 85, cours de la République. — Havre.
Normand, Conseiller général de la Loire-Inférieure, 12, quai des Constructions. —
Nantes. — R
"Normand (A.), Constructeur de navires, 67, rue du Perrey. — Havre.
"Noroy (Ch.), Chimiste, 63, rue Mexico. — Havre.
"Nottelle, Secrétaire du Syndicat général des Chambres syndicales, Membre de la
Société d'économie politique, 49, rue Réaumur. — Paris.
Nougaret, Contrôleur du service de la voie au chemin de fer des Charentes. —
Saintes (Charente-Inférieure) .
"Noury, Professeur de dessin, 2, rue de Joinville. — Havre.
Nouvel, Pharmacien de lre classe. — Rodez (Aveyron).
Nugues (A.), Raffineries de potasse et de soude. — Saint-Saulve, près Valenciennes
(Nord).
Oberkampf (E.), Ministre du saint Évangile, 69, avenue de Saxe. — Lyon.
Odier, Directeur - Adjoint de la Caisse générale des familles, 4, rue de la Paix. —
Paris. — R
*Odinet, Négociant, 9, rue de l'Orangerie. — Havre.
"Œchsner, Rentier, 33, rue de la Côte. — Havre.
"Œchsner de Coninck (William), 105, rue de Rennes. — Paris. — R
*Œchsner de Coninck, Rentier, 37, rue de la Côte. — Havre.
Olivier (Ernest), Membre des Sociétés botanique et entomologique de France. —
Moulins (Allier).
Olivier de Landreville, (Arsène), 112, boulevard Voltaire. — Paris.
"Ollier de Marichard, Archéologue. — Vallon (Ardèche).
*Ollier, Ex-Chirurgien en chef de PHôtel-Dieu de Lyon, Correspondant de l'Institut
et de l'Académie de médecine, Professeur à la Faculté de médecine de Lyon,
5, quai de la Charité. — Lyon. — F
Onésime (le frère), /24, montée Saint-Barthélemi. — Lyon.
Dr Onimiis, 7, place de la Madeleine. — Paris.
Oppenheim frères, Banquiers, 17, rue de Londres. — Paris. — F
Dr Oré. Professeur à l'École de médecine, rue du Palais-de-Justice. — Bordeaux.
LVIII ASSOCIATION FRANÇAISE
Ortlieb, Chimiste. — Croix, près Roubaix (Nord).
Ozil (Achille), Secrétaire du Journal de l'Académie nationale agricole et de statistique,
41, rue de Chàteaudun. — Paris.
*Pabst (Albert), 41, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Pagnoux, Professeur de chimie, Directeur de la Station agricole du Pas-de-Calais. —
Arras.
Pajot, Directeur de l'Enregistrement, 14, rue Fontgève. — Clermont-Ferrand.
Palharey (Alfred), Ingénieur civil. — Saintes (Charente-Inférieure).
Papillaud (Mme). — Saujon (Charente-Inférieure).
Taquier (J-B.), Docteur es lettres, Professeur d'histoire et de géographie au Lycée,
3, avenue de Saint-Cloud. — Versailles.
Parise, Professeur à l'École de médecine, 26, place des Bluets. — Lille. — R
Parisse (Eugène), Ingénieur des arts et manufactures, 49, rue Fontaine-au-Roi. —
Paris.
'Parmentier (le général), Membre du Comité des fortifications, hôtel d'Orléans, 17, rue
Richelieu. — Paris. — R
•Parquet (Mrae), 22, rue de Douai. — Paris.
*Parquet, 22, rue de Douai. — Paris.
Parrain, Ingénieur des mines, Directeur des mines de fer magnétique de Mokta-el-
Hadid, 3, rue du Regard. — Paris. — F
"Parrot, Membre de l'Académie de médecine, Professeur à la Faculté de médecine,
15, quai Malaquais. — Paris. — F
*Partridge (Will.), Archiviste de la Société géologique de Normandie. — Havre.
*Partridge (James), rédacteur au Journal du]Havre. — Havre.
Pascault, Avoué, 25, rue du Temple. — Bordeaux.
*Passy (Frédéric), Membre de l'Académie des sciences morales et politiques, 8, rue
Labordère. — Neuilly-sur-Seine. — R
*Passy (Paul), 8, rue Labordère. — Neuilly (Seine).
Pasteur, Membre de l'Institut, 45, rue d'Ulm. — Paris. — F
*Paul (Constantin), Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, 48. rue de
Luxembourg. — Paris.
*Peau, Constructeur, 59, rue Augustin-Normand. — Havre.
Peaucellier, Lieutenant-Colonel du génie. — Toul.
Péchiney (A.), Ingénieur-Chimiste. — Salindres (Gard).
*Peligot, Membre de l'Institut, à l'hôtel des Monnaies. — Paris.
*Peligot (Maurice), Hôtel des Monnaies. — Paris.
Pellerin, Agrégé des Lycées, 9, rue Richebourg. — Nantes.
Pelliot (Charles), Négociant, 26, rue du Roi-de-Sicile. — Paris.
Penel, capitaine d'Etat-major, 75, avenue de Neuilly. — Neuilly (Seine).
*Dr Pennetier, Directeur du Muséum d'histoire naturelle. Professeur à 1 École de
médecine. — Rouen.
Penot (Achille), Directeur de l'École de commerce, 34, rue de la Charité. —
Lyon.
Perdrigeon, Agent de change, 178, rue Montmartre. — Paris. — F
Pereire (Henry), 35, Faubourg-Saint-Honoré. — Paris. — R
Pereire (Emile), 89, rue de Morny. — Paris. — R
*Pereire (Eugène), Administrateur de la Compagnie Transatlantique, 84, boulevard
Malesherbes. — Paris. — R
*Dr Pereton. — Commentry (Allier).
Dr Perez (Victorl. — Laguna-Ténériffe. — Ténérilfe (îles Canaries).
Perez, Professeur à la Faculté des sciences. — Bordeaux. — R
Perot, Banquier, 51, rue Nationale. — Lille.
Perrégaux (Louis), Manufacturier. — Jallien (Isère).
Perret, Député du Rhône. — Collonge (Rhône).
"Perret (Emile), Pharmacien. — Moret-sur-Loing.
Perret (Auguste), Négociant, 49, quai Saint-Vincent. — Lyon.
"Perret (Marius), Étudiant en médecine, 46, boulevard Saint-Michel. Paris.
"Perret (Constant), Négociant. _>.'{. quai d'Orléans. — Havre.
Perricaud, Cultivateur. — La Balme (Isère). — R
*D' Perrichot, 5, rue de la Communauté. — Havre.
"Perrier, Chef d'escadron d elat-major, Membre du bureau des longitudes, 106, rue
du Bac. — Paris.
Dr Pebjun, Professeur au Val-de-Gràce, 51, rue Saint-Placide. — Paris.
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES MX
*Dr Pebriquet. — Beuzevillf (Seine-Inférieure
Perrot (Ernest), 7, rue du Lycée. — Laval Mayenne).
Perrot (MB,e), 43, rue Saint-Lazare. — Paris.
Perrot (Adolphe), Docteur es sciences, ancien Préparateur de chimie à la Faculté
de médecine de Paris. — Genève (Suisse). —F
•D' Perruui), Médecin de l'Hôtel-Dieu, chargé de clinique complémentaire à la
Faculté de médecine de Lyon, 6, quai des Célestins. — Lyon. — R
Dr Pery, médecin des hôpitaux, 67, rue d'Aquitaine. — Bordeaux.
I'esier (Edmond), Chimiste. — Valenciennes.
Peslouan (Lucas db), Avocat, Conseiller général, s. rue Jean-Jacques. - Nantes.
'Petit, Pharmacien, 8, rue Favart. — Paris.
'Petit (M"0). 8, rue Favart. — Paris.
Petit, Ingénieur des ponts et chaussées, 33, rue de larente. —Lyon [Rhône).
Dr Petit (Henri), 3, rue de Grenelle-Salnt-Germain. — Paris.
•Petit (M"c Rosine), 17, rue Foubert. — Havre.
•Petit (M"* Emma), 17, rue Foubert. — Havre.
'Petit (M"' M.), ±2, rue de la Coiderie. — Havre.
'Petit (Jules), ±1, rue de la t'.orderie. — Havre.
'Petit (M"' Jules), ±2, rue de la Corderie. — Havre.
Petiton (A.), Ingénieur des raines, 63, rue de Seine — Paris.
Dr Peyraud. — Libourne (Gironde).
Peyraud (M'""). — Libourne (Gironde).
Peyee (Jules), Banquier. —Toulouse, — F
Peysonneau, Fabricant de papier, Membre de la Chambre de commerce de Clermont-
Ferrand. — Saint-Amand-Tallende Puy-de-Dôme).
Pezat (Albert), Négociant, 171. rue Sainte-Catherine. — Bordeaux.
Phklip (Henry), Étudiant en médecine, chez M. Ollier, 5, quai de la Charité. —
Lyon.
•Philippe (Léon), Ingénieur des ponts et chaussées, 80, rue Taitbout. — Paris. — R
'PhillippeIM'"»), 80, rue Taitbout. —Paris.
•Piarron de Montdésir, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, 178, avenue de
Neuilly. — Neuilly (Seine).
*Dr Piasecki, 35, rue Bernardin-de-Sainl-Piene. — Havre.
PlAT (A.), Constructeur-Mécanicien, 49, rue Saint-Maur. — Paris. — F
Piaton, Président du Conseil d'administration des Hospices, 9, rue Ravez. —
Lyon. — F
Piault (Jules), 68, rue Turbigo. — Paris.
Dr Piberet, 54, Faubourg-Montmartre. — Paris.
Picard, Général de division commandant le 13e corps d'armée. — Ciermont-Ferrand.
Picciom (Antoine). — Pino (Corse). — F
Piche (Albert), Conseiller de préfecture, 8, rue Montpensier. — Pau. — R
Pichou (Alfred), Géomètre, 305, route de Toulouse. — Bordeaux.
'Picquet (H.), Capitaine du génie, Répétiteur à l'École polytechnique. 101, boule-
vard Saint-Michel. — Parts.
Pierre (Dominique), Homme de lettres, 72, rue du Bois-de-Cros. — Ciermont-Ferrand.
Pierret d'Étrœungt (C), Imprimeur, 16, rue Tivoli. — Charleville.
*Dr Pierrou. — Chazay-d'Azergues (Rhône). — R
*Piéton, Propriétaire, 7, chaussée d'Ingouville. — Havre.
Piette (Ed.), Juge de paix. — Craonne (Aisne).
Pillet, 18, rue Saint-Sulpice. — Paris.
Dr Pinet, 60, rue Saint-Joseph. — Lyon.
Piketty (Charles), Élève à l'Ecole centrale des arts^et manufactures, 30, boulevard de
la Contrescarpe. — Paris.
Dr Pm (Paul). — Alais (Gard).
Pitrat aîné, Imprimeur, 4, rue Gentil. — Lyon.
Planchon, Correspondant de l'Institut. — Montpellier.
Planeix (Guillaume-Victor), Notaire. — Murols (Puy-de-Dôme).
Planté, Ingénieur du service télégraphique au chemin de fer des Charentes. —
Saintes (Charente-Inférieure).
Planté fils, Contrôleur de l'exploitation au chemin de fer des Charentes. — Saintes
(Charente-Inférieure) .
Planté (Gaston), Licencié es sciences, 56, rue des Tournelles. — Paris.
Dr Planteau, 36, rue Monge. — Paris.
Lx ASSOCIATION FRANÇAISE
Plassiard, Ingénieur des ponts et chaussées en retraite, 4, rue Poissonnière. —
Lorient (Morbihan). — R
Platet, Étudiant, 1, rue de Penthièvre. — Lyon.
Dr Plumeau (A.), 84, cours de Tourny. — Bordeaux.
*Pochet (Emile), Négociant. 47, rue de la Côte. — Havre.
Poincarré, Professeur adjoint à la Faculté de médecine, 9, rue de Serre. —
Nancy.
Poirier (P.), Ingénieur civil des Mines, 5, rue Cassini. — Nantes.
Poirrier, Fabricant de produits chimiques, 49, rue Hauteville. — Paris. — F
Poisson (Jules), Aide naturaliste au Muséum, 69, rue Buffon. — Paris.
Poitiers, Avocat. — Saintes (Charente-Inférieure).
Poizat, Colonel au 36e régiment d'artillerie. — Germon t-Ferrand.
D' Pojolat, 29, rue Saint-Genès. — Clermon t-Ferrand.
Pollet, Vétérinaire, 20, rue Jeanne-Maillotte. — Lille.
'Polony, Ingénieur des ponts et chaussées. — Rocheforl.
*Pomel (A.), Sénateur d'Oran, 43, rue de Fleurus. — Paris.
Pomier-Layrargues (Georges), Ingénieur. — Montpellier.
Dr Pommerol. Conseiller général du Puy-de-Dôme. — Gerzat (Puy-de-Dôme).
Pommerol (Mme). — Gerzat (Puy-de-Dôme).
Pommerol, Avocat, 36, rue des Écoles. — Paris.
Pommery (Louis), Négociant en vins, rue Vauthier-Le-Noir. — Reims. — R
*Dr Poncet (Antonin), 45, rue Centrale. — Lyon.
Ponchon, Sous-Ingénieur des ponts et chaussées. — Ambert (Puy-de-Dôme).
Poncin, Chef d'institution, 7, quai des Brotteaux. — Lyon.
*Dr Pons. — Nérac ^Lot-et-Garonne) .
'Ponsart (l'abbé A.), Professeur à l'École Fénélon, 8, rue de Lisbonne. — Paris.
'Pornin (Raymond), Professeur, 3, rue de Toul. — Havre.
Potain, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, 240, boulevard Saint-Germain.
— Paris.
'Potier, Ingénieur des Mines, répétiteur à l'École polytechnique, 1, rue de Boulogne.
— Paris. — F
Poucbain (V.), Maire d'Armentières, rue du Faubourg-de-Lille. — Armentières.
*Dr Pouchet, 5, rue Médicis. — Paris.
Pouget, 37, rue Poyenne. — Bordeaux.
Poupinel (Paul), 64, rue de Saintonge. — Paris. — F
Poupinel (Jules), 8, rue Murillo. — Paris. — F
* Poupon (M-e), 63, rue de Rivoli. — Paris.
*Poupon, Étudiant en médecine, 63, rue de Rivoli. — Paris.
Dr Pourtier (Michel).— Québec (Canada).
Dr Pozzi, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, 131, boulevard Saint-
Germain. — Paris.
Pozzy (Georges), Négociant, 8, place de Tourny. — Bordeaux.
Prarond (Ernest), Président de la Société d'émulation d'Abbeville. — Abbeville
(Somme). •
Prat, Chimiste, 111, route de Toulouse. — Bordeaux. — R
Dr Pravaz, Licencié es sciences, 46, quai des Étroits. — Lyon.
Preler, Négociant, 18, allées de Chartres. — Bordeaux.
Prévost (Charles), 26, rue de Thionville. — Lille.
Prœsamlé, Brasseur. — Nérac.
Prœsamlé (M-6). — Nérac.
Prosper (Henri), Maître de forges. — Charleville (Ardennes).
Prudon (le général), 77, boulevard Haussmann. — Paris.
♦Prunier, Juge suppléant de la justice de paix de Saint-Hilaire.— Brizambourg. can-
ton de Saint-Hilaire (Charente-Inférieure).
""Prunier (L.). — Brizambourg, canton de Saint-Hilaire (Charente-Inférieure).
*Dr Prunières. — Marvcjols (Lozère).
*Prunières (M-'). — Marvejols (Lozère).
♦Puaux (Franck), Pasteur, 32, boulevard de Strasbourg. — Havre.
*Puaux père, Pasteur, rue Tourtain. — Havre.
Puerari, 3, rue Tronchet. — Paris.
Puigsech, née Chanal (Madame) artiste peintre, 107, rue de Vendôme. — Lyon
Pujos, 19, allées de Chartres. — Bordeaux.
♦Pulligny (le vicomte de), au château du Chesnay-sur-Ecos (Eure).
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES LXI
Dr Pupier, rue Strauss. — Vichy.
*Putz (Gabriel), Vernon (Eure)i
Putz (H.), Lieutenant-colonel d'artillerie, Commandant Le parc des équipages mili-
taires. — Vernon [Eure .
Puyferrat (le marquis de), 29, rue du Temple. — Bordeaux.
Pyrent de la Prade (Edgar). — Clermont-Ferrand.
•Quatrbfages DE Brbau [de), Membre de l'Institut, Professeur au Muséum, 36, rue
Geoffroy-Saint-Hilaire. — Paris. — F
•Quatrefages [M"' de), 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire. — Paris. — R
"Ouatrefages (Léonce de). 36, rue (icoffroy-Saint-LIilaire. — Paris. — R
•Quesnel (Ch.j, Négociant, 82, rue de Tourneville. — Havre.
•Queval, Pharmacien, 65, rue de Montivilliers. — Havre.
(Jueyrens, .Mécanicien, à la Monnaie. — Bordeaux.
*Quin (Ch.), Vice-Président de la Société géologique de Normandie, 1K. place Louis-
Philippe. — Havre.
Quinette, Confiseur, rue Blatin. — Clermont-Ferrand.
"Quinette de Rochemont, Ingénieur des ponts et chaussées, 35, boulevard François Ier,
— Havre.
Quivogne, Vétérinaire, 16, place Perrache. — Lyon.
"Rabot, Docteur es sciences, Pharmacien. — Versailles.
*Dr Bafaillac. — Margaux ^Gironde).
Raillard, Ingénieur en chef des ponts et chaussées. — Lille.
Dr Raillard. — Dax (Landes).
Raimbault (Paul), Pharmacien de 1" classe, rue des Lices. — Angers.
Dr Raingeard, Professeur suppléant à L'École de médecine, 8, rue Jean-Jacques.
— Nantes.
Rambourg (Charles), Propriétaire. — Châteauvert (Nièvre).
Bames (J.-B.), Pharmacien et Géologue. — Aurillac (Cantal).
Ramié (Jules), 101. rue de l'Hôtel-de-Ville [Maison cale Morel). — Lyon.
Ramon, Chef du dépôt au chemin defer desCharentes. — Saintes (Charente-Inférieure).
"Ramsay (William), Professeur. — Glascow (Angleterre).
Dr Ranse (de), 4, place Saint-Michel. — Paris.
Dr Ranvier, 105, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Rapet, Inspecteur honoraire de l'instruction publique. 91. rue Saint-Dominique. —
Paris.
Raveaod, Conseiller à la Cour, 116, rue de l'Église-Saint-Seurin. — Bordeaux.
Raynal, Négociant, 12, place des Quinconces. — Bordeaux.
*D' Bebatel (Fleury), 29, rue Gasparin. — Lyon.
Beiioux, Archéologue, 3, rue Montenotte. — Paris (Ternes).
Bécipon (Emile), Propriétaire. Industriel, 47, avenue Fricolaud. — Paris. — F
*Dr Beclus, Aide d'anatomie à la Faculté de médecine, à l'hôpital de la Pitié. —
Paris.
'Redier (Louis), 8, passage des Petites-Écuries. — Paris.
'Redier (A.), Constructeur d'instruments de précision, », cour des Petites-Écuries. —
Paris.
Redon (le baron). — Brioude (Haute-Loire).
Reech, ancien Directeur des constructions navales, 10, rue du Pont-Carré. —
Lorient.
Regnablt, Ingénieur des ponts et chaussées, rue de Pessac. — Bordeaux.
Dr Régnier. — Mantes (Seine-et-Oise).
Régnier, Capitaine d'artillerie. — Charleville (Ardennes).
Rehm (L). — Pagny-sur-Moselle.
Reich (Louis), Agriculteur. — Arles-sur-Rhône.
Dr Reignier (Alexandre), Médecin consultant, place Rosalie. — Vichy.
Reille (le. baron), Député du Tarn, 10, boulevard de la Tour-Maubourg. — Paris. — R
Reimonenq (Charles), ex-chef de section de la voie au Chemin de fer du Midi, domaine
du Bastard. — La Tresne (Gironde).
Reinach, Banquier, 31, rue de Berlin. — Paris. — F
•Reinhart (Em.), Négociant, 169, boulevard de Strasbourg. — Havre.
*Reinhart (Louis), Négociant, 19, rue Corneille. — Havre.
*Reinwald, Libraire, 15, rue des Saints-Pères. — Paris.
Dr Reliquet, 17, boulevard de la Madeleine. — Paris. — R
Remerand, Pharmacien. — Fontenay-le-Comte (Vendée).
LXI1 ASSOCIATION FRANÇAISE
*Renard, Capitaine du génie, au haras du Chaiet. — Meudon (Seine-et-Oise).
Renard et Villet, Teinturiers, cité Lafayette. — Lyon.
•Renaud, Ingénieur des ponts et chaussées, 64, rue aux Dames. — Havre.
•Renaud (Georges), Professeur d'économie politique, lauréat de l'Institut, secrétaire
adjoint de la Société de statistique de Paris, 37, rue Scheffer. — Passy-Paris.
Renaud, Pharmacien. — Saint-Nazaire (Loire-Inférieure).
Renaud (Paul), Constructeur-Mécanicien, prairie de Mauves. — Nantes.
Rénier, Receveur des finances. — Issoire (Puy-de-Dôme).
•Renouard, fils (Alfred), Filateur, 46, rue Alexandre-Leleux. —Lille. — F
•Renouard (Mrae Alfred), 46, rue Alexandre-Leleux. — Lille. — R
Renouard-Béghin, Filateur et Fabricant de toiles, 3, rue à Fiens. — Lille.
Renouvier (Charles), à la Verdette, près le Pontet, par Avignon (Vaucluse). — F
'Renvkrsé, Sous-Inlendant militaire en retraite, 49, rue Naujac. — Bordeaux.
Rérolle (Louis), 44, quai de la Guillotière. — Lyon.
Resal, Membre de l'Institut, Ingénieur des mines, Professeur à l'École polytechnique.
58. rue Saint-André-des-Arts. — Paris.
Revouy (J.-A.), Médecin vétérinaire. — Vienne (Isère).
Rexès, Membre de la Société des agriculteurs de France. — Jarnac (Charente).
Rey-Lescure, Membre de la Société géologique de France, 8, Faubourg-du-Moustiei .
— Montauban.
Rhône (Raoul), 25, quai Voltaire. — Paris.
Dr Riant, Médecin de l'École normale du département de la Seine, 138, rue du
Faubourg-Saint-Honoré. — Paris.
Riaz (Auguste de), Banquier, 10, quai de Retz. — Lyon. — F
Dr Riban, Directeur-adjoint au laboratoire d'enseignement chimique et des hautes
études à la Sorbonne. — Paris.
Riberolles (Charles de). — Bulhon par Lezoux (Puy-de-Dôme).
*Rich, Ingénieur civil, 17, rue des Raffineries. — Havre.
Richard, Chimiste, 17, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Rouen.
Richard (Félix), Chef d'escadron d'artillerie en retraite, 12, passage Saint-Louis. —
Batignolles-Paris.
•Richard (J.), Entrepreneur. — Au Buisson-de-Cabans (Dordogne).
Dr Ricord, Membre de l'Académie de médecine, 6, rue de Tournon. — Paris. — F
Rieffel (Prosper), Négociant. — Béziers.
*Dr Riégé, 30, rue Hauteville. — Paris.
RieUmal, Négociant, 6, rue de Mulhouse. — Paris.
RiffauT (le général), 10, rue Garancière. — Paris. — F
Rigal (Camille), Conseiller à la Cour d'appel. 22, rue Croisier. — Riom.
Rigaud (Charles). — Pons (Charente-Inférieure).
Rigaud (Ad.), Négociant, Conseiller municipal, 49, quai de Réthune. — Lille.
•Rigaud, Fabricant de produits chimiques, 8, rue Vivienne. — Paris. F
Rigaud (Mme), 8, rue Vivienne. — Paris. F
Rigaut (E.), Filateur, 102, rue Saint-Sauveur. — Lille.
Rigel (Jérôme), 17, rue de Lancry. — Paris.
• Rigout, Chimiste à l'École des mines, 60, boulevard Saint-Michel. — Paris.
Rilliet, 8, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Genève (Suisse). — R
Risler. — Calèves, près Nyon, canton de Vaud (Suisse). — R
"Risler (Charles), Chimiste, 39, rue de l'Université. — Paris. — F
•Rispal, Négociant, 200, boulevard de Strasbourg. — Havre.
Rivatz, Professeur à l'Ecole normale. — Cluny (Saône-et-Loiiv .
Robert, Ingénieur des ateliers au Chemin de fer des Charentes. — Saintes (Charente-
Inférieure) .
•Robert (Félix), Conservateur du Musée d'histoire naturelle. — Au Puy (Haule-
Loire).
Robert (de), Directeur de l'Établissement d'Indret (Loire-Inférieure).
Robin (Alphonse), 12, quai des Célestins. — Lyon.
Robin, Banquier, 38, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Lyon. — R
Robin (Ch.), Sénateur, Membre de l'Institut et de l'Académie de médecine, 94, bou-
levard Saint-Germain. — Paris. — R.
'Robineaud, Pharmacien, 62, rue Notre-Dame. — Bordeaux.
*Robineaud, Étudiant en médecine, 62, rue Notre-Dame. — Bordeaux.
Roche, ancien Notaire. — Beaumont (Puy-de-Dôme).
POUR L'AVANCEMENT !»Es SCIENCES LXII1
Rochbtte (de la), Maître de forges (Hauts-Fourneaux et Fonderies de Givors), 11,
cours du Midi. — Lyon. — F
Dr Rodet, Président de la Société de médecine, 26, cours Morand. — Lyon.
•Rœderer (Léon). — Mulhouse (Alsace).
'Rœderer (J.), Négociant, 55, rue de la Côte. — Havre
•Rœderer (J. fils), Négociant, 55, rue de la Côte. — Havre.
•Roehrio, Professeur à l'École de commerce et d'industrie, 66, rue Saint-Sernin. —
lîordeaux.
•Roessler, de la Société d'astronomie, 7, place de l'Hotel-de-Ville. — Havre.
•Roessler (Ch.), Négociant, 23 .quai d'Orléans. — Havre.
Roger (Henri), Membre de l'Académie de médecine, Professeur agrégé à la Faculté
de médecine, 15, boulevard de la Madeleine. — Paris. — R
•Roland (H.), Ingénieur en chef de l'Association normande des propriétaires de machines
à vapeur, 3, rue Jeanne-d'Arc. — Rouen.
Rolland, Directeur de la Société Générale pour favoriser le développement du com-
merce et de l'industrie en France, 7, place de l'Helvétie. — Lyon.
Rolland, Membre de l'Institut, Directeur général des Manufactures de l'État, 66, rue
de Rennes. — Paris.— F
Rolland-Banks, Ingénieur civil, Adjoint au maire, 27. rue Sainte-Adresse. — Havre.
D1 Rollet, 3, rue Michel-Montaigne. — Bordeaux.
Dr Rollet, Professeur à la Faculté de médecine de Lyon, 41, rue Saint-Pierre.
— Lyon.
Dr Rollet de l'Ysle. — Montmerle-sur-Saône (Ain). — F
Rollez (G.), 24, boulevard de la Liberté. — Lille.
*Rollhaus, Courtier, impasse Massieu-de-Clerval. — Havre.
Roman (E.), Ingénieur des ponts et chaussées, rue Muine-Biran. — Bergerac.
Romilly (de), 22, rue Bergère. — Paris. — F
Rondet, Pharmacien, 100, rue Vieille-du-Temple. — Paris.
Ronna (A.), Ingénieur, Secrétaire du comité de l'Association autrichienne I. R. P.
des Chemins de fer de l'Est, 25, boulevard Haussmann. — Paris.
'Roquen'COUrt, Imprimeur, 12, rue Madame-Lafayette. — Havre.
Dr Rodet, Président de la Société de médecine, 26, cours Morand. — Lyon.
Rosiers (des), Propriétaire, 154, boulevard Haussmann. —Paris. — F
Ross (Alexander-Milton), M. Dr.; M. A., Membre des Associations anglaise et amé-
ricaine pour l'avancement des sciences, de la Société impériale des naturalistes
de Moscou et de la Société entomologique de France, — Toronto (Canada .
Rothschild (le baron Alphonse de), 2, rue Saint-Florentin. — Paris. — F
"Rotig, 51, rue de Paris. — Havre.
Rouart (H.), ancien Élève de l'École poljtecùnique, 149, rue Oberkampf. — Pan>
Rooby, Chef d'escadron d'état-major, 13, avenue Duquesne. — Paris.
"Rouchy (l'abbé), Vicaire. — Ségur-les-Villas (Cantal).
Roudier, Député, Conseiller général de la Gironde. — Pessac de Gensac (Gironde].
Rouffet (Pierre), Pasteur, rue Mescloaguen. — Quimper (Finistère).
Rouget (Ch.), Professeur à la Faculté de médecine, 12 , rue du Cairé-du-Roy. —
Montpellier.
Dr Rougier. — Arcachon.
Rouher (Gustave), 10, rue du Cirque. — Paris.
Rouit, Ingénieur en chef de la Compagnie du Médoc. —Bordeaux.
Roujou, Professeur de zoologie et de botanique à la Faculté des sciences, maison
Dionet. — Chamalières, près Clermont-Ferrand.
Roumazeilles, Vétérinaire. — Bernos, près Bazas f Gironde).
Roumieu, Négociant, cours de l'Intendance. — Bordeaux.
Rousse, Conseiller général de la Loire-Inférieure. — Chàteaubriant (Loire-Inférieure).
Roussel (Victor), Fabricant de produits chimiques. — Bailly-le-Bel prèsClermont (Oise).
Dr Roussel (Théophile), Député de la Lozère, 118, rue Neuve -des- Ma thurins. —
Paris. — F
Roussel (Jules), Négociant. — Béziers.
Rousselet (L.), Archéologue, 5, rue Médicis. — Paris.
Rousselier, Ingénieur civil, 2, rue frrignan. — Marseille.
Roussille (Albert), Professeur à l'École nationale d'agriculture de Grand-Jouan. — "
Nozay (Loire-Inférieure).
Roussille (Mme). — Nozay (Loire-Inférieure).
Dr Roustan, 7, rue Bivouac. — Cannes.
LXIV ASSOCIATION FltANÇAISE
•Rouvière (A.), Ingénieur civil et Propriétaire. — Mazamet (Tarn). — F.
Roux, Imprimeur, 21, rue Centrale. — Lyon.
Roux (Henii), Propriétaire, 11, place Bellecour. — Lyon.
Roux (Ch.), iN'égociant, 2 bis, boulevard du Temple. — Paris.
Roux (Ph.), 138, rue Amelot. — Paris.
Dr Rouxeau, Médecin adjoint des prisons, Suppléant des hôpitaux, 1, rue Paré. —
Nantes.
Roter, 12, boulevard Bonne-Nouvelle. — Paris.
*Rozy (H.), Avocat, Professeur à la Faculté de droit, 10, rue Saint-Antoine-du-T. —
Toulouse.
Ruillié, Sous-Inspecteur des forêts, 15, rue Auvray. — Le Mans.
Dr Sabatier, rue de la Coquille. — lîé/.iers (Hérault).
"Suiatier (Armand), Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. —
Montpellier. — R
Sabouraud (Fernand). — Salidieu, par Mareuil-sur-Lay (Vendée).
Sagnier (Henri), Secrétaire de la rédaction du Journal d'agriculture. 152, rue de
Rennes. — Paris.
Sainte-Claire Deville (Henri), Membre de l'Institut, 7, rue Taranne. —Paris.
Swnte-Colombe (Fernand de), Propriétaire, château des Touches, commune de
Villars, près Pons (Charente-Inférieure).
Saint-Exupéry (le comte de), Membre de la Société de géographie, 36. rue de l'Ar-
chevêché. — Tours.
Saint-Joseph (le baron de), 23, rue François Ier. — Paris.
Saint-Martin, ancien Capitaine au long cours, 13, Grande-Rue. — Saint-.Iean-de-Luz.
Saint-Olive (G.), Banquier, 13, rue de Lyon. — Lyon. — R
Saint-Paul de Sainçay, Directeur de la Société de la Vieille-Montagne, 19, rue
Richer. — Paris. — F
Saint-Sadd (Aymar d'Arlo' baron de), Avocat, Membre de la Société archéologique
du Périgord, secrétaire général de la section sud-ouest du Club Alpin. — Château
de la Valouze, par la Roche-Chalais (Dordogne).
Saint-Vidal (de), Directeur particulier à Bordeaux de la Compagnie d'Assurances
générales, cours de Tourny. — Bordeaux.
Salle (Adolphe), Négociant, 61, pavé des Chartrons. — Bordeaux.
Salet (Georges), Préparateur à la Faculté de médecine, 84, boulevard Saint-Germain.
— Paris. — F
Salet (Mmc). 84, boulevard Saint-Germain. — Paris.
Salleron, Constructeur, 24, rue Pavée (au Marais). — Paris. — F .
Salve (de), Recteur de l'Académie. — Alger.
Samazeuilh (Fernand), Avocat. 60, cours de l'Intendance. — Bordeaux.
Samuel (André). Chimiste manufacturier. — Neuville-sur-Saône (Rhône
Saporta (le comte de), correspondant de l'Institut. — Aix (Bouches-du-Rhône).
'Saporta CM'ae la comtesse de). — Aix-en-Provence.
Sarazin (Edmond), Licencié ès-sciences. — Genève.
Sarcet (Francisque), 59, rue de Douai. — Paris.
Dr Sarrouille. — Marmande (Lot-et-Garonne).
"Saiquit, Négociant, 23, place Louis XVI. — Havre.
Dr Saurel, 1, rue Savaron. — Clermont-Ferrand.
Saudeau (Antoine). — Saint-Jean-d'Angély (Charente-Inférieure).
Dr Sauvage (Emile), 2. rue Monge. — Paris.
'Save, Pharmacien. — Ancenis (Loire-Inférieure).
S\\ Léon), Sénateur, Ministre des finances, 15, rue l.a Bruyère. — Paris. — F
Schacbeb (Georges), Négociant, 1">. allées de Chartres. — Bordeaux.
Scheorer-Kestner, Sénateur, 84, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris. — F.
"Si hlumberger (Charles), Ingénieur des constructions navales, 30, rue du Plat. —
Lyon. — R
""SCHLUMBERi.ER liolierl . .'5H. Ille du Plat. — L.\OII.
Schmol (Charles), 132, rue de Turenne. — Paris.
"Schneider (S.), Négociant, 10, rue Fouache. — Havre.
•Schneider (P.), Négociant, 10, rue Fouache. — Havre.
Schneider-Bouchez, Négociant, rue des Ponts-de-Commines. — Lille.
Schoengrun, Membre de la Chambre de commerce, place Dauphine. — Bordeaux.
Schrader père, ancien Directeur de classes de la Société philomathiquo, 20, rue
Borie. — Bordeaux. — F
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES LXV
Schrader (Frantz), IMeinbro de la Direction centrale dn club Alpin, 46, rued'Assas.
— Paris.
ScHREiiiER (Théodore), Ingénieur-Constructeur.— Saint-Quentin.
Schultz (E. et Cic), Fabricants, 8, rue du Griffon. — Lyon.
*Schutzenberger, Professeur au Collège de France, 75, rue No tre-Dame-des- Champs.
— Paris.
Schwaeblé, ancien Élève de l'École polytechnique, Directeur de l'École supérieure
du commerce, 102, rue Ame lot. — Paris.
Scrive (Désiré), Négociant, 1, rue des Lombards. — Lille.
Scrive-Loyer, iManufacturier, 292, rue Notre-Dame. — Lille.
Secrestat, Négociant, Membre du Conseil municipal. — Bordeaux.
Sédillot (C). Membre de l'Institut, Ex-Médecin Inspecteur général, Directeur de
l'École militaire de santé de Strasbourg, 131, boulevard Saint-Michel. — Paris. — F
Sée (Marc), Professeur agrégé à la Faculté de iMédecine de Paris, 7, rue de l'École-
de-Médecine. — Paris.
Sée (Edmond), Ingénieur, 121, boulevard de la Liberté. — Lille.
Segrestaa (Maurice), 25, allées de Chartres. — Bordeaux.
Segretain, Commandanl du génie, 60, cours d'Aquitaine. — Bordeaux. — R
Siii, lier (Jean- Joseph-Alfred de), Conseillera la Cour d'appel. — Orléans. — R
Séguin (Paul), Ingénieur, 4, rue des Deux-Maisons. — Lyon.
Séguin (L.), Directeur de la Compagnie du Gaz du Mans, Vendôme et Vannes, à
l'usine à gaz. — Le Mans.
Séguin (François), Naturaliste, 2, boulevard de la Pyramide. — Clermont-Ferrand.
Seilder (Charles), Négociant, 12, rue Scobrée. — Nantes.
Seiler (Antonin), Juge au Tribunal civil. — La Châtre (Indre).
*Seiler (Albert), Ingénieur, 17, rue Martel. — Paris.
Seignouret (P.-E), 24, pavé des Chartrons. — Bordeaux.
Dr Selsis. — Nérac.
*Senecart (A.), Courtier, 16, rue Molière. — Havre.
*Senecart (Madame A.), 16, rue Molière. — Havre.
Serpette, Négociant. Industriel, 13, rue de l'Entrepôt. — Nantes.
Serre (Gaston de), Membre de la Société géologique de France, 8, rue Las Cases.
— Paris.
Serret, Membre de l'Institut, 36, rue Saint-Martin. — Versailles. — F
*Serrurier, Directeur de l'École Sainte-Marie, rue Dumé-d'Aplemont. — Havre
Dr Servantie, Pharmacien, 31, rue Margaux. — Bordeaux.
Servier (Aristide-Edouard), Ingénieur des arts et manufactures, Directeur de la Com-
pagnie du gaz de Metz, 21, rue Baudin. — Paris. — R
Sévenne, Membre de la Chambre de commerce, 1, rue de Lyon. — Lyon.
Sévérac (Paul), Maître de forges, 1, boulevard Macdonald (la Villette). — Paris.
Seynes (Léonce de), 58, rue Calade. — Avignon. — R
Seynes (de), Agrégé à la Faculté de Médecine, 63, rue de Varennes. — Paris.
— F
*Sibille (Maurice), Avocat, 3, rue Racine — Nantes.
Sicard, Chef de section au chemin de fer des Charentes. — Rochefort.
Sicard (H.), Professeur à la Faculté des Sciences, 2, place Kléber. — Lyon.
Siébert, 23, rue Paradis-Poissonnière. — Paris. — F
*Siegfkied (Jules), Négociant, 1, rue Saint-Michel. — Havre.
*Siegfried (Emile), Négociant, 153, boulevard de Strasbourg. — Havre.
*Siegfried (Jacques), Banquier, 13, rue Monsigny. — Paris.
Siégler (Ernest), Ingénieur des ponts et chaussées. — Bar-le-Duc. — R
*Silva (R.-D.), Chef des travaux de chimie analytique à l'École centrale, 33, rue
Monsieur-le-Prince. — Paris.
Simon, Directeur de l'exploitation du chemin de fer du Midi, rue du Réservoir. —
Bordeaux.
Simon (Pierre), Propriétaire, 12, quai de Turenne. — Nantes.
Simon (J.), Ingénieur, Membre de la Société géologique de France. — Redon (Ille-
et-Vilaine).
Simon (Fidèle), Député de la Loire-Inférieure. — Plessis-Bardoul-Messac. — (Ille-et-
Vilaine).
Dr Sinéty (de), 10, rue de la Chaise. — Paris.
Siret (Eugène), Rédacteur du Courrier de la Rochelle, place de la Mairie. — La
Rochelle.
LXYI ASSOCIATION FRANÇAISE
Sirodot (Simon), Doyen de la Faculté des Sciences de Rennes. — Rennes.
Société anonyme des Houillères de Montrambert et de la Béraudière. — Lyon.
— F
Société nouvelle des Forges et Chantiers de la Méditerranée, 28, rue Notre-Dame-d es-
Victoires. — Paris. — F
Société Académique de la Loire-Inférieure. — Nantes. — R
Société Philomathique de Bordeaux. — R
Société centrale de Médecine du Nord. — Lille. — R
'Société des Sciences naturelles de la Charente-Inférieure, représentée par M. Beltre-
mieux. Maire de la Rochelle, Officier de l'instruction publique. — La Rochelle.
Société Pharmaceutique de l'Indre. — Châteauroux.
Société d'Agriculture de l'Indre, place du Marché aux blés. — Châteauroux.
Société d'Histoire naturelle de Toulouse, rue de la Pomme. — Toulouse.
*Société Géologique de Normandie. — Havre.
Société de Médecine de Saint-Étienne et de la Loire. — Saint-Étienne (Loire).
Société d'Emulation des Cùtes-du-Nord. — Saint-Brieuc.
Société d'Émulation du Dcubs. — Besançon.
Société de Médecine et de Chirurgie de Bordeaux.
Société de Médecine et de Chirurgie. — La Rochelle.
*Société de Médecine de Saintes, représentée par M. le docteur Papillaud. — Sau-
jon ^Charente-Inférieure).
Société de Médecine et de Chirurgie pratiques de Montpellier.
Société des Sciences physiques et naturelles, rue Montbazon. — Bordeaux.
*Société Havraise d'études diverses. — Le Havre:
'Société libre d'Émulation du commerce et de l'industrie de la Seine-Inférieure
— Rouen.
Société Académique d'Architecture de Lyon, palais des Arts. — Lyon.
Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe. — Le Mans.
Société des Sciences médicales de Lyon.
Société des Sciences et Arts de Vitry-le-Français.
Société des Sciences physiques et naturelles de Toulouse, 5, rue Moulin-Bayard.
— Toulouse.
'Société d'Agriculture, Industrie, Sciences, Arts, Belles-Lettres du département de la
Loire. — Saint-Étienne.
Société Polymathique du Morbihan. — Vannes.
Société d'étude des Sciences naturelles. — Nîmes.
Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts du département de la Marne.
— Châlons.
Société Ramond, représentée par M. le Pasteur Frossard. — Bagnères-de-Bigorre.
Société d'études des Sciences naturelles. — Béziers.
'Société Industrielle d'Amiens. — Amiens. — R.
Société d'Agriculture, Belles-Lettres, Sciences et Arts. — Poitiers.
'Société des Voyages d'études autour du monde, 8, place Vendôme. — Paris.
Dr Solles, Conseiller municipal, rue Sainte-Catherine. — Bordeaux.
*Soret (Louis), Bédacleur des Archives des Sciences naturelles, 1, promenade du Pin.
— Genève (Suisse).
*Soret (Charles). — Genève.
Soi:verbie (Saint-Martin), Conservateur du Muséum d'histoire naturelle. — Bor-
deaux.
Souvestre (MUc Marie), aux Ruches. — Fontainebleau.
Stéhélin (E.), Conseiller municipal, rue Vauban. — Bordeaux.
Stengelin, maison Évoque et Cu, 31, rue Puits-Gaillot. — Lyon. — R
Dr Stœber, Aide de clinique à la Faculté de Médecine, 34, rue Saint-Jean. —
Nimcy.
•Stœcklin, Ingénieur des ponts et chaussées. — Boulogne-sur-Mer.
Storck, Ingénieur civil, 78, rue de l'Hôtel-de-Ville. — Lyon.
Storck (Justin), Graveur, 24, rue des Missions. — Paris.
Strobl, 6, rue Saint-Géry. — Valenciennes.
Sturel (Emile). Etudiant, 22, rue des Frontières. — Pont-à-Mousson.
'Sue (Charles), Etudiant en médecine, 9, place du Panthéon. — Paris.
Dr Suchard. — Lausanne (Suisse). — F
*Surei.l, Ingénieur en chef des ponts et chaussées en retraite. Administrateur du Chemin
de fer du Midi, ô\, boulevard Haussmann, — Paris. — F
POUR l AVANCEMENT DES SCIENCES LXVI1
'SWAGNB, Ministre protestant, Maître de l'Université d'Oxford, impasse des Noyers. —
Havre.
Taine (Albert), Pharmacien de lre classe, Membre de la Société géologique de
France. — Fourmies (Nord).
Talabot (Paul), Directeur général des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Médi-
terranée, 10, rue Saint-Arnaud. — Paris. — F
Talrich (Jules), Statuaire, modeleur d'anatomie des Facultés de Médecine de Taris
et de Nancy, 41, rue de lÉcole-de-Médecine. — Paris.
Tamberuck, Artiste Ij rique.
Tanret (Charles), Pharmacien de lre classe, 6, rue du Bois, — Troyes.
Tarrade (A.), Pharmacien, 05, avenue du Pont-Neuf. — Limoges (Haute-Vienne).
*Dr Tarral. 170, boulevard de Strasbourg. — Havre.
*Tarry (IL), Inspecteur des Finances, 46, boulevard Magenta. — Paris.
Tastet (Edouard), Négociant, 60, façade des Chartrons. — Bordeaux.
•Tatin (Victor), Ingénieur-Mécanicien, 9, rue Casimir-Delavigne. — Paris.
Taupier, Propriétaire, rue du Calvaire. — Nantes.
Taylor (Paul), Étudiant. — Mas-d'Azil (Ariége).
Tchebichef, Membre de l'Académie. — Saint-Pétersbourg (Russie).
Tcherniach, 77, rue de Seine. — Paris.
Téallier, Secrétaire général de la Société d'Agriculture du Puy-de-Dôme. — Clermont-
Ferrand.
Dr TEILLAIS, place du Cirqiu\ — Nantes. — R
Teisset (Jules), Ingénieur des Arts et Manufactures, 6, rue des Jeûneurs. — Paris.
*Dr Teissier (Joseph), Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Lyon, 1G, quai
Tilsit. — Lyon.
+Dr Teissier, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, 16, quai Tilsit. — Lyon.
— R
Terquem, Professeur d'hydrographie. — Dunkerque.
Terquem (Alfred), Professeur à la Faculté des Sciences, 116, rue Nationale. — Lille.
— R
*Terreil, Aide naturaliste, 11, rue Royer-Collard. — Paris.
Terrier (Léon), Professeur de rhétorique. — Montpellier.
"Terrier, Architecte, 110, rue Bonaparte. — Paris.
Terrier, Professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, 22, rue Pigale.— Paris.
Tertereau (Stanislas), Professeur de mathématiques au Lycée. —Saint-Quentin.
Dr Testelin (Achille), Sénateur, 16, rue de Thionville. — Lille.
Tesseire (Albert), 26, cours du Jardin-Public. — Bordeaux.
Tesseire (Orner), 26, cours du Jardin-Public. — Bordeaux.
"Teulade (Marc), Avocat, Membre de la Société de géographie et de la Société
d'histoire naturelle de Toulouse, 10, rue Pevrat. — Toulouse.
Texier (Louis) , Directeur de l'École de Médecine, Président de l'Association des
médecins de l'Algérie. — Alger.
Teytard (l'abbé Jean-Baptiste), Curé. — Aubière (Puy-de-Dôme).
Tezenas, percepteur. — Issoire (Puy-de-Dôme).
Thénard (le baron Paul), Membre de l'Institut, 6, place Saint-Sulpice. — Paris. — F
Thért, Conseiller général. — Langon (Gironde).
Thibault, Ingénieur, Entrepreneur. — Saintes.
Thomas (Louis), Professeur suppléant à l'École de Médecine de Tours, 19, boulevard
Heurteloup. — Tours.
Thonier (Gilbert), ancien Élève de l'École de Grignon. — Château de Lavaux, canton
de Chantelle (Allier).
*Dr Thorens, 10, rue de Penthièvre. — Paris.
Thorillon, Manufacturier. — Chamalières, près Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Dr Thulié, 31, boulevard Beauséjour. — Paris. — R
Thurnetssen (Emile), Étudiant, 35, Faubourg-Saint-Honoré. — Paris.
*Dr Tison, Docteur ès-sciences naturelles, 31, rue des Missions. — Paris.
"Tissandier (G.), Chimiste, 3, rue Neuve-des-Mathurins. — Paris.
Tissandier (Albert), 3, rue Neuve-des-Mathurins . — Paris.
Tisserand, Percepteur, 3, cours Sablon. — Clermont-Ferrand.
Tisseur (Clair), Architecte, 10, rue de la Reine. — Lyon.
Tisseyre (Albert), Archiviste de la section sud-ouest du club Alpin, 26, cours
du 29 Juillet. — Bordeaux.
Tissié-Sarrus, Banquier. — Montpellier. — F
LXVIII ASSOCIATION FRANÇAISE
Tixier, Professeur à l'École de Médecine, 4, rue Barbançon. — Clerraont-Fcrrand.
Toffart (Auguste), Secrétaire général de la mairie. — Lille.
Tondut (Albert), Procureur de la République. — Blaye.
*Dr Topinard (Paul), Préparateur au Laboratoire d'anthropologie de l'École des hautes
études, 97, rue de Rennes. — Paris.
Touchalaune, Avocat, rue de Strasbourg. — Nantes.
Toulan, Pasteur. — Castillon (Gironde).
Toulon (Paul), Élève ingénieur des ponts et chaussées, Licencié ès-lettres, Licencié
es sciences, 74, rue Bonaparte. — Paris.
Tourasse (Pierre-Louis), Propriétaire, Petit Boulevard. — Pau. —F
Dr Tournadre. — Saint-Germain-Lembron (Puy-de-Dôme).
Tournaire, Ingénieur en chef des Mines, 34, rue Cassette. — Paris.
Tourtoulon (le Baron de), Propriétaire. — Montpellier.
Toussaint, Chef de service à l'École vétérinaire. — Lyon.
*Dr Toussaint. — Mézières (Ardennes).
Dr Toutant. — Marans (Charente-Inférieure).
Travelet, Ingénieur des Ponts et Chaussées. — Vesoul (Haute-Saône).
"Trélat (Emile), Architecte, Directeur de l'École spéciale d'architecture, 17, rue d'Enfer.
— Paris.
Trélat (Gaston), Architecte, 17, rue d'Enfer. — Paris.
Trélat (Ulysse), Membre de l'Académie de médecine, Professeur à la Faculté de
Médecine, 33, rue Jacob. — Paris. — R
*Dr TRiriER (Léon), chargé de cours complémentaires à la Faculté de Médecine de
Lyon, 17, rue Childebert. — Lyon.
"Trocmé, Négociant, 34, rue Dicquemare — Havre.
*Tromelin (Gaston le Goarant de), Membre de la Société géologique de France. — Châ-
teau de Rosulien, près Quimper (Finistère).
Troubetskoï (MŒe la Princesse de). — Bellefontaine, près Fontainebleau.
Truchot, Directeur de la station agronomique du Centre, Professeur de chimie à la
Faculté des Sciences, 4, barrière d'Issoire. — Clermont-Ferrand.
Trutat (Eugène), Conservateur du Musée d'histoire naturelle, 3, rue des Prêtres, —
Toulouse.
Trystram, Conseiller général. — Dunkerque.
*Tucskiewicz, 170, boulevard de Strasbourg. — Havre.
Turenne (le marquis de), 26, rue de Berry. — Paris. — R
Dr Vaillant (Léon), Professeur au Muséum, 5, rue Médicis. — Paris. — R
Vaillant (V.-J.), 12, rue Tour-Notre-Dame. — Boulogne-sur-Mer.
Valat, Professeur, ancien Recteur, 38, rue de Cursol. — Bordeaux.
Dr Valcourt (de). — Cannes (Alpes-Maritimes).
Vallée, Maire de Saint-Père-en-Retz (Loire-Inférieure).
Vallée (Alfred), Propriétaire. — Haute-Goulaine (Loire-Inférieure).
Vaney (Emmanuel), Conseiller à la Cour d'appel, 14, rue Duphot. — Paris. — R.
Van-Iseghem (Henri), Avocat, Conseiller général de la Loire-Inférieure, 1, rue de
l'Ilôtel-de-Ville. — Nantes. — R
Van Tiéghem, Membre de l'Institut, Maître de conférences à l'École normale supérieure,
20, rue de l'Odéon. — Paris.
"Varigny (Henry de), 53 bis, quai des Augustins. — Paris.
Variot, Ingénieur civil, 13, rue de Constantine. — Lyon.
Vassal (Alexandre), Montmorency (Seine-et-Oise). — R
Dr de Vauréal. — Biarritz.
Vaurigaud, Président du Consistoire, 2, passage Saint-Yves. — Nantes.
*Vauthier (L.-L.), Conseiller municipal de la Ville de Paris, 13, rue Bréda. — Paris.
Vautier (Théodore), Étudiant, 46, rue Centrale. — Lyon. — R
Vautier (Emile), Ingénieur civil, 46, rue Centrale. — Lyon. — F
D' Vayron. — Lavallette (Charente!.
Vée (Amédée), 24, rue Vieille-du-Tcmplc. — Paris.
Vélain , Répétiteur des hautes études à la Sorbonne, 9, rue de Verneuil. — Paris.
Verdet (Gabriel), Président du Tribunal de commerce. — Avignon. — F
Dr Verdier. — Thiers (Puy-de-Dôme).
Dr Vergely, rue Castéja. — Bordeaux.
Vergne (Comte de la), Propriétaire, 1, rue de Poissac. — Bordeaux.
Yerly, Rédacteur en chef de l'Echo du Nord. — Lille.
*Vermeil (Alf.), Interne des hôpitaux, à la Pitié. — Paris.
P01 R I w W< TMI\ l DES SCIEN( I S IAI\
Vbrnes (Félix), 29, rue Taitbout. — Paris. — F
Vernes d'Arlandes (Th.), -■'». faubourg Saint-Honoré. — Paris. — F
•Verneoil, Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine,
11. boulevard du Palais. — Paris. — R
n (Antoine), Ex-préparateur adjoint do chimie à l'École La Martinière de
Lyon; chez M. Mniinet, fabricant de couleurs. — La Plaine, prés Genève (Suisse).
'Véron (Gaston), ingénieur des Arts et .Manufactures, 46, rue Madame. — Paris.
Veyrin [Emile), Fondé de pouvoir au Crédit lyonnais, Secrétaire de la Société d'éco-
nomie politique. — Lyon. — R
Veissière Marcelin), 32, rue Saint-Dominique. — Paris.
Vezin, Conseiller général de la Loire-Inférieure. — Saint-Nazaire.
Vi\l. Pharmacien, 1, rue Bourdaloue. — Paris.
Vial, Capitaine du »énie. — Clermont-Ferrand.
"Vial, Agent principal de la Compagnie des Transatlantiques. — Havre.
Dr Viala (Jules). — Rodez (Aveyron .
Viaud-Grand-Marais , Professeur à l'École de Médecine. — Nantes.
Dr Yibert. — Puy-en-Velay.
'Vidal (Robert), 199, boulevard de Strasbourg. — Havre.
Vieillard (Albert), 77, quai de Bacalan. — Bordeaux. — R
Vieillard (Charles), 77, quai de Bacalan. — Bordeaux. — R
"Vieillard (Emile), Propriétaire, 39, rue des Gobelins. — IIa\ t *■.
Vieillard (Henri), Manufacturier. — Morvillars (Haut-Rhin). — R
Dr Viennois , 39, quai de la Charité. — Lyon.
Vic.ERAL, Conseiller général du Puy-de-Dôme, Maire. — Vertaison (Puy-de-Dôme).
Vignard (Charles . Négociant, Licencié en droit, 6, rue Drvoy-de-Saint-Bédan. —
Nantes.
•Vignes (Emile), Ingénieur, 15, rue Rougeraont. —Paris.
Vignon (Léo), Docteur ès-sciences, 4, place des Jacobins. — Lyon.
Vignon (J.), 45, rue Malesherbes. — Lyon. — F
Vignon (M™*), 45, rue Malesherbes. — Lyon.
I)1 Viguier, Pharmacie centrale, 3, rue Sainte-Marie. — Lyon.
Villat (Victor), Propriétaire, quai Saiut-Julien. — ïournon.
Dr Villeneuve, 24, rue Sénac. — Marseille.
Villette (Ch.), Négociant, allées Damour. — Bordeaux.
Vinaï (Henri), ancien Député. — Au Puy (Haute-Loire).
Vinat, Négociant, 15, rue Neuve-Corneille. — Havre.
Vincent (Auguste), 9, rue d'Orléans. — Bordeaux.
Vinchon, Propriétaire, rue Traversière. — Roubaix.
Vinot, Directeur du Journal du Ciel, cour de Rohan. — Paris.
Violle, Professeur à la Faculté des Sciences. — Grenoble.
"Vissière, Constructeur d'instruments de précision, 15, rue de Paris. — Havre.
*Vix, Négociant, 22, place Louis XVI. — Havre.
*Vizien, Chef des travaux à la Compagnie Transatlantique, 35, quai d'Orléans. — Havre.
Vogt (G.), Ingénieur, 14. rue de Rivoli. — Paris.
Dr Voisin (Auguste), 16, rue Séguier. — Paris. — F
Voruz, Industriel, 2, rue Linnée. — Nantes.
Voruz fils (Antony), Ingénieur civil, 52, rue de Gigant. — Nantes.
Vourloud, Ingénieur civil, 38, rue de la Reine. — Lyon.
Vuillemin, Directeur des Mines. — Aniche.
*Vuillemin (Georges), Ingénieur civil des Mines, Secrétaire du Conseil d'administra-
tion de la Compagnie des Mines d'Aniche. — Aniche (Nord).
Wallace (sir Richard), 2, rue Laffitte. — Paris. — F
Wallaert (Auguste), Filateur, 28, boulevard de la Liberté. — Lille.
Wallaert (Edouard), Propriétaire, rue Notre-Dame. — Lille.
Dr Walzynski 5, rue Bonne-Louise. — Nantes.
*Wantin, Constructeur, 82, rue du Lycée. — Havre.
*Dr Warmont (Aug.), Ancien interne des hôpitaux de Paris, médecin honoraire de la
Manufacture de Saint-Gobain, 50, rue du Four Saint-Germain. — Paris.
*Warmont (Paul), Elève au Lycée Louis-le-Grand, 50, rue du Four Saint-Germain-
— Paris.
Wartelle, Blanchisserie de fils et tissus, 191, rue de Paris. — Herrin (Nord).
Wattier, Négociant, 62, rue de Douai. — Lille.
*Weber, Pharmacien, 64, Grande-Rue. — Havre.
LXX ASSOCIATION FRANÇAISE
Dr Wecker (de), 55, rue du Cherche-Midi. — Paris.
Weil, Ingénieur des manufactures de l'État, à la Manufacture des tabacs. — Nantes.
'Westphalen, Négociant, 29, rue de la Terme. — Havre.
Wheeler (Silbert), Professeur de chimie, Chicago University. — Chicago (Illinois),
United States.
Willm, Chef des travaux chimiques à la Faculté de médecine , 82, boulevard Mont-
parnasse. — Paris. — R
Woj.f, Ingénieur des ponts et chaussées, rue Paulin. — Bordeaux,
*Dr Wollaston (J.).
Worms (Fernand) , 14, rue Royale. — Paris.
Worms (Simon), 13, rue de la Chaussôe-d'Antin. — Paris.
Dr Worthin'gton (L.-S.), 36, rue des Écuries d'Artois. —Paris.
'Wouters, Rentier, 2, rue Pleuvry. — Havre.
Wurth, 64, rue Saint-Sernin. — Bordeaux.
*Wurtz (Adolphe), Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté de Médecine et à la
Faculté des Sciences, 27, rue Saint-Guillaume. — Paris. — F
Wurtz (Théodore), 40, rue de Berlin. — Paris. — F
Wyrouboff (G-.). Docteur ès-sciences, 9, rue de Lille. — Paris.
*Xambeu, Professeur au Collège. — Saintes (Charente-Inférieure).
Dr Yarrow (H.-C), Smithsonian Institute. — Washington (United-States).
Tundt, Négociant. — Havre.
Yver I^P.), ancien Élève de l'École polytechnique, 62, rue Saint-Lazare. — Paris.
Vver. — Briarre (Loiret).
Yvernès, Avocat. Sous-Préfet. — Sainte-Affrique (Aveyron) .
Zeiller (René), Ingénieur des Mines, 43, rue de Rennes. — Paris.
Zurcher (Philippe), Ingénieur des ponts et chaussées, attaché au service de la marine,
faubourg du Morillon, 7, rue Saint-François. — Toulon (Yar).
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES TAXI
LISTE DES SAVANTS ÉTRANGERS
AYANT ASSISTÉ AU CONGRÈS DU H.WRE.
MM.
Alvin (L.), Président de l'Académie royale de Belgique.
Baehr, Professeur à l'Ecole polytechnique de Delft.
Bauermann, Membre dii Conseil de la Société géologique de Londres.
Broadbent (Dr), de Londres.
Cannizaro, Professeur à l'Université de Borne.
Catalan, Professeur d'analyse a l'Université de Liège.
Fol (Dr. IL), Professeur d'anatomie à l'Université de Genève.
Glaisher (James), F. 11. S., Directeur du service météorologique à l'Observatoire de
Greenwich.
Glaisher (J. W. L.), Professeur à Trinily collège, Cambridge.
Grinwis [C. H. C), Professeur a l'Académie d'Utrecht.
Gtjnning, Professeur de chimie à l'Université d'Amsterdam.
Hampel (Dr), Conservateur adjoint du Musée de Budapest. — (Hongrie).
Huggins, F. B. S., Correspondant de l'Académie des sciences de France, à Londres.
Magens Mu in. Délégué de la Société géologique de Londres.
Marriott (William), Secrétaire de la Société météorologique de Londres.
Maxweix-Ltte (F.), Ingénieur chimiste.
Médina (C), Consul général du Guatemala.
Milet (Henrique-Auguste , Ingénieur civil à Pernambuco. — Brésil.
Motta-Maïa (le Dr), Professeur à la Faculté de Médecine de Bio-de-Janeiro.
Ragona (Domenico), Directeur de l'Observatoire de Modène.
SEDAfa-WORTINGTON lDr L.).
Seguin (Dr Edouard), Délégué de l'Américan médical association, de New-York.
Shoolbred (James N.), Ingénieur civil de Londres.
Southey (Dr. BeginaldJ, de Londres.
Sylvester, Membre de la Société Boyale de Londres.
Trigueros (Dr). Avocat, Président de la Cour suprême de justice du Guatemala.
Vry (D. J. E. de), Ancien Inspecteur pour les recherches chimiques aux Indes
Néerlandaises.
LXXII ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES
LISTE DES SOCIÉTÉS SAVANTES
QUI SE SONT FAIT REPRÉSENTER AU CONGRÈS DU HAVRE.
Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, représentée par M. le Professeur
Courly.
Académie des Sciences, Agriculture, Arts et Belles-Lettres d'Aix, représenté.' par
M. le Comte de Saporta.
Académie des Sciences, Lettres et Arts de Lyon, représentée par M. le Dr Teissier.
Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, représentée par M. Caries (P.),
père.
Société de géographie commerciale de Paris, représentée par M. Coquelin (Alfred),
négociant-armateur au Havre, et par M. Hertz, son secrétaire général.
Société havraise d'Études diverses, représentée par M. Leminiln.
Société de Géographie de Paris, représentée par M. Maunoir, son secrétaire général.
Société des Sciences médicales de Gannat, représentée par M. le Dr Victor Pereton.
Société d'Émulation, représentée par M. Bongare (Ch.)
Société des Sciences et Arts de Vitry-le-Français, représentée par M. Barbât de
Bignicourt, son président.
Société d'Émulation des Vosges, représentée par M. le Dr Fournier.
Société d'Archéologie, Sciences, Lettres et Arts de Seine-et-Marne à Melun, représentée
par M. Leclerc, professeur.
Société des Sciences Naturelles de la Charente-Inférieure, à la Bochelle, représentée
par M. Boulland.
Société d'Études des Sciences naturelles de Béziers, représentée par M. Auguste
Klipffel.
Société d'Agriculture de Pont-1'Évêque, représentée par MM. Planque- Mathieu.
Société Linnéenne de Bordeaux, représentée par M. Daleau.
Société des Amis des Sciences naturelles de Bouen, représentée par M. Debray.
Société industrielle de Mulhouse, représentée par M. Grossetéli'.
Société Nationale de médecine de Lyon, représentée par M. le Dr Teissier.
Société Polymathique du Morbihan, représentée par M. Le Conte, Inspecteur d'Aca-
démie.
Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et Arts de la Marne, représentée par
M. Doutté.
Société d Émulation du département de la Somme, représentée par M. Prarond, son
président.
Société industrielle d'Amiens, représentée par M. le baron de Fourment.
Société Académique d'Agriculture, des Sciences, Arts et Belles-Lettres de l'Aube,
représentée par M. le Dr Vauthier.
Société de Médecine et de chirurgie pratique de Montpellier, représentée par M. le
Dr Boustan, agrégé de la Faculté.
Société libre d'Emulation du Commerce et de l'Industrie, représentée par M. le Dr
Le Plé.
Société d'Agriculture, Histoire naturelle et Arts utiles de Lyon, représentée par
MM. P. Eymard et Schlumberger.
Société des Sciences naturelles de Seine-et-Oise représentée par .M. E. Babot, son
président.
Société Linnéenne de Normandie, représentée par M. Morière.
ASSOCIATION FRANÇAISE
L'AVANCEMENT DES SCIENCES
ASSEMBLÉES GÉNÉRALES
ASSEMBLÉES GÉNÉRALES
Tenues au Havre les 24 et SO août 1S77.
Présidence de M. P. BROCA. Membre de l'Académie de médecine
Professeur a la Faculté de médecine de Paris,
Président de l'Association.
— Extraits des procis-verbaux —
Première Assemblée, 24 août 48T1.
Le Président fait savoir à l'Assemblée que M. Kuhlmann, Vice-Président, a
envoyé sa démission, craignant que sa santé ne lui permette pas de présider
la session de 1878 : comme preuve de l'intérêt qu'il porte à l'Association, il
lui fait don de 5,000 francs et promet de donner annuellement la somme de
1,000 francs sa vie durant. Après avoir exprimé, d'une part, les regrets et,
d'autre part, les remercîments du Conseil d'administration, regrets qu'il est
convaincu que l'Assemblée partage et remercîments auxquels elle s'associera
certainement, le Président, au nom du Conseil d'administration propose de
compléter le bureau de l'Association pour parer aux éventualités qui pourraient
se présenter pendant la session, en procédant immédiatement à la nomina-
tion d'un Vice-Président qui devra être choisi dans le deuxième groupe.
l
2 ASSOCIATION FRANÇAISE
L'Assemblée ayant décidé qu'il sera procédé immédiatement à l'élection
d'un Vice-Président, le scrutin est ouvert.
M. Fremy, membre de l'Institut, professeur au Muséum d'histoire naturelle,
est nommé Vice-Président.
Deuxième Assemblée, 30 août 1811.
Le Président annonce à l'Assemblée que diverses villes ont adressé des
invitations à l'Association pour les prochaines sessions et ont envoyé des
délégués chargés de les représenter et d'appuyer leurs demandes : La
Rochelle, Toulouse, Montpellier et Reims. Le Conseil d'administration, après
avoir étudié la question, propose de désigner pour 1878 Paris comme lieu de
réunion du Congrès, cette ville étant choisie exceptionnellement à cause de
l'Exposition universelle, et pour 1879, Montpellier.
Ces propositions sont adoptées.
Il est procédé au vote pour l'élection d'un Vice-Président et d'un Vice-
Secrétaire général qui doivent être pris respectivement dans le quatrième et
le troisième groupe.
M. Bardoux, conseiller général du Puy-de-Dôme, est nommé Vice-Président;
M. le comte de Saporta, correspondant de l'Institut, est nommé Vice-Secré-
taire général.
Le Président annonce à l'Assemblée que deux articles additionnels à intro-
duire dans le titre I du règlement, proposés à l'Assemblée générale en 1875 et
qui auraient dû être soumis au vote de l'Assemblée générale de 1876, ont été
omis par le Bureau à l'Assemblée de Clermont : il propose de voter l'accep-
tation des articles, qui sont ainsi libellés :
Art. 5 bis. — Le Président sortant fait de droit partie du Bureau pendant les
deux semestres suivants.
Aiit. G bis. — Dans le cas de décès, d'incapacité ou de démission d'un ou de
plusieurs membres du Bureau, le Conseil procède à leur remplacement.
La proposition de ce ou de ces remplaçants est faite dans une séance convoquée
spécialement à cet effet : la nomination a lieu <lans une séance convoquée à sept
jours d'intervalle.
Ces articles sont adoptés par l'Assemblée.
Le Président fait connaître à l'Assemblée la modification suivante à l'ar-
ticle 15 du règlement qui a été adoptée par le Conseil d'administration.
Art. 15. — Vendant la durée de la session, chacune des sections qui n'est
pas représentée dans le Bureau pur le Vice-Président et le Vice-Secrétaire général,
pouh l'avancement des sciences 3
désignera un de ses délégués pour faire partie de la Commission des sub-
ventions : ecs nominations seront considérées comme, non avenues pour les
sections qui se trouveraient représentées dans le Bureau-par suite de la nomination
en Assemblée générale du Vice-Président et du Vice-Secrétaire général de la
session suivante.
L'Assemblée générale a approuvé les vœux suivants :
La section de géographie, désireuse de s'associer autant qu'il dépend d'elle
à la pensée toute de science et d'humanité qui a présidé à la fondation de
l'Association internationale africaine, émet le vœu que l'Association française
pour l'avancement des sciences, en témoignage de son entière sympathie,
s'inscrive sur la liste des souscripteurs de l'Association internationale africaine
fondée en 187G par S. M. Léopold II, roi des Belges.
La section de météorologie et physique du globe émet le vœu : 1° que les
grandes compagnies de paquebots prennent des mesures pour que des obser-
vations météorologiques régulières soient faites sur leurs navires;
2° Que le ballon captif construit par M. Giffard , à l'occasion de l'Exposition
universelle de 1878, soit utilisé à faire des observations météorologiques;
3° Qu'un congrès météorologique international libre ait lieu l'an prochain
à Paris.
4° Que le service météorologique français soit amélioré de manière à
marcher de pair avec ceux des autres nations de l'Europe et de l'Amérique.
L'Assemblée adopte les propositions faites par les diverses sections pour la
nomination des délégués (Voir ci-après la composition du Conseil d'adminis-
tration).
Le Président propose au nom du Conseil d'administration, et l'Assemblée
vote, à l'occasion de la session du Havre, des remerciements à la ville du
Havre, au Maire et au Conseil municipal de cette ville, au Comité local, à la
Compagnie générale transatlantique et à la Société des chargeurs réunis, à la
Société géologique de Normandie pour sa magnifique exposition, à la Société
de photographie, aux industriels qui ont reçu les membres dans leurs usines,
ainsi qu'aux municipalités des villes où l'Association a été accueillie d'une
manière sympathique dans ses excursions, et aux Compagnies de chemins de
fer qui, par les facilités qu'elles ont accordées aux membres de l'Association,
ont contribué à l'éclat de la session.
Le Président déclare close la session du Havre.
ASSOCIATION FRANÇAISE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
BUREAU :
MM. FREMY, Membre de l'Institut, professeur au Muséum Président.
BARDOUX, Ministre de l'Instruction publique, Député du Puy-dc-
Dome Vice-Président.
PERHIER, Commandant d'Etat-major, Membre du bureau des lon-
gitudes Secrétaire général.
SAPORTA (le comte de), Correspondant de l'Institut, à Aix .... Vice-Secrétaire général.
MASSON (G.), Libraire-Éditeur Trésorier.
GARIEL (C.-M.), Ingénieur des ponts et chaussées, professeur
agrégé à la Faculté de médecine de Paris Secrétaire du Conseil.
PRÉSIDENTS, SECRÉTAIRES ET DÉLÉGUÉS DES SECTIONS
lre et 2 Section.
6e Section.
9e Section.
Citalan, Président.
Schutzenberger, Président.
Bullon, Président.
Lucas, Secrétaire.
Sii.VAj Secrétaire.
Dutailly, Secrétaire.
Perrier.
WOKTZ.
DUTAILLY.
Mannheim.
Gruner.
De Seynes.
Em. Lkmoinb.
Friedel.
Tison.
Collignon, Président pour 1878.
Wurtz, Président pour 1878.
Bâillon, Président pour 1878.
3e et 4e Section.
7e Section.
10' Section.
Bel lot, Président.
ALLCARD, Président.
Joisset de Belles MB, Prt
s.
Renadd, Secrétaire.
Angot, Secrétaire.
J. Barrois, Secrétaire.
ARSON.
D'ABBADIE.
L. Bureau.
Marchegay.
PlCHE.
POUCHET.
AUDENKT.
Angot.
J. Chatin.
Reynaud, Président pour 1878.
HervÉ-Mahgon, Prés, pour 1878
De Quatrbfages, /'. pour
1878
5° Section.
8e Section.
11e Section.
Cornu, Président .
De Saporta, Président.
LAGNBAC, Président.
Mercadibr, Secrétaire.
BrïLINSKI, Secrétaire.
CoLLINEAU, Secrétaire.
D'ALMEIDA.
Des Cloizeadx.
PKI NIÈRES.
Gavarret.
Chantre.
Hovblacque.
I. ALLEMAND.
Cotte au.
Db Mortillet.
Cornu, Président pour 1878.
De Saporta, Prés, pour 1878.
Bektillon, Présider! pont
1878
POUR L AVANCEMENT DES SCIENCES
12e Section.
13'' Section.
14'1 Section.
Coirtï, frétillent.
I'eligot, Président
LBVASSBOR, Président.
F. Franck, Secrétaire.
Livache, Secrétaire.
Hireau de Villeneuve, .Secret.
MAREY.
UolslBRHB.
De Marsy.
YERNEUIL.
L'HOTE.
Durand (l'abbé).
l'OTUN.
Peligot.
Bureau de Villeneuve.
TeissibR père, l'r. pour 1878.
B°" Tiikn ard, Prêt, pour 1878.
Miunoir, Président pour 18;8.
15e Section.
Clamagkran, Président.
Bouvet.
J. Lefori, Secrétaire.
Alclave.
Goullin.
Fréd. Passy, Président pour 1878.
ANCIENS PRESIDENTS,
MEMBRES DE DROIT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
MM. BERNARD (Claude), Membre cie l'Institut et de L'Académie française [Bordeaux, 1872).
DE QUATREFACES DE BREAU, Membre de l'Institut, professeur au Muséum [Lyon 1873).
AVURTZ [Ad. i, Membre de l'Institut, doyen honoraire de la Faculté de Médecine de Paris
(Lille 1874) .
D'EICHTHAL (Ad.), Président du Conseil d'administration des chemins de fer du Midi [Nantes
1873) .
DUMAS, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, membre de l'Académie française
[Clermont-Fcrrand, 1876).
BROCA (Paul), Membre de l'Académie de Médecine, professeur à la Faculté de Médecine de
Paris [Le Havre, 1877).
ASSOCIATION FRANÇAISE
CONGRÈS DU HAVRE
PROGRAMME DE LA SESSION
23 Août. — A 10 heures du matin, Conseil d'administration. — A 2 heures
et demie du soir, Séance d'ouverture au Grand-Théâtre. — A 8 heures
et demie, Réception à l'Hôtel de Ville.
24 Août. — A 8 heures et demie du matin, Séances de sections. —A 2 heu-
res, Assemblée générale. — A 2 heures et demie, Séance générale :
MM. Lennier, Quinette de Rochemont, Vial. — A 8 heures et demie du
soir, Conférence : Les anciens climats considérés dans leurs relations
avec la marche et les variations de la végétation européenne, par
M. le comte de Saporta, correspondant de l'Institut.
23 Août. — A 8 heures et demie, Séances de sections. — Dans la journée,
Visite du paquebot la France ; Réception des membres du Congrès par
l'Administration de la Compagnie Générale Transatlantique. — Visite du
paquebot le Bclgrano (Compagnie des Chargeurs Réunis). — A 5 heures,
Visite des travaux de l'avant-port.
2G Août. — Excursion à Fécamp et à Étretat.
27 Août. — A 8 heures et demie, Séances de sections. — A 9 heures et
demie, Lancement de l'aviso le Hussard; Visite des chantiers Normand
— Dans la journée, Visites industrielles : Société des constructions
navales; Usine de désargentation du plomb, de M. Trotteux; Extraction
de la teinture des bois, de M. Sapiéha; Filature de M. Courant.
28 Août. — Excursions à Tancarville, Lillebonne et Bolbec.
29 Août. — A 8 heures et demie, Séances de sections. — A 2 heures, Séance
générale : MM. G. Biard, Cotteau. — A4 heures, Visite aux Forges et
Chantiers de la Méditerranée, aux Cités ouvrières et au Cercle Frank-
lin. — A 8 heures et demie du soir, Conférence : Du sol et des
richesses des Etats-Unis , par M. Levasseur, membre de l'Institut,
professeur au Collège de France.
30 Août. — A 8 heures et demie, Séances de section. — A 2 heures et
demie, Assemblée générale; Clôture delà session.
polit LAVANCEMEN1 lU.s SCIENCES
La session de 1X77 ;i été préparée au Havre par les soins d'un comité local
dont nous donnons ici la composition»
MEMBRES HONORAIRES :
MM. Le Sous-Préfet du Havre.
Barbette, Procureur de la République.
Baveux, Président da tribunal de lro instance.
Léon Brindeau, Président du Tribunal de commerce.
Le colonel Bernard, Commandant d'armes.
L'abbé Doval, Curé-doyen de Notre-Dame.
Le Fràper, Commissaire général, cbefdu service de la marine.
Julien, Directeur des douanes.
Mallet, Président de la Chambre de commerce.
Vasselin, Inspecteur des Écoles primaires de l'arrondissement.
Vive, Agent général de la Compagnie transatlantique.
BUREAl :
MM. Masuriek, Maire du Havre, Président d'honneur.
Dr Lecadre, oncle, Président.
Bellot, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, Vice -Président.
Dr Gibert, Secrétaire général.
George, architecte, Secrétaire-adjoint.
MEMBRES :
MM. Bernal, Consul d'Angleterre.
Borély, Président de la Société des arts et sciences agricoles.
Brylinski, Membre de la Société géologique de Normandie.
Brunschyicg (Léon), Avocat.
Courant, Négociant, adjoint au Maire.
Dr Dero, Président de la Société d'horticulture.
Dollfus (Auguste) .
Lennier (G.), Président de la Société géologique de Normandie, Conser-
vateur du Musée d'histoire naturelle.
Leudet, Président delà Société de pharmacie.
Dr Maire, Président de la Société havraise d'éludés diverses.
Marchand (E.), à Fécamp, Correspondant de l'Académie de Médecine.
ASSOCIATION FRANÇAISE
Normand (A.), Constructeur de navires.
Œchsner de Coninck, Négociant.
Quin (Ch.), Vice-Président de la Société géologique de Normandie.
Kolland-Banès, Adjoint au Maire, •
MM. Masurier, Maire du Havre.
Rolland-Banès, adjoint.
Bazan, Conseiller municipal
Berchut, —
Brindeau (Gustave), —
Brostrom,
COMMISSION MUNICIPALE.
MM
Faure, Conseiller municipal.
Guerrand, —
Marion, —
Peulevey,
Siegfried, —
SÉANCES GÉNÉRALES
SÉANCE D'OUVERTURE
21 août 1877.
I'ki BIDBNI I. DE M. P. BROC V
assistaient à la séance : MM. Masurier, Maire de la ville du Havre; Le
Roux, Sous-Préfel du Havre; Le Fraper, Commissaire généra] de la Marine;
Julien, Directeur des douanes; Bernard, Colonel d'artillerie; I. allemand,
Lieutenant-Colonel du génie; Brindeau, Président du Tribunal de commerce;
Bellot, Ingénieur en chef des ponts et chaussées; Mallet, Président de la
Chambre de commerce; D1' Lecadre, Présidenl du Comité local; Rolland-
Banès, Huchon, Courant, Adjoints au Maire du Havre; Bazan, Peulevey,
Membres du Conseil général de la Seine-Inférieure; le Conseil municipal
du Havre; Dr Maire, Président de la Société Havraise d'études diverses; Lennier,
Président de la Société géologique de Normandie; Dr Dero, Président de la
Société d'horticulture ; Borély, Présidenl de la Société des arts agricoles et
industriels; DrLefébure; Quinette de Rochemont et Renaud, Ingénieurs des
ponts et chaussées; Vasselin, Inspecteur de l'Instruction primaire; Winslow,
Président des régates, etc., etc.
MM. P. Broca, Président de l'Association; Fremy, Membre de l'Institut;
de Quatrefages, Membre de l'Institut ; Janssen, Membre de l'Institut ; Wurtz,
Membre de l'Institut ; Mouchez, Membre de l'Institut ; Peligot, Membre de
l'Institut; F. Passy, Membre de l'Institut; Levasseur, Membre de l'Institut;
Bréguet, Membre de l'Institut; Ollier, Correspondant de l'Institut; de Saporta,
Correspondant de l'Institut; Alglave, Directeur de la Revue scientifique;
Alluard, doyen de la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand ; Béchamp,
doyen de la Faculté de Médecine de l'Université catholique de Lille; Chau-
veau, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon ; Clamageran, Conseiller
municipal de Paris; A. Cornu, Professeur à l'Ecole Polytechnique;
Courty, Professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier; Dehérain,
professeur à l'École de Grignon ; Germer -Baillière, Conseiller muni-
cipal de Paris; Gobin, Ingénieur du service municipal de Lyon; Hippeau,
Professeur honoraire de Faculté; de Lagrené, Ingénieur en chef des
10 SÉANCES GÉNÉRALES
ponts et chaussées; Dr Laussedat, Député de l'Allier; Lavalley, Ingénieur
civil; Dr Leudet, Directeur de l'Ecole de Médecine de Rouen; Liouville, Député
de la Meuse; Mannheim, Professeur à l'Ecole Polytechnique; Marchand, de
Fécamp, Correspondant de l'Académie de Médecine de Paris; Maunoir, Secré-
taire général de la Société de Géographie de Paris; le Général Parmentier;
Perrier, Chef d'escadron d'état-major, Membre du Bureau des longitudes;
Parrot, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris; Potain, Professeur à la
Faculté de Médecine de Paris; Schutzenberger, Professeur au Collège de
France; Dr Teissier, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon; E. Trélat,
Directeur de l'Ecole spéciale d'architecture; Dr Verneuil, Professeur à la
Faculté de Médecine de Paris , etc., etc.
Parmi les étrangers qui avaient accepté l'invitation de la municipalité et
qui assistaient à l'ouverture du Congrès, on remarquait :
MM. Alvin, Président de l'Académie royale de Belgique; Baehr, Professeur à
l'Ecole Polytechnique de Delft; Bauerman, Membre du Conseil de la Société
géologique de Londres; Dr Broadbent, de Londres; Cannizaro (Stanislas),
Professeur à l'Université de Rome; Catalan, Professeur à l'Université de
Liège; Glaisher (U.) Directeur du service météorologique à l'Observatoire de
Greenwich; Glaisher (J . W. L.), professeur au Trinity collège, Cambridge;
Grinwis (C. H. C), Professeur à Utrecht; Gunning, Professeur de chimie à
l'Université d'Amsterdam ; D1' Hampel, Conservateur-Adjoint au musée de
Budapest; Huggins, Membre de la Société Royale de Londres, Correspondant
de l'Académie des Sciences de France; Lyte (F. Maxwell), Ingénieur chimiste,
Magens-Mello, Délégué de la Société géologique de Londres; Mariott (William),
Secrétaire de la Société météorologique de Londres; Médina (C), Consul
général de Gualemala en France ; Milet (Henrique Auguste-), Ingénieur civil à
Pernambuco; Dr Motta Maïa, Professeur à la Faculté de Médecine de Rio-de-
Janeiro; Bagona (Dominique), Directeur de l'Observatoire de Modène; Dr Sé-
guin, Délégué de l'Association médicale américaine de New-York ; Shoolbred
(James N.), Ingénieur civil de Londres; Sylvester, Membre de la Société
Royale de Londres; Dr Trigueros, Avocat, Président de la Cour suprême de
justice au Guatemala; Yry (Dr J. E. de), ancien Inspecteur pour les recher-
ches chimiques aux Indes Néerlandaises ; Dr Worthington (L. Sedam).
M. P. BEOCA
LES RACES FOSSILES DE L'EUROPE OCCIDENTALE.
Mesdames, messieurs,
Il y a cinq ans à peine que l'Association française pour l'avancement des
sciences a tenu à Bordeaux sa première session, et elle compte déjà au nombre
des institutions scientifiques les plus importantes de notre pays. Fondée au
p. BROCA —LES RACES FOSSILES DE L'EUROPE OCCIDENTALE 11
Lendemain de dos désastres, au sortir d'une crise terrible, où cette centrali-
sation si vantée, qui devait Eure notre force, s'était révélée, au contraire,
comme une faiblesse el un danger, elle fut avant tout, dans la pensée de ses
premiers promoteurs, une œuvre de décentralisation scientifique, et cette
pensée répondait si bien aux aspirations de La partir éclairée du public, que
les adhésions se produisirent par centaines avant même que l'Association eût
H'ncé ses travaux. Le jour de notre première réunion, à Bordeaux, nous
comptions près de 800 membres. Ce début était plein de promesses. Pourtant
quelques esprits inquiets doutaient encore de l'avenir. Ils se demandaient si
L'on n'allait pas voir une fois de plus que dans notre pays les impressions
ont plus de vivacité que de durée, après des malheurs inouïs, après la défaite,
l'invasion, Le démembrement, la guerre civile, la nation avait fait un retour
sérieux sur elle-même. Elle avait senti que, parmi les forces sociales, la
science tient le premier rang, que l'industrie, l'agriculture, le commerce, la
puissance militaire, seraient, sans elle, condamnés à la décadence, et elle
avait accueilli avec confiance, avec élan, une association vouée au dévelop-
pement el à la diffusion des sciences. Mais ce mouvement, auquel le sentiment
patriotique avait pris une grande part, n'allait-il pas se ralentir à mesure
que s'éloignerait et s'affaiblirait le souvenir des mauvais jours? Voilà ce que
craignaient quelques person es; et elles ajoutaient que, dans ce pays habitué
à ne compter que sur le gouvernement pour tout ce qui concerne les intérêts
publics, une entreprise comme la nôtre, émanée exclusivement de l'initiative
privée, ne pourrait se développer que bien difficilement.
Je constate avec joie, messieurs, que l'événement n'a pas justifié ces craintes.
Chaque année, au contraire, nous avons vu l'Association française pousser
plus profondément ses racines et étendre plus loin ses rameaux. Le nombre
de nos membres, qui, la première année, n'était que de 800, s'est élevé à
1,200 après la seconde session, à 1,500 après la troisième, à 1,950 après la
quatrième, à 2,234 après la cinquième. Cet accroissement rapide et soutenu,
nous le devons sans doute pour beaucoup à l'intérêt que vos travaux ont
donné à nos sessions, et à l'importance incontestée des volumes où ils sont
consignés; mais nous le devons surtout à l'opinion publique, qui, de toutes
parts, nous encourage et nous soutient. Ce ne sont pas seulement les popu-
lations des grandes villes qui nous manifestent leur zèle pour le progrès des
sciences; nous recevons un accueil moins brillant sans doute, mais non moins
significatif, dans tous les lieux où nous conduisent nos excursions, parfois
jusque dans d'humbles villages, où les paysans endimanchés viennent témoi-
gner sur notre passage de leur respect pour les choses scientifiques. L'illustre
président de la session lyonnaise, M. de Quatrefages, me disait en descendant
la rue escarpée du village de Solutré et en me montrant les chaumières ornées
de verdure : « Ces guirlandes de feuillage font plus d'impression sur moi que
les splendides décors de l'hôtel de ville de Lyon ! » Pensée juste et profonde,
car c'est un heureux présage lorsque ceux-là même qui n'ont pas reçu les
bienfaits de l'instruction rendent hommage à la grandeur de la science.
Puisque cette notion a pénétré jusqu'à eux, n'est-ce pas la preuve que l'opinion
publique est avec nous tout entière? Le zèle des premiers jours, loin de se
12 SÉANCES GÉNÉRALES
refroidir comme quelques-uns le craignaient, s'est affirmé de plus en plus, et
s'il était nécessaire "de l'exciter quelque part, ce ne serait pas dans cette belle
et intelligente cité, qui fut une des premières à nous offrir l'hospitalité.
Je puis donc me dispenser d'insister aujourd'hui sur le but de l'Association
française et sur les services qu'elle est appelée à rendre à la science et au
pays. Les hommes éminents auxquels j'ai l'honneur de succéder ont traité ce
sujet dans leurs discours d'inauguration avec un talent et une autorité que je
ne saurais égaler. L'un d'eux cependant, M. Wurtz, se conformant à l'usage
adopté dans l'Association britannique, sœur aînée de la nôtre, a consacré la
séance d'ouverture de la session lilloise à l'exposé d'une des grandes questions
de la science contemporaine. Je suivrai son exemple et j'.essaierai de résumer
devant vous les faits anthropologiques qui concernent les races humaines
fossiles fie l'Europe occidentale.
I.
Les plus anciens souvenirs des hommes nous reportent à une époque où les
sociétés étaient déjà organisées, et où quelques nations avaient déjà acquis un
certain degré de civilisation. Les peuples sauvages n'ont pas d'histoire; leurs
traditions orales s'altèrent, se dénaturent à chaque génération, puis elles
s'éteignent enfin pour faire place à d'autres traditions tout aussi passagères, et
les événements les plus considérables sont ainsi tôt ou tard voués à l'oubli.
L'écriture seule fixe les souvenirs sur le monument ou sur le livre. Les récits
plus ou moins historiques ne sauraient donc remonter bien au delà de l'in-
vention de l'écriture, et cette invention, qui implique l'idée d'une culture assez
avancée, a été nécessairement très-tardive.
Quelques peuples de l'antiquité se vantaient, il est vrai, de compter dans
leur passé d'immenses suites de siècles; ils étalaient dans leurs chronologies
des périodes de dix mille et de cent mille ans; mais la critique a aisément
fait justice de leurs prétentions. Aujourd'hui, même après la découverte de
Champollion, même après les travaux des Lepsius et des Mariette, qui ont
rendu plus de vingt siècles aux archives de la vieille Egypte, on ne connaît
aucun fait qui puisse faire reculer au delà de six à sept mille ans le début
de la période historique.
Ainsi, à ne consulter que l'histoire, on pourrait croire que l'homme est
presque récent sur la terre, et bien postérieur aux derniers phénomènes géo-
logiques qui ont modifié les conditions de la vie, et amené, avec le change-
ment des clirhats, celui des flores et des faunes. Cette opinion était partout
acceptée lorsque les géologues entreprirent l'œuvre grandiose de reconstituer
le passé de la planète, lorsque notre illustre Cuvier créa la méthode paléon-
tologique, lorsque son génie ranima les espèces éteintes et fit comparaître
devant h: tribunal de la science ces témoins muets mais éloquents des phases
successives de notre globe. Quoique sacrifiant encore à l'hypothèse des révo-
lutions subites et des cataclysmes universels, Cuvier savait quel immense laps
de temps représente une époque géologique, et puisque la brièveté de la
p. BROGA. — LES RACES FOSSILES DE L'EUROPE OCCIDENTALE \'o
période historique contrastait à tel point avec l'incalculable antiquité des ani-
maux fossiles, n'élait-il pas naturel de croire que L'homme n'avait paru que
bien longtemps après eux 1 Ce fui la conclusion de Cuvier, el elle était si
conforme aux idées reçues, qu'elle devint aussitôl classique. On alla même
plus loin que Cuvier : l'auteur du Discours sur les révolutions du gkbe (1825)
s'était borné à dire que rien ne prouvai l'existence de l'homme fossile et à
ajouter qu'elle était invraisemblable; cela ne parut pas suffisant, et de toutes
parts on ajouta qu'elle était impossible.
Pourtant, bon nombre de faits contraires à ce verdicl prématuré ne tar-
dèrent pas à se produire, mais ils ne rencontrèrent que la méfiance et le
dédain. C'était en vain que l'on découvrait, soil dans le sol des cavernes, soit
dans les terrains paléontologiques, les ossements de l'homme mêlés et con-
fondus avec ceux des animaux de l'époque quaternaire; on se heurtait toujours
à des objections systématiques : le sol avait dû être remanié par des soulè-
vements, des affaissements, des glissements; l'homme avait pu y creuser des
fosses pour y déposer les morts; il avait pu chercher un abri dans des cavernes
où des éboulements l'avaient enseveli; il avail pu tomber par accident au
fond d'une fente étroite et profonde; ses os, roules dans les torrents, avaient
pu être déposés au hasard dans des couches plus anciennes labourées par les
eaux Heureux lorsqu'on ne mettait pas en doute L'authenticité du gisement,
la compétence ou la sagacité de l'observateur! Ainsi furent repoussées les
découvertes faites en 1828 par Tournai, de Narbonne, dans la grotte de Bize
(Aude), en 1829 par Christol, de Montpellier, dans les cavernes du Gard,
puis par Emilien Dumas et par le Dr Pilore dans deux cavernes du Gard el
de l'Hérault, el par M. Ami Boue, de Vienne, dans Les terrains quaternaires
de la Basse-Autriche. Les grandes recherches de Smerling dans les cavernes
des environs de Liège (1833), et notamment dans cette grotte d'Engis aujour-
d'hui si célèbre, ne reçurent pas un meilleur accueil. Le crâne remarquable
du mont Denise (Haute-Loire), trouvé par M. Aymard, en 1844, dans une
couche de laves boueuses qui recèle les restes de plusieurs espèces perdues,
obtint enfin quelque attention, mais on objectait toujours que ce débris
humain avait, pu glisser au fond d'une brèche, à la faveur de quelque dislo-
cation du sol.
Les faits de ce genre, quelque décisifs qu'ils nous paraissent maintenant,
ne faisaient donc alors aucune impression. Ils étaient pour ainsi dire récusés
à l'avance. Pour vaincre tant de résistance, il fallait un surcroit d'évidence.
Il fallait constater la présence de l'homme non plus dans les cavernes de
l'époque quaternaire, ou dans des brèches osseuses, ou dans des terrains en
pente plus ou moins susceptibles de glissement, mais dans le sol des grandes
vallées, dans des couches horizontales encore en place, ayant conservé tous
leurs rapports de stratification, et présentant des dispositions telles que l'hy-
pothèse d'un remaniement quelconque, naturel ou artificiel, fût rendue tout à
fait impossible. Les grandes couches de sable et de graviers, déposées dans le
fond des vallées actuelles par les puissants cours d'eau de l'époque quaternaire,
réunissent le plus souvent ces conditions. Ce fut là que Boucher de Perthes
alla chercher les preuves de l'antique existence de l'homme. Ce fut là qu'il
44 SÉANCES GÉNÉRALES
découvrit, gisant pêle-mêle au milieu des ossements du rhinocéros et du
mammouth, les armes de silex dont l'homme s'était servi pour combattre ces
monstres d'une autre époque, et les innombrables outils façonnés par ses
mains pour les besoins de la vie.
Boucher de Perthes n'était pas un savant à diplôme, et pendant bien long-
temps ses assertions n'obtinrent aucune créance. On souriait de ses illusions;
on plaignait le rêveur qui dépensait sa vie à la poursuite d'un but impossible.
Mais ce rêveur avait la conviction qui donne le courage, et la persévérance
qui conduit au succès. De 1840 à 1858, il lutta patiemment contre l'indiffé-
rence des uns, contre les railleries des autres. 11 ne demandait qu'une chose :
l'examen et le contrôle; mais cela même il ne pouvait l'obtenir, car la seule
adhésion qu'il eût pu conquérir, celle du Dr Rigollot, n'avait pas été prise au
sérieux. Enfin, après dix-huit années d'efforts, il vit se lever le jour de la
justice. Le célèbre paléontologiste anglais, Falconer, voulut bien se rendre à
Abbeville, en 1858, pour étudier à la fois les gisements explorés par notre
infatigable compatriote, et la riche collection de silex taillés et d'ossements
fossiles qui en provenaient. D'autres savants anglais, MM. Prestwich, Evans,
Flower et Lyell, le suivirent de près; ils firent eux-mêmes, en divers points
de la vallée de la Somme, notamment à Saint-Acheul, près d'Amiens, dans
un gisement déjà signalé en 1854 par Rigollot, des recherches couronnées de
succès. Stimulés par cet exemple, les savants français arrivèrent à leur tour :
M. Gaudry, M. Georges Pouchet purent, de leurs propres mains, extraire du
dépôt quaternaire de la Somme, des haches de silex taillé. Les faits découverts
par Bouclier de Perthes se trouvaient ainsi pleinement confirmés. Il ne leur
manquait plus que la sanction de la discussion publique : la Société d'an-
thropologie de Paris la leur donna. Là, un savant dont la prudence égalait la
bonne foi, Isidore-Geoffroy Saint-Hilaire, put déclarer que les dernières objec-
tions contre l'antiquité de l'homme venaient de s'évanouir. En quelques
séances la question fut examinée sous toutes ses faces, et toutes les hésitations
furent levées. Ce débat, rendu public par les journaux, même avant l'appari-
tion des Bulletins de la Société, eut un grand retentissement. L'homme fossile
avait désormais droit de domicile dans la science positive, et le nom glorieux
de Boucher de Perthes fut acclamé dans toute l'Europe.
Ce nom restera attaché à une découverte qui compte parmi les plus grandes.
L'histoire doit ses hommages à tous ceux qui ont lutté pour le progrès, à tous
ceux qui ont préparé l'avènement d'une vérité importante, à ceux qui l'ont
seulement entrevue, comme à ceux qui ont apporté des preuves à l'appui ;
mais elle réserve une place plus haute à celui qui a su la faire triompher.
Elle dira qu'avant Boucher de Perthes, l'existence de l'homme fossile reposait
déjà sur des faits parfaitement authentiques; elle signalera tout particulière-
ment ceux que le savanl et courageux Schmerling découvrit dans les cavernes
du pays de Liège, et qu'il publia dans un ouvrage de premier ordre; aux
noms que j'ai déjà cités, die joindra ceux du duc Eberhardt de Wurtemberg,
d'Esper, de John Frère qui, au xvme siècle, avant la détermination des épo-
ques géologiques, exhumèrent des restes humains ou des silex taillés reconnus
aujourd'hui comme quaternaires; elle rendra justice à Jœger qui, en 1835, sut
P, BROGA. — LES RACE;- FOSSILES DE L'EUROPE OCCIDENTALE 15
reconnaître la hante antiquité du crâne de Canstadt, recueilli plus d'un siècle
auparavant et longtemps dédaigné comme apocryphe; mais après avoir loué
les travaux de l'avant-garde, elle saluera en Bouclier de Perthes le vaillant
lutteur qui a soutenu le combat décisif el remporté la \ietoire.
L'année 1859, qui vit la doctrine de l'antiquité de l'homme éclater dans la
science avec une force irrésistible, marqua le début d'une ère féconde entre
toutes. Des horizons nouveaux et illimités s'ouvrirent aux regards des sa-
vants ; dans toute l'Europe, les géologues, les archéologues, les anthropologistes,
se mirent à l'œuvre avec une activité étonnante. Dix huit ans seulement se
sont écoulés depuis lois, et jamais peut-être, dans un temps aussi court, on
ne vit aussi riche moisson. Qui pourrait oublier ces jours de renaissance où,
des entrailles du sol et du fond des cavernes, sortit la voix du passé, où les
sociétés fossiles se ranimèrenl ,
Où le vieil univers fendit, comme Lazare
De son front rajeuni la pierre «lu tombeau.
Boucher de Perthes n'avail soulevé qu'un coin du voile mystérieux qui cache,
les origines humaines. Il avait prouvé que l'homme a vécu pendant toute
l'époque quaternaire, qu'il a été, sur notre sol, le contemporain du renne et
des animaux émigrés, du mammouth et des animaux éteints; mais était-ce
tout? et l'humanité n'était-elle pas plus vieille encore? Cette autre question,
plus grave même que la première, se posa aussitôt; plus grave, ai-je dit, car
la durée de chacune des trois périodes de l'époque tertiaire a été incompara-
blement plus longue que celle de l'époque quaternaire. Je ne me propose pas de
vous entretenir ici des recherches qui concernent l'homme tertiaire; les dé-
couvertes faites par M. Desnoyers à Saint-Prest, dans les environs de Chartres,
et par M. le professeur Capellini dans plusieurs gisements tertiaires de la
Toscane, tendent à établir l'existence de l'homme pendant la période pliocène;
celles de M. l'abbé Bourgeois dans la commune de ïhenay (Loir-et-Cher)
reporteraient même jusqu'à la période mioeène, c'est-à-dire jusqu'à l'âge ter-
tiaire moyen, l'existence d'un être intelligent qui savait tailler le silex, et qui
ne pouvait être que l'homme. Mais ces faits, bien que recueillis par des ob-
servateurs d'une haute compétence, et qu'acceptés après mûre discussion par
plusieurs savants éminents, ne sont pas encore assez nombreux, assez incon-
testés pour constituer une preuve définitive. L'homme tertiaire n'est jusqu'ici
que sur le seuil de la science ; il y tient la place qu'occupait il y a vingt ans
l'homme quaternaire. Sera-t-il donné à un autre Boucher de Perthes de le dé-
montrer avec ce degré d'évidence qui s'impose à tous les esprits? C'est le
secret de l'avenir.
L'homme quaternaire, au contraire, est entré aujourd'hui dans le cadre
classique. Il a été retrouvé dans une grande partie de l'Europe et sur plusieurs
points du Nouveau-Monde ; ses armes et ses outils, déposés dans un grand
nombre de musées et de collections particulières, se comptent par centaines de
mille, les fouilles pratiquées en Belgique dans la vallée delà Lesse ont fourni,
à elles seules, 80,000 silex taillés. Ces innombrables débris de l'industrie
quaternaire ont été extraits tantôt du soi des vallées où la superposition des
46 SÉANCES GÉNÉRALES
couches suffît pour les dater, tantôt des gisements, riches en silex, naturels,
où l'homme avait installé ses ateliers de fabrication, tantôt des abris sous
roche où il campait, tantôt enfin des cavernes où il habitait. C'est surtout
dans ces cavernes d'habitation que la récolte a été abondante et instructive;
c'est là qu'on a pu étudier jusqu'aux détails de la vie d'une tribu, les restes
des festins, les engins de la chasse ou de la pêche, les outils de la couture,
tous les produits de la taille du silex, auxquels vinrent se joindre à une cer-
taine époque de beaux instruments en os et en bois de renne, — puis les
insignes du commandement, les ornements, les objets de commerce, et enfin,
chose merveilleuse, les œuvres des artistes, tantôt naïves et grossières, tantôt
pleines de grâce, de mouvement et de vérité, représentant, par la gravure ou
par la sculpture, les animaux que l'on chassait alors, le bœuf, le cheval,
l'aurochs, le renne, le grand ours des cavernes et jusqu'au gigantesque
mammouth .
Giàce à tant de découvertes, dont les auteurs sont trop nombreux pour que
je puisse même les énumérer ici, l'homme quaternaire est mieux connu au-
jourd'hui que beaucoup de peuples mentionnés dans l'histoire. Il a sa chrono-
logie, non pas une chronologie par années ou par siècles, comme les nôtres,
mais par périodes archéologiques et paléontologiques, périodes immenses,
datées à la fois par les diverses espèces fossiles qui prédominèrent successive-
ment autour de lui, et par les divers types d'instruments qui marquèrent la
lente évolution de son industrie. — Il a aussi son histoire, non pas politique
mais anthropologique, non pas celle des peuples et des chefs qui purent se
rendre célèbres, mais celle des races qui se superposèrent et se succédèrent
Tune à l'autre sur un même sol. Ces races sont caractérisées par les crânes
et ossements humains qui ont été retrouvés dans des gisements quaternaires.
Nous ne pouvons nous flatter de les bien connaître, ni même d'en déterminer
exactement le nombre; car les restes précieux qui les représentent sont trop
rares encore et souvent aussi trop mutilés pour servir de base à des descrip-
tions complètes. Nous en savons assez néanmoins pour constater avec certi-
tude la multiplicité et la grande diversité des races quaternaires, et quoique
les régions explorées jusqu'ici ne comprennent que l'Europe occidentale et une
partie de l'Europe centrale, nous pouvons dès aujourd'hui, sur ce petit coin
du globe, reconnaître et distinguer au moins trois races humaines fossiles,
qui se rapportent à deux types essentiellement différents. Je dirai d'abord
quels sont ces deux types; je dirai ensuite quelles sont ces trois races.
II.
On désigne sous le nom de dolichocéphales, qui signifie tête longue, les
crânes dont la forme est allongée, el sous le nom de brachycéphales, qui signifie
tête courte, ceux dont la forme est arrondie.
La circonférence horizontale du crâne, dont on peut se faire une idée appro-
ximative en examinant l'entrée d'un chapeau, est une sorte d'ovale toujours
plus long que large, el dont la forme, d'ailleurs Hvs-variable, dépend princi-
IV BROC A. — LES RACES FOSSILES HE [/EUROPE OCCIDENTALE (7
paiement de L'étendue relative de ses deux diamètres. Lorsque la longueur
esl beaucoup plus grande que la largeur ou lorsque, en d'autres termes, le
diamètre antéro-postérieur est beaucoup plus grand que le diamètre trans-
versal, la forme du crâne est allongée ou dolichocéphale; elle est, au contraire,
arrondie, ou brachycéphale, lorsque la différence des deux diamètres est peu
considérable. Entre ces deux types extrêmes il y a une forme moyenne, dé-
signée sous le nom de mésaticéphale, qui signifie crâne intermédiaire. Pour
donner à ces dénominations une signification précise, on mesure au compas
les deux diamètres, on divise le second par le premier et l'on obtient une
fraction décimale qu'on appelle ['indice céphalique. Les deux premiers chiffres
de cette fraction donnent la caractéristique de l'indice. On ramène ainsi à une
expression numérique la description de la forme plus ou moins allongée, plus
ou moins arrondie de la Imite crânienne. Les dolichocéphales sont ceux dont
l'indice céphalique esl plus petit que la fraction 7/9, ou 77,7 pour 100; les
bràchycéphales sont ceux dont l'indice est plus grand que la fraction \ ,'i, ou
80 pour 100, et ceux dont l'indice est compris entre ces deux limites sont
mésaticéphalcs. .Mais les variations de l'indice céphalique sont si étendues
qu'il a paru utile de distinguer deux degrés dans le type dolichocéphale, sa-
voir : les dolichocéphales proprement dits, dont l'indice descend au-dessous de
7.*) pour 100, et les sous-dolichocéphales, dont l'indice reste au-dessus de cette
limite; de même, parmi les brachycéphale*, on distingue les sous-brachycéphalcs
et les brachycèphales proprement ilits, suivant que l'indice est inférieur ou su-
périeur à la fraction 5/G ou 83,3 pour J00.
Par suite de nombreux mélanges de races qui se sont produits avant ou
pendant la période historique, ces diverses formes crâniennes existent au-
jourd'hui, avec un degré variable de fréquence, dans presque toutes les popu-
lations de l'Europe. Le plus souvent, néanmoins, il y a un certain type
céphalique qui l'emporte sur tous les autres et qui accuse l'influence prépon-
dérante de telle ou telle race. En France, par exemple, la bràchycéphalie pré-
domine des Alpes à la Bretagne, dans la région occupée au temps de Jules
César par la célébré confédération des Celtes ; tandis qu'au nord de la Seine
et de la Marne, dans l'ancienne Gaule helgique, la population est en majorité
sous-dolichocéphale. De cette élude et des recherches de même ordre qui ont
été faites dans les autres pays, on peut conclure avec certitude que les peuples
de l'Europe sont issus de plusieurs races caractérisées par des formes crâ-
niennes très-différentes.
L'illustre anatomiste suédois Retzius, qui établit le premier, en 1842, la
distinction des brachycéphales et des dolichocéphales, pensa que cette répar-
tition des types céphaliques pouvait être attribuée à l'intervention de deux
races seulement, l'une brachycéphale, l'autre dolichocéphale. A cette époque,
l'existence de l'homme fossile n'était pas encore admise, mais, depuis plusieurs
années déjà, Thomsen avait découvert la succession des âges de l'industrie, et
l'on n'ignorait plus qu'avant l'ère des migrations indo-européennes, l'Europe
avait eu des populations autochlhoncs. Combinant cette notion avec ses obser-
vations crâniologiques, Retzius supposa que la race primitive de l'Europe était
brachycéphale et que le type dolichocéphale nous avait été apporté pour la
18 -LANCES GÉNÉRALES
première fois par la race des conquérants asiatiques. Le problème obscur et
compliqué des origines européennes se trouvait ainsi ramené à une simplicité
et à une clarté séduisantes, et jamais hypothèse n'eut un succès aussi général
et aussi rapide. Pendant près de vingt ans, la doctrine ethnogénique de
Retzius fut admise sans contestations; un petit nombre de faits, interprétés
avec complaisance, semblaient lui prêter quelque appui, mais lorsqu'on se
décida enfin à y regarder de plus près, on vit ces faits s'évanouir l'un après
l'autre, et cette brillante théorie, déjà très-ébranlée, fut définitivement renversée
par lii découverte des races humaines fossiles.
La diversité des races d'Europe ne date pas de l'ère presque récente des in-
vasions asiatiques ; elle ne date pas non plus de cette longue période de la
pierre polie qui précéda l'introduction des métaux et qui succéda à l'âge du
renne; elle remonte jusqu'aux temps quaternaires. Par là, l'hypothèse de
ReUius perdrait déjà une grande partie de son importance ; mais il y a plus :
le type dolichocéphale, loin d'être le dernier venu parmi nous, est le plus
ancien de tous; les migrations et les mélanges de races, loin de le développer,
n'ont fait que l'atténuer ; et ces brachycéphales, que l'on considérait naguère
comme une race autochthone, vaincue et dépossédée par des races plus fortes
et plus civilisées, ont été, au contraire, des envahisseurs étrangers dont l'im-
migration lente et progressive modifia d'une manière aussi profonde que du-
rable l'ethnologie de l'Europe occidentale. Ils n'apparurent que dans les der-
niers temps de l'époque quaternaire. Avant eux, d'autres races du type
dolichocéphale avaient successivement occupé le sol, et le moment est venu
d'exposer les principaux caractères distinctifs de ces trois races, retrouvées par
la science après tant de siècles d'oubli.
111.
Sous quels noms les désignerons-nous'? Une race à laquelle ne se rattache
aucun souvenir ne peut recevoir qu'un nom de convention. Le nom le plus
convenable est celui du lieu où a été recueilli le premier fait authentique
et caractéristique. D'après ce procédé, emprunté aux géologues, MM. de Qua-
trefages et Hamy ont donné aux trois principales races fossiles les noms de
races de Canstadt, de Cromagnon et de Furfooz.
La rare de Canstadt est la plus ancienne de toutes; c'est celle dont les restes
sont le plus rares; le hasard a voulu cependant qu'elle ait été exhumée la
première. En l'an 1700, le due Eberhard de Wurtemberg, grand amateur
d'antiquités, lit faire des fouilles à Canstadt, près Stuttgart, dans un oppidum
de l'époque romaine. Les ouvriers poussèrent leur- pioches jusque dans le
terrain subjacent et y recueillirent une certaine quantité de eûmes et d'osse-
ments fossiles parmi lesquelsse trouvai! un grand fragment de crâne humain.
Mais on ne fit aucune attention à ce précieux débris. Ce fut seulement cent
trente-cinq ans plus tard, c'est-à-dire eu 1835, que le savant paléontologiste
Fred. Jœger le retrouva dans la collection des princes de Wurtemberg et en
reconnut l'importance. 11 osa en conclure que l'homme avait été le contemporain
P. BROCA. — LES BACES FOSSILES DE L'EUROPE OCCIDENTALE 19
des grands animaux quaternaires : on lui répondit alors que des fouilles aussi
anciennes ne méritaient aucune confiance; mais aujourd'hui, l'authenticité du
crâne de Canstadt n'est plus en contestation, et ce crâne, si longtemps dédaigné,
a eu l'honneur de donner son nom à la première race fossile.
Six ou sept autres crânes très-incomplets, quelques fragmente de mâchoires
et quelques fragments d'os longs sont jusqu'ici les seuls restes connus de la
race de Canstadt. Deux de ces débris ont dû une grande célébrité aux discus-
sions qu'ils ont soulevées : ce sont le crâne découvert en 18o7, par le
Dr Filhlrott, dans la caverne de Néanderthal, près de Dûsseldorf , et la mâchoire
•nt'éiieiiiv recueillie en 186o, par M. Dupont, dans la caverne de laNaulette,
sur la vallée de la Lesse (Belgique). La mâchoire de la Naulette réunit un
ensemble de traits d'infériorité vraiment surprenant, et la l'orme générale du
crâne de Néanderthal, son Iront bas et fuyant, l'énorme saillie de ses arcades
sourcilières, qui rappelle celle des singes anthropoïdes, n'excitent pas moins
d'étonnement. Il est bon d'ajouter, toutefois, que les caractères de la race de
Canstadt exislent sur ces deux pièces à l'état d'exagération.
L'examen des fragments d'os longs qui ont été retrouvés montre que la race
de Canstadt était très-robuste, mais d'une taille peu élevée, qui ne dépassait
probablement pas lm,68 à lm,70. Les crânes, pour la plupart très-mutilés, ne
se prêtent pas à des éludes complètes; ils permettent toutefois de distinguer
nettement cette race de toutes celles qui lui ont succédé. Un seul mot suffit pour
la caractériser; elle est dolichoplatycéphale , c'est-à-dire qu'elle est à la fois
dolichocéphale et platycéphale. Sous ce nom de platycéphale, dont l'étymologie
n'est pas très-correcte, on désigne les crânes dont la voûte est très-surbaissée
et dont le diamètre vertical est par conséquent très-petit.
La dolichocéphalie des hommes de Canstadt atteint un degré qui, depuis
longtemps, n'existe plus en Europe comme caractère de race, et qui, parmi
les races modernes, ne s'observe que chez les Australiens et les Esquimaux.
Une dolichocéphalie presque aussi forte se retrouve dans la seconde race fos-
sile, ou race de Cromagnon, et même dans l'une des races de l'époque de la
pierre polie, mais elle coïncide chez elles avec une voûte crânienne beaucoup
plus relevée, qui contraste d'une manière frappante avec la platycéphalie de la
race de Canstadt.
Cette platycéphalie est due principalement à la grande obliquité du front,
qui, au lieu de décrire au-dessus de la région faciale une belle courbe ascen-
dante, fuit rapidement en arrière, laissant à découvert la région sus-orhitaire,
et faisant ressortir davantage encore le volume, d'ailleurs très-grand, des
arcades orbitaires, qui sont très-cintrées, des bosses sourcilières et de la gla-
belle, qui sont très-saillantes; toute la région frontale se trouve ainsi considé-
rablement réduite; en arrière, au contraire, la région occipitale fait une saillie
très-considérable; mais, malgré cette compensation, la capacité crânienne reste
encore très-petite et paraît, inférieure même à celle des Hottentots et des Aus-
traliens. J'ajoute que la grande épaisseur des parois crâniennes tend encore
à réduire cette capacité.
D'autres caractères d'infériorité se remarquent sur la mâchoire inférieure :
ce sont la proclivité des dents incisives, le grand volume des molaires
20 SÉANCES GÉNÉRALES
l'absence totale de la saillie du menton, et la forme elliptique de l'arcade
alvéolaire, qui tend à se rétrécir en arrière comme un 1er à cheval.
La face n'a pu être étudiée dans son ensemble que sur un seul crâne, trouve
dans la carrière Forbes, près de Gibraltar. Je pense, comme MM. de Quatre -
fages et Hamy, que ce crâne appartient à la race de Canstadt; il s'y rattache
manifestement par la conformation des bosses soureilières, du front, de l'oc-
ciput, par l'épaisseur des parois, par la petitesse de la boîte cérébrale;
malbeureusement, l'absence de fossiles caractéristiques n'a pas permis de
déterminer la date du gisement. Quoi qu'il en soit, le crâne de la carrière
Forbes présente dans sa région faciale des caractères extrêmement curieux :
la ligne du profil Irès-oblique , l'ouverture nasale très-large et très-basse, les
pommettes très-écartées, l'orbite arrondie et vraiment immense, dépassant de
plus de 100 millimètres carrés la plus grande aire orbitaire qu'on ait
mesurée jusqu'ici sur tout autre crâne humain, enfin, chose plus étrange
encore, une forte convexité remplaçant la fosse canine : tels sont les traits
principaux de cette région faciale, qui n'a point d'analogue dans les autres
races connues, et dont il faudrait faire un type à part si l'on refusait de la
rapporter au type de Canstadt.
La race de Canstadt était certainement très-sauvage, plus sauvage sans doute
qu'aucune race actuelle; elle n'avait que des instruments très-grossiers, et ses
tribus errantes luttaient péniblement contre les difficultés de la vie, sur un sol
que lui disputaient les puissants mammifères quaternaires, le grand ours, le
rbinocéros, le mammouth. Néanmoins, son extension géographique fut
grande. On l'a retrouvée à Brux, en Bohème; à Canstadt, dans le Wurtem-
berg; à Xéanderthal dans la province Rhénane; à la Naulette, en -Belgique;
à Eguisheim, en Alsace; à Paris, dans les graviers les plus inférieurs de
Grenelle et de Clichy; à Arcy-sur-Cure, dans l'Yonne; au mont Denise, dans
la Haute-Loire; à l'Olmo, près Arezzo, en Toscane; et probablement enfin
jusqu'à Gibraltar. Elle occupait donc une grande partie de l'Europe occidentale
et de l'Europe centrale, et elle s'y maintint depuis le début de l'époque quater-
naire jusque vers le milieu de cette époque. Mais alors apparut une autre race
plus forte et plus perfectible, qui s'empara de son domaine, et qui ne lui
succéda sans doute qu'après l'avoir à peu près exterminée.
Cette seconde race fossile est la race de Cromagnon. Elle tire son nom d'un
abri sous roche découvert en 1808, près du village des Eyzies, dans la vallée
de la Vézère (Dordogne). Le célèbre crâne d'Engis, recueilli par Schmerling en
183 i, se rapporte à la même race, ainsi que les deux crânes trouvés eu 1867
[Kir M. Brun sous l'abri de Lafaye, près deBruniquel; mais Schmerling avait
rattaché l'homme d'Engis au type nègre ou négroïde, et les crânes de Lafaye
n'étaient pas assez bien caractérisés pour révéler l'existence d'une race spéciale.
C'est donc la découverte de Cromagnon qui a permis pour la première fois de
distinguer et de décrire la seconde race fossile, retrouvée depuis dans une foule
de stations.
Cette race, représentée dans nos musées par une vingtaine de crânes, dont
quelques-uns sont entiers, par quelques squelettes presque complets et par un
très-grand nombre d'os plus ou moins isolés, celte race, dis-je, est aujourd'hui
P. BROC A. — LES RACES FOSSILES DE L'EUROPE OCCIDENTALE 21
bien connue. Elle est dolichocéphale comme la race de Canstadt, et elle l'est
presque au même degré, mais elle en diffère d'ailleurs complètement. Sa taille
rst beaucoup plu> haute; le squelette de Menton, que M. Rivière ;i pu
recueillir en entier, mesure lm,8S; le vieillard de Cromagnon dépasse lm,80,
et la taille moyenne des hommes s'élève à lm,78. Elle est supérieure d'environ
0m,10 à celle des hommes de Canstadt. Le crâne est très-grand; sa capacité es
au moins égale, sinon supérieure à celle des Parisiens modernes. Cette forte
saillie sourcilière qui caractérise la race de Canstadt n'existe plus ici ; le front
n'est plus fuyant; il est, au contraire, droit et haut, décrivant, jusqu'au
bregma, une belle courbe, au-dessous de laquelle les bosses sourcilières et la
glabelle, réduites à un volume médiocre, ne se détachent plus. Le diamètre
vertical est bien développé, et la voûte élevée, bien cintrée, contraste avec la
voûte platycéphale des crânes de la première race. La région occipitale est
toujours très-ample et fait encore parfois une voussure assez prononcée, mais
elle ne se prolonge plus que modérément en arrière des pariétaux.
La région faciale présente des caractères distinctifs tout aussi remarquables
que les précédents. Le menton , au lieu d'être fuyant comme celui des
mâchoires de la Naulette et d'Arcy, fait une forte saillie, et les incisives infé-
rieures sont devenues verticales. Les arcades orbitaires supérieures ne sont plus
fortement cintrées; elles sont , au contraire, très-surbaissées et l'ouverture
orbitaire, considérablement développée en largeur, n'a qu'une très-faible hau-
teur. La région nasale, longue et étroite, revêt la forme leptorrhinienne,
commune à toutes les races du type caucasique. Néanmoins, les pommettes
sont très-écartées et, quoique la face dans son ensemble soit peu inclinée , lu
région des incisives supérieures présente une obliquité notable.
La race de Cromagnon n'est pas caractérisée seulement par la conformation
du crâne et de la face, elle l'est encore par celle des principaux os des mem-
bres. 11 serait trop long de décrire ici les fémurs à pilastre, les tibias aplatis
ou platycnémiques, les i>rr<>nés cannclcs , les cubitus arqués; ces dispositions
spéciales, qui se retrouvent encore aujourd'hui chez quelques individus, non
pas réunies, mais isolées et d'ailleurs plus ou moins atténuées, étaient
normales dans la race de Cromagnon, qui se distingue par là de toutes les
races modernes.
Ceux qui considèrent le volume du cerveau comme l'un des éléments de la
valeur intellectuelle, ceux qui savent qu'il y a sous ce rapport des différences
moyennes de 130, de 150 centimètres cubes et au delà entre les races supé-
rieures et les races inférieures , ont éprouvé quelque surprise en constatant
que le caractère de la capacilé moyenne du crâne place les gens de Cromagnon
sur le même niveau que nous. Mais il faut remarquer qu'il ne s'agit ici que
des moyennes, car l'étude des cas individuels montre, an contraire, que nos
maxima l'emportent sur les leurs. Les sociétés civilisées maintiennent dans
leurs rangs les faibles, les chétifs , les infirmes de corps ou d'esprit. Ces
déshérités de la nature ne peuvent soutenir le combat de la vie dans les
sociétés rudimentaires, où l'individu ne peut compter que sur lui-même et où
son existence de chaque jour dépend de sa force, de sa sagacité, de sa pré-
voyance; à chaque génération, l'impitoyable loi de la sélection les élimine, et
22 SÉANCES GÉNÉRALES
c'est leur absence qui donne une supériorité apparente non-seulement à la race
de Cromagnon, mais encore à l'une des races qui lui succédèrent pendanl la
période de la pierre polie. En outre, si Ton étudie, suivant la méthode de
l'abbé Frère, le développement relatif du crâne antérieur et du crâne postérieur,
on trouve que le crâne antérieur, qui loge la partie la plus noble du cerveau,
est notablement moindre dans ces races préhistoriques que dans nos races
modernes, perfectionnées par l'éducation.
A la faveur de ces remarques, le grand volume cérébral de la race de Cro-
magnon cesse de nous paraître paradoxal, mais il conserve toujours une haute
importance. I] nous annonce que cette race devait être très-intelligente, et nous
savons qu'elle l'était en effet. C'est à elle que furent dus les perfectionnements
remarquables de l'industrie du silex; ce fut elle qui, la première, apprit à
travailler le bois de renne, l'os, l'ivoire; ce fut elle qui, s'élevant jusqu'à la con-
ception de l'art, inventa le dessin, la gravure et la sculpture. De pareils progrès,
à une pareille époque, témoignent de l'intelligence de la race qui sut les réaliser.
Cette race ne paraît pas s'être étendue vers l'est aussi loin que celle de
Canstadt. On a retrouvé sa trace dans l'Italie méridionale et probablement
aussi dans la Grande-Bretagne ; mais elle occupai! surtout la France et la Bel-
gique. La région sud-ouest de la France, entre le Périgord et les Pyrénées,
semble avoir été son principal apanage. Sa chronologie embrasse environ la
deuxième moitié de l'immense époque quaternaire; ses plus anciens gisements
correspondent aux moyens niveaux des vallées, c'est-à-dire à Yâge dit intermé-
diaire, et ses stations les plus récentes nous conduisent jusqu'à la fin de Yâge
du renne, qui fut le troisième et dernier âge quaternaire. Cet âge du renne
fut l'époque de sa prospérité, je dirais presque de sa splendeur. Mais lorsque
la disparition graduelle du renne, conséquence de l'adoucissement du climat,
marqua la fin des temps paléontologiques et le début de l'époque géologique
actuelle, la race de Cromagnon entendit sonner l'heure fatale de la décadence.
C'était la chair du renne qui lui fournissait sa principale subsistance. C'était
le bois du renne qui lui fournissait la matière première de son industrie et de
ses arts. Le genre de vie des tribus, le choix de leurs résidences, la. division
du travail, la constitution sociale, tout cela reposait sur l'exploitation des
territoires de chasse, et quand cette exploitation devint insuffisante, la société
des chasseurs de rennes fut profondément désorganisée. La (-liasse, désormais,
ne pouvait plus subvenir aux besoins d'une population nombreuse; l'avenir
était aux peuples pasteurs et agricoles, et les hommes de la pierre polie, qui
étaient parvenus à ce degré de civilisation, ne tardèrent pas à supplanter la
race de Cromagnon.
Si l'on ne consultait que l'arebéologie, on pourrait croire que cette dernière
race a disparu en même temps (pie le renne, et il est certain, en effet, que
les stations qui la caractérisent, l'industrie et les arts auxquels son nom est
attaché ne se retrouvront pas à l'époque de la pierre polie, dite époque néoli-
thique. Mais la race elle-même, quoique considérablement affaiblie, n'avait pas
entièrement péri. Quelques tribus, comme celle de la caverne de l'Homme-
Mort, dans la Lozère, se soutinrent longtemps encore au milieu des popula-
tions néolithiques. Ailleurs, comme à Solutré, les survivants se mêlèrent aux
P. BROGA, — LES RACES FOSSILES DE L'EUROPE OCCIDENTALE 23
races nouvelles, et, dans ce croisement, leur influence fut assez grande pour
laisser une empreinte anthropologique durable. Leurs caractères anatomiques,
atténués sans doute, mais toujours reconnaissables, persistèrent pendant un
certain nombre de générations; et, aujourd'hui même, on les voit reparaître
encore, suivant les lois de cette hérédité éloignée qui porte le nom d'atavisme.
La race de Cromagnon nous a conduits jusqu'aux temps néolithiques.
L'étude de la troisième race fossile, ou race de Furfooz, va nous ramener à
l'âge du renne.
La race 5e Furfooz a été découverte en 1866 el Incû, par M. Dupont, dans
plusieurs cavernes situées sur la rive droite de la Lesse, près du village de
Furfooz (Belgique). Une caverne sépulcrale a fourni les crânes et ossements
qui caractérisent la race, et les cavernes d'habitation ont permis d'étudier l'in-
dustrie et les mœurs de la population.
La race de Furfooz diffère entièrement de la grande race de Cromagnon.
La taille, incomparablement plus petite, varie entre lm,53 el lm,62 et descend
presque au niveau de celle des Lapons. Les os des membres ne présentent dans
leur conformation aucun des caractères si remarquables qui distinguent les
hommes de Cromagnon. Les fémurs, les tibias, les péronés, les cubitus, sont
exactement semblables aux nôtres, et la seule particularité qu'il \ ait à signaler
concerne le degré de fréquence de la perforation olécrânienne de l'humérus.
Cette perforation, que l'on a considérée à tort comme un caractère simien,
ou au moins comme un caractère d'infériorité, n'a aucune signification
hiérarchique ni chez l'homme ni chez les singes. Elle n'est constante
dans aucune race et se retrouve plus ou moins commune ou plus ou
moins rare chez presque toute-. Elle est aujourd'hui assez exception-
nelle en Europe, mais elle l'était beaucoup moins autrefois. Ainsi elle
n'existe qu'environ quatre fois sur cent dans les cimetières de Paris,
tandis qu'elle atteint une fréquence de 15 pour 100, de 20 et même de
25 pour 100 dans certaines sépultures de l'époque néolithique. Dans la race
de Furfooz, enfin, cette fréquence s'élève à 28 et 30 pour 100. Il est digne de
remarque que la perforation olécrânienne n'a pas encore été observée dans
les deux premières races fossiles. Si elle existait chez elles, ce n'était donc qu'à
l'état d'exception, et tout permet de croire que ce caractère intéressant a été
introduit dans l'Europe occidentale par la race de Furfooz.
Mais c'est surtout par la forme du crâne que cette race diffère de celles qui
l'ont précédée. Avec elle apparaît pour la première fois un type crânien arrondi,
qui, n'est pas encore la brachycéphalie vraie, mais qui annonce l'arrivée des
brachycéphales. Le crâne dans son ensemble est petit, il l'est surtout dans *
ses parties antérieures ; le front est étroit, bas et fuyant, la voûte peu élevée ;
par ces caractères, les crânes de Furfooz se placent bien au-dessous de ceux de
Cromagnon et se rapprochent quelque peu du type de Canstadt. La face,
comparée à celle de Cromagnon, est plus petite, les pommettes moins écartées,
les orbites moins larges et plus hautes, l'ouverture nasale moins allongée eu
égard à sa largeur, les mâchoires inférieures moins grandes et moins épaisses.
Cela suffirait amplement pour distinguer les deux races, quand même l'indice
céphalique n'établirait pas entre elles une différence décisive.
24 SÉANCES GÉNÉRALES
Dans la race de Cromagnon, qui est très-dolichocéphale, cet indice n'est que
de 73 en moyenne, tandis que les deux crânes entiers de Furfooz, avec leurs
indices de 79 et de 81, dont la moyenne est de 80, se placent sur la limite de
la mésaticéphalie et de la sous-brachycéphalie ; et il paraît même assez pro-
bable que sur ces deux crânes l'indice céphalique avait été amoindri par suite
d'un croisement de races, car auprès d'eux, dans la même sépulture se trou-
vait un crâne moins complet, mais très-dolichocéphale et appartenant évidem-
ment au type de Cromagnon.
La race de Furfooz n'arriva en Belgique que dans les derniers temps de l'âge
du renne. On n'a retrouvé, dans les débris de ces festins, aucune trace des
grands mammifères contemporains du mammouth. Le renne même y est assez
rare et il est clair que cet animal était sur le point de disparaître. Les gens
de Furfooz ne vivaient que de chasse et habitaient les cavernes. Ils avaient
cela de commun avec la race de Cromagnon, mais ils lui étaient d'ailleurs bien
inférieurs. Ils ne connaissaient ni le dessin ni la sculpture; leur industrie
était très-arriérée, leurs sillex taillés sans soin, leurs armes en bois de renne
façonnées sans goût ; rien qui rappelât les beaux poignards et les flèches bar-
belées des Troglodytes de la Vézère. On se demande même s'ils savaient se
servir de l'arc. Mais ils savaient fabriquer des poteries, très-grossières il est
vrai, qui ne se trouvent pas dans les vraies stations de la race de Cromagnon
et qui indiquent une date peu antérieure à l'époque de la pierre polie.
A la même date, pendant que vivait en Belgique cette race mésaticéphale ou
sous-dolichocéphale, des hommes au crâne plus arrondi, de vrais brachycé-
phales, avec des indices de 83, de 85 et au-delà, pénétrèrent en France par la
frontière de l'est. A Solutré, dans le Maçonnais, ils vinrent se mêler à ceux
qu'on ne pouvait guère plus appeler les chasseurs de rames, car le renne était
déjà rare, et c'était maintenant la chair du cheval qui formait la base
principale de l'alimentation. Dans cette station, où la taille du silex pré-
sente un perfectionnement remarquable, on trouve, à côté des crânes de la
race de Cromagnon, quelques crânes tout à fait brachycéphales. Les crânes
• recueillis par Emile Martin dans les sables supérieurs de (irenelle tendent à
établir que les brachycéphales se seraient avancés alors jusque dans la région
parisienne, mais il reste quelques doutes sur le degré d'ancienneté de ce gise-
ment, où Emile Martin n'a trouvé les restes d'aucun animal quaternaire. Quoi
qu'il en soit, la découverte faite dans le lœss de Nagy-Sap, près de Gran (Hon-
grie), prouve que la race des vrais brachycéphales existait déjà sur le Danube
^en pleine époque quaternaire. Il est aisé de comprendre qu'ils aient pu, vers la
fin de cette époque, pousser quelques pointes vers l'Occident, mais leur
influence ethnogénique fut alors très-restreinte. Leur immigration ne s'effectua,
en réalité, que pendant les périodes suivantes, qui appartiennent à l'époque
géologique actuelle et qui ne rentrent pas dans notre sujet.
Faut-il considérer ces brachycéphales comme constituant une quatrième
race fossile? Oui, sans doute, si on donne au mot race une acception
purement morphologique, mais si l'on y joint l'idée de filiation, la conclusion
pourra être différente. Il n'est, en effet, ni impossible, ni invraisemblable que
la race de Furfooz fut affiliée de près à celle des vrais brachycéphales, qu'elle
jii.es masurier 2S
en lut un premier essaim, modifié par le croisement, à la suite d'un séjour
prolongé au milieu des dolichocéphales de la Belgique, e! d'une cohabitation
effective que la communauté des sépultures rend incontestable.
Depuis les temps quaternaires dont je viens de vous entretenir, bien des
siècles se sont écoulés, bien des peuples, bien des races sonl venus, avant et pen-
dant la période historique, se heurter et se superposer sur notre sol, et ce n'est
pas la moindre tâche de L'anthropologie de démôler, parmi les caractères phy-
siques, intellectuels et moraux des populations actuelles, l'influence respective
de tant d'éléments divers. Les peuples, comme les familles, aiment à dresser
la liste de leurs aïeux, à vieillir leur généalogie, à considérer l'antiquité de
leur origine comme un titre de noblesse. Notre nation complexe, qui a dû son
nom moderne à un peuple germanique, sa civilisation aux Latins, sa pre-
mière gloire aux Gaulois, peut maintenant ajouter à son passé une incalcula-
ble suite de siècles. Si elle ne rougit pas de la barbarie des Celles, pourquoi
rougirait-elle de compter parmi ses ancêtres ces Triptolèmes néolithiques qui
surent féconder le sol par l'agriculture, ces rudes chasseurs quaternaires qui
surent le conquérir sur des animaux plus terribles et plus réels que les mons-
tres combattus par Hercule, — et surtout ces intelligents Troglodytes de la
Vézère, qui les premiers dans le monde, bien longtemps avant les Assyriens et
les Égyptiens, surent allumer le flambeau i\v<, arts? Barbares, ils Tétaient
sans doute, mais ne le sommes-nous pas encore un peu, nous qui ne savons
régler nos différends que sur les champs de bataille? Ils ne connaissaient ni
l'électricité, ni la vapeur; ils n'avaient ni les métaux, ni la poudre; mais,
chétifs, avec des armes de pierre, ils soutinrent contre la nature une lutte qui
ne fut pas sans grandeur, et les progrès qu'ils réalisèrent lentement au prix de
tant d'efforts préparèrent le terrain sur lequel devait grandir la civilisation.
M. Jules MASÏÏBJEB,
Maire du Havre.
Messieurs,
L'honorable président de ce Congre, vient, dans un remarquable discours et
avec un langage élevé, de vous entretenir de hautes questions scientifiques,
et de dérouler à vos yeux toutes les richesses de son esprit fécond.
Vous ne vous attendez pas, messieurs, à me voir suivre mon honorable préo-
pinant dans la voie qu'il a parcourue avec tant de distinction et à entre-
prendre devant vous un cours scientifique.
Non, messieurs, une autre ligne de conduite est en ce moment tracée au
maire du Havre, et il est heureux de venir, au nom de l'administration muni-
26 SÉANCES GÉNÉRALES
cipale, vous souhaiter la bienvenue dans cette ville hospitalière, et vous remer-
cier de l'avoir choisie pour y tenir en 1877 les assises de la science.
La ville du Havre, messieurs, est une ville essentiellement commerçante et
industrielle. ; il a donc pu paraître surprenant à certains esprits que vous ayez
consenti à tenir vos savantes réunions dans celte ville où le coton est, dit-on,
le dieu adoré, et où, en définitive, on ne songe qu'au commerce, on ne s'oc-
cupe que de questions commerciales.
Mais, messieurs, permettez-moi de vous faire observer que la ville du Havre,
berceau de Bernardin de Saint-Pierre, de Casimir Delavigne, de Dicquemare,
de Lesueur et d'autres célébrités dans les sciences, les lettres et les arts, ne
peut rester étrangère à rien de ce qui tend à élever l'esprit; elle a possédé et
possède en effet des sociétés littéraires et artistiques, et en ce moment même nous
avons des sociétés dont les travaux et les études se font remarquer par leurs
heureux résultats. Nous comptons des cercles d'arboriculture justement appré-
ciés, des sociétés musicales qui par leurs succès ont acquis un rang hono-
rable ;
Une société de géologie dont vous irez admirer l'exposition toute normande,
et qui vous prouvera par ses nombreuses collections le zèle infatigable de son
président et de ses membres ;
Une société de photographie qui, dans son exposition, va vous faire passer
en revue tous les monuments intéressants de la Normandie et de la France.
Je ne vous parlerai qu'en passant de notre lycée, établissement remarquable
et appelé à un bel avenir; de nos conférences, de nos nombreux cours
publics si fréquentés, nos écoles communales, des écoles industrielles et d'ap-
prentissage, enfin de notre musée, de notre muséum d'histoire naturelle, de
notre vaste aquarium, où vous pourrez, messieurs, vous livrer à l'étude des
mystères sous-marins.
Ainsi, messieurs, je pourrais opposer aux contradicteurs que la science est
l'alliée obligée de l'industrie, du commerce et de la navigation : à ce titre,
messieurs, permettez-moi de saluer de nouveau votre présence dans nos murs,
et d'espérer que les discussions qui vont surgir dans vos séances pourront avoir
de précieux résultats pour notre marine, notre commerce et notre industrie.
Dans les visites auxquelles vous allez vous livrer dans notre ville, il vous
arrivera probablement d'inspecter notre magnifique forme de radoub et la ca-
rène d'un de nos grands steamers ; ce sera pour vous, messieurs, une étude
bien intéressante et vous rendriez un grand service à la navigation, si vous
pouviez la doter d'un enduit préservateur à bon marché. L'application du
pétrole au chauffage de nos machines est encore une question de la plus haute
importance, qui mérite vos investigations, aussi bien que l'emploi de l'électri-
cité, tant comme torce motrice que comme application à l'éclairage de nos
navires.
Vous êtes, messieurs, je vous l'ai dit en commençant, dans une ville d'af-
faires, et vous pardonnerez à son maire de vous entretenir de ces questions
si intéressantes pour son commerce et sa navigation; il souhaite que votre
session de 1877 ait pour résultat de doter notre pays d'une de ces merveil-
leuses découvertes, fruit de patientes recherches, qui sont l'honneur de la
P. -P. DEHÉRAIN. — L'ASSOCIATION FRANÇAISE EN JsTC. 27
science, l'alimenl de L'industrie, el par suite viennent ajouter à la fortune et
à la prospérité publiques.
C'esl le vœu que je forme eu terminant, vous renouvelant, messieurs, l'ex-
pression de la vive satisfaction (pie nous avons de vous posséder dans notre
ville.
M. P. -P. DEHERA1T
Secrétaire général.
L'ASSOCIATION FRANÇAISE EN 1876.
Mesdames, messieurs,
Si l'un des plus illustres entants de la ville du Havre, Bernardin de Saint-
Pierre, était encore de ce monde, je ne sais trop comment il accueillerai l'ar-
rivée dans sa ville natale de notre nombreuse association. S'il avait du goût
pour les sciences naturelles, il n'épargnait guère les savants et vous vous
rappelez de quels sarcasmes il crible les académies dans sa charmante Chau-
mière indienne. Peut-être, en assistant aujourd'hui à cette brillante réunion, en
y voyant accourir des hommes de science appartenant à plusieurs pays étran-
gers et à toutes les parties de la France, ne pourrait-il dissimuler un sourire
ironique, et son esprit se reporterait sans doute sur les péripéties du bon
docteur qu'il envoie, jusque dans l'Inde, chercher la réponse aux trois mille
cinq cents questions posées par l'Académie de Londres.
bientôt, cependant, une réflexion nouvelle réconcilierait avec nous Bernardin
de Saint-Pierre ; de ses longues traversées son voyageur rapporte dans sa
patrie,, non-seulement une instruction plus étendue, mais encore le touchant
souvenir d'une cordiale hospitalité et le plus précieux de tous les biens, une
amitié solide. Il en sera de même pour nous, messieurs ; dans huit jours,
quand sonnera l'heure du départ, nous connaîtrons mieux les hôtes bienveil-
lants qui nous accueillent aujourd'hui, et, si je ne me trompe, des amitiés
durables survivront au rapide passage de l'Association dans la ville du
Havre.
Il y a quelque dix ans, deux hommes de science habitant des villes diffé-
rentes n'avaient que peu de chance de se connaître ; on était en correspon-
dance, on ne se voyait guère.
Aujourd'hui, grâce à l'initiative de quelques esprits élevés, grâce à votre
empressement à répondre à leur appel, grâce surtout à la générosité des villes
qui se font un honneur de nous recevoir, nous sommes certains, à jour fixe,
de nous rencontrer, et cela dans les conditions les meilleures pour féconder
nos idées, je ne veux pas dire par la discussion, mais par la causerie.
Tous, nous tirons de nos réunions de grands avantages, le travail de toute
2S SÉANCES GÉNÉRALES
l'année s'en ressent, chacun s'efforce de contribuer à l'œuvre commune : à
L'avancement de la science; on ne veul pas arriver dans sa section les mains
vides, on redouble d'attention, on précise ce qui restait vague, on démontre
ce qui n'était que pressenti, et votre studieuse activité se traduit chaque an-
née par une importante publication. Vous avez reçu, depuis quelques jours,
notre dernier volume, vous y avez trouvé la preuve du travail accompli pen-
dant votre dernière session.
Aux mauvais jours, aux heures de lassitude, de doute, quand on se demande
si l'on n'a pas l'ait fausse route et si les minces résultats obtenus ne sont pas
disproportionnés aux grands efforts qu'ils ont coûtés, le souvenir de l'Association
vient encore ranimer les courages. On se rappelle les sympathies qu'on y a
rencontrées, les marques d'estime qui sont venues de collègues inconnus la
veille, et l'on reprend confiance en soi. Les somptueuses réceptions que vous
prodiguent les villes que vous visitez sont pour vous un puissant encourage-
ment ; votre modestie n'a pas à en souffrir, car c'est bien plutôt le drapeau
que les soldats qu'on acclame, et elles vous montrent que le pays est attentif à
vos travaux, qu'il partage la passion qui vous anime, que, comme vous, il a
le respect et l'amour de la science.
Le devoir de votre secrétaire, messieurs, est de vous tracer l'histoire de
l'Association pendant et depuis la dernière session. Comme toutes les histoires,
la nôtre comporte des tristesses et des joies; nous avons la douleur de perdre
quelques-uns de nos collègues, nous avons le plaisir d'inscrire les récompenses
qui viennent encourager les jeunes gens au début de la carrière ou celles qui
sanctionnent une longue série de découvertes.
La session de Clermont-Ferrand a été la fête de la météorologie, et M. Charles
Sainte-Claire Deville, qui était, chargé d'organiser en France le service des
observations, ne pouvait y manquer.
Ce savant éminent avait consacré la première partie de sa vie à l'étude de
la géologie et particulièrement des phénomènes volcaniques; son exploration
des Antilles, sa patrie, est restée célèbre; ses travaux sur le Vésuve ne le
sont pas moins; aussitôt qu'une éruption était signalée, il accourait, -et, en
18G7, il ne craignait pas d'entreprendre un voyage pénible aux Açores avec
un observateur dont la réputation est aujourd'hui européenne, avec notre
collègue M. Janssen.
Déjà, depuis quelques années, cependant, M. Deville avait un peu
délaissé la géologie; une autre science naissante l'attirait; il s'était jeté avec
passion dans l'étude de la météorologie; il arrivait d'Algérie, où l'avait appelé
son service, pour assister à notre réunion de Clermont, quand il fut atteint
parla maladie; il revint très-souffrant à Paris, et en quelques jours il suc-
comba. Son voyage à Clermont était le dernier qu'il devait entreprendre, et,
en rappelant ici la perte cruelle qu'a faite notre Association, nous n'obéissons qu'à
un sentiment de stricte justice, puisque c'est à vous que M. Charles Sainte-
Claire Deville a consacré ses dernières heures d'activité scientifique.
Tous les ans, nos corps savants décernent dans une de leurs séances solen-
nelles des prix aux travailleurs dont les efforts ont été' couronnés de succès et
qui ont ajouté quelques faits nouveaux à la science, à ce grand patrimoine de
P. -P. DEHÉRAIN. — L'ASSOCIATION FRANÇAISE EN 1876 20
L'humanité, que chaque génération doit laisser à celle qui la suit plus vaste et
mieux ordonné.
MM. Ch. André, Bertillon, Duboué, Perrin, Planchon, Toussaint, Violle et
Vélain, membres de l'Association, ont participé aux récompenses décernées par
l'Académie des sciences.
MM. les docteurs Bertillon, TopinarJ et Voisin ont été lauréats de l'Aca-
démie et de la Faculté de médecine.
Quelques-uns de nos confrères ont eu dans leur carrière u\\ avancement
justement mérité.
M. Truchot, qui a bien voulu faire devant l'Association la conférence rem-
plie d'intérêt qui a précédé les visites aux usines de Clermont, a été nommé
professeur titulaire de la chaire de chimie dans laquelle il suppléait, depuis
plusieurs années, M. Aubergier, dont quelques-uns d'entre nous se rappellent
la généreuse hospitalité; notre confrère, M. Alluard, est devenu doyen de cette
même faculté de Clermont.
M. Grimaux, après un brillant concours, a conquis la chaire de chimie à
l'Institut agronomique.
S'il nous est doux de rappeler les récompenses décernées à quelques-uns de
nos confrères par des corps savants français, notre joie est plus grande encore
quand ces distinctions sont accordées par les Académies étrangères, car une
part de la gloire que recueillent nos confrères revient à la patrie tout
entière.
Celte gloire, messieurs, nous l'avons cette année aussi complète que nous
pouvions l'espérer : M. Grimaux, dont nous venons de prononcer le nom, a
reçu de l'Académie des sciences de Belgique une grande médaille d'or pour
ses beaux travaux sur la série urique, et la Société royale de Londres a décerné
à deux membres de notre Association les [dus hautes récompenses dont elle
dispose : la médaille de Bumfort a été donnée à M. Janssen, et celle de Copley
à M. Claude Bernard.
Enfin, messieurs, la Société de Londres pour l'avancement des arts, des
manufactures et du commerce, a voulu rendre hommage cette année à notre
illustre président de J87G, M. Dumas. Elle a voulu rappeler que si cette belle
carrière a été vouée surtout aux travaux scientifiques, les applications de la
ecience y ont trouvé également une large place; M. Dumas a reçu la médaille
du prince Alhert en témoignage des grands^services qu'il a rendus à l'industrie
rar ses découvertes scientifiques.
Notre jeune Association est loin de posséder encore les ressources de son
aînée, l'Association britannique ; aussi ce n'est pas comme elle une trentaine
de mille francs qu'elle emploie chaque année à favoriser le mouvement
scientifique; vous n'avez pu distribuer depuis notre, dernière réunion, en sub-
ventions et encouragements, que 6,000 francs environ. Quelque faible que
soit encore la somme qui a reçu une si utile destination, il est de mon
devoir de vous rappeler comment elle a été employée.
M. Le veau, de l'Observatoire de Paris, a reçu 200 francs comme complé-
ment de; allocations que vous lui aviez déjà votées pour l'aider à poursuivre
ses calculs sur la marche des comètes. Il y a quelques jours, arrivait à Paris
30 SÉANCES GÉNÉHALES
une lettre de M. Julius Schmidt, de L'Observatoire d'Athènes, annonçant que le
13 juillet il avait observé la comète de d'Arrest, et ajoutant : « Je l'ai trouvée
à l'aide de l'excellente éphéméride de M. Leveau. J'éprouve la plus vive admi-
ration pour l'exactitude du travail de l'astronome français. »
De la fidélité des instruments d'optique dépend l'exactitude des observations
astronomiques. M. Ch. André avait été frappé pendant ses travaux à Nouméa,
au moment du passage de Vénus, de l'influence fâcheuse qu'exerce la diffrac-
tion des rayons lumineux sur la netteté des images ; revenu à Paris, il a
imaginé une série d'expériences qui lui ont permis de préciser cette influence
de la diffraction et d'éviter à l'avenir les erreurs qu'elle peut occasionner;
vous avez voté 800 francs à M. André pour l'aider à faire construire ses
appareils.
M. Poulain s'efforce de perfectionner son appareil destiné à la taille des
verres toriques; vous lui avez voté une subvention de 200 irancs.
Vous avez visité, pendant votre séjour à Clermont, l'intéressante collection
laissée à la ville par M. Lecoq; vous avez voulu contribuer à son accroisse-
ment en attribuant au Musée Lecoq une petite somme de 300 francs. M. Rames,
géologue à Aurillac, qui a guidé ceux d'entre vous qui ont parcouru la haute
Auvergne pendant leur excursion finale, a entrepris la publication d'une
carte géologique du Cantal; vous lui avez voté une subvention de 500 francs;
enfin, vous savez avec quel succès se sont développées depuis quelques an-
nées les études anthropologiques, vous avez attribué à M. le Dr Pommerol, à
Gerzat (Puy-de-Dôme), 400 francs, pour l'aider à continuer ses fouilles dans
les vieilles cités en pierres sèches de l'Auvergne.
Une cruelle expérience nous a appris de quelle importance étaient pour
nous tous les travaux qui touchent à l'art de la guerre. Un ancien officier de
marine, M. de Broca, capitaine de port à Nantes, s'est donné depuis plusieurs
années la mission d'étudier le pointage des bouches à feu et des fusils. Il vous
a communiqué ses recherches à la session de Nantes; vous les avez jugées du
plus haut intérêt, et vous avez ajouté aux indemnités accordées à ce savant
chercheur par la Guerre et la Marine l'obole de l'Association : 300 francs ont
été Votés à M. de Broca.
L'histoire naturelle comporte deux ordres d'étude différents ; nous voulons
connaître l'immense variété d'êtres vivants qui peuplent notre globe; on ana-
lyse, on nomme, on classe les espèces nouvelles que les voyageurs adressent
à nos musées; ce travail gigantesque, cet inventaire colossal des richesses que
présentent la terre et l'océan, est déjà avancé; aussi beaucoup de naturalistes
s'engagent-ils aujourd'hui dans une autre voie, ils ne se contentent plus de
connaître la forme extérieure des animaux et des plantes, ni même de scruter
la disposition de leurs organes intérieurs : ils veulent découvrir le mode
d'action de ces machines délicates, ils veulent les observer pendant que la vie
les anime; ils s'appliquent à l'étude de la physiologie.
S'il est une science qui réclame des installations coûteuses, c'est précisément
celle dont je viens de prononcer le nom ; les physiologistes mettent en jeu
les appareils les plus délicats de la physique et de la chimie, et, pour lutter
contre ceux des universités allemandes, nos laboratoires ont besoin de fortes
P. -P. DEHÉRÀIN. — L'ASSOCIATION FRANÇAISE EN 1876 3i
subventions. Leur nécessité a dé reconnue par l'administration de l'instruction
publique, et c'est à la fondation des laboratoires, au perfectionnement de leur
outillage, qu'elle a porté ses plus grands efforts; les laboratoires construits,
il a fallu les peupler; de là, la création de trois cents bourses de l'enseigne-
ment supérieur qui seront distribuées à la rentrée prochaine; il faut enfin
que les jeunes gens qui voudront travailler dans ces laboratoires soient guidés
dans leurs recherches : les répétiteurs, dont le nombre va considérablement
s'augmenter, y pourvoiront.
Si, depuis nos désastres, l'État a fait beaucoup pour le développement de
l'instruction publique, et si nous devons le proclamer, ne commettons pas
la faute rie nous reposer sur lui des progrès qu'il reste à accomplir; plus nous
ferons d'efforts, plus on en fera au-dessus et à côté de nous. Jamais le mot
du fabuliste ne fut mieux à sa place :
Aide-toi, le ciel t'aidera.
Les recherches physiologiques qui portent sur les animaux terrestres peuvent
se poursuivre dans les grands établissements que comptent les villes univer-
sitaires, au Collège de France, au Muséum d'histoire naturelle, dans les
Facultés. 11 n'en est plus de même pour les travaux qui ont trait aux animaux
marins, qu'on ne peut étudier utilement que dans leur élément, sur les entes.
La France possède aujourd'hui plusieurs de ces laboratoires maritimes; ils ne
sont encore dotés que très-incomplétement, et le directeur de celui de Roscoff,
M. Lacaze-Duthiers, a été obligé de créer à ses risques et périls les Archives
de zoologie expérimentale; vous avez voulu prendre votre part de ces dépenses
en votant une subvention de (300 francs au laboratoire de Roscoff.
11 existe sur les côtes de la Manche un autre laboratoire de zoologie mari-
time; il a été établi à Wimereux par M. Giard , professeur à la Faculté de
Lille. L'Association l'a visité pendant sa session de 187i et, depuis cette époque,
n'a cessé ses encouragements; jamais ils ne furent mieux placés. M. Giard
n'est pas de ceux qui avancent méthodiquement et qui ne font un pas que
lorsqu'ils se sentent solidement appuyés par les gros bataillons du budget ;
il a compté sur lui, sur ses élèves; peut-être maintenant compte-t-il un peu
sur vous. Vous aimez les audacieux et vous continuerez à le soutenir; cette
année, vous avez voté au laboratoire de Wimereux une allocation de 1,200
Irancs.
11 n'est pas un physiologiste qui ne connaisse les ingénieux appareils de M. le
professeur Marey, du Collège de France; ses recherches sur le vol des oiseaux
sont restées célèbres. Un de ses élèves, M. Tatin , s'inspirant des travaux de
son maître, a réussi à réaliser un appareil capable de progresser dans l'air
en le frappant par la face inférieure d'appendices figurant des ailes et de
planer suspendu dans l'air quand il a acquis une vitesse suffisante; votre
commission a voté à M. Tatin 000 francs pour l'aider à faire construire ses
coûteux appareils.
Parmi les savants qui ont apporté à vos réunions les expériences les plus
délicates et les plus ingénieuses, vous avez remarqué depuis longtemps
M. Merget, de Lyon; il vous a rendus témoin de quelques-uns de ses résultats;
32 SÉANCES GÉNÉRALES
vous avez voulu lui faciliter la poursuite de ses importantes études sur la
thermo-diffusion des gaz dans les végétaux, en lui volant une subvention de
1,000 francs.
Enfin, messieurs, pour Ja première fois pendant cette session, nous aurons
parmi nous plusieurs jeunes gens de nos grandes écoles, invités par l'Asso-
ciation, qui fait les frais de leur voyage. Sur l'initiative d'un de nos anciens
présidents, bientôt soutenu par linéiques confrères généreux, cette année cinq
bourses ont été votées; celles qui seront maintenues par la suite seront suc-
cessivement offertes à tous nos grands établissements d'instruction supérieure
ou spéciale, entre lesquels s'établira un roulement régulier.
Celle année, nous avons parmi nous un élève de l'Ecole du génie maritime,
un élève de l'École de médecine de Paris, un élève de l'Ecole centrale des arts
et manufactures, un de l'École d'agriculture de Grignon, un de l'École supé-
rieure du commerce de Lyon.
Ces jeunes hommes trouveront dans leur séjour parmi nous' un puissant
stimulant; ils approcheront quelques-uns des savants célèbres qui ont répondu
à votre appel, et, en voyant de quelle respectueuse déférence vous entourez les
illustrations de la science, nos jeunes confrères sentiront s'enraciner plus avant
dans leur cœur le désir de servir le pays par leur travail et de contribuer,
par un labeur assidu, à la grandeur de la patrie.
Jusqu'à présent, messieurs, l'Association a trouvé des villes qui lui ont
offert généreusement l'hospitalité ; cependant à Nantes, il y a deux ans, nous
avons été quelques instants un peu embarrassés pour désigner le lieu de notre
prochaine réunion. Clermont, accablé par la construction de son Observatoire,
et qui, depuis, nous a si brillamment accueilli, hésitait. Un de nos confrères
du Havre, M. le docteur Lecadre, ne voulut pas nous laisser dans cette pénible
incertitude; une dépêche fut envoyée, le Conseil municipal réuni d'urgence,
et l'invitation nous fut adressée; pendant ce temps-là, on se décidait à tenir
li session de J87G à Clermont. Mais vous aviez été touchés de l'empressement
du Havre, et vous avez voté, deux ans à l'avance, que la session de 1.S77 se
tiendrait dans cette ville, que son immense mouvement industriel et commer-
cial ne détourne pas du culte de la science. Au nom de l'Association française,
je remercie la ville du Havre de la brillante hospitalité qu'elle nous offre aujour-
d'hui et de l'empressement qu'elle a mis, en 1875, à nous adresser sa géné-
reuse invitation.
Les circonstances, au reste, nous ont bien servis : la session du Havre
succède de la façon la plus agréable à celle de Clermont, car les plaisirs qui
vous attendent contrastent heureusemenl avec ceux que vous avez goûtés
l'an dernier.
En LS7(i, vous ('liez en plein cœur de la France; cette année, vous êtes sur
la frontière; l'an dernier, votre horizon était borné par de hautes montagnes,
vos promenades étaient des ascensions, vos excursions finales des courses dans
un pays tourmenté par les éruptions volcaniques; celte année, votre regard
s'étend sur de vertes prairies ou sur l'immensité de l'Océan, et dans le pro-
gramme de nos excursions figurent plusieurs promenades en mer.
Les charmes du beau pays que vous allez parcourir sont faits pour séduire;
P.-P. DEHÉRAIN. — L'ASSOCIATION FRANÇAISE EN 187(1 ;>;>
et bientôt les attraits de l'opulente Normandie vous feront oublier ceux de la
pittoresque Auvergne. Avant que vos souvenirs se soient complètement effacés,
nous essaierons, si vous le voulez, de nous rappeler ensemble quelques-uns
des traits saillants de la session de Clermont.
Nous avons eu, en isTii, l'honneur d'être présidé par une des gloires les
plus liantes de la science française, par un des secrétaires perpétuels de l'Aca-
démie des sciences, par M. Dumas. L'Association gardera toujours à l'illustre
chimiste une profonde reconnaissance, car c'est sous sa présidence qu'elle
a été déclarée d'utilité publique.
Il m'en coûte de ne rappeler que par un rapide souvenir la chaleureuse
conférence de M. Frédéric Passy, immédiatement suivie de la belle leçon de
M. Claude Bernard; mais le temps me presse, et cependant vous ne me per-
mettrez pas de passer sous silence la soirée que M. Wurtz a consacrée aux
matières colorantes extraites de la houille.
Chacun sait que, pendant la fabrication du gaz de L'éclairage, on recueille
des composés liquides, des carbures d'hydrogène, qui, soumis à une série de
réactions délicates, fournissent de belles matières colorantes.
Qu'il suit possible, pendant la durée rapide d'une leçon, de les employer
à teindre des étoffes des nuances les plus variées et les plus éclatantes, per-
sonne n'en doute ; mais ce n'était pas seulement les applications de ces composés
que M. Wurtz avait l'intention de vous faire connaître ; il voulait rendre
claire, palpable, la constitution de ces matières complexes; il voulait, en
quelque sorte, construire devant vous l'édifice compliqué de leurs molécules.
Vous vous rappelez, messieurs, quel succès a rencontré cette audacieuse
tentative ; vous avez encore devant les yeux ces boules ingénieusement dis-
posées qui vous représentaient le carbure d'hydrogène fondamental, point de
départ de la matière complexe qu'il fallait obtenir; vous l'avez vu se compli-
quer peu à peu et finir par vous représenter une de ces triamines dont le nom
seul était fait pour effrayer.
Les boules se succédaient les unes aux autres si facilement, elles étaient
enlevées avec tant de dextérité et si adroitement remplacées par d'autres, que
peut-être un autre orateur, opérant si prestement, eût pu voir quelques sou-
rires sceptiques s'esquisser sur la physionomie de ses auditeurs.
M. Wurtz, messieurs, n'avait rien de semblable à craindre; on savait que
ce n'est pas seulement à l'aide d'atomes figurés qu'il réalise les combinaisons
dont ses puissantes conceptions lui font pressentir l'existence, mais que la
parole entraînante du professeur s'appuie sur l'habileté d'un chimiste consommé,
que la découverte des ammoniaques composés et des glycols rendra à jamais
célèbre.
Les excursions, mesdames et messieurs, sont toujours un des grands attraits
de nos réunions; au plaisir de parcourir une contrée nouvelle pour beaucoup
d'entre nous, se joint la satisfaction d'être accueilli avec l'empressement le
plus flatteur; partout où nous sommes allés, à Vichy, à Issoire, à Volvic
à Riom, àThiers, des fêtes étaient préparées, et pour nos excursions finales
dans le Cantal, au mont Dore, au Puy-en-Yelay, nous avons rencontré des
guides aimables, dont l'érudition nous a été d'un puissant secours.
3
34 SÉANCES GÉNÉRALES
C'est plutôt cependant vers notre belle journée au sommet du Puy-de-Dôme
que se reportent nos souvenirs. Malheureusement, quelques jours avant
l'ascension projetée, le temps changea; à une longue sécheresse succédèrent
la pluie et les orages, qui sont très à craindre dans les montagnes et qui
pouvaient rendre inutile tous les apprêts de la fête.
La veille du départ, pendant la soirée que M. le commandant Perrier a consa-
crée à l'étude du grand réseau géodésique qui couvre la France, arrivaient
de nombreuses dépêches qui nous donnaient une idée exacte de l'état du ciel
au-dessus de l'Observatoire que nous devions atteindre. Enfin, au moment
où le commandant allait clore la séance, arrive une dernière dépêche du puy
de Dôme. C'est d'elle que notre sort dépend : si les probabilités sont pour le
beau temps, on se mettra gaiement en route; si elles sont pour la pluie, il
faudra se résigner et regarder de la ville les nuées courir sur le flanc de la
montagne ; la fête sera remise, la partie manquée.
M. Perrier prend sa dépêche; tout va se décider. Est-ce la pluie? est-ce
le soleil? Le silence est complet, toutes les respirations sont suspendues. 11 lit :
« Temps probable pour demain : incertain. » La prophétie n'était pas compro-
mettante, et cette dépêche si impatiemment attendue nous laissait toutes nos
inquiétudes.
On paya d'audace , et, à la première heure , nous étions tous réunis sur la
place de Jaude, où venaient nous prendre les fourgons de l'artillerie.
Sans l'aide bienveillante de l'armée, notre course n'eût pas été possible;
une année écoulée ne nous l'a pas fait oublier, et je crois être l'interprète
des sentiments de l'Association en adressant aujourd'hui aux artilleurs du
13e corps d'armée un souvenir reconnaissant.
L'inauguration de l'Observatoire était le but de la réunion à laquelle nous
avait généreusement convié le Conseil général du Puy-de-Dôme; nous allions
assister au couronnement d'une œuvre patiemment continuée pendant de lon-
gues années ; l'auteur y avait consacré bien des soins, bien des démarches,
bien des peines; il avait fallu convaincre ses concitoyens, des préfets, des
ministres, obtenir des fonds et, quand ils étaient épuisés, en trouver encore;
enfin, soutenu par le Conseil général, M. Alluard avait réussi : son œuvre
était là, palpable, complète, achevée !
La joie de notre confrère était grande; tous, vous la partagiez, et elle devint
plus vive encore, quand M. Janssen annonça que la Société météorologique
de France avait décerné sa grande médaille d'or à M. Alluard, fondateur de
l'Observatoire du Puy-de-Dôme.
Enfin, messieurs, il était un souvenir qui sans cesse revenait à notre esprit :
sur cette montagne, deux cent trente ans avant notre réunion, avait été faite
la célèbre expérienee du baromètre. Vous vous rappelez avec quel éclat l'élo-
quent président du conseil général du Puy-de-Dôme a évoqué la grande image
de Pascal. Laissez-moi transcrire ici les belles paroles de M. Bardoux et vous
laire ressentir une fois encore l'émotion qui vous a saisis en l'écoutant.
y Que dirait-il, s'il vivait parmi nous, cet immortel génie qui, dès 1647, faisait
exécuter sur le puy de Dôme les expériences dont l'histoire des sciences se
souvient? Je me le demandais en gravissant ces pentes, au milieu de ces
G. HASSON. — LES FINANCES DE L' ASSOCIATION 35
espaces infinis, dont l'éternel silence l'effrayait, et je croyais voir planer sur
nous la grande ombre de Biaise Pascal.
» L'Auvergne, si fière de vous offrir, en ce jour, l'hospitalité, ne pouvait
oublier le plus illustre de ses enfants, celui qui marche seul, sans rivaux,
dans son attitude austère et mélancolique, en tête de ses grands hommes. C'est
qu'aussi il est le plus moderne d'eux tous, c'est qu'il nous appartient par
un côté que notre temps comprend mieux que les siècles passés, je veux dire
par sa poursuite continue et désintéressée de la vérité. Pendant toute sa vie
ardente et douloureuse, il fut affamé de certitude. 11 la chercha partout; en
religion comme en philosophie, trouvant, partout où se jetait son esprit géo-
métrique, quelque chose d'original et de nouveau. »
L'heure s'avançait, il fallait redescendre. Bientôt nous étions installés de
nouveau sur nos voitures et, lentement, nous nous acheminions vers Cler-
mont; à nos pieds, la Limagne était toute resplendissante de soleil; derrière
nous, le puy de Dôme s'enveloppait de brouillards, tandis que le plateau de
Gergovie dessinait son arête horizontale sur le ciel radieux. Nos malheurs
nous attachent chaque jour davantage aux gloires de la patrie, et, en saluant
du regard le lieu témoin d'un des combats heureux de notre vieil aïeul Ver-
cingétorix, nous nous souvenions que sa victoire d'un jour devait être suivie
bientôt de la terrible défaite d'Alesia.
Malgré des prodiges de valeur, les Gaulois ont succombé; leur bravoure,
leur mépris de la mort, n'ont pu les sauver; leur ignorance de l'art de la
guerre leur a été fatal, et, s'ils ont été vaincus, c'est que la science leur
manquait.
Que de rapprochements surgissaient dans notre esprit entre leurs malheurs
et ceux que nous pleurons encore! Comme nos aïeux, nous avons montré,
pendant ces cruelles années qui sont encore si près de nous, du courage, de
la constance dans les revers; ce n'était pas assez, et la victoire est restée à
ceux qui avaient appelé à leur aide toutes les ressources de la science.
Ainsi, partout, dans les luttes fécondes de la paix, comme aux époques ter-
ribles où la guerre est déchaînée, la science conduit le monde, elle le domine,
et c'est elle aujourd'hui qui fait les victorieux. Cherchons, messieurs, cher-
chons toujours le royaume de la science pure, et le reste nous sera donné par
surcroit!
M. G-. MASSON
Trésorier.
LES FINANCES DE L'ASSOCIATION.
Mesdames, messieurs,
J'ai l'honneur de vous présenter, au nom du Conseil d'administration, lés
résultats de l'exercice financier de 1876.
36 SÉANCES GÉNÉRALES
RECETTES
Nos recettes annuelles se sont élevées à 48,76i IV. 05.
Ce chiffre se décompose comme suit :
Reliquat de l'année 1875 Fr. 1,571 59
Intérêts du capital placé 11,148 45
en augmentation de 883 fr. 15 sur l'année précédente.
Les cotisations annuelles ont été de Fr. 33,100 s
en augmentation de 3,440 francs, c'est-à-dire de 172 membres an-
nuels sur 1875.
Les sommes qui nous ont été remises avec attributions spéciales
à des subventions scientifiques se sont élevées à Fr. 1,700 »
Enfin la vente des volumes, jointe à quelques menues recetles, a
produit Fr. 1,244 01
Total égal. . .Fr. 48,764 05
DEPENSES.
Nos dépenses ont monté à 44,181 fr. 7(i.
Sur cette somme, le volume consacré aux travaux de la session de Nantes,
le plus étendu que nous ayons encore publié puisqu'il a plus de 1,500 pages, a
absorbé Fr. 23,878 26
Les impressions diverses 749 10
Les frais de la session de Clermont-Ferrand 1,581 70
Les frais généraux et l'administration 11,611 70
Enfin les subventions s'élèvent à 6,361 fr., dont voici le
détail :
M. Tatin, de Paris : construction d'appareil et expériences
sur la reproduction mécanique du vol des oiseaux. . .Fr. 000
M. Leveau, de l'Observatoire de Paris : pour faciliter la
continuation de ses calculs sur la marche des comètes (com-
plément de la somme de 1,000 francs volée en 1874) .Fr. 200
M. de Broca, capitaine de port à Nantes : pour contribuer
aux dépenses occasionnées par ses recherches sur le pointage
des bouches à feu Fr. 300
M. Merget, de Lyon : pour faciliter la continuation de ses
recherches sur la thermo-diffusion gazeuse et sur divers
points de physiologie botanique Fr. 1,000
M. André, astronome adjoint à l'Observatoire de Paris :
pour contribuer aux dépenses occasionnées par ses recher-
ches sur la diffraction Fr. 800
M. Poulain : pour améliorer l'installation d'un appareil
destiné à la taille des verres toriques Fr. 200
M. Rames, géologue, à Aurillac : pour contribuer aux
dépenses occasionnées par la publication de la carte géologi-
que du Cantal Fr. 500
M. Lamotte, directeur du Jardin botanique de Clermont-
I reporter. . . . 3,000 37,820 70
li. MASSON. — I.F.S FINANCES DE L'ASSOCIATION 37
Report. . . 3,600 37,820 76
Ferrand : pour l'aider à augmenter les collections et la
bibliothèque du Musée Lecoq Fr. 300
M. Giard, professeur à la Faculté des sciences de Lille :
pour contribuer aux dépenses d'entretien et de recherches
du laboratoire de Wintereux Fr. 1,200
M. de Lacaze-lHithiers, membre de l'institut : pour con-
tribuer aux dépenses d'entretien et île recherches du labora-
toire de Roscoff Fr. G00
M. Tremaux de Hochebrune, médecin de L'hôpital, à
Saint-Louis (Sénégal) : pour envoi d'instruments divers de
mesures anthropométriques Fr. <;i
M. le Dr Pommerol, à Ger/.at (Puy-de-Dôme) : pour aider
aux recherches et fouilles dans les rites en pierres sèches
d'Auvergne Fr. 100
pour une bourse de session. Fr. 200
Soit au total. . .Fr. 6,361 6,361 •>
Laissant un excédant de 4,582 fr. 29 qui a été employé comme
suit :
Réserve statutaire Fr. 3,436 40
A compte nouveau Fr. 1,145 80
Total égal aux recettes'. . .Fr. 48,7iii 05
CAPITAL.
Au 31 décembre 1875, le capital réalisé s'élevait k Fr. 100,871 i8
Pendant l'année 1870, il s'est augmenté comme suit :
10 rachats de cotisation • Fr. 2,000 »
8 membres fondateurs 4,000 *
Réserve statutaire 3,436 iO
Don de M. d'Eichthal, ancien président de l'Association. . .Fr. 10,000 »
11 était donc au 31 décembre 1876 de Fr. 510,307 88
Cette somme est représentée par 10,875 francs de rente 5 pour 100 et 800
francs de rente 3 pour 100 ayant coûté ensemble Fr. 209,660 07
11 reste donc à placer 647 81
Total égal. . .Fr. 210,307 88
L'exercice 1877 s'annonce comme devant être favorable. Le nombre des
membres de l'Association n'a cessé de s'accroître; plusieurs membres fonda-
teurs nouveaux se sont fait inscrire; bon nombre de cotisations ont été rache-
tées; enfin, notre vice-président, M. Kuhlmann, adressait, il y a quelques
jours, à votre trésorier, un chèque de 5,000 francs à titre de (loti à l'Associa-
tion française. Celte généreuse offrande n'est pas la seule preuve que M. Kuhl-
mann nous ait donnée de sa sympathie pour notre Société et de sa volonté
d'en augmenter les movens d'action et l'influence; M. Kuhlmann nous annon-
38 SÉANCES GÉNÉRALES
çait en même temps que désormais, et sa vie durant, il destinait à l'Associa-
tion un don annuel de 1,000 francs.
De tels actes, messieurs, n'honorent pas seulement les bienfaiteurs qui sa-
vent acquérir de pareils titres à notre reconnaissance; ils témoignent de la
vitalité de notre œuvre et des sentiments qu'elle inspire à ceux qui, ayant
contribué à la fonder, en ont constamment suivi la marche et les progrès.
SÉANCE GÉNÉRALE
Du 24 août 1877.
Présidence de M. BROCA.
Dans cette séance, MM. Lennier, Quinette de Rochemont et Vial ont
pris successivement la parole et ont présenté les communications suivantes :
M. LENNIER
Président de In Société géologique de Normandie.
LA GÉOLOGIE NORMANDE. — L'EMBOUCHURE DE LA SEINE.
La richesse paléontologique de nos côtes normandes, les coupes nom-
breuses qu'elles présentent dans le terrain jurassique et dans la série
crétacée, ont, depuis longtemps, attiré l'attention des savants:
Les de La Bêche, de Caumont, Bunckland , de Buch, Cuvier, Dufré-
noy, Ëlie de Beaumont, Passy, Eudes Deslongchamps ont tour à tour
interrogé nos falaises et les roches qui les composent, et les nombreuses
publications auxquelles ces recherches ont donné lieu ont fait de la
Normandie la terre classique de la géologie.
Cette région de la France , justement célèbre par la beauté de ses
sites, par la richesses de ses cultures, par l'importance archéologique
de ses monuments, doit tous ses avantages à la constitution géologique
du sol, au relief qu'il a reçu des différents soulèvements qui s'y sont
faits.
Ces soulèvements ont rompu la fatigante uniformité du terrain, et,
en amenant à la surface les parties inférieures, ont mis en quelque
sorte sous la main des travailleurs les matériaux qui ont permis de
réaliser les conceptions du génie que nous admirons surtout dans les
monuments religieux de Bouen et de Caen.
<
LEXMER. — LA GÉOLOGIE NORMANDE 39
Il y a , croyons-nous, messieurs, de nombreuses et bien intéressantes
études à faire sur les rapports qui existent entre la composition du sol
et la civilisation des peuples.
La civilisation naît dû bien-être, el le bien-être nous vient directe-
ment du sol. En effet, si une agglomération humaine habite sur un sol
fécond, où se trouvent répandus non-seulement les éléments nécessaires
à la vie alimentaire, mais encore les roches et les minéraux propres à
la construction des grands monuments, cette agglomération grandira,
deviendra un peuple, et construira des villes comme Paris, Londres,
Vienne, qui sont, comme presque toutes les capitales de l'Europe,
placées sur un sol qui a lui-même fourni les matériaux nécessaires aux
constructions.
Si, au contraire, une branche de la famille humaine est jetée par le
hasard dans un climat malsain, sur un sol stérile, là où les matériaux
manquent, comment admettre qu'elle puisse grandir'.' Elle restera sta-
tionnais comme les sauvages, fatalement arrêtes sur le sentier du pro-
grès par la lutte âpre et toujours renaissante que créent chaque jour
les implacables nécessités de la vie.
La Normandie est baignée par la Manche depuis le mont Saint-
Michel jusqu'au Tréport , sur une distance d'environ quatre-vingt-dix
lieues marines. Cette longue cote est, sur un grand nombre de points,
attaquée et fortement ravagée par la mer. Le choc séculaire des vagues
a taillé dans les roches calcaires de hantes falaises qui, de loin, res-
semblent à de gigantesques murailles , coupes verticales qui rendent
particulièrement facile l'étude de la géologie que je me propose d'es-
quisser très-rapidement.
Les roches azoïques, le granité, en Normandie, ne se trouvent que dans
les départements de la Manche, de l'Orne et du Calvados; elles sont la
continuation des couches qui forment le sol armoricain.
Au-dessus du granité, dans les mêmes départements, on rencontre les
schistes cambriens et les quartzites du Silurien , le plus ancien terrain
sédimentaire de notre région et dans lequel on trouve de nombreux
et remarquables fossiles. Puis viennent, en se dirigeant vers le nord-
est dans le Calvados et dans la Manche, les calcaires du Dévonien, au-
dessus duquel on rencontre le terrain houiller , exploité autrefois sur
deux points, à Littry et au Plessis. Depuis longtemps, la mine du Pies-
sis est envahie par les eaux ; celle de Littry, au contraire, fait l'objet
d'une bonne exploitation et le charbon qu'elle fournit est, en grande
partie, employé pour l'éclairage au gaz de la ville de Paris.
Le terrain carbonifère est recouvert par des assises importantes
appartenant au Trias.
Les terrains jurassiques occupent une très-vaste étendue dans la
40 SÉANCES GÉNÉRALES
Manche, dans l'Orne et dans le Calvados. Ils s'appuient, vers le sud et
le sud-ouest, aux terrains anciens du Bocage normand et ils ont une
pente assez régulière vers le nord-est. Dans la Seine-Inférieure, les
couches jurassiques se montrent encore au pied du cap de la Hève,
dans le Bray et à Villequier, par suite d'une dislocation résultant d'une
t'aille.
Les terrains jurassiques sont particulièrement riches en fossiles. On y
compte des milliers d'espèces de mollusques, d'échinides, de polypiers ;
mais ce qui rend surtout ces couches remarquables, c'est le nombre
considérable de grands reptiles qui y ont été rencontrés. Ce sont des
plésiosaures au long cou, des ichthyosaures de taille gigantesque, des
crocodiles cuirassés de plaques osseuses logées dans la peau et qui de-
vaient les rendre invulnérables. Tous les débris de ces êtres disparus
depuis tant de siècles sont enfouis dans le sol, et l'action lente du
temps les a transformés en pierre, pour qu'ils puissent, contemporains
des générations éteintes, raconter l'histoire du passé aux générations de
l'avenir.
Au-dessus des terrains jurassiques, les assises crétacées ont pris un
très -grand développement dans notre région. Les falaises qui bordent
la Manche, depuis l'embouchure de la Dives jusqu'au cap Blanc-Nez,
dans le Boulonnais , sont presque exclusivement formées par le terrain
crétacé qui repose sur les couches moyennes et supérieures du terrain
jurassique. Nous avons observé, en effet, les couches suivantes en con-
tact : à Dives, la craie glauconienne avec les couches supérieures de
l'Oxfordien; à Villers-sur-Mer, la craie glauconienne avec le calcaire
jaune du Corallien supérieur; à Trouville, le Gault et le Kimméridge;
à Villerville et à Honileur, les sables ferrugineux (néocomien supérieur)
avec le Kimméridge. Dans le pays de Bray, ces mêmes couches de
sables ferrugineux sont en contact avec les calcaires jaunes portlan-
diens. Le développement du terrain crétacé est considérable : il pré-
sente une épaisseur totale d'environ 200 mètres.
Le terrain tertiaire , suite du bassin parisien , se voit dans les dépar-
tements de l'Eure et de la Seine-Inférieure.
Un lambeau de ce même terrain occupe le centre du département
de la Manche, et forme une bordure autour des marais tourbeux.
La carte géologique de notre région normande, que j'ai dressée, vous
permettra; mieux que je ne saurais le faire par une courte description,
de suivre la succession des couches qui forment notre sol. Il est, ce-
pendant, un point sur lequel je désire fixer votre attention, avant de
passer à l'élude des phénomènes contemporains.
Si nous suivons les affleurements des terrains jurassiques, en mar-
chant du sud-ouest au nord-est, nous verrons que les limites de ce ter-
LENNIER. — IV GÉOLOGIE NORMANDE il
raiii, les anciens rivages, sont toutes placées les unes en dedans des
autres, ce qui indique une longue période de retrait de la mer.
Pendant l'époque suivante , au contraire, pendant l'époque crétacée,
les anciens rivages débordent tous les uns sur les autres, ce qui indique
une longue période d'envahissement de la nier.
Sans entrer plus complètement dans la description de nos assises
normandes et des nombreux animaux qui se sont suceédé aux diffé-
rentes époques géologiques, nous allons maintenant, pour terminer ce
court expos,', examiner les faits géologiques de la période quaternaire,
et ceux qui s'accomplissent chaque jour sous nos yeux et qui modifient
constamment les rivages de la mer, en augmentant les atterrissements
et en attaquant les falaises.
Les dépôts quaternaires, dans nos régions, ont sur les plateaux une
épaisseur très-variable. Cette épaisseur augmente en raison des dénuda-
tions sous-jacentes : ainsi, sur la craie blanche, les argiles à silex, qui
sont la partie la plus ancienne des dépôts quaternaires, ont peu d'épais-
seur. Elles en ont davantage lorsqu'elles reposent sur la craie turo-
nienne, et enfin elles atteignent leur maximum lorsqu'elles s'étendent
directement sur la craie verte, comme c'est ](! cas au cap de la Heve
et jusqu'à Octeville. On constate encore le maximum d'épaisseur des
argiles à silex dans le voisinage des lignes de taille, sur la lèvre non
relevée.
Les argiles à silex ne se trouvent que sur les plateaux. Les silex
proviennent presque toujours du sol sous-jacent et contiennent les
mêmes fossiles; ils sont anguleux et empâtés dans une argile quelque-
fois très-sableuse, toujours ferrugineuse. Les sables remplacent quelque-
fois les argiles et forment le remplissage entre les silex. Il est souvent
facile de reconnaître que les argiles à silex ont puisé les éléments qui
les constituent dans la destruction des terrains tertiaires inférieurs. Les
sables et les argiles suessoniens remaniés forment le ciment qui remplit
les vides entre les silex.
Au-dessus des argiles à silex s'étend un dépôt argilo-sableux, limo-
neux, qui acquiert dans certaines localités une très-grande épaisseur. Ce
dépôt est souvent désigné sous le nom de limon. 11 est très-employé
pour la fabrication de la brique.
Si, maintenant, nous étudions la topographie de notre contrée pen-
dant l'époque quaternaire, nous verrons qu'elle différait beaucoup de ce
qu'elle est aujourd'hui. Avant d'être une dernière fois recouverte par la
mer, le sol était beaucoup plus accidenté qu'il ne l'est maintenant. Au-
dessus du cap de la Heve s'élevait une montagne formée par la craie
marneuse et la craie blanche. Les dénudations quaternaires n'ont res-
pecté que la base, qui forme aujourd'hui le cap de la Heve. Entre
42 SÉANCES GÉNÉRALES
Fécamp, Lillebonne et Villequier s'élevait une énorme masse de roches
crayeuses dénudées, formant une chaîne aride, qui s'étendait sur la lèvre
soulevée de la faille et s'élevait de 80 a 100 mètres au-dessus des pla-
teaux actuels. A Bouen, à Pavilly, partout où des failles ont été signa-
lées, la roche crayeuse disloquée, soulevée au-dessus de la plaine, for-
mait des arêtes incultes , arides , et qui, en répandant sur toute la
contrée un aspect de désolation , rappelaient les dernières commotions
dont le sol avait été le théâtre.
Tel est, en résumé, messieurs, l'exposé très-sommaire de l'histoire
géologique de notre région normande , histoire qui se continue encore
sous nos yeux, chaque jour, ainsi que je puis le démontrer par quelques
exemples.
Il y a quelques années, une lacune immense existait entre les révéla-
tions de la science et les leçons de l'histoire. Les monuments, les tra-
ditions, les plus anciennes traces du travail humain nous montraient
l'homme non à l'état sauvage, mais formant de grandes nations. La
science, qui avait arraché à la terre tant de secrets, qui avait suivi les
phases de ses diverses transformations, qui avait décrit les animaux et
les plantes qui, à chaque époque géologique, ont habité notre planète;
la science, il y a un demi-siècle, ne connaissait presque rien sur l'ori-
gine et le développement intellectuel de l'homme.
La première découverte d'ossements humains de l'époque quaternaire
remonte à 1774. Ces ossements furent recueillis par J.-F. Esper, dans
la caverne de Gaileureuth, en Bavière ; ils étaient mélangés avec des os
appartenant à des mammifères d'espèces alors inconnues.
Au Musée britannique, on voit, à côté de dents d'éléphants, une
hache de pierre qui fut dessinée et décrite en 1715. Cette hache a été
trouvée dans Londres même.
Plus tard, M. John Frère découvrit dans le comté de Suffolk, en 1797,
des armes en silex mélangées à des ossements ayant appartenu à des
espèces perdues. Esper, après avoir étudié ces armes en silex, en conclut
que les hommes qui les avaient fabriquées étaient antérieurs à la for-
mation du terrain d'où on les avait retirées.
Pendant un demi-siècle, les découvertes se succédèrent et donnèrent
lieu à un grand nombre de publications sur la coexistence de l'homme
et des animaux antédiluviens.
En 1839, la question était encore très-discutée et les avis très-parta-
ges. Il appartenait à M. Boucher de Perthes de trouver la solution du
problème. Par des recherches savantes et longtemps poursuivies dans
les environs d'Abbeville, ce savant arriva, après de longues luttes, à
faire admettre par la science la coexistence de l'homme et des animaux
de l'époque a ernaire.
QUINETTE DE ROCHEMONT. — LE PORT DU HAVRE 43
Cette question est aujourd'hui résolue; elle a été l'objet de publica-
tions importantes trop connues pour que nous retracions dans cette
communication les phases successives du développement de l'intelligence,
de l'industrie bumaine et de la formation des sociétés. Ces questions,
d'ailleurs, se rattachent autant à l'archéologie qu'à la géologie, et leur
étude exige des développements que ae comporte pas le programme que
nous nous sommes tracé.
En terminant, messieurs les membres de l'Association française, per-
mettez-moi de me faire l'interprète des géologues normands, pour vous
remercier d'être venus nous encourager, par de grands exemples, dans
la réalisation de l'œuvre scientifique que nous poursuivons.
Pour la Société géologique de Normandie, l'année 1877, année du
congrès de l'Association française au Havre, restera toujours une date
heureuse, et grâce à vous, messieurs, elle marquera, nous l'espérons,
notre première étape dans la voie du succès.
M. QUINETTE DE ROCHEMONT
Ingénieur îles ponts et chaussées au Barre.
LE PORT DU HAVRE.
Le Havre, fondé en 1516 par François 1er, n'eut d'abord qu'un port
d'échoùage. En 1628, le cardinal de Richelieu fit creuser et entourer de
quais le bassin du Roi, lequel fut amélioré et transformé en bassin à
flot en 1667.
Les jetées furent prolongées à diverses reprises afin de prévenir l'en-
vahissement du chenal par le galet. Dans le même but, divers épis
furent établis sur la plage Ouest , et trois écluses de chasse successive-
ment construites.
En 1787, l'agrandissement du port fut décidé et le plan de Lamandé
adopté ; il consistait dans la création des deux bassins de la Barre et
du Commerce, le prolongement de l'avant-port, l'établissement d'une
écluse et d'une retenue de chasse au sud du port.
L'exécution complète de ce programme ne fut terminée qu'en 1834.
A cette époque, le Havre comprenait un avant-port, trois bassins à flot
et trois écluses de chasse. L'avant-port avait 10 hectares et demi de
superficie avec 650 mètres de quais et 8,000 mètres carrés de terre-
pleins ; les bassins à flot, d'une surface totale de 12 hectares, étaient
\\ SÉANCES GÉNÉRALES
entourés <le 3,800 mètres de quais et de 42,100 mètres carrés de terre-
pleins.
Les écluses donnant accès dans les bassins à flot avaient leurs seuils
à la cote lm,15 (18 mètres) (1), ce qui donnait un tirant d'eau de
5 mètresen mortes-eaux et de 6m,70 en vives-eaux ordinaires. Le chenal,
dans l'avant-port, avait à peu près la même profondeur; mais le reste
de l'avant-port, les bassins et le chenal extérieur resserré entre les pou-
liers, étaient moins creux.
De 1835 à 1839, il était entré, en moyenne, par année, 4,524 navires
jaugeant ensemble 549,202 tonneaux.
Les deux lois des 9 août 1839 et 5 août 1844 autorisèrent la création
des bassins Vauban et de l'Eure, l'établissement, dans la retenue de la
Floride, d'un bassin provisoire pour les bateaux à vapeur, la construc-
tion d'une forme de radoub, le creusement et l'amélioration de l'avant-
port.
L'écluse de la Floride, dont le haut-radier est à la cote 0,n,15 (19 mè-
tres), soit à un mètre au-dessous des seuils des écluses Notre-Dame et
de la Barre, tut livrée à la navigation le 14 octobre 1847. Dès le len-
demain, un des navires à vapeur, mis par le gouvernement à la dispo-
sition du commerce pour établir un service postal entre la France et
les États-Unis, entrait dans le bassin de la Floride.
Le creusement du port, commencé en 1846, était en bonne voie
d'exécution. Les travaux avaient pour but d'amener l'avant-port à la cote.
— 0'",35 (19m,50) et le chenal à la cote, — lm,35 (20n,,5<>); toutefois
ce résultat ne fut pas acquis d'une manière définitive ; mais, dès ce
moment, on put enlever le galet en assez grande quantité au nord de
la jetée, pour que l'on ne craignit plus de le voir pénétrer dans le
chenal. De 1848 à 1852, il était entré en moyenne, par année, 4,509
navires jaugeant ensemble 581,476 tonneaux.
La loi du 22 juin I85i accepta l'offre que fit la Ville d'avancer une
somme de 8 milions pour la création du bassin Dock , l'approfondisse-
ment et l'amélioration de l'avant-port. L'avant-port ne fut cependant
pas agrandi, comme il devait l'être.
En janvier 1864, l'écluse des Transatlantiques fut livrée à la naviga-
tion, et la grande forme de radoub reçut un navire pour la première
fois. Antérieurement, les seuls moyens de carénage consistaient en un
gril, en pontons d'abatage et en un dock flottant établi, en 1844, par
l'industrie privée.
L'écluse des Transatlantiques a son radier à la cote — 2"', 85 (22,n,00)
(1) Les cotes sont rapportées au zéro îles cartes marines et au plan de comparaison
du port; celles qui sont relatives à ce dernier sont entre parenthèses;
QUINETTE DE R0CHEM0NT. — LE PORT DU HAVRE 45
et une largeur de 30m ,50, dimension qui a paru nécessaire pour recevoir
facilement les grands steamers à roues.
Le Havre possédait alors toutes les installations qui conviennent à un
grand port. L'avant-port conservait une superficie de 11 hectares, mais
la surface des bassins avait atteint 47 hectares 10 ares; la longueur des
quais était de 7,160 mètres, dont 6,295 accostables par les navires, et
la surface des terre-pleins était de 119,200 mètres carrés.
La forme de radoub avait 130 mètres de longueur sur tins; elle pou-
vait même recevoir des navires de 150 mètres de longueur. L'écluse
d'entrée avait 30 mètres de largeur; on trouvait, sur le haut-radier,
7 mètres d'eau en mortes-eaux et 8m,70 en vives-eaux ordinaires.
La largeur du chenal, au droit du musoir de la jetée du Sud, était
de 75 mètres ; au-delà, cette largeur qui, autrefois, ne dépassait pas
32 mètres, en certains endroits, avait été portée à 80 mètres par la sup-
pression des tours Vidame et François Ier.
L'avant-port était creusé à la cote — lm,65 (20m,80), et le chenal au
large des jetées était à la cote — 2n,,15 (21'",30) sur une longueur de
400 mètres et une largeur de 100 mètres.
Les chasses étaient complètement abandonnées: elles ne pouvaient
plus servir à entretenir de pareilles profondeurs dans le port et dans ses
abords au large; pour y parvenir, on avait recours à des dragages. De
1864 à 1868, il était entré, en moyenne, chaque année, 6,015 navires
jaugeant ensemble 1,086,991 tonneaux.
En 1864, la Chambre de commerce pensa qu'il était utile de créer un
bassin à flot spécialement destiné aux caboteurs à vapeur; elle présenta
au Gouvernement un plan indiquant les principales dispositions à adop-
ter pour aménager, dans ce but, les terrains provenant de l'ancienne
citadelle. Cette combinaison fut agréée, et, par la loi du 14 juillet 1865,
la Chambre de commerce fut autorisée à concourir aux dépenses jusqu'à
concurrence de la somme de 4,800,000 francs. L'inauguration du nou-
veau bassin, du sas et des trois formes de radoub, eut lieu le 5 dé-
cembre 1871.
Quelque temps auparavant, un décret du 18 juillet 1870 avait déclaré
d'utilité publique l'agrandissement de Y avant-port , l'achèvement des
bassins de l'Eure et de Vauban, la construction de la digue Saint-Jean
et quelques autres ouvrages de moindre importance. Tous ces travaux
sont terminés, sauf l'agrandissement de l'avant-port et l'achèvement du
bassin Vauban.
Pour l'exécution de ces travaux, la Chambre de commerce a fourni
une subvention de 7 millions (loi du 22 juillet 1870) et a avancé à
l'État une autre somme de 6 millions (loi du 5 août 1874).
La Chambre de commerce se couvre des sommes qu'elle a données
46 SÉANCES GÉNÉRALES
pour les travaux et de la perte d'intérêt qu'elle subit sur les avances
* au moyen de la perception d'un droit de péage. Ce droit est fixé à
75 centimes par tonneau de jauge pour les navires français ou assimilés, et
à 90 centimes pour les autres. Une réduction de 30 centimes est accor-
dée aux navires chargés de houille, de glace ou -de bois de sapin, dans
la proportion de plus des neuf dixièmes. Sont affranchis de la taxe les
caboteurs français et les navires ne faisant pas d'opérations commer-
ciales dans le port.
En dehors de ces travaux, quelques améliorations ont été introduites
dans les installations du port ; l'on peut notamment citer la transfor-
mation des anciens ponts en ponts tournants à deux voies.
Dans son état actuel, le port du Havre se compose d'un chenal compris
entre deux jetées, d'un avant-port, de huit bassins à Ilot, d'un sas, de
treize écluses de navigation et de quatre formes de radoub.
L'avant-port présente une superficie de 11 hectares 21 ares et un
développement de quais de 1,664 mètres; mais il n'y a d'utilisé pour la
manutention des marchandises qu'une longueur de 654 mètres et une
superficie de terre-pleins de 8,000 mètres carrés.
Les huit bassins à flot ont ensemble une surface de 53 hectares
10 ares : ils présentent un développement de quais qui atteint 8,950
mètres, dont 8,030 seulement sont utilisables par le commerce. La super-
ficie des terre-pleins est de 176,700 mètres carrés.
Cinq bassins seulement débouchent directement dans l'avant-port ; ils
communiquent entre eux, et avec les trois autres bassins, au moyen de
sept écluses intermédiaires. Le sas a pour but de prolonger, pendant
sept ou huit heures, la durée de la marée qui, aux autres écluses, est
de trois heures environ ; il permet aux navires arrivés après la ferme-
ture des autres bassins d'entrer dans celui de la Citadelle ; il sert aussi
à primer la marée en donnant aux bâtiments la faculté de quitter le
port dès que la mer a atteint la cote 3m,65 (15m,50), cote à laquelle se
manœuvrent les portes de l'écluse d'aval.
La plus grande forme est située dans le bassin de l'Eure; les trois
autres sont placées dans le bassin de la Citadelle; toutes quatre sont
fermées au moyen de bateaux-portes. Les petites formes ont 45 , 55 et
70 mètres de longueur sur tins; les écluses de lf, 13 et 16 mètres de
largeur ont leur haut-radier aux cotes 2m ,15 (17 mètres), l'",6o (17»',50)
et lm,15 (18 mètres). En 1876, les formes ont reçu 402 navires jau-
geant ensemble 177,622 tonneaux.
Le tirant d'eau des navires, que peul recevoir le port du Havre, est
limité par la profondeur que l'on trouve à pleine mer sur h- plateau
à peu près horizontal qui s'étend à l'ouvert du port, à une distance
de près de 2 kilomètres. Comme la montée de la mer, dans les plus
QUINETTE DE R0CHEM0NT. — LE PORT DU HAVRE 17
faibles mortes-eaux, ne dépasse pas 5m,90, et que ce plateau est coté
2 mètres sur les cartes, il en résulte que les navires calant au-delà de
7 mètres ne doivent pas essayer de pénétrer dans le port pendant ces
marées.
La décision du 4 décembre 1866 a approuvé l'organisation d'un
système de dragages d'entretien. Les dépenses annuelles s'élèvent à
200,000 francs. L'avant-port et le chenal, au large des jetées, jusqu'à
une distance de oOO mètres du musoir de la jetée du Nord, sont main-
tenus à une profondeur constante d'au moins 2 mètres au-dessous du
zéro des cartes; le plafond des bassins est périodiquement ramené à
0m,o0 en contre-bas du niveau des hauts-radiers des écluses d'entrée.
Les apports sont d'environ 35,000 mètres cubes dans l'avànt-port et
de 20,000 mètres au large des jetées. Dans les bassins communiquant
directement avec l' avant-port, la hauteur 'Ivs dépôts annuels est d'envi-
ron 0m,05; elle n'est que de 0"'.02o dans les autres.
Vingt-six grues et trois machines à mater, dont l'une de la force de
100 tonnes, ont été installées sur les quais; on y a construit également
un certain nombre de hangars et magasins privés.
La Compagnie du Dock a pourvu de hangars les quais du bassin
Dock et le quai Vauban.
Le tableau suivant donne, pour les cut<| dernières années, le résumé
du mouvement de la navigation et le montant du droit de péage perçu
au profit de la Chambre du commerce.
NAVIRES
POIDS
ENTRÉS ^ I HAVRI
pour v effectuer
IiKS MA lu 11 1NDIS] -
D II O I T
ANNÉES.
des opérations.
(en tomi' ■ -
de 1000 kilogrammes .
de
Nombre.
Tonnage
(Jange légale;.
A
l'entrée.
A
la sortie.
Total.
PÉAGE.
Tonnes.
Tonnes.
Tonnes.
Tonnes.
Francs.
1872
5.487
1.467.117
1.010.629
707.479
1 .718.108
889.177
1873
5-047
1.490. 102
1.118.073
595-977
1.714.050
848.925
1874
6.026
1.708-947
1.149.130
611.294
1.760.424
1.041.432
1873
5.935
1.670.260
1.127.624
609 802
1.737.426
975.288
1876
5.979
1.848.588
1-418.556
649-109
2.067.665
1 .1 12.132
Moyenne.
5.815
1.637.010
1.164.802
634.732
1.799.535
973.395
L'agrandissement de l'avant-port du côté Sud a pour but de faciliter
les évolutions des grands navires et de créer, en dehors des routes
d'accès aux écluses, un nouvel avant-port où se tiendront les remor-
queurs et les relâcheurs.
Au moment de leur entrée dans le port, les navires sont soumis à
48 SÉANCES GÉNÉRALES
l'action de laVerhaule, qui porte au N.-O.; ils sont contraints d'attaquer
le port par le S., lorsqu'ils onl l'avant masqué par la jetée «lu Sud et
que le courant n'agit plus que sur leur arrière ; les navires ont alors
une tendance à venir se jeter sur les écluses de chasse.
Ce danger écarté, et les bâtiments se trouvant à peu près parallèles
aux jetées, ils doivent revenir au S.-E. pour gagner l'écluse des
Transatlantiques. Cette manœuvre est d'autant plus difficile que les
navires, n'ayant que peu de vitesse et peu d'eau sous la quille, obéissent
mal au gouvernail. Pour éviter d'échouer en avant du grand quai, tous
les grands steamers, depuis longtemps déjà, sont remorqués à l'entrée
et à la sortie.
Lorsque l'avant-port aura été élargi, les difficultés actuelles n'existe-
ront plus et les navires pourront décrire un arc de cercle de plus de
000 mètres de rayon.
La création d'un nouvel avant-port donnera aux relacheurs et aux
remorqueurs un lieu de stationnement qui leur a manqué jusqu'à pré-
sent. Ces bateaux, dont le nombre est souvent assez grand (on en a vu
parfois plus de quatre-vingts ensemble), n'entraveront plus la marche
des navires entrant dans les bassins.
Le quai courbe et la jetée du Sud, jusqu'au point de raccordement
avec le mur d'enceinte, seront démolis. Le bassin de la Floride sera
divisé en deux parties par une traverse ; la plus petite, à l'est, sera
transformée en bassin de mi-marée, tandis que l'autre sera réunie à
l'avant-port. Une passe de 80 mètres de largeur donnera accès dans ce
nouvel avant-port, qui sera séparé de l'ancien par un môle en maçon-
nerie. La jetée du Sud, rétablie en arrière de sa position actuelle, se
raccordera avec le mur de quai construit au sud de l'ancien bassin de
la Floride. Dans l'espace compris entre le mur d'enceinte, la nouvelle
jetée du Sud et les fortifications qui dominent l'entrée du port, on con-
struira un grand brise-lames et une rampe pour descendre sur le pou-
lier Sud.
La largeur de l'ancien avant-port, dans sa partie centrale, sera portée
de 00 à 185 mètres; l'annexe aura environ 200 mètres de longueur sur
100 mètres île largeur. Le môle intermédiaire aura 345 mètres de lon-
gueur ei une largeur variant de 20 à 63 mètres; il sera terminé par un
musoir en maçonnerie. L'estacade du brise-lames aura 105 mètres de
longueur.
La surface de l'avant-port sera portée de 11 hectares 21 ares à 21 hec-
tares 34 ares. La longueur des quais utilisables pour les navires atteindra
1,790 mètres et la surface des terre-pleins sera de 30,000 mètres
carrés.
Les murs de quai auront une hauteur qui ne sera jamais moindre de
QUINETTE DE R0< .iikmi >.\ l . — LE PORT m HAVRE i'1
12 mètres et qui dépassera parfois L3U,,S0; ils seront fondés à la cote
3m,10 (22m,25). Le seuil i\u luise-lames sera établi à la cote 2m,15
(17 mètres). La chambre aura une largeur moyenne de ol mètres. Le
plafond sera un plan gauche dont l'inclinaison variera de 0,n,08 à 0m,27.
L'estacade sera entièrement métallique, sauf le tillae; elle se composera
de fermes espacées de <> mètres d'axe en axe avec poteaux de remplage
intermédiaires distants de I ."20.
La rampe d'accès, sur le poulier Sud, sera rétablie le long du fossé
des fortifications; une voie pavée contournera le brise-lames et permettra
aux voitures d'arriver jusqu'au musoir de la jetée. Ces doux chaussées
seront établies sur voûtes alin d'éviter les tassements.
Le volume total des déblais atteindra 975,000 mètres cubes, dont
"294,000 seront dragués; celui des démolitions sera de 85,950 mètres,
sur lesquels 66,060 seront enlevés à la marée. 11 sera battu 3,97o pieux
dont la longueur de fiche atteindra 25,140 mètres. Le cube des char-
pentes provisoires, pour étalement et rigoles d'écoulement des eaux,
sera d'environ 3,3oo mètres. Les maçonneries de toute nature attein-
dront un volume de 84,900 mètres, dont 25,500 exécutés à la marée.
La dépense sera de 7 millions et demi.
Les déblais généraux, jusqu'à la cote 0"',lo (19 mètres), ont été exé-
cutés à l'abri de batardeaux, ainsi que les murs de quai du môle et de
l'annexe, et la culée Est du brise-lames. A cet effet, l'on a commencé
par construire la traverse en terre qui divise en deux le bassin de la
Floride, et par fermer les écluses de chasse au moyen de deux murs en
maçonnerie.
Le complément du brise-lames, quelques terrassements, la démolition
du quai courbe, des écluses de chasse de la Floride et des brise-lames
d'Harcourt et Vidame, s'exécuteront en prise à la mer. Le creusement
de la surface annexée à l'avant-port se fera à la drague.
Les déblais ont été exécutés dans d'excellentes conditions, après drai-
nage complet; au moyen d'appareils d'épuisement très-puissants. Le
terrain était formé, à la partie supérieure, de sable et galet provenant
de l'ancienne plage, puis, au-dessous, de sables plus ou moins argileux
traversés par des bancs de tourbe. Ces sables argileux, d'épaisseur très-
variable, reposaient sur la couche de galet que l'on trouve sous toute
la ville du Havre à des profondeurs différentes. Dans le chantier, l'alti-
tude de cette couche a varié de la cote — 2m,40 (21m,55) à la cote
— 14m,10 (33m,25). Au sud, le sable argileux disparaissait en certains
endroits, et il était remplacé par du sable fin fl lient comme de l'eau.
Les murs du môle et le mur Est de l'annexe ont été fondés en touille
blindée et sur pilotis. Les terrassements généraux ayant atteint la cote
3m,lo (16 mètres), on a ouvert, sur l'emplacement du mur, une fouille
oO SÉAÎNCES GÉNÉRALES
dont les parois, à peu près verticales, étaient maintenues au moyen d'un
revêtement en madriers et de termes en charpente composées (l'étais
horizontaux et de montants verticaux.
Les ouvrages longeant les fortifications et le brise-lames n'ont pu être
fondés, d'après le même système, par suite de la présence des sables
bouillants; il a fallu recourir à l'emploi de cadres ou puits en maçon-
nerie.
Deux lignes de pieux ont été battues, l'une en avant, l'autre en arrière
de l'emplacement que devait occuper le mur ; les pieux étaient distants
de Jm,5'0 dans chaque file. Des madriers cloués sur les pieux mainte-
naient le terrain en place pendant la fouille. Le déblai était arrêté un
peu au-dessus du niveau auquel on rencontrait les sables bouillants ;
puis l'on plaçait, au fond de la fouille, un cadre en charpente de dimen-
sions variables en plan, mais de section constante. Ces cadres étaient
formés de trois cours de madriers superposés; ils avaient 0m,24 de hau-
teur et étaient taillés en biseau; leur largeur était de 0'",30 à la partie
inférieure et de 0m,60 à la partie supérieure. Au-dessus de cette char-
pente, l'on montait une couronne en maçonnerie de briques; chaque
rang de briques était placé de O'",0o en saillie sur le précédent jusqu'à
ce que le puits eût atteint son épaisseur normale.
Les mortiers ayant acquis une résistance suffisante, des ouvriers
déblayaient à l'intérieur du cadre en même temps que l'on épuisait. Le
puits s'enfonçait alors, et lorsqu'il était arrivé au fond de la fouille, on
montait une seconde couronne de maçonnerie. L'opération était ainsi
poursuivie jusqu'à ce que la couche de sable bouillant eût été traversée
et que l'on eût atteint tout au moins la cote — 2m;8o (22 mètres) ; le
puits était alors rempli en béton.
Afin d'éviter les soutirages de sable en arrière des murs de quai, il
était nécessaire de bétonner également les entre-cadres dont la largeur
était d'environ 0m,80. Pour y arriver, on enfonçait en avant et en arrière
des panneaux en charpente, et l'on déblayait dans l'espace compris
entre ces panneaux et les cadres. En certains endroits, le terrain étaii
si fluent qu'il a fallu calfater les joints des panneaux.
Les cadres avaient, en général, 6 mètres sur 0; ceux de la culée Esl
du luise-lames ont eu jusqu'à (i mètres sur 8, tandis que ceux du seuil
de ce brise-lames n'avaient que 3'", 70 sur om,70. La largeur de la cou-
ronne de maçonnerie a varié de 0"',80 à 1'", I 4 ; elle était généralement
de 1*03.
Dans la partie courbe de la jetée, les cadres ont été déformés; les
deux faces latérales ont été dirigées suivant les rayons de la courbe, et
la face antérieure, composée de deux parties droites, faisant un angle
très-ouvert.
QUINETTE DK ROCHEMONT. — LE TOUT DU HAVRE ôl
La traversée des fortifications a présenté des difficultés toutes spéciales.
Le aouveau mur de quai se trouvait en partie sur l'emplacement de la
culée Sud des canaux de chasse; il a dû alors être construit en deux
parties cl dans des conditions très-délicates.
L'arrière du mur a été exécuté le premier en fouille blindée, à partir
de la cote 7m,7o (li"\40) et fondé sur cadres à la cote 0m,65 (18m,50).
Les puits ont été descendus jusqu'à la cote — 2,u,85 (22 mètres), soit à
3m;90 au-dessous des tondations des canaux de chasse et à 2om,6o en
contre-bas de la crête du cavalier de la Floride.
Les canaux de chasse ont été ensuite démolis, et la partie antérieure
de la jetée construite sur cadres. Mais, par suite du peu de largeur dont
on disposait, les puits n'ont été maçonnés que sur trois côtés; le qua-
trième était formé par trois poutres en bois. Une palplanche empêchait
l'introduction du sable par l'espace resté libre entre le cadre et l'arrière
du mur déjà construit. Grâce aux précautions prises, ce mur s'est très-
bien comporté ; il ne s'y est produit aucun mouvement.
Le volume des déblais extraits des puits a dépassé, en moyenne, de
24 à 2o pour 100 le cube des matériaux employés pour la construction
et le remplissage des cadres et des entre-cadres. Cette différence repré-
sente le foisonnement des déblais et les apports latéraux.
Antérieurement au 8 octobre 1876, date à laquelle l'eau a été intro-
duite dans le chantier, les épuisements étaient faits au moyen de trois
appareils comprenant chacun deux locomobiles et deux pompes. La con-
struction d'une partie des murs du môle a nécessité l'emploi d'un relais
composé d'une machine et d'une pompe. En outre, une locomobile et
une pompe ont été spécialement employées aux cadres.
Les locomobiles de la force nominale de 18 chevaux avaient déve-
loppé plus de 30 chevaux aux essais.
Dans les conditions normales, quatre locomobiles et quatre pompes,
au moins, étaient constamment en marche ; elles ne pouvaient être
arrêtées qu'une demi-heure environ à chaque basse mer. Les autres
engins servaient de rechange, mais il fallait parfois une ou deux machines
de renfort, notamment pendant les grandes marées de vives-eaux ou
lorsque la mer sautait par-dessus les fortifications.
Des dispositions avaient été prises pour réduire, autant que possible,
la hauteur d'ascension des eaux d'épuisement; cette hauteur a varié de
5 mètres à 13m,10; mais le plus souvent elle était de 8 à 10 mètres.
Le nombre d'heures de chauffe des locomobiles a été de 94,948 ;
pendant ce temps, les pompes ont fonctionné durant 89,718 heures. Si
donc l'on admet pour le débit moyen de chaque pompe 4 mètres cubes
à la minute (chiffre plutôt inférieur à la réalité), le volume total des
eaux d'épuisement aurait dépassé 21 millions de mètres cubes.
52 SÉANCES GÉNÉRALES
La construction des ouvrages restant à exécuter à la marée, et la
démolition des anciens ouvrages, se font à l'abri de batardeaux de
marée. Ce sont des batardeaux arasés entre les cotes 2 et 3 mètres
il" à 16 mètres) noyés à la pleine mer et en arrière desquels on épuise
rapidement, dès que le niveau de la mer est inférieur à relui de la
crête du batardeau.
Quelques autres travaux ne tarderont pas à être entrepris alin de
compléter les installations du port du Havre.
Des hangars et des voies terrées vont être établis sur les quais du
bassin de la Citadelle et sur le quai Ouest du bassin de l'Eure. Par
décret du 5 juillet dernier, la Chambre de commerce a été autorisée à
construire ces hangars. D'autre part, la Compagnie de l'Ouest a récem-
ment soumis à l'Administration le projet relatif aux voies ferrées.
La largeur de l'entrée du port, qui n'est actuellement que de 75
mètres, sera portée à 100 mètres. Cet élargissement, qui a été déclaré
d'utilité publique par décret du 11 novembre 1875, réduira la force des
courants et facilitera le remplissage du port; il complétera utilement
l'agrandissement de Pavant-port et permettra d'en tirer tout le prolit
possible.
L'établissement d'une nouvelle forme de radoub a été décidée en
principe. La forme aura 140 mètres de longueur sur tins; elle pourra
même recevoir des navires de 150 mètres en ajoutant quelques tins
mobiles. L'écluse d'entrée, qui a été construite en même temps que les
quais du bassin de l'JEure, a 20 mètres de largeur; son haut-radier est
à la cote — 0m,85 (20 mètres).
Enfin, pour augmenter le fret de sortie, l'on a reconnu la nécessité
de mettre le Havre en communication directe avec le réseau des voies
navigables de la France. Les bateaux de rivière, dans les conditions
actuelles, ne peuvent arriver jusqu'à ce port; ils ne sauraient, en effet,
s'aventurer dans l'embouchure de la Seine, en aval des digues.
Toutes les marchandises à destination ou de provenance du Centre et
du Nord de la France sont alors transbordées à Rouen ou à Paris sui-
des chalands d'une construction plus robuste et pouvant affronter la mer.
Ce transbordement et l'emploi de ces bateaux spéciaux occasionnent des
frais assez considérables pour détourner du Havre une partie des produits
qui devraient y arriver. Il importe donc «le remédier à celte situation
et de mettre ce port à même de soutenir la concurrence des ports rivaux
et, notamment, d'Anvers. C'est dans ce but que l'on a étudié le tracé
d'un canal du Havre à Tancarville.
Ce canal, de 25 kilomètres de longueur, recevrait des bateaux calant
3 mètres; la dépense est évaluée à 21 millions. L'avant-projet va être
soumis, sous peu de jours, à des enquêtes nautique et d'utilité publique.
QUINETTE DR R0CHEM0NT. — LE PORT DU HAVRE 53
Après avoir t'ait connaître les développements successifs du Havre,
les travaux que l'on y exécute en ce moment et ceux que l'on projette,
nous terminerons en disant quelques mots des changements qui se sont
produits clans les fonds et dans le régime des courants et des marées à
l'embouchure de la Seine. Ces perturbations, qui pourraient n'être pas
sans influence sur l'avenir du port, paraissent tenir aux travaux d'endi-
guement de la Seine maritime. Au Havre, la durée de la montée de la
mer a été réduite de près de 40 minutes en vives-eaux, et de 7 à 8
minutes en mortes-eaux; l'établissement du port est alors de 9\15'" au
lieu de 9ll;53m. Le courant de Verhaule commence à se taire sentir de
23 à 30 minutes plus tôt qu'autrefois et la vitesse est notablement plus
considérable ; la différence est de 0n,7 (0m,35 par seconde) pour les
marées dont le coefficient est de 100. La vitesse atteint alors 2n,5
(lm,2o par seconde! ; elle est de 3 nœuds (lm,50 par seconde) lors des
vives-eaux d'.éijuinoxe. A Honfleur et dans la partie Est de la baie, les
heures des pleines mers ont avancé, à peu près uniformément, de 2(J
minutes. La forme spéciale qu'affectait la courbe de marée aux syzygies
s'est généralisée et accentuée davantage.
Des atterrissements considérables se sont formés sur les deux rives
de la Seine, ainsi qu'au nord et au sud de la baie. Plus de 8,600 hectares
ont été soustraits à l'action des eaux; le volume des eaux entrant et
sortant à la marée a été réduit de plus de 100 millions de mètres cubes.
Les alluvions se sont d'abord déposées en amont et, peu à peu, elles
ont gagné en aval.
Aucun relèvement ne s'est encore produit aux abords immédiats du
Havre. Il ne semble donc pas qu'il y ait de danger prochain à craindre
pour le port. Il importe toutefois de suivre de près la marche des
atterrissements dans la baie et de s'assurer que les alluvions ne se
l'approchent pas trop des jetées.
Si le Havre était menacé, il faudrait aviser. Nous n'avons pas besoin
de dire qu'un sujet d'une pareille gravité est, pour les ingénieurs du
port, le sujet de constantes préoccupations; leurs idées sont dès h
présent fixées sur les dispositions qu'il y aurait lieu de prendre. Aussi,
quoi qu'il arrive, l'avenir du Havre ne saurait être compromis. Ce port
continuera à progresser, à se développer, et il prendra un nouvel essor
dès qu'il aura été mis en communication directe avec le réseau des
voies navigables de la France.
•Vi SÉANCES GÉNÉRALES
M. P. YIAL
Capitaine de frégate, agent principal de la Compagnie Transatlanti | le.
LA NAVIGATION TRANSOCÉANIENNE.
Mesdames , messieurs ,
Votre gracieuse visite au Havre nous montre tout l'intérêt que vous
portez à nos industries spéciales ; c'est donc avec confiance que je viens
soumettre à votre bienveillante attention une étude rapide sur la navi-
gation transatlantique.
Elle s'est développée progressivement avec les sciences modernes, dont
vous êtes les dignes représentants, et elle attend de vos généreux efforts
les moyens d'accroître, dans une mesure que nous n'oserions indiquer,
le rôle si considérable qui lui est attribué au sein de notre société
actuelle.
Autrefois, les relations entre les peuples étaient lentes et difficiles.
Des siècles s'écoulaient avant que les idées ou les découvertes exploitées
dans un pays fussent adoptées dans des contrées assez rapprochées.
Néanmoins, les hommes les plus dénués de ressources ont toujours
fait des efiorts persévérants pour communiquer avec leurs semblables,
malgré les barrières placées entre eux par la nature. J'ai vu, dans
l'Océanie, des familles nombreuses s'entasser dans les pirogues légères,
avec une petite provision d'eau et de fruits, pour aller visiter des îles
éloignées de plusieurs centaines de. lieues.
Se guidant par les étoiles, souffrant de la faim et de la soif, battus
par les orages qui dévastent quelquefois les solitudes de l'océan Pacifique,
ces hardis navigateurs atteignent, généralement, le but de leurs voyages,
après avoir épuisé leurs faibles ressources et avoir déployé une énergie
que nos pères montraient autrefois aussi, lorsqu'ils allaient à la recherche
des limites du monde.
Ces courageux voyageurs bravent toutes les privations, tous les périls,
dans le but de maintenir des relations séculaires.
Quelquefois, il est vrai, on rencontre» loin des terres des pirogues
désemparées, rejetées au large par les courants et les vents; la soif, la
faim et le soleil dt-s tropiques ont courbé les passagers sous leur étreinte
dévorante; le démon des voyages a fait de nouvelles victimes. Mais ce
dénoùment redoutable ne décourage point les autres voyageurs ; on
croirait plutôt que le danger constitue un attrait irrésistible pour les
urnes courageuses qui sont toujours disposées à se précipiter, à travers
les obstacles, à la recherche de l'inconnu.
P. VIAL. — LA NAVIGATION TRANSOCÉANIENNE Sfô
Telle est la grande navigation chez les peuples primitifs. Ils se confient
à des embarcations fragiles formées de troncs d'arbres creusés par le
moyen du feu, ou à des planches cousues avec des libres de latanier;
ils ajoutent quelquefois à leurs barques des balanciers attachés avec des
liens d'écorce, et ces vaillants explorateurs parcourent ainsi des distances
effrayantes. On a rencontré en Nouvelle-Zélande, à <S()0 lieues de Taïti,
les types, la langue et les usages de l'archipel de la Société.
Jadis, en Europe, la navigation n'était guère pins perfectionnée. Les
expéditions si connues des Grecs, des Romains et des Scandinaves,
s'accomplirent avec des moyens tout aussi imparfaits.
Des navires plus grands et mieux construits naviguent de temps immé-
morial le long des côtes de l'Asie. Ils tendent de nos jours à disparaître
devant les navires européens et devant les navires à vapeur. Tous les
marins de notre époque ont rencontré en Orient des boutres arabes,
qui doivent avoir conservé la structure antique des vaisseaux tyriens,
ils font de longues traversées dans la mer Rouge , dans le golfe
Persique et dans l'Inde; des pins malais, qui parcourent, avec leurs
immenses voiles, leur archipel et les cotes de l'Indo-Chine; des
jonques chinoises et japonaises, dont quelques-unes sont grandes comme
d'anciennes frégates, puisqu'elles atteignent l^OO tonnes, solidement
construites, ayant des cloisons ('tanches en bois; elles descendent des
cotes de leur pays jusqu'à Singapore, on à .lava et dans l'Inde, avec les
moussons, et font des trajets de cinq à six cents lieues chargées de
passagers et de riches marchandises.
Nos pères ne furent ni moins hardis ni inoins entreprenants que ces
marins de races et d'origine si diverses, quand, au moyen âge, ils riva-
lisaient d'énergie, d'activité et d'imagination avec les marins espagnols,
portugnais, hollandais, italiens et anglais, cherchant en même temps
qu'eux de nouvelles terres à connaître et à conquérir.
Le génie des découvertes et des aventures maritimes apporté par les
compagnons de Rollon sur les côtes normandes ne s'est jamais éteint
chez nous. La part des Français dans les grandes entreprises maritimes
du XVe et du xvr siècle aurait été bien plus grande si toutes les forces
vives du pays n'avaient pas été engagées dans une effroyable lutte conti-
nentale, car une nation est amenée à renoncer à la navigation et à la
création des colonies lorsque son indépendance et sa tranquillité inté-
rieures sont menacées.
Bien que les moyens d'affronter les fureurs de l'Océan aient été
singulièrement perfectionnés, l'audace et le courage des marins sont
restés aussi grands que dans les temps anciens; plusieurs fois des navi-
gateurs ont franchi l'Atlantique dans de^frêles embarcations, différant
bien peu de celles qui servent à circuler dans notre port.
56 SÉ WCF.s GÉNÉRALES
L'année dernière, deux de nus paquebots, l'Amérique et le Sairit-
Lùurent, aperçurent successivement à l'horizon mie petite embarcation
qui paraissait abandonnée. Mus par un sentiment d'humanité bien
naturel, ils tirent route vers cette épave. In homme seul, debout sur
les quelques planches qui le séparaient de l'abîme, les remercia du
peste et les invita à continuer leur traversée* Il voulait tout seul achever
son voyage.
Le mois dernier, nous avons lu que la barque pontée le New-Bedfort,
ayant quitté le port de Cbatham, aux États-Unis, le 2 juin, pour
Falmouth, était arrivée à destination à Mount's-Bay, après quarante-
neuf jours de voyage. Elle était montée par deux personnes seulement,
le capitaine Craps et Mme Craps. Pendant la traversée, le capitaine
n'avait ni dormi ni abandonné le gouvernail pendant plus de soixante-
dix heures.
Ce bâtiment n'a que 20 pieds de long, et les deux cabines ou com-
partiments de l'avant et de l'arrière n'ont que 'à pieds.
Ces exploits d'un autre âge ne prouvent rien matériellement. Ils nous
fortifient dans celle pensée que ni nos esprits ni nos corps n'ont dégé-
néré et qu'ils sont encore susceptibles d'accomplir de grandes choses '
Bien avant notre ère, les progrès des sciences avaient permis d'assurer*
graduellement le développement de la navigation.
Les navires n'étaient plus chevillés en bois, mais en ter ou en cuivre;
on les avait mieux liés tout en les taisant plus grands; de lourdes ancres
en fer avaient été substituées de bonne heure aux pièces de bois alourdies
par des pierres qui servaient dans les temps primitifs à fixer les vaisseaux
loin du rivage.
La voilure et la l'orme des coques turent étudiées avec soin et établies
avec une grande précision.
Au xviif ^siècle, on commença à revêtir les carènes de feuilles de
cuivre pour les proléger contre l'action destructive des eaux et des
insectes. Les membrures furent peu à peu renforcées par des armatures
en ter.
En même temps, les calculs des astronomes permirent aux marins tic
suivre leur route sur les immensités de la mer et de se reconnaître loin
des côtes. La boussole, qui nous vient de l'extrême Orient, avait donné
aux pilotes le moyeu <lr suivre leur chemin, alors même que le ciel
leur dérobait la clarté des (Huiles.
Hue de courage, que de persévérance il a fallu aux navigateurs de
toutes les nations, pendant cette longue suite de siècles pour continuer,
entre les divers pays du monde, celte chaîne non interrompue de voyages,
d'échanges et de relations qui ont tant contribué à préparer le dévelop-
pement ,i la grandeur de notre civilisation actuelle!
P. VIAL. — LA NAVIGATION TRANSOCÉANIENNE î> /
Dès les premiers jours de notre marine, les embouchures de la
Seine, qui avaient vu passer autrefois les Hottes normandes et les expé-
ditions anglaises, étaienl désignées pour l'emplacement de l'un de nos
ports les plus importants. Le Havre fut créé et devint naturellement le
port de la capitale.
Tous nos souverains, depuis Charles IX et François Ier, vinrent le
visiter et se préoccupèrent d'assurer les relations maritimes de Paris.
A peine l'Amérique eut-elle été découverte que les marins normands,
déjà célèbres par leurs exploits dans les îles de l'Atlantique et dans la
Méditerranée, allèrent explorer les rivages du nouveau monde. Ils lais-
sèrentdes souvenirs impérissables dans toutes ces colonies florissantes que
nous avons perdues, mais qui garderont l'empreinte de notre génie
national.
Nos ports de l'Océan et de la Manche prirent alors une grande
extension et se virent appelés à un rôle considérable.
Tous les efforts de n ts ingénieurs et de nos marins se portèrent sur
le perfectionnement de nos navires. Ce n'est point dans cet aperçu
rapide que je pourrais mentionner toutes les transformations de noire
flotte marchande , les premiers encouragements qu'elle reçut de Riohelieu
et de Colbert, ni raconter l'existence glorieuse île nos vieux navires à
\oiles, qui tantôt taisaient la course contre les navires ennemis, tantôt
allaient trafiquer avec nos colonies.
Tour à tour guerriers ou marchands, nos marins surent illustrer leur
noble profession.
Nous nous faisons difficilement une idée aujourd'hui de ce qu'était
autrefois la vie maritime, des privations que supportaient alors gaie-
ment des hommes appartenant à la société la plus élégante et la plus
distinguée de notre pays.
Les bâtiments faisaient de longues campagnes, étaient rarement ravi-
taillés et réparés. On vivait littéralement en plein air. On ne faisait pas
de pain à bord, on mangeait du biscuit et des viandes salées. Ces vivres
étaient détestables au bout de peu de temps. Mais, chose plus pénible,
l'eau avait mauvais goût et elle était parcimonieusement distribuée. Les
boissons saines et fortifiantes, le thé et le café, dont les particuliers les
plus modestes connaissent l'emploi aujourd'hui, constituaient alors un
grand luxe et paraissaient rarement sur les vaisseaux.
En se reportant à cette situation, on comprend l'ivresse des premiers
navigateurs qui abordèrent aux îles de l'Océanie. Ils y éprouvèrent des
sensations que nos marins actuels ne connaîtront plus.
Un compagnon de l'amiral Dumont d'Urville me racontait qu'ayant
été plus prévoyant que ses camarades, il avait fait une bonne provision
de sucre blanc. Tous les soirs, dans l'océan Pacifique, les autres officiers
08 SÉANCES GÉNÉRALES
venaient passer la soirée avec lui. Il leur offrait pour rafraîchissement
un verre d'eau sucrée, chacun apportait sa ration d'eau et il leur donnait
généreusement un morceau de sucre. Telle était la simplicité de la vie
de bord, sur un navire amiral, il y a trente ans.
Mais un nouvel agent, une nouvelle puissance, la vapeur faisait son
apparition dans le inonde maritime.
Les navires à vapeur, dédaignés d'abord, furent employés primitive-
ment pour les courtes traversées ou pour la navigation tluviale. Quelques
bâtiments suis" importance et sans vitesse portaient, en prenant leur
temps, des voyageurs d'Angleterre en France, de Rouen au Havre, de
Châlon à Avignon par la Saône et le Rhône. Ils marchaient, malgré
les brises contraires et malgré le calme; c'était un grand progrès!
Précédemment, on avait navigué contre le calme et les petites brises,
au moyen de rames sur les galères et les trirèmes antiques, dont les
formes générales se rapprochaient un peu des proportions de nos
steamers. Leur longueur était de huit à dix fois leur largeur. On dit
également que les Carthaginois avaient essayé de diriger des navires
contre le vent, au moyen de roues latérales mises en mouvement par
des bœufs.
Les meilleurs navires à rames ne marchaient que 5 à 6 nœuds par
calme; ils n'avançaient pas contre une forte brise et dérivaient à l'aven-
ture sous l'effort de la tempête.
Leur navigation consistait à aller d'un cap à un autre, afin de pouvoir
se mettre à l'abri du gros vent et de la grosse mer.
Récemment encore, les petits navires de guerre, les bricks, les goélettes
et même les frégates de troisième rang avaient des avirons de galère et
pouvaient filer 3 nœuds, 5,555 mètres à l'heure, contre du calme.
Les navires de commerce d'une certaine grandeur ne pouvaient
employer ce moyen, qui exige des bras nombreux.
Quoique les moyens de transport fussent lents, coûteux et insuffisants,
l'Amérique s'était peuplée d'Européens; elle renfermait des richesses in-
calculables; un immense besoin de multiplier et d'activer nos relations
avec elle se faisait ressentir dans l'ancien monde, surtout en Angleterre.
Quand un besoin général, universel, se manifeste impérieusement, il
arrive souvent que l'on trouve à bref délai les moyens de le satisfaire.
En 1840, un homme d'énergie et d'initiative, un armateur anglais,
M. Cunard, eut l'audace d'expédier un premier paquebot à vapeur de
Liverpool pour l'Amérique, (l'était VUnicorn, capitaine Douglas, qui
appareilla le 16 mai pour Halifax et Boston, avec vingt-cinq passagers.
Ce petit navire ne continua pas ce service, et le Britannia, spécialement
construit pour les traversées transatlantiques, quitta Liverpool, pour la
première fois, le 4 juillet 1 Si(), avec soixante-trois passagers.
p. MAI.. — LA NAVIGATION TRANSOCÉANIENNE 89
Le Britannia jaugeait 1,200 tonnes, comme quelques-uns de nos char-
bonniers actuels.
La ligue Cunard eut successivement des navires de 1,800 tonnes, de
2,200 tonnes, comme YAsia et VAfrica, et de 3,600 tonnes comme le
Persia. La plupart <le ces bâtiments étaienl de bois et tous étaient à
roues. Le dernier construit dans ce système fut Le Scotia, en 1862, mais
il était en 1er.
Jusqu'à celte époque, on avait préféré les bâtiments à roues pour le
service des passagers.
Mais l'hélice, acceptée d'abord pour les navires de combat, fut mise
en essai sur plusieurs navires de commerce et adoptée pour la première
t'ois sur YAustralasian, par l'Amirauté anglaise, pour le transport des
dépêches.
Peu à peu les grandes Compagnies, après avoir eu tous leurs paquebots
à roues, leur substituèrent des navires ù hélice.
Aujourd'hui, notre Compagnie ne possède plus un seul navire à roues
sur ses grandes lignes.
Le dernier paquebot à roues, qui soit allé à New-York, est le Scotia,
de la ligne Cunard.
Au moment de la fondation de la ligne Cunard, le Havre était relié
à l'Amérique par plusieurs lignes de paquebots à voiles.
C'étaient des navires américains qui desservaient la ligne des États-
Unis, et des paquebots français qui faisaient des voyages réguliers entre
notre port et le Brésil, la Plata et les Antilles.
Tout le monde, ici, se souvient des beaux navires l'Achille, le Havre.
la France-et-Chili, le Carioca, le Saint-Pierre, la Reine-du-Monde, le
Pétropolis, la Normandie, V Union-des-Chargeurs, etc., etc.
En 1840, le gouvernement, voulant aider aux progrès de notre marine
marchande, avait fait construire quatre grands paquebots à roues pouvant
au besoin être utilisés comme frégates à vapeur par l'État.
Ces navires firent un petit nombre de voyages et eurent un certain
succès. Mais ils n'étaient pas assez rapides comme paquebots, et trop
faibles de construction pour porter des canons. Ils furent repris par
l'État en 1848 et servirent longtemps comme transports. Celait le.
Canada, le Darien, le Vauban et VOrénoque.
En 1849, les Américains mirent sur la ligne du Havre à New- York le
Franklin et le Humboldt, qui furent très-populaires. La découverte des
mines de Californie avait accru le mouvement entre l'ancien et le nouveau
monde. Tous les yeux étaient tournés vers l'Amérique, redevenue le pays
de l'or et des fortunes merveilleuses, Ces deux bâtiments se perdirent,
et leur service fut continué par le Fullon et YArugo.
Ils eurent pour concurrents de splendides steamers, armés par le
'» SÉANCES GÉNÉRALES
célèbre M. Vanderbilt : ['Ariel, le Vanderbilt, ['Océan Queen, ['Illinoù
et le North-Star.
Les constructeurs et les marins américains se signalaient par leur ini-
tiative heureuse et hardie.
Ils avaient perfectionné singulièrement la marine à voiles; ils avaient
armé des paquebots splendides; ils avaient donné à la navigation flu-
viale un développement inouï. Leurs bateaux de rivière sonl des modèli s
d'élégance e1 de grandeur. Ce .sont des palais flottants qui transportent
plusieurs centaines de passagers sur leurs beaux fleuves, avec fies vi-
tesses variant de li à 17 nœuds, 26 à 32 kilomètres à l'heure.
Les paquebots transatlantiques américains cessèrent leurs services pen-
dant la guerre de sécession. Lorsque la paix fui rétablie, celte indus-
trie était passée entre les mains des Anglais, des Français et des Alle-
mands.
En d8oo, après que les transports de la guerre de Crimée eurent pro-
voqué la construction d'un grand nombre de navires à vapeur, la Corn*
pagnie Gautier entreprit un service de correspondance entre le Havre et
les ports d'Amérique. Plusieurs voyages d'essai lurent effectués par les
beaux paquebots l'Aima, le Lyonnais, le Franc-Comtois, le Barcelone.
A la suite de ces tentatives, uuv Compagnie puissante, la Compagnie
générale maritime, devenue transatlantique, s'engagea à constituer une
Hotte suffisante pour desservir en même temps les Antilles et l'Amé-
rique du Nord.
Son contrat avec le gouvernement fut signé en INii-i. et, en 1864,
elle était en mesure de tenir ses engagements. Le premier départ fut
effectué par le Washington , commandé par M. Duchesne , le 15 juin
1864.
En 1865, son service mensuel sur New-York fut doublé; elle possédait
les plus beaux navires connus et avait toutes les préférences d'une
clientèle choisie.
Pendant nos dernières guerres, sa Hotte a prêté un concours important
pour le transport des troupes et du matériel du gouvernement français.
.Nous ne mentionnerions pas ces services si nous n'avions point à
cœur de rappeler, chaque fois que nous eu trouvons l'occasion, combien
la France, qui a des ports sur les trois mers les plus fréquentées du
globe, a besoin de maintenir une marine marchande puissante et pros-
père.
A ce sujet, devant un auditoire qui possède à fond la connaissance
des questions économiques, je crois pouvoir appeler votre attention sur
quelques anomalies qui ont provoqué des réclamations dans notre port.
\u besoin, je pense que nous trouverions chez vous plus d'un défen-
seur dévoué.
P. VIAL. -- LA NAVIGATION rRANSOCÉANIENNE 61
Parmi les obstacles qui peuvent ouire à la prospérité de notre marine
marchande, je citerai l'élévation des droits divers et des trais qui pèsent
sur les navires qui fréquentent le port du Havre. Ils sont plus forts que
ceux établis dans les ports étrangers.
Pour un voyage du Labrador, les droits de quai, de navigation, de
tonnage, de péage, sanitaire, etc., se sont élevés au port du Havre à la
somme de 9, "H IV. {Xi c, el de 3,238 IV. 60 c, à New-York. Si l'on
considère qu'aux États-Unis, l'argenl a moins de valeur qu'en France,
on voit que che/. nous les bâtiments sont imposés dans une proportion
six l'ois plus grande.
Lorsque notre Compagnie se tondait, personne n'aurait songé à pie-
voir 1rs charges qui allaient peser sur notre marine.
Elles ne l'ont point empêchée de s'associer à toutes les innovations
utiles. Elle a été soutenue dans celle voie par des esprits éminents dans
la science et dans l'industrie, elle a toujours clé la première à adopter
tout ce qui pouvait augmenter le bien-être et la sécurité des nombreux,
clients qui lui confient leurs fortunes et leurs existences.
De grands sacrilices lui furent imposés par l'obligation où elle s'est
trouvée, au bout de peu d'années, de transformer sa flotte en adoptant
l'hélice.
Elle a obtenu un premier succès en faisant débuter deux paquebots,
le Pereire et la Ville-de-Paris, qui sont élégants comme des yachts, so-
lides comme des frégates et rapides comme les meilleurs coureurs de
l'Océan. Sa flotte a été complétée par des navires plus grands, plus
vastes, comme la France, l'Amérique, le Labrador et le Canada, qui ré-
pondent à de nouveaux besoins de notre commerce, car le mouvement
entre les Étals-Unis et la France s'est modifié plusieurs fois.
Au lieu d'un petit nombre de voyageurs aisés et de quelques marchan-
dises de luxe, nous sommes amenés, comme tous nos concurrents, à
rechercher la quantité, beaucoup de passagers des classes moyennes, et
les vastes espaces qui ont servi à les loger reçoivent, au retour, les pro-
duits du sol américain. Nos grands navires peuvent porter 600 passa-
gers d'entrepont à l'aller, et ramener sur nos quais 3,000 tonnes de
marchandises : bois, lard, saindoux, huile, salaisons.
De nouvelles et nombreuses Compagnies se sont établies en Angleterre
et en Allemagne pour exploiter la mine si riche qui était ouverte à
toutes les marines. — Xous n'avons pas eu assez de fret et de passagers
pour tous ces navires, et la concurrence a amené récemment un grand
avilissement des prix de transport.
On a vu des marchandises qui étaient portées en Amérique, tous frais
payés, pour 3 ou 4 shillings, pas plus cher que. d'ici à Rouen ; des pas-
sagers ont été engagés au Havre pour New-York (via Liverpool) à
62 SÉANCI S GÉNÉRALES
oO francs. En défalquant les trais, il pouvait bien revenir 10 francs au
navire .
11 existe, aujourd'hui, vingt et une lignes de paquebots entre l'Eu-
rope et l'Amérique du .Nord, représentant une flotte de plus de 230 bâ-
timents, dont les plus forts jaugent 5,000 tonnes et ont des machines de
1,000 chevaux comme la France, et dont les moindres, ce sont les plus
rares, jaugent 1,200 tonnes.
Cette flotte représente bien 400,000 tonnes de jauge, une force de
machines de 100,000 chevaux, et pourrait facilement en une fois porter
150,000 passagers de l'autre côté de l'Océan.
A cinq voyages par bâtiment et par an, elle pourrait transporter d'un
rivage à l'autre 1,500,000 voyageurs et 4,000,000 de tonnes de mar-
chandises.
Ces chiffres sont loin d'être atteints, du moins quant au nombre des
passagers. Dans les années les plus prospères , on a transporté environ
400,000 passagers à New- York. Actuellement , ce nombre a été réduit
des deux tiers.
Espérons que les circonstances deviendront meilleures et que la
prospérité de nos sympathiques voisins d'Amérique offrira de nouveau
des perspectives sérieuses de fortune aux colonisateurs européens.
A côté de nos lignes transatlantiques, dont le matériel représente un
chiffre effrayant, près d'un milliard, dit-on, existent sur les divers océans
des lignes également prospères et actives, qui sur toutes les mers ont
engagé la même lutte pacifique.
Les unes, correspondant avec les nôtres, sillonnent l'océan Pacifique,
vont de San-Francisco à Yokohama en vingt-deux jours, et nous relient
avec les Messageries maritimes et la Compagnie péninsulaire, qui vont
par Suez, dans l'Inde et l'extrême Orient, se partager le trafic de ces
riches contrées.
D'autres Compagnies, partant de Panama, font notre correspondance
avec tous les points de l'Amérique occidentale. Deux autres lignes s'y
rendent directement par le détroit de Magellan , après avoir touché à la
Plata.
J'ai parlé des Messageries. Leur Hotte splendide ne le cède à aucune
autre, ni pour le nombre, ni pour les qualités des navires. Elles desser-
vent, avec une régularité ('gale à la nôtre, l'Inde, la Chine, le Japon,
le bassin de la Méditerranée, la Plata et le Brésil.
Plusieurs lignes françaises partagent avec elles le trafic de ces deux
pays. Parmi elles, nous mentionnerons la Compagnie des Chargeurs
réunis, dont les beaux steamers appartiennent à notre port et font le
plus grand honneur à nos constructeurs, à nos armateurs et à nos ma-
rins.
1>. VIAL. — LA NAVIGATION TRANSOCÉANIENNE 63
Quand on jette les veux sur une carte du globe, on voit que tous les
grands ports sont reliés entre eux par des lignes nombreuses et directes,
tracées a travers les océans comme des voies de chemins de fer.
Quels progrès, quels immenses changements se sont accomplis depuis
que Colomb a franchi l'Atlantique pour la première t'ois sur une mo-
deste caravelle de 100 tonneaux !
Mon cadre n'est pas assez étendu pour embrasser dans tous ses dé-
tails cet immense réseau si coûteux, mais si utile, si nécessaire à l'hu-
manité.
Permettez-moi de terminer par quelques renseignements plus précis
sur notre flotte, dont quelques-uns des plus beaux navires sont pré-
sents au Havre.
Ceux des autres Compagnies sont à peu près semblables.
Les plus grands, comme la France, ont 12o mètres de long; nous eu
avons trois pareils; les machines sont de DUO chevaux et développent
habituellement une force moyenne de 5,000 chevaux, en consommant
de 60 à 80 tonnes de charbon par jour.
Tous possèdent des sirèues à vapeur, instruments puissants, mais peu
harmonieux, qui servent par les temps de brume à signaler leur appro-
che. Nous sommes encore les seuls qui ayons adopté celte utile inven-
tion.
Deux navires, la France et l'Amérique, ont à l'avant des feux élec-
triques qui servent à les l'aire voir de loin par des nuits obscures.
Cette innovation est l'objet d'une étude approfondie, qui est poursuivie
avec le plus grand soin.
Nos grands paquebots, tout chargés, pèsent de 0 à 7,000 tonnes , ils
ont 140 hommes d'équipage et peuvent loger à l'aise 800 passagers.
On se représente difficilement ces masses énormes, contenant la popu-
lation d'un grand village, des vivres pour deux mois, des marchandises
pour une valeur de plusieurs millions et se mouvant sur l'Océan avec
une vitesse de 13 à 15 milles, 24 à 28 kilomètres à l'heure.
Ces machines monstrueuses, que n'arrêtent ni les vents , ni les vagues,
ni les brumes , ni les ombres jie la nuit, arrivent à date fixe dans le
port, rapportant à ceux qui les attendent avec anxiété des nouvelles des
amis ou des parents bien-aimés.
Quelles scènes touchantes ont lieu sur nos quais et sur nos jetées
lorsqu'on a pu reconnaître à bord du bâtiment qui rentre le visage d'un
parent ou d'un ami !
Ceux-là seuls qui ont connu les déchirements des longues sépara-
tions peuvent apprécier le charme de ces moments si rares dans la vie
humaine !
Et pendant le voyage à bord, quel ordre, quel calme régnent parmi
l'ii SÉANCES GÉNÉRALES
ces populations de voyageurs qui sont isolés du reste du monde dans
un espace si restreint!
Les marins aiment et respectent leurs vaillants capitaines; les liens
étroits du devoir et de l'affection résultant d'uue responsabilité com-
mune, d'une confiance et d'une estime réciproques, unissent les officiers
à leurs matelots.
Au bout de quelques heures de séjour à bord, les passagers se sentent
gagnés par l'influence qui rayonne de ces âmes fortement trempées
qu'aucun péril ne saurait émouvoir.
Alors commence celle existence intime du bord, toute de rêverie,
d'études et de causeries intimes; les rivalités mondaines se sont effacées,
on se sent solidaires les uns des autres, on ne forme plus qu'une grande
famille dont tous les membres ont les mêmes désirs, craignent les mêmes
dangers, et l'on s'unit franchement pour combattre le plus menaçant
de tous, l'ennui, qui pourrait se glisser au milieu d'une vie trop mono-
tone et trop facile.
On a alors de bonnes causeries, en contemplant les spectacles si variés
qu'offre sans cesse l'horizon de la mer; il est bien rare que des dis-
tractions imprévues ne viennent point rompre l'uniformité de l'existence
commune ; au moment d'arriver, de renoncer aux habitudes qui com-
mençaient à l'envahir, plus d'un passager soupire avec effroi en son-
geant aux soucis qui peuvent l'attendre sur le rivage.
Je vous ai parlé avec joie, trop longuement peut-être, de nos paque-
bots, des navires du port. Ce sont pour nous des amis, des intruments
dociles et dévoués, que nous aimons comme les êtres les plus chers.
Vous dirai-je quelles inquiétudes nous assaillent quelquefois lorsque
l'un d'eux est en retard, quels tourments nous avons ressentis dans cette
ville lorsqu'un bâtiment a couru quelque danger ! et notre joie , notre
bonheur, lorsqu'il est entré dans nos jetées par un beau soleil, tous ses
pavillons déployés!
Un nombreux personnel, comptant environ 3,000 individus, collabore
avec nous et partage nos émotions. Un tiers de ces hommes sont
d'anciens serviteurs de la Compagnie et vivent sur ces bâtiments depuis
plusieurs années.
Je ne saurais rendre leur esprit de courageux dévouement, le zèle
avec lequel chacun d'eux se consacrée ses modestes et laborieuses fonc-
tions.
Xos paquebots de la ligne de .New-York fonl de six à huit voyages
par an chacun, soit 25,720 milles, ou 8,540 lieues marines dans l'an-
née, ou plutôt encore 47,440 kilomètres. Ce serait 130 kilomètres par
jour, s'ils marchaient toute l'année d'une vitesse égale.
En réalité, ils doivent effectuer leur voyage avec une vitesse minimum
p. MAI.. — i.\ NAVIGATION rRANSOCÉANIENNE 65
de 11 nœuds 5, et ils donnent une moyenne variant de 12 à 15 nœuds
à l'heure, "2-2 à 2o kilomètres à l'heure, suivant les circonstances.
Tout un personnel d'ouvriers, organisés en ateliers sous la direction
de nos habiles ingénieurs, est occupé a Saint-Nazaire et au Havre à
l'entretien de nos navires. Leur nombre varie suivant nos besoins et
dépasse rarement six cents. Beaucoup d'entre eux ont commencé par
naviguer à bord dans le service des machines. A l'arrivée au port de
chaque paquebot, nos ouvriers aident les équipages à démonter, visiter
et réparer tous nos appareils, tous les organes de la machine, ('/est un
gros travail qui réclame des soins minutieux.
En outre de nos ouvriers, nous avons les employés de nos agences,
les gardiens, les commis, les gardes-magasins. Les uns accomplissent
un travail régulier et identique tous les jours, les autres ont un coup
de feu de temps en temps à chaque arrivée ou expédition de navire.
Ils travaillent jour et nuit pour que tout soit en règle , pour que
outes les marchandises soient bien embarquées et enregistrées; lorsque la
besogne est finie, ils tombent de sommeil et restent vingt-quatre heures
sans reparaître.
Enfin, à Paris, toute notre administration, tous nos services sont cen-
tralisés. C'est de là que part l'impulsion donnée à cette grande Compa-
gnie qui embrasse par ses agences tout notre pays, tous les ports de
l'Amérique du Nord, de l'Amérique centrale et des Antilles, et par ses
correspondants, la plupart des grandes places de commerce du monde.
Elle est une des grandes entreprises de notre époque.
Elle fait le plus grand honneur à ceux qui l'ont conçue, à ceux qui
l'ont organisée et aux hommes éminents qui la dirigent encore avec
toute l'autorité de leur savoir et de leur expérience.
Je vous rappellerai qu'à côté de nos grandes Compagnies de steamers,
nos ports possèdent un grand matériel de navires à voiles, qui effec-
tuent des voyages réguliers entre nos côtes et les ports étrangers.
Les navires à vapeur leur ont enlevé la plupart de leurs passagers et
certaines catégories de marchandises; mais ils ont conservé le fret lourd,
encombrant et de peu de valeur, qui ne pourrait supporter de grands
frais de transport. Ils répondent à des besoins sérieux, leur rôle est loin
d'être terminé, et longtemps encore ils nous rappelleront les grands
souvenirs de notre vieille marine.
En terminant cet exposé bien rapide et bien incomplet de l'une des
branches de notre industrie maritime, permettez-moi, messieurs, de
vous exprimer mon opinion personnelle sur ses destinées et sur sou
avenir.
Oui, la marine a beaucoup souffert à la suite des changements impie -
vus et rapides qui l'ont affectée si profondément, Elle a besoin d'en-
66 SÉANCES GÉNÉRALES
couragements et de secours qui, j'en suis convaincu, ne lui manque-
ront pas.
Elle jouit d'une vitalité incontestable; elle renferme de précieux élé-
ments de prospérité ; elle reprendra certainement le rôle qui lui appar-
tient dans nos ports, lorsqu'elle sera placée vis-à-vis de ses concurrents
sur le pied d'une équitable réciprocité, lorsque ses charges ne seront
pas plus fortes que les leurs.
Elle est d'autant plus assurée des sympathies de la nation, que la
population qui s'adonne au périlleux métier de la mer représente au
plus haut degré le travail laborieux et dévoué, les idées d'ordre, d'éco-
nomie et de devoir, tous ces sentiments que vous aimez et auxquels
vous avez bien voulu vous associer en venant passer quelques jours au
milieu de nous.
Nous vous répéterons donc que les marins doivent beaucoup à la
science, qu'ils aiment les savants et qu'ils leur demandent la réciprocité.
SÉANCE GÉNÉRALE
Du 29 août 1877.
Présidence de M. BROCA
Dans cette séance, MM. Cotteau et Biard ont pris la parole et présenté les
communications suivantes.
M. COTTEAU
Ancien président de la Société géologique de France.
L'EXPOSITION GÉOLOGIQUE ET PALÉONTOLOGIQUE DU HAVRE.
Je veux vous entretenir quelques instants de la belle exposition géo-
logique et paléontologique que vous avez tous visitée à l'ancien Palais-
de-Justice.
Spéciale aux cinq départements compris dans l'ancienne province de
Normandie, cette exposition, admirablement installée, classée avec beau-
coup de méthode et de savoir, est due à l'initiative de la Société
COTTBAU. — L'EXPOSITION GÉOLOGIQUE DU HAVllE 07
géologique de Normandie ; elle a été organisée en quelques mois. Grâce
au zèle et à l'activité des hommes dévoués qui ont accepté cette tâche
difficile, grâce également au concours de tous les collectionneurs de
Normandie, elle présente un ensemble vraiment remarquable et cons-
titue un des plus grands attraits du Congrès.
La Normandie, par la disposition de son sol, par la variété de ses
terrains si riches en fossiles, se prêtait merveilleusement à une Expo-
sition de cette nature. En quelques heures, le géologue peut parcourir
la série presque complète des terrains qui forment l'écorce du globe,
depuis le granité qui sert de base aux dépôts sédimentaires jusqu'au
terrain quaternaire et actuel, en passant par presque tous les étages
intermédiaires.
N'était-ce pas une bonne fortune pour le géologue venu d'autres
pays, aussi bien que pour le géologue normand, de pouvoir étudier
dans leur ensemble et réunis dans les mêmes salles, les tossiles prove-
nant des localités classiques de Baveux, de Luc, de Langrune, de Ran-
ville, de Dives, de Villers-sur-Mer, de Trouville, du cap de la Hève,
de Fécamp, etc., et d'avoir sous les yeux le résultat de milliers d'ex-
cursions faites au pied de ces magnifiques falaises qui bordent les côtes
de la Normandie et qui, sans cesse rongées et démantelées par les Ilots,
fournissent aux chercheurs intrépides une mine inépuisable et sans cesse
renouvelée.
J'ai passé de longues heures à examiner cette splendide collection et
je vous demande la permission de vous signaler brièvement, autant que
le permet le cadre de ce rapport, les objets les plus précieux et les sé-
ries qui m'ont paru les plus complètes.
Je suivrai l'ordre stratigraphique, adopté du reste dans l'exposition.
Ce sont d'abord au dessus du granité les grès de l'étage cambrien, schis-
tes des environs de Cherbourg, dans lesquels la vie organique se mani-
feste pour la première fois et sous des formes encore bien rudimentaires
et bien indécises.
C'est ensuite la série des terrains paléozoïques, les étages silurien el
devonien avec leurs Trilobites, crustacés étranges, bien différents de
ceux que nous connaissons aujourd'hui et qui renferment en outre des
céphalopodes, des brachiopodes aux espèces variées, et des polypiers :
le terrain carbonifère, représenté par des empreintes végétales essen-
tiellement caractéristiques et qui ne peuvent laisser aucun doute sur les
affleurements de ce terrain dans la contrée.
La formation jurassique se développe ensuite :
A la base, c'est l'infralias de Valognes, avec ses cardinies, ses limes,
ses peignes. C'est le lias supérieur avec la série des Ammonites, des
gastéropodes et des brachiopodes qui le caractérisent ; signalons dans
68 SÉANCES GÉNÉRALES
cet étage une des concrétions calcaires connues sous le nom de miches,
provenant de la carrière de la Caine qui présente au milieu un cépha-
lopode voisin des Seiches, du genre Loligo, muni encore de son rostre
et de sa poche à encre.
Au-dessus, c'est l'étage bajocien avec les nombreux fossiles de Bayeux
et de Sully, si admirablement conservés ; la série est fort belle : les
gastéropodes, surtout les pleurotomaires, se font remarquer par leur
nombre, leur beauté, la richesse et la variété de leurs ornements.
L'étage bathonien qui le surmonte ne le cède en rien pour le nom-
bre et la belle conservation des échantillons : les riches localités de
Lue et de Langrune ont fourni presque toutes leurs espèces, et notam-
ment une importante série d'échinides, provenant en grande partie de
la collection de M. Meurdra, et parmi laquelle je citerai le C. Blain-
villei, espèce fort rare représentée par un exemplaire de petite taille,
mais complet et parfaitement conservé. Notons également dans cet étage
de beaux exemplaires de Patelles et d'élégants bryozoaires.
L'étage oxfordien qui lui succède est plus pauvre en échinides, mais
beaucoup plus riche en céphalopodes. Les Ammonites Lamberti, Jason,
Duncani, athleta, perarmatus et beaucoup [d'autres, abondent et sédui-
sent les yeux par leur aspect pyriteux, métallique et souvent irisé.
Notons un magnifique exemplaire du Belemnites hastatus, appartenant
à la collection Meurdra. Signalons également dans cet étage des crus-
tacés intéressants du genre Eryma, des dents et des vertèbres d'Ichthyo-
saures.
L'étage coralien vient ensuite, et nous y trouvons une belle série
d'échinides provenant de Trouville et de Bénerville, parmi lesquels le
Pygaster Gresslyi, très-rare partout ailleurs, le Pygaster umbrella, le
Cidaris florigemma, l'Hemicidaris crenularis, types classiques du corallien,
l'Acrosalenia décora ta que la forme et la disposition de ses tubercules
rendent si gracieux, un exemplaire admirablement conservé du Pseu-
dodiadema hemisphericum. N'oublions pas, dans la série corallienne,
la localité de Glos, qui a fourni à l'Exposition ses belles trigonies aussi
nettement dégagées que des coquilles tertiaires et toutes les précieuses
espèces de petits gastéropodes, de Corbules, d'Astartes, etc., qui accom-
pagnent les Trigonies.
Au-dessus du corallien se montrent les couches puissantes du Kini-
meridge, et la série exposée est certainement la plus riche et la plus
complète qui existe au monde. Partout où il a été observé, l'étage
kimmeridgien ne présente ordinairement qu'un nombre restreint d'es-
pèces, presque toutes à l'état de moules intérieurs et, par cela même,
souvent difficiles à déterminer. Ici, tout est admirable: la plupart des
coquilles, les acéphales aussi bien que les gastéropodes, sont revêtues
COTTEAU. — L'EXPOSITION GÉOLOGIQUE DU HAVRE 69
de leur test et d'une conservation qui ne laisse absolument rien à
désirer. La série des échinides, avec ses magnifiques exemplaires de
Rhabdocidaris Orbignyana au nombre de plus de trente, de Cidaris
Poucheti, d'flemicidaris aux espèces variées, de Stomechinus semi-pla-
centa, de Pygaster, d'Holectypus et de Pygurus, attire surtout les yeux,
et je vous avoue que lorsque je suis arrêté devant cette superbe vitrine,
je m'en arrache bien difficilement, que d'espèces rares et précieuses
dans la série des mollusques! Uue de types nouveaux, et combien il
serait à désirer que la Société géologique de Normandie, comme elle
en a conçu le projet, pût en faire l'objet d'une publication spéciale et
nous laisser ainsi un souvenir plus durable encore de cette Exposition !
Indépendamment des mollusques nombreux, on remarque dans les
vitrines des débris de poissons très-abondants, des dents, des palais,
des rayons dorsaux aux espèces variées, et, notamment, un Lepidotus,
le Lepidotus laevis complet. Les ossements de reptiles sont plus abon-
dants encore el remplissent plusieurs vitrines ; un grand nombre de
têtes et de mâchoires encore munies de leurs dents triangulaires et
acérées se font remarquer par leur forme bizarre et leurs dimensions
colossales. On est arrivé à force de recherches et de patience à recons-
tituer ces êtres étranges, ces sauriens gigantesques qui, pendant la
durée de la période jurassique, ont établi leur redoutable souveraineté
dans toutes les mers qui couvraient la .Normandie; ils paraissent avoir
atteint le maximum de leur développement à l'époque kimmeridgienne.
Le Polyptychodon, à en juger par les débris qui figurent à l'Exposition,
et notamment parle membre antérieur (ou main) presque complet, exposé
par M. Chesnel, et rapproché de la mâchoire inférieure et du fémur
gigantesque qui sont au 31 usée, devait dépasser quinze mètres.
L'étage portlandien, peu développé en Normandie, fournit les espèces
caractéristiques, Hemicidaris Holïmanni, Echinobrissus Brodiei, Trigônia
gibbosa et l'Ammonites gigas aux énormes proportions et qui occupe,
autour du bassin de Paris, un si vaste horizon.
Le terrain crétacé n'est pas moins intéressant que le terrain juras-
sique. Le terrain néocomien n'existe pas en Normandie, il est représenté
par les sables ferrugineux de la Hève et du pays de Bray, qui renfer-
ment de précieuses empreintes végétales, des troncs de cycadées, des
fruits de conifères, analogues, ou à peu près, à ceux qui ont été ren-
contrés sur d'autres points de la France, dans la Haute-Marne, par
exemple, et qui prouvent, ainsi que l'indique M. le comte de Saporta
dans sa très-remarquable conférence, qu'au commencement de la période
crétacée, les terres émergées étaient couvertes d'arbres verts voisins des
Abies et croissant en même temps que des cycadées sur les bords des
bassins d'eau douce.
70 SÉANCES GÉNÉRALES
L'étage aptien, dont certains affleurements seulement ont été constatés
en Normandie, présente quelques fossiles caractéristiques ot notamment
l'Ostrea aquila ; au même niveau a été recueillie une tête d'un croco-
dilien probablement nouveau.
L'étage albien est beaucoup plus riche en fossiles, et nous retrouvons
une intéressante série d'échinides au milieu desquels se distinguent de
magnifiques exemplaires des Holaster bicarinatus, latissimus et même
suborbicularis, présentant encore adhérents au test leurs radioles
iins et délicats comme des soies. Remarquons en passant que plusieurs
des échinides recueillis à ce niveau, Holaster suborbicularis, Epiaster
distinctus et crassissimus, etc., se retrouvent dans l'étage cénomanien
et établissent entre les deux étages, dans cette partie de la France, un
lien patéontologique qu'on ne saurait contester. Les mollusques, les
gastéropodes, les céphalopodes surtout, sont plus caractéristiques. Les
Ammonit:s inflatus, splendens, etc., ne peuvent laisser de doute sur la
place que l'étage occupe dans la série.
L'étage cénomanien remplit plusieurs salles : pour le nombre et la
beauté des fossiles je ne puis le comparer qu'à l'étage kimmeridgien.
Je ne crois pas qu'il existe ailleurs un ensemble cénomanien plus com-
plet et représenté par des exemplaires plus parfaits. J'ai examiné plus
spécialement les échinides : la série régionale m'a paru à peu près com-
plète ; de toutes ces jolies espèces de Pseudodiadema, de Glyphocyphus,
de Cottaldia, de Peltastes, de Salenia, de Goniophorus, aucune ne man-
que à l'appel, et toutes, sauf de très-rares exceptions, m'ont paru par-
faitement nommées. Je citerai parmi les espèces les plus rares, le
Cidaris Dixoni, et le Pseudodiadema Normania\ Parmi les mollusques,
que d'objets précieux, quelles belles séries de brachiopodes, quels beaux
exemplaires d'Ostrea carinata, de Pinna Dehayesi, de Peignes, de Limes,
de Turrilites, de Scaphites et d'Ammonites !
Les étages qui viennent au-dessus, turonien, sénonien et danien ont
fourni un nombre d'échantillons plus restreint, mais ils n'en offrent
pas moins un grand intérêt, parce qu'ils complètent la série crétacée
et que chacun nous montre les fossiles les plus caractéristiques.
Les terrains tertiaires sont représentés par des fossiles du Gotentin,
de l'Eure et des confins de la Normandie. Les sables et grès du phare
d'Ailly, près Dieppe, ont fourni de beaux exemplaires de l'Ostrea Bel-
lovacina.
Le terrain quaternaire nous olFre ses ossements habituels et caracté-
tisliques, des débris d'éléphant, de rhinocéros, de cerf, de cheval et de
bœuf; des fragments de côtes de baleine ont été recueillis dans la pres-
qu'île de Jumiéges.
La série patéontologique est complétée par deux collections parti eu-
COTTEAU. — L'EXPOSITION GÉOLOGIQUE Dr HAVRE 71
lières, qui n'ont point été confondues avec les autres. Je citerai notam-
ment la collection d'Échinides Normands de M. Bucaille, série très-
oombreuse, très-intéressante, renfermant un grand nombre de types
rares el d'autant plus précieux qu'ils onl été décrits dans le remarquable
travail que l'auteur a publié dans le Bulletin de la Société géologique
de Sormandie, sur les Oursins crétacés de la région. M. Bucaille a
exposé, en outre, une série de Brachiopodes très-digne d'être signalée.
Deux salles sont en grande partie consacrées à l'exposition de roches
de tous les terrains de la Normandie, depuis le granité jusqu'à l'époque
actuelle. Ces roches, exposées par la Société géologique, dont elles sont
la propriété, complètent les séries paléontologiques.
Le temps me presse ; cependant avant de descendre dans les salles
de l'Exposition préhistorique, je voudrais vous dire quelques mots de
toutes les cartes, des plans, dessins, photographies, sondages qui entou-
rent les salles que nous venons de parcourir. Je me bornerai à men-
tionner la grande carte géologique de la Normandie, de M. Lennier,
dont nous n'avons encore qu'un essai, mais qui, si elle peut être mis.*
complètement à exécution, grâce aux encouragements des Conseils gé-
néraux, sera un véritable monument pour la géologie de la .Normandie.
Mentionnons encore de M. Lennier sa coupe géologique de Villerville
au cap la Hève, et son plan géologique en relief de l'embouchure de
la Seine, travaux considérables et qui t'ont le plus grand honneur à
leur auteur. Citons également les deux cartes géologiques bien connues
des départements de l'Eure et de 'a Seine-Inférieure, par M. Antoine
Passy; les cartes, les tableaux, les coupes et les sondages de M. Rol-
land-Banès, relatifs à la recherche si utile de la houille en Normandie;
la carte géologique du Perche, par M. Bizet ; celle du canton de Dom-
front, par M. Letellier, et dans une vitrine spéciale, les nombreux
ouvrages de M. Eugène Deslongchamps, et notamment les deux pre-
mières livraisons de son Jura normand, œuvre colossale, destinée à
faire connaître successivement les stations fossilifères jurassiques les plus
intéressantes de la Normandie.
Au rez-de-chaussée, à droite en entrant, deux salles renferment les
objets préhistoriques recueillis en Normandie et nous montrent que,
sous ce rapport, la région qui nous occupe ne le cède en rien aux
autres parties de la France et que, dès l'époque quaternaire, elle était
habitée par des hommes qui ont laissé dans les couches du sol les dé-
bris de leur industrie.
Parmi les silex les plus anciens et certainement quaternaires, nous
citerons des haches aux formes lancéolées exposées par le musée de
Rouen et recueillies dans la station de Sotteville-lès-Rouen et de Fou-
carmont, au sein du terrain quaternaire et du Lœss. Je signalerai éga-
74 SÉANCES GÉNÉRALES
lement de très-belles haches taillées à grands éclats, la plupart de
forme lancéolée, trouvées par M. Costard, à Olendon, près Falaise. Dans
cette même station d'Olendon, se rencontrent un grand nombre de
haches de l'époque néolithique destinées à être polies, et qu'il est
toujours facile, suivant M. de Mortillet, de distinguer des haches qua-
ternaires, à leur forme plus étroite, plus allongée, plus épaisse et sur-
tout à l'absence de patine.
L'une de ces haches, à moitié polie et à l'état de fragment, présente
un trou subcirculaire creusé à l'aide d'un silex ; les pièces de cette
nature sont excessivement rares en France.
Les silex de l'époque néolithique ou de la pierre polie sont plus
abondants, — les deux centres de fabrication qui paraissent les plus
importants sont: 1° celui des Marettes, près Londinières, découvert par
M. Cahingt. Les silex qu'on y a recueillis se comptent par milliers, et
se composent en grande partie de haches destinées à être polies. La
seconde station est celle de Lammerville, près Bacqueville, arrondisse-
ment de Dieppe. Là également il existait un centre important de fabri-
cation, mais les haches sont moins fréquentes, et ce qui domine ce sont
les grattoirs, les couteaux, les perçoirs, les marteaux qui servaient sans
doute à l'écrasement du grain. Beaucoup d'autres silex plus ou moins
polis, trouvés isolément ou dans des stations moins importantes com-
plètent la série et forment, au point de vue préhistorique, un ensemble
très-remarquable.
Une vitrine tout entière est occupée par les ossements de cerfs, de
bœufs, de chevaux, de moutons, trouvés dans les tourbières relativement
récentes de l'embouchure de la Seine.
Une carte, fort intéressante, indiquant les stations paléolithiques et
néolithiques signalées jusqu'ici en Normandie, des dessins parfaitement
exécutés, représentant d'une manière très-pittoresque les dolmens, les
menhirs, les allées couvertes, dus à M. Bourdet, aussi savant archéo-
logue qu'habile dessinateur, couvrent les murs des deux salles préhis-
toriques.
En face, à gauche, s'ouvre la salle de la géologie appliquée. Cette
collection, qui n'est ni la moins intéressante, ni la moins utile, renferme
les minerais de fer trouvés en Normandie, les pierres de construction
et de pavage, les pierres à chaux, les pierres à meules et à repasser,
les pierres lithographiques, les terres à (tôlerie, les terres employées à
la fabrication des produits céramiques, avec des spécimens de fabrica-
tion à l'appui, les eaux minérales, les roches exploitées comme amen-
dements pour les terres, etc., les phosphates de chaux, les engrais
minéraux, etc., etc.
Cette série de matériaux utiles nous démontre une fois de plus l'im-
B1AIU».
VOYAGES D'ETUDES AUTOUR DU MOND1 73
portance el l'intérêt de la géologie, et combien cette science a des rap-
ports étroits et constants avec le développement et les progrès de l'in-
dustrie et Me l'agriculture.
J'oubliais de signaler les cinq grands tableaux paléontologiques qui
ornent l'escalier de l'Exposition. Peints avec beaucoup de verve et de
talent, par M. Noury, ils représentent, suivant les données actuelles de
la science, des scènes et des paysages de l'ancien inonde. Peut-être
paraîtront-ils uu peu fantaisistes aux géologues, mais il ne faut pas
oublier qu'une Exposition est faite pour tous, et qu'avant de s'adresser
à l'esprit, il est souvent nécessaire de parler aux yeux.
M. Georges BIAftD
] ieutenont de vaisseau, directeur de la Société des voyages d'études autour du monde
LA SOCIÉTÉ DES VOYAGES D ÉTUDES AUTOUR DU MONDE.
Messieurs,
On s'occupe beaucoup de répandre l'instruction élémentaire dans les
classes inférieures, et les esprits les plus distingués de notre époque
étudient cette importante question. Ils ne sauraient, assurément, s'ap-
pliquer à une tàcbe plus noble ni plus utile, car c'est peut-être de la
solution de ce problème difficile de l'enseignement primaire que dépend
la stabilité des sociétés modernes. Cependant, le mode d'instruction des
classes supérieures a son importance aussi. Sans doute, de grands pro-
grès ont été réalisés dans celte voie ; mais, s'il était vrai que l'éducation
classique ne comportât pas tous les éléments d'une instruction complète,
bien en harmonie avec le mouvement actuel des idées, et s'inspirant
des besoins mêmes du pays, on viendrait alors à se demander s'il n'y
aurait pas quelque chose à faire pour l'amélioration intellectuelle des
classes élevées.
Or, ce que l'éducation classique ne donne pas, ou ne donne que bien
imparfaitement, c'est une certaine virilité d'intelligence qui amène les
réflexions des jeunes gens à se porter vers ce qu'on appelle « les choses
sérieuses » ; l'éducation classique orne l'esprit plus qu'elle ne le forme,
elle ne fournit pas la transition nécessaire entre la préparation à la vie
et la vie elle-même.
Il faudrait donc créer un complément d'instruction qui fût cette tran-
i4 SÉANCES GÉNÉRALES
sition, et, dans notre pensée, ce complément doit être un grand voyage
intelligemment accompli.
Une Société .s'est formée récemment pour l'organisation de ces voya-
ges instructifs. Elle se propose d'exécuter chaque année un voyage au-
tour du monde et a pris en conséquence la dénomination de Société
des Voyages d'études autour du monde. L'initiative de sa constitution
appartient à un groupe de fondateurs, parmi lesquels un certain nombre
de personnes d'une haute notoriété ont puissamment contribué à faire
considérer cette tentative comme ayant un caractère tout à fait sérieux.
Il suffit, en effet, pour affirmer ce caractère, de citer comme promoteurs
de l'entreprise, MM. Ferdinand de Lesseps, Dupuy de Lôme, Hipp. Passy,
le vice-amiral de la Roncière, Alex. Lavalley et Em. Levasseur, que
nous avons l'honneur d'avoir comme président de notre section de géo-
graphie pour cette session, et que la Société des voyages d'études
s'honore d'avoir à la tête de son Conseil d'administration.
Notre œuvre n'est pas, à proprement parler, une œuvre scientifique,
mais plutôt une vulgarisation scientifique. A ce titre, elle n'intéresse
peut-être qu'indirectement l'Association française pour l'avancement
des sciences; cependant, il nous a paru que les conséquences de sa
création pouvaient être considérables, même au seul point de vue de la
science : c'est ce qui nous a engagé à vous en entretenir.
Il nous faut remarquer, d'ailleurs, que les œuvres de vulgarisation
prennent à notre époque une place de plus en plus grande. Jamais l'art
de mettre la science à la portée des gens du monde n'a été plus cultivé
qu'aujourd'hui. Peut-être cette tendance a-t-elle parfois quelques incon-
vénients ; cependant ses bienfaits sont tels que tous les esprits éclairés
sont assurément d'accord pour l'encourager. C'est à cet égard qu'on
pourrait, en mutilant un mot célèbre, dire : « Apprenez toujours, il en
restera bien quelque chose. »
Vous avez saisi, messieurs, quel est l'objet de nos efforts, quelle est
la pensée qui a conduit à la formation de notre Société.
J'exposerai maintenant d'une manière sommaire le programme d'exé-
cution de nos voyages, et, pour fixer les idées, de celui que nous nous
proposons d'entreprendre en 1878.
Un bâtiment, du type de ces paquebots à grande vitesse qui sillon-
nent aujourd'hui toutes les mers du globe, sera armé spécialement pour
être prêt à partir le 15 juin, c'est-à-dire six semaines après l'ouverture
de l'Exposition universelle. Il aura été pourvu d'un matériel complet
d'instruction, sous forme de livres, cartes, vues, instruments, etc., et
des professeurs spéciaux, chargés de cours ou de conférences, auront été
embarqués.
De Marseille il se rendra à Gibraltar, puis à Madère et à Dakar ; à
G. BIAIU). — VOYAGES u'kiudes AUTOUR l)L MONDE 75
partir de ce point, poursuivant sa route; vois le sud, il se rendra au
Brésil et à la Plata, franchira le détroit'de Magellan, relâchera au Chili,
au Pérou, à Panama, et remontera jusqu'à San Francisco. Après une
longue relâche dans ce dernier port, il traversera l'océan Pacifique
dans sa plus grande largeur, et abordera eu Australie, ayant visité sur
sa route les îles Sandwich, l'Archipel Fidgi et la Nouvelle-Zélande; de
Melbourne, il se rendra à Sydney, à la Nouvelle-Calédonie, puis au
Japon: il verra alors Yokohama, Osaka, la mer Intérieure; de là, des-
cendant dans les mers de Chine, il s'arrêtera à Shang-Haï, Hong-Kong,
Batavia. La route de retour est toute tracée : par Singapore et le dé-
troit de Malacca, il atteindra Calcutta, fera le tour de la péninsule
Indienne, relâchant à Madras, Pointe-de-Galle et Bombay, enfin reviendra
à Marseille par Aden, la nier Rouge, le canal de Suez, Alexandrie et
Naples.
Du lo juin 1878 au 1S mai 1 sTi*, près de quatorze mille lieues au-
ront été parcourues. Cinq mois auront été employés par le navire en
relâches dans les points les plus remarquables du monde entier.
Quant aux voyageurs, profitant des grandes excursions organisées par
la Société, lesquelles permettent de quitter le bâtiment en un point pour
le reprendre plus loin, comme en Amérique, dans l'Inde et l'Egypte, ils
auront passé environ six mois et demi à terre sur un voyage de moins
de onze mois.
La Société n'admet qu'une seule classe de voyageurs. Cependant, les
prix de passage ne sauraient être les mêmes pour ceux qui désirent
jouir seuls de leur chambre, et ceux qui consentent à la partager avec
un ami ou compagnon qu'ils ont agréé. Il ne faut pas perdre de vue
que ces chambres sont presque toutes disposées pour recevoir à l'habi-
tude quatre passagers de lre classe, et par conséquent sont parfaitement
confortables pour deux personnes.
Les prix ont été fixés à 23,000 francs pour les voyageurs retenant
une chambre pour eux seuls, et 17,000 francs pour ceux qui partagent
leur cabine. Un petit nombre de chambres plus grandes encore peuvent
être exceptionnellement occupées par trois personnes, et dans ce cas le
prix est de 14,000 francs par voyageur.
Dans ces conditions, la Société prend à sa charge toutes les dépenses
du voyage, à l'exception de celles qui ont un caractère personnel, et
dans le détail desquelles elle ne pourrait entrer.
Pour que le voyage soit exécuté dans de bonnes conditions, il est
nécessaire de réunir un minimum d'environ trente personnes; quant au
maximum, il est surtout imposé par des conditions, pour ainsi dire mo-
rales. La Société pourrait tenir ses engagements en embarquant jusqu'à
une centaine de passagers, mais notre Conseil est d'avis que le chiffre
76 SÉANCES GÉNÉRALES
de 70 ne saurait être sensiblement Mépassé sans qu'il en résultat certains
inconvénients.
Bien que neuf mois nous séparent encore de l'époque du départ et
que nos prospectus, pour cette année, soient encore sous presse, la tête
de liste de nos voyageurs est déjà formée, et nous avons lieu de croire
que, sous l'action d'une publicité suffisamment étendue, un nombre assez
considérable d'adhésions nous parviendra prochainement.
Ayant constitué notre Société dans le courant du mois de janvier
dernier, nous avons tout d'abord songé à partir cette année au mois
de mai; mais, ainsi qu'on pouvait le prévoir, l'achèvement définitif
des programmes d'organisation a pris trop de temps, la déclaration
de guerre en Orient, survenue à la fin d'avril, a motivé une sérieuse
appréhension de la part de beaucoup de personnes disposées à prendre
part à cette première expédition, et malgré un certain nombre
d'engagements reçus, nous avons dû remettre notre départ à la date
que je viens d'indiquer.
Je n'ai pu, messieurs, vous donner que le cadre de l'exécution de ces
voyages, qui embrasse une infinité de détails, et a nécessité de longues
et sérieuses études.
Notre Société tient à la disposition des membres du congrès scienti-
fique tous les renseignements qui peuvent les intéresser, ainsi que le
programme très-détaillé des conditions du voyage de 1878.
J'aurais voulu parler de l'intérêt qui s'attache aux renseignements
industriels et commerciaux recueillis dans cette grande tournée dont,
à ce point de vue, la rapidité est compensée par une organisation toute
spéciale. Je me bornerai à signaler l' intérêt des collections d'objets
d'histoire naturelle qui seront faites à bord, des observations météoro-
logiques exécutées dans des conditions particulièrement favorables, des
relations à établir entre les sociétés savantes de France et celles de
certains pays éloignés, enfin, du coté artistique de ces expéditions, qui,
s'aidant en même temps du crayon et de la photographie, auront créé
en quelques années un album complet et exact des vues, des types
et des monuments des pays visités. Tout cela a été étudié, messieurs,
mais le temps me manque pour vous en entretenir.
J'appellerai votre attention sur les avantages directs, immédiats, de
voyages ainsi organisés, avantages dont la réalité assure le succès de
l'entreprise, et je terminerai en indiquant les conséquences que nous en
attendons dans un avenir prochain, et que vous avez assurément déjà
pressenties.
D'une manière générale, et en quelque sorte positive, au point de
vue du seul touriste, l'accomplissement d'un voyage autour du monde,
dans les conditions que nous avons étudiées, l'emporte de beaucoup sur
G. BIARI). — VOYAGES D'ÉTUDES AUTOUR DU MONDE 77
tout autre mode de voyage : tous les éléments qui peuvent assurer le
confortable et la sécurité sont prévus, et, dans chaque pays, les meil-
leures recommandations ainsi que les plus exacts renseignements seront
mis à la disposition des passagers. Les soucis les plus fréquents d'un
grand voyage sont supprimés par la suppression des transbordements,
des fatigues, des pertes de temps et des erreurs de toute nature. Le
voyageur se sent entouré, protégé, éclairé; partout il va droit où il
faut aller sans avoir à s'occuper d'autre chose que de retirer de sa lon-
gue pérégrination tout le fruit et tout l'agrément possibles.
Dans une organisation semblable, il trouve les bienfaits et les avan-
tages de l'association, sans avoir cependant aliéné son indépendance; car,
en chaque endroit, il est absolument libre de ses mouvements, L'hospi-
talité du navire est toujours là, mais non plus banale et froide comme
celle d'un hôtel ou même d'un paquebot : c'est sa maison, son home,
comme disent nos voisins ; il en profite comme il veut et quand il veut.
Quels résultats auront ces voyages?
J'insisterai peu sur ce point. N'est-il pas de toute évidence qu'après
l'achèvement de l'éducation classique, surtout dans un pays comme le
nôtre, où l'habitude un peu trop invétérée de l'internat prolonge indé-
finiment l'enfance, l'accomplissement d'un grand voyage constitue, pour
un jeune homme destiné à jouer un certain rôle dans la société, la
meilleure des transitions entre la vie de collège et la vie du inonde ? Et
les fruits de ce voyage ne seront-ils pas exceptionnellement heureux,
s'il a été exécuté dans des conditions telles que son jeune esprit a
assez d'initiative pour se former un peu par lui-même, tout en lui im-
posant un milieu assez sérieux, une tutelle morale assez efficace pour le
préserver des hasards et des aventures?
S'il pouvait être nécessaire de vous convaincre, il suffirait sans doute,
messieurs, de faire appel à vos propres souvenirs. Qui de vous n'a
connu, soit dans sa famille, soit dans ses relations, un jeune homme
riche, plutôt bien doué que mal, ayant fait ses classes, incapable peut-
ètre'd'une vilaine action, et cependant léger, faible de caractère, entraî-
nable comme le sont tous les jeunes gens, passant les plus belles années
de sa jeunesse à faire des sottises et déployer pour cela autant d'in-
telligence et d'activité qu'il en eût fallu pour entrer de plain-pied dans
une vie sérieuse et honorable? N'est-il pas vrai que si, avant d'entrer
dans cette existence de frivolités ruineuses; on avait envoyé ce jeune
homme faire un voyage autour du monde à la fois agréable et instructif,
voyage qu'il eût fait alors avec enthousiasme, il fût revenu avec de
tout autres idées, de tout autres habitudes, et prenant en pitié la mo-
notonie des plaisirs inintelligents ainsi que la naïveté de ceux qui s'en
contentent ?
18 SÉANCES GÉNÉRALES
Je m'arrête, messieurs, pour ne pas abuser de vos instants. Je veux,
toutefois, vous remercier, en mon nom et au nom de mes collègues, de
la bienveillance avec laquelle vous avez entendu cette communication.
C'est une grande joie et un grand honneur pour nous d'avoir pu, à
l'occasion du Congrès scientifique du Havre, vous faire connaître le but
vers lequel tendent nos efforts. Nous espérons qu'ils vous paraîtront
dignes de votre sympathie ; car, dans une sphère plus modeste, ils con-
courent aussi à l'avancement des sciences et sont, ainsi que les vôtres,
uniquement inspirés par une pensée de moralisation, de progrès et de
patriotisme.
SÉANCES DE SECTIONS
1er Groupe
SCIENCES MATHÉMATIQUES
lrt' et 2e Sections
MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE
ET MÉGANIQUE
Président d'honneur. ... M. SYLVESTER, Membre de la Société Royale de Londres, Profes-
seur à l'Université de John H»pkins, à Baltimore (États-Unis).
Président M. CATALAN, Professeur d'analyse à l'Université de Liège.
Vice-Président M. E. COLLIGNON, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.
Secrétaire M. Éd. LUCAS, Professeur au Lycée Charlemagne.
:. HAMOtf Dl MOIDESIU
SUR LES NOMBRES PREMIERS,
FORMULES POUR LE CALCUL EXACT DE LA TOTALITÉ DES NOMBRES PREMIERS
COMPRIS ENTRE O ET UN NOMBRE PAIR QUELCONQUE 2N.
— Séance du 24 août 1877. —
Je vais me proposer tout d'abord d'établir une formule générale qui
me permettra de calculer exactement et aussi rapidement que possible
la quantité totale S des nombres premiers comprise entre O et un
81) MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
nombre quelconque 2N, en ne luisant intervenir dans le calcul que les
premiers termes de la suite des diviseurs premiers.
(a) 3, 5, 7, 11, 13, 17, g,
q étant le nc ternie cle cette suite et en même temps le plus grand
nombre premier contenu dans ^N.
Je considère la suite des nombres impairs de 1 à 2N — 1 :
(b) 1, 3; 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 2N — 1,
dont le nombre de termes est égal à N, et qui se compose de nombres
premiers et de multiples. Les multiples d'un nombre premier quelconque
p forment deux catégories. Tout multiple de p qui est divisible par un
nombre premier plus petit que p appartient à Ja catégorie des multiples
inférieurs de p. Tout multiple de p, qui n'admet pas de diviseur pre-
mier plus petit que p, est un multiple supérieur de p.
Je désignerai par les notations N3, N5, X7 Np , la totalité des
multiples supérieurs de 3, de 5, de 7, et en général de p.
Je remarque maintenant que la suite (b) ne contient aucun multiple
supérieur d'un nombre premier plus grand que q, que chacun des pre-
miers de la suite (a) se trouve compris dans les valeurs de N3, Ns, N7,
Ng , et qu'enfin le nombre premier 2 ne ligure pas dans la
suite (a).
Je pose alors pour la valeur de S la formule générale suivantes :
(A). S = X-(\3-hN5+N;+ Nq ) + n -f- 1 =
en désignant, pour abréger, par V* Nq la somme entre parenthèses.
Elle me donnera le nombre total des premiers compris entre U et 2N,
y compris le nombre pair 2.
Cette première formule ne pourra toutefois être considérée comme une
solution du problème que je me suis proposé, qu'autant que je parvien-
drai à calculer, d'une manière sûre et rapide, chacune des quantités qui
composent V* \ .
Pour cela je vais développer le ternie général -\, en fonction du
nombre N et des différents nombres premiers qui précèdent /; dans la
suite (a).
Je dis d'abord que le nombre total des multiples de p, contenu dans
la suite (6), est égal au nombre entier dont la valeur se rapproche le
plus du quotient , nombre entier que je désignerai par la nota-
N
lion ( —
P
PIARRO.N DE MO.NDES1R. — SUR LES NOMBRES PREMIERS Ni
En effet, en examinant la suite (b), je remarque que le premier mul-
tiple de p, c'est-à-dire le nombre p lui-même, y occupe le(i— - — )
rang, et que les rangs occupés par les divers autres multiples de p, tels
que S.p, S.p, l.p. etc., etc., sont représentés par les nombres
,+fcti, *+£+!,*+££!,' *,,^
Si donc je partage la suite (b) en tranches de p termes, à partir de
la gauche, j'obtiendrai un certain nombre P de ces tranches, plus une
tranche incomplète dont le nombre des termes sera R.
p-f-1
Si R égale ou surpasse — ^ — , il est clair que la dernière tranche
incomplète comprendra le (P -f- l)eme multiple de p, et que si R est
p + 1
inférieur à , cette dernière tranche ne contiendra pas de mul-
tiple de p.
Dans le premier cas, la valeur de l'entier ( — ] sera P -|- 1, et P seu-
lement dans le second. Cet entier représente donc exactement le
nombre total des multiples, intérieurs et supérieurs, de p, contenu dans
la suite (b).
Si, au lieu d'un nombre premier p, je considère le produita. b.c p,
a, b, c, etc., etc., étant des nombres premiers qui précèdent p dans la
suite (a), je démontrerai par le môme raisonnement que la totalité des
multiples du produit a. b. c p, contenu dans la suite (b), est repré-
sentée par l'entier ( — ; ).
\a.bx p)
Ceci posé, il est clair que j'aurai, tout d'abord,
puisque tous les multiples de 3 -sont des multiples supérieurs.
J'obtiendrai Ns en retrancha ni, de (-^-), tous les multiples intérieurs
/ N \
de 5, c'est-à-dire l'entier f —— J.
Je poserai donc en second lieu,
Ns = ("B") ~~ \Sl}
J'obtiendrai N7 en retranchant d'abord de (-i=— ) tous les multiples
inférieurs à deux facteurs, c'est-à-dire la somme (-q-^) 4- (*-«-)• Mais
je remarque que, par le tait de cette première opération, les multiples
c,
84 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, (,É0DÉSIE, MÉCANIQUE
de 3, o, 7 se trouvent retranchés deux (ois au lieu d'une, puisque ces
/ N \ / N \
multiples sont contenus à la fois dans (-5-^-) et dans(-^r). 11 convient
donc, pour rétablir l'exactitude de la valeur de N7, d'ajouter l'entier
N \
), ce <jui donnera en définitive :
3" ".-(4-)-(A)-(rr) + (i5r>
Le nombre Nu sera donné par la formule :
MS-fâ+&)+(oî)l
+ |U.SJl/ + \3T7TïTy + V57rïTj\_ \3.5.7.1lJ'
/ N\
En eflet, je dois d'abord retrancher de (-rr) tous les multiples inté-
rieurs de 11 à deux facteurs, c'est-à-dire la somme (-r-rrl H-Irr-rr)
\3.11/ ' V5.ll/
/ N \
-f- ( „ . )• Mais, par le fait de cette première soustraction, la totalité des
/ N \
multiples inférieurs à 3 facteurs, c'est-à-dire la somme ( \
( N \ / N \
+ o - , , ) + ■>■ - , . se trouve retranchée deux fois au lieu d'une; ilcon-
\3. /.Il/ \o. /.Il/
vient donc d'abord de rétablir cette somme par voie d'addition. Je remarque
enfin que la totalité des multiples à 4 facteurs, représentée par l'entier
/ N \
n „ _ , , ) , se trouve retranchée 3 fois dans la somme des multiples à
\3.5./.ll/ l
2 facteurs et rétablie 3 fois dans la somme des multiples à 3 facteurs ; ce
qui fait que les multiples à 4 facteurs ne sont pas retranchés en réalité.
Il convient donc, pour l'exactitude de la valeur de Nn, de porter le terme
(3T54lî)aVeclcsigne--
En appliquant successivement ce raisonnement aux nombres premiers
supérieurs à 11, j'arriverai à la formule générale:
»-^-©-s(S)+sC4î)-sfefei)
+.
\n . b.c. . . .\)j
dans laquelle a, b, c, etc., désignent des diviseurs premiers plus petits que
p<et 2©' Zfe) ZOrfc) ctc- clc>d^"ei11 la ,ola-
PIARRON DE MONDESIR. — SUR I.KS ^OMBRES PHKMiERS 83
lité des multiples intérieurs de p à 2 facteurs, à 3 facteurs, à 4
facteurs, etc., etc.
On voit que le mécanisme du calcul indiqué par la formule (B) est
très-simple.
On voit aussi qu'au moyen des deux formules (A) et (B), on peut
arriver à calculer d'avance le nombre total des nombres premiers com-
pris entre 0 et 2N; en ne faisant intervenir dans le calcul que les n
premiers termes de la suite (a).
Pour calculer N3 une seule opération est nécessaire. Il en faut 2 pour
N8, 4 pour.N7, 8 pour Nu, et en général 2"~< pour N, , n étant le rang
du diviseur premier q dans la suite (a).
Le nombre des opérations va donc en augmentant suivant les termes
de la progression géométrique :
1 : 2 : 22: 23 : 2* : 2«-<,
et croît, par conséquent, très-rapidement avec la valeur de n.
Au premier abord, les calculs paraissent inextricables; mais en fait,
ils vont se trouver considérablement réduits par l'évanouissement de
tous les entiers dont la valeur est inférieure à l'unité.
Pour en donner tout de suite un exemple, je citerai le résultat de
l'application de la formule (B) au cas de 2N = 1,000, application qu'on
trouvera plus loin. Dans ce cas n = 10, et le nombre total des termes de
X] N? serait égal à 1,023, si aucun terme ne s'évanouissait. Or, en
fait, le nombre des entiers, égaux ou supérieurs à l'unité, qui entrent
dans le calcul, se trouve réduit à 86.
Une observation très-importante à faire, au point de vue de la
rapidité des calculs, tels qu'ils sont indiqués dans la formule (B), est
celle-ci :
Si P est l'entier représenté par (— -), l'entier ( ) -sera égal à
l'entier i ), a étant un nombre impair quelconque.
En effet, on a exactement :
i = p+-2-,
p p
H étant un nombre positif ou négatif plus petit que
On aura aussi exactement :
2L = -L + JL=£J\1JL+'JL
ap a ap \ a / a ' ap
p + 1
B' étant un nombre positif ou négatif plus petit que
a + t
84 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GEODESIE, MÉCANIQUE
11 s'agit ici de démontrer que la somme 1 — est toujours
1
plus petite que —, quels que soient les signes de R et de R'.
Il est évident que le maximum positif ou négatif de cette somme
correspond au cas où R et R' sont de mêm»1 signe et prennent leurs
valeurs maxima, qui sont : R = . et IV = .
1 2 2
Le maximum de la somme considérée est donc en valeur absolue :
a — 1 , p — 1 ap — 1 4 1 •
2a ~l 2ap 2a/> ~2 2ap~'
1
c est-à-dire moindre que — .
Il résulte de là que l'entier ( ) est bien celui qui se rapproche le
N
plus de la valeur exacte du quotient .
a.p
Donc, si ( — J = P, on aura exactement :
Cette relation a son importance au point de vue des calculs. On
comprend, en eiïet, que l'entier P étant calculé d'abord, le calcul de
( — J sera beaucoup plus rapide que celui de ( j.
Pour mettre, tout de suite, ce fait en évidence, je prends le cas de
N = 100,000 et de p = 13. J'obtiendrai successivement en appliquant
la formule (c) :
)= 7,692,
100,000
13
100,000 \ / 7,092
/ 100,000 \ / 7,092 \
V 11 13 )~'Z\ Il
(-
699,
100,000 \ , G99
t. M. 13 J \ 7 )
I 100,000 \__( n>() \ _ o0
\ o. 7. 11. 12 ) " \ S ) ~
/ 100,000 \ /_20 \ _ 7
\ 3.5.7.11.13 )"\ 3 ) ~
Je vais maintenant faire quelques applications des formules (A), (B)
et (C).
1te application,
m = 100; N = 50; q = "; n . = 3.
PIARRON DE MONDE SIR. — SUR LES NOMBRES PREMIERS 85
Formule (A) S = 50 - ^Sq + 3 + 1 = 54 - Vn,
'?•
M4-)= ri
N.= (4.)_(^) = ,o-a= ;
^-m-(À)-(&)-Ka,H-?«-.^--_4
ZN*= 28
Donc : S = 54 — ^\\7 = 54 — 28 = 26.
On trouve ainsi 26 nombres premiers entre 0 et 100, ce qui est
conforme aux tables.
2e application.
2N = 1,000; N = 500; 7 = 31 ; n = 10.
Formule (A) S = 500 — ^>\\7 + 10 + 1 = 511 — ^q .
N, .= .' 16"i
N3 =100— 33 = 67,
N, = 71 — (24 + 14) + 5 = 38,
NljL = 45 — (15 + 9 -f 6) + (3 + 2 + 1) = 21.
N13 = 38 — (13 + 8 + 5 + 3) + (3 + 2 -f 1 -f- 1 + 1) = 17,
N„= 29 —(10 + 6+ 4 +3 + 2) +(2 +1+1 +1 + 1 + 1)= 11,
N19 = 26 _(9+5+4+2+2+2)+(2 + l +1+1+1 + 1)= 9,
N23= 22 -(7 + 4 + 3 + 2+2+ 1+1+ (1+1 + 1 + 1+1) = 7,
X,„ = 17 -((3 + 3 + 2+2 + 1 + 1 + l + l) + (l+l+l)= 3,
NS1 = 16 -(5 + 3 + 2 + 1 +1+1+ ! + l + l)+(l+l) = 2,
2^7 342.
Donc : S = 511 — 2N<? = 511 - 342 = m
Le calcul donne ainsi 169 nombres premiers entre 0 et 1,000, ce qui
est d'accord avec les tables.
3e application.
2N = 10,000; N = 5,000; q = 97 ; n = 24.
Formule (A) S = 5,000 — ^N? + 24 + 1 = 5,025 — ^N? ■
Le calcul de VN, , suivant les formules (B) et (C), est résumé dans
le tableau ci-après :
MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
V
(t)
Zj\ a.p )
w N \
y( N ï
Np
Zj\ a. b
v)
^\ a.b.c.p J
+
—
+
—
3
1,667
»
»
»
1,667
5
1,000
333
»
»
667
7
714
381
48
»
381
il
455
308
65
4
208
13
385
295
79
9
160
17
294
249
78
12
111
19
263
238
83
13
95
23
217
207
79
12
77
29
172
171
68
9
60
31
161
166
70
8
57
37
135
143
60
5
47
41
122
131
55
4
42
43
116
131
57
4
38
47
106
121
52
3
34
53
94
109
45
2
28
59
85
101
42
2
24
61
82
98
39
1
22
07
75
91
35
1
18
71
70
84
31
1
16
73
68
85
31
1
13
79
63
80
28
1
10
83
60
77
27
1
9
89
56
72
24
1
7
97
52
68
20
»
4
*
S* • .
3,795
Donc : S = 5,025 — 3,795 = 1 ,230.
On trouve ainsi 1,230 nombres premiers entre 0 et 10,000, résultat
d'accord avec les tables de Burckardt.
J'ai poussé plus loin les applications; mais, comme les opérations
indiquées par la formule (B) deviennent assez laborieuses au fur et à
mesure que 2N augmente, j'ai reconnu qu'il était alors avantageux de
transformer la formule (A), comme je vais maintenant l'indiquer.
PIARR0N DE MONDESIR. — SUB LES NOMBRES PREMIERS 87
Première transformation. — On peut écrire cette formule de la
manière suivante :
(A) S = N - S (JL) + Q + V + n + 1.
On commence ainsi par retrancher de la valeur de N la totalité des
multiples à une seule lettre.
Il en résulte que chaque multiple de 2 lettres se trouve retranché
2 fois, chaque multiple de 3 lettres 3 fois, et ainsi de suite, tant qu'on
ne fait entrer dans la formation de ces multiples aucun nombre premier
supérieur à q.
Pour rétablir l'exactitude de la valeur de S en ce qui concerne cette
première catégorie de multiples, on représente leur somme par Q.
On représente d'autre part par V la somme des multiples dans la for-
mation desquels entre un nombre premier plus grand que q. Cette
dernière catégorie ne comprend que des multiples de 3 lettres au moins.
La valeur de Q s'obtient en faisant le calcul de tous les multiples,
dont la valeur est inférieure à 2N, et qu'on peut obtenir en permutant
ensemble les n nombres premiers de la suite (a).
On divise ces multiples en séries :
2e degré. — Série unique a';>'
(Tous les termes de cette série entrent dans le calcul de Q; leur
nombre est n (n — Q-
9.
3e degré. — Série fl2&>"
Id abc-
4e degré. — Série.. ' "'''•'
id ^;
id «2^c;
Id abcd;
5e degré. — Série a4">
Id «3&2;
Id asbc;
Id aWc;
Id a^bcd:
Id. abcde:
(je degré. — Série a*°l
Id. ■ • «462;
Le nombre des termes des séries de 3 lettres doit être multiplié par
2; celui des séries de 4 lettres par 3, et ainsi de suite. En général,
88 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
chaque multiple de y. lettres se trouvant retranché x fois dans sa va-
leur de *y\{ — ), doit être rétabli a— I fois dans la valeur de Q.
La valeur de V s'obtient en permutant les n nombres premiers de la
suite (a) avec un certain nombre de premiers plus grands que q. Ces
permutations sont de 3 lettres au moins, telles que a, b, r, a et 6 re-
présentant deux premiers de la suite (a), et r un premier plus grand
que q. Ce multiple a. b. r existe à la fois dans ( — ) et dans
/ N \
( — - — 1; il se trouve donc retranché deux lois au lieu dune, et c'est
pour cette raison qu'il convient de le rétablir dans la valeur de V.
S'il existait entre 1 et 2 N — 1 un multiple à 4 lettres tel que a. b. c. r,
il faudrait le porter deux fois dans la valeur de V, attendu qu'il se
trouverait compris trois fois dans la valeur de ^ ( — ) .
Il est clair d'ailleurs que les divers premiers supérieurs à q ne peu-
vent entrer dans le calcul qu'un à un, puisque le carré de celui de ces
nombres qui suit immédiatement q dans la suite des nombres premiers
est supérieur à 2 N.
Tel est le mécanisme de cette première transformation qui, du reste,
ne saurait offrir aucun avantage pour la simplification des calculs, et
que j'ai décrite, avec quelques détails, uniquement dans le but de bien
fixer le lecteur sur le rôle des deux quantités Q et V.
Deuxième transformation. — On' l'obtient en écrivant la formule (X)
ainsi qu'il suit :
(A,) S = N-2(4) + Z(£r) + 0 + V + » + 1.
Il résulte de cette seconde transformation qu'on a d'abord retranché
tous les multiples à une seule lettre de la valeur de N, et qu'on a ensuite
rétabli tous les multiples de 3, lesquels se trouvaient retranchés 2 fois.
Les valeurs de Q et de V ne doivent plus comprendre dès lors les
combinaisons dans lesquelles entrait le facteur 3. Leur calcul se trouvera
donc simplifié d'autant.
Toutefois, cette seconde tranformation n'offre pas encore d'avantages
appréciables pour la simplification des calculs.
Troisième transformation. — On peut éliminer des calculs de Q et
de V, les deux facteurs 3 et o, en écrivant :
w.=«-Z(î) + Z(£) + Z(£)
P1AKK0N Dh MONDESIB — SUB LES SOMBRES PRE.MIEBS <S9
Quatrième transformation. — On peut éliminer les 3 facteurs 3, •> et
+ Z(ra)+°+v+"+r
Dans cette dernière formule, a prend successivement les 3 valeurs 3,
S e1 7, et le produit ab les 3 valeurs 3.5, 3.7 et o.7.
On peut ainsi transformer la formule (A) à volonté, en faisant dispa-
raître du calcul de Q et de V autant de facteurs premiers qu'on vou-
dra, en commençant par la gauche de la suite (a).
Aucun premier supérieur à q n'intervient dans le calcul de Q; mais
une série plus ou moins longue de premiers supérieurs à q intervient
dans le calcul de Y. Le dernier v de ces nombres supplémentaires
-2 \
est le plus grand premier contenu dans — ., pour la formule (AJ, dans
■ > . • >
2 N 2 N
z-=, pour la formule iA,i, dans =ttt, pour la formule (A8), et dans
o . / /.il
2N
— — — , pour la formule (A4).
11.13
C'est, du reste, comme on le comprend a priori, l'intervention de ces
nombres premiers supplémentaires qui simplifie les calculs dans le cas
où 2N devient très-grand.
La formule (A3) m'a permis de calculer la totalité des nombres pre-
miers compris entre 0 et 100,000. La formule (At) m'a permis d'aborder
le même calcul entre 0 et 1,000,000.
Je donne ci-après les résultats de ces deux applications.
4aw application.
2 N = 100,000; N = o0,000; q = 313; « = 1,297; n=64.
Formule (A3).
Les calculs donnent :
N
E{j) = ™-m
Z(t?) = ,9'819
Z(£)= 9-891
E{zh) = - ••' 'Jfl
29,710 79,420
49,710
90 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉGANIQUE
La formule (A3) devient ainsi :
S = 50,000 — .49,710+ Q + V + 64+1 = 355 + Q + V.
Calcul de Q. — Série ab. — ^ X 61 = 1,891
2
Id. a2b 487
ïd. abc— 2,578X2= 5,156
Id. asb 92
Id. a2b2 17
Id. a26c — 273x2 = 546
Id. abcd — 106x3= 318
Id. a'b 9
Id. asb2 4
Id. à?bc — 6X2 = 12
M. a-b-c — 2x2 = 4
Total de Q 8,536
Calcul de V. — Série abc • 702
Total de Q+V 9.238
Ce qui donne en résumé :
S = 355 + 9,238 = 9,593.
pour le nombre des premiers compris entre O et 100,000. J'ai trouvé
ce résultat conforme à la table de Burckardt; toutefois Legendre, dans
sa Théorie des nombres, donne le chiffre de 9,592.
5""' application.
2 N = 1,000,000; N = 500,000; g = 997; v = 0,991; n = I67.
Formule (At).
Les calculs donnent :
2(y) = m-m
Z(£) = 116-483
Z(£) = • ^,000
2(ïfc) = 38'828
2(07) = 24'34°
PIARRON I)i: MONDESJR. — SUR LES NOMBRES PREMIERS 91
Z(e£?) = 14'60"2
Z(ixW)= _^.7
421,827 926.856
La formule (A4) devient alors :
S = 500,000 — 505, 029 + Q + V+ 167 + 1 = — 4,861 + Q + V.
Calcul de Q. — Série ab — = 13,366
Id. a?b 2,212
1,1. abc— 25,474x2. . 50,948
Id. a*b 318
Id. a26! 56
Id. a26c— 1,867x2 = 3,734
Id. abcd— 4,646x3 = 4,938
Id. a'b 21
Id. a*b2. . .* 10
Id. tfbc — 35x2 70
1,1. a-b-r — 19x2 38
Id. a2bcd — 17X3 51
Total de Q 75,762
Calcu de V. — Série abc 7,589
Total de Q-j-V 83,351
Ce qui donne en définitive :
S = —4,861+83,351 = 78,490,
pour la totalité des nombres premiers compris entre O et 1,000,000.
J'avoue qu'après avoir eu la patience de faire les calculs dont je donne
ici le résumé et de les vérifier avec tout le soin possible, je n'ai pas eu
celle de compter, dans la table de Burckardt, la totalité des nombres
premiers contenus dans le premier million.
Je constate seulement que le chiffre de 78,490, que je donne ici, est
inférieur de 3 unités au chiffre de 78,493 donné par Legendre dans sa
Théorie des nombres.
Je n'ai pas poussé plus loin les applications ; mais j'estime qu'on
pourrait le faire facilement en transformant convenablement la formule
générale (A).
Cette étude date de 1864. Je l'ai gardée jusqu'à ce jour en porte-
92 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSJE. MÉCANIQUE
feuille, n'y attachant pas plus d'importance qu'elle n'en mérite. C'est
l'hospitalité libérale qu'offre aujourd'hui Y Association française pour
l'avancement des sciences aux ouvrages les plus importants, comme aux
œuvres les plus modestes, qui m'a déterminé à lui soumettre mon
travail.
M. Edouard COLLIOON
Ingénieur en cher des ponts et chaussées.
RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICYCLOIDAL.
— Séance du :J ! août Isa. —
Le problème que nous nous proposons de résoudre consiste à réaliser
le mouvement donné d'un point dans un plan, à l'aide d'un mou-
vement épicycloïdal satisfaisant à l'une des deux conditions suivan-
tes : ou bien, que la vitesse angulaire de la courbe roulante soit
constante, on bien, que la courbe roulante applique, en temps égauùc des
arcs égaux sur la courbe fixe qui lui sert de directrice, ce qui revient
à assigner une vitesse linéaire constante au point géométrique par lequel
ces deux courbes se touchent.
Rappelons, en commençant, comment on résout le problème inverse
des épicycloides, qu'on peut formuler en ces termes : trouver une
courbe R telle, qu'en la faisant rouler sur une courbe fixe donnée D. un
point A invariablement lié à la courbe mobile engendre
une autre courbe donnée L. La courbe R est la courbe
roulante, la courbe D est la directrice, enfin la ligne
L est Y épicycldide . La solution consiste à mener les
normales AB à la ligne L; chacune passe par le centre
Fig. i. instantané correspondant de la courbe roulante, c'est-
à-dire par le point de contact B des lignes R et D ;
on exprimera ensuite la longueur du segment AB = r en fonction de
l'angle \i. = ABC, que ce segment fait avec la tangente commune, BC,
aux deux courbes. Si l'on exprime par l'équation
tang \). = f (r)
la relation qui lie L'angle p à la Longueur /•. l'équation de la courbe
cherchée sera, en coordonnées polaires,
E. COL! [GNON. — RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICYCLOIDAL A3
r
Le point A qui décrit la courbe L est le pôle du système de coor-
données auquel est rapportée la courbe cherchée R. Il est aisé de recon-
naître, d'après cette équation, L'égalité des arcs correspondants des
courbes R et D.
Etant donné le mouvement du point A qui parcourt la trajectoire
plane L, nous aurons à chercher quelle courbe directrice D il faut
y associer pour satisfaire à la condition imposée au mouvement
épicycloïdal . Cette courbe D une fois connue, on en déduira la
courbe roulante en appliquant la méthode que nous venons de
rappeler .
Occupons-nous d'abord de faire décrire au point A une ligne droite
0\, en laissant de côté toute considération de temps et de vitesse.
Alors toute courbe D peut servir de directrice. Prenons la droite décrite
par le point A pour axe des .v, et rapportons la courbe D aux axes
rectangulaires OX, OY; soit
(1) F (x, y)=o
sou équation. Suivons la régie : pour cela, menons les normales AB à
l'épicycloïde OX, ce seront les ordonnées de la courbe D; l'angle p.
doc
correspondant est l'angle dont la tangente est — . On a donc à la fois
dy
r = y-,
et
rdb d.r
dr dy'
d'où l'on déduit rdQ = ydH = d.r.
Différentions l'équation (1), ce qui donne
(2) Tx d, + Tydy= o.
Dans cette équation (2), remplaçons dx par ydb, puis éliminons x
entre l'équation résultante et l'équation (1). L'équation finale, qui ne
contiendra plus que y et 0, sera l'équation différentielle de la courbe
roulante, équation dans laquelle y désignera le rayon vecteur et 6 l'angle
polaire; il restera à l'intégrer.
Le résultat de cette recherche est donc une courbe R rapportée à ses
coordonnées polaires, dont les arcs sont égaux à ceux de la courbe
donnée D, et dont la rectification s'opérera par la même formule
analytique .
Les rayons de courbure de ces deux courbes R et D sont liés ensem-
Fie. 2.
94 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
ble par la construction de Savary (1). Soient P le rentre de cour-
bure au point B de la courbe fixe 1), situé quelque part sur la nor-
male B\
P' le centre de courbure au môme point de la courbe mobile, situé
sur la même normale;
A le point décrivant;
x le centre de courbure en ce point de l'épiey-
cloïde ;
BS une droite élevée au point B perpendiculaire-
ment à la droite BA, qui joint le point mobile A
au centre instantané B.
La construction de Savary se résume dans cette
propriété que les droites AP , Pa et BS concourent
en un même point.
Ici l'épicycloïde étant une droite, son centre de
courbure a est rejeté à l'infini dans la direction BA
prolongée. La droite Pa est donc parallèle aux
ordonnées de la courbe. Elle coupe la droite BS en un point S, qu'il
suffit de joindre au point A ; la droite SA, prolongée s'il est nécessaire,
coupera la normale BN au point P', centre de courbure de la courbe
roulante.
Exemples. — 1" parabole, y2=ia.r.
On difïérentiera l'équation de la courbe, ce qui donne
ydy = 2adx,
ou bien, en remplaçant dx par ydb et en supprimant le facteur y,
<ly=2adl)
ou enfin
y = 2a(6 — 60),
équation qu'on peut réduire à >-=r:2a0, et qui représente une spirale
d'Archimède; la sous-normale polaire de cette
courbe est constante et égale à "2a, sous-normale
de la parabole. Pour avoir le rayon de courbure
de la spirale d'Archimède BA, on commencera par
déterminer le centre de courbure P de la para-
bole; par la construction connue ; puis on mènera
BS parallèle à l'axe de la courbe, PS perpendi-
culaire, et joignant AS, on aura le point P', cen-
tre de courbure de la spirale.
Fig. :i.
i Rappelons ici que la construction dite < Saoary est on réalité due a i uler. n us nous
informons à l'usage en l'appelant construction de Savary,
£. COLLIGNON. — RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICVCLOIDAL Oo
2° Chainette,
L'équation correspondante sera
a2 y*d&
r y
ou bien
Si l'on fait n — on en déduit d% 7=d^
cos -r ,
et, par suite, on aura l'équation de la ligne
roulante en posant Fig. >>■
a
^ cos 0.
Cette ligne est donc une droite éloignée à la distance a du pôle ou du
point décrivant. C'est la droite IK, tangente au sommet l de la courbe,
qu'il faut faire rouler sur la chaînette ; elle entraîne le point 0,
qui lui est invariablement lié, et qui décrit dans son mouvement la
droite OX.
Ce mode de génération fait retrouver des propriétés de la courbe.
Quand l'angle droit OIK est arrivé dans une position quelconque BFA,
on a BF = arcIB, et FA = Ol:=a. Pour déterminer le centre de cour-
bure P de la chaînette au point B, on observera que le centre de cour-
bure P' de la courbe roulante, qui est ici une droite, est éloigné à l'in-
fini sur la normale BN; donc la droite AP' est parallèle à BN, et le
point S est situé à l'intersection des droites BS,AS, menées par les
points B et A parallèlement à l'axe des abscisses et à la normale. On
n'aura plus qu'à mener SP parallèle à l'ordonnée. On en déduit
PB = SA
\t a.
On trouverait de même qu'à la cycloïde allongée, représentée par les
équations
cc = a(0 — csin 6),
y =, a (1 — c cos 6) ,
correspond la courbe roulante r = a (1 — c cos 6); qu'à Y exponentielle
y = Aex, correspond la spirale hyperbolique rh = — 1; qu'à la loga-
96 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
rithmique y =lx, correspond la courbe représentée en coordonnées
polaires par l'équation
er dr
rfG= »
r
ou par l'ensemble des deux équations
r = L ce,
'dx
Ix
= f-
J l
expression dont l'intégrale ne saurait être exprimée en termes finis;
qu'à la ligne droite y = ax correspond la spirale logarithmique y= ea6;
la construction de Savary, appliquée à ce dernier cas particulier, rejette
à l'infini les trois points P, a et S, et montre que le point P, centre de
courbure de la spirale logarithmique, coïncide avec l'extrémité N de la
sous-normale polaire .
Ces préliminaires posés, revenons à nos problèmes de mouvement.
§ 1er. — Mouvement rectiligne. — Premier problème.
l\ous chercherons d'abord à réaliser au moyen d'un mouvement épi-
cycloïdal un mouvement rectiligne donné, défini par l'équation
il) x=f(t).
Nous prendrons la droite parcourue parle point mobile pour axe des
abscisses ; et le problème consistera à chercher une courbe directrice D
telle que le pôle de la courbe roulante correspon-
dante suive l'axe des x en satisfaisant à la loi du
mouvement donné. Appelons y l'ordonnée MP de la
courbe directrice cherchée. Quand le point mobile
— oi k~s. ;. de la courbe roulante décrit l'élément UM'=zdx, le
Fig. 5. centre instantané de rotation de la ligure mobile
parcourt l'arc PP' = (/s; si donc on impose au point
de contact une vitesse V uniforme, l'équation de la directrice sera
(2) ds=Vdt,
où V représente une constante. La solution consistera à éliminer t entre
les équations (1) et (2). Si l'on peut résoudre l'équation (1) par rapport
au temps t, et qu'on en déduise
on aura aussi
dt= o (x)da .
et l'équation (2) deviendra
(3) ds = sldx^dtf* = V 9' (x) dx,
équation différentielle qui restera à intégrer.
É. COLLIGNON. — RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICYCLOIDAL 07
L'équation différentielle de la courbe roulante, entre les coordonnées
polaires y et 0, sera
(4) \ if f/02 -f dy2 = V o ' (x) y d<) ,
saut' à en chasser x au moyen de l'équation de la courbe fixe.
Exemple* divers. — 1° Mouvement uniforme, x=at.
On en déduit dx=adt
et ds=\dt.
(L T* (L
Dont — =— , quantité constante; la courbe directrice est donc une
a s V
a T
droite, faisant avec la droite donnée l'angle dont le cosinus est — • La
courbe roulante est la spirale logarithmique qui coupe ses rayons vec-
teurs sous l'angle dont — est la cotangente.
1
2° Mouvement uniformément varie, x=jt gl2 .
Résolvons par rapport à t : il vient :
~x
hlx
et dt
t-
dx
\/2gx
substituant dans l'équation (2), on a :
Vdx
ds = -— ,
S<2gx
ou bien, en élevant au carré,
V2dx2
dx*4-dy* = -s
1 J *2g x
et, en séparant les variables,
dy=zdx\ I — 1 .
1 %gx
V2
Soit l la hauteur due à la vitesse V; on aura 1 = ^ e l'équation pré-
cédente devient :
dy = dx k / L — 1
V
Pour intégrer cette équation, nous ferons x = /sin2 9, ce qui est per-
mis, car pour que y soit réel, il faut que x soit au plus égal à l. La
7
!)<S MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
réalisation du mouvement uniformément varié ne peut donc pas s'appli-
quer à la suite indéfinie de ce mouvement, mais bien à un parcours fini,
aussi grand qu'on voudra, et qui dépend de la vitesse V arbitrairement
choisie.
De l'équation x = / sin2ç, on tire :
dx = 2/ sincp cosçefrp,
donc
/ / / l cos<?
et i / i -1 = i / ■— 1 = -r—' ■
x y soi- 9 sin ç
cos
oh/— 2/ sin? cos 9 (Le X '. i = 2/cos2idci
sin 9
=Z(1+ cos 2 9) d<? .
D'où l'on tire, en intégrant :
y==i(<p-|-£sm2<p),
sans ajouter de constante si l'on veut avoir y = o pour x=.o. Les équa-
tions de la courbe D sont donc, en conservant la variable auxiliaire 9,
x=- /sin2ç/
y = 2(<p + -5-sin2<p).
On aura tout le long de la courbe :
dy 2 /cos2 9
-2 = —-. — =cot œ,
rfa; 2 ( sin 9 cos 9
de sorte que l'angle 9 est le complément de l'angle que t'ait la tangente
à la courbe avec l'axe des abscisses.
La courbe roulante correspondante a pour rayon vecteur y, et l'angle
polaire 6 est donné par l'équation
yd =d.r;
, . dx 2/sin©cosœdcp 2 sin 9 cos mdv
donc rfO= —
?/ /(9+vsin29) " cp-j-i-sm29 '
Posons 29=6; nous pourrons exprimer rfô au moyen de l'équation
plus simple
sin&diL
•i-j-sm 6
Les limites de 9 sont 0 et-^-, puisque x ne peut surpasser /; celles de
ty sont donc 0 et r..
L'intégrale / — — ne paraît pas exprimable en termes finis.
s J 0 <V + sM -1 1
Maison peut en déterminer un certain nombre de valeurs à l'aide d'une
I . COLLIGNON. — RECHERCHES SLR LE MOUVEMENT ÉPICYCLOIDAL 99
méthode graphique de quadrature. Il suffit pour cola de construire la
courbe
s i 1 1 •!/
<b-\- si a à
entre les abscisses <b = o al à=r.. Si Ton divise par ty les deux termes
de la fraction et qu'on multiplie par un facteur arbitraire a, on
aura aussi :
sin <b
a-\-a
sin 0
Décrivons une circonférence OA avec un rayon égal ;\ a ; puis cons-
truisons le lieu des centres de gravité, G, des arcs
de cercle qui commencent en A. Nous obtiendrons
une courbe AGIO, tangente en A au cercle donné,
et en 0 au rayon OA, et dans laquelle le rayon
vecteur OG = r est donné par l'équation
sin^
Fig. G.
La valeur de l'ordonnée % de l'épure à construire est donc égale à
r . a OA
a + r
i
a+r
i
OA + OG
OA
GN'
La courbe auxiliaire AGIO étant très-facile à tracer, la courbe des
valeurs de z s'en déduira sans difficulté,- et la quadrature de cette
courbe fera connaître les valeurs de l'angle polaire 0 de la courbe rou-
lante cherchée.
La figure 1 (pi. II), représente la courbe fixe et la courbe roulante.
Si l'on prend une très-grande valeur de V ou de l, et qu'on cher-
che seulement à réaliser le mouvement uniformément varié pendant
ses premiers instants, on pourra faire l'angle 'b très-petit, ce qui donne
simplement s = i, et 6 = £ <i = cp ; de sorte que la courbe roulante,
dans la région qui correspond aux premiers instants du mouvement qu'il
s'agit de produire, a pour équation polaire
?y = Z (6 + J: sin 2 0) ;
cette courbe, dans cette même région, diffère très-peu de la spirale
d'Archimède,
y = 2/0.
100 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
En même temps, la courbe fixe diffère très-peu de la parabole
y2 = Alx;
de sorte que le roulement uniforme de la spirale d'Archimède sur la
parabole correspondante, dans les premiers instants à partir de l'époque
où le pôle de la courbe mobile a quitté le sommet de la courbe fixe,
assure au pôle un mouvement uniformément varié: chose évidente a
priori, le point mobile partant en effet du repos, et tout mouvement
naissant étant un mouvement uniformément varié.
3° Mouvement rectiligne oscillatoire, défini par l'équation différen-
tielle du second ordre
— = — A 2x,
dt2
ou par l'équation en termes finis
œ = R cos Kt,
où R désigne la longueur de la demi-oscillation.
On déduit de la seconde équation
dx = — RA' si n Ktdt,
dx 1 dx
et; par conséquent, dt.
RA sin Kt RA
V l R*
Élevant au carré, et multipliant par V2, puis égalant à dx2~\-dy2,
on aura pour l'équation de la courbe cherchée
7i7 ^2 dx*
dx2 -\- dy2 ■
A2 R2 — x2
ou bien
+ dx /V* — ^(R2 — oc2)
*=±*y
K V R2 — x-2
Si nous posons œ = Rcoscf-, ce qui revient à appeler o l'angle Kt,
AR
on en déduit, en laissant de côté le signe, et en faisant — ==c,
dy = — [ y 1 — c2 sin 2 tp
ou y=- ! i d-j y 1 _ c2 sin2<p,
de sorte que y est donné par un arc d'ellipse.
La courbe roulante s'obtiendra en intégrant l'équation
i/ilO = dx = — R sin cp d-j .
É. COL] [GNON. — lU'XHKHi HES SUR LE MOUVEMENT ÉPICYGLOIDAL 101
Si l'on est maître de la vitesse V, on simplifiera lu problème en pre-
nant V = A*R, ou c = d ; alors il vient
.'/
= R rVu>\/l— sins<p=Rsin<p,
et d0 = — (h, d'où l'on tire 6-j-cp = constante; faisant cette constante
égale à t., on aura y = Rsinôpour équation de la courbe roulante.
Cette solution revient à prendre pour directrice la circonférence de
rayon K, et pour courbe roulante une circonférence de rayon moitié
moindre.
§ 2. — Suite des exemples de mouvement rectiligne.
Second problème.
Supposons, en second lieu, qu'on impose au mouvement épicycloïdal
la condition de s'opérer avec une vitesse angulaire constante, o>. Repor-
tons-nous à la tigure 5.
Soit D la directrice, MM 'l'élément décrit par le point mobile pendant
le temps dt, P le centre instantané correspondant à cet élément. On
aura :
MM' = fk = wxPM^
et, par suite, l'équation de la directrice D est
dx
ainsi la solution de la première partie du problème n'exige pas d'inté-
gration.
Si l'on se donne la courbe D, représentée par une équation entre
x et ij, à cette courbe correspondra suivant l'axe des x le mouvement
d'un point qu'on peut considérer comme entraîné par une courbe rou-
lant sur la courbe donnée avec une vitesse w constante. La loi de ce
mouvement est donnée en intégrant l'équation
dx i
dt = — ;
iùij
les valeurs du temps t sont donc proportionnelles aux aires de la courbe
1
y'=.— , qu'on déduit de la courbe donnée au moyen de la transforma-
tion par ordonnées réciproques.
1° Au mouvement uniforme x= al, correspond la ligne
dx a
y
dt o)
102 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
c'est-à-dire une parallèle à l'axe ; la courbe roulante est le cercle de
rayon —, et le point décrivant en est le centre,
a)
2° Au mouvement uniformément varié
x=i gf\
correspond l'équation
dx yt
w dt o) '
éliminant le temps t entre ces deux équations, il vient l'équation d'une
parabole
2r/x-
V2= —,
J w2'
à laquelle correspond comme courbe roulante la spirale d'Archimède
— £?
r~ ~w2'
3° Le mouvement oscillatoire défini par l'équation
x = R cos K t
donnera lieu à la courbe directrice
dx RK . rr
y — — r = sin À t.
(o dt (o
L'équation de la courbe s'obtiendra en éliminant t ; c'est une ellipse
x* (o2//2
R2 ' R2tf2
I
et, comme cas particulier, un cercle si l'on l'ait iù = K.
La courbe roulante, dans le cas général, s'obtiendra en remplaçant dx
par yc/ô dans l'équation précédente dilïérentiée ; ce qui donne
x y dO -\- — ydy = o
ou bien
d(i=z —
K2 x A'2
_ w" dy w2 dy
on en déduit, en intégrant,
0 = 0„ -f -arc cos -£
A Al!
ou encore
A'R A
?/ = ?•=: COS - ( 0 — 0„ I .
W (i)
Cette courbe devient un cercle de diamètre U lorsque l'on l'ait u) = K.
On retrouve alors le cercle de rayon moitié moindre qui roule ;\ Fin-
É. COLLIGNON. — RECHERCHES su; LE MOUVEM1 NT ÊPICYCLOIDAL 103
térieur du cercle de rayon I», de sorte que, dans cette solution, les
deux problèmes cinématiques, V constant et w constant, sont à la fois
résolus. La même solution assure également, dans les mêmes condi-
tions cinématiques, la description d'une ellipse par un point <lu plan
du cercle mobile, avec une vitesse aréolaire constante autour du
centre de la courbe.
§ 3.
MOUVEMENT CURVILIGNE. — PREMIER PROBLÊME.
Deux méthodes principales peuvent être suivies pour mettre en équa-
tion le premier problème, celui où la vitesse V reste constante.
La première consiste à rapporter le mouvement du point M à deux
axes rectangulaires : soient
x = f(t)
y z= ç (t) ( I )
les équations de ce mouvement projeté sur les deux axes.
La normale à la trajectoire au point M aura pour équation :
dx ,
y —y = — -fa (x' ~~ x)'
en appelant x' et y les coordonnées d'un point quelconque de cette
droite; l'équation peut se mettre sous la forme
y' = A x -f B, (2)
A et B désignant deux fonctions du temps l, déduites des équations
du mouvement.
Regardons x et y' comme les coordonnées du point P de la courbe
directrice qui correspond au point M de la trajectoire, considérée comme
une épicycloïde. La vitesse V de ce point (x, y') devant être constante,
on aura :
dx'2 -j- dy* = V2 dt\
et, en remplaçant dy par sa valeur tirée de l'équation (2),
dx* -f (Mx + x'dk + dB)2 = V2 dt\ (3)
équation différentielle entre les variables x et t, dont l'intégration con-
duit à exprimer x en fonction de t et d'une constante. Ensuite l'équa-
tion (2) fera connaître y' en fonction de t et de la même constante, et
le problème sera résolu.
Dans la seconde méthode, on fait usage d'un système particulier de
coordonnées, parfois employé par les géomètres.
Soit AB la courbe parcourue par le point mobile. Prenons sur cette
courbe un point A pour origine des arcs s, comptés positivement dans
104 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
le sens AB, par exemple; le mouvement du mobile sera défini par l'équa-
tion
(4) s = f (t).
A chaque position M du point mobile correspond un point P sur la
courbe directrice, à l'intersection de cette courbe avec la normale MP a
la courbe donnée. Désignons par r la longueur du segment MP compris
sur la normale entre les deux courbes. Nous
attribuerons à ce segment le même signe qu'au
rayon de courbure p de la courbe donnée, s'il
est porté en prolongement de ce rayon ou sur
la normale extérieure, et un signe contraire
s'il est porté sur la normale intérieure. A l'arc
MM' = ds de la trajectoire correspond sur la
courbe cherchée l'arc PP = da, compris entre les
normales MP, MP', et satisfaisant à la relation
da = Vdt.
Soit C le centre de courbure de l'élément MM', point de rencontre des
deux normales voisines MP, M' P'. De ce point comme centre, décrivons
un arc de cercle PQ avec CP pour rayon ; nous aurons
QP' = dr,
et la longueur PQ sera donnée par la proportion
PQ CP
MM' = ~~ CM"
ou
ds
PQ P + r
'■ds*
Donc da = sj PQ2 -f QP'2 = t / (/r2 + (p + r
L'équation de la courbe, rapportée aux coordonnées s = arc AM et
r = MP, sera donc :
"p + n,
(5) fy* + [^^l2 ^2 =
V2 dr1
p
Il faudra éliminer le temps t entre les équations (4) et (5) ; l'équation
finale sera une relation entre les quantités s, r, et p, dont l'une, p, est
exprimable en fonction de s; ce sera donc une équation différentielle entre
s et r.
Si la courbe AB est la trajectoire décrite par un mobile obéissant à
la loi des aires égales en temps égaux, le centre des aires étant un point
0' quelconque, on pourra substituer à l'équation (1) la condition d'une
vitesse aréolaire constante, c'est-à-dire l'équation
p ds =: A dt ,
É. CQLLIGNON. — RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICYCLOIDAL 105
en appelant A une constante, et p la distance OH du centre des aires à
la tangente à la trajectoire ; alors le temps dt est facilement éliminé de
l'équation (5), qui devient :
"P + >\ rfo* - Vf**.
7~ A2
(6)
<//■'
+m
p et p représentent dans cette équation des fonctions connues de l'arc .s.
L'intégration de ces équations est inexécutable dans la plupart des cas,
et nous nous bornerons ici à étudier certains cas particuliers simples du
problème.
Mouvement uniforme sur la spirale logarithmique.
0.
Soit AB une spirale logarithmique, représentée par l'équation r= A
elle est parcourue par un point M animé d'un mouvement uni-
forme. Dans le temps dt infiniment petit, le
point M parcourt un arc MM' = ds qui est pro-
portionnel à la différentielle dr du rayon vec-
teur ; on a, en effet :
ds =
yf
dr ,
dr- 4- r2 do2 = — V 14- m2.
m
Fig. 8.
La normale MC enveloppe en même temps
une seconde spirale DC, égale à la première, et qui est le lieu des
points G d'intersection de la normale avec la sous-normale OC. On a
donc
MC
V0M" + 0Ci=Y/r-+(g).= Wi +
Donc dp = dr\i 4- m2.
La différentielle dp représente l'arc décrit par le point C sur la
seconde spirale logarithmique. On voit que dp est proportionnel à dr,
qui est lui-même proportionnel k ds; donc les vitesses des points M et
G sont dans un rapport constant quand la tangente MC roule sans
glisser sur la spirale directrice DC. Si le premier mouvement est uni-
forme, le second l'est donc aussi, et plus généralement, si le premier
mouvement est défini par l'équation ds = f(t)dt,
le second l'est par l'équation
dp = mf (t) dt.
100 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
MOUVEMENT PARABOLIQUE.
On considère en dynamique deux mouvements paraboliques princi-
paux : 1° celui d'un corps pesant lancé dans le vide obliquement à
l'horizon ; "2° celui d'un corps attiré par le foyer proportionnellement à
l'inverse du carré de sa distance à ce point.
1" Mouvement parabolique d'un point pesant.
Prenons pour axes coordonnés l'axe de la parabole, qui sera vertical,
et la tangente en son sommet; nous appliquerons la première méthode
au mouvement défini par les deux équations
1
On en déduit dx = v0dt,
dy = (jt dt.
La normale à la trajectoire a donc pour équation :
ou bien :
y.-y=--(x-x)
Donc
gt' J g*
Le problème est ramené à déterminer x en fonction de / par
'équation
gt
v0 x' Vo dx'V (dx'Y __ ys
</i- gt dt J . \dt
Sans chercher à intégrer cette équation, ce qui présenterait de
grandes difficultés, observons que le problème n'admet pas pour solution
une ligne droite. Si le point (a;', y') parcourait une droite, comme son
.„ , dx' du' . . _.
mouvement est uniforme, les composantes -=— , -y-, de la vitesse V
d x'
seraient constantes; or l'hypothèse de -j— constant est incompatible
avec l'équation précédente, qui fait x fonction de /.
É. COLLIGNON. — RECHER< m S SI R LE «01 CEMENT ÊPICYCLOIDAL 107
On peut observeraussi qu'aucune solution réelle nés' applique indétinûrient
au problème, de sorte qu'il arrive une époque où le mouvement épicy-
cloïdal est forcément interrompu. La composante -77- de la vitesse V est
toujours moindre que V : donc l'abscisse x' grandit moins vite que la
fonction Vf -f », où a désigne une constante. On a, par suite, eu valeur
absolue,
"^F^- gt2
^ r,X v0a
OU <C -~\ 77"
Le second membre de cette inégalité décroit indéliniment à mesure
que t augmente; il en est donc de même du premier, et la parenthèse
(q t + — — - —Y se réduit sensiblement à q- t- pour les très-grandes
V ~ g t- gt dt J
valeurs de t. Or ce résultat est impossible, puisque le premier membre
de l'équation grandirait indéliniment avec t, tandis que le second est
constant et égal à V2. La représentation indéfinie du mouvement est
donc impossible. Nous avions déjà constaté ce fait pour le mouvement
uniformément varié rectiligne.
w2" Mouvement parabolique des comètes.
Nous avons indiqué dans la séance du 23 août 1N7(>, au Congrès de
Clermont, que l'on trouvait une solution de cette question particu-
lière en prenant pour courbe directrice la direc-
trice même de la parabole. Il est aisé de le
vérifier.
Soit 0 le foyer de la courbe, OX son axe,
OA = a la distance du foyer au sommet.
L'aire AOM est égale à l'aire ASM moins le
triangle OSM ; on a donc,
aire AOM = ? A S x S M — i 0 S X SM. Fig. 9.
Rapportons la courbe aux axes OX, OY, menés par le foyer. Elle
aura pour équation :
U"- = Aa {x -f- «) = 4aœ -j- 4a2.
On en déduit : AM = x -\-a = |-,
1 Aa
u°- a2 — 4 a2
0S = x = 4 a— l—, .
4â Aa
108 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
et, par conséquent,
aireA0M=3éX?/-2^-X^
_ l!_ i nJL
24a "■" 2 *
D'un autre côté, la normale 31 N à la courbe a pour équation
y — y =
ce qui donne, en observant que
dx . ,
y — y = — — (x — x),
ydy = 2a dx, ou que — = -^-,
dy 2a
. xxi x'y
remplaçons a? par j a ; il viendra
i y3 y x'y
J J~8a2 2 2a
= l_i_f_ x'y
2 '"Sa2 2a'
Cela posé, faisons x'=— 2a, équation de la directrice RP. Nous
aurons :
w'_y_Lj/l i „ — ?„4_ ^ -V^ i q-'A_ 3XaireAOM
2/ - 2 + 8 a2 "*" ?/ - 2 y + 8^ - â \^ + T J "" â "
Si donc l'aire AOM croît proportionnellement au temps, il en sera de
même de l'ordonnée y' du point P; et ce point se mouvra uniformément
sur la directrice.
La courbe roulante est, comme on le sait, l'enveloppe du côté d'un
angle droit dont le sommet parcourt la parabole, le second côté passant
constamment par le foyer 0 : c'est la courbe représentée en coordonnées
polaires par l'équation rcos3-=a.
o
MOUVEMENT CIRCULAIRE.
Le mouvement circulaire est défini parla valeur de l'angle au centre 9
en fonction du temps t. Appelons a le rayon du cercle; soit M la posi-
tion du point mobile au bout du temps t, P la position correspondante
du centre instantané de rotation, PP' l'arc élémentaire de directrice,
É. COLLIGNOtf. — RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICYCLOIDAL 109
/• la longueur Ml*, et p. l'angle que la directrice fait au point P avec
le rayon vecteur PO. Là distance OP sera égale à
a-f-r, quantité que nous appellerons h pour abréger.
On aura donc pour l'arc élémentaire PP' de la di-
rectrice
dc=J dh2 + h\do\
et l'équation différentielle* de la directrice, rapportée
aux coordonnées polaires h et tp, sera
Fig. 10.
dh*-\-hidf = \-<lt1y
V étant une constante. Nous supposerons d'abord que le mouvement
circulaire soit uniforme, c'est-à-dire nous poserons;
d<o
dï=n-
quantité constante. L'équation devient alors :
v
b étant un nombre donné, égal à — .
Cette équation est très-facile à intégrer, puisque les variables s'y
séparent. On arrive aussi au résultat en suivant la marche que nous
allons exposer.
Élevons en P une perpendiculaire PQ sur le rayon vecteur OP. Quand
le point P suit la directrice cherchée, la droite PQ enveloppe une cer-
taine courbe SS', dont la directrice PP' est la podaire par rapport au
point 0. La distance PQ entre le point P et le point de contact de PQ
ri h
avec son enveloppe est égale à la dérivée — r— . Cela posé, différentions
l'équation (1) ; il vient :
d h /d2 h . , \
7Z {dy + h)=0'
équation qui se décompose en deux autres,
dh . . d% h , .
~— - — o, ou bien -; \- h = o .
do d <p* '
d h
Si l'on fait — = o, ou h constant, l'équation (1) montre que h est, en
d o
effet, égal à une constante, savoir à la quantité b.
On obtient d'autres solutions en posant
h h = o
dz*~
110 MATHÉMATIQUES; ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
Or la fonction - — - -f- h représente le rayon de courbure de la courbe
SS' au point Q; si ce rayon de courbure est constamment nul, la courbe
SS' se réduit à un cercle de rayon nul, c'est-à-dire à un point, et par
suite le lieu du point P est le lieu du sommet d'un angle droit QPO,
dont les côtés passent respectivement par deux points tixes, 0 et P ;
c'est donc la circonférence décrite sur OQ comme diamètre. L'équa-
tion (1) montre d'ailleurs que le diamètre de cette circonférence est
égal à b.
La première solution est la solution particulière de l'équation (1);
la seconde renferme toutes les intégrales comprises dans l'intégrale gé-
nérale.
Ainsi, lorsque le mouvement circulaire est uniforme, la courbe direc-
trice est, soit un cercle concentrique au cercle donné, soit un cercle
passant par son centre, ce qu'il est aisé de vérifier géométriquement.
Dans le premier cas, la courbe roulante est un second cercle; dont le
centre a le mouvement voulu. Dans le second cas, il y a lieu de chercher
l'équation de cette/xiurbe roulante.
Soit OÀ le cercle donné, OB le cercle qui sert de courbe directrice.
Nous aurons, en menant un rayon OM quel-
conque
P M = r et l'angle ja sera égal à
2 ?'
/% \ rd<)
Donc tang [i = tang ( — — o ) = cot -j = -r •
Soit OB = c le diamètre du cercle intérieur;
on aura :
r = a — c cos y = a — c
d'où l'on déduit successivement :
l?ig. il.
r d 0
v' r2 </02 + dr* "'
c r d 0
a — r
\! r- d()- -f dr- '•
et enfin
d 8 = ±
c2 r2 tZO2 = (a — r'1) f1 dV -f (a — r )2 d r2 .
(a — r) dr (a — r) dr
r\ c- — (a— r)2 '
V S r2 — (a —r)*r*
fonction intégrable.
Si l'on exprime r en fonction de cp, il vient
, c cos © d o
d0 = ± ■ -
a — c cos tp •
Nous sommes maîtres du signe à attribuer à rfO, et nous prendrons
le signe : moins ; il viendra :
É. COLLIGNON. — RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÊPICYCLOIDAL M1
— C COS cp .7 a a — c cos cp — a ,
d 0 = ! ■ = s d cp
a — c cos cp a — c cos p
= ./ -
</ C COS Cp
Pour intégrer le second terme, il convient de prendre pour variable
tang —■ , et l'on parvient à l'équation :
« = C+9- f= arc- tang [\/-£±-° >»„, |] .
Cette équation, jointe à la relation
r = a — c cos cp;
définit la courbe roulante.
La construction de Savary, appliquée à la courbe roulante, à la direc-
trice OPB et à l'épicycloïde A M. donne le rayon de courbure de la
courbe roulante au point P (fig. 42.)
Le point I, milieu de 0 B, est le centre de courbure de la courbe di-
rectrice; le point 0 est le centre de courbure de l'épicycloïde. Soit C le
centre de courbure de la courbe roulante. Si l'on
mène P P> perpendiculaire à la droite P M, cette
droite ira passer par le point B. Les droites C M,
01, PB concourant en un même point, passent
toutes les trois par te point B, qui est fixe. Le
point C cherché est donc à l'intersection des
droites PI et MB.
L'équation qui donne 0 n'apprend plus rien
quand on fait c = a, ou lorsqu'on prend pour cercle directeur le cercle
décrit sur le rayon du cercle donné comme diamètre. Dans ce cas, on
reprendra l'équation différentielle
c cos cp d cp
d 6 = — S
a -- c cos?
et y faisant c= a, on la réduit à la l'orme
1 — 2sin2^
cos o 2.
d 0 = : — d o = a 9
1— COS? o „:..,?
L'intégrale de cette équation est
2 siii'r
2
do
2 sin2~
•2
= 9 + cos |,
I 12 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
équation à joindre à la suivante
CD
r = a — a cos ? = 2 a sin2 ^ ,
La ligure 2 (pi. Ilj représente la courbe roulante dans cette hypo-
thèse de c = a.
Mouvement circulaire satisfaisant à la loi des aires égales
autour d'un point donné.
Soit C le centre des aires;
OC = c l'excentricité ;
OA = a le rayon du cercle décrit par le mobile;
MOA = cp l'angle qui définit la position du mobile à un instant
donné ;
P le point correspondant au point M sur la directrice cherchée;
OP = h, le rayon vecteur de cette dernière courbe.
L'aire élémentaire décrite par le rayon CM dans le temps dt sera
1
égale à — ar/cp (a — c cos cp),
et si l'on appelle A le double de la vitesse
aréolaire constante, on aura
d<s>
a — (a — c cos cp) = A.
dt v ,;
La vitesse du point P doit être aussi con-
stante : on aura donc l'équation.
dh? + /i2 df = Y2 dt* ;
éliminant dt entre ces deux équations, il vient
l'équation différentielle
fdh? \ , , V2a2 ,
C) ( rfr)+ h* = ~jr («-ccos?j2,
Fig. 13.
équation de la forme
(£>+—'«■
On peut déduire de cette équation certaines propriétés de la courbe
cherchée PP', qui peuvent aider a la construire.
1° Le rapport — représente la sous-normale polaire OF de la courbe
/ il h Y-
PP; la somme f — J -f A2 est le carré de la normale PF. On voit que
la normale de la courbe est proportionnelle à a — c cos cp, ou au
segment IM, I étant la projection du point C sur le rayon 031.
É. COLLIGNON. — UIXIll i;< HES SUB LE MOI VEMEN1 ÉPICYGLOIDAL 113
2° L'arc élémentaire de la courbe PP' esl égal à Wdt, ou à
— ^a — c cos o) rfcp ; l'arc de la courbe cherchée esl l'intégrale de
cette différentielle, c'est-à-dire, il a pour expression
Va
— ■ (aoi — c sm »).
A
3° Différentions l'équation (1). Il vient:
d'il \ , d-ll \ ,:
— ) -— 4- h) = -— (a — c cos ») < c sm s.
cfo ,/ \ao2 .v
Considérons, comme tout à l'heure, l'enveloppe HH' des perpendiculaires
PQ élevées an point Psur le rayon OP. Soit Q le point de l'enveloppe qui
correspond au point P de la courbe cherchée; en ce point Q, l'enve-
loppe a un rayon de courbure QL égal à la somme h -\ — — ; d'ailleurs
IL '
-= — est représenté sur la figure par la distance PQ. Donc l'équation pré-
cédente équivaut à celle-ci :
po x ql = n-^ x m X ic.
A
• en observant que IG est égal à c sin o. En d'autres termes, le rapport
des surfaces des deux triangles rectangles PLQ, CIM. est constant et
égal à —
4° Si l'on joint OQ, l'angle OQP, qui a pour tangente — = -r^-, est
égal à l'angle ;x que t'ait la courbe directrice avec son rayon vecteur. Si
l'on connaissait cet angle, on en déduirait l'angle QOP qui en est le
complément, et on aurait la direction dans laquelle il faut porter la
AT
longueur connue OQ = PF = -— {a — c cos o), pour obtenir le point Q.
A
Cette direction est en effet déterminée par l'angle QOA égal à la somme
tp -f- \x. Le problème serait donc résolu si l'on connaissait \x en fonction
de ¥.
Faisons OQ = % ; nous aurons :
OP = z sin ^ = h,
on dh
PQ = Z COS [A — — .
do
La première équation difîérentiée donne :
dh ■=. dz sin \), -f- z cos [a d[J. ;
substituant à dh sa valeur zqos\j4^ tirée de la seconde, puis à z sa
8
114 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
Va
valeur — (a — c cos cp), il vient l'équation différentielle suivante entre
A
les variables cp et ;;. :
(a — c cos cp) cos ;j. (cfcp — d[j.) = c sia ;j. siu a dep,
ou bien
2) -f- -^ !— tang ;x — 1.
Otp r/ — CCOScp
Cette équation, une lois intégrée, fera connaître \t. en fonction de cp,
et conduira, par conséquent, soil à l'équation de la courbe roulante,
qui est renfermée dans les deux relations
r == MP = h — a
rd()
et tang \j. = — ,
soit au tracé de la courbe directrice par l 'intermédiaire de la courbe HH ,
dont elle est la podaire par rapport au point 0.
o° Le rayon de courbure p = QL de la courbe HH' est encore donné
par l'équation
~-dz
"=~dh~;
si l'on y remplace clk par sa valeur zcosy.do, il vient :
r d s d:-
z cos \). d-Sf cos y. do
D un autre cote, a; = — — sm cp d-j .
A
Donc
\ac siu cp
A COS [/.'
. . Va
ou bien p cos ^ ^r — — c sin cp.
A.
Le produit p cos \i est représenté sur la ligure par la distance LR du
centre de courbure L au rayon OQ ; et c siu cp est la distance CI du
point fixe C au même rayon. Un voit que le rapport de ces deux dis-
- , Va
tances est constant et égal au rapport — .
L'intégration des équations (1) et (2) ne paraît pas possible en termes
finis. Mais on peut en trouver des intégrales approximatives pour le cas
où le rapport - est une petite fraction dont les puissances supérieu-
res à la seconde soient négligeables. OCcupons-nous spécialement de
l'équation
E. COLLIGNON. — RECHERCHES sri; LE MOI \ KMKNT ÊPICÏGLOIDAL LIS
dhy , vaoa
I lj")"T" * = ~T^~'a — ccos/f)2.
.. , . ... . Va2
Si cetait mil, on y satisferait en posant /; = — — , quantité constante .
Un peut regarder cette solution comme constituant une première
approximation, et la compléter par deux fonctions de o multipliées res-
pectivement par c et par c'-. Après quelques essais, on découvre une
solution convenable qui consiste à poser
Va" Vac V
*= A - A l'°^-±V
c- sin-
siu
cos
On a, en effet, en prenant la dérivée par rapport à ■-,,
dh _ Vac . Y
d-j "A i A
Elevant au carré et ajoutant à h2, il vient, en négligeant les termes
en c3 et c* :
©"+*
V-a4
A2
-2 Y2 a3 c
Â7-
COS Cp +
+
V2
a2
c2
A2
V2
a-
c2
A2
V2
a2
r"
COS,'
sur cp
A2
sm-
V2 a2
= — Y7 («2 — 2ac cos cp -j- c2 cos2 cp)
V
A.2
(a — c cos ci)2,
c'est-à-dire l'équation (1) elle-même.
On voit sur la iig. 3, pi. ll; les formes de la courbe fixe et de la
courbe qui doit rouler sur elle.
Cette solution approximative s'applique au mouvement elliptique des
planètes lorsqu'elles ont une faible excentricité. Si
l'on parvient à régler le mouvement d'un point M
le long du cercle OA suivant la loi des aires éga-
les en temps égaux autour du point C , il suffit
d'une transformation très-simple pour réaliser le
mouvement dans une ellipse ayant le point C pour
foyer. Le rayon OA devient le demi-grand axe
de l'ellipse; le demi-petit axe OB est égal à
yOA3 OO • Cela P°sé, prenons sur OM une longueur constante
OA 4- OB
OK = -J-— ,
I 10 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQJ E
et articulons en K une tige KL, égale à OK, et dont l'extrémité L soit
assujettie à glisser sur la droite fixe OÀ. Prenons ensuite sur cette tige
un point S tel qu'on ait
KS = KM = 0A ~ 0B
Le point S décrira l'ellipse AB, en restant toujours sur la perpendi-
culaire JV1R abaissée du point M sur OA, ce qui suffit pour que les
aires, MCA, SCA, décrites par les rayons CM, CS, soient constamment
proportionnelles.
On obtient géométriquement une.autrc solution approximative du même
problème par la méthode qui suit, pour le cas où l'excentricité c est
très-petite par rapport au rayon a.
L'aire élémentaire décrite par le rayon CM dans le temps dl a pour
mesure la moitié du produit
a (a — c cos cp) dtp,
et l'aire totale, MCA, est l'intégrale de cette différentielle entre les limi-
tes 0 et ç. On a donc :
a'1 cp — ac sin cp — A/,
et, en divisant par a2,
sin
_A_
A
a1
donc
— est le mouvement moyen, que nous représenterons par n; on aura
a"
9 sm
a
nt.
Par le point 0 menons une droite OxM faisant avec l'axe OA l'angle
M'OA = nt. Le point M où elle coupe la circonférence est situé sensi-
blement sur une droite CM' menée par le point
C parallèlement àOM. En effet, si Ton mène par
le point C une parallèle CM' à OM, la dislance
du point M' à la droite OM sera égale à la dis-
tance CI, c'est-à-dire à c sin cp. Cette distance
est, dans le cercle donné, le sinus de l'arc MM'.
Donc MM' est l'arcdont le sinus est égala csino,
dans le cercle de ravon a, et l'angle MOM' est
l'angle dont le sinus est —sin v. Comme c est
a
très-petit, on peut remplacer le sinus par l'arc, en commettant
une erreur moindre que le sixième du cube de l'arc. On a donc,
1 c3
avec une erreur au plus égale à — - siu; s»,
I). COLLWNON, — UEC.UEHCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICVCLOIDAL 1 17
Q
angle MOM'=-sin ».
a
L'angle M'OA, égal à » — -sin », est, par suite, égal à ni, au même
degré d'approximation. On voit par là que le mouvement du point W
sur la circonférence donnée est uniforme.
Par le point M', menons M'P parallèle à CO, jusqu'à la rencontre du
rayon OM. On aura M'P = CO, et le lieu du point Pest, par conséquent,
une circonférence égale à la circonférence donnée, déplacée vers la
gauche de la quantité OC =c. Le point P a sur cette circonférence
un mouvement sensiblement uniforme, et connue ce point appartient
aussi à la normale OM, à la trajectoire du point mobile, la circonférence
C'A' peut servir de courbe directrice à une courbe roulante qui, en y
appliquant en temps égaux des aies égaux, réalise le mouvement du
point M suivant la loi des aires égales autour du point C. Le problème
est ainsi résolu en déplaçant la circonférence donnée d'une quantité égale
à l'excentricité.
Pour déterminer la courbe roulante correspondante, on aura à intégrer
les deux équations
r = a — /;.
et
rdè _ hdy
dr ~ dk '
La seconde devient, en tenant compte de la première,
rdô = h(h ;
or h est donné en fonction de » par l'équation
a- = h- -f- *"" -f- %ch cos »,
qui, résolue par rapport à h, conduit à la relation
h= — ccoscp Jr\'i- — c- sin'--;.
Comnie c est supposé très-petit, on a sensiblement
1 c- . c'1 , c2
h
=z — c cos » -4- a — - — sin2» = a — c cos » — ; — f- -,— cos -1^,
2 a ' An ' 4«
avec une erreur du 4me ordre en -. Il en résulte
a
, 1 c2 . c . c
' = C COS » + - - SmZ » = -: h COS » ,- COS''
et, par suite
! IN MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, (iî'.oDÉSIE. MÉCANIQUE
dh = - do
, 1 c*
a dcp
c le
ros cp 4- - - sin2
1 2a
c cos cp -J- ^ — sin2 cp
r/-.
Donc
6 =
:->
cos 4- - sin'2
1 2a
sans ajouter de constante, pour que 6 et cp s'annulent en même temps.
L'angle 0 varie très-rapidement en valeur absolue, et la courbe est une sorte
de spirale, qui fait une infinité de circuits autour du pôle. (Fiç.4, pi. II).
La construction de Savary en donne le rayon de courbure: le point C'est
le centre de courbure de la courbe directrice en un point donné P ; le
centre de courbure de l'épicycloïde au point correspondant M est le
point 0. Le centre de courbure cherché de la courbe roulante est situé
quelque part sur la normale commune CP; il est donc au point F, à
l'intersection de CP avec la droite MS qui joint le point décrivant M à
l'intersection, S, de la droite C'O avec la perpendiculaire PS, élevée au
point P sur PM : la distance FP est le rayon de courbure de la courbe
roulante.
M-
MOUVEMENT CURVILIGNE. SECOND PROBLÈME.
Le second problème consiste à assurer à la courbe roulante une vi-
tesse angulaire constante, w, autour du centre instantané. Le tracé de
la directrice n'exige pas d'intégration : il suffit, en effet, de porter sur la
normale à la trajectoire, dans un sens ou dans l'autre, mais toujours
dans le même, une longueur r déterminée par l'équation
iùr = v,
v étant la vitesse linéaire du point mobile. Il restera ensuite à chercher
la courbe roulante qui correspond à la directrice ainsi construite.
Appliquons cette construction au mouvement parabolique des corps
pesants.
Soit 0 le point le plus haut de la trajectoire, sommet de la parabole:
les équations du mouvement seront :
PM = x = iy,
É. COLLI0NON. — RECHERCHES suit LE MOUVEMENT ÉPICYCI.OIDAL 11°-
la trajectoire aura pour équation
g •'''■
La sous-normale PN de cette courbe est constante et égale à — , on
.7
au double de la hauteur due à la vitesse y0.
La vitesse v du mobile eu un point M
quelconque est donnée par l'équation des
forces vives,
fj- r-
y*==Uo* + 2^ = V + ^T •
Donc il faudra porter sur la normale MN
IV
dans le sens MX par exemple, une lon-
gueur r, égale à
„> V r,,- > u>2 ' <•>-/•„-
i i iG
La vitesse angulaire u> étant arbitraire, faisons m=— . 11 viendra
# +
'V
== MN.
On peut donc prendre pour ligne directrice l'axe de la parabole.
L'équation de la courbe roulante RR correspondante s'obtiendra en
intégrant l'équation différentielle
lfl,n rdd x gx
tang MNP = — = — - =~m =
dv
9
V0-'
ou, en séparant les variables et en faisant %a— — ,
dr
d0 =
orY^ an/L-i,
Nous poserons r = •
COSv
"20 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQU]
On en déduit — = tangco,
y 4a
—- — l=tango>,
// o = tang2 cp »<d = — (h
' ' COS2cp
= dtang(p — d«p ,
et enfin 0 = tango — y,
Pour a>= 0, rp=2a, ce qui correspond au sommet 0 de la parabole;
on peut taire aussi 6 = 0, et ne pas ajouter de constante. La courbe
voulante a, eu définitive, pour équation
r2 — 4a- 2«
— arc cos — .
\/ ^a r
("est une courbe BANB, symétrique par rapport à l'axe polaire MA,
qu'elle coupe une infinité de fois, et qu'elle touche au point 0 = 0,
rs=2a, où elle a un rebroussement. Elle coupe ses rayons vecteurs
sous l'angle œ. Les valeurs de r croissent indéfiniment à mesure que cp
s'approche de -. L'arc s de la courbe compris entre le rebroussement et
le point situé à la distance r du pôle est donné par la formule
r2 = 2a(2a-f2s);
il est égal à l'abscisse x du point correspondant de la parabole. Enfin
la construction de Savary, appliquée à cette courbe roulante, t'ait con-
naître le rayon de courbure p = 2a tang cp sin cp.
Supposons, en second lieu, que le point mobile parcourant la para-
bole soit assujetti à décrire en temps égaux des aires égales autour
du foyer.
Soit F le loyer de la parabole, M un point de la courbe, FB la par-
pendiculaire abaissée du foyer sur la tangente, perpendiculaire qui coupe
la tangente en un point B appartenant à la
tangente au sommet OY. La normale MN esl
parallèle à FB. La sous-normale PN esl cons-
tante et égale au double delà distance OF. En-
lin les angles OFB, BFM, ONM, FMN sont égaux
entre eux.
La vitesse r du mobile au point }\ satisfait à
la loi des aires, c'est-à-dire à l'équation
v p = A ,
en appelant p la distance FB, et A le double de l'aire décrite par le
rayon vecteur FM dans l'unité de temps.
É. COLLIGNON. — RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICYCLOIDAL 121
La courbe directrice cherchée s'obtiendra en portant sur MN, dans le
sens MN par exemple, une longueur r telle qu'on ait :
A
c'est-à-dire une longueur r = — ,
et comme 31N = 2BF, on aura aussi :
(*)
2A _IV U
r = rj^ , ou /• X MN = — .
MN X w w
Du point N abaissons NQ perpendiculaire sur FM ; nous aurons
MQ==NP = 2a; abaissant encore Ql perpendiculaire sur MN, le triangle
rectangle MQN donne l'égalité
MI x MN=MQ2 = 4a2.
Divisant ces deux équations l'une par l'autre, il vient ;
_r_ A
MF- 2a-w'
de sorte que r est proportionnel à Ml. On peut, par conséquent ,' faire
A
r = MI, en prenant <o =^— ;•
La courbe directrice est donc le lieu des projections, I, des points U
sur la normale correspondante MN.
Si l'on appelle a l'angle BFO; les coordonnés x et y du point I seront
données par les équations
x = a taug2 a -f- 2 a cos2 a,
i/ = 2(i tang x — 2 (/ cos a sin x.
L'élimination de x entre ces équations ferait connaître l'équation de
la courbe, qui est du G"10 ordre. Pour des valeurs de a très-voisines
de ~t les premiers termes des valeurs de x et de y surpassent les
A
seconds, qui tendent vers zéro; la courbe roulante tend, par conséquent,
à se confondre avec la parabole, dont les coordonnées sont définies par
ces premiers termes pris isolément.
Si l'on transporte l'origine au point G défini par l'abscisse 0 Ci =: 2 a,
les équations de la courbe se simplifient et deviennent
x = — a tang- a cos 2 a,
ij = 2 a tang a sin2 a.
Le rapporta est égal à — tang 2 x. C'est le coefficient angulaire de
[*) Ainsi, dan> te mouvement des comètes, r doit être inverseinenl proportionnel à ta normale
MN; dans le mouvement des corps pesants, r doit être proportionnel a MN.
122 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
te droite GI lorsque l'origine est transportée au point G. On en
déduit que l'angle OGI est égal à 2 x, ou au double de l'angle ON M;
done, dans le triangle GIN, les angles en N et I sont égaux, et par
conséquent les cotés opposés GN, GL le sont aussi.
L'équation en coordonnées polaires de la courbe lieu des points I, en
prenant le point G pour pôle et l'axe GO pour axe polaire, résulte
aisément de cette remarque. On a, en appelant r le rayon vecteur et w
l'angle polaire 0 <", I,
u = 2 œ,
r — Gl = G N — 0 N — 0 G = OP + PN — OG = OP,
puisque les longueurs OG et PN sont toutes deux égales à 2r/. Ainsi
le rayon vecteur r de la courbe roulante est égal à l'abscisse 0 P du
point correspondant de la parabole.
Si donc on appelle r le rayon vecteur F 31 de la parabole rapportée
à son foyer, rayon qui t'ait l'angle 2 x avec l'axe F 0, on aura à la t'ois :
r' = x ==a — r cos 2 x,
et r cos 2 % = a.
Remplaçons a par — , puis éliminons r entre les deux dernières équa-
tions ; il viendra pour l'équation polaire du lieu des points I,
w
r = a tan g2 — .
La tangente trigonométrique de l'angle ;j.', que t'ait cette courbe avec
son rayon vecteur au point I, est donnée par l'équation
r' d w
tanff u
d r
1
On en déduit tan^ \i.'= — sin to. L'angle ;a, que t'ait la normale 31 1 à la
parabole avec cette même courbe au même point 1, se déduit de l'an-
gle y.' en observant qu'on a :
V- + \j: + * = ~
Donc
tang \x = — tang a ( 1 -] — ),
\ cos2 y.
D'ailleurs 311 est le rayon vecteur de la courbe roulante. Appelons rt
ce rayon vecteur, et 0 l'angle polaire correspondant ; nous aurons :
311 = rl = 2 a cos a,
d 1\ = — 2 a sin xd a;
et, par conséquent.
É. COLLIGNON. — RECHERCHES SUR LE MOUVEMENT ÉPICYCLOIDAL
?•. r/0 2 c/cos 7.-/0
123
tan» ;x
Donc
ou, en intégrant,
dri
— "i a sin x d x
tans y.
\ cos-a
/ 1 \
(1 0 = tang2 7. ( 1 -j ) rfa,
\ cos2a/
. 1
0 = tang a -j- — tang3 a — a,
o
équation qui, jointe à l'équation
r, = 2acosa,
définit la courbe roulante.
Cherchons, pour finir, une courbe directrice correspondante à un
mouvement circulaire qui satisfait à. la loi des
aires égales autour d'un point C donné. La let-
tre a désignant le rayon du cercle, c la distance
OC, o l'angle au centre MOA qui définit la po-
sition du point mobile M, on aura :
dm
tùr = a
dt'
d
?
Fig. 18.
et a -j1 (a — ccoso) = A, quantité constante.
(Xi l
Il faudra donc prendre sur le rayon M O, à partir du point M, dans
un sens ou dans l'autre, une longueur r donnée par l'équation.
m( a — c eoso)
c'est-à-dire une longueur inversement proportionnelle au segment IM
compris entre le point M et la projection du point C sur le rayon O M.
Posons A=uR; le facteur K sera une quantité constante, homogène
au carré d'une longueur, et à laquelle on peut attribuer un signe sui-
vant qu'on porte r en dedans ou en dehors. Nous aurons pour l'équation
polaire de la directrice :
h = a 4- r = a 4- .
a — c cos cp
Les équations de la courbe roulante correspondante seront :
K
et
a — c cosep
rdH =hdv.
1:24 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
On tire de cette dernière
( i K
li aœ \ a — ccos©
/- K
ch
H — CCOS CD
(a'2-f-K — accos<p)dcp / aa\ ac
K
et, en intégrant.
(1 + x)^~ïï^C0S — '
"=(d+r)î-Ts"'^
Lorsque l'excentricité c est très-petite par rapport à a, on peut, en
donnant à K une valeur négative, obtenir une courbe directrice qui
diffère très-peu d'une circonférence. Faisons en effet K ;= — a'1; il
vient :
— ac cos cp
/i —
a — c cos
courbe qui, pour les très-petites valeurs de—, se confond sensiblement
avec le cercle
h = — c cos ©,
c'est-à-dire avec le cercle symétrique par rapport au point 0 du cercle
décrit sur OC comme diamètre. Au point 31 correspond alors le centre
instantané P sur le prolongement du rayon M 0. On peut le vérifier
géométriquement en menant par le point C une parallèle M' N' à OM.
Si le point C est très-voisin du point 0, CM' est sensiblement égal à IM,
et l'on a ainsi IN = PM=CN'. Donc le produit PM X IM est sensi-
blement constant et égal à CM'xCN', ou à a2 — c'-. ou enfin à a2,
puisque c- doit être négligé, au degré d'approximation dont nous nous
sommes contentés.
A. VIANNHEIM. — PLANS TANGENTS DE LA MUFACE DE L ONDE
I2S
M. À. MAMHEIM
Chef d'escadron d'artUlerie3 professeur a l'École polytechnique.
SUR LES PLANS TANGENTS SINGULIERS DE LA SURFACE DE L'ONDE
ET SUR LES SECTIONS FAITES DANS CETTE SURFACE PAR DES PLANS PARALLELES
A CES PLANS TANGENTS.
-■ Séance tin S i août lui'. —
La surface de l'onde coupe chacun de ses plans principaux et le plan
de l'infini suivant une conique et un cercle.
Dans chacun de ces plans, ce cercle et cette conique donnent lieu à
quatre points d'intersection qui sont des points coniques de la surface de
l'onde.
Nous allons montrer qu'il est facile de déduire de ces résultats bien
connus que la surface de ronde touche certains plans le lony de circon-
férences de cercles cl qu'elle est coupée par des plans parallèles à ceux-ci
suivant des anallagmatiques du, -V ordre.
Figurons les traces de la surface de l'onde sur ses plans principaux
en ayant soin de tracer les circonférences en traits ponctués et en in-
diquant les extrémités des axes par
la lettre qui servira à indiquer leurs
longueurs (fig. 19).
Dans le plan des yz, les points
coniques sont imaginaires, mais ils
sont sur les cordes communes réel-
les du cercle et de la conique con-
tenus dans ce plan. L'une de ces
cordes el est parallèle à l'axe des
y et est à une distance de cet axe
égale à
De même, dans
Fig. 19.
le plan des xy, on a la corde dm parallèle à l'axe des y et distante de cet
i(i - g2
axe d'une longueur égale à 6w — — -%.
Tout plan mené par l'une ou l'autre de ces droites coupe la surface
de l'onde suivant une courba ayant deux points double,-. Cette surface
126 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, UÉCANIQ1 l.
est alors coupée par le plan des deux droites el, dm, suivant une courbe
du A" ordrw qui a quatre points doubles, c'est-à-dire une courbe qui se
décompose en deux coniques.
Mais il résulte des valeurs de oe et de od, ('(-rites plus haut, que
_L _l_L -i.
oc- od2 b- '
et. par suite, que ed est une tangente à la circonférence dont le centre
est o et le rayon ob.
Le plan (el, dm) est donc aussi tangent en <j à la surfa e de l'onde
et le point g est alors un point double de la section faite par ce plan
dans cette surface. Mais cette section se compose de deux coniques ; ces
courbes doivent alors avoir en commun le point y; elles ont donc cinq
points communs et doivent se confondre.
Le plan (el, dm) touebe alors la surface de l'onde le long de ces
coniques.
Je dis que ces courbes sont des circonférences de cercles.
Coupons la surface de l'onde par un plan perpendiculaire au plan
des xz. Ce plan coupe le plan des xz suivant, une droite qui est un
axe de la section qu'il détermine dans la surface de l'onde et il coupe
le plan (el, dm) suivant une perpendiculaire à cet axe. Lorsqu'on trans-
porte ce plan sécant parallèlement à lui-même à l'infini, la courbe
d'intersection se compose d'une circonférence et d'une conique concen-
triques et la trace du plan (el, dm) sur le plan de l'infini, qui est, d'a-
près ce que nous venons de dire, perpendiculaire à un axe de ces
courbes, ne peut être une de leurs tangentes communes, mais doit être
une de leurs cordes communes.
Ainsi les plans tangents singuliers de la surface de l'onde coupent
le plan de l'infini suivant des cordes communes au cercle et à la coni-
que situés sur ce plan. Par suite, les coniques suivant lesquelles ils
touchent la surface de l'onde passent par des points situés sur le cercle
imaginaire de l'infini et sont alors des circonférences de cercles.
La surface de l'onde ayant un centre, ses plans tangents singuliers
sont symétriques deux, à deux. Il y a alors (Ivux [dans tangents singu-
liers pour chacune des cordes communes au cercle cl à la conique
situés dans le plan de l'infini, c'est-à-dire que lu surface de l'onde a
douze plans tangents singuliers.
Parmi ces plans tangents, il n'y en a (pu- quatre réels, puisque, sur
le plan de l'infini, il n'y a que deux cordes communes réelles. Des
plans parallèles aux plans tangents singuliers passent par les cordes
communes au cercle et à laconique situés sur le plan de l'infini; ils
coupent alors la surface de l'onde suivant des courbes ayant pour
E. CATALAN. — SUR LA SOMME DES DIVISEURS D'UN NOMBRE t"27
points doubles les points coniques situes sur ces cordes. Et comme ces
points doubles sont sur le cercle de l'infini, nous voyons que :
Des plans parallèles aux plans tangents singuliers d'une surface
de l'onde coupent cette surface suivant des anallagmatiques du
Y ordre (*).
M. E. CATALAN
l'rofessuur d'analyse à II Diversité de Luge.
SUR LA SOMME DES DIVISEURS D'UN NOMBRE il
— Séance du -' î août is77. —
Dans le dernier Bulletin de la Société mathématique, M. Halphen
donne le théorème exprimé par l'équation
f „=3 I (n— 1) — S / (w — 3) + 7 An — 6)—...,
(A)
et analogue au célèbre théorème d'Euler.
Il est facile de former d'autres propositions du même genre.
Soit, par exemple, l'égalité connue (**) :
[(i.— x) (1 — œ2) (1 — as3) ....]» = 4+L1a;— ..+LBojn+.. (1)
Si l'on opère comme Labey i i et M. Halphen, on trouve la relation
/tt-f-L, At.-1) + La An — 2)+...+L»-<=s — ^L», ^
analogue à (A), mais moins simple.
Relativement aux coefficients Lu , nous rappellerons seulement cette
propriété :
La fonction
L/t — L„_i — L„_2 -f~ Ln_s -f- La—^ — . . . ,
X i
nulle sinn'estpas triangulaire, égale (2X.-p-l)( — 1) quand n= -À (X-J-l).
" Par une tout autre voie, j'ai déjà démontré un cas particulier de ce théorème dans une
communication que j'ai faite à Nantes.
(**) Recherches sur quelques produits indéfinis, p. 39.
(***) Recherches sur quelques produits indéfinis, p. 8-
128 MATHÉMATIQUES, ASTItONOMIK. I,K< >I».SIK. MKCAMOI K
II.
Soit maintenant la formule de Jacobi :
[M — x) (1 — œ2)(l— œ3) ...y
= 1 — Sx -j- o œs — 7 œ6 + 9 ce10 — 1 1 .r1 ' -f . . , (2j
d'où résulte, comme l'a remarqué M. Halphen :
x -\- S x'1 -\- 4 x' -j- . . . / n. xa -)-...
x — »x-+ lia;6 — 30xi0+oox1-— .
1 — 3œ + S .rJ — 7 «6 -f- 9 a;10 — 1 1 xi:i -f
Supposons :
1
( ,. (3)
1 —3a; -f 5x3 — 7a,-6 -f- 9a;1" — . . .
= l+A1a; + A2a32+...+A„a;» + ..., (4)
de manière que les nombres entiers A„ sont donnes par la loi de
récurrence :
A(î — 3A„_1-|-oA,i_3 — 7A,i-o+9A,,-io— ... =0. (S)
Alors, d'après l'égalité (4) :
in = An-1 - oA„_3+ 14An-6 — 30An-.io + ^A"-i3 — • • • (c)
III.
J'ignore si l'on a fait attention que l'on peut ramener la détermina-
tion de / n, au problème de la décomposition d'un nombre entier, en
parties entières, aclditives. Pour arriver à ce résultat curieux, il suffit
de modifier légèrement la méthode employée ci-dessus.
Soit la célèbre formule d'Euler :
(I —x) (l — œ*) (1 — ai3) ....
= 1— a; — x* + x> -\- x'1 — x1- — xVo -\- . . . (0)
On en conclut, comme Labey :
r
x -{- 'S x- ~\- 1 x3 +•••+/ n .x -(-....
Jx + %xn~ — 5'ar> — "tx'-\- 12a;12 + 15a;13— . . .
1 — x — x- -f- x:' -f- x~ — xVi — xVi -f- • • .
I*) Recherches sur quelques produits indéfinis, p. 39 et suiv. — Il est visible que, dans le
n(n-H)
numérateur, le coefficient de x est, aaleui n so «e, la sotnnié des carresdes n })>c
miers nombres entiers.
LEVEAU. — NOTE SUR LA COMÈTE PÉRIODIQUE DE D'ARREST 129
La fraction
I 1
i — x — x* + x" -f x6 — ... ([—x)({— x2) (i — x*) ...'
développée en série, devient V <|»(n)a3 , <W») représentant /e nombre
flfeà" décompositions de n en parties entières, positives, égales ou jné-
Par conséquent,
f-
K«— 1) + 2(j- (n— 2) — 56 (n— 5) — 76(n— 7) + 12«|i (»— 12) +. . . (D)
Exemple. Si n = 12, on doit trouver:
j 12 = 6(11) + 26 (10) — 06 (7) — 76 (5) + 1-2 6(0);
ou
As = 56 + 2. 12 — 5. lô — 7.7 -f- 12= 28,
ce qui est exact ( ).
M. GROLOUS
Ancien Élève 'le l'École polytechnique.
ETUDE SUR LA VARIATION DE FORCE VIVE DES PLANÈTES.
— S vu a ce du S 4 août IS77. —
M. LEVEAU
Astronome adjoint à l'Observatoire de l'aris.
NOTE SUR LA COMÈTE PÉRIODIQUE DE D'ARREST.
— .S' eu, ace du ii aoû 1 87 7. —
En ne considérant, d'après la haute autorité du Bureau des longi-
tudes, comme comètes périodiques, que celles dont le retour a été
(*) Recherches sur quelques produits aidé finis, p. il.
v**) Recherches sur quelques produits indéfinis, table H'.
tâO MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE. GÉuDKSIK. MÉCA.MOl L
constaté, on voit par le tableau donné dans l'annuaire publié par ce
corps savant, que ces astres, désignés par les noms des auteurs de
leur découverte, sauf celle d'Kneke, sont au nombre de 9 ; savoir :
Encke, Brorsen, AYinneckc, Tempel, d'Arrest, Biéla, Faye, l'utile,
Halley.
Sur la proposition de M. Faye, l'Association française a bien voulu
témoigner l'intérêt qu'elle porte à l'étude des mouvements des comètes
et me permettre, par ses libéralités, de terminer en temps utile les re-
cherches que, depuis 1866, j'avais entreprises sur l'une d'elles, la
comète périodique de d'Arrest.
Je demande la permission de rendre succinctement compte de ce
travail.
Découverte en 1851, la comète périodique de d'Arrest a été, dès cette
époque, l'objet d'études intéressantes de 31. Yvon Villarceau, membre
de l'Institut, et de J\l. Oudemans, directeur de l'Observatoire de Ba-
tavia.
Observée seulement par M. 3Iaclear, du Cap de Bonne-Espérance, à
son retour de 1858, elle n'a pu l'être en 1864 à cause de sa proximité
du soleil.
Prenant pour point de départ les éléments déduits par M. Villarceau
des observations faites en 1851 et 1858, j'ai calculé, en tenant compte
des perturbations produites par les principales planètes du système
solaire, une éphéméride qui, en Septembre 1870, a permis à M. Vin-
necke de retrouver la comète et à M. Schmidt, directeur .de l'Obser-
vatoire d'Athènes, d'en faire des observations jusqu'à la fin de la même
année.
Le but du travail actuel a été de relier ers dernières observations à
celles qui ont été faites en 1851 et 1858 et d'en déduire des positions
exactes pour le retour de 1877. La grandeur des perturbations de cette
comète par Jupiter dont elle s'est approchée des trois dixièmes de la
distance de la terre au soleil, a compliqué le problème et n'a pas per-
mis de calculer analyliquement, comme d'ordinaire, les coefficients
des équations différentielles qui expriment les variations d'ascension
droite et de déclinaison en fonction des variations des éléments ellip-
tiques.
J'ai été obligé de supposer six systèmes d'éléments peu différents de
ceux dont on recherche la correction et de déterminer, en calculant
les perturbations pour chaque système, les variations en ascension droite
et en déclinaison produites sur les positions primitivement obtenues
pour 1870.
J'ai alors déduit, pour 1870, des éléments qui satisfont ainsi aux ob-
servations qui ont servi à les déterminer.
LEVEAT. — MHK si i; i.\ ( nMi. | K pÉHhihinuK DE d'aM\EST 131
(iR0 - ^Ro ) eos l) D0 - Dc
1X51 Juillet 3 . . . . . — 3",0 — 4",5
Juillet 31 — 6,0 + 7,4
Août 29 + 4 ,7 + 10 ,0
. Septembre 29 -f 2 ,8 +10,8
1857 Décembre 12 — 1,0 -f- 6,1
Décembre 29 — 3 ,2 6 ,9
1858 Janvier 14 — 4,6 + 3,6
1870 Septembre 21 —5,2 — 4,9
Octobre 18 +1,6 + 2,1
Novembre 19 — -i,'» — 8,6
Décembre 13 — 0,1 — 15,6
En ajoutant aux éléments de 1870 les perturbations par Vénus, la
Terre, Mars, Jupiter et Saturne, depuis cette époque jusqu'en 1877, j'ai
obtenu les éléments suivants :
HUments oscillateurs de lu comète périodique de d'Arrêt
pour 1877 Janvier lt,0: temps moyen de Paris.
Longitude moyenne t = 30l°50 .51", 12
" y .rMjum. et
Longitude du périhélie w ■ =z 319. 9.l4,/0 f, .
° , ,,-,-., /*'< lrpt. moyens
Longitude du nœud ascendant . 0 = 140. 9.2/ ,03 l 4«80 0
Inclinaison sur l'écliptique . . * <j} = 15.43. 9,22 j
Angle (sin = excentricité). . . . r, = 38.53.18,04
Moyen mouvement diurne . . . n = 532", 41003
Je suis heureux d'annoncer à l'Association française qu'à l'aide de
l'éphémérkle déduite de ces éléments et que j'ai publiée au commen-
cement de cette année, M. Coggia, dans la nuit du 8 au 9 Juillet et
M. Tempel dans la nuit du 9 m 10, ont retrouvé la comète.
La comparaison avec l'éphéméride des observations laites jusqu'à ce
jour a montré que le travail entier jouit d'une grande exactitude. En
effet, la correction en ascension droite n'est que de 10 secondes de
temps et celle en distance polaire de 25 secondes d'arc. Ces différences
sont relativement faibles, vu l'incertitude qui règne sur les observations
d'astres aussi faibles que celui-ci, la grandeur des perturbations pro-
duites de 1851 à 1870 (—52514" en ^R et + 27433" en D), le petit
nombre d'observations qui ont concouru à la détermination des élé-
ments et le grand intervalle qui sépare ces observations faites en 1851.
1858 et 1870.
132 MATHEMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE, MECANIQUE
J'ai l'honneur de présenter à l'Association française le mémoire
(|iii contient le détail des calculs entrepris sur cette comète. Ce mé-
moire a été imprimé dans le tome XIV des Annales de l'Observatoire
de Pans.
M. HALPHEN
Répétiteur à l'École polytechnique.
SUR LES POINTS SINGULIERS DES COURBES GAUCHES ALGEBRIQUES.
— Séance du 21 aoâl /#7 7. —
Dans beaucoup de questions concernant les courbes planes, l'influence
des points singuliers se manifeste simplement par l'introduction de deux
nombres relatifs à chacune des branches superlinéaires des courbes en-
visagées. D'une manière analogue, dans la théorie des courbes gauches,
la connaissance de trois nombres pour chaque branche superlinéaire
suffit à résoudre beaucoup de problèmes, (l'est de tels problèmes que je
m'occupe ici.
Je rappelle d'abord brièvement quelques principes :
i. Soit 0 un point singulier d'une courbe plane algébrique. Les di-
verses branches de la courbe, qui passent en 0, se répartissent en
groupes distincts en vertu de la proposition suivante: Aux environs du
point 0, pris pour origine, toutes les positions d'un point mobile sur la
courbe sont définies par un ou plusieurs systèmes d* équation, tels que
11) œ = tn,y = f(t),
n étant un entier positif et f (t) un développement procédant suivant les
puissances entières, positives et ascendantes de t. Ces équations sont va-
lables dans les limites de convergence de f (t).
L'ensemble des branches représentées par (I) a été appelé par
M. Cayley branche super linéaire. Pour plus de brièveté, j'emploierai ici
le nom de cycle.
A chaque valeur de x répondent // valeurs de t, par suite aussi, n
valeurs de y, à moins que/' ne contienne que des puissances entières de
lk , /,• étant un diviseur de n. S'il en est ainsi, en prenant tk pour nou-
velle variable au lieu de /, on fera disparaître cette restriction. Ainsi, à
chaque râleur de \ répondent n valeurs de y.
il est visible que toutes les branches de la courbe II) ont la même
tangente en 0 et que si cette tangente ne coïncide avec aucun des deux
HALPHEN. — POINTS M\t,l LIERS DES COURBES GAUCHES ALGÉBRIQUES 133
axes, f (t) CQmdience par un terme de degré n. Si la tangente coïncide
avec l'axe des x, f{t) commence par un tenue de degré supérieur à n.
Soit »-)-v le degré de ce ternit'. Les deux nombres n, v sont ceux dont
j'ai parlé pins liant, et ([ni traduisent, dans beaucoup de questions,
l'influence du cycle (1). .l'appelle le nombre n, Yordre, et le nombre v,
la classe du cycle, que je désignerai à l'occasion par ces mots : le
cycle (n, v).
2. Il me parait inutile de rappeler la démonstration de la proposition
précédente, non plus que celle du théorème suivant :
Théorème I. Si deux courbes planes algébriques C, G se correspondent
point par point, à un cycle de C correspond un cycle de G et réciproque-
ment. Si 0 et (Y sont les origines de deux cycles correspondants, et que
n et n' soient leur* ordres respectifs, à un point placé sur le premier
cycle à distance infiniment petite d'ordre n de 0, correspond sur Vautre
cycle un point a distance in f aiment petite d'ordre n' de 0 (*).
3. En supposant l'axe des ./• coïncidant avec la tangente de (I),
on a:
.r=t, j/=A*«+V+
En un point a, infinimenl voisin de (I, le coefficient angulaire de la
tangente est" \f + Donc en un point du cycle, (n, v), à dis-
n
tance infiniment petite d'ordre n de Vorigine de ce, cycle, lu tangente (ait
arec la tangente n cette origine un angle infiniment petit d'ordre v.
Soit C, une courbe à laquelle appartienne le cycle envisagé, et soit
C une courbe corrélative. D'après le théorème I, an cycle (n, v) corres-
pond sur G un antre cycle. D'après le résultat précédent et le théorème
l, on voit que ce cycle a pour ordre le nombre v. Donc:
A un cycle (n, v) correspond dans une courbe corrélative un cycle
(v, n).
J'ai ici terminé le rappel des notions utiles pour l'intelligence de la
note actuelle, et j'aborde mon sujet principal.
4. Soit G une courbe gauche algébrique. Parallèlement à nue direc-
tion arbitraire, il n'y a qu'un nombre fini de droites rencontrant G en
plus d'un point. Si donc on projette G suivant deux d'rections arbi-
traires, les projections G', G" correspondent point par point à G, et,
par suite, se correspondent aussi entre elles point par point. Soient 0,
a. deux points infiniment voisins pris sur G, les projections 0' a, 0" a"
de Oa sont des infiniment petits d'un même ordre. Donc, d'après le
théorème f, les cycles correspondants dont 0' et 0" sont les origines, ont
le même ordre. Supposant 0, pris pour origine des coordonnées, et les
[*] Bulletin de la Société mathématique. \. TV. p 32.
131 MATHÉMATigiES. ASTRONOMIE, liti iDKME. MÉCANIQUE
directions des projetantes prises pour celles des axes des 3 et de y, je
puis donc à la t'ois représenter les dm\ cycles plans par les équations
(2) œ=tn , y = f(D, = = ?(/>,
où f et ç commencent par des termes de degré n.
Les équations (2) définissent un cycle de la courbe gauche f.. Chan-
geons les plans y = 0 et z = 0, de manière à faire disparaître les
ermes d'ordre n dans /' et dans 9. 11 est visible qu'on astreint ainsi ces
plans à passer 'par une certaine droite. C'est la tangente du cycle. On
peut, en outre, achever de déterminer le plan z = 0, de manière à
élever encore le degré du premier terme de «5?. Le plan ainsi obtenu
est le plan oscillateur du cycle. Je poserai donc :
(3) x= tn , y = A/"+'+ ...., z= Br"+'+v -f. . . .
Les nombres n, t, v seront dits Yordre, le rang, la chu» du cycle
(n, t, v). La raison de ces dénominations va apparaître immédia-
tement.
5. Je considère, comme précédemment, le point a situé sur G a
distance infiniment petite d'ordre n de 0, c'est-à-dire que je prends t
comme infiniment petit principal. Désignant par des accents les dérivées
prises par rapport à t, j'ai pour le sinus de l'angle que fait avec l'axe
des x la tangente en a :
si,u.= J ^""t,5," „ •
C'est un infiniment petit d'ordre », Ainsi :
Théorème II. Le rang d'un cycle est égal à Vordre infinitésimal de
'angle, dont tourne la tangente quand de l'origine de ce cycle on passe a
un point dont la distance à cette origine est Un infiniment petit d'ordre
égal à l'ordre du cycle.
Le plan osculateur en a fait avec le plan des xy un angle dont le
sinus est :
Sin (5 = V/Vftf
"z = liz" — z y", rl = z'y" — xz", l=x' y' — y'x".
Or. les degrés des premiers termes de ç, yj, £, sont respectivement
2»-f-2i'-|-v — 3, 2?î -f- ? -f- v — 3, 2n-j-î — 8. Par suite, l'ordre infinité-
simal de 6 est égal à v. Donc :
Théorème III. La classe d'un cycle est égale à l'ordre infinitésimal
dont tourne le plan oscillateur dans les mêmes conditions que précédem-
ment (Th. II).
Par des calculs analogues on peut prouver que:
HALPHEN. — POINTS -INGlUKlts m; s COtfaBES G U'cHKs ALGÉWUQl'ES 1 3o
la distance de 0 Ô /a tangente en a m/ rf* l'ordre n -j-i.
l'angle de cette tangente avec le plan oscillateur en 0 ksî ffè
l'ordre v -f- i,
/// distance de la tangente en a e/ de /" tangente en 0 es/ rfe
l'ordre n -f- i -(- v.
G. Une courbe gauche G t'ait partie d'une figure composée de points
O, dont la suite constitue la courbe &, de droites D, tangentes de (1 el
génératrices d'une développable S, et de plans p, tangents à s et
oscillateurs à (i.
Une figure corrélative se compose? 1° d'une courbe gauohe f, corré-
lative de S, iieu des pointe a, corrélatifs du plan p, ayant pour tan-
gentes et pour plans oscillateurs les droites A, corrélatives des droites
D, et les plans -, corrélatifs des points a; 2e d'une développable 2, cor-
rélative de G, et ayant pour génératrices les droites A.
Sur F, au cycle 0 correspond un cycle iî, puisque <i et V se corres-
pondent point par point. Quand Va est d'ordre », le plan p tourne de
0 en a d'un angle infiniment p dit d'ordre v (Th. III). Donc Û varie
d'un Infiniment petit d'ordre v. Donc (Th. 1), l'ordre du cycle Q est égal
à v. Les angles dont tournent les droites D et A sont des intinhnent
petits d'un même ordre. Donc .
Théorème IV. A un cycle (n, i. si) correspond dans une figure corréla-
tive un cycle (v, i, n).
7. Au lieu de coordonnées parallèles, on peut faire usage de coor-
données tétraédrales. Il est visible qu'alors les équations
,4, ^=/% — 2=A/»+' + ^=B/»-M+v-fa...
définissent de même un cycle (n, t, y), dont l'origine est le point
x1=ûc,^=x3=^o, dont la tangente est la droite xi = x2 = o, et le plan
osculateurle plan xz = o. Pour abréger, je désigne simplement par cct
le plan xl = o, et par s{ le sommet opposé du tétraèdre, et ainsi des
autres. Le sommet s, est entièrement arbitraire.
Les deux premières équations (4) définissent la perspective du cycle
gauche faite du point s3. Donc :
1° La perspective d'un cycle (n, i, v), faite d'un point quelconque est
un cycle (n, i) .
La première et la troisième équation (4) conduisent à cet autre
résultat :
2° Faite d'un point quelconque du plan osculateur, la perspective est
un cycle (n, i + v)-
La deuxième et la troisième équation (4) conduisent à ce dernier-
136 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
3° Faite d'un point quelconque de la tangente, lu perspective est un
cycle (n -j- i, v) .
Enfin de (4) je déduis :
= Afi -\-... ; Bf»'+v -{_...
Xi xt
Donc, d'après le théorème I, 4° faite de l'origine du cycle (n, i, v),
la perspective est un cycle (i. v).
Cette analyse suppose que chaque perspective correspond point par
point à G. Si le point de vue est le sommet d'un cône dont chaque
génératrice rencontre G en k points, cette supposition cesse d'être exacte.
Les résultats se modifient, et l'on peut les obtenir au moyen d'une
proposition dont le théorème I est un cas particulier (*). Je m'abstiens
ici de l'examen de ces cas.
8. Les perspectives de G sont des courbes planes corrélatives 'des
sections planes de la surface Ï. Les résultats du nn 7 fournissent donc,
en vertu des résultats du nn 3, les ordres et les classes des cycles de ces
sections. En y changeant ensuite les nombres n, v entre eux, j'obtiens
les ordres et les classes des cycles des sections de S. Voici les ré-
sultats :
Au cycle (n, i, v) correspond dans une section de S :
1° Par un plan quelconque, le cycle (i, v |;
2° Par un plan passant ii V origine, le cycle (i-j-n, v) ;
3° Par un plan tangent de G, le cycle (n, v — | — î ] :
4° Par le plan oscillateur, le cycle (n, i).
Par exemple, je suppose n=?=v = 1. Les trois derniers résultats
fournissent ceux-ci :
En un point ordinaire d'une courbe gauche^ la section faite par un
plan quelconque dans la développable dont elle est l'arête de rebrousse-
ment, a un rébroussement ordinaire (2, 1) ; par un plan tangent, une
inflexion ordinaire (i, 2); par le plan osculateur, une branche ordinaire
(i, '!)•
9. Entre le degré, la classe d'une courbe plane et les ordres et les
classes de ses divers cycles il existe une relation qui est la suivante :
i.'ii S(v— -n) = 3 (j* — m),
dans laquelle \j. et m sont la classe et le degré de la courbe. De cette
relation, les points ordinaires (1,1) s'éliminent d'eux-mêmes, comme on
voit. Si l'on connaît les nombres v, n pour tous les cycles dont l'ordre
diffère de l'unité, l'équation (5) fournit le nombre des points simples
d'inflexion (1,2), chaque cycle (l,v) étant compté pour v inflexions.
Bulletin de la Société mathématique, i V., p. 8
HALPHEN. — POINTS SINGULIERS DES COURBES GAUCHES ALGÉBRIQUES 137
Si l'on applique l'équation (5) à une section quelconque de S, et à une
section quelconque de -, on obtient deux relations entre les ordres, les
rangs, les classes des cycles de G, el le degré, le rang, la classe de cette
courbe.
Le degré m de G est le nombre des points où G rencontre un plan.
Sa classe \j. est le degré de F, ou le nombre des plans oscillateurs
que l'on peut mener à G par un point.
Le rang r commun à G et à F est le nombre des droites 1) on A qui
rencontrent une droite arbitrairement choisie.
Une section de S a le degré \j. et la classe r. Son plan rencontre (i
et m, points dont chacun est l'origine d'un cycle (2, li. Pour ce cycle
le (v— m est égal à — 1. Donc, en vertu du Ier résultat du n" x,
l'équation (5) appliquée à cette section donne :
(6) S(v — *) — m = 3 (\>. — r).
De même, pour une section de ï, ou aura l'équation :
(7) i: (n — ï) — [j. = H du — r) .
Les deux équations combinées mènent à celle-ci :
iXl S (v — n) = 2 (\). — un.
qui, comme (5), est symétrique par rapport aux deux courbes G et F.
L'équation (8) fournit le nombre des plans oscillateurs stationnaires de
G(l, I, 2), comme (5) le nombre des inflexions d'une courbe plane.
Kl. Je me propose maintenant la recherche des degrés, classes, rangs
de quelques courbes ou surfaces liées à une courbe gauche algébrique
offrant des singularités quelconques. Pour y parvenir, j'appliquerai la
proposition suivante, que je rappelle ici sans démonstration (i).
Thkokème V. — Le nombre des zéros <ï<nu> fonction rationnelle des
coordonnées d'un point d'une courbe algébrique est égal ou nombre de ses
infinis.
La manière dont ce théorème s'applique se comprendra aisément sur
un exemple. Aussi traiterai-je en détail une première question et les
autres plus succinctement.
11. Je considère une courbe gauche G et une surface de 2f/ degré q.
Soient x un point de G, et D la tangente en x. Soit aussi y le point
où D rencontre le plan polaire de x par rapport à q. Le point y en-
gendre une courbe Y dont je vais chercher le degré.
J'emploie des coordonnées tétraédrales, liées par la relation
(9) À = Xj xt -f- À2.x-, -f- X3a?3 -f- liXf=i .
Dénotant par q = o l'équation de la surface q, prenant x{ pour va-
1 Bulletin Je lu Société mathématique; l. IV, p. tj2.
13N \i\iiM\i\ i [QOfes, AsniiiMiMii:. ckoim-.sii-:. mkc.wioii:
rfablé Indépendante, e! cherchant la condition pour que le point \j soit
dans mi plan a 333 &x =^ Uy = o, je trouve aisément l'équation ration-
nelle
fini U = Q* —j-t 0
J'applique maintenant le théorème V à la l'onction /./, et je cherche
ses zéros et ses infinis.
12. J'examine d'abord ce qui concerne les valeurs infinies des x,
correspondant aux intersections de C, et du plan À = o.
Je change, pour un instant, les coordonnées en posant
xi = — - — / — ] 2 3 1
De cette manière, aux valeurs infinies des x correspondent des valeurs
finies des A'. En faisant cette substitution, j'ai suivant des notations qui
se comprennent d'elles-mêmes :
(1) u
3 _ i
Q2 <*(AQ 2)
"A(AdXr- X,dA)'
En un point d'intersection de G et de l, A s'évanouit et j'ai
1 _ 1
,. Q2 d(kÙ h
Um u A = — Itm. -^r- - — • .
X, il A
Le plan À étant arbitraire et sans lien avec les données a et q, le
second membre a une limite finie, différente de zéro. Donc, au point
considéré correspond un infini simple de u. Le nombre de tels infinis
est égal à celui des intersections, de G et de >., c'est-à-dire au degré
m de \. J'ai donc, de ce fait, m infinis.
13. Secondement, j'examine ce qui concerne les points pour lesquels
dx{ s'évanouit, c'est-à-dire ceux en chacun desquels la tangente de G
rencontre l'intersection des plans X et xi=o. La formule (11) conduit,
pour un pareil point, à celle-ci :
i - 1
b'« u A^a, -X,r/A .. Q2rf(AQ 2)
'"»■ « rr = //m. — .
rfX, d\t
Le second membre a une limite finie. Par suite, le point envisagé
donne, on le voit encore, Un infini simple de u. Le nombre de tels infinis
est égal à celui des tangentes de G qui rencontrent l'intersection des plans
\etxl = o. C'est le rang r de G.
Donc, de ce fait, u possède r infinis.
IIAJ.PHKN. — POINTS 6ING1 I.IKIts DES COURBES GAUCHES M.i.KlîlUQUKS 139
44, — Pour tout autre point ./• de G, les .r ont des valeurs Unies, et
les rapporte de tir.,, <l.r:<, <l.r. à '/./,, ne sont pas intinis.
Je suppose d'abord un point x dont 1rs coordonnées ne tassent pas
évanouir q. Alors le second membre de (10) a une limite finie dépendant
de ces derniers rapports, c'est-à-dire de la direction de la tangente I)
en x, et nullement des autres données du cycle de (>, dont l'origine est
au point x. Si cette limite s'évanouit, c'est qu'alors le point y est dans
le plan a. Donc les points de (1, autres que ceux précédemment
examinés, et qui, en outre, ne sont pas sur q, donnent lieu à des zéros
de u, et le nombre de ces zéros est le degré y de la courbe Y.
Reste à examiner ce qui concerne 'les points de G pour lesquels q
s'évanouit. Soit n l'ordre d'un cycle, ayant son origine en un tel point,
et — l'ordre du contact de chaque branche de ce cycle avec q. La
n
quantité q est infiniment petite de l'ordre n -\- l>. quand x{ est infini-
ment petit de l'ordre n. D'ailleurs a a une limité finie. Donc aq ' est
n 4- k
de l'ordre ^ . Sa dérivée par l'apport à ;i\ est de Tordre
3n + ft . , . | . „ , 3(n + />) 3/1+ fr
^ , et le produit par q* est de 1 ordre — 3 3 — = /t.
Donc les rencontres de G et de q donnent lieu à des zéros de w, et le
nombre de ces zéros est égal à la somme des ordres des contacts des
branches de G avec q. Soit K cette somme, j'ai finalement :
ij = m + r — K
Le degré de la ligne Y est égal à la somme de l'ordre et du rang de G
diminuée de la somme des ordres des contacts de G et de q.
45. — On peut mettre ce résultat sous une autre forme. Je considère
encore un cycle de rencontre de G et de q. Prenons tous les cycles
analogues, j'ai :
S (n + k) = 2m = N + K,
N désignant maintenant la somme des ordres de ces cycles. Je puis donc
écrir
y = r — m + N
Le degré de la ligne Y est égal à l'excès du rang de G sur son degré
augmenté de la somme des ordres de multiplicité des points de G qui
appartiennent en même temps à q.
Cet énoncé offre l'avantage de s'accommoder, sans ambiguïté, au cas
où q est un cône dont le sommet est sur G. Je fais maintenant cette
supposition, et je forme une figure corrélative de telle sorte que la
conique, corrélative du cône q, soit le cercle de l'infini. Cela étant, le
140 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉGANIQUE
point y a pour corrélatif le plan rectifiant de T, c'est-à-dire le plan
mené par la tangente de Y perpendiculairement au plan oscillateur.
Prenant donc le dernier énoncé et y Taisant la transformation indiquée,
j'ai ce résultat :
La classe de la sut-face rectifiante d'une courbe gauche algébrique est
égale à l'excès du rang de celle courbe sur sa classe, augmentée de la
somme des classes des cycles de celle courbe pour chacun desquels le plan
oscillateur est isotrope ou à l'infini.
Dans le cas le plus simple, le plan oscillateur est isotrope en des
points ordinaires, dont le nombre est double de la classe. Alors la classe
de lu surface rectifiante est la somme du rang et de la classe de la courbe.
16. — En suivant le même procédé, on peut déterminer le rang delà
courbe Y et sa classe. Je me contente, pour abréger, d'indiquer seule-
ment les fonctions à envisager el d'écrire les résultats dans l<> cas où la
courbe proposée G rencontre, sans contact, la surface q en des points
simples. Les autres cas, sans offrir des difficultés, introduisent un peu
de complication dans les résultats.
En désignant par a et b les premiers membres des équations de deux
plans et dénotant les dérivées par des accents, on aura à considérer,
pour déterminer le rang de Y, la fonction
b
'/
//
(9
//"
(»
'I1
lui éga.ant cette fonction à zéro, on exprime, en effet, que la tan-
gente de Y, au point qui correspond à ce, rencontre la droite commune
aux plans a et b. On trouvera, sans peine, pour le rang cherché p de Y :
p = Sr + S (n — i).
11 1
Le signe sommatoire s'appliquant exclusivement aux cycles de (i, pour
chacun desquels l'ordre surpasse le rang.
17. — En désignant par a, b, c les premiers membres des équations
de trois plans, on déterminera la classe de V par la fonction
6
c c, _
b
-•' (,*)'
b" <
•" {,*)'
b t
d*y
52
HALPHEN. — POINTS SINGULIERS DES COURBES GAUCHES ALGÉBRIQUES 141
On trouve pour la classe r, de Y :
r, = 6r — om + 2 {Sri — 2i' — v') + 2 (2n"~ i") + ï: (ri" — v"')
Dans cette formule, les signes somma toires s'appliquent respectivement
aux cycles de G, pour lesquels on a entre l'ordre, le rang et la classe,
l'une des relations :
ï -j- v' < ri,
i" _|_V" > n" et n" diffèrent de i'\
r=ri" et v'" < /('".
Passant de ces formules à leurs corrélatives, j'obtiens les résultats
suivants :
Pour une courbe gauche de rang v et de classe \>., dont aucun plan
oscillateur n'est à l'infini et dont les plans oscillateurs isotropes sont
relatifs à des points ordinaires,
1° l.e degré de la surface rectifiante est égal a
Sr + S (v — i) ;
la sommation s étendant a Ions les cycles de la courbe pour chacun des-
quels la classe v surpasse le rang i.
2" Le degré de l'arête île rebrousse ment de la surface rectifiante est
égal à
6r — 3m + 2 (3v' — 2i' — n) + 2 rh" — i") + 2 (v'" — ri");
les sommations s étendant savoir :
La première à tous les cycles pour chacun desquels la somme n' -f- i' de
l'ordre et du rang est inférieure à la classe v';
La seconde à tous les cycles pour chacun desquels la classe v" diffère
du rang i", si en même temps la somme de l'ordre et du rang n" -|- i"
surpasse ou égale la classe v" ;
La troisième à tous les cycles pour chacun desquels l'ordre ri" est infé-
rieur à la, classe v'", si en même temps le rang est égal à la classe.
Par exemple, pour une courbe gauche sans aucune singularité ponc-
tuelle, le degré de la surface rectifiante est douze fois l'excès du rang
sur le degré ; le degré de l'arête de rebroussement est quinze fois le
même excès.
18. — Pour terminer cette communication, je citerai encore les résul-
tats suivants, que j'ai obtenus par la même méthode et qui sont d'une
entière généralité.
Le nombre des plans que l'on peut mener normalement à une courbe
par un point arbitraire est égal à la somme du rang et du degré de cette
courbe, diminuée de la somme des ordres de ses contacts avec le plan de
14:2 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉ ->!K. MÉCANIQUE
l'infini et du nombre de ses intersections à l'infini avec une sphère
quelconque.
Soit une courbe gauche, de degré m et de classe \)., contenant :
1° Des cycles dont chacun ait son origine à l'infini sur une sphère, avec
plan oscillateur isotrope, différent du plan de Vinjini :
2° Des cycles dont chacun ai! son plan oscillateur à l'infini ;
31 Des cycles dont chacun ait son origine ii l'infini sur une sphère, son
plan oscillateur à fm/nn' et ses plans tangents isotropes.
Pour chacun des cycles de la première catégorie, je considère le plus
petit des deux nombres ordre ou classe : soit a la somme des nombres
analogues pour ces cycles.
Pour chacun des cycles de la deuxième catégorie, je considère la classe;
soit Jî la somme des classes de ces cycles.
Pour chacun des cycles de la troisième catégorie, je considère la classe
augmentée du plus petit des deux nombres, ordre ou rang : soit y la
somme des nombres analogues pour tous ces cycles.
Le degré de la surface formée par les binormalcs de la courbe est égal
à m -j- [). — a — p — y-
M. FOLIE
Professeur à l'Université de Liège.
THÉORÈME CONCERNANT LES SEGMENTS D'UNE TRANSVERSALE TRACÉE
DANS LE PLAN DE DEUX TRIANGLES HOMOLOGIQUES.
— S en née d a $4 a où t 1 85
M. C.-A. LAISANT
Ex-àéimt'1, .ni' ica < I . • '!>■ 1 École [lolylcchuuiue.
SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS DES POLYGONES [\ ...
— Séante J n % î otoAl IS77. —
\. — Le but principal de cette note consiste dans fa recherche des
relations <|ui e\i>lnit entre un polygone plan et celui qu'on obtient en
i'in- cette application de la métlioJt deé tiquijplUnce le signe partjculiei représentanl
l'équipolience de deux droites est constamment remplacé f»ai h signe d'égalîfë' ordtnah-Bfer. Rtftis
C.-A. LAlSAiNT. — SIR QUELQUES PROPRIÉTÉS KES POLYGONES 1 4o
construisant, sur ohacun des côtés du premier, un triangle semblable à
un triangle donne; en sorte que les troisièmes sommets de ces triangles
forment un polygone, ou tout au moins un système de points dont le
nombre est égal à celui des sommets du premier polygone.
Je ne crois pas que le problème, envisagé ainsi d'une façon générale,
ait fait jusqu'à présent l'objet de recherches suivies, et il est probable
que, par les procédés ordinaires, il serait difficile à résoudre. La mé-
thode des Équipollences, cependant, fournit, comme nous allons le voir,
une solution tout à fait naturelle.
. . RQ
2.— Soit un triangle PQR; appelons p le rapport géométrique ^.
De l'équipollence — - = [>., nous déduisons
Kl
()|>_;J,_1
OR" (a
1
et, par conséquent [/.= j — — .
3. — Considérons maintenant un polygone quelconque AjA^.. A„ de
n côtés, et supposons, pour lixcr les idées, qu'en le parcourant dans le
sens Aj.V.Aj..., on ait toujours à sa gauche l'intérieur du polygone.
Sur chacun des côtés de ce polygone, nous construisons des triangles
AjA'jA^j, AjA'jA^.... AnA'nAj, directement semblables au triangle PQR
ci-dessus.
Ces triangles seront extérieurs au polygone si i angle du rapport — est
compris entre zéro et tï ;et intérieurs, si cet angle est compris entremet
2-. Les résultats que nous allons obtenir sont d'ailleurs applicables aussi
bien aux sommets intérieurs qu'aux sommets extérieurs.
Puisque le triangle AjA'jA, est directement semblable à PQR, nous
avons :
A2A't __ RQ __
A2At — RP — V'
d'où A2A'1=n.AaAi ; c'est-à-dire, 0 étant un point quelconque du plan*
(1 ) QA'i = |*0A, + (1 — |j.) 0A8 = [* (ÔA, — X.0A3)
u. — 1 , A\A, ,
Le coefficient géométrique h — n est autre que v . . L angle
[X A jA2
de ce coefficient est Compris entre zéro et z, si le triangle est extérieur,
On passe, du reste, des triangles extérieurs aux intérieurs, et inverse-
ment, en changeant \j. et, par suite, X; en leurs conjugués.
avons dû obéir en cela à des nécessités typographiques, et ngas croyons que les de\ eloppoiiioul.-
n'y perdront rien en clarté, pour tout lecteur attentif, un peu initié à la méthode.
144 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
4. — La relation générale (1), appliquée successivement à tous les
côtés du polygone, nous donne :
/ OÀ'i = [x(OA, — X.0A2)
l 0A'2 = |x(OA, — X.OAs)
(2) OA', = |x(OA3 — a.OA4)
\ 0A'„ = [j.(OAn — X.OAt)
L'addition de ces équipollences montre que
ZOA' = [j. (1 —X) 20 A = 20 A
c'est-à-dire que le centre des moyennes distances des points A',, A',,..
est. le même que celui des points A,, A2,. . .
De ces relations on conclut aussi par soustraction, quels que soient
les points A',,, A'g :
A',, A',, = [j.iAj.X, — X.Ap+1Aa +1) ;
c'est-à-dire que, si par un point quelconque U, nous menons US, UT,
équipollentes aux diagonales Ap A(/ , kp + tA7 + ,, respectivement, et si nous
construisons le triangle SXT, directement semblable à PQR, la droite
IX sera équipollente à la diagonale A'^A',, du second polygone.
o. — Le système (2) va nous permettre de résoudre le problème
inverse de la construction que nous venons d'indiquer; c'est-à-dire,
étant donnés les points A't, A'2, ... A'„, de construire le polygone pri-
mitif A1A2. . . A„.
Il suffit, en effet, de multiplier la seconde relation (2) par X, la troi-
sième par X2, etc. la dernière par Xn_1, et d'additionner, pour obte-
nir OA, en fonction de OA',, OA'2. . . OA'„ .
[x(l— X») OA, = ~ ^OA, = OA', + X.OA'2-f . . . + À""'. OA „
(3) 0A1 = ^^(OA'l+X.0A'2+...H-X»-1. OA'.).
Celte relation peut encore s'écrire sous la forme :
A,A,+X.A,A2 + ... + X-1. AtA;>=o
La formule (3) permet d'obtenir la valeur de OA, en choisissant arbi-
trairement le point 0, par de simples constructions successives de
triangles semblables ; car les diverses puissances de X sont des rapports
géométriques résultant de ces constructions. Avec la règle et le compas
on pourra donc, en général, résoudre le problème proposé.
6. — 11 y a pourtant une exception. Si '/." =1, la valeur de OA ne
peut plus se construire ; mais alors, à cause de l'indétermination du
point 0, il faut que nous ayons aussi, quel que soit ce point,
C.-A. LAISANT. — SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS DES POLYGONES 143
(4) OA, + X.OA 2 + . . . -f X" - l.OA'n = o
Cette relation donne une propriété de la ligure. Quant à l'hypothèse
X=l, elle est impossible; car elle exigerait que le point Q tût à l'in-
fini, dans le triangle PQR.
iktc
Ce cas exceptionnel Xn=l correspond à X = s " ; c'est-à-dire que
le triangle PQH doit être isoscèle. et que l'angle en Q, multiplié par n,
doit donner un nombre entier de circonférences. C'est ce qui arrive en
particulier si les points A\, A'2. . . A„ sont les centres de polygones régu-
liers de n côtés, construits sur les côtés du polygone primitif.
Ainsi, on ne peut pas se donner arbitrairement les centres des
triangles équilatéraux construits sur les côtés d'un triangle ; des carrés
construits sur les côtés d un quadrilatère : et, en général, des polygones
réguliers de n côtés construits sur les côtés d'un polygone de n côtés. Ces
points doivent satisfaire à la relation (4) ; cette condition étant remplie,
on peut se donner arbitrairement l'un des sommets A, du polygone
primitif, et les relations (2) permettront alors d'en déduire, successive-
ment, tous les autres.
7. — Nous n'avons fait aucune hypothèse sur le polygone AjA^-An en
ce qui concerne la convexité. Si nous admettons maintenant qu'il soit
convexe, le polygone A^AV-- A'„, que nous avons supposé obtenu
par la construction de triangles extérieurs, le sera aussi. Nous pourrons
alors répéter sur ce polygone la même construction que sur le premier.
Il sera même possible de répéter celte construction sur la série des
points A'jjA'jj,.. indépendamment de toute hypothèse, pourvu qu'on ait
soin de faire la construction de chaque triangle dans le sens convenable,
en suivant le parcours A'tA , . . .
Nous obtiendrons ainsi de nouveaux points A"t, A"2, ... qui nous
seront donnés par l'application des mêmes formules (2). Ainsi
0A"t = [i. (OA'j — X.OA'2)
c'est-à-dire, en remplaçant OA't et OA'2 par leurs valeurs (2),
(o) Ok'\ = [x2 (QA, — 2X.OA2 + X2.OAs)
On trouverait, en répétant la même construction sur les points
OA"t, 0A\,...
(6) OA"i s= [«,« (OA, — 3X.UA, + 3X2.OA3 — X'.OA,)
et ainsi de suite. La formule donnant un point A1^1 quelconque petit
s'exprimer ainsi sous une forme symbolique:
(7) 0A<?» = [i.p[OAt (1 — X.OA0*]
en convenant de traiter les indices comme des exposants, à l'inté-
rieur des crochets, et de transformer les exposants de OAi en indices.
10
146 .MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GEODESIE. MECANIQUE
Il est évident que les points A", , A".,. .. A"„ ont le même centre des
moyennes distances que A,, A,... A„ ; et qu'il en est de même des
points AjIp), A2 "'>,.•• A,//', en général.
8. — Reprenons les valeurs (2) de 0A'1; OA2, et calculons par la
formule habituelle -j- (OA^c/O A 2 — cjOA\.OA!J (*) l'aire du triangle
OA'jA',. Nous trouvons ainsi
OA,A2 =
\kcj\i [oAiA,— - ((k — cfk) OA2.c/OA2 + ciX.OA1.c/OA3— X.c/OA.-OA^
-f- Xc/X. OA2A3 ,
formule qui peut s'écrire
OAj'A'2 = \wj\i. OAjAjj -|- Xç/XOA2A3
- -^ OÀA +\^^ (20A2c/OA2 - OA1ç/OA3 - cjOA1.OA3)]
w r x 4- cfk
= \).cj\). [^0A1A2+ ac/aOA2A3 L^i- OA^
+ \ ^^ (20A2cyOA2-OA1cyOA1-OA3.C70A3:+A1A3.cjA1A3!]
On passe de là au triangle Oo'^'j forme par les points a\, a'2, cons-
truits vers l'intérieur, en remplaçant dans cette formule \). et X par leurs
conjugués, et réciproquement.
En ajoutant les expressions , 'semblables OA^A'.,... OA'nA'j , désignant
par S' l'aire de K\A.'2. . . A'„ , par S celle de AiA2. . . A„, on a
• r . . * •> .-, x-j-c/x v. ,i x — ci\ , T
S s m [(1 -f XcjX)S - ^EX-sOA,AH,+ - — -i-HigrA, A„+,r-J
Pour l'aire s' de a^a*,,,, a'n, il vient
6"= K?> [d +VM8- ^j^ SOApA^+j - i 1=^ S(^ApAp+2)*]:
De là,
[S'-j-,' fc= ;,(■> [2 (1 +XciX)S-(X-f-c/-X)SOApA;,+î]
1 . X — c/X .
s — s= — [j.cjix ^- S^rApAp+j)'
4 7
La somme ïlOApA})+2 est évidemment indépendante dans tous les cas
du choix du point 0.
* Voii BELLAVITIS; Exposition de lu méthode des Bqiàpollences, traduction française, p. 4i>.
Nous employons ici, pour plus de commodité typographique, le coefficient i à la place du signe
particulier nommé ramun qu'a introduit M. Bcllavitis.
C.-A. LAISANT. — 8UB QUELQUES PROPRIÉTÉS DES POLYGONES 147
On peut enfin donner aux expressions de S' et de s ci-dessus, en y
ntroduisant les angles mêmes du triangle PQR, la forme qui va suivre.
Il suffit pour cela de remplacer ;j. par — £ et X par — ; , en
- e R et X Dar - - £ .en utili-
sant, en outre, la relation JjLp = ^SL = ~- On trouve ainsi
sin P sin R r/sin P , sin R\ 0
in
I
sin P sin R r/sin P sin IA ^a^, v
S' = ^— ^ — -r— ïï + -r— n S— cosQ.lOA,, A,,+2
sin2 Q L\sin R sin P/
_|_ sinQ.S^rAp.Ap+a)8]-
sin P sin R f/sin P sin R\ nvnA »
.s' = • a n ("— û ~ ■ ~ — 5 S—cosQ.SOApAp+a
sin2 Q LVsin R sin P/
sin Q.2((/rApA7,+2)2J.
„ sin P sin R f/sin P . sin R\ n vn\ \ 1
S'-W=2 — — ^- (— u + t— n)S— cos Q.lOApAp+2
1 sin2 Q L\sin R sm P/ -1
i sin P sin R , â à .
en appelant h la hauteur du triangle PUR.
Nous avons donc le théorème suivant : On construit des triangles sem-
blables vers l' extérieur, puis vers l'intérieur, sur les côtés d'un polygone
donné ; la différence des aires des deux nouveaux polygones ainsi obte-
nus est à la somme des carrés des diagonales joignant de deux en deux
les sommets du polygone donné, comme la hauteur d'un quelconque des
triangles semblables est au double de sa base.
9, — Les résultats que nous avons obtenus jusqu'à présent sont
généraux. Il suffit de faire varier y. (ou a) de toutes les manières pos-
sibles, pour avoir toutes les formes possibles du triangle PQR.
Par exemple, si ce triangle se réduit à une droite, c'est-à-dire s'il s'agit
tout simplement d'une division proportionnelle des côtés du polygone,
et non plus de triangles proprement dits, il suffit de supposer que X et
y. sont algébriques.
Si le triangle PQR est isoscèle de base PR, alors 1 = ea .
S'il est rectangle en Q, on aX = h', / étant algébrique.
S'il est rectangle en Q et isoscèle en même temps, a = i.
■K
S'il est équilatéral , X= \x = e 3 .
148 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
S'il s'agit du centre d'an polygone régulier de p côtés, construit sur
air
chacun des côtés du polygone At A2..., on a X = £ '' .
Nous ne pousserons pas plus loin l'examen de ces cas particuliers, et
nous allons maintenant faire quelques applications des divers résultats
obtenus, au triangle principalement.
10. — Triangle. — Nous changerons un peu notre notation, pour la
symétrie des résultats, et nous désignerons ici par A'3 (et non A',), le
troisième sommet du triangle construit sur A1A2. Les équipollences (2)
deviendront alors
OA'a = y. (OA, — X. 0A2)
OA', = |& (0A2 — a. 0A3)
UA'2 = h. (OA3 - X. OA4)
On déduit de là (n° 5)
0A* = * Z£ (0A'3 + x* 0Ai + xa,0A2)
relation qui peut encore s'écrire
A.A'3 + X. AtA', + X*. AdA'2 = o
ou, en divisant par X,
X-». AtA'3 + A,A', + X. A,A'2 = o
formule d'une facile interprétation géométrique.
11. — Si les points A',, A'2, A'3 sont les centres de triangles équilaté-
raux construits sur les côtés du triangle, X = e " , et nous tombons
sur le cas exceptionnel du n° 6. La condition à laquelle les points
A'i, A'2, A's doivent satisfaire, est alors
OA'3 -j- X. OA', + X2. 0A'2 = o
ou, en faisant coïncider O avec A'2,
A'2A'3 -\- X. A'2A'i =r o
c'est-à-dire que le triangle A.\A.\k'a doit être équilatéral, propriété bien
connue.
Les puissances successives de X, savoir :
■in .su .._ sic
sont alors respectivement
C.-A, LAISANT. — SUE QUELQUES PROPRIÉTÉS DES POLYGONES '149
X , — (X-f 1) ■ , • 1 , >
1
et on a \>- :
En substituant ces valeurs dans les expressions qui donnent les points
A",, A"2, A"3, A'",,.... on reconnaît sans peine que le triangle A'^A^A",
s'obtient en taisant tourner A ',A'2A'3 de 180° autour de son centre, que
A^A^A", coïncide avec A'tA'tA't, et ainsi de suite; en sorte que les
constructions successivement répétées ne feront jamais tomber que sur
les deux triangles A^A^A^ et k'\A."2X"9.
Cherchons l'aire OA'3A'f en appliquant les formules du n" 8. Elle se
réduit, si nous choisissons pour le point 0 celui d'où les trois côtés du
triangle A,A2Aa sont vus sous le même angle, à
OA'3A', = -|~( 0A'A* + "T °K °j °Aa + °AaA3 )'
En écrivant les valeurs analogues de 0A'2A'3, OA',,A'3, et ajoutant, il
vient
A'.A'.A', = -y- A^A, + q|-( (gr OAt)2 + (gr 0A2)« + (gr OA3)* )
Pour le triangle intérieur a»',, on trouve, eu suivant la mardi.'
indiquée au n° 8, et substituant les valeurs ci-dessus,
a\a,a3 = -A- AtA2A3 - ^- ( (gr OAt)a + (gr 0A2)« + gr OA,)«)
L'addition de ces deux valeurs donne
A'tA'2A'3 -f- a^a^a^ = A^A, ,
et leur différence est
1
AjA.A'.j — a\a\as = — AjA^Aj
-f ^L( (9r OA()» + (gr 0A2)* + (gr OA3)2 )
Ces formules qui sont soumises, bien entendu, aux conventions
habituelles sur les signes des aires, correspondent a deux théorèmes
facilement exprimables en langage ordinaire, et dont le second donne
une propriété caractéristique assez remarquable du point 0, d'où l'on
voit sous le même angle les trois côtés d'un triangle.
Les formules du n° 8 nous permettent encore d'écrire les aires dont
il s'agit sous la forme suivante, en appelant alf a2, a3, les trois côtés
du triangle primitif :
A',A'2A'3 = 4" M 2A, + A= (a? + »i + aD
180 MATHEMATIQUES. ASTRONOMIE. GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
y
\ i
a'ja'sja'a = — A,A.2A, — — = (aj + a| + al)
42. __ Supposons maintenant <iue A',, A'2, A'3, soient les centres de
carrés construits sur les côtés du triangle AiA2A3. On aura dans ce cas
X = i \). = . e* . et on trouve immédiatement
A, A', = i. A'2A':,
ce qui montre que les deux droites A^, A'2A'3 sont égales en longueur
et rectangulaires entre elles, d'où résulte une construction géométrique
des plus simples pour trouver Je triangle primitif, connaissant A'.A '2A ',.
Si l'on cherche les points obtenus par la même construction successi-
vement répétée (n° 7), on trouve
3 i . , . , 3 . . ,
'A, A'", = -g- A2A3 a= — AjA»,
résultats géométriques qui peuvent encore s'interpréter sans peine.
En évaluant les aires OA'jA',,... (nn 8) et ajoutant, on obtient :
A'jA'.A', = AtA2A;! + -i- (a? + a| + af)
et pour les triangles intérieurs
\
a\a\as = AiA2A3 — (a? -f a| + a|)
13. — Prenons enfin pour A'lt A'2, A'3, les sommets de triangles
équilatéraux. Alors \x == X == e 3 . Les puissances successives de X
sont
X, X — 4, - 1, — à, 1 - X, 1, X,
Les valeurs de OA',, OA'a, OA'3 peuvent se mettre sous la forme
OA', = X. OA2 + X-1. OA3
OA'2 = X. OA3 -f X-'. OA,
OA'3 = X, OA, + X-1. OA2
et l'on reconnaît, en déduisant de là A, A',, A„A'2, A3A'3, que
A2A'2 _ A3A'3 _ A,A't _ 2
A,A't A2A'2 A3A'3
propriété connue.
C.-A. LAISVN'T. — SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS DES POLYGONES 1o1
L'expression «Je OA, est
OA, = -i- (OÀ'1+X.QA'fi+X-*.OA'3)
Le poinl A", est donné par la relation
OA", = X* (OA, — 2X, OA, + X2. 0A2)
= 20 At — 0A'„
ni 0A'* + 0À"*
dou UAj = s ;
formule qui nous montre que le point A, est le milieu de A',A"„ et qui
fournit ainsi pour ce point une construction d'une extrême simplicité.
L'aire A^A^A', est
A ,V,V;! = A A,A,At + -|- (a? + tg + Ȥ)
et celle du triangle intérieur a\a\as
a\a\a\ = -|- A,A2A., - -g- (a? + »î + ai '•
14. _ Quadrilatère. — Revenons maintenant à nos notations géné-
rales. Si l'on considère les centres A',,.... des triangles équilatéraux con-
struits sur les côtés d'un quadrilatère A, A., A3 A4, il faut faire X = s
dans les formules générales. On trouve alors que A, se détermine,
connaissant A', A'2 A', A'4, par la relation.
OA, = OA', + X. 0 A'2 - (X + 1 ) 0A'8 + 0A'4
d'où A', A,= A'3 A'4 — X. A'2A'3.
Pour les centres de carrés construits sur les côtés, il faut faire X = t;
on voit alors que la condition, à laquelle les points A'1}... sont assujettis,
est OA', + 1. 0A'2— 0A'3— i. 0A't=o
ou A', A's + 1. A'a A'4 = o,
en sorte que les deux droites A', A'3, A'2 A'4 sont d'égales longueurs,
et perpendiculaires l'une sur l'autre.
En répétant la même construction pour avoir le point A"„ on trouve
A, A , = — -A3A,;
â*A'\+A4A"a=o,
propriétés géométriques très-simples encore.
il
3
Pour les sommets de triangles équilatéraux, X==[j. = s et
1 0"^ MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
0A1===~^(X-'.A,A'1+0A'2+X.0A'a)
A'ijAj-f-À.AVAj =X"l.A4Ai'.
Pour l'aire du quadrilatère k\ A'2 A'8 A'4; on a, quel que soit a,
A i A , A 3 A ,j =
;a cj \>. |a, A2 A8 A4 (1 + a cj X) + - '-^ (iqrAt A8)s + (gr As A4)SY|,
et, pour les points intérieurs,
o'1o',o',o'4=
j*c/|* [a,A2A8 A4 (l-f-Xç/X) __-lfL ((jrA1A1)*+(9rA1A4)»)]
Il suffit de substituer telle valeur de X qu'on jugera lion, pour obtenir
par cette formule les aires des quadrilatères construits.
45. — Hexagone. — Pour l'hexagone, nous ne dirons qu'un mot,
relativement aux sommets des triangles équilatéraux construits sur les
côtés. Ces sommets doivent satisfaire à la condition
OA'1+X.OA'2+Xî.0A's-f-X3.0A'4+X*.0A'5+Xs.0A'6=o
ou, X étant égal à s ,
A', A'4-j-X. A'a A'5+X2. A', A'a =o
X-*.À'tA'4-1-A'iA',+X.A'ïA'(=o.
Si on considère les centres des triangles équilatéraux ci-dessus, au
lieu de leurs sommets, on trouve pour condition
OD+X.OE— (X+l)OF=o
a étant ici z " , et D, E, F étant respectivement les milieux des diago-
nales A, A ., A'2A'8, A', A',.
De là
FD+XFE=o,
c'est-à-dire que les trois points D, E, F forment un triangle équi-
latéral.
16. — Octogone. — Soient A', les centres des carrés construits sur
les côtés d'un octogone. Ces points devront satisfaire à la condition
OA'1+OA'l+t(OA'1+OA'i) — (OA'.+OA', — f)(OA'4+OA',)=o,
de sorte que ies milieux D, E, F, H des droites A'jA'jjA'jA'^A'jA',,
A'4A'8, sont tels que les deux droites EF, EH sont égales en longueur,
et perpendiculaires entre elles.
C.-A. LAISANT. — si ti QUELQUES PROPRIÉTÉS DES POLYGONES 153
17. — Nous ne pousserons pas plus loin les applications particulières
de la méthode que nous avons indiquée. Il est clair qu'on pourrait les
multiplier autant qu'on le voudrait, el obtenir ainsi dos propriétés
nombreuses de figures, dont quelques-unes ne seraient sans doute pas
faciles à établir par les procédés habituels; tandis qu'elles sont ici des
conséquences toutes naturelles du calcul, et parfois même intuitives.
Il nous semble que ceci est une preuve de plus de l'utilité et de la
fécondité de la méthode des Équipollences.
Pour terminer, nous ferons une remarque générale relativement à la
condition (4)
0A'1 + à.0A'2+Xs.0A's+ + a'<-'.OA'„ = o
•2TZ
qui doit être réalisée lorsque X = e " . Si le sommet A« du polygone
primitif vient à coïncider avec At, alors le point A',, coïncide ausbi
avec Ai, et la condition devient
OA', + a. OA'2 + ....+X«-2.OAVI + X'l-« 0A, = o
Si deux, trois,... p sommets en général, coïncident avec A,, on a
OA'i-J-A. 0A'2 +À2.OA'3 + _f/."-j>-i<)A'"-P
.^Qn-p + Xn-p+l^ + À""1) OA1=0,
ce qui donne une propriété du polygone de n-p côtés.
Au fond, cette relation ne diffère pas de celle (3) qui donnerait OA,
en fonction de 0A'1; 0k'n-P dans le polygone de n-p côtés; mais
elle est peut-être d'une interprétation géométrique plus facile dans cer-
tains cas.
La concordance des deux formules résulte de l'identité
1 — 1 1
1 —),"-/' ~~ ~~ A"-/» -j-X"-/'+1 -f- -f-A"-1
dans l'hypothèse À = £ "
Si nous supposons, par exemple, n= 6, ;> = l,nous avons la condi-
tion suivante, X étant e ,
OA'.-L-X.OA^-HX — l)OA'3— OA'4— X.OA'5 — (),- l)OA1= o.
On peut lui donner la forme
At A', +At A'4— Aj A't= a (At A'3+ At A'2— A,A'5),
c'est-à-dire qu'on peut énoncer ce théorème :
Soient A^A^As un pentagone; At A't A2, A2A'2AS, AgA'gAj des
triangles équilaléraux construits sur les côtés de ce pentagone.
154 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE. GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
Traçons A', A,, A',, A,, et prolongeons ces lignes de longueurs êgaîhs à
elles-mêmes, en A, A",, A, A" 3 respectivement. Appelons G le centre de
gravité du triangle A'3A'tA",; K celui du triangle A.' 3 A'., A" 5 :
Le triangle A, G K est équiïatéraî.
PIAREON DE M01OESR
SUR UNE NOUVELLE FORMULE ALGÉBRIQUE.
— Séance du 25 août 1877. —
1. — Soient a, b, c, d t, n quantités dont je désigne la
somme par A,
la somme des produits deux à deux par S2,
la somme des produits trois à trois par S3,
et en général la somme des produits p à p par Sp .
Il est clair que les n quantités dont il s'agit sont les n racines de
l'équation :
(1) an — Aan~l -f- S2a"-2 - S;,a»-*-f ± S„ = 0.
Je tire de l'équation (1) :
(2) A = a + -2 — -3 + ± — .
1 a a2 ' a"-1
J'élève maintenant à la puissance m, m étant un nombre entier et
positif plus grand ou plus petit que n, les deux membres de l'équation (2),
en considérant le second membre comme un binôme dont le premier
S S
terme serait a, et le second terme le polynôme — 4-
a a"*-
± *-
J'obtiens aussi, en appliquant la formule du binôme de Newton :
'S., S3 , \ . m(m—i)
■a'
2
(3) A" = am -f ma* - l p — -* + . . . \ +
S8 _ Ss \s m (m— 1) (m— 2) m 3/S2 S3 \3
a "a* ' ' ' ) "T" 2. 3 ° U a^---;"1" "••
2. — Le développement complet de la formule (3) me donnera des
termes entiers et des termes fractionnaires ayant successivement pour
dénominateurs les diverses puissances de à.
iv ni: K0NDE8TR. — BOB l'NF. NOUVELLE FORMULE ALGÉBRIQUE 155
J'extrais d'abord les termes entiers, opération qui n'offre aucune diffi-
culté, je les ordonne par rapport aux puissances décroissantes de a, et
j'obtiens la formule suivante :
(4) A'" = am -f wS,a"1-2 — roSja*"3 -f roSt [am-«
■ m(m—\)
o 2 I
m (m — 1)
m S,
X ZS.,S;
± vw + z,
+
wS6
. m (m— 1) (m— 2)
+ 2^ Sî
i«i— o
Dans la formule (4), le terme ± Um est le terme indépendant, c'est-
à-dire le coefficient de a0, avec le signe -|- pour m pair et le signe —
pour m impair.
Quant au dernier terme Zw . il représente la somme de tous les nom-
bres fractionnaires provenant du second membre de la formule (3). Ce
terme est de la forme :
(3)
y Vffl-fl , ' m +
H-
S„<
7m [n — 1)
3. — Je remarque maintenant que Am est une fonction symétrique des n
lettres a, b, c, t, et que, par conséquent, si je trouve dans
la formule (4) un terme tel que \k X am~k, je dois y rencontrer égale-
ment les 71 - 1 termes : V* (bm'k -j- cm~k + . . .+ 'm~k)> lesquels
proviendront du développement complet de la série Zw.
Si donc je désigne en général la somme
a* + b* + c* + ... + P
par la notation Pjj., je puis remplacer a? par P|x, dans la formule (4),
laquelle prend alors la forme suivante :
(M) A* = Pm + ™S2 Pm - 2 —
+
+
m (m — 1)
±
mS3
mSt
Pm — 3
*m — \
P
* m — ~j
m (m — 1
X 2b«03
IS6
MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE. GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
+
+
mS,
m (m — I )
(V + 2S,Sj
m i m— A) (m — 2) s
2.3
p
1 m — G
mS,
m (m — i)
(2S2S5 + 2S3S4)
+
+
m (m— i)(m— 2)
— ~ X OS2-o3
mS8
m (m — i)(m — 2) (m— 3) , ,
■ S *
2.3.4
p
?» I/M 1)
mS9
Ï2S2S7 + 2SaS0 + 2S4SS)
■m(^(m-2)(S33+3VS8+6S2S3S4)
///
(m — 1) (m — 2) (m— 3)
2.3.4
X 4S23S5
p
1 m — U
+ •
Telle est la nouvelle formule que je me proposais d'établir pour expri-
mer la mme puissance d'un polynôme, composé de n lettres au moyen des
fonctions symétriques simples S2, S,,. . . S„, et des sommes de puissances
semblables Plt P2,. . . Pm _■> et P,„ .
La loi de formation des coefficients est des plus simples et peut s'expri-
mer ainsi : pour former le coefficient de Pm_fc, prendre dans le développe-
ment du second membre de l'équation (3) tous les termes entiers du
degré k, qui se trouvent multipliés par a'"-k.
4. — Je tire de la formule (M),
(G) P,n = A'" — mS2Pm _ 2 + mS3PTO _ 3
wS,
m(m—\) 2
Pm -H-
+
mS,
K - ; -
+ =JÈ|=±) X 2S2Sa
P. DE M0NDES1R. — SUR U.NE NOUVELLE FORMULE ALGÉBRIQUE 157
En remplaçant dans la formule (6) m par m — "2, j'obtiendrai P,„ _ 2
en fonction de Am - 2 et des sommes l\„ _ 4, P,„_5,
En y remplaçant, en même temps, m par m — 3, j'obtiendrai Pm_3 en
fonction de Am ~ 3 et des sommes Pm _ 5, P,„ - e,
Cette première opération me donnera une première formule trans-
formée (M^ qui contiendra A'n ~ 2, Am "" 3, Pm - i, Pm - .-„
En éliminant de la formule (M,), Pm - t et Pm _ 5, à l'aide de la for-
mule (6), j'obtiendrai une deuxième transformée (M2) contenant A"1"-,
Am -3 Am--4 Am— 5 U „ P . ...
En continuant cette opération, toujours à l'aide de la formule (6),
j'obtiendrai une transformée définitive qui ne contiendra plus que les
diverses puissances de A, et dont tous les indices de P auront été succes-
sivement éliminés.
Cette dernière formule sera précisément la magnilique formule de
Waring, qui se trouvera ainsi déduite de la formule (M), et que je trans-
cris ici en la poussant jusqu'à l'exposant m — 9.
(W) A"1 = P,„ + roSa A»-2
__ >/(S3 A"'-3
-J- roS, A"1-1
+
+
+
+
+
+
2
-s,
m (m—
2
-4)
X
2SaS
m S
Ï^OV + MA)
m {m — 4) (m — 5) „
2~T3 S'2
ïfcfB (2S2SS + 2S3S4)
^ x o»2 Oj
^«t - 7
wi(?n — /.
2
(S4*+ 2S.S, + 2S,SS
m(m-6)(w-7i(8S2%+3S32S
2 . 3
ru (m — o) (m — 6) (m — 7j „
2.3.4 2
158 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
— mS9
+ ZS^S dSA +' 2S8S8 + 2S,S8)
_a(^y)(S|, + 3S|lSt+6SiSA)
m (m— 6) (m— 7) (ro— 8) .« 3~3
+ -2.3.4 X 2
5. _ On voit que les deux formules (M) et (W) présentent entre elles
la plus grande analogie.
J'ai déjà donné la loi de formation de la première. Pour passer de la
première à la seconde, il suffit : 1° de remplacer la somme Pw_* par
la puissance A"l_/C; 2° de remplacer, dans les coefficients numériques de
Pm_ kt m — 1 par — (m — /■; -f 1 ), m — 2 par — (m — k + 2), m — 3
par — (m — k -J- 3) et ainsi d3 suite.
M. Em. LEMOINE
Ancien élève de l'École polytechnique.
SUR QUELQUES QUESTIONS DE PROBABILITES.
[EXTRAIT DD PROCÈS-VERBAL.]
— Séance du 2S août 1877. —
M. Emile Lemoine expose des résultats fort intéressants sur le calcu
probabilités. Voici les énoncés des questions résolues par M. Lemoine:
1° On prend au hasard deux points sur une barre de longueur donnée;
quelle est la probabilité pour que la distance de ces deux points ne surpasse
pas une longueur donnée; 2° on prend au hasard deux points dans l'intérieur
d'un cercle ou d'une sphère ; quelle est la probabilité pour que leur distance
ne surpasse pas une longueur donnée ; 3° une barre jetée en l'air se brise en
trois morceaux; quelle est la probabilité pour que ces trois morceaux soient
les côtés d'un triangle quelconque, — d'un triangle acutangle; -4° on casse une
barre en deux morceaux, puis l'un d'eux en deux autres; quelle est la pro-
babilité pour que ces trois morceaux soient les côtés d'un triangle quelconque,
— d'un triangle acutangle; S0 on prend au hasard trois points sur une cir-
conférence; quelle est la probabilité pour que le triangle ayant ces points
pour sommets soit acutangle. — Extension à une courbe quelconque à centre
É. LUCAS. — SUR LA THÉORIE DES NOMBRES PREMIERS, ETC. 159
et telle que toute droite passant par le centre ne rencontre la courbe qu'en
deux points; t>° on jette n points au hasard sur une circonférence; quelle est
la probabilité que ces n points seront tous situés du même côté d'un même
diamètre que l'on n'a pas tracé préalablement.
M. GOHIEREE DE LOMCHAMPS
Professeur de mathématiques spéciales au Lycée de Poitiers.
SUR LA SURFACE DE STEINER.
(EXTRAIT DO PROCES-VERBAL.)
— Si:ti,iie il n :'.'.' août ls'~. —
M. Ci. de Longchami'S expose des propriétés nouvelles de la surface de
Steiner, et annonce qu'il a trouvé le centre de gravité de la surface. Il emploie
dans cette étude la méthode de géométrie connue sous le nom de transforma-
tion quadratique, dans laquelle, à un point du plan correspond un autre
point, à une droite correspond une conique et à un plan, une quadratique.
On sait que cette méthode comprend, comme cas particulier, la méthode d'in-
version ou de transformation par rayons vecteurs réciproques.
M. Edouard LUCAS
Professeur au Lycée Cluirlemagne.
CONSIDÉRATIONS NOUVELLES SUR LA THÉORIE DES NOMBRES PREMIERS
ET SUR LA DIVISION GÉOMÉTRIQUE DE LA CIRCONFÉRENCE
EN PARTIES ÉGALES.
— Séance du 25 doût 1877. —
La doctrine des nombres premiers a été ébauchée par Euclide et par
Eratosthêne. On doit à Euclide la théorie des diviseurs et des mul-
tiples communs de deux ou plusieurs nombres donnés, la représentation
des nombres composés au moyen de leurs facteurs, et la démonstration
de l'infinité des nombres premiers, que l'on peut étendre facilement à
la preuve de l'infinité des nombres premiers des formes linéaires Ax + 'à
100 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
et 6cc-f-§. Nous avons donné aussi une démonstration élémentaire
de l'infinité des nombres premiers de la forme mx-\-\, quelle que soit
la valeur de m. On sait aussi que, par l'emploi des séries infinies,
Lejeune-Dirichlet est parvenu à démontrer l'infinité des nombres pre-
miers delà forme ax-{-b, dans laquelle a et b sont deux entiers quel-
conques et premiers entre eux i 1 1.
On doit à Eratosthène une méthode ingénieuse connue sous le nom
de Crible Arithmétique, qui conduit à la formation de la table des nom-
bres premiers, et des nombres composés; on possède, depuis les tra-
vaux de Chernac, de Bcrckhardt et de Dase, les tableaux des neuf pre-
miers millions; Lebesgue a indiqué un procédé qui permet de réduire
le volume de ces (aides, et le jeune et savant M. Glaisher, de Cam-
bridge, a évalué la multitude des nombres premiers compris dans ces
tables (2).
Les principes d'EucLiDE et d'ERATOSTHÈNE conduisent ainsi à une pre-
mière méthode de vérification des nombres premiers non compris dans
les Tables, et de décomposition des nombres très-grands en leurs fac-
teurs premiers, par l'essai successif de la division d'un nombre fixe', le
nombre donné, par tous les nombres premiers inférieurs à la racine
carrée. Mais c'est là une méthode indirecte, qui devient absolument im-
praticable, dès que le nombre donné a 10 chiffres.
En suivant cette voie, M. Dormoy(3) est arrivé par des considérations
ingénieuses, déduites de la théorie de certains nombres qu'il appelle
objectifs, et dans lesquels on retrouve, sous le nom d'objectifs de l'unité,
la série de Léonard de Pise, à l'établissement d'une formule générale
des nombres premiers. Malheureusement, même pour des limites peu
élevées, cette formule contient des coefficients considérables qui en ren-
dent l'application illusoire.
Les nombres premiers sont distribués fort irrégulièrement dans la
suite des nombres entiers ; e'est qu'en effet, d'une part, il est facile de
démontrer que l'on peut trouver m nombres entiers consécutifs et non
premiers, quelle que soit la grandeur de m ; d'autre part, l'examen de
la table des nombres premiers permet de constater l'existence de deux
dj Lbjedne-Dirjchlet. - Abhandltmgen der liai, un- Akademie. Berlin. 1x37. — Vorleswngen
Qber Zahlentheorie, herausgegebm von Dedehind, Braunschweig, 1871.
2 Chersac. — Cribrum arithmeticum. de o à 1,200,000. — Deventer, 1811.
BuRCMARDr. — Tables des diviseurs, jusqu'à 3,036,000. - Paris, 1814-1817.
Dase. - Factoren-Tafeln, de 6,000,000 à 9,000,000. - Vienne, 1862-1865.
Lebbsgub. — Tables diverses pour la décomposition des nombres en facteurs premiers. —
Paris, I864.
.1. \v. !.. Glaisher. — Preliminary accouni of the résulte of an enumeration of the primes in
Doses uii,l Burckhardt's table*.— Cambridge, 1876-1877.
3) E. Doruoy. — Formule générale des nombres premier, et Théorie des objectif*. - Pari3,
I867.
É. LUCAS. — SUR LA THÉORIE DES NOMBRES PREMIERS, ETC. 161
nombres impairs consécutifs, très -grands et premiers. En outre, on sait
encore démontrer qu'une fonction rationnelle de p
N=i(p),
ne peut continuellement donner des nombres premiers N, puisque l'on
a, pour N premier
¥(p + KN) = o, (Mod. N).
Il est donc difficile d'arriver à la loi de distribution des nombres pre-
miers dans la série ordinaire. Cependant il paraît bien naturel d'étudier
les nombres premiers , d'après leur loi de formation ; aussi l'étude
approfondie de la méthode d'Eratosthène a conduit le prince A. de
Polignac à d'intéressantes propriétés des suites diatomiques (1) ; à la
même époque, M. Tciiebichef arrivait, par des considérations différentes
à la démonstration, de ce théorème remarquable (2) :
Pour a>3, il y a au moins un nombre premier compris entre a et
2a— 2.
On déduit immédiatement de là que le produit des n premiers nom-
bres ne saurait cire une puissance, ni un produit de puissances, ainsi que
l'a montré M. Liouville (3). En résumé, toutes ces recherches sont
basées sur la considération des progressions arithmétiques.
On doit à l'illustre Fermât des recherches profondes sur la doctrine
des nombres premiers et basées sur la considération des progressions
géométriques. Dans cet ordre d'idées, différent de celui qui précède, la
vérification des nombres premiers très-grands de la forme a'1 — bn , et
la décomposition des nombres de cette forme en facteurs premiers, se
trouve considérablement simplifiée par l'introduction d'un calcul sem-
blable au calcul logarithmique, ainsi que nous l'avons fait voir, dans
notre communication au Congrès de Clermont-Ferrand. Cette nouvelle
méthode repose sur l'inversion du théorème de Fermât. En désignant
par a un nombre inférieur à p, on sait que l'on a, pour p premier, la
congruence
ap-i _1 = 0, (Mod.p);
mais ce théorème n'est pas exclusif, comme celui de Wilson; ainsi, par
exemple, on a :
236=1, (Mod. 37) et 2»? = 1, (Mod. 73) ;
et, par conséquent :
237x73-1 =4, (Mod. 37X73).
Cependant, on peut énoncer le théorème suivant, que l'on doit consi-
dérer comme la proposition réciproque du théorème de Fermât :
(1) A. de Polignac, Recherches nouvelles sur les nombres premiers. Paris, 1851.
(2) Journal de Liouville, t. XVII. Paris.
(3) Journal de Liouville, 2e série, t. II.
Il
162 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
Si ax — 1 est divisible par p, lorsque x=p — 1, et n'est pas divisible
par p; pour x diviseur de p — 1, le nombre p est premier.
On sait que, dans ce cas, a est une racine primitive de p; d'ailleurs
cette proposition rentre dans le théorème fondamental, démontré dans
le recueil de l'année dernière.
Cette méthode conduit encore à la démonstration des théorèmes sui-
vants :
Théorème I. — Si A et Q désignent deux nombres quelconques pre-
miers entre eux, la série
I*o» l'i> 1*2» • . • • l*n , • • •
dans laquelle on a
r0=A, r1 = A2 + 2Q, rn+1 =rn2 — 2Q2" ,
contient, comme diviseurs, des nombres premiers tous différents.
Théorème II. — Soit le nombre p = A.2'' — l, et
\o q=0> (Mod. 4), et A = 3 ou A =9, (Mod. 10),
2° qHI, (Mod. 4), et A = 7 ou A = 9, (Mod. 10;,
3° q = 2, (Mod. 4), et A = l ou A = 7, (Mod. 10),
40 q = 3, (Mod. 4), et A^l ou A =3, (Mod. 10);
on /orme tes q premiers termes de \p, série
r4, r2,r3, r*,...
par la relation de récurrence
j.u+i — ^ __2?
te nombre p esd premier, lorsque le rang du premier terme divisible par
p est égal à q; si a<p désigne le rang du premier terme divisible par
p, les diviseurs de p sont de la forme 2a AK-f- 1, combinée avec celle des
diviseurs de x2 — 2y2 et de x2 — 2Ay2.
Exemple . — Soit le nombre p = 3 . 211 — 1 = 6i 43 ; on forme la série
des résidus
4, 18, 322, — 749, 1986, 388, 3110, 3016, 4614, 499, 0 ;
donc p = 6143 est premier.
Théorème III. — On obtient un théorème analogue au précédent, en
prenant
p=A.2<i-f-l,
avec les valeurs
1° q=Eo, (Mod. 4), et A = 5, ou A=3, (Mod. 10);
2° q==i, (Mod. 4), et A=§, oit A = 9, (Mod. 10);
3° q=2, (Mod. 4), c£ A = 5, ou A = 7, (Mod. 10);
4° q=3, (Mod. 4), e£ A = 5, ou A = l, (Mod. 10);
Ë. LUCAS. SUR LA THÉORIE DES NOMBRES PREMIERS, ETC. 163
Théorème IV. — Soit le nombre pr=A.3'' — 1
avec les ni leurs
1° q = 0, (Mod. A), et A = 4 ou A = 8, (Mod. 10),
2° q = l, (Mod. 4), et A=6 ou A = 8, (Mod. 10),
3° q = 2, (Mod. 4), e* A = 2 ou A =6, (Mod. 10),
4° q = 3, (Mod. 4), c/ A = 2 ou A =4, (Mod. 10);
on forme les q premiers termes de la série
ro> rn r2, . . . Tn ,. . .
par /a formule de récurrence
rwH = r£+ 3rf, —3,
déduites de. la triplication des [mictions numériques, avec les conditions
initiales
r° - âAv/H ' Fl (i+^A-ji-^A '
le nombre p es£ premier, lorsque le rang du premier terme divisible par
p occupe le rang q ; si a < q désigne le rang du premier terme divisible
par p, /es diviseurs de p .son/ de /a /&me linéaire 3aAlv-f 1 combinée
avec celles des diviseurs quadratiques correspondants.
Exemple. — Pourp = 2.37 — l les résidus sont
2,17,1404,0,...
donc p est premier, puisqu'il n'a pas de diviseur inférieur à sa racine
carrée .
Théorème V. — Un a un théorème analogue au précédent en suppo-
sant p = A.3? -\-i, avec les valeurs
q=0, (Mod. 4), et \~ 0, ou A ^5, (Mod. 10),
q.= i, (Mod. 4), et A=0, ou A=6, (Mod- 10),
q=2, (Mod. 4), e* A = 0, ou A = 2, (Mod. 10),
q = 3, (Mod. 4), et A = 0, ou A = 4, (Mod. 10),
et la relation de récurrence
vn+i = v«3 — 3 vu2-}- 3.
TfJêorème VI. — Soit le nombre p = 2 A. 5<i + 1 ; on forme la série
limitée à q termes
v0, vt, v2; v«
auec la relation de récurrence
v„ + i = vn s -f 5 v„ 4 -f- 5 v„ ,
et les conditions initiales
(1 ^^Ty-H-M' (1 + js> - (i - y/si"* ,
v-=- — rw~ ''"- i^r '
le nombre p est premier lorsque le rang du premier terme divisible par
164 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
p est égal à q; il est composé si aucun des termes n'est divisible par p,
enfin si a < q désigne le rang du premier résidu nul, les diviseurs pre-
miers de p S07it de la forme 2 A. S a R ± 1.
Dans ces théorèmes, nous n'avons considéré que la série de Fibonacci ;
les autres séries donnent lien à des théorèmes analogues.
Nous avons donné dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences
(10 juillet 1877), l'application de cette méthode à la recherche des nom-
bres premiers, delà forme 22'1 -f- 1, et dans lesquels on peut diviser
géométriquement la circonférence en parties égales. Le P. Pépin a pré-
senté à l'Académie des sciences (Comptes rendus, Q août 1877), une au-
tre méthode que nous allons discuter. La première partie du théorème
énoncé par le P. Pépin se déduit de notre théorème fondamental : Si
le nombre entier ; est divisible par p, sans nu un seul
a — b r '
des nombres de même forme dont l'exposant est un diviseur de p ± {
le soit, le nombre p est premier (Comptes rendus, o juin 1876); il suffit de
supposer, avec les signes inférieurs, a = 5, 6 = 1 et p = an == 2'2" -f- 1.
Quant à la seconde partie du théorème du savant P. Pépin, elle résulte
immédiatement de la forme de an — 1, et de la loi de réciprocité, dans
l'hypothèse de an premier. Il est d'ailleurs facile de donner une série de
théorèmes analogues non-seulement pour les nombres an , mais dans la
recherche de la condition nécessaire et suffisante pour qu'un nombre
2n a p rb 1 soit premier, lorsque a désigne un produit de facteurs
premiers donnés, et p un nombre premier arbitraire. On a, par exem-
ple, les théorèmes suivants :
Théorème VII. — Lorsque p = 10 q -f 7 ou 10 q -f- 9 est premier,
le nombre 2 p — 1 est premier, si l'on a la congruence
et réciproquement.
Théorème VIII. — Lorsque p = 4 q -f- 3 est premier, le nombre
2 p -f 1 est premier, si l'on a la congruence 2p — 1 = O, (Mod. 2 p -f- 1),
et réciproquement.
Théorème IX. — Lorsque p=4 q + 3 est premier, le nombre 2p — 1
est premier, si l'on a la congruence
—[ (1 + 3") P- (i _s/^ /J]=o, (Mod.2 ,4-1),
et réciproquement.
É. LUCAS. — SUB LA THÉORIE DES NOMBRES PREMIERS, ETC. 165
On effectue les calculs par les formules d'addition et de multiplica-
tion des fonctions numériques.
On doit cependant observer que si la voie indiquée par le P. Pépin
conduit à une forme plus claire et plus précise, donnant, comme le
théorème de Wilson, la condition nécessaire et suffisante pour que le
nombre an soit premier, il paraît cependant préférable de s'en tenir,
dans l'application, à la forme ambiguë et indécise que nous avons laissée
aux théorèmes énoncés précédemment. En effet, ces théorèmes reposent
sur une hypothèse, celle de supposer premier un nombre pris arbitrai-
rement dans une forme donnée; mais il est plus probable de supposer
le nombre composé, même dans le cas de cette forme transcendante de
(in. Par conséquent, au lieu de reculée l'affirmation que l'on cherche,
jusqu'à l'extrême limite, par l'emploi des non-résidus quadratiques, il
serait plus pratique d'employer l'un des y (2"-') nombres qui appar-
tiennent à l'exposant 2"-' pour ie module a„ supposé premier. On abré-
gerait l'opération de moitié, mais cette recherche directe est fort dilli-
cile. On s'assurera cependant que; par notre procédé, il suffit, pour
démontrer que a.2, a3,a^, sont premiers, d'exécuter respectivement 3,0,12
opérations au lien du nombre maximum 4, S, 16, qui lui correspond
dans l'autre méthode; quant aux nombres as et a,., ils sont composés.
Dans la Prœfatio generalis des Cogitala pkysico-mathematica (p. 11),
le P. Mersenne affirme que les nombres premiers de la forme 2" — 1,
n étant premier, correspondent aux valeurs
n = 1, % 3, 5,7, 13, 17, 10, 31, 67, 127, 257 ,
et qu'il n'existe pas d'autres nombres premiers de cette forme pour
n inférieur à 257. Au moyen d'une méthode fort simple, M. Landry
vient de vérifier en partie l'assertion du P. Mersenne, en donnant la
décomposition des nombres de cette forme pour les valeurs de n
n = 37, 41, 43, 47, 53, 59 (1);
ces valeurs, à l'exception de n = 61, représentent toutes celles qui sont
comprises dans l'intervalle de 31 à 67. Il résulte de ce passage remis
en lumière par M. Genocchi, que le P. Mersenne était en possession
d'une méthode importante dans la théorie des nombres ; mais, malheu-
reusement, cette méthode ne nous est point parvenue.
Nous ajouterons encore que 273 — 1 est divisible par 439, 279 — 1
par 2G87, 2113 — 1 par 3391, et que le théorème suivant vient ajouter
de nouvelles preuves à l'appui de l'assertion de Mersenne :
Théorème. — Si A q -{- S et 8 q -j- 7 sont des nombres premiers, le
nombre 2'-fv+3 _ \ est divisible par 8 q + 7.
(1) La décomposition de 231 — 1 avait été donnée antérieurement par Fermât, et celle de 241 — 1
par Plana.
166 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
En effet, d'après le théorème de Fermât, on a :
2sï+6 = it (Mod. 8 q + 7 )
et, par conséquent,
(2*<H-s _|_l) (249+3 _ 1) = o, (Mod. 8 7 + 7);
mais on sait que le nombre 2 est résidu quadratique de tous les nom-
bres premiers de l'une des formes 8 n -f- 1 et 8 n -f- 7; par consé-
quent,
2^+3 _ 1= o5 (Mod. 8 </ -f- 7).
En consultant la table des nombres premiers, on en conclut que
pour les valeur de w, successivement égales à
11, 23, 83, 131, 179, 191, 239, 251, 359, 419, 431, 443, 491,
les nombres 2" — 1 sont respectivement divisibles par les facteurs
23, 47, 167, 263, 359, 383, 479, 503, 719, 839, 863, 887, 983.
Quant à l'assertion qui concerne le nombre 2257 — 1, et que Mersenne
suppose premier, on doit observer que ce nombre a 78 chiffres, que sa
racine carrée en a 39 ; par conséquent, en supposant que ce nombre
soit premier et en admettant que l'on n'ait à essayer qu'un nombre
premier pour chaque million de nombres consécutifs, et que chacune
des divisions du nombre essayé de 78 chiffres se fasse en une heure,
il faudrait à l'humanité tout entière un temps supérieur à un million
de millions de siècles.
Il nous reste à indiquer la méthode à suivre pour arriver à la vérifi-
cation des nombres de la forme p = 2^+' — 1, tels que 261 — 1, et
2257 — 1. En supposant p premier, — 1 est non résidu de p, et 2 est
résidu; donc — 2 est non résidu de p; par conséquent, la série pour
laquelle
P = 2, Q= 3, A = 22X(— 2)
est propre à la vérification des grands nombres premiers de cette forme.
Mais les formules de duplication donnent :
v2x+1 = [va? - 2 Q2* ,
et, puisque l'on a Q = — 3, le calcul successif des résidus comporte
deux opérations à faire, au lieu d'une. 11 est donc préférable de pren-
dre pour point de départ l'équation
x2 = 4 x — 1 ,
dans laquelle
a = 2 -f s/37 & = 2 — N/37 A = 22 x 3.
Par la loi de réciprocité, on voit que si p = 2^+1 — 1 est supposé
premier, on a :
A. MANMIEIM. — SUR LA SURFACE DE L'ONDE. 167
puisque les nombres 3 et p donnent 3 pour résidu suivant le module 4.
Mais, par le théorème de Fermât :
24«-H — 1 = 1, (Mod. 3);
donc 3 est non résidu de p, et si pest premier, Up-n est divisible par p.
D'ailleurs, les diviseurs de p -f 1 sont toutes les puissances de 2 jus-
qu'à 2*?+< . On formera donc la suite des résidus
% 7, 97, . . .
tels que chacun d'eux soit égal au double du carré du précédent dimi-
nué de l'unité, et on conclura comme dans les cas précédents.
M. A. MAMHEIM
Chef d'escadron d'artillerie, professeur A l'École polytechnique.
SUR LA SURFACE DE L'ONDE
— Séance du 9 S a uni Is 7 7. —
Cette surface s'obtient, en menant des plans diamétraux d'un ellip-
soïde (E), en élevant du centre o de cette surface des perpendiculaires
à ces plans et en portant sur ces droites, à partir de o, des longueurs
égales aux demi-axes des sections déterminées dans l'ellipsoïde par ces
plans diamétraux.
Cette définition de la surface de l'onde peut encore s'énoncer ainsi :
m étant un point de l'ellipsoïde et mn la normale en ce point, on
élève à om dans le plan normal o m n, la perpendiculaire om^ sur la-
quelle on porte le segment omu égal à om : lorsque le point m décrit
l'ellipsoïde, le point ml décrit la surface de l'onde. C'est en faisant
usage de ces deux formes sous lesquelles on peut présenter la généra-
tion de la surface de l'onde (S0) que nous allons répondre à cette
question :
Quelle est la définition d'une ligne (m,) tracée sur la surface de
fonde (S0) et dont les différents points correspondent aux points d'une
ligne de courbure (m) de l'ellipsoïde (E)?
Ou, en d'autres termes :
Quelle est la transformée d'une ligne de courbure de l'ellipsoïde?
Pour résoudre ce problème nous allons employer la propriété sui-
vante :
168 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
Si du centre o de (E) on mène des plans parallèles aux plans tangents
à cette surface menés des différents points d'une ligne de courbure (m),
ces plans enveloppent un cône du 2e degré qui coupe (E) suivant une
courbe sphériquc (1).
Le plan mené du point o parallèlement au plan tangent en m à
(E) coupe cette surface suivant une courbe au moyen de laquelle on dé-
termine des points de (S0). Pour cela on élève de o une perpendicu-
laire au plan de cette courbe et l'on porte sur cette droite, à partir de
o des segments oa, ob, égaux aux demi-axes de cette section. Si le point
m décrit une ligne de courbure de (E), il résulte de la propriété que
nous venons d'énoncer que les demi-diamètres de (S0) tels que oa, par
exemple, sont égaux entre eux.
Mais le diamètre oa est perpendiculaire à la normale m^n à la sur-
face de l'onde, normale qui est issue du point m^ appartenant à la
transformée de (m). Nous obtenons donc cette réponse à notre question :
Sur la surface de l'onde (S0) dérivant de (E), la transformée d'une ligne
de courbure de cette surface est telle que les normales à (S0) issues des dif-
férents points de cette ligne sont respectivement perpendiculaires à des
diamètres de (S0) égaux entre eux.
Cette définition de (m^ est tout à fait analogue à cette définition de
(m) qui résulte de celle précédemment donnée.
Sur l'ellipsoïde (E) la ligne de courbure (m) est telle que les normales
à cette surface, issues des différents points de cette ligne, sont respective-
ment perpendiculaires aux plans tangents à un cône formé par des dia-
mètres de (E) égaux entre eux.
M. PIAREON DE MOOESIK,
SUR LA RÉSOLUTION DE L'ÉQUATION TRINOME DE DEGRÉ IMPAIR
X'" ± X = R
AU MOYEN D'UN NOUVEAU SIGNE ALGÉBRIQUE.
EXTRAIT.
— Séance à u 29 août 1877. ■-
Dans ce travail, passablement étendu, l'auteur s'est proposé de trouver, au
moyen d'un nouveau signe algébrique, au moins une des racines de l'équa-
tion trinôme,
(1) xm ± x = r.
H) Voir Lamaile, Expose géométrique du Calcul différentiel et intégral, p. 535.
P. DE MONDESin. — ÉQUATION TRINOME 1G9
dans laquelle m est un exposant entier, positif el impair, et r une quantité
réelle ou imaginaire.
L'auteur commence par résoudre l'équation binôme de degré impair,
(2) -/) -f q v7 — 1 = r.
Une racine quelconque de l'équation (2) est représentée par la fonction
A -f- lt \ - I . A et B y prenant successivement m valeurs réelles.
Soient: A,,. \(. A, les m valeurs réelles de A. rangées par ordre de
grandeur absolue. \„ étant la plus grande. Soient également,: Bn. B4, M,
les m valeurs réelles de 15. rangées par ordre de grandeur absolue, B0 étant la
plus petite. Les m racines de l'équation (-2) sont classées et spécifiées dans le
tableau ci-après :
(A)
I"" racine
3e
\ >e -
. a„ -|- Ba \' - 1 =R;
. A, + B, s'^T = H,;
A, + B, y/ — 4 ~r H,;
• A3 + B3 v
I = B,
A4 + B, v; - I = R*î
Le signe -f- placé au-dessus de la lettre A veut dire : de même signe que/»,
et le signe —, de signe contraire à p. Le signe -f- placé au-dessus de la lettre B
veut dire : de même signe que </. et le signe — . de signe contraire à 7.
La première racine B est celle qui devienl réelle, quand q est nul. Dans le cas
particulier de p = 1 et de q = 0, le tableau (A) se transforme ainsi qu'il suit :
lre racine
2e
3e —
4e _
5e —
R
I
R, = - a - - b V — 1 =
B2 = — a
+ «1
b V — 1 =
B
b, \
j _ em -
Ri -= + «« + fh v- '
La 3e racine de l'équation binôme de degré impair, .r m = \ , que l'auteur désigne
ici par e, est celle des racines de la forme — a — b V — \, pour laquelle a
est un maximum et b un minimum. Cette racine e jouit des propriétés sui-
9 ui _i_ 1
vantes : 1° s est toujours racine primitive; 2° toute puissance impaire e
est de la forme — a — b \ — 4, et toute puissance impaires ^est de la forme
_|_a _t_ b J — 4, pourvu que 2{jl -f- 4 et 2{i soient compris dans—.
L'auteur complète alors le tableau (A) ainsi qu'il suit :
170
MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
lre racine
••• A0 + B„ \l -\ = R = e" R;
9e
. . . - X* -J- Bj V7 — 1 = R4 = »« - i R;
3e —
... A, + B2 \ -1 = R2 = e R;
¥ —
• • • A3 + B3 v - j = R3 = .«-a R;
5e —
... A, + J, V;- J = R, = 62 R;
Les m racines de l'équation (2) se trouvent ainsi classées, spécifiées et
exprimées en fonction des deux quantités déterminées, R et e.
Après avoir posé ces préliminaires indispensables, l'auteur considère d'abord
la première forme de l'équation trinôme :
(3) xm — x = p + q \/ — 1 = r.
11 démontre que la fonction
2]1
\/ ,. + £^ 7 ,. + e2fi 7 r +
contenant un nombre infini de radicaux, et qu'il désigne par la notation
abrégée,
(P) e V r
donnera autant de racines de l'équation (3), que l'exposant 2|i sera compris
111
de fois dans —, en faisant successivement, [i — 0 = 1=2
L'auteur considère ensuite la seconde forme de l'équation trinôme :
(-4) xm -|- x = p -J- q y-- 1 = t.
Il démontre que la fonction
e2lX + ' \/ r - eV + i 7 r _ ^ + i *T=T7 • .
contenant un nombre infini de radicaux, et qu'il désigne par la notation abrégée
_£2t* +1
donnera autant de racines de l'équation (4), que l'exposant 2ji -f- 4 sera corn-
11X
pris de fois dans —, en faisant successivement, p ' = 0 = 1 = 2
Ainsi pour l'équation (3) on aura les racines
-|- e°
i
m / m i m j'
^o = £° V r ; ^2 = e'2 V *■ ; »4 = e4 y
et pour l'équation (4), les racines,
JL
P. DE MONDESIR. — ÉQUATION TRINOME 171
— E3 _ P5
ml '" / "> '
xt = • \ r ; o-3 = e3 y '• ; a?5 = «5 y ♦" ; . . . .
jusqu'aux plus grands exposants pairs ou impairs contenus dans — .
Équation du 3e degré. — Toute équation générale du 3e degré, à coefficients
réels, peut être ramenée à l'une des deux formes :
(6) as3 — x = r: (7) n?3 -J- x = r;
r étant une quantité réelle.
Le signe (P) nous donnera pour l'équation (6) :
+ e° +j
^o = e° y r = y r-
Ce sera la plus grande des racines réelles en valeur absolue.
Le signe (I) nous donnera pour l'équation (7) :
— £
tfi = e y r .
Ce sera la racine imaginaire de la forme — a — b \J— 1. Par suite, sa conju-
guée — a -+- b \ — 1 sera connue.
Equation du 5e degré. — On sait qu'au moyen d'une transformation ingénieuse
due au géomètre anglais Jerrard, l'équation générale du ;>e degré, à coefficients
réels, peut toujours être ramenée à l'une des deux formes
(8) ce5 — x = r ; (9) x5 -\- x = r ;
r pouvant être réel ou imaginaire.
Quoi qu'il en soit, le signe (P) nous donnera pour l'équation (8) , les deux
racines,
,±J ±J'J
Ko = y r ; xt = e2 y/ r ;
tandis que le signe (I) nous donnera pour l'équation (9), la racine,
_ e
x± = e y r.
On sait d'ailleurs que pour le 5e degré on a :
y/S-i , \f
l~JT
10 + 2 y' S
+' « y-*-
L'équation générale du 5e degré se trouverait ainsi résolue, grâce à la
transformation Jerrard, et avec l'emploi des deux notations nouvelles (P) et (1).
172 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
M. SYLYESTEE
Membre de la Société Royale île Londres.
APPLICATION DE LA NOUVELLE MÉTHODE POUR TROUVER LES DÉRIVÉES
INVARIANTIVES IRRÉDUCTIBLES.
(EXTRAIT DU PROCÈS- VERRAI.)
— éance du 27 août 1877. —
M. Sylvester, président d'honneur, donne l'application de la nouvelle mé-
thode pour trouver les dérivées invariantives irréductibles appartenant aux
systèmes de formes algébriques pour le cas d'un système d'une forme quadra-
tique et d'une forme cubique. L'éminent professeur fait la comparaison de la
méthode et des résultats auxquels elle conduit avec ceux qui ont été obtenus
par M. Gordan, professeur à l'Université de Gôttingen.
M. J.-W.-I. (tLAISHEE
Trinity Collège, Cambridge.
THÉORÈME D'ARITHMÉTIQUE SUR LA SOMME DES INVERSES DES PUISSANCES
SEMBLABLES DES NOMBRES PREMIERS.
— Séance du 27 août 4877. —
On sait par un théorème de Môbius (Journal de Crelle, t. IX p. 105)
que si
F(x)=f(x)+±-f(x*)+±-f(x*) +~f(x^) +1- /•(*») + etc.
alors
f(x) = F (x) |- F (ae») — -i- F (x>) - i- F (œ8) + ~ F (x«)
où lu loi est que les nombres qui contiennent un l'acteur carré n'entrent
J.-W.-L. GLAISHEB. — DES .NOMBRES PREMIERS 173
pas, et que le signe est positif ou négatif selon que le nombre de fac-
teurs premiers du nombre est pair ou impair.
Appliquons ce théorème à la série
— l(\ -x) = x+-ërx*-\- ~x3 -f—i- xi +4- x6 + etc.
1 o 4 o
on obtient :
x = — l(i — x) -f- -- / (1 — x-) -\-—l(i —x3) + — l (1 — £CS)
£ o o
~- Z (1 — x*) — etc.
I 1 I
Posant successivement -rr- , -77— , -=- • ••> au lieu de x (2, 3, o ...
2n 3" .)" v
étant les nombres premiers), on a :
i = -<('-^)+4-'(1-^) + M'-ir
+4'(l-^)-ctc-
4-=-
3»
+4-'('-3^)-ctc-
4r=-'(1-v) + 4-i(1-^)+l-'(1-^
+ 4- /fi— tjM — etc.
et, en ajoutant ces équations, on trouve :
1,1,1, , 1
^ — \--r> — h -s- +etc.= Z
)» ' -ire l Mn 1
V 22"A 32»/\ 52«
- — — L ■ etc.
23*A 33n) \53» '
0r; on sait que :
i"4 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
1 1111
(*-tX4-*X4-t)-
de sorte que, si
1111 î
Alors
1 4 1 l 1
En = / S» — l S2» — lS3n û- l S8n ~j — ^- ^ S6n — l S7u -|- etc.
ce qui donne la valeur de Sn exprimée en série régulière de JSn, lS%n
etc. : c'est le théorème auquel se rapporte le titre de cette note.
On a:
_ 1 (2*)*» Bw
2" ~ 2 1.2.3...2» '
où B„ dénote le nme nombre de Bernoulli, de sorte que si n est pair,
le théorème donne la valeur de Sn en fonction des logarithmes des
nombres naturels, des nombres de Bernoulli, et de %.
J'ai calculé avec vingt-quatre décimales les valeurs de l Sa, /S4... /S80,
et, au moyen de ce théorème, j'ai déduit les valeurs de Sa, S4... £80,
aussi avec vingt-quatre décimales. L'exactitude de ces valeurs fut vérifiée
par substitution dans la formule
qui est facilement démontrée, en prenant les logarithmes des deux
membres de l'équation
I 1 i \
= *+-*+-$■ + -? + «<■
('-tX'-tX'-t)
L'accord était parfait jusqu'à la 24,ne décimale.
Dans son Jntroduclio in Analysin Infinitorum, t. I, § 282, Euler a
donné une table des valeurs de 22,i]4... à quinze décimales, et comme
cette table contient plusieurs inexactitudes, je donne ici les vraies va^
leurs avec ce nombre de décimales.
A. MANNHE1M. — SLR LES NORMALES DE LA SURFACE DEL ONDE
175
n
V
— Il
2
0.452
247
420
041
065
4
0.076
993
139
764
247
6
0.017
070
086
850
637
8
0.004
061
405
366
518
10
0.000
993
603
574
437
12
0.000
246
026
470
035
14
0.000
061
244
396
725
16
0.000
015
282
026
219
18
0.000
003
817
278
703
20
0.000
000
953
961
124
22
0.000
000
238
450
446
24
0.000
000
059
608
185
26
0.000
000
014
901
555
28
0.000
000
003
725
334
30
0.000
000
000
934
327
32
0.000
000
000
232
831
34
0.000
000
000
058
208
36
0.000
000
000
014
552
Les valeurs de S2 et de 210 turent données par Euler comme étant
0.452 247 420 041 222 et 0.000 993 603 573 633, mais les autres
erreurs (au nombre de douze) n'excèdent jamais cinq unités dans le
dernier chiffre. Euler a employé pour ses calculs la formule
S„= S„— 1
-4-
^
+_L_J L_ etc
M. A. MAMHEIM
Chef d'escadron d'artillerie, professeur à l'École polytechnique.
SUR LES NORMALES DE LA SURFACE DE L'ONDE.
Séance du 27 août 1877. —
On sait que les normales à un ellipsoïde sont partagées par les plans
principaux de cette surface en segments proportionnels. Je me propose
176 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
de faire connaître la propriété correspondante pour la surface de l'onde
qui dérive de cet ellipsoïde. Prenons comme plan de la ligure (que le
lecteur est prié de tracer) le plan diamétral omn normal en m à l'ellip-
soïde (E) de centre o et normal au point correspondant mt de la sur-
face de l'onde (S0) •
Les surfaces (E) et (S0) ont les mêmes plans principaux. Appelons e, f, g,
les traces de la normale en m à (E) sur ces plans principaux. Les
droites oe, of, og sont alors les traces de ces plans principaux sur le
plan omn. Les segments me, mf, mg sont proportionnels; par suite, en
élevant du point o dans le plan omn des perpendiculaires à oe, of,
og, on obtient des droites qui rencontrent la normale en ml à (S0) en
des points i\, f\, gv tels que mv el} m, j\, ml gx sont aussi proportion-
nels. On peut dire alors que : Les plans diamétraux d'une surface de
Fonde (S0), menés perpendiculairement aux traces des plans principaux
de celte surface sur le plan diamétral normal au point m, de (S0), dé-
terminent sur la normale en ce point des segments proportionnels.
En considérant sur le plan omn le faisceau formé par des perpendi-
culaires élevées de o aux droites omy, oeA, of\, og^ et à la droite qui va
de o au point à l'infini sur m,e, et en coupant ce faisceau par la nor-
male m,et à (S0), on voit qu'il résulte du théorème précédent que : Les
points de rencontre d'une normale à une surface de l'onde avec les plans
principaux de cette surface, le pied de la perpendiculaire abaissée du
centre de cette surface sur celte normale, le point où cette normale est
rencontrée par le diamètre perpendiculaire à celui qui passe par son
pied, déterminent cinq points : les cinq points analogues qu'on a sur
chacune des normales de la surface de l'onde forment sur ces droites des
divisions homograph iques,
En ne considérant que quatre de ces points, on a ce théorème pré-
sentant une certaine analogie avec le théorème relatif à l'ellipsoïde :
Les points où une normale quelconque de la surface de l'onde ren-
contre les plans principaux de cette surface, et le pied de la perpendi-
culaire abaissée du centre sur cette normale, déterminent quatre points
dont le rapport anharmonique est constant , quelle que soit cette
normale.
Ces théorèmes permettent de construire très-simplement les centres
de courbure principaux de la surface de l'onde qui correspondent aux
points de cette surface appartenant aux coniques situées dans les plans
principaux.
J.-W.-L. GLAISHER. — SUR UN DKTERM1NANT
177
M. PICQUET
Répétiteur » L'École polytechnique.
SUR LE SYSTEME DE N EQUATIONS DU PREMIER DEGRE A N INCONNUES.
EXTRAIT IW PKOc'.ÈS-YEHIlAL.)
— Séance du :JT août / s 7 7. —
M. Picquet, répétiteur à l'École polytechnique, présente une discussion nou-
velle et plus complète d'un système de n équations du premier degré à n in-
connues , il prend comme point de départ un théorème donné dernièrement
par M. Rouehé, examinateur d'admission à l'Ecole polytechnique, et parvient
à de nouveaux résultats importants dans celte théorie.
Le mémoire qui doit consigner ces résultats n'ayant pu être terminé à
temps sera publié prochainement.
M. BAEHR
Professeur à l'École polytechnique de Delft.
SUR LA CINÉMATIQUE DES FLUIDES.
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
Séance du 97 août 1877. —
M. Baëhu, professeur à l'École polytechnique de Delft (Hollande), commu-
nique la suite des recherches qu'il a présentées l'année dernière a Clermont-
Ferrand sur la cinématique des fluides.
M. J.-W.-L. GLAISHER
Trinity Collège, Cambridge.
SUR UN DETERMINANT.
On sait que
— Séance du 25 août 1877.
a,
b,
c
h
c,
'/
c,
<i,
b
— {a -f b + C)
(a -f- wi & + wi2 c)
(a -f b)J> -f w,2 c)
12
a, l>.
c, d
b, c,
d. a
c, d,
a, b
d, a,
b, r
Î7(S MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQ1 E
où 1, tùlf (.)., soni les racines cubiques <lr l'unité,
(a -f 6 -f- c 4- d)
(a — 6 -j- c — (,)
(a + ib -Y i*c + i*d)
(a — ib -\- i2c — i3d)
>ù 1, — I, i, — i sont les 4mc racines de l'unité; et ainsi de suite. J'ai
été porté à considérer les déterminants où les éléments de la diagonale
principale sont
a — x, c — x, b — x
a — x, c — ce, a — x, c — x
et ainsi de suite, et j'ai trouvé que
a — x, b, c = — \x — (a -|- b -\- c)\
b, c — x, a \x- — (a -)- (à±b -j- w^c)
c, a, b — ce (a -f- (o.,6 4~ w22c) '
a — x, 6, c, d = \ x — (a -)- 6 -|- c -j- d) \
b, c — ce, r/, a ce — (a — b -\- c — d)\
c, d, a — x, b i ce2 — (a -f- ib -{- i-c -f- <3^)
(/, o, 6, c — x (a — z'6 -f- isc — t8d) !
où la loi générale est évidente. En effet, il y a toujours un on deux
facteurs linéaires, et les facteurs quadratiques sont de la forme
ce2 — (r/-f /uo-f cw2-f etc. ) (a4-&w-1+C(i)-2-f-etc. l
où o) indique une /t"10 racine de l'uni Lé.
Par exemple,
\x—(a + b + c+ d +
i
a — ce, &, c, d, c
6, c — x, r/, /•, a
c, rf, e — ce, ci, b
d, e, a, b — x, c
e, '/, &, c, d — x
e)\
-(a 4 «1&+ «i*c+ <Vd-|- w/e)
(a + oj,-'/) -f- w,--c -f- «,-w -f- (°rv i i
J x2 — (a -f œa6 -f- wa2ç -f- to28d + w2*ej
i a -f- (o.r'6 -j- wi ~2c 4~ wa-3d 4- w2_v ' '
ou
tf-
9-ÎT
cn.s- V4-;x'" TT»
0 •>
2* . . 2*
' = COS -r, / Sîïl
4w . . . 4-
(o., = cas — 4- ? si n — -
. A t. . . 4 fi
m..- — co.v -s- — a stn -=-
5 5
o 5'
Ainsi le déterminant de nme ordre a toujours un ou deux facteurs
i H. Il CAS. — SUR LE CALCUL RAPIDE DES FRACTIONS CONTINUES 479
linéaires selon que n est impair ou pair, et en chassant ces facteurs,
le résultat n'est qu'une fonction de ce2. Par exemple :
1, 6, c, d, e
1, c — ce, d, e, </
1, <7, e — ce, r/, &
I, e, o, 6 — ce, c
I, a, 6, c, d — x
n'est qu'une lonction de x2.
M, L. BOTKOE
Du Havre.
CHANGEMENTS HYPOTHÉTIQUES SURVENUS A LA SURFACE DE LA LUNE
— Sêa a fc il h. 'g1} n o i'i i l S7 7 .
M. Ed. LUCAS
Professeur au Lyeée Gbarlemagne.
SUR LE CALCUL RAPIDE DES FRACTIONS CONTINUES
(EXTRAIT HU PROCÈS VEIIHAL.)
— Séance du 27 août 1877. —
M. Ed. Lucas indique de nouvelles formules qui permettent de calculer di-
rectement les réduites des fractions continues périodiques dont les rangs crois-
sent en progression géométrique. Au moyen de cette méthode qui réunit à la
fois les avantages du calcul par logarithmes et du calcul par les fractions
continues, il développe les irrationnelles du second degré en séries très-rapi-
dement convergentes de fractions, ayant pour numérateurs l'unité, et pour dé-
nominateurs, les produits de nombres entiers croissants et premiers entre eux
deux à deux. Il donne, comme exemple, le développement de la, racine carrée
de 2, en séries de fractions telles que pour écrire le dénominateur de la
soixante-quatrième, il faudrait plus de deux cents millions de siècles. 11 indique,
1 80 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANFQUE
en outre, l'application de ces formules à la démonstration du théorème de
Lejeune-Dirichlet.
On trouvera, en partie , le développement de ces formules dans les
Comptes rendus île VAcadêmic (juillel 1877), et dans le Bulletin de la Société
mathématique, t. V, p. ITiS.
M. EOURET
Répétiteur à l'École polytechnique
SUR UNE LOI GEOMETRIQUE DONNEE PAR M. CHA3LIS.
- Séance du ~'7 août 1877.
M. SYLVESTER
Membre fie la Société Royale de Londres.
SUR LE THEOREME DE BRING.
(extrait du procès-verbal.]
— Séance du 27 aot'tt 1877. —
M. SylVESTER apporte un perfectionnement au théorème de Bring, attribue
à tort à Jerrard. 11 démontre que l'on peut ramener l'équation complète du
cinquième degré à la forme trinôme x5 -+- px -+- q = 0, au moyen de subs-
titutions toujours réelles.
M. L. LOTTIÎf
SUR UNE NOUVELLE MÉTHODE DE LEVÉ A LA PLANCHETTE.
(extrait)
S éa n ' e du 87 août (877.
M. I. Lottin propose l'emploi d'une sorte de compas formé de trois ali-
dades mobiles autour d'un même point que l'on fixe sur la planchette et
P. GUIEYSSE. — NOTE SUR LES SONDAGES \ GRANDE PROFONDEUR 181
portant des pinnules propres à déterminer des lignes de visée; une quatrième
règle, divisée en parties égales, tourne autour d'un point de l'alidade
moyenne.
Pour faire un levé, on [liante des jalons aux sommets du polygone et, en
outre, on en plante trois sur chaque côté également espacés. On vise avec
les alidades les trois jalons d'un même côté, et on cherche la position de la
quatrième règle telle que les divisions comprises de part et d'autre de la.
règle moyenne jusqu'aux alidades extrêmes soient égales. On est assuré alors
que cette règle est parallèle au côté dont on s'occupe, et on peut tracer sur
la planchette la ligne qui le représente et qu'on limite aux lignes de visées
que l'on mène sur les jalons placés aux sommets correspondants. On opère
successivement ainsi pour chaque côté et l'on [trace de proche en proche les
lignes qui les représentent.
M. Paul aiJIEYSSE
Ingénieur hydrographe 'le la marine, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique
NOTE SUR LES SONDAGES A GRANDE PROFONDEUR,
— Séance du 27 août 1X77. —
Le procédé employé pour obtenir Les sondes à grande profondeur,
consiste à laisser liler librement un fort plomb de sonde au bout d'une
ligne de petit diamètre, et à mesurer la longueur de la ligne filée, quand
on croit le fond atteint.
Ce moment s'apprécie quand on observe une différence brusque dans la
vitesse de descente de la ligne, en mesurant avec un compteur à secon-
des le temps quela ligne met à filer des longueurs de 100'" par exemple;
il est, en effet, évident que quand le plomb de sonde touche le fond,
la force motrice change brusquement et produit par suite un change-
ment de vitesse ; mais bien des causes d'erreur peuvent masquer ces
résultats, et tous les marins connaissent les difficultés éprouvées dès que
les longueurs de ligne filées dépassent 6 à 7,000 mètres. L'on sait que
les observations faites dans ces dernières années, dans le but d'étudier
la constitution physique de l'Océan, ont mis hors de doute l'existence de
grands courants sous- marins à diverses profondeurs; avant que le fond
soit atteint, supposons le plomb de sonde entraîné par un de ces
courants : la loi de la vitesse en sera modifiée, ou bien le fond sera
atteint, et la ligne continuera à filer avec une vitesse plus grande que
si le courant n'existait pas, et le résultat sera encore inexact.
182 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE. GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
Nous nous proposons de donner ici des formules suffisamment rigou-
reuses pour que, dans la pratique des sondages, on puisse reconnaître
immédiatement si le fond est atteint et même apprécier l'épaisseur des
couches de courant et leur vitesse.
La ligne de sonde étant enroulée sur un treuil et filant librement sous
l'action du plomb, nous considérons l'action du treuil comme produi-
sant une résistance constante, qui diminue l'action du plomb; ce plomb
est généralement une masse allongée, que nous supposerons pour le mo-
ment cylindrique.
Soient P son poids dans l'eau de mer, w sa section droite, ç sa surface
latérale, à le coefficient de frottement sur l'eau.
Soient p et s le poids et la surface du mètre courant de la ligne de
sonde, ep son coefficient de frottement, et x les ordonnées verticales
comptées en mètres à partir de la surface de la mer.
A un instant donné, la force motrice P -j- px est diminuée de la
résistance due aux frottements, qui, d'après les règles de l'hydraulique, et
en assimilant le mouvement de la ligne dans l'eau à celui de l'eau dans un
tuyau est proportionnelle au carré de la vitesse, et est représentée pour
dx~
le plomb de sonde par (mw -j- ç o) — , m étant un coefficient con-
stant, dépendant de la forme de la section du plomb, et pour la
M./""
ligne, par styx ——, de sorte que l'équation du mouvement est, en
posant :
a = moi -j- ç<p et b = siL
P -j- px d*x dx2
H » -tt = P 4- px — (a 4- bx) -r—.
g dp ' ' ; dt2
n f dx ,T d2x _. dV ., ,
Posant -j- = V, nous avons — — = V -y-, d ou :
dt dt dx
.7 d\ , a 4- bx lT„
équation linéaire du 1"' ordre, en Y'-, dont l'intégrale est :
o c bx + a i / -» r bx + a i
(2)V2=c [_2gJ e rfœ-fCJ
Calculons J dx ; nous avons identiquement :
bx -\- a b 1 \yb — pu
px -\- P p p px -\- P
M f-^±^D dx = b-œ- Pb ~ l>" / ( 1 + Ç
J px -f P p p2 \ P
P. (.1 ŒYSSEi — NOTE SI II LES SONDAGES A GRANDE PROFONDEUR 183
(a) En nous plaçant dans les conditions de la pratique, P = 280k,
p = ok 007 ulans L'eau), de s,. ne que ^ = Q .
En restant d'abord dans des profondeurs plus petites que 4,00()m, le
w.c 1
rapport - sera plus petit que —, et dans le développement de
(*+$.
M I
/'•'
pas
/>./•
//J./-
-r P y - p ^ 2P T ;^p,
nous pourrons nous arrêter au premier terme, en ne commettant qu'une
I
erreur < — devant i, el la valeur de l'intégrale cherchée se réduira
à -— , don :
Zgax
-1U
2gaa
el V2 = e
-li/ii. r
"lijil.r
— c
il
dx -j- C
J
\
Or, pour cc= 0, V= 0; doue G = -, et finalement :
zgax
(3)
V2 = - I — e
Dans cette formule, et dans le cas des petites profondeurs où nous
nous sommes placés, la nature de la sonde est sans influence sur le
mouvement; il n'en sera plus de même pour des profondeurs plus grandes.
(&) Supposons que nous atteignions des profondeurs de 10,000'", alors
px 1 . p'2x2 1
Sr = -, mais — — - =-7- ; nous pourrons négliger ce terme et les
P 4 3 P 2 48
suivants dans le développement de / (l -J- — ], et nous aurons :
J
''" bx 4- a , h P6 — pa px ( , px
— - dx = — x — —— 1 — ^— -
px -f P p f P V 2 P
/
bx-\- a , a Pb — pa „
px + P ~ p ^ <2P2
184 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
/ Pô — pa
2(PÔ — pa)
_ ( ^ p PU * + a)2-«! ]
.'/
d'où : V2 = Ce
_ <j
pi)— pu
Vb — pa
(— F^ + a)2-"2],
Pô — pa
et, en posant — ~— x -j- a = //,
0 ft2 0
1*6 — pa' Pô — pa
V2 = C e e
+ p
2 r/ P ~pù -p«
2 /»_ £.
%
Pô — pa
Cette intégrale se calcule facilement en posant y2 = z, ce qui ramène
le second terme de V2 à :
.'/
j Pô — pa
2 e
Pi — pa
dz.
Or, on a en général
/" az . e " n « - < . w (w — 1 ) » - 2
a L a f/2 J
d'où
/
Pô —
/"'
dz
r i
PÔ
9
— pa
e
Pô
— pa
.9
z
{ (Pô -
- pa)2
5
■
et pour le 2e terme de V-. en revenant aux notations premières :
Pô — /Xf
2<y
( Pô — yjfl )
~P~
r-f~ "
PÔ 1_
u2 r/ /( Pô — pa )
P
;r -j- Q
r +
et enfin pour Y- :
V2 = C e
.'/ "~
— g f Pô — pa
Vh — pa Pô — pa \ P-
P. GUIEYSSE. — NOTI SUR LES SONDAGES V GRANDE PROFONDEUR 18")
+ P
+
V h
(Vb—pii) . ' 2o / (Pb—pa)
■r + « ' ( ÏT— x+a
P
P
+
I
Comme nous sommes dans le cas de grande profondeur, nous pou-
vons nous contenter du premier terme de la parenthèse, et déterminant
G comme plus haut, nous aurons pour V- :
(4)
Y- — -
IV
.'/"
Pb—pa) ./• -L- Pr/,
Pb—pa
Pb — pu VI i — pa
e e.
■>■ 4-a r
et nous voyons <pie la vitesse va toujours en diminuant à mesure que
la profondeur augmente.
(c) Cherchons maintenant la vitesse propre de la ligne quand le fond
est atteint : l'équation du mouvement se réduit à :
,:>.
rfx2
px d*x dx*
n dt - ' ili -
ll.l- (I .I'
00 5ï -*'-»» -j?. *«P«*»' h
U, nous avons une équa-
tion différentielle, qui s'intègre comme la première et donne :
U2 = e
dx + C / =]-+Ce
Zbg
P
.'/
Pour x = 0. U = V0, vitesse quand le fond est atteint, d'où
%6 „
(6)
^f + ^-f), F
Calculons maintenant les temps de la descente.
Nous avons avec notre première valeur de la vitesse :
dx
~dt'
I8(j MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
D'où l'on déduit aisémenl :
Si notre ligne esl divisée de I00m en L00m et que ces points de divisions
soient successivement numérotés 0, 1,2 n — l,n,n-\- 1,
ce que nous observerons au compteur à seconde, ce seront les durées
/,, L, /„_i, tn, ta+\ ; et nous aurons en général
- -f- KHI h
100 -f te '
pour le dernier intervalle de temps mesuré dans la descente avec le
plomb de sonde, si le fond est à la profondeur 100 n.
A partir de cet instant, les intervalles devront se déduire de la valeur
de t déduite de (6), qui est en général :
2 rjbx
1
(l-l>
%
p
en y remplaçant \;, par sa valeur approchée -, dans le second terme qui
est très-petit ; cette formule nous donne comme la précédente, pour l'in-
tervalle de temps correspondant à 100 n et 100 (n -\- 1) :
.— 2 gb 100 n / 2gf&100\
,=mdVï+4S-3'~ v-~~ï
Pour que l'on puisse constater que le fond est atteint, il faut que la
6
différence 6 — t, qui est très-sensiblement égale à loo ,
p V
soit assez notable.
Les calculs des intervalles déduits de la 2e valeur de la vitesse sont
plus compliqués, mais mènent encore à une différence des temps, dont
le terme le plus important est le même que précédemment. — Comme
conséquence pratique, nous voyons donc que la quantité - doit être la
plus grande possible, et - la plus petite possible : c'est-à-dire qu'il faut
augmenter 6 et P et diminuer p et a, c'est-à-dire prendre la ligne la
plus légère possible et ayant le plus grand frottement, avec le plomb de
P. GUIEYSSE. — NOTE SI lt LES SONDAGES \ GRANDE PROFONDEUR 1 S7
sonde le plus lourd ei ayant la moindre résistance à la descente; ces
choix sont limités parce que, d'une part, la ligne doit avoir une résistance
suffisante pour supporter le plomb, et que de l'autre, pour le hâl'age de la
ligne, il y a avantage à diminuer le frottement. En nous rapportant donc
aux conditions reconnues les plus avantageuses pour les soudes à grande
profondeur, en prenanl d'après les conseils de M. l'ingénieur hydrographe
Bouquet «le la Grye, un plomb de 280 kil. et une ligne de sonde en
chanvre de 21mni de circonférence et bien suifée, nous n'avons plus
qu'à déterminer la forme du plomb pour que lecoefficient a soit minimum.
Nous avons a = m<.> -+- s<s> = -3 h so,
' ~fl
r. étant la densité de l'eau de mer et x un coefficient qui, variant dans des
limites très-restrèintes, esl environ de 1 ,35, d'où m= 0,07.
Supposons le plomb de sonde cylindrique de rayon r, de longueur
I; le minimum de a = mvr% -\- SroprÈ, avec la condition r.r-\)l = P, I)
étant la densité du plomb de sonde, répondra aux valeurs :
r= -
m/ \JÙ%)
1
|3 et l =
©«'
©*
d'où :
r 0
l m
En prenant pour o la valeur 0,0005, coefficient de frottement de l'eau
dans un tuyau, nous aurons/ = 140/-, c'est-à-dire que nous avons avan-
tage à prendre un câble métallique pour plomb de sonde; quelle que
soit la valeur exacte de i, comme elle est toujours très-faible, cette con-
clusion est rigoureuse.
Avec les données numériques que nous avons adoptées, il faudrait une
barre cylindrique de plomb de4,nmde rayon et de 5m50 de long environ.—
Avec la ligne de sonde adoptée, M. Bouquet de la Grye a déduit de nom-
breuses expériences <b = 0,65 par mètre carré, d'où 6=0,0013; nos vites-
ses avant et après que le fond est atteint ont alors des premiers termes
respectivement égaux à 6'"30 et 2m 30 par seconde.
Quand, dans le sondage, on observe des intervalles de temps qui ne s'ac-
cordent pas avec ceux de la formule, on a un indice certain que le plomb
a rencontré des zones de courant dont l'épaisseur est mesurée par la
durée de l'irrégularité de la descente.
18K MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
M, JABLONSKI
Instituteur au Havre.
SUR UNE CLASSE D'EQUATIONS DIFFÉRENTIELLES.
— Séance du 27 août 1877. —
En étudiant les équations différentielles de la forme
Mx + Ydji = 0
où X et Y sont des fonctions algébriques entières et du second degré en x
et y, Euler et d'autres géomètres après lui ont été conduits, pour pouvoir
intégrer ces équations, à restreindre la généralité des polynômes X et Y,
et, en particulier, ils ont considéré le cas où l'équation peut être mise
sous la forme:
L (xdij — ydx) — Mdy -f Mx = 0
où L, M, N sont des fonctions linéaires de x et de ij. Jacobi a donné le
premier une méthode d'intégration pour ces équations en laissant aux
fonctions linéaires L, M, N toute leur généralité et cette méthode se trouve
reproduite dans le Cours de Calcul différentiel et intégral de M. J. A. Serret
(t. II, p. 425).
Il m'a paru que cette équation et plus généralement un système d'équa-
tions de la même forme pouvaient être ramenés à un système d'équations
linéaires et par suite être résolu par un moyen plus simple. C'est cette
réduction qui fait l'objet du présent travail.
Remarquons d'abord que l'équation proposée se met aisément sous la
forme
(Lx — M)dy — (Ly — K)dx = 0
dx du
ou :
Lœ — M Ly — N
et considérons, en général, le système :
dyi dij2 dys dyn
Pyt - P, !>//, - P2 - !>,, , - 1>, ' Pyn - Pn
où Vu //••• ll.i, yn son! des variables et P, P,, P2, P3, . . . P„
es fonctions linéaires quelconques de ces mêmes variables. Nous poserons :
P = A,.'/. + A,y, -f- ksy3 + + A„ yn
»' = A^ + AtMy, + A/l^-f +A„ ■//
les quantités A étant des constantes quelconques.
i kBLONSKI. — SI H UNE I i iSSl lu ftl \ I IONS DU I ÉREN I lli i I S 189
Soil x une variable auxiliaire donl la différentielle dx soit égale au
du, , . • , . . .
rapport constant - — î-, le système considère, pourra, -race a cette
Vy, — I*
supposition, se mettre nous la forme très-simple :
(1) — r- = dx
où l'indice i peut acquérir toutes les valeurs entières depuis I jusqu'à
n. Cherchons si, en donnant aux coefficients x des valeurs convenables,
ou ne peut pas satisfaire aux équations (1) par ils intégrales de la
tonne :
(2) a,//, -f.a,//., 4. xaya -f + *„»/„ + a = 0
A cet effel dilférentions celte équation, nous aurons :
*,<///, + 7./h/: -- y.'hi; + ....+ %ndyn -f //,</*, -f- ijM, + ;/,</z
-(-.... yndan -\- da. = 0
ou en remplaçant les dy par leur valeur tirée de (1) :
t P(«iî/i + Ma + "Wi +-...+ *#») ^'' — (Piai + P2a*)
] + Ps«8 + ....+ Pa«„) dx + /,,</*, + //.//a, + y,ck, -fJ = 0
( -f- >J'fy-n + da. }
ou, enfin, à cause de l'équation (2) :
(— Pa — P.a, — !>,?., — -- V„x„) dx + //,</*, + y M.. +
-f //„(/x„ -}- da = 0
pour satisfaire à cette équation quels que soient //,, ;/, .... ;/„, an-
nulons les coefficients de ces inconnues, nous aurons :
- EL + A,a + A," a, + A^a, +....+ A,<"'a„ = 0
dx
(3) |~ £ + A2a + A2.% + A «% +. . . .+A2,)«ft = 0
- ■— + Ana + AJ'la, + A,/%-, + ....+ A,,"' a„ = 0
Ces équations sont linéaires et du 1er ordre, il est aisé d'en avoir les
intégrales générales. Si l'on désigne par s, s±, s2 .... sn les n -j- 1
solutions de l'équation algébrique :
s+A, A/» A,- V1'!
A2 —s + A,i'i A/) A2"<>
Aa A,»i -s + A^ A3"" j =0
An A,,'1' A.'2' — 1b + A«'.<
on aura, en général :
190 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQJ I.
%i = CM,-e" + C.M/1;"1 -f C2Mt<V>* -f -f CM.'V^
où C, C1} Ca, C„ son! dos constants arbitraires et M,-, M»11',
M 31,'" des fonctions algébriques entières et semblables des
quantités respectives s, su s., . . . sn.
La théorie des équations différentielles linéaires apprend à calculer ces
fonctions, nous n'insisterons donc pas sur ce point. Mais remarquons
que pour notre objet, il n'est pas nécessaire de connaître la valeur géné-
rale des auxiliaires x, une valeur particulière nous suffit. On obtient la
valeur particulière la plus simple possible en annulant toutes les arbi-
traires C, à l'exception d'une seule, par exemple, en taisant :
x — CMeSI , xx = C3I,esr , ... a, = CM,-e*x ,
mais, ces valeurs portées dans l'équation (2), le l'acteur e$x disparaîtrait
et, par conséquent, le choix de ces valeurs reviendrait à supposer que
l'équation (2) pût être satisfaite par des valeurs constantes données aux
a ou que le système (3) pût admettre ces constantes pour solutions ou
enfin que l'équation en 6' admît une racine nulle. Cette condition se tra-
duit sans peine, il suffit d'effacer s dans l'équation qui donne cette quan-
tité et d'écrire que le déterminant obtenu ne cesse pas d'être nul. Comme
cette condition n'est pas généralement satisfaite, il faut prendre deux
termes pour former les valeurs particulières des a, par exemple :
x = CMe** + CÏPV'* a, =: CM,<?" -f Œi^e™.
alors l'intégrale (2) prend la forme :
CJM + Mtf, +M2i/2+ ... +M»y,.)«"+ C(M ' -j-M/% +M,Wy,+
... + M«wiyB) cs" =0.
actuellement soit y\ une valeur particulière de y, et soient aussi y'2, y'3,
.... y'n les valeurs correspondantes des autres variables, nous pouvons
supposer que celle de x est 0 et alors nous aurons :
CfM -f M,//, + M,'/', + • • • + M„ y'n ) + C, (M " + M,<» y\ + M2"> y ,
+ ... +-Mm<V.) = 0
d'où :
M + M^+M^-f ...+ 31,,,./,,
M + M1i/'1+May'2 + ...-fMn2/'n
M'" -f M, "//, + M,'"?/„ -f ... -f M,,"1//,,
en associant successivement le premier terme dépendant de s, avec chacun
des autres, nous formerons n valeurs particulières dc<, y. d'où nous tire-
rons n équations intégrales semblables à la précédente, qui permettront
d'exprimer le* //,,//. . . . //„ en fonction des exponentielles c , rS|J . .. c"'» x .
Si l'on veut éliminer l'auxiliaire .r et obtenir les intégrales entre les
JABLONSKI. — SI l. I NE I LASSE D*] Ql VIIONs DIFFÉRENTIELLES MM
.seules variables y, il est avantageux de représenter la valeur commune de
chaque membre par II, alors si on désigne
M " + M.:,: .'/. + Ma:'> ?/g + ■ . . + M„y„ ^ ,
MM +Mt<' y'1 + «.w .'/'. + • ■ • + M- ' V'n Pai" '
le système des intégrales pourra s'écrire : \t == He-*' ' .
où i peut prendre toutes les valeurs depuis (l jusqu'à n, V„ et sQ étant
simplement Y et s.
/ étant une de ces valeurs différente de », on aura aussi:
V< Ci - * )■'
par conséquent :
ou : (4) \ / -77- = ex.
les différences -v, — s, (où s, reste le même) étanl au uombre de n, ou
obtiendra (ri) équations de la tonne (4) et en éliminant entre elles ex ,
on aura les n — 1 intégrales dégagées de toute variable auxiliaire.
Il est plus simple, en général, et tout aussi avantageux de conserver
l'auxiliaire ce, mais alors il est nécessaire de chercher la valeur de H, ce
que l'on fera sans peine en éliminant //,, //.,... • yn entre les n -\- I
équations linéaires : V = Ile—", V = Ile — v .... V„ = lie ~ s " r et
égalant à zéro l'équation résultante qui est linéaire par rapport à II.
Telle est, dans le cas le plus général, la méthode de résolution du sys-
tème proposé; il reste à examiner les cas particuliers.
D'abord si l'équation en s admet une solution nulle, il semblerait que
puisque le système (3) peut être satisfait par des valeurs constantes, il
y eût une intégrale de la forme :
M + Miyl + M2//2 -f + Mnyn = 0
les valeurs des M étant celles qui correspondent à la racine nulle, mais
cela implique la condition :
M + MlV\ + M,y', + ....+ Mny'n = 0
qui n'est pas nécessairement satisfaite. Il faut donc encore associer deux
termes de la valeur générale de a, , par exemple celui qui correspond à
la racine nulle, avec chacun des autres et alors on retombe sur les for-
mules générales dans lesquelles on aurait annulé une des racines.
Les formules générales ne sont donc pas en défaut dans le cas pré-
cédent, mais elles le sont, lorsque deux valeurs de s deviennent égales
entre elles, puisque la valeur particulière de x, formée en prenant les
192 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
deux, termes correspondants à la même tonne que si l'on avait pris un
seul de ces termes.
Il faut employer alors un artifice analogue à celui que d'Alembert a
imaginé pour les équations linéaires. Soit s la racine double, supposons
que s, soit colle qui devient égale à s et taisons sl = s -{- h; les formules
étant applicables dans ce cas, il suffira de chercher ce qu'elles deviennent
à la limite lorsque h = 0. Or on a :
M -f Ml!h + May8 + .... + M„y „ sr _
M + M1t/'1+M2i/'2 + . . . . + Mny'n e
M"i + M1<"yH-M,<»y8+ + M„<"y,l ,„
MW + M1<«y'1+ + MJ"y'„
donc si l'on remplace :
Mi(1) par M, -] — h + — - -L. ^ 4. etc. . .
as 1 . 2 as
es,x par eSI ( j _j_ ^x^ on obtiendra en ne conservant que les termes
en h :
M + Miy, + M,y, + -f M„y„ m _
M + M,//, + m,,/, -f + Mny'n C ~
M + M1y1+fe+..+Mnyn+ h |"(.;-M -j-^-f^+^^+etc]
— ■■■■' — - ■ 1 psx
M + Miy\ + ....+ M«2/'n + ft [f + ^y-l.-- etc.]
et comme /; est arbitraire, on en tirera :
M + M,!,, + M,//, + . . . + M„y„ sc
x\\l
M + M1^+M2y'2-r-...+M„y',I
rfai , / „ m. \ / .
d!M dM, , dMfl ,
qui remplacera l'équation que l'on avait fait évanouir en supposant ^ = 5.
Le procédé employé fait pressentir le moyen d'obtenir plus simplement
le résultat, Désignons en général :
M' +M/.V. + + Myy„ w
M'+ M/^-h + M\y'„ C ' Par * <* }'
le système intégral prend la forme :
F(s) = Y(Si) = F(s2) = . . . . = F(s„),
Cela posé, faisons s, = s -f- h
IABLONSKI. — SIU UNE CLASSE D'ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES 193
nous aurons Ki.v -f- h) — F(s) = 0
et par suite si h tend vers 0 :
ds
= (l
et cette équation est celle par laquelle on doit remplacer la relation
F (s) = F(s±) qui s'évanouit pour s4 = s.
Si 5X et 5, tendent en même temps vers s, c'est-à-dire si l'équation en 5
admet une racine triple, on peut imaginer que sa tende d'abord vers $t ce
. dF(s±)
qui tournit ,/ 1; = 0.
»(Sl)
Si l'on imagine ensuite que 5,, tende vers s, et que l'on tienne compte
de l'équation — - — = 0, on en tirera :
tP¥
ds2
— 0,
dF
ds
=: Il
qui jointe à
formera un système apte à remplacer les équations :
F(s)=F(s1) = V(si)
qui se sont évanouies par la supposition .s = st = s2.
En général, si l'équation en s admet m racines égales, on aura, en dési-
gnant par sitss *,._,„, les racines distinctes:
F(s) = Fis,) = F{s2) = = F(sn_,n)
dF A d*F dm~lF , ,
et — - — == 0, — - — = 0 — ; r- =0, à- étant la racine
ds ds2 dsm'i
multiple et, dans le cas particulier où toutes les racines sont égales, le
système intégral aura la forme :
iL = o -*L = „ *L =-o
ds . ' ds1 ds"
Alors l'exponentielle esx qui sera en facteur dans les premiers mem-
bres pourra être supprimée et le système deviendra algébrique par
rapport à x. On pourra donc exprimer toutes les inconnues y, yz
.... y„ en fonctions algébriques de x et par l'élimination de cette
variable on obtiendra des intégrales algébriques par rapport aux incon-
nues, ce qui n'a lieu, dans le cas général, que tout autant que toutes
les racines de l'équation en s sont commensurables, comme on le voit
sur l'équation (4).
13
194 MATHEMATIQUES, AMIUh\oM!E. GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
M. aOHIEREE DE LOMCHAMPS
Profe u âe mathématiques spéciales an Lycée <le l'oitiers.
NOTE SUR L'INTÉGRATION DUNE ÉQUATION AUX DIFFERENCES FINIES.
— Séance du 89 août 1877. —
1. L'équation, dont nous voulons parler, a été rencontrée, pai nous,
dans une étude §ur les nombres de Bemoulli, étude qui paraîtra pro-
chainemenl dans les Annales de l'École normale. Cette équation est :
(1) (x + 1) F (x)=l+(x— 1) F (x — i)
La fonction F, ainsi définie, jouit de cette propriété curieuse, savoir :
que si deux termes consécutifs de la suite,
F(l), F(2), F(3), F (as)
sont égaux, la fonction F est une constante .
En effet de (1), on déduit :
(2) x¥ {x — l) = l+(ac — 2) F U- — 2)
Retranchant (1) et (2), il vient :
(<i;_L-i) F (ir) = (2.r— 1) F (x— 1; — (a— 2) F (as— 2)
et si Ton suppose,
F (a; — 1,) = 1 («—2)
on a bien,
F (ce) = F (a — 1)
Ainsi toutes les fonctions
F(ae— 1), F (05), F(œ+1),
sont égales. Un voit de même, que si,
F (ce) ==J(x— 1)
on a, _, .
F (ce — 1) = ¥{x— )
donc toutes les fonctions,
Yi.r—i), F (ce— 2), F (a;— 3), .-
sont égales : c'est la propriété annoncée.
2. Pour intégrer cette équation, nous posons
F ,.n = V(.r. — l)-fç(jc);
L'équation CI ). devient :
2F(.r— l)=l— (•'•+1 )"■?< ■'■>
et par conséquent,
1 2F (ob)= !—(*+*)?(*+*)
2<p(o;) = (o;+l)?(o;)— (oj+2) ? (jj+ 1)
G. DE LONGCHAMPS. — INTÉGRATION D'UNE ÉQUATION 105
OU,
?(x-\-\) X — 1
De celte relation, on tire successivement:
9 (ce) _ x — 2
..*»..•
9 (3) _ 1
? (2) ~ 4
Multi|)lions, membre à membre, ces égalités, on trouve :
?te+')=?ta.»x.(j+i'^+8)
3. La Ibnction 9, étant déterminée, nous écrirons la suite d'égalités:
F(x)=o(x) + F(x- 1)
F(œ— l) = ç(a;— 1) + F(ic— 2)
F(2) = 9(2) + F(l)
et, en Les ajoutant,
F^=F("+l-8-8^a(rô+ôi+ •- +(,-1^+1,]
La constante arbitraire F (4), dépend de la constante arbitraire 9 (2)
déjà introduite par l'intégration de la fonction 9 ; on a en effet simul-
tanément :
F(x) = F{x— l)-f-9(a?)
et,
(J5+4)F^; = 4 + (J5— 4)F(jc— 1)
pour toute valeur de x : faisons x = % on aura :
F(2)=F(l) + <p(2)
3F(2, = 1 + F(4)
et par conséquent,
3?(2) + 2F(4) = 4
on a donc définitivement :
1 — 3K r 1 1 11
F(x-) = —T- + 4.2.3R Lqp + ^jj + . • • • (x_i)x{x+i}\
4. C'est, d'ailleurs, un résultat connu (.*) que la série :
1 1 1
4.2.3"'" 2.3.4"^ "" ~^ (x-l)x(x-j-l)
*) Catalan. Manuel des Candidats à l'École Polytechnique, p. 61.
196 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
est susceptible d'être sommée. Il suffit, de partir de l'identité :
i !•
1 _ 2 2_
(as — l)as(as-|-l) (x — l)x x{x-\-ï)
et l'on trouve :
I 1 1 1 1
1.2.3 ~^~ 2.3.4 +'•••+ (x—i)x(x+l) ~1~ "2x(x-\-\)
On a donc pour l'intégrale cherchée :
F (x) = t=£* + l .2.3K [i - . /.J
2 L4 2jc(as-|-l)J
ou enfin :
cw ! C
2 x (cc+1 )
dans laquelle C est une constante arbitraire. Quant on choisit,
C = o
alors F (x), est constant. C'est le cas singulier que nous avons signalé
au début de cette note.
5. La marche que nous avons suivie, dans cette intégration, nous
semble susceptible d'être appliquée à un grand nombre d'équations aux
différences finies. Sans entrer dans de plus longs développements, nous
ferons seulement comprendre; d'une façon générale et superficielle, cette
méthode que nous croyons nouvelle, méthode qui a pour but, l'inté-
gration des équations aux différences finies \ i.
Considérons l'équation très-générale :
1 1 ) («œ+p) F (x) + (« ac4-p') F (ce— 1) = ?(as)
et posons, à l'imitation de ce que nous avons fait tout à l'heure,
«F(as) + a F(x—\) = à(x)
on aura ,
p F (x) -\-^'V (x—i)-\-x'b( x) = <f [x)
par conséquent,
pF (x — 1) + p' F (x— 2) + (as — 1) <|» (as— 1) = ? (as— 4 )
Multiplions ces deux dernières égalités, respectivement, par a et a' et
ajoutons, il vient :
(2) (p-J- ocas) <]< (as) -|- (P'-f-oc'as — a') ^ (x — l)=a$ (as) + a' r (œ — *)
Dans cette équation, <j> est la fonction qu'il faut intégrer; le second
membre,
a <p (as) -f- « ? (a; — 1),
(*) "Voyez sut" cette question. Laplacb; Œuvres, t. 7; £tvr< premier, p. 163. — Lagrangi
Œuvres, t. 4 : Sur les mites récurrentes ; p. 1S1. — am>hk ; Thèse d'A nalyse, Gauthier- Villars, \sn.
G. DE LONGCHAMPS. — INTÉGRATION u'ilNE ÉQUATION 197
est une fonction connue; en comparant les équations (1) et (2), on
reconnaît que cette dernière est de même forme que l'équation propo-
sée; pourtant, et il convient de souligner cette remarque, le coefficient
de ù(x — 1) n'est pas égal au coefficient de F (x — 1), et ce dernier a
été diminué de a. En répétant K t'ois cette transformation, on arrivera
à une fonction M (as), qu'il faudra intégrer et qui sera donnée par l'équa-
tion aux différences Unies.
1 3) (xx + S) M (x) + (a'a; + p-Ra'] M < x - 1) = F (œ) >
dans laquelle, K est arbitraire, mais entier. On a donc ainsi introduit
une constante arbitraire dont on pourra disposer pour simplifier l'inté-
gration de l'équation (3). Par exemple, si l'on suppose,
a = a
en prenant,
a
et en supposant ' -, nombre entier, l'équation (3) deviendra :
F (ce)
M(cc)+M ce— 1 = — — 7-
' a x -f- (J
d'où l'on déduira l'intégrale
lla,,"L+«O!+0 «œ + p — a^aœ + p— 2«
La fonction M étant déterminée on n'aura plus qu'à intégrer des
équations différentielles à coefficients constants telles que,
aF(cc)-|-a'F(ce— l)=<|>(ce)
Notre procédé permet donc, rfr/»\ les conditions que nous venons de
définir, de ramener l'intégration de l'équation,
(a ce + 6) F (ce) + (a x -f fi') F (.x — 1 ) = ? (a?)
à celle d'une équation, de même genre, mais dans laquelle, les coeffi-
cients de F (ce) et de F (ce — 1), sont des constantes. Dans un prochain
travail, nous appliquerons les idées précédentes; à quelques équations
différentielles et particulièrement à l'équation,
ce F (ce) + (a — 1) F'(x + 1) = a
considérée par Laplaee (*).
(*) L.APL4CE. Œuvres. Livre VII, p. 463.
IM MATHÉMATIQUE- AsTIti iNnMlE. GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
M. JABLONSKI
Directeur âe l'École Casirafr Delavigne, au Havre.
MÉMOIRE SUR L'EXISTENCE DE L'INTÉGRALE.
— Séance lit 25 août IH~~. —
(> mémoire ;i pour objet une démonstration nouvelle de l'existence de l'inté-
grale ou du système intégral, dans le cas le plus général.
Il se compose de trois parties :
•1° Dans la première on démontre que tonte fonction bolomorphe u d'une
variable z peut, par le seul principe de l'intégration par parties, être misesous
la l'orme :
1 (* _ d" + ■ u
m
V étant la fonction entière donhée par la formulé de Mae-Laurin.
2° Dans la seconde partie, on l'ai! voir que l'on peut étendre aux fonctions
holomorph.es (l'une variable imaginaire cette proposition connue pour les fonc-
tions réelles d'une variable réelle, à savoir que : Si X conserve le même signe
entre les limites d et x", on a :
/X -•»;
XY . dx = Yi / X
X dx
Yi étant une valeur moyenne de V entre les mêmes limites.
Il en résulte la possibilité de mettre la fonction u et général — , ■■■ ,sons lit
forme
<l>' Y . I A
dzP ' 1.2... (n — p) F '
e/( étant, comme on ledémontrë, iihe fonctibn holomorphe de z . L'indicé p peut
prendre tbutès les \aleurs entières jusqu'à n.
3° Ces formules permettent de changer [[ne fonction F lu. — ; — ■ , — y— — .
J ° x ' </; dz1
dP u d" u , i ■ • , -
..., — : ..... — : . s) lioloniorpbe par rapport a u. a ses dérivées cl a z.
dzP dzn
en une autre 4* (U, 9, 81, . . . 0/( ,... 8„ , z) holomorphe par rapport à U el à z;
l'équation F 0 est donc ramenée à u> 0 el comme celle-ci admet toujours
pour solution, c'est-à-dire pour valeur de U, au moins une fonction holomorphe'
par rapport à z, il s'ensuit que F 0 admet au moins u\\i' intégrale u, holo-
morphe aussi par rapport à z.
Les mêmes transformations appliquées à un système d'équations différentielles
a une seule variable indépendante le changenl en un système d'équations ordi-
J.-A. MHIM \M>. — M II II - OCl l II VttÛRS l>'l UUI.l'.s p\H MARS 199
oaires donl les premiers Membres sonl holomorphes él qtti patf conséquetli
admettenl au moins un système de solutions^
S'il B'agil d'une équation différentielle on d'un système de pareilles équations
à m variables indépendantes, on peut, par le même moyen, le transformer en
un autre où les différeociations sont faites parrapporl à m — I variables seule-
ment; donc, si l'existence de l'intégrale ou du système intégral esl établie pour
m— \ variables indépendantes, elle esl vraie pour m, mais elle a été établie pour
m = I ; donc elle esi aussi démontrée pour m quelconque.
M. J.-A. flORMAO
r.dnstnutciir au Havre.
SUR LES OCCULTATIONS D'ÉTOILES PAR MARS, OBSERVABLES
PENDANT L'OPPOSITION DE 1877.
— Séa " ce d •■■ 1877. —
J'ai cherché récemment à prouver que l'observation, en plusieurs
points de la terre, des occultations d'étoiles par Mars, constitue un
moyen très-exact de déterminer la parallaxe solaire.
Cette observation fournit en effet la différence <\*'s vitesses de Mars
et de la terre, et, comme le rapport de ces mêmes vitesses est connu
avec une précision extrême, il est facile d'en déduire les valeurs abso-
lues* de ces vitesses.
L'opposition actuelle, extrêmement favorable à l'emploi de la nou-
velle méthode au point de vue de la faible distance de la planète, l'est
fort peu sous le rapport du nombre probable d'occultations. Ce nombre
est en effet 10 fois moindre qu'en 1875, Mars occupant une des fégidns
du ciel les moins riches en étoiles.
Les catalogues de Lalande, Weisse , Schjeîlerûp, Santini et Lamont
n'en fournissent qu'une seule qui a eu lieu le 26 juin dernier.
Celui de Markree en fournit cinq ; les quatre premières ont eu lieu les
25 et 28 juin et les 1er et 2 juillet, la cinquième se produira le 20 oc-
tobre prochain.
Aucune de ces six Occultations ne se présente dans des conditions
favorables à l'observation.
Le catalogue de Markree indique en outre une appulse d'étoile de
grandeur 9 1/2 pour le 8 novembre, à 7 h. 2o m., t. th. ast. de Paris,
soit un peu avant le passage de la planète au méridien. La position de
l'étoile n'étant pas connue bien exactement, il pourrait y avoir occulta-
-200 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
lion, et comme le phénomène se présentera dans des conditions favo-
rables à l'observation, il serait désirable qu'il ne passât pas inaperçu. Il
ne s'agirait pas, bien entendu, d'en déduire une valeur de la parallaxe,
mais d'en tirer quelques données relatives à l'instantanéité du phéno-
mène.
La valeur de la méthode proposée est en ellet proportionnelle à l'in-
tervalle de temps qui s'écoule entre les observations extrêmes, et au
degré d'instantanéité de l'occultation.
L'intervalle de temps peut atteindre près d'une heure, soit une valeur
au moins double de celle fournie par le passage de Vénus sur le disque
du soleil.
Quant à l'instantanéité, on peut affirmer, à priori, qu'elle sera au
moins aussi grande que celle des observations de Vénus. Rien ne prouve
qu'elle ne soit pas absolue comme dans les occultations d'étoiles par la
lune.
L'instantanéité absolue n'existera pas :
1° Si la planète est entourée d'une atmosphère épaisse;
2° Si l'épaisseur du croissant d'ombre au point de contact est trop
petite pour que, par un effet de diffraction, l'instrument ne soit pas assez
puissant pour séparer la lumière de l'étoile de celle de la planète.
En ce qui touche l'atmosphère de Mars, il est généralement admis
aujourd'hui qu'elle est peu épaisse. On a pu dresser des cartes approxi-
matives de l'astre et rien n'indique, à sa surface, l'existence de ces
nuages et de ces tempêtes qui dérobent généralement la vue de la sur-
face même de Jupiter.
Quant à la séparation de la lumière de l'étoile de celle de la planète,
il est facile de prouver que, excepté dans le voisinage de l'opposition,
la séparation peut être observée avec un instrument de dimensions mo-
dérées.
Je rappellerai d'abord que pour un objectif d'un diamètre donné, il
existe une distance angulaire qui ne peut pas être séparée. Les recher-
ches de Dawes et de Foucault et, plus récemment, de MM. Wolf el
André ont montré qu'un objectif de treize centimètres environ sépare des
points lumineux distants d'une seconde angulaire.
Dans une occultation parla lune, l'épaisseur du croissant d'ombre est
toujours notablement supérieure à une seconde; aussi les plus petits
instruments capables de fournir la vue de l'étoile permettent-ils de
constater l'occultation.
Dans les occultations par le bord lumineux, la distance de l'étoile au
bord éclairé est nulle; aussi l'observation est-elle toujours erronée,
quelles que soient la perfection el la puissance de l'instrument.
Pour Mais, l'épaisseur du croissanl d'ombre est pratiquement nulle
J.-.V. NORMAND. — Mit LES OCCULTATION!) D'ÉTOILES l'Ait \i\iin :>()|
au moment de l'opposition ; 10 joins après et auparavant, elle atteint
0"20 environ; 20 jours après ou auparavant, 0"55; à un mois de dis-
tance du moment de L'opposition L'épaissem atteint i"; et à un mois et
demi de distance, 1' 1/2 (ces chiffres se rapportent à l'opposition
actuelle.)
Il en résulte que la séparation de l'étoile de la planète exigerait les
diamètres d'objectifs suivants :
10 jours avant ou après l'opposition, l)"',0o;
20 — — O'Vii;
1 mois — — 0mJ3;
I mois 1/2 — 0m,08a .
Avec un instrument de 0œ,o0 de diamètre, on est donc à peu près sûr
de séparer les étoiles du bord obscur de la planète, excepté pendant un
mois dans le voisinage de l'opposition, à moins que l'occultation ne se
produise très-loin du milieu du croissant d'ombre.
A une plus grande distance du moment de l'opposition, on pourrait
en outre employer un moyen très-simple de soustraire l'œil à l'éclat de
la planète ; ce moyen consisterait à régler l'équatorial sur l'étoile, et à
placer au foyer de l'oculaire, une glace recouverte du côté de la pla-
nète, d'une couche argentée, suffisamment transparente pour permettre
de constater l'approche de la planète, tandis que l'image de l'étoile
serait transmise, non affaiblie à l'œil.
Dans les occultations d'étoiles par les planètes supérieures autres que
Mars, l'épaisseur du croissant obscur n'est jamais suffisante pour per-
mettre la séparation. Ainsi, au commencement de IS'o, je signalai à
M. Leverrier une occultation par Jupiter qui devait se produire le 10 mars
de la même année. Après avoir vérifié mon calcul, le savant directeur
de l'Observatoire me promit de faire observer le phénomène si les cir-
constances le permettaient. L'observation fut faite par M. Wolt et
MM. Henry.
Or, bien que l'opposition n'eut lieu que 35 jours plus tard, l'épais-
seur maxima du croissant obscur était alors de 0"13 seulement, ce qui
eût nécessité un objectif de 1 mètre; mais, au point où l'occultation se
produisait, l'épaisseur du croissant n'était que 0 '01 ; il était donc abso-
lument impossible d'éviter les effets de la diffraction.
En outre, la planète était très-peu élevée au-dessus de l'horizon et,
d'après une lettre que je reçus de M. Leverrier après l'observation, le
temps était très-peu favorable.
Cette observation ne présentait donc aucun des caractères que l'on est
en droit d'attendre d'une occultation par Mars; aussi, existe-t-il une
^02 MATHÉMATIQUES. ASTItONOMIR, ÔË0DË8ÏE, MÉCANIQl'K
différence de 2 minutes dans les temps notés par les différents observa-
teurs.
Cette différence est fcrês-grande mais celles qui résultent des observa-
tions au bord lumineux, de la lune, donnent lieu h des erreurs de
plusieurs secondes, tandis qu'au bord obscur l'exactitude est pratique-
ment absolue.
Je pense avoir prouvé que les occultations par Mars doivent présent; r
des caractères beaucoup plus favorables que celles produites par Jupiter,
et il serait très-désirable que le fait pût être constaté, dès que L'occasion
se présentera de le faire.
M. SYLYESTER
Membre de la Société Boyalo de Londres,
FRACTIONS GÉNÉRATRICES POUR LES DEUX CAS D'UN NOMBRE INDÉFINI
DE FORMES LINÉAIRES ET DE FORMES QUADRATIQUES BINAIRES ET LIAISON
ALGÉBRIQUE ENTRE LES DEUX NUMÉRATEURS.
— Séance à h 85 noi'it IS77. —
M. Marcel DEPEEZ
Ingénieur civil.
APPAREIL A TIGES POUR LA COMPOSITION DES MOUVEMENTS.
—Séance du 29 août 4877.
BAEHR. — MOYEU MK> VNIQ1 I M. DÉT1 RMW1 R &ES RAYONS DE COURBURE 203
M. &.-F.-W. BAEHR
ilyt« bnique de Delft.
SUR UN MOYEN MÉCANIQUE DE DÉTERMINER LES RAYONS DE COURBURÔ
DES DIFFÉRENTES SECTIONS NORMALES
EN UN POINT QUELCONQUE DUNE SURFACE, PAR L'OBSERVATION DU TEMPS
D'OSCILLATION DUNE RÈGLE PLACÉE SUR LA SURFACE.
_ Séa »u e d u 29 août l s::. —
Soit en A le plan tangent horizontal, el CAD une section normale,
laquelle dans la proximité de A peut être considérée comme un arc de
cercle décrit avec le rayon de courbure A0 = r.
Soient FG==Z la denii-lOngueùr
et BG = d la demi-hauteur de la
règle homogène; alors dans la
position d'équilibre I»' poinl 1»
tombe sur A, et si une position
quelconque de la règle, pendant
qu'elle fait des oscillations très-
petites, est déterminée par l'angle
AOG = 6; on aura, en admettant
que le frottement empêche la
règle de glisser,
CB=ArcCA=r8,
tandis que la hauteur du centre de gravité G au-dessus de l'horizontale
qui passe par 0 est évidemment
(r-j-d)CosÔ + rÔSin8.
Le travail du frottement étant alors zéro, ainsi que celui de la résis-
tance normale de la surface, le théorème des forces vives, donne immé-
diatement :
de2
Fig. 20.
dV'
Er2m -j- %M [(r + d) cos 6 + rO sin 6] == Constant,
où M est la masse et ^m le moment d'inertie de la règle par rapport
à un axe perpendiculaire au plan de la figure et passant par C, en
sorte que
S >-2 m = o M f|(/2 + d2) + (d* + r2Ô2)].
"204 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉGANIQUE
Si y. esl la valeur initiale de 0, el si aucune vitesse initiale n'est im-
primée à la règle après que, par roulement sur la surface, elle a été
écartée de sa position d'équilibre, l'équation précédente devient, en y
déterminant la constante par les données initiales :
3 (/2+ Ad*) -f r202J ^=2g [(r+d)(cos a— cos6)-f-r (a sina— 0 sin 0)],
laquelle pour des oscillations très-petites peut se réduira à
1 r202
z(l2 + W)^ = 9(>--d)(z>-0*)
d'où
, /3q(r—d)
donc il faudra avoir d < r, ce qui est aussi la condition pour que l'é-
quilibre de la règle sur la surface soit stable, et que le mouvement soit
oscillatoire.
Dans ce cas, le temps t d'une oscillation sera donné par
s/%
r Ar-d)
l' + Ad* "~ '
d'où l'on tire, pour déterminer r si t est donné par l'observation,
*2(/2+4d2)
= </ +
3r//2
M. FLEÏÏRY
Uu Havre.
PRESENTATION D'UN APPAREIL ÛE SAUVETAG.
•- Séance Ju 39 août '1877. —
G. FOURET. — SLR LES NORMALES AUX SURFACES ALGEBRIQUES 20">
M. G. FOTTRET
Ancien élève de l'École polytechnique.
THÉORÈMES SUR LES NORMALES AUX SURFACES ALGEBRIQUES.
— béance du 29 août 1877. —
1. — Le point de départ du présent travail a été puisé dans une note
de M. Mannheim, publiée en 1871 dans les Comptes-rendus de l'Acadé-
mie des sciences, et avant pour titre : « Quelques résultats obtenuspar la
considération du déplacement infiniment petit d'une surface algébrique (1 ). »
La surface considérée par M. Mannheim est définie uniquement par son
ordre ; et par suite les» théorèmes établis, malgré leur grande généralité,
ne s'appliquent pas immédiatement aux surfaces d'un ordre quelconque
présentant des singularités. Je me propose ici, en reprenant la démons-
tration des théorèmes de M. Mannheim par une voie différente, de les
étendre à ce dernier cas. Dans ce but, je considérerai une surface algé-
brique définie par son ordre m, sa classe n et son rang r (classe des
sections planes), et soumise à la seule restriction de ne pas contenir la
conique située à l'infini, et commune à toutes les sphères (Ombilicale).
2. — Je m'appuierai sur le théorème suivant, relatif aux contacts
d'une surface algébrique d'ordre m, de classe n et de rang r, avec les
surfaces d'un système défini par trois caractéristiques [a, v, p, qui sont
respectivement les nombres de ces surfaces qui passent par un point
quelconque, touchent un plan quelconque et touchent une droite quel-
conque.
Théorème. — Le nombre des points de contact des surfaces d'un système
( \j., v, p) avec une surface algébrique d'ordre m, de classe n et de rang r,
indépendante des surfaces du système, est égal a mv-j-n;;. — [— i'p -
Ce théorème a été donné, pour la première fois, par M. de Jon-
quières, pour le cas des systèmes de surfaces algébriques (2). Je l'ai
ensuite étendu aux systèmes de surfaces quelconques (3). La démons-
tration la plus simple et la plus générale que l'on ait jusqu'ici de ce
théorème, est celle qui a été publiée par M. Brill (4) : elle est fondée
sur le principe de correspondance dans le plan, dû à M. Zeuthen (5)
(1) Comptes rendus, t. LXX, p. 1025-1028.
(2) Comptes rendus, t. LX1, p. 440-443 (1865).
(3) Ibid t. LXXX, p. 170 (1875).
(4) Mathematischen Annalen, VIII Kand, ', Heft (1875).
(5) Comptes rendus, t. LXXVIII, p. i5S:i (1874 , — Salmon. Géométrie à trois dimensions.
Art. 63S.
"206 MATIJK.M MloLES. ASTRONOMIE, GÉOPÉSJF, MÉCANIQUE
3. — Considérons une surface algébrique S, d'ordre m, de classe n,
de rang r, ne contenant pas l'ombilicale, et cherchons le nombre des
normales abaissées d'un point quelconque 0 sur cette surface.
L'ensemble des sphères ayant leur centre en 0 forme un système dont
les caractéristiques sont évidemment y.=v=p — i. En appliquant à ce
système et à la surface S le théorème rappelé plus haut, on obtient pour
le nombre des points de contact de ces sphères avec S : m-]-n-\-r. Or
ces points de contact ne sont autre chose que les pieds des normales
abaissées de 0 sur S. On peut donc énoncer le théorème suivant :
I. — ]x nombre des normales abaissées d'un point quelconque sur
une .surface algébrique S, d'ordre m, de classe n et de ranq r, est
m-\-n-\-\\
Ce théorème est bien connu : il est dû à M. Salinon (1)
4. — Cherchons maintenant le nombre des normales à la surface S,
situées dans un plan quelconque P. A cet effet, considérons le cylindre
circonscrit à 8, dont les génératrices sont perpendiculaires àP : la courbe
de contact de ce cylindre avec S est une courbe d'ordre r, de même
que la courbe de contact de tout cône circonscrit : elle coupe le plan P
en r points, qui sont évidemment les pieds des normales à S situées
dans le plan P. Par suite:
II. — Le nombre des normales à la surface S, situées dans un plan
quelconque est égal à r.
Remarque. — Les normales à la surface S forment une congruence :
l'ordre et la classe de cette congruence sont respectivement fournis par
les théorèmes I et II.
5. — Considérons une droite D quelconque : tout plan passant par
cette droite contient r normales à S (II). D'ailleurs D rencontre 8 en
m points. De là le théorème suivant :
III. — Le lieu des pieds des normales, abaissées des divers points d'une
droite quelconque sur la surface S, est une courbe d'ordre m-j-r, qui
coupe D en m points.
Dans le cas où S estime surface générale de l'ordre m, r==m(m — 1),
et l'ordre du lieu précédent est m2. C'est un des résultats trouvés par
M. Mannheim (2).
En faisant tourner la surface S autour de D, on engendre une surface
de révolution enveloppe de S, dont la caractéristique est évidemment
la courbe définie parle théorème III; par suite la section de cette sur-
lace par un plan perpendiculaire à l'axe de révolution se compose de
m-j-r cercles ; d'où l'on conclut :
D journal du Cambridge, t. ni, p. /s (ms).
2] Loc. eit.
G. FQURET. — SLTll l.KS NORMALES UN. SURFACES ALGÉBRIQlKs 201
IV. — La surface S. en tournant autour d'une droite quelconque,
engendre une surface de révolution dont le degré est. 2 (m -j-r).
Ou retrouve 2m-, pour le cas étudié par M. Mannheim.
(i. — l,.s normales abaissées des divers points de D sur S forment
une surface gauche (normalie). Tout plan passant par /> contient r nor-
males (II), génératrices de cette surface gauche. D'autre part, de chaque
point de D partent m+n-{-r normales (I) , qui sont également des
génératrices de la même surface. En observant d'ailleurs que les divers
plans passant par D ne peuvent couper la normalie que suivant des
droites, on conclut le théorème suivanl :
V. — Le lieu des normales abaissées des divers points d'une droite D
sur la surface S, est une surface gauche (normalie) d'ordre m + n-fu2r;
dont I) est une droite multiple d'ordre m-\-\\-\-\\
En faisant n=m(m—l)2, r=m(m— 1), on obtient m3 pour l'ordre du
lieu précédent, dans le cas où S esl une surface générale d'ordre m
résultat trouvé par M. Mannheim par une voie différente.
9. — Le nombredes normales à S, qui rencontrent 1) et une deuxième
droite A, est évidemment égal au nombre des points d'intersection de A
avec la normalie (V.). D'où l'on conclut que
VI. — Le nombre des normales a S, qui rencontrent deux droites don-
nées, est m-|-n-{-2r.
Plus généralement, et par un raisonnement analogue, on établit
que
Vil. — Le nombre des normales à S qui rencontrent une droite cl une
courbe d'ordre p données , est p (m + n -f- 2r) .
De là on conclut immédiatement cet autre théorème :
Vlll. — Le lieu des normales abaissées des divers points d'une
courbe d'ordre p sur la surface S, est une surface gauche (.normalie)
d'ordre p[m-j-n-|-2r|, dont m+n-{- r nappes passent par la courbe con-
sidérée.
D'où résulte encore le théorème suivant :
X. — Le nombre des normales, à S qui rencontrent deux courbes,
d'ordre respectivement égal à p et à q, est pq[m-(-n-|-2r].
10. — Considérons maintenant l'ensemble des normales à la surface S
aux divers points de la courbe d'intersection de S avec une surface V
d'ordre l. Ces normales engendrent une normalie dont l'ordre est donné
par le nombre de ses points de rencontre avec une droite D quelconque.
Mais les normales à S qui rencontrent D ont leur pied sur une courbe
d'ordre m + r (III), et cette dernière courbe rencontre la surface V en
l(m-\-r) points. Tel est l'ordre de la normalie considérée. Par suite :
X. — La normalie à la surface S, qui a pour directrice la courbe
208 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
d'intersection de S par une surface d'ordre 1, est d'un ordre égal à
Km + r).
Remarque. — Les théorèmes VI à X inclusivement ont été donnés
par M. Mannheim, pour le cas de la surface générale du mi,me ordre-
On retrouve les résultats de ce savant géomètre, en introduisant dans
nos énoncés l'hypothèse : n=m(m — if, r=m(m — 1).
Voici, pour terminer, un dernier théorème qui comprend comme cas
particulier le théorème III.
XI. — Le lieu des pieds des normales à la surface S, abaissées des
divers points d'une courbe K d'ordre p, est une courbe d'ordre
p(m-)-r) qui coupe K aux mp points d'intersection de cette courbe
avec S.
Pour démontrer ce théorème, cherchons en combien de points le lieu
est coupé par un plan quelconque P. A cet effet, considérons la nor-
malie formée des normales à S, le long de la courbe d'intersection de S
avec P. Cette normalie est d'ordre m-\-r (X), et par suite elle rencontre
K en p (m-\-r) points. Ces points, à l'exclusion de tout autre, sur la
courbe K, jouissent de la propriété que l'une des normales à S issues
de chacun d'eux, tombe à l'intersection de cette surface avec P. Par
suite, le lieu a p(m-\-r) points dans le plan P, c'est-à-dire qu'il est de
l'ordre p (m-\-r).
Remarque. — On peut remarquer que pour étendre les résultats
contenus dans cette note au cas d'une surface possédant comme ligne
simple ou singulière l'ombilicale, il suffirait de connaître, dans ces cas
spéciaux, les nombres de normales à la surface considérée, issues d'un
même point quelconque, ou situées dans un même plan quelconque :
les raisonnements que nous avons employés permettraient ensuite d'en
déduire les autres résultats. Il y a là une question intéressante, qui, à
notre connaissance, n'a pas encore été résolue pour une surface d'ordre
quelconque.
M. CATALAN
Professeur ;i l'Université de Liège.
EVALUATION DES NOMBRES PREMIERS COMPRIS ENTRE DES LIMITES DONNÉES.
— Séance </» 29 au fil IS77. —
i. GROLOUS. — NOTE SLR LÀ CONVERGENCE DES SÉRIES 209
M. Jules GROLOUS
Ancien Élève de l'École polytechnique.
NOTE SUR LA CONVERGENCE DES SÉRIES.
— Séance dit 89 août /S7 7. —
Soit la série y dont le terme général est
'" . W-
Si <?"(n) tend vers une limite différente de 0 lorsque n tend vers x ,
la série (1) est convergente.
Je ne donne la démonstration que pour le cas de lim y"{n) positif,
et soit :
lim <p"(») = a.
À partir d'une valeur de n convenablement choisie, on a toujours :
tp"(n) > <*'
tt étant pris positif et inférieur à a. Posons donc :
(2) f(n) = a + <}>(n),
i|<(n) étant positif pour toutes valeurs de n supérieures à \j. par exemple.
De la relation (2) on déduit :
ç'(n) = *'n -f c + / <Kn)d»
et :
tp (n) = i aV + Cn -J- C -f- / / ^(w)rfn2
H- F-
et le terme général de la série devient :
1
i an* -f Cn -f G' + / / <J>(n)
rfn5
N'oublions pas que a' est positif et remarquons que
/ / (J»(n) t//i2
i* H-
14
210 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE; GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
est essentiellement positif pour toutes valeurs de n supérieures à [x,
puisque tous les éléments engagés sous le double signe / sont posilits.
Les termes de la série
1
■ • • •+ r r +■ • •
~ a ri- -f- C/i -f" ^ -f" / / ty{n)dn-
sont donc respectivement inférieurs à ceux de la série
+ ! +
que nous savons convergente.
Cas d'exception. Si l'équation : o(n) = 0 a des racines entières, la
série présente des termes infinis.
lre Remarquée Si y"(n) tend vers 0, la série
est en général divergente. C'est qu'en effet le ternie général ditfère
infiniment peu de
An + B
et nous retombons, par une transformation facile, sur le cas de la série
harmonique.
"2e Remarque. Les résultats ci-dessus obtenus s'interprètent facilement
au moyen de courbes.
3e Remarque. D'après ces résultats il semble que les séries soient le
plus souvent convergentes, puisqu'il est rare que
lim cp"(w) = 0.
Mais il est fréquent aussi que <f"(ri) n'ait pas de limite fixe. Tel est le
cas pour la série :
^ I + sin u r '
Ji-W.-Li GLAISHBH. — THÉORÈME DE TRIGONOMÉTRIE ^î i
M. J.-W.-L. GLAISÏÏEE
Irinity Collège, Cambridge.
THÉORÈME DE TRIGONOMÉTRIE.
— Scaucc du ïi> 'tout 1X77. —
Théorème. — Si
A + A = (^ + «^(0,4-^) (a, + $,)...
où le nombre de facteurs est arbitraire, alors
arc/o - 3= arc /;/ — (- arc /r/ — -j- arc /// '— -f- <xc.
La démonstration est facile, car si
A + iB = II(a-f ip)
alors
A — t"B = fl(a— /,i)
et, par conséquent
qui, en vertu de l'équation,
, B I7/A + tB\
arc ta - = ■—([ - —
JA 2a VA— iBj
donne
B * 3
aretg-r = Sarcfgr-
ce qui est le théorème.
Comme cas particulier, on voit que, si
»w-0+!)(i+Ç)(i^.. =A+iB
alors
arc ty - + arc /f/ - -f-arc^ f- & c= arc tg -
Je donne ici quelques exemples de ce résultat
</3
Mettez ■ _ ■ au lieu de œ dans l'équation
cos
on trouve
COS|^=(I-^)(l + ^(l+^)...
212 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
dont le premier membre
r..r , r.x . . . 7CX . . r..r
— cos SHÔ cosh 5T/9 + 7 sm .7T,slIlh ââ
et, par conséquent,
arc ty(j )+ arc tg(^ + are ty (~ ) + &c= are tg (tg ^ tyA ||)
où sinh, cosh, tgli dénotent le sinus, le cosinus, la tangente hyperbo-
liques. De la même manière, on déduit du produit pour le sinus, que
(7KC , ~xs
tg-^ — tgh—
— m
et, comme cas particuliers de ces équations, on a
aiC t<J [p] + aiC t9 LVJ + ai'C t(J fë] "^ & ° = I "
arc tg [p] + arc ty [jj + arc ty [-] -j- & c = ^ %
Par un procédé semblable on peut obtenir les sommations
urc t(J \jl] + ai'c *9 [|ï] + arc l(.l [|i] + & c
rtgatgha — tgfitghp — tgatg$ — tgh cl tgh [u
J Ug y. tgh a — tg [i tgh $-\-tga. tg jî -|- tgh a tgh (Jj
ou
1 , 1
a = 7:0: cos - r., ;i = :xsm-,
arc /y ['|r] + arc tg [~y4 j -f arc ty j^J -f- &
tg v /'/// s — tg s /.'/A r
arc
tg[
l + tgitg'ètgh'itghl
ou
1 1.4 I
V = g wc cos g ^, c = o2 iras sm - -.
11 y a beaucoup d'identités dans la théorie des fonctions elliptiques
auxquelles le théorème précédent s'applique : par exemple, en mettant
iq au lieu de q dans les résultats
i. in kS. — sdr l'échiquier anallagmatique de m. sylvester 213
1 1 — 7'-) il — 7M1I — 76). . . „
, ' , -—. -—- =1+7+7 + 7e + 7,n + 7,5 + &c
il — r/) (I — r/Mll — g8)..
ll-qm-fKl-^). • ■ = , _ 2 , g _ 2 . , 2 M _ ft c
(<-fg)(l-f g*)(l-|-g»)... '^
|(1— g)(i — g")(l— $«)..■ i»=l— 3g + 5g8 — 7g« + 9g10 — &c
on voit toul de suite que
arc tgq—SLTC tgq3 + arc tg g8 — arc Égg1 + & r
a '/-?"- 7,5 + 9" +?"--& ''
-dl ' '» 1 _ q* _ g» _(_ g» ^_ r/..c _ & C
I fr/ + %» + 3g'» + 2g"'+&r
— 2 a • c '.7 t _j_ 2r/ 1 _j_ wr/ . i _|_ 2çsa _^_ & c
_ 1 3.? + or/3 — 1 le/' ■ — 13 g*1 + &f_
- 3 arc t(-l \ _|_ 7ço _ 9^10 _ , ^o _j_ 1 79sa _|_ & c
M. Ed. LUCAS
Professent au Lycée Charlemaene.
SUR L'ÉCHIQUIER ANALLAGMATIQUE DE M. SYLVESTER.
EXTRAIT DC PROCÈS-VERBAL.
Séa ru <■ du 29 ao &t 18"i
M. Lucas fait remarquer l'analogie qui existe entre Véchiquier anallagma-
tique de M. Sylvester, et les formules qui donnent la décomposition du produit
de sommes de 4, 8, 16... carrés, en une somme de 4, 8, 16... carrés. On
sait que cette formule a été donnée par Léonard de Pise pour 2 carrés, par
Euler pour 4, par MM. Prouhet et Cayley pour 8, et par M. Genocchi, l'émi-
nent professeur de l'Université de Turin, pour 2n carrés. Quant à l'idée de
l'échiquier anallagmatique, elle a été déduite par M. Sylvester de la dé-
monstration qu'il a donnée, le premier, d'un théorème énoncé par Newton
dans l'Arithmétique universelle. Préférable à celui de Descartes, ce théorème
fournit une limite supérieure du nombre des racines réelles d'une équation
numérique par la considération de la succession des signes dans l'ensemble
des coefficients de trois termes consécutifs. L'échiquier anallagmatique est un
carré formé par un nombre égal de cases noires et blanches, de telle sorte
214 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE. MÉCANIQUE
que, pour deux ligues ou deux colonnes quelconques, le nombre de variations
de couleurs est toujours égal au nombre des permanences. Voici, par exemple,
l'échiquier anallagmatique de seize cases :
En remplaçant les cases blanches par le signe -f-> et les cases noires parle
signe — , on a ainsi pour le produit des sommes :
fl2 _|_ 52 _j_ c2 _j_ $ et p2_|_g2_|_r2_|_s2 de quatre carrés, la décomposition for-
mée par la somme des quatre carrés :
( -f~ aP — &? ' — cr — ds )'2i
(+ as — br -\-cq-\- dp)2,
( + a'l ~\~ bp — es -j- dr )-,
( — ar — bs — c p -f- dq) - .
Nous engageons le lecteur à rechercher les figures des échiquiers anallag-
matiques de 64 cases et de 256 cases. Il existe un pavage anallagmatique de ce
genre, en marbre blanc et rose, dans l'une des cours d'un établissement
public de Londres.
M. CATALAN
Professeur il'Analyse. à l'Université de I.ié^e.
SUR QUELQUES DÉVELOPPEMENTS DE L'INTÉGRALE ELLIPTIQUE
DE PREMIÈRE ESPÈCE.
— Séance du 29 août 187'
Soit
r, ,n= / » — T_
J \ I — f2 sius
il
CATALAN. — m: L'iMTÉGRALB ELLIPTIQUE T)K PREMIÈRE ESPÈCE "il'i
Prenons la formule de transformation :
Il en résulte
Ft(c
l
(2)
.(t
J vri — 61 — -
<K>
b) cos26] [ I — (1 — 6) sin'-O]- ;%\
On a, par la formule du binôme :
00 r(2n+l
h i cOS- 0
I — j I — 6)sin2 0
^-Ti 4" [11/1+1 )p
r(2P+i)
^W) i'J
(j —6)" sin-/' 0.
Au moyen de ces valeurs, et d'une transformation connue, on change
la formule (3) en
(A)
10
pourvu que l'on suppose n-{-p = s, el
"^[(«4-i)i»+a)...3ii.i/i+i)(p+3)...!2pT
On verra, tout à l'heure, que l\ est un nombre entier ( ).
II.
Le développement de Ft(c), ordonné suivant les puissances du mo-
dule, est
<+ttR©! *■(&$ «H- ■
— 6 = 2cc, on a
F1(c)=— V Q.r\
Si l'on fait I — b = ^x, on a
ou
(6)
[*] Cette propriété résulte aussi du théorème suivant:
ta + M fa+2)... 2d. (6-)-l) (64-2) . . . 2& ,.
! — ! — ' — — — entier,
1.2.3... \a-\-b)
i a et b fo»e rfes nombre* entier*. tSur quelque* questions relatives uux fonctions elliptiques.
Seconde note, p. U, 187'/).
216 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
en posant
Q . = Z [G2*-2p,,-J c*-»Mf (y)' a) (° < p < *)■
\ i) x /l 6 V
On a - - = - . Dans le développement (6), le coefficient de I -— - l
est donc
P. = Q, * = * £ [C»-*..-p] Cs-p,pI-J- 0)
Cette troisième valeur de P., doit être identique avec la première.
Ainsi Ps est un nombre entier, divisible par 2* .
Donc, si l'on fait
T'==ij| 2v— 2/>,n— i>J s-p.j,[-i)' > (8)
on a, finalement,
GO /i i \ s-
m.
De la relation (9), on conclut, en multipliant par — cdc — -\-bdb,
puis intégrant :
*p f/i — r^~rT — - vxA / (\-bybdb.
sin>Lvl-cslI1H~2 2jo 32<J
Le premier membre a pour valeur
sin2cp ?/ 1 -fcoscp " / ros^0 =
0 0 0
-[»*»£= -4'
un autre côté,
/ (i—b)bdb=l (\—b)db—j il— 6) dô==
1
5-f-l) (s + 2)
I \i M. an. — DE L'INTÉGRALE ELLIPTIQUE DE PREMIÈRE ESPÈCE 217
Ainsi
2 x- x T,
V=S.
'o 32« (s+1) (s+2)
IV.
Reprenons la formule
I
t<R = --l(A (2)
b
plus simple <pie celle de Lag
■ange :
'.7
(yi—y) = btgw
En l'écrivant ainsi :
ty<pi = \ b tgy,
et en supposant
1—6
' ' 1+6 '
valeur d'où résulte, comme
l'on sait,
>._^.
1 1+6
on trouve aisément
(10)
(11)
(12)
puis
Fi(c,)=^P1(c), (13)
Mc») = r VJ,M,.,F,(e),
(14)
6„
Quand 71 augmente indéfiniment, le premier membre tend vers — . La
limite de bn est 4. Donc
\(c)\= '-iimibtlhb,...). (15)
_l Ah
Soit 6 = -^. La formule (12) devient 6, — v/? . Faisons, comme
9 v<P+7>
Gauss :
Pi = v/Wi ?i = £ (P+Ç). Vi = sWli> q% — t(Pi-Ni) (i6'
De là résulte, au lieu de l'équation (15),
^IN MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
VI.
Les nombres pn , qn , toujours compris entre p et, q, tendent, évidem-
ment, vers une limite commune \. Pour déterminer cette limite, d'abord
trouvée par (iauss, écrivons ainsi les équations (16), de rang impair ;
Vi =pq, ?V=^i7iv •• P»~= P»-i- 7"-i-
11 résulte, do celles-ci et de la relation (17 1,
q _jt_
2 F, (c) •
(18)
VII.
Les valeurs de qr„ q...... qn (16) donnent, par un calcul aussi simple
que le premier,
q„ ='i [p + q — qt -f ;j, — r/, +;;, — . — r/„_, -f p»^] ( * )
La limite du premier membre est A; donc
1
* = %[p + <i — f/i+i^i— fy2+i^— ••— r/»-i+p»-i— ••! (t9)
Ainsi /// quantité À. donnée par la formule (18), es/ £a //////7 c n)/«-
mune : I" de n„ ; 2° ûfe r/„ : ;•>" r/^ \ nq
y î
40 de - [p + 7 — q, 4- p, - f/2 -f p2 — . . 1 .
VII
Des équations (18), (19), on conclut
ïjâ = \fr+.q-q>+p>-i.+p.-"l
La fonction — — . déjà décomposée en un produit indéfini (17), est
donc développée en série. En outre, les numérateurs el les dénomina-
teurs de ce produit
•v/lv/Sv/t--
qui précède, le nombre des termes esl pair. Si on le supposait, à tort, alternatlve-
menl pair et impair, \d série sérail indéterminée .
A. DUYERGIER. — PERFECTIONNEMENT \ !.'i\i.h ITEUR RICHARD "2\^
ou plutôt leurs carrés, sonl les termes mêmes de la série; ce qui est
assoz remarquable.
IV
Les relations (16) ont une grande analogie avec d'Iles que l'on ren-
contre dans le calcul de rc, par la méthode des isopérimètres) savoir :
r1==i(r + R), R, = vr7T. r.^yfa + R,), R8=n/r^\...
Aussi, ces dernières formules conduisent aux <lcu\ expressions sui-
1
vantes de - , dont la première, au moins, nous paraît nouvelle :
I=*[r+R-r1 + R1-r2-hR2-..]<
1 \\ Tj. rj_ r^
7. ~ ï ' a; ' n,' iv,
M. A. DïïYEÏlGrIER
Ingénieur con^trneteur à Lyon.
PERFECTIONNEMENT A L'INDICATEUR RICHARD.
— Séance <'« 20 août 1877. —
Parmi les divers genres d'appareils construits depuis Watt pour enre-
gistrer l'action de la vapeur sur les pistons des machines au moyen
d'un diagramme, j'ai eu à en essayer un certain nombre qui tous pré-
sentaient à côté de leurs avantages, des inconvénients réels dans leur
emploi.
De tous ces derniers, l'appareil Richard, m'a paru être le plus ma-
niable et le plus commode pour l'usage. Or, il est constant que plus les
expériences seront faciles et plus elles seront multipliées, plus aussi les
comparaisons entre ces différentes expériences seront nombreuses et
permettront d'en tirer des déductions utiles pour le bon emploi de la
vapeur dans les machines.
Mais l'appareil Richard, tel qu'il est livré par les constructeurs, pré-
sente le grave inconvénient dans la presque totalité des cas, de nécessi-
ter un agencement cinématique spécial pour chaque machine que I on
220 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE, MÉGANIQUE
veut soumettre à l'expérience, afin d'établir un rapport convenable entre
la course de l'indicateur, et colle de la pièce de la machine «ur laquelle
on prend le mouvement.
Le perfectionnement que j'ai apporté à cet appareil a pour objet de
supprimer l'agencement intermédiaire que je viens de citer.
Le dessin qui accompagne cette notice représente :
Figure 21, l'ensemble de l'appareil Richard modifié;
Figure 22, le plan d'ensemble de la modilication.
Je ne parlerai pas de l'ensemble de l'appareil, que connaissent très-
bien les personnes que la question peut intéresser, je n'entrerai que
dans quelques détails de la modification en elle-même pour la taire
comprendre aussi bien (pie possible et permettre d'en apprécier les
avantages.
Elle consiste dans la substitution de la pièce A avec ses accessoires à
la pièce portant les deux poulies guides de la corde a de traction.
La pièce A porte deux supports hb et un guide c pour la corde
de traction du barillet portant le papier sur lequel doit se tracer
le diagramme ; le guide c a son ouverture concentrique avec la
corde o, tangente à la gorge de la poulie du barillet dont le centre est
en o de la pièce A; les deux supports bb soutiennent un arbre B per-
i<jff, -I
pendiculàire à la corde a et à '.nie hauteur telle que celle même corde
pass<> tangentiellement à la génératrice supérieure de l'arbre B; les di-
rections de la corde a et de l'arbre I» sont parallèles au plan de la
poulie du barillet.
L'arbre B sert de treuil d'enroulemenl à la corde a, il porte à l'une
de ses extrémités la poulie G recevant le mouvement alternatif de la
machine à expérimenter au moyen de la corde m ; l'autre extrémité
porte une partie filetée à un pas égal aux diamètres des cordes a et m.
Celte partie se meut dans une douille également filetée et détermine
ainsi un mouvement de va et vienl de l'arbre I! toujours en rapport
avec son mouvement de rotation. Un guide d, mobile autour de l'axe
A. DUVEHGIER. — PERFECTIONNEMENT A L'INDICATEUR RICHARD 221
B est fixé à un secteur à coulisse au moyen d'une vis de pression aux
différentes hauteurs doul on a besoin pour atteindre a direction de la
corde m qui varie avec les différents diamètres qu'il convient de donner
à la poulie C.
La pince de serrage au moyen du bouton D permet de fixer lu pièce
A dans la direction qui convient pour opérer.
On comprend facilement, d'après ce qui vient d'être dit, «pie les cordes
a et m ayant le même diamètre s'enrouleront respectivement sur l'arbre
treuil B et sur la poulie C suivant des hélices d'un pas égal à ce dia-
mètre, c'est-à-dire au pas de la partie filetée de l'arbre B; or l'arbre B
se déplaçant horizontalement d'une quantité égale et de sens contraire
à celle dont se déplaceraient les cordes a et m, ces dernières conser-
vent leurs directions primitives quelles que soient les amplitudes des
oscillations de la machine et maintiennent ainsi, dans toutes les positions
les rapports respectifs des mouvements de la machine et du barillet
portant les diagrammes; ce qui n'est pas rigoureusement observé dans
l'indicateur de Paul damier, qui comporte des dispositions a peu près
analogues, à cause de l'obliquité que prend la corde qui meut le barillet
en s'enroulant sur son treuil.
Il est d'usage, pour éviter toute rectification, de prendre directement
sur la course du piston le mouvement qui doit faire tourner le barillet
de l'indicateur; on cherche aussi généralement à avoir des diagrammes
aussi développés que possible dans le sens de l'axe des abcisses ; cette
dernière longueur, d'après les dispositions de l'appareil, est limitée à une
fraction du développement du barillet et par conséquent n'est suscepti-
ble que de faibles variations. La course du piston peut varier de quali-
tés considérables suivant les machines à expérimenter. L'enroulement
22§| MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE) GÉODÉSIE, MÉCANIQUE
de la corde a sur l'arbre B représente sensiblement la longueur des
diagrammes; l'enroulement de la corde m sur la poulie C, représente
la course du piston; cette dernière «'tant seule variable, il suffira d'avoir
des poulies G en quantité suffisante et de diamètres différents pour cor-
respondit' aux diverses courses de pistons sur lesquelles on a à expéri-
menter. 11 va sans dire que les longueurs des diagrammes n'étant pas
rigoureuses, les rapports des diamètres des poulies C et de l'arbre B
n'ont pas besoin de l'être non plus.
Telles sont les modifications que je considère comme un complément
et un perfectionnement à l'indicateur Richard. Mon seul désir c'est
qu'il puisse être de quelque utilité aux. expérimentateurs et faciliter les
recherches sur l'utilisation de la vapeur dans les machines, en révélant
d'une manière aussi exacte que possible les imperfections de son mode
d'action.
M. Ed. LTJCAS
Professeur nu Lycée Charlemagni'.
SYSTÈME DES COORDONNÉES TRICIRCULAIRES ET TÉTRASPHÉRIQUES (1
EXTRAIT IIU PROCÈS- VERBAL.
— Séances île* 29 <•/ 30 août 1877.—
Ai. Llcas indique de nouveaux développements sur le système des coordon-
données tricirculaires et trétrasphériques ; il donne les équations et les rayons
du cercle orthogonal à trois cercles quelconques, et de la sphère orthogonale
à quatre sphères; les équations et les rayons des cercles inscrits, circonscrits
et conjugués au triangle formé par trois cercles, et des sphères inscrites, cir-
conscrites et conjuguées à la tigure formée par quatre sphères. Il montre,
eu outre, l'analogie de cette géométrie tricirculaire et tétrasphérique avec la
géométrie trilinéaire et tétraédrique.
Il l'ait l'application des principes de cette géométrie aux propriétés focales
des quartiques bicirculai res et anallagmatiqucs du quatrième ordre linéaire.
M. BAEHE,
1 i Die i"ii\ technique
FIGURATION DES INVERSES D!£S NOMBRES ENTIERS ET DÉS INVERSES
DES PRODUITS DE DEUX NOMBRES ENTIERS CONSÉCUTIFS.
— Séance 'in 30 août IS77. —
i; Voir fjoùbei : jue et Innali ■ \fa
HENRY-LEPAUTE. — PHARES LENTICULAIRES A DEUX ÉTAGES 233
. 3" et 4e Sections
NAVIGATION — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Présideni Mi bellot. Ingénieur en cHef des Poùts et Chaussées, au HaVrë.
Vice-Président M. lallemant, Lieutenant-Colonel du G
Secrétairb M. RENAUD, Ingénieur des Ponts >'t Chaussées, an Havre
StcRÉTAiRE adjoint .... M. TEKRÉ, Sous-Ingénieur du Génie maritime.
M. HEIEY-LEPAÏÏTE fils
Ingénieur constructeur ii Paris.
DISPOSITIONS NOUVELLES D'APPAREILS DE PHARES LENTICULAIRES
ET DE PHARES FLOTTANTS CATADIOPTRIQUES.
Si- ii ,i ce d u S ! a <>ûl 187'
l" PHAKES A DEUX ÉTAGEJ
La nécessité de perfectionner et de multiplier les indications fournies
par les phares, rend de plus en plus insuffisants les caractères adoptés
jusqu'ici pour distinguer les feux les uns des autres.
On cherche donc par tous les moyens possibles à varier les appa-
rences, mais la plupart du temps on ne peut atteindre ces résultats
qu'en diminuant l'intensité et la portée des phares.
L'électricité, dont l'emploi jusqu'ici se borne à quelques cas particu-
liers, présente, par son excessive puissance, l'inconvénient de troubler la
loi universellement adoptée, suivant laquelle les intensités et les portées
des phares doivent être proportionnelles aux dangers que la côte présente
aux navigateurs.
Sans entrer dans la discussion des causes qui semblent militer en
laveur du système d'éclairage des appareils de phares au moyen d'huiles,
soit végétales, soit minérales, on peut cependant reconnaître que les
224 .NAVIGATION. GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
flammes obtenues à l'aide de ces liquides se trouvent, par la prédomi-
nance des rayons rouges , dans des conditions plus favorables que la
lumière électrique pour tenter de percer la brume, à intensité égale bien
entendu.
Le soleil lui-même étant éteint par le brouillard, il est bien certain
que nous ne devons pas espérer trouver une lumière capable de traverser
la brume.
Reprenant une idée émise par l'illustre François Arago, il y a plus de
50 ans dans une conversation avec notre père, nous avons cherché à
superposer deux, appareils de phares l'un à l'autre.
On a construit en Irlande dans ces dernières années des appareils
dits « triform liijlithouses » composés de 3 tambours dioptriques annu-
laires et lenticulaires superposés, au foyer de chacun desquels est placé
un bec à gaz.
Ces becs à gaz ne sont pas munis de cheminées de cristal, et les pro-
duits de la combustion d'un bec traversent les becs supérieurs. Cette
disposition est très-critiquable, et si les résultats obtenus ont été à peu
près satisfaisants, ce dont il est permis de douter, cela peut tenir à la
facilité avec laquelle, on peut à distance, au moyen de robinets spé-
ciaux régler et modérer la combustion du gaz dans chacun des 3 becs
ainsi superposés.
Xous avons cherché à résoudre la question d'une façon plus complète
et nous nous sommes posé le problème suivant :
« Etant donnée une lanterne d'enveloppe de la dimension de celles
» utilisées dans les phares de France, y installer deux optiques super-
» posées, aussi complètes et aussi puissantes que possible, et illuminer
» chacune d'elles au moyen d'un bec alimenté à l'huile minérale. »
Nos expériences commencées en octobre 1876 furent, par prudence,
faites dans les premiers jours en employant l'huile de colza.
Expériences. — Dans la cour de nos ateliers, 139, rue deVaugirard,
nous avions organisé une lanterne octogonale de lm,60 de diamètre inté-
rieur surmontée d'une couverture tronc conique de 2 mètres environ de
hauteur.
La distance entre les deux becs était de l"';8o ; c'est celle adoptée
dans un phare de deuxième ordre, iig. 5, pi. III, que nous avons projeté;
il en est de même de la disposition et des dimensions des fumivores.
Les 2 becs à o mèches munis de l'appendice hénéchaux et du cou-
rant d'air extérieur, étaient alimentés par une seule lampe à mouvement
d'horlogerie et à poids, système à cames et pompes à valvules en cuir.
Le débit était réglé par un robinet spécial à chacun des deux becs.
La cheminée du bec inférieur est surmontée d'un obturateur à boule
dont la valvule se manœuvre au moyen d'un renvoi d'engrenages, et
HENRY-LEPAUTE. — PHARES LENT1CI LAIRES A DEUX ÉTAGES 223
celui-ci conduit les produits de la combustion dans un fumivore d'une
disposition tout à t'ait spéciale, lequel, tout en laissant un passage suffi-
sant à la fumée, ne doit pas occulter le phare plus que le t'ont les mon-
tants de la lanterne. A cet effet, le fumivore se compose d'une boite en
0n,,03
forme de poire, d'où partent quatre tubes ovales-—^— qui se prolongent
eu se contournant suivant les exigences de la construction et celles du
service du second bec, puis s'élèvent en face certains montants de la
lanterne jusqu'en dehors de la coupole.
Us sont terminés extérieurement par des chapeaux à nombreux retours
d'air afin d'éviter l'action des coups de vent.
Le bec du haut supporté par une armature indépendante de celle qui
soutient le fumivore, afin d'éviter réchauffement par conductibilité, est
surmonté d'un obturateur à boule comme ci-dessus et du fumivore ordi-
naire des lanternes de deuxième ordre.
Une double enveloppe entoure le fumivore inférieur, aiiu d'atténuer
l'effet du rayonnement.
Les expériences faites les 12, 13 et 14 octobre donnèrent des résultats
très-satisfaisants, car, malgré l'exiguïté de la lanterne et les conditions
mauvaises de l'appel d'air froid à la partie inférieure, la température à
la hauteur du bec supérieur ne dépassa pas 32 degrés.
Du 18 au 23 octobre, essai de 2 becs à 2 mèches alimentés au pétrole.
On supprima 2 des 4 fumivores ovales. Excellent résultat. Au bout
de o heures, la température ne dépassait pas 24°, la température initiale
étant de 19°. Les flammes se comportaient admirablement, étaient très-
lixes et très-blanches.
En essayant successivement des becs de plus en plus gros, alimentés
dorénavant à l'huile minérale, nous réussîmes à faire brûler dans cette
trop petite lanterne 2 becs à 5 mèches. Pendant plusieurs jours, la tem-
pérature au niveau du bec supérieur ne dépassa jamais 34° au bout de
six heures d'allumage.
Les flammes se maintenaient très-blanches, très-fixes et n'exigeaient
pas plus de soins que celles d'un bec de même ordre placé dans un
phare où toutes les conditions de ventilation , de fumivorité seraient
réunies à souhait.
Ces expériences durèrent jusqu'à la fin de novembre 187b' et
furent reprises en juin 1877 par une température extérieure de 30 à 32
degrés.
La combustion fut aussi bonne, et jamais on n'eut à redouter ni à
constater aucun inconvénient.
Nous osons donc affirmer que le problème est complètement résolu,
et cependant le volume d'air renfermé dans notre lanterne d'essai n'était
15
226 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
que l de celui de la lanterne de deuxième ordre représentée sur le
dessin.
II est certain que, dans le phare, tel <|u<' nous en avons étudié le
projet, on obtiendra une combustion excellente et <|ue la température
à l'intérieur de la lanterne ne s'élèvera pas à beaucoup près aussi haut.
Pour terminer la série des expériences, nous arrivâmes à placer et à
taire brûler 2 becs à une seule mèche alimentés chacun parune lampe à
réservoir inférieur. Le volume d'air avait été, au moyen de cloisons ,
réduit à 1 2 mètre culte. Les deux becs séparés de 0m,60, la combus-
tion a été excellente.
Nous venons de réussir à faire brûler 2 becs à 3 mèches, a l"',lo
d'intervalle, distance qui permet de placer deux optiques de troisième
ordre dans une lanterne ordinaire.
Nouvelles apparences. — Le problème étant ainsi complètement résolu,
nous avons cherché les nouvelles apparences que l'on pourrail obtenir
par la superposition de 2 phares.
On pourrail d'abord si; borner à superposer deux optiques identiques
cl n'allumer le feu supérieur que lorsque l'état d'opacité de l'atmo-
sphère exigerai I une intensité double de celle ordinaire. Mais ce ne sérail
là qu'un avantage peut-être hors de proportion avec la dépense.
Lue autre disposition ( li;U. 5 à 7, pi. III) permet d'obtenir de nou-
veaux caractères, dont l'utilité nous paraît incontestable.
Alin de pouvoir renfermer dans une lanterne telle que (elle que nous
venons d'installer an phare de deuxième ordre du Pilier (Loire-Inférieure)
deux optiques très-puissantes, nous a\ons dû supprimer les coupoles
supérieures de prismes catadioptriques; ainsi qu'une des deux couronnes
de prismes inférieurs. Mais aussi avons nous adopté les nouvelle len-
tilles du tambour dioptrique, calculées pour ce même phare par
M. E. Allard, Ingénieur en chef du service des phares; ces lentilles ont
lm,20, au lieu de 0,n,87 de hauteur.
L'intensité d'une de ces lentilles de 45° d'amplitude éclairée par un
bec à 5 mèches donnant 36 becs Carcel esl de 1,000 becs. L'intensité
de la couronne de prismes intérieurs est de 4S0 becs. L'éclat produit
par les deux optiques ainsi superposées sera donc de 8,450 becs, c'est-à-
dire g <\<- celui que produiraient deux panneaux complets du même
ordre.
(.race ii la divergence, les (\r[\\ optiques, bien que séparées l'une de
l'autre de 0m,30, donneront à l'observateur l'apparence d'un seul l'eu
Les deux optiques sont supportées dans le cas présent par une seule
armature, roulant sur un chariot à galets de premier ordre, afin d'ob-
HENRY-L1 PA1 I E. — PHARES l.l \ I II l LA1RES A DEUX ÉTAG] - 227
tenir plus de stabilité; le poids de Ja partie mobile de ce nouvel appareil
iif dépassera pas 1,400 kilos, et il pourra très-facilement être mis en
mouvement par une machine de rotation ordinaire, placée dans le
piédestal.
Une armature spéciale, fixée sur la table de service, supporte le bec
supérieur ainsi que le petit plancher destiné à permettre au gardien de
régler e1 surveiller ce bec. Une armature distincte fixée également sur
la table de service, supporte le f'umivore du bec inférieur. Les 4 tubes
ovales de ce fiimivore sont groupés dans une même demi-circonférence
de façon à laisser un plus libre passage pour le service du bec du haut.
I ne échelle, rentrant à coulisse dan la partie lixe du tambour de la
table de service, sert à monter sur la plate-forme précitée. Lesfumivores
ovales se rapprochent à partir de la partie supérieure de l'optique du
haut, afin «le sortir au travers du manchon de centrage, el s'élèvent
ensuite jusque dans le piédouche surmontant la lanterne, et donnent
libre issue aux produits de la combustion.
La disposition qui présenterait les avantages les plus sérieux consiste
à excentrer l'optique supérieure de toul l'angle de divergence, soit S0, par
rapport à l'optique inférieure. On doublera ainsi la durée de l'éclal e1
on diminuera d'autant la durée de l'éclipsé. L'intensité de l'éclat sera
encore de plus de 4,000 becs. La trop courte durée des éclats produits
par les leux actuels dont les panneaux ont 45° d'amplitude nous parait
un si grave inconvénient pour le marin, que nous croyons la présente
disposition susceptible de rendre <le^ services considérables.
On peut aussi, par une division différente des deux optiques, accouple]
les deux feux pour produire «les éclats rouges qui alterneraient avec les
éclats blancs produits par un seul des appareils, et pourraient avoir une
intensité- égale à ceux-ci.
Une apparence peu connue, bien que deux phares, l'un de deuxième
ordre pour Svenska Hœgarne (mer Baltique, Suède), l'autre de troisième
ordre pour Varberg (Kattégatt, Suède), aient été exécutés par nous, de-
puis LS74, dans ce système, est celle des feux présentant des éclats
blancs rouges suivis d'éclipsés totales. Ce caractère très-net et très-
apprécié des marins est obtenu en taisant produire les éclats blancs par
la coupole supérieure seule, et les éclats rouges par le tambour dioptri-
que additionné des prismes de la couronne inférieure. La coupole est
excentrée de 5° par rapport au panneau produisant l'éclat rouge, de
telle façon que celui-ci commence avant que l'éclat blanc soit terminé ;
il en résulte un éclat blanc qui devient rouge sans éclipse.
2
L'éclat blanc n'est que — de l'intensité d'un panneau du même ordre
complet, c'est un grave inconvénient. La superposition de deux optiques
±2N NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
permettra très-facilement d'obtenir un éclat blanc de — au moins d'in-
10
tensité.
Pour répondre à une. objection qui pourrait être faite au sujet de la
suppression des coupoles caladioptriques, nous avons esquissé un appareil
de premier ordre à deux étages, où le.s coupoles subsistent. Nous n'avons
18
retranché que les prismes inférieurs, ce oui laisse encore — - d'intensité
20
à l'éclat double.
La lanterne doit alors être d'un modèle plus grand que celles ordi-
naires, niais dans certains cas l'énorme puissance d'un tel phare pourra
être d'un très-utile secours.
Nous exécutons un appareil de sixième ordre à deux étages (fig. I à
4, pi. III) qui offre un spécimen d'un feu fixe renforcé par un réflecteur
catadioptrique et varié par des éclats blancs rouges.
Ces éclats sont produits par l'appareil inférieur, qui est annulaire et
composé de huit panneaux. Les prismes de la coupole sont excentrés
dans les crémaillères elles-mêmes. C'est la première fois que cette dispo-
sition du verre est exécutée; elle offre l'avantage de supprimer l'entre-
toise horizontale et par suite toute occultation transversale. Les deux
appareils sont contenus dans une lanterne cylindrique de 0m,60 de
diamètre et de lm,20 de hauteur, surmontée d'une coupole avee boule
d'aérage. Le piédestal renferme la machine de rotation donnant le mou-
vement à l'appareil inférieur, ainsi que la lampe à mouvement d'hor-
logerie, destinée à alimenter les deux becs à une mèche, et à appendice
Denechaux, placés au foyer des deux appareils.
On pourrait ainsi employer avec succès des lampes à réservoir inté-
rieur pour éclairer les appareils.
Ce phare figurera à l'Exposition de 1878.
La facilité avec laquelle se règle la flamme de chacun des becs super-
posés, la fixité, la blancheur et l'accroissement de durée des éclats et
de l'intensité, nous paraissent offrir des avantages tels, que nos phares
à deux étages pourront être employés dans un grand nombre de cir-
constances. La dépense de l'huile sera doublée, mais les frais d'entretien,
de service resteront les mêmes, on n'aura pas besoin de gardiens sup-
plémentaires, et l'accroissement des dépenses de premier établissement
sera, croyons-nous, largement compensé par les services rendus. Cet
accroissement de dépense ne portera, en effet, que sur l'optique, l'arma-
ture et les fumivores; il sera donc loin d'être proportionnel à l'augmen-
tation de puissance et de durée (\r> éclats
henry-lepaute . — phares flottants catàdioptriques 229
2° Phares flottants catadioptriques.
Les phares flottants jusqu'en 1872 étaient composés d'une série do
réflecteurs paraboliques, disposés symétriquement autour du mât d'un
ponton et renfermés dans une lanterne unique. Ces réflecteurs sont
portés par leurs lampes et le tout suspendu à la Cardan; afin d'être
soustrait à l'action des oscillations du navire. La Lanterne ainsi que Les
réflecteurs peuvent glisser le long du mât et être hissés pendant la nuii
à son sommet.
Dans quelques autres circonstances, on disposait trois feux de port
dioptriques renfermés chacun dans une Lanterne spéciale suspendue à
la Cardan. Quelle que fût celle de ces dispositions que l'on adoptât, on
rencontrait toujours une grande difficulté à régler bien égalemenl la
combustion des lampes séparées, et on avait à redouter la prompte
oxydation des réflecteurs métalliques.
Diverses autres circonstances nous firent penser que l'on obtiendrait
plus d'avantage et de simplicité par l'emploi d'un appareil unique en-
tièrement catadioptrique suspendu à la Cardan au centre d'une lanterne;
mais pour cela il fallait supprimer le mal central du ponton et Le rem-
placer par une sorte de tourelle à jour au centre de laquelle la lanterne
put être montée ou descendue au moyen d'un treuil (fîg. 8, pi. Ilî).
Cette disposition a été approuvée, et depuis 1874 un appareil de ce
genre est allumé en Suède. Le directeur du service des phares de ce
pays nous a informés des bons résultats obtenus.
L'appareil dont il s'agit est de quatrième ordre; l'optique a 0"',2'j de
distance focale. Il éclaire tout l'horizon.
Le lanterne est octogonale; elle a 1,10 de diamètre entre deux mon-
tants opposés, les portes de cette lanterne s'ouvrent à coulisse (fig. 9 et
10, pi. III). La ventilation a été l'objet d'études et d'expériences nom-
breuses. Grâce à des cloisons multipliées brisant le courant d'air, nous
avons réussi à empêcher les coups de vent, ainsi que les dépressions
et compressions produites par les oscillations du navire d'avoir une
action fâcheuse sur la flamme.
L'appareil est illuminé au moyen d'une lampe à pétrole à réservoir
inférieur, avec bec à deux mèches. L'intensité du bec est de 2b,2 becs
Carcel. Celle du feu blanc est de 60 becs environ, mais la coloration
en rouge la réduit dans l'appareil dont il s'agit à 12 becs; l'intensité
obtenue à l'aide des feux catoptriques dont les réflecteurs avaient 0,29
d'ouverture étaient de 39 becs, réduits à 8 parla coloration.
La puissance de ce feu flottant est donc supérieure à celle obtenue
•usqu'ici.
La lanterne est guidée dans sou mouvement à l'intérieur de la loin- au
•230 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL 1. 1 MILITAIRE
moyen de galets ou mieux de glissières en bronze roulant ou trottant le
long- de quatre rails verticaux. La tour se prolonge par le bas jusqu'au
tond de la cale, où elle doit être solidement boulonnée. En outre, sur
le pont du navire, est ménagée tout autour de la base de la tour une
chambre octogonale, au milieu de laquelle descend la lanterne pendant
le jour et dans laquelle on peut facilement faire le service d'entretien
• 't d'allumage du l'eu.
On peut construire dans ce système des appareils don! l'optique pour-
rait avoir — 0,35 — O.^i 0,18 — 0,15 de distance focale. Nous
savons que la stabilité du ponton ne serait pas sensiblement modifiée
par la substitution de cette tour à jour au mât central.
Nous voyons donc dans ce système un progrès, tant au point de vue
de la puissance qu'à celui de la durée du phare et de la facilité du
service.
Le coût de l'appareil cité plus haut a été de 12,000 francs, et celui
de la tour, de 9,500 francs, transport compris.
MM. Jules & Théophile DUCOUSSO frères.
SYSTEME DE TRANSMISSION DE SIGNAUX ÉLECTRIQUES AUX TRAINS EN MARCHE
— S en nce dit 24 a nul 1877. —
Ce système a pour but de transmettre un signal d'arrêt à un train en
marche entre deux stations, et cela de l'une quelconque des deux stations
et quel que soit le sens de la marche.
Il est établi, le long de toute section à voie unique, deux lils conduc-
teurs s'arrêtant à chaque station.
Il est établi sur la voie tous les 500 mètres, à 300 millimètres de l'axe
à droite et à gauche, des bornes de contact se composant d'une laine de
ï'vv doublée d'une lame en cuivre rouge, de 1 mètre «le longueur sur
5 centimètres de largeur, fixée avec une inclinaison de *2 centimètres, et
au moyen de deux pieds en ter, à une pièce de bois fixée elle-même à
deux traverses de la voie: le tout dépassant la hauteur des rails de
10 centimètres.
Ces bornes sont réunies : celles de droite à l'un des lils conducteurs,
et celles de gauche à l'autre, et ce au moyen de fils entourés de gutta-
percha, descendant le lonj4 des poteaux et passant sous la voie.
A l'avant de chaque machine à gauche, à 300 millimètres de l'axe,
nous établissons une deuxième pièce de contact se composant d'une
DUCOUSSO. — SIGNAUX ÉLEI TOQUES \l\ TRAINS IN MARCHE '2A\
traverse de bois de dimensions convenables, fixée à la traverse des tam-
pons et terminée par une lame de laiton recourbée à ressort, et à l'élas-
ticité de laquelle vient s'ajouter celle d'une lame en acier. La longueur
totale de cette pièce est telle que, lorsque la locomotive passe au-dessus
d'une des bornes de la voie, il s'exerce un léger frottemenl qui suffit
pour permettre le passage du courant électrique.
A coté du mécanicien, renfermée dans une boîte où elle est suspen-
du.' el soutenue dans chaque sens par des ressorts ù boudin, afin d'évi-
ter le fonctionnement qui aurait lieu par suite de la trépidation, nous
établissons une sonnerie électrique à rouages communiquant, au moyen
d'un til entouré de gutta, à la pièce établie à l'avant de la machine; un
autre til partant de la sonnerie et aboutissant à un des coussinets de la
machine, conduit le courant à la (erre, par l'intermédiaire des roues et
des rails.
Un voit facilement que si, par la volonté' des deux chefs de station,
les bornes de la voie d'un même côté se trouvent chargées de courant et
que la pièce de contact d'une locomotive vienne les toucher, il y aura
chaque fois communication entre la pile de la gare et la sonnerie du
mécanicien qui fonctionnera.
D'une manière générale, la station qui donne le signal de départ à un
train lance le courant sur le lil communiquant avec les bornes qui doi-
vent être touchées par un train venant vers elle: de cette façon, et en
admettant la violation de tous les règlements et même l'oubli de l'un
des deux chefs de station, je dis qu'une collision est impossible, car. si
au moment de donner le signal de départ à un train, le chef de station
lance le courant aux bornes rencontrées par un train de sens contraire,
ce dernier va être arrêté au premier contact et si le chef de station qui
a lancé le premier train a opéré de la même façon le deuxième train sera
arrêté à la sortie de la gare de départ.
Des commutateurs établissent la communication entre la pile et le til
de ligne; ces appareils sont trop connus pour que nous en donnions la
description. Pendant la nuit ils servent à établir la communication directe
entre les gares en service.
Dès qu'un train est arrivé en gare, le chef de station prévient son col-
lègue de retirer le courant, atîn (pie la voie redevienne libre.
La marche à suivre, en cas d'arrêt, est réglementée au gré des com-
pagnies de chemins de fer.
DISCUSSION.
M. Jules Mokandièke pense que l'essai fait à titre d'expérience isolée ne
suffit pas pour démontrer que le système proposé puisse être admis dans la
pratique courante. L'étude de cette question et la communication des trains
332 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
avec les gares sont d'ailleurs tout à fait à l'ordre du jour. M. Morandière a
eu récemment l'occasion d'examiner le système de M. de Baillehache, essayé
sur la ligne de Glos-Montfort à Pont-Audemer. Le principe est le même que
dans la combinaison précédemment citée; toutefois la communication est obte-
nue au moyen d'un til de fer placé entre les rails. La lame élastique qui éta-
blit le contact en frottant sur le til est fixée soit à la machine, soit au four-
gon; dans ce dernier cas, l'électricité fait non-seulement marcher une sonnerie,
mais encore un télégraphe à cadran, de telle sorte qu'une véritable conversa-
tion peut s'engager entre le train et Ja gare voisine, ou même entre deux
trains circulant sur la même section.
La mise en communication permanente d'un train en marche avec les gares
ou les trains par l'intermédiaire de la voie a déjà été essayée il y a une ving-
taine d'années, mais sans succès. Elle a contre elle : 1° la difficulté d'assurer
son bon fonctionnement, et 2° le prix d'établissement ainsi que d'entretien.
Des dispositions tendant au même but, c'est-à-dire à l'emploi de l'électricité
pour avertir le mécanicien de l'approche du danger, sont en voie d'application
sur le réseau du Nord. A 500 mètres environ du disque signal, se trouve placée
une pièce de bois revêtue de tôle, reliée au signal par un fil dans lequel l'élec-
tricité circule lorsque le disque est tourné au rouge. La locomotive porte une
brosse métallique qui vient frotter sur la tôle, et le courant agissant sur un
électro-aimant Hughes fait déclencher un petit sifflet spécial d'avertissement.
Ce sifflet est dû à MM. Lartigue et Forest.
MM. Tesse et Lartigue ont également fait admettre sur le réseau du Nord
un autre emploi de l'électricité. La ligne est partagée en sections de 3 ou 4
kilomètres, couvertes chacune par un signal d'arrêt (en forme de sémaphore).
Lorsqu'un train passe, le gardien ferme son signal, et en même temps il ou-
vre électriquement, par le même mouvement, le signal précédemment dépassé
par le train. Le mécanisme est tellement disposé, qu'une fois mis au ronge,
le signal ne peut pas être défait par celui qui l'a fait, mais il ne peut être
remis à la voie libre que par le gardien du poste voisin.
Pour compléter ces combinaisons, M. Lartigue a étudié l'application aux li-
gnes à voie unique. Lorsqu'un train part d'une gare, son départ serait signalé
à tous les postes par le déclenchement d'une sonnerie et d'un petit bras de
sémaphore. Si, par mégarde, un train est lancé de l'autre gare voisine, les
gardiens entendront une deuxième sonnerie et verront un deuxième bras.
Dans ce cas, tout agent doit fermer son signal et arrêter le premier train sur-
venant pour l'avertir. Ce système, qui peut être complété encore par l'addition
du sifflet d'avertissement sur la machine, n'a pas encore été, que nous sa-
chions, appliqué sur un chemin de ïcr, mais nous croyons qu'il ne tardera
pas à l'être.
VUbF.NET. — AVANTAGES DES NOUVELLES SfAGHINES MARINES 233
M. AÏÏDEOT
[ng i I jnie Générale Transatlantique, au n
BÉNÉFICES OBTENUS PAR L'EMPLOI DES NOUVELLES MACHINES MARINES.
— Se a n ' 6 il •< :' i n lût l s~ !
Messieurs, — notre Compagnie, donl vous allez visiter les paquebots,
peul réclamer l'honneur d'avoir été la première en France à appliquer sur
une grande échelle le condenseur à surface el le système de machine dit
Compound ou composé, dans lequel lavapeur employéeà haute pression
fonctionne successivement dans un petit, puis dans un grand cylindre.
Nous croyons intéressant de donner des chiffres authentiques, résultats
d'une assez longue expérience, sur les économies de combustible qui on l
été la conséquence de l'application de ces perfectionnements. Mais avant
nous rappellerons succinctement en quoi consistent les avantages obtenus.
Dans les anciennes machines marines, la condensation se taisait par in-
jection, c'est-à-dire par mélange de la vapeur avec l'eau de mer destinée
à la condenser, et l'eau employée à l'alimentation, étant puisée dans le con-
denseur, contenait presque autant de sels que l'eau de mer elle-même.
Il fallait, dès lors, pour empêcher des dépôts trop considérables, ex-
traire, de temps à autre, l'eau saturée des chaudières el jeter à la mer
de l'eau déjà chauffée, c'est-à-dire du charbon.
D'après les expériences laites sur le Cher (1), la dépense de combus-
tible, en alimentant exclusivement aveede l'eau douce, qui n'exigé pas
le recours aux extractions, esl de 15 à v20 0/0 plus faible qu'en alimen-
tant avec de l'eau de mer.
En pratique, l'économie donnée par le condenseur à surface n'est pas
tout à fait aussi considérable, parce que l'on introduit toujours un peu
d'eau de mer dans la chaudière pour réparer les pertes et qu'il faut
dès lors faire de temps à autre des extractions ; mais l'avantage est
encore de 12 à 15 0/0 environ.
Le condenseur à surface, en fournissant de l'eau douce pour l'alimen-
tation, a, par ailleurs, permis l'usage de la haute pression, qui était
tout à fait impossible avec l'eau de mer, celle-ci donnant des dépots
trop considérables quand elle est portée à une haute température. Mais
cet emploi de la haute pression n'aurait pas fourni de résultats entiè-
rement satisfaisants sans les machines du système Compound.
L'avantage théorique de la haute pression et des grandes détentes est,
en effet, balancé, dans la pratique, par les imperfections physiques et
mécaniques des appareils.
il Transport de la marine militaire. Expériences faites en.,1865.
»>34 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Les métaux employés à la confection des cylindres et pistons ne sont
pas indifférents à la chaleur ; ils s'échauffent pendant l'admission, par
la condensation d'une certaine quantité de vapeur, et ils se refroidissent,
pendant l'évacuation, par la vaporisation à nouveau de cette vapeur, qui
est ainsi envoyée, sans effet utile, au condenseur.
Les pertes produites de cette manière peuvent atteindre un chiffre
considérable, et il suffit, pour s'en convaincre, d'observer (pie le cylindre
recouvert, à l'intérieur, d'une mince couebe d'eau, et mis en commu-
nication avec le condenseur et la pompe à air, reproduit exactement les
dispositions employées dans les appareils à taire de la glace.
Dans la machine à cylindres successifs, les températures extrêmes aux-
quelles sont soumis chacun des cylindres, sont plus rapprochées que si
l'on opérait avec un seul, et, par suite, la quantité de calorique absorbée
et rendue par les parois sans produire de travail est sensiblement moindre.
D'autre part, les joints des pistons avec les cylindres et des tiroirs
avec les plaques frottantes sont rarement parfaits. Ils s'altèrent, d'ailleurs,
par l'inégalité de l'usure et aussi par l'effet de la chaleur qui déforme
toujours les pièces de structure un peu compliquée. Il en résulte des
pertes de vapeur d'autant plus élevées, que les différences de pression
d'un côté à l'autre du piston ou du tiroir seront plus grandes.
Il est évident qu'on diminuera encore ce genre de pertes, si, comme
dans la machine Compound. on vient à recueillir le travail dans des
capacités successives, de manière à réduire la différence des pressions
exercées sur les deux faces d'un même piston.
Nous pouvons citer un fait d'expérience qui confirme parfaitement
cette manière de voir.
Il y a plusieurs années, on a transformé, au port de Cherbourg, la
machine à haute pression d'une petite canonnière, en lui ajoutant un
condenseur à surface et une pompe à air. Cette modification n'a ap-
porté aucun changement sensible à la puissance de l'appareil ni à sa
consommation de charbon. Les accroissements de pertes par refroidis-
sement intérieur et par fuites à travers les joints imparfaits avaient
balancé l'avantage résultant de l'emploi de la condensation de la vapeur;
il est évident que si on avait laissé la machine évacuera la même pres-
sion qu'avant la transformation, eu recueillant cette vapeur dans un
nouveau cylindre évacuant aux condenseurs, on n'aurait rien changé aux
conditions de fonctionnement du premier cylindre, et on aurait eu.
comme bénéfice, tout le travail obtenu dans le second.
.Nous venons de résumer en quelques mots les causes qui l'ont, selon nous,
la supériorité des machines Compound: nous donnons, dans le tableau ci-
après, les résultats obtenus dans la Compagnie transatlantique par la trans-
formation, dans cet ordre d'idées, des appareils moteurs des paquebots:
M DIM I , — W \M MïES DES Nul VK| l.K.s MACHINES MARINES -2,3^
LIGNE DE NEW-YORK,
AVANT TRANSFORMATION
5YST! ME DE MACHINE
Dépense
par
mille
à
1 1 n-'" '/>
M'RI ÏS l'RANSFnRMATlON
S^fl ME Dl MAI HINE
Dépense
par
mille
à
11 n,uY>
Écono-
mie
de
charbon
pour
cent.
Machine à pilon, construite chez
M. Napier en 1865: deux cylin-
dres à moyenne pression el con-
denseurs à surface.
Machine identique à relie dui
Pereire, construite chez M. Na-
pier en isiri.
Machine horizontale à retour de
bielle, construite au Creusot en
ixt;:; el 186U, à moyenne pression
el à engrenage, a^ ec condenseur
a surface.
Pereire.
Transformé en 1873 par l'addi-
tion d'un troisième cylindre à
haute pression placé sur l'avant
286 kil. (des deux autres 212 kil.
Ville-de-Paris.
Cransformé en i*7i par l'addi-
tion de deux cylindres à haute
326 kil . I pression placés sur le< anciens. 246 kil.
Saint. Laurent.
En i87o, remplacé l'ancien ap-
pâreil par une machine aj ant deux
i ylindres à haute pression, deux
\ lindres à liasse pression el oon
389 kil. denseur à surfaco, construite au
Creusol i . 223 kil.
'•3 D'il
il L'importance de l'économie réalisée est due en partie à la substitution des cylindres
irticaux aux cylindres horizontaux.
LIGNE DES ANTILLES.
AVANT TRANSFORMATION
SYST1 ME DE MACHINES
Dépense
par
mille
à
10 nJ*l/)
APRÈS TRANSFORMATION
-Ml MF, DE MACHINE
Machine inclinée à deux cy-
lindres, construite chez MM. Faw-
eettet Preston en is.ï">. à moyenne
pression et condenseurs par in-
jection.
Identique à la machine Marti-
nique, construite en is;;:;.
Machine à pilon, à moyenne
pression, construite chez M. Ca ird,
à Greenock, en 18652, et à laquelle
on avait ajouté plus tard un con-
denseur à surface.
Deux machines horizontales à
moyenne pression et condenseur
à surface, construite en 1868 par
le Creusot.
Deux machines verticales du
système à pilon, à moyenne pres-
sion et condenseur à surface,
construites. en 18H7 par M. Na-
pier.
Dépense
par
mille
à
1 n nu y*i
Écono-
mie
de
charbon
pour
cent.
Martini q',u e .
La machine a élé complètement
< h ingée en I869 ; le nouvel appa-
reil, construit chez M. Elder, se
^impose d'un cylindre à haute
21 6 kil. pression et d'un cylindre à basse
pression avec condenseur à sur-
face.
Guadeloupe.
I Identique à la nouvelle machine I
217 kil . {Martinique, construite en 1869-70-1
Colombie.
En 1874, on a enlevé les deux
cylindres pour les remplacer par
un cylindre à haute pression et un
cylindre à basse pression, avec
243 kil. condenseur à surface.
Lafay ette.
F.n 1873, on a remplacé les qua-
tre cylindres à basse pression par
deux cylindres à haute pression et
319 kil. deux cylindres à basse pression.
Washington.
En 1873, on a enlevé les quatre
cylindres pour les remplacer par
deux cylndres à haute pression el
deux cylindres à basse pression
371 kil
10d kil.
49.6 0/0
114kil. 47.5 0/0
158 kil.
225 kil.
24 3' kil.
30 0/0
33 0 0
236 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Les consommations par mille, indiquées sur ce tableau, ont toutes
été rapportées aux vitesses réglementaires de 11 nœuds 1/2 pour la
ligne de New-York, et de 10 nœuds 1/2 pour celle des Antilles, en
admettant, dans les calculs, que les consommations variaient comme
les carrés des vitesses pour les mêmes circonstances de vent et d'état de
la mer; ce qui se vérifie suffisamment, lorsque les vitesses comparées
ne sont pas très-éloignées les unes des autres.
En examinant ce tableau, ou arrive aux conclusions suivantes:
L'application du système Compound à haute pression, à une machine
à moyenne pression déjà munie d'un condenseur à surface, procure
une économie de 30 à 35 0 0, et la substitution d'une machine à
haute pression Compound avec condensateur par. surface, à une ma-
chine à moyenne pression avec condenseur par injection, donne un
avantage de 45 à 50 0/0. La différence de ces deux séries de chiffres,
qui est de 15 0/0, correspond bien à l'économie que procure à lui
seul le condenseur à surface.
Aujourd'hui, les appareils moteurs des paquebots de la Compagnie
transatlantique sont tous du système perfectionné et les détails des ma-
chines et chaudières étant en bon état d'entretien, la consommation en
service courant, par heure et par cheval indiqué, en employant du char-
bon Cardin" tout venant, n'est que de I kil. à 1 kil. 10.
C'est à peu près la moitié de ce que dépensaient les anciennes ma-
chines marines, ce qui confirme les conclusions auxquelles nous étions
arrivées puis naut par une autre voie.
M. DAYMAED
Ingénieur de la Compagnie Générale Transatlantique, m Havre.
ÉTUDE SUR LES DIMENSIONS DES PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES
ET SUR QUELQUES PROGRÈS NOUVEAUX
A RÉALISER DANS LES APPAREILS MOTEURS,
- Séance du SS août IS77. —
J'ai pensé. Messieurs, qu'après vous avoir donné les détails sur les
modifications qui, dans ces dix dernières années, ont amené une réduc-
tion de moitié dans la consommation du combustible sur les machines
marines, il pourrait être intéressant de traiter devant vous quelques-
unes des questions que soulève le choix des dimensions d'un navire.
DAYMARD. — ÉTUDE Ml; LES PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES 237
en prenant pour exemple un paquebot transatlantique, d'exposer l'in-
Huence qu'exerce à cet égard le perfectionnement du moteur, et cnliu
de signaler, à coté des résultats acquis, quelques-uns des progrès nou-
veaux qu'on tente de réaliser et dont la conquête définitive quoique
très-probable à courte échéance, exige encore l'intervention et le
secours de la science pure et appliquée
On sait, et un raisonnement simple démontre combien il est com-
mercialement avantageux, sous certaines conditions dont nous reparle-
rons, d'augmenter les dimensions des navires.
En effet, l'emplacement et le poids disponibles pour le chargement et
les machines croissent comme le cube des dimensions, tandis que la ré-
sistance à la propulsion ne croit (pie comme le carré ; souvent même,
l'agrandissement ne portant que sur la longueur, l'augmentation de
résistance ne grandit elle-même que dans des proportions beaucoup
plus faibles, relativement aux capacités disponibles.
L'exemple de deux paquebots-postaux de la Compagnie transatlanti-
que, que vous êtes à même de voir en ce moment au Havre, va nous
fournir des chiffres tout à fait significatifs.
Ce sont la France et le Pereirc, dont voici les dimensions principales
respectives :
Longueur Mètres
Largeur »
Profondeur ou creux a
Tirant d'eau en charge »
du navire complet Tonneaux 3.800
de la machine et des chaudières »
Poids l du charbon »
du chargement comprenant l'eau douce et les
vivres »
Poids total de l'ensemble ou déplacement »
x , , . , l de chambre «
.Nombre de couchettes ]
[ a entrepont
Volume des cales à marchandises »
Surface plongée du M. C M. carrés.
Puissance développée J aux essais
en chx de 75 kgm. ) en service
aux essais à mi-chargement. Nœuds
Vitesse réalisée.
moyenne en service.
FRANCE
PEREtRE
1:23 »
105 »
13 40
13 33
10 85
8 10
7 305
ti s:,
3.800 »
2.550 »
690 »
690 »
1.200 »
1.000 »
2.025 »
945 »
7.715 »
5.185 »
-230 »
216 »
420 »
30 »
2.700 »
1.160 »
85 02
75 2
3.300
2.600 à
2.800
14 54
12 30
*
Ce qui frappe dans la comparaison de ces chiffres, c'est que, par
un accroissement relativement modéré des dimensions,
On gagne :
En déplacement oO 0/0 :
Ï3X NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL El MILITAIRE
En disponible pour le chargement : 135 0/0 en poids; 150 0/0
en volume,
Alors que la surface submergée n'augmente pas de 13 0/0.
Aussi, bien que les appareils moteurs soient de même poids et
sensiblement de même force, la différence des vitesses ne dépasse-t-elle
pas 6 à 8 dixièmes de nœuds, c'est-à-dire moins de 6 0/0.
Les frais d'exploitation ne s'étant pas trouvés augmentés, il en ré-
sulte que les navires comme la France et le Labrador peuvent réaliser
et réalisent, en effet, des bénéfices doubles de ceux du Pereire ou de
la Ville-de-Paris, au moins en ce qui concerne les marchandises dans
les voyages de retour, un seul voyage des premiers amenant au Havre
plus de produits que deux voyages des seconds.
Tel est l'avantage dû à l'augmentation des dimensions.
Il n'est pas cependant possible d'agrandir indéfiniment les navires.
On est, en effet, limité par les conditions suivantes :
1° Ne pas atteindre des capacités telles que les chances de les remplir
soient par trop diminuées, comme cela est arrivé pour le Great-Eastern;
2° Ne pas sortir des proportions qui garantissent de bonnes qualités a
la mer et des poids de coque modérés;
Les résultats du Great-Eastern avec ceux de quelques paquebots
anglais plus récents, où l'exagération de longueur a conduit à de trop
lourdes consolidations, viennent encore nous indiquer des limites en
deçà desquelles il est nécessaire de se tenir;
3° 11 faut enlin pouvoir avec sécurité, j'ajouterai sans trop de difficul-
tés, entrer dans le port et en sortir, manœuvrer dans les bassins. Sous
ce rapport, le beau travail qui s'exécute en ce moment pour l'élargisse-
ment de l'avant-port du Havre va nous donner des facilités nouvelles.
L'étude de la question, sous ses diverses faces, nous a montré que,
tout en remplissant les trois conditions : de capacités n'excédant pas les
besoins du trafic, de proportions assurant de bonnes qualités nautiques
et des coques bien rigides sans poids exagéré, de longueur et de tirant
d'eau compatibles avec la fréquentation du port du Havre, il serait pos-
sible d'accroître encore un peu les dimensions de la France, si la néces-
sité de mettre en chantier un nouveau paquebot pour New- York, venait
à se produire.
Les dimensions que je proposerais seraient à peu près les suivantes :
Longueur Mètres 130
Largeur » I :> 80
Creus sur V » 10 50
Tirant d'eau. ■. » 7 32
Déplacement en charge Tonneaux s.ôOO »
Surface du M. C Mètres carres 88 02
DAYMARD. — ÉTUDE SUR LÉS PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES 239
Le petit modèle et les dessins au centième que j'ai l'honneur de
vous présenter figurent à peu près les dispositions et les formes que
j'aurais en vue.
Examinons quels seraient les avantages de eettc augmentation, que
je crois pouvoir qualifier de prudente et modérée.
Supposons d'abord qu'il ne soit réalisé dans le moteur aucun progrès
sur les machines actuelles.
Relativement à la France, le projet présente une augmentation de
capacités de 800 mètres cubes e1 une augmentation de déplacement de
790 tonneaux.
Il y a lieu tout d'abord de défalquer de ce chiffre 200 tonneaux né-
cessaires et suffisants pour l'accroissement du poids de coque; sur les
590 tonneaux restant, il faudrait prélever le poids additionnel nécessaire
pour avoir une machine capable de développer 4,300 chevaux aux essais
et à 3,800 en service. Ce poids serait de 230 tonneaux, ce qui porte le
poids total du moteur à 920 tonneaux.
Avec cette puissance, on atteindrait des vitesses franchement supé-
rieures à celles du Perdre et des paquebots actuels les plus rapides. On
réaliserait au minimum 10 nœuds aux essais, et plus de 14 nœuds de
moyenne en service.
La consommation du charbon par vingt-quatre heures serait portée
de 78 à 104 tonnes; mais en tenant compte de la moindre durée du
trajet, on reconnaît qu'un approvisionnement de charbon de 1,400 ton-
neaux assurerait une réserve suffisante. C'est donc seulement 200 ton-
neaux de plus que lu France qu'il faudrait prendre en combustible.
En résumé, l'augmentation de puissance absorberait 4o0 tonnes et en-
viron 400mc. Il resterait encore disponible pour l'augmentation du fret
160 tonnes en poids et 350mc. Ce serait largement suffisant pour payer
et au-delà l'excédant des frais d'exploitation. Nous ne tenons pas compte
de ce fait, qu'une vitesse plus grande et qu'un nouveau développement
de confort, résultant des dimensions plus grandes, seraient assurément
de nature à amener une augmentation sérieuse dans les recettes de
passagers .
Dans tout ce qui précède, je n'ai supposé aucun progrès nouveau
dans l'appareil moteur.
Mais il est possible d'affirmer qu'il n'en serait pas ainsi, et tout en
restant dans le domaine des faits, nous allons indiquer trois points im-
portants sur lesquels des perfectionnements ne manqueraient pas de se
produire sur des appareils neufs et conçus de toutes pièces.
1° La consommation par cheval indiqué pourrait être abaissée à 900 ou
950 grammes. Un des moyens sur lesquels il y a lieu de compter et déjà
appliqué consisterait à élever la pression de régime à o et même à o
-40 NAVIGATION. — GÉME CIVIL ET MILITAIRE
atmosphères absolues. Avec cette pression, il est plus que probable qu'il
deviendrait pratiquement avantageux de taire travailler la vapeur succes-
sivement dans trois cylindres, ainsi que cela a été préconisé et appliqué
par M. B. Normand, du Havre, notamment sur le J.-B. Say, essayé à la
fin de l'année dernière. M. Benjamin Normand a obtenu aux essais une»
consommation de Okil. 870 par cheval et par heure, ce qui conduit à
penser qu'en service courant, la même machine ne dépassera pas sensi-
blement Okil. 900. Avec de plus hautes pressions et une disposition un
peu différente des trois cylindres, M. Perkins annonce des consomma-
tions de 0 kil. 6o0 par heure et par cheval. Mais ses expériences ne
sont pas encore aussi probantes que celles de M. Normand. Je crois que
la triple détente réussira avec certaines dispositions accessoires, à la
condition que les chaudières nouvelles fonctionnent à une pression de
5 à 6 kilogrammes pour centimètre au lieu de 4 kilogrammes, ce qui,
actuellement, est, en général, la limite pour les grosses machines mari-
nes. Le calcul indique qu'on doit, dans ces conditions, réaliser une
économie de 12 à 15 0/0. Contentons-nous toutefois d'espérer 1/J0. On
rendrait déjà disponibles sur l'approvisionnement de charbon 140 ton-
neaux de poids et le volume correspondant.
2° Le second perfectionnement dont je veux dire un mot consiste-
rait à diminuer le poids des chaudières en y rendant la combustion
plus active.
Sur les 920 tonneaux que nous avons comptés pour J'appareil moteur,
les chaudières représentent 464 tonneaux, c'est-à-dire plus de la moitié.
Il est permis de penser qu'on gagnera bientôt quelque chose sur
un poids aussi élevé, lorsqu'on sait que, dans les chaudières marines
actuelles, on brûle inoins de 1 kilogramme par décimètre carré de grilles
et par heure, tandis que, dans les locomotives, on atteint 4 et 5 kilo-
grammes.
Bien des raisons s'opposent à ce que, sur mer, on arrive à ce der-
nier chiffre; mais la question de rendre la combustion plus active a
déjà été étudiée dans de nombreux mémoires d'ingénieurs. Dès 18b'K,
elle a été traitée par Flachat et, tout récemment, dans un remarquable
travail, M. de Maupeou, ingénieur à Cherbourg, indique le tirage forcé
et l'emploi de ventilateurs aspirants comme devant amener la solution
du problème. Il y a, en outre, des faits d'expérience, notamment sur
certains bateaux du Rhône.
Tout en restant loin du chiffre des locomotives, supposons qu'on
arrive seulement à 2 kilogrammes par décimètre carré et par heure, il
en résulterait que le poids des chaudières pourrait déjà être diminué
d'environ 150 tonneaux. Admettons toutefois le chiffre de 100 tonneaux
seulement. Je dois dire ici que la condition de réussite complète d'une
DAYMARD, — ÉTUDE SUR LES PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES 241
marche à une pression plus élevée et d'une combustion plus active,
réside dans la perfection du travail d'exécution des chaudières, qui
devraient être laites comme des pièces d'ajustage proprement dites, ce
qui, d'ailleurs, n'a rien d'impossible, et c'est un point que je recom-
mande tout particulièrement à MM. les constructeurs.
3° Si nous envisageons le combustible lui-même, il y a aussi des pro-
grès à atteindre.
Sans aller jusqu'à compter sur l'emploi du pétrole liquide, dont
M. l'ingénieur Mangin a pu cependant, en utilisant les travaux de
M. Sainte-Claire Deville, se servir avec succès sur un petit bateau porte-
torpilles que j'ai vu fonctionner à Hochefort, on doit espérer obtenir, à
poids et à volume égal, des combustibles marins d'une plus grande puis-
sance calorifique que ceux usités aujourd'hui ; je puis même, à ce sujet,
vous donner mieux que des espérances et citer des résultats déjà obtenus
par notre Compagnie.
Dans l'usine d'agglomérés de Saint-Nazaire, sur l'initiative d'un des
administrateurs, M. E. Pereire, on a fabriqué avec des menus de Car-
dif des briquettes additionnées de pétrole ou d'huiles lourdes, qui, à
poids égal, ont présenté un pouvoir calorifique supérieur de près de un
cinquième à celui des meilleurs charbons.
Le prix du kilogramme est augmenté, il est vrai, dans la même pro-
portion; mais en attendant mieux, il reste pour la navigation le béné-
fice de la diminution du poids et du volume.
Au lieu du chiffre de 1/5 indiqué par de premières expériences, bor-
nons-nous à celui de 1/10.
Ce bénéfice, cumulé avec l'abaissement de 1/10 dans la consommation
par cheval, amènerait une diminution de 266 tonneaux dans le char-
bon nécessaire à notre traversée transatlantique et réduirait l'approvi-
sionnement de 1,400 à 1,134 tonnes.
C'est donc en tout 266 tonneaux et le volume correspondant qu'on
peut légitimement espérer rendre disponibles pour le chargement, ou
qui permettraient encore une nouvelle augmentation de vitesse, s'il était
jugé utile et prudent de dépasser seize nœuds dans la navigation spé-
ciale qui nous occupe.
Messieurs, je résume cette question des perfectionnements nouveaux
possibles dans les machines marines, en proposant, comme but à vos
recherches théoriques et pratiques, les moyens de les affirmer et de les
étendre. Ce qu'il faut^pour cela, c'est :
1° Améliorer la construction ou les dispositions des chaudières de
manière à rendre choses courantes l'emploi d'une pression de 5 à 6 ki-
logrammes par centimètre et une combustion de 2 kilogrammes par
décimètre carré de surface de grille et par heure;
16
242 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
2° Rechercher et fabriquer au besoin un combustible doué d'une
grande puissance calorifique, dût son prix de revient être proportionné
et même légèrement supérieur à cette puissance.
Enfin, je termine en signalant à ceux d'entre vous qui sont disposés
à rechercher des perfectionnements aux navires, ce principe d'architec-
ture navale dont l'importance ressort de tout ce qui précède; il faut
tendre, par tous les moyens, à obtenir un effet d'Hermine avec le moindre
poids et sous le plus petit volume possibles.
M. G. FLOÏÏKENS
Ingénieur Chimiste.
PROCÉDÉ DE CLAIRÇAGE POUR LA FABRICATION DU SUCRE RAFFIN
EN MORCEAUX RÉGULIERS (1).
Séance du -'■') août 1877. —
M. Pierre GELLIEZ
îcnieur, inspecteur du Contrôle Je l'exploitation coi erciale des tramway.
des départements de Seine et de Seine-et-Oise.
DE L'EXPLOITATION DES TRAMWAYS A PARIS.
— Séance du 29 août 1877. —
Les tramways ont été introduits à Paris vers 1855, à un moment où,
depuis plusieurs années, cette voie de transport fonctionnait déjà en
Amérique, aussi leur donna-t-on à cette époque le nom de chemin de
fer américain.
Le concessionnaire de la première ligne établie dans Paris fut M. Lou-
bat, pour une durée de trente années, pour des voies ferrées desservies
par des chevaux, à établir de Vineennes au pont de Sèvres et au rond
point de Boulogne. (Concession du 18 lévrier 1854.)
Cette seule concession fut exploitée jusqu'en 1870 de la place de la
Concorde vers Sèvres et Boulogne.
Après la guerre de 1870-71 la voie fut prolongée jusqu'au Louvre.
lit Bulletins de la Soeielé industrielle du nonl de la France, a- 20, année 1877-
P. CELLIE/.. — DE L EXPLOITATION DES TRAMWAYS A PARIS 243
Le 9 août 1873, un décret d'utilité publique concéda au département
de la Seine l'autorisation d'établir un réseau de voie terrée.
Le 18 octobre 1873 un décret approuvait les traités passés par le
département de la Seine : 1" Avec la compagnie des Omnibus, 2° avec
la compagnie des Tramways extérieurs du nord pour l'exploitation d'un
réseau de voies ferrées à traction de chevaux dans Paris et la banlieue.
Le o juin l8~o, un décret approuvait le traité passé entre le départe-
ment de la Seine et la compagnie des Tramways de Paris pour l'éta-
blissement et l'exploitation du réseau extérieur du sud des voies ferrées
à traction de chevaux dans Paris et la banlieue.
La voie adoptée aujourd'hui pour les tramways a ln\ii d'éeartement
entre les rails. L'ancienne concession Loubat porte seule un écartement
de lm,oi du Louvre vers Sèvres et Saint-Clond.
Voie. — Je ne dirai rien ici de la construction de la voie que le lecteur
trouvera en détail dans les publications techniques; si ce n'est pour
signaler une disposition ingénieuse adoptée à Paris par la Compagnie
des Omnibus.
L'emploi des plaques tournantes sur la voie publique n'étant pas
encore rendu pratique, la voiture doit être symétrique pour pouvoir
circuler dans les deux sens.
La Compagnie des Omnibus a résolu le problème d'une autre ma-
nière, qui permet d'employer des voilures à avant-train mobilisable,
fermées complètement à l'avant. Pour cette solution, elle place aux tètes
de ligne ce qu'elle appelle des boucle* de braquement. La boucle de bra-
quement est une partie quasi-circulaire qui relie les voies d'aller et de
retour en traçant séparément dans cette partie les chemins parcourus par
les roues d'avant et par celles d'arrière de la voiture ; plus simplement :
la boucle comprend deux voies : une pour l'essieu d'avant et l'autre
pour celui d'arrière.
Cette combinaison permet de diminuer le rayon de courbure et de
pouvoir ainsi circuler assez facilement dans presque tous les cas diffi-
ciles qui peuvent se présenter avec une voiture non symétrique.
Matériel roulant. — Les voitures omnibus destinées au transport sur
les tramways à Paris appartiennent à trois types généraux.
La Compagnie des Omnibus a adopté une voiture à une seule entrée,
à avant-train mobilisable, qui peut contenir 48 voyageurs, à savoir :
20 à l'intérieur, 6 sur la plate-forme et 22 à l'impériale. L'intérieur et
la plate-forme sont de lre classe, et l'impériale seule est de 2e classe.
L'entrée de la voiture est placée en arrière à droite.
La Compagnie des Tramways Sud a adopté une voiture symétrique à
deux entrées^ deux plates-formes. Elle peut contenir 46 voyageurs, sa-
voir : 16 à l'intérieur, 12 sur les plates-formes et 18 à l'impériale. L'in-
244 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
teneur et les plates-formes sont de lre classe et l'impériale seule est de
2e classe.
La Compagnie du Sud pour les lignes comportant la traction à vapeur
a été tenue de couvrir les impériales pour éviter la projection de flam-
mèches, escarbilles ou vapeur sur les voyageurs.
La Compagnie des Tramways Nord a adopté un type de voitures
symétrique, sans impériale, qui contient seulement 32 voyageurs, sa-
voir : 16 voyageurs de lre classe à l'intérieur et 16 voyageurs de
2° classe sur les plateformes.
Freins. — Les freins adoptés sur ces voitures sont : le frein à chaînes
et à enroulement, pour les compagnies du Nord et du Sud, et le frein
à levier manœuvré par une vis à filets carrés et un volant pour la Com-
pagnie des Omnibus. Le premier de ces systèmes donne de très bons
résultats et le cocher est maître d'arrêter dans un espace de temps
suffisamment court, 9 à 12 mètres ordinairement.
11 n'en est pas de même du frein adopté par la Compagnie des Om-
nibus; les dimensions en sont trop faibles et la manœuvre trop lente.
Tous les freins des deux systèmes sont en fonte et les roues sont en
acier ou en fonte, ce qui met ces appareils dans de mauvaises condi-
tions.
Aérage et chauffage. — L'aérage des voitures, principalement en été,
et le chauffage en hiver, sont deux questions connues qui n'ont pas
encore reçu de solutions satisfaisantes.
L'aérage n'est pas réglé et le chauffage coûte trop cher avec des
appareils trop compliqués.
Traction. — La traction est faite soit par des chevaux soit à vapeur.
Traction par chevaux. — La traction par chevaux est appliquée à
Paris, suivant deux systèmes différents : La Compagnie des tramways
Nord attelle sans timon, et la Compagnie des Omnibus et celle des
tramways Sud ont un timon.
Dans le système de voitures, adopté par la Compagnie des Omnibus,
le timon est indispensable à raison de l'avant train mobile. Il n'en est
pas de même dans les voitures symétriques.
Le timon a ses avantages et ses inconvénients. Suivant nous dans les
tramways le rôle du timon doit être beaucoup moins important que
dans les voitures ordinaires. Dans les tramways, il ne doit servir que
pour l'attelage des chevaux et non pour l'arrêt de la voiture qui doit
toujours être fait avec le frein. Aussi sommes-nous d'avis qu'un timon
sera toujours trop faible pour retenir seul la voiture, et que c'est un
faux calcul que de chercher sur une voie; ferrée à retenir avec un timon
et 2 chevaux, une voiture qui pèse vide, environ 2,o00 lulogr.
Dans les voitures de la Compagnie des Omnibus, le timon est fixé à
P. CELLIEZ. — DE [/EXPLOITATION DES TRAMWAYS A PARIS 245
l'avant train. Dans celles delà Compagnie des tramways Sud, le timon
et les palonniers forment un ensemble mobile pour permettre de chan-
ger facilement l'attelage de bout.
La Compagnie des tramways Sud emploie dans ses écuries, la litière
eu sciure de bois, système qui a été inauguré à Paris par la Compa-
gnie des petites voitures. Elle donne comme nourriture une ration
composée de 5 kil. d'avoine, 2 kil. 500 de maïs, 0\300 de faverolles
concassées et 1 kil. de paille hacher.
Le nombre des chevaux affectés à une voiture, varie avec la longueur
de la ligne; il est généralement compris entre 8 et 12, et calculé de
telle manière <pie le trajet parcouru par un cheval soit de 20 à 24 kilo-
mètres par jour.
Traction à vapeur. — La traction à vapeur qui a été autorisée à titre
d'essai, sur la ligne de Montparnasse à la Bastille, a donné des résul-
tats satisfaisants au point de vue : I" de la possibilité de l'application
de ce système sur des voies publiques fréquentées par de nombreuses
voitures, 2° des services qui peuvent Atre rendus par ce mode de trac-
tion lorsqu'une ligne est appelée à un grand trafic.
Le matériel avec lequel cet essai a été pratiqué n'a malheureusement
pas été suffisamment étudié pour l'usage auquel il est destiné.
La machine employée par M. Harding, construite chez MM. Merry-
weather, habiles constructeurs anglais qui ont doté les pompiers des
pompes à vapeur, est trop faible de constitution générale et pèche par
deux points capitaux : le foyer et le réservoir de vapeur sont trop exigus;
en outre la masse de l'eau et la quantité de combustible que l'on peut
avoir en service dans cette machine, sont trop faibles pour le travail
qui lui est demandé d'une manière permanente. Le mécanicien obligé
de manœuvrer constamment, et le chauffeur de corner avec la trompe
pour avertir du passage de la voiture sur la voie publique, n'ont pas le
temps nécessaire pour donner à cette machine tous les soins qu'elle
exigerait pour fonctionner utilement et économiquement.
La machine Harding est une machine de la force de 5 chevaux en-
viron. Elle a la forme d'une petite locomotive à quatre roues couplées;
elle est enveloppée d'une cage en tôle montant à hauteur de la cein-
ture et est surmontée d'un toit que traverse la cheminée; l'avant et
l'arrière sont munis de vitrages pour garantir les conducteurs de la
pluie et de la poussière.
Cette machine est la seule qui ait été essayée d'une manière complète ;
c'est-à-dire qu'elle a été employée exclusivement pour la traction de la
ligne de Montparnasse à la Bastille, depuis bientôt un an.
Deux autres machines vont être essayées, ce sont celles de MM. Mé-
karski et celle de M. Franck.
240 NAVIGATION. GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
La première a pour principe l'emploi, dans un cylindre, d'air com-
primé mêlé à de la vapeur d'eau; à cet effet, la machine qui fait corps
avec la voiture est alimentée par des réservoirs d'air comprimé chargés
aux stations terminus. Cet air traverse un appareil nommé bouillotte
qui renferme de l'eau à une température de lô'O0 environ, correspondant
à 4 ou 5 atmosphères de pression, et ensuite un régulateur dépression.
Cette addition de vapeur d'eau évite les inconvénients ordinaires de
l'air comprimé employé comme force motrice dans un cylindre, consis-
tant dans la formation du grésil produit par le refroidissement causé
par la détente de l'air comprimé.
La machine de Franck est une locomotive sans foyer, soit un réservoir
de vapeur comprimée, séparé de sa chaudière, auquel est joint un mé-
canisme. Le principe est celui-ci : on part d'une station, où se trouve
une chaudière fixe, à l'aide de laquelle on introduit dans le réservoir
de la machine, 1,700 litres d'eau à la température de 200° environ,
sous la pression de 15 atmosphères; cette vapeur est détendue dans un
régulateur très-ingénieux, qui permet de l'employer dans les cylindres à
une pression variant de une atmosphère à la pression intérieure du
réservoir.
Cette machine contient une provision de vapeur suffisante pour pou-
voir fonctionner sur un parcours de 14 kilomètres environ, dans des
conditions moyennes. Le réservoir de vapeur est protégé contre le refroi-
dissement par une couche d'air de 30 centimètres, une couche de liège
de lo centimètres et une couche de bois de cèdre de 15mm.
La difficulté d'avoir une chaudière fixe donnant de la vapeur à lo at-
mosphères n'a pas encore permis de faire d'essais complets de cette ma-
chine, dont le principal avantage est de permettre la production de
vapeur dans des conditions très-économiques, et d'éviter le transport sur
la voie publique d'un foyer produisant de là vapeur. Elle a des combi-
naisons très-ingénieuses pour éviter le refroidissement ainsi que l'échap-
pement de la vapeur sur la voie publique, et pour recueillir par un con-
denseur à surface, la vapeur d'échappement.
Enfin, un seul homme suffit pour la conduire. Un système complet
de manœuvre se trouve à chaque extrémité, et le conducteur est tou-
jours ainsi à l'avant de la machine. Un toit léger protège la machine et
le conducteur contre les intempéries.
Les dimensions "principales des machines Harding et Franck sont les
suivantes :
I'. CELLIEZ. — DE L'EXPLOITATION DKS TBAMWAYS A PARIS 247
HARDING. FRANCK.
Longueur de la cage 2"\700 2"l,900
Largeur 2»200 2m,100
Hauteur au-dessus du sol 2"',700 2">,800
— de la cheminée. . . . i"V200 3m,000
Diamètre 0™,220 x
Longueur de la chaudière 1"\"00 2'»,000
Longueur du foyer 0m,450 »
Largeur 0"\<>00 »
Hauteur 0"\600
Écartement des essieux !m/*00 l"\300
Longueur lm,450 l"1/*-"
Diamètre 0»,090 x
Diamètre des roues 0m,620 0»',7o0
Épaisseur de la jante 0ra,012 x
Diamètre intérieur des cylindres 0m,l.'»"i 0m,230
Course du piston 0"\2i0 0-«,250
Hauteur du plancher 0m.OC,:i i»",070
Hauteur du garde-fou 0m,085 i»"',085
Poids maximum d'eau chaule » 1,100
Poids de la machine vide 2,000* 3,200*
_ _ en service 6,000* 7,700k
Hauteur du dôme » lm,000
Diamètre » °nN700
Épaisseur de la tôle du dôme » 0m,01-*
Tube réservoir (diamètre) » 0m,lb0
— (épaisseur de la tôle). . . » 0""\00<>
Bâche à eau froide (contenance) 0mr,200
Consommation de coke (par 12 h.). . . . 200kà250* se
Timbre de la chaudière l°k ™
La traction à vapeur, transportant le public plus rapidement, et per-
mettant au moteur de s'arrêter pour ainsi dire instantanément, exige
(pour en retirer tous les avantages) la présence d'un serre-frein, ou
second conducteur sur la voiture. La recette devant se faire plus rapi-
dement, un seul conducteur suffit difficilement, pour faire monter et
descendre les voyageurs , et surtout pour empêcher le public de descen-
dre imprudemment.
Jusqu'à ce jour, la Compagnie du Sud a employé deux conducteurs;
elle se propose d'en supprimer un incessamment.
Statistique. — Les lignes actuellement en exploitation à Paris, dans le
département de la Seine, sont les suivantes :
248 NAVIGATION. GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Par la Compagnie des Omnibus :
Longueur.
Louvre à Saint-Cloud 10\057
Louvre à Sèvres llk,30o
Louvre à Yincennes 8k,045
Étoile à la Yillette 6k,065
La Yillette au Trône. . 4k.5G8
Par la Compagnie du Sud :
Saint-Germain-des-Prés à Fontenay 8k,700
Saint-Germain-des-Prés à Yanves Gk,500
Cluny àYiHe^uif 5k,800
Le Trône à Montreuil 3k,37,"j
Étoile à Montparnasse 4k,lG0
Montparnasse à la Bastille lk,909
Par la Compagnie du Nord :
Suresnes à l'Étoile 7k,000
Neuilly à Saint-Augustin 4k,000
Gennevilliers à la place Moncey Gk,300
Saint-Denis à la place Moncey Gk,500
Saint-Denis à la place Jessaint 5k,800
Aubervilliers au Château-d'Eau Gk,000
Pantin au Château-d'Eau 5\200
Le trafic sur ces lignes s'est élevé, pondant les six premiers mois
de 1877, aux chiffres suivants :
Nombre des Voyageui
Louvre à Saint-Cloud 1,220,649
Louvre à Sèvres 519,584
Louvre à Vincennes. 4,976,945
Étoile à la Yillette 1,859,604
La Yillette au Trône 2,469,175
Saint-Germain-des-Prés à Fontenay 1,236,039
Saint-Germain-des-Prés à Yanves (3 mois). . 222,21;)
Cluny à Yillejuif 1,049,328
Château-d'Eau à Pantin 517,389
Aubervilliers au Château-d'Eau 1,003,713
Saint-Denis à la place Jessaint 1,417,525
Saint-Denis à la place Moncey 1,013,229
Gennevilliers à la place Moncey 1,306,764
Neuilly à Saint-Augustin 1,656,516
Courbevoie à Saint-Augustin 999,668
Suresnes à l'Étoile 2,151,055
De l'Étoile à Montparnasse 1,688,945
De Montparnasse à la Bastille 1,54 i,i~:>
2M..V;2.K22"
P. CELLIEZ. — DE L EXPLOITATION DES lUAMWAYs A PARIS 249
Le trafic des voyageurs dans les Tramways à Paris, d'après ces chiffres,
s'élève actuellement, en moyenne, à environ :
60 millions de voyageurs par an.
5 — — par mois.
165,000 — par jour.
La ligne la plus fréquentée est celle de l'Étoile à la Villette, qui trans-
porte dans les mois d'été plus d'un million de voyageurs par mois sur
un parcours de cinq kilomètres, ce qui donne 35,000 voyageurs par
jour :
7,000 voyageurs par kilomètre, par jour.
Le tratie sur cette ligne est le quadruple de ce qu'il était par les
Omnibus ordinaires autrefois.
Ces quelques aperçus montrent avec quelle faveur les Tramways ont
été accueillis par le public à Paris. C'est à peine s'ils sont nés, et cer-
taines lignes ne suffisent presque plus au transport des voyageurs qui se
présentent!
Le recrutement des chevaux, principalement de ceux nécessaires pour
les lourds véhicules de la Compagnie des Omnibus, se fait déjà difficile-
ment; aussi croyons-nous que, dans un avenir prochain, la traction se
fera à vapeur, surtout pour les lignes de banlieue, qui ont de longs espaces
à parcourir sans arrêt.
La traction à vapeur offrira en outre des avantages certains, entre
autres : la facilité de monter en vitesse de* rampes que les meilleurs
chevaux ne pourront jamais franchir qu'au pas; la possibilité d'avoir en
magasin un matériel (moteur et voitures) qui ne coûte presque rien
d'entretien, et qui, un jour d'affluence du public, permettra d'augmen-
ter les moyens de transport sans augmentation sensible de personnel, en
donnant des facilités de pouvoir atteler deux voitures (et même peut-
être plus de deux) sur le même moteur.
Au moment de mettre sous presse ces quelques notes, six nou-
velles lignes viennent de faire l'objet d'un décret de concession, à
savoir :
1° Une ligne du cimetière Saint-Ouen à la Bastille, par les boulevards
Ornano, Magenta, Voltaire et Richard-Lenoir ;
"2" Une ligne du Louvre à Charenton, parles rues de Rivoli et Saint-
Antoine et le boulevard Contrescarpe et les quais ;
3° Une ligne de la Chapelle au square Monge, par le faubourg Saint-
Denis, les boulevards de Strasbourg, Sébastopol et Saint-Michel et la rue
des Ecoles;
250 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
4° Une ligne de la porte de Montrouge à la gare de l'Est (ancien
Omnibus) ({) ;
5° Une ligne du cours de Vincennes à la rue aux Ours, par le boule-
vard Voltaire et la rue Turbigo (2) ;
6" Une ligne du Louvre à Passy (Beauséjour), par les quais, l'avenue
du Trocadéro et la Muette.
M. REMÏÏD
Ingénieur des ponts et chausse'; au Havre
NOTE SUR LES TRAMWAYS DU HAVRl.
— Séance du 29 août 1877. —
Description du réseau. — Le réseau des tramways du Havre, actuel-
lement en exploitation, comprend deux lignes :
La première part de Graville, et va à Frascati, en passant par l'Hôtel-
de-Ville; elle suit la rue de Normandie, la grande rue d'Ingouville et
la rue de Paris.
La seconde ligne se sépare de la première au rond point du cours
de la République ; elle passe également sur la place de l'Hôtel-de-Ville,
pour aboutir à Sainte- Adresse. Elle emprunte le Cours, le boulevard de
Strasbourg, la rue d'Etretat et la rue de Sainte-Adresse.
La ligne de Sainte-Adresse s'arrête aujourd'hui à l'octroi du Havre ;
elle sera prochainement prolongée jusqu'au centre du village de ce
nom.
La ville du Havre a été également déclarée concessionnaire d'une
ligue de tramways, destinée à desservir le quartier de l'Eure et les prin-
cipaux entrepôts du Havre.
Mais diverses circonstances en ont fait ajourner la construction jus-
qu'à ce jour.
L'ensemble du réseau a été rétrocédé à la Compagnie générale fran-
çaise de tramways, qui l'exploite aujourd'hui.
Les premières voitures ont circulé le 1er février 1874.
Au 31 décembre dernier, la longueur livrée à la circulation était de
8,207 mètres.
H) Ouverte le 27 décembre 1877-
(2) Ouverte le i" décembre \ 877.
RENAUD. — NOTE SUB LES TRAMWAYS DU HAVRE 251
Résultats de l'exploitation. — L'exploitation a donné en 1877 les
résultats suivants :
Les ears ont transporté 3,379,038 voyageurs, ayant produit une
recette brute deo69.4II t'r.Oo, ce chiffre correspond à un produit moyen,
par voiture et par jour de 104 fr. Le rapport des dépenses journalières
aux recettes brutes a été de 0,65. Les frais de traction sont rassortis à
0,27 par kilomètre parcouru.
La Compagnie possède 25 voitures; 15 sont en service chaque jour;
ce chiffre est porté ù 21 les dimanches et les fêtes.
Chaque voiture pèse 1,500 kilogrammes et porte 30 voyageurs dont 8
en première classe, autant en seconde classe, et 7 sur chacune des
plateformes. '
La cavalerie se compose de 1L6 chevaux, et le personnel comprend
82 agents. Chaque cheval travaille en moyenne 2 heures 1/2 par jour,
et parcourt de 19 à 20 kilomètres.
Voie. — La voie a une largeur de lm,44de dehors en dehors des rails ;
dans les parties à double voie, l'entrevoie est de 1"\I0.
Les lignes exploitées actuellement ont été construites avec des rails
en fer, pesant 16 kilog. par mètre courant, posés sur des longrines en
sapin, que relient des traverses de même essence.
Les rails ont été fixés à l'origine avec des vis, puis avec des bou-
lons.
La Compagnie a reconnu que ces voies étaient trop faibles, et le mode
d'attache insuffisant.
Elle adopte aujourd'hui le rail d'acier, pesant 21 kilog. par mètre, et
l'essence de chêne pour les longrines et les traverses. Elle substitue aux
vis et aux boulons d'attache, des crampons posés latéralement.
Là où cela était possible, la voie a été doublée, ou, tout au moins,
les garages ont reçu des longueurs considérables de manière à éviter
les arrêts dans le service.
Les rues et les boulevards empruntés par les tramways ont générale-
ment de grandes largeurs et de faibles pentes.
La ligne de Graville à Frascati a dû, toutefois, passer dans la rue
d'Ingouville, où la largeur entre trottoirs tombe à 5m,70; sur 210'" de
longueur, la voie longe un des trottoirs.
La ligne de l'Hôtel-de-Ville à Sainte- Adresse a emprunté sur 477
mètres la rue d'Etretat; la largeur entre trottoirs est de 7 mètres, et
celle entre les façades de 10 mètres. La voie est au milieu de la chaus-
sée ; dans ce passage, les rampes atteignent 0m,044.
La plus petite courbe a un rayon de 20 mètres, elle se trouve dans la
rue d'Ingouville.
Voitures. — Les voitures sont d'un type léger et commode. Construi-
2o2 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
tes d'abord avec une roue- folle par essieu, elles ont aujourd'hui toutes
roues fixes, avec boîtes d'essieu du système Delettrez. Elles sont munies
à chacune de leurs extrémités d'un frein à treuil. Elles vont indifférem-
ment dans un sens ou dans l'autre.
Tarifs. — Les prix sont, pour une première section ou fraction de
section parcourue, de 0,15' en lro classe; on paie uniformément 0,10
pour toute section ou fraction de section suivante, quelle que soit la
classe.
La longueur des sections varie de 1,500 à 2,000 mètres.
Exploitation. — La Compagnie a établi ses écuries et ses remises
au terminus de Gra ville; l'installation en est bien entendue.
Des kiosques d'attente ont été posés aux principales stations.
Les cars partent chaque matin de (ii avilie pour se répandre dans la
ville.
Le service commence le matin à 7 heures en été, et à 8 heures en
hiver; il finit suivant la saison, à 10 ou 11 heures du soir.
La vitesse moyenne des voitures ressort à 9 kilom. par heure.
La traction est faite par un seul cheval en dehors des points à forte
pente, où un cheval de renfort devient nécessaire.
La Compagnie essaie depuis quelque temps d'atteler des mules d'Es-
pagne ; cette expérience paraît devoir donner de bons résultats au point
de vue des dépenses de traction.
M. A. LAÏÏSSEMT
Colonel 'lu sn'-nie.
LES PROGRÈS RÉCENTS DE L'AÉRONAUTIQUE.
— Séance ■/« m août ls~7. —
lout le monde sait avec quel enthousiasme fut accueillie la décou-
verte de Montgolfier presque aussitùl perfectionnée par le physicien
Charles, mais restée pendant de longues années dans le même état,
entre les mains des aéronautes de profession. Ce que l'on sait moins,
c'est qu'un illustre ingénieur militaire qui fut un des meilleurs géo-
mètres et physiciens de son temps, le général Meusnier, mort de ses
blessures, à Mayence, en 1793, à l'âge de quarante ans, avait consacré
près de dix années de sa trop courte existence à la solution du problème
A. LAUSSEDAT. — LES PROGRÈS RÉCENTS DE i/ AÉRONAUTIQUE 253
si délicat de la navigation aérienne el qu'il avait approché du but au-
tant qu'on le pouvait taire de son temps.
Les mémoires de Meusnier, que nous possédons heureusement dans
leur entier, sont si peu connus que, tout récemment, une commission
académique chargée d'apprécier l'œuvre d'un autre éminent ingénieur,
31. Dupuy de Lôme, n'a t'ait allusion qu'à la poche à air imaginée par
Meusnier pour taire monter ou descendre son aérostat, sans perte de
gaz ni de lest, et que M. Dupuy de Lomé emploie pour tenir l'étoile du
ballon constamment tendue. 11 est même dit positivement dans le rap-
port au ministre de l'instruction publique que Meusnier ne s'était pas
occupé de diriger les ballons. Or les mémoires dont j'ai parlé plus
haut contiennent un projet d'aérostat dirigeable dans lequel la forme
allongée du ballon, l'emploi de l'hélice et celui du gouvernail sont non-
seulement indiqués, mais élucidés, illustrés, comme on dirait aujourd'hui;
par des dessins, des calculs et les devis nécessaires pour en arriver à
l'exécution.
L'illustre physicien n'avait à sa disposition que des moteurs animés
pour faire tourner ses hélices, mais il avait eu soin de recommander
aux aéronautes de sonder l'atmosphère, en s'y élevant, et de' rechercher
les courants qui pouvaient les aider à avancer dans la direction qu'ils
avaient en vue ou ceux qui s'en éloignaient le moins. 11 avait égale-
ment pressenti les progrès que l'aérostation est appelée à faire Taire à
la météorologie.
Les travaux de Meusnier n'ont cependant pas été ignorés de tout le
monde, car c'est en les prenant pour point de départ qu'un auteur dis-
tingué, M. Marey-Monge, a proposé le premier de faire progresser des
ballons allongés munis d'une hélice et d'un gouvernail, à l'aide de
machines à vapeur. Le mémoire de M. Marey-Monge, sur lequel un rap-
port très-détaillé avait été fait à la Société d'encouragement par le
regretté professeur du Conservatoire, M. Alcan, fut publié chez Mallet-
Bachelier en 1847.
En 1851 et en 1855, deux tentatives hardies furent faites par
M. H. Giffard pour diriger un ballon allongé au moyen d'une petite
locomobile à cheminée renversée ; mais les conditions clans lesquelles
expérimentait cet ingénieur étaient peu favorables, el l'on ignore
s'il est parvenu à mesurer la vitesse imprimée à son ballon par
le moteur et la déviation qui en résultait par rapport à la direction
du vent.
A l'époque où Marey-Monge proposait l'emploi de la vapeur, les
machines connues atteignaient un tel poids, par force de cheval, qu'il
eût fallu accroître prodigieusement le volume des ballons pour pouvoir
enlever les machines et pour compenser par la puissance de ces der-
-oi NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
nières la résistance de l'air au mouvement du système. Il en était en-
core de même en 1851 et en 185o ; aussi les aéronautes de l'école de
Marey-Mongc sont-ils restés sous cette impression et parlent-ils toujours
d'aérostats colossaux, tandis qu'il est bien préférable et très-possible
aujourd'hui de recourir à des aérostats d'un faible volume, suffisants
pour enlever des machines déjà assez puissantes pour les entraîner dans
la plupart des circonstances atmosphériques.
M. Dupuy de Lôme, à qui l'on est redevable de l'étude la plus com-
plète et la plus savante qui ait été faite sur les aérostats dirigeables, n'a
pas voulu recourir aux machines et s'est contenté de la force muscu-
laire d'un certain nombre d'hommes pour mettre son hélice en mou-
vement. J'ai déjà dit que le célèbre ingénieur avait pensé à assurer la
rigidité de l'enveloppe de l'aérostat au moyen d'une poche ou ballonet
intérieur, dans lequel un ventilateur manœuvré de la nacelle permettait
d'introduire de l'air au fur et à mesure de la déperdition du gaz. Enfin,
il faut ajouter que personne avant M. Dupuy de Lôme n'avait résolu
avec autant de succès le problème de la suspension de la nacelle au
ballon allongé, ce à quoi il est parvenu à l'aide de deux filets disposés
de la manière la plus ingénieuse et qui assurent la solidarité parfaite
des différentes parties du système.
Quand, le 2 février 1872, M. Dupuy de Lôme lit l'essai de son aéros-
tat, le vent était d'une violence extrême et la force motrice dont il dis-
posait était insuffisante pour lui permettre d'obtenir une déviation bien
sensible. Aussi, dans le public ordinaire, considère-t-on cette expérience
comme un échec, tandis qu'en réalité, elle a tenu tout ce qu'il était
raisonnable d'en attendre. Le calcul montre en effet de la manière la
plus simple qu'avec un vent de 16 à 17 mètres par seconde, les huit
hommes qui faisaient tourner l'hélice ne pouvant imprimer au ballon
qu'une vitesse de 2m,80, la déviation devait être de douze degrés envi-
ron t et c'est cette déviation qui fut constatée par M. Dupuy de Lôme
et par son collaborateur, 31. l'ingénieur Zédé, toutes les fois que les
hommes faisaient tourner l'hélice.
M. Dupuy de Lôme était donc en droit d'affirmer, comme il l'a fait,
que si l'on substituait huit chevaux-vapeur aux huit hommes d'équipe,
on parviendrait, avec le même aérostat « à se dévier du lit du vent
d'un angle considérable, par les vents ordinaires, et même assez sou-
vent à faire route, par rapport à la terre, dans toutes les directions
qu'on voudrait suivie ».
A peu près dans le même temps que M. Dupuy de Lôme étudiait
avec une si grande supériorité la question de la direction des aérostats,
un ingénieur autrichien, M. llaenlein, parvenait à réunir les fonds
nécessaires pour construire un ballon allongé qu'il se proposait de cou-
A. LAUSSEDAT. — LES PROGRÈS RÉCENTS DE L* AÉRONAUTIQUE 25o
duire à l'aide d'un moteur à gaz. L'expérience a été tentée à Brùnn,
en Moravie, en 1N"3, mais le poids de l'étoffe et l'emploi du gaz de
l'éclairage an lieu de gaz hydrogène ont contribué à empêcher le ballon
d'avoir une l'orée ascensionnelle suffisante et il a fallu se contenter,
quand le moteur a été soulevé à une assez faible hauteur, de le l'aire
fonctionner, tout en maintenant le ballon à l'état captif, et de constater
la tendance de celui-ci à progresser dans une direction différente de
celle du vent.
Tel était l'état de la question des aérostats dirigeables, quand M. le
ministre de la guerre institua une commission spéciale pour examiner
le parti (pie l'on pouvait tirer des ballons dans les opérations mili-
taires.
Je m'abstiendrai d'entrer ici dans des détails qui n'auraient aucun
intérêt pour la section et je me bornerai à parcourir rapidement les
principaux sujets qui ont été étudiés par cette commission que des jour-
nalistes mal intentionnés ou mal renseignés n'ont pas craint d'accuser
publiquement de négligence ou d'insuffisance, en réservant leurs éloges
pour des étrangers dont personne n'a vu les œuvres.
Cette énumération, qui sera suivie d'explications verbales données
par un des officiers qui ont le plus étudié la question de l'aérostation,
est d'autant plus nécessaire que d'autres personnes publient aujourd hui
des procédés entièrement analogues à ceux imaginés il y a deux ans et
plus, par les membres de la commission qui s'efforçaient de les tenir
secrets, mais qui, ne le pouvant plus, sont obligés de les l'aire connaître
pour ne pas se trouver exposés à être taxés de plagiat.
Je commencerai par une remarque dont l'importance ne saurait vous
échapper.
En attendant que les expériences nécessaires aient été faites et conti-
nuées aussi longtemps qu'il le faudra avec les ballons dirigeables, il
était prudent de ne pas renoncer aux ballons libres qui ont été si utiles
pendant le siège de Paris, mais il était indispensable de perfectionner
leurs organes restés pour la plupart tels que Charles les a imagines,
c'est-à-dire dans un état tout à fait imparfait et peu digne des progrès
récents de la mécanique.
Enfin, il était intéressant de reprendre les essais des ballons captifs
si brillamment inaugurés par les aérostiers de la première République
et bientôt abandonnés sans qu'on ait jamais bien su pourquoi.
Les études à entreprendre devaient donc embrasser les ballons cap-
tifs, les ballons libres ou ballons-poste et les ballons dirigeables.
Ballons captifs. — il n'y avait rien de mieux à faire que de reprendre
ies errements des Conté et des Coutelle dont nous avions entre les
256 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET .MILITAIRE
mains les mémoires et les remarquables dessins. Nous avons donc
entrepris l'étude de la résistance des étoffes et reconnu la nécessité
d'employer d'excellente soie. x\Tous avons étudié de même la résistance
des cordages et choisi ceux qui, sous le moindre poids, offraient le plus
de garantie de solidité. Des appareils spéciaux et très-précis ont été
construits pour faire ces essais.
L'imperméabilité de l'aérostat au gaz hydrogène avait été obtenue par
l'application d'un vernis dont Conté avait indiqué assez vaguement la
composition. MM. le commandant Delambre et le capitaine Renard,
après d'assez longues recherches parfaitement conduites, ont retrouvé ce
vernis et nous sommes certains que les ballons dont l'étoffe en est
recouverte se conserveraient, comme les ballons des armées de Sambre-
et-Meuse et du Rhin, gonflés pendant des mois entiers. Un appareil
très-délicat a été construit par les mêmes officiers pour constater l'im-
perméabilité des étoffes enduites de vernis, sous des pressions déterminées
et supérieures à celles qui existent dans. les ballons.
Au lieu de cordages nombreux tenus par des hommes, on a adopté
un seul câble manœuvré à l'aide d'un cabestan muni d'un frein très-
simple et très-sûr. Le mode de suspension de la nacelle a été l'objet
d'une étude particulière de la part de M. le capitaine Renard.
Enfin, ce même officier avait trouvé un procédé rapide et économique
de fabrication de l'hydrogène par la voie humide. L'idée de ce procédé,
que Thénard, membre d'une commission d'aérostation militaire instituée
sous la Restauration, n'a pas eue en 1828, paraît être venue, à peu près
en même temps, à M. Renard et à un ingénieur bien connu qui l'a fait
communiquer ici même à la section de chimie. Il est de mon devoir
toutefois de déclarer que tous les membres de la commission et M. le
ministre de la guerre lui-même connaissaient ce procédé depuis le mois
d'août 187o, date du dépôt du mémoire de M. Renard au ministère et
dans les archives de la commission, d'où il n'est sorti que du mois de
novembre 1875 au mois d'avril 1876, pour être confié au constructeur
Flaud.
Ballons-poste. — Les organes essentiels qui ont été perfectionnés par
la commission sont au nombre de trois : la soupape, le lest et les appa-
reils d'arrêt.
En comparant la soupape, dont la description sera donnée de vive voix
par M. le capitaine Renard qui l'a imaginée, avec celle qui est en usage
dans les ballons ordinaires, on pourra se faire une idée de la différence
de leur fonctionnement et de la sécurité qui en résulte pour les aéro-
nautes.
Au lieu de lest solide, on a eu recours au lest liquide et l'on a cherché
A. LAISSEDAT. ^- LES PROGRÈS RÉCENTS DE L'AÉRONAUTIQUE 257
un fluide qui ne puisse pas se congeler aux plus basses températures de
l'atmosphère accessible. La soupape et le vide-lest peuvent fonctionner
automatiquement et maintenir le ballon ù une hauteur déterminée à
l'avance, sans que l'aéronaute ait besoin d'intervenir constamment lui-
même.
Parmi les moyens d'arrêt expérimentés par la commission, se trouvent
l'ancre-javelot de Meusnier et une sorte de herse en ter imaginée par
M. le capitaine d'infanterie de La Haye.
Les expériences ne sont pas terminées, mais les résultats qu'elles ont
déjà donnés au dynamomètre t'ont prévoir que ceux auxquels on arrivera
dans la pratique seront satisfaisants. Il y a là toutefois des difficultés
sérieuses et la commission ne se tlatte pas de les avoir toutes sur-
montées.
Enfin quiconque a mis le pied dans la nacelle d'un ballon ordinaire a
pu remarquer la confusion qui y régne le plus habituellement. A l'excep-
tion des savants qui, depuis Gay-Lussac jusqu'à M. Glaisher, ont dû,
pour faire leurs observations, disposer leurs appareils avec soin, on peut
dire qu'en général les aéronautes négligent absolument de mettre de
l'ordre dans l'aménagement de la nacelle.
Une étude attentive de cet engin a permis de disposer sous la main et
sous les yeux des aéronautes les instruments et les moyens de manœuvre
dont on a besoin à chaque instant et spécialement au moment de la
descente qui est toujours une opération critique.
Ballons diriyeables. — Les principes qui ont servi de guides à M. Uu-
puy de Lôme ont été adoptés pour la plupart par la commission. Toute-
fois, pour diminuer les résistances passives et pour augmenter la vitesse
propre, on a simplifié considérablement le réseau formé parles filets.
Au lieu de placer l'hélice dans la nacelle, c'est-à-dire à une assez
grande distance du point d'application de la résistance de l'air, on a
construit le ballon de telle manière que l'hélice puisse fonctionner au
centre même de l'aérostat. Pour cela, il a fallu aménager un tube dans
l'axe, problème nouveau qui n'a pu être résolu que par l'emploi d'un
certain nombre de cloisons rayonnantes attachées d'une part à h sur-
face extérieure et de l'autre à celle du tube. Un modèle d'une grandeur
suftisante a montré l'exactitude des prévisions de l'auteur du projet.
La commission n'a plus qu'à se décider sur le choix du moteur et elle
a déjà arrêté le programme des expériences qu'elle doit faire à ce sujet.
258
NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
M. RENAED
Capitaine du «énic
DESCRIPTIONS D'APPAREILS NOUVEAUX RELATIFS A L'AÉRONAUTIQUE.
[EXTRAIT OU l'ROCÈS-VEKDAL)
— Séance du 29 août 181~. —
M. Renaud met sous les yeux de la section un modèle et des dessins de la
soupape et du vide-lest, ainsi que les plans du ballon tubulaîre dont a parlé
M. le colonel Laussedat, et il en donne une description détaillée.
Il s'occupe ensuite de l'appareil destiné à la fabrication rapide de l'hydro-
gène. Nous reproduisons ici, fîg. 23 et 2i, les dessins d'ensemble et quelques
détails, ainsi que la légende explicative et la description du mode de fonc-
tionnement.
Fig. -23. — Coupe du générateur du vase de mélange
et du réservoir d'acide sulfurique.
I belle tle j/53 .
Coupe transversale du vase
tic mélange.
RENARD. — APPAREILS NOUVEAUX RELATIFS A L* AÉRONAUTIQUE 259
Coupes du robinet <le mélange. Echelle do i ':;"
A. Tuyau d'arrivée de l'eau. — B. Tuyau d'arrivée de l'acide sulfurique. — C. Vase
de mélange de l'eau et de l'acide. — 1). Dégagemenl de l'hydrogène. — R. Robinet
de mélange. — R'. Robinet d'arrêt. — b. Bielle manœuvrant automatiquement le
robinet R. — m. Volant de réglage de la bielle! — V. Conduites du mélange dans
le générateur. — 0. Trop-plein du générateur. — X. Réservoir d'acide sulfurique
fonctionnant par l'air comprimé au moyen de l'appareil Z. — ». Levier comman-
dant le boisseau du robinet de mélange. — ■ U. Tuyau d'arrivée de l'air dans le
réservoir d'acide sulfurique.
Fonctionnement de l'appareil. — Le générateur contient de la tournure de fer jus-
qu'aux deux tiers environ de sa hauteur, et c'est silr cette tournure qu'est projeté
le mélange d'eau et d'acide sulfurique. Ce mélange s'opère automatiquement de la
manière suivante par un robinet à trois voies : le vase de mélange C est supporté
par quatre ressorts étantes r, réglés de telle sorte que sous le poids du mélange
au degré convenable, il occupe une certaine position d'après laquelle, on règle Ja
longueur de la bielle b pour que l'arrivée de l'eau et de l'acide se fasse convenable-
ment. Si le mélange cesse de se faire dans la même proportion, en raison de la
différence de densité des deux liquides, la densité du mélange varie et alors la
bielle 6, attachée directement au vase, ouvre ou ferme, suivant le cas, l'un des deux
orifices du robinet par l'intermédiaire de la manivelle u calée sur le boisseau.
260 NAVIGATION. GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
M. Cli. BEftG-ERON
Ingénieur civil, à Paris.
QUESTIONS DIGNES D'INTÉRESSER L'ASSOCIATION FRANÇAISE
ET QUI ONT ÉTÉ TRAITÉES AU CONGRÈS DE L'ASSOCIATION BRITANNIQUE
DE PLYMOUTH.
— Séance du 39 août 1877.—
I" Phare d'Eddystone.
M. Douglass, ingénieur chargé de la reconstruction du phare d'Eddy-
stone, a raconté l'histoire de ce remarquahle ouvrage.
Le premier était en bois, construit par Whostanley. Il tut emporté
par une tempête. Le second, également en bois, a été brûlé, et la tour
actuelle, œuvre remarquable de l'ingénieur anglais Smeaton, se main-
tient encore très-bien malgré la violence des tempêtes. Cependant il a
fallu relier verticalement les pierres bori/ontales au moyen de bandes
en Ici' encastrées dans la maçonnerie à partir du sommet jusqu'à la
base de la tour.
A la grande surprise de l'auditoire, M. Douglass est venu annoncer
qu'on allait être obligé de démolir bientôt ce remarquable ouvrage et de
le remplacer par un nouveau phare plus haut, plus grand et fondé sur
un rocher très solide à environ 120 pieds ou 40 m. de distance du
phare actuel. Les vagues frappaient la corniche de la tour et mena-
çaient de la renverser, malgré sa hauteur à plus de 100 pieds ou 30 m.
au-dessus de la fondation.
La tour, par elle-même, est encore bien solide, mais le rocher de
gneiss sur lequel elle est fondée, a été affouillé, les couches fendillées
du gneiss ont été peu à peu désunies par la violence des vagues, et des
cavités se sont formées au-dessous de la base de fondation.
La nouvelle tour sera plus élevée parce qu'il arrive qu'avec la tour
actuelle, les vagues s'élèvent quelquefois tellement au-dessus de la lan-
terne qu'on n'aperçoit plus la lumière du phare.
Elle sera aussi pins vaste el devra renfermer les appareils les plus
puissants connus pour transmettre la lumière ù de' grandes distances.
L'intensité de la lumière devra être ('gale, sinon supérieure à celle des
phares les plus puissants et 1rs mieux outillés. Il faudra aussi pouvoir y
introduire les appareils pour les signaux en temps de brouillards.
On espère pouvoir entretenir une communication télégraphique cons-
tante entre le phare et les bateaux de sauvetage, toujours prêts à pren.
CH. BERGERON. — LE PHARE D'EDDYSTONE. LE TÉLÉPHONE 2(11
dre La mer ([tii seront dans le port de Plymouth, afin que les obser-
vateurs dans le phare, puissent indiquer les points où les secours doivent
être dirigés.
Aujourd'hui, quatre employés allument et font le service du phare.
Trois sont constamment dans la tour, un sur le rivage en rotation.
La dépense pour l'entretien du phare est, par année, de 585 liv, st.
(14,620 fr.)
M. Douglass espère que la tour de Smeaton, devant être démolie, la
nation anglaise la fera reconstruire sur un autre point du territoire
anglais comme monument à la mémoire d'un grand ingénieur,
devant se perpétuer auprès des générations futures comme l'aiguille de
Cléopâtre.
On espère que le nouveau phare sera construit rapidement et répon-
dra à toutes les exigences des perfectionnements apportés dans les
travaux de ce genre.
Téléphone.
Le professeur Graham Bell, de Boston, esl venu mardi, 21 août, exposer
l'histoire de sa découverte devant la section des sciences mécaniques de
l'Association britannique.
Il est venu raconter que depuis plusieurs années son attention s'était
dirigée sur les vibrations causées dans l'air par l'émission du son et en
particulier par l'organe de la voix.
Probablement très-peu de personnes se sont livrées à cette étude et à
ces observations .
Pendant qu'il parlait, ses paroles frappant l'air le mettaient en vibration,
et ce sont ces vibrations qui se transmettaient aux oreilles des auditeurs.
De toutes manières, c'est un mouvement de l'air qui produit l'au-
dition.
Pour produire un son, il suffit d'agiter l'air et de le mettre en mou-
vement de la même manière que le fait la voix qui parle et transmet à
distance les paroles.
M. Bell ne peut pas dire comment l'idée lui est venue de transmettre
ces vibrations au moyen de l'électricité, mais il peut affirmer qu'elle
avait frappé son esprit depuis un grand nombre d'années.
Il pensa que s'il pouvait faire varier l'intensité d'un courant électri-
que dans la même proportion que la densité de l'air varie dans la pro-
duction des sons, il aurait résolu en partie le problème. En poursuivant
ses expériences, il reconnut qu'une lame ou membrane complètement
plane ne rendrait pas exactement la vibration de l'air, et il crut possible
d'employer une surface concave analogue à celle de l'oreille.
Il était convaincu que dans cette forme son appareil finirait par
262 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
reproduire les vibrations de l'air. Il consulta le docteur Blake sur le
mécanisme de l'oreille humaine qu'il voulait essayer, et le docteur lui
répondit qu'il ferait mieux d'essayer sur une oreille elle-même. Le doc-
teur Blake lui remit l'oreille d'une personne morte, et il se mit a faire
avec cette oreille des expériences nombreuses.
En parlant à cette oreille il put observer des parties se mettant en
vibration. Il fut naturellement surpris de la disproportion énorme qui
existe entre la masse osseuse transmettant les sons au cerveau et la
membrane délicate qui devait transmettre les vibrations. La membrane
était très-petite, très-mince, comme une feuille de papier, ou pour
mieux dire comme la membrane flexible d'un mirliton, et les os étaient
massifs et solides, et cependant ces os se mettaient en vibration eux-
mêmes par suite des vibrations de la seule membrane, comme le fait le
tuyau en bois du mirliton quand le son de la voix humaine vient à
agiter la lame mince de baudruche qui couvre sa cavité. Il reconnut
que puisqu'une aussi faible lame pouvait faire vibrer les os d'une
oreille, on obtiendrait les mêmes résultats sur un appareil construit de
la même manière que l'oreille humaine. Il se mit à construire cet appa-
reil en fer, et il pensa que s'il établissait un appareil semblable et
s'il les mettait en communication par un fil électrique, les vibrations
d'une oreille se transmettraient à l'autre, et que la voix humaine pourrait
ainsi être transmise à distance par le moyen d'un courant électrique.
En conséquence, il plaça un instrument au sommet de la maison qu'il
habitait, et un autre semblable au bas. Il se mit à crier bien haut dans
la concavité de l'un d'eux, et son assistant, qui était à l'autre bout,
lui déclara avoir entendu quelque chose.
Quant à lui, il lui fut impossible de percevoir aucun son quand son
assistant voulut crier à son tour. Il construisit ensuite un autre ins-
trument en fer plus léger et plus solide, et quand il l'essaya d'abord,
il n'obtint pas plus de succès que la première fois; mais il resta con-
vaincu que l'insuccès ne tenait pas à un défaut de principe, mais à la
nature des substances employées.
Il en construisit un autre dans lequel il apporta des changements
dans les dimensions des fils métalliques et dans leurs dispositions, et il
finit par obtenir un appareil au moyen duquel il put entendre parfaite-
ment des sons articulés.
Quoique ces sons fussent encore bien confus, il n'en resta pas moins
persuadé plus que jamais qu'il était dans une bonne voie et qu'il fini-
rait par réussir. Il pensa qu'en introduisant dans la membrane vibrante
une pièce en fer ou en acier reliée au fil télégraphique, et en chantant
dans l'autre appareil placé à l'autre bout, la vibration se transmettrait
au premier appareil et se ferait parfaitement entendre. Il pria un de
CH. BERGERON. — LE TÉLÉPHONE 263
ses amis d'aller à l'autre extrémité, et parlant lui-même dans l'appareil,
lui demanda : « Entendez-vous ce que je vous dis ». La réponse fut:
« J'entends parfaitement ce que vous me dites ».
Ce résultat fut sans doute la première expérience un peu sérieuse de
son invention, et il fut plus convaincu que jamais qu'il se trouvait sur
la voie d'un succès assuré.
Quand une question préparée d'avance était faite, on pouvait, jusqu'à
un certain point, douter de la sincérité d'une réponse laite dans de
semblables conditions ; mais il n'y eut plus de doute quand on obtin
des réponses tout à l'ait improvisées à des questions qui l'étaient éga-
lement.
Dans les commencements, certaines voyelles s'entendaient très-bien,
mais les consonnes avaient de la peine à être bien rendues.
Sa découverte en était à ce point, et il put, après un grand nombre
d'épreuves plus ou moins réussies, exposer son système à l'Exposition
centennale de Philadelphie, et sir William Thomson put emporter en
Angleterre un de ces instruments qu'il montra à l'Association britanni-
que l'année dernière.
Bien convaincu que tôt ou tard il finirait par taire entendre les
accents de la voix humaine bien marqués et bien distincts, il se mit à
travailler, à améliorer constamment les appareils, et quoiqu'il les ait per-
fectionnés d'une manière sensible à chaque nouvel essai, il est convaincu
qu'il lui reste beaucoup à faire encore pour arriver à la perfection, e
il projette encore de nouveaux arrangements plus satisfaisants que eux
qui servent aujourd'hui à démontrer sa découverte.
Après le départ de sir William Thomson d'Amérique, il se mit à
varier les formes, les dimensions de toutes les parties de son appareil
et à en observer les effets. A force de tâtonnements il espérait arriver
à découvrir la capacité et le pouvoir de chaque partie du téléphone, et
par là, à produire un appareil aussi parfait que possible.
Il reconnut qu'en élargissant le disque circulaire en fer attaché à la
membrane, les sons produits à un bout, se faisaient bien mieux enten-
dre à l'autre et étaient plus lucides.
Quelque temps après, il put aisément soutenir une conversation avec
son employé.
Ils se mirent ensuite à converser au moyen d'un fil télégraphique
qui avait deux milles ou plus de trois kilomètres de long, et leur con-
versation se fit sans la moindre difficulté. Les effets obtenus furent
tels, qu'après avoir bien médité sur la nature et le mérite du télé-
phone, il finit par s'apercevoir qu'il n'y comprenait rien du tout.
Maintenant il croit que les vibrations sont moléculaires et ne tiennent
nullement aux vibrations de la membrane.
"264 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Il possède quatre sortes d'appareils el il ne sait pas encore quel esl
le meilleur et c'est pour s'éclairer à cet égard, qu'il poursuit en ce
moment de nouvelles études et fait de nouvelles recherches. Il se
borne à dire que son appareil a fait une évolution à partir de l'étude
d'une oreille humaine; mais qu'il doit y avoir un moyen de transmettre
la vibration de l'air sans l'emploi d'une membrane. Quelle .sera la
forme définitive de son instrument? Il n'en sait rien!
L'invention qu'il vient soumettre à l'examen des membres de
l'Association britannique n'est encore qu'à l'état embryonnaire. Mais il
espère qu'à la prochaine réunion de l'Association britannique il
pourra présenter des instruments beaucoup plus complets et mieux
réussis.
Il doit exprimer sa reconnaissance envers un grand nombre de ses
amis d'Amérique qui lui ont permis d'apporter à son invention tous les
changements désirables. C'est à eux qu'il doit de les avoir construits
tels qu'ils sont et tels qu'il va les faire fonctionner devant l'auditoire.
Il a apporté d'Amérique un petit orgue téléphonique, et quoi-
qu'il ignore dans quel état le voyage a pu le mettre, il se propose
néanmoins de faire entendre à l'auditoire un peu de musique.
Le mérite consiste à faire de la musique au moyen d'un courant
électrique. C'est un orgue de cabinet, boite à musique dont les tuyaux
sont en contact avec une batterie. Quand un tuyau était soufflé par l'air,
il vibrait à partir d'un point, en sorte que, lorsqu'un contact avait
lieu, un courant électrique traversait le fil télégraphique et arrivait
dans le téléphone. L'orgue était à Guildhall et était réuni par un fil
télégraphique avec la salle de lecture et le Post office, la batterie étant
placée dans ce dernier endroit.
M. Preece assistant M. Bell commença alors les expériences. Il com-
mença par demander : «M. Panis est-il au Post office'?» La réponse ne
se fit pas attendre, et tout le monde entendit : « Oui, monsieur. »
M. Preece ajouta : « Mettez le lil en communication avec Guildhal, et
priez l'organiste de nous jouer un air. »
Réponse : « Très-bien, je vais le faire de suite. » Après quelques
moments, le motif de God save the queen fut distinctement entendu de
tout le monde, et quand le chant fut fini, un applaudissement formi-
dable éclata dans toute la salle. On constata cependant de temps en
temps des notes muettes, et d'autres dont le son était extrêmement
faible, on fit entendre ensuite un autre air qui produisit les mêmes
applaudissements.
On demanda ensuite à M. Panis de donner lecture à haute voix d'un
article de journal, mais le bruit était confus et il fut impossible de
rien entendre de précis.
CH. BERGERON. — MOYEN D'EMPÊCHER l' OXYDATION DU FEU 265
M. Bell raconta qu'un téléphone avait été placé au milieu d'un
orchestre de musiciens et relié à son laboratoire par un fil télégra-
phique. Il put entendre les musiciens accorder leurs instruments, et
enfin l'orchestre entier, mais les notes arrivaient avec des intensités
différentes. Les notes basses étaient celles qui se taisaient entendre le
mieux.
Il est parfaitement vrai qu'on peut reconnaître la voix d'un chanteur
ou celle de la personne avec qui l'on converse.
Il pouvait parfaitement reconnaître la voix d'un ami après quelque
temps d'exercice.
Moyen d'empêcher l'oxydation du fer par le professeur Barff.
Le professeur Baril', professeur de chimie à l'Académie Royale, a
découvert un moyen d'empêcher le fer de se rouiller en le couvrant
d'une couche de peroxyde magnétique.
Les raisons qu'il a données et les objets qu'il a fait voir ont démontré
que cet éminent professeur avait fait une découverte d'une très grande
importance, puisqu'il parvient à rendre inattaquable à la rouille toute
espèce de fer préparé par son procédé lors même qu'on le met dans
l'eau de mer, dans des 'lieux humides ou exposé aux vapeurs acides.
Quand la surface d'une barre de fer est exposée à l'action de l'eau ou
de l'air humide, elle se couvre bientôt d'une] légère couche de protoxyde
qui contient environ 56 parties de son poids en métal et 16 en
oxygène. L'oxyde de fer continue à tirer de l'oxygène de l'atmosphère
et graduellement il se convertit en un autre oxyde qui est le sesqui-
oxyde et qui est composé de 2 fois les 06 parties de fer, et 3 fois les 16
parties d'oxygène.
L'oxyde de fer qui est au-dessus cède à son tour une partie de son
oxygène au fer situé au-dessous, qui n'est pas encore oxydé, et l'oxyde
ferrugineux formé ainsi est graduellement converti en oxyde de fer par
l'accès de l'air qui passe à travers la couche spongieuse de la rouille qui
recouvre sa surface. De cette manière, la première couche de rouille expose
à l'action de l'atmosphère la surface du fer qu'elle recouvre, et ainsi la
rouille devient un véhicule d'oxygène jusqu'aux plus grandes épaisseurs
du fer et jusqu'à ce que celui-ci soit entièrement rouillé et décomposé.
On a fait de nombreux essais pour protéger le fer contre la rouille au
moyen d'une peinture ou d'un vernis. Quelques expériences ont réussi ;
d'autres ont complètement échoué. Ces enduits ne font pas absolument
corps avec le métal sur lequel ils sont étendus et tendent peu à peu
à s'écailler ou à périr à la longue par beaucoup de causes. Même
quand l'enduit est bien solide et de bonne qualité, la plus petite lacune
266 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET HILITAIR1
dans sa continuité donne admission à l'ennemi ; et la rouille, sur un
endroit, ne tarde pas à se répandre graduellement sous l'enduit et peut,
devenir d'autant plus dangereuse et destructive, que ses effets ont été
plus longtemps dissimulés.
Il est évident que les inconvénients résultant de la rouille sont
entièrement dus à l'état d'instabilité des deux oxydes décrits plus haut
qui se forment spontanément dans les conditions climatériques ordinaires.
Il y a toutefois un autre oxyde qui possède des propriétés d'un tout
autre caractère et qui est à l'abri, non-seulement de l'action d'un air
humide, mais encore des acides ou de toutes autres substances
corrosives.
C'est l'oxyde noir ou magnétique qui contient trois fois 56 portions
de son poids en fer et quatre fois 46 parties de son poids en oxygène.
Le professeur Barff a découvert que si un morceau de fer est exposé
à une haute température, à l'état de rouge blanc, à l'action d'un jet
de vapeur surchauffée, il se couvrira d'une couche d'oxyde noir dont
l'épaisseur variera en raison de la température et du temps de son
exposition au jet de vapeur.
L'oxyde est bien plus dur que le fer lui-même et il adhère aux
molécules du fer plus fortement que les molécules du fer entre elles, en
sorte qu'il offre des avantages non-seulement au point de vue chimique,
mais encore à celui de sa résistance mécanique.
Si le four à réverbère dans lequel le fer est chauffé seulement à
500 degrés Fahrenheit (280 cent.) et si la durée de l'expérience est seu-
lement de 5 heures, on obtient une surface unie qui résistera longtemps
à l'action de l'émeri et qui ne rouillera pas dans l'intérieur d'une
maison ou s'il n'est pas exposé longtemps à l'humidité de l'air extérieur.
Si le procédé d'oxydation se maintient pendant 6 ou 7 heures avec un
jet de vapeur surchauffée à 1,200 degrés Fahrenheit, la surface résis-
tera à la lime et subira sans s'altérer, toute atteinte de l'air extérieur.
L'oxydation ne change en aucune façon la surface extérieure du fer si
ce n'est qu'elle lui donne une couleur noire.
Le professeur Baril' a jusqu'à présent limité ses opérations aux pièces
de 1er pouvant être renfermées dans les fours à réverbère qu'il a
employés, ces articles sont des écrous, rivets, boulons, canons de fusil,
tuyaux, quincaillerie en fer, etc.
Il les a exposés dans son jardin pendant plus de six semaines à
l'action de l'atmosphère et il n'a reconnu aucune détérioration.
Parmi les applications les plus importantes du professeur Barff, on
peut signaler les tôles de chaudières et les plaques des navires en fer.
CH. BERGER0N. — SONDAGE SUR DES NAVIRES EN MARCHE 267
Le docteur Baril' pense qu'avec, des procédés spéciaux on pourra
opérer sur des pièces de grandes dimensions sans avoir à les enfermer
dans des fours à réverbère assez grands pour les contenir.
MM. Penn et Ci0 de Greenwich se proposent de commencer des expé-
riences sur une grande échelle afin de démontrer l'efficacité de ce pro-
cédé sur des pièces de ponts ou de bâtiments de grandes dimensions.
SONDAGE EN MEP. SUR DES NAVIRES MARCHANT A GRANDE VITESSE,
PAR SIR WILLIAM THOMSON.
La sonde se compose d'une barre de fer galvanisé, d'un mètre envi-
ron de longueur, attachée à une corde de chanvre qui n'a pas plus de
2 mètres de long et un demi-centimètre de diamètre. Elle pèse 22 livres
ou environ 10 kilogrammes.
La corde fait suite à un fil métallique en acier, de la nature d'une
corde de piano-forté, enroulé sur un tambour de 60 centimètres environ
de diamètre.
Le fil pèse environ U livres par mille, et il peut résister facilement
à une tension de 220 livres. Celui qui a servi à sir William Thomson
pour faire ses expériences sur deux des plus beaux et des plus rapides
paquebots de la ligne de White Star, avait plus de 12 milles de lon-
gueur ou environ 20 kilomètres et ne pesait, par conséquent, que
168 livres.
La barre de fer portait à son extrémité un bourrelet en cire, comme
de la poix, sur lequel restaient attachées toutes les substances que la
sonde rencontrait au fond de l'eau.
Avec cet appareil, on a pu descendre à des profondeurs de deux
cents brasses (fathoms) et même davantage. La sonde ne touchait pas
toujours le fond; mais on pouvait savoir d'une manière rigoureuse jus-
qu'à quelle profondeur la sonde était descendue, ce qui est la seule
chose intéressante pour le navigateur ; car il ne se sert ordinairement
de cet appareil que pour reconnaître s'il est près ou s'il est encore loin
de la terre qu'il doit aborder.
Dans le système ordinaire, on ne peut mesurer la profondeur de la
mer que par la longueur de la ligne à laquelle est attaché le plomb de
la sonde.
Pour opérer un sondage, il faut aujourd'hui arrêter le navire en marche,
au grand effroi des passagers, qui s'inquiètent toujours du moindre
changement apporté dans les allures de Ja machine à vapeur du navire.
On perd quelquefois un quart d'heure pour sonder seulement par 60 ou
80 brasses d'eau. On perd deux fois plus de temps quand on veut faire
descendre la sonde à 150 ou 200 brasses.
208 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Avec le système de sir William Thomson, usité aujourd'hui sur la
Germania et la Britannia, de la White Star Une, on a sondé à plus de
200 brasses sans rien changer à l'allure du navire, qui filait quelque-
fois quinze nœuds à l'heure.
Le moyen de se rendre compte de la profondeur à laquelle, la sonde
est descendue est bien simple et bien ingénieux.
Au bout de corde qui relie la barre de 1er servant de sonde au fil
d'acier ou corde de piano-forté, est attaché un tube de cuivre, bouché
à l'une de ses extrémités et ouvert à l'autre.
Dans ce tube on en met un autre en verre, pareil à celui d'un baro-
mètre ordinaire et ayant à peu près la même longueur.
La partie ouverte du tube en verre est plongée dans le
tube métallique, comme le fait voir la ligure 25 :
A B, tube métallique en cuivre, d'un mètre environ de
longueur, ouvert en A et fermé en B.
a b, tube en verre de baromètre, fermé en a et ouvert
en b.
11 est évident que, lorsque la sonde ou barre de fer C 1)
descendra profondément dans la mer, l'eau de mer entrera
dans le tube A B et viendra presser la colonne d'air conte-
nue dans le tube de verre. Ce tube est enduit, dans l'inté-
rieur, d'un vernis transparent qui a la propriété de se
décomposer et de changer de couleur par le contact de
l'eau de mer : il devient tout à fait rouge, et il est facile,
lorsqu'on relève la sonde, de voir jusqu'à quelle profondeur
elle est descendue, en mesurant la hauteur où l'eau de nier
est montée dans l'intérieur du tube où la colonne d'air a été com-
primée. La mesure de cette compression donne exactement celle de la
profondeur où le tube est parvenu.
fl
tu
A
il
v !
b
C
11'. -j.-,.
M. BUISSON
TUBE-TUNNEL POUR LA TRAVERSEE DE LA MANCHE.
AÉRATION DES MINES ET DES PAQUEBOTS.
Sé<t)ici> d a :■>.'/ août /.s'77. —
EMILE TRÉLAT. — LA RIGIDITÉ DANS LES COMBLES 269
M. Emile TRELAT
Pirertcmr de l'École spéciale d'architecture, profa reur an Conservatoire des Arts ri Métiers.
LA RIGIDITÉ DANS LES COMBLES.
— S é a h c e </ u Jti août I 8 7 7. —
Voici une poutre métallique qui s'attache à deux murs solides et dont
les dimensions sont justement proportionnées aux efforts qu'elle doit
subir sous les charges qui agissent transversalement sur elle de haut en
bas, elle fournira sûrement les réactions suffisantes à lui conserver la
permanence apparente de sa figure. Mais si l'on suppose la poutre soli-
dement scellée en ses appuis, et si l'on imagine qu'à un moment donné
elle soit éprouvée par des efforts verticaux de même intensité que les
premiers, mais agissant en sens inverse, c'est-à-dire de bas en haut,
elle sera encore capable de persister avec la même efficacité dans sa
ligure première. D'un autre côté, si ou considère les forces qui peuvent
solliciter sa défiguration longitudinale telles que celles qui pousseraient
les murs l'un vers l'autre et comprimeraient la poutre, ou celles qui
écarteraient les murs l'un de l'autre et tireraient la poutre, on constate
que la pièce résistera avec un égal succès dans les deux cas. Un
organe qui porte ces avantages dans les constructions prend le nom
d'organe rigide. Il est pourvu de la double capacité de transmettre à
ses appuis soit les efforts régulièrement prévus, soit des efforts inverses.
La rigidité des organes constructifs accroît singulièrement la stabilité
des édifices. Aussi le constructeur moderne ne saurait-il trop appesantir
son attention sur cette propriété. Elle devient la ressource la plus effi-
cace des constructions qu'on veut édifier économiquement sans rien
sacrifier de leur durée.
Pour épuiser l'idée fondamentale sur laquelle je veux établir cette
courte communication, j'ajouterai qu'avant l'introduction du fer dans
les constructions, il était difficile de se faire une idée exacte de la rigi-
dité d'un organe. Ce serait, par exemple, une erreur de considérer les
poutres de bois comme des organes essentiellement rigides. L'instabilité
de la matière elle-même ne le permettrait pas d'abord. Ensuite, aussitôt
que les portées ou les charges prenaient de l'importance, les poutres se
composaient de plusieurs pièces soi-disant assemblées. En réalité, les
assemblages de bois étant nécessairement des points affaiblis, ces pièces
n'étaient que très-incomplétement attachées les unes aux autres et la
poutre n'était pas fixe en sa figure. Celle-ci s'altérait promptement sous
270 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
la charge prévue en perdant ses résistances efficaces aux efforts inver-
ses. Aussi, loin de compter sur ces poutres pour accroître l'assiette de
l'édifice, devait-on les considérer comme des organes pendus aux murs
et leur empruntant une part de la stabilité inhérente à leur massi-
vité (1).
A l'inverse du bois, le fer possède la propriété de s'assembler parfai-
tement, c'est-à-dire de constituer des ensembles de pièces solidaires ne
présentant pas de points faibles, quel que soit le nombre des morceaux
réunis. La rivure et les couvre-joints permettent donc de faire des pièces
absolument rigides. Aussi, lorsque nous établissons aujourd'hui des
poutres métalliques et que nous utilisons correctement toutes les pro-
priétés mécaniques du fer, introduisons-nous en même temps dans nos
édifices, et les résistances voulues pour que l'organe porte charge sur
le vide et une importante condition de stabilité inhérente à sa fixité de
ligure. En d'autres termes, et pour parler un langage plus précis, une
poutre métallique est un élément constructif dont la capacité de résis-
tance s'oppose avec une égale efficacité aux efforts positifs pour lesquels
il est préparé et aux efforts négatifs que des désordres voisins ou des
circonstances quelconques pourront faire naître.
On voit le point de vue auquel je me place. Je me demande mainte-
nant si, lorsque nous employons le fer dans la constitution de nos com-
bles, nous l'utilisons avec la même Correction d'idée, si nous prenons
l'attention d'y développer systématiquement toutes les ressources que je
viens de signaler; si, au contraire, nous ne les laissons pas en oubli,
et si par défaut de méthode nous ne plaçons pas trop souvent des appa-
reils sans rigidité au sommet de nos édifices, là où les forces non équi-
librées sont d'autant plus dangereuses qu'elles agissent sur des bras de
leviers considérai îles et produisent de puissants moments de renverse-
ment'.'
Je ne saurais mieux présenter la déviation que j'entends signaler qu'en
rappelant les applications des nombreuses Fermes métalliques qu'on a
pris l'habitude de nommer Fermes Polonceau et qu'on n'aurait jamais
dû assimiler à la charmante solution imaginée il y a trente-huit ans par
cet habile ingénieur, Afin d'approprier un arbalétrier de bois de faible
équarrissage à une portée qui excédait sa capacité de résistance a la
llexion, Polonceau l'armait d'une contrefiche qu'un gros lil de 1er écroué
aux extrémités de la pièce bandait en son milieu. Deux arbalétriers
semblables butés en tête et rattachés par 1rs pieds des contrefiches avec
Un autre fil de fer. Constituaient une Ferme d'une rare économie et
i je me place ici au point de vue" exclusii de la stabilité éoonomiqui 61 ji poursuis une idée!
définie. Mais je n'entends nullement critiquer en elle-même la massivité, qui esl une dés plus
puissai i plus légitimés rësaburces de l'architecture.
EMILE ir.ll VI. — LA RIGIDITÉ DANS LES COMBLES 271
qu'on a eu raison d'employer souvent. Elle a rendu et rend encore de
grands services. C'est une solution parfaitement appropriée aux. capaci-
tés des matériaux utilisés; elle a t'ait à son auteur un grand et légitime
honneur. Mais en introduisant le fer
dans les combles, on s'est mis à
copier de point en point cet agence-
ment, dont on a l'ait une solution
commune dans nos constructions. Kg. 26.
Tout ce qu'il y avait de louable
dans la vraie Ferme Polonceau est devenu contradiction dans la ternie
eh 1er à tirants flexibles. La Ferme Polonceau n'était pas du tout
rigide et rien n'autorisait à exiger d'elle qu'elle le lut. Mais quand on
ne pourvoit pas de rigidité un organe constructif en fer, on annule en
pure perte une précieuse condition de stabilité dans les édifices. On
fausse le fer dans son emploi. C'est l'observation que suggère Un très-
grand nombre de combles. Je précise ma pensée en opposant aux dispo-
sitions défaillantes que je viens de décrire des arrangements utilisant
toutes les ressources constructives du fer.
L'élément important d'un comble, c'est la Ferme. La Ferme est aU
comble ce qu'est la poutre au plancher. Les poutres sont efficacement
pourvues de rigidité ; il faudrait faire des Fermes pourvues de rigidité.
Mais par quel dispositif une poutre devient-elle rigide? Par une répar-
tition du métal, qui développe en chacune de ses sections transverses un
moment de résistance égal ou supérieur au moment fléchissant qui
menace cette section.
Qu'est-ce qu'une Ferme ? C'est un organe de soutènement sur le vide
dont l'étoffe, continue ou discontinue, est limitée transversalement par
deux périmètres imposés en haut et en bas, le périmètre abc qui termine
les locaux utilisables, le périmètre
d e f qui iixe la ligure du toit. C'est
une poutre compliquée, qui n'est plus
recti ligne, dont la ligure présente
des hauteurs différentes eu tous les
points de son développement, mais
qui garde toujours la capacité d'oppo-
ser en chaque section une résistance
suffisante au fléchissement.
Supposons que le problème ainsi posé ait été résolu en tenant compte
de tous les efforts menaçants et que nous soyons en possession de cette
poutre à section variable qni.nous servira de Ferme. Supposons encore
que les différentes fermes-poutres qui soutiendront le comble, soient rat-*
tachées entre elles par un pannelage invariablement assemblé sur leurs
272 NAVIGATION. GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
lianes, nous devrons évidemment considérer ce comble comme un organe
pourvu d'une grande rigidité et apportant au sommet de notre édifice
des conditions de stabilité bien favorables. Que les poids, p,p,p, charge;
fixes ou prévues du toit, agissent seules, ou qu'elles se compliquent
d'efforts accidentels inclinés V, V, ou que les réactions des appuis Q Q'
faiblissent, notre comble, devenu une carcasse rigide, opposera aux
désordres de figure ou à des avaries plus graves des résistances d'autant
plus efficaces qu'elles ne feront que changer des^ne aux points éprouvés
et que le fer est un matériau à résistances symétriques (1). On aura
remarquablement accru la stabilité de l'édifice, et cette conquête sera
le résultat de l'utilisation simultanée de toutes les ressources constructives
du fer.
Ces considérations paraissent concluantes et il semble qu'on ne doive
pas hésiter à condamner la pratique générale des fermes en fer à tirants
flexibles. Je ne veux pas dire qu'il faille absolument ne plus construire
de pareilles' fermes. Cette règle n'aurait aucun sens dans un champ
d'application aussi varié que celui des constructions. Mais je pense et je
professe qu'au point de vue des améliorations des procédés de construc-
tions, il faut systématiquement adopter la ferme en fer rigide comme
la solution correcte, et qu'à ce titre on doit viser à l'appliquer avant
toutes autres.
Faut-il parler de la question économique et répondre par avance aux
objections qui pourraient surgir de ce côté ? Je pourrais dire que je
n'ai pas entendu me placer à ce point de vue en présentant cette note.
Considéré de haut et dans son ensemble, l'art des constructions montre
que ses progrès sont bien plutôt des améliorations de fait motivant des
accroissements de dépense que des acquisitions diminuant le coût des
édifices. N'est-ce pas, d'ailleurs, le caractère de tous les vrais progrès?
Je ne saurais mieux traduire cette pensée qu'en appropriant ici le mot
de l'un de nos ministres à propos de nos budgets nationaux : « Une
construction économique n'est pas toujours une construction économe. »
Cependant, dans un très-grand nombre de cas, la solution méthodique
que j'ai indiquée n'est pas en elle-même plus coûteuse que les autres (2);
et dans les circonstances où elle donne un comble plus cher, l'excédant
de dépense est pins que compensé par les économies que la rigidité
de l'organe permet de retrouver à la rigueur dans L'amaigrissement
des appuis.
Les combles rigides soulèveront une objection plus réelle dans les
i j'appelle matériaux à résistances symétriques les. matériaux qui oui des coefficients do
résistance pratique égaux, à la traction et à la compression.
_, m. de Dion, ingénieur en dur des constructions métalliques de L'Exposition universelle de
1 878 vient d'exécutei forl économiquement les deux très-beaux combles rigides de la galerie os
mai hines et de son annexe.
DE DION. — DÉFORMATION ET CALCUL DES PIÈCES COURBES 273
difficultés que le constructeur rencontre à fixer la quantité et la répar-
tition du métal qui doivent constituer une ferme-poutre. Il faut recon-
naître en effet, qu'autant il est aisé d'établir les points d'application, les
directions et les valeurs des efforts qui agissent sur les pièces d'une ferme
à tirants flexibles et d'y proportionner la matière résistante, autant il
est délicat, long et compliqué de mener à fin certaine les calculs qui
permettront de distribuer l'étoffe variable suffisant au développement de
l'organe. Mais ce problème vient d'être remarquablement éclairé par
M. de Dion. Il l'a doté d'une solution qui rendra certainement de
grands services; et je crois que ma communication gagne de l'intérêt
en devenant la préface du travail qu'il va vous exposer.
M. de DION
Ingénieur civil, ;'t Paris.
DE LA DÉFORMATION ET DU CALCUL DES PIECES COURBES.
— Séance du 30 août i877. —
La détermination de la résistance des pièces courbes est un problème
compliqué, parce que les réactions des points d'appuis dépendant de la
déformation des pièces, il faut que le calcul de la déformation précède
le calcul de la résistance, ou s'y introduise sous forme de conditions.
C'est sous cette dernière forme qu'on a abordé plusieurs de ces pro-
blèmes ; on a étudié, par la méthode analytique, un certain nombre de
cas, en supposant un arc circulaire ou parabolique, de section constante
et en faisant des hypothèses restreintes, relativement à la répartition des
charges. Ces études ont donné lieu à de savants mémoires, qui ont jeté
un grand jour sur la résistance des pièces courbes, mais elles ne répon-
dent que bien incomplètement aux besoins de l'ingénieur.
Ainsi il n'était pas question de tenir compte dans ces formules de
l'action des tympans, et encore moins de les appliquer à une pièce de
forme irrégulière, comme une ferme faisant corps avec les colonnes qui
la supportent, car comment dans ces cas-là obtenir des formules inté-
grables ?
Quand on voulait aborder ces problèmes, on cédait à la tendance de
subordonner la forme de la construction à la formule, de rendre chaque
partie calculable indépendamment de sa voisine ; ou bien si on ne renon-
çait pas au bénéfice de la liaison des différentes parties, on commençait
is
274 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
par supposer la construction réduite à un squelette géométrique, au
moyen d'hypothèses qui éloignent considérablement la forme calculée
de celle qu'on se propose d'exécuter, alin de pouvoir appliquer des for-
mules rigoureuses.
Ces formules sont si longues et si pénibles à calculer, qu'un ingé-
nieur ne saurait se fier à leurs résultats qu'après des vérifications de
toute nature que, souvent, il n'a pas le temps de faire. Cependant ces
problèmes complexes se posent chaque jour, et avec une instance de
plus en plus pressante à mesure que l'emploi du fer se multiplie et
qu'avec l'importance des ouvrages, et leur hardiesse croissante, on éprouve
le besoin de se rendre un compte plus exact de leur résistance réelle,
et aussi alors que l'on sort des ponts de chemins de fer pour aborder
des constructions plus architecturales.
Ces problèmes cependant peuvent être résolus avec toute la précision
désirable, sans introduire des hypothèses qui, éloignant considérable-
ment de la vérité, jettent dans l'incertitude et troublent les résultats
dans une mesure qui échappe à notre appréciation.
Pour cela il faut poser les équations d'équilibre dans toute leur géné-
ralité, en mettant en évidence les inconnues. Les équations ainsi posées
comprennent des inconnues au premier degré et des intégrales qui con-
stituent une constante, et les coefficients des inconnues.
Ces intégrales dépendent des données du problème et peuvent par
conséquent être calculées analytiquement si les données s'y prêtent et
graphiquement si leur intégration n'est pas possible.
Pour séparer les intégrales des inconnues, il faut distinguer dans la
réaction des appuis l'influence des moments d'encastrement; du même
coup on introduit dans les équations les moments fléchissants qui se
produiraient pour une poutre posée et qui sont des quantités qu'on
obtient facilement dès que la répartition des charges est déterminée.
Toutes les données sont prises sur l'épure de la construction, aussi bien
pour les lignes courbes que pour les coordonnées.
Êijuntiom d'équilibre d'une pièce courbe . — Pour exposer la méthode,
on va l'appliquer au cas particulier d'une ferme composée de fers rivés
ensemble et qui peut ainsi être considérée comme ne formant qu'une
seule pièce courbe. Les forces extérieures qui agissent sur la ferme sont
les poids P' P" P'", etc., et les réactions des appuis qui maintiennent les
pieds de la ferme à une dislance constante l.
Soif : A et B les axes neutres des sections en contact avec les points
d'appuis;
d' d"d"\ etc., les distances des poids P P"P', etc., à la surface ver-
ticale passant par le point À. •
Les points d'appuis exercent sur les pieds de la ferme des efforts
DE DION. — DÉFORMATION ET CALCUL DES PIÈCES COURBES 275
qu'on peut toujours décomposer en un moment, que l'on appellera
moment d'encastrement, et en deux forces passant par l'axe neutre de
la section, l'une horizontale et l'autre vertical»1. Au point A agit le
moment y. et les forces N' hori-
zontale et F' verticale;; au point
B, le moment \j.' et les forces N"
et F".
Les équations d'équilibre pour
l'ensemble de la ferme, sont :
N'+N"=o (1)
F'-fF" = 2P (2)
[a — [/.'—Y Pd + F'l = o, (3)
S
l'équilibre d'une partie comprise
entre A et une section S dont
l'axe neutre est à une distance
horizontale x du point A, donne,
pour le moment fléchissant \j.
en S :
!
d"
d'
jjL=^-j-F'a>
Pd — Xy. (4)
V"
J
r
Q"
Fig. 20.
Dans ces équations, F' et F"
sont des fonctions des poids P
et des moments d'encastrement
p et \x
Pour déterminer ces fonctions on compare les équations d'équilibre
de la ferme à celles d'une poutre posée de même longueur l et portant
les poids P' P", etc., aux mêmes distances d' d", etc. En appelant Q'
et Q" les réactions des points d'appui, et <J6\q moment fléchissant pour
une section S, on a :
,,= ^_Ny + f^ + _. (5)
Telle est la valeur du moment fléchissant y. pour une section S quel-
conque de la pièce courbe.
Dans cette valeur, on connaît <J6, qui dépend uniquement des
charges verticales P; tandis que les quantités N, [x, y/ , dépendent des
déformations delà pièce, et des déplacements de certains de ses points.
276 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Les déformations sont produites :
1° Par les moments fléchissants, et
2° Par les efforts normaux et tangentiels en chaque section; les effets
de ces deux actions se superposent, elles peuvent donc être étudiées
séparément.
Le déplacement de chacune des sections dépend de la déformation de
toutes les parties de la pièce combe. Tout déplacement se décompose
en un mouvement de translation et un mouvement angulaire sur son
axe neutre.
Déforma lion par flexion. — Soient S et S' deux sections de la
pièce courbe AB, normales à l'axe neutre, et séparées par la dis-
tance da comptée sur cet axe neutre; s'il se produit un moment
fléchissant y. sur la longueur da, entre ces deux sections S et S', elles
éprouveront l'une par rapport à l'autre un mouvement angulaire dz.
Supposons que la section S est lixe, alors la section S' vient en S",
et les deux sections S' et S" se couperont sur Taxe neutre en ri.
La pièce n'ayant éprouvé aucun effort de S' en B, ne sera pas défor-
mée, elle aura seulement été en-
traînée dans le mouvement angu-
laire de S', de sorte que la section
B sera venue en B'.
Appelons : G la distance de l'axe
neutre ri à l'axe neutre B de la
section extrême, et df le dépla-
cement B B';
on aura :
df=Cdx. (6)
Pour calculer le mouvement
angulaire dx, appelons :
i l'allongement produit sur l'unité de longueur et l'unité de section,
par une force I»;
Y la distance à l'axe neutre d'une fibre;
B le coefficient de résistance de cette libre; ;
E le coefficient d'élasticité ;
I le moment d'inertie «le la section S •.
on aura les équations connues :
Il H I
l =— el
— , d'où :
El'
or,
;t le mouvement angulaire qui se produit pour l'unité de
longueur. J'appellerai la quantité - , qui lui est égale, l'infléchissement.
DE DION. — DÉFORMATION ET CALCUL DES PIÈCES COURBES 277
En ne tenant pas compte de la petite différence qui résulte clans le
pièces courbes du non-parallélisme des sections S et S' et du déplace-
ment de l'axe neutre, on a :
d%=—da, (7)
le mouvement angulaire est égal à L'infléchissement multiplié par la
longueur sur laquelle il se produit.
Pour la déformation, on a :
d/"=|jCda, (8)
lorsque toute la pièce courbe est soumise à la flexion, le mouvement
angulaire de B, par rapport à A, est :
A
j.dn
r \j.da
! "ET
Kl '
B
et le déplacement total de B par rapport à A en le mesurant sur la
courbe décrite par le point B, est :
A
Ç V-da
1 wL-
B
Pour avoir les déplacements, suivant deux axes rectangulaires, proje-
tons C et df sur ces axes ; on aura deux triangles semblables qui don-
nent :
K=Sl et M-= — , (9)
<lj r Lry Clfy Lix
d'où :
df=^=Ç%L; (10,
remplaçant dans l'équation (8) df successivement par ces valeurs, on a :
dfx=^da, (11)
dfy=^da; (12)
alors le déplacement total de C par rapport à S est, suivant l'axe des
œ, de :
u=riiida' (i3)
et suivant l'axe des y de
fy=fX^da (14)
"278 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Ces formules sont identiques à celles de Bélanger, d'où il tire des appli-
cations à des cas géométriques peu nombreux. La difficulté qui restreint
les applications de ces formules vient de la préoccupation des auteurs
de les ramener à une seule variable pour les rendre intégrables.
Dans ces équations, toutes les valeurs varient, excepté le coefficient E,
si toutefois on a employé le même métal pour toute la construction. La
valeur du moment d'inertie varie généralement d'une manière qu'on ne
peut représenter par une formule; il en est souvent de même de la
longueur de l'axe neutre et de la projection de C.
Déformation par compression et glissement. — Indépendamment des
déplacements des mouvements angulaires occasionnés par la flexion, il
se produit dans l'intérieur de la pièce
courbe des déplacements dus à l'action
d'une force Q résultante de la pression F
normale à la section et de l'effort tran-
chant T.
Dans ses formules, Bélanger a toujours
projeté les forces suivant une normale à
la section; il néglige l'effort tranchant et
introduit dans ses formules la poussée N
multipliée par un cosinus.
On simplifie les équations par les corn»
sidéra tions suivantes :
Pour l'unité de longueur, le raccour-
cissement produit par une force normale est la moitié du glissement
transversal que produirait cette même force agissant comme effort
' tranchant.
La résultante Q ne déplace donc pas la section suivant sa direction,
mais comme l'effort tranchant T produit des déplacements très-faibles
relativement à ceux dus à la flexion dans les fermes et comme cet
effort est aussi très-faible relativement à la compression dans les arcs de
pont, on peut admettre sans erreur sensible que la force Q produit sui-
vant sa direction et sur une longueur da un raccourcissement di.
On a alors :
m (15,
Fig. 31.
di=
QE *
Décomposant Q en une force horizontale N et une force verticale tc, et
projetant le raccourcissement di horizontalement en dï et verticalement
en di", on a des triangles semblables qui donnent :
yda
dï=
QE
(16)
DE DION. — DÉFORMATION il CALCUL !>i S PIÈCES COURBES 270
''> =ââ- (17)
La projection horizontale du raccourcissement i de la pièce est donc
égal au raccourcissement que prendrait la pièce suivant son axe neutre,
en la supposant comprimée par la force N,
■ Nda
'= /te- (18>
La projection verticale du raccourcissement est égale à la diminution
de longueur de la pièce si la force r. agissait normalement sur ses sec-
tions.
/izda
m-
Ayant ainsi indiqué les formules générales, il reste à écrire les équa-
tions de conditions qui résultent des déformations ou des non-déforma-
tions de certains points de la pièce.
Équations de condition. — L'équation générale (o) du moment lléchis-
sant qui se produit en un point quelconque de l'axe neutre d'une pièce
courbe, que nous avons supposée être une ferme, est :
[J.'X
v-= a* -Ny+f^n^+V ■ (19)
Quand la ferme ne subit aucun effort extérieur, ce qui a lieu lors-
qu'elle est posée à plat sur le sol, elle a la forme que lui a donnée le
constructeur. Mais si, ensuite, on la met en place dans des conditions un
peu différentes de celles qui avaient d'abord été prévues, elle se déforme.
Si on suppose que l'écartement des points d'appui soit plus grand d'une
quantité g ; que le point d'appui en B soit plus élevé que celui en A
d'une quantité h; et, enfin, que les plans de ces points d'appui fassent
des angles a0 et a0' avec les plans formant les sections extrêmes de la
ferme avant toute déformation, et que, par un moyen ou par un autre,
ou amène les sections extrêmes de la ferme a coïncider avec les plans
des points d'appui, alors on a les équations de conditions suivantes :
4° Le mouvement angulaire entre les deux sections extrêmes est :
/*
da: (20)
"2° L'accroissement de la corde par rapport à des axes entraînés dans
le mouvement de la section A est : g — l (1 — cos. a0) ; ce dernier terme
est presque toujours extrêmement petit et absolument négligeable. On
aura donc, pour la variation de la corde, l'équation suivante :
280 NAVIGATION. GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
»=■ /*»*- /"S" <21>
El
B B
Les y sont comptés à partir de l'horizontale passant par le point A.
3° Le relèvement du point B par rapport à des axes entraînés dans
le mouvement de la section A est égal à : /; — l sin. <x0.
En raison de la petitesse de l'angle, nous pouvons prendre l'angle
lui-même au lieu de son sinus, et écrire l'équation suivante :
A
h-h0 = J LA___rfa + y _ (22)
B
en comptant les x depuis la verticale passant par le point A.
Dans toutes ces formules, les moments sont positifs quand ils tendent
à ouvrir l'arc.
C'est dans ces trois équations (20), (21) et (22) qu'il faut introduire
la valeur de y. donnée par l'équation (5).
On a ainsi :
A A A A
/~4%> rv i , rd — x) rx
— -* -Xj md° + »J y-^- da+ïj Wlda (23)
B B B B
B B B B B
B
EU
B
A A
' X (l x) ,_ , f rAa
QË
m
B B
Dans ces trois équations, les inconnues sont N, \j. et \j! . Les intégrales
O 0
sont toutes des quantités déterminées dès que les dimensions de la pièce
courbe et les charges qu'elle porte sont connues; elles entrent dans
l'équation soit comme constantes, soit comme coefficients.
Ainsi, et c'est une remarque bien importante sur laquelle il est utile
d'insister, parce qu'elle n'a pas encore été suffisamment mise en lumière,
le problème général conduit à 3 équations du 1" degré à 3 inconnues;
les coefficients qu'affectent ces inconnues sont des intégrales qui dépen-
dent de la forme et des dimensions de la pièce, indépendamment des efforts
DE DION. — DÉFORMATION li CALCUL DES PIECES COURBES 281
quelle peut avoir à supporter; la constante est une intégrale dépendant
des dimensions de la pièce et <lr la répartition des charges qu'elle sup-
porte.
On voit donc tout de suite que si la forme de la pièce et la répartition
des charges sont définies par des lois géométriques assez simples, on
peut intégrer exactement Les équations; s'il en est autrement, on peut
toujours résoudre ces équations avec l'approximation qu'on voudra à
l'aide de constructions graphiques.
La simplicité sous laquelle la constante se présente résulte de l'intro-
duction des moments fléchissants , //> qui se produiraient pour une poutre
simplement posée.
Voici comment on peut disposer les calculs graphiques de ces inté-
grales :
1° Sur une ligue ab, dont la longueur esl égale à celle de l'axe neutre
développé, on porte en ordonnées les infléchissements en chacun des
Fi£. 32.
points, et la surface comprise entre la courbe des infléchissements et la
ligne ab donne le mouvement angulaire en comptant comme positives
les surfaces au-dessus de la ligne, et négatives celles qui sont en dessous.
jfé y l — x x
~EF' ET "ËîT'ÊTz'
En traçant ainsi la courbe des infléchissements :
on obtient les surfaces A, B, C, D, et la première équation de condition
devient :
a0 — a0' = A — BN -f- C;;. + D[j/. (26)
O 0
2° Sur les surfaces précédentes, et dans un plan perpendiculaire, on
porte les valeurs des y correspondantes à chaque section , on obtient
ainsi des volumes qui ont les surfaces A, B, C, D pour bases, et pour
hauteur les ordonnées y. Ces volumes sont positifs quand ils correspon-
282 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
dent aux mouvements angulaires positifs et à des ordonnées positives.
La somme des volumes pour une courbe d'infléchissement donne le
déplacement horizontal qui en résulte.
On obtient donc ainsi des volumes A', B , C, et D', qui représentent
les intégrales de l'équation (24).
Quant à la valeur de j -^-, on la construit de la même manière,
en portant sur une ligne a 6, développement de l'axe neutre, des ordon-
nées égales à . La surface de cette dernière épure représente entre
12 Jii
deux points de l'axe neutre le raccourcissement produit par la compres-
sion de 1 kil. La surface, entre les deux extrémités a et b, donne le
raccourcissement total pour 1 kil. de compression elle est égale à — G .
Introduisant ces valeurs dans la seconde équation de condition, elle
devient :
g = A' — (B' + G') N + G' p + D' ;;/. (27)
o o
3° Enfin, en portant sur les surfaces des mouvements angulaires les
valeurs de x, on obtient des volumes qui représentent les coefficients A",
B", G" et D", qui remplaceront les intégrales dans l'équation n° (25).
La valeur de / ''",, se construit en portant sur l'axe neutre ab des
ordonnées représentant . La surface totale est égale à W.
Introduisant ces valeurs dans la troisième équation de condition, elle
devient :
h — U0 = A" + (H" — B") N + C>0 + D>'0. (28)
Les valeurs de N; ;->.„, ;V, tirées des trois équations (26), (27) et (28),
sont reportées dans l'équation générale (5), qui se trouve ainsi résolue.
On remarquera combien cette forme de calcul est commode dans la
pratique. Arrivé à ce point, on peut modifier les hypothèses des mouve-
ments angulaires a0 et a'o, et des déplacements h et g, sans avoir à
changer ni la constante, ni les coefficients qu'on vient de calculer. Et,
si même on change la distribution et la valeur des charges, il suffit de
calculer à nouveau l'intégrale contenant ^ , qui constitue la constante.
Tous les ingénieurs qui savent par expérience combien il est souvent
intéressant et utile de changer les hypothèses qu'on a faites, suivant les
indications données par le calcul, seront certainement frappés de la
simplicité avec laquelle ces modifications peuvent être introduites dans
une étude qu'on a toujours considérée comme longue et laborieuse.
Conclusions. — La méthode qui vient d'être exposée fait ressortir,
SHOOLBRED. - l\ MARCHE DES JURÉES DANS LA Mil; D'IRLANDE 283
comme on l'a déjà dit, que, dans le calcul des pièces courbes, les incon-
uues u'entrenl qu'au premier degré, e1 que 1rs intégrales à calculer
sonl des constantes ou des coefficients qui dépendent entièrement des
formes de la pièce et des charges qu'elle doit supporter.
Toute pièce matérielle a des propriétés mécaniques qui sont : l'élas-
ticité de la matière qui la compose, élasticité <|ni peul varier d'un point
à l'antre; la forme «le la section qui est définie au poinl de vue de la
flexion par le moment d'inertie, et au point de vue de la compression
et de l'effort tranchant, par la superficie de la section et ses éléments de
continuité; ta for de l'axe neutre, dont la position doit être déterminée.
Les calculs nécessaires pour faire ce qu'on pourrait appeler la des-
cription mécanique de la pièce, c'est-à-dire pour déterminer l'axe neutre,
le moment d'inertie et la section en chaque point sont longs, surtout
quand la pièce a des formes très-variées.
Une fois les propriétés mécaniques figurées par des courbes, ce1 qui
est le moyen le plus exact de les représenter, on procède au calcul des
coefficients soit des moments d'encastrement, soit de la poussée N;
enfin on trace les différentes courbes des moments fléchissants dus aux
différentes hypothèses de surcharge.
Les équations de condition sont alors fort simples à écrire et rapide-
ment résolues.
L'équation générale (o) donne les moments p en chacun des points de
la pièce. En reportant ces valeurs dans les équations ("20), (21) et (22)
et intégrant entre deux points donnés, on détermine les mouvements
angulaires et les déplacements de ces points l'un par rapport à l'autre.
Ces quantités se trouvent représentées par des portions de surface repré-
sentant les mouvements angulaires entre les points extrêmes et par des
portions des volumes directs ou complémentaires qui donnent les mou-
vements des points extrêmes.
Mais l'heure avancée ne permet pas d'entrer dans des développements
à cet égard.
M. James I. SHOOLBRED
Membre fie l'Institution des Ingénieurs civils de Londres.
NOTE SUR LA MARCHE DES MARÉES DANS LA MER D'IRLANDE
ET DANS LA MANCHE.
— Séance du 30 août 1877. —
La transmission de la vague marée dans l'Océan, où elle se pro-
page librement sans rencontrer d'obstacles, présente le caractère d'une
284 NAVIGATION. GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
marche régulière; elle suit en premier lieu une direction de l'est à
l'ouest comme le soleil et produit ensuite des embranchements à droite
et à gauche selon la conformation des côtes le long desquelles elle passe.
Dans les baies ou les criques de ces côtes, son progrès est arrêté par
l'élévation graduelle du fond de la mer; lorsqu'elle passe autour des
terres isolées ou îles, les deux vagues allant dans des sens opposés
peuvent se rencontrer, et alors la marche de chacune d'elles est arrêtée.
Dans ce dernier cas, le choc de la rencontre se fait sentir en arrière sur
chaque portion et produit une série de phénomènes connus sous le
nom de marée stationnaire, tandis que la désignation de marée pro-
gressive indique la marche normale de la marée.
Les phénomènes de la marée stationnaire comprennent, non-seulement
le choc dont l'effet s'étend sur les deux directions, et qui est la cause
que les moments de la haute mer sont à peu près les mêmes sur toute
l'étendue atteinte par le choc, et de même pour ceux de la basse mer,
mais, encore la formation d'un point ou nœud (node) sur chaque portion
de la marée, juste à la limite de la zone stationnaire près du point de
rencontre de la portion progressive avec celle qui est stationnaire. C'est
à ce point aussi que peuvent s'observer à certaines époques des marées
doubles; c'est-à-dire que dans l'intervalle de douze heures la mer monte
et descend deux fois.
Ces phénomènes des marées stationnaires sont trop bien connus, pour
qu'il y ait lieu d'en donner ici la description ; il suffit de nommer deux
endroits où ils sont bien indiqués : la mer d'Irlande et la Manche.
La vague marée venant de l'océan Atlantique côtoie l'ouest de l'Ir-
lande, après avoir projeté une branche entre la France et l'Angleterre,
et une autre entre l'Irlande et l'Angleterre. Au delà du nord de l'Ir-
lande, la vague fait descendre une autre branche vers le sud entre
l'Ecosse et l'Irlande, qui va bientôt rencontrer celle qui, venant du
midi, est montée entre l'Irlande et l'Angleterre, en suivant le canal
Saint-George. La zone des phénomènes stationnaires, qui en résulte, est à
peu près identique avec le gonflement qu'on appelle la mer d'Irlande ; et
la ligne de rencontre s'y trouve à peu près entre Dundalk, en Irlande,
et Fleetwood en Angleterre, passant un peu au sud de l'île de Man.
Les nœuds (nodes), ou points de rencontre entre la portion progressive
et celle qui est stationnaire, se trouvent l'un près de l'île de Rathlin, au
nord-est de l'Irlande, et l'autre à Courtown, à quelque distance au sud
de Dublin. Ainsi, tous deux sont à la partie occidentale du chenal; et
c'est au dernier nommé, le plus au sud, qu'arrivent les marées doubles.
Dans la Manche, la marée venant du sud-ouest rencontre , près du
détroit du pas de Calais, une autre portion qui, ayanj; fait le détour
par l'ouest de l'Irlande et par le nord de l'Ecosse, descend de la mer
SHOOLBRKD. — LA MARCHE DES MARÉES DANS LA MER D'ltU,ANDE 28o
du Nord. Les phénomènes qui résultent de cette rencontre sont ceux des
marées station naires, mais ils ne sont pas aussi simples que ceux, de la
mer d'Irlande. Les nœuds (nodes) sonl pour la mer du Nord près
de Yarmoutb, en Angleterre, et pour la Manche à Swanage, près >\<-
Portland , dans le même pays. Ainsi, les deux points sonl à la partie
occidentale du chenal, comme pour la mer d'Irlande, et c'est encore
près du nœud au sud, à Swanage, que se produisent les marées
doubles.
Il existe plusieurs autres points de ressemblance entre la mer d'Irlande
et la Manche, que M. le capitaine Beeche} (de la marine royale d'Angle-
terre) fait ressortir; et il donne beaucoup d'autres détails sur leurs
marées, qu'on peutliredans les Philosophical Transactions of the Royal
Society, 1848 et 1851.
En liSTo, un certain nombre d'observations ont eu lieu simultanément
sur les deux côtes opposées de la mer d'Irlande, et leur résultat (voir
le tableau plus loin) a été présenté à l'Association britannique pour
l'avancement des sciences. Celle-ci l'a trouvé assez important pour
nommer au Congrès de Plymoulh une commission, avec sir William
Thomson pour président, dans le but d'obtenir, si c'est possible, des
observations d'une nature à peu près semblable dans la Manche et dans
la mer du Nord, et d'inviter à y coopérer l'Association française pour
l'avancement des sciences.
C'est dans ce but que l'auteur (qui est le secrétaire de la Commission
anglaise), présente cette courte notice, dans l'espoir que l'Association
française voudra bien donner ses sympathies et son appui à ce travail
scientifique, qui servira à lier dans un travail commun les deux Asso-
ciations.
MARÉES DANS LA MER !)'lRLANDE.
Vives eaux du S avril 1875.
{Angleterre.)
Whitehaveo.
Barrow.....
Fieetwood .
Liverpool. ..
Holyhead. ..
(Irlande.)
Belfast
Dundalk
Dublin.... ..
Kingstown. .
BASSE >1KK
Heure. Hauteur
6.45mut.
8 . 30 »
7.1:'» »
6.45 *
5.15 »
6 » »
7.50 »
M \l II 'Il lï
Sauteur.
BASSE >IKR
Hauteur.
Mètres.
26-23
25.70
26.46
25.67
27 33
29.23
. 28-57
28.41
28 . 24
12.45 soir
1.30 »
12.45 »
1 2 «midi
11 .30mat.
12.15 soir
12.15 »
12.45 »
12.41» »
Mètres.
34.46
35. n:;
35.27
34.74
33 »
32.27
32.94
32 38
32. 05
7.15 soir
9 » »
7.45 a
7.15 »
5.45 »
6.15
G 15
Mètres.
26.23
25.50
26-53
25.50
27.17
28.92
28-62
28.26
28.03
OBSERVATIONS
llariim
m. m.
Vent.
N.-N.-O. Fort.
N. Léger 757
N. Temp. 749
N.-N.-E. Fort. 755
N.-E. Fort.
N.-E
N.-E.
N.-E.
31. -II.
Fort.
Fort
Fort.
Fort.
767
702
286
NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Mortes eaux du 31 mars 4816.
b*ssi-; Mi:it
Heure. Hauteur.
Il MITE MEB
Heure. Hauteur.
isvssi; mi H
Heure. Hauteur.
OBSERVATIONS
[Angleterre.)
Whitehaven
Barrow —
Fleetwood .
Liverpool ..
Holyhead. .
(Irlande.)
Belfast
Dundalk . . .
Dublin
Mètres.
Mètres.
Mètres.
12.15 soir
28.90
6.15
soir
31.59
I » mat.
29.17
12 15 »
28.46
y>
»
31 .51
» »
28.73
12 «midi
28.82
»
»
31.80
» n
29 »
11 ,45mat.
28 16
V
»
31.31
» »
28.70
11 » »
29.17
5.43
»
30.95
12 «min.
29.43
12 «midi
29. 84
G »
»
31.36
12. I5mat.
30.12
» »
29.20
7 »
»
31.31
» 3>
29.58
7 »
»
31. 1G
B.iroro
m. m.
Vent.
Léger.
N.-O. Frais. 777
N.-O Calme. 77:i
N.-N.-O. Léger. 777
N.-N.-O. Léger. 77*
N -N.-O. Léger. 777
N -N.-O. Léger. 777
N. Très-frais.
L'heure de Greenwich a été observée partout.
L'heure de Dublin est de 25 minutes 21 secondes en retard de
Greenwich.
Le plan de comparaison des niveaux du tableau est 30nl,48 (100 pieds
anglais) au-dessous de celui du plan cadastral d'Angleterre.
Le plan de comparaison du plan cadastral d'Irlande se trouve à
28m,19 en dessus de celui du tableau, en supposant que le niveau
moyen de la mer soit uniforme entre les deux pays.
M. STŒCKLII & M. YÉTILLAO
Ingénieur en chef des ponts el i iiau ées, à ingénieur d"s ponts et chaussées, à Calais.
Boule- gne-sur-Mer.
NOTE SUR UN NOUVEAU SYSTÈME DE FONÇAGE DES PIEUX
PAR INJECTION D'EAU.
— Séance du 30 août 1877. —
Des battages de pieux faits à Berck pour la défense du grand hôpital
de l'assistance publique, et les premiers battages exécutés à Calais pour
les travaux d'agrandissement du port, nous avaient fait reconnaître l'im-
mense difficulté que l'on éprouve à enfoncer des pieux et des palplan-
ches dans le sable fin et humide qui constitue nos plages de la Manche
et de la mer du Nord. Nous étions frappés, non-seulement de la grande
dépense que nécessitait ce battage, mais surtout du temps considérable
qu'il exigeait. Comme la rapidité d'exécution était pour nous une des
STOECKLIH ET VÉTILLARD. — FONI LG1 DES PIEU5 PAR INJECTION D'EAU 287
conditions essentielles de la réussite, dous nous sommes, dès le principe,
préoccupés de chercher un moyen d'améliorer le système de battage
employé jusqu'à ce jour.
Nous fondions notre espoir de réussir dans nos recherches sur plu-
sieurs laits techniques qui étaient arrivés à notre connaissance. Ainsi,
nous savions que le fonçage des piles du ponl de Kehl et celui des
colonnes en fonte des jetées de l'Adour à Bayonne s'étaient effectués
assez facilement, parce que l'air comprimé, en remontant à l'extérieur
le long <l<s parois, avait beaucoup diminué les frottements. Nous avions
appris également par M. Bergeron, qu'un ingénieur anglais, .M. Brunless,
avait enfoncé un grand nombre de colonnes eu fonte, en faisant passer
dans leur intérieur, et déboucher au-dessous d'elles, un tube qui lan-
çait un jet d'eau.
Il y avait, dansces faits, le point de départ d'essais utiles. Mais nous
étions pressés par le temps; notre personnel était absorbe par les tra-
vaux, et nous n'avions ni le moyen, ni le loisir d'établir un atelier
d'expérience sur ia plage de Calais, qui ne découvre souvent (pie six
heures par marée.
Nous avons donc commencé nos essais par les moyens les plus élé-
mentaires, avec deux petites pompes de jardin mues chacune par un
homme, et refoulant l'eau dans un tuyau en caoutchouc terminé par un
tube en fer (1) formant lance. On amenait l'eau le
long du pieu à enfoncer à 0m,20 ou 0"\30 au-dessous
de sa pointe inférieure. En général, on plaçait un
tube par devant, un autre par derrière. L'opération
est du reste très-simple en elle-même, et la seule pré-
caution qu'elle exige est de tenir le tube dans une
position aussi verticale que possible, et de le remuer
continuellement pour l'empêcher d'être étreint par le
sable, qui redevient compacte dès que le courant d'eau
s'interrompt ou cesse de remonter le long de la lance
d'injection. Le résultat a, dès le premier essai,
dépassé toutes nos espérances, et nous avons pu terminer ainsi,
dans les meilleures conditions d'économie et de rapidité, une enceinte
de 474 mètres de longueur. Nous avons seulement remplacé nos petites
pompes, qui étaient insuffisantes, d'abord par une petite pompe à incen-
die que nous a prêtée la ville, et ensuite par deux pompes à main un
peu plus puissantes que les premières, et dont les manivelles, en forme
de volant, étaient mues par deux bommes.
Nous sommes certainement loin encore d'être arrivés à tirer de ce
Fie. 33.
[1 On se servait de petites conduites pour gaz ayant de 2n\,.J0 à 3ra,50 de longueur et un diamè-
tre de om,027.
288 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
système tout le profit qu'on peut en attendre, et les premiers résultats
obtenus ne seront pour nous que le point de départ d'expériences plus
complètes, que nous comptons faire dès que nous pourrons dispo-
ser de quelques moments de loisir. Il sera intéressant, en effet, de
rechercher le meilleur mode d'action, la profondeur à laquelle on pourra
foncer au moyen de ce système, la nature des terrains dans lesquels il
pourra trouver son application, et la force qu'il faudra développer sui-
vant les sols différents dans lesquels on agira. Mais les essais ne seront
pas forcément resserrés dans ces limites étroites. D'une part, il est
évident que le système par injection facilite le fonçage en désagrégeant
le sol par le moyen d'un courant. D'autre part, l'expérience semble
prouver que le sable fin, agité par un courant continu, acquiert la pro-
priété de se maintenir, pour ainsi dire, en suspension dans l'eau, et de
former une véritable masse liquide.
Il sera donc intéressant de rechercher aussi, d'abord, si le principe du
système, c'est-à-dire la désagrégation du sol que doit traverser le pieu,
ne pourrait pas trouver son application dans d'autres terrains et avec
des moyens différents, et ensuite s'il ne serait pas possible de tirer, dans
certaines circonstances, un parti utile de cette manière d'être spéciale au
sable lin mis en mouvement par un courant d'eau.
Il y a là un vaste champ d'expériences ouvert à tous les hommes
d'étude.
Mais, si modestes que soient les premiers résultats, ils nous ont paru
mériter d'être portés à la connaissance des ingénieurs, à cause de leur
utilité pratique. Pour nous déjà, ils avaient une importance capitale,
puisque les travaux d'amélioration du port de Calais comportent à eux
seuls pour 350,000 fr. de battages.
Pour faire comprendre l'importance du profit que l'on peut tirer de ce
système, il suffira que nous citions les chiffres suivants obtenus à Calais.
Nos pieux avaient un équarrissage de 0m,22/0m,22 et une fiche de
3 mètres ; ils étaient espacés de 2 en 2 mètres.
Les pal planches avaient 2IU,50 de fiche, leur épaisseur avait dû être
portée de 0"',08 à 0m,12, pour éviter de trop fréquentes ruptures.
Le mouton de nos sonnettes pèse 600 kilog. et peut s'élever jusqu'à
2 mètres.
Avec l'ancien système (le système des sonnettes), il fallait en moyenne
18") coups de mouton pour battre un pieu, 900 coups pour battre un
panneau.
La mise en fiche et le battage d'un panneau exigeaient de 5 h. 50 m.
à 14 h. 15; en moyenne 8 h. 36 m.
Avec le système nouveau (par injection d'eau), le nombre de coups de
mouton par panneau a varié de 0 à 50.
STOECKLIN. — LES COURANTS ALTERNATIFS DU PAS-DE-CALAIS 289
Malgré nos moyens imparfaits, la mise en fiche et le battage d'un
panneau n'ont plus exigé, en moyenne, que 1 h. 0 m.; la durée a varié
de 14 m. à 1 h. 48; plusieurs panneaux n'ont demandé que lo à 16
minutes. Avec un outillage approprié, et un personnel un peu exercé,
on arriverait certainement à généraliser ces résultats favorables.
On commençait en général le fonçage, en posant le mouton sur la
palplanche et en exerçant sur lui, au moyen de la sonnette, une pres-
sion qui doublait son poids; on terminait par quelques coups de mou-
ton.
Outre la grande économie de temps et d'argent, le système par injec-
tion a encore l'avantage de faciliter beaucoup la mise en fiche, en per-
mettant de préparer à l'avance, sur 50 ou 00 centimètres de hauteur, la
poche dans laquelle doit se loger le pieu, et de permettre, d'autre- part,
le fonçage de panneaux beaucoup plus étanches.
L'arrachage des palplanches et des pieux déviés ou tendus, arrachage
qui présentait avec l'ancien système des difficultés considérables, se fait
avec la plus grande facilité dans le nouveau système.
Nous ajouterons enfin, à titre de renseignement, qu'un essai, encore
unique, a prouvé que l'on pouvait enfoncer, même dans un terrain
de sable assez fortement mêlé d'argile, un madrier de o mètres de lon-
gueur et de 0,08 d'épaisseur, rien qu'en pressant sur sa tête au moyeu
de deux palans mis en action par quatre hommes.
En terminant cette courte notice, nous tenons à constater que, dans
ces essais, nous avons été très-heureusement secondés par M. Delannoy,
conducteur des ponts et chaussées à Calais, qui a conduit les essais
avec beaucoup d'intelligence, et qui a largement contribué à en assurer
les heureux résultats.
M. STCECKLIÏT
Ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Boulogne-sur-Sler
QUELQUES CONSIDERATIONS SUR LES COURANTS ALTERNATIFS
DANS LE DÉTROIT DU PAS-DE-CALAIS.
— Séance du 30 août 1877. —
Les études que j'ai eu à faire récemment, en vue de la création d'un
port en eau profonde au devant de Boulogne, m'ont conduit à étudier,
d'une façon spéciale, le régime, et à chercher la cause des courants
alternatifs qui balaient le détroit du Pas-de-Calais.
19
290 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Tous les marins et les hydrographes ont constaté ces phénomènes si
curieux, et M. Plocq, actuellement ingénieur en chef à Dunkerque, en
a fait, pour ainsi dire, la monographie dans un remarquable mémoire
inséré aux annales des Ponts et Chaussées (année 1863, page 103). Mais
toutes ces études sont restées, en général, dans le domaine de la science
transcendante.
Je voudrais essayer de la mettre à la portée de tous; c'est là le but
de cette courte notice.
Si l'on cherche avec l'annuaire des marées, et à l'aide d'une carte de
l'Europe, et plus spécialement de la car Le de M. Delesse (lithologie du
fond des mers, carte 2), à se rendre compte de la propagation de la
marée dans la Manche et dans la mer du Nord, on doit admettre d'abord,
comme point de départ, — que ces mers sont toutes deux trop étroites
et trop peu profondes, pour que la marée s'y produise par l'attraction
directe de la lune; — que la marée ne s'y développe dès lors que par
simple transmission de l'onde venue des profondeurs de l'Océan, — et
que le régime de ces deux mers est à peu près indépendant l'un de
l'autre, puisque ces mers ne sont en communication entre elles que par
le détroit du Pas-de-Calais, c'est-à-dire par un canal d'une section
relativement très-faible (environ 3o mètres de profondeur moyenne et
28 kilomètres de largeur).
Ceci posé, on remarque que, tandis que l'onde de marée s'engouffre
directement dans la Manche, et met sept heures et demie pour aller de
Brest au fond du détroit, cette onde n'entre, en grande partie du moins,
dans la mer du Nord, que par déversement latéral ; et, après avoir mis
quatre heures pour atteindre le nord de l'Ecosse, elle a encore 1,000
kilomètres à parcourir pour arriver au détroit.
Si l'on suppose dès lors un écran, un barrage, placé de Douvres
au cap Gris-Nez, on conçoit qu'il doit y avoir une différence de
niveau sensible, entre l'onde au nord de cet écran et l'onde au sud
de cet écran, et cela, non-seulement parce que l'onde de la mer du
Nord, ayant plus de chemin à faire et plus d'espace pour s'épanouir,
doit arriver plus déprimée, mais encore parce que, tout au moins sous
de certaines influences de vent, il peut y avoir retard d'une marée
sur l'autre. Et, en effet, la mer, au moment des vives eaux, monte à
Boulogne 1 mètre ou lm,50 plus haut qu'à Calais, et descend 1 mètre
plus bas.
De là des courants alternatifs comme ceux qui se produiraient entre
deux vases communiquants, dont chacun aurait, tour à tour, son niveau
plus élevé que celui de l'autre vase.
On peut se rendre un compte très-exact des diverses circonstances qui
concernent ces courants, en plaçant sur la courbe des marées de Bou-
STCBCKLIN. — LES COURANTS ALTERNATIFS DU PAS-DE-CALAIS 291
logne, qui bsI Immédiatement au sud de L'écran, la courbe dos marées
de Calais, qui est immédiatement au nord de cet écran, après avoir
superposé les lignes de niveau moyen.
MAREE DE VIVE EAU
MARÉE DE MORTE EAU
Fig. 34 et 35. — L;i courbe des marées de Boulogne est représentée
par la plus grosse ligne.
Chaque fois que, par rapport à la ligne horizontale AB, l'eau à Bou-
logne sera plus élevée qu'à Calais, le déversement se fera de la Manche
vers la mer du Nord, et la vitesse du courant dépendra de la différence
des niveaux. Le déversement se fera au contraire de la mer du Nord
vers la Manche, lorsque l'eau sera plus élevée à Calais qu'à Boulogne.
Le moment de renversement des courants correspondra au point de
croisement des deux courbes.
Cette ligure explique ainsi de la façon la plus simple et la plus
naturelle, les faits suivants constatés par les hydrographes et les
ingénieurs :
Le courant montant (du sud au nord) commence deux heures et demie
ou trois heures après l'heure de la basse mer ;
Il dure cinq heures et demie ou six heures ;
Son maximum correspond à peu près à l'étalé de flot;
Le courant descendant (du nord au sud) commence trois heures ou
trois heures et demie après l'heure de la pleine mer ;
Il dure six heures ou six heures et demie;
Il est plus faible que le courant montant;
Son maximum correspond à peu près à l'étalé de jusant;
Les courants sont moins forts en morte eau qu'en vive eau;
Le courant est très-sensiblement influencé par la force et la direction
292 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
du vent, puisque tel vent, par exemple celui du sud-ouest, arrête et
déprime l'onde de la mer du Nord, tandis qu'il pousse et gonfle l'onde
de la Manche.
Et ce qui est digne de remarque, c'est que si l'on fait glisser la
courbe de Calais sur celle de Boulogne, en faisant toujours coïncider les
lignes de niveau moyen, et de manière à représenter des retards de la
marée de la mer du Nord allant de zéro à douze heures, on trouve que
les conditions relatives aux époques et à la durée des courants, ne
varient que peu, et dans des limites qui ne dépassent pas les variations
constatées par les ingénieurs hydrographes. La hauteur de chute et par
conséquent la force du courant, sont seules modifiées d'une façon sen-
sible. Ce sont là les faits qu'on constate par expérience.
Ces courants alternatifs, tout à fait spéciaux au Pas-de-Calais, et qui
proviennent, je le répèle, de ce que, par suite de l'étranglement du
détroit, la marée s'élève et s'abaisse plus du côté de la Manche que du
côté de la mer du Nord, permettent d'affirmer que le canal du Pas-de-
Calais n'est pas encore arrivé à son état d'équilibre, qu'il tend sans
cesse à s'élargir et à s'approfondir, et qu'en choisissant les points
convenables, on peut espérer y créer des ports dont les entrées ne s'en-
sableront pas.
Ces courants de déversement, que l'on désigne, peut-être à tort, par
les mots courant de flot, courant de jusant, atteignent au cap Gris-Nez une
vitesse de trois nœuds (lm, 50 par seconde) et dépassent souvent ce
chiffre sous l'influence des vents. Leur action ne s'étend pas à une
grande distance du détroit. Bientôt, en effet, ils se combinent avec d'autres
courants produits par des causes diverses.
Par suite de l'existence du déversoir du détroit du Pas-de-Calais et
par suite des formes tourmentées des côtes dans les deux mers qui y
confinent, les effets de la marée y sont variables en chaque point.
Chaque localité, chaque baie est soumise à des conditions spéciales et
doit être étudiée à part, sans qu'il soit possible de lui appliquer des lois
générales.
Sans vouloir refaire ici l'histoire des modifications multiples que
subissent les courants et les marées dans la Manche et dans la mer du
Nord, je rappellerai seulement quelques faits qui pourront donner une
idée de la grande variété des phénomènes. Ainsi, sur les côtes de Hol-
lande, à la hauteur d'Amsterdam et de Rotterdam, on constate deux
marées ou plutôt un ressaut dans la marée, ressaut qui provient très-
probablement de ce que l'onde de marée, après s'être fait sentir le long
de la Hollande, en venant directement de la côte anglaise vis-à-vis de
Vainiuuth, y revient de nouveau après avoir touché au fond du détroit
et y avoir recueilli le courant de la Manche;
M i\. — LES COURANTS ALTERNATIFS DU PAS-DE-CALAIS 293
A Saint-Mulo, l'amplitude des marées dépasse treize mètres, tandis
qu'elle atteint à peine sept mètres à Cherbourg;
D'autre part les courants présentent une extrême variété, suivant l'heure
et les points où onles observe. M. Plocq, dans le mémoire précité, divise
ces courants, en courants a directement alternatifs dans la région du
» large, giratoires directs dans la zone du littoral anglais, giratoires
« inverses dans la zone du littoral français. »
Les courants principaux sont en général des courants de rempliss
Ainsi le courant très-marqué que l'on constate au-devant de Cherbourg,
est le résultat direct du remplissage de la grande cuvette que tonne U
Manclie entre le détroit et la presqu'île du Cotentin.
Mais il faut remarquer que ces courants, qui sont en général le
résultai du mouvement de transmission de l'onde de marée, ne s'iden-
tifient pas avec ce mouvement ; cette onde se propage en effel dans la
Manclie avec une vitesse d'environ vingt mètres par seconde, et jamais
on n'a constaté dans cette nier, de courant approchant de ce chiffre.
Pour se faire une idée approximative de la différence, ou de la diver-
gence qui existe entre la vitesse de propagation de l'onde de marée et
la vitesse des courants de remplissage qui en sont la conséquence, sup-
posons un canal rectangulaire MM», dans lequel la marée se propage
J>
.1
1,
"""""si ~^Ç-
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b'"
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N
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P
suivant une courbe abc de; cette courbe correspondant à un intervalle
de douze heures, se trouvera, au bout de six heures, remplacée par la
courbe pointillée a b'c d'e, c'est-à-dire que sur la longueur NP du canal,
et dans l'intervalle de six heures, tout le cube d'eau correspondant
à la surface c d e d\ aura dû être introduit par la section transver-
sale cN.
Si l'on l'on désigne par
V la vitesse de propagation de la marée,
v la vitesse moyenne du courant de remplissage en c N,
1 la largeur du canal,
p la profondeur au-dessous du niveau de basse mer,
2 H l'amplitude de la marée,
c e représentera la longueur parcourue par l'oncle de marée pendant
six heures, soit V X G X 3600,
et l'on aura approximativement l'équation suivante :
294 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
2XjXVx6X 3600 Xl=l(pT f) «XGX 3600
ou v = V — ; 0 u ; donc
2
plus p sera grand, plus v sera petit par rapport à V.
Dans la Manche, V = 20m environ, p = 50m, 2 H = 6m; on en
tire v = lm, 12, ce qui se rapproche beaucoup de ce que l'on observe,
par exemple, au droit de Cherbourg.
Mais, je le répète, ce n'est là qu'un simple calcul approximatif, qui
permet de se rendre compte de la différence, au premier coup d'œil
assez anormale, qui existe entre la vitesse de propagation de la marée,
et la vitesse de déplacement de l'eau.
Pour en revenir, en terminant, au détroit du Pas-de-Calais, si l'on
supposait que l'on fermât momentanément ce détroit, comme il l'a été
probablement jadis, on peut affirmer, que la marée s'élèverait plus haut
au fond des entonnoirs de Boulogne au sud, de Calais au nord, mais
que les courants y seraient à peine sensibles, et que l'eau n'aurait guère
qu'un mouvement d'oscillation dans le sens vertical. Les courants très-
marqués qu'on constate actuellement dans le détroit, sont donc la
conséquence directe de la percée de ce détroit, et ne pourront se modifier
dans leur ensemble qu'avec une extrême lenteur, lorsque, par une longue
suite de siècles, le canal se sera assez élargi, par la corrosion des rives
et du fond, pour que la section du déversoir se soit sensiblement
modifiée, et que la hauteur de chute soit réduite presqu'à zéro. Mais
c'est là un résultat peu probable, car ni la France, ni l'Angleterre ne
voudra se laisser entamer, et l'on saura consolider et défendre à temps
les rives de ce magnifique déversoir.
M. Marcel DEPREZ
Ingénieur civil.
DE L'EMPLOI DES FREINS ELECTRIQUES.
— Séance du 3.0 août, 1 S 7 7 . —
LADVOCAT. — RENSEIGNEMENTS SLR LA VOIRIE URBAINE DU HAVRE 295
M. Alpli. LADVOCAT
Architecte-Toyer de li Ville du Havre.
RENSEIGNEMENTS SUR LA VOIRIE URBAINE DU HAVRE.
— Séunce du 30 août 1877. —
La ville du Havre est actuellement dans sa troisième période de
transformation.
Aperçu rétrospectif. — Fondée en 1516 par François Ier, elle se déve-
loppa jusqu'à la fin du règne de Louis XIII. A cette dernière date
(1643), elle occupait déjà une surface d'environ 30 hectares; elle pos-
sédait un port, un bassin à flot (le bassin du Roi), une citadelle élevée
par Richelieu, et elle était entourée d'une enceinte fortifiée.
Louis XVI, en 1786, dans une visite qu'il fit au Havre, décida l'agran-
dissement de la ville, conformément aux plans de l'ingénieur Lamandé.
Les travaux, reçurent un commencement d'exécution ; mais, la Révo-
lution étant survenue, ils demeurèrent longtemps interrompus.
Repris lentement sous le Consulat et l'empire , ils ne reçurent d'im-
pulsion sérieuse qu'après la paix de 1815.
L'enceinte fortifiée fut démolie et reportée bien au delà de ses pre-
mières limites. De nouveaux quartiers furent créés sur l'emplacement
des anciennes fortifications. La surface territoriale de la ville fut portée
à 200 hectares. En même temps, l' avant-port recevait lui-même un
notable agrandissement, et l'établissement maritime se trouvait doté des
•deux nouveaux bassins de la Barre et du Commerce.
Dans une telle situation, le Havre vit alors son commerce s'étendre
et sa prospérité s'accroître.
Les nouveaux quartiers ne tardèrent pas à être complètement bâtis,
et la population, ne trouvant plus à se loger dans l'enceinte, fut obligée
de chercher asile au dehors.
C'est ainsi que se créèrent, aux portes mêmes de la ville, les trois
communes du Bas-Sanvic, d'Ingouville et de Graville-l'Eure.
Mais, si activement que l'on travaillât à satisfaire tous les besoins, une
nouvellle transformation du Havre devenait de plus en plus indispen-
sable.
Elle fut enfin décidée par Napoléon III, qui, par un décret impérial
du 9 juillet 1852, ordonna la suppression de la triple enceinte des for-
tifications et, par l'annexion des parties agglomérées d'Ingouville, du
Bas-Sanvic et de Graville , lit le Havre de nos jours.
296 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Par suite de cette extension, les nouveaux bassins : Vauban, du Dock
et de l'Eure, que, faute de place, on avait dû construire en dehors des
fortifications, se trouvèrent incorporés dans la nouvelle ville.
Depuis, l'établissement maritime du Havre s'est encore augmenté de
plusieurs docks, sas, écluses, formes de radoub, etc., etc., créés sur
l'emplacement de l'ancienne citadelle; l'avant-port lui-même a subi une
tranformation considérable.
La description complète et savante de ces importants travaux a, du
reste, fait l'objet d'une conférence spéciale de M. Quinette de Roche-
mont, ingénieur des ponts et chaussées, lors de la première séance
générale du Congrès scientifique à l'hôtel de ville du Havre, le
24 août 1877.
Nous renfermant donc dans le cadre que nous nous sommes tracé,
nous allons passer en revue la voirie urbaine, proprement dite, du
Havre, telle qu'elle est ressortie de la troisième transformation de la
ville.
Extension des voies urbaines. — Et d'abord, à la suite du décret im-
périal de 18o2 qui supprimait la triple enceinte, l'administration muni-
cipale arrêta un plan d'ensemble des nouveaux quartiers à créer. Pour
son exécution, il était nécessaire que la Ville s'entendît avec l'Etat, que
des conditions fussent débattues à propos des occupations de terrain par
les nouvelles places et voies publiques; qu'enfin des concessions fussent
faites de part et d'autre, suit en nature, soit en argent.
Alors intervinrent deux traités, relatifs, l'un à la suppression des
fronts nord-est, et l'autre à la suppression des fronts ouest de la ville.
Par le premier traité, que sanctionna la loi du 22 juin 1854, l'Etat
contribuait pour une somme de 1,500,000 francs aux frais de démoli-
tion des fortifications et de création d'un nouveau quartier, avec égouts,
éclairage, plantations, y compris les expropriations nécessaires pour le
raccordement des nouvelles rues avec celles de l'ancienne ville.
C'est sur ce quartier qu'ont été établis le boulevard de Strasbourg et
la place de l'Hôtel-de-Ville, dont le sol était abandonné gratuitement à
la Ville, ainsi que celui nécessaire à la construction de l'hôtel de ville
lui-même, du jardin public, de la place et de l'hôtel de la Sous-Pré-
fecture.
La superficie totale de ces abandons était d'environ 169,340 mètres
carrés.
La loi du 22 juin 18o4 stipulait toutefois l'obligation pour la Ville de
racheter à l'État, moyennant 80,000 francs, les matériaux à provenir
de la démolition des murs qui constituaient la première enceinte
fortifiée.
I LDVOCAT. — RENSEIGNEMENTS SIR LA VOIRIE URBAINE DU HAVRE 297
Les travaux furent exécutés sur les plans et sous la direction de
31. E. Bellot, ingénieur des ponts et chaussées, spécialement autorisé à
cet effet par arrêté ministériel, et ayant pour aide M. Alph. Ladvocat,
architecte. Leur dépense s'est élevée à 3,300,000 francs.
D'après le deuxième traité, qui fut sanctionné par la loi du 11 juin
1854, l'État allouait à la Ville, pour le comblement des fronts ouest de
la place, sur l'emplacement desquels on devait élever le quartier Fran-
çois Ier, avec égouts, éclairage, plantations et expropriations nécessaires
pour la jonction des rues du vieux Havre et du Perrey, une subvention
de 850,000 francs. Il cédait en outre à la Ville, au prix de cinq cen-
times le mètre superficiel, les 89,131 mètres carrés environ de terrain
à occuper par le boulevard et les rues adjacentes.
La dépense totale de ces travaux, qui furent exécutés sur les plans
et sous la direction de 31. Alph. Ladvocat, l'architecte voyer actuel de
la ville du Havre, s'éleva à 1,185,000 francs.
Le Havre actuel. — La surface territoriale du Havre, résultant de la
suppression des fortifications et de l'adjonction des parties agglomérées
des communes suburbaines, telle, en un mot, qu'elle a été délimitée
par le décret impérial du 9 juillet 1852, est actuellement de 1,006 hec-
tares 1 are 46 centiares.
A titre de comparaison, disons que la superficie de la ville de Rouen
est d'environ 1,800 hectares et que celle de Paris atteint aujourd'hui
7,800 hectares.
La plus grande longueur du Havre, mesurée du nord au sud, est de
2,300 mètres. Sa plus grands largeur, de l'est à l'ouest, est de 3,500
mètres.
La ceinture totale de la ville, est d'environ 14 kilomètres, dont 8 du
côté de la terre et 6 baignés par la mer.
Dans la superficie de 1,006 h. 1 a. 46 c.
dont se compose la ville du Havre, le port, les
bassins, les routes nationales et départementales
entrent pour environ 152 heci.
Il reste donc 854 h. 1 a. 46 c
qui se répartissent, savoir :
750 hectares environ pour terrains bâtis ou à bâtir (*)
et 104 hectares environ pour la voirie urbaine, qui se compose de
430 rues, boulevards, etc.
La longueur totale de ces diverses voies est d'environ 96 kilomètres.
(*) Le nombre des maisons est actuellement de 8,243.
298 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Celles pavées occupent une superficie de (y compris les
trottoirs) 19 hect.
Celles macadamisées (y compris les trottoirs) .... 51 —
Enfin, les rues privées, les allées, impasses, cités, les trot-
toirs, les promenades et places sablées, etc 34 —
Total éeal à celui ci-dessus énoncé 104 hect.
Les dépenses d'entretien des voies municipales, y compris l'alimenta-
tion des fontaines publiques, l'éclairage au gaz et les plantations des
promenades, sont calculées pour l'année courante à 651,000 francs.
Les plantations des boulevards et promenades comprennent environ
deux mille pieds d'arbres d'essences diverses (platanes, sycomores, mar-
ronniers). Les platanes sont, en général, les plus usités.
Eaux du Havre. — La ville du Havre est approvisionnée d'eau par
une Compagnie, suivant un traité d'une durée de quatre-vingt-dix-neuf
ans, dont le point de départ remonte au 1er mars 1856.
Une clause de ce traité stipule toutefois des conditions de rachat au
bout des vingt-huit premières années, soit au 1er mars 1884.
11 est plus que probable que la Ville usera du bénéfice de cette
clause, car elle pourra tirer un parti plus avantageux, au point de vue
de l'hygiène et de l'alimentation publique, des eaux qu'elle prend
actuellement en location à la Compagnie.
Il convient de dire, en eifet, que, d'après le traité, les fontaines
publiques sont assujetties à un écoulement d'eau régulier et per-
pétuel.
Or, il est aisé de comprendre que si la Ville pouvait emmagasiner
l'énorme quantité d'eau inutilement perdue par ce mode d'écoulement,
il lui serait dès lors facile de substituer aux minces filets d'eau qui
coulent dans les ruisseaux, des volumes importants qui, s'échappant
pendant quelques heures par des bouches de lavage spéciales, permet-
traient alors de laver à pleine eau les ruisseaux et même les chaussées
des voies publiques. On pourrait également installer des fontaines monu-
mentales sur plusieurs places et carrefours.
Le service de la voie publique paye actuellement à la Compagnie des
Eaux une somme de 114,000 francs pour la location d'un volume jour-
nalier de 4,735 mètres cubes.
Ce volume est réparti entre 259 bornes fontaines à écoulement con-
tinu, 8 bouches de lavage, 8 bouches d'incendie et 70 bouches d'arrosage.
Tous les appareils, bornes, bouches de lavage et d'arrosage sont dis-
posés pour être utilisés en cas d'incendie.
LADVOGAT. — RENSEIGNEMENTS SUR LA VOIRIE URBAINE DU HAVRE 299
Les eaux proviennent des sources de la vallée de Gournay-Saint-Lau-
rent, à 12 kilomètres environ du Havre.
L'altitude de ces sources est à environ 30 mètres au-dessus du niveau
des quais du Havre. Les abonnés peuvent avoir facilement de l'eau aux
quatrièmes et cinquièmes étages des maisons.
Les tarifs d'abonnement depuis 3 hectolitres jusqu'à 400 hectolitres
par jour, varient pour un an, de 50 à 2,500 francs.
Pour les quantités supérieures, la Compagnie traite de gré à gré.
Les eaux pour les fontaines publiques et les abonnements particuliers
sur la côte d'Ingouville sont élevées à l'aide d'une pompe à feu. —
Leur prix de location est le même que dans la partie basse de la ville.
L'importance des livraisons d'eau, faites dans les maisons et établis-
sements industriels s'élève actuellement à plus de 1,300 mètres cubes.
Egouts du Havre. — La Ville du Havre possède un réseau d'égouts
qui atteint aujourd'hui un développement d'environ 23 kilomètres. Dans
ce développement se trouve compris le grand collecteur, d'une longueur
de près de 5 kilomètres, dont les eaux se déversent pour partie sur le
rivage ouest et pour autre partie sur le rivage sud de la mer.
Le sol de la ville du Havre étant pour ainsi dire de niveau dans toute
la plaine, le problème de construction d'égouts et surtout de pentes à
leur donner était assez délicat à résoudre.
D'un autre côté ce sol ne se trouvant guère à plus de lm au-
dessus des hautes marées, et la mer devant être le récipient naturel des
eaux, il devenait dès lors impossible de vider les égouts autrement qu'à
marée basse.
Ces différents obstacles furent surmontés de la manière suivante :
On résolut de construire un grand collecteur en maçonnerie, capable
par ses dimensions de hauteur, de largeur et de longueur, de pouvoir
recueillir les eaux de tous les autres égouts et de les conserver sans
apporter de trouble au fonctionnement de ces derniers, pendant la
durée du plein de la mer.
Ce n'est pas tout, atin de pouvoir donner quelque pente au réseau
des égouts, on décida d'établir le collecteur le plus profondément
possible, sans toutefois que son radier descendît en contre-bas des
niveaux de la plage à basse mer; et afin d'éviter cet inconvénient on
dut alors, vers le milieu de la longueur du collecteur, établir un point
culminant ou de partage des eaux, permettant à celles-ci de s'écouler
les unes vers l'ouest, les autres vers le sud.
Tel est le grand égout collecteur du Havre, d'une longueur, comme
il a été dit ci-dessus, de près de 5 kilomètres.
Il est exécuté en maçonnerie de briques et mortier de chaux hydrau-
300 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
lique de 0m,3i d'épaisseur. Il est recouvert intérieurement d'un enduit
en ciment de 0ra,03 d'épaisseur sur le radier et les piédroits. La voûte
est rejointoyée en mortier de ciment.
Sa hauteur est de 2 mètres et sa largeur est de 2 mètres également.
Les types des autres égouts varient depuis 1 mètre jusqu'à 4m,60 de
hauteur. Leur forme est ovoïde. Ils sont tous ou presque tous construits
en maçonnerie de hriques rouges grésées de 0m,22 d'épaisseur et mor-
tier de ciment de Vassy.
Un nombre considérable de bouches de regards est établi au-dessus
des voûtes, afin d'assurer la ventilation intérieure des galeries.
Le nettoiement de ces égouts est journellement effectué par trois bri-
gades d'égoutiers. Les matières sont extraites par les regards, chargées
dans des tombereaux et transportées aux décharges publiques. Quelques-
unes sont abandonnées à des jardiniers ou maraîchers.
Des chasses d'eau sont fréquemment effectuées dans ces égouts au
moyen de petites vannes mobiles qui s'ouvrent sous la pression de l'ac-
cumulation des eaux.
Quant au grand collecteur, son nettoiement s'effectue tous les quinze
jours aux marées basses de vive eau, à l'aide de deux prises d'eau de
mer importantes, dans deux bassins du Havre.
Disons en terminant, qu'un grand nombre de maisons particulières
écoulent directement dans les égouts, leurs eaux pluviales, ménagères
et même de fosses d'aisances, lorsque celles-ci sont construites à système
diviseur.
Gaz d'éclairage. — Le gaz d'éclairage au Havre est fourni par une
Compagnie anglaise, seule concessionnaire.
Le traité qui lie la Ville à cette Compagnie, dite Européenne, dont le
siège est à Londres, a été fait pour une durée de 50 ans.
La mise à exécution du traité remonte au 1er janvier 1857, son expi-
ration aura lieu le 31 décembre 1906.
Par ce traité, la Compagnie s'engage à livrer du gaz de houille pour
l'éclairage public et particulier, sur tel point et en telle quantité qui
lui sera demandée.
Les conditions de qualité du gaz, son pouvoir éclairant et son degré
d'épuration, sont définis audit traité.
Pour assurer l'entière exécution de ces conditions, la Ville a chargé
l'architecte-voyer d'installer un service spécial de contrôle qui fonctionne
chaque soir.
Un cabinet d'expérience est établi à l'Hôtel-de-Ville et les opérateurs
procèdent aux vérifications du pouvoir éclairant et de la qualité du gaz
livré aux consommateurs.
I.ADVOCAT. — RENSEIGNEMENTS SUR LA VOIRIE URBAINE DU HAVRE 301
En outre, des rondes ont lieu chaque nuit pour surveiller l'éclairage
des lanternes publiques.
Ces lanternes atteignent le chiffre de 1,960
sur les voies publiques municipales, et de 433
sur les quais et ouvrages du port dépendant du service des
Ponts et Chaussées.
Soit en tout 2,393
Le prix du gaz pour les habitants est fixé à 0 fr. 2S du mètre cube.
Le Havre est une des rares villes de France où le gaz est à si bon
marché.
Le prix du gaz livré aux établissements municipaux n'est que de
0 fr. 10 le mètre cube.
L'éclairage des lanternes publiques est payé à forfait à raison de
50 francs par an et par lanterne.
Moyennant ce dernier prix, la Compagnie se charge de toutes les
canalisations, fournitures et pose des candélabres, consoles, lanternes à
gaz. ainsi que des frais d'entretien de ces appareils, de leur allumage
et de leur extinction.
La somme à verser par la Ville à la Compagnie en 1877 pour les
dépenses de l'éclairage public municipal s'élève à 112,500 francs.
Enfin, la ville du Havre participe dans les bénéfices de la Compagnie
du gaz par un prélèvement de quatre centimes et demi par mètre cube
de gaz sur l'excédant de 3 millions de mètres cubes livrés par an à la
consommation particulière.
Ce prélèvement sera élevé à 0,0o centimes à partir du 31 mars 1880,
jusqu'à l'expiration du traité en 1906.
La part de la ville dans les bénéfices, encaissée en 1876, a été de
31,000 francs.
Il resterait beaucoup à dire encore sur la voirie urbaine du Havre.
Ainsi le mode de nettoiement des voies publiques, la nature et la
qualité des matériaux employés à leur entretien, les divers systèmes
d'arrosage, la construction des trottoirs en compte à demi avec les pro-
priétaires, l'exécution du plan d'alignement général de la Ville, enfin
l'application des règlements sur les constructions sont autant de sujets
se rattachant directement à la voirie.
Il ne serait pas moins intéressant également d'exposer les dilférents
projets d'ouverture et de confection de nouvelles voies, d'établissements
de nouveaux égouls, etc., étudiés en vue de poursuivre l'embellissement
et l'assainissement du Havre actuel. Ces projets sont compris dans l'em-
prunt de 9,500,000 francs, que cette Ville demande en ce moment à
l'Etat l'autorisation de contracter.
302 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Mais ce serait trop élargir le cadre de renseignements, pour ainsi dire
généraux, dans lequel nous avons tenu à nous renfermer.
Terminons, toutefois, en disant que la population de la ville du Havre
s'élève, d'après le dernier dénombrement opéré en 1875, à 85,407 ha-
bitants (dont 41,357 du sexe masculin et 44,050 du sexe féminin), et
que si l'on y ajoute les étrangers et marins de passage, cette population
atteint actuellement plus de 92,000 âmes.
M. E.-J. MAEET
Professeur au Collège de France.
LOCH A CADRAN. — ODOGRAPHE.
— Séance du 30 août 1877. —
J'ai apporté, dans l'intention de les soumettre à la section de navi-
gation et de génie civil et militaire, deux instruments destinés à l'étude
des mouvements. L'un est un loch à cadran pouvant être transformé
au besoin en instrument enregistreur, l'autre est un odographe, instru-
ment qui inscrit le chemin parcouru sur terre en voiture ou à pied.
LE LOCH A CADRAN.
Le loch a déjà été présenté par moi à la session de Nantes; à cette
époque ce n'était qu'un instrument théorique ; aujourd'hui la construc-
tion est entièrement satisfaisante. Les détails insérés dans les bulletins
de l'Association sur le principe du loch me dispensent de le décrire de
nouveau, je me borne à rappeler qu'il consiste en deux tubes de Pitot,
orientés l'un; dans le sens de la marche, l'autre, en sens inverse ;
que ces deux tubes aboutissent à deux capsules manométriques dont les
membranes reliées l'une à l'autre par une pièce rigide font, lorsqu'elles
se déplacent, tourner une aiguille sur un cadran.
Quant les tubes sont immergés dans l'eau et que le bateau se met en
marche, on voit l'aiguille entrer en mouvement et s'arrêter lorsque la
vitesse est devenue uniforme. Une graduation à trois échelles concentri-
ques permet de lire la vitesse en nœuds marins, en kilomètres à l'heure
ou en mètres par seconde.
Cet instrument a été gradué théoriquement d'après les formules de
Pitot et de Darcy qui supposent que la pression de l'eau dans les tubes
de l'appareil croît comme le carré des vitesses.
E.-J. MAREY. — LOCH A CADRAN 303
Des expériences pratiques ont été faites pour savoir si les indications
de l'instrument répondaient à la théorie, ou si elles s'en écartaient
d'une manière notable.
Une première série d'expériences fut faite sur un des lacs du bois de
Boulogne au moyen d'un petit canot à vapeur, dont la vitesse estimée au
moyen de bases prises au rivage, n'a pas dépassé deux mètres par
seconde. Les indications de l'instrument étaient de 1/10 en dessous de
cette vitesse qui, du reste, n'a pu être mesurée avec sûreté.
Une autre série d'expériences faite sur les bateaux Mouches de la
Seine a donné un maximum de cinq mètres par seconde en remontant
le courant; sous les arches des ponts, ces maxima étaient sensiblement
plus élevés à cause de la vitesse du courant.
Il n'a pas été possible de contrôler la vitesse au moyen de mesures
prises sur le rivage, parce que la vitesse du courant de la rivière
s'ajoutait dans les indications de l'instrument à celle du bateau lorsqu'on
remontait la Seine et s'en retranchait pendant la descente.
Je viens de faire une troisième série d'expériences dans le bassin de
l'Eure, en eau calme, avec le canot de la Compagnie Transatlantique.
M. Tinette de Beaufort, ingénieur de la Compagnie, et M. Piérard, capi-
taine aux armements, attaché à la maison Quesnel du Havre, m'ont
aidé à ces expériences avec une obligeance dont je les remercie.
D'après l'appréciation de M. de Beaufort, la vitesse du canot devait
être de 7 nœuds 1/2 ou 7 3/4 ; le loch a indiqué dans une première
expérience 7 et 1/5, dans la seconde G et dans la troisième 6 1/2. Des
bases prises sur le quai du bassin et distantes de 720 mètres ont été
parcourues en un temps moyen de 3ra, 14 variant de une à deux secon-
des d'une expérience à l'autre.
La vitesse réelle était donc de 7 nœuds 3. Ces variations données
par le loch s'expliquent par la manière dont il a été appliqué.
Dans la première expérience, les tubes portés par un aviron bien fixé
au canot étaient peu immergés. Dans la seconde et la troisième, l'ex-
trémité des tubes a été enfoncée dans l'eau à une profondeur d'environ
80 centimètres. Il en résultait une grande résistance de l'eau contre la
partie immergée de l'aviron, ce qui le faisait fléchir et altérait la bonne
orientation des tubes.
Ces causes de déchet dans la vitesse, indiquées par le loch nous ont
empêché de constater l'existence d'une autre cause à laquelle je m'atten-
dais : le léger entraînement de l'eau voisine des flancs du bateau.
On voit qu'en somme les indications de l'instrument sont très-voisines
de celles que la théorie leur avait assignées.
Le loch à manomètre différentiel transformé en instrument inscrip-
teur, permettrait de totaliser les chemins parcourus. Mais la principale
30-
NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
qualité de l'instrument semble devoir être la rapidité avec laquelle il
signale tout changement dans la vitesse du navire.
J'ai appliqué le même instrument à un usage tout autre : la mesure
de vitesse du liquide à l'intérieur des conduites d'eau (1). Les tubes de
Pitot étant immergés dans un conduit où l'eau circulait sous pression,
on tournait le robinet d'écoulement de manière à faire varier la vitesse
du liquide. Un vase à capacité constante recueillait l'eau versée ; une
montre à secondes servant à estimer la durée d'écoulement.
En réglant le robinet de façon que le loch (devenu compteur) mar-
quât 5m, on nota tiO secondes pour que le vase fût rempli. Réglant en-
suite l'écoulement pour 2m 1/2 de vitesse lue sur le cadran, il fallut
124 secondes pour remplir le vase ; les résultats dans ces conditions
étaient donc tout-à-fait satisfaisants. Ils furent modifiés par une série
d'épreuves à différentes vitesses d'écoulement et donnèrent toujours des
résultats exacts.
Un instrument de ce genre placé sur le trajet d'une conduite d'eau
permettrait donc d'estimer en tout temps la variation dans la consom-
mation, que l'on ne peut calculer d'après la perte de charge, à moins
que le réservoir n'ait une hauteur invariable.
Ces dernières expériences peuvent être considérées comme une preuve
de la fidélité de l'instrument, quand il sera employé comme loch, et
doivent faire admettre qu'une bonne fixation
de tubes sur les parois d'un navire, permettra
d'estimer la vitesse avec une précision très-
suffisante, avec cet avantage que l'indication
des vitesses sera continue, et au besoin ins-
crite en permanence.
L'autre appareil que je désirais présenter à
l'Association est Yodographe, inscripteur du
chemin parcouru.
odogiiaphe .
Un cylindre mû par une horloge bien réglée
tourne avec une vitesse d'un millimètre par
minute. Parallèlement à la génératrice du
cylindre, un style marche avec une vitesse
qui est fraction de celle du véhicule. A cet
effet, s'il s'agit de mesurer la vitesse d'une
voiture, chaque tour de roue provoque, au moyen d'une came, une
(1) C'est à la solution de ce genre de problème que l'appareil était primitivement destiné, car
il m'a servi à inscrire la vitesse du sang dans les artères [Voir Marey. Travaux <lu laboratoire
de* haute* études au Collège de France 1873).
E.-J. MAltEY. ODOCRAPIIE
30Î
soufflerie d'air qui se transmet à l'appareil moteur du style et le fait
avancer d'une petite quantité. Plus le nombre de tours de roue sera
grand en un temps donné, plus le style aura fait de chemin. L'appareil
est représenté fi g. 37.
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TRACES DE L'ODOGRAPHE
appliqué à des mouvements
divers.
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306 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Au bout d'un certain temps de marche, on voit, écrite sur le papier,
une ligne plus ou moins inclinée suivant la rapidité du véhicule. Les
arrêts et leur durée se traduisent par des lignes horizontales. Tout
enfin se traduit comme dans les graphiques que l'administration des
chemins de fer construit d'après le système de l'ingénieur Ibry pour
représenter le mouvement des trains sur une ligne.
La figure 38 montre la marche d'une voiture avec arrêts multiples.
Pour estimer les espaces parcourus, il suffit de lire sur l'axe des ordon-
nées le nombre de divisions parcourues.
Une graduation préalable doit être faite sur une route kilométrée pour
chaque voiture à cause de l'extrême variabilité de périmètre des roues,
suivant la voiture dont on se sert.
En adaptant dans la chaussure une petite semelle creuse en caout-
chouc, on peut obtenir la soufflerie qui actionne le style, à chaque pas,
comme elle l'actionnait tout à l'heure à chaque tour de roue.
Un petit modèle d'odographe construit à cet effet et pouvant se porter
en bandouillère, inscrit non-seulement le nombre des pas, mais en
exprime la fréquence plus ou moins grande. Des expériences préalables
faites sur une route kilométrée permettent de fixer pour chaque marcheur
la longueur des pas ; on peut ainsi déterminer la variation que la lon-
gueur des pas éprouve suivant qu'on marche en plaine, en montée ou
en descente.
Le même appareil inscrivant la fréquence des tours d'une roue ou
d'un arbre sur une machine quelconque, traduit le nombre de ces tours
en fonction du temps, et exprime conséquemment toutes les variations
de vitesse qu'a éprouvées la machine en un temps donné.
Une plume chargée d'encre à la glycérine, peut tracer pendant plusieurs
jours sans qu'on ait à se préoccuper de la charger d'encre nouvelle.
Enfin quand le style a parcouru toute la longueur du cylindre, il
rétrograde de nouveau et recommence une nouvelle ligne.
Appliqué aux usages physiologiques cet instrument traduit par des
courbes à pentes variées les différences de fréquence des mouvements
du cœur et de la respiration. Comme dans ces cas, les phénomènes dont
on inscrit la fréquence ont trop peu de force motrice, on se sert d'un
relai électro-magnétique dont la force est aussi grande qu'il est néces-
saire.
VICTOB TATIN. — ÉTUDB SDR LE VOL MÉCANIQUE 307
M. Victor TATIN
Ingénieur mec micien ,i P iris.
ÉTUDE SUR LE VOL MÉCANIQUE.
Séunci' du 30 août 18"
J'ai continué cette année les travaux que j'avais entrepris les années
précédentes sur la physiologie et la synthèse du vol des oiseaux, afin
de trouver quel sera le type qui devra être préféré pour une construc-
tion sur une plus grande échelle et susceptible d'une application prati-
que. Dans ces études, qui ne sont pas encore terminées, j'ai pu recon-
naître que certainement la force ne manquera pas, quoique l'on croie
assez généralement que ce point sera toujours l'écuei] principal. C'est
surtout à la fonction de l'aile, à sa façon d'attaquer l'air, à son orien-
tation et aux détails de la relevée que le succès paraît subordonné. Les
remarques que j'ai pu faire sur les oiseaux et les chéiroptères m'ont
conduit à essayer quelques modifications de mes appareils primitifs, et
enfin, à en construire d'autres sur des données nouvelles. Ainsi, la
courbure de l'aile, que l'on considère généralement comme une sur-
face gauche hélicoïdale et qui paraît divisible en deux parties, l'une
active, l'autre passive, cette courbure, dis-je, a peut-être sa raison
d'être. En effet, il est bien évident que lorsqu'un oiseau abaisse ses
ailes, son corps doit s'élever à une certaine hauteur, relativement à l'air
ambiant, et les parties de l'aile les plus voisines du corps suivant ce
mouvement, l'aile aura en ce point une action sur l'air par sa face
dorsale, ce qui serait une mauvaise condition; c'est certainement
pour éviter cette action nuisible que les plumes de la partie dite pas-
sive sont fortement inclinées en bas et en arrière; quant aux autres
plumes, on leur a souvent attribué un effet de clapets dans leur fonc-
tion. A la vérité, cet effet paraît exister, et puisqu'il est à peu près
impossible de saisir le mouvement de cette partie de l'aile par l'obser-
vation, et que son changement de plan dans l'ensemble est presque
nul, c'est en vertu de considérations théoriques qu'on l'admet assez
généralement. Cependant, des schémas ou appareils artificiels destinés à
reproduire le phénomène du vol dans lequel ce mouvement de torsion
existe, ne donnent plus de bons résultats lorsqu'on veut dépasser une
certaine grandeur. J'ai voulu me rendre compte de la raison d'un phé-
nomène aussi bizarre et je crois l'avoir trouvée dans la considération
suivante :
308 NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE
Lorsqu'une aile trappe l'air, la partie de cette aile qui rencontre le
plus de résistance est le bord antérieur (l'oiseau étant supposé en plein
vol normal), l'air déplacé ne prête plus ensuite le même point d'appui
aux parties postérieures du voile, à moins d'une grande courbure des
plumes en bas et en arrière, ce qui devient alors un obstacle à la
translation. Si cette aile est formée d'un voile plein comme chez les
chéiroptères, on comprend alors qu'il y aura une limite à sa largeur,
et par conséquent, à la grandeur totale de l'animal ou du schéma. Si
au contraire, comme dans l'oiseau, cette aile peut être comme subdi-
visée en plusieurs petites ailes représentées chacune par une des
grandes plumes, il s'en suivra un effet utile de toute la surface, aussi
bien pendant l'abaissée que pendant la relevée, où chaque plume
pourra faire séparément son petit effet de cerf-volant ; de là, une tor-
sion très-faible de l'ensemble et une grandeur illimitée de l'organe.
Dans mes dernières expériences sur un grand appareil de la gran-
deur d'un aigle, j'ai pu constater une modification avantageuse des
résultats obtenus, en employant des ailes fonctionnant comme je viens
de le dire. Il est encore une observation de la plus grande importance
et qui fait aujourd'hui le sujet de mes études. J'ai supposé que, puis-
que lorsqu'une aile arrive en bas de sa course sa face inférieure est
tournée en avant, la translation doit rendre la relevée entièrement pas-
sive, peut-être même faut-il que l'aile soit retenue par un effort mus-
culaire afin d'éviter une relevée trop brusque. Je me mis aussitôt à
construire un schéma devant fonctionner sur ces données; l'appareil ter-
miné, je le suspendis à un léger manège et je pus constater qu'en effet
l'aile se relève seule et assez rapidement pour faire admettre que peut-
être l'oiseau fait pendant la relevée un effort dans le même sens que
pour l'abaissée. Les expériences que je me propose de faire encore
pour vérifier ce fait me permettront bientôt, je n'en doute pas, d'affir-
mer que l'oiseau ne fait d'effort pour relever ses ailes qu'au départ et
lorsqu'il n'a pas encore de vitesse acquise. J'introduis peu à peu ces
modifications dans la construction du grand appareil dont j'ai parlé
plus haut et j'espère en faire ainsi un schéma qui sera le type parfait
du vol artificiel. L'appareil ainsi modifié pourra servir a toutes les
études et recherches qui doivent nous conduire à la construction de
machines plus grandes que l'on pourra alors entreprendre sans les
regrettables tâtonnements qui ont fait échouer jusqu'à ce jour les ten-
tatives analogues.
NAVIGATION. — GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE 309
L'ordre du jour de la section comprenait plusieurs autres travaux
qui n'ont pu être communiqués en séance, faute de temps. Nous en
reproduisons les titres ci-après :
MM. Borgnet. — .Nouvel enduit préservatif des carènes de navires.
Fasci. — Nouvelle méthode analytique de la déviation du compas. —
La nouvelle navigation; règles pratiques.
Guitard. — Étude sur un nouveau système de chauffage des wagons.
Knapp3 de New-York. — Améliorations dans les procédés pour renflouer
les vaisseaux.
Koosen. — Théorie du moulin à vent.
J. Le Grand. — Gaffe de sauvetage. — Bitumide pour le calfatage des
ponts de navires.
A. Olivier de Landreville. — Note sur un nouveau surchauffeur. — Le
nausol ou navire Olivier.
Saint-Martin. — Exposé de quelques considérations sur la marine
marchande.
2 Groupe
SCIENCES PHYSIQUES ET CHIMIQUES
h" Section
PHYSIQUE
Président d'honneur. . M. GRINWIS, Professeur à l'Université d'Utrecht.
Président M. A. CORNU, Ingénieur des Mines, Professeur à l'École polytechnique.
Secrétaire. ....... M. MERCADIER, Ingénieur des Télégraphes, Répétiteur à l'École
polytechnique.
M. MEMET
Professeur à Lyon.
NOTE SUR LA THERMO-DIFFUSION GAZEUSE DE LA FONTE.
— Séance du 2i août i877. —
Quand j'avançai l'année dernière dans une communication faite à la
section de physique, que la fonte jouissait des propriétés de thermo-dif-
fusion gazeuse, je ne pouvais apporter à l'appui de cette assertion qu'un
petit nombre de faits particuliers, trop insuffisants pour me permettre
de la généraliser.
En continuant mes études sur ce sujet, je suis arrivé à des résultats
pleinement confirmatifs de ceux de mes premières recherches, et qui,
réduits à ce qu'ils ont de plus essentiel, peuvent se formuler comme il
suit :
La fonte étant poreuse , si l'on prend un bloc de cette substance qui
n'ait séjourné ni dans l'eau ni dans un lieu humide , et qu'on le
chauffe, il y a sortie, par les pores superficiels, d'une portion de la
masse gazeuse intérieure qui se dilate; l'autre portion, restant librement
31:2 PHYSIQUE
en communication avec J'air atmosphérique, se maintient en équilibre
de pression avec lui.
Si on recommence cette expérience après avoir mouillé le bloc en le
laissant pendant un temps assez long dans l'eau ou dans un lieu humide,
c'est la vapeur de l'eau d'imbibition qui se dégage par les pores super-
ficiels; et, pendant toute la durée de son mouvement de sortie, les gaz
extérieurs s'introduisant en sens contraire par les mêmes pores, pénè-
trent à l'intérieur sous pression.
C'est là, incontestablement, un phénomène de thermo - diffusion
gazeuse tout à fait identique à celui que présentent les corps poreux
mouillés lorsqu'on les chauffe, et voici comment je l'ai démontré expé-
rimentalement.
Je me suis servi de cylindres de fonte dont les dimensions ont varié ;
pour la hauteur de 46 à 8 centimètres, pour le diamètre de 9 à 4 cen-
timètres. Ils étaient munis de tubes de fer de S millimètres de diamètre
intérieur qui avaient été introduits dans leur masse pendant qu'elle
était en fusion, et qui faisaient, par conséquent, exactement corps avec
elle.
Si l'on prend un de ces cylindres, au sortir du moule, qu'on le laisse
refroidir, et qu'on le porte alors progressivement au rouge, en le chauf-
fant sur un feu de charbon , un manomètre adapté à l'extrémité libre
du tube de fer, n'accuse qu'une faible élévation de pression due à ré-
chauffement de l'air du tube. Si celui-ci , séparé du manomètre , est
plongé dans l'eau par son extrémité libre , le même échauffement
détermine la sortie de quelques centimètres cubes de l'air intérieur.
Il n'en est plus ainsi quand le bloc est soumis à l'action de la cha-
leur, après avoir été mouillé par un séjour préalable de plusieurs heures
dans l'eau.
Dans ce cas, si le tube de fer est employé comme tube abducteur, il
se dégage, par son extrémité immergée, un volume de gaz qui a été
d'environ 3/4 de litre, pour mes cylindres de grand modèle.
Ce dégagement commence à une température de très-peu supérieure
à 100°, sa vitesse se maintient uniforme tant que la température reste
constante, elle augmente avec l'élévation de température, et peut deve-
nir considérable, puisque j'ai recueilli jusques à 60 centimètres cubes de
gaz par minute.
Cette émission gazeuse est intimement liée au départ de l'eau d'im-
bibition à l'état de vapeur, elle cesse dès que cette eau s'est entière-
ment vaporisée ; les principaux gaz recueillis sont l'azote , l'hydrogène
et l'oxyde de carbone.
Quand l'expérience est terminée, si on laisse refroidir le bloc dans
un lieu bien sec et qu'on le reporte sur le feu , le tube abducteur ne
A. GUÉROUT. — SUR L'ÉLECTROLYSE DE L'ACIDE SULFUREUX 313
donne que quelques bulles de gaz provenant de l'air qu'il contient ;
mais le dégagement recommence avec les caractères précédemment
décrits, si l'on échauffe la fonte après l'avoir préalablement mouillée,
et l'on peut reproduire indéfiniment ces alternatives avec le même bloc.
Si, au lieu d'employer le tube de fer comme tube abducteur, on
adapte un manomètre à son extrémité libre et qu'on chauffe alors le
bloc préalablement mouillé les gaz qui pénètrent à l'intérieur par les
pores superficiels s'y condensent sous des pressions qui dépendent de
la température d'échauffement , et qui ont atteint, au rouge, dans mes
expériences, la limite supérieure de douze atmosphères.
Ces pressions disparaissent dès que l'eau d'imbibition s'est vaporisée.
De l'ensemble de ces faits établis par des expériences nombreuses et
toujours concordantes, il résulte que la fonte possède les propriétés de
thermo-diffusion gazeuse; on les retrouve aussi, mais à un degré moin-
dre, dans le fer, et, par elles, on peut facilement se rendre compte de
particularités jusqu'à présent inexpliquées des expériences de MM. Sainte-
Claire-Deville et Cailletet et sur la perméabilité du fer aux gaz, à des
températures élevées.
M. A. GÏÏÉROÏÏT
Préparateur au Muséum d'histoire naturelle.
RECHERCHES SUR L'ÉLECTROLYSE DE L'ACIDE SULFUREUX.
EXTKAIT Dl PROCÈS-VERBAL.]
— Séance du 2î août 1877. —
M. A. Guérout expose ses recherches sur l'électrolyse de l'acide sulfu-
reux.
Cette opération donne généralement de l'oxygène au pôle positif et du
soufre au pôle négatif. M. Guérout trouve que si l'on opère avec une pile
faible sur une solution aqueuse de l'acide, il se forme d'abord à l'électrode
négative de l'acide hydrosulfureux, et le dépôt de soufre ne se produit en-
suite, quand on emploie une pile forte, que par suite de la décomposition de
cet acide hydrosulfureux.
Quant à l'hydrogène qui entre dans la composition de ce dernier, il pro-
vient de la décomposition de l'hydrate d'acide sulfureux qui se comporterait
en quelque sorte comme un sulfite d'eau.
314 PHYSIQUE
M. Guérout fait remarquer que Félectrolyse de l'acide sulfureux avec une
pile faible fournit ainsi un moyen de préparer une solution d'acide hydrosul-
fureux pur (1).
M. MERCADIER
Ingénieur des Télégraphes, Répétiteur à l'École Polytechnique.
NOUVELLE METHODE DE COMPARAISON DES MOUVEMENTS VIBRATOIRES.
(EXTRAIT Dl' PROCES-VERBAL.)
— S <; an.ce du J ! août I H 7 7 . —
M. Mercadier expose une nouvelle méthode pour comparer entre eux deux
mouvements vibratoires d'amplitude, de période et de phase quelconques.
Elle consiste à armer les corps vibrants de styles disposés de façon que
leurs mouvements soient parallèles, et à les projeter à l'aide d'un faisceau
lumineux cylindrique sur un plan parallèle aux deux mouvements. Les équa-
tions des mouvements projetés sont identiques à celles des mouvements eux-
mêmes; mais alors il y a superposition des deux mouvements et ils se croi-
sent un certain nombre de fois par seconde. Le phénomène physique qui en
résulte consiste dans l'apparition d'un certain nombre de raies noires sur un
fond éclairé.
M. Mercadier montre que si le rapport des périodes des 2 mouvements est
- (h étant le plus grand des deux termes) le nombre des raies est toujours
n
égal à 2 n. Ce nombre et la position des raies caractérisent donc l'intervalle
musical correspondant aux deux mouvements. En particulier, dans le cas de
l'unisson on a deux raies, pour l'octave 4, pour la quinte 6, pour la quarte 8,
pour la tierce majeure 10, pour la tierce mineure 12. . . etc.
D'ailleurs, en étudiant la question analytiquement, on trouve, en supposant
les amplitudes égales, des formules extrêmement simples qui permettent de
calculer la différence de phase des deux mouvements en fonction de l'ampli-
tude et de la distance d'une raie quelconque à la position d'équilibre commune
aux deux styles. Or il est facile de mesurer ces quantités avec une grande
précision en examinant les images des deux styles au foyer d'une lunette
munie d'un micromètre. C'est en cela que consiste principalement l'avantage
de cette méthode de comparaison de deux mouvements vibratoires sur celles
qui sont déjà en usage.
i, Voir C.-R. de l'Ac. des Se. t. LXXV p. 225.
CORNU. — SUR LA PARTIE ULTRA-VIOLETTE DU SPECTRE SOLAIRE 315
M. JABLOCHKOPP
NOTE SUR LES ÉCLAIRAGES ÉLECTRIQUES.
Si '' a ce du 2 4 août i877
M. J.-J. ROMIGÏÏES
Chef du Service photographique du G luvemement portugais, Membre de l'Académie des Sciennes
de Lisbonne.
DESCRIPTION DU SERVICE PHOTOGRAPHIQUE DU pOUVERNEMENT PORTUGAIS.
EXTRAll Dl PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du .' i août (877. —
M. J.-J. Rodrigues adresse à l'Association des renseignements sur l'instal-
lation du service photographique en Portugal avec une collection d'épreuves
photographiques complétant ces renseignements. Il adresse également un cer-
tain nombre d'épreuves de reproduction par la photogravure typographique
d'un ancien livre manuscrit.
M. A. COMÏÏ
Ingénieur des Mines, Professeur à l'École polytechnique.
RECHERCHES SUR LA PARTIE ULTRA-VIOLETTE DU SPECTRE SOLAIRE.
[extrait du procks-verbal.)
— Séance du 25 août 1877 —
M. A. Cornu expose la suite de ses travaux sur la partie ultra-violette du
spectre solaire. Il s'agit d'obtenir une photographie très-nette de la partie qui
se trouve au-delà de la raie correspondant à la longueur d'onde 3i0.
Pour avoir de la netteté il faut : 1° éviter autant que possible la perte de
lumière par absorption. Pour cela, M. Cornu remplace le miroir argenté de
l'héliostat par un prisme de quartz à réflexion totale qui n'absorbe pas sensi-
316 PHYSIQUE
blement les radiations, au moins jusqu'à la longueur d'onde 290. 2° Eviter les
aberrations : pour cela, on calcule le rapport des rayons de courbure de l'ob-
jectif en quartz du goniomètre pour avoir le minimum d'aberration : on trouve
4/10, et pour simplifier, on prend un objectif plan-convexe, la courbure étant
en dehors. 3° Enfin il faut éviter les effets de la biréfringence des quartz;
dans ce but, on prend les quartz dans la direction de l'axe, ce qui supprime
la biréfringence rectiligne, et on accole un quartz gauche à un quartz droit
pour supprimer la biréfringence rotatoire.
En outre, pour bien mettre au point la partie du spectre à photographier
et qu'on ne voit pas, M. Cornu se sert des oculaires fluorescents de M. Soret;
puis cet oculaire est remplacé par une plaque de collodion humide.
A l'aide de ces perfectionnements nouveaux, on peut obtenir des images
qui supportent un grossissement de 150 fois au microscope, et on peut aller
jusqu'à la raie correspondant à la longueur d'onde 290.
M. EEDIEE
Constructeur d'instruments de précision.
THERMOMÈTRE ENREGISTREUR.
(extrait du PROGKS-VERBAL.)
— Séance du 25 août i%H~. —
M. Rédier présente un thermomètre enregistreur qui fonctionne sous les
yeux des membres de la section. Il est fondé sur la différence de dilatation
d'un tube d'acier très-mince de 70 centimèlres de longueur et d'un tube de zinc
qui entre dans le premier à frottement dur. Cette différence est d'environ
0m,01 pour une variation de température de 1 degré. Elle se produit très-
rapidement, ce qui est nécessaire pour la sensibilité de l'instrument. Pour
enregistrer les indications de cette tige, on multiplie ses variations de longueur
par 500, à l'aide d'un système de multiplicateur dont il est impossible de
donner une idée sans dessins, et qui est identique à celui du baromètre enre-
gistreur du même constructeur : un degré de variation de température se
trouve ainsi représenté par une longueur de 5 millimètres.
C.-H.-C. GRINWIS. — SUR I. 'ÉNERGIE DES CORDES VIBRANTES 317
M. C.-H.-C. GRINWIS
Professeur » l'Université d'Utrecht.
SUR L'ABSORPTION DE LA LUMIÈRE D'APRÈS LA THÉORIE DE M. MAXWELL (1).
— Se il il ce du 23 uoùt IS77. —
M. C.-H.-C. CrRINWIS
Professeur à l 'Université d'Utrecht.
SUR LES ONDES SONORES CYLINDRIQUES (2)
Séance du 25 août ls,~.
Soit
M. C.-H.-C. GBJirWIS
Professeur à l'Université d'Utrecht.
SUR L'ÉNERGIE DES CORDES VIBRANTES.
— Séance du 25 août 1 877. —
CO . . .
sin — t— ( Ai cos — h B< sin —J-
i
l'équation de la corde vibrante.
Posons
donc
tTZOt . mat
qi = A* cos — h Bi sin — p
da îtm f irM . _ ir.al \
1r = -T- (" A' s,n -T- + B' cos -r)
(1) Voir Archives néerlandaises, t. XII.
(2) Voir Archives néerlandaises, t. XI.
(D
318
PHYSIQUE
et
.'/ =
oo
</<
sin
i-.i-
1
En cherchant l'expression pour l'énergie totale de la corde, formule
déjà trouvée par M. Donkin (I ), la méthode indiquée pari/. Rayleigh (2)
donne pour l'énergie actuelle T, quand p est la masse de l'unité de
longueur,
' = T'/(4-),* = x"£(*
^ 1
il
c'est-à-dire, quand M est la masse de la corde entière,
t - 4- « £ ( l)2 (^
i
Une première approximation donne pour l'énergie potentielle V de la
corde, quand rl\ est la tension
V = T, /(*-*») =4-1, /(£)**.=
o n
oc
1 „ , \n / 72-2
T.^Zl*
/«
et comme (1) est l'intégrale de l'équation différentielle
d'y „ d'y
dt' '/.;•-
il en suit, comme on sait, T1 —- a-p; donc, puisque M = pi
1J. = a*M
et
GO
1 „ ri i'a'%'
i
Si U est l'énergie totale de la corde vibrante, on aura donc
x
1 *r V \f d(ii Y i <""'-J
t + v = tm2»)+^Î
oo
?-
i«Z^A. + ft
1
2/
et comme la durée d'oscillation du ie ton partiel t*= — —
m
(1) Donkin, .•1p.i/s7/Vv. Oxford, 1810, p. 126H30.
(•2) Rayleigh, Z7te Theory of Sound. London, 1877, p. IMH43.
C.H.C. GRINWIS. — SUR L ÉNERGIE DES CORDES VIBRANTES 319
U==T + V = =*sMVJ^l (4)
c'est l'expression donnée par M. Donkin.
Soit U» l'énergie totale du z° ton partiel, on aura
u = ,. M A'' + B''
U = 2 Ui
(5)
Nous considérons spécialement l'énergie des cordes pincées; comme
dans ce cas la vitesse initiale est nulle, on a B, = 0.
i-at dq{
Qi = A.-cos — — ~j~ =
/ dt
i-a . i-at
— — A( sin — —
t=4-mZ
1---OT
G©
^=t»2-^
A,- sin2
A,2 cos2
i-<it
l
i-a I
CO \
1 v-« ?-z2a2 „ <^ A,2
tandis que
(6)
(?)
>(8)
U,= -2M
A,2
Fig. 39.
Si y est l'ordonnée dans la position initiale d'un point quelconque de
la corde, on aura, puisque
co
= Za.
sin
en multipliant par r^ - dx et intégrant
2
A<=-r<y «
0
sin — - — dx
320 PHYSIQUE
Donc en posant t — 0 , CE = 6, EK = 7 et — = p, on a pour y
de x = 0 jusqu'à x = b y = — x
— y
de x = b jusqu'à x = l y = —, r- (l — x)
et
±{ ( Pb x . i%x . . r' l—x . izx )
a, . = — y — s,n -^ *» + y T-rv m — d.r 1.
0 b
sm
T.'i-b(l—b) l '
mettant pour ~, sa valeur — — la formule (8) devient,
m
U. = -,m — ï; Sin»
rMW {l—by l
Tt , *
ou, a cause de </2 = et 0 = — ,
P P
U< = - — — -7-^ — 7T r • sin2 —
TC2 . ?2 . (p — l)2 . p
>-\ 2
Cherchons la valeur dey en fonction de l'allongement M de la corde.
On a /, -f l2 — l = M
et (9) devient
2(AQ / (p — 1) y2 p2 rt/ ,
_i_^ ^ L OU ^r . — l ■ =2lA/l
p1 l p — I
/J — I \ HT f p — 1
C.-H.-C GRINWIS. — SUR i/ÉNERGIE DES CORDES VIBRANTES 321
ri
tandis que Y = 1\ I fds — dx)
«A
donne pour t = 0
2u* = (Ai)Tl (11)
donc
D, = — -R<
SUi P - 1 \ ™ I V -
Pour la forme initiale nous avons
- . ir.x
yi =- A,- s m —
2yp2 . i~b . i~,r
sm — - sin
TC2t'2(p — 1) / /
et si yi est l'ordonnée initiale pour x =b
y« = r^r I
p- 1
donc à cause de (12)
D, = ^ = -| (14)
i
L'énergie relative du ?e ton partiel (c'est-à-dire le rapport de son
énergie à l'énergie totale) est donc égale au rapport de l'ordonnée de
la courbe du ton i& du point E {x = b) à l'écartement y ou EF.
Ou, si l'on considère l'intensité proportionnelle à l'énergie, on pourra
dire : « L'intensité relative d'un ton partiel a pour valeur h rapport
de l'ordonnée de sa courbe initiale au point où la corde est pincée au
plus grand écartement de ce point. »
On voit que cette règle générale donne comme cas particulier le ré-
sultat connu, que les tons partiels manquent, qui ont leurs nœuds au
point où la corde est pincée.
On peut remarquer que la formule (11) se déduit immédiatement de
(12) comme on pourrait le présumer. En effet la formule (10) donne
GO
2(AZ)F1
V
21
Z«' = SZ*
physique
go
la valeur (11) suit directement en observant que la valeur de X.R.—
v \ v — l
— I est égale à — - — .
co / sin —
P
On a, comme chacun sait,
V. an sin2 n? = a, sin2 <p + o2 sin2 2? -|- a3 sin* 3cj> -f- etc- =
q(2 • fl" ~~ 2a"c0SW:p
1 1
V . o„ cos ncp = cos ? + -j cos 2? -f- -q cos % + • • • •
donc
Il 1
sin2 9 + — sin2 29+7- sin- 3<p + • • • • = -s ?(* — 't)
1 ' 4 » 2s
et
sin 2cp\2 /sin 3cp\2 _ û — 9
(^)"+(^y+(^fy+-=-
2*
GO
enfin 2>=Xf
P
Notre méthode a le double avantage de conduire à la règle générale
mentionnée plus haut [formule (14)], puis de donner l'énergie relative
des tons partiels, non-seulement en rapport à l'énergie du ton fonda-
mental, mais en môme temps en rapport à l'énergie totale.
La première quantité qu'on calcule ordinairement est donnée par la
formule
tandis que la seconde, prise en rapport h l'énergie totale est donnée
par (12)
D ._ JL-JL =
' " SU, S* P
1 1
C.-H.-C. GRINWIS. — Sl'll I.'knf.RGIE DES CORDES VIBRANTES 323
La seconde valeur se déduit de la première par la formule
°< = (^>' (">
ou
Quand J, est calculé, comme il est fait pour p = 7 par M, Helm-
holtz dans son livre remarquable, la formule
D, : = CpJ<
peut servir avec grand avantage pour calculer l'énergie relative en rap-
port à l'énergie totale; tout calcul se réduit à une simple multiplication
de J, par le facteur Cp.
Or ce facteur
Cp = r sm -
% (/)— 1) y;
devient pour p = 7, c'est-à-dire pour une corde pincée en un point
i
7
E situé à — de sa longueur /
C„ = -L sin J- = 0,322234. . . .
3- /
HelmhoUz indique l'énergie ii du 1er ton partiel (le ton fondamental)
par 100; nommons 100 l'énergie totale, nous aurons pour l'énergie
relative D»
partiel
h
D, (énergie totale
= 100)
1
100
32.2
2
81.2
26.2
3
56.1
18.1
4
31.0
10.2
5
13.0
4.9
6
2.8
0.9
7
0.0
0.0
La somme des énergies de ces 7 premiers tons partiels est 91.7 donc
11
à peu près — de l'énergie totale.
324 PHYSIQUE
M. iiuaG-os
Membre de la Sociétr- Royale île Londres, Correspondant de l'Institut de France.
NOTE SUR LE SPECTRE PHOTOGRAPHIQUE DES ETOILES.
— Séance d u 2 S a oui 7*77. —
M. Miller et moi avons obtenu en 1863, la photographie du spectre
de Sirius.
« Le 27 janvier 1863 et le 3 mars de la même année, on obtint un
spectre intense de la partie la plus réfrangible en faisant tomber le
spectre de cette étoile (Sirius) sur une surface de collodion sensible.
Quoique suffisamment limité sur ses bords, le spectre ne présente pas
d'indications de raies, soit par suite d'une disposition mauvaise de l'ap-
pareil, soit parce que le mouvement de l'étoile n'était pas exactement
compensé par l'horloge, soit par suite de troubles dans l'atmosphère.
D'autres recherches nous ont empêché de continuer ces expériences,
mais nous n'avons pas abandonné l'intention de les poursuivre. » (1).
J'ai repris ces recherches à l'aide d'un télescope muni d'un miroir de
18 pouces, appartenant à la Société royale. Un long temps s'est écoulé
avant d'avoir pu obtenir le mouvement uniforme nécessaire à ces obser-
vations. Pour y arriver, M. Howard Grubb a appliqué avec succès au
rouage moteur, le contrôle d'une pendule à secondes en connexion élec-
trique avec une horloge sidérale : ce système fonctionne d'une manière
satisfaisante.
Les prismes employés sont en spath d'Islande, les lentilles en quartz.
Après essai des divers procédés photographiques, on s'est arrêté à l'em-
ploi des plaques sèches.
L'appareil est arrangé de telle sorte qu'un spectre fourni par le soleil
ou par la lumière électrique, peut être obtenu sur la même plaque
pour servir de comparaison avec le spectre de l'étoile. Les spectres sui-
vants ont déjà été obtenus : Sirius, Vega, Vénus, la lune, etc.
Je ne puis dans cette note décrire en détail les dispositions de l'appa-
reil qui a été construit spécialement, ni présenter les résultats obtenus
dont nous nous bornerons à citer un extrait :
La plaque sèche ayant été exposée à l'action de la lumière de Véga
(a de la Lyre) resta en place dans l'appareil jusqu'au malin suivant
où sur la seconde moitié de la plaque on put obtenir l'image d'un
spectre solaire. L'épreuve montre sept fortes lignes toutes légèrement
Hi Pkilosophical transactions. 1S64, p. 428.
Dr CH. BRAME. — SUR LA CORRÉLATION DES FORCES PHYSIQUES 325
estompées sur les bords. Les deux lignes les moins réfrangibles coïnci-
dent avec deux des lignes connues de l'hydrogène dans le spectre so-
laire.
L'emploi d'appareils en cours de construction (1876) permettra sans
doute d'obtenir des lignes plus fines et d'étendre la méthode aux étoiles
moins brillantes que celles sur lesquelles on a opéré (i).
M. VINOT
Directeur du Journal du Ciel.
PROPOSITION DE CREATION
DUNE COLLECTION CIRCULANTE D'INSTRUMENTS DE PHYSIQUE
A L'USAGE DES MEMBRES DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE.
Séance du iï août 1871. —
M. le D' Charles BRAME
De Tours.
SUR LA CORRÉLATION DES FORCES PHYSIQUES.
(extrait du procès-verbal.)
# — Séance du 87 août 1 877. —
1° Plus ou moins condensée, la matière diffuse moléculaire produit tous le
corps admis. Ces corps sont composés de particules noyaux, enveloppées de
particules atmosphères (2). Dans les corps simples ou élémentaires, l'atmos-
phère et le noyau sont homogènes, ils sont hétérogènes dans les corps com-
posés: et dans la première, comme dans la seconde, ils sont susceptibles d'in-
terversion (Allotropie. Isomérie). Il existe la plus grande analogie entre la
combinaison chimique (Atmosyn thèse, Ch. B.) et la condensation des vapeurs
et entre la décomposition chimique (Atmolyse), la tension et le dégagement ou
émission de vapeur.
2° La matière est tout ce qui se meut sensiblement. Les vibrations simulta-
(1) Proceedinçjs of the Royal Society.
(2) De la loi des proportions multiples de Dalton et des atmosphères particulaires. Ch. Brame.
Société philomatique, 1853 (séance du 21 mai).
326 PHYSIQUE
nées de noyaux et d'atmosphères homogènes ou hétérogènes, si leur direction
est dans le même sens, engendrent la chaleur et la lumière ensemble ou sépa-
rément; l'électricité est produite par la vibration en sens inverse des noyaux
et des atmosphères.
3° Les particules les plus ténues de la matières sont des vésicules, c'est-à-
dire de petits sphéroïdes entièrement clos, remplis de vapeur condensée et en-
tourés d'une atmosphère de vapeur. En s'agrégeant, les vésicules forment des
utricules dont l'occlusion périphérique s'établit de la même manière. Certaines
vésicules cristallisent. En se volatilisant, la vapeur est absorbée par une vési-
cule centrale, tandis que les vésicules persistantes (Encyclide), décrivent autour
de la première un cercle qui, par conjugaison peut passer à l'ellipse ou à telle
autre courbe fermée (Cyclide).
4° Lois des Cyclides. a. La raison delà cyclide par rapport à un axe du cristal
central engendré est comme 1,2, 3, 4, 5, etc., ou comme 1 £, 2 £, 3 £, etc. 1.
b Dans l'intérieur de la Cyclide l'adhésion ou gravitation particulière est comme
S . ,..
-. c Sur la limite circulaire et en dehors de la cyclide la gravitation particulière
S
est comme -^ (S représente le volume produit ; ft représente le rayon de la
cyclide). Ces lois sont applicables au système céleste (Seguin et Brame).
M. le F Charles BEAME
SUR LES DENSITES DU SOUFRE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 2 7 août IS 77. —
M. le Dr Ch. Brame essaye d'expliquer les différents nombres attribués par
les observateurs au soufre dans les divers états où on le trouve naturellement
et dans ceux où on l'amène artificiellement. L'auteur attribue ces différences
principalement à l'insuffisance des moyens employés, à l'interposition entre
les molécules de petites quantités du dissolvant, d'air, de matières étrangères.
J. JANSSBN, — SUR LA PHOTOGRAPHIE SOLAIRE 327
M. J. FERMER
Commandant d'Étnt-Mnjor, Membre du Bureau des Longitudes.
DÉTERMINATION DES LONGITUDES, LATITUDES ET AZIMUTS TERRESTRES
EN FRANCE ET EN ALGÉRIE.
(iaiiuii lit PKOC&S-YBMAIu)
— Séa net d » :'.'/ a oui /s 77. —
M. le commandant Periukr présente des renseignements détaillés sur la
détermination des longitudes, latitudes et azimuts terrestres en France et en
Algérie : il fait connaître la méthode de calcul adoptée pour la détermination
de l'heure absolue d'une station ainsi que le mode de discussion des erreurs
systématiques ou accidentelles; enfin, il indique le degré de précision des
longitudes obtenues.
M. J. JANSSEN
Membre de l'Institut, directeur de l'Observatoire physique de Meudon.
SUR LA PHOTOGRAPHIE SOLAIRE ET LES FAITS QU'ELLE NOUS RÉVÈLE
TOUCHANT LA CONSTITUTION DE LA PHOTOSPHÈRE.
— .Séance du 29 août 1877. —
J'ai l'honneur de présenter à la section, une photographie solaire où
le disque de l'astre a 30 centimètres de diamètre.
Ce n'est pas principalement en vue de ce grand diamètre que cette
photographie présente de l'intérêt, c'est surtout au point de vue des
phénomènes qu'elle révèle.
Jusqu'ici, cet art n'avait été envisagé dans ses applications à l'astrono-
mie, que comme un moyen d'obtenir des phénomènes, des images fidèles
et indépendantes de toute intervention de la main humaine.
Aujourd'hui, la photographie est en état de rendre des services encore
plus importants, et devient un moyen de découvrir des phénomènes
qui eussent échappé à l'investigation par nos instruments d'optique.
A l'égard du soleil, la photographie est en voie de nous révéler des
faits de la plus haute importance.
Avant de parler de ces faits, disons quelques mots des procédés pho-
tographiques qui ont permis de les découvrir.
328 PHYSIQUE
Il s'agit de la surface du soleil. Or, on sait que jusqu'ici, la photo-
graphie avait été impuissante à reproduire les détails donnés par les
instruments puissants.
Les photographies les plus remarquables du soleil obtenues jusqu'ici,
et parmi lesquelles il faut citer en première ligne, celles de l'éminent
M. Warren de la Rue, un des fondateurs de la photographie céleste,
celles de M. Rutherfurd, etc., donnaient très-bien les taches et lesfacules,
mais pour la surface solaire proprement dite, elles ne montraient que
des marbrures sans aucun des détails de granulations, dont les instru-
ments d'optique nous ont révélé l'existence.
Il faut dire qu'on ne cherchait même pas à obtenir ces détails si dé-
licats, entrevus dans des circonstances atmosphériques très-favorables,
et que les procédés photographiques paraissaient absolument impuissants
à reproduire.
En méditant sur la question, j'ai été amené à penser que cette infé-
riorité avait sa source dans le mode suivi jusqu'ici, et non dans l'es-
sence même de la méthode photographique.
J'ai même reconnu, en comparant très-attentivement les deux métho-
des, que la photographie devait avoir sur l'observation optique, des
avantages qui lui étaient absolument propres, pour mettre en évidence,
des effets et des rapports de lumière que la vue est impuissante à per-
cevoir ou à estimer.
Notre organe visuel possède l'admirable faculté de pouvoir fonctionner
dans les conditions d'éclairement les plus différentes; mais aussi, la vue
ne nous permet pas de juger des rapports d'intensité lumineuse, surtout
quand ces intensités sont extrêmement considérables.
L'image solaire est dans ce cas. Malgré l'intervention des verres co-
lorés, des hélioscopes, etc., l'œil doit saisir des détails dans un milieu
éblouissant, et fonctionner dans des conditions tout à fait anomales pour
lui. Les vrais rapports d'intensité lumineuse des diverses parties de
l'image ne peuvent plus être perçus, et les apparences ne répondent
plus à la réalité des choses. C'est là ce qui explique les opinions si
différentes qui ont été émises sur les formes et les dimensions des gra-
nulations et des parties constitutives delà surface solaire.
L'image photographique, quand elle est obtenue dans des condition^
bien réglées de l'action de la lumière, est affranchie de ces défauts,
et elle exprime d'une manière très-approchée, les vrais rapports
d'intensité lumineuse des diverses parties de l'objet qui lui donne
naissance.
Pour que ce précieux résultat soit réalisé, ii faut que pendant l'action
lumineuse, la couche sensible reste sensiblement semblable à elle-même,
condition qui exige que la portion de la substance photographique, in-
J. JANSSBN. — SUR LA PHOTOGRAPHIE SOLAIRE 329
fluencée pendant la pose, ne soit qu'une faible partie de la quantité en
présence sur la plaque.
J'aurai à revenir sur ce point important.
Ainsi, en dosant rigoureusement le temps de l'action lumineuse, de
manière à ne pas avoir de surpose pour les parties les plus brillantes du
disque solaire, on aura une image qui nous présentera, non-seulement
les détails dans la vérité de leurs contours, mais qui, en outre, nous ins-
truira sur les rapports très-approchés de leurs véritables intensités lumi-
neuses.
La photographie possède encore sur la vue, un autre avantage pré-
cieux, surtout quand il s'agit de courtes poses. J'ai reconnu, en effet,
que le spectre photographique, quand l'action lumineuse est courte, au
lieu d'avoir l'étendue qu'on connaît, se réduit à une bande étroite située
près de G.
Cette curieuse propriété montre qu'on pourrait obtenir des images
photographiques très-tolérables du soleil , avec des lentilles simples à
long foyer. Elle montre surtout que l'achromatisme chimique est in-
comparablement plus facile à réaliser que l'achromatisme optique, et
que les images solaires notamment, obtenues en ayant égard à cette
propriété, peuvent avoir une netteté incomparablement plus grande
que celle des images optiques.
Tels sont les avantages que j'appellerai avantages de méthode, que la
photographie présente sur l'optique oculaire.
L'infériorité des images photographiques solaires obtenues jusqu'ici
tenait donc uniquement aux conditions défavorables dans lesquelles
elles étaient obtenues.
En premier lieu , il faut placer les circonstances de durée exagérée
dans l'action lumineuse.
En effet , quand l'action lumineuse est [trop prolongée relativement
à son intensité, l'image photographique s'agrandit rapidement et perd
toute netteté de contours. Ce phénomène qu'on pourrait nommer l'irra-
diation photographique (sans rien préjuger de sa cause) est très-frappant
dans les photographies d'éclipsés totales qui ont été obtenues depuis
1860. Sur ces photographies, on voit l'image des protubérances empié-
ter sur le disque lunaire d'une quantité qui s'élève à 10", 15" et plus.
On comprend que, quand il s'agit de granulations solaires qui ont
un diamètre moyen de 2 à 3", on ne pouvait les obtenir sur des images
où l'irradiation photographique avait une valeur très-supérieure à leurs
propres dimensions.
J'ai donc étudié avec le plus grand soin, et en conformité avec les
principes posés précédemment, le temps de l'action lumineuse, de ma-
nière à combattre cet obstacle capital,
330 PHYSIQUE
J'ai combiné la diminution de temps de l'action lumineuse avec
l'agrandissement des images.
Les dimensions des images ont été portées à 12, lo, 20, 30 centi-
mètres.
Le temps de l'action lumineuse qui est ici la condition exclusive du
succès (car on a obtenu des portions d'images solaires répondant à des
disques de plus de 1 mètre de diamètre et qui ne montrent pas la gra-
1
nidation), a été abaissée jusqu'à de seconde en été (1). Il faut
o . uuu
un mécanisme tout spécial et très-parfait pour régler ainsi une durée
aussi courte, et donner pour les diverses parties de l'image une égalité
1
d'action lumineuse qui doit être réalisée à ._ ,,AA de seconde.
10.000
Quand la durée d'action lumineuse est si courte , l'image est beau-
coup plus latente encore que dans les circonstances ordinaires; il faut
lui appliquer un développement lent qui se termine ensuite par le ren-
forcement à l'acide pyrogallique et au nitrate d'argent.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que les opérations photographiques doi-
vent être conduites avec le plus grand soin quand il s'agit d'images des-
tinées à révéler de si délicats détails. En particulier, disons que le
coton-poudre doit être préparé à haute température pour donner une
couche d'une finesse suffisante. Ces conditions réalisées, on obtient alors
des images solaires qui, par rapport aux anciennes, constituent un
monde nouveau et montrent des phénomènes sur lesquels nous allons
nous arrêter un instant.
Mais auparavant, je dois dire que la lunette photographique qui m'a
servi dans ces recherches, a été construite pour ma mission du Japon,
par M. Prazmowski, le savant opticien qui prend actuellement une place
si honorable dans l'optique française. M. Prazmowski avait basé les
calculs de l'objectif sur les indications spectrales que je lui ai fournies
touchant le maximum d'action dont j'ai parlé.
Pour les opérations photographiques , j'ai été très-habilement secondé
par M. Arents, artiste photographe attaché à l'observatoire de Meudon.
Disons maintenant un mot des phénomènes que nous montrent ces
photographies solaires.
On a beaucoup étudié la surface photographique dans les grands ins-
truments d'optique. Cette étude a conduit à admettre dans cette couche
solaire, la présence d'éléments granulaires sur la forme et les dimensions
desquels on n'est pas encore d'accord. Nos lecteurs se rappellent les
discussions qui se sont élevées sur des formes rappelant les grains de
H) Le chiffre sp rapporte à l'action do la lumière, solaire naturelle qui n'aurait passé par
aucun milieu réfringent.
J . JANSSEN . — SUIl LA PHOTOGRAPHIE SOLAIRE 331
riz, les feuilles de saule, etc. Nous ne reprendrons pas cette discussion.
La photographie est maintenant en état de résoudre la question. Aussi,
dans le travail que nous poursuivons, et dont nous donnons seulement
ici les prémisses, nous attachons-nous surtout à l'étude des clichés, qui
sont désormais les documents les plus importants à consulter.
Nos photographies montrent la surface solaire couverte d'une fine
granulation générale. La forme, les dimensions, les dispositions de ces
éléments granulaires sont très-variés. Les grandeurs varient de quelques
dixièmes de seconde, à 3 et 4 secondes. Les formes rappellent celles du
cercle et de l'ellipse plus ou moins allongée, mais souvent ces formes
régulières sont altérées.
Cette granulation se montre partout, et il ne paraît pas tout d'abord
qu'elle présente une constitution différente vers les pôles de l'astre. Il
y aura cependant à revenir sur ce point.
Le pouvoir éclairant des éléments granulaires considérés séparément
est très-variable ; ils paraissent situés à des profondeurs différentes dans
la couche photosphérique.
Les éléments granulaires les plus lumineux, ceux dans lesquels réside
surtout le pouvoir lumineux de la photosphère n'occupent qu'une petite
fraction de la surface de l'astre.
Mais le résultat le plus remarquable, et qui est dû exclusivement à
l'intervention de la photographie, c'est la découverte du réseau pho-
tosphérique.
En effet, l'examen attentif de ces photographies montre que la pho-
tosphère n'a pas une constitution uniforme dans toutes ses parties; mais
qu'elle se divise en une série de ligures plus ou moins distantes les
udes des autres, et présentent une constitution particulière.
Ces figures ont des contours généralement arrondis, souvent assez
rectilignes et rappellent des polygones.
Les dimensions de ces figures sont très-variables. Elles atteignent
quelquefois une minute et plus de diamètre.
Tandis que dans les intervalles des figures dont nous parlons, les
grains sont nets, bien terminés, quoique de grosseur très-variable, dans
l'intérieur, les grains sont comme à moitié effacés, étirés, tourmentés;
le plus ordinairement même, ils ont disparu pour faire place à des
traînées de matière qui remplacent la granulation. Tout indique que,
dans ces espaces, la matière photosphérique est soumise à des mouve-
ments violents qui ont confondu les éléments granulaires.
Je ne toucherai point aujourd'hui aux conséquences de ce fait qui
nous éclaire sur les formes de l'activité solaire et montre, comme je le
disais il y a quelque temps, que cette activité dans la photosphère est
toujours très-grande, bien qu'il ne se montre aucune tache à la surtace.
332 PHYSIQUE
Le réseau photosphéiique ne pouvait être découvert par les moyens
optiques qui s'adressent à la vision du soleil.
En effet, pour le constater sur les épreuves, il faut employer des
loupes qui permettent d'embrasser une certaine étendue de l'image
photographique. Alors, si le grossissement est bien approprié, si l'épreuve
est bien prise, et surtout si elle a reçu rigoureusement la pose conve-
nable, on voit que la granulation n'a pas partout la même netteté, que
les parties à grains bien tonnés dessinent comme des courants qui cir-
culent de manière à circonscrire des espaces où les phénomènes pré-
sentent l'aspect que nous avons décrit. Or, pour constater ce fait, il faut,
comme nous disons, embrasser une notable portion du disque solaire,
et c'est ce qu'il est impossible de réaliser quand on regarde l'astre dans
un instrument très-puissant, dont le champ est par le fait même de
sa puissance, très-restreint. Dans ces conditions, on peut très-bien cons-
tater qu'il existe des portions où la granulation cesse d'être nette ou
même visible; mais il n'est pas possible de soupçonner que ce fait se
rattache à un système général.
Déjà l'examen des photographies embrassant un petit nombre de mois,
montre des différences dans la constitution du réseau photosphérique,
différences qui vont nous instruire sur les variations dans les formes
de l'activité solaire.
Ainsi, la photographie solaire est placée dès maintenant dans les
conditions où elle peut nous révéler les faits les plus importants sur la
constitution du soleil. C'est une méthode nouvelle qui s'ouvre devant
nous, et dont nous pouvons associer les efforts à ceux de l'analyse
spectrale et de l'ancienne optique, pour résoudre enfin définitivement
les grands problèmes que soulève l'astre du jour (1).
M. HTJGrGINS
Membre de la Société Royale de Londres, Correspondant de l'Institut de France.
RECHERCHES DE M. DRAPER SUR LE SPECTRE SOLAIRE.
(extrait du procès- verbal.)
— Séance du i'.) août 1877. —
M. Huggins communique des résultats obtenus par M. Draper dans le cours
(l) Voir dans les Comptes rendus de l'Académie, séance du 31 décembre 1877, une communica-
tion qui contient de nouveaux détails sur la constitution de la photosphère solaire.
A. ANGOT. — SUR LA FORMATION DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES 333
de ses recherches sur le spectre solaire. 11 s'agit de raies brillantes découver-
tes dans ce spectre et qui, d'après M. Draper, appartiendraient à l'oxygène.
Toutefois, cette affirmation a besoin d'être confirmée par de nouvelles études.
M. A. AMOT
Professeur au Lycée Fontanes.
RECHERCHES SUR LA FORMATION DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES.
— Séance du 29 août 1877. —
On sait depuis longtemps que l'image photographique d'un objet très-
lumineux est dilatée et empiète sur les parties obscures. Jusqu'à ce
jour on s'est borné à constater cet effet, en l'attribuant à une sorte
à' irradiation, à un cheminement de proche en proche de l'action chi-
mique. Les tentatives récentes d'appliquer la photographie aux mesures
astronomiques de précision rendaient nécessaire l'étude approfondie de
ce phénomène.
Le travail qui suit a été effectué dans les caves de l'Ecole normale
supérieure. Grâce à la bienveillance de M. H. Sainte-Claire-Deville, j'ai
pu mettre à profit les ressources de son laboratoire, et m'installer dans
une cave de 90 mètres de longueur en ligne droite, à côté des appareils
qui servaient à la même époque à M. André, pour ses études sur la
diffraction clans les instruments d'optique. Le résumé présent de mes
recherches se divise naturellement en deux parties, l'étude théorique et
expérimentale du phénomène, et les conséquences qu'on en peut déduire
relativement à quelques applications de la photographie à l'astronomie.
§ 1er. — Étude expérimentale.
1° Marche des expériences. — Les images photographiques ont été
obtenues directement, sans grossissement, au foyer d'une lunette que la
Commission du Passage de Vénus a bien voulu mettre à ma disposition,
et qui m'avait servi à l'observation même du passage à Nouméa (Nou-
velle-Calédonie). L'objectif, de 13 centimètres d'ouverture et d'environ
3m>80 de distance focale, était achromatisé par l'écartement des verres
qui le composent et donnait de bonnes images, au moins au point de
vue de l'achromatisme, bien que son pouvoir optique laissât un peu à
désirer.
334 PHYSIQUE
Les épreuves ont été mesurées avec une des machines construites par
MM. Brùnner pour la Commission du Passage de Vénus, et qui permet-
tent d'évaluer avec certitude le l/o00e de millimètre, ce qui représen-
tait sur les images une valeur angulaire de 0",1 environ. J'ai jugé inu-
tile d'essayer de dépasser cette limite, qui m'a paru être tout ce que le
système optique employé pouvait donner dans les circonstances où
j'opérais.
L'objet photographié, disposé à environ 87 mètres de l'objectif, est
formé de deux rectangles lumineux égaux, séparés par une bande
obscure. Ces rectangles sont découpés dans une lame métallique que l'on
applique sur une plaque de verre dépoli, éclairée par derrière avec une
lampe Drummond ou la lumière électrique. On réalise ainsi un éclaire-
ment uniforme de l'objet photographié, condition absolument indispen-
sable.
Grâce à cette disposition on peut observer très-facilement le fait même
de l'irradiation supposée; mais surtout on peut mesurer l'effet en va-
leur absolue. L'augmentation de dimensions de chaque rectangle lumi-
neux est, en effet, nécessairement égale à la diminution de l'intervalle
obscur compris entre eux; la somme des largeurs d'un des rectangles
lumineux et de l'intervalle obscur est donc constante et égale à ce qu'elle
serait si l'image se formait d'après les lois de l'optique géométrique.
Les mesures faites sur les épreuves font ainsi connaître cette somme;
une mesure directe prise sur l'objet lui-même donne le rapport des in-
tervalles obscur et lumineux. Connaissant leur somme et leur rapport on
calcule leur valeur absolue pour l'image géométrique théorique, et la
comparaison de ces valeurs avec les résultats des mesures effectuées sur
les épreuves donne, dans chaque cas, la grandeur absolue de l'augmen-
tation de l'image, attribuée à l'irradiation. En outre, la constance de la
somme des intervalles obscur et lumineux fournit une excellente vérifi-
cation, qui permet d'apprécier sûrement le degré de précision des expé-
riences.
Pour ne pas allonger inutilement, je ne rapporterai pas ici de nom-
bres. Ils seront publiés avec détail dans le mémoire original ; les résultats
sont, du reste, évidents sur les épreuves photographiques à la simple
vue et sans aucune mesure, comme on a pu le constater sur les épreuves
qui ont été présentées au Congrès du Havre. 11 suffira d'ajouter que
l'erreur moyenne sur la somme, qui doit être constante, ne dépasse pas
0ram,00i (0"0o), et que rarement les écarts individuels des expériences
s'élèvent à 2/o00 de millimètre (0",2).
2° Résultats obtenus. — En faisant varier successivement les condi-
tions de l'expérience, on a obtenu les résultats suivants qui ont été vé-
rifiés successivement sur des épreuves photographiques au collodion sec
A. ANGOT. — SUR LA FORMATION DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES 335
et au collodion humide, aussi bien que sur des plaques daguerriennes
préparées à l'iode seul ou au brome et à l'iode.
1° Influence de l'intensité. Toutes choses restant égales, la dimension
de l'image d'un objet lumineux augmente avec l'intensité de la lumière.
L'image obtenue est généralement plus grande que l'image géométrique ;
mais pour une intensité assez faible on peut obtenir une image plus pe-
tite, (dans une expérience, par exemple, l'intensité ayant varié de 1 à
i/38, l'excès de l'image vraie sur l'image géométrique a varié de
+ 12"7 à —2". 5).
2° Influence de la durée de pose. — La durée de pose a une influence
de même ordre que l'intensité; l'image obtenue croît avec elle, mais
moins rapidement que pour l'intensité. Ainsi une durée de pose 2 avec
une intensité 1 donne une image moins grande qu'une durée de pose 1
avec une intensité 2.
3° Influence de la sensibilité de la plaque. — Pour une même durée
de pose et une même intensité lumineuse, les phénomènes croissent avec
la sensibilité de la plaque, sans qu'il soit cependant possible de donner
une loi numérique, la sensibilité n'étant pas définie rigoureusement.
Mes expériences pourraient, au contraire, permettre de mesurer numé-
riquement, au point de vue de la photographie, la sensibilité des diverses
couches impressionnables en la représentant, par exemple, par l'inverse
de l'intensité lumineuse qui donnerait, avec une durée dépose constante
d'une seconde, une image égale à l'image géométrique.
4° Influence du diamètre de l'objectif. — Dans ces expériences, on
comparait la grandeur des images obtenues successivement sur la même
plaque et avec la même durée de pose, avec l'objectif entier et l'objectif
diaphragmé à moitié; mais on quadruplait alors l'intensité de la lu-
-mière, de façon que l'éclat de l'image fût constant. L'image se dilatait
d'une façon très-notable quand l'ouverture de l'objectif diminuait.
5° Influence de l'exposition antérieure à la lumière. — Dans cette sé-
rie, j'exposais à la lumière diffuse une moitié de chaque plaque et je
faisais ensuite sur les deux moitiés une série d'épreuves avec la même
durée de pose et la même intensité, de façon que toutes les conditions
fussent identiques de part et d'autre, sauf l'exposition antérieure à la
lumière. L'expérience a montré constamment que l'image obtenue sur la
moitié intacte était plus grande que sur celle qui avait préalablement été
impressionnée par la lumière diffuse.
§ 2. Théorie des phénomènes précédents.
L'hypothèse généralement admise, au moins dans le langage, d'une
irradiation photographique, d'un cheminement de proche en proche de
l'action chimique ne saurait rendre compte des faits observés. S'il y
336 PHYSIQUE
avait cheminement, il devrait être plus grand sur une plaque ayant
déjà subi l'action de la lumière diffuse, fait contredit par l'expérience;
en augmentant la durée de pose, il est probable également que le che-
minement croîtrait plus facilement qu'en augmentant l'intensité, ce qui
est en opposition avec les résultats des deux premières séries ci-dessus.
Enfin, et c'est là l'objection principale, la théorie de l'irradiation ne
peut absolument pas rendre compte de ce fait qu'on puisse, en rédui-
sant convenablement l'intensité de la lumière ou la durée de pose, obte-
nir des images plus petites que l'image géométrique.
Les théories ordinaires des phénomènes lumineux donnent, au con-
traire, une explication très-simple de tous les faits observés.
L'étude de la diffraction au foyer des
lentilles, faite d'abord par Schwerd (Beu-
gungserscheinungen), simplifiée et étendue
par M. André (Annales de l'école normale
supérieure, 1876. V. p. 275), conduit aux
résultats suivants : l'intensité lumineuse de
l'image d'un objet uniformément éclairé
n'est pas constante près des bords de cet
objet. Elle décroît en dedans même de
l'image géométrique et est réduite exacte
ment à moitié au bord même; enfin, en
dehors de l'image géométrique on trouve
encore de la lumière dont l'intensité dé-
croît progressivement en tendant vers zéro.
La loi de décroissance de la lumière est
exprimée par une courbe analogue à celle
de la iig. 40. Enfin pour un objectif par-
fait, rigoureusement aplanétique, la lar-
geur angulaire de la zone où ces phéno-
mènes de diffraction sont sensibles, varie en raison inverse de l'ouverture
de l'objectif.
Le défaut d'aplanétisme, les aberrations de l'objectif produisent des
effets analogues, qui se superposent aux précédents et augmentent beau-
coup l'étendue de la zone d'intensité variable, sans cependant changer
le sens des phénomènes. Seulement, quand on réduit l'ouverture de
l'objectif on a à tenir compte de deux effets inverses : celui de la dif-
fraction qui augmente, et ceux de l'aberration qui diminuent.
Cette loi suffit à expliquer tous les faits observés. Quand on augmente
l'intensité de l'objet photographié, l'intensité croît proportionnellement
en chacun des points de l'image et de la zone variable; la plaque pho-
tographique qui reste sensible pour des intensités supérieures à une
Fig. 40.
A ANGÛT. SUR LA FORMATION DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES 337
limite donnée, doit alors présenter des images de plus en plus grandes.
Si au contraire, l'intensité décroît assez pour que, avec la durée de
pose employée, la plaque ne soit plus sensible à la moitié de l'intensité
maxima, on aura des images plus petites que l'image géométrique.
L'intensité restant invariable, on peut faire changer la durée de pose ;
on aura des variations analogues à celles du cas précédent, mais moins
rapides. En augmentant la durée d'exposition, la plaque est sensible à
des lumières de plus en plus faibles, mais cette sensibilité tend vers une
limite, et l'expérience semble prouver que toute intensité qui tombe au
dessous d'une certaine valeur, variable avec la nature de la plaque, ne
peut plus produire d'impression, même avec un temps de pose consi-
dérable.
L'influence des dimensions de l'objectif est aussi simple à expliquer,
puisque la zone diffractée augmente d'étendue quand l'ouverture de
l'objectif diminue. L'expérience a montré cette augmentation, mais un
peu moins rapide que ne le veut la théorie, ce qui est dû aux aberra-
tions de l'objectif dont l'effet varie en sens inverse de celui de la dif-
fraction.
Enfin, quand on soumet la plaque sensible à la lumière diffuse avant
d'y imprimer l'image, celle-ci vient se faire sur un champ déjà éclairé,
et cet éclairement général masque une partie de l'agrandissement dif-
fractionnel. On doit donc obtenir des images plus petites que dans le
cas ordinaire.
En résumé, les faits observés sont en parfait accord avec la théorie
que je propose. La dimension des images photographiques varie avec
toutes les conditions de l'expérience; mais pour expliquer ces variations
il suffit d'avoir recours aux théories ordinaires de l'optique et non à
l'hypothèse d'une irradiation mal définie, d'un cheminement mystérieux
des actions chimiques.
§ 3. Application a l'observation photographique du passage
de Vénus.
Les phénomènes précédents ont été étudiés dans un cas très-simple et
qui a permis facilement des mesures exactes. J'ai alors essayé d'appli-
quer les résultats obtenus à un phénomène plus complexe, à l'observa-
tion photographique du passage de Vénus, et j'ai considéré dans la pre-
mière partie de ce travail le cas théorique le plus simple, celui d'une
planète sans atmosphère, passant devant un corps uniformément lumi-
neux en tous ses points.
Pour ne pas compliquer cette exposition un peu longue, je ne con-
sidérerai que deux positions de la planète, celle qui correspond au mo-
ment des contacts internes et une position voisine du milieu du passage.
338 PHYSIQUE
1° Contact interne. — La théorie précédente permet de prévoir com-
plètement le phénomène. Dans l'intérieur même de la partie géomé-
trique de l'image, l'intensité décroît quand on s'approche des bords, et
forme une zone de lumière
M ! | estompée qui s'étend bien au
delà de l'image géométrique
(fig. 41). Dans cette zone, on
peut déterminer une série
de courbes de niveau pour
ainsi dire, tout le long des-
quelles l'intensité lumineuse
est une fraction déterminée
de l'intensité dans les parties centrales de l'image. On peut même déter-
miner exactement ces courbes par une construction graphique et des
quadratures, en admettant que l'on n'ait à considérer que des phéno-
mènes de diffraction, l'objectif étant supposé aplanétique. Des aberrations
de l'objectif ne feraient qu'augmenter la zone de lumière variable.
La ligure 40 représente grossièrement l'épure du phénomène corres-
pondant au moment du contact interne. La courbe AA', tout le long
de laquelle l'intensité est la moitié de l'intensité maxima, se confond
avec le bord géométrique du soleil dans les parties un peu éloignées
du point de contact; dans les régions de Vénus, distantes du même
point, la courbe est concentrique à l'image géométrique et un peu in-
térieure (elle ne coïncide pas avec le bord géométrique parce que le
rayon de courbure de Vénus n'est pas très-grand par rapport à l'éten-
due de la zone d'intensité variable). Enfin, aux environs du point de
contact, les deux courbes se raccordent de façon à reproduire exacte-
ment l'apparence désignée sous le nom de goutte noire ou de ligament.
La figure représente en outre les courbes de niveau d'intensité 7/8, 3/4,
1/4 et 1/8. On obtiendrait des tracés analogues pour chaque instant
du passage.
Une plaque photographique exposée à la lumière pendant un temps
déterminé donne une image qui s'arrête évidemment à l'une ou l'autre
des courbes de niveau représentées plus haut, selon la durée de pose,
la sensibilité de la plaque, etc. On pourra donc avoir pour un même
objet des images d'apparence très-variable suivant les conditions de
l'expérience.
Ces prévisions ont été complètement confirmées. En opérant avec
l'appareil à passages artificiels qui avait servi à M. André pour l'étude
optique du passage de Vénus, j'ai obtenu en faisant varier, par exemple,
la durée de pose seulement, des images extrêmement différentes quoique
l'objet photographié restât invariable. Il est même frappant de voir la
A. ANGOT. — SUR LA FORMATION DES IMAGES PHOTOGRAPHIQUES 339
fidélité avec laquelle l'expérience reproduit les formes successives que
la théorie permet de prévoir. La même expérience a été répétée en don-
nant à la planète les positions qu'elle occupe de 10 en 10 ou de 15 en
10 secondes pendant les cinq minutes qui précèdent le contact interne et
pendant les deux minutes qui le suivent. 3Iême alors que la planète est
complètement entrée sur le soleil, l'apparence de la goutte noire peut
être obtenue surtout avec des durées de pose faibles, tant que le filet
lumineux compris entre Vénus et le bord du soleil n'a pas une dimen-
sion au moins égale à celle de la zone de lumière d'intensité variable.
Avec la lunette que j'employais, l'incertitude sur l'époque du contact
interne pouvait s'élever jusqu'à trois minutes, selon que la durée de
pose ou l'intensité de la lumière variaient d'une expérience à l'autre.
2° Milieu du passage. — Quand la planète est complètement entrée
sur le soleil, son diamètre paraît diminué, celui du soleil augmenté;
mais la distance des centres des deux astres n'est aucunement altérée.
11 n'y a donc pas d'erreur à craindre de ce côté. Il n'en est pas tout à
fait de même pour la somme des rayons des deux astres, qui ne doit
pas être absolument égale à ce qu'elle serait pour une image géométri-
que. La diminution du diamètre de Vénus ne saurait être, en effet, égale
exactement à l'augmentation du soleil, la courbure de Vénus n'étant pas
assez faible pour qu'on puisse assimiler son bord à une ligne droite.
Telle est la seule cause d'erreur qui se présentait dans mes premières
expériences. Dans la nature, le phénomène doit être encore plus com-
pliqué pour deux raisons au moins. Le soleil n'est pas également
lumineux en tous ses points, et l'atmosphère qui entoure probable-
ment Vénus doit amener de nouvelles perturbations dans les phéno-
mènes.
Je ne désespère pas de reprendre un jour ces expériences, interrom-
pues pour des raisons de santé, et de réaliser expérimentalement un
disque d'intensité décroissant vers les bords, comme est le soleil, et
une planète entourée d'une atmosphère. Mais le prochain passage de
Mercure (Mai 1878) fournira une excellente occasion de vérifier sur un
phénomène naturel les conclusions de ce travail. J'espère être assez
heureux pour présenter au prochain congrès les résultats nouveaux que
cette observation pourra amener.
340 PHYSIQUE
M. MERCADIER
Ingénieur dos Télégraphes, Répétiteur à l'École Polytechnique.
ÉTUDE DE LA PROPAGATION DE L'ÉLECTRICITÉ; MESURES DE PETITES
DIFFÉRENCES DE TEMPS.
[EXTRAIT DD PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 29 août -1877. —
M. Mercadier expose une méthode qu'il a imaginée depuis plusieurs années
dans le but de mesurer les retards qui se produisent dans la propagation de
l'électricité à travers les conducteurs, et en second lieu de mesurer des diffé-
rences de temps très-petites séparant deux phénomènes mécaniques successifs.
Cette méthode est fondée sur les faits suivants: i° Deux électro-diapasons
dont les périodes sont très-peu différentes peuvent entretenir l'un l'autre
leur mouvement de façon à conserver une différence de phase nulle ; 2° si
dans le trajet qui sépare l'électro-aimant du premier instrument de celui du
second, on introduit un conducteur d'une certaine longueur, il en résulte un
retard dans le moment où le second instrument est mis en mouvement, et ce
retard se traduit par une différence de phase qui, mesurée, donne en fraction
de la durée de la période commune aux diapasons la grandeur même du
retard. Pour mesurer cette différence de phase, M. Mercadier emploie la mé-
thode qu'il a exposée dans la séance du 24 août, et il indique les dispositions
expérimentales et les précautions nécessaires pour arriver à des résultats précis.
Pour appliquer cette méthode à la mesure de l'intervalle entre deux phéno-
mènes mécaniques successifs, il suffit de pouvoir fermer le courant de l'électro-
aimant qui entretient le mouvement du premier diapason au moment où le
premier phénomène se produit, et de fermer le courant de l'électro-aimant du
second diapason à l'instant du second phénomène; on mesure ensuite la diffé-
rence de phase qui en résulte dans le mouvement des deux instruments.
M. C-M. GARIEL
Ingénieur des Ponts et Chaussées, Professeur agrégé de physique
à la Faculté de Médecine de Paris.
APPAREIL POUR DOSER LA LUMIERE.
( ËXTIUIT.)
Séance du 30 août li>7 7. —
M. Gaiuel, dans une suite de recherches qu'il a entreprises sur les cou-
leurs et dont il communiquera les résultats à l'un des prochains congrès, a
DELAHAYE. — NOTE SUR INAPPLICATION DE L'ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE 341
employé pour doser, pour ainsi dire, les lumières diverses, un appareil, sorte
de photomètre, qui est la réalisation d'une idée signalée par Bouguer. La
source de lumière émet des rayons qui, passant à travers une lentille, vont
donner une image réelle sur un écran : l'intensité de cette image peut varier
en interceptant une partie de la lentille par un diaphragme en forme de sec-
teur, et cette intensité est proportionnelle dans ce cas à la partie découverte
ou à l'arc correspondant.
L'appareil décrit par M. Gariel comprend deux pièces égales présentant
alternativement des secteurs pleins et découpés: l'une est fixe et placée devant
la lentille à laquelle elle est concentrique et le plus près possible; l'autre,
appliquée sur la première, peut tourner autour de son centre. On conçoit que
le mouvement de cette pièce mobile découvrira une partie de la lentille qui
peut varier de 0 à la moitié de la surface totale : un vernier permet d'appré-
cier le déplacement.
Une première série d'expériences, faite comme vérification, a donné des
résultats satisfaisants.
. M. DELAHAYE
Ingénieur, ancien élève de l'École polytechnique et de l'École des mines.
NOTE SUR L'APPLICATION DE L'ECLAIRAGE ELECTRIQUE AUX SALLES BASSES
DE FILATURE ET DE TISSAGE.
— Séance du 30 août 1877.
Le fait que je désire signaler à la section, plus pratique que théorique,
eût peut-être été plus à sa place dans la section du génie industriel.
Voici en quoi il consiste :
Le seul moyen de produire économiquement la lumière électrique
dans l'état actuel de la question réside dans l'emploi de la machine de
Gramme et d'un régulateur. Mais cette lumière ne peut être elle-même
produite économiquement que par faisceaux puissants. Cette puissance
même du foyer lumineux s'est opposée longtemps à son emploi dans
les salles basses, où le foyer trop rapproché de l'œil du spectateur pro-
duisait une fatigue intolérable, sans compter l'inconvénient de l'étendue
des ombres produites par les moindres obstacles. Cette difficulté est
aujourd'hui complètement tournée par l'artifice suivant :
La lumière directe est complètement cachée et toute la lumière est
envoyée sur le plafond au moyen de réflecteurs convenables, c'est alors
le plafond qui renvoie de la lumière diffuse et produit un éclairage
342 PHYSIQUE
absolument comparable à celui du jour. Les ombres sont à peu près
complètement annulées, beaucoup moindres qu'avec les becs de gaz.
Je suis en mesure de montrer aux membres de l'Association un
atelier de tissage de 1,000 mètres carrés où 160 becs de gaz sont rem-
placés par 6 foyers électriques en produisant un éclairage bien supé-
rieur au gaz et une économie de 30 0/0.
Cet atelier situé à Rouen , rue de Tanger, sera à la disposition des
membres que la question intéresse, le vendredi 31 courant.
M. l'Abbé GrEraX-MAETII
Professeur à l'École Albert-le-Grand, à Arcueil.
SUR UN NOUVEAU MODÈLE DE MACHINE ÉLECTRIQUE.
— Séance du 30 août 1877. —
J'ai modifié la machine électrique de M. Carré, de manière à la ren-
dre d'un usage plus commode pour les expériences de cours.
L'expérience m'a appris, en effet, que la machine de M. Carré offre
plusieurs inconvénients, dont les principaux sont les suivants :
1° L'opérateur qui agit sur la manivelle pour mettre les plateaux en
mouvement, a forcément la tête à la hauteur du gros conducteur, et
peut, dans un moment de distraction, recevoir des étincelles qui ne sont
pas sans danger avec les grands modèles.
2° Cette machine, ne présentant pas, par elle-même, une assez grande
stabilité, l'opérateur doit appuyer sur le socle avec la main gauclie, en
même temps qu'il agit sur la manivelle avec la main droite. Dans cette
position, au départ de chaque étincelle, il reçoit dans le bras gauche
une secousse des plus désagréables.
3° L'expérience apprend que les étincelles de cette machine ont un
très-faible éclat lorsqu'on ne met pas le petit conducteur en communi-
cation avec le sol. L'établissement de cette communication devient par-
fois un embarras; et, du reste, une machine destinée adonner les deux
électricités, positive sur un premier conducteur, négative sur un deuxième,
ne doit pas nécessiter cette communication. L'étincelle doit être le ré-
sultat de la combinaison des électricités de nom contraire qui chargent
les deux conducteurs.
4° Par un temps humide, la machine Carré ne fonctionne pas. On ne
saurait lui en faire un reproche, car ce défaut est commun à toutes les
ABBÉ GEMEIX-MÀRTIN . — NOUVEAU MODÈLE DE MACHINE ÉLECTRIQUE 343
machines électriques. Mais elle a le tort d'être disposée de façon qu'on
ne peut pas employer un réchaud pour la dessécher.
5« Cette machine ne permet pas de disposer rapidement et facilement
les appareils à travers lesquels elle doit faire passer les étincelles élec-
triques.
6° Enfin, le condensateur, suspendu au gros conducteur, oscille en
faisant entendre une série de chocs, et se brise parfois par suite [d'un
choc plus violent.
La figure 42 représente une machine que j'ai fait construire pour
le cabinet de physique de l'École Albert-le-Grand, à Arcueil, et dans
laquelle ces inconvénients sont évités.
Légende explicative :
A. Manivelle.
B. Poulie à deux gorges recevant le mouvement de la manivelle et
le transmettant au plateau de verre.
C. Plateau de verre tournant entre une paire de coussins.
D. D. Coussins en cuir recouverts d'or massif.
E. Deuxième poulie à deux gorges, recevant le mouvement de la
poulie B, par l'intermédiaire d'une courroie sans fin, et le transmettant
au disque F.
344 PHYSIQUE
F. Disque d'ébonite.
G, G' peignes métalliques supportés par les conducteurs.
H, I. Conducteurs.
J. Tiges en laiton, avec poignées d'ébonite, pouvant glisser dans deux
étuis et tourner autour d'axes verticaux, comme les tiges de l'excitateur
universel.
K. Condensateur fixe.
L. Table en bois servant de support à la machine.
Le plateau de verre C se charge positivement en frottant contre les
coussins D, et agit par influence, à travers le plateau F sur le peigne
G ; le conducteur H reste ainsi chargé positivement. Le plateau F chargé
négativement va agir par influence sur le peigne G', et le conducteur
/ se charge positivement. De brillantes et puissantes étincelles jaillissent
entre les deux tiges.
Avec cette machine, on fait très-facilement et très-vite toutes les
expériences de cours. 11 suffit de placer sur la table servant de support
les appareils qu'on veut faire fonctionner, et de les mettre au contact
des deux tiges. On peut suspendre à ces tiges les tubes de Geissler, si
longs qu'ils soient, et obtenir de beaux effets.
Dans les temps humides, on place un réchaud sur la table.
M. Salleron pense qu'il y aurait avantage à diminuer le diamètre du
conducteur H, et à augmenter celui du conducteur /.
Pour donner une idée exacte de notre machine, nous donnons une
vue d'ensemble en perspective (fig. 42),
M. MABJE-MVY
Directeur de l'Observatoire de Montsouris
NOUVEAUX INSTRUMENTS ENREGISTREURS.
[EXTRAIT 1)1' PROCÈS-VERBAL.
— Séance du 30 août M77. —
M. Marié-Davy donne des indications sur les nouveaux instruments enre-
gistreurs installés récemment à l'Observatoire de Montsouris. Il décrit notam-
ment le procédé d'enregistrement du degré actinométrique et l'évaporomètre
enregistreur destiné à l'étude de la transpiration des plantes. Il indique entre
autres résultats que le rapport entre la quantité d'eau évaporée et le degré
actinométrique paraît constant.
MARCEL DEPREZ. — INDICATEUR OPTIQUE DE VITESSE ■ 345
Il insiste d'ailleurs sur l'importance des mesures actinométriques qui sont
en rapport direct avec la formation et la quantité des produits végétaux, tandis
que la température influe surtout sur leur qualité.
M. Marcel DEPREZ
Ingénieur civil.
INDICATEUR OPTIQUE DE VITESSE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 30 août 1877. —
M. M. Deprez expose les recherches qu'il a faites dans le but de mesurer
les vitesses. Il donne notamment le principe d'un indicateur optique de la
vitesse d'un arbre tournant, comme un essieu de locomotive, ou un disque
quelconque. Ce principe a de l'analogie avec celui de la composition optique
des mouvements vibratoires. Un rayon lumineux se réfléchit sur un miroir
porté par un ressort qui tombe lorsqu'une came portée par le disque vient
presser une détente, et la position du point lumineux sur une lame de verre
dépoli donne à chaque instant la mesure de la vitesse du disque : c'est ce qui
résulte de la composition du mouvement du ressort et de celui du disque.
6e Section
CHIMIE
Présidents d'honneur . • MM. CANNIZZARO, Professeur a l'Université de Rome.
J.-W. GUNNING, Professeur à l'Université d'Amsterdam.
le Dr E.-J. DE VRY, ancien Chargé des recherches chimiques
aux Indes Néerlandaises.
Président M. P. SCHUTZENBERGER, Professeur au Collège de Fiance.
Vice-Présidents MM. A. BÉCHAMP, Doyen de la Faculté libre de Médecine de Lille.
E. MARCHAND, de Fécamp, Correspondant de l'Académie de
Médecine.
E. PERRET, Chimiste, de Moret.
Secrétaire M. R.-D. S1LVA, Chef des Travaux d'analyse chimique à l'École
centrale des Arts et Manufactures.
M. A. BECHAMP
Doyen de la Faculté libre de Médecine de Lille.
SUR L'INULINE ET SUR LA LEVULINE.
[extrait dd procès-verbal.)
— Séance du 24 août 1877. —
M. A. Béchamp entretient la section de résultats de recherches sur l'inuline
et sur la lévuline. M. Béchamp signale d'abord les erreurs que l'on trouve
dans certains ouvrages élémentaires, relatives aux propriétés de l'inuline. En
effet, ce principe immédiat ne réduit pas la liqueur cupro-potassique et n'existe
pas dans les végétaux sous forme de granules analogues à ceux de la fécule,
contrairement à l'assertion de quelques auteurs.
L'inuline, qui existe en solution dans le suc des tubercules du dahlia, au
printemps, est néanmoins insoluble dans l'eau froide, mais soluble dans ce
liquide à la température de 70 à 80 degrés. Elle est lévogyre et possède un
pouvoir rotatoire [a] = 42° \. La zymase de la levure de bière ne l'altère
pas plus que la diastase. L'eau, après une ébullition prolongée, transforme
l'inuline en deux substances : l'une soluble dans l'alcool à 94 degrés centi-
grades, l'autre insoluble dans ce liquide. L'auteur désigne cette substance
particulière sous le nom de lévuline.
Dr CH. BRAME. — SUR LE SOUFRE INSOLUBLE 347
La lévuline, produit cristallisable dans certaines conditions, et soluble dans
l'eau dans toutes proportions, réduit la liqueur cupro-potassique; son pouvoir
rotatoire, lévogyre, est [a] = 52°,3 ^. Les analyses de cette substance
desséchée à 130 degrés et à l'air, à la température ordinaire, conduisent aux
formules (en équivalents) :
C12 hio O10
C12 Hio Qio, 3 ho.
Après ces indications sommaires sur la lévuline, M. Béchamp étudie l'action
de quelques agents sur l'inuline.
.1° Action de l'acide sulfurique. — A la température de l'ébullition, comme
à la température ordinaire, l'acide sulfurique transforme l'inuline en une
substance sucrée; mais si, à la température ordinaire, on modère l'action de
l'acide sulfurique, on donne naissance aussi à une inuline soluble, douée du
même pouvoir rotatoire que l'inuline elle-même.
2° Action de la chaleur. — Dans les ouvrages de chimie, on dit que sous l'in-
fluence de la chaleur, l'inuline se transforme en une substance soluble dans
l'eau, identique avec la dextrine : analysant les phénomènes avec soin,
M. Béchamp arriva encore, dans cette partie de son travail, à des résultats
plus intéressants : à 254 degrés, l'inuline entre en fusion et perd en même
temps de l'eau. Il se forme alors un produit soluble dans l'eau et doué d'une
saveur sucrée. La solution concentrée de ce produit, traitée par l'alcool à 93
degrés centigrades, s'y dissout en partie. On sépara, ainsi, deux substances,
l'une soluble dans l'eau, lévogyre, l'autre soluble dans l'alcool, dextrogyre. Le
pouvoir rotatoire de cette dernière substance était [a] = 5°,8 \. Ce laible
pouvoir rotatoire conduisit à supposer que ce produit n'était pas homogène,
mais bien un mélange de sucre d'inuline, déviant à gauche et d'une nouvelle
substance dextrogyre. Cette nouvelle substance a été, en effet, séparée après
que l'inuline fut détruite par la fermentation. On l'a désignée sous le nom
d'inulosane, et trouvé que son pouvoir rotatoire est [a] = 30°,3 /
M. le Dr Ch. BRAME
SUR LE SOUFRE INSOLUBLE.
(extrait du procès-verbal.)
Séance du 24 août 187'.
M. le Dr Brame, de Tours, lit un mémoire sur le soufre insoluble. Dans
son travail, M. Brame fait voir que le soufre insoluble découvert par Charles
Deville n'est autre chose que le soufre vésiculaire ou à utricules vidées,
signalé par lui quelques années avant la découverte de Deville.
348 CHIMIE
Ayant étudié les conditions les plus favorables à la formation du soufre
insoluble, M. Brame a pu constater que l'origine de cette curieuse modification
n'est pas précisément celle attribuée par Charles Deville. En effet, M. Brame
obtient du soufre insoluble en versant du soufre fondu et maintenu à des
températures très-élevées dans un bain de sulfure de carbone, soit à la tem-
pérature ordinaire, soit à la température de l'ébullition.
Le maximum de produit (73 pour cent) a été obtenu en versant le soufre
bouillant dans un bain de sulfure de carbone bouillant. Le refroidissement du
mélange se faisant, dans ces conditions, le plus lentement possible, il en ré-
sulte, d'après les vues de l'auteur, que la formation du soufre insoluble n'est
pas l'effet d'un refroidissement brusque du soufre fondu, comme le supposait
Ch. Deville.
L'auteur passe ensuite en revue les recherches de M. Berthelot sur le soufre,
et, avec M. Cloëz, il combat les opinions émises par l'éminent professeur du
Collège de France, sur les soufres électro-positif et électro-négatif.
Insistant sur les différentes circonstances qui accompagnent la production
du soufre insoluble, il en énumère les quantités fournies par différentes va-
riétés de soufre, notamment par les soufres provenant des hyposulfites, des
sulfures et des chlorures de soufre. Il revendique, en passant, la découverte
du soufre blanc, attribuée à M. Berthelot.
M. Brame résume son travail en disant que le soufre se présente sous deux
formes essentiellement différentes: l'une cristalloïde, entièrement soluble dans
le sulfure de carbone, l'autre colloïde ou utriculaire, insoluble dans le même
liquide.
M. le Dr ¥, RAMSÀY
Professeur adjoint à l'Université rie Glasgow.
SYNTHÈSE DE LA PIRIDINE. - LA PICOLINE ET SES DÉRIVÉS.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du S 4 août 4 877. — ,
M. le docteur W. Ramsay, professeur adjoint à l'Université de Glasgow, en-
tretient la section de recherches sur la piridine, la picoline et ses dérivés.
Rappelons d'abord qu'il existe dans l'huile animale de Dippel, ainsi que dans
le goudron de la houille, une série de bases homologues de la formule générale
CnH2n-5Az, dont le premier terme est la piridine Cr,IIr,Az. Cette base se trouve
aussi parmi les produits delà combustion du tabac.
Les recherches, dont nous allons rendre un compte très-sommaire, ont porté
sur les deux premiers termes de cette série homologue, à savoir : la piridine
et la picoline.
Dr W. RAMSAY. — LA PIRIDINE. — LA PICOLINE ET SES DÉRIVÉS 349
là] Synthèse de la piridine. — Eu faisant passer un mélange d'acétylène et
d'acide cyanhydrique à travers un tube chauffé au rouge sombre, M. Ramsay
a obtenu une base qui, par ses propriétés et par la composition de son chlo-
roplatinate, s'est montrée être la piridine. Elle s'est donc formée d'après les
réactions :
2(C*h*) + chaz cnv-Œki-cmi.
Cette belle synthèse, qui est une synthèse totale, confirme l'opinion d'un
savant chimiste anglais, M. le professeur Dewer, qui considérait la piridine
comme étant la benzine, dont un groupe (CH) serait remplacé par un atome
d'azote triatomique.
[6] Dérivés de la picoline. — Entre autres composés de cette base, M. Ramsay
prépara l'hydrocyanate, en faisant agir le chlorydrate de picoline sur le cyanate
d'argent.
L'hydrocyanate de picoline est peu stable. Si l'on cherche à le distiller, il se
dédouble en picoline et en cyamélide, un dérivé de l'acide cyanurique.
Le chloroplatinate de picoline chauffé avec de Peau entre 150 et 200 degrés,
donne deux produits : l'un, d'un jaune de soufre, est identique avec le corps
(C6H7Az)'2PtCl'', découvert par le professeur Anderson, de Glasgow ; l'autre, d'un
jaune sale, dont la composition répond à la formule
(C6IFAz)PtCl* .
Ces deux composés se comportent d'une manière toute particulière à l'égard
de la soude caustique.
Ils ne fournissent pas la picoline comme tous les autres composés du chlorure
de platine avec les bases organiques.
Ce fait ne permet pas de dire en quel état le platine se trouve dans ces
combinaisons.
Oxydation de la picoline. — En traitant cette substance par le permanga-
nate de potasse, comme l'avait déjà fait le professeur Dewer, l'auteur obtient
l'acide dicarbopiridénique
P5H3A, ^ CO.OH
C*H3Az <^ CO.OH
découvert par le savant professeur de Cambridge.
Cet acide se présente sous trois formes distinctes : à l'état anhydre, en
aiguille ou en lames larges et brillantes comme les cristaux de naphtaline; à
l'état hydraté en prismes courts et transparents.
M. le Dr Ramsay prépara un grand nombre de sels de cet acide, notamment
ceux des métaux alcalins et terroso-alcalins, de plomb, cuivre, cadmium, zinc
et manganèse.
Parmi les réactions de l'acide dicarbopiridénique, l'auteur mentionne une
belle coloration produite par les sels de ferrosum, sur l'acide comme sur ses
sels solubles.
Cette coloration est d'un rouge intense, semblable à celle engendrée par le
sulfocyanate de potassium sur les sels ferriques. Le sel d'argent, presque inso-
luble dans l'eau, est le plus favorable à l'obtention de l'acide à l'état de pureté,
350 CHIMIE
soit qu'on le traile par l'hydrogène sulfuré, soit qu'on le décompose par l'acide
chlorhydrique.
En traitant l'acide dicarbopiridénique par le perchlorure de phosphore, on
en obtient le chlorure, corps blanc, cristallisable, fusible à G0°,5 — Gl°, et dont
le point d'ébullition est situé à 25 i degrés.
Chauffé avec l'ammoniaque, il donne l'amide
CO.A'zH*
r,„o., I CO.AzfL
L H°Az | CO.AzHS
fusible de 295°,5 à 297° et soluble dans beaucoup d'alcool.
Chauffée à une haute température, cette amide fournit un produit cristalli-
sable, fusible au dessus de 360 degrés, que l'auteur suppose être une imide.
M. le Dr Ramsay prépara l'éther méthyldicarbopiridénique en traitant le chlo-
rure d'acide par l'alcool méthylique, ou le sel d'argent par l'iodure de
méthyle.
L'aldéhyde correspondant à cet acide a été obtenu par la méthode de Piria.
L'étude de cette aldéhyde n'a pas été faite en raison de la faible quantité de
produit obtenu.
L'acide dicarbopiridénique se dédouble à une haute température, en anhy-
dride carbonique et en piridine :
C5H3Az <^ m' ou = C5H3ÀzH2+2C02.
Poursuivant ses recherches intéressantes, l'auteur s'est demandé si l'éther
méthyldicarbopiridénique,
C5H3W <<CO.O.CH3
Lti Az <^ CQ.O.CH3
exposé à une température élevée, en présence de la chaux sodée, ne subirait
pas une transformation semblable à celle de l'acide ; et si dans ce cas, on
n'obtiendrait pas le reste C5H3Az additionné des deux résidus, CH3 de la
molécule :
T5H3A, ^ CH3 , arna r5TJ3A» ^ CO.OCH.3
GWAz <^ CH3 + 2C02 = (?H»àï <^ C0.OCH3
L'expérience n'a pas confirmé ces vues théoriques.
11 en résulte que la lutidine, C7H'JAz, un des homologues de la piridine,
n'est pas la diinéthylpiridine.
D'ailleurs, la conclusion tirée de l'essai précédent est confirmée par un autre
fait expérimental : nous voulons parler de l'oxydation de la lutidine, laquelle
donne, non pas l'acide dicarbopiridénique, mais bien un acide dont le poids molé-
culaire est égal à 257.
Revenant sur les produits d'oxydation de la picoline, l'auteur fait remarquer
que parmi ces produits, on trouve les acides acétique et oxalique, et aussi un
peu d'un acide azoté C6H7AzO'2, corps cristallisable et fusible à 217 degrés.
Polymères de la picoline. — Comme la piridine, la picoline donne, sous l'in-
fluence du sodium, des composés polymériques, dont l'étude sera poursuivie
par l'auteur.
Actions physiologiques des composés de picoline. — Avec la collaboration du
J. BÉCHAMP. — BASES ANHYDBES ET ACIDES ANHYDRES 351
docteur Mackendrick, M. le professeur Ramsay constata que les dérivés de la
picoline sont très-vénéneux, et que d'une manière générale, l'intensité de
l'action augmente avec la complexité de la molécule.
Les bases et les sels ont une action peu marquée ; mais les dérivés à radicaux
alcooliques (les éthers méthylique, éthylique, allylique) sont des poisons très-
violents. Ils irritent les centres cérébraux et paralysent les membres in-
férieurs.
La dipiridine et la dipicoline sont douées de propriétés plus intenses encore.
L'acide dicarbopiridénique, dont la saveur est un peu sucrée, possède des pro-
priétés excitantes des plus exagérées : 0?,08 de ce corps font mourir un lapin
en dix minutes.
DISCUSSION
A la suite de cette importante communication, M.Wurtz fait observer à M.
le docteur Ramsay que les autres hydrocarbures acétyléniques, l'allylène, le
crotonylène, par exemple, pourraient bien se prêter à la synthèse des bases
homologues de la piridine.
M. J. BECHAMP
Professeur à la Faculté libre de Médecine de Lille.
ACTION DES BASES ANHYDRES SUR LES ACIDES ANHYDRES.
(extrait du procès verbal.)
— Séance du 2f août 1877. —
M. J. Béchamp, professeur à l'Université catholique de Lille, décrit une
série d'expériences sur Faction des bases et des acides anhydres :
,1. Actions des acides minéraux anhydres sur les bases minérales an-
hydres. — Deux expériences sont rapportées par l'auteur : la combinaison
de l'anhydride sulfurique avec l'oxyde de baryum et celle de l'anhydride
borique avec la chaux.
II. — Action des acides organiques anhydres et des bases minérales an-
hydres. — Dans cette partie de son travail, M. Béchamp a essayé l'action des
anhydrides acétique, butyrique et caproïque sur les oxydes de baryum, de cal-
cium, de plomb et de mercure.
En décrivant très-sommairement les conditions expérimentales de ses essais,
l'auteur ajoute avoir obtenu des quantités de sel correspondant presque exac-
tement aux quantités de bases employées.
III. — Action des acides minéraux anhydres sur les oxydes des radicaux orga-
niques anhydres. — Pour ces composés M. Béchamp cite les combinaisons des
352 CHIMIE
oxydes de méthyle et d'éthyle effectuées par MM. Dumas et Péligot, et par
M. Yetherill.
IV. — Action des acides organiques anhydres, sur les oxydes des radicaux
organiques anhydres. — On a produit, quoique très-difficilement, de l'acétate et
du butyrate d'éthyle en traitant l'oxyde d'éthyle par l'anhydride acétique, ou
par l'anhydride butyrique.
M. Béchamp cite encore l'exemple de la combinaison directe, effectuée par
M. Wurtz, de l'oxyde d'éthylène et de l'anhydride acétique.
De l'ensemble de ces expériences, M. J. Béchamp conclut :
1° Que dans un sel il y a deux éléments : un acide anhydre et une base
anhydre ;
2° Que de ces deux éléments s'unissant pour former un sel, la théorie de
Lavoisier, qui ne considère que des acides et des bases anhydres se trouve
confirmée.
DISCUSSION
A la suite de la communication précédente, M. Wurtz fait observer que le
fait de l'union directe de certains acides anhydres avec les oxydes est bien
connu. Il conçoit qu'on l'ait invoqué comme un argument en faveur de la cons-
titution dualistique des sels, selon l'idée de Lavoisier. Mais il ne croit pas que
l'argument soit bon. Il ne faut pas oublier, en premier lieu, que Lavoisier ne
connaissait ni les hydracides, ni les acides hydratés, et qu'en tout cas on ne
tenait aucun compte, de son temps, de la formation de l'eau dans l'action des
uns et des autres sur les oxydes ou sur les hydrates métalliques. La facilité
et l'énergie avec lesquelles s'accomplissent ces dernières réactions semblent
indiquer qu'elles représentent le mode de formation normal des sels. Au
contraire, on remarque que l'union des acides anhydres avec les bases anhy-
dres s'effectue avec une certaine difficulté, ce qui semblerait extraordinaire
dans l'hypothèse où une simple juxtaposition suffirait pour la formation d'un
sel.
On sait que l'union de l'acide sulfurique anhydre avec la baryte, union qui
donne lieu à un si brillant phénomène d'incandescence, n'a lieu qu'avec le
secours de la chaleur, et qu'à une température peu élevée, les vapeurs de»
l'anhydride sulfurique passent sur la baryte sans s'y combiner.
En second lieu, il ne faut pas oublier que l'action des hydracides sur les oxydes
et sur les hydrates métalliques est tellement semblable à celle des acides oxy-
génés ordinaires (hydratés) sur les mêmes oxydes et hydrates, qu'il est bien
difficile de ne pas rapprocher ces deux genres de réactions, comme il est diffi-
cile de rayer de la liste des sels le sel marin, qui a donné son nom à tous les
autres. Davy et Dulong l'ont bien compris, et leur théorie, plus générale que
celle de Lavoisier, doit être considérée comme un progrès sur cette dernière.
M. J. Béchamp, ayant fait observer que l'acide acétique anhydre s'unit plus
facilement à l'oxyde de plomb anhydre, que l'acide acétique hydraté, fait qui
semble contraire à l'opinion soutenue par M. Wlrtz, ce dernier répond que le
contraire a lieu avec l'oxyde d'argent. L'acide acétique hydraté s'y unit immé-
G. TISSANDIER. — - PRÉPARATION EN GRAND DE L,'lIYDROGÈNE 353
diatemetit avec dégagement de chaleur, pour former de l'acétate d'argent, tan-
dis que l'acide acétique anhydre ne s'y unit que très-lentement, du jour au
lendemain.
Pour débarrasser autant que possible l'acide acétique anhydre des traces d'a-
cide hydraté qu'il peut renfermer, on l'a chauffé pendant quelque temps avec
le zinc, puis on l'a distillé.
Que si, d'après M. Béchamp, l'anhydride acétique s'unit plus facilement à
l'oxyde de plomb, qu'il ne fait, d'après M. Wurtz, à l'oxyde d'argent, on pourrait
expliquer ce fait, en tenant compte de la constitution différente des deux oxydes,
l'un formant une seule molécule d'acétate de plomb avec une seule molécule
d'anhydride acétique. Dans le premier cas, il y a combinaison pure et simple:
dans le second cas, combinaison avec dédoublement de l'acide et de l'oxyde :
(C'^OpO-j-PbO (C2H302)2Pb.
(C2H30)-20-j-Ag'^0 SC^iWAg.
D'autres membres de la section, MM. A. BÉCHAMP, Terreh,, Cazeneuve,
ont pris part à la discussion Rattachant plus particulièrement à interpréter
l'action des acides anhydres sur le papier de tournesol, action invoquée par M.
A. Béchamp. M. le professeur Gunning, d'Amsterdam, appelle l'attention sur
un autre point, et prend la parole en ces termes :
« La question du dualisme des sels, sur laquelle on est en désaccord, sem-
ble, au premier abord, appuyée par l'expérience, et je suis heureux de voir à
quel point on s'attache ici aux faits expérimentaux. Mais, si l'on remarque que
des faits sont invoqués de part et d'autre, il semble qu'il faut chercher la
cause de cette discussion dans la divergence des opinions théoriques. Or,
ajoute M. Gunning, pour assister aujourd'hui à une discussion relative à la
théorie ancienne et à la théorie actuelle, il faut venir en France.
Revenant aux expériences de M. A. Béchamp, M. Gunning croit qu'elles
ne sont pas à l'abri delà critique; car il suffit de la présence d'une trace d'eau
pour changer totalement la nature de la réaction : une faible quantité d'eau
donne lieu à la formation d'une certaine quantité d'acide hydraté : celui-ci, en
se transformant en sel, met une nouvelle quantité d'eau en liberté, laquelle
recommence le cycle des réactions.
M, G. TISSAOIEK,
PRÉPARATION EN GRAND DE L'HYDROGENE.
NOUVEAUX APPAREILS DE M. GIFFARD.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 2 S août 1877. —
M. G. Tissandier fait connaître les nouveaux appareils de M. H. Giffard pour
la préparation en grandde l'hydrogène.
Toutle monde sait que par sa faible densité, l'hydrogène est, de tous les gaz.
23
354 CHIMIE
le plus favorable au gonflement des ballons, sa force ascensionnelle étant cinq
fois plus grande que celle du gaz de l'éclairage, que l'on emploie habituel-
lement, en raison de la difficulté, d'obtenir l'hydrogène en grand.
Après de longues et laborieuses recherches, un éminent ingénieur a résolu
le problème de la préparation industrielle de l'hydrogène : M. Giffard a ima-
giné deux systèmes d'appareils, l'un pour employer le procédé de la. voie humide,
l'autre pour un procédé tout nouveau et fondé sur l'expérience de Lavoisier
de la décomposition de la vapeur d'eau par le fer métallique.
Pour les dispositifs et les détails de ces appareils, nous sommes forcés d'en-
voyer aux publications de l'auteur.
M. CAIIIZZÀEO
Professeur à l'Université de Rome.
RECHERCHES SUR L'ACIDE SANTONIQUE.
(EXTRAIT DU PROCÈS-VLRBAL)
— Séance il a S S août 1877. —
M. le professeur Cannîzzaiio rend compte de ses dernières recherches sur
l'acide santonique qui est, comme on le sait, un des trois acides isomériques
dérivés de la santonine. Le but principal des recherches de M. Cannizzaro
était de découvrir la constitution de cet acide, dont ses premières expériences
avaient déjà révélé la nature monobasique et l'existence de 4 atomes d'oxygène
dans la molécule. Ainsi, outre le groupe C.O.OH, l'acide santonique pouvait,
contenir deux résidus oxhydryles (OH). Dans ce cas, l'action ménagée de l'acide
iodhydrique pourrait conduire au composé:
C14H19
CO.OII
et celle du chlorure d'acétyle donner également des indications précieuses
relatives à ce mode d'envisager la constitution du corps qui nous occupe.
Si, en tin, les deux atomes d'oxygène, que l'on considère, se trouvent autre-
ment disposés dans la molécule, alors cette autre disposition pourrait très-bien
être révélée par l'action du perchlorure de phosphore.
Guidé par ces considérations théoriques, l'auteur essaya sur l'acide san-
tonique :
1° L'action de Vacille iodhydrique. — Dans des conditions très-différentes,
l'action de l'acide iodhydrique sur l'acide santonique a toujours donné lieu à
la production d'une même substance huileuse de laquelle on a retiré un liquide
passant à 110-112°, et un iodure bouillant à 143-1 io°, dans le vide. On a
trouvé que la formule de cet iodure était Ci5H25l, et qu'il se décomposait,
CANNIZZARO. — SUR LES DENSITÉS DE VAPEUR ANOMALES 355
quand on essayait de le distillera l'air, eu acide iodhydrique et en hydrocar-
bure C15H«.
L'hydrocarbure, qui avait passé dans le vide entre 110-182 degrés, ne distil-
lait pas d'une manière constante dans l'air. Par distillations fractionnées, on a
séparé ce liquide en deux portions, l'une passant de 233-247°, l'autre de 242-
244°. L'analyse de la première portion a conduit à la formule C15H-°, résultat
confirmé par la densité de la vapeur ; l'analyse de la seconde portion s'accor-
dait avec la formule C,:iH-4.
D'après M. Cannizzaro, il se formerait d'abord l'iodure C15H-5I, lequel don-
nerait l'hydrocarbure C15H2*, par perte de HL; une partie de cet hydrocarbure
serait hydrogénée par HI : de là, formation de C15H26.
Les résultats de ces expériences ont conduit M. Cannizzaro à admettre que
dans l'acide santonique, l'un des deux atomes d'oxygène se trouve à l'état
d'oxhydryle, et l'autre dans un état particulier, le tout formant le groupe :
«><
C
C-OH
dont Wislicenus suppose l'existence dans 1 acide hydro-acrylique.
2" L'action du chlorure d'acétijle et des chlorures de phosphore. — Le chlorure
d'acétyle transforme l'acide santonique en chlorure d'acide, en même temps
qu'il se forme de l'acide acétique :
CHH19 C'<H19
| + C*H30C1 = I + G2H*02.
CO.OH CO.C1
Le même chlorure d'acide se produit quand on traite l'acide santonique par le
protochlorure de pbosphore.
Le perchlorure de phosphore transforme l'acide santonique en des produits
cristallisables contenant du phosphore.
Ainsi, ni l'action des chlorures de phosphore, ni celle du chlorure d'acélyle
n'ont rien révélé sur la disposition des atomes d'oxygène de la molécule de
l'acide santonique non compris dans le groupe (CO.OH).
M. CAOIZZARO
Professeur à l'Université de Rome.
SUR LES DENSITÉS DE VAPEUR ANOMALES.
(extrait do procès-verbal.)
— Séance du 25 août 1877.
M. le professeur Cannizzaro appelle l'attention de la section sur les questions
relatives aux densités de vapeur anomales. La densité de vapeur de l'hydrate de
chloral, dont l'Académie des sciences de Paris a été saisie dernièrement, 1 a
occupé d'une manière particulière.
356 CHIMIE
Pour démontrer que l'hydrate de chloral se dédouble, à une certaine tempé-
rature, en eau et en chloral anhydre, il faudra, dit M. Cannizzaro, avoir
recours à des moyens physiques. Conformément à cette idée, il se propose de
construire la courbe de tension de la vapeur de ce composé à diffé-
rentes températures.
Relativement au point d'ébullition de ce corps, M. Cannizzaro rappelle une
idée émise par Mendelejeff, au congrès de Carlsruhe, avant les travaux de
Marignac sur l'acide sulfurique, idée confirmée depuis par les recherches du
savant professeur de Genève.
Les oscillations du thermomètre pendant l'ébullition de l'acide sulfurique
concentré avaient conduit Mendelejeff à supposer qu'à la température de son
ébullition, cet acide se décompose.
Avec l'hydrate de chloral, M. Cannizzaro vient d'observer un fait anomal et
assez significatif. Quand ce corps est en pleine ébullition, sa vapeur distille à
97°,S, pendant que le liquide non vaporisé est à la température de 103
degrés.
Dans cinq expériences faites à des pressions différentes et moindres que la
pression ordinaire, on constate que le point d'ébullition du liquide est toujours
supérieure à celui de sa vapeur.
M. Ad. WÏÏRTZ
Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des Sciences et à la Faculté de Médecine
de Paris.
SUR LES DENSITÉS DE VAPEUR ANOMALES.
•- Séance du ïii août /S77. —
J'ai démontré par des expériences antérieures que l'oxalate de potas-
sium hydraté ne perd pas son eau de cristallisation lorsqu'on le chaude
à 79 degrés ou à 100 degrés dans une atmosphère de chloral hydraté,
dans laquelle la vapeur d'eau possède une tension égale ou un peu
supérieure à la tension de dissociation du sel hydraté à ces tempéra-
tures. Depuis, j'ai institué des expériences inverses, et j'ai démontre
que l'oxalate de potassium déshydraté reprend son eau, quoique lente-
ment, lorsqu'on le chauffe dans une atmosphère de vapeur de chloral
hydraté, dans laquelle la vapeur d'eau possède une tension notable-
ment supérieure à celle de la tension de dissociation du sel hydraté.
On a opéré à 100 degrés, dans deux tubes de Holmann, qu'on chauf-
fait simultanément pendant le môme temps, l'un renfermant de la
sapeur de chloral hydraté sous une tension déterminée P, l'autre un
AD. WURTZ. — SL'n LES DENSITÉS DE VAPEUR ANOMALES 3o"
mélange à volumes égaux, d'air et de vapeur d'eau, chacun de ceux-ci
P
sous une tension -.
Dans ces deux atmosphères également humides, l'oxalate de potas-
sium sec s'est hydraté de la même façon, lentement et sans qu'on pût
atteindre la limite correspondant à la tension de dissociation du sel
hydraté.
Et cela se comprend : un sel qui a été déshydraté complètement à
100 degrés ne doit absorber que difficilement de la vapeur d'eau à la
même température, lorsque la tension de cette vapeur d'eau s'approche
de la tension de dissociation du sel hydraté.
Ce n'est pas ici le lieu d'exposer le mode d'opération, les précautions
prises, les détails numériques. Qu'il me suffise d'indiquer les résultats.
I.
Durée de l'expérience 11 heures.
Vapeur
de chloral Air
hydraté. humide
Millim. Millim.
Hauteur du mercure nu commencement. 218,0 -!_?<!, o
à la tin 231,2 236,2
Différence 13,2 16,2
II.
Dures de l'expérience 33 heures.
Vapeur
de chloral Air
hydraté. humide.
Millim. Millim.
HiuLeur du mercure au commencement. 168,5 168,0
à la On 203,0 205,3
Différence .... 35,5 37,3
On voit que le mercure s'est élevé sensiblement à la même hauteur,
dans le tube renfermant de la vapeur de chloral hydraté et dans celui
qui contenait l'air humide; ce qui prouve que les mêmes quantités de
vapeur d'eau ont été absorbées d'un côté et de l'autre. On a fait une
autre expérience dans laquelle on a remplacé l'air par un volume égal
de vapeur de chloroforme. On avait donc, d'un côté, de la vapeur de
chloral hydraté; de l'autre, un mélange de quantités équivalentes de
chloroforme et de vapeur d'eau, dans lequel la tension de cette der-
nière était égale à la moitié de la tension de chloral hydraté. Le
résultat a été le même. Au bout de dix heures, le mercure avait
remonté de 20mm,9 dans un des tubes, de 21mm,3 dans l'autre.
358 CHIMIE
Il résulte de ces expériences que l'oxalate de potassium sec s'hydrate
de la même manière dans la vapeur de chloral hydraté et dans une
atmosphère humide, la pression de la vapeur d'eau étant la même dans
les deux tubes. Il semble que ces expériences comparatives permettent
de conclure à l'existence de la vapeur d'eau dans la vapeur de chloral
hvdraté.
M. GlTOINGr
Professeur à l'Université d'Amsterdam.
CAUSES DE LA PRODUCTION DES MELASSES DE BETTERAVE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 23 août i877. —
M. Gunning entretient la section des causes de production de la mélasse de
betterave.
Diminuer la quantité de mélasse qui se forme pendant la fabrication du
sucre, ou, ce qui revient au même, la quantité de sucre immobilisé, c'est à
quoi tendent les efforts des fabricants et des raffineurs de sucre. 11 est clair
cependant que le mal ne pourra être détruit — si tant est qu'il peut l'être,
— qu'à la condition que l'on en connaisse la cause. La recherche de cette
cause a été l'objet de longues et intéressantes investigations faites par le
savant professeur d'Amsterdam, et dont nous donnons ici le résumé.
On suppose ordinairement que la mélasse est une solution sursaturée de
saccharose, où le sucre se trouve retenu en solution par des matières étran-
gères, qui en empêchent la cristallisation.
De fait, une quantité de mélasse qui renferme 100 parties d'eau, contient
aussi environ :
150 parties de matières étrangères,
250 parties de sucre.
Cela veut dire que 100 parties d'eau, déjà chargées de 150 parties de matières
étrangères, tiennent en dissolution 250 parties de sucre.
Examinons maintenant les faits suivants :
a. 100 parties d'eau pure ne dissolvent, à la température ordinaire, que
200 parties de sucre pur;
b. Il existe un principe connu sous le nom de principe du coefficient des sels,
applicable au sucre, d'après les expériences de Feltz et autres chimistes, et
d'après lequel l'eau, tenant déjà des sels en solution, ne dissout pas une quan-
tité aussi grande de sucre que l'eau pure;
c. Le principe du coefficient des sels fait exception pour la potasse caus-
GUNNING. CAUSES DE LA PRODUCTION DES MÉLASSES DE BETTERAVE 350
tique, le carbonate, le formiate et l'acétate de potassium, dont les solutions
dissolvent le sucre en plus grande quantité que l'eau elle-même.
Ayant en vue les faits qui viennent d'être rappelés, ayant constaté que les
propriétés de la mélasse ne se confondent pas, en tous points, avec celles du
sucre en cet état bien connu de sucre incristallisablc. M. le professeur Gunning
ne s'est pas contenté de l'explication donnée relative à l'immobilité du sucre
dans la mélasse. Après avoir cherché la cause de la formation de ce produit
dans l'influence exercée sur le sucre par certains sels alcalins à base dépotasse,
il démontre :
1° Qu'il n'existe pas de sucre incristallisable dans la mélasse;
2° Que tout le sucre contenu dans ce produit est engagé en des combinai-
sons chimiques définies. Ces combinaisons sont incristallisables et forment,
avec une certaine quantité d'eau, des sirops d'où il est impossible de séparer
l'eau.
L'auteur n'a pas cru nécessaire de multiplier les arguments tendant à prou-
ver la première proposition. 11 rappelle :
1° Que les opérations qui comportent la fabrication et le raffinage du sucre
ne produisent l'état incristallisable du saccharose que d'une manière très-pas-
sagère : l'opération de la cristallisation rend au saccharose, qui peut être
modifié physiquement, sa propriété de cristalliser d'une manière intégrale;
2° Que le sucre incristallisable qui peut se former sous l'influence simulta-
née de la chaleur et de l'eau, est au moins deux fois et demie plus soluble
dans l'alcool à 85 degrés centigrades, à la température ordinaire, que le sac-
charose cristallisable. La solution de sucre incristallisable dans l'alcool à
85 degrés centigrades laisse déposer, en quelques heures et sous formes cris-
tallines, le surcroît de sucre.
Si l'on agite la mélasse avec de l'alcool à 85 degrés centigrades, il s'en dis-
sout une grande quantité; mais la solution alcoolique ainsi obtenue ne laisse
jamais déposer des cristaux, ni par le repos, ni par l'addition d'alcool plus fort,
dont un grand excès, au contraire, y produit, la formation d'un liquide sirupeux.
D'après M. Gunning, ce sirop est du saccharosate de potasse, mélangé avec
des quantités plus ou moins grandes de saccharosate de formiate et d'acétate
potassiques.
La présence du saccharosate potassique (G12 H21 KO11) est due à l'action de la
potasse caustique sur le sucre, la potasse provenant elle-même de l'action de
la chaux sur des sels potassiques, pendant la défécation. Cette .manière d'envi-
sager les choses nous semble très-rationnelle; car le saccharosate de potasse
est un composé très-stable, contrairement à ce que l'on supposait autrefois. Il
peut traverser les différentes phases du travail du sucre jusqu'à la cristallisa-
tion. La stabilité du saccharosate de potasse et quelques autres de ses pro-
priétés, autorisent l'auteur à le considérer comme partie constituante de la
mélasse. Mais la quantité de ce composé que l'on y trouve ne représente que
le dixième du sucre qu'il contient. Le reste, ou les neuf autres dixièmes, se
trouve à l'état de saccharosate de sels potassiques à acides organiques, ces
composés étant, eux aussi, incristallisables et capables de former des sirops
avec très-peu d'eau.
3G0 CHIMIE
Continuant, l'auteur fait remarquer que l'existence de ces sortes de combi-
naisons n'est pas en désaccord avec la nature alcoolo-aldéhydique du saccha-
rose; il indique quelques-unes de leurs propriétés, les moyens de les produire
et d'en constater la formation.
Dans l'intérêt de l'industrie sucrière, nous demandons la permission de pro-
longer encore l'exposé, déjà long, de ce résumé.
Les saccharosates sont des sels très-stables et ne se décomposent qu'autant
qu'on parvient à en séparer la base sous forme de sel insoluble. Dans ce cas,
on peut en retirer le saccharose non altéré. La dialyse parvient à en séparer
une partie du sel alcalin, et, partant, à mettre en liberté une quantité corres-
pondante de saccharose, qui cristallise par l'addition d'un peu d'alcool. L'auteur
indique ensuite un moyen pour reconnaître si un sel donné quelconque a la
propriété de former avec le saccharose une combinaison de la nature de celles
que nous étudions. On dissout le sel avec environ le double de son poids de
sucre dans l'eau à la température ordinaire, et à cette solution on ajoute assez
d'alcool de façon à ce qu'elle contienne 83 0/0 d'alcool absolu. Après quelque
temps de repos, on voit se former, suivant les cas, soit des cristaux, soit un
sirop, soit un mélange de cristaux et de sirops.
Cette méthode est en défaut dans les cas, très-rares d'ailleurs, où les com-
binaisons sirupeuses sont solubles dans l'alcool fort, et ceux où les sels eux-
mêmes sont précipités de leurs solutions aqueuses, sous forme de sirops, par
l'alcool.
En employant ces méthodes, M. Gunning s'est assuré que presque tous les
sels de potasse à acides organiques sont capables de se combiner avec le sucre,
propriétés qui font défaut à la plupart des sels de soude correspondants.
D'après l'auteur, sont exempts de cette propriété : le formiate et l'acétate de
soude; les sulfates de potasse et de soude, les chlorures de mêmes métaux, le
phosphate et le nitrate de potasse, le carbonate de soucie et chlorure de
baryum.
Cette nouvelle manière d'envisager les choses explique un grand nombre de
faits chimiques et industriels relatifs aux opérations de la fabrication du sucre.
Entre autres faits, elle explique :
■1° La présence d'une grande quantité de carbonate de potasse dans les
cendres de la mélasse;
2° La difficulté d'évaporer l'eau de la mélasse ;
3° L'utilité Hmitée de la dialyse ;
4° La faculté mélassigène attribuée à certains sels et même le paradoxe de
M. Anthon, — à savoir qu'un sel peut être à la fois mélassigène positif et
mélassigène négatif.
En terminant, l'auteur explique d'après ses vues comment un même sel
peut être à la lois mélassigène positif et négatif. Une solution de saccharose,
saturée à la température ordinaire, laisse déposer des cristaux de sucre quand
on y dissout une petite quantité de chlorure de calcium; elle laisse déposer,
au contraire, des cristaux de chlorure de calcium, lorsqu'on y dissout, à chaud,
une quantité considérable de ce sel.
Le premier cas est celui où une partie du sucre, changé en saccharosate de
Dra CAZENEUVE ET LIVON. —FERMENTATION AMMONIACALE DE L'URINE 301
chlorure de calcium, a besoin, pour acquérir sa constitution sirupeuse, d'une
plus grande quantité d'eau (pie celle qu'il a exigée pour se dissoudre à l'état
libre : du sucre doit nécessairement se déposer. Le second cas est celui où
tout le sucre, étant changé en sacebarosate de chlorure de calcium, l'excès de
ce sel ne trouve pas assez d'eau pour rester en solution.
DISCUSSION.
M. Fremy ayant rappelé que le sucre se combine avec le chlorure de sodium,
M. Gunning fait observer qu'il s'agit de combinaisons incristallisables, le com-
posé de saccharose avec le chlorure de sodium étant cristallisable.
MM, les Drs P. CAZENEUYE et Th. LIVON
NOUVELLES RECHERCHES SUR LA FERMENTATION AMMONIACALE
DE L'URINE ET LA GÉNÉRATION SPONTANÉE.
Sèa a ce d n 25 a <> û i f877. —
On connaît toutes les discussions qui ont eu lieu sur ce sujet dans les Aca-
démies entre les hommes de science : leur manière différente d'interpréter les
faits est connue de tous; aussi, sans revenir sur cet historique, allons-nous ex-
poser les nouvelles expériences que nous avons faites sur l'urine contenue
dans la vessie, dans le réservoir normal lui-même, et cela à l'aide de vivisec-
tions pratiquées sur des chiens de la manière suivante: » On prend un chien
de forte taille, on jette une ligature sur le prépuce de l'animal, afin qu'il garde
ses urines. Cinq heures après, on fait une incision abdominale de 20 centimè-
tres le long du fourreau de la verge et à 1 centimètre de ce fourreau. On en-
toure les muscles abdominaux, on pénètre dans le péritoine. Avec l'index on
détermine la hernie de la vessie à travers l'orifice de la plaie. On jette une
ligature sur les uretères et sur le canal. On incise au-dessous de la ligature.
» Première expérience. — La vessie suspendue par la ligature est aban-
donnée à l'air. L'eau transsude lentement à travers la paroi vésicale, mais
l'évaporatiou suit la transsudation.
y Aussi la surface externe est-elle bientôt sèche, brillante, comme parcheminée,
l'expérience est faite le 10 juillet ; le 12 juillet, c'est-à-dire 48 heures après
l'opération et cette exposition à l'air, nous ponctionnons la vessie avec une
canule capillaire préalablement passée au feu. Nous trouvons : liquide sans odeur
putride, acide, ne présentant au microscope aucune trace d'organismes vivants
(température ambiante 27 degrés.)
» Deuxième expérience. — Une autre vessie abandonnée à l'air du 10 au
362 CHIMIE
15 juillet. Toujours, à l'examen du liquide intérieur, aucun phénomène de putri-
ditè, de fermentation ammoniacale, aucun organisme vivant.
(Température ambiante 27 degrés.)
» Troisième expérience. — Une troisième vessie est abandonnée douze jours
à l'air. Au bout de ce laps de temps, nous ouvrons la vessie avec précaution;
nous trouvons un liquide urinaire concentré, ayant l'aspect de la mélasse, sans
odeur ammoniacale. Nous trouvons l'acidité franche : au microscope pas d'or-
ganismes vivants. Sur les parois de la muqueuse fontsaillie des cristaux d'urée
de i centimètre environ (température ambiante variant de 25 à 28 degrés.)
» Dans ces premières expériences, nous voyons que les cellules épithéliales,
les corpuscules muqueux, la matière organisée ou demi-organisée, les soi-di-
sant microzymas ne jouent aucun rôle: aucun vibrionien n'apparaît.
» Nous avons alors modifié la constitution chimique du milieu. Nous avons
rendu l'urine alcaline par la soude ou la potasse, soit en administrant des
médicaments à nos chiens, soit en leur faisant une lésion nerveuse. L'urine
alcaline est des plus favorables à la génération spontanée (Dr Bastian).
» Quatrième expérience. — Nous administrons du bicarbonate de soude à
un chien (4 grammes) ; cinq heures après l'urine rendue est reconnue alcaline.
Nous jetons une ligature sur le prépuce : quatre heures après, nous enlevons
la vessie, suivant notre méthode. Nous la portons à l'étuve chauffée à
la température de 50 degrés cent. (Cette température est celle nécessaire pour
la génération spontanée des vibrioniens, d'après le Dr Bastian (Comptes rendus,
31 juillet 1876). Après cinq heures de chauffe à 50 degrés cent, nous abandon-
nons notre vessie à l'air (température 27 degrés) jusqu'au lendemain. Une ponc-
tion pratiquée alors avec les précautions ordinaires, nous donne une urine très-
claire (urine de diurèse), alcaline par la soude, sans trace de fermentation am-
moniacale ; pas de torulacée, pas de vibrioniens.
» Afin de nous rendre compte du degré d'alcalinité de cette urine, nous
avons effectué un dosage alcalimélrique sur celle retenue par le repli prépu-
tial, toujours gonflé d'urine par les efforts d'expulsion de l'animal.
» Nous avons trouvé une richesse correspondant à 5?r,58 de soude par
litre.
» Cinquième expérience. — Nous administrons, le \ août au matin, 2
grammes d'acétate de potasse à un chien. Le soir nous lui administrons cette
même quantité. Le lendemain, nous renouvelons l'administration d'acétate à
la dose de 4 grammes. Le soir nous enlevons la vessie de l'animal. Elle reste
dix heures au sein de l'atmosphère de notre laboratoire, puis elle est portée
à l'étuve (température 50 degrés cent.) pendant six heures.
» L'alcalinité de l'urine recueillie dans le repli préputial correspondait à
9cr,IO de potasse par litre.
» L'urine intra-vésicale, examinée après cette action d'une température de
50 degrés, ne renfermait aucune trace d'organismes vivants. Nous ne consta-
tons aucun dégagement d'ammoniaque.
» Sixième expérience. — M. Cl. Bernard a remarqué que les lésions ner-
veuses, chez les chiens, amenaient fréquemment l'alcalinité des urines. Nous
faisons une large lésion du plancher du quatrième ventricule, chez un chien ;
Drs CAZENBUVE ET LIYON. — FERMENTATION AMMONIACALE DE L'URINE 363
nous jetons comme toujours une ligature sur le prépuce de l'animal; cinq
heures après, nous enlevons la vessie. L'urine préputiale qui nous sert toujours
de critérium, nous offre: alcalinité, présence de l'albumine et du sucre. Après
sept heures d'étuve (température 50 degrés), nous ne trouvons aucune trace
d'organismes vivants, aucun caractère ammoniacal.
» Septième expérience. — Dans cette expérience nous avons exposé pendani
six jours, à la température de 50 degrés C, une vessie contenant une urine
de lésion nerveuse (alcaline, albumineuse, sucrée). Ouvrant la vessie, nous
trouvons un liquide alcalin par la soude, sans odeur d'ammoniaque, des cristaux
d\irée se sont formés sur la muqueuse vésicule. Il n'y a aucune trace d'organismes
vivants. Cette vessie était très-volumineuse: elle pesait 238 grammes. Dans
les autres expériences, nos vessies pesaient de 30 à 40 grammes.
» Une question se pose : le terrain sur lequel nous opérions est-il bien favo-
rable à la fermentation ammoniacale et à la génération des vibrioniens? Les
expériences suivantes répondrons.
» Tout d'abord, nous avons soumis à l'expérimentation les urines retirées
du repli préputial dans toutes nos extractions de vessies. Nous avons vu que
ces liquides devenaient ammoniacaux au sein de notre laboratoire, où four-
millent les germes, et que les bactéries y apparaissaient souvent au bout de
quelques heures d'exposilion à l'air, preuve que le terrain est propice.
» Huitième expérience. — Nous reprenons la vessie de la sixième expérience
qui contient une urine alcaline et albumineuse. Nous faisons une fenêtre à la
partie supérieure; douze heures après, odeur manifeste de putréfaction, les
vibrioniens pullulent.
» Mais l'oxygène ne joue-t-il pas un rôle fondamental dans ces expériences,
dira-t-on ?
» Les expériences suivantes prouvent l'inutilité d'un excès d'oxygène.
La trace d'oxygène dissous dans l'urine suffit.
» Neuvième expérience. — Le 7 août, nous enlevons la vessie d'un chien
et l'exposons à l'air vingt-quatre heures dans notre laboratoire, où beaucoup
de liquides animaux sont en putréfaction. Nous plongeons cette vessie dans
la parafine à -450 degrés, afin de recouvrir sa surface d'une enveloppe imper-
méable aux liquides, et s'opposant à toute évaporation. Le liquide transsude,
comme à l'ordinaire, à travers la paroi vésicale: mais la couche protectrice
de paraffine empêche son évaporation ; il s'accumule entre la paroi externe de
la vessie et la paraffine. Vingt-quatre heures après (température 27 degrés), nous
enlevons la paraffine. Elle contient un liquide trouble, putride, alcalin, four-
millant de vibrioniens et d'articles de torulacée. Le liquide intérieur de la vessie
est acide, sans trace d'organismes vivants.
» M. Pasteur, expliquera les faits rapportés dans nos expériences par le rôle
des germes de l'air. Notre dixième expérience confirme ses vues.
» Dixième expérience. — Une vessie laissée à l'air vingt-quatre heures,
dans l'atmosphère de notre laboratoire, comme dans la neuvième expérience,
est plongée une minute dans la paraffine à 110 degrés C; retirée de ce bain,
elle est plongée dans la paraffine à 45 degrés dépouillée elle même des germes,
par l'action préalable de la chaleur. Trois jours après, nous l'enlevons du sein
364 CHIMIE
de cette paraffine. Le liquide transsude toujours à travers la paroi vésicale; il
est clair, sans odeur anormale, acide, -privé de tout organisme vivant. Cette même
vessie, laissée à l'air cinq heures, dans notre laboratoire, est replongée dans
la paraffine à 45 degrés; vingt-quatre heures après, -putréfaction, fermentation
ammoniacale, présence de la torulaccc et des vibrioniens.
» Comme ont le voit, ces expériences corroborent, d'une façon éclatante,
les idées de M. Pasteur. Nous les poursuivons dans le but de voir si des lésions
amenant des troubles dans la sécrétion urinaire, et dans la composition de
l'urine, ne pourraient déterminer la fermentation ammoniacale de l'urine, par des
causes indépendantes de l'action de la fameuse torulacée (1). »
M. le D' Cli. BEAME
SUR LE SOUFRE UTRICULAIRE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 2o août 1877. —
M. le docteur Brame lit un mémoire sur le soufre utriculaire disséminé
dans les autres formes du soufre. Après avoir étudié les propriétés du soufre
mou et celles du soufre cristallisé par fusion, l'auteur conclut qu'il y a iden-
tité entre le soufre mou, une partie de la matière des aiguilles de fusion et
le soufre utrkxdairc, état du soufre découvert par lui et qui est, d'après l'ex-
pression même de M. Dufrenoy, un étal intermédiaire entre l'état de vapeur
et l'état de fusion.
M. BAEBIEE
Dort'ur ès-sciences.'
METHODE RAPIDE DE DOSAGE DES FERS CHROMES.
(extrait du procès-verbal.)
— .s.- •/,/,,' ,/ ./ s$ août 1877. —
M. Damner décrit une méthode rapide de dosage des fers chromés : on
opère sur 0?r,r>0 de matière finement pulvérisée, que l'on divise encore en la
(i) Ce travail a été fait au laboratoire de physiologie de M. Ch. Livon (Ecole de médecine de
Marseille); on trouvera de plus amples renseignements sur nos expériences dans le mémoire in
extenso. [Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, octobre 1»77).
BOUGAREL. — PRODUITS NOUVEAUX DES FEUILLES DES VÉGÉTAUX 365
broyant avec une petite quantité de chlorate de potasse. La poudre obtenue
est mélangée très-intimement avec cinq ou six fois son poids du mélange
dont on indique plus loin la composition. On chauffe dans un creuset d'argent
pendant une heure. On épuise par l'eau la masse fondue et pulvérisée, on filtre
et on précipite la solution par l'ammoniaque. La teneur en oxyde de chrome
calciné, Cr-O2, donne la richesse du minerai.
Voici la composition du mélange dont il a été question plus haut :
Magnésie calcinée 3 parties.
Potasse caustique 10
Chlorate de potasse 5
M. Georges LEMOINE
Ingénieur des Ponts et Chaussées, Répétiteur ù l'École Polytechnique.
ÉQUILIBRES CHIMIQUES ENTRE L'HYDROGÈNE ET L'IODE GAZEUX (1).
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 2 S août 1877. —
Les premiers résultats de ces recherches ont été présentés à l'Association
française pour l'avancement des sciences dans sa session de Lille, le 26 août
1874.
Le mémoire complet, publié postérieurement à la session du Havre, est inséré
dans les Annales de chimie et de physique (n° d'octobre 1877, de la page 145 à
la page 253).
M. 011= BOUGAREL
SUR DEUX PRODUITS NOUVEAUX CONTENUS DANS LES FEUILLES
D'UN CERTAIN NOMBRE DE VÉGÉTAUX.
(extrait)
— Séance du 25 août 1877. —
ACIDE PHYLLIQUE.
Fort peu de recherches ont été faites sur les principes gras ou résineux conte-
nus en petite proportion dans les organes verts des végétaux. — En cherchant
à extraire l'amygdaline d'un certain nombre de plantes de la famille des rosa-
(i) Voir C, R. de l'Ac. des Se. , 2 et 6 juillet 1877.
366 CHIMIE
cées, et en particulier du laurier cerise, j'ai rencontré et isolé un principe
immédiat que des expériences plus étendues m'ont montré renfermé dans des
végétaux appartenant à d'autres familles.
En traitant des feuilles par l'alcool bouillant, on obtient une teinture alcoo-
lique qui par refroidissement laisse précipiter une petite quantité de cire
végétale.
Si l'on chasse l'alcool par distillation, et si l'on reprend l'extrait par l'éther,
ce véhicule dissout la matière colorante et des principes désignés par les auteurs
sous le nom de matières grasses ou résineuses. Traitée par le charbon animal,
cette solution éthérée abandonne la matière colorante verte, mais retient d'une
façon assez persistante une matière jaune unie à de la substance grasse. Ayant
distillé l'éther j'ai eu comme résidu un produit formé de petits grains cristallins,
amorphes, incolores, mais souillés par un liquide jaune huileux, dont je me
suis débarrassé en partie par des lixiviations à l'eau bouillante.
Ces grains sont solubles dans l'alcool, l'éther, le chloroforme, le sulfure de
carbone, les essences et les corps gras, complètement insolubles daus l'eau.
Par plusieurs précipitations de la solution éthérée, je suis parvenu à les ob-
tenir entièrement blancs et purs. Us forment alors une poudre très-fine, sans
odeur et sans saveur, n'offrant au toucher aucune sensation spéciale, ils sont
plus lourds que l'eau, leur densité est environ 1,014. Vus au microscope, ils
rappellent l'apparence de petits polyèdres à facettes sphériques. Ils réfractent
assez fortement la lumière. Leur pouvoir rotatoire moléculaire pris dans la
solution alcoolique est <xj = -f- 28°
Ce corps soumis à l'action de la chaleur fond vers 170° en un liquide lim-
pide qui, par refroidissement, se prend en une masse vitreuse; cette masse
fait bientôt entendre un crépitement et se divise en une multitude d'écaillés à
cassure conchoïdale.
Si la fusion a été opérée sur une surface étendue et en couche mince, au
lieu des écailles précédentes, le produit donne naissance à de jolis cristaux,
prismes aplatis terminés par des pointements dont l'angle est d'environ 120°
Si l'on pousse l'action de la chaleur au-dessus de 180°, il se forme d'abon-
dantes fumées blanches, à odeur balsamique agréable, se condensant sous la
forme de gouttelettes huileuses. Au-dessus de 200°, le liquide grimpe le long
des parois du tube à expérience, brunit peu à peu et fournit des produits
empyreumatiques.
La glycérine dissout une très -petite proportion de ce principe. Si l'on en
chauffe une certaine quantité tenue en suspension dans ce véhicule, les grains
se prennent en une masse pâteuse et par refroidissement, il se forme des cris-
taux semblables à ceux que produit la fusion.
Les acides étendus sont sans action sur ce corps ; même à l'ébullition
l'acide chlorhydrique ne produit aucune modification.
Mis à froid en contact avec une solution alcaline de potasse ou de soude,
ces grains ne s'y dissolvent pas tout d'abord, mais après quelques heures, on
peut voir à leur place des aiguilles prismatiques à base carrée qui sont une
combinaison du corps nouveau et de l'alcali. Ces aiguilles sont peu solubles
dans l'eau froide, solubles dans une solution légèrement acidulée, insolubles
DOUGAREL. — PRODUITS NOUVEAUX DES FEUILLES DES VÉGÉTAUX 367
dans une solution alcaline concentrée, solublesdans l'alcool, l'éther, le chloro-
forme qui par évaporation laissent un dépôt cristallisé.
La solution aqueuse de ces cristaux, traitée par l'acide chlorhydrique fournit
un dépôt blanc pulvérulent qui après lavage et dessication, présente les pro-
priétés du corps générateur. Cependant le pouvoir polarimétrique est différent.
Avant la combinaison aj -j- 28 ; en sortant de la combinaison aj = -\~ 53 ;
et le pouvoir rotatoire du sel potassique pris à l'aide d'une solution alcoolique
est aj = -j- 56.
La chaleur aide rapidement à la solution des grains amorphes dans la
potasse ; mais si l'on vient à concentrer la liqueur ou si l'on y ajoute un excès
d'alcali il y a immédiatement précipitation de la combinaison saline.
Me basant sur tous ces faits, je prépare maintenant le produit de la façon
suivante :
La masse de grains jaunes encore souillés de matières grasses qui constitue
le résidu de la distillation de la liqueur éthérée primitive est additionnée de
potasse étendue et le tout chauffé jusqu'à solution complète. Le liquide brun
est filtré et concentré. Au bout de peu de temps, on aperçoit des gouttes hui-
leuses qui viennent nager à la surface et se rassemblent en une couche uni-
que. Par refroidissement, il se forme une couche noirâtre assez consistante qui
peut être enlevée tout d'une pièce de la capsule qui la renferme. Le liquide al-
calin qui y reste est peu coloré ; une analyse m'a montré qu'il contient en
solution de la substance grasse saponifiée.
La croûte 'brunâtre est additionnée d'eau distillée, où elle se divise facile-
ment, le liquide est porté à l'ébullitionet la solution étant parfaite on ajoute goutte
à goutte une solution alcaline, jusqu'à ce que le précipité formé par l'arrivée de
chaque goutte ne se dissolve plus que difficilement. On abandonne alors au refroi-
dissement, et au bout de quelques minutes, le liquide se prend en une masse cris-
talline formée par les aiguilles indiquées plus haut, transparentes et nettes, mais
emprisonnant un liquide brun foncé, il suffit alors de les recueillir dans un
appareil à déplacement : l'eau mère s'écoule, et après un ou deux lavages à
l'eau distillée froide le produit est complètement pur ; une seconde cristallisa-
tion permet de l'obtenir à l'état de pureté absolue. La solution de ces cristaux,
traitée par un acide étendu, fournit l'acide résineux.
J'ai retiré ce principe immédiat des feuilles de cognassier, de pommier, de
pêcher, d'amandier, de sycomore, de lilas, de jaborandi ; j'espère donc le ren-
contrer dans un grand nombre de feuilles de la série végétale.
L'analyse du sel potassique donnerait pour l'équivalent de cet acide 624.
L'analyse élémentaire donne pour cent.
Carbone = 69,08
Hydrogène == 10,36
Oxygène = 20,56
La formule que je serais, par là, tenté de lui assigner serait
C12H64016. (0 = 8)
mais je ne la présente que sous toutes réserves, un plus grand nombre d'ana-
368 CHIMIE
lyses nie semblant nécessaires. J'ai obtenu de la même façon un sel sodique
cristallisant facilement.
Le sel ammoniacal se prépare en faisant agir l'ammoniaque sur une solu-
tion élhérée de l'acide et abandonnant à Févaporation, il se forme ainsi des
touffes de très-fines et très-longues aiguilles. Je poursuis la préparation de
quelques autres sels.
Les propriétés de ce corps et son existence dans les organes verts d'un cer-
tain nombre de végétaux m'ont engagé à lui assigner le nom d'acide phyllique.
FOLIRUBRINE.
Pendant que je poursuivais les recherches précédentes, j'ai observé les faits
suivants :
Si on plonge dans de l'éther des feuilles fraîches de cognassier, de pêcher,
d'amandier, on voit l'eau de végétation tomber au fond du vase et l'éther se
charger de plus en plus de chlorophylle. Si on vient alors à retirer ces deux
liquides et à verser de l'alcool à 95° sur les feuilles encore imprégnées d'éther,
on remarque au bout de peu de temps que au fur et à mesure que l'alcool
dissout de la matière colorante verte, il se dépose sur les feuilles et les parois
du flacon une multitude d'écaillés miroitantes. Dans l'alcool décanté nagent un
grand nombre de ces mêmes lamelles. Recueillies et lavées à l'éther elles pré-
sentent les propriétés suivantes:
Elles sont formées par la réunion de 3 ou 4 cristaux, prismes aplatis à base
triangulaire, d'un très-joli rouge à la lumière transmise, et donnant à la lu-
mière réfléchie un éclat verdâlre analogue à celui que fournissent les cristaux de
fuchsine.
Elles sont complètement insolubles dans l'eau et les acides étendus, insolu-
bles dans l'éther, très-peu soluble dans l'alcool, très-soluble dans le chloro-
forme et la benzine qui se colorent en jaune orange, dans le sulfure de car-
bone qui prend une coloration d'un rose vif.
Ces véhicules par évaporation lente laissent se former les cristaux primitifs.
Ayant traité comme précédemment des feuilles fraîches de sycomore, je n'ai
pas vu se former les lamelles cristallines que je viens de décrire; mais ayant .
abandonné à l'air le liquide vert alcoolique dans une large capsule, j'ai bientôt
observé à la surface la formation d'une couche rose. Le liquide ayant été agité,
à l'aide d'une tige de verre, j'ai vu un dépôt rose partout où était passé l'agitateur
Après quelques heures, l'alcool a été enlevé et tout le fond de la capsule s'est
montré couvert de ce même dépôt qui se présente au microscope sous la forme
d'une poudre rouge. La capsule a été lavée à l'éther qui s'empare d'une ma-
tière colorante jaune, la Chrysophylle de Hartsen. La poudre rouge a été dis-
soute dans de la benzine, et par évaporation lente, il se forme des cristaux
à reflets verdâtres, mais souillés encore par de la matière colorante jaune.
Un lavage à l'éther et une nouvelle cristallisation dans le sulfure de carbone
m'ont permis de les obtenir purs et en tout semblables à ceux que m'ont fournis
les feuilles des diverses amygdalées.
Des recherches ultérieures sont nécessaires pour connaître les propriétés
chimiques et la composition de cette nouvelle matière colorante. Cependant
A. L4DUREAU. — SUR LA COMPOSITION DE LA LAINE 3G9
les caractères signalés montrent qu'elle est absolument différente des autres
matières rouges végétales connues et je crois devoir lui donner le nom de
folirubrine.
M. A. LADUREAÏÏ
Directeur Je la Station agronomique du Nord.
NOTE SUR LA COMPOSITION DE LA LAINE.
— Séance du 83 août 1877. —
Ayant eu l'occasion, il y a quelques années, de faire des recherches
assez nombreuses sur la nature et les propriétés de la laine, nous avons
été à même de reconnaître une erreur qui s'est propagée de livre en
livre dans un grand nombre d'ouvrages de chimie, dont les auteurs ne
peuvent pas certainement vérifier par eux-mêmes toutes les allégations
qu'ils renferment. Cette erreur a trait à la proportion des sels minéraux
de la laine, que l'on croit généralement en renfermer de 3 à 5 ou C 0/0
de son poids, et qui n'en renferme réellement pas de traces, quand elle
est à l'état de pureté chimique. Lorsque l'on a procédé aux premières
analyses de laine, il y a quarante ou cinquante ans, et peut-être même
davantage, l'industrie de ce textile était loin d'avoir encore acquis le
degré de perfection qu'elle possède aujourd'hui.
C'est donc sur des laines très-impures, très-imparfaitement dessuintées.
que ces analyses ont été faites, et dès lors il n'y a rien d'étonnant à ce
que nos ancêtres en analyse chimique y aient trouvé une proportion de
cendres qui pouvait varier entre 3 et 6 0/0. Mais aujourd'hui, il n'en
est plus de même, l'industrie du peignage et de la filature de la laine
s'est perfectionnée au point que les produits qu'elle travaille et qu'elle
livre à la fabrication des étoffes, sont presque chimiquement purs. Nous
avons analysé un grand nombre d'échantillons de laines peignées et
filées de provenances différentes, et croyons devoir vous présenter les
résultats de ces analyses, au seul point de vue des sels minéraux, afin
de mettre un terme à une erreur qui pourrait peut-être se reproduire
longtemps encore.
Nous avons été déterminé à publier ces résultats, d'abord en voyan
un agronome extrêmement distingué affirmer dans ses écrits que la laine
n'est pas seulement un engrais azoté, mais encore un engrais potassique,
et qu'elle renferme environ 1 0/0 de son poids de potasse; puis en lisant
dans le remarquable Dictionnaire de Chimie de M. Wûrtz, notre illustre
ex-président, ouvrage que l'on peut regarder à bon droit comme l'expos
24
370 CHIMIE
complet des connaissances chimiques à ce jour, en y lisant, dis-je, que
la laine renfermait 3, 23 0/0 de son poids de cendres, parmi lesquelles
M. Gorup-Besanez avait reconnu 0, 29 0/0 de silice.
Or, comme l'agriculture du Nord emploie chaque année des millions
de kilogrammes de déchets de laine, qu'elle enfouit comme engrais,
soit tels quels, soit après leur torréfaction, il m'a semblé intéressant de
rechercher si réellement cet engrais rendait au sol une certaine quantité
de potasse, et si par suite, les cultivateurs pouvaient compter sur la
présence de cet élément et se dispenser de l'introduire sous une autre
forme.
Voici quel fui le résultat de mes recherches à ce sujet : il est consigné
dans le tableau ci-après, renfermant la proportion centésimale de cendres
q e j'ai trouvée dans une vingtaine d'échantillons de laines filées et
peignées.
N« 1. — Cendres 0/0 : ii',24
]\o 2. — — l*r,19
N» 3. - - 0«',99
N« 4. - 0 ',88
N° 5. — — (l '■*'•
N» 6. — — 0sr.83
N" 7. — <>-".Ts
N» 8. — — i ,74
N" 9. — 0s\72
N» 10. — Os',09
Nu 11. — Cendres 0/0 : 0^,67
V 12. — 0sr,63
N° 13. — 0s%54
iV 14. — 0^,49
N» 15. — 0e%38
N° 16. — 0?%33
N» 17. — 0ïr,19
N» 18. — 0s%12
N« 19. - 0s',02
Moyenne : 0sr,645.
Les échantillons 17 et 18 étaient des filés anglais destinés à la passe-
menterie, en laine assez grosse, assez dure, présentant une grande
élasticité.
L'échantillon n° 19 provenant d'un fort beau lot de laine peignée
blanche que nous avons soumise au laboratoire à un traitement chimique
complet, par les acides, l'eau, le savon, l'alcool et l'éther, dans le but
de le dépouiller autant que possible de toute substance étrangère.
On voit par ces exemples que la laine traitée actuellement par l'in-
dustrie est presque chimiquement pure, et qu'elle ne renferme en moyenne
que : un peu plus de 1/2 0/0 de son poids, de substances minérales.
Voulant voir quelle était la nature de ces sels, nous les avons mis
soigneusement de côté, après chaque incinération, et en avons fait une
analyse collective. Nous y avons trouvé :
Carbonate de potasse 48-r.30
Carbonate de soude 17*' ,27
Chlorure de potassium 14sr,25
Sull'ate de potasse 9
Carbonate de chaux 6sr,07
Sulfate de chaux 2sr,06
Phosphate de chaux 0'r,73
Silice, alumine, etc 2s'.28
Total 100s%00
A. BÉCHAMP. RECHERCHES SUR LA GOMME ARABIQUE 371
On voit par ces chiffres que les cendres de la laine industrielle sont
composées d'environ 70 0/0 de sels de potasse, et que l'acide phospho-
rique y fait presque complètement défaut. Il est donc impossible que la
laine renferme i 0/0 de potasse et nos agriculteurs feront bien à l'avenir
de considérer les déchets de laine provenant du peignage et des fila-
tures, comme un engrais uniquement azoté, auquel il faut absolument
adjoindre de la potasse et de l'acide phosphorique si l'on veut lui faire
produire un effet réellement utile.
Tel est, après le point de vue purement scientilique, le côté pratique
de la petite communication que nous venons d'avoir l'honneur de vous
faire.
M. A. BECHAMP
Doyen de la Faculté libre de Médecine de Lille.
RECHERCHES SUR LA GOMME ARABIQUE.
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 25 août 1877. —
M. A. Béchamp rend compte de ses recherches sur la gomme arabique,
recherches entreprises à cause d'une discordance constatée dans le pouvoir
rotatoire de cette substance, selon qu'elle est à l'état naturel ou qu'elle a été
purifiée par le procédé de M. Fremy. En effet, tandis que le pouvoir rotatoire
de la gomme du Sénégal est de [a] = 28°,4 ^, celui de la gomme purifiée
varie de 34° à 17°,86.
M. Béchamp a soumis la gomme pure, douée de son pouvoir rotatoire
maximum, [a] = 34° ^, à l'action de différents agents, et a constaté :
1° Que, sous l'influence de la sialozymase, son pouvoir rotatoire baisse de 34°
à 18",9;
2° Que, par l'action de l'acide sulfurique elle acquiert la propriété de réduire
la liqueur cupro-potassique et de fermenter quand on la met en contact avec
la levure de bière.
Le sucre qui se produit, dans ces conditions, et que l'on croyait identique
avec la galactose, est, d'après l'auteur, un produit complexe: une partie se dis-
sout dans l'alcool à 90°, une autre y est insoluble. La partie insoluble est
un mélange de plusieurs substances dextrogyres et dont les pouvoirs rotatoi-
res varient depuis 53° à 3%5.
La partie soluble dans l'alcool, étant convenablement traitée, fournit des
cristaux semblables à ceux du glucose. Ces cristaux desséchés à 140 degrés
ont une composition représentée par la tormule C12 H12 O12 (en équivalents).
Le pouvoir rotatoire de ce produit, pris rapidement, et rapporté à la formule
37u2 CHIMIE
C12H12 012 est de [a] = 149°,3 \. Quel([ue temps après, le pouvoir rota-
toire diminue et atteint, après 48 heures, une limite [*]= 95°7 *y
Cette substance fermente sous l'influence de la levure de bière ; elle donne
de l'acide mucique comme la galactose, mais elle en diftère par son pouvoir
rotatoire, celui de cette dernière substance, à sa limite inférieure, étant
[a] = 83o,3 \.
M. Béchamp assigne à ce corps, qu'il suppose être une espèce nouvelle, le
nom de gummicose.
Outre le gummicose, l'auteur signale encore dans la partie sucrée, soluble
dans l'alcool, une nouvelle matière incristallisable, qui est un mélange de
deux produits dextrogyres doués des pouvoirs rotatoires [a] = 92°,5 et
[a] = 57°,2.
M. À. BECHAMP
Duven de la Faculté libre de Médecine de Lille.
SUR LES FERMENTATIONS.
— Séance du n7 août -1877. —
M. MÏÏLDEE
Professeur à L'Université d'Utrecht.
ACTION RÉCIPROQUE DE L'ANHYDRIDE HYPOCHLOREUX ET DE L'ETHYLENE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 27 août 1877. —
M. Mulder fait connaître les résultats de recherches sur l'action réciproque
de l'anhydride hypochloreux et de lYlhvlène. L'auteur a obtenu un liquide
qui était un mélange de plusieurs produits. Par distillation fractionnée, il en
a séparé une petite quantité, qui passait avant 100 degrés et qui n'était que
du chlorure d'éthylène, C2 IF Cl2, puis une très-grande quantité de produit
qui distillait entre 480 et 210 degrés, et dont la composition répondait à la
formule C4 A6 Cl2 O2.
En chauffant ce corps avec l'oxyde d'argent, il y a eu réduction et forma-
tion de cristaux de monochloro-acétate d'argent. Ce même sel d'argent a été
obtenu en saponifiant par l'eau le produit passant vers 200 degrés et traitant
ensuite le liquide saponifié par le carbonate d'argent.
A. HBNNINGER ET G. VOGT. — SUR UN ISOMÈRE DE LORCINE 373
Une autre portion de ce liquide saponifié, agité avec de l'éther, a fourni de
la monoehlorhydrine du glycol.
M. Mulder croit que le composé C4HG C1202 a la constitution suivante :
C H2 Cl C H2 Cl
C 0 - 0 - C B2
et donnerait lieu, avec l'eau, aux réactions :
C 0 — 0 — C H2 C 0.0 11 C H2C1
Cil2 Cl CH2Cr^IIi° = CH:!Cl +CH2OH
L'auteur suppose que les réactions qui ont lieu entre l'anhydride hypochlo-
reux et l'éthylène se produisent en deux phases, ainsi que les représentent les
équations suivantes :
CH2 CM2 n CH2-0 — CH2
4-1 4- U
C
CH2 — 0- Cil2
Cil2 Cl Cil2 Cl u CH2C1 CH2C1
Le composé qui se forme dans cette dernière phase de réactions et qui s'est
prêté aux. métamorphoses dont il a été question serait la monochloro-acétate
d'éthyle monochloré.
Quant au chlorure d'éthylène trouvé parmi les produits de la réaction, on
s'en rend facilement compte si l'on se rappelle que l'acide chlorhydrique
décompose l'anhydride hypochloreux en formant de l'eau et mettant du chlore
en liberté. Ce chlore libre s'unit directement à l'éthylène.
[a] | 4- I 4- rî > 0 = I I
CH2^CIl2^Cl CH2C1 CH2C1
— 0— Cil2 ci CO — 0— CH2
L J min ni> ri ' W rmn rn>n
MM. A. HEMIKER et G. VOGT
SUR UN ISOMERE DE L'ORCINE.
(extrait DU PROCKS-VEKBAL.)
— Séance du 37 août -1877. —
M. A. Henninger présente en son nom et au nom de M. G. Yogt, un tra
vail sur un isomère de l'orcine.
Après avoir rappelé la synthèse de l'orcine elle-même qu'ils ont réalisée il
y a plusieurs années, il entre dans quelques détails sur la constitution pro-
bable de cette substance, et fait voir que l'introduction d'un groupe oxhydrile
OH dans le paracrésol,
C«H«<™3
doit conduire, théoriquement, à un isomère de l'orcine. C'est ce que l'expe-
374 CHIMIE
rience est venue confirmer, démontrant une fois de plus la fécondité de la
belle théorie des composés aromatiques, dont M. Kékulé est l'auteur.
Le paracrésol, dissous dans le chloroforme, a été traité par une molécule de
brome. On a obtenu le dérivé monobromé.
C6H3Br < ™
cristallisable, fusible à 35 degrés et bouillant à 218-220 degrés.
Ce composé, fondu avec la potasse et chauffé à 200-210 degrés, se trans-
forme en un diphénol du toluène, par substitution de Br par (OH). Ce dernier
composé, cristallisable, fusible à 104-105 degrés, et dont les réactions sont dif-
férentes de celles de son isomère l'orcine, a été nommé, par les auteurs,
lulorcine.
La lutorcine semble aussi différer des isomères de l'orcine décrites par-
MM. Senhofer et Blomstrand.
M. E.-D. SILYA
Chef des travaux des analyses chimiques à l'École centrale des Arts et Manufacture».
SUR QUELQUES COMPOSÉS BENZYLIQUES ET ANISIQUES.
(EXTRAIT du procès-verbal.)
— Séance du 27 août 1877. —
M. R. D. Silva, en traitant l'éther C6H5.CH2.O.CH3 par le gaz iodhydrique
a obtenu l'iodure de benzyle CRH5.CH2I, lequel, sous l'influence de la potasse
caustique fondue, donne l'oxyde de benzyle CfiH5.CH2.O.C6H5.CH'2 passant
vers 305 degrés.
L'action de l'acide chlorhydrique sur l'alcool anisique
L H ^ CH2.0H
a donné, outre le chlorure correspondant, une substance très-épaisse, bouil-
lant à une haute température, que l'auteur croit être l'oxyde :
r6H4^0.CH3 CH30^f6H,_ 9 /r6H.^ OCH3 \ „,n
L H <CH2-0- CH2 >C H _ _ ^H4<CH10HJ -H20.
FRIEDEL ET CRAFTS. — SYNTHÈSE d'hYDROCARBVRES. n'ACÉTONE, ETC. 375
MM. Ch, FRIEDEL et J.-M. CRAETS
NOUVELLE MÉTHODE GÉNÉRALE DE SYNTHÈSE D'HYDROCARBURES,
D'ACÉTONES, ETC.
(EXTRAIT DU PROCÈS- VERBAL.)
— Séance du ?7 août 187". —
M. Silva, au nom de MM. Ch. Fiuedel et J.-M. Crafts, fait connaîlre une
nouvelle méthode générale de synthèse d'hydrocarbures, d'acétones, etc.
Vu l'importance de la méthode qui va nous occuper, il est bon de faire
connaître par quelle suite de circonstances elle a été découverte parles savants
chimistes qui en ont doté la science.
Voulant étudier l'action de l'aluminium sur certains chlorures de radicaux
alcooliques, MM. Friedel et Crafts ont constaté que, par leur contact, ces com-
posés organiques et l'aluminium, en feuilles ou en limaille, donnent lieu à
une réaction, lente tout d'abord, mais qui s'accélère et devient tumultueuse à
l'aide d'une faible chaleur. L'addition d'un peu d'iode accélère également la
réaction et la rend plus vive. Dans l'un et l'autre cas, elle est accompagnée
d'un fort dégagement d'acide chlorhydrique. Pour le chlorure d'amyle, par
exemple, outre l'acide chlorhydrique, il s'échappait des carbures d'hydrogène
et il se formait en même temps des hydrocarbures liquides bouillant à des
températures très-élevées. Parmi les produits de la réaction, on trouvait du
chlorure d'aluminium en quantité d'autant plus grande que l'action avait été
plus violente.
Ces premiers faits constatés, on n'a pas tardé à reconnaître, par des expé-
riences directes, que la réaction est due à la présence du chlorure d'alumi-
nium, et que les hydrocarbures qui se forment ne sont pas absorbables par le
brome.
Interprétant le mode de formation des hydrocarbures saturés, Cn H2n + 2,
MM. Friedel et Crafts ont pensé que les éléments de l'acide chlorhydrique
étaient fournis par des molécules différentes de chlorure d'amyle. Cette heu-
reuse interprétation faisait espérer que, dans les mêmes conditions d'expé-
rience, le chlorure du radical alcoolique et un hydrocarbure pouvaient, tous
les deux, concourir à la formation de l'acide chlorhydrique et à celle d'un
carbure d'hydrogène.
Ces prévisions ont été confirmées par l'expérience : du chlorure d'amyle et
de la benzine, en présence du chlorure d'aluminium, ont fourni l'amylbenzine,
les choses se passant, au fond, comme l'indique l'équation :
C5H" Cl + C6H6 = C6 H5.C3 H1» + H Cl.
Remplaçant le chlorure d'amyle par le chlorure de méthyle, on a obtenu
successivement :
376 CHIMIE
le toluène, C8H5CH3,
le xylène, C6H*(CH3)2,
le mésytilène, CGH3(CH3)J
le durol, C6H2(GII3)*,
déjà conn
Puis deux autres dérivés méthylés :
la pentaméthylbenzine, C6H(GH3)5,
rhexaméthylbenzioe, C,! (Cil3)6,
qui n'étaient pas connus.
Le chlorure de benzyle s'est comporté comme les précédents : on a obtenu
le diphénylmélhane :
r<> tr>
LH <C6H5
Les dérivés chlorés des radicaux alcooliques à plusieurs atomes de chlore
agissant de même, avec le chloroforme et le perchlorure de carbone on a
obtenu le triphényl et le tétraphénylméthane, CII(CCII5)3 et G (C6I15)4-
Les chlorures d'acides ont conduit à des résultats non moins intéressants :
les chlorures de benzoïle et d'acétyle, C6H5.GO.Gl et CH3CO.Cl, ont fourni
la benzophénons et la méthyl-phénylacétone : CG H> C 0 . C6 H5 et CH3CO.CGH5.
A ces acétones il faut ajouter une autre obtenue avec le chlorure de l'acide
phlalique,
C«H*<COC|,
la phtalophénone :
f6H4 . CO.CHP
C H < CO:C«H5.
La même réaction avec le chlorure phtalique a fourni un autre composé
identique avec l'anthracène :
C6H< ;^>C,!I1'<.
Enfin, avec le gaz phogène, on est arrivé également à produire la benzo-
phénone.
Ajoutons que les bromures el iodures de radicaux alcooliques se prêtepl
aussi à la synthèse des hydrocarbures.
Jo m'arrête ici après l'énumération rapide des principaux composés obtenus
à l'aide de cette admirable méthode, qui est sans contredit l'une des plus inté-
ressantes et des pms fécondes qui ait été découvertes en chimie organique.
Nous ajoutons en terminant que MM. Friedel et Crafts admettent la formation
d'un composé organo -métallique au\ dépens de l'hydrocarbure et du chlorure
d'aluminium Al2Cl5CnH2n — 7, composé suc lequel viendrait ensuite agir le
chlorure du radical alcoolique pour former l'hydrocarbure mixte et régénérer
le chlorure d'aluminium, qui commence une nouvelle phase de réactions.
^vec la benzine par exemple on aurait :
A12C1« + C6H« = A12C15. C6fl5+ HC1;
Al2 Cl5 C6H5+CnH2n+1Cl = Al2Cl6+C6H5.CnH2n+i
É. PERRET. — DOSAGE DU TANNIN DES ÉCORGES DE CHÊNE 377
M. Emile PEÏtïtET
Chimiste >'i ttoret-sur-Loing.
DOS-AGE DU TANNIN DES ÉCORCES DE CHÊNE AU POINT DE VUE INDUSTRIEL.
— Séance 'lu 29 août 1877. —
Important en France d'Italie 2,500 à 3,000 tonnes d'écorces de chênes
divers de ce pays, il m'a paru de la plus haute importance pour mes
commettants de leur mettre le plus souvent possible sous les yeux le
titre exact du tannin actif qu'elles contenaient. Le procédé par évapora-
tion de la dissolution décodée de l'écorce, procédé dont je me servais
de préférence aux autres, est long et minutieux. Celui de MM. Munz et
Kamspacher ne réussit pas toujours et souvent aussi est fort long.
J'ai eu l'idée de l'aire servir leur tannomètre à un procédé mixte qui
me réussit bien et peut très-facilement être suivi dans la pratique in-
dustrielle.
Il est basé sur l'emploi du tannomètre Mûnz comme densimètre, la
décoction de l'écorce et la précipitation du tannin parle blanc d'œuf et
le sulfate d'alumine.
Voici comment j'opère :
10 grammes d'écorce à titrer sont épuisés par 100 d'eau bouillante
et successivement, en sorte que les dernières parties de la décoction
coulent incolores.
On filtre la dissolution froide, et on en prend le litre sur le tannomètre
Munz qui est marqué.
Alors, pour les écorces du centre de la France, on mélange vivement
celte disssolution avec 6 grammes d'albumine.
Pour celles d'Italie 8 —
Pour les lièges 10 — —
Le tannin forme une crème avec l'albumine, on porte à l'ébullition
et on ajoute : pour les premières Gouttes iii
pour les deuxièmes. — iv
pour les troisièmes — Vl
d'une solution à volume égal de sulfate d'alumine.
Immédiatement ce précipité se laque, la solution devient claire et est
dépouillée entièrement de son tannin actif. On filtre et on repèse à
froid; la différence entre le titre primitif et celui-ci donne le titre
du tannin plus 3, 4, G degrés représentés par l'albumine ajoutée.
378
CHIMIE
Exemple :
Une solution à 18° pèse au tannomètre 13°
Après la précipilation et addition de 3 gouttes de
sulfate d'alumine, nous avons 6°
Auxquels il faut ajouter 3°
pris sur le sulfate d'alumine
10° = 10 0/0
ce qui concorde parfaitement avec ics résultats du procédé par évapo-
ration. Il faut donc avoir soin de faire toujours sa solution de sulfate
d'alumine exactement poids pour poids
50 grammes sel d'alumine
50 grammes eau distillée
J'ai fait l'expérience comparative des trois procédés Mûnz, Evaporation
et Perret. Les moyennes des résultats ont été presque identiques, sauf
des différences absolument inappréciables dans l'industrie.
Voici ce que ces écorces diverses soumises, contiennent en tannin
actif :
France : Bourgogne, Nièvre, etc.,
1877 Jeunes arbres, écorce choisie
Italie. Chêne blanc. Jeunes arbres, tout venant .
— — — Haute futaie —
— — vert Fin taillis
— — — Haute futaie
— — liège Toscan
9.25 0/0
16.80 0/0
10.50 0/0
21.05 0/0
15.50 0/0
21 à 23 0/0
M. Emile PERRET
Chimiste à Moret-sur-Loinp.
ACTION DÉSINFECTANTE ANTIFERMENTESCIBLE DU CHLORURE DE ZINC BASIQUE
EN SOLUTION CONCENTRÉE.
— Séance 'lu S 9 août 1877. —
J'attire l'attention des chimistes, qui peuvent être à chaque instant
appelés à donner leur avis dans la question d'assainissement de grands
espaces habités ou non, ou môme dans des cas spéciaux de moindre im-
portance, j'appelle, dis-je, leur attention sur l'emploi du chlorure de
zinc en solution concentrée, qui agit avec une énergie toute spéciale,
et dont l'action durable est remarquable.
É . PERRET .
ACTION DÉSINFECTANTE DU CHLORURE DE ZINC 370
J'insiste sur ce point, parce que la vogue qui nous entraîne vers
l'emploi des produits bas du goudron de houille, qui sont loin de pré-
senter une sécurité d'action comparable à celle du chlorure de zinc,
prend de plus en plus possession de l'esprit public au détriment de ce
produit qui lui est infiniment supérieur.
Calvert, en 4873, dans ses recherches sur les antiseptiques et anti-
putrides, mettait l'acide crésylique en tête de sa nomenclature et le
chlorure de zinc dans la 2e classe. La première n'était composée que
par l'acide crésylique seul. C'est cet isolement qui m'a suggéré l'idée de
contrôler la réalité des propriétés rie cet acide, et m'a permis de recon-
naître d'une manière indubitable la supériorité du chlorure de zinc.
Voici le résumé comparatif de mes expériences, très-faciles à vérifier.
Le liqu'de qui a servi — le même pour tous les réactifs, consistait en un lavage
de caillettes de veau en putréfaction, la liqueur est passée à travers un linge,
et chaque éprouvette en reçoit une charge de 150 grammes. — Les vases sont
déposés sur le même rang et dans la même salle.
Voici ce que j'ai constaté :
I. Le chlorure de zinc. Tout mouvement vibrionique cesse, la solution est
1 gramme. absolument désinfectée et se conserve sans chan-
gement pendant tout le mois de l'expérience.
II. L'acide crésylique et L'odeur change de nature, (le mouvement vibrio-
la créosote. nique cesse, l'odeur se transforme, s'affaiblit, en-
fin le 19e jour la putréfaction recommence.
III. L'acide phénique et Même réaction que la précédente, le liquide recom-
les Phénates. mence son travail vers le 11e jour pour l'acide
et le 8e et le 9e pour les sels, phénates de soude,
etc.
La réaction est plus lente, l'odeur disparaît peu
à peu et incomplètement, au bout du 18e jour
des végétations mucédiniformes paraissent dans
la liqueur.
L'action n'est pas très-marquée, petit à petit sur-
tout pour l'agitation, les vibrions sont anéantis,
la liqueur perd son odeur mais pas complète-
ment, moins qu'avec les réactifs précédents, vers
le 9e jour un travail reparaît, vers le 25e il est
pleinement reconstruit.
VL Salycilate de soude. L'action est plus immédiate, plus stable, la désin-
fection plus prononcée, vers le 30e jour des vé-
gétations inférieures se laissent apercevoir, et la
liqueur infecte.
IV. Sulfate de quinine.
V. L'acide salycilique,
Salycilates. 1 gramme.
380
CHIMIK
Enfin comme force désinfectante et antiseptique, j'ai pu établir le
tableau suivant :
Pour une partie de chlorure de zinc il faut : Pour Zn Cl2, 3p :
Comme désinfectant. Comme antiseptique.
Acide phonique 10 p 4 p.
Phénates 9 » 6 »
Crésylique. ......... 8 » 3 moins durable
Sulfate de quinine 17 » 9 »
— d'alumine 6 » 10 »
Hypochlorite de chaux .... 11 ^ II peu durable.
Acide salycilique 1 1 » 4 »
Salycilates alcalins 10 » 5 »
Acide sulfophéuique 13 » 8 »
Sulfate de fer 8 » 5 »
Chlorure de zinc. 3 »
Toutes mes expériences ont été faites :
Initialement avec du ZnCl2 pur, rendu basique en le laissant en
contact avec des lames de zinc en solution, à 1,C50 densité et sous une
légère pression.
Ensuite, une usine de Paris, par son directeur M. Pottier, l'usine
Saint-Luc, en a mis à ma disposition telle quantité que je désirais pour
faire mes essais en grand.
La solution industrielle, moins pure naturellement que celle du labo-
ratoire, pesait
Du 1,600 — = 55' 0/0 de sel sec et fondu.
Rougissant à peine le tournesol elle ne rouille pas le fer, ceci est très-
important et pour le but que je me propose, et pour la facilité de
de l'emploi; ce qui a fait négliger un peu la vieille solution qu'a faite
Burnett Chevalier, c'est justement l'acidité de sa liqueur.
Celle mise à ma disposition par l'usine Pottier, remplit exactement
le but, et j'engage les chimistes qui voudraient répéter mes expériences
à ne se servir que de celle-là.
J'ai tenté de l'appliquer à 5U Be au pansement des plaies : jusqu'à
présent j'ai des résultats satisfaisants, mais pas assez patents pour me
prononcer .
Pendant une épidémie de petite vérole, en arrosage des rues, lavages
des linges, planchers et ustensiles de ménage, comme pour la toilette
même, je crois avoir obtenu de sérieux résultats que j'ai, du reste, constatés.
Il est donc utile de relater ces faits, et de ne pas laisser aller à l'ou-
bli le chlorure de zinc, que l'on peut se procurer à bon prix, en tout
temps et partout.
F. MAXWELL LYTE. — PROCÉDÉ DE CHLORURATION HUMIDE 381
M. l'abbé GEOIX-MAETIN
Professeur à l'École Albert-le-Grand à Arcueil.
PRODUIT D'ACTION DU PERCHLORURE DE PHOSPHORE SUR L'ÉTAIN.
(EXTRAIT.)
— Séance du 29 août IS77. —
M. l'abbé A. Geneix-Martin a fait agir directement, en tubes scellés, le
perchlorure de phosphore sur l'élain ; il a obtenu et isolé de la sorte une subs-
tance cristallisée, blanche, volatile à 200J, de formule PCI5, SnCl*. L'auteur
exprime la réaction par la formule :
Sn+ 3PC15 =PC15, SnCl* + 2PC13.
Casselmann avait obtenu un corps identique par d'autres procédés, et il
l'a décrit dans les Annales de Licbig. M. l'abbé A. Geneix-Martin a constaté
que ce corps agit vivement sur les alcools monoatomiques, avec dégagement
d'acide chlorhydrique , en donnant des éthers dont la grande instabilité rend
l'analyse difficile.
M. GUOIÏG
Professeur à l'Université d'Amsterdam.
PRÉSENTATION DE PRODUITS DIVERS
SE RATTACHANT A L'ÉTUDE SUR LA FORMATION DE LA MÉLASSE.
Séance du 29 août 1877. —
M. MAXWELL LYTE
Ingénieur-Chimiste.
PROCÉDÉ DE CHLORURATION HUMIDE.
(extrait du procès-verbal.)
Séance du 29 août 4877. —
M. F. Maxwell-Lyte, ingénieur chimiste, lit un mémoire sur la séparation
d'un mélange de plomb, zinc ou argent, ou plutôt sur un procédé industriel,
dit de chloruration humide, de traitement des minerais qui contiennent ces trois
métaux.
382 CHIMIE
C'est un fait connu que le traitement métallurgique des minéraux contenant
le plomb, le zinc et l'argent a été entouré, jusqu'à présent, de difficultés assez
grandes pour que de tels produits aient été considérés non-seulement comme
des non-valeurs, mais encore comme un empêchement à l'exploitation des
mines, d'ailleurs nombreuses, qui en sont très-riches. Nous croyons que le pro-
cède de M. Lyte est appelé à remplir les conditions souhaitées depuis
si longtemps par l'industrie minière. L'étendue de ce compte rendu ne per-
mettant pas de décrire ses détails, nous tâcherons d'en suivre seulement les
phénomènes chimiques pendant le cours des préparations qu'elle comporte.
Le minerai finement broyé et calciné est traité par l'acide chlorhydrique
dilué. Ce traitement se fait dans des bacs en bois résineux, où l'on favorise
l'attaque par l'acide, en y ajoutant des barboteurs,qui doivent être alimentés
par de la vapeur.
Par ce traitement, on transforme le zinc, le plomb et l'argent à l'état de
chlorures : le chlorure d'argent et une partie du chlorure de plomb restent
mélangés avec la gangue. La solution chlorhydrique de ce premier bac est
transvasée, encore chaude, dans un second bac où elle se refroidit et laisse
déposer la presque totalité du chlorure de plomb tenu en dissolution. Le
liquide clair qui se sépare et qui contient encore, outre du chlorure de zinc,
un très-grand excès d'acide chlorhydrique, est ramené dans le premier bac par
un siphonage et chauffé de nouveau. Par là, on dissout une nouvelle quantité
de chlorure de plomb et du chlorure d'argent. On transvase alors cette solution
dans le bac où elle doit se refroidir. L'expérience démontre que la gangue est
épuisée après trois décantations successives. Mais alors il convient de la laver
à l'eau bouillante : les eaux de lavage sont ajoutées à la solution acide du second
bac. Dans ce dernier, qui contient la totalité des chlorures formés, on ajoute
du zinc en barreaux, en plaques ou en menus morceaux, et cela en propor-
tion de la quantité de plomb que le minerai contient.
La réaction qui a lieu dans cette partie du travail produit la réduction des
chlorures de plomb et d'argent, et la dissolution du zinc sous forme de chlorure.
Le plomb et l'argent se déposent à l'état d'épongé métallique. Il est bon de
rappeler que tout l'argent du minerai se trouve dans le mélange soumis à
l'action réductrice du zinc, grâce à la solubilité du chlorure d'argent dans une
solution concentrée du chlorure de plomb. L'éponge métallique est lavée,
comprimée en briquettes et ces briquettes sont fondues avec 2 ou 3 0/0 de
soude caustique et un peu de charbon. On obtient alors un plomb argenti-
fère, que l'on soumet à la coupellation.
11 reste maintenant à précipiter le zinc du minerai, lequel se trouve à
l'état de chlorure, comme celui employé à la réduction. On ajoute à cette solu-
tion de chlorure de zinc du lait de chaux jusqu'à presque complète précipi-
tation du zinc à l'état d'oxyde.
L'oxyde de zinc lavé et desséché» est ramené lui aussi sous forme de bri-
quettes, que l'on vend aux fabriques de zinc. Ces briquettes renferment géné-
ralement de oo à 70 0/0 de zinc métallique.
L'exposé très-sommaire que nous donnons du procédé de M. Lyte, montre
combien il est rationnel et d'une exécution relativement facile. Il nous reste à
FRIEDEL ET SARRAZIN. — PRODUCTION DE QUELQUES ARSÉNIATES 383
ajouter que, d'après son auteur, il permet d'exploiter avec de grands bénéfices
des minerais non utilisés jusqu'à présent. Ainsi la tonne de minerai traitée par
le nouveau procédé revient à 208 fr. 97 et produit 236 fr. 27, soit un béné-
fice de 47 fr. 30. Une usine qui en traiterait 20 tonnes par jour peut compter
sur un bénéfice de 283,000 francs par année de 300 jours.
MM. Ch. EKIEDEL et J.-M. CRAFTS
SYNTHÈSE DE LA BENZO-PHÉNONE.
[EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 29 août -Z877. —
M. Silva décrit, au nom de MM. FuiEDELet Crafts, les expériences exécutées
par ces chimistes dans le but de réaliser la synthèse de la benzo-phénone, en
partant de l'oxychlorure de carbone et de la benzine, conformément à la
réaction :
CO <^" £{ + 2C6H6 = CO <^ §{{5 + 2HC1
MM. Ch. EBIEDEL et E. SAEEASIN
PRODUCTION DE QUELQUES ARSENIATES.
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séanee du 29 août /S77. —
MM. Friedel et E. Sarasin font connaître la production de quelqnes
arséniates de cuivre et d'arséniates doubles de cuivre et de soude :
1° L'olivenite, As04Cu(CuOH), qui se produit lorsque l'arséniate tribasique
de cuivre est chauffé en tubes scellés, en présence d'un grand excès d'eau;
2°. L'arséniate basique de cuivre (As04)2Cu3, en cristaux anhydres, clino-
rhombiques, d'un vert bleuâtre, qui se forme quand on chauffe des quantités
convenables d'acide arsénique et d'oxyde ou de carbonate de cuivre en présence
de l'eau;
3° L'arséniate double de cuivre et de soude (As04)3Cu4 Na, qui se forme quand
on chauffe en tubes scellés entre 150 et 200 degrés le précipité que l'on obtient
en décomposant une solution de sulfate de cuivre par de l'arséniate de soude.
384 CHIMIE
MM. Friedel et Sarazin attribuent à ce sel double la constitution :
As 0S = Cu
>Cu
AsO* -Na
>Cu
AsO4 =Cu.
4° Enfin un arséniate double, As04CuNa, d'un vert très-clair, cristallisable
en aiguilles anbydres et longues. Cet arséniate s'est formé en précipitant du
sulfate de cuivre et de l'arséniatc de soude, en proportions différentes de celles
employées pour le composé précédent.
M. le D' J.-L. de YRY
Ancien Cbargé de recherches chimiques aux Indes néerlandaises.
PRINCIPE AMER DU CITRUS DECUMANA.
(EXTRAIT Dl' PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. le docteur J. deYry signale la présence d'une substance amère cristal-
lisable, retirée des pétales du citrus decumana, arbre qui croit dans l'Inde, l'Indo-
Chine et dans les îles de la Sonde.
D'après un examen trés-som maire de quelques-une des propriétés de cette
substance amère, elle ne serait pas identique, comme on l'avait supposé en
1864, avec Yhespéridine de M. Lebreton.
M. À. BECHAMP
Doven de la Faculté libre de Médecine de Lille.
DÉRIVÉS TRINITRÉS DE L'INULINE.
(EXTRAIT du procès-verbal.)
— Ncance du S9 août 1877. —
M. A. Béchamî» décrit un dérivé lrinitré de l'inuline. Ce corps, d'abord en
consistance pâteuse, devient dur quand on le dessècne sur l'acide sulfurique.
M. Béchamp lui assigne la formule C12H707,3AzOr' (équivalents).
En solution élbéro-alcooliquc, l'inuline triuitrée est dextrogyre et a uu pouvoir
DE CLERMONT ET GUIOT. SUR LES COMPOSÉS DU MANGANÈSE 385
rolatoire [a] = 13°,6^*. Soumis à l'action de l'eau de baryte, ce corps se
décompose : il se forme du nitrate de baryum, sans que l'inuline se régénère.
Le produit organique obtenu dans ce dédoublement n'a pas été étudié ; on a
constaté seulement qu'il est lévogyre.
MM de CLEMONT et GrïïIOT
SUR LES COMPOSÉS DU MANGANÈSE.
SUR LA DISSOCIATION DES SELS AMMONIACAUX [H]
(EXTRAIT DU PROCÈS-YERBAL.)
— Séance du 29 août 1877. —
Transformation du sulfure de manganèse rose en sulfure vert. — Le sulfure
de maganèse rose se transforme en sulfure vert :
1° Quand on le chauffe, en vase clos, à la température de 303 degrés, en
présence d'un peu d'eau, ou à la température de 220 degrés en présence d'un
peu d'ammoniaque ou d'hydrogène sulfuré;
2° Quand on le chauffe à une certaine température avec un mélange de
faibles quantités de suif hydrate d'ammoniaque et de sulfure de potassium
ou de sodium ; ou bien quand on le soumet à l'action d'un courant d'acide
carbonique ou d'ammoniaque.
D'après MM. de Clermont et Guiot, le corps, vert, obtenu dans une de ces
réactions, n'est pas l'oxysulfure comme le suppose M. Miick, mais bien du
sulfure de manganèse, dans un état d'hydratation différent de celui du sulfure
rose. Ainsi, tandis que le sulfure rose desséché à 105 degrés, contient 9 pour 100
d'eau, le sulfure vert desséché dans les mêmes conditions est anhydre ; tandis
que desséché dans le vide et à la température ordinaire, le sulfure rose re-
tient 16,84 pour 100 d'eau, le sulfure vert, dans les mêmes conditions, n'en
conserve que 10,39 pour 100.
Les deux sulfures se comportent encore différemment à l'égard du sel am-
moniac : 1000cc d'une solution de chlorhydrate d'ammoniaque saturée à
15 degrés, dissolvent 0e,4260 de sulfure rose et 0^0884 de sulfure vert.
Oxydation de certains sulfures métalliques. — Quand on pulvérise avec les
doigts du. sulfure de manganèse rose, qui a été comprimé et un peu desséché
entre des doubles de papier «buvard, il se produit une oxydation rapide et tel-
lement violente, que la température s'élève de 15 à 60 degrés, en même temps
qu'il se dégage de la vapeur d'eau. Les sulfures de fer et de nickel se com-
(1) Voir Comptes rendus de l'Académie des Sciences, T. LXXXV, p. 37, 73, 404.
38G CHIMIE
portent de même ; tandis qu'il n'en est rien avec les sulfures de cobalt, de
cuivre et de zinc.
La grande oxydabilité du sulfure de manganèse se manifeste d'une manière
plus intéressante. Ayant desséché le sulfure de manganèse rose dans le vide et
sur l'acide sulfurique, MM. de C 1er mont et Guiot ont constaté que le sulfure
s'échauffe au contact de l'air, devient incandescent et brûle même le papier.
Ce pbénomène, que l'un peul comparer avec L'effet du pyrophore de Gay-Lus-
sac, ne se produit pas avec les sulfures de fer et de nickel.
L'oxydabilité du sulfure de manganèse rose est entièrement détruite, si on
le fait bouillir longtemps avec un peu de chlorhydrate d'ammoniaque dans le
liquide même au sein duquel il s'est produit. Le sulfure vert, traité de la
même façon, conserve encore un peu île cette curieuse propriété : seule la
surf; ce exposée à l'air est légèrement oxydi
Dissociation des sels ammoniacaux en présence de certains sulfures métal-
liques. — Une solution de chlorhydrate dissout, à la température ordinaire, le
sulfure de manganèse précipité, sans qu'il semblese manifester aucun autre
pbénomène; mais, si l'on chauffe à l'ébullition le mélange île ces corps, il
y a dissociation du sulfure; il se produit du chlorure de manganèse et du
sulfhydrate d'ammoniaque. La dissociation, qui tend vers une limite dans les
conditions ordinaires, continue avec Tébullition, si on a le soin de remplacer
l'eau, au fur et à mesure qu'elle s'évapore. De cette façon, on parvient à dis-
socier une quantité considérable de eblorhydrate d'ammoniaque.
Les auteurs ont constaté que les autres sels ammoniacaux, aussi bien à
acides inorganiques qu'à acides organiques, se comportent d'une manière
semblable avec les sulfures de manganèse et de fer, mais il n'en est rien avec
le sulfure d'argent.
Double décomposition des sulfures métalliques par l'eau. — En chauffant, dans
un appareil distillatoire, à 100 degrés, du sulfure de manganèse rose, en
suspension dans l'eau, il s'échappe une solution d'hydrogène sulfuré.
Ou arrive à constater dans cette solution une quantité d'acide sulfbydrique,
représentant la 40e partie du soufre contenu dans le sulfure employé. Les
sulfures de fer, d'argent et les deux sulfures d'antimoine subissent une dé-
composition semblable, quoique moins fortement. Seul, le sulfure de plomb
ne semble pas être attaqué.
La plupart de ces sulfures sont également décomposés sous l'influence d'un
courant d'acide carbonique.
11 est à peine nécessaire de faire remarquer la grande importance des faits
que nous venons d'énumérer, et au point de vue de la dissociation, et plus
particulièrement encore, au point de vue de leurs applications dans les ques-
tions relatives à l'analyse chimique.
DE CLERMONT. — PRÉPARATION DES SL'LFO-URÉES COMPOSÉES 387
M. de CLEMONT
Sous-Directeur du laboratoire de chimie à la Sorbonne.
NOUVELLE MÉTHODE DE PRÉPARATION DES SULFO-URÉES COMPOSÉES-
! \1 H Ul M l'Un ÈS-VERBAL.)
— Séance du -'!) août 1877. —
M. de Clermont adresse un mémoire sur une nouvelle méthode de prépara-
tion des sulfo-urées composées de la série aromatique et de la sulfo-urée.
En chauffant à 100 degrés un mélange de solutions aqueuses de chlorhydrate
de phénylamine et de sulfocyanure d'ammonium ou de potassium, il se pro-
duit à la fois la double décomposition et la transformation du sulfocyanate de
phénylammonium en sulfophényiurée. Ces réactions seront mieux comprises
en examinant les termes des deux équations suivantes :
(1) Az H2 C6 II' II Cl + C Az- S- Az II'
= C Az -S- AzH3C6H3 + AzHMICl
(2) Az H2 C6 H5 H Cl + C Az - S Az H*
Az. H. II ^
Ainsi qu'il est énoncé plus haut, le phénomène que l'on saisit est celui
représenté parla seconde équation. Cette sulfo-urée composée, qui est cristalli-
sable et qui fond à iS-4 degrés, chauffée à 139-140 degrés, en vase clos, avec
de l'ammoniaque, se transforme en sulfo-urée et en phénylamine :
CS<AzUHHG+AzH3 = CS<AzS+AzH2C6H7
Par cette même méthode, MM. de Clermont et Wehrlin ont préparé deux
sulfo-urées composées — la crésylsulfo-urée et la naphtylsulfo-urée :
r C/AzH. C7H7 , „c AzH. C10H7
LÏ5^AzH. H etLb<AzH. H.
Dans le courant de son travail, M. de Clermont a constaté que les chlorhy-
drates d'éthylamine et d'amylamine ne se prêtent pas à la transformation iso-
mérique, que l'on vient de signaler pour les composés de la série aroma-
tique : l'action se limite à la double décomposition que représentent les termes
de la première équation.
388 CHIMIE
M. SÉEÏÏLLAS
SUR UN GLUCOSIDE NOUVEAU CONTENU DANS L'AVOINE.
— Séance du 39 août 1877. —
Vers le commencement du siècle, Bomare, Parmentier, Deslauriers et
Vogel, à propos de leurs recherches sur les céréales, avaient successive-
ment signalé, dans la décoction des graines d'avoine, la présence d'un
arôme analogue à celui de la vanille. Toutefois ces chimistes s'étaient
bornés à le constater.
Ce fut seulement quelques années après, que M. Journet essaya d'isoler
le corps odorant des extraits d'avoine, mais sans pouvoir y réussir,
ainsi qu'il l'a reconnu dans son unique note sur ce sujet (Bulletin de
Pharmacie, tome VI, p. 337). C'est donc par erreur, que le traité de
Pharmacie de Soubeiran lui en attribue la découverte.
Plus tard, M. Sacc, se basant exclusivement sur ce que l'odeur déga-
gée par les extraits d'avoine offrait un rapprochement avec celle des
gousses de vanille, en a conclu que le parfum de l'avoine se retrouvait
à l'état d'acide hippurique dans l'urine des chevaux ; opinion inadmis-
sible, puisque l'urine des vaches fournit une proportion beaucoup plus
considérable de cet acide.
Il est à remarquer, d'ailleurs, que les observations, les essais et l'opi-
nion, que je viens de relater, remontent à une époque où l'on confon-
dait encore avec l'acide benzoïque non-seulement l'arôme de la vanille,
mais les parfums de tous les végétaux exhalant une senteur balsamique,
plus ou moins voisine de celle du benjoin.
Quant aux analyses de l'avoine, effectuées depuis, notamment par
M. Pelouze, elles n'ont décelé la présence d'aucun principe aromatique.
Il ne préexiste pas, en effet, de principe odorant dans l'avoine, mais
celle-ci renferme un principe immédiat neutre, qui jusqu'à présent avait
échappé à. l'analyse et qui sous l'influence des acides dilués ou des fer-
ments solublcs, se dédouble en glucose et en un produit d'odeur
vanillique.
On peut obtenir ce glucoside, en traitant par l'eau bouillante, dans
un appareil à déplacement continu, le péricarpe de l'avoine séparé
complètement des gruaux mondés et de l'enveloppe, grâce à des moyens
mécaniques récemment découverts. On précipite la solution aqueuse par
l'acétate neutre de plomb et on reprend la liqueur filtrée par l'acétate
SÉRULLAS. — SUR UN GLUCOSIDE NOUVEAU CONTENU DANS L'AVOINE 389
triplombique. Le précipité qui se forme est recueilli, lavé, puis, maintenu
eu suspension dans l'eau chaude, il est décomposé par un courant
très-lent d'hydrogène sulfuré. Le liquide, séparé par la tlltration et
évaporé au l/10c, laisse déposer après refroidissement une masse cris-
talline, susceptible d'être purifiée par de nouvelles cristallisations dans
l'eau.
Purs, les cristaux ainsi obtenus se présentent en aigrettes d'une blan-
cheur parfaite, ils sont inodores, insolubles dans l'alcool absolu et dans
l'éther, peu solubles dans l'eau froide et très-solubles dans l'eau bouil-
lante, ainsi que dans l'alcool faible. Ils fondent vers 220°, au-delà de
celte température, ils se caramélisent sans donner de sublimé cristallin.
Ils ne sauraient être confondus avec les cristaux, de coniférine, car en
dehors de leur point de fusion, qui est de beaucoup inférieur, ils ne
donnent pas avec l'acide sulfurique concentré cette coloration en violet
foncé, caractéristique du glucoside des conifères.
J'ai trouvé pour leur formule condensée, G14 H20 O8, en notation ato-
mique. Le corps que j'ai isolé de l'avoine est donc un glucoside nouveau
pour lequel je propose le nom à'avénéine (1).
Ayant entrepris l'étude complète de ce corps et de ses dérivés, que je
me propose de poursuivre au laboratoire de l'École pratique des hautes
études, à la Sorbonne, il me semble préférable d'attendre d'avoir ter-
miné cette étude et repris, dans une nouvelle série d'expériences, tous
mes résultats analytiques, avant de publier les formules de constitution
des dérivés que j'ai déjà obtenus.
Je me bornerai aux indications précédentes; j'y ajouterai seulement
que, par une oxydation ménagée le produit de dédoublement du gluco-
side de l'avoine, donne naissance à un nouveau corps, susceptible d'être
enlevé par agitation à diverses reprises avec l'éther et possédant, outre
la forme cristalline, exactement l'odeur et le point de fusion 80° — 81°
de l'aldéhyde méthylprotocatéchique ou aldéhyde vanillique, principe
aromatique des gousses de vanille.
En terminant, je signalerai les deux faits suivants :
1° Si l'acide hippurique de l'urine des chevaux ne provient pas de
transformations successives subies par l'avénéine, j'ai du moins rencontré
probablement ce glucoside sous forme de l'un de ses dérivés vanilliques
dans le lait des juments. Ayant agité de ce lait fraîchement tiré, avec
quatre fois son volume de sulfure de carbone pur, j'ai obtenu par éva-
poration,dans le vide, de ce dissolvant un résidu onctueux, fort minime,
possédant l'odeur suave de la vanille. Le résultat, il est vrai, n'a pas été
constant, car il m'est arrivé de n'aboutir qu'à un résidu graisseux
(1) Le rendement du péricarpe en avénéine est de 1.5 0/0 pour les avoines noires.
390 CHIMIE
d'exhalaison rance, mais cette divergence doit tenir aux qualités plus
ou moins bonnes des avoines données comme nourriture.
2° 31. Tiemann a affirmé qu'il n'existait dans les gousses de vanille,
eu égard à leur parfum que de la vanilline et un peu d'acide vanillique.
L'aldéhyde vanillique se trouve pourtant — d'après les propres analyses
de M. Tiemann — dans ces gousses eu proportion inverse de leur valeur
commerciale. D'autre part celles-ci sont inodores quand elles viennent
d'être cueillies. Il y a là, l'objet de recherches que je compte également
pouvoir effectuer.
M. LORIN
Chef des manipulations de physique à l'École centrale des Arts et Manufactures.
L'ACIDE OXALIQUE DÉSHYDRATÉ PEUT SERVIR A CARACTÉRISER LES ALCOOLS
POLYATOMIQUES. - FONCTION CHIMIQUE DE L'INOSITE.
— Séance 'lu 29 août /.S'77. —
1° Dans des communications aux Congrès de Nantes et de Clermont sont
indiqués : les résultats de l'action d'un certain nombre d'alcools polyatomiques
proprement dits et de l'acide oxalique déshydraté, la préparation de l'acide
formique presque à son maximum de concentration qui a été la conséquence
de celte étude, et enfin les limites de cette action qui ont fait connaître des
sources nouvelles d'oxyde de carbone. Ces résultats ont été généralisés par
leur extension à d'autres alcools.
2° Les phénomènes que la dulcite présente avec l'acide oxalique ordinaire
sont identiques à ceux qu'ont présentés les autres alcools polyatomiques étu-
diés, mais une différence se manifeste avec l'acide déshydraté, qu'il s'agisse
de la dulcite ou de sa formine brute: l'oxyde de carbone ai paraît immédiate-
ment, sa production étant plus restreinte avec la formine, cas qui corres-
pond à une préparation normale d'acide formique concentré. Après une ving-
taine d'additions de l'acide oxalique déshydraté, la proportion d'oxyde de
carbone augmente, et si on soumet le résidu à une chaleur modérée et
continue, on a une source constante d'oxyde de carbone d'une pureté presque
absolue.
3° La quercite fournit <ïf> conclusions analogues , quoique moins faciles à
vérifier, notamment avec l'acide déshydraté. A une température plus élevée
correspond nécessairement une richesse moindre pour l'acide formique con-
centré, et partant, une proportion plus grande d'oxyde de carbone, variant de
\. GAUTIER. — SUR LES CATÉCHINES 301
10 à 20 0/0 du volume gazeux total. Ces faits, et d'autres qui sont dus à
M. Prunier, tendent à fixer la place de la quercile à la limite des alcools polya-
to iniques.
4° Les sucres sont altérés par l'acide oxalique déshydraté sans production
des acides carbonique et. formique.
5° D'après son action sur les acides oxaliques , la l'onction chimique de
Yinosite, corps très-important en physiologie, végétale ou animale, est celle
d'un alcool polyatomique proprement dit. L'acide ordinaire agit , mais à
lit:» degrés, comme avec la glycérine, le glycol, etc., les acides formiques
titrant 9, 13, 16, 2<i, 40, 50 et 5:!. L'acide déshydraté a fourni encore de
l'acide formique concentré, de l'acide carbonique et une proportion d'oxyde de
carbone encore plus accentuée qu'avec la quercite. L'inosite avait résisté à la
décomposilinii après plusieurs mois qu'ont duré ces expériences.
6° La proposition suivante résume cette note : Tous les alcools polyatomiques
proprement dits décomposent l'acide oxalique déshydraté, avec production simulta-
née des acides formique et carbonique, et de gaz oxyde de carbone; l'inosite est
un de ces alcools.
M. A. GAUTIER
Professeur abrégé de In Faculté de Médecine do Paris.
SUR LES CATÉCHINES (1).
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 29 août iSTi. —
Il résulte des expériences de M. Gautiek, que la composition des catéchines,
déduite de nombreuses analyses, est représentée par la formule C"2i H18 O8 ; mais
cette formule renferme deux atomes de carbone de plus que la somme des
atomes de cet élément contenus dans les produits de dédoublement des caté-
chines, sous l'influence de la potasse caustique. Examinant très-attentivement
ces produits de dédoublement, M. Gautier y a découvert outre l'acide proto-
catéchique et la fluoglucine signalés par Hlasiwetz, une certaine quantité d'a-
cide formique, que l'on peut considérer comme provenant du dédoublement de
l'acide oxalique, dont la molécule renferme 2 atomes de carbone.
L'auteur retrouve ainsi, dans tous ces produits, le nombre d'atomes de car-
bone que ces analyses élémentaires avaient révélé dans la molécule des»
catéchines.
Guidé par des considérations de haute théorie chimique, M. Gautier aborde
(I) Voir Compta rendus del'Acad. des Se, t. LXXXV, p. 342, 732.
392 CHIMIE
la question de la constitution des catéchines. Il suppose que cette constitution
peut être représentée par la formule graphique suivante :
■^ 011
C°IP- o 11
^ CO-CH.OH
G0H3OH. OH-CII— OH. 0H.C«H3
Par la nature même de ce compte rendu, nous sommes forcé de renvoyer le
lecteur au mémoire original.
M. PETIT
Pharmacien à Paris.
PREPARATION DE LA PILOCARPINE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Petit, pharmacien, fait connaître un procédé de préparation de la pilo-
carpine. Les feuilles de jaborandi, réduites en poudre grossière, sont épuisées
par de l'alcool à 85 degrés. Cet alcool est soumis à la distillation pour séparer
l'alcool, et le résidu aqueux évaporé jusqu'à consistance d'extrait. Cet extrait
est dilué dans de l'eau distillée, pour séparer une matière résineuse d'avec une
solution aqueuse qui doit être filtrée. A cette solution filtrée, on ajoute un
excès d'ammoniaque, puis on agite le tout avec du chloroforme, qui dissout la
pilocarpine. On distille le chloroforme, pour le faire servir à un nouvel épui-
sement. Trois traitements par le chloroforme sont nécessaires.
Les résidus de la distillation du chloroforme, constitués de pilocarpine impure
sont saturés exactement par de l'acide nitrique dilué. Le produit obtenu, après
avoir été additionné d'un peu d'eau, est filtré à sec, au bain-marie. Parla, on
obtient une masse cristalline de pilocarpine encore impure, que l'on purifie en
la dissolvant dans de l'alcool à 9o degrés, bouillant, et filtrant la solution
alcoolique à travers un peu de charbon animal. Par le refroidissement, on a
des cristaux de nitrate de pilocarpine pure.
D'après M. Petit, le rendement que l'on obtient est de 5 grammes par kilo-
gramme de jaborandi.
Le nitrate de pilocarpine a un pouvoir rotatoire de + 76°, pour la raie D.
Il se prête facilement à la préparation delà pilocarpine.
Cette base s'unit aux acides chlorhydrique et bromhydrique, en donnant des
sels cristallisables.
L'auteur en a préparé également un chloroplatinate.
DE VRY. — EXTRACTION DE LA QUINIDINE
M. de VRY
Ancien Chargé d^s recherches chimiques aux Indes Néerlandaises.
393
EXTRACTION DE LA QUINIDINE.
(EXTRUT DO PROCÈS-VERBAt.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. le Dr J. E. de Vrï fait connaître un procédé permettant d'extraire la
quinidine de la quinoïdine du commerce.
Par sa grande autorité dans toutes les questions relatives aux quinquinas,
on nous saura gré de rendre très-fidèlement dans ce compte rendu tous les
renseignements sur les alcaloïdes des quinquinas fournis par le savant chimiste
de La Haye.
« La quinoïdine du commerce renferme généralement une quantité plus ou
moins grande de quinidine, alcaloïde découvert en 1833 par Henry et Delondre
et décrit en 1853 par M. Pasteur. Plusieurs observateurs ont méconnu la pré-
sencede la quinidine dans les quinoïdincs, malgré la facilité avec laquelle cette
substance cristallise et la faible solubilité de son iodhydrate, qui exige non
moins de 1200 parties d'eau froide pour se dissoudre, M. de Viy rapporte un
fait constaté par lui, à savoir que dans une quinoïdine de la maison Jobst, de
Stuttgart, achetée à raison de 8 fr. 50 c. le kilogramme, il a trouvé 10 pour
100 de quinidine. 11 ajoute que même l'éminent directeur de la fabrique de
sulfate de quinine de la maison Jobst, M. Hesse, qui nie encore la découverte
de la quinidine faite, en France, en 1833, par Henry et Delondre, et qui a
donné arbitrairement à cet alcaloïde le nom de conquinine, a commis l'erreur
de la laisser dans la quinoïdine.
Yoici la méthode d'extraction recommandée par M. de Yry :
320 grammes de quinoïdine de commerce sont dissous dans un litre de
solution chlorhydrique normale (contenant 3Ge,5 de H Cl par litre). Si la qui-
noïdine n'est pas trop impure, on obtient une solution de couleur très-foncée,
mais à réaction alcaline. L'auteur fait remarquer en passant que cette réac-
tion alcaline appartient à tous les sels neutres des alcaloïdes des quinquinas, fait
important et dont plusieurs n'ont tenu souvent aucun compte.
La solution chlorhydrique de quinoïdine est chauffée au bain-marie et addi-
tionnée d'un demi-litre de solution normale de soude caustique (contenant 40§r
de NaOH par litre) . Par là, on précipite une matière résineuse noirâtre, qu'il
importe d'éliminer. On obtient alors une solution de couleur peu foncée, et dont
on peut extraire la quinidine, soit au moyen de l'acide tartrique. soit au moyen
de l'iodure de potassium.
[a] Méthode de séparation par l'acide tartrique. — On précipite tous les alca-
loïdes contenus dans la solution, en y ajoutant un excès de soude caustique.
Le précipité obtenu, lavé, encore humide, est dissous à chaud dans une so-
39 i chimie
lation concentrée d'acide tartriqoe; contenant par litre un demi équivalent, en
grammes, d'acide. Par le refroidissement et le repos, la quinidine se sépare
sous forme de tartrate acide, sel peu soluble dans l'eau froide.
[6] Méthode de séparation par Viodure de potassium. — Quand on veut em-
ployer la méthode de séparation par l'iodurc de potassium, on acidulé par
l'acide acétique la solution séparée de la matière brune résineuse. A ce liquide
acétique, on ajoute, peu à peu, de l'iodure de potassium dissous, jusqu'à ce que
le trouble laiteux, qui se produit et qui disparait par l'agitation, devienne per-
sistant. Ce troulile laiteux est dû à la formation d'iodhydrate de quinidine.
M. de Vry ajoute encore quelques mots sur : l'action de V acide sulfurique
sur une solution alcoolique de quinoïdine du commerce.
Si, à une solution aussi concentrée que possible de 320 grammes de quinoï-
dine du commerce dans l'alcool à 93°, on ajoute 49 grammes d'acide sulfu-
rique dilué dans 100 grammes d'alcool à 4o°, le mélange devient un peu
laiteux et se sépare, par le repos, en deux couches. La couche inférieure,
sirupeuse, contient, outre une foule d'autres substances, de la cinchonine. La
couche supérieure, plus abondante, moins colorée, limpide et très-fluide,
contient, avec plusieurs autres principes immédiats, de cinchonidine, de la
quinidine et quelquefois aussi de la quinine.
M. Eugène MAECHAO
Correspondant de l'Académie de médecine à Fécamp.
ANALYSE DU LAIT.
— Séance du 29 août i 877. —
M. Eugène Marchand, de Fécamp, appelle l'attention de la section
sur les divers procédés d'analyse mis en œuvre par Les chimistes pour
arriver à la connaissance delà composition du lait. Il s'attache à mettre
en évidence les écarts que l'on observe dans les renseignements four-
nis par des opérateurs habiles, agissant par des méthodes différentes.
Ainsi, par exemple, dans le lait de femme, dont la composition est si
utile à connaître, la proportion de lactine contenue dans 100 parties
en poids, est de 5.3 en moyenne, selon M. A. Gautier (1), d'après
tous les travaux publiés.
Les expériences de MM. Vernois et Becquerel fixèrent cette propor-
tion à 4.36. Selon Simon, elle oscille entre 3.92 et 5.76. Les analyses
de Doyère la montrent comprise entre 6.9 et 7.5. Filhol et Joly l'ont
). Dictionn. de Chimiz pure et appliqu e, de Wurtz. T. XII. p. 191 et 197. Art. Lait.
EUGÈNE MARCHAND. — ANALYSE DU LAIT 395
trouvée oscillant de 4.85 à 7.15. Enfin, M. Marchand lui-même Ta trouvée
comprise entre 7. 03 el 7. 98, tandis que M. Charles Marchand, son fils,
uni continue avec persévérance ces sortes de recherches, assure qu'elle
varie entre 6.75 et 8.08 lorsque la nourrice est en bonne santé. La
moyenne des recherches tic ce dernier opérateur donne 7.17.
Les chimistes ne sont pas plus d'accord sur la richesse; en matière
sucrée du lait fourni par les femelles des diverses espèces animales.
Pour n'en citer qu'un exemple, le plus important entre tous, parce que
ce lait sert pour l'alimentation des hommes, el qu'on l'emploie souvent
pour opérer l'allaitement artificiel de leurs curants, le lait de vache ne
contient jamais moins de 50 grammes de lactine par litre, selon le doc-
teur Rosenthal, lorsque les hèles qui le sécrètent sont dans des conditions
normales de santé. M. Marchand partage cette opinion, et il assure de
son côté que, parmi les très-nomhreuses analyses qu'il a eu l'occasion
de faire, il ne s'est jamais trouvé en (Hat de constater un seul t'ait con-
tradictoire quand il opérait sur du lait récemment tiré, comme il n'a
jamais rencontré un produit de sécrétion normale qui contienne au-delà
de 5.5 de matière sucrée pour 100,0 de son poids. Il a trouvé que la
moyenne richesse du lait fourni par les vaches entretenues dans le
pays de Caux est de S. 185. Eh bien! cette proportion oscille de :
2.8 à 2.95 selon Simon,
3.0 à 3.8 — Lyon Playfer,
4.16 à 4.86 — Millon et Commaille,
4.06 à 5.6 — Filhol et Joly,
4.7 à 6.30 — Boussingault et Lebel,
5.3 à 5.95 — Chevallier et Henry.
Et elle est en moyenne de :
4.3 selon Doyère,
4.037 — Gorup Besanez,
5.w27 — Poggiale.
Selon M. Marchand, lorsque les proportions de la lactine sont au-dessous
de 5 grammes pour un décilitre de lait dans l'espèce bovine, et au-
dessous de 6.8 pour 100.0 dans l'espèce humaine, la cause des énormes
différences mises en évidence par les chiffres posés ci-dessus ne peut
être due qu'à l'une de ces trois causes :
Ou le lait a été examiné à une époque trop rapprochée de celle de la
naissance du jeune être auquel il est naturellement destiné, ou bien l'ana-
lyse a été exécutée sur des échantillons d'un produit altéré par son exposi-
tion trop longtemps prolongée au contact de l'air. Cette altération se
produit d'autant plus rapidement que la température ambiante est plus
396 CHIMIE
élevée. Enfin le lait sécrété par des êtres atteints de maladies graves ou
d'une affection des organes reproducteurs, est fort souvent moins sucré
que le lait normal. Lorsqu'une femme nourrice est menstruée, la pro-
portion de la lactine diminue sensiblement au moment de l'apparition
des règles, et pendant leur écoulement ; elle se relève ensuite à son taux
normal.
En résumé, lorsque le lait examiné est bien récent, qu'il provient
d'un être en bonne santé, et qu'il est tiré depuis assez peu de temps
pour que ses qualités soient encore normales, c'est le procédé employé
pour opérer le dosage de la lactine qui doit être rendu responsable des
écarts en plus et en moins, que l'analyse signale au-dessus ou au-dessous
des chiffres indiqués par M. Marchand comme normaux.
Le dosage de la lactine est opéré en effet dans des conditions fort
diverses, soit à l'aide du sa^charimètre, soit au moyen de la liqueur
cupro-potassique. Le saceharimètre donne des résultats trop faibles, lors-
que l'on ne prend pas le soin d'éliminer du sérum soumis à l'examen,
les matières protéïques qu'il tient en dissolution et qui possèdent des
qualités gyratoires opposées à celles de la lactine. C'est pour ne pas
avoir tenu compte de cette influence que les analyses publiées par
MM. Vernois et Becquerel sont toutes entachées d'une erreur fort grave,
qui les rend inutiles pour les études de physiologie.
M. Marchand insiste pour que le dosage de la lactine dans le lait soit
exécuté par la méthode du docteur Rosenthal, en se servant de la liqueur
de Fehling (1). On opère en mélangeant 5 centimètres cubes du lait à
examiner avec 20 centimètres cubes d'eau distillée, et l'on fait agir ce
liquide (non coagulé ni filtré) à l'ébullition, sur 2V centimètres de liqueur
bleue délayée avec un peu d'eau, dans un tube d'essai en verre ayant
au maximum 2 centimètres de diamètre. Le liquide assujetti à l'essai
est jaugé dans une burette graduée, que le docteur Rosenthal a fait
connaître, et dont 100 divisions occupent une capacité de 8C,C.32. Lors-
que la liqueur de Fehling est convenablement titrée, il suffit d'employer
le lait étendu d'eau contenu entre 20 de ces divisions, si ce lait contient
par litre 50 grammes de lactine.
.M. Marchand a recours depuis plus de vingt ans a la méthode d'essai
et aux instruments du docteur Rosenthal, qui lui fournissent des résul-
tats dont l'exactitude est toujours confirmée quand on les contrôle avec
soin par d'autres procédés. Il insiste fortement pour que ce mode de
dosage si simple, si commode, et si rapide soit adopté. En opérant à
l'ébullition sur 10 centimètres cubes de liqueur cupro-potassique, dans
une capsule de porcelaine ou dans un ballon, comme cela se pratique
H) Journal de pharm. et de chim., 3e séné, t. XXVI, année 1854, p. 2U.
EUGÈNE MARCHAND. — ANALYSE bU LAIT 397
ordinairement, l'opération dure long-temps; elle exige une assez grande
quantité de lait ou de sérum, et le point juste où la réduction du sel
de cuivre est complète s'apprécie si difficilement que souvent il s'ap-
précie mal. Avec le tube étroit du docteur Rosenthal le dosage est fait
en quelques instants, et la marche de la réaction est si facile à suivre
que des élèves peu exercés arrivent rapidement à saisir le moment juste
où elle est accomplie d'une façon complète.
M. Béchamp confirme l'opinion émise par M. Marchand.
Maintenant, du dosage de la lactine dépend celui de la matière pro-
téique contenue dans le lait, puisque c'est toujours par différence que
cette matière est appréciée (1). Aussi voit-on encore les renseignements
les plus contradictoires sur la richesse du lait en cette matière dans les
diverses espèces animales, quand on compare les résultats des analyses
publiées. Voici à cet égard quelques chiffres fort intéressants :
LAITS DE FEMMES.
Caséum. Lactine. Total.
Selon Simon 1.96 5.76 7.7-2
— ... 2.20 3.20 7.40
• " *'52 3'92 SAi
. . . 3.55 3.95 7.50
— ... 3. 7 4.54 8.24
... 3. 9 4. 9 8.80
Selon Becquerel et Vernois 3.92 4.30 8.28
— Doyère 1.53 G. 90 8.43
_ ... 1.17 7.50 8.07
— Filhol et Joly 1.50 G. 00 8.10
... 0.89 7.15 8.04
— • • • °-83 G-90 7-7:i ,
_ ... 0.85 6.80 7.65
_ ,; ... 0.85 4.83(!) 5.70(7);
Selon Charles Marchand, en moyenne 1.70 7.17 8.87
— Eugène Marchand — 1.38 7 36 8.74
LAITS DE VACHES.
Selon Millon et Commaille 3.68 4.24 7.92
— Boussingault et Lebel 3. 9 4. 7 8. G .
• • • 3- A s' 3 8- 7 Même vache,
_ ... 3. 4 6. 9. 4 )
— LyonPlayfer S. 4 3. 8 9. 2 j
— ... 3. 9 3. 6. 9 | Même vache.
_ . . 4. 9 3. 8 8. 7 )
(1) La mati&re protéique se présente dans le lait sous différents états : caséine, albumine, lacto-
protéine, etc.; quand on la dose en bloc, on la désigne sous le nom de caséum.
398 CHIMIE
Selon Simon 7. 2 2. 8 10.
— ... G. 8 2.1)5 9.73
— Doyère. 4. 2 4. 3 8. 5
— Poggiale 3. 8 5.27 9.07
— Filhol et Joly 4.23 4.7o 9.
— ... 4.35 5. (i 10.15
— ... 3.90 1.06 7.96
— Chevallier et Henrv, en moyenne 4. 2 3. 3 9. 5
— Gorup Besanez. ....... 5. 4 4. 0 9. 4
— Eugène Marchand, en moyenne 2.38 5.19 7.57
Ainsi il résulte de tous ces chiffres que la proportion des matières
protéiques augmente ou diminue en raison inverse de celle de la lac-
une, tandis que leur poids total reste constant. Cette dernière proposi-
tion est seule confirmée par l'expérience. L'autre est inexacte.
Il paraît probable à M. Marchand que dans beaucoup de circonstances
la proportion du caséum se trouve portée à un chiffre trop élevé, par
suite des difficultés que l'on éprouve à opérer la dessiccation parfaite du
résidu de l'évaporation du lait. Il est nécessaire en effet que la matière
à dessécher ne soit pas trop volumineuse, qu'elle se trouve amenée à
un état avancé de division, et que la dessication soit poussée jusqu'à
son dernier terme à une température aussi voisine que possible de 99°
mais ne la dépassant pas, car à 100° le résidu commence déjà à prendre
une couleur ambrée.
Souvent aussi, la proportion du caséum se trouve exagérée, parce
que pour isoler cette matière on coagule le lait, à la température de
l'ébullition, sous l'influence de quelques gouttes d'acide acétique. On
recueille le magma solide sur un filtre ; on le lave avec soin; on l'épuisé
du beurre qu'il renferme, par l'éther; on le dessèche et on le pèse.
M. Marchand n'adopte pas cette manière d'opérer : d'abord, le caséum
se lave mal; il retient toujours une petite quantité de lactine et une
plus forte de sels terreux (des phosphates), ainsi que des proportions
encore sensibles de beurre dont il est impossible de le débarrasser. De
là l'exagération du chiffre qui lui est attribué.
Il est encore une autre cause d'erreur qui se produit dans la déter-
mination du caséum. C'est celle qui n'est jamais évitée quand on opère
l'analyse d'un lait ayant déjà subi des modifications dans sa constitution
par suite de son exposition à l'air. Alors une proportion variable de
lactine s'est transformée en acide lactique dont le poids sensiblement
égal au sien, et que l'on a le tort de laisser toujours indéterminé, se
retrouvant compris dans celui du résidu fixe obtenu de l'évaporation du
lait, se trouve ainsi ajouté au poids des matières protéiques déterminé
par différence.
EUGÈNE MARCHAND. — ANALYSE DU LAIT 399
En présence de ces laits, M. Marchand a adopté le mode d'essai qu'il
décrit ainsi :
« Je dose la lactine par la méthode du Dr Rosenthal qui est à l'abri
de tout reproche, et donne des résultats sur l'exactitude desquels on
peut compter.
» Je dose le beurre dans mon lacto-butyromètre dont je n'ai plus à
faire connaître la construction, ni le mode d'emploi (1). On a reproché à
cet instrument 'le ne donner (pie des résultats approchés! Je crois pou-
voir assurer que ceux, qu'il fournit sont beaucoup plus exacts, en
moyenne, que ceux, obtenus par les méthodes d'analyse directe, car
lorsque l'on opère dans des conditions d'expérience bien rigoureuses,
c'est-à-dire sur des volumes absolument égaux de lait, d'éther à 62° et
d'alcool à 86°, la séparation de la matière appréciable est toujours
rigoureusement proportionnelle à la richesse en beurre, du lait intro-
duit dans l'instrument. Il suflit donc de bien jauger ce lait. Cela est
toujours facile
» Quand on veut opérer par l'une des méthodes directes qui ont été
proposées, il est presque impossible d'isoler toute la matière solublc dans
Féther, et ce n'est, je puis l'assurer, qu'en lavant le lait lui-même avec
de Féther, après l'avoir convenablement alcalisé avec quelques gouttes
de soude caustique, comme je l'ai conseillé lorsque j'ai fait connaître
le lacto-butyromètre (2), que l'on peut arriver à un résultat satisfaisant.
Mais alors, il faut employer des quantités d'éther relativement
considérables, et l'opération demande beaucoup de temps pour être bien
faite.
» Dans les deux opérations précédentes, l'on a dosé deux éléments,
le beurre et la lactine. Voici comment j'opère pour déterminer les autres :
» D'abord, 5 grammes de lait sont soumis à l'évaporation lente dans
une petite capsule de porcelaine. Le résidu convenablement divisé et
desséché est pesé, puis soumis à l'incinération dans une capsule de
platine chauffée à la flamme du gaz sur un bec de Bengel, ou à la flamme
d'une lampe à alcool. Les matières organiques se détruisent par la cal-
cination et les cendres restent pour résidu ; on en prend le poids .
» M. A. Gautier, dans le Dictionnaire de chimie pure et appliquée
(article Lait), reproche à ce mode d'incinération de devoir donner une
proportion de cendres trop faible, parce que selon lui, la matière saline
non mélangée de carbonate de soude subit une réduction pendant la
calcination. Cette réduction n'est pas à redouter lorsque l'on opère sur
(1) Le lacto-butyromètre se trouve avec l'instruction sur son emploi, chez MM. Alvergniat frères,
10, rue de la Sorbonne, à Paris. M. Marchand ne recommande que ceux de ses appareils qui
sortent de chez ces habiles et consciencieux constructeurs.
(2] Journal ph. et chim. 3e série, T. XXVI, année 1854, p. 351. Ce procédé nous revient au-
jiurd'hui d'Allemagne sous le nom d'un chimiste prussien!!!
400 CHIMIE
une flamme de dimension convenable, mais si elle venait à s'opérer,
elle serait sans importance, puisque les causes d'erreur ne pourraient
porter que sur une élimination partielle de l'acide carbonique, dont la
disparition serait signalée par la présence dans le résidu fixe d'un oxyde
caustique lui donnant la propriété de rougir la teinture aqueuse du
Curcuma.
« C'est un phénomène que je n'ai jamais eu l'occasion de remarquer.
» Indépendamment de la caséine, le lait contient toujours aussi d'au-
tres matières protéiques, incapables de se coaguler spontanément par la
fermentation lactique, ni sous l'influence de l'acide acétique ou de la
présure (1). Il est utile de doser aussi ces matières, que dans les analyses
ordinaires l'on peut confondre toutes ensemble sous le nom générique
^albumine.
» Voici comment ce dosage peut être opéré :
» A 400 grammes de lait, ou environ, j'ajoute 15 à 20 gouttes d'acide
acétique cristallisable, et le mélange est porté dans un bain d'eau chauf-
fée à 25° environ. Le caséum se coagule bientôt, en entraînant dans sa
masse tout le beurre, et une grande partie des sels auxquels il était
associé dans le liquide normal. On jette le tout sur un filtre, et l'on
recueille le sérum lorsqu'il passe bien limpide.
» Ce sérum ne contient que de la lactine, de l'albumine et des sels.
Son poids total est régi parla quantité d'eau contenue dans le lait normal.
On en prend 5 grammes que l'on évapore jusqu'à siccité. Le résidu
desséché à 99° et pesé est ensuite soumis à l'incinération. Après
déduction du poids des cendres, l'on connaît en bloc celui de la lactine
et de l'albumine tenues primitivement en dissolution. Or, la quantité
de la lactine peut être connue avec facilité. Pour cela il suffit d'établir ce
rapport :
» Le poids de l'eau contenue dans 100 grammes de lait est à la quan-
tité de lactine indiquée par l'analyse dans cejvolume de matière exami-
née, comme la proportion d'eau contenue dans le sérum est à celle
de la lactine contenue aussi dans celui-ci. La différence des poids
indique ensuite celui de l'albumine.
» Arrivé à ce point de l'opération , il ne reste plus qu'à totaliser
la somme du poids des matières déjà pesées ou déterminées ; beurre,
lactine, albumine et sels, et de déduire cette somme du poids connu
aussi des éléments fixes obtenus de l'évaporation du lait. L'écart repré-
(1) La proportion des matières protéiques contenues dans le lait, reste assez constante dans le
produit sécrété par chaque nourrice et par chaque animal, mais les quantités relatives delà caséine
et des principes albuminoïdes varient singulièrement sous un certain nombre d'influences diver-
ses : la caséine augmente quand l'albumine diminue, et inversement. On conçoit combien il est
nécessaire, pour certaines industries, et au point de vue de la physiologie, de déterminer l'inten-
sité de ces variations.
EUGÈNE MARCHAND. — ANALYSE DU LAIT 401
sente avec une grande exactitude le poids du caséum lui-même, consi-
déré comme principe immédiat bien pur.
» M. Gautier a encore reproché à ce mode d'agir de n'amener
qu'une imparfaite coagulation du caséum, par suite de cette double
circonstance que l'acide acétique serait employé en excès, et que la
coagulation s'accomplirait à une trop basse température. Ce reproche
ne me paraît pas plus fondé que le précédent : le caractère spécifique
du caséum est d'être coagulé par l'acide acétique faible, tandis que
l'albumine reste en dissolution au contact du même agent. Or, l'acide
acétique employé se trouve dilué dans plus de 80 fois son poids
d'eau, presque 90 en moyenne, et dans cet état de dilution il est im-
puissant à dissoudre des quantités sérieuses de caséine. D'un autre côté,
l'albumine du lait, comme toutes les albumines connues, est coagulable
par la chaleur. Il est donc indispensable, pour la séparer du caséum, de
ne p^s soumettre le lait acétifié qui la renferme à une température
trop élevée. Il y a avantage, par conséquent, à opérer à une tempé-
rature aussi basse que possible. Celle de 25° est bien convenable, mais,
en définitive, si l'on opérait à o0° et même à 60° (mais pas plus,
car à 6o° se trouve le point critique du passage de l'albumine de l'état
liquide à l'état solide), le résultat définitif de l'analyse ne serait pas
modifié d'une manière sensible.
» Quoi qu'il en soit, la méthode d'analyse du lait que je viens d'in-
diquer est fort simple. Je la recommande à l'attention des chimistes,
parce qu'elle leur permet d'exécuter en quelques heures une analyse
complète et très-exacte du précieux produit sécrété par les glandes
mammaires de tous les animaux dont les petits sont assujettis à l'allai-
tement.
)> Si cette méthode, ou une autre atteignant au même degré d'exacti-
tude, était adoptée et mise en pratique dans tous les laboratoires, elle
offrirait ce précieux avantage de fournir des résultats toujours compa-
rables entre eux, et pouvant, en toute sécurité, servir de base aux dis-
cussions dont le lait devient l'objet quand il s'agit de déterminer la
valeur des rations alimentaires offertes aux enfants auxquels l'allaite-
ment materne] fait défaut en partie ou en totalité.
2(5
402 CHIMIE
M. Léon BIDAED
Chimiste, Membre de la Société géologique de Normandie.
NOTE SUR LES EAUX SULFUREUSES ET FERRUGINEUSES.
— Séance du 29 août 1877. —
Mon but dans ce travail est d'exposer très-sommairement mon opinion
sur les eaux ferrugineuses et sulfureuses. Je ne crains pas de me sou-
mettre à la critique, trop heureux si j'ai pu apporter ma part de
lumière sur une question aussi importante.
Cette question comporte trois parties différentes, ou mieux se divise
en trois points.
1° Toutes les eaux ferrugineuses ont pour base le bicarbonate de
protoxyde de fer. Il n'existe pas d'eau ferrugineuse par le sulfate de
protoxyde de fer ;
2° Les eaux sulfureuses ont pour base le sulfure de calcium et non
le sulfure de sodium;
3° Les eaux sulfureuses sont le résultat de la décomposition des eaux
ferrugineuses. Dans cette circonstance, le sulfate de chaux est réduit en
sulfure de calcium par le protoxyde de fer. Enfin je terminerai cette
note par quelques mots sur le puits artésien de Sotteville-lès-Rouen.
1° Comment se forment les eaux ferrugineuses.
Toutes les eaux ferrugineuses sont caractérisées par la présence de
deux sels auxquels elles doivent toutes leurs propriétés, ce sont :
Le bicarbonate de fer;
Le sulfate de chaux ou plâtre.
Partout où il existe des sources ferrugineuses, on trouve dans le sol
où ces sources prennent naissance de la tourbe ou de l'argile tourbeuse
noire, grise ou verdâtre; ces différents produits contiennent du sulfure
de fer.
Dans certains pays on rencontre le sulfure de fer en très-grande
abondance. A Forges-1 es-Eaux, il est exploité pour la fabrication de la
couperose verte par une usine située à côté de l'établissement thermal.
On rencontre le même produit à Varengeville, à Longmesnil et à Sot-
teville-lès-Kouen. C'est le banc d'argile ferrugineux de Sotteville qui donne
naissance aux sources, autrefois célèbres, de la Marequerie et de Saint-
Paul à Rouen.
A Aumale, dans le N.-O. de la Seine-Inférieure, il existe des sources
LÉON BIDARD. — EAUX SULFUREUSES ET FERRUGINEUSES 403
ferrugineuses dont M. Girardin indique la naissance sur des fonds tour-
beux à base d'argile plastique.
Il n'y a qu'une seule réaction qui puisse donner naissance aux eaux
ferrugineuses. Pour bien la comprendre , il faut se rappeler que toutes
les eaux courantes contiennent du bicarbonate de chaux, sel nécessaire
à toute eau potable. L'eau de Fontaine-sous-Préaux, qui alimente la
ville de Rouen, en contient 22 à 25 grammes par hectolitre.
Dans les terrains contenant du sulfure de fer, il se forme sous l'in-
fluence de l'air du sulfate de fer ou couperose verte qui dans l'eau des
sources rencontre du bicarbonate de chaux.
Du contact des deux sels il résulte :
Du bicarbonate de fer,
Et du sulfate de chaux,
d'après la loi des doubles décompositions.
Ces deux sels sont assez solubles dans l'eau pour ne pas en troubler
la transparence.
Voilà donc de l'eau ferrugineuse produite par une réaction chimique
des plus simples. Il est donc bien important de noter que le sulfate de
chaux est le compagnon forcé du bicarbonate de fer, en d'autres ter-
mes que ces deux sels se rencontrent toujours ensemble dans les eaux
ferrugineuses, puisqu'ils ne peuvent pas se former l'un sans l'autre.
Exemples divers cités dans l'Annuaire des eaux de la France, publié
en 1854.
Par litre, les eaux ferrugineuses ci-dessous désignées contiennent :
Bicarbonate de fer. Sulfate de chaux.
Valmont 0.0056 0.0167
Bleville 0.1142 .0.1713
Saint-Paul (Rouen)... . 0.069 0.0080
La Marequerie (Id.).... 0.094 0.012
Forges-les-Eaux, source
cardinale. 0.098 0.040
— Royale... 0.067 0.024
— Remette.. 0.022 0.010
— Nouvelle. 0.058 0.014
Fontaine-de-Jouvence à
Gournay 0.093 0.077
So tteville-lès-Rouen 0 . 023 1 . 816
Enfin, dans le môme ouvrage on trouve une série d'analyses d'eaux
ferrugineuses de diverses localités. On voit que, partout où il y a du
bicarbonate de fer, il y a du sulfate de chaux. Voilà, Messieurs, com-
ment se forment les eaux ferrugineuses naturelles, si précieuses parce
404 CHIMIE
qu'elles joignent les propriétés toniques du fer aux propriétés légèrement
laxatives du plâtre, sans lequel elles seraient constipantes et indigestes.
Cette réaction peut se reproduire dans les laboratoires; maintes et
maintes fois je l'ai faite, préparant alors une eau ferrugineuse artificielle,
identique à celle de la nature, tant par sa composition que par ses
propriétés; cette réaction consiste à préparer une eau chargée de bi-
carbonate de chaux en faisant passer un courant de gaz acide carboni-
que dans de l'eau de chaux jusqu'à redissolution du précipité. On
ajoute du sulfate de fer et il produit la double décomposition de :
Bicarbonate de fer,
Sulfate de chaux.
L'eau ferrugineuse naturelle ou artificielle, faite dans ces conditions,
reste limpide pendant très-peu de temps ; bientôt la décomposition du
bicarbonate de fer se produit, et l'eau laisse déposer de l'oxyde de fer
rougeâtre.
Ce dépôt se fait très-lentement. D'abord, à la surface, il se forme une
pellicule miroitante qui peut a priori être confondue avec celle due aux
matières goudronneuses ; bien souvent j'ai eu l'occasion de l'observer.
A Deville-lès-Rouen, il existe une source appartenant à un M. Varin,
laquelle possède au plus haut point cette propriété. Malheureusement,
des personnages assez haut placés, mais peu versés dans les questions
scientifiques, ont attribué au goudron d'une distillerie de bois avoisi-
nante la pellicule duc à l'oxyde de fer. Cette question si simple menace
de ruine un industriel innocent ; mais il est à espérer qu'il se trouvera
des hommes assez éclairés pour démontrer jusqu'à l'évidence que la na-
ture seule est coupable de ces dépôts rouges et de ces pellicules
irisées.
Ce fait est signalé par Lepecq de la Clôture en 1773. Ce savant dit
qu'il suffit de soulever un pavé à 5 ou 600 mètres de la côte Sainte-
Catherine, à Rouen, pour voir une eau d'opparence huileuse.
M. Ossian Henry, le célèbre chimiste des eaux minérales, exprime les
mêmes idées à propos des eaux de Bagnoles de l'Orne ; il est enfin une
réaction sur laquelle j'appelle l'attention de tous les chimistes.
Le bicarbonate de fer est instable ; il se décompose en oxyde de fer
au minimum, composé éminemment réducteur ; ce composé réduit le
sulfate de chaux en sulfure de calcium et en sulfure de fer noir, qui
forment cette boue noirâtre et nauséabonde qu'on rencontre dans les
eaux ferrugineuses, celle de Deville, par exemple; cette réaction-là,
aussi, elle est très-facile à reproduire artificiellement.
Jacques Duval, médecin à Evreux, dit que ces boues sont imbues de
foëteur.
LÉON BIDARD. — EAUX SULFUREUSES ET FERRUGINEUSES 405
Enfin, messieurs, quelques mots sur les eaux sulfureuses.
Ces boues noires dont je vous parlais tout à l'heure, et qui sentent si
fort l'hydrogène sulfuré ou les œufs en putréfaction, m'ont porté à
chercher plus avant dans la question. Ce sera peut-être de la témérité
d'affirmer nettement que les eaux sulfureuses résultent de la décompo-
sition des eaux ferrugineuses ; si j'avance un fait aussi important, c'est
que je suis convaincu que ce que j'avance est la vérité ; je me base sur
des expériences faciles à répéter.
Si je prends une eau ferrugineuse préparée par la méthode ci-dessus
indiquée et que je la laisse 5 ou 6 jours dans un flacon bien bouché,
c'est-à-dire si je la mets à l'abri de l'air, condition qui se trouve cer-
tainement réalisée au sein de la terre, il se forme un sulfure de fer
noir qui se dépose, du sulfure de calcium, qui est lui-même décom-
posé par l'acide carbonique en carbonate de chaux et en hydrogène
sulfuré qui donne à l'eau l'odeur des Eaux-Bonnes, l'odeur des œufs
putréfiés, qui, en un mot, forme l'eau sulfureuse : c'est ainsi que je
prouve que le sulfure de calcium est seul l'agent sulfurant des
eaux minérales. Le sulfure de sodium ne pourrait provenir que du
sel marin ou de la réduction du sulfate de soude, deux sels éminem-
ment indestructibles par les agents chimiques de la nature et qui ne
cèdent leurs éléments que dans des fours où la température s'élève à
12 ou 1,500 degrés et encore en présence d'autres agents chimiques très-
énergiques.
Voilà, messieurs, les opinions que j'ai voulu émettre devant vous et
présenter à votre discussion, trop heureux si j'ai pu ajouter quelque
chose à la monographie des eaux minérales.
Sondage de Sotteville.
Vers 1848, une Société se fonda pour rechercher la houille dans la
Seine-Inférieure ; on parvint à réunir 70,000 francs, on décida qu'on
ouvrirait un trou de soude sous la direction de M. Degousée, de Paris.
On devait aller à une profondeur de 1,000 pieds; le trou fut fait dans
la propriété de M. Lemoine, rue des Marettes, 14, à Sotteville ; les tra-
vaux furent poursuivis régulièrement jusqu'à 320 mètres. Alors la sonde,
après avoir traversé un terrain dans lequel elle pouvait à peine faire
un centimètre par jour, s'enfonça tout à coup, au mois de mars 1852,
de 80 centimètres : au même instant jaillit une source d'eau salée chaude.
On continua un peu les travaux de sondage ; le débit alors s'accrut au
point d'arriver à 500 litres par minute à une hauteur de 15 mètres
au-dessus du sol. L'analyse de cette eau fut faite par M. Bidard père,
Boutan et Morin ; voici les résultats qu'ils ont trouvés :
406 CHIMIE
Carbonate de chaux 0.136
— de magnésie 0.038
— de fer 0.023
Sulfate de chaux 1.816
— de magnésie 0.290
Nitrate de chaux 0.021
Chlorure de sodium 12.047
— de magnésium 0.628
— de calcium 0.033
Iodure et bromure 0.016
Acide silicique et alumine ■
Oxyde de manganèse
Phosphate et sels de potasse ^ 0.102
Sel ammoniacal
Matière organique
15.150
On essaya de tuber le puits pour empêcher cette eau saumâtre de
se répandre à travers les sables poreux dans les puits du voisinage ; un
tube en fer fut descendu à une grande profondeur et on le boucha avec
une pièce de chêne de 2 mètres de long, chassée à grands coups de
mouton ; au bout de quelques jours, l'eau avait rongé le tube et le
bouchon remontait. On descendit une sonde et on s'aperçut que le
tube était en zig-zag : impossible de songer à le boucher. Les consé-
quences de ce fait sont terribles, car un des agents qu'elle contient, le
chlorure de magnésium, est un ennemi terrible des générateurs à
vapeur. Le puits coulant toujours, l'eau gagne de proche en proche et
aujourd'hui elle est arrivée jusqu'à la filature de M. Pouyer-Quertier, à
la Foudre. Plus on se rapproche de Sotteville, plus les puits contien-
nent le terrible sel, et aujourd'hui c'est pour le pays presque une ruine.
En six mois, à la Foudre, un bouilleur est percé et mangé; avant il
durait deux ans et plus.
Il y a donc toute nécessité de capter de nouveau cette source pour
la dériver et empêcher l'aggravation des maux qu'elle a causés. Ensuite
il y a la question médicale : je ne vous mènerai pas sur ce terrain,
messieurs, je ne suis pas assez compétent pour cela ; que des voix au-
torisées par leur science s'élèvent pour démontrer, d'après l'analyse
que j'ai placée sous vos yeux, que cette source a vraiment des propriétés
bienfaisantes que l'on va bien loin chercher à prix d'or ; la puissance
de cette eau serait plus manifeste pour les malades portant le cachet
de l'asthénie ou afïection strumeuse ; c'est contre le lymphatisme, les
diverses formes de scrofules, le goitre, le rachitisme, les affections rhu-
matismales et la chloro-anémie, que cette eau bromo-iodurée-salée
pourrait être employée avec succès. D'autres sondages ont été faits,
TRUCHOT ET FINOT. — SUR LES EAUX GAZEUSES DU PUY DE DOME 407
mais la couche d'argile du kimmeridge, sous laquelle elle se trouve,
forme un mamelon très-pointu qui s'enfonce à droite et à gauche ; son
point culminant est justement le lieu où le puits a été creusé. Je ter-
mine, messieurs, en souhaitant que bientôt l'attention se trouve appelée
sur ce puits trop délaissé et trop inconnu. Si je réussis à ce qu'un
jour quelques malheureux recouvrent la santé, ce sera une bien douce
récompense, car cette source et moi nous sommes nés à quelques pas
l'un de l'autre et à quelques jours de distance. Pour ce fait, il ne fau-
drait qu'un capitaliste audacieux qui, bien sûr de son fait, mît à la tête
de cette affaire des gens éclairés et dévoués ; je suis sûr qu'alors, la
réussite serait pleine et entière. Je désire qu'il soit consigné, au procès-
verbal qu'à cette date, le congrès scientifique, réuni au Havre, a reçu
cette communication, afin qu'un jour à venir, si nous pouvons faire
déserter par nos baigneurs les eaux allemandes au profit d'une ville
française, il soit constaté que c'est au Havre, ma patrie d'adoption,
qu'on en a parlé la première fois.
MM. TEUCHOT & FI50T
Directeur de la Station agronomique du Centre, Préparateur à la Faculté des sciences
Professeur à la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand. de Clermont-Ferrand.
SUR LES EAUX GAZEUSES DU PUY DE DOME.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 29 août 1877. —
MM. Truchot et Finot donnent les chiffres suivants déduits des recherches
qu'ils ont faites sur les quantités d'acide carbonique que renferment les princi-
pales eaux minérales de l'Auvergne :
Quantités d'acide carbonique par litre d'eau.
ls,008 dans l'eau de la source Vercingétorix à Royat.
ls,400 dans l'eau de la source Sainte-Marguerite , au Monl-Dore.
ls,950 dans l'eau de la source de la Fayolle, à Saint- Armand-Roche- Savine.
2s, 350 dans l'eau de la source Thérèse, à Besse.
Les quantités des principes minéralisateurs de ces eaux étant très-faibles
la presque totalité de l'acide carbonique s'y trouve à l'état libre.
408 CHIMIE
M. J.-W. GÏÏOIM
Professeur à l'Université d'Amsterdam.
SUR LA FERMENTATION.
(extrait.)
— Séance du 29 août 1877. —
Existe-t-il chez les microorganismes une vie sans oxygène? en d'autres
termes : la distinction entre des êtres aérobies et anaërobies est-elle fondée?
L'ancienne théorie de Lavoisier est devenue un dogme fondamental : les fonc-
tions des êtres vivants dérivent de la combustion de l'oxygène libre.
Mais, fort heureusement, il est vrai que, dans la science, ni la tradition, ni
le dogme ne font autorité : une théorie nouvelle ne peut naître que de l'ex-
périence et prétendre au droit de prépondérance qu'à la condition que, par
l'expérience même, elle soit au moins aussi solidement établie que celle qu'elle
veut remplacer.
Pour prouver l'existence de la vie sans air, il faut disposer de milieux
exempts d'oxygène. Or, les moyens fournis par la balance, puis ceux plus
puissants encore que fournissent les réactifs, ne sont pas suffisants pour
prouver l'absence totale de l'oxygène dans un milieu donné.
M. Gunning prouve l'insuffisance des moyens ordinaires pour se procurer un
milieu exempt d'oxygène en y constatant le changement de couleur du précipité
blanc que le cyanure jaune de potassium produit dans les solutions de ferro-
sum . Les appareils mis en œuvre pour cette expérience sont :
1° Des tubes de verre vidés à la pompe à mercure et scellés à la lampe:
2° Des tubes de verre d'une capacité de 28 à 50cc, où l'on avait mis du phos-
phore humide, qui ont été vidés, scellés à la lampe et exposés ensuite pendant
trois ou quatre semaines à une température de 25 à 30 degrés;
3° Des marteaux d'eau faits à la manière ordinaire ou dans le vide ;
4° Des courants continus d'acide carbonique et d'hydrogène de 3 à 400
litres, dans la préparation desquels on avait mis en œuvre tous les moyens
connus pour éviter la présence ou le mélange de l'air atmosphérique;
5° Enfin, des tubes de verre, scellés à la lampe, ou bien remplis d'azote ou
d'hydrogène aussi purs que possible, et dans lesquels on avait préalablement
mis des solutions d'hydrogène sulfuré ou d'acide sulfureux.
Si, dans tous les dispositifs précédents, l'auteur a constaté la présence d'oxy-
gène, il a réussi, par contre, à avoir des milieux privés de cet élément, ou
dans lesquels les mêmes moyens qui le décelaient dans les appareils précités
étaient impuissants à le découvrir. Ces milieux étaient formés de tubes vidés
ou remplis de gaz purs, et ils contenaient en même temps des mélanges de
glucoses ou de sels ferreux avec de la potasse : on y a vu se produire et rester
blanc le précipité des sels de ferrosum par le cyanure jaune. Ce point fut
atteint pendant des périodes qui variaient de un jour à plusieurs semaines.
J.-W. G1 V\l\<i. — SUR LA FERMENTATION 409
Tenant compte de ces résultats, M. Gunning croit que l'on ne peut plus con-
sidérer comme décisives les expériences sur lesquelles a été basée la théorie
des anaërobies. En effet, dans aucune de ces expériences, les précautions pour
se débarrasser des dernières traces d'oxygène n'ont été poussées aussi loin que
dans les siennes, où, pourtant, le ferrocyanure de ferrosum bleuissait.
Il n'est rien qui autorise à objecter que les microorganismes ont besoin, pour
fonctionner, des quantités plus grandes d'oxygène : ni le poids de leur corps,
ni leur mode de nutrition, ni aucune autre circonstance, relative à leur exis-
tence, n'est connu de façon à nous mettre en état d'apprécier le minimum
d'oxygène suffisant à l'entretien de leurs fonctions.
Pour résoudre désormais la question des anaërobies, dit M. Gunning, il
faut partir de ce point de vue, — à savoir que la préparation de milieux
parfaitement exempts d'oxygène est pratiquement impossible.
Alors, ajoute-t-il, la méthode suivante se présente : que l'on mette des
matières fermentescibles et putrescibles, infectées des bactéries qui leur con-
viennent, en contact avec l'hydrogène ou l'azote aussi pur que possible, dans
des tubes scellés à la lampe, ayant soin que la quantité des matières organi-
que soit aussi grande et la quantité de gaz pur aussi petite que possible.
Qu'arrivera-t-il alors? Si les organismes peuvent exister et fonctionner
comme anaërobies, les matières organiques continueront à se décomposer et
les organismes à se multiplier comme dans les conditions ordinaires. Si, au
contraire, les organismes ne peuvent se passer d'oxygène libre, les phénomènes
de changement organique et de vie microscopique ne peuvent se présenter
que d'une' manière passagère. Après un temps plus ou moins long, les orga-
nismes, faute d'oxygène, cessent de fonctionner et la matière organique rentre
dans un état de repos complet.
L'auteur décrit plusieurs expériences, établies d'après le principe annoncé
plus haut. Les résultats de ces expériences ont été constamment défavorables
à l'hypothèse des fonctions physiologiques anaërobies.
DISCUSSION.
A la suite de cette intéressante communication, quelques objections ayant
été soulevées par M. Béchamp, M. Gunning s'explique sur les deux points sui-
vants :
1° Les dispositions expérimentales mises en œuvre pour résoudre la ques-
tion des anaërobies semblent de nature à faire croire que ce n'est pas l'absence
d'oxygène qui fait cesser les"phénomènes,~ mais bien l'accumulation des pro-
duits de désassimilation des êtres microscopiques, lesquels produits pourraient
nuire à la vie, comme cela a lieu chez les êtres supérieurs.
2° Le fait que l'absence totale ou presque totale de l'oxygène change com-
plètement les fonctions physiologiques des microorganismes ne prouve-t-il pas
qu'il y a véritablement deux modes de vie exprimés dans l'antithèse : aérobie
etanaërobie?
Quant à la première objection, M. Gunning ne la croit pas fondée. D'abord
410 CHIMIE
parce que la disposition de plusieurs de ses expériences se prête très-peu à
l'application de l'hypothèse que l'on a faite.
Ensuite, parce que, si l'accumulation des matières dont il a été question
était nuisible, elle devrait avoir pour conséquence un ralentissement graduel
du phénomène, tandis qu'il a toujours observé une fermentation très-courte,
suivie d'une cessation presque subite.
A la seconde objection, M. Gunning répond que la notion de « fonction
physiologiqne », qui est peut-être très-propre à caractériser, d'une manière
provisoire, des phénomènes complexes de la vie, lui paraît inadmissible dans
le sens de cause de phénomènes chimiques déterminés. Il y a d'ailleurs entre
ces « soi-disant » modes de vie une différence essentielle qui ne réside pas
dans les organismes : c'est précisément la présence d'une quantité plus ou
moins grande d'oxygène. Cette différence suffit pour expliquer les changements
que les substances organiques subissent dans l'un et dans l'autre de ces cas.
La fermentation, qui est corrélative de la vie sans air, n'est autre chose, au
point de vue chimique, que la scission d'une molécule très-complexe en des
molécules moins complexes, appartenant à deux catégories : l'une très-oxygé-
née (c'est ordinairement celle de l'acide carbonique) ; l'autre, plus ou moins
hydrogénée (alcools, acides gras supérieurs, ammoniaque, hydrogène ou car-
bures d'hydrogène). On comprend aisément que, lorsque cette scission s'opère
en l'absence totale ou presque totale de l'oxygène, ces matières hydrogénées
puissent devenir libres; qu'elles persistent dans les liquides, ou s'en dégagent
sous forme de gaz ; tandis que, dans le cas où cette scission a lieu en présence
d'un excès d'oxygène, ces matières, au moment même de leur évolution, à
l'état naissant, sont brûlées par l'oxygène et n'existent donc plus que sous
forme d'acide carbonique et d'eau. C'est la vie à l'air. Voilà la fonction physio-
logique, qui dans ce cas n'est qu'un mot, remplacée par des fonctions chimi-
ques bien connues.
M. Gunning ajoute que cette explication n'est que l'évolution naturelle des
idées de MM. Liebig et Hoppe-Seyler sur ce sujet.
M. A. BÉCHAMP
Doyen de la Faculté libre de médecine de Lille.
SUR DES GLUCOSES ISOMERES.
(extrait du procès-verbal)
— Séance du 29 août 1877. —
M. A. Béchamp décrit une série de phénomènes observés avec le glucose.
Le pouvoir rotatoire du glucose de la fécule est variable, quand ce sucre
est cristallisé et qu'il a pour formule C12HuOu (en équivalent). Son pouvoir
A. BÉCHAMP. — SUR DES GLUCOSES ISOMÈRES 411
rotatoire maximum est [a] = 103°,li gf . Son pouvoir rotatoire minimum
[a] = 51°,6 /; ce qui fait pour la formule C12H*20« les pouvoirs maximum
et minimum : [a] — H3°,5 / et [a] = 5G°,7 / .
Le glucose cristallisé perd facilement une molécule (2 équivalents) d'eau et
la déshydratation du glucose peut s'effectuer à une basse température (45 à 50
degrés) ou à 100 degrés. Dans ce dernier cas, elle est accompagnée de fusion
de la matière. Le produit, qui est alors déliquescent, après avoir absorbé une
quantité quelconque d'eau, a un pouvoir rotatoire : [a] = 56°,7 / .
Lorsque la déshydratation a lieu à une basse température, le produit que l'on
obtient (C12H12Oi2) n'est pas fusible à 100 degrés, pas même à 115 degrés. Il
n'est pas déliquescent, et, dans un air saturé d'humidité, il reprend peu à peu
une molécule d'eau. Il a alors le pouvoir rotatoire [a] = 113°,6 / , le même
que celui du glucose cristallisé. Ce pouvoir rotatoire diminue jusqu'au minimum
[a] = 56°,7 / . Ces faits prouvent d'une manière évidente deux états molécu-
laires différents du glucose C12H12012 (équivalents). M. Béchamp rapporte cet
état isomérique à Yallotropie.
Les faits qui viennent d'être énumérés expliquent, d'après M. Béchamp, le
pouvoir rotatoire variable du glucose : le glucose cristallisé renfermerait le
produit anhydre non fusible à 100 degrés ; la diminution du pouvoir rotatoire
proviendrait de la formation, au sein de l'eau, du produit fusible à 100 degrés.
L'auteur a fait également des expériences de thermo-chimie avec ce glucose.
7° Section.
METEOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
Président d'honneur. . . M. D. RAGONA, Directeur de l'Observatoire météorologique de Modène.
Président M. ALLUARD, Doyen de la Faculté des sciences de Clermont-Ferrand.
Vice-Président M. le Général DE NANSOUTY, Directeur de l'Observatoire du Pic du
Midi.
Secrétaire M. ANGOT, Professeur au Lycée Fontanes.
M. D. RAllONA
Directeur de l'Observatoire île Modène.
VARIATIONS ANNUELLES DE LA PRESSION ATMOSPHÉRIQUE.
(EXTRAIT.)
— Séance du 24 août 1877. —
Le professeur Ragona présente à la section un travail sur les variations
annuelles de la pression atmosphérique. Il montre que, à Modène, la courbe
barométrique annuelle a trois maxima et trois minima, que les trois maxima
coïncident avec la plus grande fréquence des vents d'ouest (vents de terre pour
Modène) et les trois minima avec les plus grandes fréquences du vent d'est
(vents de mer); de plus, que les trois maxima coïncident avec les plus faibles
vitesses de vent et les trois minima avec les plus grandes vitesses. La présence
de la vapeur d'eau dans l'atmosphère agit sur les variations barométriques,
comme sur les variations thermométriques, en les restreignant.
L'auteur dit ensuite que, dans toute l'Italie, d'une extrémité à l'autre de
la péninsule, il y a trois maxima et trois minima annuels presque partout à
la même époque. A Bruxelles et à Genève, il n'y en a que deux bien dis-
tincts, le second maximum manquant ainsi que le second minimum, tandis
que, dans beaucoup de stations de l'empire d'Autriche, il se manifeste un état
intermédiaire, c'est-à-dire qu'à la place du second maximum et du second
minimum italiens, la courbe présente une inflexion sensible. Ces études se
RAGONA. — VARIATIONS DIURNES DE l'HTJMTOITÉ DE l' ATMOSPHÈRE 413
font toujours dans dos circonstances identiques, c'est-à-dire en prenant pour
base les valeurs correspondant à chaque demi-décade et en les employant à
établir la formule de Bessel, qui donne l'équation de la courbe annuelle.
M. D. RAGrOîïA
Directeur de l'Obsurratoire de Hudène.
VARIATIONS DIURNES DE L'HUMIDITÉ DE L ATMOSPHÈRE.
(extrait).
— Séance du 94 août 1877. —
Le professeur RAGONA présente un travail inédit sur la variation diurne de
L'humidité relative et absolue. Pendant huit années, l'auteur a exéculé des
observations météorologiques sept fois par jour : à midi, à 3, 4 et 9 heures
du soir, à minuit, à 8 et 9 heures du matin, heures dont le choix est jus-
tifié par des considérations théoriques. En employant les résultats fournis
dans chacune des quatre saisons, il put établir des formules périodiques et
tracer exactement les courbes diurnes qui en résultent pour la pression atmo-
sphérique, la température, la tension de la vapeur d'eau et l'état hygromé-
trique. Comme les courbes ainsi obtenues pour la pression atmosphérique et
la température coïncident avec celles que l'on trouve par d'autres moyens, on
doit conclure que les diagrammes se rapportant à l'humidité sont aussi
exacts. L'observation de ces derniers conduit aux principes suivants :
La courbe diurne de la tension de la vapeur d'eau est la même que celle
du baromètre;
La courbe diurne de l'état hygrométrique est la même (inversement) que
celle du thermomètre.
L'auteur donne les raisons physiques de ces deux coïncidences et explique
les petites différences qui se manifestent en hiver, tandis que la concordance
est parfaite en été. Une partie de ces différences provient non-seulement des
conditions atmosphériques (l'hiver étant l'époque des agitations et des anoma-
lies de l'atmosphère, tandis que l'été est celle du calme et de la régularité
des variations), mais aussi de ce que l'on ne peut compter absolument sur
les indications fournies par le psychromètre, lorsque l'air est très-humide et
la température très-basse.
MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
M. ALLUARD
Doyen de la Faculté des Sciences de Clermont-Ferrand.
L'OBSERVATOIRE DU PUY-DE-DOME
(extrait du procès-yerbal.)
Séance du 24 août 4877.
M. Alluard annonce à la section que l'Observatoire du Puy-de-Dôme va
devenir, dans quelques mois, Observatoire national et propriété de l'Etat, ce
qui lui assure définitivement les ressources nécessaires.
M. J. VINOT
Directeur du Journal du Ciel.
PROJET D'ORGANISATION DU SERVICE AGRICOLE DES PRÉVISIONS DU TEMPS.
(EXTRAIT.)
— Séance du 24 août 1877. —
M. Joseph Vinot dit que, pour chaque commune des départements où ne
se trouvent pas d'hommes spéciaux, on pourrait tenir au courant un registre
contenant chaque jour la copie textuelle de la dépêche de l'Observatoire de
Paris, la hauteur barométrique du jour même et l'état du ciel du lendemaiu
dans la localité.
Lorsque ce registre aurait fonctionné pendant quelques années, une table
bien faite permettrait au premier venu de trouver rapidement, à la réception
d'une nouvelle dépêche, le jour où une dépêche semblable est arrivée dans la
même saison de l'une des années précédentes. En s'appuyant ainsi sur des
observations antérieures, la personne la plus étrangère à la météorologie
pourrait, avec de grandes chances de probabilité, risquer une prédiction pour
le lendemain.
DISCUSSION :
M. Alluard combat le projet de M. Vinot et décrit le mode de fonctionne-
ment du service agricole dans les départements du Puy-de-Dôme, de la Vienne
et de la Haute-Vienne, où les résultats sont excellents. Mais on ne trouvera
pas partout des hommes d'une compétence suffisante pour faire eux-mêmes
la prévision de chaque jour. Actuellement, on manque absolument de per-
ALLUARD. — NOUVEL HYGROMÈTRE A CONDENSATION 415
sonnes connaissant assez la météorologie pour se charger de ce service, et il
est indispensable qu'une part soit faite à la météorologie dans l'enseignement
public, si l'on veut arriver à quelque résultat.
M. Ragona s'associe aux opinions de M. Alluard et ajoute que le procédé
indiqué par M. Yinot, lui semble insuffisant. La répartition des pressions
pourrait bien être identique à deux époques différentes, sans que le temps fût
le même, surtout si les températures ne se reproduisaient pas de la même
façon.
M. ALLUARD
Doyen de la Faculté des sciences de Clennont, Directeur de l'Observatoire météorologique
du Puy-de-Dome.
NOUVEL HYGROMÈTRE A CONDENSATION.
— Séance du 25 août 18T7. —
J'ai l'honneur de présenter à la section un nouvel hygromètre à con-
densation (fig. 43). 11 se distingue de tous ceux qui ont été employés jus-
qu'ici par les deux points suivants : 1° la partie sur laquelle le dépôt de
rosée doit être observé est une face plane, bien polie, en argent ou en
laiton doré ; 2° cette face plane est encadrée dans une lame d'argent
ou de laiton dorée et polie elle-même, qui ne la touche pas, et qui,
n'étant jamais refroidie, conserve toujours tout son éclat. Il résulte de
cette disposition que le dépôt de rosée s'observe avec la plus grande
facilité, de telle sorte qu'on ne trouve presque aucune différence entre
les températures des instants où la rosée commence et finit de paraître
sur l'instrument convenablement refroidi par l'évaporation de l'éther.
La forme de l'appareil est celle d'un parallélipipède droit à base car-
rée. Sa hauteur a 8 centimètres et sa base 5 centimètres carrés. Trois
petits tubes de cuivre traversent le couvercle supérieur : le premier
pénètre jusqu'au fond, et les deux autres, dont l'un est surmonté d'un
petit entonnoir servant à introduire l'éther, débouchent seulement en
haut. Deux petites fenêtres permettent de juger de l'agitation de l'éther
par l'aspiration ou le refoulement de l'air destiné à produire le refroi-
dissement en évaporant le liquide volatil. Le mieux est d'opérer avec
un aspirateur dont on règle l'aspiration suivant les besoins. Une tubu-
lure centrale permet l'introduction d'un thermomètre qui, se trouvant
placé au milieu du liquide en évaporation, donne la température à la-
quelle se fait le dépôt de rosée. Un petit thermomètre fronde, fixé à côté
416 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLODE
sur un support en laiton, permet de déterminer avec précision celle de
l'air dont on veut avoir l'état hygrométrique.
L'hygromètre a condensation de Daniell a été modifié autrefois par
l'un des membres éminents de l'Académie
des sciences, par M. Victor Regnault. Il en a
fait un instrument de précision, mais son
appareil ne s'est pas répandu à cause de sa
manœuvre délicate. Le dépôt de rosée se fai-
sant sur un cylindre d'argent poli est diffi-
cile à saisir. Dans l'hygromètre à face plane
que je présente , ce dépôt se voit très-facile-
ment par contraste, même à quelques mètres
de distance, surtout si l'on a le soin de se
placer de manière à éviter toute réflexion sur
les faces dorées, ce qui les fait paraître d'un
beau noir d'ébène. Son emploi étant très-
simple; sans rien perdre de sa précision,
rien ne s'oppose plus à ce que son usage
devienne général.
Depuis que les observations météorologi-
ques se sont multipliées de tous côtés, l'hy-
grométrie a pris une importance qu'elle
n'avait pas autrefois. L'hygromètre qui est
presque exclusivement employé est le psy-
chromètre. Or, tous les physiciens savent
qu'à partir de zéro, pour toutes les basses
températures, on ne peut pas compter sur
les résultats qu'il donne; qu'il en est de
même dans un air très-agité. Et cepen-
dant, presque partout, l'on continue à s'en servir dans ces condi-
tions-là. Nous espérons que l'hygromètre à face plane, si facile à
observer, et muni pendant les froids de l'hiver d'un aspirateur rempli
de glycérine, ou d'un mélange d'eau et d'alcool, pourra donner des ré-
sultats précis et dignes d'être enregistrés à tous ceux qui ne craindront
pas de consacrer deux ou trois minutes à sa manœuvre. Il pourra de
plus servir à contrôler, en maintes circonstances, toute installation hy-
grométrique dans les observatoires météorologiques.
ANGOT. — LE SERVICE MÉTÉOROLOGIQUE EN ALGÉRIE 417
M. REDIEB,
Constructeur d'instruments Je précision.
NOUVEAU THERMOMÈTRE ENREGISTREUR.
(EXTRAIT PU PRorKS-VBRBAL.)
— Séance du 25 août 1877. —
M. Bédier présente un Ihermomètre enregistreur, dans lequel la tempéra-
ture est mesurée par l'allongement différentiel de deux tubes concentriques
de zinc et de fer. L'inscription est produite par un crayon ordinaire, mû par
un fort mouvement d'horlogerie indépendant, de sorte qu'on n'emprunte au
thermomètre que la force très-petite nécessaire pour opérer le déclenchement
du rouage auxiliaire. Les indications du nouvel instrument sont beaucoup
plus rapides et plus précises que celles des thermomètres à mercure. Sur les
courbes obtenues avec cet instrument, et que M. Rédier présente à la section,
un degré de température est représenté par une longueur de 0m,003, et
l'on observe des variations rapides de température que les thermomètres
à mercure auraient été impuissants à mettre en évidence, à cause de la len-
teur ordinaire de leur marche.
M. ANGOT
Professeur nu Lycée Fontanes.
LE SERVICE MÉTÉOROLOGIQUE EN ALGÉRIE.
(EXTRAIT DU PROCÈS- VERBAL.)
— Séance du 25 août 1877. —
M. Angot présente les publications du service météorologique qui fonctionne
en Algérie par les soins du gouvernement général et qui a été organisé en
1874 par M. G. Sainte-Claire Deville. Les observations, après avoir servi cha-
que jour à la prédiction du temps dans notre colonie, sont ensuite centralisées
à Paris et publiées par les soins de M. Angot. Le volume pour 1875, qui sera
incessamment terminé, comprend les observations de trente stations de pre-
mier ordre et de sept secondaires. La publication, retardée un instant par la
mort de M. C. Sainte-Claire Deville est aujourd'hui poussée activement et sera
prochainement mise au courant. On en déduira d'importants résultats sur
le climat si intéressant de l'Algérie. . .
27
418 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
M. L. TEISSERENC DE BORT
Secrétaire de la Société météorologique.
LA QUINZAINE MÉTÉOROLOGIQUE. - PRÉSENTATION.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 27 août 1877. —
M. Angot présente, au nom de M. L. Teisserenc de Bort, une nouvelle
publication intitulée la Quinzaine météorologique, éditée aux frais et par les
soins de M. Teisserenc de Bort, sous le patronage de la Société météorologique
de France. Cette publication comprend les observations intégrales faites dans
une vingtaine de stations réparties sur toute la surface de la France. Elle
donne en outre une analyse des principaux phénomènes météorologiques ob-
servés et les courbes barométriques complètes des stations qui possèdent un
baromètre inscripteur ou qui font des observations en nombre suffisant. Quatre
fascicules ont déjà paru ; dans le dernier (deuxième quinzaine de juin), on a
commencé à donner des résumés mensuels et des moyennes.
M. Eugène MARCHAND
De Fécamp,
Correspondant de l'Académie de médecine.
UR L'ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DES FORCES CONTENUES DANS LA LUMIÈRE
ET SUR LE CALCUL DE CETTE ABSORPTION.
— Séance du 27 août 1877.
Dans un Mémoire (1) que j'ai eu l'honneur de publier en mars 1875,
grâce au bienveillant appui de la Société nationale Havraise d'études
diverses, sur la force chimique contenue dans la lumière du soleil, la me-
sure de sa puissance et la détermination des climats qu'elle caractérise,
je me suis appliqué à mettre en évidence la loi qui préside à la distribu-
tion de cette force au travers de notre atmosphère, selon les positions
occupées au-dessus de l'horizon par l'astre qui eu est le générateur.
J'avais été devancé dans celte étude par MM. Bunsen et Roscôe, qui,
en opérant avec un mélange de chlore et d'hydrogène, étaient déjà
H) Etude sur la force chimique contenue dans la lumière du, soleil, etc., par Eugène Marchand.
Paris, Gautbier-villars.
E. MARCHAND. — ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DE LA LUMIÈRE 419
arrivés à des résultats dont tous les physiciens connaissent l'importance,
et que mes recherches ont pleinement confirmés en ce sens que les
courbes de développement de l'énergie antitupique sur les diiFérenls
points du globe, dans une belle journée d'équinoxe, qui se déduisent de
leurs observations et des miennes, suivent une marche que l'on doit
considérer comme identique sur les zones tempérées et glaciales, et qui ne
s'écarte que de quelques degrés sur l'équateur, quand on les ramène
à un type similaire d'appréciation. Cela est facile à reconnaître lorsque
l'on jette les yeux sur le premier des diagrammes joints à ce ménioir e
Dans ce diagramme (fig. 44), le tracé en lignes brisées représente la
courbe déduite des observations de MM. Bunsen et Roscôe (1). Cette
courbe est sinueuse; elle présente une dépression anormale et bien
singulière entre le 60e et 75e le degré de latitude, qui ne peut s'expliquer
que par des modifications théoriques apportées par les auteurs dans les
valeurs des coefficients employés dans leurs calculs.
Je suis autorisé à émettre cette opinion, car l'examen des deux autres
courbes du diagramme fait voir deux développements différents de la
même force selon que l'on adopte un coefficient variable (ligne pleine),
ou un coefficient constant (ligne pointillée), ainsi que je l'ai fait dans
mon mémoire précité, pour mettre en évidence les conclusions aux-
quelles j'arrivais. En effet, pour l'équateur et les régions voisines, la
courbe de MM. Bunsen et Roscoe se confond presque avec celle qui se
déduit de mes observations calculées avec le coefficient constant, tandis
qu'à partir du 50e degré de latitude, en s'abaissant vers le pôle, elle se
confond presque aussi avec celle dont j'ai obtenu la direction en me
servant des coefficients variables (2).
Les résultats sur lesquels je m'appuie ont été obtenus en faisant
agir la lumière du jour, la lumière solaire directe et diffuse, sur un
mélange fait en proportions convenables et à équivalents égaux de
sesquichlorure de fer et d'acide oxalique. Lorsque la réaction s'accomplit
sous l'influence de la lumière, le sel ferrique se réduit à l'état de
chlorure ferreux, tandis que l'acide oxalique s'oxyde et se transforme
en acide carbonique dont le volume recueilli sur de la glycérine siru-
peuse, dans laquelle il est insoluble, accuse l'intensité de la réaction
exercée.
J'ai signalé dans mon mémoire, mais je n'ai point à les discuter ici,
les écarts considérables qui existent dans les quantités du calorique mis
en mouvement pendant la même unité de temps sur la même unité de
surface, selon que l'on opère avec les agents de réaction dont ont
(1) V. les éléments de cette courbe dans le Mémoire indiqué, et dans le Moniteur scientifique
du Dr Quesneville, avril 1867, p. 281.
(2) V. Mém. cité, p. 162 et 165.
420
MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
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Cn^épar J Justin Si©** Pau
Fig. U. — Action chimique exercée par la lumière, dans un jour d'équinoxe,
sur les différents points du globe.
l'ait usage MM. Bunsen et Roscôe, ou bien avec ceux auxquels j'ai eu
recours. L'intensité des effets produits dans les deux cas ne s'accuse pas
sous l'influence des mêmes rayons distribués par le prisme décomposant
la lumière étudiée. Sous ce rapport, j'ai peut-être le droit de me plaindre
du reproche que je me suis entendu adresser à Paris, de n'avoir pas
B. MARCHAND. — ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DE LA LUMIÈRE 421
accompli un travail nouveau et d'être entré en lice après mes savants
devanciers. J'ai opéré par une méthode plus simple et facile à suivre,
qui peut être introduite, mieux que la leur, dans tous les observatoires,
et qui donne avec autant d'exactitude des résultats proportionnels à
l'intensité de l'énergie mise en jeu.
Maintenant, si j'ai eu le bonheur d'arriver ainsi à des résultats confir-
mant, quant à la direction des courbes, les résultats qu'ils ont obtenus, l'on
devrait ne pas oublier que leur travail ne pouvait me servir de guide,
vu les différences de nos procédés d'observation! Cela me donne le sujet
d'espérer que l'on me tiendra compte de mes longs efforts, au lieu de
me témoigner une hostilité qui découragerait de plus habiles et de plus
infatigables. A cet égard, je confie mes plaintes aux membres de l'As-
sociation qui s'est imposé la mission d'exciter, en le développant, le
goût des études scientifiques en province, et je garde la confiance que
ces plaintes seront entendues.
L'intensité des réactions chimiques, dont on suit avec attention le dé-
veloppement , a .toujours pour mesure la quantité de chaleur qui se
dégage ou s'absorbe tandis qu'elles s'accomplissent ; mais on sait que
cette quantité est variable pour chaque cas spécial envisagé par rapport
aux autres. J'ai dû, je le répète, signaler le fait sans le discuter autre-
ment. C'est aux habiles expérimentateurs, qui, dans des laboratoires
spéciaux, richement dotés en instruments de précision, se livrent avec
tant de succès aux études de la thermo-chimie, qu'il appartient de
résoudre ces questions délicates destinées à exercer la plus heureuse
influence sur les progrès de la philosophie chimique, et je leur en
laisse le soin. On conçoit bien que, abandonné à mes propres ressources
dans mon très-modeste laboratoire, je ne pouvais et ne puis poursuivre
la solution d'un problème aussi délicat.
Je dis ceci, parce que l'on m'a fait aussi le reproche de ne pas m'être
livré à cette étude et de ne pas l'avoir accomplie pour compléter celle
que j'avais entreprise.
Le but de la communication que j'ai l'honneur de faire en ce mo-
ment à l'Association est tout autre : je veux appeler l'attention des
physiciens, des météorologistes et des chimistes sur ce fait remarquable
et singulier, à savoir que l'absorption de la force chimique pendant le
trajet parcouru par chaque rayon émané du soleil, au travers de notre
atmosphère, diffère extraordinairement de celle éprouvée par la lumière
et le calorique dont elle se trouve accompagnée au moment où elle
touche aux premières molécules gazeuses placées sur son chemin, et
qui forment obstacle à son arrivée jusqu'au sol. Il était permis de le
supposer, et M. Radau, en particulier, dans son beau Mémoire sur
422 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
l'importance climatologique de la lumière (1), a signalé l'indépendance
des intensités optique et chimique du faisceau lumineux échappé du
soleil; mais ce fait, si important par ses conséquences générales, n'a
point été démontré d'une manière aussi complète, ni aussi saisissable
qu'il me semble utile de le faire maintenant.
Qu'il me soit permis, avant d'essayer de le faire, de dire un mot des
méthodes employées pour calculer la dispersion de la lumière, et de
son compagnon de voyage, le calorique, au travers des diverses
tranches de l'atmosphère. C'est un point sur lequel il est devenu utile
d'appeler l'attention des météorologistes.
Bouguer, dans son précieux Traité d'optique sur la gradation de la
lumière, a donné, au siècle dernier, la loi selon laquelle la lumière
des astres s'affaiblit en traversant, sous desj incidences diverses, les
différentes couches de l'atmosphère. Pouillet, dans ses belles recherches
de pyrhéliométrie, a démontré que cette même loi préside aussi à l'ab-
sorption du calorique allié à cette lumière. Et, dans ces derniers temps,
le savant directeur de l'Observatoire de Montsouris , M. Marié-Davy,
adoptant le mode de discussion employé par Pouillet, a calculé à son
tour, par la même méthode, les valeurs relatives de l'actinisme qu'il
mesure à chaque instant du jour en comparant les indications four-
nies par deux thermomètres à mercure, l'un à boule noircie, l'autre à
boule translucide, conjugués dans le vide (2).
Toutefois, avant d'aller plus loin, je dois faire observer que pour ses
calculs Bouguer a admis une atmosphère hypothétique, uniformément
dense, identique par sa composition et sa richesse en molécules nor-
males à celle que l'on peut étudier à la surface de la mer, et dont la
pression sur le baromètre fait équilibre à une colonne de mercure
ayant 76 centimètres de hauteur.
L'atmosphère hypothétique, selon le calcul de Bouguer, doit avoir une
épaisseur de 7,944 mètres. Mes calculs portent cette épaisseur à 8,018
mètres. Quoi qu'il en soit, c'est, je crois, cette atmosphère uniformé-
ment dense qu'il faut adopter pour servir de base à des calculs ayant
une valeur indiscutable. Pouillet et M. Marié-Davy, en faisant l'épais-
seur atmosphérique normale égale à 1/80 de l'étendue du rayon de la
(1) Le mémoire do MM. Bunsen et Rosc'de n'est bien connu en France que par l'analyse qui en
a été donnée par M. Radau dans le Moniteur scientifique du Dr Quesnevllle. C'est là seulement
que j'ai pu prendre connaissance des résultats auxquels sont arrivés ces deux savants. C'est là
aussi, et seulement là, que j'ai pu puiser mes éléments de comparaison.
(2) Ce mode d'observation, qu'il me soit permis de le dire en passant, a besoin d'être étudié;
car l'on est encore bien loin, en ce moment, d'être iixé sur la nature et la valeur des renseigne-
ments qu'il fournit. Il semble donner avec exactitude la valeur des radiations actiniques,
mais il ne saurait mettre en évidence le développement de l'intensité des radiations chimiques,
fort distinctes de celles-là, et qui, en venant agir sur le sol après avoir traversé l'atmosphère
sous des incidences solaires différentes, obéissent à des lois d'absorption fort différentes aussi de
celles qui président à la distribution du calorique et de la lumière, ainsi que. cela est démontré
dans ce mémoire.
E. MARCHAND. — ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DE LA LUMIÈRE 423
terre, attribuent à cette épaisseur une hauteur de 80,000 mètres (1).
Dans de pareilles conditions, il est évident que chaque rayon de lumière,
avant de venir frapper le sol, ou les instruments de mesure qui reposent
sur lui, traverse des couches dont les épaisseurs et les consistances
relatives sans cesse décroissantes de bas en haut, varient à chaque ins-
tant, et ne sauraient être exactement déterminées par le calcul dans
leurs valeurs réelles.
Cela ne présente pas d'inconvénients lorsque le foyer irradiant est
situé à plus de 25 ou 30 degrés au-dessus de l'horizon ; mais les écarts
donnés par le calcul prennent, entre les deux méthodes, une importance
véritablement considérable, lorsque la source de lumière se rapproche
de l'horizon. C'est ainsi que si l'on calcule les intensités calorifiques des
rayons lumineux lorsque le soleil est à 10 degrés d'élévation, l'on a
dans l'hypothèse de Bouguer avec l'épaisseur 8.018 mètres. 2°. 12
et dans celle de Pouillet avec l'épaisseur 80,000 mètres. . 2°. 53
et quand l'astre est élevé seulement de 3 degrés
Bouguer trouverait 0°.25
tandis que le calcul de Pouillet accuserait 1°.09
De même le calcul de l'actinisme, dans les mêmes circonstances,
donne pour le soleil à 10 degrés
hypothèse de Bouguer 0.31
— de M. Marié Davy 0.52
et pour le soleil à 3 degrés
hypothèse de Bouguer 0.045
— de M. Marié-Davy 0.293
Cela est dû à ce que les rapports des épaisseurs atmosphériques, consi-
dérés dans ceux qui les rattachent à l'épaisseur initiale, varient selon
une loi décroissante à mesure que le soleil s'élève au-dessus de l'hori-
zon; et ils varient d'une façon extrêmement considérable au moins pour
les premiers degrés du parcours de l'astre, ainsi que cela est indiqué
dans le tableau suivant:
|SH) Dans un mémoire récemment pubiié par la Société météorologique de France, sous ce titre:
Mesure de l'intensité calorifique des radiations solaires, et de leur absorption par l'atmosphère,
M. Crova a admis, sans en faire connaître la base, un mode de détermination de la relation des
épaisseurs atmosphériques, différent, à coup sûr, de celui admis par Bouguer ou par Pouillet. En
effet, pour des hauteurs semblables du soleil, le physicien de Montpellier donne des rapports
d'épaisseur qui s'écartent de ceux posés par ces savants. C'est ainsi que l'on a pour exprimer les
mêmes relations :
Bouguer. Pouillet. Crova.
Hauteur du soleil 24"»,7' Rapports des épaisseurs 2.44 2.38 2.76
— — 30.44 — — i. 95 1.93 2.«
— — 35.47 — — 1.71 1.69 1-80
— — 66.30 r? — 1.09 1-09 !•«>
424 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
Rapport des épaisseurs
à l'épaisseur normale dans
l'hypothèse de
Bouguer Pouillet, etc.
Épaisseur initiale 8,018 mètres. 80,000 mètres.
Soleil à l'horizon, rapports. . : 39.86 12.69
— lo 28.35 11.37
— 2° 20.84 10.20
_ 3° 16.03 9.18
— 4° 12.85 8.28
— 5° 10.66 7.51
— 6° 9.08 6.83
— 7° 7.89 6.25
— 8° 6.97 5.75
— 9° 6.24 5.31
— 10° 5.65 4.92
— 11° 5.16 4.59
— 12° 4.74 4.29
— 13° 4.39 4.02
— 14° 4.09 3.79
— 15° 3.83 3.58
_ 16° 3.60 3.39
_ 17° 3.40 3.22
— 18° 3.22 3.07
— 19° 3.05 2.93
— 20° 2.91 2.80
£n présence de ces chiffres, que je ne multiplie pas davantage ici,
parce qu'ils seront reproduits, avec toutes les séries dont ils font partie,
à la suite de ce mémoire, — en présence, dis-je, de ces chiffres, l'on
conçoit la variabilité des résultats auxquels conduit la formule de
Bouguer, la formule k = ap , et il devient indispensable, aujourd'hui
que les calculs de l'actinisme entrent pour une plus large part dans
les préoccupations des météorologistes, de déterminer avec exactitude
les conditions de consistance et d'étendue de l'atmosphère que l'on
doit adopter pour arriver à des résultats vraiment dignes de confiance,
c'est-à-dire concordant toujours avec les données fournies par l'observa-
tion directe.
Je ne puis cependant quitter ce sujet sans faire remarquer que le
soleil étant à l'horizon verserait dans le pyrhéliomètre, si l'hypothèse
de Bouguer est exacte, seulement 0Ml,00065, tandis que, d'après l'hypo-
E. MARCHAND. — ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DE LA LUMIÈRE 425
thèse de Pouillet, i! fournirait 0 Ml,1421. Dans le premier cas, le ther-
momètre s'élèverait de 0°0025, tandis que, dans le second, il s'allon-
gerait de 0°542. Ce dernier effet ne saurait se; produire, ni être observé
dans des conditions normales.
J'ai dit que la force chimique est absorbée par l'atmosphère avec
plus d'intensité que la lumière et le calorique contenus avec elle dans la
constitution normale de chaque rayon du soleil. J'ajouterai qu'elle
n'est point absorbée suivant la même loi, et que la formule de Bouguer
ne saurait être employée pour le calcul de son absorption. La preuve
s'en trouve sur le second de nos diagrammes (fig. 45).
J'y indique :
1° Par la courbe supérieure, la distribution centésimale de la lumière,
du calorique et de l'actinisme selon les hauteurs du soleil dans l'hypo-
thèse de Bouguer. L'intensité maximum 100 (basée sur l'absorption par
la tranche atmosphérique normale de 18 centièmes des forces initiales),
s'accuse en une minute à midi sur l'équateur, au niveau de la mer,
dans un très-beau jour d'équinoxe;
2° La seconde courbe représente le développement de l'actinisme dans
l'hypothèse de M. Marié-Davy, en admettant avec cet habile observateur
que l'absorption par l'atmosphère normale dans la direction zénithale est
égale seulement aux 13 centièmes de la force éclairante
Cette courbe se bifurque et s'infléchit dans deux directions différentes
à mesure que le soleil se rapproche de l'horizon, à partir du 35e degré
d'élévation. La courbe noire est celle qui résulte les calculs opérés
comme le voulait Bouguer, avec l'atmosphère uniformément dense. La
bifurcation pointillée est celle qui se déduit en attribuant à l'atmosphère
l'épaisseur de 80,000 mètres.
3° La courbe placée au-dessous des deux précédentes représente l'in-
tensité de la lumière et celle du calorique qui, dans l'hypothèse de
Pouillet, doivent s'absorber de la même façon. Cette courbe est calculée
à l'aide des éléments fournis par l'atmosphère uniformément dense,
épaisse de 8,018 mètres dans sa tranche zénithale, et en admettant
avec Bouguer que l'absorption normale opérée par cette couche de
matière gazeuse est égale aux 18 centièmes de la force initiale, consi-
dérée au moment de son entrée dans l'atmosphère.
4° La quatrième courbe représente en degrés du thermomètre centi-
grade la valeur des radiations calorifiques, telles qu elles se déduisent
des observations de Pouillet. Elle occupe le milieu du tableau. Ici, comme
pour la courbe n° 2, l'on remarquera que le tracé, en descendant vers
les points où le soleil se lève ou se couche, se bifurque encore. Le tracé
noir est celui qui indique les résultats du calcul opéré dans l'hypothèse
de Bouguer. Le tracé pointillé est indiqué lorsque l'on admet avec Pouillet
4m
MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
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Intensité des effets produits .
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Epaisseurs xunospuécupie^
E. MARCHAND. — ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DE LA LUMIÈRE 427
l'épaisseur normale de 80,000 mètres. Dans les deux cas, le calcul a été fait
en admettant, avec l'inventeur du pyrhéliomètre, dans la formule de Bou-
guer ainsi exprimée :
t = A/ , A = 6o.72. et p = 0.76.
5° Les deux courbes jointes par leurs extrémités, qui viennent ensuite,
et dont la direction est si différente des précédentes, représentent le
diagramme de la force chimique dans un antitupimètre dont la surface
active est toujours maintenue parallèle au soleil, et dans un autre
instrument dont la surface active aussi est toujours maintenue dans
une situation horizontale.
6° Enfin, au bas et sur le côté gauche du diagramme, j'ai tracé
les courbes qui représentent, pour chaque degré d'élévation du soleil, la
valeur relative des épaisseurs atmosphériques , ou, ce qui revient au
même, le nombre des molécules normales dont chaque rayon actif a à
vaincre la résistance pour arriver jusqu'au sol, selon que l'on admet
l'hypothèse de Bouguer (ligne noire continue), ou l'hypothèse de Pouillet
et de M. Marié-Davy (ligne noire se prolongeant à partir du 35° degré
selon le tracé pointillé). Pour rendre les épaisseurs plus appréciables,
elles ont été recouvertes par des hachures.
Je n'ai pas besoin de m'appesantir sur l'importance des résultats mis
en évidence par ce tableau. Us font bien voir les différences énormes
qui existent dans l'action absorbante, exercée par l'atmosphère sur les
forces alliées dans chaque rayon de lumière solaire qui la traverse.
Tandis que la lumière elle-même, l'actinisme et le calorique, acquièrent
rapidement après le lever du soleil, une intensité considérable en ve-
nant frapper le sol, et que vers le 35e degré d'élévation de l'astre, cette
intensité est égale déjà aux neuf dixièmes de ce qu'elle peut être quand
les rayons actifs tombent perpendiculairement sur le lieu éclairé, on
voit que la force chimique, la photantitupie, comme je l'ai appelée,
ou plus simplement l'antitupie, prend lentement son intensité selon des
courbes dont le développement s'accélère sans cesse jusqu'à ce que
le soleil ait atteint son maximum de hauteur.
En prolongeant idéalement ces courbes jusqu'aux théoriques limites
supérieures de l'atmosphère, conformément aux lois de leur déve-
loppement, j'ai trouvé, depuis la publication de mon mémoire, que la
force chimique de la lumière du soleil, dont le maximum d'intensité
sur un centimètre carré de surface au niveau de la mer doit s'accu-
ser dans mon antitupimètre, en une minute, à midi, à l'équateur,
dans les très-beaux jours d'équinoxe par la production de 0C,C,,1418 de
gaz carbonique, en produirait 0C,C', 55300 sur le même point et pen-
dant le même temps si l'atmosphère n'existait pas.
428 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLODE
Il résulte donc de ceci que la tranche zénithale de la masse gazeuse
qui enveloppe la terre, prise dans sa richesse normale en vapeur d'eau,
absorbe, à elle seule, les 744 millièmes de la force de réaction rayonnée
vers nous par le soleil quand elle est éclairée verticalement. On
sait par les travaux de Bouguer, de Pouillet de M. Marié-Davy, etc.,
que la tranche d'air d'épaisseur normale n'absorbe, dans les mêmes
conditions, que les 10 à 2o centièmes de la lumière et du calorique
dont elle subit l'action, pendant tout le temps où l'antitupie solaire
réagit aussi sur elle. Comme on le voit, la différence est grande.
A mesure que l'épaisseur de la tranche atmosphérique augmente, la
puissance relative d'absorption de l'antitupie disponible diminue, ainsi
que cela est indiqué au tableau suivant, dans lequel l'intensité de la
force mesurée est exprimée en centimètres cubes de gaz acide carbo-
nique produit par minute dans l'antitupimètre pour chaque centimètre
carré de surface impressionnée. Les calculs ont été opérés pour le cas
d'une atmosphère uniformément dense ayant 8,018 mètres d'épaisseur.
VALEUR
RAPPORTS CENTÉSIMAUX
HAUTEUR
ÉPAISSEUR
de kifurce quand
ANT1TUPIE
de la
du
Soleil.
de
l'atmosphère
elle
pénètre dans la
couche
d'air indiquée.
absorbée par la
précédente
couche d'air.
FORCE LIVRÉE
Utilisable.
A LA FORCB.
Absorbée.
3)
0
0e-c-55300
0C,£- » »
0 » y
0 » »
90° »
1
0 14148
0 41152
0.2558
0.7442
29.52
2
0 04337
0 09811
0 4478
0.5522
19.27
3
0 02773
0 01564
0.6394
0.3006
14.20
4
0 02035
0 00738
0.7339
0.2661
11.15
5
0 01608
0 00427
0.7902
0.2098
9.23
6
0 01325
0 00283
0.8240
0.1760
7.58
7
0 01122
0 00203
0.8468
0.1532
6.54
8
0 00970
0 00152
0.8645
0.1355
G. 3
9
0 00849
0 00121
0.8752
0.1248
5.25
10
0 00753
0 0009G
0.S869
0.1131
Maintenant il résulte des expériences de MM. Bunsen et Boscoë que,
dans les beaux jours d'équinoxe, à midi, et en une minute, les rayons
solaires seuls traversant une atmosphère suffisamment étendue de leur
réactif, par une ouverture ayant un centimètre carré de surface, pro-
voqueraient la formation de
39 centimètres cubes de gaz acide chlorhydrique sur le 75e parallèle
33G — — — — 60e —
E. MARCHAND. ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DE LA LUMIÈRE 429
656 centimètres cubes de gaz acide chlorhydriquesurle49e parallèle
H69 — — — — 30B —
1983 — — — — sur l'équateur
3530 — — — — sur l'équateur si
l'atmosphère terrestre n'existait pas.
On doit donc tirer de ces résultats la conclusion que l'atmosphère
normale, considérée dans sa tranche verticale dans les lieux où elle est
éclairée perpendiculairement par le soleil, absorbe seulement les 44
centièmes de la force de réaction contenue dans les rayons actifs agis-
sant sur un 'mélange de volumes égaux de chlore et d'hydrogène, au
moment où ces rayons rencontrent les molécules les plus subtiles du
globe sur lequel nous les observons. Toutefois je dois dire que M. Bun-
sen a renversé les termes de la proportion et que l'absorption est égale,
selon lui, aux 56 centièmes de la force antitupique contenue dans la
lumière normale.
Gomme on le voit, l'un et l'autre de ces chiffres d'absorption est bien
éloigné de celui que je suis amené a poser moi-même! L'écart est-il
dû à la différence des réactifs employés ? Cela est possible, mais je ne
le pense pas, car, si les courbes du déploiement de la force ne se
développent pas sur les mêmes points du spectre, elles se développent
parallèlement en offrant une même étendue aux manifestations mesu-
rables de l'énergie mise en jeu.
Quoi qu'il en soit, et malgré ces divergences, il me semble qu'en
persistant à admettre le chiffre 0,74 pour indiquer la puissance d'ab-
sorption exercée par l'atmosphère, dans le cas où l'on se sert du réactif
dont j'ai fait usage, je n'exagère rien. En effet, l'antitupie transportée
par la lumière du soleil se dépose sur les nuages blancs qu'elle rencon-
tre avant d'arriver jusqu'à nous. Elle s'accumule sur eux, et ils nous
la renvoient en augmentant, souvent d'une façon bien appréciable,
l'intensité des effets concomitants de l'acte d'illumination. D'ailleurs, il
s'accomplit sans cesse, au sein de la masse aérienne, une multitude de
réactions dont nous ne connaissons sans doute aujourd'hui qu'un petit
nombre, telles que la formation de l'ozone, la production des nitrites,
la combustion des matières organiques, etc., tous phénomènes dans le
développement desquels la photantitupie intervient d'une façon incon-
testable, et dans les conditions les plus énergiques.
On trouvera dans les tableaux suivants tous les renseignements justi-
ficatifs des propositions formulées dans ce mémoire, et les éléments qui
ont servi à tracer les courbes figurées sur le second diagramme.
430 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
ÉPAISSEURS ATMOSPHÉRIQUES TRAVERSÉES PAR LE RAYON DE LUMIÈRE.
HAUTEUR
ÉPA1SSEUK
L'UNITÉ
L'UNITÉ
HAUTEUR
ÉPAISSEUR
L'UNITÉ
L'UNITÉ
du
en
d'épaisseur
est
d'épaisseur
est
du
en
d'épaisseur
d'épaisseur
soleil
mètres
dc8.018m
de80.000m
soleil
mètres
= 8.018m
= 80.000m
E.
E.
0
319.604
39-86
12.69
E.
E.
1
227. 2S9
28-35
11.37
46
11.140
1.39
1.38
2
167.060
20.84
10.20
47
10.956
1.37
1.36
3
128.514
16.03
9.18
48
10.782
1.34
1.34
4
103.066
12.85
8-28
49
10.619
1.32
1.32
5
85.464
10.66
7.51
50
10.463
1.30
1.30
6
72.775
9.08
6.83
51
10.313
1 29
1.28
7
63-237
7. 89
6.25
52
10.171
1.27
1.26
8
55.893
6.97
5.75
53
10.036
1.25
1.25
9
50.032
6.24
5.31
54
9.907
1.24
1.23
10
45.2S3
5.65
4.92
55
9.784
1.22
1.22
h
41.337
5.16
4.59
56
9.667
1.21
1.20
12
38.040
4.74
4.29
57
9 . 557
1.19
1.19
13
35.238
4.39
4-02
58
9.452
1.18
1.18
14
32-806
4.09
3.79
59
9-353
1.17
1.17
15
30.715
3.83
3.58
60
9- 257
1.15
1.15
16
28.871
3.60
3-39
61
9.166
1.14
1-14
17
27.243
3.40
3.22
62
9.078
1.13
1.13
18
25.801
3.22
3.07
63
8-995
1.12
1.12
19
24.492
3.06
2.93
64
8.919
1.11
1.11
20
23.334
2.91
2.80
65
8.845
1.10
1.10
21
22.278
2.78
2.68
66
8.776
1.09
1.09
22
21.323
2.66
2.58
67
8.710
1.095
1.08
23
20.450
2.55
2.48
68
8-647
1.08
1.08
24
19.655
2.45
2. 39
69
8-587
1.07
1.07
25
18.915
2.36
2.30
70
8.530
1.00
1.06
26
18.241
2.28
2.23
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8.479
1.06
1.06
27
17.620
2.20
2.15
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8.430
1.05
»
28
17.045
2.13
2.09
73
8.3s4
1.05
1.05
29
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2.06
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1.04
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30
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2.00
1.96
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1.04
1.04
31
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1.94
1.91
76
8.262
1.03
»
32
15.105
1.88
1.86
77
8.229
1 03
1.03
33
14.708
1.83
1.81
78
8.197
1.02
»
34
14.318
1.79
1.77
79
8.169
1.02
»
35
13.963
1.74
1.72
80
8.142
1.015
5)
1.02
36
13.616
1.70
1.68
81
8.119
1.013
37
13.308
1.66
1.65
82
8.096
1.010
»
38
13.003
1.62
1.61
83
8.077
1.007
»
39
12.729
1.59
1.58
84
8.061
1.005
»
40
12.462
1.55
1.54
85
8.048
1.004
s
41
12.211
1.52
1.51
86
8.038
1.0025
a
42
11. 973
1.49
*.49
87
8.030
1.0015
»
43
11.747
1.47
1.46
88
8.025
1.0009
s
44
11.535
1.44
1.43
89
8.021
1.0004
s
45
11.333
1.41
1.41
90
8.018
1.0000
1.00
E. MARCHAND. ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DE LA LUMIÈRE 431
DISTRIBUTION DE LA LUMIÈRE SELON BOUGUER ET DE L'ACTIMSME
SELON M. MARIÉ-DAVY.
HiCTBDR
BOUGUER
MARIÉ-DAVY H1WMR
BOUGUER
MARIÉ-DAVY
du
Épaisseur
Épaisseur
Épaisseur I
Épaisseur
du
Épaisseur
Épaisseur
Épaisseur
Épaisseur
soleil a
Imospheriq . 3
tniosphenq . a
Imospheriq . a
Imospheriq.
soleil Jloospheriq. almosphériq. alœosphériq .
Imospheriq.
= 7.623m ;
= 8.018m =
-8.018m -
=80.000ra
= 7.623m =
- 8.018m =
= 8.018"'
— 80.000m
0
0
6
3
49
1.837
46
a
7.506
8.307
8.317
1
47
29
180
2.191
47
s
7.542
8.332
8.339
2
192
136
619
2.561
48
s
7-576
8-356
8.362
3
454
366
1.176
2.935
49
»
7.608
8.379
8.384
4
802
704
1.797
3-309
50
7.624
7.638
8-401
8.407
5
1.201
1.107
2.409
3.668
51
9
7.668
8-422
8.429
6
1.616
1.535
2.975
3.926
52
s
7-696
8.442
8.451
7
2.031
1.963
3.490
4.242
53
a
7.723
8.461
8-463
8
2.423
2.371
3.942
4.640
54
9
7.748
8.479
8.485
9
2.797
2.757
4.346
4-921
55
7.759
7.773
3.497
8.497
10
3-149
3.116
4.704
5.184
56
D
7.796
8-513
8.519
11
3.472
3.449
5.024
5.418
57
9
7.819
8.529
8.531
12
3.773
3.755
5.307
5.640
58
»
7.840
8.543
8.550
13
4.050
4.036
5.561
5.846
59
S
7.860
8.558
8.560
14
4.301
4.297
5.791
6.029
60
7.866
7.879
8.571
8.577
15
4-525
4-534
5.995
6.200
61
a
7.898
8.584
8.587
16
4.763
4.755
6.183
6.359
62
»
7.915
8.597
8.599
17
4.964
4.958
6.353
6.505
63
a
7.932
8-609
8.611
18
5.143
5.146
6.507
6.637
64
a
7.948
8.620
8.622
19
5.316
5.322
6-650
6.762
65
7.951
7.963
8.630
8.634
20
5.474
5.484
6.780
6.881
66
9
7.978
8.640
8.643
21
s
5.635
6.900
6.992
67
a
7.991
8.650
8.645
22
a
5.775
7. OU
7.0S0
68
a
8.004
8-659
8.657
23
9
5.906
7.114
7.181
69
a
8.016
8-667
8.668
24
i>
6.028
7.209
7.268
70
8-016
8.028
8.676
8.680
25
6-136
6.144
7.298
7.355
71
9
8.038
' "T. 683
1 26
a
6.252
7.380
7.425
72
m
8.049
8.690
1 21
a
6.354
7.457
7.511
73
»
8.058
8.697
28
a
6-447
7.529
7.565
74
»
8.067
8.703
29
»
6.538
7.597
7.636
75
a
8.076
8.709
30
6.613
6-622
7.660
7.697
76
9
8.084
8.714
31
a
6-702
7.720
7.749
77
»
8.091
8-719
32
»
6.778
7.776
7.801
78
a
8.097
8.724
33
»
6.848
7.828
7.842
79
9
8.103
8-728
34
a
6.916
7.878
7.895
80
8.098
8.109
8.732
35
6.953
6.980
7.925
7.948
81
»
8.113
8.735
36
a
7.039
7.969
7.990
82
»
8.118
8.739
37
»
7.099
8.012
8-623
83
»
8.122
8.741
38
a
7.153
8.052
8.066
84
»
8.126
8-744
39
»
7.205
8.090
8.098
85
»
8.128
8.746
40
7.237
7.255
8.126
8.142
86
»
8.130
8.747
41
a
7.302
8.160
8.174
87
»
8.132
8.748
42
9
7.347
8.192
8.196
88
9
8.133
8.749
43
9
7.390
8.223
8.229
89
»
8.134
8.749-5
1 44
a
7.430
8.352
8.262
90
8-123
8.135
8.750
1 45
7.454
7.469
8.280
8.284
Hors
l'atmos
10.000
10000
10.000
432 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
DISTRIBUTION THÉORIQUE DU CALORIQUE, CALCULÉE D'APRÈS POUILLET (p = 0.82).
HAUTEUR
du
soleil
ÉPAISSEUR ATSIOSFIIÉRIQIB DBHSK
= 8.018»
Valeurs
en fractions
de l'unité
ÉPAISSEUR ATMOSPHÉRIQUE KOHMAI.B
= 80.000™
.Marche
du
thermomètre
Calories
actives
Marche
(lu
thermomètre
Calories
actives
Valeurs
en fractions
de l'unité
Cal.
Cal.
Cil.
Cal.
0
0.0025
0.00065
0.0004
0.342
0.1421
0-0806
1
0.0240
0.00640
0.0036
0.704
0.1847
0.1049
2
0.1073
0.02S2
0.0100
0.888
0.2329
0.1321
3
0.255
O.OGGS
0.0379
1.087
0.2832
0.1617
/,
0.524
0.1375
00780
1.300
O.34I0
0.1934
5
0.810
02126
0-1200
1.514
0.3972
0.2253
6
1.109
0.2911
0.1651
1.733
0.4516
0.2378
7
1.405
0.3686
0.2091
1.944
0.5101
0 • 2893
8
1.685
0.4421
0-2507
2.082
0.5462
0.3098
9
1.948
0.5111
0.2889
2.272
0.5960
0.3380
10
2.124
0.5574
0.3161
2.531
0.6642
0.3707
11
2.41G
0.6339
0-3595
2.703
0.7091
0.4022
12
2.621
0.6878
0.3900
2.868
0.7520
0.4268
13
2.810
07373
0.4181
3.026
0.7941
0.4304
14
2.984
0.7829
0.4440
3.168
0.8312
0.4714
15
3.142
0.8245
0.4076
3.302
0.8065
0.49I4
1G
3.289
0.8630
0.4894
3. 429
0.8998
0.5103
17
3.424
0.8985
0.5095
3.547
0.9307
0.5278
18
3.548
0.9311
0.5280
3-654
0.9388
0.5438
19
3.665
0.9616
0.5514
3.757 0.9858
0.5591
20
3.772
0.9897
0.5013
3.855 1.0116
0.5737
21
3.872
1.0159
0.5761
3.948
1.0360
0.5875
22
3.964
1.0402
0.5899
4.027
1.0568
0.5993
23
4.051
1.0630
0.6028
4.108
1.0779
0.6113
2'.
4.132
1.0841
0.6148
4.182
1.0974
06223
25
4.208
1.1041
0.0262
4.258
1.1172
0.6335
20
4.278
1.1228
0.0367
4-317
1.1328
0-0424
27
4.345
1.1401
0.0406
4.380
1.1319
0.6327
28
4.407
1.1564
0.6558
4.438
1 .1648
0.6005
29
4.467
1.1721
0.6W7
4.501
1.1809
0.6697
30
4.522
1.1863
0.0729
4.553
1.1961
0-6777
31
4.574
1.2003
0.6806
4.600
1.2070
0.6845
32
4 . 624
1.2133
0.0881
4.646
1.2191
0.6914
33
4.670
1.2254
0.6930
4 . 692
1.2312
0.6982
34
4.713
•1.2371
0.7016
4.730
1.2410
0.7038
I 3i
4.757
1 .2481
0.7070
4-777
1.2534
0.7108
3G
4.797
1 .2589
0.7139
4.815
1.2634
0.7165
37
4.823
1.2656
0.7194
4.844
1.2709
0.7208
38
4.870
1 .2778
0.72 '.7
.'..SS2
1.2811
0-7265
39
4.90'i
1.2S68
07298
4.911
1.2887
0.7309
40
4.936
1.2953
O-73'.O
4.950
1.2990
0.7366
41
4.967
1.3035
0.7392
4.980
1.3063
0.7411
\1
4.997
1.3111
0.7436
5.000
1.3119
0.7440
43
5.025
1.3184
0.7477
5.030
1.3198
0.7485
44
5.051
1.3254
o . 7 :; t G
5.0G0
1.3278
0.7529
45
5.076
1.3320
0 7534
5.080
1.3329
0.7559
E. MARCHAND. — ABSORPTION ATMOSPHÉRIQUE DE LA LUMIÈRE
433
DISTRIBUTION THÉORIQUE DU CALORIQUE, CALCULÉE D'APRÈS POUILLET
(/> = 0.82) (Suite).
BAUIEUR
du
soleil
11Q01 DBRSB
! ■
\ aleurs
en fractions
de l'unité
i: iTUOSPHÉRlQUE MHilllLt
=z 80.000™
Marche
du
thermomètre
actives
Marche
du
thermomètre
Calories
actives
Valeurs
en fractions
de l'unité
40
a. 101
Cal.
1.3385
Cal.
5.110
Cal.
1.3409
Cal.
0.7604
.'.7
5.124
1.3*45
0.7623
... i 10
1.3462
8.7635
48
5.146
0.765S
5.151
1.3516
0.7665
49
:,. 167
1.355
0.7089
5.172
1.3570
0.7695
50
5.187
1.3610
0.7718
5.192
1.3624
0.7726
51
5.206
1 .3661
0.7747
5.212
t .3678
0 77:.T
52
5.224
1.3709
0.7775
5.333
1.3723
0.7788
53
5 .242
0 7
3 .244
I I759
0 7803
5 'i
5.259
1 .3799
. 825
5.271
1.3814
0.7834
55
5.275
I .3842
0.785 i
Si)
I .3842
0.7850
56
5.290
i .3881
0.7872
3.293
1.3389
0.7880
57
5.303
i 1916
0.7892
3.307
1.3921
0.7897
58
5.318
I .3955
0.7914
5.328
l 1 52
0.7912
59
5.331
1.3989
5.337
1.3978
0.7927
60
5.344
1.4023
0.7933
5.349
1.4033
0.7959
61
5.336
1 .4084
0.7970
5.3G0
1 .4003
0.7975
1,2
5.368
1.4085
0.7988
5.370
1 . ', I 0 I
0.7991
63
5.379
1 . '. 1 1 3
0.8000
5.381
1 . 41 1 9
0.8007
64
5.3S9
1.4140
0.8019
5.391
1 .4147
0.8023
Gr,
5.399
1 .41 07
0.8034
5. 102
1 . ',173
0.8039
66
5.408
1.4190
0.8048
5.410
1 . 1203
0.8053
(37
3.417
I. 1214
0.8061
-, . ; 1 8
1.4213
0.8059
68
'.', . 125
1.4236
0.8073
3.423
1 .4235
0.8071
69
5.433
1 .4237
0.8083
5.434
1.4230
0.8087
70
71
72
71
5 • 4 '< 1
5.448
5.4K0
1.4277
1.4295
1 .4313
1.4327
0.8097
0.8107
0 . ;s M 7
0.8125
5.443
1.4278
0.8098
Kés
à ceux
ultats compare
de la série pr
blés
scédente.
7-'.
3 167
! . 1344
0.8135
75
5.475
1.4367
0.8143
70
5.477
1.4372
0.8151
77
3.482
0.8157
78
5.486
1.4396
0.8164
79
5.490
1.4406
0.8109
80
5.494
1.4415
0.8175
81
5.497
1.4423
0.8179
82
5.500
1.4432
0 . 81 84
83
5.503
1.4438
0.8188
84
5.505
1 . 4 1 S S
6.8191
83
5.50G
1.4449
0.8194
se
5.308
1.4452
0.8196
87
5.509
1.4455
0.8198
88
5.509
1.4457
0.8199
89
5.510
1.4459
0.8199
90
Hors l'almos
5.510
0.72
1.4460
1.7630
0.8200
1.0000
6.72
1.703
1.0000
28
434
MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
DISTRIBUTION THÉORIQUE DE LA LUMIÈRE, DE L'ACTINISME, DU CALORIQUE ET DE LA
FORCE CHIMIQUE AU TRAVERS DE L'ATMOSPHÈRE CONSIDÉRÉE COMME UNIFORMÉMENT DENSE.
BAUTEtR
du
ÉPAISSEUR
de
Il BIÈRE
actinisme
FORCE CHIMIQUE
DANS L'APPAREIL
HAUTEUR
du
EPAISSEUR
de
IUUIÈKE
actinisme
FORCE CHIMIQUE
DANS L'APPAREIL
soleil
l'atmosphère
dense
calorique
hori-
zontal
parallèle
au soleil
soleil
l'atmosphère
dense
calorique
hori-
zontal
p.il.illrle
au soleil
Horizon.
39.86
56
»
y>
1°
28.35
206
65
99
46
1.39
9.493
4.007
4.825
2
20.84
707
131
198
47
1.37
9-522
4.180
4.937
3
16.03
1 . 344
200
297
48
1.34
9.550
4.294
5.048
4
12. So-
2.054
201
396
49
1.32
'.i 576
4 . 409
5.160
5
IO. 66
2.753
336
496
50
1.30
9.601
4.524
5.273
G
9.08
3.400
407
595
51
1.29
9.023
4. 6 VI
5 385
7
7.S9
3.987
479
090
52
1.27
9.648
4-759
5.498
8
0.97
4.505
551
790
53
1.25
9.670
4.878
5.611
9
G.24
1.967
624
897
54
1.24
5.011
5.725
10
5.65
5.376
699
998
55
1.22
9.71(1
5.119
5.839
11
5. 16
5.741
774
1 099
50
1.21
9.729
5.240
5.953
12
4.74
6.065
850
1.201
57
1.19
9.747
5.363
6.007
13
4.39
6.355
928
1.203
58
1 .1S
9.704
5.487
6.182
14
4.09
6.618
1.007
«.405
59
1.17
9.780
5.611
6.297
15
3.83
6.853
1.087
1.507
60
1.15
9.7'.i6
5.737
6.412
10
3.60
7.006
1.108
1.011
01
1.14
9 .81 1
5.865
6.529
17
3.40
7.260
1.250
1.714
62
1.13
'.i 825
5.993
6.043
18
3. 22
7.437
1.332
1.817
63
1.12
9.838
G. 123
6.760
19
3.00
7.000
1.416
1.920
64
1.11
9 .£51
0.253
6.876
20
2-91
7.749
1.501
2.024
65
1.10
9.863
6.384
6.992
21
2.78
7.866
1.587
2.128
00
1.09
9.874
6.516
7.111
22
2.66
8.011
1.673
2 23 :
07
1.08
9.885
6.650
7 227
23
2.55
8.130
1.761
2.338
68
1.085
9.896
6.784
7.344
24
2.45
8.238
1.850
2. \i:\
69
1.07
9.906
6-919
7.462
25
2.30
8.340
1.940
2.548
70
1.06
9.915
7.035
7.580
26
2.28
8.435
2.031
2.654
71
1.00
9. 92 3 -3
7.192
7.698
27
2.20
8.522
2.123
2.759
72
1.05
9.932
7.331
7.817
28
213
8.604
2.21 5
73
1.03
9.939
7.470
7.936
29
2.00
8.083
2.310
2.972
74
1.04
9.946
7. OH
8.055
30
2.00
8.754
2.406
3.079
75
I . 0 ',
9.95!
7.773
8.174
31
1 .94
8.823
2.501
3.186
76
1.03
9.959
7.S93
8.294
32
1 .88
8.887
2.599
3.293
77
1 .03
9.905
8.038
8.414
33
1 83
8.94G
2.097
3.401
78
1.02
9.970
8.183
8.534
34
1.79
9.004
2.796
3.509
79
1.02
9.975
8.32S
8.655
3a
I .74
9.057
2.877
3.617
80
1.015
9.980
8.473
8.776
36
1.70
9. 107
2.998
3.725
81
1 .013
9.983
8.623
8.899
37
1.06
9.157
3.100
3.834
82
1.010
9.987
8.772
9.018
38
I .62
9.202
3.204
3.943
83
1.007
9.990
8.922
9.140
39
1.59
9.245
3.307
4 . 052
s'.
1.005
9.992-5
9.072
9.214
40
1 . 55
9.287
3.414
4 . 1 02
s 5
1.004
9.221
9.3S5
.'il
1.52
9.326
3.520
'..271
86
1.0025
9 . 997
9.377
9.507
A 2
1 .49
9.363
3.627
4.382
87
1.0015
9.998
9.531
9.630
43
1.47
9.398
3.736
4.492
88
1.0009
9.999
9.685
9.733
4',
1 .4'.
9 131
3.845
4.603
89
1.0004
9.999-5
9.841
9.876
45
1.41
9.403
3.936
4.714
90
1.0000
10.000*
10 000
10.000
ALLUARD. — VARIATIONS DE LA PRESSION ATMOSPHÉRIQUE 435
M. ALLÏÏAO
Doyen de la Faculté des sciences de Clermont, Directeur cle L'Observatoire météorologique
.lu Puy-de-Dôme.
DES VARIATIONS DE LA PRESSION ATMOSPHERIQUE A DIFFERENTES ALTITUDES,
CONSTATÉES A L'OBSERVATOIRE DU PUY-DE-DOME,
PENDANT LES BOURRASQUES DE L'HIVER 1877.
— Séance du 27 août 1877. —
Les deux stations météorologiques de l'observatoire du Puy-de-Dôme,
celle de la Plaine établie à Clermont et celle de la Montagne placée à
la cime du Puy-de-Dôme, sont munies l'une et l'autre d'un baromètre
à mercure enregistreur, construit par M. Redier. A côté de chacun
d'eux, afin de les contrôler, se trouvent deux, baromètres de précision ,
l'un du système Fortin , et l'autre du système adopté par la Société
météorologique de France. On peut donc avoir confiance dans les
résultats curieux que je vais avoir l'honneur de communiquer à la
section.
Pour mieux comparer les observations faites simultanément dans les
deux stations, les courbes des pressions barométriques sont reportées sur
une même feuille de papier quadrillé. Ordinairement, elles sont sensi-
blement parallèles, ce qui indique que la différence des pressions est à
peu près constante, résultat auquel il était naturel de s'attendre, mais ,
ce qui dépasse toute prévision, c'est que, pendant les bourrasques qui
ont sévi en Auvergne dans le cours de l'hiver 1877, fréquemment, au
moment où la pression restait stationnaire ou descendait à Clermont,
au sommet du Puy-de-Dôme, elle montait ou inversement.
Ainsi, le 3 janvier, entre 6 heures du soir et minuit, à Clermont, le
baromètre se maintient à 719",m,5; au Puy-de-Dôme, il descend de
633mm,5 à 630mm,5, c'est-à-dire de 3 millimètres. Le 6 du même mois,
entre 9 heures du matin et 1 heure 30 minutes du soir, le baromètre
tombe, à Clermont, de 4mra,9, de 72om,n,5 à 720mm,6, et il monte, au
Puy-de-Dôme, de lram,7, de 636 à 637mm,7 ; puis, le même jour, pen-
dant qu'il reste à peu près stationnaire, à 710 millimètres entre 6 heures
du soir et minuit à Clermont, il descend, au Puy-de-Dôme, de 634 mil-
limètres à 628mm,5, c'est-à-dire de 5ram,5.
Nous n'indiquons ici que les principales discordances ; les tracés gra-
phiques que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux des membres de la
section , et dont l'un d'eux est reproduit ci-contre (fig. 46), peuvent
seuls donner une idée exacte de ces variations de pression qui s'exer-
cent en sens contraire.
436 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
Ce phénomène nous a paru si différent de ce que l'on admet ordi-
nairement, que, avant de le publier, nous avons cru devoir le vérifier.
Sa confirmation n'a pas tardé à se produire.
s M ans
fîrivépa 3. Jusun Stnrck.Pam
Fig. 46.
Dans la bourrasque du 28 au 31 janvier, entre [4 et 8 heures du
soir le 30, le baromètre baisse de 3 millimètres, de 726 à 723 à Cler-
mont, tandis que, au Puy-de-Dôme, il oscille autour de 634 avec un
écart de 0mm,5 ; ensuite il reprend sa marche ascendante une heure plus
tôt qu'à Clermont.
Les bourrasques du 18 au 22 lévrier et du 7 au 9 mars ont donné
des résultats semblables.
On peut donc admettre que, quand l'atmosphère est violemment agi-
tée, à de petites distances horizontales et verticales, comme celles qui
séparent Glermont et le sommet du Puy-de-Dôme, la pression reste sta-
tionnais ou augmente en un point, pendant qu'elle diminue en un
autre, ou vice versa.
Comment expliquer ces discordances si singulières? Faut-il supposer
que, quand un cyclone traverse notre pays, d'autres petits cyclones,
placés à l'intérieur du premier, restent à diverses hauteurs, sans attein-
dre le sol ? ou bien est-ce un phénomène local, tenant au relief de la
chaîne des Dômes et aux positions relatives des deux stations de l'ob-
servatoire du Puy-de-Dôme? Bien des éléments nous manquent pour
discuter sérieusement ce phénomène : il nous semble prudent d'ajourner
toute hypothèse.
Par suite des difficultés provenant de la violence des vents à la cime
DE NANSOUTY. — L'OBSERVATOIRE DU PIC-DU-MIDI 437
du Puy-de-Dôme, l'anémomètre enregistreur, qui doit y être installé,
n'est pas encore posé. Il le sera prochainement. Comme un semblable
appareil est déjà établi à la station de la plaine, les observations qui
seront faites simultanément sur la direction et la vitesse du vent en
haut el en bas, au moment de ces variations si curieuses dépression,
apporteront, à n'en pas douter, des renseignements qui éclaireront cette
question encore obscure aujourd'hui.
Quelle qu'en soit la solution, le phénomène intéressant que nous signa-
lons aux météorologistes met en évidence la nécessité d'étudier l'atmo-
sphère couche par couche. C'est l'un des buts que nous nous sommes
proposé d'atteindre, en fondant l'observatoire météorologique du Puy-
de-Dôme .
DISCUSSION.
M. Tarry trouva dans ces résultais une preuve de l'incertitude de la cor-
rection que l'on fait subir aux observations barométriques pour les ramener
au niveau de la mer.
M. Marié-Davy fait observer que ces écarts peuvent se retrouver à des dif-
férences de niveau beaucoup plus faibles. M. Montigny a observé des diver-
gences notables dans la marche de deux baromètres situés à une distance
verticale de 50 mètres seulement.
M. le Général de IAIS0UTY
Directeur tic l'Observatoire du Pic-du-Midi.
L'OBSERVATOIRE DU PIC-DU-MIDI.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du %7 août 11
M. le général de Nansouty expose la situation actuelle de l'observatoire du
Pic-du-Midi, ses besoins et la nécessité d'établir une ligne télégraphique
entre l'observatoire et Bagnères-de-Bigorre. Sur sa demande, la section émet
un vœu dont on trouvera plus loin le texte.
438 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
M. D. RAGONA
Directeur de l'Observai mi" de Uodène.
VARIATIONS EFFECTIVES DE LA TEMPERATURE.
— Si'iniri' il u 29 août IS~7. —
Le professeur Ragona présente un travail inédit sur les variations effectives
Je la température. De même que le jour civil s'étend d'un minuit à l'autre
et le jour astronomique d'un midi à l'autre, l'auteur pense qu'il conviendrait
d'introduire dans la science le jour météorologique, qui serait compris entre
deux levers consécutifs du soleil. Le jour météorologique commencerait et
Unirait avec un minimum de température : il est connu, en effet, que l'ins-
tant du minimum coïncide généralement avec le lever du soleil. U résulte
d'observations soigneusement discutées que, en moyenne, pour une année, la
différence entre le lever du soleil et l'instant du minimum ne dépasse pas
huit minutes. En faisant la somme, pour les divers jours de l'année, de la
différence de température entre le minimum et le maximum (c'est-à-dire
entre le lever du soleil et le maximum) et de la différence entre la tempé-
rature du maximum et celle de la fin du jour, on obtiendra un nombre qui
exprimera le mouvement moyen effectif de la température en un lieu donné.
La comparaison de ces nombres en divers points conduirait à des déductions
nouvelles et importantes. A Modène, cette quantité est de
<ii22°,28
La moitié de cette quantité est, dans toute l'année, employée à accroître la
température de l'air, et la moitié à la diminuer. Mais ces deux sommes, en
plus et en moins, qui sont égales après une année révolue, ne le sont pas
pour chaque période mensuelle, justement parce que dans certains mois, il y
a une quantité déterminée de cbaleur acquise par l'air, ou perdue dans d'au-
tres mois.
L'auteur a déduit de ses observations deux formules périodiques donnant
les maxima et les minima normaux à Modène ; ces valeurs sont données dans
le travail intitulé : Andamento animale dclla temperatura. On y trouve, par
exemple, que le 20 mai la température minima normale est de 13°, 17 et la
température maxima normale de 23°, 37 ; le 21 mai, la température minima
normale est de 13°,30. Donc, entre ces deux minima, la température s'est
accrue de 23°,37 — 13°,17 = 10°,20 et a diminué de 23°,37 — 13°,30= 10°,07,
donnant, par suite, un bénéfice normal de 0°,13. En opérant de même pour
tous les jours de l'année et effectuant la sommation, on arrive au tableau
récapitulatif suivant :
J..GLAISHER. — VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE
439
Mois.
Janvier
Février. .
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août. . .'.
Septembre .
Octobre
Novembre...
Décembre. . .
Réchauffe-
ment.
180°,72
1 85°,79
243°,32
276°,67
3 13°, 17
:;rf'\:;i
33o°,10
333",67
291°,64
237°,20
178°,51
168°,82
Refroidis-
sement.
180°,20
182°,82
239°,18
272°,85
309°,27
311°,26
333°,95
337°,70
293°,96
242°,66
I83°,48
171", s:;
Différences.
+ 0°,52
+ 2°,97
+ 3o,82
-|- 3°,90
+ 3o,25
+ 10,15
— 2°,03
— 4<>,32
— 5°, 46
— !'.!I7
— 3°,01
Sommes.
360o,92
3680,61
482<',50
549°,52
622o,44
625°,77
669",05
673°,37
587o,60
4798,86
361o,99
340°,63
Pour l'année. 3,061°,12 3,061°,16 + 19°,75 — 19°,79 6,122°,28
L'auteur présente à la section un diagramme dans lequel, pour chaque mois,
ses abscisses représentent les heures et les ordonnées les degrés de tempéra-
ture correspondant aux moyennes normales : on a marqué sur ces courbes
les ordonnées qui correspondent au commencement et à la fin de la journée,
celle qui correspond à la température maxima, et celle qui correspond au
coucher du soleil. La surface comprise entre la courbe et les ordonnées
extrêmes est, pour chaque mois, blanche du lever au coucher du soleil et
noire de son coucher à son lever. De cette manière, on aperçoit d'un coup
d'œil les relations des divers éléments des conditions thermiques de chaque
mois.
M. James GLAISOB,
Membre de la Saciétù Royale de Londres.
VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE AVEC L'ALTITUDE
DANS LE VOISINAGE DU SOL.
— Séance du 29 août (877. —
Dans toutes mes ascensions en ballon libre, j'étais obligé de partir
avec une grande force ascensionnelle, pour éviter d'aller heurter les
maisons voisines ; c'est ce qui m'a forcé de traverser les premières
couches de l'atmosphère trop vite pour en déterminer la température
d'une manière satisfaisante. A de grandes hauteurs, les observations ont
pu être répétées à volonté, car on pouvait descendre ou monter à vo-
lonté en lâchant du lest ou du gaz.
440 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
La difficulté où l'on se trouve de commencer aisément les obser-
vations dans les premiers 1,000 pieds, fait que nous en connaissons
beaucoup moins bien la température que celle des régions supérieures.
La théorie qui indique une chute de température de 0°o6 pour 100
mètres n'a été vérifiée dans aucune ascension. Dans quelques-unes,
cette chute s'est produite dans le tiers seulement de la hauteur, et môme
moins, malgré la rapidité de l'ascension. Je n'ai aucun doute que si,
ces jours-là, j'avais pu tenir le ballon stationnàire vers 30 mètres,
l'abaissement de la température aurait été beaucoup plus considérable.
Dans d'autres ascensions, au contraire, la température ne diminuait au-
cunement depuis la terre jusqu'à cette hauteur.
Dans quelques ascensions, j'ai observé un abaissement de tempéra-
ture de 5° à 6° à moins de 1,000 pieds de la terre; dans d'autres, au
contraire, la température ne semblait pas varier. Ce phénomène a été
particulièrement remarquable pendant une descente, le 13 juin 1864,
vers le coucher du soleil. Depuis, j'ai remarqué que, dans l'après-midi,
1rs changements de la température près de la terri' étaient plus faibles
pendant la descente qu'au moment de la montée, ce qui ne se présen-
tait pas le matin. Je n'ai fait que deux ascensions après le coucher du
soleil: l'une, le 2 octobre 180o, par un ciel clair; l'autre, le 2 décembre
1865, par un ciel couvert. Dans la première, par un ciel clair, la tem-
pérature, qui avait toujours été en croissant à mesure que nous montions,
commença à diminuer pendant la descente, et cela jusqu'à la terre; la
température, pendant la montée, étant un peu plus petite que pendant
la descente. Dans la seconde ascension de nuit, le 2 décembre 1865,
par un ciel nuageux, la température commença à décroître, devint sta-
tionnàire, se mit à croître entre 1,400 et 1,800 pieds, puis diminua
pour des altitudes plus considérables. Les observations venaient donc
prouver que la diminution de la température près du sol était très-
variable, ne suivait pas de loi simple, et changeait avec l'heure du jour.
Mais, pour pouvoir l'affirmer, nous ne disposions pas d'un nombre suffi-
sant de données, car les ascensions étaient trop peu nombreuses et
rop dissemblables, ayant été faites dans toutes les saisons de l'année,
à toutes les heures, par tous les temps. Cependant cela suffisait pour
infirmer la loi généralement admise, et pour mettre en doute la valeur
de la correction de la réfraction atmosphérique, qu'on emploie dans les
observations d'astronomie.
Le grand ballon captif installé au parc d'Ashburnham, Chelsea, tou-
jours gonflé de 420,000 pieds cubes d'hydrogène, et relié à une puissante
machine à vapeur, m'offrait une occasion admirable pour étudier cette
question. Son propriétaire, M. Gitfard, eut l'obligeance de le mettre
complètement à ma disposition. Il pouvait s'élever, par temps calme.
J. GLAISHER. — VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE 441
jusqu'à 2,000 pieds, avec une vitesse que l'on pouvait régler; il était
également possible de le tenir absolument stationnaire à toute hauteur.
Les instruments étaient disposés sur une planche fixée au dehors de la
nacelle circulaire; ils étaient ainsi soustraits à l'influence des observa-
teurs et garantis du soleil et du rayonnement.
Les montées et les descentes étaient généralement très-douces et
suffisamment lentes, et le ballon restait au point le plus haut juste le
temps suffisant pour prendre exacte nt la température. On lisait les
instruments au niveau Au sol juste avant la montée et après la descente;
la moyenne des deux observations donnait la température du sol au
moment où le ballon était au point culminant. On opérait de même de
100 en 100 pieds en montant et en descendant.
Les expériences ont été faites en 1869, les 5 mai, 12, 17, 23, 24 et
28 juillet, 4 et 7 août.
Le 5 mai, le ciel était presque sans nuages, l'air brumeux, et le vent
E.-N.-E., beaucoup plus fort à 1,000 pieds qu'au niveau du sol.
Le 12 juillet, le ciel était généralement nuageux, le vent S.-O.
Le 17 juillet, le ciel était nuageux, le vent E. beaucoup plus fort en
haut qu'à terre.
Le 23 juillet, le ciel était couvert, très-brumeux, vent S. -S.-O., à
peine apparent sur le sol, mais d'une violence extrême aussitôt qu'on
s'élevait. L'air était très-brumeux jusqu'à 700 pieds. Ce jour-là, j'ai fait
neuf ascensions successives de 3 heures à 7 h. 30 du soir. Au commen-
cement, l'air près du sol était à 23°, 1 ; à la lin, à 21°, 0; la température
s'est donc abaissée de 2°,i pendant les expériences. À 1,000 pieds,
la température était au commencement à 19°, 3 ; à la fin , à 18°, 3.
Au commencement et à la lin, l'air était donc plus froid à 1,000 pieds
que vers le sol, et les différences étaient respectivement de 3°, 8 et 2°,7.
La température a varié de 2°,1 à terre, tandis qu'à 1,000 pieds, elle n'a
varié que de 1°, c'est-à-dire moitié moins.
Le 24 juillet, le ciel était découvert, l'air brumeux. L'air était calme
au niveau du sol, mais vers 1,000 pieds il soufflait avec une pression
d'une livre par pied carré. On voyait la fumée se mouvoir dans toutes
les directions près du sol, tandis qu'en haut le vent était violent et de
l'ouest. Les expériences ont été faites ce jour-là de 3 heures à 7 heures
30 du soir. La température de l'air au niveau du sol a varié de 24°,6 à
21°,6; à 1,000 pieds, elle a varié de 20°,4 à 19°,9. L'air, à 1,000 pieds,
était donc plus froid de 4°,2 à 1°,7 ; mais tandis que la variation a été
de 3° à terre, elle n'a été que de 0°,5 à 1,000 pieds.
Cette différence de 1°,7 s'est produite ainsi qu'il suit :
0°,6 entre 200 et 500 pieds, et 1°,1 entre 500 et 1,000 pieds. Pour
l'autre différence de 4°,2, on en avait déjà observé le quart dans les
412 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLODE
100 premiers pieds ; dans la dernière expérience, au contraire, la tem-
pérature était la même depuis le sol jusqu'à 200 pieds. Dans les deux
cas, par beau et mauvais temps, la variation de température a été
moindre à 1,000 pieds que près du sol. La loi de décroissance de la
température avec la hauteur dépend doue de l'heure du jour.
Les 17, 23, 24 et 28 juillet, de nombreuses séries furent faites l'après-
midi, et toujours la différence de température a été en diminuant à
mesure que l'heure s'avançait. Les 23 et 24 juillet, neuf séries ont été
faites entre 3 heures et 7 heures 30 du soir; le ciel était couvert le
premier jour, beau le second. Toujours la différence de température a
été plus grande dans les premières expériences que dans les dernières.
Il faut donc grouper toutes les expériences faites à la même heure, et
seulement celles-là. Si l'on considère la variation de température dans
les 100 premiers pieds, on voit qu'elle est plus grande par ciel pur que
par ciel nuageux. En comparant les résultats généraux obtenus par beau
ou mauvais temps, on voit que la variation horaire est moindre dans le
second cas que dans le premier. Il faut donc encore traiter séparément
ces deux cas. Le tableau suivant résume les expériences faites aux
différentes heures par ciel beau ou couvert.
HAUTEUR
au-dessus
DU SOL
Pieds
0 à
100 à
200 à
300 à
400 à
500 à
600 à
700 à
800 à
900 à
Pieds
■100
200
300
400
500
600
700
800
900
1.000
CIEL CLAIR
IIKI'IIE DR L ASCENSION
10 à
3 à
4 à
5 à
6 à
H m.
4 soir.
5 soir.
6 soir.
7 soir.
.
0.56
0.85
0.61
0.50
0-2S
0.50
0.44
0.39
0.33
0.2S
0-50
0.44
0.39
0.33
0.28
0.50
0.39
0.33
0.33
0.28
0.44
033
0.33
0.33
0.28
0.44
0.28
0.2S
0.28
0.22
0.39
0.28
0-28
0.22
0-22
0.39
0.28
0-22
0.22
0.22
0.33
0.28
0.22
0 22
0.22
0.2S
022
0.22
0.17
0.17
7 a
7 30 s
0.00
0.06
0.17
0.22
0.17
0.17
0.22
0.22
0-17
0.11
CIEL NUAGEUX
HEIKB DE L ASCBH ÏIOH
3 à
4 à
5 à
6 à
4 soir.
5 soir.
6 soir.
7 soir.
0-67
0.67
0.33
0.28
0.50
0.33
0.33
0.33
0.50
0.28
0.33
028
0.33
0.33
0.33
0.28
0.22
0.22
0.28
0.22
022
0.22
0.28
0.28
0.22
0.22
0.28
0.22
0.28
0.22
0.28
0.28
0.22
0.22
0.28
0.28
0-2S
0.2 2
0.22
0-22
7 a
7.30s
0.28
0.28
0.28
0.22
0.28
0.28
0.22
0.28
0.28
0.28
Ce tableau prouve ce que les ascensions libres avaient déjà montré,
que la loi de décroissance de la température avec la hauteur a une
marche diurne, et change avec l'heure du jour. La décroissance est la
plus rapide à midi, et aux heures qui suivent, elle diminue vers le cou-
cher du soleil. A ce dernier moment, quand le ciel est clair, la décrois-
j. GLAISHER. — VARIATIONS 1>K LÀ TEMPÉRATURE 443
sance de température est nulle ou très-petite dans les quelques premiè-
res centaines de pieds; quand, au contraire, le ciel est nuageux, la
variation de température avec la hauteur est moins grande à midi, et,
vers le coucher du soleil, elle est d'environ 1 ° pour 200 pieds. Je n'ai
pu faire d'observations après le coucher du soleil; ce serait cependant
fort important. Il esl fort probable, en effet, que la variation nocturne
de température à 1,000 pieds ne serait pas plus grande que la variation
diurne; en ce cas, la température irait en croissant la nuit à mesure
qu'on s'élèverait du sol. Ces déductions semblent confirmées par l'as-
cension que j'ai faite le 2 octobre 1865, après le coucher du soleil. Mais
il est très-important et très à désirer que des expériences directes vien-
nent les vérifier.
La loi de décroissance pr un temps clair pourrait être ainsi repré-
sentée. Prenons les hauteurs connue ordonnées d'une courbe dont les
abscisses représenteront la différence de température avec le sol, avec
cette convention que des absisses positives représenteront une tempéra-
ture plus basse que celle du sol. La courbe ainsi construite ressemblera
à une hyperbole, car les variations sont les plus grandes dans le voisi-
nage de la. terre; la concavité de la courbe serait tournée vers l'axe
des ordonnées, et plus considérable quand elle représentera la loi de
variation de la température vers midi. A mesure que la journée s'avance;
la courbe se ferme, devient droite et coïncide avec l'axe des ordonnées
vers le coucher du soleil. Après avoir dépassé ce moment critique où la
température est uniforme et égale à celle du sol dans les 1,000 pre-
miers pieds, il est probable que la courbe redevient hyperbolique, sa
concavité restant toujours tournée vers l'axe vertical, mais elle a passé
de l'autre coté de cet axe et indique un accroissement de température
avec la hauteur. Elle atteint sa position externe vers minuit et revient
ensuite vers l'axe. Son mouvement autour de l'axe doit être symétrique
de part et d'autre et s'accomplit certainement en 24 heures.
Depuis 1863 jusqu'à la lin de 1874, j'ai observé chaque jour la tem-
pérature de 4 à 22 pieds au-dessus du sol, à 9 heures du matin,
midi, 3 heures et 9 heures du soir. Quelquefois le thermomètre mar-
quait plus haut à 22 pieds qu'à 4 pieds, mais je n'attachais à ce fait
aucune attention particulière jusqu'au moment où mes ascensions dans
le ballon de M. Giffard m'ont prouvé que la variation de température
avec la hauteur avait une marche diurne, la variation étant la plus
grande vers midi, la moindre vers le coucher du soleil, et que les chan-
gements pouvaient être sensibles à 30 pieds du sol. J'ai alors calculé
toutes les différences de lecture des deux thermomètres, leur donnant
le signe + quand la température du thermomètre supérieur était plus
élevée et lé signe — dans le cas contraire.
MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
En choisissant les plus grands nombres positifs et négatifs dans chaque
mois, j'ai trouvé qu'en hiver, la température à 22 pieds variait de 1° à
2° au-dessus, à 0°5 ou 1° au-dessous de celle de 4 pieds; en été, les dif-
férences variaient de 2° à 3° au-dessus, à 2°o à 4° au-dessous. Les diffé-
rences étaient toujours plus petites quand le ciel était nuageux et pour les
calculer, il a suffi de réunir les observations par ciel couvert et de les
calculer indépendamment. C'est ainsi que j'ai formé le tableau suivant :
MOIS
CIEL COUVERT
9 h. matin
Midi
3 h. soir
9 h. soir
Janvier
+ 0.12
+ 0.07
+ 0.03
0.00
— 0.28
— 0.0I
— 0 21
— 0.07
— 0.14
-r 0.11
-r- 0.09
+ 0.21
+ 0.06
+ 0.14
+ o.no
— 0.02
— 0.11
— 0.10
— 0.37
— o.os
— 0.13
— 0.04
+ 0.07
+ 0.10
-f 0.08
+ 0.12
+ 0.02
+ 0.09
— 0.17
— 0.02
— 0.27
+ 0.01
— 0 18
+ 0.11
+ 0.12
+ 0.13
+ O.H
+ 0.19
+ 0.12
+ 0.21
+ 0.10
+ 0.15
+ 0.13
+ 0.27
+ 0.34
+ 0.20
+ 0.21
+ 0.14
Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Décembre
I
Ces chiffres montrent que, pendant les trois premiers mois de l'année,
pendant les deux derniers mois, et en tout temps pendant la nuit, la
température à 22 pieds est un peu plus élevée qu'à 4 pieds, quand le
ciel est couvert.
MOIS
CIEL DECOUVERT
Janvier. .
Février. .
Mars. . .
Avril. . .
Mai . . .
Juin. . .
Juillel . .
Août. . .
Septembre
Octobre .
Novembre
Décembre
9 h. matin
0.54
0.07
0.41
0.91
0-61
0-36
0.53
1.35
1.06
0.35
0.34
0.40
Midi
+ O.H
— 0.03
0.00
— 0.28
— 0.31
— 0.19
— 0.18
— 0.23
— 0.63
— 0.21
+ 0.01
+ 0.26
3 h. soir
9 h. soir
+ 0.43
+ 6.60
+ 0.33
+ 0-44
+ 0-20
0.34
0 . 08
+ 0.32
— 0.01
+ 0.44
+ 0.11
+ 0.51
— 0 12
+ 0.47
— 0.2'.
+ 0.72
— 0.02
+ 0.91
+ 0.32
+ 0.87
+ 0.65
+ 0.61
+ 0.53
+ 0.42
W. MARRIOTT. — SUR LE PSYCHROMÈTRE 44o
En comparant le résultat de ces deux, tableaux, on voit de plus, que les
différences sont beaucoup plus grandes par ciel pur que par ciel couvert.
J'ai également calculé la moyenne des différences entre les tempéra-
tures à "2-2 pieds et à 4 pieds, en prenant toutes les observations. Le
résultat est donné dans le tableau suivant :
MOIS
Janvier. .
Février. .
Mars. . .
Avril. . .
Mai.. .
Juin. . .
Juillet. .
Août. . .
Septembre
Octobre.
Novembre
Décembre.
DIFFERENCES MOYENNES
0 h. matin
Midi
+ 0.23
+ 0.1J
— 0.15
— Û.Î9
— 0.4.',
— 0.23
— 0.36
— 0.49
— 0.49
— 0M3
+ 0.U
+ 0.23
+ 0.09
+ 0.08
— 0.11
— 0.U
— 0-29
— 0.25
— 0.30
— 0.34
— 0.2'.
+ 0.11
-f- 0-03
+ 0.09
3 h. soir
+ 0.21
-f 0.15
+ 0.03
— 0.03
— 0.23
— 0.10
— 0.26
— 0.23
+ 0.03
+ 0.18
+ 0.25
-f- 0.25
9 h. soir
+ 0.25
+ 0 26
+ 0.23
+ 0.30
+ 032
-f- 0.40
+ 0.42
+ 0.40
+ 0.47
+ 0.44
+ 0.34
+ 0.26
Ce tableau met en évidence ce résultat tout à fait inattendu que, pen-
dant toute l'année, la température de l'air à 22 pieds de hauteur est plus
élevée le soir et pendant la nuit qu'à 4 pieds seulement. Elle est égale-
ment plus élevée jour et nuit pendant les mois d'hiver.
J'ai commencé depuis quelques années des observations à la hauteur
de 50 pieds. J'espère avoir l'honneur d'en communiquer les résultats à
une future réunion de l'Association.
M. William MARRIOTT
Secrétaire de la Société météorologique de Londres.
SUR LE PSYCHROMETRE.
— Séance du 30 août 1877. —
Depuis plusieurs années des doutes ont été émis en Angleterre par les
météorologistes sur l'exactitude des tables d'hygrométrie actuellement en
usage. En réfléchissant sur ce sujet, je suis arrivé à cette conclusion, que
h
à
S M M M M
1
U
s*
Fig. 47.
MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
les différences observées proviennent en grande partie de ce que le
psychromètre n'est pas installé de la même manière dans toutes les sta-
tions et n'est pas employé convenablement. La première chose à faire
était de s'assurer comment
le psychromètre devait être
installé et employé. J'ob-
tins dans ce but l'assistance
du colonel M. F. Ward, de
Rossinières (Suisse), qui
entreprit de faire des ob-
servations avec plusieurs hy-
gromètres placés dans di-
verses positions et observés
dans dillerentes conditions.
C'est le résultat de ces ob-
servations que j'ai l'hon-
neur de communiquer à la
section de météorologie.
Dans ces recherches, neuf
thermomètres furent em-
ployés : comme ils ne furent pas placés dans une môme position pen-
dant toute la durée de ces observations, nous donnerons les résultats
fournis par 13 thermomè-
tres, dont 3 à réservoir sec
et 10 à réservoir mouillé.
Ils étaient tous placés dans
les positions indiquées fig.
47 et 48. Les réservoirs
étaient à 0m,90 du sol et
à 0m,27 du plancher de
l'étage. Au commencement
des observations et quel-
quefois pendant leur du-
rée, tous les thermomètres étaient comparés, fonctionnant à réservoir
sec, les uns avec les autres, et avec un thermomètre étalon et l'on
trouva que les indications étaient concordantes, soit dans l'air calme,
soit dans un air agité.
Les thermomètres étaient installés de la manière suivante :
N° 4. Réservoir sec et réservoir mouillé. — Le réservoir sec était à 0m,15 et
le réservoir mouillé à 0m, 08 du réservoir d'eau qui avait un col très-étroit. Le
réservoir mouillé était recouvert d'une fine batiste française, la mèche con-
ductrice consistait en 8 brins de coton à repriser qui étaient attachés autour
Fig. AS.
W. MARIOTT. SLR LE PSYCHROMÈTRE 447
du col du réservoir et inclinés sous un angle d'environ Ali0; ces instruments
restèrent dans la même position pendant toute la durée des observations, de
juin à décembre 187G.
NJ ± Réservoir mouillé : était monté comme le n° 1, mais la mèche con-
ductrice faisait un angle d'environ 75°.
N° 3. Réservoir mouillé : était monté comme les nos 1 et 2, mais le réser-
voir d'eau était au niveau de la boule du thermomètre, de sorte que les fils
conducteurs étaient à angle droit.
N° 4. Réservoir mouillé : monté comme le n° 1, mais la mèche conductrice
contenait seulement 3 brins de coton.
N° 5. Réservoir mouillé : monté comme le n° 4, mais il y avait autour de
la boule deux épaisseurs de la plus épaisse mousseline et la mèche conductrice
contenait 25 brins de coton.
N° 6. Réservoir sec et réservoir mouillé : d'abord, le réservoir d'eau qui
était découvert fut placé au-dessous du thermomètre sec à 0m,015de la boule
et à 0ni,027 du thermomètre mouillé. Dix semaines après, le réservoir -d'eau
fut placé à 0m,015 de la boule mouillée et à 0m,027 du thermomètre sec. Le
thermomètre mouillé était installé comme le n° 1.
N° 7. Réservoir mouillé : comme le n° 4, si ce n'est que la mèche conduc-
trice était enroulée autour de la mousseline depuis le fond du réservoir jus-
qu'à la tige.
N° 8. Réservoir mouillé : comme le n° 7, mais avec une épaisse mousseline
et une mèche comme le n° 5.
N° 9. Réservoir mouillé : la boule de ce thermomètre était recouverte avec
une mèche de lampe.
N° 10. Réservoir sec et réservoir mouillé : ces thermomètres étaient installés
comme le n° 1 sec et mouillé, mais il y avait pour l'eau un récipient décou-
vert à 0ra,040 de la boule du thermomètre humide et à 0m,080 de celle du
thermomètre sec.
Le n° 1 à réservoir sec et réservoir mouillé fut pris comme étalon et
toutes les lectures furent comparées à celles qu'il fournissait.
Les observations montrent que les n°3 2 et 3 se comportent pratique-
ment comme le n° 1.
Le n° 4 s'écarte peu du n° 1, mais il a une tendance à donner une
lecture un peu trop basse.
Le n° 5 donne, par contre des valeurs plus fortes que le n° 1, il n'y
a que 44 0/0 des lectures qui soient concordantes.
Quant au n° 6, le récipient d'eau était seulement à 0m,01o au-des-
sous du réservoir sec, le thermomètre donnait des températures plus
basses que le n° 1 sec; il y avait 8,5 0/0 où. la différence des lectures
atteignait 0,45 degrés centigrades et il n'y avait que 15,7 0/0 où les
valeurs fussent les mêmes. Lorsque le récipient était au-dessous du
thermomètre mouillé et à 0m,027 du thermomètre sec, celui-ci donnait
une température plus basse que le n° 1 sec lorsque le temps était beau;
448 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
mais lorsque l'air était humide et pendant la pluie, ses indications
étaient plus élevées. — Le n° 6 mouillé avec le réservoir immédiate-
ment au-dessous à 0m,0i5 donnait des résultats un peu plus élevés que
le n° Y mouillé : c'était surtout le cas pour les temps humides.
Le n° 7 mouillé donnait des résultats plus élevés notablement que le
n° 1. Plus tard, la mèche conductrice ayant été simplement attachée à
la mousseline au fond du réservoir, les indications concordèrent exacte-
ment avec le n° 1.
Le n° 8 fournit des températures plus élevées que le n° 1. Il en fut
de même du n° 9.
Le n° 40 ne fut observé qu'à partir du 3 novembre et pendant la
plus grande partie du temps l'air fut humide ; malgré cela, il se com-
porta précisément comme le n° 6, si ce n'est que les différences avec le
n° 1 étaient plus faibles.
Le *2 décembre, la température s'éleva à 02° (1) et l'atmosphère étant
sèche par suite de l'existence du Fœhn dans la vallée, ce fut une ex-
cellente occasion pour comparer les nos 1, G et 10 avec des différences
considérables entre les thermomètres secs et mouillés : Les chiffres
obtenus furent les suivants :
t/3
W
3
N U M É II 0
1
Différence
NUMÉRO
10
Diflérence
N U M É R 0
6
Différence
VI \T
Direction
et
Force.
TEMPS
Sec. Monillé.
Sec. ilouillé.
Sec. I Mouillé
Degrés.
Degrés.
Degrés.
Hegrés.
Degrés.
Degrés.
Degrés.
Degrés
Degrés.
1 S.
62.0
49.0
13.0
61.0
49.2
11.8
60.7
49.5
11 .2
0 W 5
B
2 »
02.0
48.0
U.O
61 .0
48.2
12.8
60.7
48.5
12.2
0 W 5
B
3 »
62.0
48 0
1 4. 0
01. 0
4S-2
12.8
60.7
48.5
12.2
0 W 5
B
G »
50.0
43.0
7.0
49.7
43.2
6.5
49.5
43.4
0.1
0 W 5
B
LES NOMBRES SUIVANTS MONTRENT COMMENT LES THERMOMÈTRES SE COMPORTENT
PENDANT LA PLUIE.
N U M É K 0 1
N U M K KO 10
NUMÉRO 6
w
u
2
Sec. Houille. Différence
Différence
Sec. Mouillé. Différence
VI NT
TEMPS
Sec. 1 Mouillé.
Degrés.
Degrés.
Degrés
Degrés.
Degrés.
Degrés.
Degrés.
Degrés.
Degrés.
7me
42.5
41.4
1.1
42.7
41.'.
1.3
43.0
41.4
1.6
i.alme.
Pluie.
*
42.5
42.2
0.3
43.0
42.6
0.4
43.3
43.0
0.3
»
Pluie
torrentielle :
»
89.4
39.0
0.4
39.9
39.5
0.4
40.3
39.8
0.5
»
nuages has.
(i) Toutes les températures sont données en degrés Fahrenheit.
W. MARRIOTT. — SUR LE PSYCHROMÈTRE 449
L'eau de source était employée au n° 2 pendant quelque temps, mais
les lectures turent les mêmes que pour le n° 1. Après que la mousse-
line eut servi pendant deux mois, on observa qu'il s'était formé un dépôt
calcaire : le thermomètre commença à donner des indications trop fai-
bles : la différence avec le n° i, qui était d'abord de 0°0o, s'éleva à
0°2o quand on y plaça de la mousseline propre.
Ces expériences montrent clairement que, à moins que les observa-
teurs emploient la même mousseline, la même mèche conductrice, et
qUe les réservoirs d'eau soient placés de la même façon, leurs observa-
tions ne sont pas comparables. Les nos 1, 2 et 3 montrent que les lec-
tures ne sont pas affectées par la position du réservoir d'eau, pourvu
que celui-ci soit clos et qu'il ne soit pas trop rapproché du thermomètre.
Il n'est pas convenable cependant de placer la mèche conductrice à
angle droit entre la boîte et le réservoir d'eau, car elle agit comme un
siphon et vide le réservoir, et, dans les temps de grand vent, elle est
exposée à être jetée m partie hors du réservoir et, par suite, à amener
un écoulement goutte à goutte.
L'exactitude de la lecture du thermomètre mouillé dépend surtout de
la nature de la mousseline et de la mèche conductrice. Si l'une et l'au-
tre sont trop épaisses, les températures observées sont trop élevées : c'est
également ce qui arrive lorsque le fil est passé à travers la mousseline,
au fond de la boite. Plus épaisse est la mousseline et moins sensible est
le thermomètre.
L'emploi d'un récipient d'eau découvert et placé au-dessous du ther-
momètre mouillé et trop près du thermomètre sec no fournit pas de bons
résultats. Dans les temps secs, les températures sont trop faibles par
l'action de l'évaporation de l'eau du récipient ; mais pendant la pluie et
aussi pendant les temps humides, les lectures sont trop élevées. Les lec-
tures du thermomètre mouillé sont aussi trop élevées, mais il est presque
certain qu'il n'y a pas compensation et que les indications d'un sem-
blable hygromètre sont fautives.
Je voudrais ajouter les règles suivantes pour l'emploi du psychromètre
que j'ai eu l'honneur de soumettre à la Société météorologique de
Londres, dans l'espoir que l'on pourra obtenir une uniformité complète.
Les thermomètres devraient être précisément construits de même et
n'avoir pas de gros réservoirs cylindriques. (Je pense qu'il est bon que
les réservoirs soient en verre dépoli ; quand la température est au-des-
sous de 0°, une couche de glace peut plus facilement se former sur le
réservoir que si sa surface est lisse.)
Les thermomètres ne devraient pas être à moins de 0m,080 l'un de
l'autre ; la boule mouillée serait couverte d'un seul morceau de très-
fine mousseline, taillé de manière à s'adapter complètement sur le réser-
29
450 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
voir. Une mèche conductrice formée de G ou 8 brins de coton à repriser
serait fixée autour de la tige du thermomètre par-dessus la mousseline.
Il est désirable que la mousseline se prolonge un peu au-dessous de l'extré-
mité du réservoir demanière à ce que les saletés qui pourraient être
entraînées par l'eau pussent s'y déposer et ne s'arrêtent pas sur le réservoir.
La mousseline et la mèche conductrice doivent être lavées à l'eau bouil-
lante avant d'être employées, afin que l'apprêt soit enlevé complètement.
Le récipient à eau doit être couvert, avec un seul orifice de petites
dimensions, pour le passage de la mèclie conductrice; il doit être à
0m,05i au moins du réservoir mouillé et à 0m,135 du réservoir sec, et
il doit être placé de telle sorte que la mèche fasse un angle d'environ
4o". 11 conviendrait d'employer de l'eau de pluie propre, sinon on peut
employer de l'eau de source.
La mousseline et la mèche doivent être changées tous les mois au
moins, et plus souvent s'il apparaît des .saletés ou des dépôts. (Il est
bon de plonger la boule du thermomètre dans de l'acide sulfurique
étendu, avant d'y placer la mousseline, afin que les dépôts qui auraient
pu se former soit enlevés.)
Dans les temps humides ouïes temps de brouillard, les deux thermomè-
tres doivent être soigneusement essuyés quelque temps avant l'observation.
Les lectures seront faites aussi rapidement que possible, afin que les
thermomètres ne puissent être influencés par le voisinage de l'observateur.
Lorsque la température est à quelques degrés au-dessus ou au-dessous
du point de congélation de l'eau, le thermomètre mouillé est très-délicat
et exige des soins spéciaux.
Si la température est au-dessous de la congélation de l'eau, l'observa-
tion ne sera pas correcte s'il n'y a pas une couche de glace autour du
réservoir. De l'eau, prise sur de la place fondante, sera apportée sur le
réservoir avec une brosse ou une plume, de sorte qu'une mince couche
de glace puisse se former autour de la boule ; si une goutte de liquide
reste suspendue au réservoir, on l'enlève avec le doigt. Pendant les fortes
gelées, on emploiera un réservoir nu (c'est-à-dire sans mousseline), si
l'on peut y déposer une couche de glace ; il sera ainsi plus sensible et
donnera des résultats plus précis qu'avec la mousseline. (Dans les expé-
riences à basse température, un thermomètre nu et recouverL d'une couche
de glace indique une température qui, presque toujours, est inférieure
de 0°,2 à celle donnée par le thermomètre recouvert de mousseline).
Quand la température est juste au-dessus de la congélation de l'eau,
le réservoir et la mèclie devront être lavés à l'eau chaude pour enlever
les dernières particules de glace, sans quoi les lectures faites seraient
trop peu élev<
En résumé, je recommanderais également que de temps à autre les
W. MARRIOTT. — SUR LE PSYCHROMÈTRE
451
deux thermomètres, sec et mouillé, tussent plongés dans un vase plein
d'eau et comparés l'un à l'autre pour voir s'ils sont comparables et
s'assurer si le zéro ne s'est pas déplacé.
TABLEAU Ier
MONTRANT LES DIFFÉRENCES ENTRE LES DIVERS THERMOMÈTRES
ET LES THERMOMÈTRES SEC ET HOUILLLÉ Nu 1.
1
1
-
N"2
N» 3
N"4
N" 5
.V 6
Réservoir
■ l'eau .■-uns le
>mètre
sec
N« 6
: voir
d'eau S'ius le
iherm
UIOU
N« 7
V 8
N" 9
N«
10
~
Sec. Houille.
Sec. I ïonillé.
Jec.
Houille.
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heit
+2»0
B
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452
MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
TABLEAU II
PROPORTIONS DES DIFFÉRENCES ENTRE LES DIVERS THERMOMÈTRES
ET LES THERMOMÈTRES SEC ET MOUILLÉ N° I.
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TARRY. — DESCRIPTION dYn TOURBILLON ATMOSPHÉRIQUE 453
DISCUSSION
H, Anoot insiste Mir quelques précautions nécessaires pendant les temps de.
^elée. Mais, malgré tout, les indications du psychromètre seront toujours
erronées par les temps humides et froids.
M Marié-Davy, pour éviter ces incertitudes, mesure l'humidité à Hontsouris
nu moyen d'un hygromètre à absorption. Il espère pouvoir installer bientôt un
inscripteur qui donnera, d'une matière continue, la quantité de vapeur d'eau
et d'eau vésiculaire contenue à chaque instant dans l'atmosphère.
M. de FONYIELLE
LES BALLONS CAPTIFS ET LA MÉTÉOROLOGIE.
(EXTRUT DO PROi'.F.S-YERlUl.)
— Séance du 30 août 1877. —
M. de Fonvielle émet le vœu que l'Association française s'intéresse, comme
l'Association britannique, à la question des ballons, qui peuvent rendre
de grands services en météorologie. 11 croit que le ballon captif de l'Exposi-
sition pourra, notamment, servir à déterminer facilement la hauteur des
nuages.
DISCUSSION
MM. Hureau de Villeneuve, Argot et Marié-Davy ne partagent pas complè-
tement cette opinion, et pensent qu'il serait plus facile et plus exact de déter-
miner cette hauteur par des observations faites à terre.
M. TAREY
Inspecteur dos finances.
DESCRIPTION D'UN TOURBILLON ATMOSPHÉRIQUE.
(EXTRAIT DU procès-verbal.)
— Séance du 30 août 1877. —
M. Tarry décrit un petit tourbillon atmosphérique qui a été très-bien
observé le 16 juin dernier, à 10 kilomètres environ de Cahors. Du foin
était étendu sur une plaine, en couche de 0m,20 d'épaisseur. L'air était par-
faitement calme quand tout à coup on a vu 'le foin se soulever en vagues,
Aïii MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE
se rouler sur lui-môme, jusqu'à une hauteur de 100 à ISO mètres. A mesure
que la colonne s'élevait, elle allait en s'évasant par le haut ; à une hauteur
de 300 mètres, le foin s'est éparpillé et est retombé par son propre poids en
couvrant une surface de 4 ou !> hectares. Dans ce tourbillon, le mou-
vement était donc nettement ascendant. M. Tarry considère ce phénomène
comme établissant la transition entre les petits tourbillons de poussière que
l'on observe souvent sur les roules, les trombes, les tornados, les cyclones et
enfin les grands mouvements tourbillonnâmes. Tous ces mouvements auraient
la même marche et formeraient une échelle continue.
L'ordre du jour de la section comprenait plusieurs autres travaux qui
n'ont pu cire communiques en séance, faute de temps. Nous en repro-
duisons les titres ci-après :
M. Maiudeix, ancien maire à Beaumonl-lès-Clermont-Ferrand : — Sur un
moyen de prévenir les orages.
M. Fjioment, conducteur agent voyer en retraite : Projet d'établissement
d'un observatoire au Mézenc.
Yœux émis par la Section de Météorologie.
Dans ses séances des 2o et 27, 29 et 30 août, la Section a émis les
vœux, suivants:
« Dans ses séances des 25 et 27 août, la 7e section, météorologie et
physique du globe, après avoir étudié l'état des services météorologiques
en France et dans les autres nations, constate pour notre pays une infé-
riorité très-regrettable. Elle manifeste le désir de voir la France entrer
dans une voie qui, à l'étranger, a conduit à d'importants résultats théo-
riques el pratiques.
» En conséquence, elle émet le vœu que M. le ministre de l'instruc-
tion publique nomme pour étudier la question, une haute commission
comprenant des délégués des ministères de l'agriculture et des tra-
vaux publics, du commerce, de la guerre et de la marine, tous inlé-
VOEUX ÉMIS PAR LA SECTION DE MÉTÉOROLOGIE 438
ressés au progrès de la météorologie. Après avoir discuté la question et
examiné les différents projets joints au dossier, cette commission propo-
serait finalement les grandes modifications qu'il y aurait à apporter à
l'état actuel, pour que le service météorologique français pût marcher
de pair avec ceux des autres nations d'Europe et d'Amérique.
» Dans sa séance du 27 août, la 7° section, météorologie et physique du
globe, après avoir entendu L'exposé de la situation du Pic-du-Midi, regrette
d'apprendre «pie de nouveaux retards sont apportés à l'établissement de la
ligne télégraphique qui doit relier l'observatoire h Bagnères. Elle renou-
velle le vœu déjà émis l'an dernier el demande qu'on en hâte la réali-
sation, de nouveaux délais avant l'hiver devant amener un retard d'une
année entière dans le service des avertissements météorologiques de cet
observatoire » (1).
« Dans sa séance du 30 août, la 7° section, météorologie et physique
du globe, émet le vœu que le ballon captif qui sera construit par
M. Gifïard pour l'Exposition universelle de l'an prochain soit utilisé à
des observations météorologiques.
(i) Le Bureau de l'Association française a été informé officiellement que la ligne télégraphique
visée par le vœu était ouverte des le ni - mbre 1877.
3e Groupe
SCIENCES NATURELLES
8e Section
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Président M. le Comte DE SAPORTA, Correspondant de l'Institut, à Aix.
Vice-Présidents MM. DESLONGCHAMPS, Professeur à la Faculté des sciences de Caen.
LENNEER, Président de la Société géologique de Normandie.
MOHIÈRE, Professeur à la Faculté des sciences de Caen.
Secrétaires MM. BRYLINSKI, Membre de la Société géologique de Normandie.
DROUAUX, Membre de la Société géologique de Normandie.
M. E.-E. DESLONGCHAMPS
Professeur à la Faculté des sciences de Caen.
LE JURA NORMAND.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du Si août i877. —
M. Eug.-Eud. Deslongchamps présente le premier fascicule de son travail
sur le Jura normand ; il analyse rapidement les principaux sujets qu'il a
traités, donne des détails intéressants sur la faune jurassique normande, prin-
cipalement sur les Sauriens et les Céphalopodes (ammonites et belemnites).
L'auteur s'est assuré, par exemple, que le véritable niveau de Y Ammonites Mur-
chisonœ est situé entre le lias supérieur et l'oolithe inférieure, ainsi que le
prouve, par son ensemble, la faune de ce niveau.
M. Deslongchamps appelle ensuite l'attention sur la trouvaille qui a été faite
dans le lias supérieur normand des restes d'un animal qu'on serait tenté de
458 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
prendre pour un labyrinthodon. On comprend la valeur qu'aurait cette dé-
couverte, au point de vue de nos idées sur la répartition chronologique des
animaux anciens, s'il se confirmait que l'animal en question appartenait aux
Labyrinthodontes.
M. LEMIER
Président de 1 ; » S iciél logiqui di Noria m lie
ÉTUDES GÉOLOGIQUES ET Ï'ALÉCNTOLOGIQUES SUR L'EMBOUCHURE DE LA SEINE.
Séance du 24 août 1877. —
M. LEOIEE
Président de la Société géologique de Normandie.
CARTE GÉOLOGIQUE DE NORMANDIE. - GÉOLOGIE NORMANDE.
(extrait du procès-yerbal.)
— Séance du Si août 1877. —
M. Lennieb appelle l'attention sur les dépôts littoraux récents que l'on
rencontre sur les côtes de la Manche à une hauteur de plusieurs mètres au-
dessus du niveau actuel de la mer. Jusqu'ici, on a expliqué ce phénomène
par l'hypothèse d'un exhaussement du rivage. M. Lennier repousse cette ex-
plication et lui substitue la suivante: selon lui, il n'y a pas eu de soulèvement
et les dépôts en question doivent être attribués aux marées qui ont dû se pro-
duire à l'époque où l'Angleterre était réunie à la France par l'isthme du Pas-
de-Calais. En effet, les vagues arrêtées par l'isthme du Pas-de-Calais se jetaient
sur les côtes et les envabissaicnt sur une longueur d'autant plus grande que
leur inclinaison était plus faible. Aujourd'hui, cet envahissement n'a plus sa
raison d'être, puisque la mer peut s'échapper librement par le détroit qui a rem-
placé l'isthme.
M. G. de Tromelin partage les idées ('mises par M. Lennier: on a voulu
quelquefois aussi attribuer à une action glaciaire les dépôts littoraux des côtes
Nord-Ouest de la France ; jusqu'à présent rien ne prouve réellement cette ori-
gine ; des raz-de-marées suffisent pour expliquer leur existence. M. G. de Tro-
melin rappelle que les plus hautes marées du globe (San-Francisco excepté,)
ont lieu à Saiut-Malo et à Granville; que le golfe au fond duquel sont situées
ces localités résulte d'une érosion qui a eu lieu aux temps historiques, érosion
ROLLAND-BANÈS. — RICHESSE MINÉRALE DE LA FRANCE 459
dont les îles anglo-normandes, l'archipel de Chaussey, Bréhat, etc., sont
les témoins.
Toutefois, la côte méridionale de la Bretagne semble avoir subi un mouve-
ment d'exhaussement à un moment donné ; en effet, à Saint-Caradec sur le
Blavet, au-dessus d'Hennebont (Morbihan) on voit un banc d'huîtres] subfos-
siles, à un niveau supérieur à celui des marées. M. G. de Tromelin fera con-
naître dans ses travaux sur la Basse- Bretagne divers faits analogues à ceux
dont vient de parler M. Lennier. On ignore les raisons pour lesquelles la Terre
avant k déluge de Louis Figuier indique l'extrémité N.-O. de la presqu'île
du Colentin comme ayant subi l'action glaciaire.
M. Deslongchamps ne croit pas qu'il y ait eu de transports glaciaires dans
la Basse-Normandie.
Louis ROLLAO-BAOS
Ingénieur civil dos mines au Havre, Membre le la Société nationale havraise d'études diverses,
et ,i,. La So i de I ram e.
DES MOYENS DE DÉVELOPPER ET D'ACCROITRE LA RICHESSE MINÉRALE
DE LA FRANCE.
— Séance du 21 août 1877. —
Introduction.
La France est sans contredit le plus beau pays du monde, tant par sa
situation topographique que par la richesse de son sol. — Mais mal-
heureusement sa richesse minérale connue jusqu'à ce jour, en houille
surtout, est loin d'approcher de celle des contrées qui nous avoisinent,
et dont, il faut bien le reconnaître, notre industrie est entièrement tri-
butaire. — Ainsi :
L'Angleterre produit 1, 200,000,000 de quintaux de iOOkil. pour une population de 30,000,000 d'habit.
La Belgique — -130,000,000 5,000,000 —
L'Allemagne — 596,000,000 — — 39,000,000 —
La France — 150,000,000 seulement — 37,000,000 —
Cette infériorité, dans notre production houillère, a quelque chose d'ef-
frayant, car en cas de guerre, en cas d'un droit fiscal sur les houilles
étrangères, notre industrie pourrait être mortellement atteinte.
C'est cette vérité, dont je suis préoccupé depuis bien des années, qui
me fait dire que la France, dont le sous-sol n'a pas été suffisamment
étudié, doit chercher par tous les moyens possibles à développer ses
richesses minérales de toutes sortes, sa richesse houillère en particulier.
460 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Il y a là, pour elle, une question de premier ordre, une question
vitale.
Cette vérité, en 4848, avait frappé les éminents auteurs de la Carte
géologique de la France, MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont, qui, en
traitant la question des différents bassins houillers de France et en
parlant des terrains jurassiques, qui jouent un si grand rôle dans la
géologie de notre pays et sous lesquels se glissent le plus généralement
les formations triasiques et houillères, s'exprimaient ainsi :
« La protubérance jurassique du pays de Bray fournit de précieuses
lumières sur l'étendue et la continuité du terrain jurassique et sur le
rôle qu'il joue dans la structure du Nord de la France.
» En suivant dans toute son étendue le bord intérieur de la ceinture
jurassique qui entoure, presque de tous côtés, [le. grand bassin parisien,
on voit des couches supérieures s'enfoncer et disparaître de toutes parts
au-dessous des couches plus modernes qui forment le sol de ce bassin.
— Il est naturel de se demander si les couches jurassiques se prolongent
au-dessous de ces dépôts modernes de manière à passer d'un bord
du bassin à l'autre, et à en occuper tout le fond, ou si au contraire
elles s'interrompent quelque part, et quelles seraient les formes des
lacunes qu'elles pourraient offrir.
» Cette question n'intéresse pas seulement la sciem e.
» Les industries qui spéculent sur le gypse et le sel gemme que ren-
ferment souvent les marnes irisées, les industries plus nombreuses
et plus importantes encore qui aspirent si vivement après la découverte
de la houille, sont fortement intéressées à la solution de cette ques-
tion, ainsi que nous l'avons déjà indiqué. »
Telles sont, Messieurs, les observations des deux savants géologues,
qui, il y a bientôt 30 ans, indiquaient à leurs concitoyens la marche à
suivre pour le développement et la richesse minérale de la France.
Malheureusement ces conseils n'ont pas encore été suivis, soit qu'on ait
trop compté jusqu'à présent sur la richesse houillère de l'Angleterre,
de la Belgique, etc., etc. ; soit que les capitaux aient manqué pour
entreprendre des travaux, qui, il ne faut pas se le dissimuler, doivent
entraîner à des dépenses considérables, trop souvent inabordables à des
entreprises particulières.
Partant des principes exposés par ces deux illustres géologues, je
vais étudier et passer en revue les points principaux où des recherches
pourraient être entreprises, et je parlerai ensuite des moyens d'exé-
cution.
Permettez-moi d'abord, Messieurs, de vous dire quelques mots d'un
travail auquel je me suis livré dans ces dernières années, et dont j'ai
l'honneur de déposer un exemplaire sur le bureau, travail intitulé :
ROLLAND-BANÈS. — RICHESSE MINÉRALE DE LA FRANCE 461
Notice sur la recherche de la houille dans le département de la Seine-
Inférieure, publié en vertu d'un vote émis par le Conseil général dans
la séance du 28 avril 1873. (Par Louis Rolland-Banès, ingénieur civil
des mines.)
Dans ce travail, accompagné de plans et de nombreuses coupes, après
avoir étudié les gisements houillers de Sarrebruck, de Belgique et du
Nord de la France, aprèsa voir comparé les gisements houillersde Sarrebruck.
et de la Moselle, plongeant sous les terrains triasiques etjurassiques entre
Thionville et Metz, aux bassins houillers de l'Ouest de la France entre
Coutances et Baveux, et comprenant les mines du Plessis, de Moon,
Littry et Fumichon, encouragé dans ces études par MM. Élie de Beaumont
et de Lapparent, j'ai été conduit à me demander si la protubérance et
la dénudalion du Pays de Bray ne seraient pas l'indice d'une série de
dislocations qui auraient pu relever les terrains inférieurs, comme le
terrain houiller, par exemple, et dont la présence en ce point s'accorderait
avec les directions prolongées des bassins houillers de Sarrebruck et de
Littry.
Cette étude ayant été bien accueillie par le Conseil général de la Seine-
Inférieure, cette assemblée avait voté, pour faire des recherches, par
sondages, une somme de 500,000 fr. à raison de 100,000 fr. par an
pendant cinq ans, à la condition qu'il serait formé une Société au capital
de 1,500,000 fr. pour opérer 3 sondages.
Malheureusement, les temps n'étaient pas favorables pour la formation
d'une semblable Société. Les charbons étrangers, qui, lors du vote
du Conseil général, étaient à des prix très-élevés, ayant subi de fort
importantes réductions, l'empressement des souscripteurs s'est ralenti, et
les projets de sondage ont été ajournés.
Mais je dois rendre ici un éclatant hommage à l'initiative du Conseil
général de la Seine-Inférieure, qui, dans une question d'un si grand intérêt
pour le département et la France entière, avait compris que le dévelop-
pement de l'industrie a surtout pour base l'accroissement de la richesse
minérale du sol.
Dans le département de la Seine-Inférieure, trois sondages avaient été
proposés avec chances de rencontrer des gisements de gypse et sel
gemme d'abord et de houille ensuite.
Le premier projeté dans le Pays de Bray, aux environs de Compain-
ville, en un point où une dénudation a fait disparaître de 90 à 100 mètres
des formations supérieures.
Le second, aux environs de Rouen, au point géologique le plus bas,
non encore déterminé.
Le troisième enfin, aux environs du cap de la Hève, au point géolo-
gique le plus bas également de l'étage à gryphée virgule du kimmeridien.
462 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Depuis la publication de mon travail, notre honorable conservateur du
musée, M. Lennier, a découvert aux environs de Villequier, sur les bords
de la Seine, un niveau géologique des argiles kimméridiennes où un son-
dage pourrait être également tenté.
Mais, en dernier ressort, d'après les avis de MM. Elie de Beaumont, de
Lapparent et Fuchs, ingénieurs des mines, il serait prudent de ne taire
d'abord qu'un seul sondage dans le pays de Brag ; en calculant sur une
profondeur moyenne de 900 mètres environ.
Pendant que nous sommes dans la partie Ouest de la France, voyons
où des sondages d'une certaine importance auraient la chance de ren-
contrer le prolongement d'un bassin houiller.
Dans une notice très-remarquable de M. E. Vieillard, ingénieur au corps
des mines, et intitulée : Terrain houiller de la Basse Normandie, ses res-
sources, son avenir, l'auteur traite les questions sous un double point de
vue, à savoir, sous celui des recherches industrielles réalisables à peu de
Irais, et ne pouvant donner qu'une satisfaction du moment ; et sous
celui de recherches importantes, pouvant accroître d'une manière réelle
la richesse minérale du département du Calvados.
Ainsi, en parlant de sondages à faire, M. Vieillard s'exprime ainsi :
« On sait que les couches du Plessis et de Fumiehon paraissent plonger
» vers Carentan et Isigny, en sorte qu'entre ces deux localités, les sondages
» seraient vraisemblablement plus profonds que si on se plaçait plus au
» Sud, par exemple entre Moon, Saint-Jean-de-Daye et le Plessis.
» S'il devait s'agir d'un sondage exécuté par l'Etat, au point de vue,
» non d'intérêts privés, demandant la satisfaction la plus immédiate,
» mais dans l'intérêt général, nous conseillerions de l'entreprendre à
» mi-distance entre Moon et le Plessis, soit à Saint-André de Bohon, par
» exemple, presque au bord du marais, de manière à gagner une trentaine
» de mètres de hauteur dans la recherche. — En ce point, le sondage
» atteindrait la formation houillère dans sa partie centrale peut-être
» déjà profonde et puissante. »
Par ce moyen, on pourrait donner lieu à l'ouverture de plusieurs puits
entre Littry et le Plessis, la distance entre ces deux localités étant de plus
de 3o kilomètres. M. Vieillard recherche en outre les points où d'autres
sondages pourraient être faits. — Il indique la vallée de la Vire, au nord,
les environs d'Engleville, et enfin à l'est, à la suite des affleurements du
liuisseau du gril, où se montrent quelques bancs de Lias.
Quant à moi, à l'effet d'obtenir une plus large reconnaissance du terrain
houiller vers l'est, je conseillerais un sondage aux environs de Creuilly ,
c'est-à-dire au point où une bande de Lias disparaît sous les marnes
supraliasiques.
Ce sondage, qu traverserait tous les terrains du Trias avant d'attein-
ROLLA.ND-BANÈS. — RICHESSE MINÉRALE DE LA FRANCE 403
dre le terrain houiller, aurait un double avantage, celui de se rappro-
cher de la Seine- Inférieure et de jeter un grand jour sur la géologie
souterraine des plaines des environs de Caen.
Si le cadre des communications à taire était plus étendu, je pourrais,
avant de quitter l'Ouest de la France, démontrer que des sondages en-
trepris dans les départements de la Vendée et des Deux-Sèvres pourraient
conduire à un plus grand développement des bassins houillers de
Chantonnai/ et de Vouvans.
En jetant maintenant un coup d'œil rapide sur les départements du
Nord et du Pas-de-Calais, je dois constater ici que la richesse houillère
du Pas-de-Calais, qui ne date que d'environ 30 à 35 ans, y a été décou-
verte par un sondage destiné a rechercher des eaux jaillissantes.
Cette circonstance fortuite ne doit-elle pas être un encouragement
puissant à multiplier en France les sondages, en les basant, bien entendu,
sur le progrès delà science géologique"?
La fortune rapide des Compagnies du Nord et du Pas-de-Calais leur
ayant permis de se livrer à de nombreuses recherches par sondages et
autres, je me trouve dispensé de donner mon appréciation sur le
sondage à faire dans ces riches contrées, si bien étudiées par les direc-
teurs des importantes exploitations houillères. — Je crois cependant
devoir insister ici pour faire remarquer qu'il reste encore beaucoup à
faire pour bien établir les relations entre le bassin des environs de Bou-
logne et les autres bassins, ainsi que pour constater ce que devient le
terrain houiller de Fiennes et Hardingen, en se rapprochant de la mer
et en se glissant sous les terrains jurassique et crétacé inférieur,
constatation très-importante au point de vue des relations qui exis-
tent entre nos bassins houillers du Nord et ceux d'Angleterre.
Revenant maintenant aux indications énoncées par MM. Dufrenoy et
Elie de Beaumont, en 1848, à l'effet de savoir ce que deviennent les
terrains, jurassique, liasique, triasique, vosgien et carbonifère au-dessous
du bassin de Paris, je crois qu'il serait bon de prendre d'abord pour
ligne de base des sondages une droite passant par le centre du bassin
houiller de Sarrebruck, par Metz et Bar-le-Duc, par exemple.
L'un des sondages le plus rapproché du bassin de Sarrebruck pourrait
être fait sur la limite est du département de la Meurthe, aux environs
de Pont-à-Mousson et de Pagny, par exemple, c'est-à-dire le plus rappro-
ché du point où le lias plonge sous les marnes supraliasiques.
Ce sondage, peu éloigné de Château-Salins, traverserait, si rien ne
manquait à la série géologique:
1° Une petite épaisseur de marnes supraliasiques ;
2° Le calcaire à gryphées ou Lias ;
3° Les grès infraliasiques ;
464 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
4° Le terrain jurassique modifié;
„ Le Trias avec les marnes irisées ( avec chance de rencontrer des
5° ) gisements de sel gemme, comme
Le Muscbelkalk et les grès bigarrés f à château-Salins, Dieuze, etc.
6° Le grès des Vosges, sous lequel plonge le terrain houillerde Sarrebruck ;
7° Enfin le terrain houiller.
Comme on le voit, ce sondage serait destiné à jeter une grande lu-
mière sur cette contrée de la France entièrement privée jusqu'à ce jour
de reconnaissances en bassins houillers.
L'autre sondage pourrait être fait plus tard aux environs de Bar-le-Duc,
au point où la formation jurassique se glisse sous la formation crétacée
inférieure. Dans tous les cas il serait prudent de n'entreprendre le deuxième
sondage qu'après avoir constaté la nature des terrains par le sondage
précédent, ce qui pourrait indiquer si le deuxième sondage devrait être
entrepris soit au nord, soit au sud de Bar-le-Duc, soit en tout autre point
reconnu plus favorable.
Les différents bassins houillers de France plongeant en majeure partie
sous les terrains jurassiques, je pourrais citer un grand nombre d'exem-
ples qui me conduiraient à conseiller des sondages dans bien des dépar-
tements, mais je serais obligé de sortir du cadre qui est assigné à ces
communications.
Cependant je ne saurais passer sous silence le bassin houiller d'Alais
(Gard) qui s'étend depuis Alais jusqu'au Vans et auquel semblerait ap-
partenir un lambeau houiller situé à Jaujac, près Aubenas.
Si je crois devoir mentionner plus spécialement le bassin d'Alais, c'est
que, pendant les années 1833-1834, j'ai fait moi-même la topographie
tant supprficielle que souterraine de ce riche bassin, qui m'est assez bien
connu.
Déjà, en 1832, MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont émettaient l'idée
que le bassin houiller d'Alais pourrait bien se prolonger dans les dé-
partements des Bouches-du-Rhône et du Var, et aujourd'hui, d'après le
développement plus considérable des travaux dans les différents bassins
d'Alais, la Gd Combe, Portes, Bességes, etc., etc., l'opinion plus généra-
lement accréditée est que cette zone houillère qui plonge au sud-est
sous les terrains liasiques, et plus loin sous les terrains crétacés inférieurs
aurait réellement des affleurements correspondants dans les lambeaux de
terrain houiller qui, dans le Var, apparaissent dans les montagnes maures
et surtout sur le liane ouest de la montagne de VEsterel, où un soulè-
vement de porphyres rouges quartzifères, analogue à celui qui se montre à
l'est du terrain houiller de Sarrebruck, aurait redressé et mis à jour ce
système carbonifère.
D'où il résulterait qu'une zone d'environ 60 kilomètres de largeur
HOLLAND-BANÈS. — RICHESSE MINÉRALE DE LA FRANCE 465
s'étendrait avec plus ou moins de lacunes, bien entendu, depuis Alais,
jusqu'à une faible distance de la Méditerranée, soit sur une longueur
d'environ 239 kilomètres.
Pour s'assurer de ce prolongement souterrain, un point me semblerait
très-favorable pour l'établissement d'un premier sondage. Ce point, situé
à environ 60 kilomètres des affleurements des montagnes de l'Esterel, se
trouve naturellement indiqué par un assez large lambeau de l'assise ter-
tiaire de Muschelkalk T2 aux environs de Barjols et qui doit être évi-
demment le prolongement des terrains sur lesquels est construite la
ville de Draguignan et sous lesquels plonge le terrain houiller de l'Esterel.
Un sondage situé aux environs de Barjols se trouverait en un point géo-
logique relativement bas, puisque pour atteindre le terrain houiller :
/ Le Muschelkalk,
en supposant même que toutes les l [jCS grt\s bigarrés,
assises géologiques soient présentes, ce qui ) Le grès vosgien,
n'est pas probable, il n'aurait à traverser : j Le Zechtein,
que les Terrains ci-contre : f Le grès rouge.
\ Terrain houiller.
Par ce moyen, on aurait déjà des données sur plus d'un quart de
la distance séparant Alais des affleurements de l'Esterel, et si le résul-
tat était satisfaisant, on pourrait, en se rapprochant vers Alais, opérer
d'autres sondages en des points où quelques lambeaux de terrain juras-
sique percent au milieu du terrain crétacé inférieur, comme aux envi-
rons de Vauvenargues, par exemple, à Saint-Paul et quelques'autres points
du département des Bouches-du-Rhône. Comme on le voit, il y a là
un vaste champ à explorer.
Je pourrais aussi vous entretenir, Messieurs, des richesses de Saint-
Etienne, St-Chamond, Rive-de-Gier, au milieu desquelles j'ai commencé
ma carrière de mineur, et vous dire que ces gisements ont pour ainsi
dire doublé de valeur lorsque des travaux, exécutés au-dessous de Saint-
Chamond, ont démontré que les grandes couches de Saint-Etienne se pro-
longeaient en profondeur jusqu'au-dessous de Saint-Chamond.
Là, comme dans le Nord et dans le Pas-de-Calais, les habiles directeurs
des mines acquièrent tous les jours une connaissance de plus en plus
complète des gisements.
Les quelques exemples que j'ai cités pour les bassins houillers s'ap-
pliquent également aux terrains anthracifères, et pour ne citer que deux
exemples, sur des concessions que j'ai exploitées moi-même, je dirai :
Qu'aux mines de Lamure (Isère), le gisement indiqué sur la carte géo-
logique de France, comme appartenant au terrain anthracifère et que
(
466 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
j'ai exploité à 1,200 mètres d'altitude à la mine de Peychagnard, a été
retrouvé par un sondage d'une profondeur de 54m,75 dans la plaine de
Villaret, au-dessous des alluvions.
Je dirai enfin que, dans les mines d'anthracites de la basse Loire, la
richesse minérale a pour ainsi dire été doublée, de 1840 à 1850, par des
sondages faits dans le lit de la Loire et par des puits pratiqués dans les
sables d'alluvion par l'ingénieux procédé de M. Triger.
Comme vous le voyez, Messieurs, dans un cadre plus étendu, il serait
possible de faire ressortir combien de points, en France, pourraient être
avantageusement explorés.
Et combien de départements auraient intérêt à se livrer eux-mêmes
à des recherches destinées à accroître la richesse publique.
Le champ des recherches à faire en France est tellement vaste,
qu'il me faudrait des volumes pour démontrer l'importance des sondages
à exécuter.
Sondages, non-seulement destinés au développement de la richesse
houillère, mais de tous les produits utiles que recèle l'intérieur du sol
de la France : fer, plâtre, sel gemme, houille, anthracite, lignites et
minerais divers.
Un moyen certain d'arriver à la solution de cet important problème
serait que l'État lui-même, comme cela a lieu du reste dans certaines
contrées voisines, entreprît à sa charge les principaux sondages destinés
à constater la nature du sol jusqu'à des profondeurs de 1,000 à 1,200
mètres.
Et bien certainement, suivant l'exemple tracé par l'État, les départements
encouragés par des succès, se livreraient eux-mêmes à des sondages et
à des recherches de tout genre dans leur périmètre, et je mets en fait que,
par de semblables efforts, guidés par d'habiles ingénieurs praticiens,
la richesse minérale de la France pourrait être facilement doublée.
Mais, dira-t-on, de semblables recherches devront entraîner à des dé-
penses considérables. Cela est vrai, mais en présence de la pénurie des
bassins houillers en France, en présence des besoins toujours croissants
des industries de toutes sortes, en présence de la paralysie dont les éta-
blissements industriels pourraient être frappés si une guerre, ou toute
autre circonstance venaient supprimer ou même restreindre l'arrivage
des charbons étrangers, ou en augmenter le prix dans des propor-
tions inabordables, il n'y a pas à hésiter devant If s dépenses à faire, car
l'argent dépensé pour de semblables travaux de sondages et autres
recherches sera utilement employé, puisqu'il servira au développement
de l'industrie.
II. MEUHDRA. — ÉTUDE SUR LE RÉGIME DES SOURCES DU HAVRE 467
Ne pouvant entrer ici dans le détail des dépenses de sondage, je ren-
voie, pour ces renseignements, aux exemples que j'ai cités dans mon
travail sur la houille dans la Seine-Inférieure.
Une condition importante que l'État ou les Départements ne doivent
pas perdre de vue, c'est que, sans se faire eux-mêmes exploitants, mais
bien après la découverte de nouveaux gisements houillers ou autres, et
après avoir tracé des limites de concessions, ils trouveront facilement
des compagnies qui ne demanderont pas mieux que de leur rembourser
les avances faites pour des recherches qu'elles n'auraient osé entrepren-
dre elles-mêmes, par suite de l'aléa qui accompagne toujours des tra-
vaux de ce genre.
Conclusions.
Ainsi, l'État et les Départements n'auraient réellement de pertes à
éprouver que pour les recherches qui ne seraient pas accompagnées de
succès.
Mais je suis persuadé qu'en s'entourant de tous les renseignements
fournis par la science géologique, qu'en confiant la détermination des
sondages à faire aux ingénieurs les plus versés dans la science pratique
de la géologie et des mines, la question des insuccès serait peu re-
doutable.
D'où il résulte, en un mot, que l'État et les Départements n'auraient
pour ainsi dire que des avances à faire.
Or, des avances faites pour atteindre un si noble but, celui du dévelop-
pement des richesses minérales de toutes sortes, recevraient l'approbation
unanime des populations entières, comme œuvre éminemment patriotique,
devant concourir, d'une manière certaine, à l'accroissement de la Richesse
(jénérale de la France, notre chère patrie.
M. H. MEÏÏRMÀ
Lieutenant-Colonel du génie en retraite, Directeur de la Compagnie des Eaux du Havre.
ÉTUDE SUR LE RÉGIME DES SOURCES DU HAVRE.
— Séance du, 24 août 1877. —
Les sources du Havre, qui proviennent de la Gaise ou Gault, ont un
régime tout à fait élémentaire. En effet, la couche imperméable qui les
produit, ayant sa pente vers le nord-est et son bord sud très-sensible-
468 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
ment en relief par rapport à la plaine, ne peut être alimentée d'eau
que par les pluies locales tombant sur le plateau.
Le sol, qui leur sert de filtre, est classé comme perméable, bien que
formé d'un argile rouge sableuse, généralement imperméable et empâ-
tant d'abondants rognons de silex. La perméabilité ne peut donc être
ni générale ni continue; elle ne doit exister que sur les parties soit
modifiées, soit fendillées et là où les aiguilles très-perméables de la
craie verte affleurent le sol et notamment sur les flancs des vallées,
vallons et simples plissements qui sont de véritables coupes inclinées
du terrain.
Dans ces conditions, l'eau de la pluie ne réussit à pénétrer qu'après
avoir fait, comme eau sauvage, de longs trajets et subi en route des
pertes importantes. La pluie ne peut être efficace, c'est-à-dire profitable
aux sources, en proportion très-variable, qu'à la condition d'être suffi-
samment intense. Et, en définitive, le débit doit être faible, eu égard à
la hauteur des pluies annuelles qui alimentent les sources.
Le régime des sources du Havre est étudié au moyen : 4° des obser-
vations pluviométriques recueillies à Sanvic et dont la communication
est due à l'obligeance de M. l'inspecteur général Belgrand, et 2° des
sources artilicielles de Bellefontaine, captées à l'aide de tunnels, débou-
chant au pied du talus de la côte, à l'extrémité orientale de la ville.
Les sources de Bellefontaine ont été choisies pour cette étude à cause
de leur situation par rapport au pluviomètre, de l'importance relative
de leur débit (qui est moyennement de 1,200 mètres cubes par jour),
de la facilité de les observer régulièrement et de les jauger avec précision.
Durée de pénétration des pluies efficaces. — La durée de pénétration
d'une pluie efficace, c'est-à-dire le temps qui s'écoule entre le moment
où l'eau tombe et celui oîi elle commence à reparaître à la source, est
le premier résultat certain que les observations ont mis en évidence.
Les pluies d'automne qui précédèrent la forte crue de 1872-73 (1) l'ont
fait ressortir, sans aucun doute possible, à une cinquantaine de jours.
Les observations subséquentes ont confirmé ce résultat, en donnant,
suivant les circonstances, des durées variables de quarante-cinq à soixante
jours. On peut accepter ces chiffres comme limites extrêmes des varia-
tions de cette durée, laquelle, en plein hiver et dans un sol imbibé,
doit être de quarante-cinq jours et peut-être quelquefois moindre.
Ce résultat est d'une importance capitale ; il sert véritablement de
fondement aux déductions qui vont suivre. Il est une confirmation des
données géologiques admises.
(1) Les fortes pluies commencèrent le 19 septembre 1872 et la crue ne fut constatée que le H no-
vembre, c'est-à-dire quelques jours après son origine probable.
H. MBURDRA. — ÉTUDE SUR LE RÉGIME DES SOURCES DU HAVRE 469
Température cl époques des pluies efficaces. — Les pluies commencent
à être efficaces en automne, au Havre, lorsque la moyenne de la tem-
pérature, mesurée à 9 heures du matin, et pour quelques jours consé-
cutifs, est définitivement tombée à -f 13° centigrades et au-dessous.
En température ascendante, au printemps, la limite est plus difficile
à préciser, surtout a cause de la grande variabilité de la température
et de la fréquente sécheresse du mois d'avril ; vraisemblablement, les
pluies cessent d'être efficaces dès que la température moyenne, mesurée
de la même manière, dépasse définitivement -\- il0.
Ces limites correspondent en général au 10 octobre et au 10 avril.
Elles peuvent s'étendre de 1 à 2° pour des pluies très-intenses; mais
alors la portion qui pénètre est d'autant moindre que les pluies sont
plus précoces en automne, plus tardives au printemps et accompagnées
de températures à variations brusques et de grandes agitations atmo-
sphériques.
Les pluies des mois de juin, juillet et août sont absolument sans effet
sur les sources; celles du mois de mai et de la première moitié du
mois de septembre ne sont que très-rarement et très-faiblement efficaces.
Au contraire, les pluies d'hiver du 1er novembre au 31 mars le sont
toujours.
Durée totale d'écoulement des contingents annuels de la pluie efficace.
— En étudiant attentivement les variations de débit des sources dans la
période de décroissance des grandes crues de 1867 et de 1873, on
reconnaît : 1° que toute l'eau provenant de la pluie de l'hiver qui avait
occasionné chacune d'elles n'était pas encore entièrement écoulée deux
ans après l'origine de la crue, et 2° que l'excédant, représentant au
moins 200 mètres cubes d'eau par jour, devait exiger encore au moins
six mois pour s'épuiser.
Donc l'écoulement total de l'eau fournie aux sources du Havre par les
pluies des hivers les plus humides et les plus efficaces dure au moins
trente mois.
On constate, en outre, pour la crue de 1872-73, que, onze mois après
son origine, le débit de la source, réduit à ce moment à environ 2,000
mètres cubes par jour, ne comportait, pour ainsi dire, plus que de l'eau
de l'hiver précédent.
Dès lors, si la source n'avait plus reçu de nouvelles eaux, son débit
journalier aurait progressivement diminué, suivant la même loi que celui
d'un réservoir qui, débitant à l'origine 2,000 mètres cubes par jour, se
viderait en vingt mois. Il est facile, au moyen des formules de l'hydrau-
lique, de déterminer ces débits décroissants de mois en mois.
Nous avons fait ces calculs et dressé un tableau dont les volumes
mensuels représentent par conséquent les débits successifs qu'on aurait
470 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
dû trouver, de mois en mois, à partir de novembre 1873, a la source;
de Bellefontaine, si de nouvelles eaux ne lui avaient pas été fournies
par les pluies de l'hiver 1873-74. Donc, en rapprochant ces chiffres de
ceux effectivement trouvés à la source, on obtiendra par différence les
contingents mensuels de ce dernier hiver (1).
Et, en thèse générale, comme le débit total de la source ne comprend
ordinairement que les contingents de deux hivers et môme, à un moment
donné, qu'un seul, en septembre, octobre ou novembre, il est aisé de
déterminer chaque année ce moment et aussi le point de départ de la
baisse de chaque contingent. Puis, au moyen du tableau précédent
appliqué, comme un barème, à chaque contingent arrivé à sa période
de baisse, on obtient ses volumes mensuels et, par différence, les apports
mois par mois du nouvel hiver.
En procédant de la sorte, on arrive à décomposer chaque volume
successivement trouvé à la source en parties représentant la part de
chaque hiver. Il suffit de totaliser ensuite les éléments appartenant â
chaque hiver pour connaître le volume d'eau total qu'il a fourni à la
source et le temps total qu'il a mis à s'écouler.
Résultats trouvés pour la période de 4869 à 1877. — En appliquant
cette méthode aux observations recueillies de 1869 à 1877, nous avons
pu, pour cette période, dresser un tableau donnant les Débits journaliers
moyens de la source, mois par mois, et leur décomposition suivant les pluies
d'hiver qui les ont produits, puis un second tableau totalisant et com-
parant les résultats du premier. Nous en avons tiré les conclusions
suivantes, qui sont dignes de confiance ; elles découlent en effet d'ob-
servations exactes et comparatives; malheureusement elles n'embras-
sent pas une suite d'années suffisamment prolongée pour pouvoir en
déduire une solution complète du problème du régime des sources du
Havre.
Durée d'écoulement. — La durée totale d'écoulement de l'eau fournie
aux sources de Bellefontaine par chacun des hivers de la période 1869-
1877 a varié de 20 mois 1/2 à 31 mois 1/2.
Crue. — Le contingent d'eau fourni par chaque hiver se décompose en
hausse ou crue et en baisse.
La crue a une durée totale variable de 8 1/2 à 12 1/3 mois, tandis
que les pluies efficaces de la même période ont duré de o 1/2 à 8 mois
au plus, et encore les plus longues ont-elles fourni fort peu d'eau au-
delà de 6 mois 2/3.
Maximum ou étale. — Chaque crue se termine par une période d'étalé,
(1) Les chiffres de 1867, quoique un peu différents et moins certains que ceux de 1873, auraient
pu servir également de base à des déductions et à des calculs analogues à ceux que nous venons
d'indiquer et ils auraient donné des résultats concordants.
H. MEURDRA. — ÉTUDE SUR LE RÉGIME DES SOURCES DU HAVRE 471
ou de maximum, qui dure trois mois environ, pendant lesquels les varia-
tions en hausse et en baisse sont très-faibles.
Baisse. — La durée totale de la baisse varie de 9 à 23 mois.
Époque du maximum. — Pour les différents contingents de cette
période, le maximum du débit journalier est arrivé en juillet pour 1873
et 1875, en septembre pour 1870, 1871, 1872, 1876 et 1877 et en
octobre pour 1874.
Sauf pour cette dernière année, la période d' étale a donc pris fin, et
la baisse s'est accentuée, avant l'arrivée à la source de l'eau de pluie
de l'hiver suivant.
Composition du débit total. — A un moment quelconque, le débit total
comprend les débits partiels fournis par un, deux ou trois hivers, mais
ordinairement par deux, dont un décroissant et un croissant. Quand le
débit comprend trois contingents, il n'y en a jamais qu'un qui soit
croissant.
Dans ces conditions, le régime de la source a une tenue et une régu-
larité qui n'existeraient pas si les contingents d'eau fournis par les hivers
successifs s'écoulaient plus rapidement et ne se superposaient pas.
Rapport entre la hausse et la baisse. — Tandis que les hivers secs
donnent lieu à des durées de hausse et de baisse, peu inégales, la durée
de la baisse devient prépondérante en proportion de l'humidité de
l'hiver.
Volumes des contingents annuels. — En comparant les quantités totales
d'eau qui ont été fournies aux sources de Bellefontaine par les hivers de
la période 1869-1877, on voit : que le contingent le plus faible, celui
de 1873-1874, a été de 158,400 m. cubes, et le plus fort, celui de 1872-73,
de 1,037,580 m. cubes. Celui-ci est égal à 6,55 fois celui-là. —Le
débit journalier maximum fourni par l'hiver 1873-74 a été de 505 m.
cubes, et celui de l'hiver 1872-73 de 2,290 m. cubes. Celui-ci est égal à
4.53 fois celui-là. Les débits journaliers moyens pris par rapport à la
durée totale d'écoulement de chaque pluie d'hiver donnent 242 m. cubes
pour 1873-74 et 1,079 m. cubes pour 1872-73; rapportés à la durée
d'écoulement la plus courte, les débits moyens correspondants seraient
242 et 1,661 m. cubes.
L'apport total de chaque hiver étant partagé entre la hausse et la
baisse, on constate bien que la part de la baisse est plus grande pour
les hivers pluvieux que pour les hivers secs; toutefois la progression
est moins régulière pour les volumes que pour les durées.
Pour les hivers dont le contingent ne met pas plus de deux ans à
s'écouler, le débit de la première année consomme en général plus de
60 0/0 du volume total.
Si, au lieu d'avoir des durées d'écoulement variables de 20 à 31 mois,
472
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
d'où résulte un débit journalier moyen de 1,230 m. cubes, du 1er no-
vembre 1869 au 9 novembre 1877, avec des variations comprises entre
665 et 2470 m. cubes, le contingent des pluies de chaque hiver s'écou-
lait en une année, par exemple, le débit journalier varierait entre 0 et
3 à 4,000 m. cubes et la moyenne annuelle entre 4-26 et 2,840 m. cubes
Le plus faible débit qui ait été constaté depuis 1854 est de 480 m.
cubes en septembre 1859; le plus fort a été de 2,470 m. cubes en août
1873.
Le contingent d'eau fourni par chaque hiver représente de 20 à
71 0/0 du volume total que la source débite pendant le temps que ce
contingent met à s'écouler.
Tableau récapitulatif des hauteurs pluviométriques correspondantes
aux débits des sources de bellefontaine.
HIVERS.
1
PLUIES D'HIVER
recueillies
du 1" novembre
au 31 mars suivant.
Nombres
propor-
tionnels.
2
PORTION COMPARABLE
DB LA PLUIE EFFICACE.
3
TOTAL
des
colonnes
1 et 2.
Nombres
propor-
tionnels.
d'automne.
du printemps.
1873-1874
205 "/■ 50
1 »
75 »/"
5 sept, à 31 oct.
10 •/»
1 à 15 avril.
290 "■/»
1 »
1870-1871
234 25
1.14
90
9 à 31 octobre.
16
1 à 23 avril.
340
1.17
1869-1870 310 25
1.51
50
16 à 31 octobre.
»
360
1.24
1871-1872
302 »
1.46
70
21 sept, à 31 oct.
20
1 à 10 avril.
392
1.35
1874-1875
4 .'.6 >
2.17
75
1 à 31 octobre.
7
1 à 8 avril.
528
1.86
1875-1876
370 25
1.80
115
21 sept, à 31 oct.
10
1 à 20 avril.
495
1-70
1876-1877 I 458.50
2.23
55
7 sept, à 31 oct,
60
1 avril à 24 mai.
573
1 .98
1872-1873
601 40
2.92
110 I 10
19 sept, à 31 oct.l 1 à 27 avril.
721
2.49
Comparaison entre les débits de la source et les hauteurs pluviomé-
triques.— En comparant les débits de la source correspondant à chaque
hiver avec les hauteurs pluviométriques recueillies à San vie, du 1er no-
vembre au 31 mars, on voit que non-seulement les rapports ne sont
pas les mêmes dans les deux séries, mais encore que l'ordre de classe-
H. MEIRDRA. — ÉTUDE SUR LE RÉGIME DES SOURCES DU HAVRE 473
ment des hivers y est différent, ("est évidemment qu'on a ou tort de
négliger les pluies efficaces de l'automne et du printemps. Il faudrait
done ajouter aux hauteurs d'eau recueillies pendant les cinq mois d'hiver
la hauteur proportionnelle de ces pluies efficaces, précoces, ou tardives,
qui leur est comparable au point de vue de la pénétration. La déter-
mination de cette proportion est plus ou moins arbitraire. Mais une
exactitude absolue n'est pas de rigueur; il suffit que les chiffres adop-
tées soient comparables et, pour cela, que dans chaque cas particulier
on analyse avec soin, avant de les arrêter, les circonstances particulières
de mois, de température moyenne, de hausse ou de baisse du thermo-
mètre, de vent, de sécheresse préalable ou postérieure, et surtout d'in-
tensité plus ou moins durable de la pluie. C'est à la suite d'une étude
attentive de cette nature que nous avons adopté les chiffres de la colonne
n° 2 dans le tableau récapitulatif des hauteurs pluviométriques. Ces
chiffres, ajoutés aux hauteurs pluviométriques de cinq mois d'hiver,
donnent les totaux de la colonne n° 3.
Cette première rectification ne paraissant pas suffisante, nous avons
essayé de tenir compte de la gelée, qui joue aussi un rôle important dans
le débit des sources : en effet, par ses condensations latentes, elle équi-
vaut à une véritable pluie, et, en outre, par le froid manteau dont elle
recouvre le sol, elle conserve l'humidité, empêche l'évaporation et faci-
lite la pénétration de l'eau de la pluie ou du dégel. Fixer la part de ce
nouvel élément est aussi passablement arbitraire; mais, de quelque
façon qu'on y arrive, les rapports des chiffres adoptés seront certaine-
ment moins variables que ceux des hauteurs pluviométriques admises
pour représenter les pluies efficaces précoces ou tardives.
Nous avons relevé, dans chaque hiver, les jours de petite gelée et
les jours de gelée à glace plus ou moins intense, tenant au moins
24 heures; puis, nous avons compté chacun des premiers comme équi-
valant à un demi-millimètre de pluie et chacun des seconds à 1 milli-
mètre. Nous avons ainsi rectifié les hauteurs pluviométriques de
chaque hiver.
Nous avons enfin essayé de tenir compte de l'intensité de la pluie,
qui a aussi une grande influence sur la pénétration dans un sol comme
celui du plateau du Havre ; mais nous y avons bientôt renoncé en cons-
tatant que, malgré toutes les rectifications essayées, certaines anomalies
n'en subsistent pas moins entre les chiffres des hauteurs pluviométriques
totales et ceux des contingents d'eau fournis aux sources par les hivers
de la période 1869-1877.
Ces anomalies sont les suivantes :
1° Les chiffres des contingents d'eau croissent suivant une progrès-
474 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
sion beaucoup plus rapide que ceux des hauteurs pluviométriques
totales ;
2° Les contingents fournis par les hivers de 1873-74 et de 1874-75 sont
trop faibles par rapport aux hauteurs pluviométriques totales;
Et 3° les contingents fournis par les hivers de 1872-1873 et de
1876-1877 sont trop forts.
La première anomalie peut n'être qu'apparente et s'expliquer aisément.
En effet, si l'on considère comment l'imbibition a lieu au Havre, on voit
que la hauteur totale des pluies efficaces d'une année subit un déchet
qui doit être relativement plus grand pour les hivers secs que pour les
hivers humides. Ce déchet représentant à peu près une constante à
retrancher; les restes forment une série plus divergente que celle des
hauteurs primitives.
En second lieu, il suffit que le volume attribué dans le débit de la
source à l'hiver de 1873-74 soit trop faible et celui de 1872-73 trop
fort pour que leur rapport augmente après correction. Nous allons voir
que le résultat général doit tenir à cette double cause.
Quant aux autres anomalies, nous avons eu beau multiplier nos
recherches et nos analyses, nous avons été invariablement ramené à
l'explication suivante, qui nous paraît la seule admissible.
Le bassin souterrain des sources comprend nécessairement des plans
inclinés, des paliers, des ondulations, des cuvettes, des poches, des cou-
loirs, etc. Supposons tout d'abord ce bassin complètement à sec. Les
premières eaux d'infiltration commencent par imbiber toute la masse
filtrante, puis par s'épancher peu à peu dans le bassin souterrain; une
première cavité les arrête, elles en surmontent bientôt le seuil pour aller
remplir la suivante, après celle-ci une troisième, et ainsi de proche en
proche elles cheminent vers l'orifice. Tant que les eaux afïluentes sont
tranquilles et peu abondantes, le débit reste faible et régulier. Aussitôt
qu'une crue survient, le débit augmente ; mais plus le volume des eaux
affluentes est grand et leur marche rapide, plus les accroissements de
débit de la source sont relativement moindres et restent en retard. Un
gonflement se produit, s'accentue ; le niveau de l'eau monte de plus en
plus et atteint bientôt la voûte des chambres et des couloirs. A l'écou-
lement par nappe, canal ou déversoir, bientôt se mêle et finalement se
substitue l'écoulement par siphon. Le débit de la source croît sans cesse,
devient très-considérable et finit même par vider et assécher des parties
qui seraient restées indéfiniment pleines, si les pluies n'avaient pas cessé
d'être régulières et modérées. Dans ces conditions, la source débite non-
seulement l'eau du dernier hiver, qui sourd avec un excès de rapidité,
mais encore de l'eau antérieurement tombée et peut-être emmagasinée
depuis des années. La même activité persiste tant que les siphons fonc-
11. MEURDRA. — ÉTUDE SUR LE RÉGIME DES SOURCES DU HAVRE 475
tionnent; mais, dès qu'ils sont désamorcés, la pluie a beau être très-
abondante, très-efficace; elle est en grande partie immobilisée par la
reconstitution des réserves disparues et le débit de la source reste faible.
Si les choses se passent réellement ainsi, toute anomalie disparaît et
les observations deviennent concordantes. En effet, les pluies, excep-
tionnellement abondantes de l'hiver 1872-73 produisent une crue non
moins exceptionnelle; les siphons s'amorcent avant qu'elle atteigne
son maximum en juillet 1873. La baisse survient en septembre; elle
s'accentue de plus en plus parce que l'hiver de 1873-74 donne fort peu
d'eau (les 3/5 environ de la moyenne recueillie ^de 1866 ù 1877). Les
siphons doivent se désarmoreer vers la fin de 1874 et les réserves dis-
parues se reconstituer ensuite aux dépens du contingent de 1873-74,
qui n'a pas encore achevé de s'écouler et de celui de 1874-75, qui com-
mence à arriver. Donc le volume d'eau total trouvé comme étant le
contingent fourni par l'hiver 1872-73 est trop fort, et, réciproquement,
les volumes trouvés comme étant ceux de 1873-74 et de 1874-75 sont
trop faibles.
Le même effet se produit à la suite de la grande crue de 1867, et
comme l'hiver de 1867-68 est moins sec que celui de 1873-1874, ce
qui tend à prolonger la durée de l'effet du siphon, il est possible que
le contingent de 1869-70 soit légèrement amoindri par la reconstitution
des réserves.
En réalité, les seuls contingents de 1870-71, 1871-72 et de 1875-76,
doivent être exactement déterminés, parce qu'ils se trouvent seuls
dans des conditions à peu près normales.
En comparant les hauteurs pluviométriques de 1874-75 et de 1875-76,
on voit que le contingent d'eau correspondant au premier de ces hivers
devrait être légèrement supérieur au second, tandis qu'au contraire,
grâce à l'effet du siphon, le contingent de 1874-75 est inférieur à celui
de 1875-76 de 4000 x 30 m. cubes au moins.
Inversement, tandis que le contingent de 1872-73 devrait être de 40
à 50 0/0 seulement supérieur à celui de 1875-76 et s'élever, par consé-
quent, à 27 ou 28,000 m. cubes x 30, il a été trouvé pour 1872-73 égal
à 34,500 X 30, c'est-à-dire trop fort de 6500 x 30 m. cubes.
Ce dernier volume représenterait donc à peu près le total des réserves
souterraines dont la dépense et la reconstitution produisent les anoma-
lies constatées.
Conséquemment, le contingent trouvé pour 1873-74 serait trop faible
del,500 à 2,000 mètres cubesx30, et celui de 1874-75de4 à 5,000 mètres
cubes X 30. Tandis que celui de 1872-73 devrait être réduit de
6,500 X 30 mètres cubes environ, volume qui représente de l'eau souter-
rainement emmagasinée antérieurement à cet hiver.
76
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Tableau des quantités d'eau fournies aux sources de Bellefontaine
pau chaque pluie d'hiver.
HIVERS.
1873-1874
VOLUME
d'eau total dû
à la
pluie de l'hiver,
5280"*'' X 30
= 158.400"13
Vl
DURÉE
H
SS
totale
O
—
du
«
débit.
mois
1 »
21 1/2
DECOMPOSITION
en
CRl'B ET BAISSE.
mois
12 1/3 - 2990m:' X 30 ■
9 1/6 — 2290 X 30
56™3.63 0/0
- 43.37 0/0
DUREE
de la
pluie
efficace.
6 mois
-f- 1 mois
peu intense
8141 n,i X 30
= 244. 230~3
t 54
mois
10 1/?
21 1/2
4514m3X30-
3627 X 30 -
55m3.45 0/0
44 55 0/0
5 mois 2/3
+ 1 mois
peu intense,
1869-1870
458m3 X 30
: 253.740ro3
1.60
21 1/2
mois
10 1/3— 4G47m3 X30
11 1/6— 3811 X30
54',-!.94 0/0
• 45.06 0/0
5 mois 1/2.
2.159mi X 30
2.30
24 1/2
= 364.770nl3
mois
10 2/3 - 6100"" X 30— 50m3.16 0/0
13 5/6— 6059 X 30 — 49.84 0/0
G mois 1/3
-f- 1 mois 1/2
tr. p. intense
1874-1875
14-274™5 X 30
f
2.70
24 1/2
]
= 427.220'»3
mois
8 1/2
5702ra3X30 —
- 8572 X 30 -
401"3 0/0
60 0/0
6 mois 1/3
1875-1876
18.262°>:! X 30
3.46
27 1/2
= 547.860D'3
mois
10 2/3
8730"" X 30 -
6 5/6 — 9532 X 30 -
47ra3.7 0/0
52.3 0/0
6 mois 2/3
1876-1877
24.982-3 X30 (■
= 749.4G0"13
4.73
29 2/3
( 10 1/3'
( 19 1/3
10l38ra3X 30
- 14844 X 30
40m3 6 0/0
- 59.4 0/0
6 mois 1/2
-f- 1 mois
peu intense
1872-1873
34.5S6"'3 X 30
= 1.037.5S0m3
31 1/2
mois
8 1/2-
12065013 X30
- Î2521 X 30
34™*. 9 0/0
65.1 0/0
6 mois 1/3
+ 1 mois 1/3
tr. p. intense
Bien que les chiffres pour 1876-77 ne soient encore qu'approximatifs,
on voit qu'ils donnent, par rapport à ceux de 4875-76, un excédant de
débit dont la valeur se rapproche beaucoup de celle de 1872-73.
Bassin des sources. — Les sources qui sortent du plateau du Havre
(sources naturelles de Sain te- Adresse, de Fontaines, de Rouelles et de la
Bouteillerie; sources artificielles de Bellefontaine et autres comprises
entre Graville et Sainte-Adresse) proviennent du niveau imperméable de
la Gaise; au-delà de la ligne qui passerait par Gournay et Cauville, les
sources appartiennent au niveau de la craie marneuse.
H. MEURDRA. — ÉTUDE SUR LE RÉGIME DES SOURCES DU HAVRE 477
Celles-ci ont également un régime tout à fait élémentaire, car, dans
l'espace compris entre la t'aille de Bolbec à Fécamp et le Havre, les stra-
tifications de la craie marneuse sont parfaitement concordantes avec
celles de la Gaise. L'eau qui les alimente provient donc exclusivement
des pluies locales.
Les sources de Bruneval, de Notre-I)ame-du-Bec, de Saint-Laurent
sortent de la craie marneuse.
Ces dernières, situées à 10 kilomètres du Havre, en tête de la rivière
de Gournay, le long du chemin de ter de Rouen, entrent pour les trois
quarts dans la distribution de la ville du Havre; depuis bientôt vingt-
deux ans qu'elles sont exploitées, elles ont fourni un débit moyen
d'environ 20,000 mètres cubes d'eau par jour, représentant près de
moitié dans le débit totalisé des sources de la vallée de Gournay, qui est
en moyenne de 4o,000 mètres cubes par jour.
Ainsi, toutes les sources , grandes et petites, que la compagnie des
eaux du Havre exploite ont le même régime. Plus une source a un
débit important , plus son bassin a d'étendue et plus le temps qui
s'écoule entre l'origine et la lin d'une crue doit l'emporter sur la durée
de la pluie efficace qui l'a occasionnée.
Et, en effet, si l'on considère les sources de Sanvic, de Bellefontaine
et de Saint-Laurent, dont les débits journaliers moyens sont respective-
ment de 125, 1,200 et 20,000 mètres cubes, on constate que, tandis que
la première a commencé à entrer en baisse au mois de juin de la pré-
sente année et la seconde au mois d'août, la troisième n'a encore rien
perdu au commencement de novembre.
Il serait très-intéressant de connaître la superficie exacte du bassin de
chaque source, afin d'en conclure les variations de la perméabilité du
terrain qui leur sert d'udomètre et de filtre, et, finalement, la portion
véritablement efficace des pluies de chaque année. Malheureusement, les
éléments que nous possédons sont insuffisants pour conduire à une
solution quelque peu exacte de cette question très-complexe.
Si les sources artificielles avaient la tête de leurs tunnels exactement
placée sur la couche imperméable aquifère et que celle-ci fût intacte, ni
fendillée, ni rompue, il n'y aurait, quant à la superficie du bassin et
au régime, nulle différence entre les sources artificielles et les sources
naturelles. Il en doit être autrement pour Bellefontaine, par exemple
dont les tunnels ont leur tête située en contre-bas de la couche imper-
méable, dans un terrain d'éboulis, et reçoivent l'eau souterraine princi-
palement par le fond et par les côtés de la galerie. Donc, si, au moyen
de nos observations, nous réussissions à déterminer la superfieie du
bassin de Bellefontaine, il serait irrationnel d'en rien conclure pour les
autres.
478 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Si seulement nous connaissions le volume total d'eau qui est produit
chaque jour par le plateau du Havre, nous iixerions sans peine les
limites de son bassin. En effet, entre le Havre, Tancarville et Bruneval,
la couche imperméable aquifère a sa pente vers le nord-est et ses hori-
zontales parallèles à la ligne qui serait tirée de Tancarville vers Bruneval.
Donc, en traçant par l'étang de la Bouteillerie, près de Rouelles, une
ligne parallèle à cette direction, on limiterait au nord-est le plateau
qui alimente les sources et on trouverait que sa superficie est de
4,000 hectares environ. Sans doute, au-delà de cette limite, le terrain su-
perficiel penche vers le sud et pourrait envoyer de l'eau de pluie vers le
filtre des sources : mais, comme les lignes de fendillement du sol ont une
direction plus rapprochée du nord que la ligne Tancarville-Bruneval,
ces lignes de fendillement par compensation ramèneraient vers le nord
les mêmes eaux aussitôt qu'elles s'infiltreraient dans le sol.
Malheureusement, si nous connaissons approximativement le volume
d'eau fourni moyennement par jour par la vallée de Fontaine-Rouelles,
et par les sources situées entre Graville et Sainte-Adresse, nous ignorons
ce qui se perd le long du talus d'éboulement qui soutient le plateau et
s'infiltre dans le sous-sol de la plaine du Havre; et aussi ce qui peut
se perdre souterrainement sous le plateau dans la portion comprise entre
Fontaine, Bléville et Octeville.
En résumé, les seuls débits qu'il soit possible de mesurer donnent en
moyenne un total de 27,000 mètres cubes d'eau par jour.
Au contraire, le débit total de la rivière de Gournay est, en moyenne,
de 45,000 mètres cubes d'eau par jour, tandis que le plateau circon-
scrit: l°par la ligne tracée par Saint-Laurent dans la direction nord-ouest-
sud-est; 2° par la vallée de Montivilliers, au nord et à l'ouest, et
3" par le vallon qui descend de Saint- Aubin vers la Seine au sud,
n'a que 2,700 hectares de superficie.
Il semble résulter des chiffres précédents que, pour un même débit,
la superficie du bassin d'une source est plus grande sur le plateau du
Havre que sur celui de Gainneville-Saint-Martin du Manoir, et proba-
blement aussi que la perméabilité du sol est plus grande sur celui-ci que
sur celui-là. Mais ce n'est là encore qu'une conjecture, une probabilité.
A l'avenir seul est réservé de prononcer définitivement sur celte ques-
tion, comme sur toutes celles que, par la présente élude, on a essayé
d'élucider.
Conclusion. — En résumé, si la série de nos observations n'est pas
encore suffisante pour permettre de prédire exactement et plusieurs mois
d'avance les variations de débit que les sources doivent éprouver, il
nous parait indubitable, d'après ce qui précède, qu'on y parviendra dans
un petit nombre d'années.
COTTEAU. — SUR LES CIDARIS DU TERRAIN JURASSIQUE NORMAND 479
Tels qu'ils sont déjà, les résultats acquis ne sont pas sans impor-
tance. Ils nous ont permis, en effet, d'annoncer, dès le commence-
ment d'octobre 1876,1a fin de la baisse pour le mois suivant; puis, dès
le commencement de décembre, la hausse du mois de janvier 1877, et
enfin, à partir du mois de mars, d'affirmer la persistance de la crue
jusqu'en juillet au moins.
Ce premier succès, quelque modeste qu'il soit, n'est-il pas la démons-
tration de l'exactitude de nos principes et la garantie certaine de la réa-
lisation de nos espérances ?
M. COTTEAU
Ancien Président de la Société géologique de France.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES CIDARIS DU TERRAIN JURASSIQUE
DE NORMANDIE.
— Séance du 25 août iSll . —
Je viens de terminer, dans la Paléoritologie Française, la description
des espèces jurassiques du genre Cidaris. Considéré soit au point de
vue géologique, soit au point de vue purement zoologique, le genfe
Cidaris est très-intéressant à étudier. De tous les oursins, il est assuré-
ment le plus riche en espèces et présente cela de particulier, qu'il com-
mence à se montrer avant tous les autres échinides, dans les calcaires
carbonifères inférieurs, qu'il se développe dans le trias, qu'il parcourt en-
suite toute la série des étages jurassiques, crétacés et tertiaires, laissant à
chaque niveau des espèces nombreuses, caractéristiques, qu'aujourd'hui
encore, il existe dans toutes nos mers, et que* pendant ce long espace
de temps, il n'a éprouvé dans les caractères qui le distinguent, que
des modifications très-légères.
Plusieurs genres importants ont été successivement démembrés des
Cidaris. Tel qu'il est aujourd'hui circonscrit, ce genre nous a fourni, en
France, dans le terrain jurassique, plus de cent espèces. Je désire appe-
ler un instant l'attention de la Section sur celles qui ont été recueillies
dans les cinq départements constituant la Normandie.
Les couches liasiques de May (Calvados), m'ont offert sept espèces :
Cidaris armata, C.Moorei,C.striatula, C.subondulosa,C. Deslongchampsi,
C. Morierei, C. Carabœufi. Ces espèces représentées par des fragments
de test ou des radioles bien caractérisés sont propres au terrain liasique
480 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
et ne se montrent pas dans les couches qui viennent au-dessus. Quatre
d'entre elles, C. subondulosa, C.Deslongchampsi, C. Morierei, C. Cara-
bœufi, n'ont pas été recueillies ailleurs que dans la localité de May et
sont par conséquent spéciales à la région qui nous occupe.
Dix espèces proviennent de l'étage bajocien. Cidaris cucumifera,
C. spinulosa. C. Sœmanni, C. sublœvis, C. Bathonica, C. Munieri, C. Cau-
monti, C. Bajocensis et C. Honorinœ, sept sont propres à l'étage; trois
C. Sœmanni, C. sublœvis, C. Bathonica remontent dans l'étage batho-
nien. Sur les dix espèces rencontrées dans la Normandie, trois seulement
C. Caumonti, C. Bajocensis C, Honorinœ (i) n'ont pas été rencontrées
ailleurs.
L'étage bathonien nous a offert sept espèces, C. Sœmanni, C. Batho-
nica et C. sublœvis, qui déjà avaient été rencontrées dans l'étage précé-
dent, et les C . Blainvillei ', C . Langrunensis, C. Davoustiana,C. episcopalis,
qui, à l'exception du C. sublœvis qu'on rencontre également en dehors
de la Normandie, dans l'étage callovien, paraissent spéciales à l'étage
bathonien et n'en franchissent pas les limites. Deux espèces, C. Blain-
villei et C. Langrunensis, sont exclusivement propres à la région qui
nous occupe.
Une seule espèce appartient à l'étage callovien : le C. Desnoyersi, qui
n'a pas encore été rencontré ailleurs que dans le département de l'Orne.
Aucune espèce de Cidaris n'a été recueillie dans l'étage oxfordien pro-
prement dit.
L'étage corallien nous a offert trois espèces : C. Blumenbachi, C. flori-
gemma et C. Trouvillensis. Une seule, le C. Trouvillensis est caractéristi-
que de la région normande. — Sur d'autres points que la Normandie,
le C. Blumenbachi s'était déjà montré dans l'étage oxfordien et reparaît
dans l'étage kimméridgien.
L'étage kimméridgien renferme trois espèces : C. Poucheti, C. Kim-
meridgensis et C. Normanna, toutes les trois jusqu'ici spéciales à l'étage
kimméridgien du Havre.
En résumé, vingt-cinq espèces de Cidaris, représentées soit par leur
radioles, soit par des tests plus ou moins complets, ont été recueillies dans
les divers étages du terrain jurassique de la Normandie. Si quelques
espèces passent d'un étage dans l'autre, c'est là un fait exceptionnel,
anormal, et l'on peut dire que presque toutes les espèces sont caracté-
ristiques des couches dans lesquelles on les rencontre.
(i) Le C. Honorinœ, recueilli tout récemment dans l'Oolithe blanche de Sainte-Honorine de
Perthes, nous a été communiqué par M. Carabœuf et n'a été ni décrit, m ligure dans la Paléonto-
logie française. C'est une espèce nouvelle, voisine par la taille, la structure do ses tubercules,
du C Cucumifera, dont elle se distingue d'une manière positive par ses aires ambulaciaires moins
étroites et pourvues, au milieu de deux rangées de granules, et de quelques verrues intermédiai-
res, par sa zone miliaire plus large et plus finement granuleuse.
GOTTEAU. — :->UR LES CIDAK1S DU TEKKAIN JURASSIQUE NORMAND 481
Quatorze espèces sur vingt-cinq sont jusqu'ici spéciales à la Norman-
die; quelques-unes d'entre elles, indépendamment de l'intérêt stratigra-
phique, présentent, au point de vue de l'ensemble de leurs caractères,
un intérêt zoologique, sur lequel nous devons également insister.
Je citerai d'abord le C. Blainvillei, espèce fort rare, recueillie à Luc
et à Langrune, et qui se distingue nettement de ses congénères par sa
forme élevée, ses aires ambulacraires presque droites, à peine onduleuses,
garnies de six rangées de granules et les tubercules interambulacraires
très-nombreux, égaux entre eux, peu développés relativement à la taille
de l'espèce. Placée par M. Desor dans le genre Rhabdocidanis, cette es-
pèce nous a paru, en raison de la structure de ses pores, appartenir au
genre Cidaris. Par ses tubercules nombreux, égaux, et de petite taille,
le C. Blainvillei se rapproche beaucoup des Polycidaris de Quenstedt ;
cette espèce suffirait pour démontrer le peu de valeur des caractères
sur lesquels repose ce genre que nous avons toujours refusé d'adopter.
Je citerai encore le C. Desnoyersi de l'étage callovien de Mamers (Orne),
type remarquable par ses aires ambulacraires, étroites et onduleuses,
ses tubercules interambulacraires, tantôt lisses et tantôt crénelés, la zone
miliaire sinueuse et déprimée; le P. Trouvillensis que sa taille élevée, ses
aires ambulacraires presque droites, ses tubercules interambulacraires nom-
breux, placent dans le voisinage du C. Blainvillei, mais qui en dif-
fèrent essentiellement par ses aires ambulacraires, beaucoup moins larges
et garnies seulement de deux rangées de granules, ses tubercules interam-
bulacraires, très-rapprochés des zones porifères et séparés au milieu, par
une zone miliaire bien plus étendue et moins finement granuleuse ; le
C. Poucheti, très-belle espèce, propre à l'étage kimméridgien du Havre,
et parfaitement caractérisée par ses aires ambulacraires, à peine onduleuses,
très-étroites, surtout aux approches du sommet, pourvues de deux ran-
gées de granules, espacés et inégaux, auxquels se mêlent de petites ver-
rues inégales et abondantes, ses tubercules interambulacraires, très-gros,
fortement crénelés, surmontés d'un mamelon relativement petit, sa zone
miliaire étroite, sinueuse, lisse au milieu. M. Chesnel, jeune géologue du
Havre, plein de zèle, nous a procuré d'admirables échantillons de cette
rare et belle espèce.
H
482 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
M. MOEJÈRE
Professeur de géologie à la Faculté des sciences de Caen.
LE LIAS DANS LE DEPARTEMENT DE L'ORNE. - SON ETENDUE.
— SES FOSSILES.
— Séance du 23 août 7877. —
La formation liasique fait-elle complètement défaut dans le départe-
ment de l'Orne? La solution de cette question a été précédée de la
détermination du terrain auquel doivent être rapportés des grès que l'on
rencontre aux environs de Briouze, et qui sont employés soit comme
matériaux de construction, soit pour l'entretien des routes.
Mes premières recherches remontent à l'année 1846. En revenant de
faire une fructueuse herborisation dans les marais tourbeux de Briouze,
j'aperçus un tas de moellons de grès qui étaient en quelque sorte lardés
de térébratules. Après avoir pris des informations sur l'origine de ces
pierres, je ne manquai pas d'aller visiter, à Sainte-Opportune, les car-
rières d'où elles avaient été extraites, et je fis alors une ample provi-
sion de moellons, tous très-riches en fossiles, avec l'intention de les
étudier avec soin lorsque je serais de retour à Caen.
Il existait alors à Sainte-Opportune deux carrières de grès, exploitées
surtout pour l'entretien de la route de Briouze à Fiers : la carrière dite
du Bois-de-Haut et celle de la Piquerie. Cette dernière était probable-
ment la seule qui fût ouverte lorsque M. Blavier visita Sainte-Opportune
et écrivit, dans ses Études géologiques sur le département de l'Orne,
publiées en 1840, les lignes suivantes :
« Les terrains de la Piquerie sont des couches discontinues, horizon-
tales, d'un grès blanc jaunâtre ou bien d'un blanc panaché de roux,
tendre, friable, placé au milieu d'un sable lin, et ce grès paraît être
le résultat de l'agrégation des sables qui s'est produite par places.
» Nous avons trouvé dans ce grès divers fossiles, plusieurs espèces
de térébratules, notamment le terebratula tetraedra, une modiole et le
moule extérieur bien conservé d'une ammonite.
» Il nous avait paru se rattacher à la masse d'argile sableuse, sable*
galets et minerai de fer qui couvre les plateaux des communes de Joué-
du-Plain, Saint-Brice, les Yveteaux, etc., et s'étend à l'ouest jusqu'à
Saint-Hilaire, non loin de Briouze, et nous avions été, tout d'abord, et
par cela même, disposé à le ranger dans la classe des terrains tertiaires
à laquelle nous pensons que ceux-ci appartiennent. Mais la considération
des espèces paléontologiqiu s que l'on y rencontre a dû nécessairement
MORIÈRE. — LE LIAS DANS LE DEPARTEMENT DE L'ORNE 483
modifier l'opinion qne nous nous étions faite de ce terrain. L'on sait,
en effet, que jusqu'à présent on n'a pas trouvé le genre ammonite dans
les terrains tertiaires, et (pie les térébratules, et en particulier le T.
tetraedra, appartiennent également à la classe des terrains secon-
daires (1).
» 11 nous semble plus naturel de nous rattacher à la première de ces
deux conséquences des faits que nous avons observés, mais nous serions
charmé que les points intéressants que nous indiquons; attirassent l'at-
tention de géologues dont les noms puissent faire autorité, et plus versés
que nous dans la science paléontologique. Quant à la place qu'il con-
viendrait d'assigner à ce terrain dans la série secondaire, comme il n'est
point recouvert, il serait difficile de la préciser. »
La lecture de la note de M. Blavier ne lit qu'aiguillonner ma curio-
sité, et j'osai croire un instant que les échantillons que j'avais recueillis
contiendraient quelques fossiles caractéristiques, capables de lever les
doutes exprimés par l'honorable ingénieur, relativement à l'âge des grès
de la Piquerie.
Invité, par mon ami M. de Caumont, à me trouver, au mois d'oc-
tobre 1846, à une séance que tenait à Caen l'Institut des provinces, et à
laquelle assistaient l'illustre géologue Elie de Beaumont et le savant
paléontologiste Eudes Deslongchamps, je saisis avec empressement une
aussi excellente occasion de satisfaire au désir exprimé par M. Blavier,
en soumettant nies échantillons du terrain de Sainte-Opportune à des
juges si compétents.
Il fut relaté dans le procès-verbal de cette réunion que mes moellons
contenaient :
1° Des empreintes de bélemnites de différents âges, offrant quelques
rapports avec le belemnites abbreviatus Miller. La présence des bélemnites
s'ajoutait à celle des ammonites signalées par M. Blavier pour exclure
l'idée de rapporter le grès de Sainte-Opportune aux terrains tertiaires.
2° Trois ou quatre empreintes d'un peigne à surface lisse* peut-être
le pecten orbicularis, Sow ;
3° Un autre pecten très-aplati, à surface couverte de côtes nombreuses,
petites, rayonnantes, scabres que M. Deslongchamps considéra comme
pouvant être le pecten inflexus Brong1, ou le pecten nitidus, Sowerby,
appartenant l'un et l'autre à la craie inférieure;
4° Un très-grand nombre d'empreintes de térébrûliUes lisses, sans
sinus à l'opposite de la ligne cardinale, pouvant se rapporter à plu-
sieurs espèces différentes, les unes ressemblant à la T. carnea, Sow.,
il) Celte conséquence du bavant ingénieur des mines est inexacte en ce qui concerne les téré-
bratules qui se rencontrent aussi bien dans les terrains tertiaires que dans les terrains secondaires.
484 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
d'autres à la T. omithocephala , Sow., appartenant, la première à la
craie, la seconde au lias ; d'autres difficiles à déterminer ;
5° Quelques térébratules plissées, de la section des concinnœ, de Buch,
section à laquelle appartenait le T. tetraedra, cité par M. Rlavier et qui
ne fut reconnu dans aucun échantillon ;
6° La terebratula pectita, Sow., caractéristique de la craie intérieure
et reconnaissable à l'area triangulaire, très-grande, située sous le crochet
de la grande valve ;
7° Une valve d'huître indéterminable;
8° Des fragments de coquilles indéterminables.
On admit comme conclusion que ma récolte était de nature à faire
disparaître une partie des hésitations de M. Blavier et à fournir des
données plus précises sur la liaison des grès de Sainte-Opportune avec
la craie inférieure.
Ce fut surtout l'opinion de M. Elie de Beaumont, qui lit remarquer
que la craie inférieure se trouve souvent par lambeaux isolés au milieu
des terrains anciens, et qui cita, comme exemple de localité, le lambeau
découvert par M. de Caumont, au Plessis-Grimoult (Calvados) et qui est
comme perdu au milieu des terrains de transition.
Ainsi, malgré l'examen approfondi auquel s'étaient livrés deux de nos
plus éminents géologues, toute espèce de doute, relativement à l'âge du
grès de Sainte-Opportune, n'avait pas encore été levé, et cette question
ne pouvait être considérée comme définitivement résolue.
Plus j'examinais la carte géologique de l'Orne, plus j'avais peine à me
figurer que le grès de Sainte-Opportune pût appartenir à la craie. En
effet, dans le département de l'Orne on observe trois zones géologiques
bien distinctes, dirigées à peu près de l'ouest à l'est : une zone de ter-
rains primordiaux et plutoniens forment la partie occidentale; les ter-
rains secondaires occupent la partie centrale et sont bornés à l'est pres-
que exclusivement par les terrains tertiaires. — Dans la seconde zone le
terrain crétacé est à l'est et les terrains secondaires qui longent les ter-
rains primordiaux appartiennent à la série jurassique. — Il me semblait
donc plus naturel de voir dans le grès de Sainte-Opportune une des
couches du terrain jurassique, plutôt que de le rapporter à la craie, et je
conservais toujours l'espoir de rencontrer un jour quelques fossiles net-
tement caractéristiques du terrain jurassique ou de La craie.
Une seule coquille, la Terebratula pectita, paraissait avoir décidé la
question en faveur de la craie inférieure, mais en examinant les nom-
breux échantillons provenant de mes nouvelles excursions, il me fut
impossible de découvrir une seule T. pectita, — de sorte que j'en vins
à douter que le moule examiné par M. Deslongchamps, en premier lieu,
appartînt bien réellement à cette espèce. Bien plus, les nouvelles espèces
HORIÈRE. — LE LIAS DANS LE DÉPARTEMENT DE L'ORNE 485
extraites des fragments recueillis dans mes derniers voyages à Sainte-
Opportune ressemblaient par leur faciès à certaines coquilles de la craie
très-voisines d'autres espèces du même genre que renferment les ter-
rains jurassiques et ne pouvaient, par suite, qu'augmenter encore ma
perplexité.
Enfin, au mois de novembre 1862, à force de briser des moellons
provenant de diverses excursions, j'eus le bonheur de trouver deux
coquilles qui me semblèrent avoir complètement décidé la question en
faveur du Lias; ces deux coquilles, à l'état de moules, appartiennent
aux genres Spiriferina et Cardinia : l'une est indubitablement le Spiri-
ferina oxygona et l'autre me parut devoir être rapportée au Cardinia
continua .
Cette découverte de deux genres nettement caractéristiques du Lias
me donna l'idée de passer en revue tous les fossiles contenus dans les
moellons de grès que j'avais rapportés à diverses époques ; au moyen de
gutta-percha je pris un grand nombre d'empreintes afin de mieux faire
ressortir les caractères des diverses espèces; je soumis celles qui m'of-
fraient quelques doutes à mon savant doyen, M. Deslongchamps, et l'exa-
men auquel je me livrai et que je cherchai à faire le plus scrupuleuse-
ment possible me permit de constater la présence dans le grès de Sainte-
Opportune des espèces suivantes :
1° Beleranites niger,
Lister.
14°
Gonomya V. scripta,
Quenst.
— acutus,
Miller.
15°
Lyonsia unioïdes,
dOrb.
— umbilicatus,
Blainv.
16°
Leda acuminata,
d'Orb.
2° Ammonites, 2 espèces indéterminées.
17°
Astarte complanata,
Quenst.
3* Chemnitzia subnodosa,
d'Orb.
— Psilorioli,
Quenst.
— semi-costata,
d'Orb.
18°
Cardinia concinna,
Agass.
— Zinkeni,
d'Orb.
— philea,
d'Orb.
4° Acteonina ou Tornatella, 2
espèces.
— gibbosula,
d'Orb.
5» Tiochus monoplicus,
d'Orb.
19°
Cardium truncatum,
Sow.
— nisus,
d'Orb.
20°
Arca Phœdra,
d'Orb.
— anior,
dOrb.
— inequivalvis,
Goldf.
6' Straparolus sinister,
d'Orb.
21°
Mitylus scalprum,
d'Orb.
7° Turbo nisus,
d'Orb.
— subpulcner,
dOrb.
— Julia,
d'Orb.
22°
Lima punctata,
Desh.
8° Phasaniella phasianoïdes,
d'Orb.
— Hermanni,
Goldf.
9° Pleurotomaria heliciformis,
E. D.
— gigantea,
Desh.
— mirabilis,
E. D.
— pectinoïdes,
Desh.
10» Cerithium precatorium
E. D.
23°
Pecten equivalvis,
Sow.
— variculosum,
E. D.
— disciformis
Schubl
— costulatum,
E. D.
— priscus,
Schlot.
— reticulatum,
E. D.
— textorius,
Goldf.
11° Fusus textus,
E. D.
24°
Avicula sinemuriensis,
d'Orb.
12° Helcion sublœvis,
d'Orb.
25°
Plicatula Spinosa,
Sow.
13° Pholadomya, 2 espèces indéterminées.
Autres espèces indéterminées.
— — adoxa,
E. D.
27»
Carpenteria pectiniformis.
E. D.
28°
Spondylus nidulans
29°
Ostrea subauricularis,
d'Orb.
— irregularis,
Manot.
30"
Rhynconella telracdra,
d'Orb.
— tetraedra austriaca,
Quenst
— variabilis.
d'Orb.
i<Sb' GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
26°HarpaxParkinsoniVceurat)dota, E. D. 31° Spiriferina oxygona, E. D.
32° Tcrebratula indentata, Sow.
Sarthaeensis. d'Orb.
Dumismalis, Lamk.
33° Diadema Edwards?
34° Thecophyllia elongata, d'Orb.
35° âxosmilia multiradiata, Edw. etHaira.
36° Cyeadeorayclon Heltangense, Sap. ,
37° Divers échantillons de bois fossiles.
Cette énumération de la faune du grès de Sainte-Opportune offre un
ensemble véritablement liasique. Si quelques genres s'étendent dans
d'autres étages de la formation jurassique, il en est un certain nombre,
tels que les genres Spiriferina, Cardinia, Straparolus, qui s'éteignent
dans le lias. Quelques espèces : Terebratula numismalis, T. indentata,
Rhynconella tetraedra, R. variabilis, etc., n'ont aussi été rencontrées
jusqu'à présent que dans le lias.
Il ne me paraît donc plus rester de doute sur l'âge du grès de Sainte-
Opportune ; il est bien réellement un grès liasique, et si certaines parties
de la roche qui contiennent : belemnites acutus, rhynconella variabilis,
chemnitzia semi-costata, etc., peuvent être rapportées au lias inférieur;
d'autres couches qui offrent des cérithes , desmélanies, des fuseaux, le
.Straparolus sinister, le Pleurotomaria heliciformis, des tornatelles, etc.,
nous ont tout à fait rappelé l'aspect du lias moyen qui recouvre le récif
de grès silurien de Fontaine-Etoupefour et de May, et qui est si riche
en gastéropodes; enfin, certaines portions qui renferment Rhynconella
tetraedra, Harpax Parkinsoni, Spondylus nidulans, des moules â'Astartes
pourraient bien appartenir au lias supérieur ou à l'étage toarcien.
Les débris de bois, par leur abondance, annoncent un point littoral
de la mer liasique.
Le grès de Sainte-Opportune forme une bande dirigée du N.-O. au
S.-E., étranglée et quelquefois interrompue de place en place; nous
avons pu la suivre sur une longueur de 6 à 8 kilomètres; sa largeur,
toujours assez faible, nous a paru comprise entre 20 et 50 mètres.
Ce grès est disposé par couches horizontales; la plus voisine du sol
est tendre et friable; les autres possèdent une cohésion et une dureté
qui augmentent ordinairement avec la profondeur et qui deviennent
parfois tellement grandes qu'on ne peut que très-difficilement les enta-
mer avec le marteau. L'épaisseur de cette formation est, en moyenne,
de 1 mètre à lm,o0, mais elle varie beaucoup et va presque toujours
en diminuant du milieu de la bande à ses bords, comme si le grès
avait nivelé des cavités appartenant à la roche sous-jacente (le granité)
dont il est séparé en plusieurs endroits par un sable lin provenant de la
désagrégation de cette roche et contenant souvent du kaolin. Ce lambeau
HOMÈRE. — LE LIAS DANS LE DÉPARTEMENT DE L'ORNE 487
de grès se trouve situé à peu près à la limite sud du massif granitique
le plus considérable et le plus septentrional du département de l'Orne (1),
c'est-à-dire dans la portion du terrain granitique qui avoisine les schistes
micacés siluriens, lesquels occupent une éten lue assez considérable vers
Saint Gervais de Messey et Briouze.
Le grès de Sainte-Opportune est un grès quartzeux à grains fins et
assez homogène, de couleurs très-variées ; la couche inférieure offre
souvent, empâtés dans la roche, des fragments disséminés de granité à
feldspath décomposé, des fragments arrondis de quartz hyalin gras et
des galets de quartzite.
Après avoir démontré que le grès de Sainte-Opportune est bien véri-
tablement un grès liasique, j'ai dû me demander si le lias ne se ren-
contrait pas sur d'autres points du massif breton, reliant ainsi la forma-
tion liasique du Calvados à celle de la Mayenne. La solution de cette
question était d'autant plus importante que les illustres auteurs de la
carte géologique de la France avaient écrit :
« La bande de calcaire jurassique dont la largeur depuis les environs
de Valognes jusqu'à l'embouchure de la Seine, est à peu près de
trente lieues, se rétrécit subitement, à son entrée dans le département
de l'Orne, par l'empiétement du terrain de transition de la Bretagne ;
elle se réduit à une simple lanière dont la direction nord-30 degrés
devient presque sud depuis Alençon jusqu'à Poitiers. Sur toute cette
étendue, la partie inférieure des formations jurassiques n'a jamais
existé et la partie supérieure a été presque dénudée avant le dépôt du
grès vert » (2).
Cette opinion avait été admise par tous les géologues. M. le vicomte
d'Archiac avait cependant émis quelques doutes sur l'absence complète
de tout le groupe du lias dans le département de l'Orne. « Si jusqu'à
présent, dit M. d'Archiac, le groupe du lias n'a pas été signalé au-delà
de Falaise, le long des nombreux méandres et des anfractuosités qu'af-
fecte le terrain de transition dans le département de l'Orne où il limite
à l'ouest la formation jurassique, peut-être de nouvelles recherches y
feraient-elles découvrir quelques rudiments des marnes supérieures (3) ?»
En 1862, M. Eugène Eudes-Deslongchamps constata la présence du
Lias à Fresnay-la-Mère (Calvados), en deçà du récif silurien de Monta-
bard; quant à ce qui se trouve au-delà du récif, notre collègue et ami
H) Ce massif a la forme d'un ellipsoïde allongé dont le grand axe aurait la direction E 25" S et
25,000 mètres de long, et le petit axe 10,000 mètres environ. (Blavier. Etudes qéologiques sur le
département de l'Orne, Alençon, 1840.)
(2) Explication de la carte géologique de France, t. II.
(3) D'Archiac, Histoire des progrès de la géologie, t. VII, p. 3A8-
488 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
s'exprimait ainsi : « Nous n'avons remarqué, depuis Montabard, aucune
trace ni d'oolithe inférieure ni de lias; on pourrait croire que ces dépôts
sont simplement masqués par les autres sédiments. Il n'en est rien, ces
assises n'existent plus à partir du récif de Montabard qui a été leur
extrême limite; elles ont bien contourné le grand cap vers Falaise et
se sont avancées jusqu'auprès d'Ecouché, à Fresnay-le-Buffard et à
Habloville,où le lias moyen est encore bien caractérisé, pétri de belem-
nites et de terebratula sarthacensis , mais elles n'ont pas dépassé
cette limite. On n'en trouve nulle trace dans l'arrondissement d'Argen-
tan ni dans celui d'Alençon ; et ce lias ne reparaît vers le sud que dans
le déparlement de la Sarthe, aux environs de Précigné. »
Afin de vérifier si la bordure ouest des terrains jurassiques, dans le
département de l'Orne est bien réellement dépourvue de lias, je ne
pouvais mieux faire que d'étudier les tranchées du chemin de fer d'Ar-
gentan à Granville qui était alors en voie d'exécution.
Voici ce qu'il nous fut permis d'observer dans une excursion faite le
24 mars 1863, sur la nouvelle voie ferrée, en compagnie de M. Gaudin,
ingénieur des ponts et chaussées, chargé par la Compagnie des chemins
de fer de l'Ouest de la construction de la voie.
La ligne d'Argentan à Granville se branche sur celle de Mézidon au
Mans, à peu près à 3 kilomètres d'Argentan en revenant vers Montabard.
Au point de jonction des deux lignes, existe une tranchée dans YOolithe
miliaire (tranchée Sainte-Anne) qui se poursuit sur une longueur de
250 à 300 mètres; la voie traverse ensuite en remblai un marais situé
sur la commune de Moulins-sur-Orne ; — puis on atteint une seconde
tranchée qui offre, dans sa partie supérieure, de l'oolithe miliaire, et, à
sa partie inférieure, du Fuller's, contenant de nombreux échantillons de
Hemithiris spinosa. Un remblai sur un marais tourbeux succède à cette
seconde tranchée, et à 2 kilomètres plus loin se trouve une troisième
tranchée coupant les schistes siluriens azoïques que l'on rencontre depuis
la commune de Goulet jusqu'à la rivière d'Orne; les couches de schiste
ont subi un relèvement considérable atteignant presque la verticalité, et
elles offrent, dans plusieurs endroits, des incurvations assez prononcées,
Après avoir traversé l'Orne puis l'Udon qui est un de ses affluents, la
voie arrive en remblai jusqu'à Ecouché, bourg situé à 10 kilomètres
d'Argentan.
« Dans les 20 ou 25 carrières ouvertes autour d'Ecouché, sur la rive
» gauche de l'Orne, on observe constamment 8 ou 10 couches d'un cal-
-> caire un peu grenu, peu distinctement oolithique, et d'un calcaire
» marneux très-friable. Au-dessus il existe des bancs d'un calcaire plus
» dur, qu'on exploite pour pierre de taille, et qui sont séparées des
* bancs de marne et de pierre à chaux par des silex noirâtres. Tout ce
MORIÈRE. — LE LIAS DANS LE DÉPARTEMENT DE L'ORNE 489
» système de couches est surmonté par un banc très-épais d'un calcaire
.) fragmentaire contenant un grand nombre de débris de corps madré-
» poriques cimentés par une pâte calcaire plus ou moins cristalline » (1).
Il est difficile de ne pas reconnaître dans ce passage de l'ouvrage de
M. Blavier le fuller's qui repose probablement sur un calcaire blanc
siliceux analogue à celui de la coupe de Vignats près Montabard et qui
représente l'oolithe inférieure; le fuller's est surmonté par le calcaire
à polypiers des Normands (grande oolitlie supérieure) dont il est ailleurs
séparé par l'oolithe miliaire.
En quittant le bourg d'Ecouché, la voie ferrée ne tarde pas à offrir
une nouvelle tranchée, dite de la grande pièce du Poirier, commune de
Sevray. Cette tranchée n'offre d'abord que des argiles et des marnes
irisées; puis au piquet n° 101, c'est-à-dire à 12 kilomètres ouest d'Ar-
gentan à peu près, on aperçoit à partir de la surface du sol, la succes-
sion des couches suivantes :
Terre végétale 10 à lo centimètres
Grès feuilleté non fossilifère 30 à 40 —
Argiles et sables de couleurs variées. 60 à 80 —
Grès fossilifère, alternant avec du minerai de fer limonite, en frag-
ments irréguliers, allant jusqu'au fond de la tranchée qui ne donne pas
sa limite inférieure; ces dernières couches reposent probablement sur
des schistes siluriens.
Le grès de cette tranchée, très-friable à la partie supérieure, augmente
de cohésion avec la profondeur; sa couleur est souvent d'un jaune
ocreux ; quelques couches passent à l'état de grès ferrugineux. Ce grès
nous a offert à peu près les mêmes fossiles que celui de Sainte-Oppor-
tune, et en outre plusieurs spécimens de Pecten equivalvis, coquille
caractéristique du lias moyen ; il renferme également un grand nombre
de Harpax Parkinsoni dans les couches supérieures.
Les couches de minerai de fer offrent aussi fréquemment les emprein-
tes des mêmes coquilles et surtout des moules de pecten equivalvis. Le
minerai alternant avec les couches de sables siliceux et de grès prove-
nant de l'agglutination de ces sables, il est assez rationnel d'en con-
clure que les sables et le minerai appartiennent à l'étage liasique (2) et
non pas à l'époque tertiaire comme ceux qui se trouvent à l'est du dé-
partement.
Nous continuons notre excursion, nous passons promptement la por-
tion de la voie, qui eu quittant les grès fossilifères du Poirier, traverse
H) Blavier. — Études géologiques sur le département de l'Orne.
(2) Peut-être même à une époque antérieure; par exemple à celle du Trias qui a été sur plu-
sieurs points du globe très-féconde en émissions ferrugineuses.
490 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
en remblai une vallée, gagne une nouvelle tranchée pratiquée dans les
schistes, coupe la route d'Argentan à* Granville, et nous arrivons à la
tranchée de la Picotière, commune de Lougé. Cette tranchée, qui n'a pas
pas moins de 12 à 15 mètres de hauteur, est creusée à son origine dans
des schistes, puis elle ne laisse plus voir que des argiles et des sables
siliceux agglutinés dans quelques points, de manière à former des len-
tilles argilo-siliceuses de diverses grosseurs. Ces lentilles contiennent tou-
jours un certain nombre de fossiles liasiques qui probablement ont servi
de centre d'agrégation à la matière qui les constitue.
La dernière tranchée que je pus visiter dans cette journée et sans
contredit, la plus curieuse dans cette partie du département de l'Orne,
est située à 18 kilomètres ouest d'Argentan entre Fromentel et les Yve-
Fig. 49. — Coupe de la tranchée du chemin de fer à 300 mètres en deçà île la station de
Fromentel-les-Yveteaux. Échelle de on,.oo~>, pour ira,oo.
teaux. Dans cette tranchée dont la plus grande hauteur est de 6 à 7 mètres,
le Lias se montre avec des caractères minéralogiques bien différents de
ceux que nous avons observé à Sainte-Opportune et à la tranchée du
Poirier. Ce ne sont plus des sables siliceux et des grès, mais bien des
calcaires siliceux et des marnes noirâtres pénétrés de fer sulfuré. A la
partie inférieure de la tranchée, on remarque plusieurs strates horizon-
tales de calcaire dont l'ensemble forme une épaisseur d'environ 2 mètres;
à lm,o0 ou 2 mètres plus haut on voit encore quelques lits de calcaire
séparés des premiers par une couche marneuse; ces lits supérieurs sont
eux-mêmes surmontés d'une couche de marne bleuâtre ou d'argile noire
qui occupe toute la partie supérieure de la tranchée. (La coupe ci-jointe
donne la disposition exacte de la tranchée.) Les fossiles sont nombreux
dans cette roche et tous pourvus de leur test. Pendant quelques instants
MOIUÈRE. — EE WAS D\Nn LE DEPARTEMENT DE I.'oHNE 491
(jue nous avons passés dans cette tranchée, il nous a été possible de
recueillir plusieurs fossiles caractéristiques du Lias, tels que Belemnites
niger, B. acutus, B. digitalis, Bhynconella tetnwdra, un grand nombre
Fig. sn. — Coupe de la tranchée, à 700 mètres de la station de Fromentel-les-Yveteaux .
vers Briouze. Échelle de 0m.00">, pour im.on.
de Harpax Parkinsoni, de magnifiques échantillons de Pecten equivalvis
dont quelques-uns avaient conservé leur couleur, une vertèbre d'Jch-
thyosaure. J'ai reçu depuis un tronc de Dicotylédonée trouvé dans la
même tranchée et qui mesure 0m,80 de hauteur sur 0m,3a de diamètre.
Les bancs calcaréo-siliceux du lias de la tranchée des Yveteaux
offrent, à leur base, un poudingue contenant de gros galets quartzeux
et reposant lui-même sur une couche argilo-sableuse qui surmonte les
schistes anciens. Cette disposition offre beaucoup d'analogie avec celle
que présente le lias sur divers points du Calvados.
J'ai recommencé plusieurs fois l'excursion géologique d'Argentan à
Briouze, en l'étendant au delà des localités que j'avais déjà visitées, et
toujours j'ai eu la bonne fortune de découvrir le lias sur des points où
il n'avait pas encore été signalé, ou bien de rencontrer des fossiles nou-
veaux. C'est ainsi que j'ai pu récemment acquérir la conviction que le
492 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
terrain liasique occupe à l'état de grès une grande partie du pourtour
du massif granitique de Sainte-Honorine et que, sur la carte de M. Bla-
vier, ce qui avait été indiqué comme terrain tertiaire à l'ouest d'E-
couché doit être rapporté au terrain liasique. J'ai pu reconnaître la pré-
sence du lias calcaréo-siliceux ou gréseux à la Lande-de-Lougé , à
Lougé, à Saint-Brice et tout près de Rânes.
Nous croyons pouvoir tirer de notre étude les conséquences sui-
vantes :
4° Le grès de Sainte-Opportune que l'on rencontre aussi au bois de
la Mousse, à Briouze, à Sevray, à Saint-Brice, etc., appartient à la for-
mation liasique; ce grès ayant nivelé en quelque sorte les inégalités de
la roche granitique sur laquelle il repose , il en résulte que le massif
granitique de Sainte-Honorine et probablement les autres massifs grani-
tiques de l'Orne qui affectent tous à peu près la môme direction E. 25° S.,
0. 25*° N. ont surgi à une époque antérieure à celle du lias en disloquant
probablement les couches déjà déposées des diverses formations du ter-
rain de transition; dans d'autres parties du département de l'Orne,
l'inclinaison des couches siluriennes doit être attribuée à l'éruption des
diorites et des porphyres ;
2° Le minerai de fer, que l'on rencontre sur les plateaux , dans les
communes de Joué-du-Plain, les Yveteaux, Saint-Brice, etc., appartient
également à la formation liasique ;
3° Le lias que l'on avait cru s'arrêter en deçà du récit silurien de
Montabard pour ne reparaître au midi que dans le département de la
Sarthe, se retrouve de l'autre côté du récif sur plusieurs points que
nous avons signalés dans le cours de ce travail ;
4° Suivant que le dépôt liasique a eu lieu sur le granité ou sur le
terrain de transition, il offre des caractères minéralogiques différents :
des alternances de calcaires, de marnes et d'argiles avec des fossiles
pourvus de leur test, constituent le faciès du lias, situé sur les terrains
de transition; le dépôt fait sur le granité, consiste en sables siliceux et
en grès dont le ciment est siliceux ou ferrugineux ; les fossiles sont
presque toujours dépourvus de leur test et ils offrent plusieurs espèces
différentes de celles qu'on rencontre dans le lias calcaire ou marneux.
On conçoit, en effet, que la faune des grès doive, dans beaucoup de
cas, différer de celle des marnes, par la raison que les espèces qui se
plaisent dans le sable ne sont pas les mêmes que celles qui vivent dans
la vase;
5° Dans la partie de l'arrondissement d'Argentan que nous avons plus
particulièrement étudiée, c'est-à-dire ;dans une espèce de golfe resserré
entre le cap granitique vers Batilly, et le cap silurien de la vallée de la
Cance, la largeur de la zone jurassique indiquée sur les cartes géologiques
Dl rROMELIK. — TKRBAINS PALÉOZOÏQUES DE NORMANDIE 403
doit être augmentée de 23 à 30 kilomètres en largeur du côté ouest; la mer
liasique s'est même étendue dans l'arrondissement de Domfrontoù elle a
constitué le grès de Sainte-Opportune, de Sainte-Honorine et de divers
autres points placés sur le bord sud du grand massif granitique.
Quelle que soit la route suivie par la mer liasique pour venir baigner
les contrées où nous avons constaté la présence de ses sédiments;
qu'elle ait rencontré des passes sur plusieurs points du récit' silurien de
Montabard ou qu'elle ait contourné ce récif, le fait n'en existe pas moins.
Le lias se rencontre au sud du récif comme au nord et nous sommes
convaincu que plus on multipliera les explorations , plus on découvrira
de gisements de lias qui relieront la formation de la Normandie à celle
du Maine.
M. Ch. Qïïlïf
Tire-Président de In Soelété (téoloffiqne de Normandie.
RÉSUMÉ D'OBSERVATIONS NOUVELLES DE GÉOLOGIE ET D'ETHNOLOGIE
LOCALES.
— Séance du 23 août 1877. —
M. Gaston de TROMELIS
ÉTUDE DES TERRAINS PALÉOZOIQUES DE LA BASSE-NORMANDIE,
PARTICULIÈREMENT DANS LES DÉPARTEMENTS DE L'ORNE ET DU CALVADOS.
(BXTRA1T.)
— Séance du 25 août 1877. —
Lors du Congrès de l'Association française à Nantes (1875), M. de Trome-
lin a présenté, en collaboration avec M. Lebesconte, de Rennes, un travail
étendu sur les terrains paléozoïques de l'Anjou et de la Bretagne auquel on
peut recourir pour les généralités (Catalogue raisonné des fossiles silurien» des
départements de Maine-et-Loire, de la Loire-Inférieure et du Morbihan; Comptes
rendus, p. 601 à 661. — Fossiles paléozoïques du département dllle-et-Vilaine ,
idem. p. 683 à 681). On trouvera également diverses données dans l'ouvrage
des mêmes auteurs : Observations sur les terrains primaires du nord du
département dllle-et-V Haine et de quelques autres parties du Massif Breton (Bull.
Soc. géol. deFr. 3« série, t. IV, p. 583 à 623). Aujourd'hui M. de Tromelin expose
494
GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
ses vues sur les mêmes terrains dans la Basse-Normandie en rappelant d'a-
bord les travaux de ses prédécesseurs. Le département de la Manche est le
mieux connu : Après les études de M. de Caumont sont venues celles de
Dalimier, de Btnnissent et de M. de Lapparent. Dans les départements du
Calvados et de l'Orne il n'y a guère que les études déjà anciennes de M. de
Caumont, pour le premier, et de Blavier, pour le second, et quelques autres
isolées. Aussi, un travail d'ensemble est-il nécessaire.
Si l'on jette les yeux sur la carte géologique de la France, on voit que la
partie occidentale de la Normandie est formée par les terrains primaires qui
constituent le bassin normand ou bassin paléozoique septentrional du massif armo-
ricain. Ce bassin se relie, au sud-est, avec le terrain paléozoique du
Maine qui dépend du bassin de Rennes ; à l'ouest , les lambeaux du terrain
silurien du littoral des Côtes-du-Nord et la bande de Paimpol à Lannion
sont la continuation du bassin Normand, le reliant avec le bassin du Finis-
tère ou bassin occidental. (1) La région paléozoique bas-normande est identique à
la Bretagne par sa structure géologique : le terrain silurien bien développé
y présente un grand nombre de fossiles. On comprendra que dans ce résume
il est impossible d'exposer tous les faits relatifs à une région aussi vaste,
l'auteur se borne donc à en publier une analyse très-sommaire.
Les couches inférieures à la série dévonienne offrent la succession suivante
[Orne et Cale ados) :
Faune seconde :
T. Dévonien (inférieur ....... Grauwacke à Pleurodictyum problematicum de Glali-
gny en Saint >'icolas-des-Bois (Orne).
i Calcaire ampéliteux (Feuguerolles).
i.',„n»(,,,;..;i,„n-l Schistes et psammites à fuc.oïdes. — Schistes am-
r aune uoisieiue . < r
/ péliteux (Doinfront, etc.).
Grès culminant (sans fossiles) i
Grès de May, Feuguerolles, Jurques, (etc.) \
Grès à Calymene Tristani des Moitiers-d'Allonna
(Manche).
Schistes ardoisiers (Doinfront, Brieux, Falaise). (Mine-
rai de fer).
Grès armoricain (=grès à Tigillites),
Schistes rouges avec épais bancs calcaires Laize; \
Vieux, Clécy, Rônai, Saint-Philibert-sur-O rne* etc. • i
Poudingue pourpré de Fresney-le-Puceux , Clécj'j /
Pont-Écrépin, Livaie, etc. — Conglomérat de Saint- \
Martinde-Vrigni. (Sans t'ossilri .
^ Phyllades du Passais, de Condé-sur-Noireau , de Caii-
') mont, etc.
T. Laurentien Micaschistes et Gneiss.
Terrain
silurien :
T. Cambrien :
H) M. de Tromelin se réserve défaire connaître ultérieurement les résultats de ses explorations
dans le bassin occidental auquel il a fait déjà de très-nombreuses allusions dans ses travaux. Le.;
gneiss, granités et syénites des environs d'Alençon sont identiques à ceux du Pinistère.
DE TROMELIN . — TERRAINS PALÉOZOIQUES DE NORMANDIE i95
Le Gneiss et les Micaschistes forment comme une auréole autour des gra-
nités • on peut les étudier particulièrement dans le Passais normand, dans la
contrée de Vire et dans la partie méridionale du département de la Manche.
Aux environs de Cherbourg, il y a des schistes chloriteux (talcschistes, stéas-
chistes, aut.), verts, satinés, luisants avec quartzites. Ces schistes chloriteux
sont identiques à ceux de Douarnenez (Finistère), inférieurs aux phyllades
cambriennes de l'âge des phyllades de Landerneau. Ils ressemblent beau-
coup aussi aux schistes luisants de Belle-Ile et de l'embouchure de la Vilaine
(Morbihan), dont les analogues occupent de grands espaces dans la Vendée.
Nulle part ces schistes chloriteux n'ont fourni de traces de corps organises.
Les phyllades et grauwackes cambriennes sont souvent maclifères. Elles cons-
tituent la base de la série silurienne de l'Ouest de la France prise dans son
sens le plus large. M. de Tromelin croit devoir maintenir le terme de Cam-
brien : il se tonde d'abord sur la discordance classique qui existe aux buttes
de Clécy, entre les phyllades cambriennes et les couches supérieures ; sur la
transgressivité des assises; la différence de direction de soulèvement entre
les couches cambriennes et les couches siluriennes du centre de la contrée, ce
qui prouve que les premières étaient déjà émergées, en partie , lors du dépôt
des sédiments siluriens ; sur ce que les poudingues, les schistes rouges et le
calcaire de Laize-Clécy font défaut dans une grande partie de la Normandie
et de la Bretagne, le grès armoricain reposant alors directement sur les phyl-
lades cambriennes; (l)enfin, sur la nécessité d'introduire une coupe dans une
série sédimentaire pétrographiquement très- variée, qui, sans cela, aurait une
épaisseur énorme. Les phyllades cambriennes de la Normandie n'ont fourni,
jusqu'à présent, que des fossiles rares et mal conservés, parmi lesquels aucun
trilobite. Arenicolites Kent a, Trom. Lebesc a été trouvé à Noron. — Cet étage
correspond très-bien aux phyllades satinées, aux schistes de Rennes aux phyl-
lades avec veinules de quartz de Landerneau, en Bretagne.
Les poudingues pourprés s'observent principalement dans le Calvados et aux
parties limitrophes de l'Orne. Ils se lient quelquefois aux schistes cambriens
d'une part et presque toujours aux schistes rouges de l'autre ; on doit les con-
sidérer simplement comme la base et une dépendance de l'étage de Laize-
Clécy, d'autant plus qu'ils n'ont pas une grande puissance.
L'étage de Laize est composé de schistes rouges-lie-de-vin et verts, avec d'épais
bancs calcaires, qui souvent sont prédominants. — A Rosnai (Orne), à Brette^
ville-sur-Laize et à Bully (Calvados), M. de Tromelin a rencontré quelques
rares Tigillites et A renicolites. Il assimile cet étage à celui des schistes rouges
de la vallée de la Vilaine, bien que ces derniers ne soient pas calcarifères,
parce que leur place stratigraphique est bien la même. On doit remarquer
que les poudingues pourprés et les schistes rouges n'existent pas partout en
Bretagne et en Normandie: à Domfront et à Mortain, par exemple.
Le grès armoricain (grès à Tigillites de quelques géologues), présente par places
beaucoup de fossiles, mais spécifiquement peu variés. C'est le premier hori-
(1) Aux carrières de Baron (Calvados), on voit les grès ferrugineux, de 1 âge du grès de May, et
es phyllades cambriennes de Verson butter les uns contre les autres en forme d'un V tres-aigu.
496 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
zon où les documents paléontologiques soient abondants. A la Lande-du-Goult
(Orne), M.deTromelin a rencontré Asaphus Armoricanus,Trom. Lebesc, des débris
de lllœnus avec Lingula Lesueuri, Rouault. Ces trilobites démontrent que le grès
armoricain appartient à la Faune seconde silurienne. Les fossiles les plus
communs en Normandie, sont les Tigillites (Scolithus, Aut.) ; l'espèce la plus
abondante est T. Dufrenoyi, Rou; M. de Tromelin les considère comme des
tubes d'annélides. A Bagnoles, on trouve Tigillites Dufrenoyi, Rou. (Cherbourg,
Falaise, Mortain, Domfront, forêt d'Halouze, Le Chatellier, Villedieu-lez-Bail-
leul, etc.); T. Hœninghausi, Rou. sp . Foralites Pomeli, Rou. ; Dœdalus Konincki,
Rou; D. Neivtoni, Rou.; Lingula Lesueuri, Rou.; L. Brimonti, Rou.; L. HawJcei,
Rou; L. Salteri, Davidson; Frœna Sainthilairei, Rou; Cruziana rugosa, d'Orb.;
C. Bagnolesensis, Morière; C. Prevosti, Rou. sp. ; Cfurcifera^d'Orb.; C. Lefebvrei,
d'Orb. ; Vexillum. Halli, Rou. connu aussi à la Brèche-au-Diable. Aux Vaux-
d'Aubin, près Trun: Rysophycus Barrandei, Trom. Lebesc; — ? R. — ? R-
Deslongchampsi, Sait. — M. de Tromelin conserve à la formation dont il est
question la dénomination de grès armoricain qu'elle peut porter aussi bien en
Normandie qu'en Bretagne.
Les minerais de fer paraissent se rattacher par leurs fossiles au grès armo-
ricain (1). A Gouvix, près d'Urville (Calvados), l'auteur a trouvé Dœdalus calami-
tnides, Trom. (cf. : D. Ccnomanensis, Trom. Lebesc.) avec des Tigillites. C'est
surtout à Mortain et à Domfront que l'on voit la superposition de ces mine-
rais au grès armoricain; dans la forêt d'Halouze le minerai est oolithique. Il
ne faut pas confondre ces minerais avec ceux qui contiennent la faune troi-
sième.
La faune des schistes ardoisiers à Calymene Tristani est nombreuse et variée
et devra être étudiée en détail. Les trilobites sont abondants; mais on y
trouve aussi divers ostracodes , des cirrhipèdes , des céphalopodes, des ptéro-
podes, des gastropodes, beaucoup d'acéphales, des brachiopodes, quelques cys-
tidées, etc. Des listes partielles de cette faune ont déjà été publiées. Les loca-
lités les plus riches sont à Falaise (Calvados) ; Brieux (Orne) ; Mortain (Manche);
Domfront (Orne). Cette dernière est celle que M. de Tromelin a explorée
avec le plus de soin , et il croit qu'il y a lieu d'y établir plusieurs zones : la
proportion d'espèces communes avec le grès de May est considérable dans la
partie supérieure.
Voici une liste provisoire et partielle des fossiles des schistes ardoisiers de
la Normandie:
A cette liste sont ajoutées quelques espèces des schistes d'Andouillé
(Mayenne), côte de Bel-Air, côte de la Pichardière, communiqués par M. Lebesconte,
de Rennes ; ces schistes d'Andouillé occupent par rapport au granité et aux
phyllades cambriennes des Passsais Normand et Manceau une position symé-
trique à celle des schistes de Mortain-Domfront; leurs faunes étant identi-
ques, par suite de cette addition, on en appréciera mieux les caractères :
il) Il no paraît pas en être toujours ainsi: à Mortain, par exemple, le minerai de fer contient la
faune ries schistes ardoisiers. — D'ailleurs, à Saint-Kémy-sur-Orne, M. G. de Tromelin a rencontré
des Linqulex, Tigillites, Cruziana, Spiropht/ton, Dadalus, etc., dans des couches schisteux»* infé-
rieures au minerai de fer et dépendant du grès armoricain.
DE TROMELIN. — TERRAINS PALÉOZOIQTJES DE NORMANDIE 497
Cahmene Tristani, Brong. Cherbourg, Sidcville, Siouvillc, Falaise, Brieux,
Neufbourg près Mortain , Domfront, Andouillé, etc. — C. Aragoi , Rou. :
Brieux. Mortain, Domfront, Andouillé, etc. — C.pulchra, Barr. (=C. Verncuili,
Rou, non d'Orb.) : Domfront. — C. Salteri, Rou. (=z C. transiens, Vern.
Barr.) : Domfront. — Plœsiacomia brevicaudata, Desl. sp. ( = P. rara, Corda):
Domfront, Andouillé. — Dalmanitcs macrophthalmus . Brong. sp. ( = D. Vetil-
larti, Rou.) : Domfront, Andouillé. — D. incertus, Dels. sp. = (D. Dujardini,
Rou.) : Brieux, Falaise , Domfront , Andouillé. — D. Mirheli, Trom., 1876 ,
Mortain, Domfront, Andouillé. — Asaphus nobilis, Barr. (= 0. Edwardsi, Rou.) :
Mortain, Domfront , Andouillé, Ogygites glabratus, Salter (cf: 0. Dcsmaresti ,
Brong.) : Mortain, Domfront, Andouillé, minerai de fer de May. — Illœnus
Sanchesi, Vern. Barr. : Domfront, Andouillé. — /. Giganteus, Burin, (cf.
/. Salteri Barr. — I. Hispanicus, Vern. Barr., etc.) : Brieux, Domfront. —
/. docens? Trom., 1876: Domfront, Andouillé. — I. Viducassianus? Trom.,
1876. Andouillé. — Placoparia Tourneminei, Rou. : Domfront , Andouillé. —
Chirurus sp. : Andouillé. — Acidaspis Buchi, Barr. (= Polyeres Dufrenoyi ,
Rou.) : Domfront, Andouillé.
Cf: Plumulites fraternus, Barr. : Domfront, Andouillé. — Beijrichia Bussacen-
sis, R. J. : Brieux, Domfront, Andouillé. — B. Guillieri, Trom. 1872 : Dom-
front. — B. reticulata? Bomemann : Andouillé. — Primitia simplex, R. J.:
Domfront, Andouillé. -- P. perforata, Barr.: Domfront. — Hippula (Hippa)
latens, Barr.: Domfront.
Tigillites Danicloi, Rou. (= T. prcecylindricus, Trom.) : Domfront.
Orthoceras remotum, Sait. Domfront. — 0. fractum ? Barr. (cf. : 0. expec-
tans, Barr.): Domfront. —Endoceras Dalimieri. Barr. Pont-EUant, près Siou-
ville.
Conularia exquisita, Barr. : Domfront. — Hyolithes Beirensis, Sh.: Mortain;
Domfront, Andouillé. — H. triangularis, Vern. Barr.: Domfront, Andouillé,
Brieux.
Bellerophon bilobatus, aut. ( = B. Lhuissieri Rou.) Manche. — B. Lebescontei,
Trom, 1876 : Domfront, Andouillé, May. — B. acutus, aut. ( = B. Alixi ,
Rou.) : Domfront, Andouillé. — B. trilobatus, aut. : Domfront, Falaise. — Pieu-
rotomaria Bussacensis, Sh.: Domfront, Andouillé.
Redonia Deshayesi, Rou. et R. Duvali, Rou : Brieux, Mortain, Domfront, Falaise,
etc. — Ctenodonta Beirensis, Sh., sp.: Cherbourg. — C. Ciœ,Sh., sp. Cherbourg.
— C. Bussacensis, Sh. sp. Domfront, Andouillé. — C. Ribeiroi, Sh. sp. ( = Car-
diolaria Barrandei, M. Ch.) : Brieux, Mortain , Domfront, etc. — Arca Naran-
joana.Vern. Bar. (=4. OrbignyanaRou. non Math.): Domfront. — Palœoarca
{Cypricardia ?) Beirensis, Sh.: Brieux, Domfront, Nucula? Bohemiea, Barr.:
Domfront Andouillé. — Dolabra? Lusitanica, Sh. .-Andouillé. — Cf.: Lyro-
desma Dufeti, Trom. Lebesc. (1875). — Andouillé. — Pseudarca (vel Siliquarca)
reticulata, Trom. Lebesc. (1876), Andouillé. — Orthonota (Lyonsia) Britannica,
Rou. (Sanguinoiites Pellicoi, Vern. Barr.) : Siouville, Brieux, Domfront, An-
douillé, Falaise. — Cf. 0. Kosoviensis, Barr. : Domfront.
Discina (obolus) filosa,Vern. Barr.: Domfront. ■— Lingula subgranulata, Trom-
32
498 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Lebesc. (1876): Andouillé (1). — Ci'. /.. fissurai^ Barr. (L. attenuata? Sow.),
Domfront, Andouillé. — 0. Budleighensis, Trom. (1876). (=0. rcdux, aut. non
Barr,; 0. testudinaria, Y cm. Barr.;0. Filicœrci, Rou., e<c). Brieux, Neufbourg
près Mortain, Andouillé, Domfront, etc. — 0. liibciroi, Sh. : Domfront,
Brieux.
Distcichia reticulata, Sh. : Domfront, Andouillé. — Cf. G. atmnulatm?
Meneghini: Cherbourg. — Crinoides : Mortain, Domfront, etc., Trochocystites
sp.: Brieux, — Prostater Verneuili ? Trom. Lcbcsc. (1875): Brieux. — Fucoïdes :
(Lycrophycus elongatus ? Coëmans, Andouillé), etc.: Domfront.
Cette liste sera certainement augmentée par la suite. M. de Tromclin fait
connaître qu'il a trouvé dans les schistes de Domfront divers spécimens qui
lui permettront d'étudier les métamorphoses des trilobites du genre Illœnus.
Aucun fait de cette nature n'avait été constaté dans l'ouest de la France
jusqu'à ce jour.
Le grès de May, qui vient au-dessus des schistes ardoisiers a déjà été étudié
par l'auteur au point de vue paléontologique (Étude de la Faune du grès silu-
rien de May, Jurques, Campandré, etc.; Bull. Soc. Linn. de Normandie, ïiie s.,
vol. 1, p. 5 à 82; 1876). Malgré un certain nombre de formes communes avec
les schistes ardoisiers, la faune est très-contrastante dans l'ensemble. L'auteur
ajoutera à sa liste des fossiles déjà cités à May : Caryon Bohemicum, Barr. ;
Primitia simplex, R. J. (minerai de fer de May); Dalmanites mirnus, Sait.;
Rouaultia (Frœna) Lyclli, Rouault; etc. Belleropkon trilobatus, Sow., et des acé-
phales du genre Cardiomorpha . On peut attribuer à l'étage du grès de May
le grès minéralogiquement identique, qui, à Domfront, est immédiatement su-
périeur aux schistes ardoisiers, quoiqu'on n'y ait pas rencontré de fossiles. Le
grès à Calymenc Bayani de Saint-Germain et de la Bouxière, le grès à Modio-
lopsis Hcberti de Baugé, dans le nord d'Ille-et-Vilaine, et le grès de Thouric,
dans le sud du même département , appartiennent à cet horizon.
Le grès supérieur silurien ou grès culminant se voit au nord de Domfront ;
le grès généralement bleu noirâtre, sans fossiles, supporte les schistes ampé-
liteux. M. de Tromelin y assimile le grès supérieur, également sans fossiles,
de la série de May.
L'ensemble des couches dont il vient d'être question, constitue le silurien
inférieur des géologues [abstraction faite du grès à Calymenc Tristani et à
Homahnotus Vieillard i, Trom. Dollf. des Moitiers-d'Alonne et des schistes à
Trinucleus ornatus de la Sangsurière (Manche), sur lesquels il y a lieu de pu-
blier un travail étendu].
Le terrain silurien de la Normandie se termine par des couches d'ampélites
et de calcaires ampéliteux : c'est le silurien supérieur des auteurs; elles offrent
(1) L'existence de Lingula subgranulata, Trom. Lebesc. a été reconnue depuis le Congrès dans le
(ires Armoricain grossier de Saint-Remy-dï-Sillé (Sarthe), c'est-à-dire dans les quartzites inférieurs
de M. Allierl Guillier. Cette forme linguloïde est donc commune à l'étage du Grès Armoricain et à
l'étage des Schistes ardoisiers ; soa. existence dans l'un commi dans l'autre vient accroître le nombre
déjà surabondant des preuves données pai M. de Tromelin que le Grès armoricain fait partie de
La faune seconde silurienne. /.. subgranulata est accompagnée, à Saint-Rémy-de-Sillé, par Lingula
Brimonti, Rouault; L. Havokei, Rou .; Tigillites Dufrenoyi, l<»u .; T. (Foralites) Uœninghausi,
Rouault, «/). déjà signalé par M. de Tromelin dans ce même étage des quartzites inférieures du
nord du département de la Sarthe.
DE TROMELIN. — TERRAINS PALÉOZOIQUES DE NORMANDIE 400
des tannes très-différentes de celles des assises inférieures. L'auteur y a distin-
gué trois zones, dont deux, au moins, pourraient bien n'être qu'une modifi-
cation latérale l'une de l'autre : les connexités spécifiques sont plus nom-
breuses entre elles, en Normandie, qu'en Bretagne et que dans le Maine.
Au nord de Domfront, ce sont des schistes ampéliteux. 11 faut ajouter aux
fossiles de cette localité déjà mentionnés ailleurs : Ortfioceras Arion , Barr.;
0. annulatum, Sow., etc. Cardium Bohemicum, Barr. et autres cardiacés. Grap-
tolithus priodon, Bronn; G. Becki, Barr.; G. Bohémiens, Barr.; Diplograpsus
folium, Jïts., etc., accompagnant G. colonus, Barr., abondant partout sur cet
horizon, qui se retrouve au Tertre-Bizet et à la Guerche près de Lonlay-
l'Abbaye (Graptolithus spiralis, Geinitz se rencontre à la Guerche), au Chatel-
lier avec Isochilina , formosa, Barr.; Cardiola ïnterrupta, Brod.; Graptolithus .\ill-
soni, Barr.; etc.; Spfuxrococcites Scharyanus, Gœpp. et autres fucoïdes, — et à
la Ferrière-Béchet près Séez. Orthis caduca, Barr. est citée à la Sangsurière
(Manche) et toujours avec G. colonus.
A Feuguerolles (Calvados), on rencontre immédiatement au-dessus des grès
des lits de schistes non ampéliteux, constituant la zone des schistes et psam-
mites à fucoides qui se retrouve à la Béguinaie au nord de Lusanger (Loire-
Inférieure), et aussi dans le Bas-Languedoc (1). Parmi les petits fucoïdes de
cette formation, quelques-uns rappellent les bilobites et les Nereites. L'auteur
a décrit le stelléride Palasterina gracilis de ces schistes de Feuguerolles ; /'. Mo-
rierei, nov. sp. l'accompagne {"2). Les graptolites de cet horizon sont caracté-
ristiques de la Faune III silurienne.
Viennent ensuite les calcaires ampéliteux de Feuguerolles et de Saint-Sau-
veur-le-Vicomte, célèbres par leurs fossiles ; il faut ajouter aux citations du
travail de 1875: Ceratioca ris Bohémiens, liarr. (Saint-Sauveur); Bolbozoe, Bohc-
mica, Barr. (Feuguerolles) ; Spirorbis Lewisi, Soie. (Feuguerolles); de nombreuses
Orthokères, entre autres : 0. styloideum. Barr. (Feuguerolles); 0. Vibraijet, Barr.
(Saint-Sauveur) ; 0. Bohemicum, Barr. (Saint-Sauveur), etc., etc. ; Cyrtoceras
sp. (Feuguerolles); Hyolithes simplex Barr., (schistes de Saint-Sauveur; Feu-
guerolles); Natica? plebeia, Barr. et autres; Tubina subpatula, Trom.: espèce
différente de T. patula Hall, sp., citée à Cabrières par le plus grand nombre
et la finesse de ses stries d'accroissement, entre lesquelles s'en trouvent d'au-
tres plus fortes (Feuguerolles); Murchisonia sp. (Feuguerolles); Capulus? sub-
compressus, Trom. Lebesc. (Feuguerolles); Cardiola gibbosa, Barr. (Feuguerolles);
C. fibrosa , Sow. (Feuguerolles, Saint-Sauveur); C. spuria , Munster et
autres, qui accompagnent C. interrupta, Broderip, dans presque toutes les lo-
calités de l'ouest de la France; Silurina sp.; Cardium subarcuatum, Miinst.
(Feuguerolles) et diverses espèces du même groupe dont une a été citée à Der-
val, Lusanger et Martigné-Ferchaud ; Mytilussp. E. Trom. (Feuguerolles); Avi-
culacxjbcle, Barr. (id.); A. varians, Barr. (id.); et autres formes mytiloïdes et avi-
li) il faut citera Clermont-l'Hérault : Chondrites fructieulosu» Gœpp.; Dictyonema Bohémien
Barr.; des graptolites; des bilobites, etc.
(2) Palesterina Morierei, Trom. est une espèce plus massive que /'. prima-ra. Forbes. et se dis-
tingue, par conséquent, avec facilité, de sa congénère du même gisement, qui offre des bras beau-
coup plus grêles.
SOO GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
culoïdes; Atrypa reticularis,aut. (Feuguerolles) ; A thyris compressa, Sow. (id.);
Orthis mulus, Barr. (id.), etc.; Favosites fibrosus, aut. (id.) ; des graptolites
nombreux comme individus, mais spécifiquement peu varies : G. priodon ,
Bronn ; Retiolites Geinitzianuss, Barr. (Feuguerolles) ; enfin des crinoïdes et des
fucoïdes. — L'horizon dont il est question constitue la partie la plus élevée du
terrain silurien de la Normandie.
Dans le département de la Manche, on constate la superposition du terrain
devanien inférieur présentant les grandes divisions reconnues en Bretagne:
( Grauwacke à Pleurodictyumproblematicum. i
\ Calcaire à Athyris undata (Nehou, Beaubigny). )
|| Grès à Orthis Monnieri.
On connaît encore le terrain devonien inférieur à Glatigny-en-Saint-Nicolas-
des-Bois (Orne), d'où il paraît se prolonger vers Radon ; il y est représenté par
l'horizon des grauwackes supérieures.
11 faut mentionner ensuite le calcaire carbonifère à productus semireticulatus
de Régnéville et Coutances.
C'est au calcaire carbonifère qu'il faut, suivant M. de Tromelin, très-proba-
blement attribuer les calcaires de Bahais, la Meauffe, Tessy, etc. (Manche) (1),
et non au terrain cambrien, comme l'avaient pensé les anciens auteurs.
Quant au bassin houiller de Littry-Plessis, il paraît devoir être rangé dans
l'étage supra-houiller de M. Grand'Eury ; il serait donc plus récent que les
bassins de Saint-Pierre-Lacour (Mayenne) et du Finistère. On cite à Littry :
Pecopterispolymorpha, Brong.; P. dentata , Brong.; Calamités pachyderma ; Annu-
laria longifolia, etc.
L'attribution au terrain permien des couches supérieures aux couches houil-
lères devient très-vraisemblable : il serait représenté par les schistes bitu-
mineux-pyriteux, où M. Tarnier a découvert des empreintes de poissons.
Ces schistes occupent, d'ailleurs, une position assez élevée dans l'ensemble de
la série du bassin (2). Jusqu'à présent, la limite entre le terrain permien et
le terrain triasique n'a pas été bien définie
Tel est en thèse générale, l'état de nos connaissances sur les terrains pa-
léozoiques de l'ouest de la France, particulièrement dans les départements de
l'Orne et du Calvados, Mais M. de Tromelin a dû négliger de parler de quan-
tité de faits nouveaux, dans ce résumé, dans cet extrait de mémoires destinés
à être insérés in extenso dans les publications de la Société géologique de Nor-
mandie, au Havre, et de la Société linnéenne de Normandie, à Caen. Ce n'est
que quand ces travaux auront été imprimés que l'on pourra se rendre réelle-
ment compte des résultats des recherches auxquelles il s'est livré. — La par-
tie historique a dû être laissée de côté ; les listes de fossiles devront être com-
plétées. Quant aux roches plutoniques de la Basse-Normandie , les études sont
très-insuffisantes : il y aurait des roches granitiques de plusieurs âges; la
fraidonite , minette, ou kersantite serait devonienne , tandis que les porphyres
m Voir le iournal le Havre, numéro du 8 septembre 1*77.
,\\ rpccrhistes paraissent être identiques sous les rapports paléontologiques et mmeralogiques
eux de la Muse près d'Autun, sur la place géologtque desquels on n'est pas bien d'accord.
A. POMEL. — GÉOLOGIE DE LA PROVINCE DE GABÈS SOI
seraient houillers; L'âge des roches dioritiques est bien moins conDu ; celles qui,
au sud de Caeu, sont si fréquentes dans les phyllades cambriennes ne paraissent
pas pénétrer dans le système silurien.
NOTE ADDITIONNELLE.
M. <;. de Tromelin signale sa découverte de l'existence de bilobites, dans le
Grès de May, comme un fait d'une importance capitale. Les Bilobites étaient
considérés comme caractéristiques du Grès Armoricain ; de là le nom que cer-
tains auteurs ont cru récemment devoir lui imposer. M. de Tromelin en a
d'ailleurs déjà signalé également dans les Schistes et psamnistes à fucoïdes de la
Faune III silurienne.
Or l'espèce du Grès de May : Rouaultia (Frœna) Lyelli, Rouault est commune
avec le Grès Armoricain. Le genre Rouaultia est établi pour des formes bilobées
très-longues, étroites, très-souvent repliées à la surface de la roche à la ma-
nière des Myrianites, mais toujours lisses, et différentes par ce caractère des
vraies Cruziana. Le type du genre est: Frœna Lyelli, Rouault.
M. de Tromelin a aussi rencontré à May une espèce du genre Palœocorda, Mac-
Coy ( = ? Frœna, Rouault ; part.) ; enfin, avec les Tigillites, des traces hori-
zontales qu'il est bien difficile de ne pas attribuer à des pistes d'Annélides
arénicoles .
M. A. POMEL
GÉOLOGIE DE LA PROVINCE DE GABÈS ET DU LITTORAL ORIENTAL
DE LA TUNISIE.
— Séance du 27 août i877. —
Dès 1872, dans un ouvrage honoré d'une médaille d'or au concours
de la Sorbonne, j'essayai de déduire de quelques renseignements sur la
ttore et de considérations générales sur la géologie des parties du Sahara
que j'avais explorées qu'il n'y avait pas eu de communication de la mer
avec les chotts et que le seuil interposé était peut-être une barre rocheuse
formée par des roches de l'âge de la Craie chloritée. Je désirais bien
vivement vérifier par moi-même ce que ces prévisions pouvaient avoir
de conforme à la réalité, surtout depuis l'observation de M. Fuchs qu'il
y existait en réalité une barre rocheuse, mais formée par du terrain
tertiaire. J'ignorais encore que l'on eût constaté par mesure directe que
502 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
le grand chott oriental n'était point au-dessous du niveau de la mer, et
que ce chott, ainsi que je l'avais prévu, était séparé des autres par des
reliefs importants.
Au printemps de 1877, une mission de M. Waddington, ministre de
l'instruction publique, m'a permis de faire avec toute la sécurité conve-
nable et l'appui très-bienveillant du gouvernement tunisien une explo-
ration du pays rendu fameux par le mythe du dieu Triton et de nos
jours par le projet de mer intérieure à classer parmi les romans de
J. Verne. Je n'ai point eu à m'occuper d'un nivellement déjà fait; j'ai
pu constater que le terrain crétacé venait en effet encadrer et modeler en
quelque sorte le seuil ; mais que celui-ci était en réalité formé par un dépôt
d'atterrissement quaternaire, ou diluvien, comme l'appelait M.Fuchs; et
je n'ai point retrouvé le terrain tertiaire de ce dernier auteur.
La partie orientale du Chott-el-Djerid est allongée entre deux rides
rocheuses parallèles, de 300 à 500 mètres d'altitude, ayant une structure
et un aspect à peu près semblables et très-uniformes, à crête plus ou
moins dentelée et presque dépourvue de contre-forts importants. Ces deux
chaînes ont ceci de particulier que le versant au nord est accidenté de
corniches et d'escarpements et montre en général les tranches des
couches, tandis que le versant opposé a sa surface plus ou moins con-
fondue avec le plan des couches supérieures. On pourrait en conclure
l'existence de failles parallèles dont les bords auraient joué de manière
à relever dans chacune celui du nord et d'abaisser au contraire celui du
sud ; mais ce n'est là qu'une apparence et en divers points du versant
nord on retrouve des restes des couches supérieures plus fortement
redressées, par conséquent plus disloquées et depuis lors démantelées ;
en sorte qu'il est à peu près certain que ces chaînes sont dues à des
plissements dont un flanc est plus abrupt que l'autre.
Les assises les plus inférieures sont composées par des alternances
nombreuses de grès sableux, d'argiles bariolées, de marnes et de cal -
caires marneux, dans lesquels le gypse et le sel sont très-fréquents, dissé-
minés ou en masse (montagnes de sel du Djebel-Hadifa). Je n'ai observé
aucun débris de corps organisé dans cette série de couches, qui, dans sa
partie visible, doit dépasser 100 mètres.
Au-dessus, on voit se succéder des assises plus dures, plus rigides, qui
donnent au paysage toute sa dureté par la succession des lignes abruptes
ou même des dentelures. Ce sont d'abord des grès d'un gris obscur très-
rigides, en couches puissantes se succédant sans alternances ou avec
quelques minces lits argileux; ils sont associés à des dolomies grenues de
couleur semblable, avec lesquelles on les confond souvent à première
vue. On trouve dans certains bancs des moules de grands inocérames qu'il
est difficile d'obtenir déterminables; dans ces mêmes bancs sont des
A. POMEL. — GÉOLOGIE DE LA PROVINCE DE GABÈS 303
rognons de silex, souvent tondus avec la masse. L'épaisseur peut atteindre
60 à 80 mètres. Le sommet de la formation est constitué par des cal-
caires blancs, sonores, à grains plus ou moins tins, ou même compactes,
dans lesquels sont disséminés des silex. Les inocérames des couches gré-
seuses n'y sont pas rares et ces couches appartiennent certainement à la
même série et sont absolument concordantes. Elles ressemblent aux cal-
caires nummulitiques du bassin de la Medjerdah, qui sont en effet en
discordance avec le terrain crétacé, mais elles ne leur sont pas iden-
tiques et sont d'âge crétacé comme leur substratum immédiat. Sans
doute, M. Fuchs aura été trompé par une apparence, comme celle de la
Kranga de El-Hammam et n'aura pu être averti de son illusion par
l'observation des fossiles. Ces calcaires ont été exploités pour matériaux
de constructions par les Romains et les habitants actuels transforment
les ruines de cette époque en carrières de pierres d'appareil. En par-
courant les rues de Gabès (Menzel),ou mieux de Bordj-Hammam, qui est
bâti sur la roche même, on peut observer de nombreux exemplaires
d'empreintes d'inocérames sur les pierres des murailles.
Je ne sais pas encore à quelle espèce peuvent être rapportées ces
empreintes d'inocérames dont je n'ai pu récolter que des exemplaires
imparfaits; je n'ai point été non plus assez heureux pour observer d'autre
fossile déterminable. Mais, ainsi que je l'avais prévu, on se trouve en
présence bien certainement de cette formation géologique développée
sur des surfaces immenses, qui forme tout le plateau du Gharian de la
Tripolitaine, auquel les reliefs du sud de la province de l'Arad (Gabès )
se rattachent directement par la chaîne hérissée de pitons du Douïrat.
La chaîne du nord du chott se rattache elle-même aux terrains analogues
du sud de l'Algérie. C'est la craie cénomanienne s'étendant peut-être
jusqu'au-delà de l'étage turonien.
On peut dire d'une façon très-générale que, dans tout le sud de la
Tunisie au sud du parallèle de Sfax, tous les reliefs sont des îlots plus
ou moins vastes de cette formation dans une mer de terrain quartenaire
diluvien, qui revêt des caractères très-remarquables. Ce qui frappe surtout
le voyageur géologue, lorsqu'il a contourné le massif montagneux qui
de Hammam-el-Lif s'étend à Hammamet et au Zaghouan, c'est l'étendue
des surfaces ondulées ou mamelonnées à grande échelle, où les érosions
des ravines sont rarement suffisantes pour permettre déjuger de la com-
position du sol, où abondent les dépressions salées souvent très-vastes,
ordinairement à sec la majeure partie de l'année mais transformées par
le mirage en nappes d'eau que l'on ne peut atteindre. Ces fonds de
sebkhas sont formés de vases argileuses plus ou moins criblées de cristaux
de gypse et sous ces marnes les fouilles font immédiatement trouver de
vraies couches de pierre à plâtre. La surface des ondulations est souven
504 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
plus ou moins rocailleuse et les fragments de roche ont été désagrégés
d'une carapace concrétionnée de calcaire, dont l'épaisseur dépasse rare-
ment un mètre. Ce calcaire est ordinairement assez impur et contient
quelquefois des coquilles d'hélices peu différentes de celles qui vivent
encore dans le pays. Cette croûte est de formation plus récente que le
terrain dans lequel elle s'est en quelque sorte constituée par suite de
l'évaporation successive des eaux que la capillarité fait monter à la
surface.
Partout où cette carapace est entamée par les ravins ou par les dénudations
on trouve un limon plus ou moins sablonneux, souvent rougeâtre, d'autrefois
isabelle, qui ne montre quelquefois que des apparences très-diffuses de
stratification, et qui, d'autres fois, par de légères nuances de couleur ou de
composition, paraît se diviser en couches plus ou moins épaisses. Il y a en
certains points devrais lits de sable toujours peu grossier; dans les limons
des cristaux lenticulaires de sulfate de chaux sont disséminés, ou se grou-
pent en séries réticulées, et alors ces parties sont plus en saillie dans les
escarpements et simulent des niveaux de stratification; en beaucoup de
lieux, la blancheur du sol décèle la présence de véritable bancs de gypse
pulvérulent ou granuleux, qui s'intercalent, sous forme de vastes alter-
nances lenticulaires, à des niveaux variés de la masse. Les fossiles sont
très-rares dans cette formation et consistent en fragments de coquilles
terrestres, qui se rencontrent également dans les bancs de gypse. J'y ai
observé le zonites candidissimus, encore très-commun dans le pays.
C'est surtout sur les falaises de la côte qu'il faut étudier ce terrain
pour se rendre compte de sa puissance et de son homogénéité en dehors
des variations que j'ai plus haut signalées. Le plus bel exemple peul en
être donné entre le village de Maharès et la tour de Nadour, chez les
Mahadeb, où, sur une longue étendue, on n'observe pas d'autre terrain.
L'île de R'erkena, en face de Sfax, en paraît être entièrement constituée et
ce sont les croûtes calcaires de la surface que les bateaux transportent
à cette ville pour pierre à chaux et moellons de qualité assez médiocre;
là aussi il y a des sebkhas pour compléter l'analogie.
C'est le même terrain gypso-limoneux qui pénètre par le seuil de,
Gabès entre les deux chaînes crétacées qui longent le Chott-el-Fcdjedj .
Au seuil même, il atteint la cote maximum 60 mètres, en constituant une
colline dirigée N.-S. qui reproduit très-probablement un relief souterrain
du terrain crétacé allant du Djebel-Dissa au Djebel-Mida. Le long du
pied des deux chaînes crétacées vers l'ouest, ce terrain se relève sensible-
ment , et comme il est en ces parages plus particulièrement gypseux et
blanchâtre, on le distingue à distance par la coloration qu'il com-
munique à la surface, surtout du côté du Djebel Hadifa entre celui-ci
et le Djebel-Aziza ; au bord même du chott, le terrain quaternaire laisse
A. POMEL. — GÉOLOGIE DE LA PROVINCE DE GABÈS 505
pointer un petit piton de grès à inocérames, qui porte le nom pittoresque
de Bechima (le fanal).
Malgré des recherches attentives et répétées, je n'ai observé dans cette
formation aucune trace de fossiles marins, et les seuls fragments de
coquilles terrestres qu'on peut y voir attestent une origine continentale,
sous l'action de phénomènes dont il est difficile de se faire une idée,
mais qui trouvent peut-être leurs similaires dans cette région des grands
lacs de l'Afrique centrale, où les pluies tropicales font épaudre les nappes
liquides sur des surfaces immenses. L'âge quartenaire de cette formation
éloigne aussi l'idée que la mer ail pu pénétrer à cette époque parle seuil
dans la région des chotts; et on trouve même que ce seuil était ainsi
constitué à une date très-ancienne de cette même période quaternaire.
Sur le versant occidental, on -constate çà et là la présence de fragments
de poteries romaines; on peut aussi récolter des instruments en silex
taillé des temps préhistoriques. On ne peut même rien trouver sur ce
seuil d'attribuable au lit d'un cours d'eau qui aurait pu servir d'exu-
toire aux bassins des chotts qui alors étaient certainement fermés.
Sur le versant de la Méditerranée, la formation gypso-limoneuse s'abaisse
insensiblement vers la mer et s'y prolonge de même, découvrant sur de
très-grandes surfaces à la marée basse. Elle présente sur ce versant
quelques thalwegs à ravin encaissé prenant origine près de sources qui
sourdent, à la température de 22 à 25 degrés centigrades, très-proba-
blement d'un substratum du terrain crétacé voisin de la surface. Ces
sources ont donné lieu à des dépôts fluviatiles ou de marais qui se
distinguent facilement de leur substratum, malgré qu'ils contiennent
autant de cristaux de gypse que lui. Depuis leur formation, ces dépôts ont
été eux-mêmes ravinés et forment actuellement les berges des ravins.
Les coquilles y sont fréquentes; ce sont des mélanies, des mélanopsides,
des bithynies, des planorbes, des hélices, et même de petits et minces
cardium edule, race sans doute d'eau saumâtre. Dans l'Oued-Akarit et
dans l'Oued-Gabès, il n'est pas rare de rencontrer à la base de ce dépôt
des couteaux en silex et des flèches d'un très-beau type à côté d'osse-
ments, débris de repas, en sorte qu'on est là en présence de stations
préhistoriques sur un sol qui ne pouvait être alors immergé. On peut
même constater en suivant ces dépôts quaternaires récents jusque vers
les ruines de Tacapé (Gabès libyen) de l'époque romaine, ou peut-être
même punique, que les fondations en étaient creusées dans ce terrain
lui-même, dont la formation remonte donc à des temps comparativement
très-reculés ; infirmant ainsi l'ancienne pénétration de la mer dans les
lacs. Il n'y a, du reste, aucun indice d'immersion sous-marine depuis
cette époque, et les nombreux exemplaires de Murex trunculus, que l'on
rencontre dans les ruines de Tacapé, sont des restes de l'industrie de la
506 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
pourpre qui ilorissait à l'époque romaine; ils n'y ont point été déposés
par la mer.
A Gabès, on voit apparaître dans le terrain quaternaire ancien des
bancs de poudingue dont les éléments, d'abord de petit volume, grossissent
ensuite notablement et proviennent des terrains crétacés du voisinage.
La puissance en augmente vers l'est le long des rivages, et partout ils
semblent former le couronnement de la formation gypso-limoneuse. lis
forment ainsi un repère stratigraphique qui témoigne que l'ensemble
du terrain avait été soumis à des mouvements et à des dénudations
importantes à l'époque où s'y sont formés les dépôts à mélanies et à
silex taillés.
J'ai des raisons de penser que l'île de Djerba, l'ancienne Méninx, est
comme celle de Kerkena, uniquement formée d'atterrissement quaternaire;
de la disposition générale des côtes et des fonds on peut déduire que
tout le golfe de la petite Syrte, compris entre ces deux grandes îles, a
pour fond le même terrain qui s'est insensiblement déprimé sous la mer,
et qu'il a été envahi seulement après l'époque de cette formation.
Il paraît que, pendant que se produisait cet affaissement dans le golfe
même de la Syrte, il s'opérait un mouvement inverse vers le nord, un
exhaussement qui était loin de compenser le premier par l'étendue des
surfaces émergées. En partant de Sfax, c'est près du Ras-Capoudia
(Caput vada) un peu avant le village de Chebba, qu'on trouve les pre-
mières traces de plages émergées avec cérites, bucardes, pectoncles, et
cela presque au niveau actuel de la mer. Un autre bas-fond, à apparence
de choit, formait également une lagune pénétrant dans les terres par une
anfractuosité au sud et près de Selecta, ancien poste romain. La grande
lagune à l'ouest de Monastir, où Scylax a placé son Palus triUmidîs,
n'est plus envahie par les grosses mers que dans une faible étendue de
la vaste surface où gisent les mêmes coquilles marines. La sebkha des
Ouled-Mehédra, au nord du Bordj-Labrégal, dont les sédiments vaseux
contiennent les mêmes débris marins, est actuellement séparée de la mer
par un simple cordon littoral de dunes ; cependant son éraersion remonte
encore au-delà des temps romains; puisque aux points mêmes où passe
actuellement la route d'été sur le bord de ce bas-fond qui touche à la
dune, existe une chaussée romaine.
Ces dépôts marins sont relativement anciens, mais cependant encore
postérieurs à d'autres plages émergées du golfe de Hammamet. A Monastir,
la trace se réduit à quelques coquilles dans une couche de quelques
décimètres, couronnant une plate-forme de 5 à 6 mètres d'altitude. A
Herguela, le dépôt est plus étendu, plus puissant, consistant en bancs de
grès très-grossiers ou même de petits poudingues; ils forment une petite
colline allant atteindre 20 mètres au village lui-même et séparant de la
A. POMEL. — GÉOLOGIE DE LA PROVINCE DE GABÈS 50"
mer une petite sebkha, dont je n'ai point examiné le tond. La plate-
forme de la ruine romaine de Menara prolongée au-delà de Bir-Loubeita,
à une altitude de 12 à 15 mètres, est aussi formée de grès grossiers et
de petits poudingues dans lesquels les coquilles marines abondent et
parmi elles une espèce de strombe, inconnue dans la nier voisine, et
que j'avais déjà rencontrée dans une formation analogue de la rade
d'Arzeu.
C'est cette tour de iMenara qui avait été citée comme preuve des oscilla-
tions du sol autour du niveau de la mer à une époque récente; mais ce
que l'on avait pris pour des coquilles littiophages, ce sont simplement des
fossiles faisant partie de la roche qui a fourni les matériaux de la cons-
truction, soit pris sur place dans la roche quaternaire, soit transportés
des carrières qui ont fourni ceux du magnilique amphithéâtre de El-Djera
(Thysdrus).
Ces carrières sont, à Ksour-sef et près de Mahdia, ouvertes dans une
puissante succession d'assises d'un calcaire composé en presque totalité
île fragments de coquilles avec quelques grains de sable; c'est en quelque
sorte un falun solide, dans lequel l'espèce la plus commune et la mieux
conservée est le Pect unculus violaceus. Les assises plongent vers le sud-
ouest; elles supportent au sommet un lit d'argile avec grosses huîtres et
disparaissent sous l'atterrissement quaternaire ancien, particulièrement
concrétionné en ce point et allant lui-même passer sous les dépôts de
lagune de Selecta signalés plus haut. Ce falun se développe dans le
grand triangle compris entre Selecta, cap Dimas et Monastir. A Bembla,
au sud de cette dernière ville, il y a également au sommet un lit d'argiles
avec grosses huîtres; en ce point, la puissance totale doit a voisiner
100 mètres.
L'âge de ce terrain me paraît être pliocène sur l'horizon de l'Astien ;
en effet, il repose sur une autre formation, qui constitue le cap de Mo-
nastir, comprenant des grès argileux, de petits conglomérats en bancs
alternants de 2 à 3 mètres d'épaisseur, plongeant vers le sud-est et con-
tenant divers fossiles, parmi lesquels une térébratule et une rynchonelle
tous identiques à des fossiles fréquents dans le terrain sahélien d'Oran,
qui doit correspondre aux marnes subapennines inférieures.
Au nord de Souse, les collines de Couda montrent des grès grossiers,
peu cohérents, reposant sur des argiles ou sur des marnes à empreintes
de coquilles marines; une formation semblable reparaît près de Bir-Lou-
beita et m'a fourni quelques coquilles d'huîtres (0. foliosa?). Là, elle
forme tout le sol de la Hanga dans le col qui fait communiquer le
plateau de Goroumbalia avec le golfe d'Hammamet entre des massits
néocomiens. 11 ne serait pas impossible que ce terrain se prolongeât
sous l'atterrissement de cette plaine jusqu'au golfe de Tunis et, près de
508 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
cette ville, je crois la reconnaître dans les dépôts qui cnlourentle massif
néocomien du Djebel-Hamra et paraissent se prolonger dans les gisements
à huîtres du cap Kamart au nord-ouest de Cartilage. Dans ce cas, le
massif néocomien du cap Bon aurait constitué une île distincte à l'époque
pliocène.
En résumé, un vaste manteau d'atterrissement quaternaire, percé dans le
sud par le terrain crétacé cénomanien ou turonien, sur le littoral nord-est
par des massifs d'âge néocomien et, sur le rivage même, par quelques
lambeaux de terrain tertiaire récent. Dans les parties avoisinant la
frontière algérienne, se développent presque tous les étages crétacés, sauf
le plus supérieur et le terrain nummulitique y envahit le littoral
septentrional.
M. DES CLOIZEAÏÏX
Membre de l'Institut.
SUR L'EXISTENCE ET SUR LES CARACTÈRES OPTIQUES, CRISTALLOGRAPHIQUES
ET CHIMIQUES DU MICROCLINE, NOUVELLE ESPECE DE FELDSPATH TRICLINIQUE A BASE
DE POTASSE.
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
.Séance du 27 août 1877. —
Breithaupt, ayant mesuré un angle de 90° 22' entre les deux clivages
principaux du feldspath à reflets chatoyants bleuâtres qui constitue le
principal élément de la syénite zirconienne de Fredrikswern et de Laur-
vig en Norwége, l'avait séparé de l'orthose sous le nom de microcline.
Le même savant avait rattaché à cette espèce de feldspath triclinique
le feldspath laminaire verdâtrc de Bodenmais et ceux de quelques syé-
nites du Plauen'schen Grund, près Dresde, de la miascite de Miask et
d'un certain nombre de localités de Silésie, de Norwége et du Groen-
land .
Or, j'ai fait voir depuis plusieurs années que le feldspath opalisant de
la syénite zirconienne de Fredrikswern et le feldspath verdâtre, associé
à l'oligoclase et à la pyrrhotine de Bodenmais en Bavière, sont des
orthoses parfaitement caractérisés par l'orientation des bissectrices de
leurs axes optiques et du plan qui les renferme.
Mais, en passant en revue d'autres échantillons regardés comme
orthoses et choisis surtout parmi ceux qui se laissent plus ou moins net-
tement cliver suivant une face latérale de leur prisme primitif, quelque-
DES CLOIZEAUX. — SUR L'EXISTENCE DU MICROCLINE o09
fois même suivant les deux faces de ce prisme, j'ai reconnu qu'on
devait en réalité les rapporter à un prisme doublement oblique, dans
lequel l'angle des deux clivages principaux p et g1 est très-voisin de
90 degrés, ce qui autorise à reprendre pour eux le nom de microcline
inapplicable, comme je viens de le dire, aux variétés pour lesquelles il
avait d'abord été imaginé par Breithaupt.
Cette conclusion s'appuie surtout sur l'observation de certains carac-
tères optiques biréfringents, uniquement compatibles avec une l'orme tri—
clinique.
Si, en effet, on examine sous un microscope grossissant cinquante
fois, par exemple, entre deux prismes de Nicol croisés à angle droit,
une lame clivée parallèlement à la base d'un échantillon quelconque de
microcline et suffisamment amincie, on voit que la direction suivant
laquelle a lieu l'extinction maximum fait un angle d'environ 15° 27
avec l'arête pgl, au lieu de lui être parallèle, comme dans l'orthose. On
remarque en même temps que la structure de la lame n'est jamais
homogène et que, le plus souvent, elle offre un aspect quadrillé. Cet
aspect est dû à l'entre-croi sèment de nombreuses bandelettes plus ou
moins étroites, hémitropes ou non hémitropes, les unes parallèles au
clivage g1, les autres traçant sur p des lignes généralement perpendi-
culaires à l'arête pgl ou faisant avec elle un angle de 92 à 93 degrés.
Il est également facile de reconnaître qu'au milieu des bandelettes où
l'extinction maximum se fait à 15 ou 16 degrés de l'arête pg\ il s'en
trouve parfois quelques-unes qui éteignent la lumière polarisée parallèle-
ment à cette arête, et que la masse quadrillée est très-souvent pénétrée
par des liions transversaux, étroits, à contours irréguliers, généralement
composés de deux séries de bandelettes hémitropes, dont le plan d'ex-
tinction maximum fait, avec les bandes verticales, un angle très-aigu
de 3 à 4 degrés, et qui présentent tous les phénomènes optiques de
l'albite. Au lieu de quadrilles rectangulaires, qui prennent l'apparence
d'une toile métallique à tissu plus ou moins fin et régulier, certaines
variétés offrent une structure tantôt irrégulièrement déchirée, tantôt plus
ou moins régulièrement guillochée, tantôt comme plissée par suite de
la prédominance de longues bandelettes horizontales recoupées par de
petites bandelettes verticales courtes et très-étroites, tantôt enfin, mais
très-rarement, celle d'une masse presque homogène et mouchetée seule-
ment par de petites taches d'albite et d'orthose.
C'est principalement sur les cristaux et sur les masses laminaires
d'amazonite (pierre des Amazones), d'un vert plus ou moins pur, que
les diverses structures dont il vient d'être question peuvent être le plus
facilement constatées. Aussi peut-on dire que le feldspath amazonite,
qu'il provienne des Monts Ilmen et de l'Oural, de la mine d'Utte en
810 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Suéde, de la cote du Labrador, du comté Delaware eu Pennsylvanie, des
mines d'or de Pike's Peak, État de Colorado, de Sungangarsoak au Groen-
land ou d'autres localités, appartiennent toujours au microcline.
11 en est de même pour des feld spaths blancs, roses ou rougeâtres,
taisant partie des granités ou des pegmatites d'une foule de localités
situées dans toutes les parties du globe, comme on le verrra plus loin
par la liste des échantillons que j'ai pu examiner jusqu'ici. Les résul-
tats acquis par cet examen semblent prouver que, dans la nature, le
microcline est plus abondamment répandu que l'orthose. Ils montrent
aussi que la pénétration par des filons d'albite du premier comme du
second de ces feldspaths est un phénomène qui ne souffre que de très-
rares exceptions.
Pour le microcline, je n'ai jusqu'à ce jour observé qu'une seule variété
absolument dépourvue d'albite; elle se trouve en petites masses d'un
blanc verdâtre, pénétrée par des cristaux d'wgirine, à Magnet Cove
Arkansas. La structure est assez régulièrement guillochée, et elle se
compose de plages hémitropes s'enchevêtrant les unes dans les autres.
Pour l'orthose, le nombre des échantillons sans inclusions d'albite est
moins rare, et, parmi eux, on peut citer :
1° Le feldspath chatoyant de la syénite zirconnienne de Fredrikswern ;
2° Le sanidine transparent de Rockeskyll et de Wehr dans l'Eiffel;
3° L'adulaire transparent du Saint-Gothard et du Valais ;
4° Un adulaire en petits cristaux mpa>, tapissant, avec cristaux de
quartz, un gneiss des environs de Baréges (Hautes-Pyrénées);
5° La pierre de lune de Ceylan.
0n Le fedspath paradoxite (Breithaupt) d'Euba, en Saxe;
7° La murchisonite de Dawlish,en Devonshire;
8° Un beau cristal pénétré de pyrile, trouvé à Tunaberg, en Suède
avec des cristaux de lépolite;
9° Un feldspath en larges lames rouges, fortement aventuriné, for-
mant, avec de petites masses d'albite blanche, une roche trouvée par
M. .Nordenskiold à Hammerfest, en 1858, à l'état de bloc erratique.
Parmi les mélanges de microcline et d'orthose où l'orthose est prédo-
minant, se trouvent : les cristaux roses de Biveno; des cristaux d'un
jaune brun, de Schwarzbach, près Hirschberg en Silésie, qui présentent
la macle habituelle aux cristaux de Baveno, et de petites masses lami-
naire.-, d'un gris rosé, de Nœskilen, près Arendal, en Norwége. Des
laines très-minces, parallèles au clivage basique de ces mélanges, mun-
irent une pâte d'orthose grisâtre, généralement assez peu transparente,
au milieu de laquelle sont disséminées de petites inclusions d'albite et
des bandes de microcline, d'étendue et de forme variables, ordinairement
disposées en deux séries hémitropes l'une par rapport à l'autre, et des-
DES CLOIZEAUX. — SUK INEXISTENCE DU MICR0CLI1VE 511
sinant soit des quadrilles rectangulaires, soit des espèces de V ou des
parallélogrammes de US à 116 degrés, dont l'arête p g1 serait la petite
diagonale.
Lorsque les bandelettes hémitropes dont se eomposent presque tou-
jours les liions d'albite enchâssés dans le microcline sont excessivement
étroites ou manquent complètement, il est presque impossible de distin-
guer l'albite de l'orthose à travers des lames parallèles à la base; mais
si l'on prend des plaques très-amincies parallèlement à g1, et si on les
examine au microscope, on voit l'albite se dessiner sous la forme de
bandes plus ou moins larges ou de coins alignés à peu près parallèle-
ment à l'arête g1 m, dans lesquels la direction où se produit l'extinc-
tion maximum fait avec l'arête pgl un angle de 18° à 20° (1), tandis
que cet angle ne varie que de 4° à 7° pour le microcline.
Il est facile de comprendre que l'existence des lamelles hémitropes
et des mélanges physiques de microcline, d'albite et d'orthose, qui vien-
nent d'être décrits, apporte à la manifestation régulière des propriétés
optiques biréfringentes, et surtout à celle des anneaux colorés, un trou-
ble d'autant plus grand (pie la structure du feldspath est plus com-
plexe.
Ces propriétés possèdent d'ailleurs une certaine analogie, en même
temps que des différences très-tranchées, avec celles de l'orthose.
Ainsi, en examinant dans l'air ou dans l'huile, au microscope polari-
sant, des plaques minces parallèles au clivage g1 d'un microcline suffi-
samment homogène, on voit que le plan des axes optiques n'est que
faiblement oblique à ce clivage (l'inclinaison est de 82° à 83° environ),
et que sa trace sur g1 coupe l'arête obtuse glp sous un angle de 5°
à 6°, en s'inclinant d'avant en arrière, comme dans l'orthose et dans
l'albite. La bissectrice obtuse est positive ; mais, au lieu d'être perpen-
diculaire à g1, comme celle de l'orthose, elle fait avec la normale à ce
plan un angle d'à peu près 15° 26'.
On opérant dans l'huile, on peut , en général, amener successivement
dans le champ du microscope l'hyperbole qui, à 4o° du plan de polari-
sation, correspond à chacun des axes optiques. On trouve alors que
l'une des hyperboles traverse des anneaux très-dilatés et qu'elle est
située en moyenne à 36° 8' de la normale à la plaque, tandis que l'autre
traverse des anneaux très-étroits et s'écarte de cette normale d'environ
67 degrés, pour les rayons rouges. La première hyperbole, qui, seule,
est visible dans l'air, y ferait avec la normale un angle de 59°40'.
A io degrés du plan de polarisation, la dispersion ordinaire des axes
(1) Dans toutes les variétés d'albite que j'ai examinées, l'extinction maximum a lieu suivant
deux directions qui coupent l'arête pg\ l'une sous un angle de 3" à h", à travers ;/. l'autre sous
un angle de 16° à 20°, à travers g1. Ces angles sont différents pour l'oligoclase et le labradonte.
512 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
est assez faible, et les bordures des hyperboles indiquent p < v, comme
dans l'orthose. Parallèlement ou perpendiculairement à ce plan , ils
manifestent une dispersion tournante notable.
En opérant sur une belle amazonite de Mursinsk (collection du Mu-
séum), j'ai obtenu , sur deux plaques légèrement obliques au plan des
axes:
Autour de la bissectrice aiguë négative; p>v, à 45 degrés du plan
de polarisation.
_ ,44° 30 d'un côté,
~ j 43° 24' de l'autre côté.
2Ha.r. = 87° 54'.
Dispersion horizontale notable, dans le plan de polarisation.
Autour de la bissectrice obtuse positive ; p < v, à 45 degrés du plan
de polarisation.
i 50° 48' d'un côté,
{50° 43' de l'autre côté.
2Ho.r' = 101°31'.
Dispersion tournante notable , parallèlement ou perpendiculairement
au plan de polarisation.
A mesure que les inclusions étrangères intercalées dans le micro-
cline deviennent plus abondantes, et surtout à mesure que leur disposi-
tion, ainsi que celle des plages du microcline lui-même est moins régu-
lière, l'observation des anneaux colorés devient plus difficile et conduit
à des résultats plus confus.
Généralement, la prédominance de l'orthose tend à augmenter et celle
de l'albite à diminuer l'écartement des axes optiques du microcline,
en rapprochant l'un de l'autre les angles qui séparent chacun d'eux de
la normale à g1.
Dans quelques variétés, notamment dans un microcline rouge de chair
des environs d'Arendal, et dans quelques microclines aventurinés de
Minerai Hill en Pennsylvanie, l'albite enclavée dans le microcline se pré-
sente à travers g1 en filons plus larges que d'habitude. On peut alors
distinguer, au microscope polarisant, les deux systèmes d'anneaux de
l'albite, disposés presque symétriquement autour de la normale à la
plaque , dans un plan dont la trace sur g1 fait avec l'arête pgl un
angle d'environ 20°, tandis que ceux du microcline, fortement dissymé-
triques à cette ' normale, sont compris dans un plan qui coupe g1 sui-
vant une ligne inclinée de 5° à 7° sur pg* .
La chaleur paraît à peu près sans influence* temporaire ou perma-
nente, sur l'écartement des axes optiques du microcline, qui, par là, s'é-
loigne de l'orthose et se rapproche des autres feldspaths tricliniques.
DES CLOIZEAUX. — SUR L'EXISTENCE DU MICROCLINE 513
Les cristaux de microcline sont assez rares , et la plupart se rencon-
trent parmi les amazonites. Ils ont, en général, l'apparence de cristaux
simples ou maclés d'orthose et les principales combinaisons de formes
que j'y ai rencontrées sont : m tg{pal ; mtg{ g* -gp a1 oVî : m t gi g2 *gp a1
aVi bVi; m tgl g% 2g p a1 (M b]û; ctë; quelques-uns se composent de deux in-
dividus principaux hémitropes autour d'un axe parallèle à l'arête verti-
cale mf,et se pénétrant comme dans la macle de Carlsbad ; d'autres offrent
l'hémitropie autour d'un axe normal à la base, avec plan d'assemblage pa-
rallèle à cette face, bémitropie assez rare et jusqu'ici particulière à cer-
tains cristaux d'orthose de l'île d'Elbe; d'autres enfin, ayant l'appa-
rence de prismes rectangulaires plus ou moins allongés, offrent la
macle, de Baveno. Leurs faces sont presque toujours ternes ou ru-
gueuses; de plus, à l'exception des cristaux de chesterlite, presque tous
ont des dimensions considérables, et il est à peu près impossible de
se procurer leurs incidences avec quelque exactitude. Autant qu'on en
peut juger, d'après un certain nombre de mesures prises sur des sur.
faces de clivage, ces incidences doivent différer très-peu de celles de
l'orthose. J'ai obtenu en moyenne :
//i^adjac. = H9aii';
mg{ sur t = 60°58';
mt adjac. = U8°31';
pg< à droite = 90°16';
pm antér. = 1 ll°17 à 38' ;
pt antér. = H2°1T.
Le clivage qu'on obtient quelquefois suivant la face prismatique de
droite t, ne fournit ordinairement que des surfaces imparfaitement ré-
fléchissantes et, par suite , peu susceptibles de conduire à des mesures
exactes; celui qui se produit parallèlement à la face de gauche m, est
plus facile que le précédent, mais ses surfaces ont encore un éclat un
peu gras.
Les données cristallographiques du microcline ne pourront donc être
établies d'une manière définitive qu'à l'aide de petits cristaux à surfaces
bien miroitantes. Quant à l'orientation du plan des axes optiques et de
leurs bissectrices, elle ne peut également être donnée que d'une manière
approximative, et ce n'est que par tâtonnement qu'on arrive à se pro-
curer des plaques suffisamment normales aux bissectrices aiguë et obtuse,
La variété de Magnet Cove, dont il a été question plus haut, pouvait
seule nous fournir la composition exacte du microcline pur et sans mé-
lange d'orthose ou d'albite. Une analyse de M. Pisani a donné :
33
514 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Silice 64.30
Alumine 19.70
Oxyde ferrique , 0.74
Potasse 15.60
Soude 0.48
Perte au feu 0.35
101.17
Densité 2.54
Il en résulte que le microcline est un feldspath Iriclinique essentiel-
lement potassique. Sa composition est d'ailleurs plus constante que
celle de i'orthose; car sa teneur en soude ne paraît en rapport qu'avec
les filons d'albite qui le pénètrent habituellement. Des analyses faites par
MS\. Damour et Pisani, sur une série de dix échantillons de l'Oural, du
Massachusetts, de Saône-et-Loire, du Groenland, d'Arendal, de Sedlo-
valoi prèsArkangel. et de Minerai Hill en Pennsylvanie, montrent en effet
que la proportion de soude varie de 4,2"/ à 3,95 0/0, en même temps
que le nombre et l'étendue des filons d'albite faciles à constater au
microscope, à travers des lames minces parallèles aux clivages p. et g1.
On avait cru jusqu'ici que les amazonites devaient leur couleur verte
à la présence d'une certaine quantité d'oxyde de cuivre; mais il n'en
saurait être ainsi; car toutes se décolorent par une simple calcination
au rouge. La perte au feu, légère et à peu près constante, qu'accusent
leurs analyses, semble indiquer que leur couleur est due à quelque
matière organique qu'on voit parfois répandue dans la masse, sous forme
de petits flocons.
Le tableau suivant contient les noms des principales localités dont
les roches cristallines, que j'ai examinées jusqu'à ce jour, ont le micro-
cline pour principal élément feldspathique.
Miask, Oural (Amazonite).
Mursinsk, id. id.
Lipowaia. id. id.
Monts Ilmen. id.
Piki's Peak, État de Colorado (Amazonite).
Mine d'Utte, Suède. id.
Kônigshayn près Gôrlitz, Silésic (Amazonite).
Côte du Labrador (Amazonite).
Comté Delaware, Pennsylvanie (Amazonite).
Sungangarsoak, Groënlands, id.
.Minerai Hill, Pennsylvanie Masses vertes et rouges aventurinées).
Arendal (Masses rouge de chair).
Everett, Massachusetts (Petites masses blanches pénétrées de mica).
Pennsylvanie (Chesterlite en cristaux blancs).
Dixon's Quarries, comté de Newcastle (belles masses blanches à cannelures fines sur
la base.
Easton, New-Jersej (petites masses grisâtres).
Etats-Unis (pegmatite).
DES CLOIZEAUX. — SUR i/EXISTENCE DU MICROCLINE 515
Australie (belles masses laminaires roses).
Oural (granité graphique).
Egypte (Syônite rose antique).
Ile Sedlovatoi près Arkangel (petites masses rouges aventurinées).
Ile d'Ichaboe, côte S.-O. d'Afrique (masses d'un gris rosé).
Sillbôle en Finlande (masses rosées).
Helgeran, pri'S Langesundfjord, Xorwègc, (petites masses grises à structure déchirée).
Brevig en Norwègc (petites masses grisâtres).
Utô en Suède (masses grisâtres).
Ytterby en Suède, id.
Environs de Stockholm (petites masses engagées dans un oligoclase vert).
Kangerdluarsuk, Groenland (petites masses laminaires avec sodalite et eucolile).
Ile Disko, Groenland.
Groenland (petites masses blanches engagées dans l'arfvedsonite).
Dinanl, près Saint-Malo (granité à grands traits).
Val de Lesponne, Hautes-Pyrénées (gneiss à grands traits).
Broyé, vallée de Marmagne, Saône-et-Loire (petites masses rosées dans une pegina-
tite) .
Born en Wermland (masse cristalline à grandes lames, soudée à un pyroxène gris
verdàtre).
Baveno (cristaux des granités).
Schwarzbach, près Hirschberg, Silésie (gros cristaux maclés comme ceux de Baveno.)
Naeskilen près Arendal (petites masses d'un gris rosé où l'orthosc domine).
Fredrikswern, Nonvège (masses laminaires d'un gris rosé).
Trincomalee. Ceylan (petites masses laminaires grisâtres).
Côte de Coromandel (granité rougeàtre).
Cayenne (granité rougeàtre).
Rio de Janeiro (granité rougeàtre).
Brésil (masses roulées, avec les cymophanes).
Oak Creek, Colorado (petites masses rouges).
Alger (granité rougeàtre).
.Marcognat, Haute-Vienne (pegmatites).
La Clayette, Saône-et-Loire (arkoses).
Zwiesel en Bavière.
Serdobol en Crimée.
Nil blanc (granité rouge).
Nouvelle Hollande (granité).
Base du mont Auvers (gneiss?)
Glacier du Talèfre (protogine ?)
Pormenaz près Servoz en Savoie (granité).
Perth en Canada (perthite).
La perthite, qu'on rencontre principalement à Perth et à Bathurst, Ca-
nada, se compose de couches alternatives qui, sur certains échantillons,
paraissent appartenir à une albite blanche et à un orthose aventuriné
rouge peu sodifère, comme l'a constaté M. Gerhard, tandis que sur
d'autres échantillons les bandes rouges appartiennent à un microcline
à structure quadrillée.
516 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
MM. BRYLINSKI et L 10 M ET
Membres de la Société géologique de .Normandie.
LES PHOSPHATES DE CHAUX NATIF, LEURS GISEMENTS, LEUR ORIGINE.
(EXTRAIT DU PROCÈs-VERBAL.)
— Séance du 27 août 1877. —
MM . Brylinski et G . Lionnet font connaître les résultats de leurs recherches
sur les phosphates de chaux.
Les auteurs, préoccupés de l'importance de l'acide phosphorique en agricul-
ture, examinent et décrivent tous les gisements de phosphates, et particuliè
rement les gisements exploitables en suivant l'ordre chronologique:
Dans les terrain de transition : les gisements d'apatite de Norwège, ceux de
l'Estramadure espagnole et de l'Estramadure portugaise, ceux du pays de
Galles (Angleterre).
Dans les terrains jurassiques : les gisements de Bourgogne et ceux du Calva-
dos à la base de l'oolithe ferrugineuse.
Dans les terrains crétacés : les niveaux du gault et du cénomanien inférieur,
les gisements des Ardennes et de la Meuse, celui de Bellegarde, ceux de Bus-
sie, ceux du Cambridge.
Dans les terrains tertiaires et quaternaires : les gisements de la Caroline du
Sud, ceux du Nassau et ceux du Quercy.
Pour chaque gisement, les auteurs examinent successivement l'historique, la
géologie, la description topographique, la composition de la roche, et termi-
nent par des considérations sur l'origine.
A un point de vue général, MM. Brylinski et Lionnet croient pouvoir admet-
tre que les dépôts phosphatés se rencontrent à la limite des étages des forma-
tions géologiques, presque constamment dans les strates argileuses ou mar-
neuses, et mélangés à des débris organiques. L'érigine, à leurs yeux, est prin-
cipalement organique avec un appoint plus ou moins important, suivant les
gisements, de phosphore provenant directement des profondeurs du globe par
les éruptions, les sources minérales, etc. Quant au processus de formation, il
est variable; il peut être rapporté, soit à une simple précipitation chimique par
échange de deux bases, soit à une action électro-magnétique déterminant une
précipitation autour des centres d'attraction de débris organiques.
La note communiquée par MM. Brylinski et Lionnet n'est qu'un résumé
très succinct d'un important travail comprenant l'emploi des phosphates et des
superphosphates en agriculture, travail que les auteurs ont l'intention de publier.
GKAND'eURY. — FORMATION DE LA HOUILLE 517
M. GrEAO'EÏÏHY
Ingénieur à Saint-Etienne.
MÉMOIRE SUR LA FORMATION DE LA HOUILLE.
— Séance du i^ août i 8 7 7 . —
AI. le comte de Saporta communique une note de AI. Grand'Eury
sur une importante question de géogénie, la formation des couches de
houille. Cette note n'est qu'un fragment d'un mémoire dont on se fera
une idée par le sommaire suivant.
Chapitre I. — De la houille.
Section I. — Désunion, mutilation et désorganisation des organes de plantes ; modes
de fossilisation de leurs débris.
Section. II. — Gisement et dispersion des restes fossiles dans les strates du terrain
bouiller.
Section 111. — Souches en place. — Forêts carbonifères.
Section IV. — Composition et structure végétale de la houille. — Formation des
couches de houille.
Section V. — Examen critique des théories mises en avant.
Section VI. — Comparaison de la houille avec le stipite, le lignite et la tourbe.
Section VII. — Conversion des substances végétales en houille.
Chapitre II. — Du terrain houiller.
Constitution des eouches de houille; leurs rapports de gisement avec les roches
encaissantes.
Formation du terrain houiller.
Roches et dépôts carbonifères.
Recherche des mines de houille.
Sur chaque sujet, l'auteur expose un grand nombre des observations
qu'il a faites et passe aux conclusions qui en découlent naturellement.
Dans la partie communiquée, l'auteur étudie la formation des couches
de houille, au point de vue botanique seulement.
Voici quelques-unes des conclusions auxquelles il est parvenu touchant
les forêts carbonifères et la formation des couches de houille :
Forêts carbonifères.
« En partant de la connaissance des végétaux debout et en leur com-
parant ceux dont les restes, transportés par les eaux, se trouvent couchés
518 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
dans les roches, voici l'idée générale qu'on peut se faire des forêts car-
bonifères.
» Mœurs des arbres dont on retrouve les souches en place. — A part les
Calamités s tantes t les Calamodendron et quelques Syringodendron, la plu-
part des arbres paraissent avoir été enracinés peu profondément; peut-
être même que les Stigmaria, qui ont exigé des conditions spéciales pour
croître souterrainement, pouvaient se développer en rampant sur la vase,
comme les rhizomes spongieux de Nymphéa. Beaucoup de tiges ont
supporté des ensablements sans périr, grâce à la faculté qu'elles pos-
sédaient de produire des racines adventives ou adjuvantes flottantes,
comme celles des plantes d'eau, semblables en cela aux végétaux soumis
aux atterrissements qui émettent de nouvelles racines pour continuer de
croître, malgré le recouvrement des anciennes. Les Psaronius se plai-
saient dans les bourbiers, comme aujourd'hui les fougères arborescentes
dans les marais. L'absence de feuilles et de graines, au pied dés arbres
trouvés debout, démontre que l'eau les baignait presque constamment.
On ne voit pas que le sol ait souvent émergé, car si, comme l'a dit
justement M. Bischof, des forêts se fussent développées sur la terre
sèche dans l'aire des dépôts houillers, on trouverait des restes de terreau
végétal, reconnaissable aux branches et feuilles tombées et transformées
en une couche d'humus.
Or les débris couchés clans les roches se rapportent en général à ceux
ou se rapprochent de ceux dont on retrouve les souches en place. Donc
il est probable que les plantes houillères vivaient à peu près toutes dans
des conditions analogues.
Circonstances topographiques. — La topographie botanique a rapport
à la station des plantes, c'est-à-dire aux conditions physiques de leur
développement. Comme la flore fossile n'est comparable à aucune de
celles vivantes, nous ne pouvons tirer, de sa nature comparée, des con-
clusions touchant la station et la configuration du sol, lors de la période
houillère, de la même manière que de la connaissance de la flore des
hgmtes du Tyrol, on a pu dire que ce pays, lors de la période tertiaire,
présentait généralement des collines et des terres sèches comme aujourd'hui
la Nouvelle-Hollande. Il faudrait, pour dire ce que pouvaient être les cir-
constances topograpliiques à l'époque houillère, posséder la connaissance
complète des plantes fossiles et les lois de la distribution botanique, c'est-
à-dire de la dépendance de leur stucture et conformation avec le sol et le
milieu, comme avec le climat. Heureusement que nous pouvons suppléer
à l'insuffisance du peu que nous savons sur ces deux points par des
observations directes.
Les plantes houillères sont de terres basses ou inondées. — J'ai reconnu
que les plantes houillères avaient généralement une station de terre basse
GRAND'EURY. — FORMATION DE LA HOUILLE 519
ou inondée et non, comme on l'a supposé d'après les mœurs de leurs alliées
actuelles, le cachet d'une végétation de marais, tout en ayant dû former,
par-ci par-là, quelques jungles marécageuses. C'étaient des plantes de
bas rivage, baignées le plus souvent par les eaux, qui nous en ont con-
servé les débris. La diffusion, dans toutes les roches, des mêmes débris
bien conservés, est bien de nature à prouver que tous les végétaux
vivaient dans les mômes conditions, auxquelles ils paraissent avoir été
adaptés également par leur croissance rapide et leur sociabilité. Nous en
avons vu quelques-uns merveilleusement doués pour avoir pu se déve-
lopper couramment, leur pied dans l'eau, dans un sol soumis aux atter-
rissements. Mémo des tiges de Cordaïtes ont eu le pouvoir de pousser
de grosses racines étagées en faux verticilles, et il a pu y avoir de ces
tiges surgissant comme certaines touffes d'arbres, de plus de o mètres de
profondeur d'eau; leurs branches paraissent même capables d'avoir poussé
des racines adjuvantes rameuses. On rencontre, couchées dans les schistes,
des Calamariées entourées de nombreuses racines libres. Les Aulacop-
teris eux-mêmes sont souvent accompagnés d'un abondant chevelu radi-
culaire. L'Odontopleris Schlotheimii , trouvé au toit de la huitième
couche, vivait certainement plongé en partie dans l'eau.
// n'y a pas de plantes, pour ainsi dire, ni de terre sèche, ni aqua-
tiques. — On a supposé qu'en dehors des aires où se formaient le ter-
rain houiller et des terres basses de rivage, il y avait une autre végétation
de collines ou de hauteurs. -Nous avons déjà dit que presque toutes les
espèces fossiles connues se rencontrent ensemble dans toutes les roches,
transportées de près et comme provenant d'une même végétation très-
uniforme. Il est vrai qu'à côté de plantes de marais ou de rivage ayant
poussé trop vite, puisqu'elles ont du tissu lacuneux, on trouve des tiges
ligneuses à structure très-dense, mais nous avons justement rencontré
celles-ci auprès des autres dans les forêts fossiles. D'un autre côté, rien
ne prouve qu'il y ait eu des plantes aquatiques dans l'acception du
mot, c'est-à-dire dont la submersion continue aurait fait disparaître les
vaisseaux et les fibres, quoiqu'il y ait des racines en place dans toutes
les roches, même dans celles qui paraissent s'être trouvées sous une
eau profonde.
On s'était imaginé que les forêts fossiles sont des forêts terrestres sub-
mergées ; mais indépendamment qu'on ne trouve pas, dans leur sol,
trace de terre végétale mêlée d'humus, nous avons vu qu'elles vivaient
ou pouvaient vivre au milieu des eaux courantes.
Aussi croyons-nous qu'il n'y a plus lieu de se demander si la végé-
tation houillère connue est seulement la partie de la flore paléozoïque
qui était propre à la formation de la houille, comme certaines plantes
vivantes sont spéciales à celle de la tourbe.
520 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Splendeur de la végétation houillère. — Nous avons démontré ailleurs (1)
que le climat houiller était éminemment favorable au développement
des plantes par une forte chaleur humide jointe à une lumière qui, pour
avoir été peut-être pâle et jaunâtre, n'en était que plus excitante lors de
la phase de nébuleuse du soleil, éclairant alors la terre jusqu'au pôle.
Sous l'action d'une lumière très-active, les plantes qui trouvaient à s'ali-
menter de potasse et de silice dans l'eau ayant dégradé les roches préexis-
tantes, vivaient largement d'air- et d'eau comme les plantes inondées.
La grande probabilité que la plupart des tiges du terrain houiller
avaient une structure lâche, comme celle des Sigillaires et des Lépido-
dendrons, de un mètre de diamètre et de vingt mètres de haut et
formées presque entièrement de tissu cellulaire, imprime à la végétation
un cachet d'exubérance particulier et annonce un accroissement exces-
sivement rapide de ces tiges à diamètre constant, car, en ne s'appli-
quant pas à lignifier les tissus formés, la substance nutritive élaborée
devait les multiplier, d'autant plus que les cellules, dont l'extension
n'était pas ralentie et arrêtée par l'incrustation, s'agrandissaient davan-
tage. C'est pourquoi les arbres qui poussent vite, comme ceux des marais
des pays chauds, ont un bois très-léger, comme celui des bombax, qui
n'a pas plus de consistance que la moelle du sureau. Cette croissance
rapide a exigé une forte action lumineuse, pour avoir affermi les
feuilles d'ordinaire coriaces, et solidifié et carburé l'écorce au point
qu'elle paraît avoir résisté toujours aux forces destructives du bois
et qu'elle a éprouvé un retrait insignifiant par l'acte de la houilli-
fication. On sait, en effet, que l'action de la lumière sur l'écorce est
surtout d'y augmenter la proportion de carbone et d'hydrogène et d'y
provoquer la formation d'huiles essentielles qui la rendent pour ainsi
dire imputrescible, grâce à la tixation corrélative d'une plus grande
proportion de matières inorganiques, résultant d'une forte évaporation.
La poussée terminale des Arthropitus qui, mesurée au diamètre de la
colonne médullaire, a pu dépasser 0m,20; le grand développement foliaire
des Cordaïtes à tissu lacuneux entre les nervures, par suite sans doute
d'une forte absorption d'eau sous une haute température ; la grande
prépondérance des stipes sur les feuilles des fougères herbacées, lesquels
stipes forment une importante partie de la houille : tout témoigne d'une
végétation magnifique, telle qu'aucune de celles existantes n'en saurait
donner qu'un pâle reflet. Le développement des racines aériennes, qui
meurent dans un air sec, ne peut s'accorder qu'avec une forte chaleur
humide, ayant régné dans les fourrés sombres de la végétation primitive.
Mort des végétaux. — On a fait la remarque que la décrépitude et la
(1) Flore carbonifère du département de la Loire et du centre de la France, p. 320.
GRAND'EURY. — FORMATION DE LA HOUILLE 521
mort s'attaquent de bonne heure aux arbres qui grandissent vite ou qui
ont un bois léger, comme c'est le cas de ceux du terrain houiller, les-
quels ne paraissent pas avoir vécu longtemps, même les tiges de nature
ligneuse qui sont restées généralement d'une taille moyenne et dans le
cœur desquelles je n'ai pas vu de cavité résultant de la désagrégation
intérieure durant la vie de la plante.
Les arbres en place avant dû être désorganisés lorsqu'ils ont été
rompus, on ne peut pas attribuer leur mort à une cause violente, mais
plutôt à une submersion plus ou moins complète : les Stigmariopsis ,
les Calamodendron, les Psaronius, ne paraissent pas toujours avoir vécu
leur temps; il y en a qui semblent bien avoir été arrêtés dans leur
développement, soit par un ensablement trop rapide ou trop important,
soit par une augmentation de la tranche d'eau. Mais il est probable
qu'en dehors des bassins où se formait le terrain houiller, les végétaux
mouraient bientôt d'épuisement en général.
Extension des forets fossiles. — .l'ai déjà écrit (Flore carbonifère du
déparlement de la Loire) que les forêts fossiles, sans suite, généralement
sans compacité, sans importance, ne devaient être que le prolongement
clair-semé des forêts carbonifères, car beaucoup d'espèces et de tiges
ne s'y sont pas encore rencontrées, quoique tous les groupes y
soient représentés ; il n'y a pas d'ailleurs de proportion entre les végé-
taux répandus en immense quantité dans le terrain houiller et ceux dont
on retrouve les racines eu place. A Saint-Etienne, le rapport entre les
plantes dont les débris ont été transportés et les souches en place est au
moins de 1-^; dans le Roannais, où je n'ai trouvé déracines in situquk
Viremoulin et Chez-Guetton, il est beaucoup plus grand encore, et je ne
crains pas de dire que les forêts qui ont formé les couches d'anthracite
s'étendaient en dehors de l'aire de dépôt du terrain. Au reste, de nom-
breux débris transportés sont plus plantureux que ceux qu'auraient pu
fournir les végétaux dont nous connaissons les souches en place.
Il faut donc admettre que d'immenses forêts denses s'étendaient sur
de grandes surfaces le long des cours d'eau jusque, — mais en petit
nombre et plus chétifs, — sur les lits de dépôt, sur les emplacements
sujets à dépression où ont pris naissance et se sont développés les bassins
houillers du centre et du midi de la France.
Transport des débris végétaux. — Le mode de conservation de la
plupart des feuilles implique leur chute dans l'eau, celui des tiges, une
exposition à l'air sous un climat torride qui devait hâter la désorganisa-
tion des arbres morts. Si une partie des forêts s'étendait sur des terres en
pente, les inondations en devaient balayer presque au fur et à mesure
les feuilles tombées et les tronçons vides, car on trouve peu de menus
522 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
détritus, comme ceux provenant de la pourriture de ces organes, entassés
quelque temps sur la terre ferme.
Les débris végétaux, entraînés, flottaient avant de s'enfoncer et de se
déposer, suivant les cas, soit avec les matériaux terreux «les roches, soit
seuls, pour former les couches de houille dont nous avons à examiner la
composition et la structure végétale, et le mode d'arrangement des débris
constituants, avant d'essayer d'en expliquer la formation d'une manière
nouvelle et telle qu'elle ressort des faits bien constatés par nous, depuis
plus de douze ans, dans le centre et le midi de la France.
FORMATION DES COUCHES DE HOUILLES.
Je désirerais bien, maintenant, résumer mon opinion sur le mode de
formation de la houille, que quelques géologues ont considérée comme
particulière à une époque dont les conditions ne se sont plus représen-
tées depuis.
Les qualités de la houille sont celles d'une roche sédimentaire. — La
houille, d'après ce que j'ai dit de sa composition, ne possédant que les
qualités qui résultent de la sédimentation, peut être tenue pour une roche
sédimentaire de dépôt sous-aqueux ; ses lames constituantes sont parfaite-
ment stratiliées ; elle passe aux schistes charbonneux d'une manière insen-
sible ; il n'y a pas dans son sein de souches ni de racines en place. Ce n'est
effectivement que dans les schistes intercalés entre les bancs de houille
qu'on peut trouver des souches, comme des stigmaria dans la barre de la
Bâtarde supre au puits du Préq à Rive-de-Gier. Les souches portées par
les couches de houille ont évité d'y engager leurs racines, avec un soin
qui prouve que les végétaux houillers ne se sont pas développés comme
ceux nécessaires à la formation de la tourbe, les uns sur les débris des
autres. J'ai bien trouvé à Louisenthal (près Sarrebruck) des mises de
charbons formées de Stigmaria et des Stigmaria dans les joints argileux ;
mais ne leur ayant point vu de racines attachées, sauf à ceux qui sont dans
les veines schisteuses, je suis conduit à admettre qu'ils ont dû être trans-
portés comme les autres écorces entre lesquelles, du reste, on les trouve
quelquefois isolés en empreintes très-minces.
Les couches de houille, indépendantes de la végétation de leur toit
et ne refermant aucunes racines en place, sont également sans rapport
avec la végétation de leur mur, dont elles sont séparées ordinairement
par des schistes charbonneux formant ce qu'on appelle une fausse sole.
L'underclay a stigmaria n'est, que leprélude <!<■ laformation des couches.
— L'existence de l'underclay à stigmaria ù La sole île presque toutes les cou-
ches du terrain houiller moyen, et la nature minéralogique variable du
toit renfermant des empreintes diverses, ont été considérés comme devant
GRAND'EURY. — FORMATION DE LA HOUILLE 523
avoir quelques rapports intimes avec le modo de formation des couches
de houille.
L'underclay est un sol très-remarquable par sa végétation uniforme,
composée uniquement de Stigmaria, soit qu'un sol argileux (qui n'est au-
jourd'hui favorable qu'à peu de plantes peu epfoncées,à cause de la difficulté
qu'il oppose à la pénétration de l'air) fût rebelle à tous autres végé-
taux, soit qu'il se trouvât dans des conditions de submersion qui n'ont
pas convenu à d'autres espèces. Mais comme, dans le centre delà France,
du moins, les couches à sole de Stigmaria en sont nettement séparées,
cette sole ne répondrait-elle simplement qu'à une période de calme
ayant précédé immédiatement la formation des couches et ayant permis
à la végétation de se répandre sur les aires de dépôts houillers,
jusqu'au renversement, transport et dépôt à plat des tiges de sigillaires
que l'on trouve sur la sole à stigmaria, et l'apport des débris d'une
puissante végétation plus éloignée par les eaux courantes? »
Les théories admises sont contredites par les /ails. — Ce n'est cependant
pas sans vraisemblance qu'on avait admis la formation surplace. Mais, sans
revenir sur les objections que j'ai opposées, à cette hypothèse, on verra que.
abstraction faite de tous les faits contraires rapportés dans la partie pré-
cédente de ce mémoire, elle ne résiste pas, d'un autre côté, à l'examen de
la constitution des couches de houille ou à toute autre étude stratigia-
phique du terrain houiller. Déjà les géologues anglais et américains qui
ont observé les couches de houille de très-près sont arrivés à cette con-
clusion, que leur formation n'est pas explicable par les théories mises
en avant ; et l'un d'eux, M. Beete Jukes, a exprimé que la houille n'a
pu être formée que par le dépôt graduel sous eau de plaques et lames
de matière charbonneuse, sans s'expliquer sur la nature de ces lames.
En effet, dans le centre de la France plus souvent que dans les
terrains houillers moyens, les couches reposent sur du schiste feuilleté
ou même directement sur le grès sans aucune souche d'arbre à la sole
non plus qu'au toit. Et quand il y a des souches, ce n'est que dans une
étendue restreinte. Les forêts qui accompagnent les couches de houille
se composent d'ailleurs de souches clair-semées comme les autres forêts
fossiles et ne peuvent pas avoir contribué à leur formation pour une
part notable.
Les couches formées de feuilles, d'écorces ont éprouvé une réduction de
la moitié tout au plus de leur épaisseur. — Nous avons vu la houille
formée de feuilles et d'écorces rendues creuses et déposées aplaties. On ne
distingue pas que leur entassement ait éprouvé une forte réduction en
épaisseur par la compression des roches jointe à la houillitication. Je
crois pouvoir en donner plus loin des preuves convaincantes et répondre
524 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
à l'objection contre la formation sédimentaire tirée des calculs de M. Elie
de Beaumont, d'après lesquels la réduction aurait été de 1 à 0,225, soit
des 3/4environ. Une pareille contraction aurait entraîné, dans la houille,
des changements importants et inégaux dans les formes superficielles
des empreintes et des ploiements qui n'existent pas ou sont très-peu
marqués. Qu'à ce sujet, il me soit permis de citer une expérience de
Petzholdt, par Laquelle il a obtenu d'un certain bois la moitié de son
volume en houille d'une densité de 1,18. Si, au lieu de bois, il eût em-
ployé une écorce très-dense, nul doute qu'il n'eût obtenu une plus
grande proportion de houille. Aussi, ne doit-on pas trop s'étonner que
des écorces aussi carburées que l'étaient celles des plantes houillères aient
formé des couches qui ne se sont pas plus réduites en épaisseur que les
schistes, soit de 1/4 ou de la moitié tout au plus de leur épaisseur
primitive.
Les couches de houille se sont formées beaucoup plus rapidement qu'on
ne croit. — L'étude attentive des couches de houilles suggère l'idée que
leur formation était beaucoup plus rapide qu'on ne s'était complu à le
supposer. En leur attribuant une origine analogue à celle de la tourbe,
on a été forcé d'admettre qu'un temps immense a été nécessaire pour
leur formation, d'autant plus qu'on s'est rallié à l'opinion de M. Davvson
que les calamités, sigillaires et conifères ont poussé lentement.
J'ai lieu de croire au contraire que certaines couches se sont formées
rapidement, et cela pour deux raisons de premier ordre:
1° Parce que la végétation houillère produisait abondamment des écorces
à la fois très-denses et très épaisses formant avec les feuilles une masse
incomparablement plus grande que celle du bois conservé. Les Cordaites
ont des écorces houillifiées de 0m,02 à 0"',0o d'épaisseur, d'autant plus
invraisemblables qu'elles ne sont peut être pas complètes ; il y a des
Psaroniocaulon et des Calamodendron qui ont fourni des lames de houilles
de 0m,01 à 0m,02o ; les aulacaptorïs vers leur base ont laissé de 2 à 3
millimètres de houille. Les feuilles de cordaites ont donné une pellicule
sensible de charbon ;
2° Parce que la grande quantité d'écorces si épaisses et de feuilles si
nombreuses que produisaient des forêts tres-luxuriantes s'étendant sur
de vastes espaces, était répartie sur une aire de dépôt relativement res-
treinte.
Aussi certains bancs de houille ne paraissent pas avoir mis plus de
temps à se former que la même épaisseur de schiste, comme on en jugera
plus loin.
En tous cas il faut en rabattre beaucoup de la durée que l'on a prêtée
à la formation des combustibles minéraux.
Preuves à l'appui d'une formation sédimentaire. — L'état fossile et la
GRAND'EUNY. — FORMATION DE LA HOUILLE 525
forme plate des débris végétaux étaient favorables à un dépôt plus régulier
que celui de n'importe quelles roches très-variables en épaisseur et en
nature à côté de certains filets charbonneux à l'égard desquels il n'est
pas besoin de faire intervenir les Fucus pour expliquer leur régu-
larité sur de grandes étendues. Nous verrons en effet que la houille est
mieux stratifiée que les roches; que dans les couches de houille, les
moindres modifications se maintiennent quelquefois sur de grandes
surfaces.
Dans la coupe du terrain situé au toit de la 15e au cros, on peut voir
des mises de houille formées de l'épaisseur ajoutée de quelques lames de
Corda ifloy os, avec des noyaux très-réduits de bois aplatis et conjointe-
ment avec des feuilles de cordaïtes mélangées ou en veines séparées
certains filets charbonneux résultant visiblement d'une condensation des
empreintes de Cordaïtes répandues à profusion dans les schistes sous et
sus-jacents; des bancs de houille sont entièrement formés de ces feuilles
empilées très-régulièrement.
Nous verrons que la constitution des couches de houille s'accorde
parfaitement avec un mode de formation par entassement à plat de
feuilles et d'écorces de plantes diverses charriées par les eaux. Cela ne
saurait être mis en doute lorsque l'on considère une couche, comme la
8e à Montieux, laquelle, par l'intercalation de plus en plus nombreuse
de filets schisteux, devient dans l'espace de 100 mètres si mélangée de
roches que les veines de houille arrivent à ne plus former que la moitié
de l'épaisseur totale de la couche et 100 mètres plus loin tout au plus
le 1/3 de cette épaisseur un peu réduite; et surtout lorqu'on considère
que les lames et lamelles de houille, devenant de plus en plus distinctes,
y représentent toutes des feuilles et des écorees aplaties parallèlement à
la stratification. D'ailleurs l'enchevêtrement de lames et coins de schistes
et de houille à l'origine de certains nerfs, l'association du schiste au
charbon dans quelques couches ne s'expliqueraient que par l'hypothèse
de M. Beete Jukes, si je n'étais parvenu à reconnaître que ces faits résul-
tent positivement du dépôt en quelque façon simultané de limons et des
feuilles et d'écorces aplaties et de leur alternance répétée.
Nous avons vu des couches de stipide et aussi de lignite formées à la
manière ou presque à la manière de la houille.
On peut s'attendre à ce que des observations sur les phénomènes du
monde actuel nous apprendront un jour que certains dépôts de matières
végétales sont en voie de naître par quelque procédé d'entraînement
dans des lagunes, de débris de plantes développées sur leur pourtour et
le long des cours d'eau qui y aboutissent.
526 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
M. E. YAEAMBÀÏÏX
Ingénieur civil.
GEOLOGIE DU CANTON D'EU.
— Séance du 27 août 1877. —
Le sol du canton d'Eu, dans les parties qui couronnent les plateaux'
dont l'altitude varie entre 90 mètres et 160 mètres, se compose d'une
couche de terre végétale d'une épaisseur moyenne de lm,50.
Sur certains points se rencontre une couche d'argile ayant environ
la même hauteur.
Le sous-sol est composé d'une forte couche de marne avec silex qui
repose sur de la marne sans silex, laquelle ne fait son apparition au
niveau du sol qu'en dehors du canton, à quelques centaines de mètres
avant d'arriver à Blangy aux environs du moulin aux Armures.
Deux rivières, la Bresle, et l'Yères se trouvent dans le canton; elles
coulent toutes deux dans la direction du sud-est au nord-ouest et
forment des vallées ayant une largeur d'environ 800 mètres en prairies
irriguées : le reste, 200 mètres, ou 300 mètres de chaque côté en ter-
res arables, très-propices à la culture du chanvre.
L'altitude de la vallée de la Bresle se trouve entre la cote 6 mètre
(en face le Tréport) et 28 mètres limites du canton (commune de Lon-
groy). Celle de l'Yères varie entre 6m.00 à Criel et 41 mètres à l'extré-
mité du territoire de la commune de Villy-le-Bas.
Le sol des deux vallées se compose d'une couche de terre végétale
de faible épaisseur (0m,2() à 0m,40 tout au plus); au-dessous se trouve
généralement de la tourbe sur un épaisseur qui varie entre 0m,80etlra,00
Puis on trouve une couche de cailloux et de gravier rouge, d'une hau-
teur moyenne de 3m,50, dans laquelle coule une nappe d'eau qui par-
fois se fait jour et arrive jusqu'au niveau du sol.
Sur une longueur d'environ 6 k. à partir de la mer, on rencontre
aussi de la glaise maritime : elle gît entre la terre végétale et la tourbe;
son épaisseur, qui va jusqu'à 5 mètres dans les 3 premiers kilomètres
à partir de l'embouchure, se termine par une couche de 0m,50 au point
le plus éloigné (6k).
Le volume d'eau débité par seconde par chacune de ces rivières est
de 6,000 à 8,000 litres pour la Bresle jaugée à Eu, et de 1,500 litres
pour la rivière d'Yères jaugée à Criel.
E. VARAMBÀUX. — GÉOLOGIE DU CANTON d'eu 527
De nombreuses usines sont situées sur ces cours d'eau; leur chute
moyenne est de lm,50.
Sur le cours de la rivière de Bresle, qui sert de limite aux départe-
ments de la Somme et de la Siene-Inférieure, trois puits artésiens ont
été percés. Nous les citons quoiqu'ils se trouvent en dehors du canton,
parce que les sondages qu'ils ont occasionnés donnent de précieux ren-
seignements sur la composition du sous-sol de la vallée.
Ces trois puits donnent chacun un débit de 500 litres par minute.
Le premier de ces puits se trouve à Gamaches (Somme), où la nappe
jaillissante a été trouvée à 138 mètres au-dessous du sol.
Le deuxième existe au mouliu de Hollande, commune d'Ancennes
(Somme) ; sa profondeur est de 53m,50.
Enfin le troisième a été percé à Blangy et l'on a trouvé la nappe
à 44 mètres.
Nous présentons à la Section la coupe qui a été faite d'après le résul-
tat des divers sondages exécutés en 1860 par le sieur Beurrier.
Le long de la vallée de la Bresle et sur le côté normand, se trouvent
plusieurs soulèvements maritimes dont l'étude sérieuse serait des plus
intéressantes.
Les deux premiers de ces soulèvements se trouvent sur le territoire
de la commune d'Eu : le premier au hameau de Beaumont, à l'altitude
1^3 mètres; l'autre, au hameau de la Madeleine (forêt d'Eu; carrefour
du Siége-3Iadame) à l'altitude 120 mètres.
Sur le premier de ces soulèvements, l'on trouve en très-grande quan-
tité des conglomérats composés en très-grande partie d'huîtres et de
moules. On y rencontre aussi des huîtres séparées, semblables à l'échan-
tillon que nous avons envoyé, puis de la glaise, de l'argile plastique,
du sable de diverses couleurs.
En continuant à explorer les plateaux, on arrive au Siège-Madame, où
se trouvent également de la glaise et de l'argile plastique. On trouve
aussi sur ce même point du sable jaune.
Afin de rendre plus complètes nos observations , nous présentons
aussi une carte du canton sur laquelle nous avons indiqué par
un trait rouge les points dont nous nous occupons plus particulière*
ment, et si l'on se reporte sur cette carte au carrefour "que nous avons
cité ci-dessus (Siège Madame), on voit qu'en descendant dans la vallée,
on passe au Mont d'Orléans. Là se trouvent, à la cote 83 mètres, de
magnifiques carrières de grès de toutes couleurs, superposées par cou-
ches de grande épaisseur.
En descendant toujours jusqu'à la rencontre du chemin de fer, on
trouve une carrière de cailloux prise à même du terrain quaternaire, de
laquelle on a extrait des huîtres, des ossements, et aussi des silex taillés.
528 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Nous n'avons pu nous procurer que quelques huîtres et quelques silex.
Nous avons t'ait l'envoi de plusieurs échantillons. Cette carrière se trouve
tout au bas du coteau à l'altitude 21 mètres ; celle du sol de la vallée,
prise près de ce point, est de 14 mètres.
En suivant le chemin vicinal parallèle à la ligne du chemin de fer,
on arrive à Incheville, commune dans laquelle se trouve le hameau de
Mortagne, situé sur le dernier soulèvement apparent. C'est sur ce pla-
teau que nous avons trouvé l'ambre.
Cette substance se rencontrait à la profondeur de 0m,40 à 0m,60.
Le terrain est argileux et renferme une assez grande quantité de lignite
et de chlorure de sodium. Ce minerai se trouve parmi des silex. Il en
affecte la forme et sa propre gangue, excessivement mince, en a la cou-
leur ; ce n'est qu'au poids qu'il est possible de distinguer une matière
de l'autre.
Le sol de la vallée, au pied du soulèvement, est élevé de 19 mètres au-des-
sus du niveau de la mer, et le gisement existe à l'altitude de 115 mètres.
Nous n'avons fouillé que sur un point, mais nous sommes persuadé
que d'autres gisements existent.
Parmi les échantillons que nous avons recueillis, nous avons reconnu
l'ambre jaune pâle, verdâtre et mat appelé Kumts; l'ambre jaune citron
dit Bastert ; l'ambre couleur d'os, d'un blanc mat et franc; l'ambre im-
pur dit Schloenbig, qui renferme des fragments organiques amorphes ;
l'ambre nuageux de couleur inégale Flomig; l'ambre transparent comme
le cristal, dans lequel se trouvent parfois des parties d'un jaune étince-
lant ou d'un rouge très-vif.
En ayant travaillé beaucoup d'échantillons, nous avons été à même de
remarquer que l'ambre dont nous nous occupons est très-beau, qu'il
offre une grande quantité de variétés ; mais, jusqu'à présent, nous n'a-
vons constaté, en fait d'inclusions, que des bulles d'air, des portions
d'insectes et des feuilles.
Passant maintenant à la vallée de l'Yères, nous constaterons encore un
soulèvement maritime situé sur le territoire de la commune de Crieil, au
lieu dit le Mont Joli-Bois (altde 106 mètres.) Là se trouvent également des
conglomérats composés d'huîtres et de moules, ainsi que différentes sortes
de sable.
En remontant la vallée, nous trouvons à Villy-le— Bas, sur la rive
gauche, à l'altitude 72 mètres, du sulfate ou du phosphate de chaux.
Si nous ne précisons pas le nom technique entre ces deux dénomina-
tions, c'est que les résultats des diverses analyses n'ont pas été iden-
tiques. Nous attribuons ce fait à la différence des échantillons que nous
avons rencontrés, et nous en concluons que les deux minerais se ren-
contrent sur ce même point.
t. ROLLAND-BANÈS. — RECHERCHE DE LA HOÙTLLE o29
Nous ajouterons, qu'un chimiste, M. Nonat, s'est prononcé après analyse
pour le sulfate. Il prétend en outre que l'expérience qu'il a faite a donné
des résultats extraordinaires et qu'il n'a trouvé une qualité équivalente
et une blancheur aussi éclatante que dans une mine située en Espagne.
Dans tous les cas, il est certain que le minerai existe en quantité
considérable et qu'il est de la plus facile exploitation.
Ainsi que nous l'avons dit au commencement de ce rapport, la marne
existe presque partout dans le canton comme sous-sol.
Les échantillons que nous avons envoyés ont été pris à diverses alti-
tudes et nous avons joint à chacun les fossiles qui s'y rencontraient-
Avant de terminer, nous dirons que dans la forêt d'Eu, notamment à
Suinte-Catherine, au Carrefour de la Mare Pavée, ainsi qu'à celui de Maître
Jean, points situés à la cote 200 mètres se trouvent des grès erratiques
en si grande quantité qu'ils forment des carrières d'autant plus exploi-
tables qu'elles se trouvent à la surface du sol.
Telles sont, au point de vue géologique, les observations les plus inté-
ressantes que nous avons cru devoir consigner ici.
MM. Gaston de TROMELIN et Charles de GRASSET
ETUDE SOMMAIRE DE LA FAUNE PALÉOZOIQUE DU LANGUEDOC
ET DES BASSES-PYRÉNÉES il).
.Séance du 28 août 1877. —
M. L. R0LIAIL-B1MS
Ingénieur civil des mines, au Havre
SUR LA RECHERCHE DE LA HOUILLE DANS LE DÉPARTEMENT
DE LA SEINE-INFÉRIEURE
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Rolland-Banès analyse brièvement la notice dont il est l'auteur sur la
recherche de la houille dans la Seine-Inférieure, et qui a été publiée en vertu
d'un vote émis par le Conseil général de ce département, le 28 août 1873.
(1) Un extrait de ce travail a été imprimé et distribué en octobre 1877.
330 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
La section décide qu'il sera inséré au procès-verbal qu'elle a vu avec
plaisir le Conseil général s'occuper de la question si importante de la houille
et l'aire des efforts constants pour la résoudre.
M. POTIER
Ingénieur des Mines
LE TUNNEL DU PAS-DE-CALAIS AU POINT DE VUE GÉOLOGIQUE
— Séance du 29 août 1877. —
Il est universellement reconnu qu'en présence du développement cons-
tant des relations de toute nature entre l'Angleterre et le continent,
particulièrement avec la France, les moyens actuels de communication
sont de plus en plus insuffisants ; il est hors de doute aussi que nous
avons le plus grand intérêt à ne pas laisser, par négligence, tomber
entre les mains de nos voisins les avantages inhérents à notre position
géographique, qui fait des côtes françaises le point naturel de débarque-
ment des voyageurs et des marchandises qui doivent traverser le conti-
nent; nous devons donc nous efforcer autant que possible d'attirer vers
nous, par l'amélioration de ces moyens de communication, un trafic
qui nous est et qui nous sera toujours disputé. Aussi ces dernières
années ont-elles vu naître une foule de projets, pont fixe, tube im-
mergé dans la mer, tunnel sous-marin, port gigantesque desservi par
des bateaux capables de porter des trains entiers, tous destinés à
augmenter la rapidité et la commodité des voyages entre la France et
l'Angleterre.
Parmi tous ces projets on semble être généralement d'accord pour
admettre que le tunnel, s'il est praticable, constitue le moyen le plus
suret le plus efficace; je viens vous rendre compte des recherches qui
ont été faites pour étudier le sous-sol du détroit, recherches qui ra-
tionnellement devaient précéder toute tentative, tout commencement
d'exécution.
La constitution du sol, sur les deux rives du Pas-de-Calais, a été de-
puis longtemps l'objet des études des géologues; on sait qu'il y a non-
seulement analogie, mais identité entre les assises qui constituent les
falaises entre Folkestone et Douvres d'un côté, Wissant et Sangatte de
l'autre ; on sait que c'est la mer qui, exerçant dans les temps passés
POTIER. — LE TUNNEL DU PAS-DE-CALAIS 531
sur les falaises L'action destructive qu'elle exerce encore aujourd'hui,
a donné au détroit sa tonne actuelle; on sait même que la séparation
entre l'Angleterre et le continent est relativement récente et postérieure
à l'apparition de la faune actuelle, car, ainsi que le faisait remarquer,
il y a plus de deux cents ans, Versteegan, ce n'est pas l'homme qui a
introduit en Angleterre les fauves contre lesquels il avait une lutte per-
manente à soutenir. D'un autre côté, la région qui avoisine le détroit
a subi, à des époques bien postérieures au dépôt de la craie qui cons-
titue les falaises, des mouvements importants; les failles de l'île
de Wight, celles de l'Artois, la présence, à loi) mètres au-dessus
du niveau de la mer en France et en Angleterre, des sables diestiens, en
sont des preuves irrécusables; tout en admettant la continuité primitive
des couches de craie, il y avait donc lieu de craindre que ces mouve-
ments n'eussent interrompu cette continuité, ou au moins compliqué
notablement la structure du détroit, dont l'existence, au milieu de la
grande crête qui court d'Arras à Folkestone et au delà, parait même
prouver qu'il y avait là un ou plusieurs points particulièrement faibles,
plus facilement attaquables par la mer. Il suftit d'ailleurs de jeter les
yeux sur une carte topographique pour véritier que cette grande crête
est loin d'être rectiligne, et que, si le « Chalk escarpment », qui limite
la dépression de Weald à l'ouest de Folkestone , est bien parallèle à la
ligne de Gris-Nez à Caftiers qui joue en France le même rôle, il n'en
est pas le prolongement. Il était donc nécessaire d'étudier directement le
fond du détroit.
Dans ce but on a recueilli un très-grand nombre d'échantillons de ce
fond, dans une étendue limitée à peu près par les lignes Folkestone-
Wissant et Saint-Margaret-Calais. Ces échantillons étaient obtenus au
moyen d'un tube cylindrique en acier de 0m,02 de diamètre intérieur
surmonté d'un plomb pesant 50 kilogrammes ; pendant que cet appa-
reil était envoyé au fond, la position du bateau était relevée par les
méthodes ordinaires, et la profondeur notée ; on avait ainsi les éléments
d'une carte à la fois topographique et géologique. Cette sonde a été des-
cendue 7671 fois, et l'on a obtenu plus de 3000 échantillons du fond,
ayant une valeur géologique ; les coups de sonde infructueux avaient
porté, ou sur des cailloux qui ébréchaient la sonde, ou sur des sables et
argiles modernes. Ces dépôts, qui masquent la nature véritable du sol,
ne sont pas répartis au hasard dans le détroit, mais forment des amas
allongés dans le sens général des courants qui laissent entre eux des
espaces complètement dénudés par ceux-ci, et dans lesquels la craie
n'est pas recouverte ; le plus considérable de ces amas constitue le banc
du Varne. A partir du point le plus élevé de ce banc, qui n'est qu'à 3
mètres au-dessous du niveau des plus basses mers, on ne rencontre,
532 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
sur une longueur de près de 5 kilomètres vers le nord-ouest, que des
petits graviers et des débris de coquilles ; mais entre cet amas et la côte
anglaise, dans une zone parallèle à la côte d'une largeur de 8 kilomè-
tres, les dépôts modernes sont absolument insignifiants et les couches
crétacées sont à nu partout, sauf en face de l'embouchure de la petite
rivière qui descend au port de Douvres. La côte française, au contraire,
à l'ouest du méridien de Sangatte, est complètement couverte par des
terrains de transport modernes dont la présence est une conséquence
nécessaire de la forme des côtes et de la direction des courants; à
l'est de ce méridien le fond est suffisamment dépouillé de ces dépôts
récents.
Dans toute la région où le sol est à nu, les sondages ont été faits par
séries de lignes parallèles entre elles, dans la direction des courants, du
sud-est au nord-ouest, et séparées par une distance inférieure à 300
mètres; sur chaque ligne la distance entre deux sondages successifs,
toujours moindre que 200 mètres, est descendue souvent à 100, et quel-
quefois à 50 mètres ; enfin près des deux rives, où l'on pouvait opérer
même avec un peu de brume, on a ajouté à ces lignes d'autres lignes
perpendiculaires, surtout dans les régions voisines des inflexions des li-
gnes d'affleurement de la base de la craie proprement dite. Ce nombre
de sondages, quelque considérable qu'il paraisse, n'a rien d'excessif ; on
est en effet privé dans ce genre d'études du secours que prêtent les fos-
siles qu'on rencontre avec abondance à certains niveaux dans l'épaisseur
de la craie, et c'est uniquement la nature minéralogique des échantil-
lons recueillis qui peut guider le géologue ; si pour quelques couches,
comme l'argile du gault, ou la craie glauconieuse qui lui succède immé-
diatement, les caractères sont tellement tranchés que toute confusion est
impossible ; il n'en est pas de même de la masse de craie plus ou moins
grise, plus ou moins argileuse, qui leur est superposée, masse dans
iiquellela place d'un échantillon unique serait très-difficile à fixer,
tandis que la comparaison d'une série d'échantillons, dont l'ordre est
connu a priori, avec les séries voisines et les séries extraites des falaises
permet d'arriver à des identifications satisfaisantes et d'éviter les erreurs
accidentelles résultant de la présence au fond de la mer des fragments
de craie roulés et hors de place.
L'examen des échantillons recueillis a amené aux conclusions suivantes :
1° Il y a continuité entre les couchesde craie des deux côtés du détroit
et l'on pourrait sur le fond de la mer passer de France en Angleterre
sans quitter une couche déterminée;
2° La direclion générale des couches dans le détroit est parallèle à leur
direction générale sur les deux rives, et leur inclinaison est aussi dans
le même sens, vers le nord-nord-est. 11 en est ainsi au moins depuis la
POTIER. — LE TUNNEL DU PAS-DE-CALAIS 533
limite des eaux anglaises jusqu'à 1 kilomètre environ des côtes de
France; de telle sorte que si l'on supposait le terrain coupé par un
plan horizontal, à une certaine profondeur au-dessous du niveau de la
mer, la trace d'une des couches de craie serait dans le détroit une ligne
sensiblement droite et parallèle aux lignes analogues que l'on obtiendrait
sur le continent et en Angleterre ; mais ces trois lignes ne seraient pas
dans le prolongement l'une de l'autre et formeraient trois gradins; le
raccordement entre ces lignes étant formé par des courbes d'autant plus
adoucies que le plan idéal de section est plus profond.
Il ne résulte pas de là qu'il n'y ait point de failles, même impor-
tantes, dans le détroit; tout porte à croire au contraire que les failles
signalées depuis longtemps dans le Boulonnais et dans le Weald se pro-
longent et se raccordent sous la mer; mais ces failles n'intéressent que
la région située au sud de l'étendue explorée, et dans laquelle les cou-
ches de la craie proprement dite ont été complètement enlevées par les
érosions; cl, dans l'étendue explorée elle-même, les mouvements qui
ont accompagné ces failles n'ont laissé d'autres traces que l'inclinaison
prononcée et de sens variable des couches crétacées.
Parmi les raisons qui militent en faveur de l'établissement du tunnel
sous-marin dans les couches crétacées, et non dans les assises qui les
supportent et forment le fond du détroit au sud de la ligne tirée de
Wissant à Folkestone, nous devons précisément mentionner l'existence
de ces failles au milieu de terrains peu ou mal connus, qui, très-deve-
loppés en Angleterre, ne sont plus représentés en France que par des
lambeaux insignifiants, dont la nature même exclusivement sableuse ou
argileuse, sans couches compactes et solides, rendrait fort difficile et
tout à fait aléatoire l'exécution d'un pareil travail ; au contraire l'exis-
tence sous le sol du détroit d'assises crayeuses, dont la continuité est
établie et la position constatée avec une très-grande approximation, in-
dique nettement que c'est au milieu d'elles que doit être creusé le tun-
nel ; mais ces assises sont assez différentes entre elles, par les propor-
tions relatives de calcaire et d'argile qui entrent dans leur composition,
pour qu'il y ait lieu d'examiner s'il est indifférent de passer d'une
couche dans une autre. On devait donc étudier spécialement ces
couches au point de vue de la quantité d'eau qu'elles contiennent.
Les assises supérieures de la craie, qui sont sans consistance et se
fendillent avec facilité à l'air, ne nécessitaient point d'études spéciales; la
multitude des fentes qui les traversent offrent à l'eau un passage très-
facile, qui les rend dangereuses. C'était principalement la craie mar-
neuse à Inoceramus labeatus, le turonien de d'Orbigny, et la craie de
Houen, ou cénomanien du même auteur, qui devaient être examinées,
et autant que possible dans le voisinage du tunnel, afin qu'on
o34 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
ne pût arguer de la variabilité des caractères minéralogiques dans une
même assise.
On a donc étudié le régime des eaux en France dans la région qui
avoisine le littoral, à la surface et en protondeur. Le nivellement des
eaux, dans les puits creusés dans les collines qui bordent au sud la
plaine de Calais, a montré qu'en marchant du nord au sud, le niveau
de l'eau au-dessus de celui de la mer s'élevait progressivement, sans
saut brusque, et cependant les assises dans lesquelles se trouvent les
eaux sont de plus en plus anciennes. Tandis que sur le bord de la
plaine de Calais l'eau est prise dans la craie la plus élevée, à quelques
kilomètres au sud elle est prise dans la craie cénomanienne ou infé-
rieure. La marche progressive du niveau de l'eau prouve que l'on n'a
pas affaire à une série de couches aquifères, mais que dans toute sa
masse la craie est imprégnée d'eau qui s'écoule lentement vers la plaine.
Des petites sources sortent vers le tiers inférieur de la craie cénoma-
nienne, sur les revers sud de ces collines, et peuvent se suivre sur
la falaise, comme sur la rive anglaise, et au môme niveau géologique;
d'où la présomption que le tiers inférieur de la craie cénomanienne est
imperméable, et qu'il faut descendre jusqu'aux sables du puits de
Grenelle, au-dessous de l'argile du gault, pour trouver une nouvelle
nappe aquifère.
Ces prévisions ont été vérifiées directement par un sondage fait à
proximité du village de Sangatte. L'emplacement de ce sondage avait
été choisi de manière qu'on eût à traverser la partie inférieure de la
craie marneuse avant d'atteindre la craie cénomanienne. La craie mar-
neuse fut en effet rencontrée, sous des tourbes et des alluvions mari-
nes récentes, à 10 mètres de profondeur environ ; à 19 mètres cette
craie devint tout à fait solide et l'aspect des échantillons montra que
l'on était bien certainement dans la craie en place et non remaniée.
Pour traverser les alluvions et la partie supérieure de la craie, on
avait dû placer dans le trou de sonde deux colonnes de tubes ; la pre-
mière, partant du sol, s'arrête à 10ra,26, la seconde, dont la tête est à
9"',97, à son pied à 17m,05 ; son diamètre est de 0m,38; pour isoler
les eaux de la craie marneuse, des eaux superficielles, on a descendu
une troisième colonne depuis le sol jusqu'à 23ra,30 qui s'enfonçait par
conséquent de plus de 4 mètres dans la craie bien solide; on coula
ensuite du ciment dans les espaces annulaires que ces tubes laissaient
entre eux; on descendit deux jours après une pompe dans le trou de
sonde, l'orifice d'aspiration était à 20m,44 du sol, et on mesura le dé-
bit du forage : l'eau étant maintenue au niveau de l'orifice d'aspiration
ce débit était de 5 litres par minute. Le sondage fut continué ; à 36
mètres on rencontra la partie supérieure de la craie cénomanienne; à
POTIEK. — LE TUNNEL DU PAS-DE-CALAIS 53S
44m,25 on lit un nouvel essai de pompe; la différence entre les deux
débits trouvés indiquait la quantité d'eau fournie par les 21 mètres li-
bres du trou de sonde ; la venue d'eau était si abondante qu'on ne
put abaisser le niveau de l'eau au-dessous de 15m,75; en maintenant
l'eau à cette profondeur le débit était de 196 litres par minute; l'opé-
ration répétée quelques jours plus tard, à la profondeur de 4Gm,54, on
put abaisser l'eau à 16,75 avec un débit de 222 litres; d'autres essais
faits en maintenant le niveau de l'eau à d'autres profondeurs plus fai-
bles montrèrent que le débit n'avait pas sensiblement varié entre les
deux opérations, comme on pouvait s'y attendre d'après la nature argi-
leuse de la craie traversée vers 45 mètres. En présence de cette
alfluence, d'eau, le sondage fut continué jusqu'à 50 mètres, de nouveau
tube et du ciment coulé; après la prise du ciment, il fut très-facile
d'abaisser le niveau de l'eau dans le forage jusqu'à 50 mètres du sol,
et le débit à cette profondeur n'était plus que de 4 litres et demi;
ainsi ce cimentage, comme le premier, était bien étanche; au bout de
deux jours l'eau n'était pas encore remontée à son niveau statique. De
nouveaux essais de pompe furent faits aux profondeurs de 61"\87,
71"\46, 79'", 48 pour étudier la partie moyenne de la craie cénoma-
nienne, au bas de laquelle se trouve le niveau des sources dont il a été
parlé ci-dessus, puis à 92", 45 et enfin à 100 mètres, au moment où le
forage venait de pénétrer dans l'argile du gault dont l'imperméabilité
est certaine, et de manière à recueillir l'eau fournie par les 50 mètres
libres du trou de sonde. Le tableau suivant résume les résultats obte-
nus, l'eau étant maintenue pendant l'épuisement tantôt à 10 mètres,
tantôt à 20 mètres, tantôt à 40 mètres du sol.
Profondeur
Eau
Eau
Eau
du forage.
à 10
mètres.
à 20 mètres.
à 40 mètres.
6L87
16
33
55
71.46
26
50
80
79,48
34
69
128
92.85
38
71
128
100.00
42
75
»
Ainsi les 50 mètres libres dans la craie cénomanienne ont donné
trois fois moins d'eau que 21 mètres, dont 12,6 dans la craie marneuse,
probablement seuls aquifères ; il n'y a donc pas à hésiter à placer le
tunnel dans la craie cénomanienne, et de préférence dans le tiers infé-
rieur, dont le débit est absolument négligeable.
Pour avoir une idée plus exacte de l'affluence des eaux dans la craie
marneuse, on a prolongé le sondage jusque dans les sables verts infé-
rieurs au gault; après tubage préalable, un essai de pompe fait dans
ces sables a donné un débit égal, mais non supérieur, à celui de la
craie marneuse (67 litres par minutes, pour 5 mètres de hauteur, eau
536 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
à 15 mètres). Ainsi la craie peut être aussi dangereuse que les sables
aquifères, résultat qui n'étonnera pas les ingénieurs au courant des
difficultés que présente parfois dans le Nord le passage des niveaux.
On ne doit donc tenter le percement du tunnel sous-marin qu'à la
ondition de se maintenir dans la partie inférieure de la craie de Rouen,
ou cénomanienne, et sr conséquent, de suivre à peu près les ondu-
lations de la surface de séparation de cette craie et du gault sous-
jacent. L'étude de la carte géologique du détroit, mise sous les yeux de
la section de géologie (I), montre qu'on épousera très-bien la forme de
cette surface sans employer des courbes d'un rayon inférieur à 1,200
mètres, et encore une courbe de ce rayon ne sera nécessaire que près
de la côte française.
Ce tracé , composé de grands alignements droits et de courbes de
rayon, ne doit inspirer aucune inquiétude au point de vue du raccor-
dement : il est bien évident que si Ton part de deux points situés,
l'un en France, l'autre en Angleterre, au même niveau et sur la sur-
face de séparation du gault et de la craie, en s' élevant des deux côtés
on doit forcément se rencontrer, en ayant parcouru des dislances éga-
les si les pentes sont les mêmes des deux côtés. Du reste, en exami-
nant la question en dehors de toute considération géologique. M. l'in-
génieur hydrographe Larousse, qui avait été chargé pendant les études
en mer de déterminer la position exacte de chaque coup de sonde, et
en tenant compte de la multiplicité des opérations géodésiques néces-
sitées par les inflexions du tracé, est arrivé à la conclusion que la
somme des erreurs serait toujours inférieure au diamètre du tunnel
projeté.
D1 Charles BARROIS
Do Lille.
NOTE SUR LE TERRAIN DÉVONIEN DE LA PROVINCE DE LÉON (ESPAGNE).
— Séance du 29 août 1877. —
Le terrain dévonien de la province de Léon a déjà été étudié à diverses
reprises par L). Casiano de Prado et par M. de Verneuil ; l'état des con-
naissances acquises sur ce sujet a été résumé par M. de Verneuil (2) lui-
■i) Dressée par M. de Luppurent et par moi.
2 De Verneuil et Collomu : Coup d'oeil «ur lu const. géul. de quelques provinces de l'Espagne.
Bull. Soc. Geol. France, a* série, t. X, i8i>2, p- 127.
Dr BARROIS. — TERRAIN DÉVONIEN UE LA PROVINCE DE LÉON 537
même, de la façon suivante : « Des grès rouges tort épais paraissent
être à la base du système dévonien. Ils sont quelquefois tellement im-
prégnés de fer, qu'ils fournissent un très-bon minerai; c'est le gise-
ment principal, d'où proviennent les fers des fabriques de Mierès dans
les Asturies, et de Sabero dans la province de Léon. Les grès rouges,
accompagnés de schistes de même couleur, sont surmontés par des cal-
caires très-puissants qui se dressent en pics aigus et déchiquetés, dont
les formes pittoresques se distinguent de loin dans les plaines de Castille.
» La plupart des fossiles sont caractéristiques de la base du terrain
dévonien; ils représentent le calcaire de l'Eifel et encore mieux les grès
et les schistes qui lui sont intérieurs. C'est l'étage que les géologues
allemands appellent œlterer (jrauwacke; c'est aussi le système rhénan de
M. Dumont, étage représenté principalement en France par les grès et
les calcaires de Néhou, de Viré et de la rade de Brest; enfin, c'est la
partie inférieure du système dévonien. Nous nous sommes appuyés sur
l'étude comparative des fossiles pour établir ce parallélisme, et l'on peut
voir, dans le compte-rendu de la séance extraordinaire du Mans (1) que
l'un de nous a reconnu 28 espèces communes entre l'Espagne et la
France.
» Outre les grès et les calcaires dont nous venons de parler, il existe
encore dans le terrain dévonien des montagnes de Léon des bancs cal-
caires plus élevés : ce sont les calcaires rouges à (ioniatites et à Orthoce-
ratites de Puentealba, près Robles, et de Buzdongo, sur la route de Léon
à Oviédo. Ces calcaires sont tout à fait comparables aux marbres griottes
des Pyrénées, et semblent devoir occuper, comme eux et comme les cal-
caires rouges à Goniatites des bords du Rhin et de la \Yestphalie, la
partie supérieure du système dévonien. M. Casiano de Prado a décou-
vert aussi à Llama, près de Sabero, des schistes qui doivent également
être classés parmi les couches les plus élevées de ce système, et dont le
fossile le plus caractéristique est le Cardium palmatum, Gold. »
Les études que j'ai faites dans la province de Léon m'ont permis
d'ajouter quelques détails aux observations précédentes.
La base du terrain dévonien de la province de Léon est formée, comme
l'avait indiqué M. de Verneuil, par une épaisse masse de grès; mais on
peut bientôt se persuader que les minerais de fer de ce système occu-
pent une position fixe, ils sont localisés à la partie supérieure des grès.
On peut donc diviser ces grès en deux assises différentes, l'inférieure
formée de schistes et de grès, la supérieure beaucoup moins épaisse que
la première et caractérisée par la présence du minerai. Ces grès dévo-
nieus de l'Espagne ont des représentants en France ; je crois devoir
(1) Réunion extraordinaire au Mans, Bull. Soc. Géol. France, 2» série, l. VII, p. 785-
538 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
comparer l'assise supérieure ferrugineuse aux grès de Landevennec qui
contiennent aussi du minerai de fer, et l'assise inférieure aux schistes et
quartzites de Plougastel, divisions du terrain paléozoïque de la Bre-
tagne qui ont été définies dans les Annales de la Société géologique du
Nord (1).
Les calcaires qui recouvrent les grès et forment les sommets des mon-
tagnes dévoniennes de la province de Léon, correspondent par leur faune,
comme M. de Verneuil l'avait reconnu, aux calcaires de Néhou, de Viré
et de la rade de Brest, ou, plus exactement, à la Gramvacke du Faou
à Chonetes sarcinulata. Mais tandis que le calcaire ne forme que des len-
tilles au milieu de l'assise de la Grauwacke du Faou en Bretagne, il
domine sur les autres sédiments en Espagne et y forme presque entiè-
rement l'assise. Les travaux de M. Gosselet ont rendu familière cette
disposition des calcaires dévoniens dans i'Ardenne, on voit qu'elle n'est
pas limitée à cette région .
Au-dessus des couches précédentes qui appartiennent au terrain dévo-
nien inférieur se trouvent les dépôts rapportés au terrain dévonien supé-
rieur: les calcaires ronges à Goniatites de Puentealba et les schistes noirs
à Cardium palmatum de la Collada de Llama; ils méritent une atten-
tion spéciale..
Les schistes noirs de la Collada de Llama ont été signalés pour la
première fois en 1850 par M. Casiano de Prado (2); il les considérait
alors comme appartenant au terrain liouiller. Les fossiles recueillis
étaient peu nombreux, ils se trouvent dans des nodules argilo-ferrugi-
neux assez nombreux dans les schistes; M. de Verneuil ayant examiné
ces fossiles, y reconnut une Orthis, un Phacops et une Posidonomya. Le
genre Phacops étant inconnu dans le terrain carbonifère indiquait ici le
terrain dévonien, mais la Posidonomya ressemblait à une coquille carbo-
nifère et fournissait ainsi une présomption en faveur de l'opinion de
M. Casiano de Prado. Cette Posidonomya fut décrite comme nouvelle et
figurée par M. de Verneuil (3), sous le nom de Posidonomya Pargai; il
la comparait à la P. vetusta (Inoceramus vetustus, Sow.); cependant elle
est plus inéquilatérale et tient le milieu à cet égard entre celle-ci et la
P. Becheri, dont elle diffère d'ailleurs par le moindre nombre de ses
rides ou plis transverses et par sa plus grande épaisseur. M. de Verneuil
la comparait encore à P. lateralis et aux autres Posidonomyes du terrain
liouiller inférieur du Devonshire, du Harz et des bords du Rhin. La
découverte de nouveaux fossiles vint modifier l'opinion de M. Casiano
(1) Note préliminaire sur le terrain silurien de l'ouest de la Bretagne, i. IV, p. 38. Note sur le
terrain dévonien de la rada de Brest, t. IV, p. 59.
(2) Casiano de Prado : Note géol. sur les Terrains de Sabero et de ses environs dans les mon-
tagnes de Léon [Espagne . Bull Soc. Géol. France, 2e' série, t. VII, p. 137.
(3) Bull. Soc. Géol. France, a« série, t. VII, p. no. Pi. 3, Kig. su. 5b.
Dr BARROIS. — TERRAIN DÉVONIEN DE LA PROVINCE DE LÉON 539
de Prado au sujet de l'âge de ces couches, il écrivait en 18G0 (1) que
Us schistes de la Collada de Llama contenaient: « Cardium palmatum,
» Posidonomga Pargai, une Conularia et quelques autres espèces assez
» rares qui se trouvent presque toujours dans de petits rognons ferrugi-
» neux. 11 n'y a ni brachiopodes, ni crinoïdes. On peut considérer cette
« bande comme l'étage supérieur du terrain dévonien. On ne la voit
» dans aucun autre lieu de la chaîne cantabrique. »
J'ai observé ces schistes noirs à Cardiola retrostriata (Cardium pal-
matum) de la Collada de Llama dans une autre partie de la province de
Léon; ce nouveau gisement est d'un accès plus facile que celui des
environs de Sabero, puisqu'il se trouve à peu de distance de la grande
route de Léon à Oviédo. Cette route suit la vallée de la Bernesga; lors-
qu'en partant de Léon on est arrivé à Puentealba sur les terrains paléo-
zoïques, et que l'on a traversé l'aqueduc de la Bobla où les calcaires
rouges à Goniatites sont si bien développés, il faut suivre la grande
route jusqu'au premier affluent de la rive gauche de la Bernesga pour
voir les schistes noirs qui m'ont fourni Cardiola retrostriata , Posido-
nomxja Pargai, etc. — Les gens du pays appellent ce petit cours d'eau
le ruisseau del Barrero; il montre de beaux affleurements de schistes et
grauwackes de l'époque houillère, des calcaires rouges à Goniatites et des
schistes noirs à Cardiola retrostriata : j'y ai reconnu la superposition
des calcaires rouges à Goniatites de Puentealba aux schistes noirs à
Cardiola retrostriata de Llama. Ces schistes noirs à cardioles m'ont
fourni de nombreux fossiles, notamment dans un ravin qui m'a été
désigné sous le nom de el fuego; ces schistes sont fins, ampéliteux et
d'un noir très-foncé, ils contiennent des lits de nodules durs, discoïdes,
argilo-ferrugineux; c'est en brisant ces nodules que l'on trouve les fos-
siles. Les caractères pétrographiques de cette assise rappellent au pre-
mier abord les couches que j'ai décrites en Bretagne sous le nom de
schistes de Porsguen; la position stratigraphique et la faune de ces schistes
de Llama s'accordent également pour montrer qu'ils correspondent exac-
tement aux schistes de Porsguen (ardoises de Wissenbach), et qu'on ne
doit pas les ranger dans le terrain dévonien supérieur comme on l'a fait
jusqu'ici.
Les schistes noirs à Cardiola retrostriata de la Collada de Llama recou-
verts par les calcaires rouges à Goniatites de Puentealba, reposent sur
les calcaires à Spirifer lœvicosta ; or, les schistes de Porsguen reposent
sur l'assise de la grauwacke du Faou que j'ai rapprochée du calcaire à
Spirifer lœviscosta du Léon. Quant à la faune des schistes de Llama,
elle est la même que celle des schistes de Porsguen; j'y ai recueilli les
(1) Casiano de Prado : Sur l'existence de la faune primordiale dans la chaîne cantabrique, Bull.
Soc. Géol. France, 2e série, t. XVII, p. 520.
540 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
espèces suivantes, et je ne doute pas que des recherches plus suivies n'y
retrouvent de nouvelles analogies :
Phacops latifrons, Bionn,
Goniatites cf. occultus, Barr.
Orthoceras regulare, Schet.
Baclriles Schlotheimii, Quensl. sp.
Plewrotomaria subcarinata, V. A. Bn'iu.
Posidonomya Par gai, de Vern.
Cardiola retrostriata, v. Buch.
Retzia novermplicata, Sandb.
Ces fossiles sont les plus communs des schistes de Porsguen; parmi
eux est une espèce qui mérite une mention particulière, c'est la Posi-
donomya Pargai, non encore signalée en Bretagne; j'avais indiqué comme
très-abondante dans ce pays la Posidonomya venusta (1), or, les diffé-
rences entre les Posidonomya venusta et Posidonomya Pargai sont bien
légères. Le professeur Ferd. Rœmer a bien voulu comparer mes Posido-
nomyes du terrain dévonien inférieur de Bretagne aux Posidonomya
mnusta, qui caractérisent le terrain dévonien supérieur en Allemagne
et en Pologne, et il a aussi constaté entre elles une grande ressem-
blance.
Il faut donc admettre que le T. dévonien supérieur à Cardiola retros-
triata n'existe pas en Espagne comme on l'avait cru; on y trouve au
contraire un représentant des schistes de Porsguen : c'est une analogie
de plus entre le terrain dévonien de l'Espagne et celui de la Bretagne.
La partie supérieure du terrain dévonien du Léon est formée par les cal-
caires rouges à Goniatites et à Orthocératites de Puentealba, que je crois
comparables aux calcaires amygdalins et marbres griottes des Pyrénées,
aux calcaires rouges à Goniatites de la Westphalie et aux calcaires du
Cap-Choux dans la Loire-Inférieure.
M. Edouard JAOETTAZ
Aide au Muséum, Maître de conférences de Minéralogie à la Faculté des sciences de Pans.
RELATIONS ENTRE LES AXES D'ELASTICITE,
CEUX DE PROPAGATION POUR LA CHALEUR, ET LES DIRE TIONS PRINCIPALES
Dfc COHÉSION.
— Séance <lu 3 0 août 1877. —
Dans la première série de mes recherches, j'avais eu d'abord pour
objet de continuer le travail de de Senarmont sur la propagation de la
(1) 11 ne faut pas confondre lu P. vetvtta, Sow. avec la P. venusta, Muust.
E. JANNETTAZ. — ÉTUDES SUR LES CORPS CRISTALLISÉS 541
chaleur dans les corps cristallisés. Une plaque d'un cristal, parallèle à
une lace naturelle ou artificielle, était enduite de cire, et traversée par
une tige métallique, dont on échauffait une extrémité. La chaleur de la
tige taisait fondre autour d'elle, à la surface de la plaque, la matière
grasse, à des distances d'autant plus grandes sur les diverses directions,
qu'elle s'y propageait mieux. Après refroidissement, un bourrelet saillant
de la cire, indiquait les limites de la région atteinte par la tempéra-
ture suffisante pour la fusion de cette matière.
Afin d'éviter le forage des plaques, j'ai employé deux fils de platine,
soudés à une de leurs extrémités dans une petite sphère de môme métal,
et communiquant métalliquement par l'autre extrémité avec les deux
pôles d'une pile carrée de trois ou quatre éléments. Le courant échauffe
et fait rougir la petite sphère appliquée sur la plaque, en un point de
contact qui joue le rôle de source de chaleur. La plaque est recouverte
de graisse colorée ou non, et le reste se passe comme précédemment.
J'ai pu opérer ainsi sur un grand nombre de substances, où le procédé
primitif n'aurait pu réussir.
Je n'avais pas à vérifier les lois expérimentales posées par de Senar-
mont, qui démontrent l'harmonie de la symétrie cristalline, et de celle
de l'ellipsoïde qui mesure dans les cristaux la conductibilité thermi-
que. J'ai trouvé une relation, vraie dans les corps cristallisés, comme
dans tous ceux dont les molécules présentent un arrangement symétri-
que, à quelque cause qu'il soit dû, entre l'énergie de la cohésion, et la
facilité de la propagation de la chaleur, suivant une même direction.
On sait que la disposition des éléments solides dans les corps cristal-
lisés, que la variation de leurs intervalles y déterminent des cohésions va-
riables aussi d'une direction à une autre, comme l'attestent les clivages.
Or, en perçant un trou dans une lame de gypse, ayant deux faces
parallèles entre elles et au plan de symétrie des cristaux de cette matière,
j'écartai l'un de l'autre deux feuillets contigus de la plaque, et je vis
se former autour du trou des courbes irisées, qui allaient grandissant,
à mesure que j'appuyais davantage. Entre les deux feuillets apparurent
les anneaux colorés dits de Newton, et ces anneaux avaient la forme
d'ellipses, dont le grand axe était constamment à 17° d'une direction
facile à retrouver. C'est, en effet-, celle d'un clivage perpendiculaire à
celui qui m'avait donné mes lames, et qui a l'aspect vitreux; c'est le
plan h1 des cristallographes français. Chose remarquable, c'est en même
temps la direction de l'axe de plus facile propagation de la chaleur dans
le gypse. Le gypse indiquait donc une relation entre l'axe de plus grande
conductibilité thermique, et celui de plus faible cohésion. Car, en ana-
lysant le phénomène d'inflexion des feuillets entre lesquels apparaissent
les courbes colorées, j'avais prouvé que l'axe le plus grand de ces roui-
542 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
bes doit être parallèle à la direction de plus faible cohésion, celle
suivant laquelle deux files de particules voisines s'écartent le plus faci-
lement l'une de l'autre.
J'ai pu constater la généralité de ce fait, et poser des règles, que je ne
ferai que rappeler en quelques mots : Dans les cristaux des systèmes
rhomboédrique ou hexagonal, et de celui du prisme à base carrée, où
l'on peut observer des clivages, la chaleur se propage moins facilement
dans la direction perpendiculaire au plan de clivage, et avec une plus
grande facilité parallèlement à ce plan. L'antimoine natif, par exemple,
l'eudialyte, la pennine, la zincite, qui appartiennent au système rhom-
boédrique, l'apophyllite, qui cristallise dans le système quadratique, se
clive suivant les bases de leurs cristaux; l'axe de principale symétrie,
perpendiculaire aux bases, est l'axe de conductibilité minimum. La
troostite de Franklin, la pyromorpl'ite, le cinabre, dont les cristaux se
clivent parallèlement aux faces d'un prisme hexagonal ; le rutile, la cas-
sitérite, le zircon, la paranthine, dont les clivages sont parallèles aux
pans d'un prisme à base carrée, tous ces cristaux conduisent mieux la
chaleur dans la direction de l'axe de principale symétrie, axe de la zone
des faces de clivage plus facile.
Quand les cristaux se clivent suivant des faces obliques, il faut cher-
cher l'angle de l'axe de figure, ou de plus grande symétrie, et de la
ligne de plus grande pente des faces de clivage; suivant que cette der-
nière est plus rapprochée de l'axe de figure de cristal ou de sa base,
elle joue le rôle d'une direction de clivage prismatique ou basique. Ainsi,
dans la dolomie, la giobertite, la sidérose, le mésitin^path, l'argent
rouge, l'angle de l'axe de principale symétrie et d'une des faces de rhom-
boèdre de clivage est de plus de 45°; aussi est-ce l'équivalent d'un cli-
vage basique; l'ellipsoïde de conductibilité thermique est donc allongé
parallèlement à la base. Dans la chabasie, le quartz hyalin, cet angle
est inférieur à 45°, et l'ellipsoïde est allongé suivant l'axe principal.
Dans les cristaux du système orthorhombique, s'il y a trois clivages
rectangulaires entre eux, l'intersection des deux plans de clivage plus
facile détermine la position de l'axe de plus grande conductibilité ther-
mique. Si les clivages sont également faciles et obliques l'un par rap-
port à l'autre, le plan bissecteur de leur angle dièdre aigu est assimi-
lable à un plan de plus facile division.
Dans les cristaux dont la base est oblique sur les pans, on retrouve
des lois analogues.
Les espèces minérales ne m'ont offert jusqu'ici que deux exceptions
bien nettes à ces lois : l'une sur la base des cristaux d'orthose, où
l'ellipse thermique a son grand axe perpendiculaire au plan de symé-
trie, qui se clive très-facilement; l'autre, dans le calcaire, où le grand
E. .IA.WEITA/. ÉTLDE SUK LES CORPS CRISTALLISÉS 543
axe devrait être perpendiculaire à celui de principale symétrie, comme
dans les autres carbonates rhomboédriques, tandis que le contraire a lieu.
Dans toutes les roches à texture schisteuse, qui se divisent en lames
aussi minces que les cristaux les plus facilement clivables, suivant des
surfaces parfaitement parallèles les unes aux autres, j'ai fait voir que le
grand axe de conductibilité thermique est toujours parallèle, et le petit
axe toujours perpendiculaire au plan de schistosité. Ces roches (ardoi-
ses, gneiss, schistes cristallisés, schistes argileux) doivent leur schisto-
sité à des actions mécaniques; car on sait maintenant, grâce aux tra-
vaux de MM. Sorby, Tyndall, Daubrée, rendre schisteuses des pâtes ou
des roches homogènes, en les comprimant. J'ai montré aussi que la stra-
tification ne modifie pas dans les roches la manière dont la chaleur s'y
propage, et que les courbes de conductibilité thermique peuvent servir
à y dévoiler la schistosité, lors même qu'elle n'y serait pas apparente à
première vue, en même temps qu'à la distinguer de la stratification.
Or, la cohésion et les clivages se reliant à l'élasticité, il était inté-
ressant de comparer les courbes de conductibilité aux lignes nodales
qu'on obtient, quand on ébranle des lignes cristallines, soit par le centre
au moyen de fil d'archet, en fixant deux points de leur périphérie, soit
par un point de leurs bords, en les lixant par le contre. Savart avait
commencé des études de ce genre sur des disques circulaires de bois,
de spath calcaire, de quartz, de gypse. Il avait observé que dans l'ébran-
lement par les bords d'un disque de bois ou de cuivre, marqué de
stries parallèles à une direction commune, on obtient pour lignes nodales
deux branches d'hyperbole, dont l'axe réel est perpendiculaire, et l'axe
imaginaire parallèle aux fibres du bois, et par conséquent à la direction
de plus grande élasticité, ou de plus grande résistance à la flexion.
La chaleur se transmet plus intense parallèlement que perpendiculai-
rement aux libres du bois.
Dans le cristal de roche, Savart a trouvé par ce moyen trois systèmes
embrassant chacun trois axes d'élasticité. Les trois axes d'élasticité mi-
nimum sont parallèles aux arêtes culminantes, les trois d'élasticité
maximum le sont aux diagonales inclinées du rhomboèdre primitif. Or
les diagonales inclinées sont à 37° 47', et les arêtes culminantes à 57° 11
de l'axe de figure ou de principale symétrie. Il en résulte évidemment
que ce dernier axe doit posséder une élasticité plus grande que les axes
horizontaux qui lui sont perpendiculaires. La chaleur s'y propage aussi
plus facilement.
Savart avait dit en outre qu'en ébranlant par le centre un disque de
bois, dont on fixe les bords en deux points situés sur une ligne perpen-
diculaire à ses fibres, on obtient pour ligne nodale une ellipse, dont le
petit axe est parallèle aux fibres.
o44 GÉOLOGtE ET MINÉRALOGIE
En fixant les deux extrémités du diamètre perpendiculaire à l'axé
optique ou axe de figure dans un disque de quartz taillé lui-même paral-
lèlement à cet axe, puis en ébranlant le disque par le centre, Savart
a vu encore se dessiner comme ligne nodale sur la plaque une ellipse
dont le petit axe était aussi parallèle à l'axe de figure.
Dans ce genre d'ébranlement, on produit donc, d'après Savart, des
ellipses, dont le petit axe est parallèle à la direction de plus grande
élasticité.
Angstrôm a formé des lignes nodales sur un disque de gypse parallèle
au plan de symétrie g1. Il a obtenu plusieurs courbes fermées, dont les
axes avaient des orientations différentes, et qui étaient accompagnées de
sons de différentes hauteurs. Il a pensé que chaque son avait peut-être
ses axes d'élasticité propres. Une de ces courbes fermées qui, d'après
Angstrôm, devait être du 4me degré, avait son petit axe à environ 13° de
la trace du clivage vitreux sur le disque.
Or, mes expériences antérieures m'amenaient à penser que la direc-
tion de plus grande élasticité sur le plan g1 du gypse devait être à \ 7°, et non
à 13° du clivage vitreux. J'ai compris que cette divergence tenait à une
perturbation occasionnée par la forme du contour du disque. Car, dans un
milieu hétérogène, où l'élasticité varie avec la direction, il est clair que
la forme circulaire n'est plus convenable, et qu'il faudrait donner au
disque un contour elliptique, dont les axes ont malheureusement une
position et une grandeur relative également inconnues.
La position des axes me paraissait cependant déterminée par celle
des axes des anneaux colorés elliptiques, dont j'ai parlé au début
de cette note, et qui coïncident, comme je l'ai dit, avec ceux des
courbes de conductibilité thermique. J'ai donc taillé des disques, dont
les contours avaient la forme d'ellipses, celles-ci ayant leurs axes
situés, l'un à 17° du clivage vitreux, à 49° du clivage fibreux; l'autre
axe à 90° du précédent.
Si l'on iixe le centre d'un disque elliptique, dont le grand axe est
au petit dans le rapport 1,44, et se trouve en même temps parallèle au
petit axe de la courbe des conductibilités thermiques, on voit apparaître,
en ébranlant un point du bord situé à 37° 1/2 de cet axe, deux diamètres,
l'un perpendiculaire, et l'autre parallèle à cet axe.
A mesure que le rapport s'éloigne dans un sens ou dans l'autre de
cette limite, 1,44, les deux diamètres rectangulaires prennent la forme
d'hyperboles, dont une asymptote s'éloigne de plus en plus du petit axe.
Si l'on opère sur des disques elliptiques, dont les axes n'ont plus l'o-
rientation que je viens d'indiquer, les asymptotes des hyperboles
tendent néanmoins vers les mêmes directions, et la perturbation se
trahit surtout par l'irrégularité delà forme des courbes.
E. IANNETTAZ. — ÉTUDE SUR LES COBPS CRISTALLISÉS 545
Quand on ébranle un disque circulaire de gypse par le centre, si on
fixe les deux extrémités du diamètre parallèle au grand axe de la courbe
qui mesure la propagation de la chaleur, on obtient une certaine note ;
si on fixe les extrémités du diamètre perpendiculaire, on donne lieu à
une note plus aiguë ; la différence musicale est de 1,25 : 1, ou de deux
tons. Les lignes nodales concomitantes sont des ellipses, dont les axes ont
des positions inverses, le plus grand de l'un venant prendre la place du
plus petit de l'autre. Le rapport des axes reste le même; c'est 1,5.
Conclusions. — Dans les matières que j'ai pu étudier jusqu'ici, j'ai ob-
servé qu'en les taillant sous la forme de disques circulaires et les ébranlant
par le centre, on obtient non pas une, mais plusieurs ellipses, dont les
grands axes sont parallèles aux diamètres, dont on fixe les extrémités;
que ces diamètres doivent être choisis cependant parallèles aux directions
principales d'élasticité, pour que ces courbes soient régulières, et que les
sons les plus aigus se font entendre quand on fixe les extrémités de
l'axe d'élasticité maximum.
J'avais donc à m'expliquer pourquoi Savart n'avait cherché qu'une
seule courbe et qu'un son. C'est qu'il avait pris pour point de départ
un disque de cuivre à la surface duquel il avait fait graver des stries
peu profondes, et toutes de même direction . Le disque ainsi modifié ne
montre qu'une courbe, et ne rend qu'un son, quand on l'ébranlé par
le centre, quel qu'en soit le diamètre dont on maintienne fixe les extré-
mités. Mais j'ai fait graver sur un disque de laiton deux systèmes de
stries : celles du premier système étaient distantes de 1 millimètre; celles
du second, perpendiculaires aux précédentes, étaient éloignées de 2 mil-
limètres les unes des autres. En fixant les deux extrémités du diamètre
du second système, qu'on peut considérer comme un axe de plus petite
élasticité, on a un son plus aigu que lorsqu'on maintient fixes les extré-
mités du diamètre perpendiculaire, assimilable à un axe d'élasticité
maximum.
A chacune de ces directions principales d'élasticité correspond un
mode de division de la plaque, qui donne lieu à des ligures nodales, et
celles-ci sont des ellipses, dont les axes conservent entre eux le même
rapport de grandeur, mais prennent comme précédemment des positions
inverses l'un de l'autre.
Il en a été de même sur un disque circulaire d'ardoise de Fumay,
parallèle au plan de clivage. Cette roche présente un second clivage à
peu près perpendiculaire au plan de schistosité proprement dite, et qui
en rend assez difficile la division en feuillets un peu étendus. Ce second
clivage a été appelé le longrain par les ouvriers. En maintenant fixes
les extrémités du diamètre parallèle au longrain, et en ébranlant le
disque par le centre, j'ai entendu un son plus grave, qu'en rendant i-m-
35
546 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
mobiles les extrémités du diamètre perpendiculaire. Le longrain est en
effet la direction d'élasticité maximum. Les figures acoustiques étaient
identiques, bien que inverses l'une de l'autre.
Résumé. — 1° Ce ne sont pas les courbes nodales qui peuvent faire
connaître les grandeurs relatives de l'élasticité sur la direction de leurs
axes, mais les sons qui les accompagnent. L'axe d'élasticité maximum
est celui dont il faut immobiliser les extrémités, pour faire rendre au
disque circulaire le son le plus aigu, en l'ébranlant par le centre.
2° Les axes d'élasticité sont parallèles à ceux de l'ellipsoïde qui me-
sure la conductibilité thermique dans les cristaux et dans les matières
à texture symétrique. Les deux sortes d'axes suivent le même ordre de
grandeur.
On comprend combien ces résultats sont intéressants, soit pour l'étude
de la propagation de la chaleur dans l'écorce solide du globe terrestre,
soit pour l'étude générale de la structure des corps, et des causes qui ont
déterminé cette structure, que ces causes soient les forces qui président
à la cristallisation d'un corps, ou bien celles qui ont donné aux roches
leur texture particulière.
BIBLIOGRAPHIE.
De Sénarmont. Ami, Chimie et Physique, 3me série, tomes XXI, XXII, XXXIÎI.
Savart. Ann. Chimie, tome XL (1829). —L'Institut, 7ra« année (1839), p. 382 et suiv.
Angstro-u. Ann. der Physik und Chemie. von Poggendorff, 86me volume, p. 206
(1852).
Jannettaz. Ann. Chimie et Physique, mc série, tome XXIX (mai 1873).
Comptes rendus Acad. des Se. (27 avril 1874, 20 décembre 1875, 10 avril 1876 .
Bulletin Soc. Géol. France, 3rae série : tome III, p. 499 ; tome IV, p. 116 ; tome V,
p. 410.
MM. JULIEN et de SAPOETÀ
SUR L'EXISTENCE DU TERRAIN PERMIEN DANS LE DÉPARTEMENT DE L'ALLIER
— Séance du 30 août 187 7. —
(extrait du procès-verbal.)
M. de Saporta communique, de la part de M. Julien, une note sur l'exis-
tence du terrain permien dans le département de l'Allier. A Coulandon, on
trouve superposés les étages suivants, en allant de haut en bas : terre végétale,
diluvium, grès schisteux, argiles schisteuses contenant beaucoup de plantes
et ayant une puissance de 5 mètres environ. Au-dessous est un grès massif
exploité, dont le contact inférieur est invisible. M. de Saporta a examiné les
LETELL1EK. — MUSÉE D'HISTOIRE NATURELLE L>'ALEiN0ON 547
plantes recueillies par M. Julien dans les argiles schisteuses, et il est parvenu
à en déterminer une vingtaine d'espèces. L'ensemble offre les caractères d'une
flore houillère, mais il y a quelques espèces qui sont certainement permiennes.
M. LETELLIEB,
Professeur nu Lycée d llengon, Conservateur du Muséum d'histoire naturelle
h i i ville.
NOTICE SUR LE MUSÉE D'HISTOIRE NATURELLE DE LA VILLE D'ALENÇON.
— Séance du 30 août /s77. —
Le département de l'Urne est un des plus favorisés par la variété des
formations géologiques qu'il renferme. On y trouve, en effet, la série
presque complète des terrains, depuis les granits et les gneiss jusqu'aux
terrains tertiaires moyens. Il ne manque que les roches volcaniques et
quelques étages des terrains sédimentaires .
Si on le parcourt de l'ouest à l'est, de Domfront à Verneuil, par
exemple, on traverse d'abord de vastes étendues de terrains de cristal-
lisation : granit, gneiss, porphyre; — et de terrains primaires : quart-
zites et schistes siluriens, jusqu'à une ligne tirée d'Alençon à Ecouché
et Falaise. Ensuite vient une large bande de terrains secondaires, jus-
qu'à la ligne qui joindrait Vimoutiers à Bretoncelles, près de Nogent-le-
Rotrou. Enfin, la région au delà de cette ligne, comprenant le nord-est
de l'arrondissement d'Argentan et le nord de celui de Mortagne, est
tout entière recouverte par le terrain tertiaire, représenté par des sables,
des argiles ferrugineuses mêlées de silex, et contenant souvent d'énor-
mes quantités de minerai de fer, exploitées depuis des époques fort recu-
lées C'est ce terrain qui se continue sur une partie notable du dépar-
tement de l'Eure.
La seule étude d'ensemble qui ait été faite jusqu'ici des richesses
géologiques du département, est celle de M. Blavier, chargé, en 1836,
d'une mission spéciale par le Conseil général de l'Orne.
A la même époque, M. Puillon-Boblaye travaillait à la carte de l'état-
major, et réunissait de précieuses observations qui déterminèrent la
Société géologique de France à se réunir à Alençon au mois de septem-
bre 1837.
Je ne puis m'empêcher de rappeler que les excursions de la Société,
aux environs d'Alençon, furent dirigées par M. Boblaye, M. Triger, mon
savant maître et ami, et M. Léon de la Sicotière, avocat, aujourd'hui
548 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
sénateur, et qui, à toutes les époques, a été chez nous le promoteur de
tout ce qui s'est fait d'utile, et le protecteur de tous les travailleurs
sérieux.
C'est à cette réunion mémorable de la Société géologique de France
à Alençon qu'il faut faire remonter l'origine de notre musée.
A la dernière séance, le 9 septembre 1837, M. Buckland « s'étonne
» qu'un musée n'ait pas été ouvert à Alençon pour recevoir la collec-
» tion » des minéraux, des roches et des fossiles du pays. « Il fait sen-
» tir combien de semblables collections sont utiles à la science, et cite
» pour exemple le riche musée de Caen qu'il vient de visiter. La créa-
» tion de ce musée serait d'autant plus opportune, que les savantes
» recherches de MM. Boblaye et Triger viennent de jeter une vive
» lumière sur tout ce qui se rattache à la statistique géologique des
» environs d'Alençon. » (Procès-verbal des séances.)
Après M. Buckland, M. de la Sicotière, dans son discours de remerci-
ment à la Société, reprend le vœu de l'illustre géologue :
« La création d'un musée destiné à recevoir des échantillons de tou-
» tes les roches et de toutes les substances minérales de notre départe-
» ment est nécessaire. Ce n'est qu'en ayant sous les yeux des objets
» d'examen et de comparaison que l'on peut avancer dans la géologie.
» Les bonnes dispositions de l'autorité, le zèle empressé de quelques
» habitants d'Alençon nous font espérer que nous ne tarderons pas à
» voir se réaliser le vœu que vous avez manifesté à cet égard. Ce vœu,
» croyez-le bien, Messieurs, n'aura pas été sans influence sur la déter-
» mination qui sera prise ; puissiez-vous un jour, en parcourant le
» musée qui sera votre ouvrage, trouver que nous avons rempli vos
» espérances et vos intentions. »
Mais, hélas ! qu'il y a loin du vœu le plus légitime, du projet le plus
utile et le mieux conçu, à sa réalisation ! Peut-être la fondation d'un
musée géologique doit-elle participer de la solennelle lenteur des forces
qu'il est destiné à nous faire connaître. Voilà quarante ans que le musée
d'Alençon est fondé en principe, et malgré toute la bonne volonté qu'on
y a mise, il n'a pas encore de local où il puisse sans crainte reposer d'une
façon stable et prendre les développements qui le rendront réellement
utile à la science et au pays.
Il fallut plus de deux ans pour voter et exécuter l'appropriation de
deux misérables chambres situées dans les combles.
En 1840, M. Blavier donna la série des roches et des fossiles recueillis
dans son exploration ; quelques personnes ajoutèrent leurs offrandes ; on
en remplit deux ou trois placards, et le tout fut abandonné, pendant
une dizaine d'années, dans ce local inaccessible.
C'est alors que le conservateur actuel se fit donner les clefs et parvint
LETELLIER. — MUSÉE D'HISTOIRE NATURELLE D'ALENÇON 549
à empêcher la dilapidation de la précieuse collection de M. Blavier, et à
conserver en même temps le principe proclamé si haut de la nécessité
d'un musée départemental.
Ce fut seulement en 1857, lors de la réunion à Alençon d'une autre
société bien chère à la Normandie, l'Association normande, que notre
petit musée fut établi dans le local convenable, mais trop resserré, qu'il
occupe actuellement, et inauguré par le maire, le Conseil municipal,
M. de Caumont, et les membres présents de l'Association normande.
Le musée d'histoire naturelle d'Alençon doit comprendre deux séries
distinctes de collections :
1° Toute l'histoire naturelle du département de l'Orne.
C'est à cette collection que nous consacrerons tous nos efforts, dès
qu'un emplacement définitif et suffisant nous aura été concédé. Nous
ajouterons, si le local le permet, et comme M. Triger l'a fait au Mans,
les produits industriels qui dérivent de nos productions naturelles.
2° Les objets d'histoire naturelle étrangers au pays et qui sont indis-
pensables pour faire comprendre les séries naturelles, les classifications,
sans lesquelles la science n'existe pas.
Si nous entrons dans les détails, voici l'état actuel de nos collections :
Zoologie. — Les mammifères, les reptiles et les poissons sont à peine
commencés, faute d'emplacement ; mais la collection des oiseaux du
département est presque complète. Je ferai aisément la collection des
mollusques et des insectes du pays avec mes propres efforts. Nous avons
quelques centaines de coquilles vivantes et un certain nombre de poly-
piers.
Botanique. — Rien encore au musée. Mais mon herbier normand est
presque complet, et je n'aurai pas de meilleur usage à en faire que de
le transporter au musée dès que j'aurai la place.
Minéralogie. — La série peu nombreuse des espèces minérales du
département est disséminée dans la collection générale qui est déjà
considérable et contient de fort belles pièces. Je l'en séparerai aussitôt que
possible.
Géologie. — La série des roches du département est presque com-
plète, grâce à la collection de M. Blavier et aux additions que j'y fais
sans relâche. Nous avons de plus les roches étrangères les plus impor-
tantes.
La série des fossiles n'est pas encore séparée faute de place. J'ai seu-
lement conservé à part les fossiles de M. Blavier, avec ses numéros,
pour servir de pièces justificatives à son ouvrage publié en 1842 : Étude
géologique sur le département de l'Orne.
J'ai rangé tout le reste par terrains, suivant la classification de A. d'Or-
bigny.
OfiO GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
Nous avons environ 400 espèces des terrains primaires, 300 des ter-
rains secondaires, 500 des terrains tertiaires, presque toutes déterminées
par MM. Hébert et Delesse , à qui nous devons beaucoup d'espèces
tertiaires et par MM. Triger, do Verneuil, Coquand, Morière, etc.
Parmi les principales espèces du pays, nous avons :
Silurien :
Orthoceratites, 2 ou 3 espèces.
Orthis.
LingulaTrigeri, Barr (1) du quartzite. RR.
Scolithus linearis,Hall, it.
Devonien. — Nous n'en avons qu'un petit lambeau, à trois lieues
d'Alençon. J'y ai trouvé :
Orthis, 2 ou 3 espèces.
Encrinites.
Pleurodyctium problematicum,
Quelques trilobites.
Carbonifère. — Ce terrain n'existe pas dans l'Orne. On n'en a pas
moins fait, pour trouver de la houille, de dispendieuses recherches au
siècle passé et jusqu'à nos jours, sans vouloir écouter les géologues. —
J'ai écrit à ce sujet un petit article que la Société linnéenne a bien voulu
insérer dans son Bulletin de 1875.
Permien, trias et lias. N'existent pas.
Bajocien. — C'est le sous-sol d'Alençon, où il prend un faciès spécial,
qui lui a fait donner le nom d'Arkose d'Alençon. On le prendrait dans la
localité pour du quartzite, si on ne voyait pas les fossiles.
On y trouve entre autres
Belemnites giganteus.
Ceromya bajociana.
Lima antiquata.
Artarte excavata.
Lucina lvrata.
Henri thy ris spinosa.
Terebratula maxillata, perovalis.
Rhynchon. Wrigthii.
Pygaster semi- sulcatus et plusieurs
autres échantillons.
Plus un certain nombre d'espèces de gros polypiers transformés en
baryte sulfatée.
Bathonien :
Nerinea.
Pholadomya Murchisoni, bellona.
Lima, Ostrea.
Rhynch. concinna, quadriplicata.
Terebratula digona, cardium, coarctata.
Nucleolites clunicularis.
Holectypus depressus.
Acrosalonia spinosa.
Apiocrinus Parkinsoni.
Anabatia orbulites.
ii) Lingula Lesueuri. Rnub.
PELLAT. — DES NIVEAUX KIMMERIDGIENS ET PORTLANDIENS 5*51
Callovien. — C'est l'étage le plus riche en fossiles.
Belemnites hastatus.
Amm.becticus, macrocephalus, Herveyi.
Backeriœ, Athleta, Jason, anceps, coro-
natus, biplex.
Panopa>a elca.
Pholadomya decussata, carinata, cylin-
drica, Clytia. inornata.
Ceromya elegans, concentriea. Sartha-
censis.
Trigonia elongata, major.
Mytilus gibbosus, solenoides.
Lima proboscidea.
Avicula inaequivalvis.
(îervillia aviculoides.
Peraa mytilodes, Bachelieri.
Pocton fibrosus, lens, aequistriatus.
Ostrea dilatata. Marshii, amor, amata
alimena gregaria.
Bhynch. Boyeriana, quadriplicata, etc.
Tereb. reticulata, bicanalicnlata, callo-
viensis, etc.
Disaster ellipticus.
Pygurus dcpressus,
Monllivaltia regularis, etc.
L'oxfordien n'est pas nettement séparé du callovien.
Les espèces au-dessus ont besoin d'être revues.
Le tertiaire est azoïque; ce qu'on y trouve dans les silex provient du
crétacé, dont il paraît être presque partout un remaniement.
Il y a de plus en caisse un grand nombre d'échantillons de roches et
de fossiles, car le musée n'a pas fini son odyssée. Sous la menace per-
pétuelle d'un troisième déménagement, je ne puis ni les étudier, ni les
ranger en ce moment.
Malgré tout, attendant des jours meilleurs, je réunis des richesses
scientifiques pour l'avenir, et soutenu par la bienveillance des savants
qui ont bien voulu m'encourager, j'espère laisser à ma ville un musée
d'histoire naturelle assez complet pour être utile à mes compatriotes et
assez bien rangé pour être agréable aux savants qui voudront bien nous
visiter. Là se borne toute mon ambition.
M. PELLAT
COMPARAISON DES NIVEAUX KIMMERIDGIENS ET PORTLANDIENS AU HAVRE
ET DANS LE BOULONNAIS
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 30 août 1 87',
M. Pellat adresse une lettre dans laquelle il cherche à établir un paral-
lélisme entre les étages géologiques du Boulonnais et ceux du Havre.
M. Lennier dit qu'il y a certainement des rapports entre la constitution
352 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE
géologique du Boulonnais et celle du Havre, mais qu'on ne saurait prétendre
qu'il y ait parallélisme absolu. Pour n'en citer qu'une preuve, M. Lennier
rappelle que des sondages ont permis de constater qu'au Havre, immédiatement
au-dessous de Kimmeridge, existe le terrain oxfordien. Le Corallien manque,
par conséquent, tandis qu'il est très-développé dans le Boulonnais.
9e Section
BOTANIQUE
Président M. BAILLON, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris.
Vice-Président M. TISON, Professeur à la Faculté libre des Sciences de Paris (i)
Secrétaire M. DUTAILI.Y, de Paris.
M. EBRAÏÏ
CATALOGUE DÉTAILLÉ DES PLANTES PHANÉROGAMES RARES OU CURIEUSES
DES ENVIRONS DU HAVRE
(EXTRAIT du proces-verbai. .)
— Séance du 24 août 1877. —
M. Ebuan lit un catalogue détaillé de ces plantes et parle des modifications
éprouvées par les végétaux qui changent de milieu. Il insiste sur la non-
persistance d'un certain nombre de formes végétales considérées comme espèces
permanentes par les botanistes de l'école de M. Jordan. 11 cite notamment
VAnthyllis sericea, qui ne serait, en réalité, qu'un Anthijllis tmlneraria plus
velu que d'habitude et croissant au bord de la mer.
M. l'abbé EOÏÏCHY
à Ségur-les- Villas.
LE JORDANISME ET L'ANTIJORDANISME
— Séance du 24 août 1877. —
H) M. Bâillon, Président de la Section, élu au Congrès de Clermont-Ferrand (1876), ayant été
empêché d'assister au Congrès du Havre, M. Tison, Vice-Président, a dirigé les travaux de la
Section.
554 BOTANIQUE
M. DÏÏTAILLT
MORPHOLOGIE DE LA FLEUR MALE DU COUDRIER
(EXTRAIT W PROCÈS-VERBAL. '
— Séance du 24 août 1877. —
M. Dutailly, décrivant spécialement la fleur mâle du Coryllus avellana,
montre qu'elle est régulière durant les premières phases de son développe-
ment. Elle naît à Faisselle même d'une bractée et ne subit que plus tard un
entraînement de bas en haut sur cette même bractée. Elle débute par un ma-
melon surbaissé, sur les flancs duquel naissent deux bractéoles opposées que
l'on considère généralement comme des stipules de la bractée. Cette opinion,
on le voit, est erronée puisque ces prétendues stipules dépendent, en réalité,
d'un axe très-court et non de l'appendice qui le sous-tend.Le Coryllus avellana
n'a pas huit étamines uniloculaires, comme on le dit , mais quatre éta-
mines biloculaires dont l'anthère et le filet sont divisés longitudinalement dès
la base. Ces quatre étamines débutent, en effet, par quatre mamelons simples,
alternant par paires décussées et qui se dédoublent de très-bonne heure. L'ob-
servation de ce fait explique la nature réelle des étamines, bifurquées en Y,
des Charmes et des Bouleaux. Simple d'abord, dans ces dernières plantes, le
mamelon staminal ne s'est bifurqué que sur le tard. Quant aux fausses stipules
superposées à la bractée dans ces mêmes végétaux, elles naissent toujours
(comme M. Bâillon l'avait déjà prouvé pour l'Aulne, et comme l'auteur l'a
décrit plus haut dans le Coudrier), sur le petit rameau axillaire qui, au-des-
sus d'elles, se transforme immédiatement en une (Coryllus) ou plusieurs fleurs
(Betula)
Visite au Jardin Botanique et à l'École d'Arboriculture
(EXTRAIT DU PROCES-VERRAT..!
— SS (10 Û ! I S7 7.
Les Membres présents ont admiré les magnifiques arbres fruitiers que ren-
ferme l'Ecole d'Arboriculture, et passé soigneusement en revue les nombreuses
et souvent rares espèces du Jardin botanique. Ils ont vivement félicité MM. les
Administrateurs.
E. GRENIER. — LES DIATOMÉES DU HAVRE ET DES ENVIRONS OoS
m. cii. Qunr
Vice-Présidont do la Société Géologique do Normandie.
SUR LES VÉGÉTAUX FOSSILES DE L'ARRONDISSEMENT DU HAVRE
(EXTRAIT Dl' PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 27 août 1877. —
M. Ch. Qitn lit un mémoire sur les végétaux fossiles de l'arrondissement,
fait ressortir leur importance paléontologique et indique les couches qui en
renferment le plus grand nombre. '
M. E. GEEÏÏIEK
Pharmacien nu Havre.
LES DIATOMÉES DU HAVRE ET DES ENVIRONS.
— Séance du 27 <i>>ût 1877. —
Je n'ai point la prétention de vous offrir une étude, même abrégée
sur les Diatomées, cela m'entraînerait trop loin, et j'ai voulu tout sim-
plement, comme part contributive aux travaux de mes collègues du Cercle
d'horticulture et de botanique du Havre, dresser un catalogue proba-
blement fort incomplet des espèces de diatomées trouvées dans les eaux
du Havre et des environs.
Avant de vous soumettre cette liste, faite trop précipitamment pour
que l'on y rencontre cette exactitude rigoureuse, si nécessaire dans les
travaux de sciences naturelles, je dois déclarer cependant qu'il ne faudrait
pas m'accuser d'erreur, par la seule raison qu'une espèce indiquée ne
serait pas retrouvée ; car, dans les récoltes faites par moi-même ou par
M. Dalton, notre habile préparateur, auquel je dois beaucoup de celles
que je possède, il nous est fréquemment arrivé de ne plus retrouver les
mêmes diatomées à l'endroit précis où, fort peu de temps auparavant,
elles étaient très-abondantes.
D'un autre coté, des espèces assez nombreuses ont été recueillies dans
cette partie de terrain que les travaux de l'avant port ont totalement bou-
leversée, et je signalerai spécialement un Actinocylus Ehrenbergii trouvé
à profusion sur un mur de la jetée sud, aujourd'hui disparu, et que
je n'ai point rencontré ailleurs. Dans des flaques d'eau de ces terrains
556 BOTANIQUE
nous avions trouvé en quantité considérable et presque à l'état de pureté
absolue le Pleurosigma angulatum. On retrouve cette espèce dans les
llaques de l'Eure mais mélangée à nombre d'autres et le premier habitat
n'existe plus.
J'ai dit en commençant que les Diatomées n'avaient été jusqu'alors
que fort peu étudiées en France. En effet, depuis Bory de St-Vincent, le
créateur du genre Navicula, on ne rencontre guère que les noms de
Dujardin,qui considérant à tort ces êtres comme des animaux, en a fait
une revue très-courte à la fin de son Histoire des Infusoires. M. de
Brébisson, ce savant universel, a publié de trop courts travaux sur cette
matière, qu'il connaissait bien cependant {Diatomées de Cherbourg et
Diatomées de la mousse de Corse, ces deux opuscules avec planches).
En 1870, un élève de M. de Brébithy, M. Ch. Manoury, fit paraître nne
étude sur les Diatomées, au point de vue spécial de l'organisation et
de la reproduction . Ce travail est fort intéressant et fort bien fait.
En dehors de cette courte nomenclature, faut-il parler des notices
puDliées dans divers ouvrages de micrographie ou de botanique? Ce
sont de simples exposés généraux donnant à grand'peine les éléments
d'une classification. Je dirai cependant que l'ouvrage du Dr Pelletan (Le
Microscope), contient quelques données fort utiles et des dessins bien
faits. Le bel ouvrage que publie le savant président de cette section,
M.. Bâillon, mentionne les genres de Diatomées, et c'est, là un pas
de fait puisque, avant lui, les dictionnaires de botanique se bornaient à
la nomenclature des familles, quand ils allaient jusque-là. Dans aucun
que je sache, on ne trouve de descriptions spécifiques.
A coté de cette pénurie, l'Angleterre et l'Allemagne abondent en
ouvrages de longue haleine sur cette classe si intéressante des algues
microscopiques et ces livres sont splendidement illustrés. Je ne ferai
que citer les principaux : chez les Allemands, Kritzing (1849), Ehrenberg,
Rabenhorst, Grunow, etc. , etc.; chez les Anglais, Hassall, Grégory, Twaites
dans diverses publications, le Dr Ralfs dans l'ouvrage de Pritchard (Histoire
des Infusoires) ; William Smith dans son splendide Synopsis des Diato-
mées d% Angleterre ; le Dr Donkin dans son Histoire naturelle des Dia-
tomées d'Angleterre, qu'il publie actuellement, ont décrit et dessiné des
quantités considérables de ces êtres si petits et d'une structure si merveil-
leuse.
Je cite pour mémoire le Journal de la Société micrographique, de
Londres, qui publie souvent des articles sur les Diatomées, avec illus-
trations.
Le docteur Pelletan. dont j'ai déjà parlé, vient de fonder un journal
de micrographie, que je ne puis apprécier, puisque je ne l'ai point encore
vu. Je souhaite qu'il imite la publication anglaise.
E. GRENIER. — LES DIATOMÉES DU HAVRE ET DES ENVIRONS 5'57
Vous trouverez ici, Messieurs, dans l'exposition de notre collègue
M. Leroy, les livraisons parues d'un Atlas iconographique de Diatomées
publié en Allemagne par M. Adolf Schmidt. Les figures sont de grande
dimension et ne se bornent pas aux espèces, mais vont jusqu'aux
variétés. Soit dit en passant, l'auteur pousse peut-être un peu loin
la division : multiplier les noms n'est pas toujours apporter de la clarté et,
comme pour les phanérogames, des circonstances diverses influent sur
ces êtres si délicats, de sorte que, et en cela je suis d'accord avec le
DrPellctan,d*uu lieu à un autre, on voit apparaître de nombreuses variétés
dont on a souvent fait des espèces distinctes et qui ne diffèrent parfois
que par des caractères insignifiants ou par la taille. Quoi qu'il en soit,
l'Atlas de M. Schmidt est un bel ouvrage; malheureusement, il n'a pas
de texte.
En résumé, chez nous, absence presque totale de travaux sur les Dia-
tomées ; ouvrages nombreux descriptifs et iconographiques chez nos
voisins. L'ouvrage de Pritchard, qui m'a servi de guide dans mes recher-
ches, décrit près de 3,000 espèces.
Je n'ai pas la prétention de combler cette lacune dans la science française,
je n'ai ni les connaissances, ni le talent nécessaires, mais j'ai voulu vous
la signaler, Messieurs, persuadé que les membres de l'Association fran-
çaise pour l'avancement des sciences sauront bien stimuler une étude si
attrayante.
Pour rendre moins aride la lecture du catalogue des Diatomées du
Havre, j'ai joint pour chacun des genres de cette flore microscopique
la photographie au grossissement de 600 diamètres d'au moins une
espèce. J'ose espérer que la fidélité de l'image compensera son peu de
valeur artistique.
J'ai traduit de Pritchard le Tableau synoptique résumant la classifica-
tion, et ce guide indispensable précède la liste que je vous soumets.
DIATOMÉES DU HAVRE ET DES ENVIRONS.
Nota. — Les espèces marquées * ne sont pas décrites dans Pritchard, où leur syno-
nimie n'a pas été établie d une manière déflnitive.
Les noms sont presque tous pris dans l'ouvrage de M. Wood.
Eunotiées.
Cl. Epithemia Ep. argus (Harfleur) * Epith. inflata (Havre).
— gibba (Havre et Harfleur) — sagitta —
— marina (Harfleur) — salina —
— musculus (Ste-Adresse)
G. Himantidium Him. pectinale (Havre) * Him. salinum (Havre)
558
BOTANIQUE
Mkridiébs.
Ci. ileridion Meridion chculare (Rouelles).
LlCMOPHORÉES.
Pod. Erhcnbergii (Ste-Adres.)
Pod. robusta (Havre).
U. Podosphenia
Ci. Rhipidiphora Rhip. tenella (Havre).
G. Lirmophora * Lie. lurgida (Havre).
© Sceptroneis Sceptrones eaduceus (Estomac d'un Pecten).
Fragilariéhs.
Ci. Denticula Dent, elegans (Havre).
Ci. Odontidiiim Od. hiemale (Bruneval).
Ci. Fragilaria. Frag. virescens (Rouelles).
Cf. Dlatoma Diat. grande (Harfleur) * Diat.latissimum (Havre), niarinum (Havre)
CJ. IVitzchla N. Brebissonii (Havre) * Nitzc. clavata (Havre).
— inflata —
— latestiiata (Harfleur)
— sigma (Havre)
— sigmoidea —
— amphyoxis —
— vivax —
— carinata —
CJ. Amphipleura Amp. pellucida (Jardin St-Rochj
SURIRELLÉES.
Cî. Baeillaria B. cursoria (Havre)
Ci. Synedra Syn. acus —
— acuta —
Duplex (Harfleur)
gracilis —
Harrissonii —
Hodsonii —
intermedians —
Serians —
Subtilis —
H. paradoxa (Havre) *
Syn. pulchella (Harfleur).
— ulna —
L — corrugata (Havre).
k — macrum —
' — marina —
Ci. Tryblionella
Q. Cymatopleura
fasciculala —
fortis —
longissima (Rouelles)
notabilis (Havre)
Tr. gracilis (Jardin St-Roch et Harfleur .
Cym. ovum (Rouelles et Havre) * Cym. Salina (Havre)
— solea (Jardin St-Roch, etc.).
Ci. Snrlrella S. Gemma (Havre, etc).
— lata (Harfleur)
— minuta (Jardin St-Roch)
— limosa (Honfleur)
— ovalis (Havre)
— ovata —
— salina —
=■ splendida (Rouellesj
— slriatula (Harfleur).
Ci. Campylodiacu» C. clypeus (Huitres de la rade) C. cribrosus (Havre).
— decorus • — granulatus (Harfleur/.
— costatus (Rouelles; • — sollitianus (Harfleur/.
— spiralis (Cresson de Gournay) * C. tortuosus (Havre/.
S. Subsalina (Havre).
* — Brebisonii (Harfleur)
f — Danica
* — hyalina (Graville).
* — iilequalis (Havre).
* — marina (Harfleur/.
* — musca (Havre).
* — punctata —
' - spiralis? -=»
E. GRENIER. — LES DIATOMÉES DU HAVRE ET DES ENVIRONS
359
Striatellées.
«. Striatella Striatella unipunctata (Havre).
G. Rhabdonema Rh. arcuatum (Havre). Rh. mirificum (Harfleurj.
Cl. Grammatophoru Gr. marina (Havre, etc.) subtilissima (Havre).
— serpentina (Havre).
MÉLOSIRÉES.
G. ^(cphnnogoniw Steph. polygona (Harileur, etc. ).
Ci. Podosira * Pod. duplicata (Havre)
Cl. Melogira M. arenaria (Orth.), (Havre)
— nummuloides —
— roseana —
— varians (Orth.), (Havre)
— sulcata (Orth.) (Rouelles)
M. Hodsonii (Havre).
— tumida —
— subtilis
(carapace d'un Chiton).
(Globifera. — (Pod Mon-
tagnei) (Havre).
C. lirmus (Hartleur).
— major (Fécamp).
— marinus (Havre).
— operculatus (Harfleur).
— undulatus (Havre).
COSCINODISCÉES.
G. Coscinodlscus C. gigas (Estomac d'un Pecten)
— oculusiridis (Havre)
— radiatus —
— striatus (Fécamp)
— bombus (Havre)
G. Aetlnocyclas Act. Erhenbergii (Jetée du Sud) * Act. centralis (Havre).
— subtilis (estomac d'un Pecten).
G. Actinoptychas Act. splendens (Fécamp, Huîtres) Act. undulatus (Havre, etc)
Eupodiscées.
Ci. Enpodlscas Eup. argus (Havre) * E. moniliformis (Havre).
Riddulphiées.
G. Biddulphia B.leévis ^Harfleur) * B. constricta (Harfleur).
— pulchella — * — hyalina —
G» Isthmia Isth. inervis (Bruneval, Algues).
Anguliferées.
U. Triceratium T. favus (Fécamp, Havre) Tr. spinosum (Havre).
Amphitetras Amp. antediluviana (Havre) * Am. hyalina (Graville).
ChAÏOCjERÉËS.
Cl. fithizosolenia Rh. slyliformis (Havre).
COCCONÉIDÉES.
Cl. Cocconiieis C. americana (Graville)
— costata (Havre)
— excentrica (dev1 Frascati)
— fasciola (Havre)
-~ gemmata (est. d'un Pecten)
— Grevillei (Havre).
C. Plàcentula (Rouelles) ■
— punctata (Harfleur).
— transversalis (Havre)
— Comberi (Harfleur).
— marina (Havre).
560 BOTANIQUE
ACHNANTÉES.
G. Achuanthidium * Ach. fenestralum (Havre) *
G. tchiianthe» Ach. brevipes(Havre)
— longipes —
— exilis (Jardin St-Roch)
(Havre).
* — crux (Havre)
CtmbelléeS.
G. Cocconema Cocc. cistula (Havre)
— lanceolatum (Jardin St-Roch)
G . Amphora Amph. marina (Harfleur)
— membranacea (bassin Dock)
— ovalis (Havre).
GOMPHONÉMÉES.
G. Gomphonema G. capitatum (Jardin St-Roch)
— clavatum —
* Ach. parvura (Havre).
* Ach. curtum (Havrej.
* — major (Harfleur)
* — transversalis
* — vulgaris (Havre).
* C. littorale (Havre).
' — normanni —
Amph. asterica (Havre).
— clavata (Harfleur).
G. geminatum (Havre)
Naviculées.
G. IVaTicnla N. amphisbœna
I Havre
— elliptica (
estomac
— cruciformis i
de
— longa
| Pecten
— convexa (Havre)
— cuspidata (Jard. St-Roch)
— crabro (Fécamp, huîtres)
— décora (Havre)
— entomon (bassin Dock)
— fusca (Jetée du Sud)
— granulata (Ste-Adresse, Honfleur)
— Hennedyi (Fécamp, huîtres)
— hnmerosa (Ste-Adresse, Honfleur)
— liber (est. de Pecten) N. (Pinnularia)
N'. palpebraiis (Honfleur).
— prœtexta(huitr. delarade).
— pygmaea (Havre).
— subsalina (est. de Pecten).
— scopulorum (Havre).
— suborbicularis —
— treveliana
— tumida (Ste-Adresse, parc
aux-Huîtres, embouch.
delà Lézarde)
* Boreii (Harfleur).
* crystalina —
* Gregoriana —
* Lenormandi (Havre).
* Viole tta —
, viridis (commun)
— limosa (Havre) * — — Ergadiensis (Havre)
— N. littoralis (Ste-Adresse, Honfleur. etc) * Pinnulariaelongata.
(Harfleur).
— lyra (Ste-Adresse, Honfleur)
— musca (jetée du Sud, etc.).
— fortis (Ste-Adresse, Honfleur)
G. Stauroneis St. aspera (est. de Pecten
— granulata (Harfleur)
Striata (Havre).
G. Pleurogigma PI. acutum (Havre)
— angulatum —
— atténua tum (Rouelles)
minuta (Havre)
* St. cursoria (Harfleur)
* — elongata —
PI. rigidum (jetée du Sud).
— sinuosum (Havre).
— speciosum —
balticurn (flaques de l'Eure) — strigile —
formosum (Havre) — strigosum —
H. HAILLON. — ORGANOGÉME FLORALE DES GARRYA 561
Ci. Pleurosiffina. PI. elongatum kHartl»;ur; — tenuissimum —
— hippocampos — * — Erhenbergii (Harfleur)
— inliatum i Havre) * — gracile (Havre).
— littorale (Harfleur) * — medianum —
— macrum — — pellucidum —
— navieulaceum (Havre) * — recurvatum( Jardin Sl-Roeh).
— Parkerii (Harfleur * — viridt; (Harfleur).
— quailratum (Havre) * — marinum (Havre).
d. Toxonidea Tox. Gregoriana (Ste-Adresse) * Tox. indontala (Havre)
<: Doukinia Donk. Carinata (Ste-Adresse) D. minuta (Ste-Adresse).
Ci. Amptiiprora Amph. alata (Raques de l'Eure) Amph. macilenta iHonfleur).
Ci. Mchizoïicma Schiz. capitatum (Havre) * Sch. arborescens (Havre;
— Grevillei (Havre)
Ci. Micromega Micr. Erhenbergii (Havre) * micr. ovalis (Havre)
* — firma (Harfleur)
ACTINICÉES
Ci. Dictyorha Dictyoch. fibula (Ste-Adresse, Parc-aux-Huitres ;
le Havre, estomac d'un Pecten).
M. H. BAILLON
Professeur à la Furulté île médecine de Paris.
ORGANOG5NIE FLORALE DES GARRYA
— Séance du 27 août I8'7. —
La place des Garrya dans la classification naturelle est encore aujour-
d'hui fort controversée. Endlicher (1) les rangeait à la suite des Scépacées
que nous avons ramenées (2), ainsi que les Antidesmées, vers la grande
famille des Euphorbiacées. Lindley (3) qui a créé la famille des Gar-
ryacées (4), classe celle-ci dans une Alliance spéciale des Garryales,
qui comprend en outre les Helwingiacées , et qu'il interpose aux. Ju-
glandées et aux 3Iénispermacées. M. J. G. Agardh (o), s'attachant en
première ligne aux caractères de l'inflorescence, considère les Garryacées
comme « analogues aux Amentacées, collatérales aux Cupulifères et aux
Folhergillées et constituant peut-être une forme inférieure à certaines
Flacourtiées et Homaliées. » M. Decaisne (6) maintient, bien entendu, la
(i) Cm. -plant., 288, n. 1900.
(2) In Bull. Soc. but. de Fr., IV. 993; Hist. des plant., V, 244-
(3) Vej. Kingd. (1846), 295.
(4) in Bot. Reg., XX (1834!, t. 1686.
(5) Theor. System, plant. (1858), 157.
(6) Trait, yen. bot. (1868), 255.
36
562 BOTANIQUE
famille des Garryacées, ce qui est bien plus commode que de chercher
les véritables affinités de ces plantes, et il place, comme Jussieu, les
Garrya entre les Cornées et le Gunnera qui est une Haloragée. Il a
d'ailleurs le tort de conserver dans sa famille des Garryacées des élé-
ments hétérogènes; et, comme presque toujours, il figure d'une façon
erronée l'organe femelle des Garrya, la disposition des ovules et de
l'embryon, la situation des graines et de leurs diverses portions, etc.
Il considère le périanthe mâle comme formé de «quatre sépales linéaires,
submembraneux, étalés», et le périanthe femelle comme « à deux lobes
sétiformes ou sans lobes apparents.» Il décrit les ovules et les figure
comme « géminés.» Il donne à tort les deux styles comme alternant avec
ce qu'il appelle les lobes du périanthe dans la Heur femelle. Il attribue
aux graines « un testa mince, rugueux transversalement et un raphé
saillant latéral », tandis que nous verrons le tégument séminal exté-
rieur extrêmement épais et le raphé moins proéminent que lui. Il croit
que les fleurs sont toujours « ternées à l'aisselle de bractées décussées»,
sans s'apercevoir que c'est précisément sur l'existence de fleurs solitaires
qu'on a fondé le genre Fadyenia, inséparable des autres Garrya. Il
place sur un seul placenta, alterne avec les styles, deux ovules collaté-
raux dont il tourne le micropyle du côté des styles; il suppose donc
qu'il y a dans chaque ovaire quatre ovules disposés par paires. Dans le
fruit, il dispose deux graines en face des styles, tandis qu'elles alternent
avec eux. Sur la coupe longitudinale de la graine, il place l'embryon
(ou quelque chose qui lui ressemble plus ou moins) du côté de la cha-
laze, tandis que vers le micropyle il figure l'albumen seulement; et
lorsqu'il représente, suivant ses expressions, une « coupe transversale de
l'ovaire, pour montrer la disposition des ovules et de l'embryon » (comme
s'il y avait des embryons et un albumen développés dans l'ovule), il des-
sine l'embryon (ou ce qui lui ressemble) deux fois coupé en travers*
comme s'il était arqué ou replié sur lui-même. On voit qu'il serait dif-
ficile d'accumuler sur une même question un plus grand nombre d'er-
reurs inconcevables, et que connaissant si mal l'organisation d'un genre,
il devient très-difficile d'arriver à la détermination de ses affinités (1).
Ad. Brongniart rapprochait avec doute les Garrya des Cornacées. MM. Ben-
tham et Hooker (2) les ont définitivement insérés dans cette famille,
entre les genres Aucuba et Griselinia (3).
Le développement des fleurs mâles peut facilement être observé pen-
dant l'été sur le Garrya elliptica, qui a longtemps été la seule espèce
(1) Aussi l'auteur change-t-il souvent d'opinion sur les rapports des Garrya qu'ailleurs (in Bull.
Soc. bot., XX, 158) il rapproche à tort des Hamamélidées.
(2) Gen. plant., I, 'Soi, n. 8.
(3) Qui sont presque inséparables l'un de l'autre et auxquels le Garrya ne doit pas être inter-
posé.
II. BAILLON. — ORGANOGÉNIE FLORALE DES GARRYA 563
qu'on cultivât dans nos jardins, mais dont l'individu femelle est beau-
coup plus rare et n'existe peut-être même pas vivant en France. On
voit souvent, au sommet des rameaux, poindre dès le mois de juin des
inflorescences qui s'épanouiront dans le courant de l'hiver suivant; de
sorte que cet arbuste ne se comporte pas à cet égard comme la plupart
de ceux qui sont cultivés chez nous. L'inflorescence est un épi, simple
ou ramifié, chargé de bractées décaissées et connées dans l'aisselle des-
quelles les fleurs sont solitaires ou groupées en cymes bi-triflores. Le
plus souvent il y en a trois, dont une de première génération, et deux
plus jeunes, appartenant à une deuxième génération et se développant
à droite et à gauche de la première, sans bractées axillantes.
Chaque fleur est d'abord représentée par un mamelon qui devient ob-
conique-surbaissé et sur lequel, plus bas que le sommet, se montrent
simultanément les quatre folioles du périanthe; deux antérieures et
deux postérieures, plus tard concaves et valvaires. Il est donc probable
que ce sont quatre pétales. MM. Bentham et Hooker et M. Decaisne les
considèrent comme des sépales. Leurs sommets s'infléchissent en une
petite clef pondante au niveau de laquelle ils demeurent souvent plus
ou moins étroitement collés, pendant que leurs bords adultes s'écartent
les uns des autres. En dehors d'eux le réceptacle s'épaissit en un bour-
relet marginal qui peut devenir légèrement saillant dans l'intervalle des
pétales, mais qui n'est probablement pas un véritable calice. Peut-être
n'est-ce qu'un renflement réceptaculaire., comme il s'en produit si sou-
vent à la base des véritables périanthes; mais nous ne pouvons rien
affirmer à ce sujet. Les quatre étamines se montrent aussi simultané-
ment en dedans des pétales et dans leurs intervalles; elles se composent
finalement d'un filet libre et d'une anthère basifixe , introrse, déhiscente
par deux fentes longitudinales. Le gynécée est relativement volumineux
dans les très-jeunes fleurs. 11 est représenté par deux feuilles carpellaires
latérales, en forme de croissants qui se regardent par leur concavité et
qui s'élèvent connés pour limiter une petite fossette centrale, seul rudi-
ment de cavité ovarienne qu'on observe dans la fleur mâle.
Le développement des fleurs femelles a dû être étudié sur une autre
plante qui ne fleurit à Paris que depuis deux ou trois ans et qu'on a
considérée comme un hybride des Garrya elliptica ou macrophylla et
du G. Fadyeni. Il a tout à fait l'organisation florale de ce dernier, et je
ne sais trop s'il en diffère véritablement. Il a été désigné à Antibes par
un nom composé de celui de ses parents supposés, et M. Carrière l'a
appelé G. Thuretii. Pas plus que celle du G. Fadyeni, sa fleur femelle
n'a normalement de périanthe. Aussi est-elle simplement représentée
par un mamelon plein qui occupe seul l'aisselle des bractées de l'inflo-
rescence. Sur le mamelon se montrent bientôt à droite et à gauche les
ô6i BOTANIQUE
deux feuilles carpellaires. Ce sont des croissants qui s'élèvent en deve-
nant connés par leurs extrémités et limitent l'enceinte ovarienne que leurs
sommets atténués couronnent ensuite, en divergeant, de deux branches
stylaires latérales, parcourues par un sillon longitudinal médian de
chaque côté duquel on voit commencer l'évolution des papilles stigma-
tiques.
C'est sur la paroi de l'ovaire, en avant et en arrière, que se mon-
trent les deux saillies placentaires qui s'avancent généralement fort peu
dans la cavité unique de la loge et qui produisent bientôt, vers leur
extrémité supérieure, un seul mamelon ovulaire. Chaque ovule devient
bientôt descendant, se recouvre d'une enveloppe incomplète et dirige,
dans son mouvement anatropique, son micropyle en haut et en dessous
du hile, de sorte que le raphé regarde celui de l'autre ovule. Le funicule
est court, épais ; il s'hypertrophie bientôt en une sorte d'obturateur qui
vient entourer le hile et coiffer l'ouverture micropylaire. On comprend
par ce qui précède que le gynécée d'un Garrya représente assez bien
celui d'une Cornacée dont les placentas ne s'avanceraient pas jusqu'à
l'axe de l'ovaire pour partager sa cavité en deux loges. De là est venue
cette idée, confirmée par l'expérience, que les Garrya pourraient être
avantageusement greffés sur des Cornées et réciproquement. Nous avons
vu de très-beaux Garrya elliptica qui avaient pris un grand développe-
ment sur VA ucuba japonica.
Peut-on d'ailleurs admettre que les Garrya autres que ceux de la
section Fadyenia aient leur fleur femelle pourvue d'un véritable pé-
rianthe? Ce qu'on a considéré comme tel dans plusieurs espèces cali-
forniennes, nous semble être une paire de bractées qui peuvent prendre
un assez grand développement, notamment dans la ileur qui termine
une inflorescence, et qui sont exactement alternes avec les deux bractées
axillanles des fleurs précédentes. Ces bractées sont plus ou moins soule-
vées et entraînées sur l'ovaire de la fleur terminale; elles peuvent être
situées à mi-hauteur sur sa paroi, mais elles arrivent rarement à être
insérées tout en haut, comme les véritables sépales d'une fleur à ovaire
infère. II y a aussi des ovaires qui sont couronnés d'une sorte d'enve-
loppe florale encadrant la base du style, quelquefois très-développée et
d'apparence pétaloïde ; ces lames irrégulières paraissent dépendre d'une
hypertrophie morbide succédant peut-être à la piqûre d'un insecte.
Les fruits des Garrya sont mal connus; ils mûrissent cependant dans
notre pays, notamment ceux du G. Thuretiï. Quoiqu'on les décrive
comme des baies, leur péricarpe est mince, à peu près complètement
sec à la parfaite maturité; c'est une membrane alors dépourvue de sucs.
Il y a cependant quelque chose de charnu et de pulpeux dans ses fruits;
c'est une portion des graines qui fournissent un des rares exemples con-
H. BAILLON. — ORGANOGÊNIB FLORALE DES GARRYA 565
nus d'arille généralisé. Pendant la maturation, leur tégument superli-
ciel se boursoufle de toutes parts. Ses cellules proéminent alors comme
une sorte d'écume de liquide visqueux: leur accroissement est très-rapide.
Leur aspect rappelle celui de la substance des strophioles de certaines
Papavéracées, etc. D'abord elles sont à peu près incolores. Plus tard
elles deviennent d'un pourpre vineux. La saveur de leur contenu est
alors acidulée et un peu amère. Elles vont s'appliquer contre le péri-
carpe, dont l'épaisseur demeure peu considérable. La portion charnue du
fruit dépend donc ici du tégument séminal; et c'est celte couche épaisse,
molle, pulpeuse, que M. Decaisne, toujours inexact, décrit comme un
« testa mince, rugueux transversalement. »
EXPLICATION DKS FIGURES.
PLANCHE V.
Les mêmes organes sont désignés par les mêmes lettres : br. bractées axillantes des
fleurs; b. bourrelet extérieur aux pétales (calice?); p. pétales; e. étamines; c. car-
pelles; o. ovules; n. nucelle; f. l'unicule; cm. embryon ; ch. chalaze ; alb. albumen.
Fig. 1. — Garrya elliptica (mâle). Jeune inflorescence, chargée de bractées décus-
sées br.
Fig. 2. — Bractée séparée br, vue par sa face interne; dans une aisselle, une seule
fleur dont le réceptacle porte déjà les pétales pp.
Fig. 3. — Jeune fleur isolée, ayant quatre pétales p, à peu près égaux.
Fig. 4. — Fleur plus âgée, les quatre pétales p égaux, plus grands.
Fig. 5. — Bouton plus avancé. En dehors des pétales p qui portent déjà en haut et
en dehors quelques poils, se montre le bourrelet b qui tient la place
du calice, avec de légères saillies alternes aux pétales; et en dedans d'eux
quatre mamelons staminaux alternes e.
Fig. 6. — Bouton plus âgé; le bourrelet calicinal (?), les pétales et les étamines plus
développés.
Fig. 7. — Coupe longitudinale du bouton précédent. Au centre du réceptacle com-
mence à se montrer le gynécée.
Fig. 8. — Bouton plus âgé encore dans lequel les deux carpelles c se voient latérale-
ment, se regardant par leur concavité.
Fig. 9. — Bouton dans lequel les anthères e ont déjà leur sillon médian interne vi-
sible et les carpelles' se sont rapprochés pour enclore un rudiment de ca-
vité ovarienne.
Fig. 10. — Coupe longitudinale du même bouton. Mêmes lettres.
Fig. 11. — Fleur plus âgée, dans laquelle le périanlhep est complètement clos.
Fig. 12. — Coupe longitudinale de la fleur précédente.
Fig. 13. — Bractée florale br, dont l'aisselle renferme (comme c'est le cas le plus ordi-
naire) trois fleurs, dont une médiane /i, et deux latérales p, de deuxième
génération et qui ne sont pas exactement du même âge l'une que l'autre.
Fig. 14. — Coupe longitudinale de la fleur médiane représentée dans la figure précé-
dente.
566 BOTANIQUE
Fig. 15. — Garrya Thuretii (femelle). Bractée florale br dans l'aisselle de laquelle est
une seule fleur déjà pourvue de deux carpelles ce.
Fig. 16. — Bouton de la figure précédente, vu par le sommet pour montrer la forme
en croissants des deux carpelles ce.
Fig. 17. — Fleur femelle plus âgée, les deux carpelles ce devenant connés sur les bords.
Fig. 18, 19. — Ages successifs du gynécée constituant à lui seul toute la fleur fe-
melle.
Fig. 20. — Gynécée plus âgé, la portion stylaire des carpelles c devenue distincte.
Fig. 21. — Coupe longitudinale du même gynécée. Le placenta, alterne avec les deux
styles, porte déjà un mamelon ovulaire o.
Fig. 22. — Gynécée plus âgé.
Fig. 23. — Coupe longitudinale du même; l'ovule o s'est allongé, et commence à des-
cendre.
Fig. 24. — Fleur femelle dont l'ovaire s'est couvert de poils et dont les deux styles
se touchent.
Fig. 25. — Coupe longitudinale bilatérale de la fleur précédente; cette coupe passe
par le milieu des deux styles c.
Fig. 26. — Coupe perpendiculaire à la précédente (antéro-postérieure) passant dans
l'intervalle des deux styles c et par l'axe des deux ovules o.
Fig. 27. — Coupe longitudinale antéro-postérieure d'une (leur plus âgée; mêmes
lettres.
Fig. 28—32. — États successifs de l'ovule, depuis l'époque où le nucelle n est dis-
tinct du tégument qui ne le recouvre pas, jusqu'à l'âge où il en est com-
plètement enveloppé et le micropyle recouvert par l'obturateur f que
forme le funicule dilaté.
Fig. 33. — Graine adulte. Le tégument extérieur est formé de cellules bosselées, iné-
galement saillantes, charnues, constituant un arille généralisé.
Fig. 34. — Coupe longitudinale de la graine précédente, passant par l'axe de l'em-
bryon em, de l'albumen alb, de la chalaze rh et du raphé déprimé r,
et montrant l'épaisseur qu'a prise le tégument cellulaire externe, pour
constituer Faillie généralisé qui recouvre toute la semence.
M. DALTON
SUR DES PREPARATIONS D'ANATOMIE VEGETALE
(f.XTKAII DU PROCKS-VERBAI..)
— Séance du 27 août 11
M. Dalton montre aux Membres de la Section des préparations d'anatomie
végétale habilement faites, et de nombreuses Diatomées qu'il a récoltées, dis-
posées et nommées avec grand soin.
E. TISON. LES PRÉTENDl'S PHYLLODES DES EUCALYPTUS 567
M. Edouard TISON
Professeur à l'Université catlioln|ui' de Paris.
LES PRETENDUS PHYLLODES DES EUCALYPTUS.
[EXTRAIT.]
— Séance du £7 août 1877. —
Les Eucalyptus australiens sont aujourd'hui assez bien connus dans notre
pays, surtout depuis que M. P. Raniel a introduit Y Eucalyptus ylobulus en
France et en Algérie, d'où on l'a propage dans les autres parties du monde.
Cette dernière espèce est fréquemment cultivée chez nous comme arbuste
d'ornement, quoiqu'elle ne résiste pas au froid de nos hivers, mais dans la
région de l'Oranger et surtout en Algérie, c'est un arbre des plus utiles par
ses produits que la médecine et l'industrie emploient déjà avec succès, et par
ses propriétés hygiéniques qui permettent d'assainir et de rendre habitables
pour l'homme, les endroits les plus exposés aux fièvres paludéennes. Dans les
premières années de leur accroissement, les Eucalyptus présentent générale-
ment les feuilles opposées qui, sous beaucoup d'autres rapports, ne diffèrent
en rien des mêmes organes, dans un grand nombre de végétaux. Plus tard,
ces feuilles subissent des modifications tellement profondes qu'elles seraient
méconnaissables pour quiconque n'aurait pas suivi toutes les phases de leur
développement. Elles deviennent alternes, d'opposées qu'elles étaient d'abord ;
leur pétiole souvent très-court sur les premiers rameaux, s'allonge plus tard
considérablement ; leur limbe se rétrécit, s'agrandit, devient falciforme et
insymétrique.
Autre phénomène sur lequel j'attire tout spécialement l'attention en ce
moment. Ce limbe qui était horizontal, c'est-à-dire avec une face supérieure
regardant le ciel et une face inférieure tournée vers la terre, prend une
situation verticale et ses deux faces regardent l'une à droite, l'autre à gauche.
En un mot, ces feuilles sont tellement modifiées qu'on ne saurait, sans
l'avoir constaté, admettre qu'elles proviennent du même arbre qui a produit
les premières. Pour résumer cette description, les feuilles modifiées des
Eucalyptus affectent définitivement la forme et la situation des vrais phyl-
lodes, tels qu'on les rencontre dans la plupart des Acacia australiens. C'est
cette apparence qui aura certainement trompé M. Duchartre, qui regarde
comme de vrais phyllodes les feuilles modifiées des divers Eucalyptus. On lit,
en effet, à la page 400 de la seconde édition de ses Eléments de botanique :
« Cette direction du plan des phyllodes se retrouve fréquemment, à la Nou-
velle-Hollande, dans un autre grand genre d'arbres, les Eucalyptus, de la
famille des Myrtacées, qui ont d'abord les feuilles simples, larges, situées
horizontalement, et qui, plus tard, ne forment plus, en général, que des
phyllodes dirigés dans un plan vertical, comme on le voit sur la figure 116.»
Or, cette figure montre un rameau d'Eucalyptus (dont on ne désigne pas
568 BOTANIQUE
l'espèce) présentant six feuilles opposées, disposées comme les folioles d'une
feuille composée-paripennée.
Afin de vérifier cette opinion qui, de prime abord, me paraissait très-sin-
gulière, j'ai fait l'organogénie des feuilles de V Eucalyptus globulus, et j'ai vu,
en suivant les développements successifs, que ces prétendus phyllodes sont de
vraies feuilles dont le pétiole a subi une torsion de 90° autour de son axe.
Ce sont donc de vraies feuilles qui n'ont de commun avec les vrais pbyllodes
que la forme et la situation dans un plan vertical. Tout le monde sait, en
effet, qu'on appelle pbyllode une feuille dont le limbe a avorté et dont le
pétiole s'aplatit et prend la forme d'une feuille dont il remplit les fonctions
physiologiques. Ainsi, un pbyllode étant un pétiole modifié, ne doit pas être
supporté par un autre pétiole. Or, il est facile de constater, sans le secours
d'aucun instrument grossissant, que les feuilles modifiées de l'Eucalyptus glo-
bulus ont : 1° un long pétiole; 2° que ce pétiole est tordu sur lui-même;
3° qu'il porte à son extrémité un limbe allongé, étroit, falciforme et insymé-
trique. Un simple coup-d'ceil jeté sur un rameau feuille de cette espèce con-
vaincra tout observateur sérienx, nous l'espérons, de l'erreur dans laquelle
M. Duchartre est tombé.
Dans le cours de ces recherches, il a été facile de constater que ce pétiole
porte à sa base une gaine bien apparente, creusée en une gouttière étroite et
allongée qui, dans le jeune âge, protège complètement le bourgeon axillaire.
C'est une disposition analogue à celle qui a été signalée depuis longtemps
dans le Platane, le Rhus coriaria et quelques autres plantes. Dans l'Eucalyptus
globulus, comme dans la plupart des végétaux, du reste, le bourgeon axillaire
n'est pas seul ; il est toujours accompagné d'un second, situé en dehors de lui
sur le même plan vertical. C'est un bourgeon de prévoyance qui ne doit se
développer qu'au cas où le premier subirait quelque accident.
M. J.-L. de LAOSSAN
Professeur agrégé de la Faculté de Médecine de Paris.
RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES FAISCEAUX DANS LE SOMMET DES AXES
ET DANS LES APPENDICES.
— Séance du 27 août 18~~. —
Le travail dont je nie propose (Je donner ici un simple résumé, a été
entrepris il y a déjà quelques années dans le but de vérifier d'une part
l'opinion de M. Nfflgeli au sujet du point dans lequel apparaissent en
premier lieu les faisceaux fibrovasculaires, d'autre par*, la théorie de
M. Van Tieghem d'après laquelle la disposition et les rapports affectés
DE LANESSAN. — DÉVELOPPEMENT DES FAISCEAUX 569
par les faisceaux à l'état adulte permettraient toujours de déterminer la
nature morphologique des organes.
M. Nsegeli a formulé sa manière de voir de la- façon suivante: « Les
cordons vasculaires communs à la tige et aux feuilles des jeunes pousses des
Dicotylédones el des Conifères commencent à se former au point de jonction
de leurs deux moitiés, au point où ils s'infléchissent dans la feuille, et de
là, ils s'allongent dans la tige de haut en bas, dans la feuille de bas en
haut. Cet allongement marche rapidement ; mais on peut cependant le
suivre pas à pas, notamment en ce qui concerne la formation des vais-
seaux. 11 y a a l'extrémité de la tige des cordons de cambium communs
dans lesquels on n'aperçoit d'abord qu'un seul vaisseau, situé au point
d'infléchissement. D'autres faisceaux qui dans leur extrémité supérieure
possèdent des vaisseaux développés, ne montrent plus bas qu'un vaisseau
ébauché et plus bas encore n'ont plus que du cambium.... Dans les
tiges de Chamœdorea et de Cordylineiï y a des cordons vasculaires qui
aussi commencent à se former au niveau du point où ils s'infléchissent
vers la feuille et continuent leur accroissement pareil haut dans la feuille,
par en bas dans la tige; mais ici l'allongement par en bas paraît se
faire beaucoup plus rapidement que chez les Dicotylédones. Les cordons
communs du Myriophyllum commencent également au niveau du point
d'insertion de la feuille, et de là s'allongent rapidement, vers la tige en
descendant, vers la feuille en montant (1).
Dans un travail publié récemment (2) et fait en grande partie dans le
laboratoire de M. Naegeli, à Munich, M. Guillaud adopte à peu près
complètement, en ce qui concerne les Monocotylédoncs, la manière de
voir de M. Nœgeli, relativement à la marche du développement lon-
gitudinal des faisceaux. « D'une façon générale, dit M. Guillaud, on peut
dire des Monocotylédones, que dans les faisceaux courbés vers le centre
de la tige, les premiers vaisseaux et le premier phloème apparaissent
vers le milieu de la courbure et marchent de là, de bas en haut vers la
feuille, de haut en bas vers la partie descendante du faisceau.... Pour
tous les autres faisceaux non courbés, je ne puis me montrer que d'une
grande réserve sur la direction de la différenciation, tout en croyant
cependant, qu'elle aussi reste soumise à l'état général de développement
des tissus ambiants. »
Dans son Traité d'Anatomie végétale, publié à la fin de 1877, M. de
Bary reproduit simplement la manière de voir de M. Nœgeli et ses figures.
Tel est le premier point de vue que j'ai dû examiner dans les re-
cherches que j'ai faites sur le développement des faisceaux.
(t) N.egeli, lieitrœge zur wissenschaftliche Botanik, I, 34.
(2) Recherches sur l'anatomie comparée et le développement des tissus de la tige des Mononotylê-
dones, Paris, 187g ; p. 15?
570 BOTANIQUE
L'opinion de M. Van Tieghem à laquelle j'ai fait plus haut allusion
et que j'ai dû également vérifier est formulée par lui de la façon sui-
vante : « L'organogénie épie la première apparition extérieure des organes
dans le bouton, alors qu'ils ne sont encore que de petits mamelons cel-
luleux, mais dès cette époque, il s'établit dans leur profondeur, entre eux
etl'axe sur lequel ils naissent, des liaisons vasculaires, dont l'organogénie
ne se préoccupe pas et qui sont dans une intime et nécessaire corré-
lation avec leur mode d'apparition et de développement. D'ailleurs, une
fois établis, ces liens sont désormais invariables. Il en résulte que la
nature morphologique d'un organe et ses rapports essentiels avec les
autres seront connus, quand on y aura déterminé, dans l'état adulte, la
distribution des faisceaux vasculaires et leurs connexions avec ceux des
organes voisins (1).
Dans la mise en application de son principe, M. Van Tieghem con-
sidère tout organe appendiculaire dont les faisceaux se rattachent à ceux
d'un autre organe comme une dépendance, un véritable appendice de
ce dernier. Les quelques faits que nous allons citer, et dont quelques-uns
ont été publiés antérieurement par nous, dans les Bulletins de la Société
Linnéenne de Paris et de l'Association française pour l'avancement des
Sciences montrent l'erreur dans laquelle sont tombés M. Na^geli d'une
part, et M. Van Tieghem de l'autre, en formulant les principes absolus
que nous venons de rappeler. Un simple coup d'œil jeté sur nos planches
suffit d'ailleurs pour mettre les faits en évidence et nous serons aussi
brefs que possible dans l'exposé de nos observations, que nous nous pro-
posons de produire plus tard avec de plus grands détails.
Nous étudierons d'abord la façon dont se développent les faisceaux dans
la Heur des Composées et nous prendrons pour type le Petasites vulga-
ris (PI. VI). Dans la fleur de cette plante (2), les grains de pollen sont
déjà formés dans les anthères, et l'ovule est recouvert d'une enveloppe
que l'on ne voit souvent encore dans les organes floraux, non-seulement
aucun vaisseau, mais même aucune traînée de procambium. Les éta-
mines sont les premiers organes dans lesquels apparaissent les faisceaux,
et leur apparition s'effectue toujours dans la portion supérieure du con-
nectifoù se forme un cordon médian longitudinal d'éléments procambiaux
allongés et étroits, qui parcourt bientôt toute la longueur du filet. La
première trachée se montre plus tard, au niveau de la base des loges
anthériques ; et au-dessous d'elle les cellules du procambium se trans-
forment graduellement en éléments trachéens fusiformes, unis bout à
bout pour constituer le cordon vasculaire staminal. Il ne se développe
(1) Van Thieghem, Recherches sur la structure du pistil, in Annales sciences naturelles, Botanique
série 5, IX, p. U7.
(2) J'ai publié déjà cette observation dans : Jlullet, Soc. Lvm. Paris, 1875, n° 7, p. 51.
DE LANESSAN. — DÉVELOPPEMENT DES FAISCEAUX 571
jamais de vaisseau dans le connectif où les éléments procambiaux con-
servent toujours leur forme primitive. Plus tard, on voit apparaître dans
la portion supérieure de chaque pétale deux bandes de trachées qui
longent les bords du lobe corollaire, et se réunissent au niveau du point
d'adhérence des deux lobes pour former un seul faisceau situé en regard
de l'étamine correspondante. Nous avons alors cinq faisceaux corollaires
dont les trachées se forment de haut en bas et vont rejoindre celles des
cinq faisceaux staminaux, de sorte qu'au-dessous du point d'insertion des
étamines sur la corolle on ne trouve plus que cinq faisceaux. Quatre
faisceaux se forment de la même façon dans le style, c'est-à-dire de haut
en bas; les premiers éléments procambiaux, puis les premières trachées
de chaque faisceau apparaissant d'abord dans la partie supérieure de l'or-
gane. Deux de ces quatres faisceaux se produisent dans les deux lobes
du style et les deux autres alternant avec eux, c'est-à-dire répondant
au point de jonction des lobes stigmatiques. Ces quatre faisceaux se réu-
nissent vers la base du style avec quatre des cinq faisceaux staminaux,
et dans les parois de la coupe réceptaculaire on ne trouve toujours que
cinq faisceaux situés en face des cinq étamines. Enfin, vers la base du
réceptacle ces cinq faisceaux se réunissent en un seul qui occupe le
centre du pédicule floral et dont la structure est fort remarquable. Il est
constitué au centre par une vingtaine de trachées, à paiois épaisses,
étroitement unies les uns aux autres et entourées d'une zone circulaire
d'éléments allongés, rectangulaires, un peu aplatis, représentant des
cellules procambiales non transformées. Ce faisceau unique va se râunir
aux faisceaux du réceptacle. Ainsi tous les faisceaux de cette fleur se
réunissent graduellement les uns aux autres pour n'en former définiti-
vement qu'un seul. En appliquant ici la loi de M. Van Tieghem citée
plus haut, et en se bornant, comme lui, à faire des coupes transversales
de la fleur adulte, on devrait conclure de l'examen de ses faisceaux que
toutes les parties de la fleur des Composées sont des dépendances les unes
des autres, naissent les unes sur les autres. Je n'ai pas besoin d'insister sur
ce qu'une pareille proposition offre de contradictoire avec les faits. On voit
aussi combien les faits sont contraires, à la fois, à la loi de M. Naegeli et à
la proposition de M. Van Tieghem, que dans le bouton, alors que les
organes « ne sont encore que de petits mamelons celluleux, dès cette épo-
que, il s'établit dans leur profondeur, entre eux et l'axe sur lequel ils
naissent, des liaisons vasculaires dont l'organogénie ne se préoccupe pas
et qui sont dans une intime et nécessaire corrélation avec leur mode
d'apparition et de développement. »
Nous avons vu, en effet, que dans la fleur du Petasites, tous les or-
ganes sont déjà formés depuis longtemps et ont contracté entre eux leurs
rapports définitifs avant qu'il existe, non pas seulement des vaisseaux,
572 BOTANIQUE
mais même du procambium dans leur épaisseur. La (leur du Scolymus
hispanicus atteint parfois six ou sept millimètres de long avant d'avoir
un seul faisceau procambial.
Le réceptacle de la fleur des Composées offre encore un certain intérêt
en ce que fort souvent (v. PI. Vf, fig. 22) les faisceaux s'arrêtent dans leur
développement et restent constitués à l'état adulte par des éléments cambi-
formes sans aucun vaisseau, mais nous n'avons pas à insister ici sur ces
faits, qui n'entrent pas directement dans notre sujet.
En s'appuyant sur sa loi, 31. Van Tieghem a émis l'opinion que, dans
les Primulacées, les étamines n'étaient que des appendices des pétales,
et que le placenta était formé de lames réunies, dépendant des feuilles
carpellaires. Il appuie sa manière de voir sur la disposition des fais-
ceaux libro-vasculaires dans ces organes adultes. Les observations sui-
vantes que j'ai faites sur les Primula officinalis et elatior(l),et qui m'ont
fourni les mêmes résultats dans ces deux espèces, me paraissent de na-
ture à montrer que l'opinion de M. Van Tieghem sur les organes de ces
plantes est aussi peu fondée que sa prétention de vouloir toujours résou-
dre les questions de morphologie à l'aide de la seule inspection des fais-
ceaux dans les organes adultes.
Dans les deux plantes que je viens de citer, les sépales restent entiè-
rement celluleux jusqu'à ce qu'ils aient atteint la forme que présente-
ront plus tard les lobes calicinaux.
C'est seulement lorsqu'ils ont acquis cette forme, qu'on voit apparaître,
ver.» le sommet du sépale, une bande mince, médiane, de procambium,
dont les éléments se transforment peu à peu en trachées ; celles-ci ap-
paraissent d'abord tout à fait en haut, puis augmentent en nombre, de
haut en bas, et finissent par aller rejoindre les vaisseaux du pédoncule
floral qui se sont arrêtés à la base du placenta. Les pétales et les éta-
mines nous offrent des phénomènes de même nature. Les pétales sont
déjà réunis entre eux pour former une corolle monopétale; les étamines,
d'abord entièrement libres, apparaissent déjà, soulevées sur le tube de
la corolle, ces organes ont déjà acquis leurs formes définitives, que ni
les pétales, ni les étamines, .n'offrent encore la moindre trace de fais-
ceaux ni de procambium. Ce dernier apparaît enfin, d'abord vers le
sommet du connectif des anthères, où ne tardent pas à se former, une à
une, des trachées courtes et fusiformes, placées bout à bout, et augmen-
tant en nombre de haut en bas. Un peu plus tard, des trachées se for-
ment de la même façon, dans l'extrémité supérieure et sur la ligne mé-
diane de chaque pétale. Leur nombre augmente, comme dans les sépales
et dans les étamines, de haut en bas. Plus tard, le faisceau de chaque
pétale se réunit au faisceau de l'étamine correspondante; celui-ci, plus
(il J'ai publia ms observations dans !<■ liulletin de la Soc. Linn. de Paris, i st ;. n° \.
. DE LANES5AN. — DÉVELOPPEMENT DES FAISCEAUX 573
prompt dans son développement, esl déjà descendu jusqu'au réceptacle,
où il s'est mis en contact avec les vaisseaux pédonculaires.
Les vaisseaux du pistil se développent de la môme façon. C'est seule-
ment lorsque l'ovaire, le style et le stigmate sont entièrement formés,
lorsque le placenta est déjà couvert de jeunes ovules, que les vaisseaux
commencent à apparaître dans le pistil. Les premiers se montrent au
■sommet du style, dans le voisinage du stigmate. Les trachées se déve-
loppent ensuite lentement, de haut en bas, pour gagner le réceptacle.
Enfin, le placenta central et libre de ces fleurs m'a offert des phéno-
mènes de même ordre. C'est seulement lorsque le nucelle des ovules
était déjà entouré à sa base de ses deux bourrelets tégumentaires, que
j'ai vu apparaître des trachées dans le placenta. Ici encore, les pre-
mières formées se sont montrées vers le sommet du placenta, et leur dé-
veloppement s'est fait de haut en bas. Dans tous les organes de cette
fleur, nous voyons les vaisseaux ne se former que lorsque l'organe a
atteint sa forme définitive et qu'il a contracté avec les organes voisins
les relations qu'il doit offrir à l'âge adulte. Ils s'y forment toujours de
haut en bas, de sorte que la façon dont le faisceau de chaque organe
s'unit au faisceau de l'organe voisin, n'est qu'une conséquence des rela-
tions déjà contractées par ces derniers.
La fleur des Rubiacées offre des phénomènes analogues, mais elle
présente un intérêt considérable à cause de l'arrêt de développement qui
se produit dans les faisceaux des étamines.
En suivant pas à pas (1) la formation de la corolle et des étamines
dans le Galium Mollugo, on observe les phénomènes suivants : lorsque
la corolle est entièrement formée, les pétales étant réunis en un tube
court auquel adhèrent les filets staminaux ; des bandes de procambium
se forment, de haut en bas. dans chaque pétale, et marquent la place
où se trouveront plus tard les nervures. On voit ensuite apparaître, vers
la partie supérieure de la bande médiane, une ou deux petites trachées
fusiformes résultant de la transformation des éléments du procambium.
D'autres trachées se développent successivement, de la même façon, au-
dessous des premières, et le faisceau de procambium est bientôt par-
couru, dans toute sa longueur, par une ligne de trachées qui va re-
joindre les vaisseaux du réceptacle. En même temps, de chaque côté de
la petite niasse vasculaire qui est située au sommet du pétale, apparais-
sent de nouvelles trachées qui, se développant graduellement de haut en
bas, formeront les nervures latérales. Chacune de ces lignes secondaires
de trachées descend le long du bord libre correspondant du pétale, puis
le long du filet staminal qu'elle abandonne, vers la partie inférieure du
tube corollaire, pour aller se confondre avec les vaisseaux de la nervure
(1) J'ai publié cette observation dans e Ballet, de la Soc. Linn. de Paris, n° 2, 6maii874, p. 12.
574 BOTANIQUE
médiane. Alors se forment, au-dessus du point d'insertion des filets sta-
minaux, quelques trachées transversales qui uniront les nervures laté-
rales de chaque pétale avec celles des pétales voisins. En suivant, de la
même façon, le développement des étamines, on voit se former, d'abord
dans le connectif, puis dans le filet, un faisceau central et mince de
procambium. Les cellules qui le constituent acquièrent peu à peu des
parois plus épaisses et plus distinctes ; elles s'allongent en même temps
que l'organe, mais on ne les voit jamais se transformer en vaisseaux.
Dans l'étamine adulte, ces éléments allongés, fibreux, forment un fais-
ceau qui s'étend de la base du filet au sommet du connectif, entouré par
le tissu parenchymateux qui constitue ces organes. A aucun âge on
ne voit de vaisseaux, ni dans le filet, ni dans l'anthère, et la structure
de l'étamine rappelle parfaitement celle de la tige des mousses. La
même organisation et le même mode de formation se présentent non-
seulement dans un certain nombre d'espèces du genre Galium, notam-
ment dans les G. Aparine, glaucum, cruciatum,rubioidcs. Mollugo, etc.,
mais encore dans des espèces appartenant à des genres voisins, par
exemple dans les Asperula tinctoria et odorata, dans le Crucianêlla sty-
losa et dans le Sherardia arvensis. Il n'en est pas ainsi dans un certain
nombre d'autres genres de la même famille. Dans le Coffea arabica, le
Cephœlis Ipecacuanha et YIxora coccinea, le connectif et le filet sont
parcourus par un faisceau vasculaire qui se rend directement dans les fais-
ceaux du réceptacle, et j'ai pu constater, dans le Cephœlis Ipecacuanha,
que les premières trachées du faisceau vasculaire staminal apparaissaient
dans le connectif; elles ne se montrent que plus tard dans le filet.
La fleur du Rivina hum i lis offre un intérêt particulier au point de vue
de la direction du développement de ses faisceaux qui, dans les sépales,
se forment de bas en haut, tandis que dans les étamines ils se dévelop-
pent de haut en bas, les premiers éléments de procambium et les pre-
mières trachées apparaissant vers le sommet du filet et les derniers y
formant une masse assez considérable avant de se prolonger vers la
base du filet.
Dans la fleur du Dipsacus Fullonum, la marche du développement est
inverse de celle que nous avons signalée dans les Composées. Dans tous
les organes, les faisceaux procambiaux d'abord et ensuite les trachées,
montent du pécondule dans les organes floraux. Il est très facile de s'as-
surer que, contrairement à la loi de M. Nœgeli, ce n'est nullement dans
la base de l'une des folioles florales que se forment les premiers vaisseaux,
mais bien dans le pédoncule pour monter de là dans les folioles. Celait est
d'autant plus intéressant que dans la Heur des Composées, si voisine
par son organisation de celle des Dipsacées, c'est exactement le con-
traire qui se produit.
DE LANESSAN. — DÉVELOPPEMENT DES FAISCEAUX 578
La Heur du Bnjona dioica offre un excellent exemple de cette formation
tardive de faisceaux et permet de suivre bien nettement la marche du dé-
veloppement de bas en haut. Dans la Heur mâle, c'est seulement lorsque
la position dos étamines et les rapports des filets staminaux entre eux
sont nettement établis (I) que les faisceaux commencent à apparaître
dans les organes floraux de la manière suivante:
Il se forme, de bas en haut, dans la coupe réceptaculaire, cinq fais-
ceaux de procambium situés chacun en face d'un des sépales et se pro-
longeant lentement dans ces organes. Dans chaque faisceau se montre
ensuite une bande de trachées qui se développent également de bas en
haut, les éléments procambiaux de la région la plus interne des fais-
ceaux se transformant l'un après l'autre en trachées fusiformes situées
les unes au bout des autres. Vers le tiers inférieur de la coupe récep-
taculaire, on voit ensuite partir de ces cinq faisceaux cinq autres bandes
de procambium, cinq faisceaux nouveaux, dont les trachées se forment
également de bas en haut et qui se rendent dans les cinq pétales. Sur
ces faisceaux pétalaires naissent ensuite ceux qui se rendent dans les
étamines situées en face des pétales; chaque filet staminal d'une paire
d'étamines oppositipétales recevant deux faisceaux qui se rendent dans
les deux anthères. L'étamine, restée isoler et uniloculaire, au contraire,
ne développe, dans l'épaisseur de son filet, qu'un seul faisceau.
Dans la fleur de toutes les Ombellifères que j'ai étudiées à cet égard,
les faisceaux se forment également de bas en haut, comme l'indique la
figure 24 de la planche VII empruntée au Conium maculatum.
Les Labiées offrent, comme le Rivina humilis, un bon exemple de fais-
ceaux se développant de haut en bas dans certains organes, et de bas en
haut dans d'autres organes de la même fleur. Le développement des faisceaux
y est du reste facile à étudier, parce qu'il est très-tardif. Pour le calice, les
premières formations procambiales apparaissent dans le sommet de
chaque dent, et le faisceau de procambium descend ensuite de haut en
bas le long de la ligne médiane du sépale pour se prolonger de là dans
le pédoncule. Les trachées se développent en suivant la même direction.
Dans les pétales, c'est vers le tiers inférieur et non tout à fait dans le
sommet de l'organe que se produisent les premiers éléments procam-
biaux et les premières trachées, qui, ensuite, à partir de ce point, gagnent
en même temps vers le haut et vers le bas. Ce développement est surtout
facile à suivre dans le pétale supérieur, ainsi que le montre la figure
26 de la planche VII, empruntée au Lamium nigrum. Dans les étamines,
les premiers éléments procambiaux et les premières trachées se montrent
vers le sommet du connectif et le faisceau se développe graduellement
(•1) J'ai décrit l'organogénie et l'histogénie de cette fleur dans le Bullet. de la Soc. Lin», de
l'aris, a° 9, 2 février 1876, p. 70-
576 BOTANIQUE
de haut en bas. Les faisceaux se montrent dans la môme direction dans
les feuilles carpellaires, mais ils apparaissent au contraire de bas en haut
dans le style. Le gynécée est déjà très-avancé dans son développement,
les ovules sont entièrement formés, que ni le style ni les loges ovariennes,
déjà très-distinctes l'une de l'autre, ne possèdent encore de faisceaux.
Il serait très-facile de multiplier beaucoup le nombre de ces faits, mais
je crois devoir me borner, en ce qui concerne les appendices floraux, à
ceux que je viens d'exposer. Ils me paraissent démontrer suffisamment
que les lois de M. Naegeli et de M. Van Tiegliem ne peuvent en aucune
façon être appliquées aux faisceaux qui se rendent dans les organes appen-
diculaires floraux. Dans aucun cas je n'ai vu le faisceau soit pro-
cambial soit vasculaire, apparaître en premier lieu, comme l'admet
M. Naegeli, dans la base de l'organe appendiculaire, pour de là monter
dans cet organe et descendre dans l'axe. Quant à la proposition de
M. Van Tiegliem, que les faisceaux existent dès le premier moment de
l'apparition de l'organe, elle est contredite par toutes les observations que
nous venons de rapporter, et ne peut être considérée que comme un
produit de l'imagination de son auteur. Voyons maintenant si ces deux
lois trouvent davantage leur application dans les feuilles véritables.
Dans les recherches sur le développement des appendices des Rubia-
cées que j'ai communiquées en 1876 à la section de botanique de l'Asso-
ciation (1), j'ai montré que dans les feuilles de ces plantes les faisceaux
se développent en suivant une marche toute différente de celle qui a été
indiquée par M. Neegeli, les premiers éléments de procambium, et, plus
tard, les premières trachées se montrant dans le sommet de la feuille et
descendant ensuite de haut en bas dans la base de l'organe puis dans
l'axe; au lieu de naîlre, comme le prétend M. Niegeli, dans le point
d'union de la feuille et de l'axe, pour de là d'une part monter dans la
feuille, et d'autre part descendre dans l'axe. Je ne reviendrai pas ici sur
ces faits.
Dans les feuilles des Labiées, les choses se passent à peu près de la
même façon. Je me bornerai à exposer la formation des faisceaux dans
les bourgeons du Lamium album et dans l'embryon du Dracocephalum
moldovicum. C'est seulement lorsque le limbe des jeunes feuilles du La-
mium album a acquis sa iorme définitive, que l'on y voit apparaître les
éléments procambiaux. C'est vers le sommet de la feuille et sur la ligne
médiane que les premiers de ces éléments se montrent. La longueur
du faisceau procambial augmente ensuite peu à peu en descendant vers
la base du limbe; au niveau du tiers inférieur environ de la feuille, le
faisceau qui dans le haut est simple se bifurque, et chacune des deux
(1) Yoyez ; Comptes-rendus de l'Assoc. fr. pour l'avancement îles sciences, section de clcrmont-
lerrund, 1&7G, p. A65, t. V.
DE LANESSAN. — DÉVELOPPEMENT DES FAISCEAUX 577
branches fasciculaires ainsi formées s'enfonce séparément dans l'axe
en s'allongeant toujours de haut en bas. Les premières trachées apparaissent
également dans le sommet de la feuille, et les autres se forment ensuite
de haut en bas le long des faisceaux, procambiaux.
Dans le jeune embryon du Dracocephalum moldavicum, les faisceaux
procambiaux ne se montrent qu'à une époque où les deux cotylédons ont
déjà atteint des dimensions considérables, et la marche de leur forma-
tion est, par suite, assez facile à observer. Dans le sommet de chaque
cotylédon, on voit se former au niveau de la ligne médiane, quelques
éléments procambiaux, qui représentent les premiers rudiments de la
nervure médiane. Le faisceau procambial s'allonge ensuite graduellement
de haut en bas, gagne la base du cotylédon, puis descend dans l'axe et
se prolonge presque vers le sommet de la radicule. Les trachées appa-
raissent ensuite dans le sommet des cotylédons, et la transformation des
éléments procambiaux en trachées s'etfectue de haut en bas, c'est-à-dire
en suivant la même marche que le faisceau procambial a affectée dans son
apparition. Plus tard, lorsque les deux premières feuilles delà plante ont
atteint une certaine dimension, les faisceaux procambiaux, puis les tra-
chées de leurs nervures médianes, se forment également dans le sommet
de chacune d'elles et descendent de haut en bas le long de la ligne
médiane jusqu'au niveau de l'axe dans lequel ils se prolongent de haut
en bas.
Dans le Lilas, qui a comme les Lalicés des feuilles opposées, les choses
se passent tout différemment. Les faisceaux procambiaux apparaissent
dans les jeunes feuilles de très-bonne heure, alors que dans le sommet du
bourgeon les feuilles de chaque paire sont extrêmement rapprochées des
feuilles des paires situées au-dessous et au-dessus. En second lieu, les
faisceaux, soit procambiaux, soit trachéens, se forment dans les feuilles de
bas en haut, et on pourrait, au premier abord, croire que les premiers
éléments procambiaux, comme les premières trachées, apparaissent dans
la base des feuilles, pour de là se prolonger, comme l'admet M. Nasgeli,
de bas en haut dans la feuille, de haut en bas dans l'axe. Il n'en est
rien cependant. Par une observation attentive des phases du développe-
ment, je me suis assuré que les premiers éléments procambiaux des fais-
ceaux destinés à une paire de feuilles déterminée,, naissent au contact des
deux faisceaux qui se rendent dans la paire de feuilles située immédiate-
ment au-dessous, et qui sont déjà très-bien formés et pourvus de trachées
d'un bout à l'autre. De ce point, les faisceaux de procambium s'élèvent
peu à peu dans les feuilles auxquelles ils sont destinés. Les trachées se
forment en suivant la même direction. Ici ce n'est donc pas dans la base
même des feuilles que les faisceaux apparaissent en premier lieu, mais
au niveau du deuxième nœud sous-jacent à la paire de feuilles auxquelles
37
578 BOTANIQUE
ils sont destinés; mais l'erreur d'observation est rendue très-facile par la
brièveté extrême des entre-nœuds.
Dans les stipules foliaires, il n'est pas rare de voir les faisceaux se
développer nettement de haut en bas. Les stipules du Houblon sont
particulièrement intéressantes à cet égard, et aussi parce qu'elles montrent
l'inanité de la loi de M. Van Tieghem, d'après laquelle un organe dont
les faisceaux se rendent à un autre organe devrait toujours être considéré
comme un appendice de ce dernier.
On sait que dans le Houblon les stipules naissent sur les bords de la
jeune feuille alors que celle-ci a déjà acquis des dimensions relativement
assez grandes, de telle sorte que l'organogénie des stipules est facile à
suivre, et qu'il est impossible de nier qu'elles soient des dépendances, des
appendices, de la feuille. A l'époque où les stipules apparaissent sur les
bords de la feuille, cette dernière ne possède encore aucune trace de
faisceau procambial. Aussitôt nées, les stipules se développent beaucoup
plus rapidement que les feuilles auxquelles elles appartiennent et bien-
tôt les deux stipules d'un même côté se montrent connéespar laAbase. Il
n'existe encore à ce moment aucun faisceau, ni dans la feuille, ni dans
les stipules. C'est dans le sommet de chaque stipule qu'apparaissent les
premiers éléments procambiaux. Les quatre faisceaux procambiaux stipu-
laires s'allongent ensuite peu à peu de haut en bas jusqu'à l'axe dans
lequel ils se prolongent. Lorsque ces quatre faisceaux stipulaires sont
bien formés, il se produit dans la base de chaque paire de stipules un
faisceau transversal qui unit les deux faisceaux médians voisins. Sur ce
faisceau transversal se forment ensuite, de bas en haut, des faisceaux
longitudinaux qui montent chacun sur le bord de la stipule correspon-
dante. Pendant ce temps, les deux feuilles se sont davantage développées.
Lorsqu'elles ont atteint une certaine dimension, il se montre dans le
sommet de chacune d'elles un faisceau procambial qui s'allonge de haut
en bas et se prolonge dans l'axe. Lorsque les lobes latéraux de la
feuille se sont formés, ils reçoivent chacun un faisceau qui se développe
en prenant son point de départ sur le faisceau de la stipule voisine.
Il y donc ici : 1° développement de faisceaux de haut en bas dans
les nervures médianes des feuilles et des stipules; 2° indépendance ab-
solue dans le principe, des faisceaux des stipules qui même se montrent
avant ceux des feuilles, ce qui, d'après le principe de M. Van Tieghem,
devrait faire considérer les stipules comme des organes indépendants;
3° naissance des faisceaux des lobes latéraux des feuilles sur les faisceaux
des stipules, ce qui, d'après le même principe, devrait faire considérer
les lobes foliaires latéraux comme des appendices des stipules, tandis que
le lobe médian de la feuille représenterait seul un organe autonome .
L'espace limité, qui nous est réservé, nous met dans l'impossibilité,
DE LANESSAN. — DÉVELOPPEMENT DES FAISCEAUX ^Ti)
de multiplier ces faits et d'entrer au sujet de La formation des tissus
dans uVs détails que dous devons réserver pour un travail plus détaillé
(|ui ne tardera pas à paraître.
EXPLICATION DES FIGURES (1)
Planche vi
Fig. 1. — Bractée de l'involucre de la tlcur du Petasites vulgaris. Elle est
parcourue par trois faisceaux de procambium.
Fig. 2. — Fragment d'un faisceau procambial de cette trachée
Fig. 3. — Bractée plus âgée. Des trachées existent dans le sommet du faisceau
procambial médian.
Fig. 4. — Portion âgée de ce faisceau procambial offrant dans le haut des
éléments transformés en trachées.
Fig. 5. — Bractée plus âgée avec des trachées dans le haut des faisceaux pro-
cambiaux médian et latéraux.
Fig. 6. — Bractée encore plus âgée. Le faisceau médian offre des trachées
dans toute sa longueur. Les faisceaux latéraux n'en possèdent que dans leur
partie supérieure.
Fig. 7. — Les trachées parcourent toute la longueur du faisceau médian et
des faisceaux latéraux.
Fig. 8. — Etainine de Petasites vulgaris. Le sommet et le filet sont parcourus
par un faisceau de procambium. Les trachées n'existent encore que dans le
sommet du filet.
Fig. 9. — Etamine plus âgée. Les trachées occupent toute la longueur du
filet.
Fig. 10. — Grain de pollen de l'étamine figurée en 8 et 9.
Fig. 11. — Fleur à laquelle appartient cette étamine.
Fig. 12. — Fragment de la corolle d'une fleur de Petasites vulgaris. Il
n'existe encore dans cette corolle que des faisceaux de procambium. Les filets
staminaux sont parcourus par des trachées jusqu'au niveau de leur point d'in-
sertion sur la corolle.
Fig. 13. — Un fragment de la même corolle grossi davantage.
Fig. 14. — Deux faisceaux de la même corolle, l'un formé seulement de pro-
cambium, l'autre offrant des trachées dans le haut.
Fig. 18. — Corolle de la même fleur plus âgée. Des trachées existent dans
le haut des faisceaux procambiaux latéraux de chaque lobe de la corolle.
Fig. 16. — Faisceau grossi.
Fig. 17. — Faisceau offrant la transformation en trachée d'un élément pro-
cambial isolé.
Fig. 18. — Style de la fleur du Petasites vulgaris n'offrant des trachées que
dans le haut des faiscaux procambiaux.
(1) Les figures sont en majeure partie schématiques.
580 ISOTAMQUE
Fig. 19. — Style plus avancé encore.
Fig. 20. — Schéma de la disposition et des anastomoses des faisceaux dans
la fleur du Petasites vulgaris.
Fig. 21. — Portion supérieure de la même ligure, très-grossie.
Fig. 22. — Schéma des anastomoses et de la disposition des faisceaux dans
le réceptacle d'une Composée.
Fig. 23. — Fragment de trachée.
Fig. 2i. — Coupe transversale d'un faisceau réceplaculaire.
Fig. 23. — Coupe transversale d'un faisceau du pédoncule de la fleur.
PLANCHE VII.
Fig. 4. _ Fragment de la corolle du Primula officinalis au moment où
apparaissent les premières trachées.
Fig. 2. — Étamine du Primula officinalis au moment de la formation des
premières trachées dans le connectif.
Fig. 3. — Jeune feuille de Primula officinalis montrant la formation des tra-
chées de bas en haut.
Fig. 4. — Gynécée du Primula officinalis au moment de l'apparition des
premières trachées.
Fig. 5. — Sépale jeune de la même plante.
Fig. 6. — Placenta du Primula officinalis au moment de l'apparition des
premières trachées.
Fig. 7. — Ovule inséré sur le placenta.
Fig. 8. — Pétale jeune de Gallium aparine.
Fig. 9. — Fragment de la corolle du Gallium mollugo.
Fig. 40. — Faisceau central de l'étamine adulte de YAsperula odorata formé
uniquement d'éléments procambiaux non transformés.
Fig. 11. — Étamine du Rivina humilis montrant un faisceau qui se forme
de bas en haut.
Fig. 12. — Sépale de Hivina humilis.
Fig. 13. — Trachée de ce sépale.
Fig. li. — Foliole ducaliculedu Dipsacus fullonum avec faisceau se formant
de bas en haut.
Fig- 15. — Fragment de la corolle de la même plante.
Fig. 10. — Style de la même plante.
Fig. 17. — Etamine de la même plante.
Fig. 18. — Portion de la fleur mâle du Bnjonia dioica.
Fig. 19. — Portion de la même fleur plus âgée.
Fig. 20. — Base du filet staminal d'une étamine à deux loges.
Fig. 21. — Trachée de ce filet staminal.
Fig. 22. — idem
Fig. 23. — Base du filet staminal à anthère uniloculaire.
Fig. 24. —Portion d'une fleur de L'unium rnaculatvm montrant les faisceaux
destinés aux étamines qui naissent du bas en haut.
DUTAILLLY. — DES STIPULES DES RUMEX ET DES POTAMOGETON 581
Fig. 25. — Portion d'un calice de la fleur du Lamium album.
Fig. 26. — Portion du pétale postérieur de la même fleur.
Fig. 27. — Gynécée de la même fleur.
Fig. 28. — Carpelle de la même fleur.
Fig. 29. — Étamine de la même fleur.
Fig. 30. — Fleur à laquelle appartient le carpelle de la figure 28.
Fig. 31. — Fleur jeune de Conium maculatum.
Fig. 32. — La même fleur jeune et vue de face.
Fig. 33. — La même fleur plus âgée. Ces trois figures se rapportent à une
petite note accessoire relative à la formation du sillon de séparation des méri-
carpes du fruit des ombellifères que j'ai publiée ailleurs (1).
M. DÏÏTAILLY
SUR LA NATURE REELLE DES STIPULES DES RUMEX ET DES POTAMOGETON
(BXTR.UT Dl! PROCriS-VEHBAL)
— Séance du 27 août I8~7. —
M. Dutailly, décrit le mode de formation des stipules ou ochrea des rumex
et des organes analogues des Potamogeton. L'étude morphologique de ces
organes a déjà été tentée sans résultats précis parla méthode anatomique. Les
opinions sont discordantes, puisque les uns les regardent comme formés par
deux stipules soudées, tandis que les autres pensent qu'elles représentent un
organe unique. L'observation organogénique tranche facilement la question
dans les deux cas. Dans les rumex, on voit que l'ochrea est primitivement
formé par les bords de la feuille qui se gonflent par la segmentation répétée
des éléments sous-épidermiques. Il se forme ainsi deux mamelons ou bourre-
lets, en continuité avec les bords de la feuille, comme se présentent d'ailleurs
la plupart des stipules qui débutent. A ce moment se produit un fait nouveau.
Le limbe lui-même de la feuille se gonfle sur la surface supérieure de cet or-
gane, en continuité avec les deux bourrelets stipûlaires latéraux. Mais le gon-
flement n'est pas régulier et uniforme, comme le pensait M. Léon Marchand.
Il est d'abord très-nettement limité en deux points symétriques. Plus tard seu-
lement la portion de limbe interposée se soulève à son tour et l'enceinte for-
mée par l'ochrea devient continue. Les faits sont à peu près les mêmes dans
le Potamots, et la stipule, finalement simple, résulte, elle aussi, de la coales-
cence des deux stipules primordiales.
(1) Voyez le Bullet, de Iq, Soc. linn. de Paris, 1874, n° 3. p. 17 et 23.
582 botamhi r
M, BOURLET de LAYALLEE
Directeur du Jardin botanique du Havre,
SUR LA CLASSIFICATION A ADOPTER DANS UN JARDIN BOTANIQUE
(EXTRAIT DP PROCÈS-VERBAL]
— Séance du 29 août 1 877 . —
M. Boi'rlet de Lavallée, directeur du Jardin botanique du Havre, fait une
communication sur « la classification à adopter dans un jardin botanique ».
Celle de M. Marquis, adoptée dans le jardin du Havre et qui se rapproche de
celle de de Candolle, lui semble le plus pratiquement applicable. Suivant
M. Bourlet, les plantes des Écoles de botanique doivent être surtout classées
en' vue de faciliter aux débutants l'étude difficile des végétaux.
M. LEEEBURE
> du Havre.
SUR LA CREATION DES ESPECES.
(extrait du procks-verbal)
— Séance du 29 aoi'it 1877.
M. Lefébure lit un travail « sur la création des espèces » et déclare qu'il
croit à la variabilité des types. 11 regrette de ne pouvoir partager les idées de
M. l'abbé Rouchy sur leur fixité.
M. H. BAILLON
r à la Faoulté de Médecine de Paris.
RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA FLEUR DES ELODEA.
— Séance du 29 août 1877. —
Nous avons étudié comme type de la famille des Hydrocharidées
'Elodea canadensis, cette plante aquatique qui a reçu tant de noms
H. BAILLON. — LE DÉVELOPPEMENT DE LA FLEUR DES ELODEA 583
différents (1) et dont on a tant parlé depuis quelques années. L'in-
dividu femelle existe seul, comme l'on sait, à l'état vivant dans notre
pays et c'est sur lui seulement qu'ont porté nos recherches.
L'extrémité des rameaux florifères présente une longue portion
conique, entièrement dépourvue d'appendices. Plus bas, ceux-ci (qui
sont des feuilles) se disposent avec une extrême régularité, plus facile
à constater que dans les feuilles adultes ou à peu près qui s'insèrent
plus bas encore sur la tige. De l'aisselle de l'une de ces dernières part
un court rameau qui doit se terminer par la fleur femelle au-dessous de
laquelle se trouvent aussi, mais en petit nombre, des feuilles ordinaires.
La fleur est donc en réalité terminale, quoique portée par un petit
rameau latéral. Son réceptacle est l'extrémité même de ce petit axe,
extrémité un peu renflée en dôme et d'abord parfaitement lisse. Assez
loin de son sommet il produit d'abord deux appendices placés en face
l'un de l'autre. Ce sont les deux bractées qui deviendront plus tard
connées et s'allongeront ensuite en une sorte de gaîne ou de spathe
enveloppant toute la fleur encore jeune et la laissant ensuite sortir par
son ouverture supérieure découpée en deux dents profondes qui répon-
dent chacune au sommet d'une des deux bractées primitives. C'est à une
assez grande distance de ces bractées que se montrent ensuite les trois
folioles du périanthe extérieur. Leur apparition est successive, et l'on
sait qu'elles se disposent ensuite en prétloraison imbriquée, l'une
d'elles étant tout à fait enveloppante, l'autre tout à fait enveloppée, la
troisième recouverte par un bord et recouvrante par l'autre.
Après la naissance de ces folioles, le réceptacle floral change totale-
ment de configuration au-dessus de leur insertion. De convexe qu'il
était à ce niveau, il devient promptement et assez profondément
concave; ce qui revient à dire que son sommet cesse de s'accroître
tandis que sa périphérie s'élève avec une grande rapidité. Il en résulte
au-dessus du périanthe extérieur la formation d'une cupule à rebord
épais, mousse et à peu près circulaire. Ce même fait se produit dans
la fleur femelle d'une plante très-voisine de YElodea par tous ses carac-
tères essentiels , le Vallisneria spiralis ; mais il n'a pas été compris
par l'auteur d'une récente étude sur cette plante, M. Adolphe Chatin (2).
Sans doute la planche relative à l'organogénie florale est, dans ce
travail, de beaucoup supérieure à tout ce qu'il a jamais publié; mais
(1) Elodea canadensis Rich., in Michx FI. bor.-am.,l, 20. — Anacliaris Alsinastrum Rabingt.,
in Ann. and May. Nat. Hist. (1848), 81. — Udora canadensis Nutt., Gen. nov. am. pi , II, 242.
VAnacliaris Nuttallii Planch. (in Ann. se. nat., sér. 5, XI, 75) est la même plante, ainsi que
l'A. canadensis PL Pusth en a fait un Serpicnla. M. Oudemans a fait voir combien M. Yerlot
avait eu tort (in Rev. hort., XL, 116) de ne pas préférer le nom à.' Elodea, qui date de 1803 a
ceux à'Anacharis (18H) ou d'Udora (1818).
(2) Mémoire sur le Vallisneria spiralis L., considéré dans son organographie, sa végétation, son
organogénie, son anatomie, sa tératologie et sa physiologie (Paris, 1855).
BOTANIQUE
comme il n'a évidemment pas comparé les dessins avec la nature elle-
même, il ne pouvait apprécier la véritable signification des objets
représentés (1). C'est ainsi que dans la ligure 5" de la planche, il prend
cette cupule pour l'ovaire (2), quoiqu'il s'agisse d'une époque où
il n'existe encore aucune trace, ni du gynécée, ni d'autres organes encore
qui doivent se montrer avant lui sur le réceptacle floral. De là une
confusion inévitable dans l'interprétation des diverses parties de la
fleur. C'est précisément sur les bords de cette cupule, et dans l'inter-
valle des sépales extérieurs, que se dessinent insensiblement les pièces
du verticille extérieur du périanthe, quelquefois désignées comme des
pétales. Elles se disposent dans le bouton en préfloraison imbriquée ou
tordue. Les sépales extérieurs sont imbriqués dans l'ordre de leur appa-
rition. Dans la fleur femelle du Vallisneria, M. Chatin les donne à plu-
sieurs reprises comme valvaires, et il les représente imbriqués.
C'est aussi sur le bord de la coupe même que naissent les trois mamelons
staminaux, en face des sépales extérieurs. Leur apparition est simultanée,
et l'on sait qu'ils grandissent en même temps pour devenir autant de
baguettes stériles ou de staminodes. C'est dans leurs intervalles et
simultanément aussi que se montrent ensuite, un peu plus intérieure-
ment, les trois mamelons stylaires dont le bord intérieur est presque
dès le début marqué d'une dépression médiane qui les rend réniformes.
Cette situation d'organes qui, dans les Monocotylédones , répond si
souvent au sommet des feuilles carpellaires, a lieu de nous surprendre
et nous ne la déclarons -telle que sous toutes réserves et après un grand
nombre d'observations concordantes répétées depuis dix-sept ans. Si elle
est confirmée, elle s'expliquera peut-être par ce qui s'observe dans
certains Hydrocharis où il y a des branches stylaires en face des sépales
extérieurs, et d'autres en face des intérieurs; celles de YElodea corres-
pondraient donc à ces dernières. Mais ce point difficile mérite d'être à
nouveau vérifié, comme nous venons de le dire. Ces branches stylaires
s'allongent beaucoup, parcourues par un sillon longitudinal médian
et chargées plus intérieurement de papilles très-saillantes ; leur sommet
demeure entier ou devient plus rarement bifurqué dans une courte
étendue.
Le fait le plus remarquable qui se produise à partir de ce moment,
c'est la formation rapide et l'élongation considérable de la cavité ova-
rienne, c'est-à-dire de toute la portion inférieure du réceptacle auquel
H) Nous le prouverons en nous occupant dans un travail -ju-cial d'un très-grand nombre
es erreurs d'interprétation qui se rencontrent dans ce mémoire de M. Chatin, mais qui sont
relatives à des questions que nous n'avons pas à examiner actuellement.
(2) Ailleurs [p. 15), il semble que ce soit la même partie qu'il nomme le « disque central »,
quoique cet organe ne soit pas central, le véritable gynécée devant se produire plus intérieure-
ment que lui, Il y a là une grande confusion, à peu près inexplicable pour l'observateur.
H. BAILLON. — DÉVELOPPEMENT DE LA FLEUR DES ELODEA 585
appartient tout ce tube grêle et à accroissement démesuré, dont l'orifice
supérieur porte les verticilles floraux et dont le fond sert de paroi à
l'unique loge de l'ovaire. Trois colonnes placentaires proéminent bientôt
sur sa surface intérieure, d'autant plus épaisses qu'on les observe plus
bas; mais elles laissent toujours vide le centre de la cavité ovarienne.
Chacun de ces placentas pariétaux produit bientôt un ou plus rarement
deux ovules. Ils naissent tout près de la base du placenta; et lorsque
chaque placenta n'en porte qu'un, ce qui est l'ordinaire, le petit mame-
lon ovulaire se montre, non pas sur le bord interne de la colonne pla-
centaire, mais plus latéralement. L'ovule s'allonge en montant presque
verticalement dans la cavité ovarienne; il se recouvre d'une première
enveloppe, non loin du sommet du nucelle, puis, plus tard et loin de
la première, d'un second épaississement annulaire qui finalement s'élève
autant, ou moins ou plus, que le tégument intérieur.
Les deux enveloppes ovulaires sont à tout âge faciles à distinguer, et
l'étude de ce point d'organisation présente un certain intérêt depuis les
discussions ardentes auxquelles a donné lieu l'opinion exprimée par
M. Chatin sur l'organisation ovulaire du VaUimeria que nous venons de
considérer comme une plante très-analogue kVElodea par toute la struc-
ture de sa fleur femelle. M. Chatin a soutenu à plusieurs reprises devant
la Société botanique de France (1), malgré les objections amicales et
répétées de MM . Prillieuxet Duchartre et surtout malgré les arguments
de M. Caspary (2), que l'ovule du Vallisneria est pourvu d'un seul
tégument et que ce tégument est formé d'une seule assise de cellules.
S'il avait réellement suivi le développement de cet ovule, il eût vu avec
la plus grande facilité les deux enveloppes ovulaires naître l'une après
l'autre et l'une au-dessous de l'autre sur le nucelle, absolument comme
il arrive dans VElodea. Les figures que nous donnons ici le démontrent
surabondamment. Il eût aussi constaté qu'à la façon dont se produisent
ces parties, qu'on appelle des enveloppes, il est absolument impossible
qu'elles ne soient constituées que par une seule rangée de cellules.
Même à l'âge adulte et sans l'emploi d'aucun réactif, il est extrêmement
facile de voir les deux enveloppes, dont la grandeur relative varie
beaucoup d'un ovule à l'autre, et même, dans les Heurs fécondées,
d'apercevoir le tube pollinique franchir successivement l'exostome et
l'endostome. Les discussions qui se sont produites à la Société botanique
en 1857 n'ont été suivies d'aucune conclusion prise dans un sens ou
dans l'autre, et c'est pourquoi il devient nécessaire de se prononcer
H) Bullet., II, 379; IV, 157-
(2) Auquel on doit le travail le plus considérable qui ait été publié sur ces plantes (Journ. de
Pringsheim I, (1858), et trad. part, in Ann. se. nat., (sér. 4, XI, 323), travail que tous les
botanistes connaissent, mais que nous ne citons pas ici en particulier parce que l'auteur s'y est
peu occupé des détails organogéniques relatifs à la fleur.
586 BOTANIQUE
définitivement dans ce débat. Or nos recherches nous démontrent que
les vives attaques dirigées à cette époque contre M. Chatin sont parfai-
tement justifiées, que ses observations sont absolument inexactes, comme
la plupart de celles qu'il a publiées, et qu'en maintenant à tort, malgré
l'évidence et en s'appuyant sur des arguments sans valeur tirés de
l'organisation de certaines graines (qu'on ne doit jamais confondre avec
les ovules dans la question des enveloppes), qu'il y a des Hydrocha-
ridées à tégument ovulaire unique et formé d'une seule couche de cel-
lules, il s'est placé au premier rang de « ces réformateurs malheureux »
dont il a lui-même parlé d'une façon si remarquée (1).
Nous espérons pouvoir revenir ailleurs sur quelques points intéres-
sants de l'organogénie d'autres Hyclrocharidées. Notons seulement aujour-
d'hui que leurs fleuz's sont très-souvent disposées en cymes unipares et
que M. Decaisne (2) a tort de définir simplement leurs ovules d'une
façon absolue par ces termes : « ascendants ou orthotropes, à placentation
pariétale», leurs étamines comme « insérées à la base du périanthe,»
et les folioles extérieures de celui-ci comme «jtubuleuses ou subcohé-
rentes à leur base,» M. Duchartre (3) condense encore plus d'inexacti-
tudes en très-peu de mots quand il dit des Hydrocharidées : « ovaire
infère, 1-6-loculaire; 3-6 stigmates bifides ».
EXPLICATION DES FIGURES
Planche VIII
Les mêmes lettres représentent en général les mêmes parties : s, sépales extérieurs.
(1) Il est d'autant plus important de constater que M. Chatin, avec la méthode qu'il a employée (les
coupes pratiquées dans les ovules), n'a pu arriver à découvrirla véritable organisation des ovules
ûa Valhsnena, m même en compter le nombre d'enveloppes, qu'aujourd'hui il a recours à la même
méthode pour décider de la nature des organes floraux des Conifères par lui considérés comme
des ovules. 11 attribue en effet a M. DaJloz (Itapp. éc. prat. liant, étud, (1876-77), 120) les opinions
suivantes : «Il est en effet mis hors de doute que non-seulement les Conifères [Pinus, Abies, etc.)
n'ont pas de péricarpe, mais que leur ovule est réduit au nucelle et à une seule membrane. Que si
plus tard la graine se présente avec trois enveloppes, qu'on a pu prendre pour un péricarpe
recouvrant des téguments ovulaires, c'est que, par différenciation, un de ces tissus dans le passage
de 1 état d'ovule à celui de graine, le tégument, d'abord unique, forme comme trois tuniques super-
posées, etc. » Est-ce aussi «par différenciation de ses tissus » que l'ovule à double tégument du
Valhsnena devient une graine « à double tégument cellulaire dont l'externe représente la
membrane simple et unique de l'ovule, tandis que l'interne est formé par le nucelle, repoussé S
I état de simple membrane par l'embryon développé à son intérieur », ainsi que l'annonce
M. Chatin [Bull. Soc. bot., 111, 297) ? On doit supposer que c'est parce qu'il croyait l'enveloppe
delovuledu Vallisneria unique que M. chatin a trouve simple la véritable enveloppe de La
graine, comme on suppose qne c'esl parce que la fleur femelle d'une Conifère est pour lui à
priori un ovule, qu'il retrouve dans l'organe que nous considérons comme un péricarpe les
matières coloi citons encore cette opinion de m. Chatin sm
laqui lie nous reviendrons ailleurs : « il est d'ailleurs bien digne de remarquer, et cette ob
tion paraîl s'appliquer à la généralité des graines, latières colorantes qu'on trou\<
de celle-ci ■ ées, comme chez les feuilles et les
pes, dans les assises superficielle représentant les épidermes des tégument.- ovulaires?
Nous laissons à M. Chatin la res] e tou Les sériions qui précèdent, parce que nous
n'avons vu publiées nulle part les recherches do M. Dalloz,
(2) Traité général (1868), 637.
(3) Elém. de Botanique (1877), 1106.
H. BAILLON. — DÉVELOPPEMENT DE LA FLEUR DES ELODEA 587
», folioles intérieures du périanthe; e, étamines; c, carpelles; o, ovules; », nucelle;
te, primine; ti, secondine; r, réceptacle floral; bb', bractées floréales; fl, fleur,
Fjg. 1. — Elodea canadensis (femelle). Extrémité d'un jeune rameau rr, chargée de
feuilles jeunes f, sauf au sommet et portant un petit axe latéral rr\ ter-
miné par une jeune fleur.
Fig. 2. — Jeune axe floral dont le sommet, encore nu, constitue le réceptacle r de
la fleur et au-dessous duquel sont nées les deux bractées bb' qui for-
ment la spathe.
Fig. 3, — 3Iême axe, vu de profil; mêmes lettres.
Fig. 4. — Bouton dont le réceptacle r a produit, l'un après l'autre, trois sépales ss,
Fig. 5. — Bouton un peu plus âgé, entouré des deux bractées bb'. En dedans des
trois sépales extérieurs ss, le réceptacle, devenant concave au centre,
s'est renflé en un bourrelet circulaire r, sur lequel naîtront les folioles
intérieures du périanthe (et que M. Chatin a pris pour le gynécée).
Fig. 6. — Bouton plus avancé encore. Mêmes lettres. Sur l'anneau saillant du récep-
tacle r commencent à se dessiner les folioles intérieures du périanthe p
et, dans leurs intervalles, les étamines e.
Fig. 61. — Un âge un peu ultérieur, où les sépales intérieurs et les étamines sont
plus prononcés autour de la fossette centrale r du réceptacle.
Fig. 7. — La fleur précédente, vue de profil, avec les bractées 6 de la spathe.
Fig. 71. — Age ultérieur. Les sépales intérieurs et les étamines sont plus prononcés,
et les carpelles c sont visibles sous forme de trois croissants.
Fig. 8. — Même bouton, coupe longitudinale. Mêmes lettres.
Fig. 9. — Fleur plus âgée dans laquelle les loges de l'anthère e sont déjà distinctes
et les carpelles plus développés c forment une enceinte continue autour
de la cavité ovarienne.
Fig. 10. — Même fleur, coupe longitudinale. On voit la profondeur de la cavité ova-
rienne dont le fond est déjà un peu inférieur au niveau d'insertion
du périanthe.
Fig. 11. — Fleur plus avancée en âge, dans laquelle la cavité ovarienne, devenue
bien plus profonde, présente sur la paroi des placentas verticaux sur
lesquels se montrent inférieurement les ovules o,
Fig. 12, — Age plus avancé. L'ovule est devenu ovoïde et ascendant, réduit encore
au nucelle.
Fig. 13'. — Coupe d'une fleur plus âgée dans laquelle l'ovaire est profond, tout à fait
infère et l'ovule o, ascendant, revêtu de deux enveloppes.
Fig. 13'. — Bouton fl dans l'intérieur des bractées formant la spathe b.
Fig. 14. — Bouton, un peu avant l'anthèse, pour montrer l'imbrication du périanthe
extérieur s et le tube qui surmonte l'ovaire.
Fig. 15. — Coupe longitudinale du même bouton : c, les styles; o, ovules.
Fig. 16. — Ovule au moment où le nucelle n est déjà entouré de la secondine ti et où
le primine te commence à se montrer plus bas.
Fig. 17. — Ovules dont les deux enveloppes sont arrivées au niveau du sommet du
nucelle. L'ouverture de la primine te laisse voir le sommet de la secon-
dine ti, percé de l'endostome (et que M. Chatin a pris pour le nucelle
dans le Vallisneria.)
Fig. 18. — Vallisneria spiralis (femelle). Portion du placenta, avec une série d'ovules
encore réduits au nucelle.
Fig. 19. — Portion d'un placenta plus âgé; les ovules se revêtent d'une enveloppe.
Fig. 20. — Jeune ovule réduit au nucelle.
588 BOTANIQUE
Nucelle n, avec le début de l'épaississement de la secondine ti.
Ovule plus âgé: », nucelle; ti, secondine. La primine te commence à se
montrer plus bas.
Ovule plus âgé encore. La primine le et la secondine ti forment deux
cupules superposées autour de la base du nucelle n.
Ovule presque adulte, dans lequel on distingue la primine te et la secon-
dine ti enveloppant elle-même le nucelle.
Ovule adulte dans lequel pénètre le tube pollinique tp, traversant l'exos-
tome pour aller rejoindre le nucelle, et dans lequel, contrairement à ce
qui s'observe dans l'ovule précédent, la primine te est bien plus courte
que la secondine ti.
Fig.
21.
Fig.
22.
Fig-
23.
Fig.
24.
Fig.
25.
M. DTJTAILLY
NOUVELLES RECHERCHES SUR LES INFLORESCENCES UNILATERALES
DES LÉGUMINEUSES.
(EXTRAIT du procès-verbal)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Dutailly expose les résultats de ses Nouvelles Recherches sur les inflores-
cences unilatérales des Légumineuses. Il rappelle le mémoire qu'il avait présenté
l'an dernier au congrès de Clermont, touchant les mêmes inflorescences. Cer-
taines lacunes étaient à combler, car il n'avait pu rencontrer tous les inter-
médiaires existant entre le capitule parfaitement régulier de certains Trifolium
et l'inflorescence unilatérale et uniflore de quelques autres Légumineuses. Il
montre que ces intermédiaires existent en réalité, et expose principalement ses
recherches organogéniques relatives aux Lotus et aux Dorychnium. Dans le
Lotus uliginosus, les fleurs naissent sur le réceptable renflé en massue comme
les folioles du Lupin sur leur pétiole commun ; c'est-à-dire que, à droite et à
gauche du premier mamelon floral, s'en forment graduellement un certain
nombre d'autres qui finissent par constituer une enceinte continue autour du
sommet réceptaculaire. C'est ce que, l'an dernier, l'auteur avait décrit dans
VHippocrepis. Mais, dans cette dernière plante, il n'y a qu'une seule couronne
de fleurs, tandis que, dans le Lotus uliginosus, on peut en rencontrer jus-
qu'à trois qui s'étagent les unes au-dessus des autres. Entre l'inflorescence du
Trifolium pratense, capitule irrégulier, comme M. Dutailly l'a démontré, et
l'inflorescence très-simple déjà de VHippocrepis, il existe donc un passage net-
tement indiqué par l'inflorescence du Lotus uniliginosus. Entre l'inflorescence
de Vllippoerecis et celle du Lotus corviculatus, quand cette dernière possède
cinq ou six fleurs, la différence est nulle. Mais, très-souvent, l'inflorescence du
Lotus corviculatus s'amoindrit et ne présente que trois, deux et même
une seule fleur. Dans ce cas, se sont les premières fleurs de l'en-
CORENWTNDER. — ÉTUDES SUR LES FONCTIONS DES FEUILLES 589
ceinte circulaire qui seules ont apparu ; les autres n'ont même pas à avorter :
l'organogénie n'en montre aucune trace. L'inflorescence du Lotus corviculatus
est donc un intermédiaire fort net entre les inflorescences unilatérales des
Légumineuses et celles qui ne le sont pas. Le Dorychnium rectum, dont les
nombreuses fleurs forment des « capitules » serrés, offre en réalité des inflo-
rescences unilatérales qui servent de passage entre les inflorescences complète-
ment unilatérales des Viciœ et celles de VAnthyllis qui sont unilatérales à la
base et normales à leur sommet. Que toute la partie supérieure de l'inflores-
cence de VAnthyllis, comprise entre la bractée florale et le sommet même de
l'inflorescence, vienne à avorter et l'on aura exactement ce que l'on constate
dans le Dorychnium rectum.
M. COREWIOEU
ÉTUDES SUR LES FONCTIONS DES FEUILLES.
(EXTRAIT DO PROCÈS-VERBAL)
— Séance du 2 9 août 1877. —
M. Corenwinder communique la suite de ses études sur les fonctions des
feuilles. Après une série de recherches et d'analyses qui a duré plus de vingt-
cinq ans, ce physiologiste résume ainsi les lois qui président à la vie des feuilles
pendant le cours de leur végétation. Les feuilles des végétaux, dans leurs rap-
ports avec l'air atmosphérique, sont le siège de deux fonctions distinctes . Par
leur proloplasma, elles absorbent l'oxygène et exhalent constamment de l'acide
carbonique. Par leur chlorophylle, elles inspirent, au contraire, pendant le jour
seulement, l'acide carbonique et elles expirent de l'oxygène. Dans le premier
âge, le protoplasma prédomine, la chlorophylle n'est pas abondante. Dès lors
la fonction respiratoire l'emporte pendant toute la durée de cette période sur
la fonction chlorophylienne et conséquemment les feuilles exhalent de l'acide
carbonique sans interruption. A mesure que les feuilles grandissent, le proto-
plasma incolore diminue, la chlorophylle augmente ; aussi voit-on s'atténuer
rapidement chez elles la capacité d'émettre de l'acide carbonique et bientôt
elles n'exhalent plus, pendant le jour, que du gaz oxygène. Ce n'est désormais
qu'en supprimant la lumière ou au moins en l'atténuant, lorsque l'action de la
chlorophylle enfin est diminuée ou suspendue, que l'effet de la respiration
devient plus ou moins sensible. 11 n'y a donc chez les êtres qu'une seule et
véritable respiration. Le rôle que joue la chlorophylle est d'un ordre différent.
C'est, comme on le sait, un acte d'assimilation qui n'a rien de commun avec le
précédent. Ces doctrines ont déjà été énoncées par quelques physiologistes,
mais elles n'avaient pas un caractère scientifique rigoureux, parce qu'elles ne
590 BOTANIQUE
reposaient pas sur des observations suffisantes. Aujourd'hui elles ne sont plus
contestables. M. Corenwinder espère qu'on cessera désormais d'enseigner, comme
on le fait encore dans presque toutes les écoles, que les végétaux sont pourvus
de deux respirations, une pour le jour, une pour la nuit.
M. BOTTGAREL
Pharmacien à Paris
L'ACIDE PHYLLIQUE H)
— Séance du 30 août 4877 —
M. BEAÏÏRE&AUD
STRUCTURE DE LA GRAINE DES DAPHNE
(EXTRAIT du procès-verbal.)
— Séance du 30 août 1877 —
A l'état très-jeune, les téguments ovulaires, au nombre de deux, sont for-
més chacun d'un parenchyme compris entre deux épidémies. En se développpant,
la première ne se modifie pas sensiblement, sauf toutefois que son épiderme
interne apparaît finalement constitué par une couche de cellules, à section carrée,
remarquables par leur grande dimension. La secondine, au contraire, évolue
d'une manière toute spéciale. L'auteur ne retrouve pas son épiderme interne ;
mais à sa place, et au contact avec les cellules des cotylédons, une couche de
cellules spiralées, semblables aux éléments fibreux des anthères. Quant au
parenchyme de la secondine, comme dans l'ovule il est uniforme. L'épiderme
externe s'est, au contraire, profondément modifié. Il forme dans la graine
arrivée à maturité, une couche de cellules allongées, à parois très-épaisses et
colorées en brun plus ou moins foncé. C'est donc la secondine qui forme ici,
comme dans le Ricin, la partie résistante de l'enveloppe de la graine dans lés
baphnb laurcola, Gnidium et Mezerevm.il est encore à noter que la couche tout
à fait interne de cellules spirales se détache à la maturité et se colle à la
eUrface de l'embryon qui s'est écarté des enveloppes.
(1) Ce travail a été présenté également à la section de Chimie; voir ci-dessus page 365.
L'ABBÉ ROUCHY. — SUR QUELQUES ESPÈCES DITES JORDANIQUES 591
M. l'Abbé ROÏÏCÏÏY
I illaa (Cantal).
SUR QUELQUES ESPÈCES DITES JORDANIQUES.
Séance du 30 aoiH 4877. —
Je vais, messieurs, vous signaler parmi les espèces dites Jordaniques,
un certain nombre de types qui ont été, de ma part, l'objet d'une
étude plus particulière. Je regrette seulement de ne pas avoir ici le
recueil des notes que j'ai pu rassembler à cet égard ; mon travail serait
tout à la fois et plus complet, et plus précis. Je dois, en outre, vous
avertir que ces observations, quoique assez nombreuses et assez atten-
tives, ne m'ont pas encore amené, au moins dans la plupart des cas,
à une certitude absolue et c'est plutôt pour attirer votre attention sur
ces végétaux, que pour affirmer un fait, que je me permets de vous les
communiquer.
Je diviserai les plantes dont j'ai à vous parler, en trois classes :
1° Les espèces basées sur des caractères stables et qu'il me paraît bon
de conserver; 2° Les espèces qui ne me semblent pas suffisamment éta-
blies et devraient, à mon avis, disparaître de nos jardins botaniques,
de nos ouvrages et de nos collections ; 3° Les espèces qu'il serait peut-
être utile de démembrer.
Dans la première classe, je signalerai les cinquante ou soixante espè-
ces de Carex, que j'ai pu analyser jusqu'à ce jour et qui me paraissent
établis sur des caractères stables. Les Eredium, Euphrasia, le Genista
delarbrei (L et L), Linum limanense, des mêmes auteurs et enfin le
petit nombre de Rosa, Rubuse et Viola que j'airencontré dans des con-
ditions favorables pour pouvoir les étudier attentivement et dont les
caractères m'ont paru d'une fixité remarquable. Le grand nombre d'es-
pèces nouvelles, créées dans ces derniers temps aux dépens de ces trois
genres, peut nous effrayer de prime abord et nous donner de la défiance
sur leur valeur réelle ; mais je me permettrai de vous faire observer
qu'on ne les avait guère étudiées sérieusement jusqu'à nos jours et il est
probable que nous serons obligés de les maintenir au moins pour la
plupart; 2° parmi les espèces qui ne me paraissent pas suffisamment
établies, je parlerai d'abord, le Draba Verna, que certains auteurs
appellent Erophila Vulgans et dont M. Alexis Jordan est arrivé à faire
deux cents espèces. Or, messieurs, je crois pouvoir avancer sans
crainte, que pour le petit nombre de ces espèces signalées dans notre
montagneuse Auvergne, j'ai trouvé des transitions tellement insensibles,
592 BOTANIQUE
que M. Jordan lui-même, dont je reconnais la haute autorité en bota-
nique, eût peut-être été embarrassé pour nous dire à laquelle de ces
espèces appartenaient tels ou tels individus. Souvent même, j'ai pu
observer les caractères des diverses espèces sur un même sujet. Je signale-
rai aussi YOdontites Divergens qui ne doit souvent sa l'orme presque cou-
chée, qu'à la pression de corps étrangers. Je ne l'ai en effet trouvé bien
caractérisé que dans les endroits où l'on faisait paccager des troupeaux
qui le foulaient sous les pieds. Pour ce qui est des Alisma plantago et
lanceolatum, j'avouerai que le plus grand nombre des échantillons qui
me sont tombés sous la main, contenaient les caractères de l'une et de
l'autre espèce, VAconitum humile de Delarbre, que certains auteurs
appellent vulgare. Pour s'assurer que ce n'est pas une espèce, mais
simplement une forme due à la nature du terrain, il suffit de gravir la
pente du Sancy, dans le Mont-Dore où il est abondant, et un quart d'heure
d'examen ne laissera plus aucun doute. Je crois, en Unissant cette partie
de mon petit mémoire, devoir attirer votre attention sur deux variétés
d'Equisetum, créées par M. l'abbé Cariot. Ce sont, les deux variétés
Polystachia du Palustre et du Variegatum. Les centaines de sujets de
ces deux plantes que j'ai observés m'ont toujours montré que la variété
du Palustre était une simple forme produite par le décantage de la tige
principale. Tandis que dans le variegatum, on trouve une multitude
d'individus dont la tige principale est parfaitement intacte et qui porte
néanmoins des tiges latérales pourvues de fructifications ; 3° Depuis que
je m'occupe de botanique, je n'ai encore trouvé qu'une seule espèce
qui me parût trop générale et qui dût, par conséquent, être démembrée.
C'est le Prunus avium de Linnée, ou Cerasus avium (D. C), que je
séparerais en deux et que je désignerais de la manière suivante :
Prunus rubra (Rouchy).
Prunus dulcis (Rouchy ).
\ Prunus avium (L. pro parte).
( Cerasus avium (D. C. pro parte).
[ Prunus avium (L. pro parte).
( Cerasus avium (D. C. pro parte).
La différence qui existe entre ces deux espèces est très-caractéristique.
Je les cultive depuis l'âge de douze ou quinze ans. Je les ai observées à
l'état sauvage et cultivées. Toujours elles m'ont donné les caractères sui-
vants : la différence consiste en ce que le Rubra devient plus gros, vieillit
davantage, a les rameaux annuels plus robustes et moins foncés de
couleur que le Dulcis. En outre, ses fruits sont rouges, plus gros et un
peu acidulés, tandis que ceux du Dulcis sont plus petits, très-noirs et
très-sucrés.
Je dois vous faire observer, que dans les nombreux semis que j'ai
EBRAN. — PROCÉDÉ DE PRÉPARATION DES ALGUES 593
faits il y a déjà longtemps et dont les arbres donnent aujourd'hui du
fruit, jamais le fruit du Rubra ne m'a produit le Dulcis, ni celui du
Dulcis, le Rubra.
M. BOÏÏRLET DE LAYALLÉE
Directeur ilu Jnrdin Botanique du Havre.
PROCÉDÉ NOUVEAU POUR DESSÉCHER LES PLANTES
(EXTRAIT DU I'Roi'KS-VBRBAL.)
— Séance du 30 août 1877 —
M. RonaET delà Vallée expose un procédé nouveau pour dessécher les
plantes. Quand Les tissus sont très-délicats, il place les fleurs entre deux couches
de sable. Si la corolle et le calice sont monophylles, il en remplit les cavités
avec du sable. Si les pièces du périanthe sont indépendantes, il les écarte de
la même façon. Ce procédé conserve mieux que les autres les couleurs des
fleurs.
M. EBRAN
du Havre.
PROCÉDÉ DE PRÉPARATION DES ALGUES
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 30 août 1877 —
M. Ebran parle de la préparation des Algues. Quand les floridées, déposées
par les procédés connus sur un papier blanc, ont perdu presque toute leur
eau, on place sur l'échantillon à demi desséché une feuille légèrement graissée
avec du suif qui empêche l'adhérence et l'on soumet à la presse. Pour pré-
parer les grandes Algues, on les jette dans l'eau bouillante qui dissout les
matières visqueuses et rend la dessiccation facile. L'auteur donne la nomen-
clature des espèces d'Algues (trente-cinq environ) qui ont été récoltées durant
l'excursion que la section a faite la veille sur la plage, aux environs de Sainte-
Adresse.
38
594 BOTANIQUE
M. Edouard TISON
Professeur a l'Université catholique de Paris.
MÉCANISME DE LA DÉHISCENCE DES PYXIDES DANS LES PLANTAINS.
— Séance du 30 août 1877. —
Les Plantago ont, comme les Anagallis, pour fruit une pyxide, c'est-
à-dire une capsule qui s'ouvre par une fente circulaire et transversale,
située à une hauteur variable qui la divise en deux parties dont la
supérieure (le couvercle) est toujours un peu plus grande que l'infé-
rieure. Le mécanisme de la déhiscence de cette pyxide est différent de
celui des Anagallis et mérite une description spéciale. On s'en rend un
compte très-exact en étudiant les diverses phases du développement du
tissu du péricarpe dans les trois portions suivantes : 1° au-dessous de
la fente de déhiscence ; 2° au-dessus ; 3° au niveau de la fente elle-
même.
Dans les boutons du Plantago major, la paroi ovarienne, qui devien-
dra la paroi capsulaire, ne présente aucune différenciation dans son
tissu et dans la forme de ses cellules. Ce n'est qu'assez tard, après la
fécondation, que cette différenciation commence à se faire sentir. Au-
dessous de la ligne de déhiscence, le tissu du péricarpe est formé de
plusieurs rangées de cellules à peu près quadrilatères, avec un dia-
mètre vertical plus grand que le diamètre transversal. Le caractère
propre de ces cellules est d'avoir constamment les parois minces et peu
susceptibles de s'épaissir.
Au-dessus de la ligne de déhiscence, le tissu du péricarpe comprend,
dans le Plantago major, quatre rangées de cellules dont l'épaisseur et
la forme présentent les particularités suivantes. En procédant de dehors
en dedans, on rencontre d'abord la couche épidermique constituée par
une seule rangée de cellules, à contours sinueux, irréguliers, à parois
relativement minces et à diamètre à peu près égal dans toutes les direc-
tions. Un caractère propre à cet épiderme est d'être dépourvu de poils
et de stomates. La seconde rangée sous-jacente à cet épiderme est
formée de cellules très-analogues aux précédentes avec des dimensions
un peu plus grandes. Mais elles s'en distinguent très-facilement, parce
qu'elles renferment de nombreux grains de chlorophylle, qui, vers l'é-
poque de la maturité, tournent au rouge dans l'espèce citée plus haut.
La troisième rangée est la plus importante, c'est elle qui joue le rôle
principal dans le mécanisme de la déhiscence. Elle est formée de cel-
lules à contours excessivement sinueux et à parois d'abord minces,
£. TISON. — DÉHISCENCE DES PYXIDES DANS LES PLANTAINS 595
mais prenant, au fur et a mesure de la maturation du fruit, des épais-
sissements si considérables qu'à la maturité complète, cette couche don-
nera à la partie supérieure de la capsule une rigidité assez grande
pour l'empêcher de se déformer. La quatrième rangée constitue l'épi-
démie interne, elle est composée de cellules à parois plus ou moins
minces, à contours généralement peu sinueux. Leur forme est variable
suivant les espèces; ainsi, tandis qu'elles sont polygonales dans le Plmi-
tago major, elles prennent une direction transversale dans d'autres
Plantago .
La fente circulaire et transversale qui amène la séparation de la
capsule en deux parties superposées, se produit dans une région peu
étendue à laquelle on a donné le nom d'anneau. Celui-ci est formé par
un petit nombre dérangées de cellules qui diffèrent de celles des deux
régions précédentes par leur taille plus petite et par la direction trans-
versale de leur grand diamètre. Rien n'est plus facile en examinant la
paroi capsulaire soit par la face externe, soit par la face interne, que
d'apercevoir la région de l'anneau. Les cellules gardent leurs parois
minces pendant toute la durée de l'accroissement. Elles ne subissent
aucun épaississement. Le nombre de rangées qu'elles forment sur la
surface externe est généralement plus grand que sur la face interne et
il faut encore ajouter cette particularité que souvent ces deux faces de
l'anneau ne sont pas exactement situées au même niveau. Il y a ainsi
une petite obliquité, qui ira, suivant les espèces, de haut en bas ou
de bas en haut, en procédant toujours de dehors en dedans. Beaucoup
de cellules formant la région de l'anneau sont petites, polygonales,
arrondies ou allongées transversalement, elles se distinguent très-nette-
ment des cellules quadrilatères de la partie inférieure et des cellules
sinueuses de la partie supérieure. Cependant, à ces deux limites, les
cellules de l'anneau ne forment pas une transition brusque, mais des
passages gradués.
Cette constitution anatomique étant bien connue, il est maintenant
très-facile de comprendre le mécanisme de cette déhiscence particulièrej
qui est assez rare dans le règne végétal. Quand on approche de l'époque
de la maturité de la capsule, les cellules qui forment son tissu ont une
vie moins active ; leur protoplasme ayant à peu près accompli toutes les
phases de son existence, a été en grande partie résorbé, et les échanges
avec le monde extérieur diminuent de plus en plus jusqu'à devenir nuls.
La paroi capsulaire se trouve alors exposée aux forces physiques dont l'in-
tluence la plus considérable se fait sentir par une grande soustraction d'eau.
La capsule se dessèche de plus en plus, les cellules perdent à peu près com-
plètement tous les liquides renfermés à leur intérieur ; seules les parties
solides, leurs parois principalement, restent. Pendant cette dessiccation gra-
596 BOTANIQUE
duelle, la partie inférieure du péricarpe va former une membrane mince,
peu résistante et flexible; la partie supérieure, au contraire, grâce aux
parois solides et épaissies de la troisième rangée, restera rigide et inflexi-
ble. En même temps, les cellules minces, petites et peu résistantes de
l'anneau ne pouvant pas résister à ces différents tiraillements, se déchi-
reront juste au niveau des cellules à parois épaisses de la troisième
couche, qui souvent pénètrent à la façon d'un coin dans la région
de l'anneau. A ce moment, la partie supérieure de la pyxide, le cou-
vercle, devenu libre, se détachera au moindre effort, au moindre souffle.
Ce que nous avons dit plus haut du nombre variable des couches de
l'anneau à la face externe et à la face interne, ainsi que de la pénétra-
tion de la couche à cellules épaissies, nous expliquent pourquoi la ligne
de déhiscence est oblique et légèrement anfractueuse.
Ce qui montre que l'explication ci-dessus est bien la vraie et que la
déhiscence est amenée par la disposition anatomique grâce à une abon-
dante soustraction de liquide, c'est que si, peu de temps avant la ma-
turité complète et alors que les pyxidcs sont sur le point de s'ouvrir,
on place dans l'eau, l'alcool, etc., un épi de Plantago, la déhiscence n'a
pas lieu. Qu'on le retire alors du liquide et qu'on le place sur une table,
à l'air libre, on verra bientôt, lorsque la dessiccation sera suffisante, la
ligne de déhiscence se produire et le couvercle de la pyxide se détacher
de la partie inférieure.
Si l'on veut bien se reporter à la communication que j'ai faite l'année
dernière, au Congrès de Clermont-Ferrand, sur la déhiscence des pyxides
dans les Anagallis, on se convaindra que le mécanisme de la déhiscence
n'est pas le môme, bien que dans les deux cas il soit amené par une
disposition anatomique toute spéciale.
M. G. DÏÏTAILLY
RECHERCHES ORGANOGÉNIQUES SUR LES FORMATIONS AXILLAIRES
CHEZ LES CUCURBITACÉES.
— Séance du 30 août 18 77 —
Cette brève étude, qui recevra ailleurs un plus ample développement,
ne sera guère qu'une explication des deux planches qui l'accompagnent.
Aussi bien ces dernières en disent-elles plus que de longues pages et
suffisent-elles presque, à elles seules, pour l'exposition complète de
notre sujet.
DUTAILLY. — SUR LES FORMATIONS AXILLAIRES DES CUCURBITACÉES 597
Si les recherches ont été nombreuses et les discussions prolongées
touchant la nature réelle de la vrille des Cucurbitacées, il n'en est pas
de même de celles auxquelles on s'est livré pour découvrir les relations
qui existent entre les divers organes axillaires, dans les mêmes plantes.
Un mémoire médiocre de M. Guillard, quelques remarques de M. Lesti-
boudois et de M. Cauvet, un petit nombre de recherches organogé-
niques de M. Warming, voilà tout ou à peu près tout ce que l'on
rencontre sur cette matière. A notre sens, la question mérite d'être
étudiée à différents points de vue. C'est à la fois une question organo-
génique, anatomique, tératologique; et les auteurs précités s'en sont
généralement tenus à une seule de ces trois méthodes d'investigation.
Nous avons cru devoir les suivre toutes trois pour donner à nos
conclusions une évidence plus manifeste. Toutefois, faute d'espace,
nous laisserons ici de côté le point de vue anatomique et le point de
vue tératologique pour nous borner à l'exposé de nos recherches orga-
nogéniques qui conduisent d'ailleurs aux mêmes résultats que les autres.
Que l'on prenne une tige d'Ecbalium elaterium. A l'aisselle de chaque
feuille, on apercevra une inflorescence mâle, un rameau feuille, une
fleur femelle, cette dernière intercalée entre l'inflorescence et le rameau
feuille. Que l'on examine ensuite une tige de Cucurbita, et l'on verra à
l'aisselle de chaque feuille trois organes également : une fleur, une
vrille et un bourgeon feuille médian. Dans le Thladiantha dubia, il n'y
a plus que deux organes axillaires : un rameau feuille et une vrille, ou
bien une inflorescence irrégulière et une vrille souvent remplacée par
une fleur solitaire. Dans le Cyclanthera pedata, l'arrangement réciproque
des organes axillaires est, au contraire, infiniment plus complexe.
A l'aisselle de chaque feuille, on trouve une vrille, un bourgeon feuille,
une fleur femelle, une fleur mâle et une inflorescence mâle. Et, à pre-
mière vue, il est absolument impossible de dire avec certitude, à l'état
adulte, si ces différents organes s'insèrent les uns sur les autres ou bien
indépendamment l'un de l'autre sur Taxe principal. Chercher les rapports
réels de tous ces divers organes, montrer que les uns naissent avant les
autres, ceux-ci s'implantant sur ceux-là ; comparer les unes aux autres
les formations axillaires des diverses espèces de Cucurbitacées pour
montrer l'unité de plan à travers l'apparente complexité des détails,
tel est notre but et telle est la tâche que nous allons entreprendre sans
plus de préambules.
Des différents organes axillaires, il n'en est qu'un dont la nature
morphologique soit encore discutée, la vrille, comme nous le disions
tout à l'heure. Pour bien établir les relations qu'elle a avec les organes
adjacents, il est nécessaire, bien que notre intention ne soit pas d'insis-
ter ici sur ce point, de dire quelques mots de sa valeur organique
398 BOTANIQUE
réelle. On comprendra mieux ainsi les ressemblances organogéniques
qu'elle présente avec la fleur ou bien avec l'inflorescence qui, dans les
Cucurbiia ou les Bryonia, s'en trouvent séparées par le rameau feuille, et
en paraissent tant différer au premier abord.
Seringe regardait la vrille comme une racine adventive modifiée,
opinion qui ne sediscute même plus aujourd'hui. M.Chatin résume ses
recherches sur le même sujet en disant que la vrille n'a ni la structure
d'une feuille, ni celle d'une tige, ce qui n'est point résoudre la ques-
tion. Pour M. Cauvet (1), la vrille n'est qu'une feuille modifiée. M. Clos
admet que la vrille est l'une des deux feuilles géminées qui nais-
sent à chaque nœud, opinion dont nous démontrerons bientôt le peu de
fondement. Quant à M. Van Tieghem, la vrille, pour lui, est également
une feuille, parce qu'elle possède, dans son système fibrovasculaire, la
symétrie bilatérale habituelle aux feuilles. Nous verrons que l'étude
organogénique contredit formellement cette assertion. M. Lestiboudois et
M. Guillard supposent aussi que les vrilles sont des feuilles ; mais ces deux
botanistes ont eu le mérite de rattacher ces organes au rameau axillaire. Ce
sont pour eux des feuilles transformées issues de ce dernier et, comme le dit
M. Lestiboudois (2), « quand la vrille devient un rameau (vrilles à
fleurs du Pâtisson, etc.), c'est que la vrille s'est soudée avec son rameau
axillaire ». On verra que cette dernière assertion n'est nullement
conforme à la réalité. M. Favre pense, de son côté, que la vrille n'est
que l'axe principal déjeté par un rameau usurpateur ; et, ici encore,
l'organogénie démontrera l'inexactitude absolue de cette manière de voir.
Pour M. Tassi, « les vrilles sont des simples rameaux dégénérés » (3) ;
mais comme ce botaniste dit en même temps « qu'il a lieu de croire
que l'organe qui, à l'état adulte, se montre, dans les Cucurbitacées,
sous l'apparence d'une vrille généralement latérale à la feuille, est au
contraire opposée à celle-ci et tout à fait identique avec elle dans la
période gemmaire », ce qui est absolument contraire à la réalité des
faits, nous ne pensons pas qu'il faille tenir grand compte de l'opinion du
savant italien. Celle de M. Naudin mérite au contraire d'être prise en
sérieuse considération. Le premier, il a démontré, par ses études térato-
logiques, que la vrille est un rameau dont les feuilles se sont transfor-
mées en cirres. Mais, à notre avis, il se trompe complètement, comme
on le verra plus loin, en prétendant que l'origine réelle de la vrille se
trouve un entre-nœuds plus bas que le point où elle paraît s'implanter.
Pour lui, la vrille serait un rameau entraîné. M. Le Maout renchérit
encore sur cette opinion en supposant que l'origine réelle de la vrille est
(1) In Bull. Soc. Bot. de Fr., t. XI, p. 281 .
(2) In Bull. Soc. Bot.de Fr., t. IV, p. 750.
(3) lu Bull. Soc. Bot. de Fr., t. IV, p. 384.
DUTAILLY. — SUR LES FORMATIONS AXILLAIRES DES CUCURBITACÉES 599
à deux entre-nœuds au-dessous de son origine apparente, manière de
voir (|ui oe s'appuie sur aucun fait précis. M. Decaisne se borne
à considérer la vrille comme entièrement indépendante du bourgeon
à côté duquel on la voit sortir. M. Warming, enfin, à qui l'on doit des
recherches importantes sur les Cucurbitacées, admet que « la vrille n'est
pas seulement une feuille, mais un bourgeon extra-axillairc avec sa
feuille » (1). Pour lui, cette dernière est bien plus développée que le
bourgeon qui « dans beaucoup de cas, n'est pas à distinguer sur la vrille
complètement développée. » Nous acceptons, d'une manière absolue, ce
que M. Warming dit «le la nature delà vrille; mais nous nous refusons,
par contre, à admettre ce qu'il dit de sa situation. Pour nous, la vrille
n'est pas un bourgeon extra-axillaire. Elle dépend du rameau axillaire,
comme nous le démontrerons, tandis que 31. Warming s'efforce de
prouver, par son texte et ses figures, qu'elle ne contracte aucune rela-
tion avec lui.
Quelques-uns de nos dessins montrent le mode de développement des
vrilles simples ou ramifiées et ne nous paraissent laisser aucun doute sur
leur constitution. Les figures 1, 2, 3, 4, o, G, 7, 8, 9, 10, 11 de la
Planche X traduisent les premières phases de l'évolution de la vrille du
Thladiantha dubia. Dans toutes ces figures, sauf dans les figures 7 et 10,
le sommet végétatif de la vrille est représenté parle mamelon m. Dans
la figure 2, on voit ce mamelon naître sur le flanc du bourgeon feuille a,
comme une ramification naît sur un axe principal. Il conserve quelque
temps la même forme, comme en font foi les figures 3, 4 et 5. Mais
bientôt, sur son côté extérieur, on observe un petit bourrelet s, qui
rappelle tout à fait les bourrelets foliaires et grandit rapidement de
telle sorte que la vrille représente, à un moment donné, une petite niche
dont la partie inférieure horizontale est formée par le sommet végétât if m
et la concavité latérale par le bourrelet s (fig. 8). Les figures 7, 9
et 11 nous montrent différents états successifs de ce bourrelet qui
finira par constituer la majeure partie de la vrille. Cette dernière, géné-
ralement simple, est parfois bifurquée. La figure 10 montre, en q, le
début du second bras de la vrille. Le sommet végétatif, situé entre q
et s, n'est pas visible.
De cette courte étude il nous paraît résulter ceci : 1° le mamelon m
est de nature axile , c'est l'axe, d'un rameau; 2° le bourrelet s est de
nature appendiculaire. C'est une feuille développée sur l'axe en question,
La vrille du Thladiantha est donc bien, comme d'ailleurs le pensent
M. Naudin, M. Warming, etc., un rameau dégénéré.
Autre exemple. Les figures 23, 24, 25, 26 de la pi. X reproduisent
(1) E. Warming. Forgreningsforhold hos Fanerogamcrne, etc. Résumé franc., p. VL
600 BOTANIQUE
les premiers états de la vrille du Bryonia dioïca. M. Warming avait
déjà fait l'organogénie de cette vrille. Mais nous ne croyons pas que
nos dessins fassent double emploi avec les siens. Ils établissent, bien plus
nettement que ceux du savant danois, la part de ce qui revient à
l'axe et de ce qui appartient à l'appendice. C'est qu'en effet, malgré les
apparences, la vrille du Bryonia est, comme celle du Thladiantha, axile par
sa base, appendiculaire dans tout le reste de sa longueur. Dans les ligures
23, 24, 25, 26, m est le sommet végétatif de l'axe du bourgeon rudimen-
taire, et s le sommet de l'appendice qui, à l'état adulte, prolonge exac-
tement l'axe qui le supporte. Dans la figure 23, la feuille qui doit
naître en s n'est pas encore visible. Elle est très-nette dans les dessins
24, 25, moins déjà dans la figure 26 et, de bonne heure, comme nous
venons de le dire, toute ligne de démarcation disparaît.
Dans le Cyclanthera pedata, les faits sont les mêmes, au fond. Les
figures 12, 13, 14, 15, 16, 17, montrent, en m, le début de la vrille dont
l'axe existe seul alors sous forme d'un petit mamelon arrondi. Sur le
côté extérieur de ce mamelon, se forme bientôt un bourrelet que l'on
voit grandir par degrés dans les figures 18, 19, 20, 21, 22; c'est le
premier bras de la vrille, la feuille transformée en cirre et née sur
l'axe du bourgeon avorté. Les figures 27, 28, 29, 30, qui représentent
la vrille jeune de la même plante plus fortement grossie, traduisent, en
raison même du grossissement, les faits avec une plus entière exactitude.
Dans ces figures, m est le sommet de l'axe de la vrille, et s le premier
bras de cette vrille, l'appendice du bourgeon rudimentaire, en d'autres
termes. La vrille du Cyclanthera a d'habitude plusieurs bras. Cependant,
quand arrive l'automne , on rencontre, vers l'extrémité des rameaux,
des vrilles considérablement appauvries qui ne possèdent plus qu'un
ou deux bras. La figure 30 représente l'une de ces dernières; 6' est son
premier bras; t, le second ; et, entre les deux, on aperçoit le sommet
végétatif m de la portion axile de la vrille , sommet qui plus tard
cessera d'être reconnaissable.
Les figures 11, 12, 13, 14,15, 16, 17, 18,19,20 (PI. IX), montrent la
vrille du Cucurbita perennis durant les premières périodes de son déve-
loppement. Dans la figure 10, elle est à peine visible, en m ; dans les
figures 11, 12, 13, 14, 15, le mamelon m, qui représente l'axe de la
vrille, se renfle de plus en plus. La figure 16 reproduit l'apparition du
premier appendice de la vrille, s, son premier bras, comme on dit. Les
figures 17, 18, 19, montrent celle des autres bras autour du sommet
végétatif, qu'ils finissent par cacher entièrement dans les figures 19 et 20.
Il n'est pas rare de trouver, dans le Cucurbita maxima, des vrilles dont
les bras nombreux soient disposés autour du sommet végétatif delà vrille
dans un ordre régulièrement spiral, qui est aussi leur ordre d'apparition.
DUTAILLY. — SUR LES FORMATIONS AXILLAIRES DES CUCURB1TACÉES G01
des diverses observations nous déterminent à nous ranger, nous le
répétons, a l'opinion de M. Naudin et de M. Warming, pour qui les
vrilles ne sont que des bourgeons plus ou moins dégénérés; mais nous
ne saurions accepter les réserves de ce dernier, qui admet que « le
bourgeon représentant la jeune vrille semble quelquefois se développer
directement en bras de vrille ». Nous n'avons jamais pu constater ce
développement direct, et, pour nous, il n'est pas une seule vrille simple
de Cucurbitacées qui ne soit de nature caulinaire par sa base, foliaire
par sa partie supérieure, et pas une seule vrille ramifiée dont les bras
ne soient de nature appendiculaire, et le support commun de nature
axile.
Ceci posé, et la vrille étant un rameau, il s'agit de reconnaître les
relations qu'il peut contracter avec les organes voisins. M. Lestiboudois
se tait complètement sur ce qu'il nomme l'inflorescence des Cucurbi-
tacées, inflorescence qui serait constituée par l'ensemble des organes axil-
laires: «Je ne dirai rien, écrit-il (lj, de l'inflorescence; la thèse que j'ai posée
reste indépendante des considérations qu'on peut présenter à ce sujet. »
M. Guillard, qui, comme M. Lestiboudois, croit à d'étroites connexions entre
le rameau axillaire et la vrille, tout en admettant que cette dernière n'est
qu'une feuille, considère l'inflorescence des Cucurbitacées (inflorescence
constituée, pour lui aussi, par la somme des organes axillaires), comme
« une cyme axillaire fasciculée dont la fleur aînée est fructifère dans le
plus grand nombre de genres, et dont les deux récurrents sont colla-
téraux et dissemblables ». Pour lui, l'un de ces deux récurrents est
« ordinairement un groupe de fleurs mâles, l'autre est toujours un
rameau répétant la cyme progressivement avec ou sans feuilles ». On
sait, ajoute-t-il, que, «dans toutes les familles dicotylédones, chacun des
deux rameaux récurrents de la cyme est à l'aisselle d'une feuille ou
bractée. Si nous cherchons cette aisselière sur la cyme Cucurbitacée, nous
devons la trouver, d'un côté, aisselant la grappe mâle, de l'autre aisse-
lant le rameau ou bourgeon plus jeune. En effet, on la voit souster le
pédoncule mâle dans les Luffa acutnngala, striata, œgyptiaca, dans le
Sechium penivianum, les Cucumis dipsaceus, Figarei, dans le Benincasa,
etc. De l'autre côté de la cyme axillaire, du côté du rameau ou bour-
geon immanquable, la bractée aisselière se voit sur YEcbalium elaterium.
Chez toutes les autres Cucurbitacées, que trouve-t-on à l'endroit où doit
être cette bractée ? La vrille » (2).
Pour mieux préciser les idées de M. Guillard, qui paraîtront peut-être un
peu obscures à quelques lecteurs, prenons un exemple. Dans le Cucur-
bita maxima, à l'aisselle de chaque feuille, on constate trois organes qui
(1) Bull. Soc. bot. deFr.,t. IV, p. 754.
(2) Bull. Soc. Bot de Fr., t. IV, p. U4-U5.
602 BOTANIQUE
sont en allant d'un côté à l'autre: une fleur solitaire, un rameau feuille,
une vrille. D'après la citation de M. Guillard que nous venons de
donner, la fleur solitaire représente « la fleur aînée » de la cyme ou la
fleur terminale, comme on le dit d'habitude. Le rameau feuille est pour
lui l'un des deux « récurrents » de la cyme. Quant à la vrille, elle est
la bractée axillante de ce premier récurrent. L'autre récurrent fait
défaut, de l'autre côté. Qu'on s'étonne après cela que M. Guillard, par-
lant de la vrille et du rôle qu'il lui attribue, laisse échapper cette
phrase : «La vrille, étrange bractée d'une cyme encore plus étrange » (1)!
L'auteur nous paraît juger par ces mots l'hypothèse qu'il apporte; on
devrait savoir depuis longtemps que la nature est infiniment moins
prodigue de semblables étrangetés, et nous verrons que, dans les Cucur-
bitacées notamment, les faits sont infiniment plus simples qu'on ne
l'avait supposé jusqu'ici.
M. Cauvet, qui s'est encore occupé des relations qui existent entre les
organes axillaires des Cucurbitacées, écrit ceci : « Nous savons que la
vrille est une feuille. Nous pouvons donc admettre que le rameau est
placé sous sa dépendance et que, né à son aisselle, comme tous les
bourgeons d'une végétation régulière, il a été déjeté latéralement par
les organes voisins et surtout par le mérithalle usurpateur » (2). Nous
verrons bientôt qu'il n'y a point de mérithalle usurpateur et que le
bourgeon foliaire ne naît nullement dans l'aisselle de la vrille, qui n'est
pas une feuille, ainsi que nous l'avons prouvé plus haut.
Pour M. Warming (3), les relations de la vrille sont « très-difficiles
à reconnaître. Quand la vrille a un bras, en général elle semble être
située à la fois sur les deux axes » (l'axe principal et le bourgeon axillaire
feuille). Or, l'étude anatomique contredit formellement cette assertion.
Nous le démontrerons ailleurs. Quant à l'observation organogénique, elle
nous paraît également en désaccord avec l'opinion de M. AYarming.
A notre avis, la vrille, qu'elle ait un ou plusieurs bras, débute en com-
plète indépendance de l'axe principal et s'insère tout entière sur le
rameau axillaire. M. Warming dit encore que « le bourgeon axillaire
(des Cucurbitacées) se termine le plus souvent par une tleur », ce qui
ne nous a paru vrai dans aucun cas. A un certain âge, il est vrai, dans
l'Ecbalium elaterium, par exemple, la Heur femelle située entre l'inflo-
rescence maie et le bourgeon feuille paraît terminer l'axe du bourgeon
axillaire; mais, comme on le verra, ce n'est là qu'une apparence et le
vrai bourgeon axillaire, l'organe principal sur lequel s'insèrent les
autres formations axillaires, secondaires par rapport à lui, c'est , dans
(1) In Bull. Soc. Bot. de Fr.. t. IV, p. 753.
(.:) In Bull. Soc. Bot. de Fr., t. XI, p. 278-286.
(3) Loco citât., p. xxix.
DL'TAII.LY. SUR LES FORMATIONS AXILLAIRES DES CTJCURBITACÉES 603
ce cas comme dans les autres, le bourgeon feuille. M. Warmmg, enfin,
qualifie de « eyme » l'ensemble des productions axillaires du Cyclanthera
pedata, opinion qui revient en somme à celle de M. Guillard, et qui,
nous le verrous, ne saurait être appuyée sur des arguments de quel-
que valeur. Telles sont, en résumé, les diverses manières de voir qui
ont été exprimées sur ce sujet. Nous allons maintenant passer à l'obser-
vation directe et montrer, par l'étude des principaux types de Cucur-
bitacées, ce que deviennent, à la lumière des faits, toutes les hypothèses
dont nous venons de parler.
1° ECBALIUM ELATERIUM.
A l'aisselle de chaque feuille, avons-nous dit, on trouve dans cette
plante en allant d'un coté à l'autre : 1° un bourgeon feuille dont la
première feuille est constamment en dehors (fig. 8, 9, e, pi. IX) ; 2° une
Heur femelle dont l'insertion réelle est tout à fait incertaine à l'état
adulte; 3° une inflorescence mâle dont une ou deux Heurs, toujours les
plus inférieures, sont quelquefois femelles. Il est à noter, et ce fait a
déjà été signalé, que le pédoncule de la fleur femelle peut s'unir avec
celui de l'inflorescence maie, de telle sorte que cette dernière semble
porter la fleur femelle.
A première vue, à l'état adulte et même à un âge notablement plus
jeune, la fleur femelle insérée entre le rameau feuille et l'inflorescence
mâle parait être la fleur terminale d'une cyme dont les deux récurrents
seraient représentés par les deux formations latérales. Mais l'observation
organogénique contredit absolument cette manière de voir. Les figures 1 à
9 de la planche IX sont consacrées à l'étude de YEcbalium elaterium. On
voit, par la figure 1, que les trois organes axillaires débutent par un ma-
melon simple, transversalement allongé, et dont le point culminant dès le
principe se trouve en a. Or, c'est ce point culminant a qui se déve-
loppera en un bourgeon feuille. Bientôt, sur l'un des côtés de ce mame-
lon, il s'en forme un second, en b. Il est à peine indiqué sur la
figure 1, mais très-net sur la figure 2. En dernier lieu, ce mamelon 6
se renfle au niveau de son point d'insertion sur a, et produit une
troisième élevure c (fig. 4), qui est l'ébauche de la fleur femelle. Cette
dernière prend très-rapidemment (fig. 5, 6, c) un accroissement pré-
pondérant ; et une étude organogénique qui ne remonterait pas plus
haut conduirait certainement à faire considérer cette fleur femelle
comme terminant l'axe principal d'une cyme à trois branches. Mais on
voit, par ce qui précède, que la fleur femelle n'est au contraire qu'une
ramification de troisième ordre par rapport au bourgeon axillaire
feuille, puisqu'elle s'insère sur la base de l'inflorescence, qui est de
604 BOTANIQUE
second. Elle est, en réalité, la première fleur, la fleur la plus infé-
rieure de l'inflorescence; et c'est pour cela que, de temps en temps, on
les trouve adhérentes l'une à l'autre par la base. Les figures 6', 6, 7, 8
et 9 reproduisent les phases suivantes du développement. La fleur
femelle, on le voit, continue à se montrer i'organe le plus développé
Quant au rameau fouillé a, sa première feuille e apparaît d'assez bonne
heure. Elle est opposée à la fleur femelle. L'inflorescence mâle demeure
assez longtemps à l'état de simple mamelon (fig. 4, 5, 6, 7) ; mais,
finalement, les fleurs se forment dans l'ordre spiral, au-dessous de son
sommet végétatif (fig. 8 et 9, b). Elles sont toutes pourvues d'une brac-
tée axillante, et la fleur femelle, comme l'a montré M. Naudin, peut, elle
aussi, en présenter une à sa base. Quelques-unes des fleurs de la grappe
mâle, les plus inférieures toujours, peuvent devenir fructifères, c'est-à-
dire qu'au lieu d'une seule fleur femelle insérée à sa base, l'inflorescence
peut en offrir plusieurs, réparties à différents niveaux. Au demeurant,
YEcbalium est le type le plus simple que l'on puisse rencontrer chez les
Cucurbitacées, au point de vue spécial qui nous occupe. Un rameau
fouillé sur lequel s'insère, à son nœud le plus inférieur, une inflores-
cence en grappe dont la première fleur est femelle : voilà tout ce que,
dans cette plante, on trouve à l'aisselle de chaque feuille.
Détail à noter, l'inflorescence avorte souvent presque complètement; la
fleur femelle reste seule alors, et l'on voit sur le côté de son pédoncule
un mince filament droit, conique, long de quelques millimètres à
peine, qui représente l'axe de l'inflorescence dégénérée. Parfois, l'avor-
tement va plus loin, et la fleur femelle elle-même disparaît. La forma-
tion axillaire est alors réduite au bourgeon fouillé et ne diffère plus de
celle de tant de végétaux phanérogames qui n'ont qu'un bourgeon à la
base de chaque feuille.
2n Thladiantha dubia.
Le type représenté par le Thladiantha n'est guère plus complexe
que celui de YEcbalium. Il en diffère surtout par l'étonnante variabilité
des organes que l'on rencontre à l'aisselle de chaque fouille. Nous ne
reviendrons pas sur les détails que nous avons donnés ailleurs (1) sur
ces faits peut-être uniques dans la famille des Cucurbitacées. Nous rap-
pellerons seulement que la vrille n'existe pas à tous les nœuds, et que,
quand elle fait défaut, elle est remplacée, dans les plantes mâles que
nous avons seules pu étudier, par une fleur mâle solitaire longuement
pédonculée. La vrille étant un bourgeon modifié comme la fleur, cette
(1) In Bull. Soc. Lin. de Paris, p. 73-7*.
IUTA1LLY. — SUR LES FORMATIONS AXILLA1RES DES CUCURBITACÉES 605
substitution s'explique d'elle-même. D'ailleurs, le début organogénique
de ces deux organes est le même, et ce que nous dirons de l'un pourra
s'appliquer à l'autre.
A côté de la vrille ou de la fleur mâle, on ne rencontre qu'un seul
organe, à l'aisselle de chaque feuille : un bourgeon normal feuille qui se
transforme par places et grâce à l'avortement plus ou moins complet
de son sommet végétatif en une sorte d'inflorescence assez irrégulière.
Ce sont les relations de ces dilférents organes, du bourgeon feuille
avec la vrille ou bien avec la fleur solitaire, qu'il convient maintenant
de rechercher. Nos ligures 1 à 7 de la pi. X ont trait au développement
de ces formations diverses. Ici encore l'observation organogénique
montre, au début, un mamelon unique a (fig. 1), inséré un peu
latéralement par rapport à sa feuille axillante, et vers la base
duquel se produit (fig. 2) un mamelon m qui est l'ébauche de la vrille.
Les ligures 3, 4, o, 0, 7, outre l'évolution de la vrille m, reproduisent le
développement du bourgeon axillaire transformé dans ce cas en inflo-
rescence. De bonne heure, le sommet végétatif a de ce bourgeon a été
déjeté par la première fleur c qui a pris naissance (fig. 3 et 4) sur sa
base. La figure S montre une bractée (/, formée sur ce sommet végé-
tatif et qui probablement restera stérile. Sur la ligure G, on en constate
une autre, qui parait avortée, à la base de la fleur c. Quant à la figure 7,
elle montre, à côté de là vrille m, une inflorescence plus avancée
constituée par les deux, fleurs c et o, par diverses bractées parmi les-
quelles la bractée d, et enfin par le sommet végétatif a de l'inflores-
cence. Ce qui précède démontre suffisamment l'irrégularité de cette der-
nière, qui est souvent bien plus complexe. Quoi qu'il en soit, les relations
qui existent entre elle et la vrille sont des plus simples à définir. La
vrille du Thlandiantha est un bourgeon modifié toujours issu du premier
nœud du rameau axillaire, soit que ce dernier reste normal, soit qu'il
passe à l'état d'inflorescence, peu importe.
3° CUCURBITA PERENNIS.
Les Cucurbita représentent le type classique des Cucurbitacées. Une
fleur mâle ou femelle d'un côté, une vrille de l'autre, au milieu un
bourgeon feuille : telles sont en deux mots les formations que l'on ren-
contre à chaque aisselle foliaire. Leurs relations sont faciles à établir par
l'étude organogénique. Les figures 10 à 20 de la planche IX ont trait au
développement du Cucurbita perennis. Il est entendu d'ailleurs que tous
les Cucurbita évoluent de la même manière.
Au début à l'aisselle de chaque feuille, on observe un mamelon
simple, comme dans YEcbalium et le Thladiantha. Ce mamelon, trans-
606 BOTANIQUE
versalemcnt allongé, a son point culminant en a (lig. 10), et donnera,
par ce sommet, naissance au bourgeon feuille. Ce dernier est, par con-
séquent, le support de la fleur et de la vrille. Celle-ci apparaît en m
(fig. 10), par suite du gonflement du mamelon primordial sur son côté
extérieur. Plus tard seulement, à peu près en face de la vrille, mais
toujours un peu plus haut, naît un troisième mamelon b. C'est l'origine
de la fleur mâle ou femelle. Les figures 11 à 20 retracent la suite du
développement des trois organes : b représente la fleur, dans toutes ces
ligures; a est le bourgeon feuille, et le sommet végétatif de la vrille est
en m. On voit (fig. 12, 13) que le bourgeon feuille demeure quelques
temps plus gros que les organes latéraux, mais que ces derniers arri-
vent, à un moment donné, à l'égaler à peu près (fig. 4), puis finissent
parle dépasser de beaucoup. La fleur notamment prend une taille pré-
pondérante, et l'on s'explique par là l'erreur des botanistes qui l'ont en-
visagée comme représentant l'axe principal d'une sorte de cyme, laquelle
n'existe nullement en réalité. Somme toute, il résulte du résumé orga-
nogénique qui précède que les trois organes axillaires dépendent l'un de
l'autre et que la fleur et la vrille s'insérant sur le bourgeon feuille, cette
dernière s'implante au nœud le plus inférieur de ce bourgeon, tandis
que la fleur ne se rattache à lui qu'au niveau de son second nœud.
L'étude anatomique que nous réservons pour un autre travail, confirme
pleinement cette manière de voir.
4° Bryonia dioïca.
Du Bryonia dioïca nous ne dirons que peu de chose, car les rapports
qui existent entre les diverses formations axillaires de cette plante
sont, au fond, identiques avec ceux que nous venons de décrire dans
les Cucurbita. M. Warming a donné du développement de cette
Cucurbitacée de bonnes figures, tandis que les dessins qui ont trait au
Cyclanthera sont manifestement inexacts. Il a représenté la vrille du
Bryonia naissant du bourgeon axillaire seul, et pourtant il affirme qu'elle
s'insère à la fois sur ce dernier et sur l'axe principal. .Nous ne pouvons
que répéter ici ce que nous disions au sujet du Cucurbita perennis. Le
rameau feuille paraît le premier; la vrille ensuite et il est certain qu'elle
dérive tout entière de ce rameau. L'inflorescence, mâle ou femelle, se
forme plus tard et s'insère sur le second nœud du même rameau, tandis
que la vrille s'implante un peu plus bas, sur le premier. Que l'origine
de la vrille paraisse ambiguë à l'état adulte, nous ne le nions point.
Mais l'organogénie est faite précisément pour permettre de déterminer
les rapports exacts des organes naissants, et nous sommes étonné qu'un
naturaliste de la valeur de M. Warming ait pu se méprendre en pareil cas.
DUTAILLY. — SUR LES FORMATIONS AXILLAIRES DES CUCURBITACÉES 607
Il est à remarquer que la fleur inférieure de l'inflorescence, au lieu
de s'insérer franchement sur cette dernière, prend parfois attache sur
elle au niveau même du point d'implantation du rachis sur le rameau
axillaire feuille. Il semble alors qu'il existe, à l'aisselle de la feuille,
quatre organes différents : une vrille, un bourgeon feuille, une Heur
solitaire et une inflorescence. Mais ce n'est qu'une apparence, un
simple phénomène de déplacement analogue à celui que nous avons
signalé dans YEcbalium et dont l'étude organogénique rend facilement
raison.
Autre ressemblance avec YEcbalium. L'inflorescence du Bryonia peut,
elle aussi, avorter presque complètement. Les deux fleurs inférieures
seules persistent parfois, tandis que le sommet végétatif de l'inflores-
cence s'atrophie et disparaît.
5° Cyclanthera pedata.
Le Cyclanthera pédala est peut-être le type le plus complexe que l'on
puisse rencontrer dans la famille des Cucurbitacées. A l'aisselle de cha-
cune de ses feuilles, on trouve d'ordinaire cinq organes qui sont, en
allant d'un côté à l'autre : 1° une vrille, 2° un bourgeon feuille, S une
fleur femelle, 4° une fleur mâle, 5° une inflorescence mâle. C'est une
grappe de grappes, autrement dit une grappe composée, et parfois les
deux au trois grappes secondaires inférieures se rattachent à l'axe géné-
ral de l'inflorescence presque au niveau de son point d'insertion et, de
temps en temps, à ce niveau même. D'autres fois, la fleur mâle solitaire
est remplacée par une inflorescence mâle, ou bien par une fleur femelle
et, par suite, on trouve dans ce cas deux fleurs femelles côte à côte, à
l'aisselle de la feuille axillante. Quoi qu'il en soit, ces organes divers ont
entre eux des relations telles à leur début qu'en réalité, l'organi-
sation d'un Cyclanthera ne diffère pas fondamentalement de celle d'un
Cucurbita, à ce point de vue spécial. Toutes ces formations axillaires
débutent par un mamelon unique c (fig. 12 et 13, pi. X), qui se renfle
d'abord latéralement pour produire la vrille m (fig. 12 à 16, pi. X),
puis à l'opposé, en a (fig. 14 et 15, pi. X), pour donner naissance à un
mamelon duquel dériveront la fleur femelle, la fleur mâle et l'inflores-
cence mâle. Donc, au début, les faits sont les mêmes que dans le Cucur-
bita. Un mamelon d'abord ; puis deux, puis trois ; le sommet végétatif du
premier devant se transformer en un bourgeon feuille, tandis que, des
deux autres, l'inférieur représente la vrille et le supérieur l'ensemble des
organes floraux. Tous les phénomènes de complication ultérieure s'effec-
tuent par différenciation de ce mamelon supérieur a. Il se renfle d'abord
en e (fig. 16, pi. X), et c'est là l'origine de la fleur femelle; puis en d,
608 BOTANIQUE
qui représente la ileur mâle, e et d, sont donc les deux premières fleurs
issues de l'inflorescence. Sous le sommet végétatif de cette dernière, on
voit se former graduellement, et dans l'ordre spiral, les grappes simples
des fleurs mâles dont nous avons parlé (fig. 18, 19, 20, 21, 22, pi. X, a).
De cette description il résulte que le support commun de tous les
organes, vrille, fleurs et inflorescence, c'est ici, comme dans toutes les
Cucurbitacées précédemment étudiées, le bourgeon à feuilles. La vrille
s'insère au nœud le plus inférieur de ce bourgeon , comme dans les
Cucurbita, Bryonia, Thladiantha, etc.; quant au mamelon floral, sa
base répond au deuxième nœud du même bourgeon. L'inflorescence est
composée : sa première fleur est femelle et ne manque jamais. La
seconde est mâle en général et quelquefois femelle, ou bien encore rem-
placée par une grappe mâle simple. Les grappes simples qui suivent sont
toujours mâles. L'interprétation de 31. Warming diffère essentiellement
de la nôtre en ce que ce botaniste admet dans le Cyclanthera (comme
d'ailleurs dans toutes les Cucurbitacées dont la vrille est ramifiée) l'indé-
pendance absolue de la vrille, qui devient pour lui un «véritable épiblas-
tème extra-axillaire », opinion qui ne nous paraît acceptable à aucun
degré. Que l'on examine, pour se rendre un compte exact du dévelop-
pement des organes axillaires du Cyclanthera, nos figures 1 bis et 12 à
22 de la pi. X. Dans toutes, sauf dans la figure 1 bis, c est le bourgeon
axillaire, m le sommet végétatif de la vrille, a celui de l'inflorescence,
e la fleur femelle insérée sur la base de cette inflorescence, d la fleur
mâle solitaire. Mais les faits sont peut-être plus nets encore dans la
fig. 1 bis. Dans cette figure, qui représente trois jeunes feuilles avec
leurs formations axillaires, le sommet végétatif a été enlevé, m est le
début delà vrille sur le mamelon a; m' représente une vrille un peu
plus âgée, issue du mamelon a'. De l'autre côté de ce dernier s'est formé
un troisième mamelon qui est l'origine de l'inflorescence. Enfin, à l'ais-
selle de la feuille supérieure, les trois organes axillaires primitifs, la
vrille m", le bourgeon feuille a" et l'inflorescence sont très-nettement
différenciés. Nulle part, pas plus ailleurs qu'ici, nous n'avons vu la vrille
naître autrement.
En résumé, dans les Cucurbitacées, les diverses formations axillaires
ne sont pas des productions séparées ; elles se relient les unes aux
autres. Leurs rapports sont les mêmes, dans toutes les plantes de cette
famille, et jamais ces organes ne sont disposés en cymes, comme le pen-
sait M. Guillard. Il n'y a jamais trace de partitions, comme le croyait
M. Warming. A l'aisselle de chaque feuille il n'existe, en réalité, qu'un
bourgeon axillaire, toujours feuille. Les entre-nœuds inférieurs de ce
bourgeon sont extrêmement courts, et les ramifications qui s'insèrent
sur lui sont d'habitude des organes spéciaux. Au nœud le plus inférieur,
H. BAILLON. PHÉFACE DU DlCTlONiNAME DE BOTANIQUE 609
c'est une vrille (sauf dans YEcbalium,où elle fait défaut) ; au second nœud,
c'est une fleur ou une inflorescence, réduite à une fleur souvent (Cucur-
bita), mais très -complexe parfois (Cyclanthera). Le troisième nœud du
bourgeon axillaire est toujours normal, c'est-à-dire qu'il porte une
feuille ordinaire à l'aisselle de laquelle commencent à apparaître les
formations décrites plus haut, rameau feuille, vrille, (leur, etc.
M. H. BAILLON
Professeur .i la Faculté de Médecine de Paris.
PRÉFACE DU DICTIONNAIRE DE BOTANIQUE (1)
— Séance du 30 août IS77 —
H) Cette préface, qui se trouve en tête du Dictionnaire de Botanique publié par la maison
Hachette, a été reproduite dans la Revue scientifique (octobre 1877) et dans l'Adcmsonia.
39
610 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
10' Section.
ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Président M. JOUSSET DE BELLESMES, Professeur à la Faculté de médecine de
Nantes.
Vice-Président. . . . M. SABATIER, Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier (1).
Secrétaire M. J. BARROIS, Préparateur à la Faculté des sciences de Lille.
M. le Dr Louis BTJEEAÏÏ
SUR LA MUE DU BEC ET DES ORNEMENTS PALPEBRAUX
DU MACAREUX ARCTIQUE, FRATERCULA ARCTICA (LIN.) STEPH., APRÈS LA SAISON
DES AMOURS.
— Se au ce du 2i août 1877. —
Les métamorphoses curieuses que subissent le bec et les ornements
palpébraux du Macareux arctique, Fratercula arctica, après la sai-
son des amours sont restées jusqu'ici inconnues.
En les exposant brièvement dans cette note, je me propose de faire
connaître un phénomène qui n'a pas encore d'analogue dans la classe
des oiseaux et qui éclaire d'un jour nouveau le genre Fratercula.
Mes excursions ornithologiques m'ont l'ait connaître deux îles de la
Bretagne, l'une dans la Manche, l'autre dans l'Océan, qui ont encore
aujourd'hui le privilège de donner asile, pendant la ponte, à des centaines
de Macareux arctiques.
Ces deux nombreuses colonies, postes avancés de celles qui peuplent
les mers du Nord, m'ont fourni des matériaux d'études.
Au printemps, les Macareux se réunissent sur ces îles, pour se livrer
aux soins de la reproduction. Tous portent alors la même livrée et les
mêmes ornements.
(1) M. Jousset de Bellesmes, Président de la Section, élu au Congrès de Clermont-Fcrrand, ayant
été empêché d'assister au Congrès du Havre, M. Sabatier, vice-président, a dirigé les travaux de la
section.
Dr L. BUREAU. — SUR LA MUE DU BEC DU MACAREUX ARCTIQUE 611
Ils ont les joues d'un blanc grisâtre, le bec haut, épais au niveau des
narines; un ourlet à la base de la mandibule supérieure, la mandibule
inférieure régulièrement arquée ; les paupières d'un rouge vermillon,
ornées de deux plaques cornées; une large rosace d'un jaune vif aux
commissures du bec.
Au milieu de juillet s'achève l'éducation des jeunes, et dès la fin de
ce mois ou les premiers jours d'août, les macareux gagnent la haute mer.
Cette époque passée, on ne voit plus un seul oiseau sur ces rochers qui
étaient naguère si pleins de vie.
La mauvaise saison commence; les macareux s'éloignent des côtes, se
dispersent sur la mer, et dans leur histoire survient une lacune qui
n'est comblée que par de rares captures.
Mais bientôt les vents de l'hiver viennent à souiller avec violence, et
après quelques jours de ces épouvantables tourmentes qui, chaque année,
se déchaînent sur nos côtes, les vagues apportent sur le rivage des cen-
taines de macareux morts ou mourant d'inanition.
Les macareux ainsi jetés en hiver sur les côtes de France sont d'une
maigreur squelettique, et revêtus d'une livrée différente de celle que
portent les sujets que nous tuons pendant la reproduction.
Ils ont, dans la région orbitaire, une tache plus ou moins large d'un
brun noirâtre, ne sont ornés ni d'un cercle rouge, ni de plaques cornées
aux paupières, ni d'une large rosace aux commissures du bec, et,
chose plus curieuse encore, leur bec est différemment constitué : il n'a
ni la même taille, ni la même forme, ni la même coloration et les
pièces qui le composent ne sont plus les mêmes. Il est petit, tronqué au
front et surtout à la mandibule inférieure, dépourvu d'ourlet à la base
et aplati latéralement au niveau des narines, où une peau molle et gri-
sâtre remplace une cuirasse solide, cornée et d'un beau bleu de plomb.
Les auteurs considèrent les Macareux trouvés en cet état comme de
jeunes individus de différents âges du Mormon arctica, ou comme les
adultes d'une espèce qu'ils érigent sous le nom de Mormon Grabœ ({).
Aucune de ces interprétations ne saurait être admise.
Les dissidences qui régnent entre les auteurs tiennent à une singu-
lière métamorphose du jF. artica qu'il m'a été donné d'étudier cette
année sur les côtes de Bretagne.
Après la saison des amours, à la fin de juillet ou dans le courant
d'août, au moment où va s'opérer la mue d'automne, les plaques pal-
pébrales se détachent, et le bec de ces oiseaux qui, au printemps, forme
un étui corné solide, homogène se démonte et tombe en neuf pièces sem-
blables à celles d'une armure.
(1) Bull, de la Soc. zool. de France, ire année, 1S76, p. 4.
612 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Pour bien comprendre les différentes phases de ce travail de trans-
formation, il faut d'abord connaître la constitution du bec et des orne-
ments palpébraux chez l'adulte, au printemps et en hiver.
Le tableau suivant contient l'exposé parallèle des deux états si diffé-
rents de cet oiseau.
ÏABLEAU
DES TRANSFORMATIONS QUE SUBISSENT LE BEC, LES ORNEMENTS PALPEBRAUX ET LE PLUMAGE
DU MACAREUX ARCTIQUE. — FRATERCULA ARTICA, ADULTE APRES LA SAISON DES AMOURS
Fig. 51. — Mâle adulte au printemps
ou pendant les noces.
. — Mâle adulte en hiver
ou après les noces.
BEC
Bec élevé à la base; — mandibule in-
férieure régulièrement arquée de la base
à la pointe ; — ourlet jaunâtre, corné,
très-saillant à la base de la mandibule
supérieure ; — région nasale renflée et
recouverte d'une cuirasse cornée, d'un
beau gris de fer teinté de bleu, corres-
pondant à une pièce semblable de la man-
dibule inférieure; le reste du bec rouge
vermillon, marqué de trois bourrelets et
de trois gouttières obliques et, formant un
angle à leur point de rencontre ; — le 1"
bourrelet formé de deux bandes, l'une
postérieure jaune orangé, l'autre anté-
rieure rouge.
Partit!
nininl
Mandibule supérieure.
Ourlet corné
Cuirasse nasale
Lamelle sous-nasale . . .
Scissure prénasale ....
Lamelle transparente re-
couvrant la partie posté-
rieure du 1" bourrelet.
(b)
(c)
ld)
Bec étroit à la base ; tronqué au front
et surtout à la mandibule inférieure ; —
simple ourlet plat, membraneux, à la base
de îa mandibule supérieure; — région
nasale aplatie, membraneuse, brunâtre,
correspondant à une partie semblable de
la mandibule inférieure ; — le reste du
bec rouge, marqué de trois bourrelets et
de trois gouttières obliques et formant
un angle à leur point de rencontre ; le
1er bourrelet ne portant pas de bande
jaune orangé.
Mandibule supertrurr.
Ourlet membraneux (a')
Membrane nasale (b')
Gouttière prénasale ou périodique . (d')
H) Bull, de la Soc. zool. de France, i" année, 1876, p. 4.
Dr L. BURE AI'. — SIR LA MUE DU BEC DU MACAREUX ARCTIQUE
\ l«r Bourrelet ou grand
bourrelet
Parties
qui
■e m . t-ut
pas
lre Gouttière ou grande
gouttière
2e Bourrelet ou moyen
bourrelet
2° Gouttière ou moyenne
gouttière
3e Bourrelet ou petit bour-
relet (inconstant). . . .
3e Gouttière ou petile gout-
tière (inconstante . . .
Pointe du bec
Mandibule inférieure.
Parties qui \ Liséré COmé
moent / Cuirasse mentonni<Te . .
II'
III
(3)
(h)
(fl
(g)
1er Bourrelet ou grand bourrelet (dé-
pourvu de lamelle transparente) .
Pari: «s
qui
lit muent
pas
Parties
qui
s'atrophient
1er Bourrelet ou grand
bourrelet.
1" Gouttière ou grande gout-
tière.
2e Bourrelet ou moyen bour-
relet.
2e Gouttière ou moyenne gout-
tière.
3e Bourrelet ou petit bourrelet
(inconstant).
3e Gouttière ou petite gouttière
(inconstante).
Pointe du bec.
Large rosace festonnée d'un
jaune orange aux commissu-
res du bec (i)
613
(i)
(1)
(il)
(2)
(III)
(3)
«1° (h')
Mandibule inférieure.
Liséré membraneux [(')
Matrice meutonnière (g')
d°
d°
Étroite rosace d'un jaune pâle aux corn
missures du bec (i')
OBINEMENTS DES PAUPIÈBES
Bord libre des paupières rouge
vermillon (j)
/ Deux plaques cornées d'un gris
de fer situées l'une au-des-
sus de la paupière supé-
rieure, l'autre au-dessous d
l'inférieure. (k, l)
PLUMAGE
Bord libre des paupières incolore. (j)
Pas de plaques cornées aux paupières.
Dessus de la tête, du cou, du corps,
sus-caudales, ailes, queue et un large
collier qui entoure le cou, d'un noir pro-
fond ; bas du cou, poitrine, abdomen et
sous-caudales d'un blanc pur ; toute la
face d'un gris clair; gorge gris plus foncé.
Iris brun.
Pattes rouge vermillon.
La livrée d'hiver ne difTère du plumage
de printemps que par la face d'un gris
foncé et une tache plus ou moins large
d'un brun noirâtre dans la région orbi-
taire.
Iris brun.
Pattes orange.
614 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Après avoir décrit la conformation du bec et des ornements palpé-
braux du Macareux arctique au printemps et en hiver, il me reste
à dire comment s'accomplit le travail de métamorphose.
Fig. 54.
Les pièces cornées qui se détachent du bec, après la saison des
amours, sont au nombre de neuf que je nomme : Y ourlet corné, la cui-
rasse nasale, les deux lamelles sous-nasales, les deux lamelles transpa-
rentes du 1er bourrelet, les deux lisérés cornés et la cuirasse mentonnière.
L'ourlet corné (fig. 51 et 54 a) embrasse à la manière d'une fouche la
base de la mandibule supérieure. Il est percé en arrière de trous tra-
versés par de petites plumes perforantes. Après sa chute, il est remplacé
par l'ourlet membraneux (fig. 52 a'), sorte de lisière sur la partie posté-
rieure de laquelle se développent les plumes perforantes.
La cuirasse nasale (fig. 51 et 54, b) s'élève en avant de l'ourlet corné
a, comme ce dernier, la forme d'une fourche embrassant la base du
bec. Elle se compose de deux larges lames triangulaires, d'une belle
couleur bleu de plomb, réunies par leur sommet. Sa chute produit le
coup de hache que l'on remarque sur le front de l'adulte en hiver, fait
perdre au bec sa consistance, son épaisseur et met à découvert la
membrane nasale (fig. 52, b'.)
Les lamelles sous-nasales (fig. 51 et 54 c.) au nombre de deux, sont le
complément de la cuirasse nasale.
Les lamelles transparentes (fig. 51 et 54 e), pellicules cornées d'un
beau jaune orange, recouvrent la moitié postérieure du premier ou grand
bourrelet. Elles se détachent par exfoliation après la saison des noces.
Mais la modification la plus étrange, est celle qui se produit dans la
hauteur et la forme de la mandibule inférieure. Pour la bien saisir, il
suffit d'examiner comparativement les figures 51 et 52 qui représentent
l'adulte au printemps et en hiver.
Chez l'adulte au printemps, la base de la mandibule inférieure est
élevée et son bord inférieur décrit une courbe régulière.
H.-E. SAUVAGE. — SUR LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ASIE 615
Chez l'adulte en hiver, au contraire, la base de la mandibule infé-
rieure est étroite et son bord inférieur formé de deux lignes droites qui
se rencontrent à angle. II semble que la mandibule ait reçu un coup de
hache.
Voici comment agit la nature pour obtenir ce résultat.
La cuirasse mentonnière (fig. 'il et 54 g.) se détache en une seule pièce
composée de deux: lames réunies parleur bord intérieur.
La chute de cette vaste pièce met à découvert un triangle membra-
neux, de couleur jaunâtre, le triangle atrophique (fig. 53, t.) qui, peu à
peu se rétracte, s'atrophie et se loge dans la rainure formée par le léger
écartement des deux branches de la mandibule inférieure.
Quant aux ornements palpébraux, les choses se passent plus simple-
ment.
Le bord libre des paupières, épais et d'un rouge vermillon, s'atrophie
et devient incolore.
Les plaques cornées se détachent et laissent, après leur chute, un
derme dénudé qui s'atrophie et disparaît très-rapidement.
Telles sont, aussi brièvement que possible, les transformations que
subissent le bec et les ornements palpébraux du macareux arctique après
la saison des amours .
Nota.— Pour plus de détails sur la mue du bec dans les genres Fratercula,
Lunda, ceratorhyncha et Simorhynchus, voyez: Bulletin de la Société zoologique
de France, 1877 et 1878.
M. H.-E. SAUVAGE
Aide-Naturaliste au Muséum.
CONSIDÉRATIONS SUR LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DES EAUX DOUCES
DE L'ASIE ET EN PARTICULIER DE L'INDO-CHINE.
— Séance du 24 août 1877.
Lorsque Ton jette un coup d'œil d'ensemble sur la faune ichthyologique
des eaux douces de l'Asie (pi. XI), l'on ne tarde pas à reconnaître quatre
grandes provinces dans cette région ; caractérisées chacune par un certain
nombre de genres, ces provinces, bien que distinctes, se confondent sur
616 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
leurs frontières respectives avec les provinces environnantes, comme
toutes les provinces zoologiques d'ailleurs.
Dans la province Nord, ou Sibérienne, nous notons la prédominance
de types européens, la perche, la carpe, la lotte, le goujon, la bouvière,
la tanche et d'autres espèces encore; la carpe et le Misgurnus anguil-
licaudatus sont communs à cette province et au nord de la Chine.
Dans la province Est, les Siniperca (S. Chuatsi, Chuantsi, Mat sali), repré-
sentent la perche d'Europe ; les Gobio imberbis, argentatus, nigripinnis,
nitens, le goujon d'Europe; le Pseudophoxinus oxycephalus, notre vairon:
le Bhodeus sinensis, notre bouvière; les Cobitis japonica et Cobitis sinensis,
nos loches; VAnguilla japonica, notre anguille commune. Mais à côté
de ces types européens, nous en trouvons d'autres caractéristiques de la
province est; tels sont les Saurogobio, Rhinogobio, Acanthorhodeus ,
Pseudobrama , Barilius , Opsariichthys , Hypophthalmus , Parabramis,
Hemiculter, Culter, Elopichthis, Chanodichthys, Paracanthobrama. Xeno-
cypris, Oreonectes, Ctenopharyngodon, pour ne citer que les plus carac-
téristiques d'entre eux.
La présence des Mastacembelidœ (M. sinensis, macula tus), des Laby-
rinthici (Anabas oligolepis, Macropodus viridiauratus), des Ophicephalida?
(0. argus, nigricans, grandinosus, etc.); des Eleotris (E. potamophila,
obscurus, Swinhonis , butis, etc.); des Hemibagrus [H. macropterus,
taphrophilus) ; des Leiocassis (L. crassilabris); des Puntius du groupe
des Barbodes (B. deauratus, sinensis); et des Capoeta (C. Guntheri);
rapproche cette province de la province sud ou asiatique proprement
dite.
Les genres Pseudogobio, Pseudorasbora, Achilognathus, Opsariichthys
Misguî-nus sont d'ailleurs communs entre la Chine et le Japon; le Japon
se rattache, du reste, par la faune ichthyologique de ses eaux douces,
à la province chinoise.
L'on a déjà signalé dans les eaux de cette dernière province des
coquilles du groupe des Unios qui n'ont d'analogie qu'avec celles des
eaux douces de l'Amérique du Nord; nous notons aussi dans le nord
de la Chine la présence du genre Sclerognathus (S. asiaticus), du groupe
des Catostomina, dont toutes les autres espèces sont américaines.
La province ouest présente à la fois, comme on devait s'y attendre,
des affinités avec l'Europe, l'est de l'Afrique et la province asiatique
proprement dite. Cette province ouest, qui comprend l'Asie Mineure, la
Perse, la Mésopotamie a, en commun avec l'Afrique le genre Chromis,
dont le groupe est d'Afrique et de l'Amérique tropicale; parmi les
Cyprins nous notons le genre Barbus, répandu en Europe et en Asie
Mineure, quoique le centre de création du genre semble être des parties
chaudes de l'Afrique. Les Leuciscus, Aspius et Albumus sont communs
H.-E. SAUVAGE. — SLR LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ASIE 617
à l'Europe et à la province dont nous indiquons la faune ; ces derniers
genres Alburnus et Aspius sont toutefois plutôt de la partie ouest de
l'Asie que de l'Europe; en commun avec la province sud, la province
ouest possède les genres Tylognathus (T. nanus), Discognathus (D. va-
riabilis) et Nemaehilus, dont nous avons déjà signalé la présence en
Chine et au Japon ; dans la même famille des Cyprinides, les genres
Capœta, Cyprinion, Âcanthobrama sont spéciaux à la province; les Silures
y sont représentés par le genre Euclytosternon, du groupe des Bagarina,
genre qui se retrouve dans la province asiatique, et par le genre
Clarias répandu en Afrique, dans l'Inde et en Chine. La province ouest
se caractérise, en résumé, par l'absence des Ophicephalidœ et des
Labyrinthici .
Quant à ce qui est de la province sud, on pourrait la nommer
province asiatique par excellence. Nous y trouvons, il est vrai, des Lahy-
rinthici et des Ophicephalidœ dont nous avons déjà constaté la présence
dans la province est, mais ces deux familles y sont à leur maximum de
développement et y présentent un certain nombre de genres spéciaux.
Parmi les Siluroïdes, dans le groupe des Heteropterœ, sur vingt et un
genres, dix-sept ne se trouvent que dans cette province; dans le groupe
des Proteropterœ, sur dix-huit genres, douze sont signalés dans l'Inde
et dans les îles qui géographiquement en dépendent. Quant aux Cyprins,
les types spéciaux à cette région sont nombreux : les citer tous serait
trop long; contentons-nous d'inscrire les genres DangiUi, Osteochilus,
Crossochilus, Epalzeorhynchus, Cyclocheilichthys, Thynnichthys, Amblyr-
rhynchichthys, Schizothorax, Rohteichthys, Luciosoma, Nuria, Danio,
Pteropsarion, Bola, Barbichthys, Osteobrama, Smiligaster, Eustira, Chela,
Homaloptera , Lepidocephalichthys, Acanthopsis, Lepidocephahis, Acantho-
phthalmus.
Cette province sud se divise en deux sous-provinces géographiquement
distinctes, la péninsule cisgangétique et la péninsule transgangétique;
les îles de l'archipel malais, Java, Sumatra, Bornéo, Amboine, îles
situées en deçà de la ligne de partage de Wallace, appartiennent à cette
province. La faune des eaux douces de l'Inde est bien connue depuis
l'époque à laquelle écrivait Hamilton Buehanam; grâce aux travaux de
M. Bleeker, la faune de l'archipel Indien est une des mieux décrites;
les poissons des eaux douces de l'Indo-Chine n'étaient toutefois repré-
sentés que par quelques espèces rapportées au British Muséum par
Henry Mouhot ou au Muséum de Paris par M. Bocourt, lorsque, grâce
au zèle de MM. J. Jullien et Harmand, le Muséum de Paris reçut une
nombreuse suite de poissons des eaux douces de la Cochinchine et des
Laos siamois et cambodgien. Les collections adressées par les deux
voyageurs que nous venons de citer, comparées aux espèces de
618 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
la même région déjà indiquées par les auteurs, nous ont permis d'établir
la liste des espèces trouvées dans l'Indo-Chine, espèces au nombre de
cent-seize réparties entre, les familles des Labyrinthici (huit espèces),
des Ophicephalidœ (quatre espèces), des Mastacembelidœ (trois espèces),
des Nandidœ (une espèce), des Siluridœ (trente-huit espèces), des
Cyprinidœ (soixante et une espèces), et des Apodes (une espèce).
Lorsque l'on étudie ces espèces et, qu'en même temps, l'on a en
mémoire la liste des poissons des eaux douces de la péninsule indienne,
l'on voit que peu d'espèces sont communes aux deux péninsules. Dans
la famille des Siluroïdes, par exemple, sur trente-huit espèces, nous
n'en notons que six se retrouvant à la fois dans l'Inde et dans l'Indo-
Chine. Dans la famille des Cyprinidae, sur soixante et une espèces, sept
seulement sont communes à l'Inde et à l'Indo-Chine. Les Ophicsephalidae
et les Labyrinthici ont plus large distribution géographique ; sur douze
espèces nous en pouvons citer huit de communes aux deux régions.
Toutes les affinités de la faune ichthyologique des eaux douces de
l'Indo-Chine sont, par contre, avec les îles de l'archipel Malais situées
en deçà de la ligne de Wallace, avec Bornéo, Sumatra, Java ; c'est non-
seulement une affinité qui existe entre les deux faunes ichthyologiques,
mais une similitude complète ; les espèces de Cyprins et de Siluroïdes
sont identiquement les mêmes dans l'Indo-Chine et dans les trois îles
que nous venons de citer. Nous devons en conclure qu'à une époque
géologique récente, Java, Bornéo et Sumatra communiquaient et entre
eux et avec la péninsule de l'Indo-Chine. Grâce à cette communication
par terre un certain nombre d'espèces ont pu se disperser, tandis que
d'autres sont restées cantonnées dans leurs domaines primitifs, tout en
variant et en donnant naissance à des espèces ou plutôt à des races locales.
Cette similitude entre la faune ichthyologique de l'Indo-Chine et les
îles malaises, opposée aux différences que l'on note avec la faune de
l'Inde, fait que, dans la province indienne, l'on doit distinguer deux
districts ichthyologiques, le district indien et le district indo-malais.
Sur les trente-huit espèces de Siluroïdes connues de l'Indo-Chine,
trois espèces sont nouvelles et sont particulières à la région, huit se
retrouvent à Bornéo, six à Sumatra, quatre à Java, trois à Banka; une
espèce vit à la fois dans l'Indo-Chine, à Java et à Bornéo; deux se retrouvent
en Cochinchine, à Sumatra, à Bornéo ; deux à Sumatra, à Bornéo et à
Java.
Sur soixante et une espèces de Cyprins, nous n'en notons que dix-neuf
particulières à l'Indo-Chine, et encore sur ce nombre quatorze espèces sont
nouvelles pour la science ; dix espèces sont signalées à Bornéo, Sumatra,
Java; sept à Bornéo, Sumatra; cinq à Sumatra et à Java ; trois à Sumatra
seulement; deux à Java seulement; une à Bornéo; une espèce est com-
H.-E. SAUVAGE. — SLR LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ASIE 619
mune à Java et à l'Inde, six espèces sont signalées dans la faune de
l'Inde.
L'on voit, dès lors, que les rapports les plus intimes entre l'Indo-
Chine et les régions voisines, sont en première ligne avec Bornéo, puis
avec Sumatra, et enfin avec Java.
Les conclusions auxquelles nous sommes arrivé relativement aux
analogies qne présentent les îles de l'archipel Indien avec l'Indo-Chine
ressortiront, sans doute, de la liste suivante des espèces:
LABYRINTHICI.
Anabas scandens Dald., — Osphronemus olfax Connu., — Trichopus tricho-
pterus Pall.; T. siamcnsis Gthr.; T. microlepis Gthr.; T. parvipinnis Sauvg.;
T. striatus C.V. — Betta pugnax Cant.
OPHICEPHALID/E.
Ophicephalus striatus Bl. ; 0. siamensis Gthr.; 0. micropeltes C. V.,
0. lucius C.V.., 0. melanosma Blkr. ; 0. Steuensi, Blkr.
M\STACEMBELID.K
Mastacembelus argus Gthr.; M. crythrotœnia Blkr. — Rhynchobdella acu-
leata Bl.
NANDID.i:.
Catopra fasciata Blkr.
SILURID.E.
Clarias macrocephalus Gthr.; C. leiacanthus Blkr. — Plotosus canius H.B. —
Saccobranchus fossilis Bl. — Silurus Cochinchinensis C.V. — Wallago attu Bl . —
Bclodontichthijs macrochir Blkr. — Micronema Bleekeri Boc. — Macrones 11e-
murus C.V. — Callichrous hypophthalmus Blkr.; C. bimaculatus C.V. —
Pangasius Larnandi Boc; P. macronema Blkr.; P. pleurotœnia Sauvg ;
P. Djombal Blkr. — Pseudopangasius pohjuranodon Blkr.; P. nasutus, Blkr. —
Helicophagus Wandersil Blkr.; H. hypophthalmus Sauvg. — Hypselobagrus
nigriceps C.V.; H. micracanthus Blkr.; i/. Wolffi Blkr. — Bagroides ma-
cropterus Blkr. — Hemibagrus nemurus C.V. — Hetcrobagrus Bocourti Blkr.
— Pseudobagrus brachysoma Gthr. — Leiocassis pœcilopterus C.V. — Arius
truncatus C.V.; A. macracanthus Gthr.; A. cochinchinensis Gthr.; A. Cœla-
tus C.V. — Hemiarius Stormii Blkr. — Hemipimelodus borneensis Blkr.;
H. macrocephalus BJkr.; H. siamensis Sauvg. — Bagarius Yarrellii Sykes. —
Pseudobagrichthys macropterus Blkr . — Ketengus typus Blkr .
CYPRINID^E.
Catla Buchamani C.V.— Carassius auratusL. — Osteochilus Hasseltii C.V. —
Labeo aurovittatus Sauvg. — Cosmochilus Harmandi Sauvg.— Barbichthys ni-
tidus Sauvg. — Puntius lœneis Gthr.; P. altus Gthr.; P. rubripinnis C.V.;
620 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
P. javanicus Blkr.; P. gonionotus Jîlkr . ; P. erythroplerus Blkr.; P. bulu Blkr.;
P. leiacanthus Blkr.; P. proctozysron Blkr. — Cyclocheilichltys Dnmerilii Blkr.;
G. apogonoides Blkr.; C. siaja Blkr.; 6'. macracanthus Blkr.; C. arma-
tus C.V. — Dangila lineata Sauve;.; D. Curieri C.V.; D. leptochila C.V. —
Rohita brachynotus Blkr.; R. barbatula Sauvg.; 7?. pec.toralis Sauve;.;
R. sima Sauvg. — Cirrhina microlepis Sauvg.; C. aurata Sauvg.; C. Jul-
licni Sauvg. — Macrocirichthys uranoscopus Blkr. — Morulius chrysospheka-
dion Blkr.; M. dinema Blkr. — Osteochilus melanopleurus Blkr.; 0. Schlc-
gelii Blkr; 0. borneeneis Blkr.; 0. Hasseltii C.V.; 0. brachynopterus Blkr. —
Crossochilus reba H.B.; C. Langii Blkr. — Hampala macrolcpidotciK.U.' —
Balantiocheilos melanopterus Blkr. — Thynnichthys thynnoides Blkr. — Ambhj-
rhynchichthys truncatus Blkr. — Leptobarbus Hoeveni Blkr. — Rasbo7*a Eintho-
veni Blkr.; R. Dusoniensis Blkr.; R. Daniconius H.B. — Morara siamensis
Blkr. — Luciosoma spilopleura Blkr. — Chela siamensis Gthr. — Pseudolaubuca
lateralis Sauvg. — Homaloptera lineata C.V. — Nemachilus spilopterus C.V . —
Botia modesta Blkr.; B. hymenophysa Blkr.; H. helodes Sauvg.; B. rubri-
pinnis Sauvg. — Acanthopthalmus Kuhlii C.V. — Acanthopsis chrysorhynchus
Blkr. — Misyurnus laœnsis Sauvg.
APODES.
Monopterus javanicus Lacép .
M. G. POUCHET
Maître de Conférences à l'Kcole normale supérieure.
SUR LES CONSÉQUENCES DE L'ABLATION D'UN ŒIL CHEZ LES POISSONS.
(EXTRAIT DU PROCKS-VKRBAL
— Séance du 24 août 1877. —
M. Pouchet expose le résultat de ses recherches nouvelles Sur les conséquen-
ces de V ablation d^un œil chez les poissons.
Des expériences faites autrefois par M. Pouchet il résulte qu'il y a une
action réflexe indépendante de la volonté et de la révolution diurne allant par
l'intermédiaire du grand sympathique de la rétine aux cellules pigmentaires
du tégument. Ce réflexe préside à l'état de plus ou moins grande contraction
des chromoblastes.
M. Pouchet a récemment essayé de produire une hémiplégie des chromoblas-
tes en enlevant l'œil d'un côté. Chez beaucoup de poissons (Cottes, Blennies,
Mulets, Tanches, jeunes Anguilles, Cobitis fossilis, etc.), les expériences
(,. POUCHET. — 1>K L'ABLATION D'UN OfclL CHEZ LES POISSONS 621
réussissent mal; chez certains autres et en particulier chez la truite, elles ont
un plein succès.
L'expérience, laite d'abord par M. Chantran, sur les indications de M. Pou-
chet, et répétée depuis par ce dernier, montre que la truite éborgnée devient
noire d'un côté, blanche de l'autre.
M. Pouchet a l'ait de curieuses observations sur les changements de position
qui accompagnent cette hémiplégie : la truite éborgnée adopte toujours une
positioo oblique telle que l'œil subsistant soit dirigé vers le bas. Des faits
analogues s'observent chez le Palœmon privé d'un œil.
M. Pouchet termine en disant quelques mots des conséquences physiologi-
ques auxquelles pourraient conduire ses observations céphaliques du grand
sympathique.
DISCUSSION.
M. Giakd, professeur à la Faculté des sciences de Lille, présente, au sujet
du mémoire de M. Pouchet, quelques observations sur les causes qui amènent
l'asymétrie à l'état adulte chez beaucoup d'animaux symétriques dans le jeune
âge (poissons pleuronectes , Ascidies pleurostatiques, Pléropodes et Gastéro-
podes).
M. Giard croit que le point de départ de l'asymétrie réside d'abord dans
l'inégalité des organes des sens (yeux ou otocystes) ou dans l'asymétrie de ces
organes (ascidies) Mais pour que cette cause puisse agir, il faut que le jeune
animal soit transparent et que les organes des sens demeurent sessiles. Les
yeux pédoncules des crustacés, par exemple, peuvent par leurs mouvements
remédier à l'inégalité de puissance.
M. Giard signale aussi de nombreux cas de coloration de la face inférieure
des poissons pleuronectes observés cet été sur les côtes de la Manche. La Sole,
la Plie, le Flet, présentent parfois cette particularité, mais elle a été plus fré-
quente encore chez le Turbot. Beaucoup d'exemplaires de cette espèce, arrivés
sur les marchés de Lille, Douai et Valenciennes, présentaient de larges mar-
brures sur la face inférieure du corps ; il est remarquable que les anciens
ichthyologistes Daubenton, Bonnaterre, etc.) indiquent ces marbures comme
ordinaires chez le Turbot, tandis que les zoologistes plus récents (Valenciennes,
Yarrel) décrivent la face inférieure comme entièrement blanche.
M. Pouchet déclare que, parmi les milliers de Turbots qu'il a eu occasion de
voir à Concarneau, aucun ne présentait la moindre tache sur la face blanche.
622 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
M. J. BÀB.B.0IS
Préparateur à l;i Facilité des sciences de Lille.
EMBRYOGÉNIE DES BRYOZOAIRES
(extrait du procks-verbal.)
— Séance du 24 août 1877. —
M. J. Barrois donne communication d'un extrait de son mémoire sur l'em-
bryogénie des Bryozoaires, qui traite incidemment du système nerveux colonial
de ces animaux.
Après avoir mentionné l'étrange particularité découverte par lui dans la
formation de la loge primitive de la Pédicelline, type chez lequel la masse
interne de dégénérescence, au lieu de ne produire qu'un polypide, donne de
plus naissance à une masse de cellules fusiformes qui semble y faire suite.
M. Barrois cherche à expliquer la signification de cette étrange partie et fait
part de ses observations sur le bourgeonnement de YEucratea, qui semblent
résoudre la question d'une manière satisfaisante.
Chez YEucratea chclata, le connus, au lieu de se développer par allonge-
ment d'un feuillet unique, s'accroît par allongement de deux feuillets emboî-
tés ; l'externe forme comme d'habitude l'endoeysie de la loge; l'interne se
divise en deux portions distinctes qui rappellent tout à fait les deux masses
internes de la loge primitive de la Pédicelline : la supérieure donne directe-
ment naissance au polypide, l'inférieure subit des changements plus étendus :
ses cellules s'écartent, deviennent fusiformes, et forment bientôt une masse
identique à celle de la Pédicelline; puis ces cellules fusiformes s'assemblent
en traînée et donnent ainsi naissance au funicule et au système nerveux
colonial.
Ces observations conduisent à penser que l'endoderme dans une loge de
Bryozoaire ne se compose pas uniquement du polypide, mais de plus d'un
petit tube épithélial situé derrière lui, et que nous voyous chez la Pédicelline
naître en même temps de la masse graisseuse; ce tube peut jouer le rôle
d'un feuillet interne s'accroissant en même temps que l'endocyste pour former
la partie endodermique des stolons; chez la Pédicelline, ses cellules deviennent
simplement fusiformes; chez YEucratea elles se disposent de plus en traînées
qui forment le système nerveux colonial et le funicule; nous voyonspar là que le
système nerveux colonial et le funicule ne représentent morphologiquement
autre chose que l'endoderme; nous voyons aussi par ces résultats qu'un connus
de Brvozoaire ne peut plus être considéré comme un assemblage de simples
sacs (Cystides) produisant seulement plus tard par bourgeonnement interne le
polypide (animal de seconde génération); mais dans chaque élément se trouvent
dès le début représentées ses deux grandes parties constitutives (endoderme
et exoderme) ; par exemple, un stolon de vésiculaire ne pourra plus être con-
H. FOL. — PHÉNOMÈNES DU DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES 623
sidéré comme étant formé d'un simple tube, mais de deux feuillets inclus
l'un dans l'autre, puisque le représentant du feuillet interne, le système ner-
veux colonial, y existe toujours dans toute la longueur.
M. Barrois termine en faisant remarquer l'accord très-frappant qui existe
entre ces faits et ceux auxquels M. Joliet est arrivé plus récemment (disposi-
tion fusiforme des éléments du système nerveux colonial, importance morpho-
logique de ce système) par une voie toute différente : il est heureux de voir
confirmer par cet observateur une partie des résultats auxquels l'ont conduit
les recherches qu'il a entreprises depuis plusieurs années soit au laboratoire de
Wimereux, soit sur les côtes de Bretagne et de Normandie.
M. SABATIEK,
Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier.
SUR L'APPAREIL RESPIRATOIRE DES AMPULLAIRES
(EXTRAIT du procès-verbal.)
— Séance du 2A août 4877. —
M. Sabatier fait une communication sur l'appareil respiratoire des Ampul-
laires. 11 démontre l'existence simultanée d'une véritable respiration pulmo-
naire et d'une respiration branchiale. L'étude histologique des deux organes
correspondants prouve que, loin d'être l'un et l'autre imparfaits dans leur con-
stitution, comme aurait pu le faire penser leur existence simultanée, ils sont
au contraire très-bien organisés et aptes à fonctionner d'une manière parfaite .
M. Sabatier insiste sur les dispositions anatomiques qui assurent le transport
du sang de la branchie au poumon, pendant que la première est hors de ses
conditions normales de fonctionnement.
M. ïïermann EOL
Piofesseur à l'Université de Genève.
PREMIERS PHÉNOMÈNES DU DÉVELOPPEMENT DES ÉCHINODERMES
(EXTRAIT du procès-verbal.)
— Séance du 23 août 1877. —
M. Hermann Fol, professeur à l'université de Genève, expose le résultat de
ses investigations sur les premiers phénomènes de développement des Echino-
624 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
dermes; ses recherches ont porté principalement sur les œufs à'Asterias gla-
cialis. L'œuf mur présente une vésicule germinative bien développée et une
couche muqueuse superposée immédiatement au vitellus.
Le premier phénomène de développement consiste dans la disparition de la
vésicule germinative qui se fond avec le reste du vitellus ; on voit ensuite
se former aux dépens de sa substance un amphiaster qui gagne la surface
pour donner naissance au globule polaire : une partie de l'amphiasler devient
le noyau du corpuscule de rebut et nous révèle ainsi sa nature cellulaire; l'autre
partie demeure à l'intérieur de l'œuf où elle forme un noyau, le Pronucleus
femelle.
La fécondation consiste dans la soudure d'un spermatozoïde à la substance
de l'œuf; préalablement soulevée en une légère saillie, la partie extérieure
du spermatozoïde donne naissance à un Aster, le Pronucleus mâle;
sa partie postérieure demeure à l'extérieur et y constitue un petit renflement
que M. Fol appelle le cône d'exsudation.
Le premier fait déterminé par la fécondation est la formation très-rapide
d'une membrane viteliine qui vient fermer l'entrée aux spermatozoïdes ; quand
la fécondation a lieu après la sortie des globules polaires , ces derniers sont
compris à l'intérieur de cette membrane; dans le cas contraire, ils sont situés
à l'extérieur.
Le premier noyau, d'où part la segmentation, résulte de la soudure des
Pronucleus mâle et femelle; il peut arriver que la pénétration de plusieurs
spermatozoïdes donne naissance à la production de plusieurs asters mâles ; ces
derniers peuvent rester en partie inutiles, un ou deux s'unissent seulement
à l'aster femelle; ils ne se réunissent jamais les uns aux autres; et semblent
au contraire se repousser l'un l'autre. M. Fol a remarqué qu'à chaque double
fécondation correspondait une modification dans la structure de l'embryon :
les gastrules des œufs dans lesquels ont pénétré deux spermatozoïdes présen-
tent en même temps deux invaginations ; on voit quelle lumière l'étude de
des phénomènes peut jeter sur les causes de production des monstres doubles.
M. A. GIAED
Professeur à la Faculté des sciences de Lille.
SUR LA SIGNIFICATION MORPHOLOGIQUE DES GLOBULES POLAIRES
(EXTRAIT DU PROC.ÈS-VERRAL.)
Séance du 23 août 1877. —
La communication de M. A. Giaru est un complément et, en certain point,
une rectilication des faits exposés par M. H. Fol.
M. Giard distingue soigneusement les globules polaires d'avec d'autres pro-
ductions dérivées des enveloppes de l'œuf ou excrétées par le vitellus. Les
A. GIARD. — SIGNIFICATION MORPHOLOGIQUE DES GLOBULES POLAIRES 62o
véritables globules polaires naissent toujours au pôle formateur de l'œuf et
par un processus identique à la division cellulaire. Ils méritent donc le nom
de corps directeurs qu'on leur a parfois donné, mais ne peuvent être justement
appelés corpuscules de rebut, ni même cellules de rebut.
M. Giard a étudié la naissance des globules polaires chez les Annélides, les
Gastéropodes, les Échinodermes. Ses observations confirment pleinement celles
faites par Bùtsclili sur les Hirudinées, le Cucullan, etc. Elles l'ont conduit à
considérer ces petits corps comme des cellules rudimentaires n'ayant plus
qu'une signification atavique.
Les premiers éléments embryonnaires sont susceptibles de mener pendant
un temps plus ou moins long une existence indépendante; sans parler des
corps du testa des Tuniciers dont la nature est encore douteuse, M. Giard
rappelle que certaines cellules ciliées détachées de l'embryon du Tergipes, ont
été décrites par Nordman comme des organismes parasites de l'œuf de ce
mollusque. Les premières sphères de segmentation de l'œuf des Médusaires
et des Échinodermes, sont à peine adhérentes entre elles. 11 n'est donc pas
étonnant de constater une liberté absolue chez les cellules polaires.
Cette opinion sur la signification des globules polaires vient d'être acceptée
par Bùlschli dans un travail récemment publié dans le Journal de Siebold
(t. XXIX, fasc. 2). M. Giard la complète aujourd'hui en expliquant comment
les cellules polaires sont devenues rudimentaires. Lorsque deux ou plusieurs
cellules libres se trouvent enfermées dans une enveloppe commune, la con-
currence vitale s'exerce entre ces êtres cellulaires comme entre des organismes
plus élevés. C'est ce qu'il est facile de voir, soit dans les pontes normales de
certains peclinibranches (Purpura, Lamellaria, etc.), soit accidentellement dans
celles des nudibranches ou des aplysiens, quand d'une manière exception-
nelle plusieurs œufs se trouvent renfermés dans une même coque. Une partie
de ces œufs restent à l'état d'ovules avortés et subissent une segmentation
irrégulière, et servent plus tard à la nutrition des embryons. On ne peut
cependant pas les appeler des ovules de rebut et les considérer comme une
excrétion de l'ovaire. Ce serait plutôt une sécrétion conduisant à la sécrétion
vitellogène des turbellariés et des plathelminthes.
Les globules polaires sont arrivés à l'état de cellules rudimentaires par
suite d'une semblable concurrence vitale. Leur indépendance par rapport à
l'ovule rappelle ontogéniquement l'état des catallactes où les cellules de la
morula sont susceptibles de se séparer les unes des autres.
M. Giard combat l'idée émise par Rabl, qui attribue aux globules polaires
une signification physiologique actuelle, et les croit destinés h empêcher la
membrane vitelline de presser trop fortement le vitellus. Les globules polaires
existent chez des animaux où il n'y a pas de membranes vitellines.
Mécaniquement et actuellement, la formation de ces cellules rudimentaires,
ou, si l'on veut, la division de la cellule ovulaire en cellules très-inégales,
s'explique par la position excentrique du noyau de l'œuf au moment où la
division s'accomplit. Cette position excentrique tient elle-même à l'hétérogé-
néité des substances formant le vitellus formateur et le vitellus nutritif, et à
eur différence de densité.
40
(ivJii ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
DISCUSSION-
M. Giard, discutant ensuite certains points de la communication de M. H. Fol,
ne voit a priori aucune impossibilité à ce qu'il y ait une attraction à distance
entre le spermatozoïde et la surlace du vitellus. Ce fait serait même en accord
avec ce qui paraît exister chez les organismes inférieurs et rappellerait jusqu'à
un certain point la conjugaison des conferves.
En ce qui concerne le cône d'exsudation, M. Giard pense que ce cône pré-
sente un volume trop considérable pour pouvoir être attribué, comme le
suppose M. Fol, à la queue du spermatozoïde. On entraine facilement avec les
produits génitaux une certaine quantité de liquide de la cavité périviscérale de
récliinoderine; or ce liquide renferme un grand nombre de productions amoe-
boïdes signalées déjà par Hofmann, et dont M. Giard a fait une étude plus
complète. Certains de ces amibes pénétrant à travers les canaux rayonnants
de la membrane muqueuse, donnent tout à fait l'aspect du cône d'exsudation.
M. Giard croit également devoir attribuer à ces corps les aspects considérés
par M. Fol comme représentant des globules polaires hors de la membrane
vitelline. Chez le Psammechinus miliaris, les globules polaires sont constam-
ment au-dessous de la membrane et contre le vitellus. Il paraît en être de
même, d'après A. Agassiz, chez le Toxopneustes Drobachiensis. Si la membrane
se formait seulement après l'entrée du premier spermatozoïde, comment
expliquer cette position des globules qui, chez l'oursin, sont nés avant la
fécondation? Comment expliquer aussi chez l'étoile de mer les développements
parthénogénétiques signalés par R. Greef, et qui, d'après cet éminent obser-
vateur, ne différeraient des cas normaux que par la lenteur des processus?
M. Giard croit qu'un seul spermatozoïde peut suffire pour la fécondation ,
mais il ne pense pas que deux soient trop et donnent naissance à une mons-
truosité. Il n'a pas suivi chez les Echinodermes l'évolution des œufs qui pré-
sentent des telrasters, mais il a observé des cas semblables très-fréquents chez
certains mollusques (Eolis despecta, Ancula crutala). Chez ces animaux, les œufs
à tetras.ters atteignaient d'emblée le stade quatre au lieu d'y arriver par deux
divisions successives. Mais le développement suivait ensuite une marche régu-
lière. On ne peut donc voir là qu'une abréviation embryogénique analogue à
celle observée par Strasburger dans le développement de l'œuf des gymno-
spermes.
M. Fol pense qu'en effet les tetrasters peuvent avoir dans certains cas lu
signiiication que leur attribue M. Giard. Il ne faut pas oublier toutefois que
souvent l'œuf des gymnospermes donne naissance non pas à un mais à plu-
sieurs embryons.
DE QUATREFAGES. — SUR UN PIGEON DERADELPHE 627
M. de QUATREFAGES
Membre de l'Institut, Professeur un d'histoire naturelle de Paris.
MEMOIRE SUR UN PIGEON MONSTRUEUX DU GENRE DERADELPHE
(ISIDORE GEOFFROY-SAINT-HILAIRE);
DERADELPHE SYNATJ ENCEPHALE (NOBIS) (1).
— Séance du 2ii août 1877. —
Longtemps regardés par le vulgaire comme des objets de terreur, dé-
daignés par les savants comme ne méritant qu'un intérêt de pure curio-
sité, les monstres ont acquis de nos jours une grande valeur aux yeux
de la science, grâce aux travaux de nombreux et savants anatomistes.
C'est précisément à ces êtres exceptionnels, regardés naguère comme le
produit d'aberrations des forces formatrices que l'on demande aujourd'hui
la révélation des lois qui président à l'évolution des organismes. Ces lois,
nous les découvrons dans les monstres par défaut, où les organes, ar-
rêtés dans leur développement, persistant dans des conditions d'exis-
tence qui, d'ordinaire, ne sont que transitoires, jalonnent pour ainsi
dire la route suivie par la nature pour arriver à un but normal. Mais
pour que les conclusions générales déduites de ces premières observa-
tions acquièrent toute leur valeur, il faut qu'elles cadrent avec les faits
qu'offrent les monstres par excès. Si les premiers nous mettent sur la
voie d'une théorie explicative, ceux-ci peuvent seuls lui donner force de
loi en la soumettant à une contre-épreuve ; et, à ce titre, ils méritent
toute notre attention. Moins nombreux que les autres, ils doivent être
recueillis et examinés avec d'autant plus de soin, surtout lorsqu'ils nous
offrent le curieux spectacle de deux êtres distincts et individualisés sous
certains rapports, jouissant pour ainsi dire en commun de quelques-
uns des appareils les plus essentiels ; surtout enfin lorsque nous trouvons
réunis les caractères de la monstruosité par défaut à côté de ceux de la
monstruosité contraire, ce qui constitue le cas le plus compliqué que
puisse offrir la tératologie. C'est un fait de ce genre dont je vais avoir
l'honneur d'entretenir l'Académie.
(1) Ce mémoire a été lu à l'Académie des sciences dans la séance du 28 novembre 1839. Un
rès-court extrait a paru dans les Comptes Rendus. Il resta longtemps égaré chez un des commis-
saires nommé pour l'examiner et ne fut retrouvé qu'après la mort du détenteur. Je le fais impri-
mer aujourd'hui sans y rien changer. L'observation qui en fait le fond a conservé ce qu'elle
peut avoir de valeur, car je ne crois pas qu'il ait été publié de détails anatomiques sur la déra-
delphie chez les oiseaux. Quant aux idées théoriques elles ne s'éloignent guère de celles que
M. Dareste a émises récemment et que j'adopte pleinement; et il m'a semblé intéressant de mon-
trer jusqu'où les prédécesseurs de mon éminent collègue en étaient arrivés sur un des points les
plus difficiles de la tératologie (A. de Q.).
6%$ ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Le sujet de cette observation fut recueilli il y a plusieurs années par
un boulanger de Toulouse qui le plaça dans l'alcool, mais seulement
après qu'il eut éprouvé un commencement de putréfaction, et le con-
serva comme une curiosité. M. Teillier, médecin distingué de notre
ville, qui en avait apprécié l'importance scientifique, chercha à me le
procurer, et ce ne fut pas sans peine qu'il parvint à l'obtenir.
CLASSIFICATION.
Ce monstre est double : il résulte de l'accolement par les parties an-
térieures de deux pigeons femelles. Les deux têtes se sont confondues
en une seule, mais les colonnes vertébrales sont parfaitement distinctes
dans toute ieur étendue. Le développement des deux individus réunis
est, du reste, sensiblement égal. On voit, d'après ces premières données,
que notre monstre, dans la classification de M. Isidore-Geoffroy Saint-
Hilaire, appartient à l'ordre des autositaires, famille des monocéphaliens
(hépatodymes acomplexes de M. Serres) et qu'il doit être placé dans le
genre Déradelphe. Le cerveau manquant complètement chez cet individu
monstrueux, nous proposons de le désigner par l'épithète spécifique de
synanencéphale.
On sait que les oiseaux offrent en général un assez petit nombre d'ob-
servations tératologiques. La déradelphie en particulier n'a pas encore
été signalée que je sache dans cette classe de vertébrés (1). Je n'en ai du
moins rencontré aucun exemple dans les divers auteurs que j'ai consul-
tés. M. Isidore Geoffroy entre autres, dans le traité si complet qu'il a
publié sur ces matières, cite un grand nombre de faits se rapportant à
ce genre de monstruosités, et qui ont été présentés par divers mammi-
fères; un seul est emprunté à la classe des reptiles (Tiedemann); aucun à
celle des oiseaux. Si, comme j'ai lieu de le penser, l'observation que
j'ai l'honneur de présenter à l'Académie était réellement la première,
elle acquerrait par cela même un certain intérêt.
EXTÉRIEUR.
Examiné à l'extérieur, le monstre dont il s'agit présente les particula-
rités suivantes. Les deux individus composants sont affrontés par les
poitrines: on reconnaît au premier abord qu'ils ont dû se pénétrer pro-
fondément. L'individu gauche est moins développé que le droit (2) et la
colonne vertébrale a subi un mouvement de torsion d'arrière en avant.
(1) Je tiens du M. Dareste que un ou deux cas analogues ont été signalés récemment en Alle-
magne (A . de Q . ) .
(2) Dan aous appelons Cace antérieure la face du monstre vers la-
quelle est tourné le ;'.■■■ . face postérieure, celle quiluiesl opposée, lien résulti , s les
nés vei i ios ints sont plalées l'uni I autre ■* fjuuche.
DE QUATREFAGES. — SUR UN PIGEON DÉRADELPHE 629
Chez l'un et chez l'autre, les quatre membres paraissent bien conformés.
Les muscles des jambes sont bien développés ; les doigts n'offrent rien
d'anormal ; les ongles sont parfaitement distincts. Les ailes sont un peu
déjetées sur le côté, surtout l'aile antérieure du pigeon droit; mais, à
cela près, elles sont normalement conformées. Un duvet bien marqué
couvre tout le corps, mais plus particulièrement les ailes et les crou-
pions. A la hauteur des épaules on distingue sur la ligne médiane une
espèce de raphé plus prononcé en arrière qu'en avant. Enfin les tégu-
ments ont été déchirés entre les deux coccyx et forment intérieurement plu-
sieurs replis irréguliers laissant une large ouverture à la cavité abdominale.
Antérieurement, les deux cous sont réunis et confondus dans un large
repli cutané qui, se portant comme une bride de la poitrine au côté
gauche de la tête, a fait subir à celle-ci un mouvement de torsion de
gauche à droite, et la maintient fléchie dans cette position. En arrière,
la peau présente entre les vertèbres cervicales une gouttière bien mar-
quée qui se creuse profondément à la hauteur des articulations huméro-
scapulaires. Elle est aussi plus prononcée à la base du crâne que dans
la partie médiane.
La voûte crânienne manque; et, à sa place se trouve une cavité irré-
gulière à bords assez profondément découpes. Un des festons corres-
pond à la gouttière cervicale. Le tout est recouvert par la peau nue et
amincie. Cette peau s'étend sur e front et recouvre les yeux sans mon-
trer de traces de fentes palpébrales. A gauche, le globe de l'œil est ir .i-
qué par une saillie considérable, presque hémisphérique. A droite, au
contraire, il semble atrophié. On ne trouve aucune trace de l'orifice au-
riculaire externe. Le bec est bien formé. Seulement ses mandibules ne
se correspondent pas exactement, la supérieure semblant déjetée à
droite par le développement exagéré de l'orbite gauche.
La peau n'offre rien de remarquable sur la plus grande partie du corps;
mais elle s'amincit en passant sur la tête et sur les orbites. Elle devient
au contraire plus épaisse à la gouttière qui règne en arrière tout le long
du cou. Ici elle îorme en quelque sorte le coin et s'enfonce entre les
deux colonnes vertébrales. Cette disposition est surtout très-marquée
en avant et en arrière aux points où les cous se séparent du thorax. Sur
la poitrine en avant et en arrière elle présente un simple épaississement
correspondant aux raphés dont j'ai parlé plus haut. L'état des téguments
du bas- ventre ne m'a pas permis de voir s'il en était de même dans
cette région.
PARTIES SOUS-CUTANÉES.
En enlevant la peau, on met successivement à découvert les globes
oculaires, des membranes fines tapissant toute la base du crâne, et les
fi30 ZOOLOGIE ET ZOOTECIIME
orifices des canaux vertébraux, qui s'ouvrenl un peu en arrière sur les
côtés de la tête unique. Quant aux cous, pourvus tous deux de leurs mus-
cles propres, ils sont entièrement distincts et réunis seulement par un
tissu cellulaire lâche. Les colonnes vertébrales sont d'abord à peu près
parallèles. Mais, un peu au-dessus de la poitrine, elles s'écartent brus-
quement pour se porter l'une à droite, l'autre à gauche. Entre les ailes,
en avant et en arrière, on trouve les quatre muscles pectoraux attachés
sur la ligne médiane à des crêtes cartilagineuses (bréchets) et se portant
chacun vers son humérus. On reconnaît déjà ici que la partie muscu-
laire des cloisons thoraciques antérieure et postérieure appartient par
moitié à chacun des deux individus composants. Je n'ai pu m'assurer
des rapports existant entre les muscles abdominaux. Quant à ceux des
membres et du reste du corps, ils n'offrent rien de particulier. Je n'ai
pas cru nécessaire de porter plus loin ces recherches myologiques.
SYSTÈME NERVEUX.
L'encéphale avait complètement disparu chez notre Déradelphe, à
l'exception de quelques grumeaux de matière blanchâtre, logés dans une
petite anfractuosité de la base du crâne et auxquels aboutissait le nerf
optique gauche. Mais les enveloppes' du cerveau existaient. Du moins il
est permis de considérer comme telles deux lames membraneuses très-
,fines, opaques, et assez résistantes qui tapissaient tout le plancher formé
pai 'a base du crâne et entre lesquelles se trouvait le rudiment de lobe
optique dont j'ai parlé tout à l'heure. Ces lames se prolongeaient à droite
et à gauche dans les canaux rachidiens qui tous deux aboutissaient,
comme je l'ai déjà dit, sur les côtés et en arrière de la tête. Celui de
droite était vide jusqu'à une ligne de son ouverture ; dans celui de
gauche, au contraire, la moelle épinière [arrivait jusqu'à l'orifice supé-
rieur.
Là se sont bornées mes recherches relatives au système nerveux. J'au-
rais désiré les étendre aux nerfs du tronc et de l'abdomen; mais, dans
cette dernière cavité surtout, l'état des parties ne permettait pas de le
faire sans risquer de perdre des viscères dont l'examen me paraissait
avoir ici plus d'importance.
ORGANES DES SENS.
Ainsi que je l'ai déjà dit, les veux étaient recouverts par la peau sans
aucun m lice de la division des paupières. Apre-, l'avoir enlevée sans
beaucoup de peine, car son adhérence n'était pas très-intime, je mis à
nu des deux côtés les globes oculaires. Celui de droite était fort petit.
Derrière une membrane opaque dans toute son étendue se trouvait une
DE QUATREFAGES. — SIIî IN PIGEON DÉRADE LPHE 631
cavité orbitaire étroite, déformée, et remplie par une espèce de masse
grumeleuse dans laquelle je ne pus reconnaître aucune trace d'organisa-
tion. A gauche, au contraire, le globe de l'œil offrait un développement
exagéré. Je reconnus facilement ses enveloppes. La cornée transpa-
rente avait même conservé un reste de translucidité. La pupille très-
large avait réduit l'iris a un cercle étroit, mais dont on reconnaissait
très-bien la nature. Le cristallin très-volumineux et presque sphérique
était entouré de cette matière grumeleuse dont j'ai signalé l'existence
dans l'orbite gauche, ce qui ferait présumer que de ce côté l'humeur
vitrée s'était seule développée. Enfin, pour en revenir à l'œil droit, la
choroïde offrait encore des traces de coloration et la rétine, parfaitement
distincte, se continuait avec un nerf optique assez gros qui traversait la
base du crâne et se terminait dans la petite quantité de matière céré-
brale dont j'ai déjà parlé. On peut conclure de ce qui précède que, du
côté gauche du moins, l'œil offrait toutes les conditions acquises pour en
faire un organe normal, à l'absence des paupières près.
Je n'ai trouvé d'autres traces des organes auditifs externes qu'un
petit enfoncement qui m'a paru se terminer en cul-de-sac, placé derrière
le bord externe de l'orbite gauche.
Les narines très-distinctes occupaient leur place ordinaire et n'offraient
rien de particulier.
ORGANES DE LA DIGESTION.
Ainsi que nous l'avons dit précédemment le bec ne présente rien d'a-
normal. Ses deux mandibules sont bien formées et complètement ossi-
fiées; seulement la supérieure est déjetée de gauche à droite. La langue,
l'os lingual et l'os hyoïde semblent appartenir à un pigeon ordinaire.
Mais la glotte, au lieu de ne former qu'une petite ouverture, se prolonge
sous la forme d'une fente tout ]<■ long du tiers supérieur de l'œsophage.
Les . cerceaux cartilagineux commencent pourtant à l'endroit normal.
L'œsophage, fort large, est placé en avant entre les deux cous. Il pré-
sente sur les côtés deux replis intérieurs qui, d'abord peu marqués, se
prononcent de plus en plus. Un troisième se trouve en arrière sur la
ligne médiane. Ces trois replis régnent ainsi tout le long du canal œso-
phagien, qui n'offre aucune trace de dilatation rappelant le jabot. Mais,
à la hauteur du ventricule succenturié, qu'on reconnaît à ses paquets
glanduleux, le repli postérieur s'efface, les deux latéraux, au contraire,
augmentent et se rapprochent au point de se réunir bientôt. Ils donnent
naissance à une seconde trachée-artère placée derrière l'œsophage. Le
canal alimentaire se rétrécit alors en entonnoir et le cardia est telle-
ment étroit qu'on peut à peine y introduire une épingle fine. Cette ou-
verture aboutit à l'estomac sur la ligne médiane. Celui-ci est très-ample
632 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
et une gouttière assez prononcée, qui correspond en bas au point d'in-
sertion de l'œsophage, indique la ligne de réunion des deux estomacs
primitifs. Au reste, les parois en sont très-épaisses et ses muscles
puissants s'insèrent sur une portion fibro-cartilagineuse très-étendue. La
cavité présente aussi sur la ligne médiane un repli correspondant à la
gouttière dont nous avons parlé. C'est vers le milieu de ce repli que se
trouve le pylore.
L'intestin grêle qui lui succède est d'abord simple. L'anse pancréati-
que existe , mais, au lieu de se porter toute d'un côté, comme on l'ob-
serve ordinairement, elle se replie sur elle-même et passe de droite à
gauche. Le pancréas est petit, mais très-reconnaissable. Je n'ai pu re-
trouver son conduit excréteur. Au-dessus, à gauche de l'intestin, j'a
trouvé un petit canal bifurqué près de son origine. A droite et presque
en face de celui-ci, on en trouvait un second, mais sans division. C'é-
tait sans doute deux canaux hépatiques, mais je n'ai pu le reconnaître
d'une manière positive en les suivant jusqu'à leur origine.
A peu de distance des conduits dont je viens de parler, le tube
digestif se bifurque et chaque branche forme deux masses distinctes
de circonvolutions qui se rapprochent des colonnes vertébrales. J'ai pu
retrouver à droite un cœcum court et grêle, marquant le commencement
du gros intestin, ainsi que deux canaux très-étroits (urètre ? oviducte)
débouchant dans le cloaque. L'intestin gauche avait trop souffert pour
que je pusse y reconnaître ces parties. Ainsi que je l'ai dit en com-
mençant, ce pigeon n'avait été mis dans l'alcool qu'après avoir subi
un premier degré de putréfaction ; et ce n'est qu'avec beaucoup de soins
et de précautions que j'ai pu retrouver la plupart de ces organes. Le
tube digestif avait entre autres beaucoup souffert à partir de l'estomac.
Les foies, toujours très-volumineux, comme ou sait, chez les oiseaux,
semblent encore avoir acquis ici un excès de développement. Ils remplis-
sent à droite et à gauche la plus grande partie des cavités abdominale
et thoracique. Chacun des deux pigeons composants a le sien : celui de
gauche est un peu plus volumineux. En avant, ils descendent davantage
dans l'abdomen et arrivent presque jusqu'aux coccyx. Leurs bords in-
férieurs se recourbent et viennent presque se croiser sur la ligne mé-
diane, de manière à former une espèce de plancher aux organes placés
au-dessus. En arrière, au contraire, ils s'élèvent fortement dans la poi-
trine et refoulent tout à fait en haut le cœur postérieur. Ici encore les
bords inférieurs chevauchent presque l'un sur l'autre, tandis que les
bords supérieurs sont un peu plus écartés.
Les autres organes abdominaux ne présentaient rien de particulier :
ils étaient au complet et à leur place ordinaire. Les reins étaient très-
volumineux, et les ovaires presque méconnaissables. Ainsi que je l'ai
DE QUATREFAGES. SUR UN PIGEON DÉRADELPHE 633
dit plus haut, je n'ai pu reconnaître leurs conduits excréteurs; mais il
est plus que probable qu'ils existaient à l'état normal chez chacun des
deux pigeons accidentellement réunis.
ORGANES DE LA RESPIRATION.
Les organes respiratoires sont doubles, mais au lieu d'être disposés
par paires latérales, ils forment deux systèmes, l'un antérieur l'autre
postérieur. En décrivant l'œsophage, nous avons indiqué la disposition
des flottes : ajoutons à ce que nous avons dit que les cerceaux carti-
lagineux paraissent avant que les lentes trachéales se soient converties
en canal. C'est ainsi qu'en avant ils commencent à se montrer sous la
forme de petits arcs presque immédiatement au-dessous de la langue,
et qu'en arrière on les distingue jusque sur le repli œsophagien pos-
térieur.
La trachée antérieure est beaucoup plus large que la postérieure. Elle
s'entonce assez profondément dans la poitrine avant de se bifurquer,
et ses branches aboutissent à deux poumons considérables qui, à droite
et à gauche, se prolongent fort avant dans l'abdomen et remontent
jusque vers le haut de la poitrine. L'un de ces poumons appartient au
pigeon gauche et est un peu plus développé que l'autre qui appartient
au pigeon droit. La trachée postérieure se bifurque beaucoup plus haut,
et ses bronches se rendent dans deux petits poumons qui n'occupent
que le haut de la moitié postérieure de la poitrine.
ORGANES DE LA CIRCULATION.
A ces deux systèmes d'organes respiratoires si inégaux correspondent
deux systèmes d'organes circulatoires dont le développement s'est fait dans
le même rapport. Antérieurement nous trouvons un cœur très-volumi-
neux dont les vaisseaux coronaires sont très-apparents. Il est placé tout
à fait dans l'abdomen, dont il occupe une grande étendue. Ses cavités
sont bien distinctes et les oreillettes, quoique contractées par l'action de
l'alcool, sont peut-être plus visibles extérieurement que dans l'état na-
turel. Je n'ai pu trouver qu'une veine cave, la supérieure. Mais deux
artères pulmonaires d'un gros calibre se portent aux poumons corres-
pondants, d'où reviennent deux veines pulmonaires également volumi-
neuses. L'aorte, à sa sortie, fournit à gauche un gros tronc (aorte
descendante) qui reste adhérent au cœur, le contourne en arrière et de
gauche à droite, et vient s'en séparer près de la pointe du côté droit. Je
n'ai pu le suivre au delà, bien que j'eusse vivement désiré reconnaître
son mode de divisions. Le tronc ascendant se bifurque à très-peu de
distance de la crosse. La branche gauche se bifurque bientôt à son
634 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
tour, sans doute pour former les deux sous-clavières gauches. La bran-
che droite fournit sur la ligne médiane un gros rameau qui s'élève
jusqu'au sommet de la poitrine et se divise en deux branches qui
se rendent chacune à un des cous et le contournent de dedans en
dehors. Ensuite elle se bifurque à son tour pour former les deux sous-
clavières droites.
A la partie postérieure de la poitrine, au-dessus des foies et entre les
deux petits poumons dont j'ai parlé, se trouve un petit cœur irréguliè-
rement quadrilatère, n'offrant dans son intérieur qu'une seule cavité.
Vers le milieu de cet organe rudimentaire sortent deux petits troncs
qui se bifurquent presque aussitôt. Les branches de l'un se portent aux
poumons, celles de l'autre à la face postérieure des cous.
SQUELETTE.
La détermination des os de la tète est assez facile pour quelques-uns,
bien difficile, je crois, pour d'autres. Ainsi, en avant, la mandibule
supérieure s'unit à la portion antérieure du frontal qui manque de par-
tie supérieure. Ses quatre branches sont articulées comme d'ordinaire,
mais inégalement développées par suite du rejet de gauche à droite que
le développement excessif de l'œil gauche et l'atrophie de l'œil droit ont
fait subir à tout cet appareil. La mandibule inférieure n'offre rien à si-
gnaler. Les os de la base du crâne, tous réunis, forment un plancher à
bords festonnés et relevés sur quelques points. En général ces bords
sont épais, et au-dessus de l'orbite droit en particulier on trouve une
masse irrégulière semblant en quelque sorte résulter d'une espèce
d'épanchement de la matière osseuse. En arrière des voûtes orbitaires
on distingue trois dépressions séparées par des saillies plus ou moins
prononcées. Enfin, tout à fait en arrière et en dessous, un très-petit
tubercule rappelle le condyle de l'occipital.
Les colonnes vertébrales, parfaitement distinctes et séparées l'une de
l'autre, viennent se joindre à la tête en arrière et sur les côtés, La moi-
tié seulement de chacune d'elles est en contact avec la tète ; l'autre est
tout à fait en dehors. Des ligaments très-forts les retiennent en place,
mais je n'ai pas reconnu qu'il existât d'articulation proprement dite. A
partir de ce point, les deux colonnes vertébrales marchent parallèlement
l'une à l'autre jusqu'à nue petite distance de la poitrine, OÙ «'lies se
séparent brusquement pour se porter à droite et à gauche. Elles n'of-
frent, du reste, rien de particulier, non plus que les os des membres.
11 n'en est pas de même des os qui cloisonnent la poitrine en avant
et en arrière. Ici nous trouvons deux sternums, l'un antérieur, l'autre
postérieur; tous deux offrant une conformation régulière, sauf que leurs
échancrures ne sont qu'indiquées, tous deux s'articulant avec les mêmes
DE QUATREFAGEJ5. — SUR UN PIGEON DÉRADELPIIE 035
os que dans l'état normal. Mais ces os, au lieu de provenir du même in-
dividu, appartiennent par moitié à chacun des composants. Ainsi nous
trouvons le sternum antérieur portant à sa partie supérieure une four-
chette fibrocartilagineuse dont une branche se rend à l'articulation hu-
méroscapulaire gauche du pigeon gauche, et l'autre à l'articulation
huméroscapulaire droite du pigeon droit. Les deux os coracoïdiens arti-
culés avec le même sternum aboutissent aux mêmes points. Entin les
côtes qui s'y insèrent des deux côtés proviennent par moitié des deux
colonnes vertébrales. Elles n'offrent, du reste, rien de particulier ni dans
leur nombre, ni dans leur position, si ce n'est qu'elles soni moins arquées
que dans l'état normal, ce qui résulte naturellement de la multiplication
des pièces dont se compose chacun des anneaux osseux de la poitrine.
La cloison postérieure de la poitrine présente identiquement la même
structure. On y trouve aussi un sternum auquel aboutissent d'un côté
les côtes droites, l'os coracoïdien droit et la branche droite de la four-
chette du pigeon gauche ; de l'autre, les côtes gauches, l'os coracoï-
dien gauche et la branche gauche de la fourchette du pigeon droit. Du
reste, ces parties sont assez symétriquement développées des deux côtés
des colonnes vertébrales. Peut-être le sont-elles un peu plus en arrière
qu'en avant, la coalescence des deux individus s'étant faite sous un an-
gle horizontal très-aigu dont le sommet est en avant. L'écartement des
deux ailes antérieures qu'on remarque sur le dessin (fig. 1) n'est qu'ap-
parent : il résulte du tiraillement exercé sur le repli cutané qui se
trouve dans cette région.
RÉSUMÉ.
Les faits anatomiques que je viens de décrire en détail peuvent se
résumer de la manière suivante : le monstre double qui nous occupe
présente une seule tête privée d'encéphale, deux cous distincts et deux
corps réunis par leurs faces antérieures ; d'où il résulte que les deux co-
lonnes vertébrales sont devenues latérales. Le tube digestif est commun
dans sa moitié supérieure ; au delà il se divise et chacun des individus
composants recouvre en toute propriété sa moitié inférieure. Les grands
organes sécréteurs de l'abdomen (foies, reins), sont très-volumineux ;
chaque pigeon possède les siens. Il en est de même des ovaires. Les
organes respiratoires et circulatoires forment deux systèmes dont l'un est
antérieur et l'autre postérieur; celui-ci presque atrophié, l'autre au con-
traire très-développé , tous deux appartenant par moitié à chacun des
deux pigeons. Le squelette répète cette disposition. A côté de deux
axes vertébraux latéraux, représentant les deux individus élémentaires,
se trouvent deux sternums avec leurs annexes revenant par moitié à
chacun de ces axes, et placés l'un antérieurement l'autre postérieure-
636 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
ment; mais tous deux à peu près également développés. J'ai essayé de
représenter cet ensemble d'organisation dans la ligure 12 qui offre une
coupe idéale d'un des anneaux osseux de la poitrine et la projection des
principaux organes renfermés dans la poitrine et l'abdomen.
RÉFLEXIONS .
Les déductions qu'on peut tirer de ce fait et de ses analogues, les
résultats remarquables auxquels ils conduisent sur la connaissance des
lois qui régissent le développement des animaux, ont été trop bien expo-
sés et motivés par les Meckel, les Geoffroy Saint-Hilaire père et fils, les
Serres et les autres anatomistes philosophes qui ont suivi leurs traces,
pour qu'il soit nécessaire de s'arrêter longtemps sur ce sujet. Je me
bornerai en rappelant leurs travaux à signaler la coïncidence qui existe
entre les faits observés par eux et celui qui nous occupe , à montrer
que pour les uns et pour les autres les lois générales qu'ils ont décou-
vertes suffisent à l'explication de tous les phénomènes.
Et, d'abord, si nous considérons le tronc, nous verrons que notre
pigeon offre la plus grande analogie avec l'hépatodyme acomplexe
(Déradelphe de M. Isidore Geoffroy), dont M. Serres a donné l'histoire
et dont le squelette se trouve dans le musée anatomique de la Pitié.
Les choses se sont passées pour les deux oiseaux comme pour les deux
fœtus humains. Dans l'œuf comme dans la matrice, deux germes se
sont trouvés en présence, se sont développés simultanément et péné-
trés. Dans cette fusion de deux organisations, les deux organismes, les
organes postérieurs et latéraux ont gardé leurs positions ordinaires.
Mais les antérieurs amenés à se placer sur le plan médian commun, se
trouvant en présence d'autres organes semblables et ayant la roême
destination, se sont soudés avec leurs vis-à-vis pour former des organes
simples quant à leurs formes, mais doubles quant à leur origine. De là
des organes complexes, tantôt impairs comme l'œsophage , l'estomac, la
première portion de l'intestin grêle, le pancréas; tantôt pairs comme
les cœurs, les trachées, les poumons, les sternums. Dans le premier cas,
les rapports avec les organes hétérogènes acomplexes se sont seulement
doublés ; ainsi l'intestin grêle, par exemple, aura reçu de chaque côté
les canaux biliaires venant des deux Ibies restés séparés. Mais, dans le
second les choses se sont passées d'une manière plus compliquée.
Chaque organe central est le produit de l'accolement de deux moitiés
hétérogènes, et chacune de ces moitiés amène avec elle un certain nom-
bre d'annexés. Il en résulte que l'organe central reçoit des aboutissants
des deux individus composants, et que les rapports de certains organes
• ■litre eux se trouvent anéantis.
Les ligures qui représentent le; squelette de la cloison thoracique anté-
DE QUATREFAGES. — SUR UN PIGEON DÉRADELPHE 637
rieure (fig. 1 et 8), ne permettent pas de douter que les choses ne se
soient passées ainsi pour les sternums et les côtes. Ces mêmes figures
jointes à celle qui représente la coupe d'un anneau osseux de la poi-
trine (fig. 12), viennent encore contirmer une autre opinion de M. Serres.
On sait que, selon cet anatomiste , chaque côte apporte avec elle son
élément sternal. On aurait, en effet , bien de la peine à expliquer la
position des sternums et leurs rapports avec les côtes, s'ils se formaient
indépendamment de ces dernières. Chacun d'eux aurait en ce cas à décrire
un arc de 90° pour venir se placer juste entre les arcs costaux dépen-
dant de chacune des colonnes. Or, il n'existe aucune force dont la mise
en jeu puisse expliquer cette espèce de chassé- croisé si régulière-
ment exécuté. L'autre explication, si simple et si bien d'accord avec les
faits concomitants, a donc pour elle toute la probabilité désirable.
Le mode de formation des organes hétérogènes si évident pour le sque-
lette ne l'est guère moins pour l'estomac où une gouttière bien prononcée
indique la ligne de jonction des deux estomacs primitifs, ainsi que pour
l'intestin qui, d'abord simple, se divise un peu plus loin (fig. 10). On
est par suite amené à l'admettre pour le pancréas, dépendance si immé-
diate de la partie supérieure de l'intestin "(fig. 10). Elle se reconnaît
aussi facilement dans l'appareil respiratoire. On voit, en effet, deux
poumons antérieurs (fig. 3), appartenant l'un, au pigeon droit, l'autre,
au pigeon gauche, aboutissant par leurs bronches à une môme trachée
artère. On trouve en arrière une répétition de cette disposition (fig. 4).
N'est-on pas en droit de conclure que la trachée appartient elle-même
par moitié à chacun des individus accidentellement réunis? Les mêmes
observations s'appliquent aux systèmes circulatoires. Ainsi se vérifie
par la formation des organes complexes des monstres doubles la loi dite
de conjugaison ou d'affinité, en vertu de laquelle les organes impairs des
êtres normaux résultent de l'accolement de deux organes symétriques
primitivement pairs.
Nous aurons plus de peine à trouver dans la tête de notre monstre
une nouvelle preuve de la réalité de cette loi. Si toutes les parties pri-
mitives des composants eussent subsisté, nous aurions dû trouver deux
faces, l'une antérieure, l'autre postérieure. Mais on sait par les recher-
ches des tératologistes précités, que cette conformation est très-rare
et que presque toujours une des deux faces avorte. Ici elle a complè-
tement disparu, à moins, toutefois , qu'on ne voulût considérer comme
représentant cette face postérieure atrophiée la masse osseuse qui se
trouve au delà du diamètre transverse delà tête (fig. 4). Cette manière
de voir aurait le grand avantage d'expliquer la position latérale des
cous, qui semblent, s'il est permis de s'exprimer ainsi, avoir été laissés
en chemin pendant que leurs têtes s'avançaient l'une vers l'autre.
638 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
L'anencéphalie se présentant dans des circonstances d'où semblerait
devoir résulter la monstruosité contraire est un l'ait vraiment remar-
quable. Au reste , elle a produit chez le monstre double, le même
effet que chez les individus simples et clic se montre accompagnée de
diverses monstruosités par défaut ou arrêt de développement. Ainsi les
trachées artères sont divisées dans une grande étendue de leur trajet;
leurs cerceaux par suite ne se complètent que plus bas ; les systèmes
circulatoire et respiratoire postérieurs sont presque complètement atro-
phiés; les paupières sont réunies. Remarquons, en passant, qu'ici
encore, comme chez les monstres simples, ces anomalies par défaut
se trouvent ou uniquement ou particulièrement à l'extrémité des organes.
Ainsi se vérifient sur un seul individu deux faits généraux, conséquences
forcées d'un développement excentrique et inexplicable sans lui, qu'on
rencontre constamment dans chacune des deux grandes classes de
monstruosités, savoir : que dans les monstres par défaut, les anomalies
sont à la circonférence ; et au centre, au contraire , dans les monstres
par excès. Remarquons encore que dans les cas les plus compliques
les lois découvertes par les tératologistes de nos jours suffisent à l'ex-
plication de tous les phénomènes.
La loi du balancement des organes a reçu dans l'observation qui
nous occupe de nombreuses applications. Le cerveau disparaît , mais
le foie acquiert un volume exagéré, même pour un oiseau; le cœur,
les poumons postérieurs s'arrêtent dans leur développement; le cœur,
les poumons antérieurs compensent largement ce qui manque en arrière
aux fonctions de la circulation et de la respiration. Enfin, l'œil droit s'a-
trophie presque entièrement; par contre, l'œil gauche présente un
volume tel, qu'il détruit la symétrie des os de la face.
On ne peut, je crois, déterminer que d'une manière bien approxi-
mative l'époque à laquelle les deux germes se sont rencontrés et ont
commencé à se pénétrer pour former un monstre double. Les arrêts de
développement que nous avons signalés peuvent toutefois nous guider
dans ces conjectures, si nous admettons, ce qui pourrait paraître assez
plausible, qu'ils sont dus, en partie, au trouble apporté dans le dévelop-
pement normal des deux individus par leur rencontre même, D'abord,
il est évident que la coalescence a du s'effectuer avant le sixième joui*
de l'incubation. A cette époque, la poitrine est entièrement fermée chez
le poulet, dont l'incubation dure un peu plus longtemps que celle du
pigeon. Elle doit donc l'être à plus forte raison chez celui-ci, et dans
ce cas, les côtes n'auraient pu s'affronter comme nous avons vu qu'elles
l'ont fait. D'ailleurs, le manque de cerveau, la persistance des fentes
trachéales semblent indiquer une époque bien antérieure. Enfin, l'état
du cœur postérieur de forme allongée, placé en travers, n'offrant qu'une
DE QUATREFAGES. — SUR UN PIGEON DÉRADELPHE 639
seule cavité et l'absence de fente palpébrale nous rejetteraient vers la
trentième heure environ, s'il s'agissait d'un poulet. On pourrait donc
assigner avec quelque vraisemblance la période d'incubation comprise
entre la vingt-sixième et la vingt-huitième heures, comme celle où la
rencontre des deux germes a dû avoir lieu .
EXPLICATION DE LA PLANCHE XII
Fig. 1. — Pigeon Déradelphe synanencéphale vu par devant.
Fig. 2. — Le même vu par derrière.
Fig. 3. — o, œsophage présentant deux replis latéraux et un postérieur. — b
trachée artère antérieure. — c, c', carotides externes des deux cous. — d, d',
sous-clavières. — e,e, poumons antérieurs. — /',/", les deux foies. — g, veine
cave supérieure. — /;, artères pulmonaires. — i, veines pulmonaires. — k,
aorte ascendante. — p', aorte descendante. — o, cœur antérieur.
Fig. i. — a, trachée antérieure. — b, trachée postérieure. — c, œsophage, ou
plutôt ventricule succenturié déformé. — d, d' , petits rameaux artériels allant
à la partie postérieure des cous. — e, c, poumons postérieurs. — /", f, foies.
— i, circonvolutions intestinales. — r, r', rectums.
Fig. 5. — a, langue. — b, glotte se prolongeant en fente d. — c, c, cornes
de l'os hyoïde. — e, f, cloison postérieure de l'œsophage fendue longitudinale-
mentet retenue par des épingles. — g œsophage présentant trois replis.
Fig. 6. — a, œsophage. — 6, trachée antérieure. — c, ouverture de la tra-
chée postérieure formée par les deux replis latéraux de l'œsophage et s'ouvrant
dans le ventricule succenturié qui est ouvert. — d, cardia. — e, estomac
représentant la cloison antérieure de la poitrine vue par dehors.
Fig. 7. — a, a', cous. — b, b', fourchette. — c, c', os coracoïdiens. — e, é,
humérus. — f, f, omoplates. — #, côtes. — h, sternum commun.
Fig. 8, représentant la même cloison vue en dedans après que la poitrine a
été ouverte en arrière et les colonnes vertébrales rabattues à droite et à
gauche. — a, a, cous. — 6, 6', les deux branches de la fourchette. — c, c,
os coracoïdiens. — f, f, omoplates. — g, g', côtes. — h, sternum.
Fig. 9. — a, a, cous. — b masse osseuse indéterminée. — c, trou du nerf
optique gauche. — d, d', arcades zygomatiques. — e, mandibule supérieure. —
f, mandibule inférieure.
Fig. 40. — a, ventricule succenturié. — b, cardia. — c, estomac. — e, f,
anse' pancréatique. — g, g, canaux hépatiques ou biliaires. — d, point de
division de l'intestin grêle. — h, h\ circonvolutions intestinales formant deux
masses dont chacune appartient à un seul des deux pigeons. — k, cœcum. —
n, ri, gros intestins. — l, m, oviducte (?), urètre (?). — o, o', anus.
Fig. 44. — A, coupe horizontale de l'œsophage au-dessous de la langue. —
B, coupe vers la fin de la fente trachéale antérieure. — C, coupe après la for-
mation de la trachée antérieure. — D, coupe vers la fin de la fente trachéale
postérieure. — F, coupe des deux trachées séparées par le cardia..
640 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Fig. -Z2. — Coupe idéale d'un anneau de la poitrine et projection des prin-
cipaux viscères. — AB, axe antéro-postérieur commun. — OD, O'D', axes laté-
raux. — EF, ET', lignes indiquant l'angle sous lequel se sont rencontrés et
fusionnés les deux pigeons. — S, sternum antérieur. — S', sternum posté-
rieur. — V, V, colonnes vertébrales. — C, C, côtes postérieures. — K, K',
côtes antérieures. — a, a, cœurs. — b, b', trachée-artères. — c, œsophage. —
e, estomac. — f, pylore. — g, g', portion antérieure des foies. — h, h', por-
tions postérieures. — i, % , poumons antérieurs. — /, /', poumons postérieurs.
M. SABATIER
Professeur à la Furul! S D es de Montpellier.
ETUDES SUR LE FOIE CHEZ LES AMPULLAIRES
(EXTRAIT BU PB ICÈS-VKRBU..)
-- Siiince du 27 août 1877. —
M. Sabatier fait une communication sur un organe parenchymateux d'un
gros volume qu'il a découvert chez les ampullaires et qui est situé entre le
oie et l'organe de Bojanus. M. Sabatier expose la structure de cet organe,
qui, recevant le sang de l'intestin, traversé par un véritable système porte,
est composé de grandes cellules à noyaux jaune clair et dépourvu de toute
cavité d'excrétion, lui paraît devoir être considéré comme un organe hématc-
poiétique. M. Sabatier n'a pas trouvé de sucre dans cet organe, mais il en a
constamment rencontré dans le foie biliaire qui reçoit le sang de l'artère aorte
et non des veines intestinales.
En s'appuyant sur ce fait et sur d'autres empruntés à Tanatomie comparée,
M. Sabatier combat la distinction qu'on a voulu établir entre un foie biliaire
qui recevrait le sang de l'artère hépatique et un foie glycogénique et hémato-
poiétique qui dépendrait de la veine-porte. Pour lui, le foie biliaire et foie le
glycogénique correspondent à un seul ordre d'éléments, les cellules hépatiques
proprement dites, qui produisent à la fois la bile et la substance glycogène.
Quant à la signification de l'organe spécial décrit chez les ampullaires,
M. Sabatier le considère comme un organe hématopoiétique qui correspondrait
à la portion hématopoiétique du foie des animaux supérieurs. Cette portion
aurait d'ailleurs des connexions variables avec le foie et l'organe rénal et serait
tantôt confondue avec le foie (vertébrés), tantôt avec l'organe rénal (mollus-
ques) et constituerait alors une portion intégrante de l'organe de Bojanus.
L'ampullaire réaliserait un type intermédiaire où. l'organe en question serait
intermédiaire entre le foie et le rein.
E. DE FROMENTEL. REV1VIFICATI0N DES ROTIFÈRES 641
DISCUSSION.
M. Giard fait observer que, d'après les descriptions et les planches pré-
sentées par M. Sabatier, l'organe nouveau doit être morphologiquement en
rapport avec le rein plutôt qu'avec le foie. C'est une différenciation spéciale de
l'organe de Bojanus comparable à la différenciation qui forme le vitellogène
aux dépens de l'ovaire chez les Planariés. Le fait n'en est pas moins très-
intéressant au point de vue physiologique et ce n'est que chez les Tuniciers
qu'on retrouve un cas semblable de disjonction de l'organe rénal.
M. Pouchet trouve aussi des points de rapprochement entre l'organe de
l'ampullaire et les organes rénaux des mollusques.
M. E. de EEOMENTEL
De Grny.
RECHERCHES SUR LA REVIVIFICATION DES ROTIFERES, DES ANGUILLULES
ET DES TARDIGRADES.
— Séance du 2 7 août 1 8 7 7 . —
PREMIÈRE PARTIE
EXPÉRIENCES A LONG DÉLAI.
S'il est un fait qui semble complètement acquis à la science, malgré
les doutes et les dénégations qu'il a autrefois soulevés, c'est le pouvoir
qu'ont certains animaux inférieurs de revenir à la vie après avoir pen-
dant un temps plus ou moins long, subi un dessèchement complet à
des températures basses ou élevées. Les Rotifères, les Anguillules et les
Tardigrades sont les êtres qui passent pour jouir de celte merveilleuse
puissance; et cette croyance est tellement enracinée dans la science
actuelle, qu'elle se trouve reproduite ou développée dans tous les
ouvrages d'histoire naturelle où ces animalcules se trouvent cités. Spal-
lanzani observa des rotifères dans le sable des gouttières et, le premier,
annonça leur résurrection après une dessiccation prolongée sous les feux
d'un été brûlant, quand on venait à les soumettre à l'influence d'une
nouvelle immersion. Ce fait remarquable, contrôlé et admis par Leu-
venhoeck, fut révoqué en doute par quelques naturalistes et entre autres
par Schrank, Rory-Saint-Vincent et Ehrenberg. Ce dernier affirma que
les Rotifères entièrement desséchés ne pouvaient plus être rappelés à la
41
642 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
vie, qu'en cela ils ne différaient en rien des autres animaux; qu'à la
vérité ils pouvaient rester pendant un certain temps en léthargie et sans
mouvement, mais que pendant ce temps ils subissaient une déperdition
de substances qui ne pouvait se prolonger longtemps sans nuire à
leur existence.
Mais les dénégations des auteurs d'alors ne pouvaient pas tenir long-
temps contre le désir d'élever à l'état de vérité scientifique un fait aussi
merveilleux que la résurrection des Rotifères desséchés; aussi les expé-
riences de Schultz d'abord, puis celles de M. Doyère parurent complète-
ment décisives aux yeux des naturalistes et la revivification des Rotifères
des Tardigradeset des Anguillules fut définitivement admise par tous les
auteurs et rappelée avec conviction dans leurs ouvrages.
Cependant dès l'année 4851, pendant que je poursuivais mes études
microscopiques, des observations accidentelles m'avaient laissé dans l'es-
prit un doute sur le pouvoir revivificateur des Rotifères et des Tardigrades;
j'avais déjà bien observé comment ces animaux, après une dessiccation
plus ou moins ancienne reviennent à une forme particulière et presque
normale, après avoir été soumis à une nouvelle immersion; mais ces
observations," faites en passant, n'avaient rien de concluant, et le doute
que j'éprouvais sur le pouvoir de résurrection des Rotifères n'était pas
le résultat d'expériences faites exclusivement pour cette démonstration.
Ce n'est qu'en 1873 que, voulant enfin me rendre compte par moi-
même de ce qu'il y avait de vrai ou de faux dans tout ce qui avait été
écrit au sujet des animaux ressuscitants, je résolus de me livrer à une
série d'expériences, faites sans aucun parti pris, et entourées de toutes
les précautions qui devaient pour moi les rendre définitives.
Le 5 juin 1873, après plusieurs recherches infructueuses, dans la
terre humide et la vase des petits réservoirs du jardin, je trouvai, dans
un bouquet de Bryum, détaché des dalles d'un mur, un nombre con-
sidérable de Rotifères, de Tardigrades et d'AnguilluleS;
Les Rotifères se présentent sous des aspects différents : les uns très-
transparents, incolores, sont généralement de petite taille; d'autres
sont épais, colorés en rouge-jaune et mesurent 0mm,3 de longueur.
Je préparai aussitôt des plaques de verre, portant chacune un numéro
d'ordre, et sur lesquelles je laissai évaporer lentement et à l'ombre la
goutte d'eau qui renfermait les êtres soumis à l'expérience.
Verre n° 4 . — Ce verre contient plusieurs Rotifères; l'un très-transparent et
sans coloration aucune, traîne à sa suite un long filament qui s'attache plus
ou moins aux corps étrangers qu'il rencontre. Ce systolide a 0mm,3 de longueus
sur 0mm,03 de largeur, on remarque dans la même goutte d'eau deux autrer
Rotifères en tout semblables au premier et un autre beaucoup plus gros et plus
long,qui a une teinte rouge assez prononcée et qui mesure 0mi",4j de longueur.
E. DE FROMENTEL. — REVIVIFICATION DES ROTIFÈRES 643
surOmm,06 de largeur. — On remarque aussi sur ce verre un Tardigrade d'un
beau rouge; il a 0n'm,10 de largeur sur 0mm,30 de longueur. Les soies assez
rares qui couvrent son corps sont très-longues et raides. Ce verre contient donc
4 Rotifères et 1 Tardigrade.
Au moment de la dessiccation lente, les Rotifères se sont contractés et conser-
vent : les uns, leur transparence cristalline, et l'autre, une teinte aurore ayant des
reflets dorés. Ce dernier est très-visible sur le verre, il a pris une forme globu-
leuse avec des facettes dont les angles jettent de vifs reflets. — Le Tardigrade
qui était d'un beau rouge de Saturne, a pris successivement une teinte violette,
puis bleue, et enfin quand la dessiccation a été complète, il est devenu d'un beau
jaune d'or, glacé de bleu clair.
Si je suis entré dans ces détails descriptifs, c'est afin de bien faire
comprendre le soin que j'ai mis à me rendre compte de l'état des ani-
malcule savant et après leur dessiccation, pour pouvoir mieux étudier les
modifications qu'ils subiront alors que je les humecterai plus tard. Je
passerai plus rapidement sur le détail des êtres desséchés sur les autres
verres, afin d'éviter des redites inutiles.
Verre n° 2. — Sur ce verre se trouvent quatre Rotifères, dont un gros rouge
que l'on voit très-bien à la simple loupe après la dessiccation. Il existe encore
sur ce verre des corps ovoïdes très-foncés aux deux extrémités, avec un espace
clair au centre et qui sont peut-être à tort considérés par les naturalistes
comme des œufs de systolides. Je n'en ai jamais vu éclore un seul, et en fait
de systolides il n'existe dans mon infusion de mousse que des Rotifères qui
sont vivipares.
Verre n° S. — Ce verre ne renferme qu'un Tardigrade de taille moyenne
jaune clair, avec des taches rouges dans la partie centrale du corps. Il pré-
sente avant la dessiccation une expansion de l'appareil buccal en forme de pe-
tit entonnoir qui rentre et sort fréquemment. Au moment de son dessèchement,
il n'a pas affecté la forme arrondie du n° \ , ni ses changements successifs de
coloration. 11 s'est contracté en boule, qui bientôt s'est resserrée sur elle-
même, en formant à sa surface des facettes brillantes qui pourraient faire
prendre cet animal pour un cristal jaunâtre.
Verre n° 4. — Deux Rotifères rouges : le plus gros ne s'est pas contracté en
boule, il est resté oblong et s'est plissé longitudinalement ; l'autre s'est con-
tracté à l'extrémité d'un filament de coton, ce qui facilitera sa recherche future.
Verre n° 5. — Ce verre contient un Tardigrade blanc-gris à taches noires :
au moment de sa dessiccation il a pris une teinte rougeâtre. On remarque
plus loin un Rotifère qui s'est contracté entre des fragments de silice, et entre
ces deux animalcules, une Anguillule contournée sur elle-même.
Verre n° 6. — Le 10 juin, je prépare un verre qui porte le n° 6. Il ne ren-
ferme que deux Rotifères qui se sont accolés à un amas de substances étran-
gères ; on voit leur extrémité postérieure qui fait saillie au dehors sous forme
d'une substance arrondie et très-transparente. Ces deux Rotifères contiennent
des embryons déjà assez développés.
644 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Verre n° 7. — Ce même jour je prépare encore deux verres portant les
nos 7 et 8. Le premier renferme plusieurs Rotifères et deux Tartigrades faciles
à reconnaître.
Verre n° S. — Ce dernier verre contient un Rotifère rouge et un Tardigrade
isolés. L'un et l'autre sont faciles à reconnaître à la simple loupe, après la des-
siccation.
Ces huit verres préparés le 5 et le 10 juin 1873, ont été desséchés à
l'air libre et à l'ombre, puis placés dans une boîte dans laquelle l'air
pénètre librement. Cette boîte est restée en place dans une chambre
au premier étage et exposée au couchant, jusqu'au jour où j'ai voulu
commencer les expériences de résurrection.
EXPÉRIENCES A LONGS DÉLAIS.
Le 21 avril 1874, c'est-à-dire onze mois environ après avoir terminé
le dessèchement des huit verres que j'ai préparés en 1873, je commence
à soumettre mes animalcules desséchés à l'expérience de la revivilication
par l'immersion.
Verre n° L — Le matin, 26 avril 1874, à 11 heures, j'ai pris le verre n° 1, j'ai
recouvert la tache, où se trouvent les animalcules desséchés, avec une glace mince
et adhérente au verre, par un peu de cire à modeler. Au moyen de cette glace
superposée, au-dessous de laquelle l'eau pénètre très-facilement, on évite une
évaporation trop rapide et on peut plonger le verre en expérience dans une
grande quantité d'eau, qui se renouvelle constamment entre les deux verres.
La glace supérieure se trouve suffisamment éloignée du verre portant la tache
de la goutte d'eau desséchée, car celle-ci contient toujours des fragments très-
petits, il est vrai, de silex ou de calcaires, mais qui occasionnent facilement
la fracture de la glace mince si on vient à la presser un peu trop en la scel-
lant avec la cire.
Le verre n° 1 ainsi préparé est soumis à l'immersion continue, à partir de
11 heures du matin.
A 1 heure du soir, le gros Rotifère rose commence à se gonfler et à prendre
une forme arrondie. — Le Tardigrade a subi la même influence et commence à
revenir à une forme plus distincte.
A 3 heures, le Rotifère s'est assez développé, on commence à voir les organes
internes, il a pris la forme bien connue de l'animal au repos. Le Tardigrade est
revenu à peu près à sa forme normale; mais comme chez le Rotifère on n'y
remarque aucun signe de vie.
A 8 heures du soir, même état, aucun signe de mouvement, bien que le
Rotifère semble encore plus développé.
A 10 heures du soir, aucun changement et aucun signe de vie.
Le lendemain 22 avril, le verre étant resté plongé toute; la nuit dans l'eau,
j'examinai de nouveau le Rotifère qui, maintenant, a repris toute sa taille.
Son sommet est plus distinct, on reconnaît la ligne par où les cils vibratils se
E. DE FROMEISTEL. — REVIVIFICATION DES ROTIFÈRES. 645
sont retirés, son appareil masticateur est bien visible, mais il est immobile,
sans trace de mouvement ni à l'intérieur ni à l'extérieur, sans signe de vie.
Aucune trace d'existence chez les autres Rotifères contenus sur le même verre
n° 1.
Examiné le 23 et les jours suivants, le Rotifère ne présentait aucune modifi-
cation à ce que j'ai constaté le 21 et le 22. Cette première expérience est
complètement négative au point de vue de la revivification des Rotifères.
Ceux-ci et le Tardigrade se sont gonflés comme le feraient certains légumes
desséchés et soumis longtemps à l'influence de l'eau, mais rien ne fait même
supposer chez eux un sentiment de vie quelconque.
Verre n° 2. — Le 23, à 10 heures du matin, je mets en expérience le verre
n° 2. Les Rotifères desséchés sont bien visibles au microscope et surtout le
plus gros qui occupe le centre du verre.
A midi 45 m., les Rotifères prennent déjà la forme de flacon, ou urnulaire
qui leur est propre, aussitôt qu'on les humecte. Point de mouvement.
A 3 h. 45 m., on distingue les deux appendices de la queue qui se sont
développés en même temps que celle-ci.
Le 24 avril au matin, rien n'est changé dans l'état des Rotifères ; le col du
gros s'est légèrement allongé.
Absent le 25 et le 26, j'examine de nouveau le verre qui est resté complè-
tement plongé dans l'eau pendant mon absence, et je constate qu'après un
gonflement un peu plus prononcé, rien n'est changé dans l'état des Roti-
fères.
Résultat complètement négatif au point de vue de la reviviscence, malgré
toutes les précautions prises pour obtenir une résurrection.
Verre »°5. — Le 27 avril 1874, je mets en expérience le verre n°3, après
avoir pris les mêmes précautions que pour les autres. Ce verre ne contient
qu'un Tardigrade. L'eau dans laquelle plonge le verre renferme déjà quelques
infusoires (kolpodec et keronec). Le Tardigrade qui était très-ramassé sur lui-
même change bientôt d'aspect et, à 3 heures, il commence à prendre la forme
qu'on lui connaît. 11 s'allonge, ses pattes se dessinent et, à 4 heures, ilja com-
plètement repris sa forme ordinaire, mais on ne remarque ni mouvement, ni
signe de vie, et l'eau, en s' écoulant, le fait rouler comme un corps inerte.
On distingue (5 h.) maintenant tous les organes et surtout son appareil buccal
qui est très- visible.
Les 28, 29 et 30, rien n'est changé dans l'état du Tardigrade qui n'a donné
aucun signe de vie et le verre est abandonné sur la table.
Le 6 mai je retrouve ce Tardigrade desséché ; il a conservé sa forme allon-
gée, il est tout transparent, montre bien sa bouche en forme de trompe et
contient au centre une masse jaunâtre qui est le reste de ses organes
internes.
Cet état prouve bien que la vie n'avait pas reparu chez notre Tardigrade,
car autrement en se desséchant, il aurait affecté cette forme contractée qu'ils
prennent toujours en cette occasion.
Verre n° 4. — Le 7 mai 1874, à 9 h. du matin, je mets en expérience le verre
n° 4. Ce verre contient deux Rotifères, l'un rouge qui, en se desséchant, a pris
646 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
une forme cristalline, l'autre clair jaunâtre qui s'est contracté en une masse ovoïde.
A 2 h. rien de changé dans la forme desRotifères qui restent immobiles.
A3 h. du soir, ils se sont gonflés et ont pris une forme plus eu harmonie avec
leur nature. Le n° 1 laisse voir un germe qu'il contenait et son appareil dentaire.
Len° 2 s'est allongé, on voit son appendice caudal armé de un ou deux styles et
la partie supérieure fait saillie en dehors : tout fait supposer que les animaux
vont revenir à la vie.
A S h. rien n'est changé dans l'état des Rotifères et depuis ce moment il ne
se manifeste aucune modification, ni aucun signe de vie, bien que l'immersion
ait été prolongée pendant toute la nuit et la journée du 6 mai. — Le 9 mai
à 8 h. du matin, l'état est encore le même et ne présente aucun changement
pendant toute cette dernière journée. L'espoir que j'avais de voir ces animaux
ressusciter est complètement déçu.
Verre n° 5. — Le 24 mai 1874, je mets en expérience le verre n° 5 qui
renferme un Rotifère, un Tardigrade et une Anguillule : il est 9 h. du matin
(dimanche de la Pentecôte).
A9h.'l/2 le Rotifère a repris sa forme urnulaire allongée; le Tardigrade s'est
gonflé et allongé et l'Anguillule devenue transparente s'est légèrement distendue.
A 10 h. peu de changement : le Rotifère montre ses deux mamelons antérieurs
le Tardigrade (Emidium) est un peu plus gonflé et montre mieux ses plaques
dermiques ; l'état de l'Anguillule ne s'est pas modifié. Aucun signe de vie.
A 2 h. au soir, au moment où je retire la plaque de l'eau, le Rotifère entraîné
par le courant a changé de place, il est situé maintenant au-dessous de l'Emi-
dium. Celui-ci n'a changé ni de place ni de forme, l'Anguillule a aussi changé
de place, elle se trouve maintenant adossée à un anneau de matière étrangère
cristallisée. Nulle trace de vie.
A 5 h., 9 h., 10 h. et 11 h. du soir, rien n'est changé dans l'état et la po-
sition des trois animalcules.
Le lundi 23 mai, la plaque de verre n° 5, ayant été déposée la veille , à
11 heures du soir, dans une capsule d'eau pure où nagent quelques infusoires,
est retirée avec précaution à 9 heures du matin , c'est-à-dire 24 heures après
le commencement de l'expérience.
Les trois animalcules se retrouvent dans le même état que la veille au soir.
Enfin, le 28 mai, à 10 heures du matin, je retire de la soucoupe la même
plaque après 97 heures d'immersion continue et rien n'est changé dans la
forme et la position des trois animalcules, qui n'ont donné aucun signe de vie.
Verre »° 6. — Le verre n° 6 qui renferme deux Rotifères est mis en expé-
rience le 27 mai, à 10 heures du matin. Les Rotifères reprennent bientôt leur
forme urnulaire plus ou moins allongée. A 7 heures du soir, ils ont atteint le
maximum du gonflement et rien n'est changé dans leur état, si ce n'est que
contrairement à ce qui arrive ordinairement, ils ne sont plus adhérents au
verre et roulent entre les deux glaces comme des corps étrangers. Nulle trace
de vie ni ce jour, ni les jours suivants.
Verre n° 7. — Le 28 mai , je mets en expérience le verre n° 7 qui con-
tient des Rotifères et des Tardigrades. A 10 h. 1/2, les Tardigrades ont
pris leur forme première, mais dans l'un d'eux la matière animale jaune
E. DE FROMENTEL. — REVIVIFICATION DES ROTIFÈRES 647
s'est contractée ei laisse entre elle et Le tégument une auréole claire qui occupe
environ le quarl de l'épaisseur de l'animal. Les Rotifères ont subi les modifi-
cations que nous connaissons, mais après 48 heures d'immersion, aucun d'eux
n'a donné signe de vie.
Verre n° 8. — Ce dernier verre qui ne renferme que des Rotifères est mis en
expérience le 28 mai, en même temps que le précédent et pendant la même
durée d'immersion ne présente rien de remarquable dans l'état des animal-
cules ; tout s'y passe comme pour les autres verres et aucun être ne revient à
la vie.
Il résulte des expériences qui1 nous venons de faire qu'aucun des
êtres que nous avons laissés se dessécher lentement sur une plaque de
verre depuis le mois de juin 1873, n'a repris la vie, malgré toutes les
précautions prises pour arriver à ce résultat. En effet, les Rotifères, les
Tardigrades et les Anguillules ont été soumis à une dessiccation lente, à
air libre, par suite de l'évaporation de l'eau dans laquelle ils se trou-
vaient. Ils n'ont subi aucune température ni trop basse ni trop élevée,
celle-ci n'a jamais dépassé 20 degrés au-dessus de zéro et n'est pas des-
cendue à 2 degrés au-dessous.
Pour rappeler ces animalcules desséchés, nous avons pris toutes les
précautions possibles: une seconde plaque de verre très-mince séparée
de la première par l'interposition aux angles d'un peu de cire à mode-
ler et distante de plus d'un tiers de millimètre de la première, a été
maintenue tout le temps qu'a duré l'expérience. L'eau contenue entre
les deux verres a été sans cesse renouvelée, non pas seulement en
remettant des gouttes d'eau à mesure que la première s'évaporait, ce
qui aurait pu accumuler les sels qu'elle renferme et nuire ainsi au
retour à la vie des animalcules , mais bien en plongeant les verres
accouplés dans une soucoupe pleine d'eau de puits; et celle-ci était
propre à entretenir la vie, puisqu'on y remarquait des Plœsconies, des
Kolpodes, etc.
Or, malgré tous nos soins, toute la patience que nous avons mise à
examiner les modifications apportées d'heure en heure dans l'état des
animalcules, nous n'avons pu obtenir qu'un développement passif des
êtres desséchés, un gonflement comparable à celui des graines dessé-
chées et mises en contact avec de l'eau; jamais, nous n'avons pu déter-
miner ce réveil de la vie, cette revivification singulière que, sur la foi
des premiers auteurs , tous les naturalistes ont admise pour les Roti-
fères, les Anguillules et les Tardigrades, puissance aussi merveilleuse que
pleine de mystère et qui devait séparer ces animalcules du reste de la
création en leur attribuant des lois en dehors de celles de la nature.
648 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
DEUXIÈME PARTIE
EXPÉRIENCES A BREFS DÉLAIS.
Je vais maintenant instituer une nouvelle série d'expériences pour
établir après combien de temps les animalcules qui font l'objet de mes
recherches, perdent le pouvoir de renaître à la vie après un dessèche-
ment lent et à la température ordinaire.
1° De 42 à 30 jours d'intervalle.
Le 29 mai 1874, une nouvelle touffe de Bryum prise sur les dalles d'un
mur est déposée à 10 heures du matin dans une capsule pleine d'eau, à midi
les Rotifères pullulent et je prépare les six verres suivants :
Verre n° 9. — Quatre Rotifères dont un gros portant un embryon.
Verre n° 40. — Un seul Rotifère blanc.
Verre n° 41. — Six ou sept Rotifères.
Verre n° 42. — Un Rotifère et une Anguillule.
Verre n° 43. — Deux Rutifères.
Verre n° 4i. — Un seul Rotifère rose.
Le lendemain 30 mai, je prépare encore les 2 verres suivants :
Verre n° 45. — Une seule Anguillule.
Verre n° 46. — Un grand nombre de Rotifères.
Le 1er juin, je fais encore dessécher à l'ombre les animalcules ci-dessous :
Verre n° 41. — Deux Rotifères.
Verre n° 48. — Deux Rotifères.
Verre n° 49. — Nombreux Rotifères.
Verre n° 20. — Deux Rotifères.
Verre n° 24. — Plusieurs Rotifères.
Verre n° 22. — Plusieurs Rotifères.
Verre n° 23. — Trois Rotifères.
Verre n° 24. — Nombreux Rotifères.
Verre n° 25. — Trois Rotifères.
Le 14 juin, avec les précautions prises pour les expériences antérieures,
je soumets à l'immersion le verre 2oqui a 12 jours de dessèchement; il est 10
heures du matin; à midi les Rotifères se sont gonflés et l'expérience, continuée
pendant toute la journée, la nuit et le lendemain, n'a donné aucun résultat
au point de vue de la revivification des Rotifères.
Il en est de même pour les animalcules dessécbés sur les verres 24, 23, 22
et 21 qui ont été expérimentés le 16 juin et qui ont donné un résultat
négatif.
Il reste à examiner les verres depuis 9 jusqu'à 20.
Depuis le 16 juin jusqu'au 28, je soumis à l'immersion les verres 9, 10, 11,
12, 13, 14 et 15, et j'observai toujours les mêmes phénomènes : les animal-
cules desséchés se gonflaient en présence de l'eau ; il en est qui revenaient à
E. DK I KiiMF.NTEL. lil'.N 1\ 1 1 U \ I |o\ DES KoTIFÈRES 649
leur forme naturelle, d'antres restaienl contractés en boule, d'autres enfui
montraient le tégument dilaté el laissaient voir intérieurement la matière ani-
mait' jaune ou brune contractée, mais aucun de ces êtres ne présenta la
moindre trace de retnnr à la vie, malgré la patience avec laquelle nous les
avons entretenus en contact avec l'humidité.
Le 30 juin, malgré I -s résultats négatifs obtenus jusqu'à ce jour, je voulus
encore examiner les verres qui me restaient et je nus en expérience les
verres 10, 17, 18, m et 20.
Commencée à 9 heures du matin, l'immersion fut continuée toute la jour-
née du 30, la nuit du 30 au 1er juillet et toute cette dernière journée.
Les résultats furent encore les mêmes : gonflement des animalcules, chan-
gement de forme souvent considérable, retour même à la forme primitive,
mais absence complète de mouvement et de vie.
Ainsi, dans la première série de mes expériences, j'avais d'abord
examiné des animalcules desséchés depuis près d'un an, dans celle
seconde série je viens d'expérimenter sur ces mêmes animaux dessé-
chés seulement depuis un mois et même 12 jours, et le résultat est le
même. Je ne puis, malgré mon vif désir, les rappeler à la vie.
2° De 3 à 4 jours d'intervalle.
Le 2 juillet, je prépare encore 3 verres sur lesquels je laisse se dessécher
à la température du jour et à air libre les animalcules suivants, à 10 heures
du matin.
Verre n° 27. — Un seul Rotifère rose.
Verre n° 28. — Un seul gros Rotifère.
Verre n° 29. — Deux Rotifères.
Le 3 juillet, à 10 heures du matin, je mets en expérience le verre 27;. le
Rotifère qui était contracté et plissé en se desséchant reprend bientôt une forme
oblongue et tout me fait supposer qu'il va revenir à la vie ; mais il. n'en est
rien et, à partir de 2 heures, il a pris une forme allongée qu'il n'a plus quittée
36 heures après et n'a donné aucun signe de vie.
Le 4 juillet, même résultat pour le Rotifère du verre 28.
Enfin le 5 juillet, je soumets à l'immersion le verre 29, un jour après
la dessiccation. 20 minutes suffisent pour faire reprendre aux deux Rotifères la
forme urnulaire bien connue, mais malgré une immersion continuée pendant
2 jours ils ne reviennent nullement à la vie.
3° EXPÉRIENCES FAITES LE MÊME JOUR.
a. Dessiccation 'pendant 5 heures.
Verre n° 30. — Le 6 juillet je dessèche un Rotifère à 10 heures du matin à
l'ombre et je l'humecte à 3 heures du soir. Le Rotifère se gonfle peu à peu et, à
4f heures du soir, il a repris sa forme urnulaire, mais ne donne aucun signe
de vie.
650 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Même état à 8 h., 9 h. et 11 h. 1/2 du soir, rien de change, le lendemain
matin, nulle trace de vie.
b. Dessiccation pendant 4 heures.
Verre n°5/. — Le 7 juillet, je dessèche à 10 h. 1/2 du matin un Rotifère,
que j'humecte à 2 h. 1/2. La dessiccation a été faite lentement et à l'ombre, à
4 h. 1/2 gonflement urnulaire complet, à 5 h. forme stationnaire; aucun signe
de retour à la vie à 10 heures du soir et à minuit, et le lendemain à 8 heures
du matin.
c. Dessiccation pendant % heures 1j4.
Verre n° 32. — J'ai desséché deux Rotifères le 8 juillet à l'ombre à U
heures du matin; à 1 h. 1/4 je les soumets à l'immersion.
A 1 h. 1/2 les deux Rotifères sont déjà développés; l'un d'eux est adhérent,
comme cela arrive fréquemment, par sa partie postérieure et la substance
animale fait saillie à la partie antérieure. Ce sont probablement les deux dis-
ques vibratiles qui se montrent ainsi au dehors.
A 2 h. 1/2, même état, aucune trace de vie.
A 4 h., à 8 h., à 11 h. et le lendemain rien n'est changé ni dans la forme,
ni dans l'état des Rotifères.
d. Dessiccation pendant 1 heure 1/i.
Verre n° 33. — Le 9 juillet, à 11 h. J/2 du matin, j'ai laissé dessécher
à l'ombre un verre sur lequel se trouvent plusieurs Rotifères. A midi 3/4, je
le mets en expérience : à 4 n., le gonflement desRotilères est complet mais ils
ne donnent aucun signe de vie ou de mouvement.
A 6 h., 8 h., 10 h. et 11 heures du soir même état et absence complète de
vie. Le lendemain toute la journée il ne se manifesta aucun changement.
e. Dessiccation pendant 15 minutes.
Verre n° 34. — Le 15 juillet 1874, je dessèche un Rotifère sur un verre que
je laisse exposé au soleil à 5 h. 3/4 du soir; le soleil n'a presque plus de
chaleur, le ciel est un peu couvert. A 6 h. je le soumets de nouveau à l'im-
mersion, il se gonfle comme cela arrive ordinairement , mais parvenu à sa
forme urnulaire, il reste stationnaire et à minuit il n'a donné aucun signe
de vie.
Verre n° 35. — Deux autres Rotifères desséchés à l'ombre à 0 h. 1 /2 du soir
et humectés à 5 h. 3/4 ont subi la transformation ordinaire , mais à minuit ne
donnent pas signe d'existence. Le lendemain, je continue à les observer sous
l'eau et rien ne change dans leur forme et leur état.
f. Dessiccation pendant 40 minutes.
Verre n° 36. — A 4 h. 40 m., le 19 juillet, je dessèche un Rotifère sur une
plaque exposée au soleil, à 4 h. 50 m. je le soumets à l'immersion.
Il se gonfle en 15 minutes, mais ne donne aucun signe de vie. Cependant il
E. DE FROMENTEL. REVIVIFICATION DES ROTIFÈRES 651
est blotti sous un petit cristal qui devait empêcher la dessiccation complète. A
5 h. 1/2, rien n'est changé, à 9 h., à 10 h., àli heures et à minuit, l'état est
le même, le Rotifère ne revient pas à la vie.
Verre n° 37. — Un autre Rotifère desséché le même jour à air libre et
à l'ombre et humecté 10 minutes après, a bientôt repris sa forme urnulaire,
mais 6 heures après sa dessiccation, il ne donnait encore aucun signe de \ie.
Les deux expériences continuées le lendemain amenèrent un résultat négatif.
g. Dessiccation pendant 5 minutes.
Verre nos 38, 39, etc. — Le 20 juillet 1874, je dessèche deux Rotifères à
l'ombre et 5 minutes après je les soumets à l'immersion. Us reprennent assez
vite leur forme urnulaire; mais après 5 heures d'immersion ils ne donnent
aucun signe de vie.
Cependant il m'a semblé que l'un d'eux avait montré dans un moment
quelques traces de mouvement.
Ces expériences, répétées souvent les jours suivants, m'ont toujours
donné le même résultat et je n'ai pu faire revenir à la vie des Roti-
fères desséchés à l'air libre pendant o minutes.
Enfin, en humectant un Rotifère aussitôt après sa dessiccation à l'ombre,
on peut quelquefois le rappeler à la vie, mais le plus souvent il se
gonfle et ne donne plus signe de mouvement. Si la dessiccation a eu
lieu au soleil par un temps sec ou chaud , même pendant une ou deux
minutes, on ne peut faire revivre les Rotifères en les humectant, alors
qu'on les maintient sous l'eau pendant plusieurs heures.
Combien nous voilà loin maintenant de tout ce qui a été dit et écrit
sur la revivification des Rotifères ! non-seulement ce mystérieux pouvoir
n'existe pas, mais ce n'est plus une année ou quelques mois qui suffi-
sent, pour le détruire, une dessiccation de quelques instants suffit pour
anéantir à tout jamais la vie de ces petits êtres.
Comment se trouvent-ils donc à l'état adulte dans les mousses des-
séchées qui se trouvent sur les murs et sur les toits et qui sont souvent
exposées aux rayons brûlants du soleil? — Comment, après quelques
minutes d'immersion, les voit-on sortir vivants et vigoureux des brins de
Bryum où ils se trouvent engagés? Évidemment ils ne prennent pas
naissance au moment de l'expérience, d'autant plus que nous savons
maintenant que les Rotifères sont vivipares. Ils ne sortent pas non plus d'un
kyste, comme certains infusoires, car nous savons encore que les ani-
maux enkystés mettent plusieurs heures à sortir de leur enveloppe et
nous n'avons du reste jamais vu de Rotifères s'envelopper d'un kyste. Ils
se trouvent donc dans la mousse qui les abrite dans des conditions spé-
ciales que nous avons dû rechercher et qui nous ont conduit à des
résultats assez intéressants pour être exposés dans ce travail.
652 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
TROISIÈME PARTIE
EXPÉRIENCES CONTRADICTOIRES.
Le 27 avril 1875, après une pluie d'orage suivie d'un soleil brillant
et d'une bise très-chaude et forte, j'ai recueilli sur renfoncement d'une
dalle un bouquet de Bryum que j'ai divisé en deux parties.
L'une a été placée dans une soucoupe avec une quantité d'eau suffi-
sante et l'autre, déposée également sur une soucoupe, a été placée dans le
four d'un fourneau de cuisine pendant 5 minutes, la température de
ce four ne dépassant guère 100 ou 110 degrés, à en juger par l'état
d'une jatte de lait qui cuisait sans ébullition.
Bien que j'aie soumis à l'examen miscroscopique, les mêmes jours,
les Rotifères contenus dans les deux soucoupes et que les résultats de cet
examen soient notés sur mon livre les uns près des autres, pour plus
de clarté et pour éviter des erreurs, je transcrirai ici les expériences
faites sur les deux fractions de Bryum séparément en commençant par
celle qui n'a pas été soumise à la dessiccation dans le four de cuisine.
A. Examen de la mousse non desséchée.
Après 10 ou 15 minutes d'immersion dans l'eau, les Rotifères contenus dans
la mousse non desséchée au four ont repris leur vie, leurs mouvements et toutes
leurs fonctions.
On sait que la tige de Bryum examinée avec un grossissement convenable,
se compose d'une partie centrale (tige) recouverte depuis la base jusqu'au
sommet par des espèces de feuilles épaisses, alternantes, assez serrées et
enveloppant en partie la tige qui à son sommet porte un capitule strié d'une
forme ovoïde. Or, si immédiatement au moment de l'immersion on met sous le
champ du microscope une tige de Bryum, on remarque, dans l'aisselle des
feuilles, là où elles s'écartent de* la tige centrale, de petites excroissances
arrondies, roses et légèrement translucides ; bientôt ces petites excroissances
arrondies se gonflent, s'étendent, se dilatent et dans l'espace de quelques mi-
nutes deviennent de vrais Rotifères adultes, les uns blanc rosé, les autres
plus foncés qui, après s'être un instant balancés, adhérents par leur partie
inférieure, s'élancent bientôt dans le liquide ambiant pour y chercher leur
nourriture. Ces petites excroissances arrondies que nous avons aperçues dans
l'aisselle des feuilles du Bryum ne sont donc que des Rotifères contractés
en boules, attachés par leurs suçoirs à la tige ou à la feuille de la mousse,
mais ne présentant nullement la forme cristalline et brillante qui se manifeste
quand on fait dessécher un Rotifère sur une plaque de verre à l'air libre.
Le 29 avril, à 9 heures du matin, je visite la soucoupe que j'ai déjà exami-
née la veille, toute l'eau est évaporée, les brins du Bryum sont verts, les
Rotifères se sont réfugiés sous eux et, quelques minutes après, une nouvelle
E. DE FROMENTEL. — REVIVIFICATION DES ROTIFÈRES 653
imbibition, ils reparaissent nageant ei mettant en mouvement leur appareil
vibratoire. Evidemment la mousse contenait encore une certaine quantité
d'eau ; elle était restée verte et les Rotifères s'étaient retirés dans un milieu
relativement très-humide. — Je prends quelques brins de mousse non encore
humectés et je reconnais dans l'aisselle des feuilles les Rotifères pelotonnés,
mais ne présentant nullement cette forme cristalline qu'ils affectent quand ils
sont desséchés et qui les ferait volontiers prendre pour un fragment de silex
coloré. — L'infusion que j'examine en ce moment, ne renferme pas seule-
ment des Rotifères, on y remarque encore un grand nombre d'infusoires
appartenant aux genres Kolpode, Bursaire et surtout de grosses Nassules
remarquables par la quantité de globules verts qu'elles renferment et qui les
rendent très-opaques.
Le même jour, à 3 heures du soir, je place une goutte d'eau contenant 30
ou 40 Rotifères sur un verre et je le laisse évaporer en l'exposant pendant
environ 15 minutes aux rayons du soleil. Je soumets de suite cette plaque
à l'immersion et à 4 heures les Rotifères ont repris leur forme habituelle,
mais -aucun d'eux ne donne un signe quelconque d'existence. A 4 heures et
demie, ils sont tous revenus à la forme urnulaire qu'ils ne doivent plus
quitter et je puis les compter facilement, il y a 52 Rotifères et l'immersion
continuée pendant 8 heures, ne modifie en rien l'état de nos animalcules, ce
sont 52 cadavres qui restent étendus sans mouvement sur la plaque de verre.
Le même jour, presque à la même heure, 3 heures et demie, je place sur un
verre une goutte d'eau contenant 4 Rotifères et un Tardigrade. Je le recouvre
d'une glace et laisse évaporer lentement l'eau contenue entre les deux verres,
et maintiens ceux-ci exposés pendant 10 minutes au soleil. Je fais ensuite
rentrer l'eau entre les deux verres par capillarité en ayant soin d'entretenir sur
les bords du verre supérieur une goutte d'eau pure supplémentaire et 20 mi-
nutes après les Rotifères ont repris l'existence, mais le Tardigrade reste immo-
bile et ne reviendra pas à la vie. La goutte d'eau dans laquelle se trouvaient
ces cinq animalcules renfermait des débris d'oscillaires et des fragments de sub-
stances minérales, or ici, comme dans la mousse qui possède toujours une
certaine quantité d'humidité, la plaque de glace en contact avec les corps
étrangers qui la séparent du verre inférieur conserve comme la mousse une
certaine dose d'humidité, dont l'évaporation est arrêtée par le rapprochement
des deux glaces, et les corps étrangers conservent assez d'humidité pour que
les Rotifères, qui se réfugient toujours sur leurs bords, ne cessent pas entière-
ment de vivre et soient facilement rappelés à la vie; nous avons vu que le Tardi-
grade n'a pas survécu, et cela tient probablement à ce que ce petit animal ne
cherche pas comme les Rotifères, au moment de la dessiccation, les abords
des corps étrangers qui conservent l'humidité et résistent à une évaporation
complète.
Le 2 mai 1875, l'infusion de mousse non desséchée renferme un grand
nombre de Rotitères de Tardigrades et d'infusoires appartenant aux genres
Nassules, Chilodon, Kolpodes, etc.
Je répète à midi l'expérience que j'ai déjà faite dernièrement et je place sur
deux verres deux gouttes d'eau : l'une que je laiss e évapor « j ; ;
654 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
l'autre qui se dessèche lentement recouverte d'une glace mince. Les deux
plaques sont placées dans les mêmes conditions pendant la dessiccation de
l'eau.
A 1 heure et demie, je les soumets à l'humectation : à 2 heures les Roti-
fères de la plaque couverte et renfermant comme l'autre des matières orga-
niques ont en grande partie repris leur mouvement, tandis que rien ne se
manifeste sur l'autre plaque. Les Rotiferes qui ont repris leur vie se trou-
vaient placés dans des amas de matières organiques qui, sous la glace qui les
couvre, n'ont pas abandonné toute leur humidité. Les Rotiferes placés en
dehors de ces matières organiques n'ont pas encore donné signe de vie.
A 3 heures du soir sur la plaque desséchée à l'air et non couverte, les Roti-
feres n'ont donné aucun signe d'existence, et à 9 heures du soir, il ne se
montre aucun changement dans leur état.
Ces expériences répétées plusieurs fois jusqu'au o juillet ont toujours
donné le même résultat. Les Rotiferes protégés par une glace ou par des
fragments de mousse reviennent à l'existence, mais ceux qui sont des-
séchés à l'air libre et sans abri, même pendant un temps très-court, se
gonflent comme une graine desséchée, mais ne reviennent jamais à la
vie.
Examen de la Mousse desséchée au Four.
J'avais, je l'ai dit plus haut, partagé la mousse contenant des Rotiferes en deux
parties et j'avais desséché au four de cuisine une de ces parties. C'est celle-ci
que je vais maintenant examiner.
Le 29 août 1875, à 9 heures du matin, je mets en expérience une partie de
cette mousse, desséchée au four. Dans une capsule contenant de l'eau de puits
la même qui a servi pour humecter la première partie, je dépose des fragments
de Rryum et les laisse tremper. — Une petite portion composée de trois tigelles
est placée sur une plaque de verre dans une goutte d'eau et légèrement ma-
laxée avec une tige de verre. Il s'en détache aussitôt 6 ou 7 Rotiferes roses,
roulés en baules, mais ne présentant pas l'aspect cristallin des Rotiferes
desséchés à l'air libre. — Après les avoir bien reconnus, je retire les tigelles
de mousse et recouvre les Rotiferes d'une mince plaque déglace pour empêcher
l'évaporation et je continue à entretenir l'eau qui humecte les Rotilères. A 10 h.
4/2 les Rotiferes sont un peu gonflés mais ne donnent aucun signe de vie.
Us ont toujours une forme arrondie ou oblongue. A 1 heure du soir, les
Rotiferes se sont un peu tuméfiés, mais restent sans vie.
En examinant la mousse restée sous l'eau depuis le matin, je trouve encore
un grand nombre de Rotiferes (1 h. 1/4, gonflés par l'eau mais aucun n'est
revenu à la vie.
A 2 h. un rotifêre a repris la forme allongée qu'ils affectent généralement,
mais ne donne aucun signe d'existence.
A 6 h. du soir même résultat on voit des cadavres de Rotiferes et de
Tardigrades, mais aucune trace d'autres animalcules. Jusqu'à ce moment,
tout est mort dans cette infusion.
E. DE FROMENTEL. REVIVIFICATION DES ROTIFÈRES 655
Le 30 avril 1875 l'infusion de mousse desséchée ne présente rien de
nouveau. Les Hotifères roses, les Tardigrades bruns sont sans vie et on n'aperçoit
aucune trace d'infusoire, quand dès le 29,dans l'infusion non desséchée au four.on
voyait pulluler déjà un grand nombre d'infusoires et surtout des nassules
vertes de grande dimension.
Le dimanche 2 mai 1875 j'examine de nouveau l'infusion de mousse des-
séchée au four. Elle contient comme précédemment des Rotifères et des Tardi-
grades à l'état de cadavre et des corps arrondis, en quantité restreinte, rouges
transparents, gélatineux ayant évidemment une apparence organique mais ne
présentant nul cas de vie ou de mobilité. J'ai déjà remarqué ces corps singuliers
dans l'autre infusionils paraissent plus transparents, plus frais, si on peut dire ainsi,
et semblaient des parties animales extraites du corps des Rotifères. Ces corps font
vaguement rêver aux protistes d'Haekel^), que cependantnous ne pourons admet-
tre, attendu que pour nous les protistes du savant professeur ne sont que des
amibes et non une matière animalisée provenant de la réunion spéciale et for-
tuite de molécules inorganiques, car ils présentent tous les caractères des êtres
que nous venons d'indiquer. Les corps que nous avons examinés ont une appa-
rence gélatineuse, gommeuse, sans trace d'organisation et ne"présentant ni tégu-
ments, ni noyaux, ni cellules contractiles, rien enfin qui les rapproche d'un
infusoire.
Cette infusion présente à cette époque (2 mai) quelques petits infusoires que
j'ai souvent remarqués dans les infusoires de mousse, mais qui ne sont pas spé-
ciaux à ces infusions. Ils n'apparaissent que tardivement, provenant par consé-
quent de germes apportés du dehors, car les grosses Nassules vertes si abon-
dantes dans les infusions de mousses non desséchées au four, ainsi que les
Bursaires font complètement défaut, ce qui fait supposer que le dessèchement
les a fait mourir dans ces plantes comme les Rotifères et les Tardigrades.
Le 5 mai, la mousse qui trempe depuis le 29 avril présente la même absence
de vie chez les nombreux Rotifères et Tardigrades qu'elle renferme. Les grosses
Nassules et les Bursaires font aussi défaut, mais on remarque une plus grande
quantité de ces infusoires qui se montrent dans presque toutes les infusions
végétales, les monades, les kerones de petites tailles et un petit Dileptus qui,
le 11 mai, se trouve assez abondamment dans cette infusion.
Les expériences que je viens de signaler ont été faites pendant les
années 1874 et 1875 et devaient être publiées au mois d'août de cette
dernière année, mais des circonstances imprévues sont venues mettre era
pêchement à cette publication. J'ai donc pu depuis répéter encore toutes
ces expériences et je me suis surtout occupé dans ces derniers temps de la
station des Rotifères dans les liges de Bryum qui paraissent desséchées
sur les murs et sur les toits et j'ai pu me convaincre que les
Rotifères se trouvent constamment dans ces mousses, dans une situation
qui leur permet de se soustraire à une dessiccation complète.
(') E. H,ekel, Histoire de la Création, etc. Trad. franc. <87*
656 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
En effet, si on examine avec soin un bouquet de Bryum, on remarque
que les tiges les plus élevées, celles qui forment le sommet de ce demi-
pompon vert, ne contiennent presque jamais de Rotifères. Ces tiges sont
plus sèches, plus brunes que les autres qui se trouvent à la base et ne
servent pas de refuge aux Rotifères qui, à mesure que l'eau s'évapore,
descendent avec le niveau de celle-ci et se trouvent en réalité réunies
sur les tiges de la base du bouquet. Ces tiges sont ou directement
appliquées sur la pierre ou le plus souvent étalées dans un peu d'humus
ou terre provenant de poussière accumulée autour de la mousse. Or
c'est dans ces tiges qui conservent toujours leur couleur verte et qui,
par conséquent renferment toujours une certaine quantité d'humidité que
les Rotifères se retirent et qu'on les rencontre pelotonnés sous l'aisselle
des feuilles de la tige ou du capitule. J'en ai trouvé jusqu'à cinq groupés
à la base d'une feuille, et qui ne demandaient qu'une goutte d'eau pour
reprendre toute leur activité. Cependant; il ne faut pas croire que tous
les Rotifères, ainsi retirés dans les tiges de Bryum, soient toujours dans
des conditions à reprendre le libre exercice de leurs fonctions; il en est
qui n'ont pu trouver dans leur refuge une dose d'humidité suffisante
pour y entretenir leur vie, et en examinant une portion de Bryum des-
séchée et placée de nouveau dans l'eau, on remarque une quantité souvent
assez considérable de Rotifères qui, malgré une immersion prolongée,
ne reviennent jamais à la vie.
CONCLUSIONS
De toutes les expériences que, sans aucun parti pris, j'ai instituées
dans le but d'arriver à la vérité, après avoir pris les précautions les plus
minutieuses et les plus patientes pour éviter toute cause d'erreur, je suis
arrivé à déduire les conclusions suivantes :
1° Les Rotifères, Tardigrades, Anguillules, lorsqu'ils ont été desséchés à
l'air libre et sans abri à une température ordinaire, ne peuvent être
rappelés à la vie, à la suite d'une immersion prolongée.
2° Il n'est pas nécessaire que ces animalcules restent longtemps dans
cet état de dessiccation pour cesser d'exister, quelques heures, quelques
minutes même suffisent pour les priver à tout jamais de la vie.
3° Les Rotifères qui se trouvent dans les touffes de Bryum et qui
reprennent tous leurs mouvements après quelques minutes d'immersion
ne sont pas dans cet état réel de dessiccation qui les fait ressembler à
des petites masses cristallines, mais ils sont seulement pelotonnés dans les
aisselles des feuilles qui conservent toujours à la température ordinaire
une certaine quantité d'humidité.
J. BARROIS. — EMBRYOGÉNIE DES ANNÉLIDES ET DES LAMELLIBRANCHES 657
4° Si on soumet ces touffes de Bryum à une température suffisante
pour enlever toute l'humidité qu'elles contiennent, les Rotifères qu'elles
renferment ne peuvent plus, en aucun cas, être rappelés à la vie.
5° Enfin les animalcules que nous avons examinés et expérimentés,
lorsqu'ils ont subi une dessiccation complète, ne peuvent jamais ressus-
citer et subissent en cela les lois communes à tous les autres animaux.
M. NOIJRY
PRÉSENTATION DE TABLEAUX D HISTOIRE NATURELLE,
OISEAUX D'EUROPE.
(EXTRAIT DL" PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Noury présente une série de tableaux faits avec beaucoup d'art, repré-
sentant l'histoire naturelle des oiseaux d'Europe, et en particulier de la famille
des becs fins : il fait part des difficultés qu'il éprouve dans la publication de
son travail, et manifeste l'espoir de se voir aider par l'Association. Tout en
encourageant les louables efforts de M. Noury, la section évite de se prononcer
en faveur d'une demande de subsides, l'oeuvre n'étant pas suffisamment avan-
cée et aucune partie du texte n'étant encore prête.
J. BAREOIS
Préparateur à la Faculté des Sciences Je Lille.
EMBRYOGENIE DES ANNELIDES ET DES LAMELLIBRANCHES
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. J. Barrois expose le résultat de ses recherches sur l'embryogénie des
Annélides et des Lamellibranches : l'embryogénie des nombreuses espèces d'An-
nélides étudiées cet été au laboratoire deWimereux peut se ramener à plusieurs
types distincts : les principaux sont ceux de la Phyllodoce, des Capitella, des
Polydora et Nériné, des Annélides à larves pélagiques comme les Nephtis et les
Clyméniens, enfin des Annélides à larves serpuloïdes.
42
658 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Le premier (Phyllodoce) peut servir de type pour la marche générale du
développement; on y remarque surtout la présence de deux bandes embryon-
naires à la partie ventrale, et celle d'une cavité qui lui est opposée : le tube
digestif remplit dès le début tout l'espace renfermé par la peau ; excepté au
niveau de cette cavité; tous les organes (système nerveux, etc.) se forment
entre lui et la peau.
Le second type diffère du premier par le mode d'apparition des dissépiments
qui se forment tous à la fois et s'écartent ensuite au lieu de se former d'une
manière successive.
Le troisième type, caractérisé par les longues soies de la portion antérieure
est remarquable par la diversité qui existe dans le premier stade du dévelop-
pement des différentes formes.
Tandis que nous voyons chez les Polydores l'embryon arrondi, irrégulière-
ment cilié, se transformer directement en un jeune Annélide; nous constatons
chez le Nériné la présence de nombreux phénomènes intercalés ; il se forme
une larve à cuticule réticulée caduque, recouvrant la masse interne qui se
divise ensuite en deux feuillets distincts.
Les deux derniers types ne diffèrent guère de la Phyllodoce que par les pre-
miers stades du développement; ils s'y rattachent en ce qui concerne les par-
ticularités essentielles du développement interne.
En ce qui concerne les Lamellibranches, M. Barrois n'a encore réussi a
obtenir les larves que pour les Pholades, dont deux espèces sont très-abon-
dantes à "Wimereux. M. Barrois a obtenu le cycle d'une manière complète :
les œufs de Pholade donnent naissance, après l'épibolie et le stade arrondi
irrégulièrement cilié, à une larve à coquille avec vélum déjà formé et qui ne
représente autre chose que la trochosphère ; la coquille est caractérisée pendant
toute la période qui suit cet état, par la forme de la charnière.
Dans les stades suivants, péchés au seau, l'un des angles de la charnière
tend à se prononcer pour former un crochet : c'est pendant cet état qu'appa-
raissent sur la trochosphère, les divers organes du Lamellibranche (système
nerveux, foie, branchies, etc.).
Enfin, en cherchant directement sur les bancs a Pholades, on trouve des
jeunes Pholades de la seconde forme; autour de la coquille primitive a com-
mencé à se former un système de dentelures.
Les faits essentiels du développement interne consistent dans l'état primitif
du mésoderme formé d'une épaisse masse placée sous le vélum et séparant
les deux ouvertures de l'intestin, et dans la forme de la cavité du corps réduite
à une seule portion spacieuse située dans la partie dorsale; pendant très-long-
temps les deux ouvertures (buccale et anale) sont très-voisines ; le pied ne se
forme qu'extrêmement tard.
M. Barrois termine en s'appuyant sur cas laits pour émettre une comparaison
entre les Annélides et les Lamellibranches; la masse mésork'rmique de l'em-
bryon de Pholade, et la portion dorsale de la cavité du corps sont très- probable-
ment des parties homologues des bandes embryonnaires et de la portion
BËAUKEGARD. — RÉSEAUX VASCULAIRES DE L'OEIL DES VERTÉBRÉS 659
dorsale de cavité du corps de la Phyllodoce, et c'est sur cette première indica-
tion générale que nous devons nous baser pour établir l'accord d'une manière
plus complète.
DISCUSSION
A propos de cette communication, M. Giard fait observer combien les faits
observés par M. J. Barrois viennent corroborer les conclusions qu'il a tirées de
l'embryogénie comparée de la Salmacina Dysteri et des Phyllodoce parmi les
Annélides, et du Lamellaria, des Neritina, des Nudibranches, des Naïades
parmi les mollusques. Les mollusques (Gastéropodes et Lamellibranches), forment
avec les Annélides et les Brachiopodes un ensemble très-homogène différant
autant des Arthropodes que ceux-ci des Vertébrés.
La formation du mésoderme par les deux bandes embryonnaires n'est qu'un
processus abrégé de la formation par enterocœlle, c'est-à-dire par des diver-
ticules de l'endoderme ou tube digestif primitif. Ce dernier mode de formation
s'observe chez les Brachiopodes et les Chcelognathes qui sont de véritables
Annélides.
M. Giard combat les conclusions de Bobretzky qui, dans un mémoire récent,
a cru pouvoir établir des distinctions fondamentales entre l'embryogénie des
Annélides et celle des Mollusques.
Il fait observer, en terminant, l'intérêt que présente la découverte faite par
M. Barrois d'une larve d'Annélide possédant une enveloppe embryonnaire.
Des cas semblables n'étaient connus, jusqu'à présent, que chez les Arthropodes,
certains Gestodes et les Némertiens.
M. LE Dl BEAÏÏREGÀRD
RÉSEAUX VASCULAIRES DE L'ŒIL DES VERTEBRES
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Beauregaiid a entrepris d'importantes recherches sur les réseaux vascu-
laires de l'œil des vertébrés. Ces réseaux , qui affectent des dispositions diffé-
rentes suivant les classes d'animaux, paraissent devoir être ramenés à des
réseaux rétiniens et à des réseaux hyaloïdiens.
Chez les vertébrés pourvus d'un peigne (oiseaux et Sauriens), ce peigne,
par toute sa portion plongée dans le corps vitré, doit être considéré comme
l'homologue du réseau hyaloïdien de l'œil des embryons de mammifères et des
réseaux hyaloïdiens que l'on observe chez les Ophidiens et le plus grand nombre
des poissons. Cette homologie est établie sur des faits nombreux du domaine
de l'embryogénie et de l'anatomie comparée.
C60 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Des recherches ophthalmoscopiques longuement poursuivies permettent à
M. Beauregard de signaler l'existence du repli falciforme chez un certain nombre
de poissons où celle formation n'avait pas été étudiée (Trachinus draco, Trigla
hirundo, Cottus scorpius, Sparus cantharus, etc.)- Chez ces poissons, le repli
falciforme paraît être l'homologue du peigne. Chez les Malacoptérygiens apodes
on trouve, outre ce repli représentant le réseau hyaloïdien, un réseau rétinien
assez bien développé, de sorte que ces poissons présentent à l'état adulte les
deux réseaux vasculaires qui, chez les mammifères, n'existent conjointement
que pendant la vie fœtale.
Tous ces réseaux servent à la fois à la nutrition des milieux de l'œil et à
l'orientation de certains rayons lumineux, la pupille pouvant se placer par
rapport au peigne dans une position telle que celui-ci intercepte au passage
certains rayons venant d'en haut : le peigne contribuerait ainsi à la vision si
remarquable chez les oiseaux.
M. A. GIAO
Professeur à la Faculté des Sciences de Lille.
IMPORTANCE DE L'ÉTUDE DES CHENILLES POUR LA CLASSIFICATION
DES LÉPIOPTÈRES
(extrait du procès-verbal)
— Scan ce du 30 août 1877. —
M. Giaud présente un mémoire sur l'importance des caractères larvaires
pour l'établissement de la phylogénie chez les insectes et en particulier chez
les papillons. M. Giard a signalé dès 1872 dans ses recherches sur les Tuni-
ciers, les adaptations remarquables auxquelles sont sujettes les larves des ani-
maux à embryogénie dilatée et fait connaître plusieurs cas où deux types
voisins à l'état adulte présentent des larves très-différentes (Incongruenccs,
Weismann). 11 a indiqué dès lors l'intérêt que présenterait à ce point de vue
l'étude de certains groupes d'insectes (Syrphiens parmi les Diptères, Bomby-
ciens parmi les Lépidoptères). 11 montre que, malgré ces incongruences, l'étude
des larves fournit de précieux renseignements pour dresser l'arbre généalo-
gique des papillons. C'est ainsi que la chenille jeune du Papilio Machaon est
épineuse comme celle des Vanesses et indique ainsi que les Papilionides etles
Nymphalides ont dérivé d'une souche commune rappelant les Vanessides etles
Argynnides. D'ailleurs, dans presque toutes les familles, les types les plus
élevés ont des chenilles nues. Les chenilles de certaines noctuelles Polia, Dip-
terygia) sortent de l'œuf avec trois paires de pattes membraneuses seulement,
et ce n'est qu'à la troisième mue qu'elles acquièrent leurs cinq paires normales.
Elles sont donc primitivement semblables aux chenilles des Géomètres, qui
sont en général pourvues de deux ou trois paires de pattes membraneuses.
Les chenilles de Catocala manquent même toujours des pâlies membraneuses
antérieures et méritent ainsi le nom de Semi-Geometr», que leur a donné
Hubner. Du reste, il est facile de retrouver chez les Géométrides les rudiments
j. BARROIS. — ANATOMFE El DÉVEL0PPEMBN1 Dl PBDALIA MIRA 661
de l'ornementation des autres groupes el ces géomélrides paraissent eux-
inémes pouvoir âtre dérivés déformes voisines des Tneides, lesquels rappellent
les Phryganes. Pour les Sphingides, M. Giard indique le moyen de se procurer
les pontes (il suffil de détruire les centres nerveux antérieurs), el de se pro-
curer ainsi les jeunes chenilles. Il a pu de ceM i façon s'assurer que chez le
Ckœrocampa Elpenor les chenilles prennent des teintes variées bien avant la
dernière mue et à des époques variables, contrairement à ce qu'affirme Weis-
manii. M. Giard a indiqué dès l*7-J les causes de ce polymorphisme. Chez le
Sjihiiix ligustri, la chenille jeune rappelle les Bombyciens par la propriété
qu'elle a d'émettre des tilsde soie. Elle a la forme des chenilles de Smerinthus
et leur peau chagrinée. Les Smerinthes doivent donc être considères comme
inférieurs aux Sphinx proprement dits.
En terminant, M. Giard insiste sur les indications que peut fournir pour la
classification des Lépidoptères la connaissance des végétaux sur lesquels vivent
les chenilles.
M. J. BARROIS
Préparateur a la Faculté des sciences de Lille.
SUR L'ANATOMIE ET LE DÉVELOPPEMENT DU PEDALIA MIRA
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du :iû aoûl 1877. —
M. J. Barrois, préparateur à la Faculté des sciences de Lille, a été conduit
par ses études sur les Bryozoaires à considérer la forme primitive de ces ani-
maux comme comparable à l'état adulte des Rotifères. En se basant sur les
ressemblances que présentent avec ces derniers les larves des Entoproctes, il
a émis l'idée d'une homologie de l'organe bilobé de la face ventrale de ces
larves avec le mastax embryonnaire. Pour élucider cette question, M. Barrois
a entrepris au laboratoire de Wimereux l'étude de l'embryogénie du genre
Pedalion, si intéressant par la diversité de ses organes appendiculaires, et dont
une espèce est assez commune à Wimereux.
Ce Pedalion est une espèce marine; il présente, outre les deux épauletles
ciliées, six lambeaux d'épithélium ciliaire qui forment par leur réunion une
couronne presque complète ; les organes appendiculaires de la face orale sont
au nombre de six : quatre pointes chitineuses et deux boulons à cils raides ;
les points oculiformes sont au nombre de trois, dont deux appartiennent à la
face orale; le mastax est énorme et se compose de cinq pièces; il donne vers
la face dorsale naissance à une espèce d'œsophage qui aboutit à un estomac
muni de deux glandes latérales ; l'ovaire est ventral et assez volumineux.
662 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Le? œufs sont fixés, pendant toute la durée de l'évolution, à la partie pos-
térieure du corps, comme chez le Brachion ; le développement est extrême-
ment rapide ; un jour à peine s'écoule entre la ponte et Téclosion.
Au stade quatre, l'œuf se compose d'une grosse sphère et de trois petites,
dispesées aux quatre angles d'un tétraètre ; les trois petites sphères se
segmentent ensuite rapidement pour recouvrir la grosse et former
une gastrula par épibolie, mais cet enveloppement ne se fait pas au hasard;
leur segmentation paraît surtout consister dans l'apparition d'une série de sil-
lons transverses, ce qui donne aux cellules qui s'étalent sur la masse interne
une disposition en séries régulières ; on voit de plus que l'accroissement ne se
fait pas avec une égale vitesse sur les deux faces de l'œuf, mais est beaucoup
plus rapide d'un côté que de l'autre ; il en résulte que la gastrula, an lieu de
se fermer au pôle opposé au pôle formateur, comme le dit Salensky, se ferme
dans le voisinage de la face ventrale, près du point où apparaîtra la dépression
autour de laquelle Salensky a vu naître les différents membres. A peine for-
mée, cette dépression se divise en trois branches, dont les deux inférieures
(transverses) donnent naissance à la queue et la supérieure (longitudinale) aux
deux lobes de la tête; à cette époque le rudiment du mastax est déjà formé,
et occupe toute la future portion céphalique (environ les deux tiers) de l'em-
bryon.
Un peu plus tard, on voit la portion située en avant des deux sillons trans-
verses s'étrangler graduellement: c'est par ce processus que la queue arrive
graduellement à se séparer du reste du corps et des deux lobes de la tête, ces
derniers se relèvent en comprenant entre eux une ouverture en forme de fente
qui dérive du sillon longitudinal (qui séparait d'abord les deux lobes) et for-
ment plus tard l'ouverture buccale; la partie qui répond à l'étranglement
correspond à toute la région thoracique, elle présente toujours un aspect
annelé dû à des petits plissements de la peau externe, et augmente d'étendue
à mesure que l'étranglement se prononce ; les épaulettes ciliées se forment à la
limite supérieure de cet étranglement dont elles se délimitent à 1 époque où
la tête (face orale) et le thorax commencent à se séparer par une ligne plus
nette de démarcation ; en même temps qu'eux apparaît autour de la bouche
une couronne ciliaire presque complète qui donne naissance aux lambeaux
d'épithélium ciliaire de la face^ovale.
Les résultats obtenus par M. Barrois sont en désaccord en deux points avec
ceux publiés par Salensky pour le Brachion.
1° D'après M. Barrois le blastopore peut très-bien passer à la bouche défi-
nitive.
2° L'on ne peut attacher une grande importance à la naissance des différents
organes autour de la dépression ventrale; la dernière partie du développement
nous montre que ce processus n'est dû qu'à ce que l'embryon, au moment de
sa formation, est enroulé sur lui-même; les aspects produits par l'enroulement
d'un embryon dans l'œuf ne peuvent évidemment rien avoir de commun avec
le plan général d'organisation, et ne peuvent être que trompeurs ; aussi, bien
loin de s'appuyer sur eux, comme le fait Salensky, pour établir des relations
nous devqns au contrajre chercher à en faire abstractipn, autant qu'il est Pos'
SABAT1ER. — SUR LES TIRES DE MALPIGHI DES INSECTES 663
sible- ce n'est qu'en dégageant les phénomènes réels d'embryogénie des aspects
perturbateurs produits par l'enroulement que nous pourrons arriver à avoir
sur l'embryogénie du groupe des Rotifères des idées exactes. En ce qui concerne
la parenté avec les Bryozoaires, les observations de M. Barrois ne lui permet-
tent encore de rien conclure de positif, mais elles montrent au moins que ce
mode d'apparition simultanée des organes autour de la dépression ventrale
(Salensky) ne prouve rien contre l'importance de la division essentielle de
l'adulte en deux faces opposées, séparées par la couronne ; l'embryogénie
laisse irrésolue, mais ne contredit pas l'opinion émise par M. Barrois.
DISCUSSION
M. Giard dit que l'accroissement plus rapide de l'embryon dans un sens
s'observe également dans les embryons de Mollusques gastéropodes. Il ne
croit pas que les observations de M. Barrois l'autorisent à conclure que l'ou-
verture primitive d'invagination devient la bouche définitive du Rotifère.
Quand une Gastrula se forme par épibolie elle est constituée dès l'instant où
l'embryon est formé de deux sortes de cellules (exodermiques et endodermi-
ques situées symétriquement par rapport à un axe). Tout le pôle endoder-
mique ou nutritif correspond à l'ouverture primitive (prostome) des Gastrula
formées par invagination. L'accroissement plus rapide de l'exoderme dans un
certain sens fait que le blastopore, c'est-à-dire le point ou l'exoderme se ren-
ferme ne coïncide pas avec le prostome: le blastopore est physiologiquement
le reste du prostome et n'en est pas l'homologue morphologique. La bouche
définitive se forme toujours au pôle formateur, mais ce pôle peut-être déplacé
par l'accroissement inégal de l'exoderme et être amené dans le voisinage du
pôle nutritif. La bouche définitive peut même coïncider avec le blastopore,
elle ne coïncide jamais avec le prostome. Enfin M. Giard considère les Roti-
fères comme se rapprochant des Mollusques et des Annélides, au moins autant
que des Bryozoaires avec lesquels von Hayek les réunit ; la parenté avec les
Arthropodes est bien plus éloignée et repose sur des caractères fort superficiels.
M. SABATIEE
Professeur à la Faculté des sciences île Montpellier
SUR LES TUBES DE MALPIGHl DES INSECTES.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 30 août 1877. —
M. Sabatier communique les premiers résultats de recherches entreprises
l'été dernier sur les tubes de Malpighi des insectes. M. Sabatier a été amené
à J'étude de ces organes par ses recherches sur le foie des Ampullaires,
664 ZOOLOGIE ET ZOOTECHNIE
Chez les insectes, les tubes sécréteurs paraissaient être des organes, tantôt
exclusivement biliaires, tantôt exclusivement urinaires ou bématopoiétiques,
tantôt enfin ils semblent jouer à la fois ce double rôle ; des différences mor-
phologiques correspondent à ces différences de fonctions.
M. Sabatier indique comme un objet très-favorable pour l'étude de ces
organes la taupe-grillon chez laquelle ils présentent un très-haut degré de
développement.
J. PARROT. — DÉFORMATIONS CRANIENNES DE LA SYPHILIS 065
11e Section
ANTHROPOLOGIE
Président M. Le Dr L AGNEAU, ancien président de la Société d'Anthropologie.
Vice-Présidents M Le ljr BERTILLON, professeur à l'Ecole d'Anthropologie.
M. oLl.lKit DE MAK1CHARD, archéologue à Vallon fArdèche.)
Secrétaires M. Le D' COLLLNEAU, de Paris.
M. FÉLIX HÉMENT, de Paris.
M. FROMENT
Agent-vuyer, Conducteur cri retraite.
SUR LE TEMPLE DE DESAIGNES l ARDECHE 1
(EXTRAIT DU PROCÈS-YERBAL.)
— Séance du îi août 1877. —
Ce temple, très-important par ses dimensions, marquait suivant l'auteur
une station d'approvisionnement entre les vallées du Rhône et de la Loire
On le désigne habituellement sous le nom de temple de Diane. 11 est possible
qu'on y. ait établi ultérieurement un culte à celte divinité, mais dans l'origine
il était consacré à Hercule, personnification de la force et de la puissance que
les Romains déployaient pour s'impatroniser en Gaule.
M. Jules PAIUOT
Professeur à la Faculté de médecine de Paris.
LES DÉFORMATIONS CRANIENNES CAUSÉES PAR LA SYPHILIS HÉRÉDITAIRE
— Séance du ii août 1877. —
Tout ce quia trait à la morphologie du crâne, intéresse l'anthropolo-
giste, qui, dans les saillies, les dépressions, les courbes et la capacité de
cette boîte osseuse, trouve les éléments de la classification des races,
(306 ANTHROPOLOGIE
des individus et de leurs groupes divers; et peut ainsi marquer la place
qu'ils doivent légitimement occuper, sur le grand arbre généalogique de
la famille humaine.
Les formes du crâne sont normales ou anormales.
Les .premières, résultent de l'évolution d'un type héréditaire déter-
miné, et constituent un fait ethnologique de premier ordre. — Les
autres, doivent être qualifiées de déformations et sont artificielles et
consécutives soit à une position vicieuse soit à des manœuvres prati-
quées à dessein sur la tête des jeunes enfants ; ou accidentelles, et
véritablement pathologiques.
Parmi ces dernières, les unes d'origine exclusivement intra-utérine
sont dues à un trouble dans le développement : ce sont les monstruo-
sités ; d'autres, liées à une maladie, apparaissent dès la vie fœtale ou
après la naissance. Jusqu'ici les anthropologistes se sont peu occupés de
ces dernières, et leur dire là-dessus, manque le plus souvent de ri-
gueur et même d'exactitude. Aussi, je ne crains pas d'affirmer, qu'il est
nécessaire de réviser à peu près tout ce que l'on a dit sur les déforma-
tions morbides du crâne , en ayant soin de faire intervenir dans cette
étude, la clinique et l'anatomie pathologique. Grâce à elles, on classera
parmi les cas morbides, des formes considérées jusqu'ici comme ethni-
ques ou artificielles ; et l'on restituera aux faits normaux, quelques uns
de ceux qui sont actuellement attribués à la maladie.
Aujourd'hui, je me propose d'examiner comment le crâne est déformé
par la syphilis héréditaire. Ce sujet est neuf, car je l'ai abordé pour la
première fois, cette année, devant la Société d'anthropologie, et dans des
leçons que j'ai faites à l'Hospice des Enfants Assistés.
Lorsque la syphilis héréditaire atteint un organe, elle frappe d'abord
l'élément qui lui sert de charpente et sans lequel, on ne peut concevoir
aucune structure, je veux dire le tissu conjonctif.
Or ce tissu joue un rôle considérable dans la constitution et la vie
des os, puisque le périoste en est presquentièrement fait, puisque dans
les parties dures et la moelle, c'est lui qui préside à l'activité nutritive.
Aussi, les os sont-ils particulièrement atteints par la syphilis héréditaire.
Et j'ajoute : parfois d'une manière exclusive. Si l'on me demande ce
qui m'autorise à affirmer la nature syphilitique de certaines lésions des
os, lorsque ces organes sont seuls malades; je répondrai qu'au début
de mes recherches, je n'ai admis comme atteints de syphilis héréditaire,
que les enfants qui en portaient sur les téguments ou dans les viscères,
des marques incontestables. Ayant remarqué que le squelette de ces
sujets présentait toujours des alérations d'un caractère typique, j'ai
pensé qu'il n'en fallait pas davantage pour regarder ces lésions comme
syphilitiques; et que, désormais, je devais rapporter à la syphilis" hérédi-
J. PARROT. — DÉFORMATIONS CRANIENNES DE LA SYPHILIS 667
taire, toutes celles présentant des caractères identiques, alors même qu'il
n'existerait aucune autre trace actuelle de la maladie. Cette méthode me
semble inattaquable. Elle est, en eiïet, fréquemment usitée en anthro-
pologie et dans les sciences de son domaine.
C'est ainsi que le paléontologiste, après s'être préparé à la détermi-
nation des ossements fossiles, par l'étude des animaux actuels, dont il
peut suivre l'évolution, observer les mœurs et les fonctions, voir le tégu-
ment, la toison, la fourrure, les viscères, les muscles, le squelette; peut
souvent, à l'aide d'une seule pièce osseuse, restituer un animal entier, et
en faire l'histoire.
Dans l'espèce, c'est une maladie que j'ai cherché à reconnaître, aux
stigmates laissés par elle sur le système osseux. Pour cela, je l'ai préala-
blement étudiée, durant son activité, sa vie ; c'est-à-dire pendant qu'elle
présentait ses symptômes, ses altérations organiques les plus caractéris-
tiques. Durant cette période j'ai constaté sur les os, des lésions absolument
propres et toujours semblables à elles-mêmes à quelque moment qu'on
les observe, constituent des lésions à elles mêmes; en un mot typiques.
Cette notion acquise, j'ai cru pouvoir affirmer que ces lésions, des
marques suffisantes et certaines de l'existence actuelle ou passée de la
maladie.
Ces altérations osseuses, sont de deux sortes principales.
Les unes, consistent dans la transformation gélatiniforme de quelques
points du squelette; les autres résultent du dépôt sous le périoste, d'os-
téophytes poreux, à larges espaces médullaires, à trabécules perpendicu-
laires à la surface de l'os. Ces trabécules n'ont pas un tissu constitué,
suivant le type habituel, par des cavités,- régulièrement disposées, au-
tour des canaux de Havers; mais par des cellules du tissu con-
jonctif, très-abondantes au voisinage du périoste, dont elles sont une
émanation et qui, par des prolongements nombreux, communiquent
entre elles et avec les espaces médullaires.
Sur les os du crâne, ces ostéophytes sont fréquents. Ils y apparaissent
à des époques très-variées ; mais c'est dans les deux premières années,
que leur évolution est le plus active. Excessivement rares et dispo-
sés eu nappe à la face interne, ils se montrent presque toujours à la
périphérie, en des points parfaitement déterminés. A savoir : les régions
péribregmatiques des frontaux et des pariétaux; d'où ils s'étendent sur
ces derniers, le long de la suture sagittale.
Au début, ce sont des saillies lenticulaires, à contour régulier, tran-
chant sur le reste de l'os, par leur couleur rouge ou violette, par leurs
porosités et leurs sillons vasculaires, s'étendant peu à peu de leurs points
d'origine à ceux du voisinage ; et de la sorte, couvrant parfois, la plus
grande partie de la calotte crânienne jn^is en respectant certaines
668 ANTHROPOLOGIE
parties très-limitées, telles que les bosses frontales, celles des pariétaux
et l'occipital. Il n'est pas rare, dans ces cas à marche envahissante, de voir
le produit morbide passer comme un pont sur les sutures, dont il fait ainsi
prématurément disparaître la Irace en arrêtant leur jeu. — Ce n'est pas
seulement en surface, que le produit pathologique s'accroît; les saillies
qu'il forme deviennent aussi plus apparentes, par la superposition de
nouvelles couches ; et delà sorte, la paroi iranienne peut atteindre, par
places, une épaisseur de 2 et môme de 3 centimètres. — Quand la période
d'activité, de pousse, si l'on peut ainsi dire, est épuisée, le tissu patholo-
gique devient plus dur et plus dense, par le rétrécissement des espaces
médullaires; et il en résulte une augmentation notable dans le poids du
crâne.
Ces ostéophytes sont caractéristiques delà syphilis héréditaire ; je ne puis
donc, avec MM. Jules Guérin, R. Virchow et Le Courtois, qui ont signalé,
dans le jeune âge, des tubérosités crâniennes, les attribuer au rachitis;
surtout, je ne puis les confondre, comme l'a fait Le Courtois, avec les,
couches péri-crâniennes dues au développement normal des os.
Le rachitis classique est une maladie excessivement compréhensive,
mal définie, et sans limites précises, à laquelle on attribue volontiers
toutes les altérations du squelette, dans le premier âge. Jusqu'ici,
celles que produit la syphilis héréditaire, y ont été comprises. Je crois avoir
suffisamment caractérisé ces dernières, pour que désormais, on puisse les
reconnaître, et partant, les distraire du rachitis. Il y a, en effet, un critérium
de la syphilis osseuse, que j'ai indiqué plus haut ; il n'y en a pas du
rachitis. C'est que le rachitis, d'après les notions actuelles, consiste essen-
tiellement et uniquement, dans un état anormal du squelette; et qu'au-
cun autre fait pathologique, ne permet d'affirmer, qne c'est bien par lui,
qu'un os est malade et non par un autre mal.
Pour ce qui est de l'accroissement physiologique, il se fait uniquement
le long des sutures, à l'aide de couches si minces, qu'on ne peut les
sentir au toucher ; s'imbriquant de telle sorte, que les plus anciennes
sont, pour chaque os, les plus rapprochées de sa partie centrale, tandis
que les plus récentes, ne se voient encore qu'à la périphérie; constituées
en apparence, par de petites écailles qui n'existent jamais à la surface
des productions pathologiques; n'ayant ni porosités, ni sillons vasculaires
en aucun cas, ne formant des îlots distincts, sur des points isolés de
la table externe.
Le crâne atteint d'ostéophytes, présente une déviation morphologique
souvent appréciable durant la vie. Les mamelons qui la produisent, lors-
qu'ils sont volumineux, sont séparés par des dépressions, en forme de
gouttière. Celle qui sépare le frontal des pariétaux est transversale et
correspond à la suture coronale. Une autre semblable, dirigée d'avant
J. PARROT. — DÉFORMATIONS CRANIENNES DE LA SYPHILIS 069
en arrière, suivant la suture sagittale, sépare les saillies droites de
celles du côté gauche. — Quand Les tubérosités sont très-apparentes,
elles donnent au crâne un aspect typique, que j'ai cru devoir qualifier
de natiforme, à cause de la ressemblance qu'il présente avec les organes
que les Latins appelaient naûes.
Cette modification de la calotte crânienne, en entraîne souvent une autre,
d'une grande importance, c'est la soudure prématurée de quelques-unes
de ses pièces osseuses. Les sutures disparaissent en général sur des
points limités, beaucoup plus rarement, sur toute leur longueur. Les
plus fréquemment affectées, sont la- médiofrontale, la coronale et la sa-
gittale. J'ai constaté plusieurs fois, la soudure des deux frontaux, à
11 et à 10 mois; et dans un cas, à 21 jours. — Sur le crâne d'un en-
fant de 30 mois, natiforme à un haut degré, la suture coronale droite,
n'existait plus, sur une longueur de 17 millimètres.
Ces synostoses amènent la déformation du crâne, non plus localement
comme les premières, mais dans son ensemble. En effet, l'encéphale qui
s'accroît beaucoup à cet âge, trouvant à son développement, au niveau
des points soudés, une résistance qu'il ne peut vaincre, se porte vers
d'autres régions et il en résulte des saillies partielles, qui parfois sont
asymétriques.
Lorsque les soudures sont nombreuses et précoces, l'encéphale n'est pas
seulement déplacé, mais il est arrêté dans son évolution. L'enfant de
30 mois, dont le crâne natiforme a été déjà signalé, présentait tous les
caractères de l'idiotie.
Les déformations crâniennes que je viens de faire connaître, sont fré-
quentes chez les jeunes enfants, mais elles existent également aux autres
âges. On les y reconnaîtra sans hésitation, aux caractères précédem-
ment indiqués. C'est ainsi que j'ai pu rapporter à la syphilis hérédi-
' taire, la déformation natiforme du crâne d'un Indien de 18 ans, mort
récemment d'intoxication palustre à Pernambuco, et qui se trouve dans
la collection de l'Institut anthropologique. Les ostéophytes sont couverts
de porosités et constitués par des trabécules osseuses, perpendiculaires à
la surface des pariétaux. Dans leur plus grande épaisseur, ils ont
20 millimètres, tandis que dans ses autres régions, la paroi crânienne
n'en a que 7.
Cet exemple prouve, dans la vie des individus, la permanence de la
syphilis héréditaire, par les marques qu'elle imprime au crâne. Je vais
montrer que l'ancienneté de la maladie dans le temps, peut être constatée
à l'aide de preuves identiques.
L'Institut anthropologique possède 5 crânes péruviens d'enfants.
3 viennent d'Arica et ont été envoyés par M. le docteur Bourrut; les
deux autres ont été donnés par M. Destruges. A l'exception de l'un des
670 ANTHROPOLOGIE
premiers, ils sont tous malades et portent des traces incontestables de
syphilis héréditaire.
Voici en quelques mots ce que l'on y observe. Sur le n° 5 de la
vitrine XI provenant d'un enfant qui avait 6 dents, la fontanelle est
largement ouverte et les voûtes orbitaires sont couvertes par un ostéo-
phyte épais et poreux. En dedans, la région bregmatique du frontal, et
les cavités des pariétaux, présentent une couche mince d'un tissu
morbide, très-poreux et plein de sillons vasculaires.
Le n° 6 de la mémo vitrine, dont la fontanelle est un peu moins
large que celle du précédent, -porte extérieurement, sur le frontal
et sur les pariétaux autour du bregma, quatre saillies ossiformes ova-
laires, avec des porosités nombreuses et des sillons dirigés d'avant en
arrière. La glabelle est couverte par une plaque semblable. Quelques
régions de la face interne sont atteintes, mais à un faible degré;
et sur des points qui ne correspondent pas aux lésions extérieures.
L'un des crânes de M. Destruges, dont la fontanelle est largement
ouverte, porte à sa périphérie, dans l'angle bregmatique de chaque
frontal, un ostéophyte de forme circulaire de quarante millimètres
de diamètre sur trois d'épaisseur, poreux et parcouru par de
nombreux sillons. Il en existe un autre, plus étendu et présentant
à un plus haut degré cette structure, sur le pariétal gauche près du
lambda.
Le dernier, très-incomplet, est altéré de même que les précédents;
au niveau des voûtes orbitaires.
Tous ces crânes sont d'une ancienneté non douteuse. Toutefois,
il est impossible d'affirmer que les deux premiers soient d'une
époque antérieure à l'arrivée des Européens dans le Nouveau-Monde;
mais on a la preuve irrécusable, que ceux donnés par M. Destruges
appartiennent à des sujets, mis dans la sépulture où on les a trouvés,
bien avant la conquête.
L'étude de ces crânes d'enfants, nous apprend deux choses : 1° que
la syphilis existait au Pérou avant que les Espagnols eussent découvert
l'Amérique; °1° que cette maladie y était fréquente, puisque la plupart
des crânes d'enfants qui en proviennent, en portent des traces.
La première proposition est suffisamment établie par les faits que
je viens de faire connaître; mais à son appui, j'en vais fournir
d'autres, tout aussi probants.
Grâce à l'obligeance de M. le professeur de Quatrefages et avec
l'aide de M. le docteur Ernest Hamy. j'ai découvert dans la collection
du Muséum, deux crânes non moins anciens que ceux de M. Destruges,
et qui présentent les lésions typiques de la syphilis héréditaire.
L'un d'eux, donné par M. Dairay, est celui d'un Péruvien d'Arica
J. PARROT. — DÉFORMATIONS CRANIENNES 1)E LA SYPHILIS 671
adulte. Il ne porte aucune trace de déformation artilicielle, est légère-
ment natifurme, et et l'on y voit un os épactal de cinquante-cinq milli-
mètres de haut. Le long de la sagittale, sur une largeur de soixante-dix
millimètres, les pariétaux sont symétriquement couverts d'une couche
poreuse, avec des sillons vasculaires nombreux et profonds. Le
frontal est lésé de la même manière au voisinage du bregma. L'alté-
ration est beaucoup plus marquée à droite et s'étend jusqu'à la suture
fronto-pariétale de ce côté, où l'on constate une synostose assez étendue.
L'autre crâne est d'une forme beaucoup plus saisissante, les lésions
caractéristiques y étant très-accentuées. Il est inscrit sous le n° 9 de la
collection Champeaux. Les dents du maxillaire supérieur sont usées. Il
est très-brachycéphale, et l'on y voit un os épactal double, entouré de
quelques os wormiens. Les sutures coronale et sagittale, sont complète-
ment effacées. Il est natitbrme à un haut degré et présente en outre,
deux bosses sur le frontal. Les proéminences des pariétaux excessive-
ment saillantes sont séparées par une gouttière profonde. Elles sont
poreuses et sillonnées par des vaisseaux irréguliers. Celles des fron-
taux, d'un relief beaucoup moins marqué, sont pirilormes, ayant leur
grosse extrémité dirigée en haut et en dehors; tandis que celle
qui est effilée, aboutit à la glabelle.' La région bregmatique est
représentée par une sorte de plateau quadrangulaire, saillant, surtout
à son centre.
L'épaisseur de la paroi crânienne, au niveau des régions malades,
est considérable. En un point des pariétaux, elle atteint trente-huit
millimètres, et sur les frontaux vingt-sept ; tandis que celle des parties
non altérées, ne dépasse pas dix millimètres. Cet énorme épaississement,
d'une portion assez étendue de ce crâne, rend compte de son
poids, qui est excessif, puisqu'il s'élève à 1340 grammes, tandis qu'en
moyenne celui des crânes de même provenance, non altérés, ne
dépasse pas 800 grammes.
Ici une remarque est nécessaire, puisqu'il s'agit de crânes américains.
La déformation syphilitique rappelle celle, bien connue, des crânes trilobés
d'Ancon. Mais entre elles, la ressemblance n'est qu'apparente, tandis qu'il y a
des différences profondes. Je me contenterai de signaler la principale, qui
consiste en l'absence, sur les crânes d'Ancon, des ostéophytes poreux et
sillonnés. Leur épaisseur est partout la même, car les tubérosités sont
dues, non à ce que la paroi est épaissie, mais à ce qu'elle est repoussée.
J'ai en effet mesuré, à ce point de vue, trente-six crânes présentant la
déformation caractéristique d'Ancon, qui se trouvent dans la collection de
l'Institut anthropologique; et j'ai constaté que leur épaisseur, au niveau
des saillies pariétales artificiellement produites, n'était en moyenne que
de dix millimètres ; sur un seul, je l'ai trouvée de quatorze.
672 ANTHROPOLOGIE
L'exposé que je viens de présenter peut être résumé ainsi :
— La syphilis héréditaire déforme la crâne d'une manière typique.
— La syphilis existait au Pérou avant la conquête espagnole.
DISCUSSION.
M. Hamy, à la demande de M. Parrot, fournit des renseignements sur
l'ancienneté probable des crânes Américains syphilitiques dont il vient d'en-
tretenir la section. La pièce du Muséum, qui porte le n° 9 de la collection
de Champeaux et dont les altérations sont si énormes, a été offerte à cet
établissement par le directeur du Molino-Darsena du Callao, avec une momie
entière, la tête d'une autre momie, un bras isolé et crânes. Ces pièces étaient,
accompagnées d'un certain nombre d'objets trouvés avec elles dans les fouilles
de Chaneai à quelques lieues au nord de Lima, c'étaient des étoffes de diverse
nature ornées de dessins variés, des bracelets en argent et en graines de
cacao, un grand vase à tête humaine, deux paniers à ouvrage, un coussinet
de coton, des fuseaux, un sac à coca, etc., etc. Aucun de ces objets, soumis
à l'examen de plusieurs archéologues fort compétents, n'a présenté la moindre
trace d'influence espagnole. Tout porte à croire que les Hypogées de Chaneai
sont sensiblement antérieures à Pizarre, et que par conséquent les traces de
syphilis signalées par M. Parrot sur un des sujets qui en ont été exhumés sont
bien d'origine locale.
Le crâne d'Arica, dont M. Parrot a parlé, ne saurait être daté avec la même
précision que celui de Chaneai, les circonstances de sa découverte étant de-
meurées inconnues. Quant aux têtes données par M. le Dr Destruges, à Guaya-
quil (Equateur), les objets qui les accompagnent sont franchement américains,
et ne décèlent non plus aucune intervention de l'art ou de l'industrie de
l'Europe.
M. Lunier : 11 existe une analogie très-étroite entre les déformations du crâne
présenté en dernier lieu par M. Parrot et les déformations artificielles. De
plus, les développements, dans lesquels M. Parrot est entré, peuvent servir à
expliquer la provenance des déformations dites artificielles d'un seul coté.
M. Lagneau : La déformation crânienne toulousaine diffère de celle décrite par
M. Lunier chez certains habitants du Département des Deux-Sévres. Dans la
première le coronal est déprimé par un bandeau portant sur le front; dans la
seconde, la région bipariétale présente une dépression semi-circulaire, déter-
minée par un bandeau muni d'un fort fil de fer, portant sur la partie antérieure
de cette région.
M. BnotA : La société d'anthropologie possède dans ses collections un crâne
portant des traces delésions syphilitiques, qui, selon toute apparence,onl été une
entrave aux manœuvres de compression qu'on avait commencé à exercer sur
lui. Ce crâne vientd'Arica. Quant aux crânes devBogota, sur lesquels ont porté
les observations de M. Parrot, ils proviennent d'un cimetière, qui servit,
par la suite, à l'enterrement de sujets appartenant à des populations euro-
péennes.
M. Giiîf.ut a eu l'occasion d'observer au Havre, un grand nombre d'enfants
J. PARROT. — SUR LES DÉFORMATIONS CRANIENNES SYPHILITIQUES 673
syphilitiques, atteints simultanément de rachitisme, et en présentant les dé-
formations. Il se demande, comment M. Parrot parvient à différencier — sur
le vivant — les lésions appartenant au rachitisme de celles qui ressortissent à
la syphilis.
M. Parrot. On a englobé dans le rachitisme une foule d'affections osseuses
du jeune âge. 11 en résulte une confusion d'autant plus regrettable, que la syphilis
héréditaire est d'un diagnostic facile. Dans la détermination des lésions propres
à ces deux états morbides, c'est la syphilis héréditaire et non le rachitis
qu'il convient de prendre pour point de départ; et ce sont ses manifestations
tranchées qui doivent servir de base pour la discussion.
M. Dally n'a jamais vu les voyageurs qui ont exploré le Pérou mentionner
la syphilis chez les populations qui habitent ces contrées. Aucun des chroni-
queurs qui ont écrit sur leur histoire n'a fait de descriptions impli-
quant l'existence de cette affection chez les peuplades du nouveau monde.
M. de Quatrei âges cite l'ouvrage de M. Jourdanet, relatant l'existence de
la syphilis au Mexique antérieurement à la conquête , et rappelle l'opinion du
capitaine Cook sur la préexistence de cette affection en Océanie : opinion
confirmée d'ailleurs par divers auteurs.
M. Bertillon. Un ouvrage dû à un moine espagnol, contemporain delà
conquête et traduit par M. Jourdanet, admet, qu'au nombre des maladies
auxquelles les Mexicains étaient sujets, se rencontrait la syphilis.
M. Broca. Je saisis l'occasion de noter les preuves qui viennent d'être
données de l'existence de la syphilis au nouveau-monde avant l'arrivée des Euro-
péens. Il n'y a rien d'étonnant, à tout prendre, à ce que les mêmes maladies
sévissent sur l'ensemble de l'humanité; ce qu'il importe de constater, c'est que
l'apparition de la syphilis dans l'humanité est de beaucoup antérieure au
moyen âge.
M. Lagneau. Quelques-uns des cas de déformations crâniennes, observées
par M. Parrot sur d'anciens crânes américains, et regardées comme attribuables
à la syphilis, sembleraient autoriser à penser que la syphilis existait dans le
nouveau monde antérieurement à la conquête espagnole. Toutefois, se basant
sur divers textes anciens, en particulier de Martial, de nombreux syphilio-
graphes, entre autres Rosenbaum dans son ouvrage intitulé : Geschichte der
Lustrenche; Luttrenche in Alterthum (Halle, 1859), admettent également que la
syphilis existait en Europe dans l'antiquité.
Sur cent soixante enfants atteints de syphilis héréditaire, observés par
M. Parrot, la plupart auraient présenté des lésions osseuses, bien plus fréquentes
que les lésions viscérales du thymus, des poumons, etc., etc.; ces lésions
osseuses sont cependant, en général, considérées comme assez exceptionnelles
dans la syphilis héréditaire.
Relativement aux déformations crâniennes artificielles, elles semblent avoir
été souvent en usage chez des peuples de races mélangées présentant normale-
ment des conformations céphaliques différentes.
Ainsi que l'ont déjà fait remarquer Am. Thierry et L. Gorre, parfois les
peuples conquis cherchent par des moyens artificiels à ressembler à leurs con-
quérants jusque dans leur conformation céphalique, et les conquérants tendent
43
6" 4 ANTHROPOLOGIE
à exagérer artificiellement leur conformation normale, afin de se différencier
davantage des individus de la race conquise. (Am. Thierry: H ist. d'Attila, 1. 1,
p. 8, 1856; L. Gorre: Bull, de la Soc. d'anthrop., t. I, p. 556, 1860.)
Dans l'ancien continent, comme en Amérique, des déformations céphaliques
artificielles notablement différentes ont été mises en usage. Si Hippocrate décrit
les macrocéphales comme se déformant la tête afin d'en augmenter la hauteur :
Tô8ê n%o; aûS-ETai (des Airs, des Eaux, etc., 314, t. II, p. 58, texte et trad. de
Littré), Strabon dépeint les Siginnes, habitant également au sud du Caucase,
comme s'allongeant la tête de telle sorte que le front dépasse en avant le
niveau du menton... xal ■TCpOTreiT'rwxcftEi; -rot; [xetojiioI; TtoOuvepxuitTetv tûv yevetwv.
(Strabon, t. XI, cap. xi, § 8, p. U6, coll. Didot.)
Quoiqu'on ait trouvé des crânes déformés dans la Crimée qui doit son nom aux
Kimmériens vraisemblablement de même race que les Cimbres du nord de la
Germanie et de la Chersonèse cimbrique, le Jutland actuel, il est encore fort
difficile de savoir quel peuple fut l'importateur dans notre Occident de l'usage
de déformer le crâne. Sur les bords du Danube, des crânes également déformés
ont été rapportés aux Awares. On sait d'ailleurs par Sidoine Apollinaire qu'un
peuple scythique, venu des bords du Tanaïs sur ceux de l'Ister, le Danube et
en Dacie, sous les ordres d'Hormidac, non-seulement s'écrasait les narines, mais
se déformait le crâne en une masse ronde et étroite vraisemblablement plus ou
moins conique, consurgit inantum massa rotunda caput. (Sid. Apoll., Panegyr.
anthem., v. 244 et suiv. du t. III, texte et trad. de Grégoire et Collombet,
1836.)
M. G. DE MORTILLET
Attaché au Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain.
DESCRIPTION DU PLAN OFFICIEL DU PALAIS DU TROCADÉRO
POUR L'EXPOSITION INTERNATIONALE DE 1878- (SCIENCES ANTHROPOLOGIQUES).
Séance du 24 août J/877. —
PRUNIÈRES. — LA CRÉMATION DANS LES DOLMENS DE LA LOZÈRE 675
M. PRUNIERES
De Marvrjols.
LA CRÉMATION DANS LES DOLMENS DE LA LOZÈRE.
NOUVELLES RONDELLES CRANIENNES.
DOLMENS DE LA MARCONIÈRE ET TOMBELLE DE BOUJOUSSAC.
— Séance du 24 août 1877. —
Dansla séance du 25 avril 1875, j'exposai dans la section d'anthropo-
logie du Congrès de l'Association française, à Nantes, le résultat de mes
observations sur la crémation qui aurait paru dans les rites funéraires des
habitants des causses lozériens, à une époque où ils enterraient dans les
dolmens (').
Mes conclusions furent contestées par un de nos plus savants collègues,
qui crut pouvoir attribuer à des feux accidentellement allumés dans la
cella des mégalithes, servant quelquefois d'abris aux bergers, les traces de
l'action du feu qu'on observe sur certains os recueillis dans ces monuments.
Cette réponse ne fut pas insérée dans le compte rendu du Congrès de
Nantes ; mais je viens de la retrouver dans le grand et magnifique ou-
vrage de M. Ern. Chantre sur l'âge de bronze (2).
La question pourrait dès lors rester au moins douteuse pour beaucoup
de savants, comme elle parait l'être encore pour M. Chantre Je. viens
donc communiquer à la section les résultats de la fouille récente des
deux dolmens de la Marconiôre, dont le premier n'ajoute rien, au point de
vue de la crémation, aux faits que j'ai exposés à Nantes et que je ne
citerais point si ce dolmen ne m'avait donné une nouvelle rondelle crâ-
nienne fort remarquable ; mais dont le second , fouillé devant des
témoins compétents dont j'ai, sur place, à la vue de la couche ossifère,
et avant de rien déplacer, sollicité toute l'attention et le témoignage, me
paraît trancher d'une façon définitive la question de la crémation dans
les dolmens, au moins dans les régions que j'explore.
1
C'est le 2 mai dernier que je me rendis pour la première fois, sur
un promontoire élevé appelé la Marconière, qui domine la vallée du
Lot, et qui fait partie du causse désert de Saint-Saturnin, canton de la
Canourgue (Lozère).
Diverses personnes m'avaient déjà depuis longtemps signalé, sur ce
(1) Prunières. la Crémation. CoDgrès de Nantes, 1875, p. 881.
(2) Ern. Chantre, l'Age du bronze, 2e partie, p. 63.
676 ANTHROPOLOGIE
mamelon, un assez grand dolmen remarquable surtout par ce fait qu'il
était accompagné d'un mégalithe d'assez petites dimensions. Mais j'avais
cru devoir renvoyer à plus tard la visite de ce monument, parce qu'on
m'avait dit en même temps qu'un archéologue des environs en avait pris
possession et y avait commencé quelques fouilles qu'une maladie chro-
nique très-grave ne lui permettait plus de continuer sur une hauteur
exposée à tous les vents et à toutes les intempéries des saisons.
Ce collectionneur étant mort, je me suis décidé à visiter le monument
abandonné et à en reprendre l'exploration a peine commencée.
Je donne ici le plan du monument entier que j'inscris dans mes notes,
sous le titre de Dolmen tumulus, N° 4, de la Marconière.
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3 0 f
S 3 »
Fig. 55. — Dolmen n° \ de la Marconière. Orientation (à la boussole) ;
E. \/u N. E.— 0. 1/4 S.-O. D, grand dolmen ; S, petit mégalithe ; T, terres et pierres rapportées;
R, point où a été recueillie la rondelle crânienne en dehors du grand dolmen.
Comme je l'ai déjà dit, le monument est composé de deux mégalithes
d'inégale grandeur. Ces deux mégalithes sont construits sur une même
ligne, ayant ainsi exactement la même orientation et sont séparés l'un
de l'autre par un intervalle de 2m,7o seulement. Des terres et des pierres
rapportées comblent l'espace qui les sépare, et semblent avoir fait partie
d'un vaste tumulus qui aurait primitivement recouvert et entouré les deux
tombeaux.
A mon arrivée sur le monument, je fus heureux de constater que la
petite sépulture S avait été seule fouillée, et que le grand dolmen D était à
peu près vierge de toute exploration. C'est à peine si l'on avait tenté de
pratiquer à l'entrée orientale du monument, au point F, un étroit son-
dage qui arrivait à peine sur la couche ossifère.
Les deux monuments n'étaient plus couverts ; mais il restait peut-être
encore quelques gros fragments de la table du grand dolmen dont la
hauteur des dalles latérales est de près de lm,5'0.
Comme objets d'industrie, l'exploration du grand dolmen D m'adonne
12 beaux dards en silex de diverses couleurs et do diverses dimen-
sions; 2 petits fragments informes de bronze; un grain de collier en
os ; un en cardium, une dent de cerf travaillée et beaucoup de tessons
PRUNIÈRES. — LA CRÉMATION DANS LES DOLMENS DE LA LOZÈRE 677
de poterie primitive : un certain nombre de fragments, qui paraissent
avoir appartenu au môme vase, sont régulièrement percés, sur la face
externe, de nombreux trous bien creusés qui n'intéressent que la moitié
de l'épaisseur de la poterie.
Il n'a rien été trouvé, sauf quelques débris d'os, dans le petit mégalithe
S, antérieurement fouillé jusqu'au roc.
Dans le grand dolmen, les os étaient relativement peu nombreux ; mais
cela tenait uniquement à leur décomposition très- avancée, car j'ai pu en-
core recueillir 23 astragales d'adultes et divers os d'enfants.
Tous les os recueillis dans la cella étaient très-altérés sur leur surface
et sur leurs extrémités ; toutefois au point R et profondément, je re-
cueillis, mais non sans surprise à cause de leur position excentrique, trois
fragments crâniens d'une conservation parfaite. Voici ces fragments, dont
l'un est la moitié d'une rondelle aussi belle qu'aucune de celles que j'ai
recueillies jusqu'ici, et dont les deux autres, cassés à angles vifs, sont peut-
être aussi des amulettes. J'ai déjà eu occasion de faire remarquer cette
conservation quelquefois exceptionnelle des amulettes, qui fut la cause
de ma découverte.
Un petit nombre de fragments osseux portant l'empreinte de la créma-
tion, furent recueillis mêlés aux autres os jusque sous le bord inférieur
des grandes dalles du monument. Je ne cite d'ailleurs ce tait que pour
mémoire, parce qu'il rentre dans ceux que j'ai précédemment décrits.
J'étais accompagné dans cette exploration par mon ami M. l'abbé Bou-
det, curé sur les Causses ; par M. xVstier instituteur et par les deux frères
Philippe et Albert Gazanhe, mes fouilleurs ordinaires.
II
J'aurai à revenir sur la rondelle ci-dessus: mais auparavant, je désire
décrire la fouille si instructive du dolmen N° 2 de la Marconière.
Mon ami M. Boudet ayant oublié ou perdu, dans les fouilles que je
viens de décrire, un objet auquel il tenait beaucoup, dut revenir à la
Marconière ; je le priai de profiter de cette excursion forcée pour faire
une exploration complète de la région déserte qui entoure le premier
monument, et cela d'après les indications d'un chasseur qui m'avait
dit y avoir vu un second dolmen.
Cette exploration fut couronnée de succès. M. Boudet découvrit, à en-
viron deux kilomètres du dolmen que nous avions fouillé ensemble, un
nouveau mégalithe que le temps n'avait ruiné qu'à la surface. La table
était réduite en fragments peu importants : les bords supérieurs des
dalles latérales, dans la partie qui émergeait du tertre funéraire, étaien t
fendillés et réduits en lamelles qui restaient juxtaposées comme des lames
078 WTHROPOLOGIE
d'ardoises ; mais, à part ces ravages du temps, le dolmen était vierge
de toute exploration.
M. Boudet me transmit immédiatement ces renseignements ; nous
prîmes date pour celte nouvelle fouille ; et le 17 mai dernier, nous
étions, à six heures du matin, auprès du dolmen n° 2 de la Marconière.
J'avais avec moi les mêmes compagnons et, les mômes fouilleurs que
dans l'exploration précédente.
Le dolmen n° 2 n'a pas exactement la même orientation que le n° 1.
Toutefois, il est, lui aussi, précédé, d'un vestibule qui fait un angle
droit avec la cella.
La fouille commença par le déblaiement de ce vestibule, qui fut
fouillé jusqu'au roc naturel ; il ne fut trouvé là ni os, ni silex, ni objets
d'industrie quelconques ; mais au fond, sur le roc, la terre était noire,
mêlée à des fragments de charbon.
Cette première opération me donna, toutefois, une coupe verticale
très-régulière des matières superposées qui remplissaient la cella du
mégalithe ; comme presque toujours, ces matières se présentaient, de haut
en bas, sous la forme : 4° d'une épaisse couche de pierraille ; 2° d'un
pavé horizontal formé de dalles minces supportant cette pierraille et re-
couvrant la couche ossifère; 3° de cette couche gui se montrait, à la
coupe, formée d'os blancs, naturels, et de très-nombreux fragments noirs
brûlés, mêlés à du charbon.
Ce mélange d'os si différents d'aspect dut vivement exciter mon at-
tention. Je traçai immédiatement une ligne à la surface du monument,
et je fis d'abord méthodiquement déblayer, sous mes yeux, la première
moitié, en procédant de haut en bas, et couche par couche, jusqu'au
pavé horizontal.
La couche de pierraille recouverte de quelques buissons ne donna
que des cailloux ordinaires, les cailloux du sol, et quelques tessons de
poterie grossière.
On avait déblayé jusqu'aux minces dalles recouvrant la couche ossi-
fère. Je fis balayer le dessus de ces dalles, et descendis alors seul dans
le monument pour soulever moi-même ces dalles l'une après l'autre.
La première de ces petites dalles, à l'angle du vestibule et de la cella,
soulevée et placée de champ, laissa voir à mes yeux et aux yeux de
mes compagnons, le tableau le plus démonstratif. Dans les pluies d'orage
et pendant de longs siècles, l'eau avait circulé sous cette dalle et en avait
enlevé jusqu'au moindre grain de terre; les os se montraient ainsi à la
lumière admirablement propres, humides, luisants comme ceux qu'on
pourrait voir dans un musée immédiatement après qu'ils auraient été
vernis. Tous ces os étaient là pêle-mêle : des tibias sur des crânes,
les fémurs sur les omoplates, etc. Mais les uns étaient blancs et entiers,
PRINIÈRES. LA CRÉMATION DANS LES DOLMENS DE LA LOZÈRE 679
les autres fragmentés et noirs, du noir de charbon. Le mélange était si
intime qu'on eût dit des cases irrégulières d'un damier formé d'os
blancs et d'os noirs juxtaposés et superposés.
Sous la couche superficielle de tous ces os, et à travers leurs inter-
stices; ou apercevait de nombreuses mâchoires inférieures et cinq crânes
non brûlés. Le crâne central, seul à peu près entier, reposait sur le
temporal droit ; le temporal gauche qui, dès lors, aurait dû être super-
ficiel, manquait : il s'était effondré dans la cavité crânienne, et par la
brèche ainsi produite, de nombreux os avaient aussi pénétré dans le
crâne qu'ils remplissaient; or; ces os inclus étaient les uns blancs ou
jaunes, c'est-à-dire n'ayant jamais subi l'action du feu, et les autres
noirs, brûlés comme ceux que j'ai étalés sur le bureau. Une belle pointe
de flèche en silex exotique brillait au soleil à la surface de tous ces os.
J'avais ainsi là, sous les yeux, la démonstration la plus complète,
la plus indiscutable de ma thèse sur la crémation à l'époque des dol-
mens lozériens; et j'eusse été bien heureux de pouvoir faire contempler
ce tableau à quelques-uns de mes collègues de la Société d'anthropolo-
gie. Toutefois, parmi mes compagnons, étaient deux hommes intelligents
et instruits ; mes fouilleurs ont une grande habitude de mes recherches.
Avant de toucher à rien, je priai les assistants de bien considérer tous
ces faits jusqu'aux moindres détails, et d'en garder bonne mémoire.
Ces observations faites, je vidai, par la brèche temporale, le crâne cen-
tral avant de le déplacer, et je retirai ainsi et la pointe de la flèche en
silex et un nombre considérable de fragments osseux brûlés et de petits
os humains qui n'avaient pas subi l'action du feu, ainsi que quelques frag-
ments d'os d'animaux, parmi lesquels un osselet de mouton ou de chèvre.
Les autres crânes et les divers os entassés dans ce coin furent ensuite
recueillis. Je procédai alors à l'extraction de la dalle suivante, qui fut
soulevée avec les mêmes précautions que la première.
Comme la précédente, cette dalle recouvrait de nombreux os, la plu-
part non brûlés, entiers et d'une conservation parfaite. Les os brûlés,
fragmentés, étaient ici encore nombreux, mais moins nombreux toute-
fois que les os blancs, qui appartenaient à des squelettes simplement
inhumés. Trois admirables lances polies, en silex de la craie, par consé-
quent étrangères aux causses, furent trouvées au milieu de tous ces os.
Voici ces pièces remarquables : la première, très-belle et entière, a
0m;18 de longueur; la deuxième, plus belle encore, est malheureuse-
ment incomplète : elle a perdu son pédoncule, détaché par une cause
antérieure à l'inhumation ; elle mesure cependant encore 0m; 14 ; la
troisième, entière et d'un fini parfait, n'a que 0m, 12 de longueur. Un
autre dard; moins important, en silex indigène, fut recueilli dans cette
partie du dolmen.
680 ANTHROPOLOGIE
Cette fouille terminée jusqu'au roc naturel, je fis procéder à l'explo-
ration de la dernière section du monument.
La disposition de lapierraille et des terres recouvrant la couche ossifère
était ici la même que dans les sections précédentes ; mais sous les dalles,
il n'y avait pour ainsi dire plus d'os blancs, n'ayant pas subi l'action du feu;
ici, la terre était très-noire, mêlée à des débris charbonneux et remplie
de ces fragments osseux, noirs et brûlés, dont est remplie la boîte que j'ai
l'honneur de mettre sous les yeux des membres de la section. — Les
fragments sont cassés à angles vifs, très-durs, généralement luisants,
incomplètement brûlés, et c'est à peine si on en trouverait deux ou
trois sur cent qui présentent un commencement d'incinération.
Celte section du monument contenait des dards en silex finement tail-
lés et une dent d'un petit carnassier, probablement d'un renard, percée
d'un trou et brûlée comme les os humains ; mais je n'y recueillis aucun
grain de collier, ni fragment de poterie, ni, ce qui me surprit davan-
tage, aucun objet en bronze, aucun vestige de ce métal.
III.
Dans ma description de la fouille du dolmen n° 1 de la Marconière,
j'ai signalé une rondelle crânienne, trouvée sur un point excentrique,
en dehors de la cella du dolmen. On sait d'un autre côté que plusieurs
rondelles-amulettes, entre autres celle de Lyons, ont été trouvées à l'in-
térieur de crânes perforés, fait que j'ai cherché à expliquer de diverses
manières dans mon mémoire du Congrès de Lille.
Une découverte postérieure me parait devoir donner une explication
nouvelle de ce fait qui pourrait bien être plus simple, plus naturel qu'il
ne l'a paru au début.
Dans l'automne de 1874, je me transportai dans un village, appelé
Boujassac, où devait se rendre de son côté un chasseur qui s'était en-
gagé à m'indiquer un dolmen vierge dans les environs de ce village.
J'étais au rendez-vous au petit jour ; mais la matinée fut pluvieuse, et
mon guide ne vint pas. J'étais accompagné d'un ami et de trois de mes
fouilleurs; je pensai qu'à nous cinq, en nous divisant le terrain à ex-
plorer, nous devions découvrir le dolmen dont on m'avait certifié l'exis-
tence, et nous nous séparâmes pour explorer toute la contrée environ-
nante. Aucun dolmen ne se montra, mais un de mes hommes eut la
bonne fortune de découvrir, dans un bosquet de pins, un petit tunmlus,
du centre duquel émergeaient les bords supérieurs de deux dalles de
moyenne dimension. Je me décidai immédiatement â fouiller ce monu-
ment, orienté du nord au sud.
Un pin rabougri avait poussé entre les deux dalles, à l'extrémité sep-
tentrionale de la sépulture. Avec la permission du propriétaire, cet arbre
PRUNIÈRES. — l.\ CRÉMATION DANS LEs DOLMENS DE LA LOZÈRE Ml
lut coupé, etle déblaiement commença. La sépulture était peu profonde;
bieutot quelques os humains se montrèrent sous kis grattoirs. Je dus
arracher le chevelu d'une racine de l'arbre abattu, et des fragments
crâniens apparurent fixés aux radicelles. Les précautions redoublèrent
dans cette direction; et bientôt trois crânes se montrèrent par levertex,
reposant sur leur base et juxtaposés l'un à l'autre.
Le vertex de ces trois crânes me parut présenter une perforation par
raclage, complète sur le premier, incomplète sur le second, douteuse sur
le troisième. Voici ces trois crânes.
Le chevelu des racines du pin avait pénétré à l'intérieur des boites
crâniennes; les calottes fendillées étaient ainsi formées de nombreux
fragments indépendants, mais qui restaient en position. Je fis apporter
trois de mes petits paniers en l'orme de nid de pigeons ; un panier garni
de mousse fut placé en face de chaque crâne, et je procédai méthodique-
ment à l'extraction de ces crânes.
Le reste de la sépulture renfermai! de nombreux os appartenant au
moins à cinq adultes et à des enfants, .l'y recueillis une très belle pointe
de flèche en silex, .six dents de sanglier transformées en poinçons.
En recueillant les trois crânes de Boujassac, je n'avais remarqué aucun
fragment qui ressemblât à une rondelle. Il est vrai, qu'après avoir
enlevé tous les fragments superficiels* et mobiles, je m'étais contenté
de disséquer les bases dans la terre humide avec la lame d'un couteau
et de les déposer en masse, chacune dans son panier, avec la terre
argileuse qui y adhérait.
Quelques jours après, quand je jugeai que la dessiccation aurait un
peu consolidé les os, je voulus revoir ces crânes qui m'avaient intéressé
au moment de la fouille; et c'est en étudiant les fragments du crâne
n° 2, qui, dans la sépulture, était enre les deux autres, que je trouvai
la curieuse rondelle à cercles que voici.
Il est certain que rien ne prouve que cette pièce fut incluse ; elle eût
pu l'être toutefois, car le crâne manquant de sa face et de sa base, la
rondelle eût pu être introduite par la brèche inférieure. Mais qu'elle fû*
incluse ou qu'elle ne le fût pas, il est évident qu'elle était en rapport, en
dedans ou en dehors, avec un crâne perforé ; et dès lors cette décou-
verte, faite dans les circonstances que je viens de décrire, a pour moi
la même valeur. En effet, les trois crânes trouvés juxtaposés dans la
cella n'étaient plus en position ; ils avaient été déposés dans une place à
yart dans le cours des enterrements successifs ; et, comme l'un d'eux, la
rondelle avait été déplacée à ce moment pour suivre le chef du person-
nage qui l'avait emportée dans la tombe.
Dès lors, ne peut-on pas se demander si les rondelles trouvées jusqu'ici
à l'intérieur de crânes perforés, n'y ont pas été déposées dans des con-
682 ANTHROPOLOGIE
ditions identiques, c'est-à-dire dans le cours des enterrements suc-
cessifs, quand on faisait une place pour un nouveau mort.
Malgré l'heure avancée, j'aurai encore à présenter à la section deux os
wormiens et une nouvelle rondelle crânienne recueillie, il y a 15 jours
à peine, dans un même dolmen.
Les deux os wormiens ont été trouvés libres de toute adhérence avec
les bords crâniens correspondants; et l'un deux, que voici, était mêlé,
dans la cella, avec les autres os humains, ce qui n'a rien de surprenant.
Mais le deuxième de ces os qui est blanc, sec, très-sain, a été recueilli
dans une position qui doit être notée, dans une petite cavité d'un mur
en pierres sèches, complétant la dalle du nord. Ce fait se rattacherait-
il à la destination que nous attribuons par hypothèse aux rondelles crâ-
niennes et à l'usage qu'on a fait des os wormiens, en médecine jusqu'à
des temps très-rapprochés de nous ?
La rondelle que voici, provient de la même fouille que ces deux os
wormiens. Cette pièce est parfaitement ronde, percée d'un trou central
et semblable à la rondelle mexicaine de la page 630 de mon mémoire de
Lille. Mais appartient-elle à un crâne humain? Rien ne le prouve, et j'en
doute, ce qui me fait regretter, ainsi que je l'ai quelquefois fait pour des
os appointés et sans extrémités articulaires, — comme un des poinçons que
voici, — qu'il n'existe pas des signes connus, permettant de reconnaître
les os humains à la seule inspection de leur surface ou de leur structure.
Quoi qu'il en soit; cette pièce est encore un amulette, un amulette au
moins de la même nature que ces mâchoires et dents d'animaux perforées
pour la suspension, qu'on recueille si nombreuses dans les dolmens.
DISCUSSION.
M. Broca fait remarquer l'importance de la magnifique rondelle perforée pré-
sentée par M. Prunières ; cette pièce, qui ressemble assez à une rondelle que
M. de Baye a recueillie dans une sépulture gauloise, prouve ce qu'il a déjà
pensé et dit, que les rondelles portées appendues aux torques gaulois n'étaient
qu'un souvenir traditionnel de l'antique usage des hommes de la pierre polie.
Quant à la pièce si remarquable et encore unique de Boujassac, M. Broca ne
la regarde pas comme appartenant à l'ordre des rondelles crâniennes ordinaires
déjà si bien connues aujourd'hui. Pour lui, il y a là quelque chose de plus:
les caraclères curieux gravés sur cette pièce demeurent inexplicables, et seront
peut-être l'aurore d'une découverte plus curieuse même que celle des trépana-
tions prébisloriques. Il y a peut-être là un texte d'écriture mystique, hiéro-
glyphique, astronomique.
Malheureusement, la pièce est incomplète ; et aucune hypothèse ne rend un
compte satisfaisant de l'idée qui a présidé à la gravure des signes divers qu'elle
présente.
M. Broca ne croit pas d'ailleurs qu'elle ait pu être introduite par la fente
PRUNIÈRES. — LA CRÉMATION l>\\s u- DOLMENS DE LA LOZÈRE 683
étroite que présente la surface raclée du crâne n° 2 de Boujassac; ici, comme
sur les crânes o° 1 el d° - de ce même Boujassac, la perforation n'était pas
complète. Il s'agil peut-être de la trépanation des esprits forte de l'époque.
M. Prdnières tait observer que da moment où le crâne a été certainement
déplacé pour occuper la place d'honneur où il aété recueilli, la rondelle a été
déplacée en même temps; qu'on l'ait déposée à la surface ou à l'intérieur, peu
importe; on a, dans tous les cas, voulu lui faire accompagner le chef du per-
sonnage qui l'avait emportée dans La tombe.
M. Hvmv demande à M. Prunières si, dans les sépultures a crémation qu'il
vient de décrire, il a pu constater quelque différence entre l'état des os des
adultes et de8 entant».
M. Prunières répond à cette question en montranl des os de jeunes sujets
calcinés exactement comme ceux t\>'> sujets adulte».
.M. I1\.mv rappelle alors que, dans Les sépultures gauloises à incinération, rap-
portées a une époque voisine de la conquête romaine, on rencontre quelquefois,
à côté des urne» qui contiennent les restes plus ou moins calcinés des adultes,
les squelettes de jeunes enfants déposés dans le sol sans avoir aucunement
subi l'action du l'eu. Par exemple, dans le cimetière gaulois de Moulineaux,
[Tes Rouen, on a recueilli, inhumés dans la craie, à côté des vases urnéraires,
des restes de trois squelettes d'enfants d'un an, de cinq ans et de six ans.
Chez les Romains, on agissait de même, pendant la période de crémation qui
s'étend jusqu'à Constantin, et, pour ne point sortir du département de la Seine-
Inférieure, les cimetières de Cany, de Fécamp, de Lillebonne, ont fourni ds
preuves manifestes de L'observation de cette coutume funéraire, imposée par
les lois romaine» et régulièrement suivie, en Gaule comme à Rome, pendant
les trois premiers siècles de notre ère. 11 est intéressant de constater, à ce
point de vue spécial, une différence essentielle entre les incinérations gallo-
romaines et gauloises, et celles dont M. Prunières vient d'entretenir la section,
et dont l'ancienneté relative n'est pas encore bien fixée.
M. Parrot fait remarquer que les deux os wormiens présentés par M. Pru-
nières forment par leur - coaptation un remarquable os. épactal. On constate
bien alors qu'ils ont pris chacun une coloration différente en rapport avec la
position qu'ils occupaient dans le mégalithe. Celui qui était dans le mur est
moins foncé de couleur que celui recueilli dans la cella.
M. Lunier fait remarquer que les os incinérés produits par le docteur Pru-
nières ont un poids, une densité très-forte. Ils portent évidemment les traces
du feu, mais à l'action du feu ne se joint-il pas une action chimique, une es-
pèce de minéralisation? Il serait bon de les analyser.
M. de Mortillet détermine comme étant fait avec un os de chèvre un poin-
çon que M. Prunières vient de présenter.
M. Prunières a depuis longtemps fait remarquer cette dureté qui fait que les
os brûlés, des crânes par exemple, ressemblent à des fragments d'une marmite
en fonte ayant été longtemps au feu; et ce fait l'a d'autant plus intrigué que les
os voisins non brûlés, ou les os calcinés, restent légers, poreux, peu consistants.
684
ANTHROPOLOGIE
M. le Vicomte de PïïlLIGrJYY
Officier de l'Instruction publique.
L'ART PRÉHISTORIQUE EN HAUTE-NORMANDIE (1)
— Séance du 24 août 1877. —
Les monuments celtiques décrits au commencement de l'ouvrage
complet ne sont pas les seuls dont les ruines décorent les coteaux ou
les futaies de chênes de notre province normande; voici des édifices
d'un autre ordre qui, sans avoir la majesté cyclopéenne des dolmens, et
des menhirs, présentent au moins un caractère d'autant plus grand,
que les matériaux qui ont servi à leur confection sont plus infimes;
nous voulons parler des monceaux de silex que nous avons découverts
en plusieurs localités, notamment au bois de l'Abbesse, Grimonval,
Heubecourt, le Plix-Aubin, bois Gaultier, etc., etc., arrondissement
des Andelys (Eure).
Ces éminences artificielles, qui n'ont pas moins de trente à quarante
mètres de tour à leur base sur cinq à six pieds de hauteur, sont entiè-
rement formées de silex, à l'exclusion de toute autre matière. Une fon-
dation dont la profondeur est égale à la hauteur de la butte hors de
terre, forme sous l'éminence un cône renversé, de telle façon que l'ou-
vrage complet représente une sorte de sphère légèrement aplatie au
sommet et à la base, coupée au milieu, par le plan du terrain qui
entoure la butte.
Nous avons pensé longtemps que ces monticules dissimulés sous les
profondeurs des taillis étaient de simples tombelles gauloises ; mais en
examinant avec attention le sol environnant, l'on reconnaît l'existence
de longues chaussées enfouies sous une épaisse couche de feuilles et
dont la direction et le tracé forment avec les bulles un ensemble qui
varie selon chaque localité.
J'ai fait fouiller avec le plus grand soin plusieurs de ces plateaux et
je n'ai absolument rien trouvé qui ait pu appartenir au règne animal ou
à ses produits. Dans les buttes comme dans les chaussées, les cailloux
du dessous sont très-volumineux, intacts, placés un à un à la main et
recouverts d'autres lits de silex, d'abord de dimension moyenne, puis
plus petits, rangés en cercle sur lesquels des cailloux plus petits encore
forment une épaisse couche, d'environ vingt centimètres, bien parée et
presque unie qui est le revêtement extérieur.
(1) Extrait du chapitre X de l'ouvrage complet actuellement sous presse.
DE PILLIGNY. — L'ART PnEHTSTOMQUE EN IIAI'TE-NORMANDIE 685
Une seule chaussée dans laquelle on ne trouve que le lit inférieur
semble ne pas avoir «*t «'* terminée, ou avoir été abandonnée à l'entrée
d'un profond ravin.
Quant à la disposition générale, tandis qu'au bois de l'Abbesse, trois
buttes sont placées symétriquement en triangle régulier dont elles for-
ment les sommets d'angles, une seule, celle du milieu, est reliée par
une longue chaussée de cent mètres sur quatre de large a une autre
chaussée de cent quatorze sur huit, coupant la première sous un angle
droit en forme de T.
Au contraire, au Plix-Aubin, la chaussée qui ne mesure que dix
mètres de long, bien qu'elle en ait dix de large, est terminée aux extré-
mités par deux énormes plateaux de cinq mètres de hauteur, ce qui
donne à l'ensemble de l'ouvrage vu à vol d'oiseau l'aspect d'un petit
château flanqué de deux grosses tours.
Au parc de Grus-Mesnil, un seul plateau de trente-six mètres de tout-
est complètement isolé. D'autres de dimensions plus restreintes se trou-
vent également dispersés dans les bois d'Heubécourt, dans ceux de îMé-
zières, et tous sont situés aux fourrés les plus mystérieux, les plus
accidentés des grands bois.
Nous avons cherché si ces monticules ne seraient pas ce que les Cel-
tes appelaient Twm-men, cercles rocailleux; ou peut-être les Cairns,
amas de pierres en cônes, nommés par les Romains : Acervus mer-
curii agger lapidum; peut-être aussi de ces tas de cailloux que chaque
soldat de légion ou de cohorte élevait sur sa route dans le but d'éta-
blir des points de repère ou pour y planter l'enseigne romaine; ou bien
encore de ces plateaux circulaires construits en cailloux plats, que l'on
rencontre en Suède et en Norwège (1), dont parle M. Arcndt, d'AItona,
et que M. Eloi Johanneau présume avoir été des pyrées, sorte d'autels
où les peuples du Nord allumaient et entretenaient le feu sacré, immo-
laient des victimes et faisaient tous les sacrilices et toutes les cérémonies
de leur culte.
Faut-il les assimiler aux monceaux de cailloux disposés par régions
dans la forêt de Lyons et qui sembleraient se rapprocher de ceux du
bois de l'Abbesse?
Bien que l'on prétende y avoir trouvé des médailles de Tetricus, em-
pereur des Gaules, ainsi que de l'empereur Claude, datées de l'an 270
après J.-C, nous avons tout lieu de supposer que si la chose est exacte,
ces médailles ont pu y être déposées, cachées postérieurement ; c'est
ainsi qu'il est parfaitement établi que, jusqu'en l'an 250 après J -C, on
(1) Voir les plateaux Scandinaves pour le culte du feu construits en cailloux plats au
nord de Dronthein, à cent lieues de Christiania, en Norwège.
686 ANTHROPOLOGIE
portait encore en offrande des monnaies romaines à certains dolmens,
et en particulier à celui de la Pierre du Diable, près Namur.
Toutes ces trouvailles démontrent que ces amas de cailloux remon-
tent au moins à la période gallo-romaine, puisque dès ces époques l'on
y cachait des monnaies ; mais nous croyons plus judicieux de nous en
rapporter pour leur haute antiquité aux haches de silex poli trouvées
récemment parmi eux.
L'honorable comte Lecoulteux, qui nous affirmait ce fait et qui en a
même recueilli une sur les lieux, nous observait qu'à Lyons comme à
Ecos, l'administration faisait détruire et enlever ces monuments pour
empierrer les routes. Que va dire la commission de la carte des Gaules,
puisque la forêt appartient à l'Etat? Puissions-nous donc signaler assez à
temps cette inutile destruction pour en sauver encore quelques-
uns !
J'ai voulu aller reconnaître par moi-même ces sortes d'ouvrages dis-
séminés dans la forêt de Lyons et voici ce que j'ai pu y constater.
Dans le cantonnement de la forêt appelé Mare aux bourres, au triège du
Vaurose, près d'un village nommé les Maunis de Puchay, existent envi-
ron douze buttes dont le diamètre varie entre six, huit et onze mètres,
sur un à deux d'élévation. Elles affectent toutes la forme conique, sauf
une, placée près de la lisière du bois sur un versant qui regarde le
Vaurose, elle présente un contour allongé et domine une pente assez
rapide.
Les monticules sont en cailloux, rangés à la main ; leur profondeur
sous le sol égale leur hauteur sur terre. Ils sont espacés par des inter-
valles inégaux de 25 à 2o0 mètres, sans aucune ligne ni direction pré-
cises. En dehors des buttes, trois longues chaussées cintrées sur leur
arrête appareillées comme elles, et placées à des distances inégales quoi-
que parallèles, se dirigent du sud au nord ; elles ont sensiblement la
même largeur, 5 mètres, et leur longueur varie de 300 à 500 mètres ;
une seule a, sur ce long parcours, un renflement en un point qui
semble être une pénétration dans une butte. D'autres chaussées traver-
sent le triège des Essarts et se retrouvent après quelques intermittences
au bois de Mortemer, à plus de deux kilomètres de leur point de
départ. Leur écartement les unes des autres varie entre 20, 40 et
80 mètres et leur orientation est toujours rigoureusement sud à
nord.
En outre des monticules situés entre le Coudray et le Boispréau,
il en existe encore quelques-uns dans la partie de forêt au nord de la
route du Vaurose, ainsi qu'une chaussée très-étendue qui va jusqu'aux
terres du Boispréau, L'on rencontre aussi un certain nombre de buttes
de l'autre côté de la route des Maunis et des amas de pierres en très-
DE PULLIGNY. — L ART PRÉHISTORIQUE EN HAUTE-NORMANDIE 687
grande quantité dans les taillis du Koispréau, chez M. de Corny. L'on
nous a signalé des buttes analogues dans la forêt d'Evreux, variant de
deux à six mètres de diamètre; d'autres plus élevées dans celle de
Montfort-sur-Risle, dans les bois qui avoisinent la forêt de la Lande et
dans quelques autres localités, mais nous ne saurions en donner une
description, ne les ayant pas visitées.
Avant de rechercher quelle a pu être la destination des chaussées de
silex, nous poserons d'abord en principe, l'absence complète d'un phé-
nomène géologique, ancien ou moderne; on ne saurait non plus les
confondre avec les Murgets ou Murgères, avec les caillouères, tas de
pierres ramassées pêle-mêle et disposées comme des murailles, dans le
but de séparer les champs, de nettoyer la terre ou bien élevées en ados
pour cultiver la vigne.
Aux environs de Vernon, Notre-Dame-de-Lisle et autres lieux,
nous avons vu de ces amas vraiment monstrueux; il en existe plus
de cent, de Notre-Dame-de-Lisle à Daubeuf, ce sont des silex recueillis
dans les Champs, en mars et avril et jetés sans aucune symétrie dans
le seul but de pouvoir faucher plus aisément, les' herbes, luzernes, etc,
on les enlève à certaines époques pour empierrer les routes.
Les levées de cailloux ne sont pas des limites de tribus gauloises,
puisque tantôt, elles se répètent en plusieurs sens, dans un espace res-
treint et tantôt elles allée tent des formes parallèles sur une grande
étendue sans conserver aucun rapport avec les bornes qui pourraient être
interprétées dans ce sens. Elles ne présentent aucun caractère straté-
gique, car leur construction avec absence de ciment, pour fixer les si-
lex et donner du corps à l'ouvrage, leur enlève toute solidité; l'élévation
était de plus insuffisante pour un travail de défense. Il en est de même
de l'hypothèse de dépôts de matériaux anciens pour recharger des voies
gauloises ou autres, au passage des forêts, car pourquoi cet appareil
reproduisant partout une inutile régularité ? Pourquoi surtout ces creux
profonds, propres à retarder le travail de l'enlevage, bien plutôt qu'à
l'accélérer ? Et qui donc eût été cacher un trésor, sous un tas de
matériaux qui pouvaient être enlevés d'un moment à l'autre? Ces
chaussées, dont le volume varie entre deux et trois mille mètres cubes,
ces éminences de cent et cent cinquante mètres de silex, tous posés un
à un à la main de telle sorte que l'on ne saurait en ajouter ou en
supprimer sans rompre l'équilibre de l'édifice, ces constructions telle-
ment symétriques, composées de matériaux si tassés que chaque coup de
pioche cause une véritable effondrement dans la masse, nous ont fait
présumer que nous pourrions bien être en présence d'édifices fort anciens,
peut-être contemporains des derniers âges de la pierre taillée, comme
les dolmens le sont du silex poli et les tumuli de la période gauloise,
688 ANTHROPOLOGIE
Cette hypothèse, bien entendu, s'applique à une époque postérieure
au transport naturel des silex, qui, tout en étant remaniés, subsistent sur
les plateaux ; le Diluvium formé des argiles ayant été charrié dans la
plaine, où il constitue le Lœss.
Il se pourrait que ces ouvrages eussent été construits dans le but d'iso-
ler du contact de la terre, les habitations de tribus nomades qui auraient
choisi de préférence les forêts, pour y fixer leur résidence. Les plateaux
circulaires, généralement plus élevés par leur situation, qui semble
commander les chaussées, avaient été réservés aux chefs de famille.
Il existe, en effet, une grande similitude entre le but, l'idée qui fit
ériger les citées lacustres et les vastes chaussées de Lyons et des forêts
environnantes. Dans l'un et l'autre cas, le choix de l'emplacement
était motivé par le besoin de s'élever, de se garantir ; peut-être même
les habitants lacustres, prenant possession de nos bois, continuèrent le
système d'isolement qu'ils avaient adopté dans leur propre contrée. Les
monceaux de silex, de même que les palafittes, ne furent que des fonda-
tions; ils ont subsisté, bien que les maisons qu'ils soutenaient aient dis-
paru depuis des siècles.
Faut-il voir dans ces prodigieux amas de silex d'immenses dépôts de
projectiles, que l'on aurait disposés en silos creusés profondément sous
le sol, dans le but de les dissimuler, de les dérober à la vue de l'en-
nemi ? Ne semble-t-il pas probable, que les obstacles naturels, tels que la
Seine, l'Epte ou la Bresle aient servi de tout temps, de limites aux dif-
férentes tribus de l'Ouest, et que, par conséquent, les falaises qui bor-
dent certaines parties de ces cours d'eau, aient été, comme nous l'avons
dit, d'importantes positions stratégiques qui les commandaient? Aux
Menihîrs, Cromlecks, Dolmens, nous verrons succéder les Turnuli, les
Oppida et sur les ruines de ces derniers remparts de l'occupation ro-
maine, les châteaux-forts viendront, au moyen âge, couronner de leurs
donjons, ces mêmes sommets. Le silex était la matière première des
peuplades préhistoriques, elles y trouvaient leurs instruments indispen-
sables, aussi bien que les armes pour le combat : les Gaulois après elles
se servirent de frondes, les Romains comme les Grecs et les Carthaginois,
avaient encore des compagnies de frondeurs qu'ils engageaient aux îles
Baléares; cependant, nous devons ajouter que sur les bas-reliefs que
nous voyons figurés à la colonne Trajane , les pierres que les hommes
portent dans leurs sacs ou même que quelques-uns lancent à la main
paraissent sphériques et appareillées de grosseur; puis pourquoi des pro-
visions de silex, puisqu'il suffisait de se baisser pour en recueillir autant
que l'on pouvait en employer ?
Si les plateaux circulaires sont des tombelles, nous devons leur
retrouver un rapport avec les édifices d'une destination analogue ; qu'est-
DE POLLIGNY. — l'aRT PRÉUISTOHIQCE EN HAUTE NORMANDIE 689
ce donc qu'une tombelle ou galgal'.' Un galgal, dit M. Mahé, est un
monceau énorme de cailloux , sans mélange de terre, sans liaison de
ciment et qui a la tonne conique et l'élévation des plus grands barrows
(tumuli) il). Mais ces cailloux sont jetés sans ordre les uns sur les
autres, ajoute M. Lechevallier cl). Les barrows sont des monticules
formés de cailloux, mélangés de terre ou d'autres matériaux ; dans nos
éminences au contraire, les cailloux, loin d'être accumulés à la pelle
comme dans les tertres funéraires, sont placés un à un, ce qui motivait
l'emploi de centaines de bras occupés à ramasser, à appareiller par
grosseur, à charrier et à poser les milliers de silex qui entrent dans un
pareil travail.
Quant à ceux des monticules qui se trouvent sur une pente rapide,
leur appareil dénote un profond raisonnement, car ils devaient néces-
sairement glisser si les rangs de silex n'eussent été renversés en arrière.
Nous ne retrouvons aucun de ces calculs dans l'édification des tombelles
qui sont du reste essentiellement funéraires et diffèrent en cela des
monuments tantôt religieux, tantôt funéraires, comménioratifs ou expia-
toires désignés plus spécialement sous le nom de galgals.
Quant aux galgals de la Bretagne, ils sont purement funéraires et
renferment les cendres des Vénètes.
De même que les galgals, les chaussées avaient plusieurs destinations.
Les unes étaient sacrées, et les autres profanes. Les Grecs avaient cou-
tume de consacrer aux Dieux certaines portions de terre qu'ils séparaient
des lieux profanes par des enceintes qu'ils nommaient Temènes (Te^vr,
du verbe T-avw, séparer). Ils y élevaient souvent des temples; les
témènes des Romains étaient formées de murailles. Celles des anciens
Bretons se composaient de levées en terre.
Quelquefois l'on rencontre encore au milieu des enceintes des temples,
ou autres édifices commémora tifs ou religieux: telles sont, dans les
Vosges, ces enceintes fortifiées aussi bien que religieuses, construites en
pierres brutes sans ciment avec fossés de 3 à 5 mètres; elles entourent
un dolmen qui parait remontera la même époque.
Toutes ces chaussées, murailles, ou levées de terres forment un
circuit de contours et de dimensions variables autour d'un espace
réservé; elles impliquent toutes une idée de conservation, de protection
ou de respect; or, nous le demandons, peut-on voir rien de semblable
dans les levées que nous venons de signaler en haute Normandie?
Objectera-t-on que certaines portions de nos enceintes ont été sup-
(1) Essai sur les antiquités du Morbihan, par M. l'abbé Mahé.
(2) Je m'approche et je vois qu'il n'est pas comme les autres un monticule couvert de gazon,
mais un amas énorme de cailloux posés sans ordre les uns sur les autres. ( La Troade, p. 167.
LBCHEVALLItR.)
44
690 ANTHROPOLOGIE
primées ou défrichées dans les champs qui bordent les forêts, que nous
n'en retrouvons que des traces insignifiantes qui ne permettent pas de
juger de l'ensemble du travail primitif? Mais alors, pourquoi ces
fondations profondes? Ces interminables lignes parallèles passant sans
interruption au milieu même des buttes, dans une orientation constante
de sud à nord ? Ou bien encore ces bandes coupées à angle droit, et
aboutissant aux monceaux de cailloux eux-mêmes ? Dans aucun des
exemples que nous avons cités nous ne reconnaissons le caractère de
l'enceinte sacrée ou profane, ce ne sont pas non plus de ces chaussées
mêlées de terre et de pierre qui conduisaient aux dolmens, et nous
persistons à voir ici un de ces ouvrages tout aussi inexpliqués que ces
tertres animaux du Texas, du Colorado (jardin des Dieux), éminences en
terre du bas Missouri affectant la forme de tortue ou de serpent ; ou ces
pierres figurant une bête démesurément allongée que nous avons ren-
contrées autrefois dans les vastes forêts du nouveau monde, particuliè-
rement près de Milwaukee, État du Wisconsin, et dont parle un très-
intéressant rapport qui en donne plusieurs dessins. (1)
Quoi qu'il en soit des diverses hypothèses que nous avons émises, un
fait nous semble parfaitement acquis, c'est que les monceaux de cailloux
remontent à une très-haute antiquité. La patine qui recouvre le dessus
des silex est en tout analogue à celle des instruments préhistoriques de
l'âge de la pierre ; ceux de l'intérieur se brisent avec la plus grande
facilité, absolument comme les cailloux que l'on extrait du sol et qui
n'ont jamais vu la lumière, ce qui démontre qu'ils sont entassés depuis
des siècles. Il n'est pas moins établi que nos chaussées ne sont pas des
témènes ni des murgères, qu'elles n'ont pu servir de sépultures puis-
qu'on n'y trouve ni ossements, ni cendres, ni charbons ; que ce ne sont
pas des dépôts de matériaux pour l'entretien des routes ou les besoins
de la stratégie; il ne reste donc que la supposition de campements
antéhistoriques, et l'on conviendra que si quelque chose ressemble à
l'emplacement d'un camp, ce sont bien ces grandes lignes de Lyons,
séparées par des éminences jetées çà et là comme pour les surveiller.
Si au lieu des rangs de tentes de nos troupes modernes si coquette-
ment alignées, nous supposons les chaussées abritées de cabanes faites
de longues perches écartées à la base, réunies au sommet, se touchant
toutes, et recouvertes de fougères, de menus branchages, de bruyères,
n'aurons-nous pas aussi un campement très-confortable et très-régulier?
Les chaussées recouvertes d'une couche épaisse de mousse, seront
d'autant plus saines que la forme de cuvette donnée à la partie inférieure
de ces soubassements, permettra l'écoulement des eaux, favorisé par le
(1) Voir le volume VII du Smithionian contributions to Kuowledge antiquités, of Melwauke*
Wisconsin.
DALLAI I. — LIS LiGlHDES DBS MONUMENTS PRÉHISTORIQl'K.s 691
lit de gros silex placés dans le fond et quelques autres semblables laissés
avec intention parmi les rangs; l'orientation nord-sud des lignes offrira
l'exposition la plus propice au soleil levant.
Tout concourra donc à établir des habitations sûres et commodes pour
des familles qui, l'hiver, pourront émigrer et se retirer dans les cavernes
du sud. En effet, les toitures des charpentes ne sont pas enduites de
terre de manière à conserver la chaleur, à la façon des loges de nos
bûcherons, car cette terre aurait subsisté sur les cailloux et, non-seule-
ment il n'y in a pas trace, mais aucun arbre ni même aucune herbe ne
prennent racine sur les monceaux, de silex.
En appelant l'attention des archéologues sur ces intéressants monu-
ments, je me permettrai d'émettre le vœu que l'administration veuille
bien prendre en considération le haut intérêt qu'ils présentent et pré-
server d'une ruine imminente ceux qui se trouvent dans les forêts de
l'État, car s'il est avantageux de puiser à même ces monceaux pour
empierrer les routes, cette ressource ne peut être que momentanée et
l'économie vraiment minime qu'elle présente ne saurait être comparée à
l'utilité de conserver, sur notre sol déjà si ravagé, des édifices fort peu
connus, et d'une antiquité incontestable.
M. François DALEAU
OBSERVATIONS SUR LES LÉGENDES DES MONUMENTS PRÉHISTORIQUES.
— Séance du 24 ao&l 18"77. —
Tous ou presque tous les monuments préhistoriques ont leurs légen-
des, qui, aujourd'hui même, sont encore très-accreditées dans nos
campagnes.
Ces croyances se divisent en deux catégories :
1° Les légendes païennes ou anciennes ;
2° Les légendes chrétiennes ou modernes.
Légendes païennes. — Elles sont généralement en faveur des monu-
ments, c'est-à-dire qu'elles paraissent avoir été faites pour leur conser-
vation, en attirant sur eux la vénération du peuple ou en le terrifiant,
et par ce fait elles doivent être les plus anciennes.
Noms et légendes attirant la vénération :
Dolmen dit la Pierre à la Morte (Montchevrier, Indre).
Dolmen dit la Pierre du Charnier (Saint-Aigny, Indre).
692 ANTHROPOLOGIE
Dolmen dit le Château des Fées (Saint-Ciers-de-Canesse, Gironde)
(Sainte-Sabine, Dordogne).
Dolmen dil la Pierre des Fées (Douadic, Indre) (Draguignan, Var).
Dolmen dit la Maison de la Fée (Vivarais).
Tumulus dit le Tombeau des Fées (Anglade, Gironde).
Tumulus dit le Terrier des Fées (Courcoury, Charente-Inférieure)
(Anglade, Gironde).
Tumulus. « Une Fée allaitait son fils, il tomba dans la rivière et se
noya, sa mère l'ayant retiré de l'eau, l'enterra et porta son plein tablier
de gravier pour le recouvrir, ce qui forma le monument. » (Courcoury,
Charente-Inférieure).
Légendes intimidantes.
Dolmen dont les pierres dansent à minuit (Bégadan, Gironde).
Dolmen dont les pierres dansent quand, pour la nuit de Noël, elles
entendent sonner la cloche du village voisin (Tauzac, Charente).
Dolmen dit la pierre qui vire. Elles tournent toutes les nuits quand
le coq chante (Geay, Charente-Inférieure).
Dolmen dit l'Enclume du Diable (Corse).
Dolmen dit la Forge du Diable (bords de la Vézère, Dordogne)
(Corse).
Dolmen dit la Chaire du Diable (Jublains, Mayenne).
Dolmen dont on emporte les pierres le jour et qui reprennent leur
place la nuit (Ardi Hères, Charente-Inférieure).
Tumulus que l'on nivelle le jour et qui se reconstitue la nuit (Soulac,
Gironde).
Tumulus dit la Motte Boussingaud, sur lequel le diable ne permet
pas que l'on fasse de construction ; il démolit la nuit ce qui a été bâti
le jour (Porchères, Gironde).
Dolmen où ceux qui viennent pour enlever les pierres" meurent dans
le courant de l'année ( la Vallée, Charente-Inférieure) (Moulin, Indre).
Dolmen. « Si le propriétaire permet de fouiller, il perdra dans l'an
un de ses proches. » (Bégadan, Gironde.)
Tumulus gardé par des chiens invisibles qui dévorent les gens sacri-
lèges qui veulent y toucher (Soulac, Gironde), etc.
Aussi serait-il souvent difficile de trouver quelqu'un d'assez hardi,
dans un village voisin d'un monument ayant de semblables légendes,
pour qu'il osât s'y aventurer en pleine nuit.
Légendes chrétiennes. — Le christianisme transforma les anciennes
légendes dans le but de faire oublier aux populations le prestige
qu'avaient pour elles ces sépultures, soit en leur attribuant une origine
DALEAU. — LES LÉGENDES DES MONUMENTS PRÉHISTORIQUES 093
surnaturelle, soit en provoquant pour ainsi dire leur destruction par
l'appât d'un trésor.
Légendes surnaturelles.
Dolmen dit la Croix de la Vierge (Beaumont, Dordogne) .
Dolmen, a La bonne Vierge portait des pierres dans son tablier, la
lie s'étant rompue, les pierres tombèrent et formèrent le dolmen. » (La
Vallée, Charente-Inférieure.)
Dolmen dit la Pierre de sainte Magdelaine, construit par cette sainte
qui porta la table sur sa tête et les cinq supports dans les poches de son
tablier de gaze (Confolens, Charente).
Dolmen de saint Eugène, dit la Pierre merveille, fait des miracles
à certaines époques de l'année (Archiac, Charente-Inférieure).
Dolmen dit la Pierre de saint Martin. « On voit sur la table l'em-
preinte du pied de ce grand saint. » (Sainte-Gemme, Indre).
Menhir de Pierreiite. « La très sainte Vierge portait sur sa tète ou
dans son tablier cette grosse pierre destinée à l'achèvement d'un clo-
cher; apprenant en route que celui-ci était terminé, elle laissa choir la
pierre où elle se trouve actuellement. » (Saint-Sulpice de Faleyrens,
Gironde).
Légendes jetant la défaveur.
Dolmen dit la Table du péché (Corse).
Dolmen dit la Pierre-Folle (Montguyon, Charente-Inférieure) (Luçay-
le-Captif, Indre).
Légendes invitant à fouiller, à saccager.
Tumulus renfermant un lion d'or (Villegouge, Gironde).
Tumulus renfermant un veau d'or, qui en sort pour se promener dans
le champ voisin, avec la croix et la bannière (Soulac, Gironde).
Dolmen renfermant une peau de bœuf remplie d'or (Castillou, près
Agen, Lot-et-Garonne).
Tumulus renfermant une peau de veau remplie d'or (Lignan ,
Gironde).
Tumulus renfermant une chèvre d'or (La Motte, Gironde).
Tumulus renfermant un trésor considérable (Avensan, Gironde) (Es-
trédiou, Finistère, etc., etc.)
i Un fait digne de remarque, c'est que dans la plupart des cas, la tra-
dition a conservé deux ou plusieurs légendes sur le même monument,
presque toujours une ancienne et une moderne.
Je termine en priant mes collègues de vouloir bien m'envoyer des
matériaux pour que je puisse compléter cette simple note.
694 ANTHROPOLOGIE
DISCUSSION.
M. de Mortillet considère comme très-intéressant de recueillir les légendes
du genre de celles qui ont attiré l'attention de M. Daleau. Il ne pense pas,
d'ailleurs, qu'il soit permis de détacher celles de ces légendes qui se ratta-
chent aux pierres néolithiques des légendes qui courent sur certains rochers
ou certaines localités.
A ce propos, M. de Mortillet mentionne les recherches faites par M. Moreau,
et met sous les yeux de la section le remarquable atlas dressé par ses soins.
Il fait observer avec quelle facilité s'établit la tradition de certaines coutumes
soit guerrières, soit funéraires, et quelle persistance singulière présentent ces
traditions.
Les fouilles de M. Moreau ont été faites dans les sépultures de Caranda.
Depuis il en a fait d'autres dans le département de l'Aisne ; celles-ci ont été
l'occasion d'une découverte tout à fait inattendue : la découverte du tombeau
d'un prêtre païen franc. Cette sépulture renfermait une grande quantité
d'amulettes, notamment une boule de verre gallo-romaine, des silex, une mon-
naie d'argent, un croissant en or, une hache de sacrifice en bronze. Bref, les
traditions orientales et les traditions occidentales se trouvaient réunies dans
ce tombeau.
M. Bertillon rappelle les documents fournis par M. Piette sur les phallus
et pierres fécondantes qui existent dans les environs de Luchon.
M. Hamy. — On ne saurait trop insister sur l'importance que joue le person-
nage de Gargantua dans les légendes populaires du nord-ouest de la France
et en particulier à celles qui se rapportent aux sépultures primitives. Non-
seulement, en effet, un assez grand nombre d'accidents du sol sont considérés
comme des traces de son passage, mais encore certains monuments anciens
lui sont attribués. Dans la Seine-Inférieure par exemple, on voit bien les
roches naturelles de Tancarville et de Saint-Pierre de Varangeville, aux bords
de la Seine, porter les noms de Siège et de Chaire de Gargantua ; assis sur la
première, il lavait ses pieds dans le fleuve, sur les secondes il venait se re-
poser près du cours de l'eau, mais le grand tumulus boisé de Presle, près
Neufchâtel, est donné comme l'empreinte d'un pas de son cheval, son petit
doigt est enterré sous le tertre du Catelier de Varangeville -sur-Mer, près
Dieppe, enfin il repose lui-même aux Veulettes, comme Foucart. Un autre
géant, était enterré à Poucarmont, lorsqu'en 1796, suivant la légende locale,
on exhuma ses restes en ouvrant une route.
Dr BAMPEL. — CONGRÈS D* ANTHROPOLOGIE DE BUDA-PEST 698
M. le Dr J. HÀMPEL
n item du nuée ie Buda-Pert,
COMPTE RENDU DU CONGRÈS D'ANTHROPOLOGIE ET D'ARCHÉOLOGIE
PRÉHISTORIQUES DE BUDA-PEST.
— Séance du a août t877. —
Messieurs,
Ayant été invité par l'illustre président de votre association scienti-
fique à prendre part à votre réunion du Havre comme membre étran-
ger, j'ai cru devoir me montrer, en quelque sorte, reconnaissant pour
cette faveur. J'ai fait venir de Buda-Pest le compte-rendu du congrès
d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques, tenu dans cette ville au
mois de septembre passé, pour l'offrir au congrès en témoignage du vif
intérêt qu'on éprouve dans notre pays pour vos réunions si fécondes
pour le progrès des sciences, en France.
Le volume que je vous présente ici n'est que la première moitié de
l'ouvrage qui est destine à conserver la mémoire du Congrès de Buda-
Pest. L'exemplaire que je dépose ici est le premier qui a quitté la
presse, et les membres de l'association qui ont contribué par leurs
dissertations à en enrichir le contenu, seront contents de voir que le
zèle infatigable du secrétaire général, M. Romer, les a mises en si peu
de temps à la disposition du monde scientifique.
Ce volume, fort de 700 pages, ne donne que les discours prononcés
au congrès, qu'on a reproduits avec tout le soin possible en les accom-
pagnant de gravures sur boi6 au nombre de plus de ISO, de planches
phototypiques et lithographiques et de cartes.
Vous y trouverez des travaux des plus importants de plusieurs de
vos membres. Pour n'en énumérer que quelques-uns : M. Broca y
publie un mémoire de grand intérêt sur la trépanation préhistorique;
H. Bataillard donne un travail complet sur les tziganes et leur rôle
dans l'archéologie préhistorique, puis vous y trouverez les discours de
M. Chantre sur des questions de l'âge du bronze et du fer, et des
communications de MM. Cazalis de Fondouce, Bertrand, le Dr Jacquinot
et enfin des contributions de MM. Tardy, Reboux et de Baye ; vous le
voyez, les savants français y représentent la majorité tant par le nombre
que par l'importance de leurs travaux.
Je n'entre pas dans une analyse détaillée du volume, lequel (il est à
espérer) vous sera délivré dans peu de temps. Alors vous vous
convaincrez que si le volume a quelque mérite il est dû en grand
696 ANTHROPOLOGIE
partie aux membres français qui ont bien voulu honorer le congrès de
Buda-Pest de leur présence.
Mais tout en donnant la première partie du compte-rendu entière-
ment aux procès- verbaux du congrès, M. le professeur Romer, le savant
rédacteur, a jugé utile d'y joindre une seconde partie qui sera entière-
ment réservée aux antiquités de la Hongrie, de sorte qu'on y trouvera
un tableau fidèle des efforts qui ont été faits jusqu'ici dans ce pays
pour l'avancement des sciences préhistoriques et c'est de cette partie
que je vous donnerai, avec votre permission, une relation succincte.
Il y aura avant tout des travaux sur les outils en silex et en obsi-
dienne, sur les terramares, les tumuli et les cimetières préhistoriques
de la Hongrie, avec cartes, dessins et tableaux statistiques, préparés
par M. le professeur Romer.
J'y ferai insérer un mémoire sur l'âge du bronze en Hongrie.
Les gisements sur lesquels s'appuie ce mémoire sont des stations ,
cimetières, fonderies et trésors, et le nombre d'objets étudiés surpasse
dix mille.
La question sera traitée au point de vue morphologique et chronolo-
gique. La quantité des objets suffit pour bien préciser la morphologie
de l'âge du bronze en Hongrie, la question de la chronologie est beau-
coup plus difficile.
Les observations morphologiques ont eu ce résultat, que maintenant
on est arrivé à pouvoir constater.
(a) Les points communs à la région hongroise et aux autres régions
de l'âge du bronze.
(b) Les types qui relient d'une manière concluante la région du
bronze hongroise à celle du nord, d'un côté, et de l'autre au groupe
italien.
(c) On peut désigner des variétés des différents types et de classes
entières d'objets en bronze qui sont spéciales à la Hongrie.
Je me contenterai de vous en signaler les traits spéciaux à l'âge du
bronze hongrois en vous les désignant sur les 65 planches de gravure
que je présente à la section et qui représentent les types hongrois.
Pour mettre la section en état d'étudier ce caractère spécial sur une
collection encore plus complète, je présente à la section, 49 planches
photographiques prises sur la collection, prêt du musée national à
Buda-Pest et comprenant une série de plus de 3 000 objets en bronze.
t>r HAMY. — I.'m.K de la pierre chez les nègres 691
M. le F HAMY
Udi Datai v un.
L'AGE DE LA PIERRE CHEZ LES NEGRES.
■XT&in pu l'iuii'K-i-vKHi; ii -
- i nce du 2 4 août /S77. —
M. Hamy expose les recherches auxquelles il s'est livré en vue de se rendre
compte si les races sénégalaises ont eu leur Age de la pierre.
Se basant sur ce que les nègres ont connu et utilisé le fer depuis la plus
haute antiquité, l'Egyptologue Ebers a émis l'idée qu'ils n'avaient pas passé
par l'âge de pierre. Idée fausse. Evidemment les nègres doivent avoir eu un
âge de pierre. La linguistique le prouve. L'observation directe confirme cette
déduction. Au musée de Copenhague, je trouve trois haches de pierre polie
de l'Afrique. Le musée de Leyde en possède également trois. Toutes les six
proviennent de la côte d'Acra. Celles du musée de Copenhague sont dites:
Haches de Dieu. Celles du musée de Leyde : Hache* de foudre. 11 n'existe donc
plus chez les nègres de souvenirs de l'emploi de ces instruments et ils y ont
été considérés comme des Amulettes ou des produits du tonnerre.
Le muséum de Paris possède aussi trois haches provenant du haut Sénégal.
L'une d'elles en minerai de fer mais en minerai employé comme roche et non
comme métal, a été présentée dans le pays à M. Regnault, comme tombée du
ciel.
DISCUSSION.
M. Hovelacque : Les assertions de M. Hamy valent mieux qu'une supposition
pure et simple. Elles sont confirmées par cette circonstance que chez des peuples
de race absolument différente, on retrouve cette même identité du mot signi-
fiant : pierre et du mot signifiant : hache. Telle est, par exemple, la langue
basque.
M. Hamy montre le moulage des trois haches du Muséum, en avançant
qu'elles ont des formes étrangères à l'Europe.
M. Ollier de Marichard fait observer que si ces formes ont un certain
cachet particulier, elles ne sont cependant pas entièrement étrangères à nos
régions.
M. de Mortillet rappelle que le général Faidherbe a divisé l'Afrique en
deux régions complètement distinctes: la région au nord du désert, qui a
tous les caractères européens, comme flore, comme faune, comme habitants
et comme linguistique, et la région du sud, où l'homme, comme les animaux,
les plantes et les langues sont tout à fait différents. C'est la véritable
Afrique, l'Afrique des nègres. Eh bien, dans cette Afrique, l'âge de la pierre
a été signalée non-seulement vers le Sénégal, ainsi que le dit M. Hamy, mais
698 ANTHROPOLOGIE
aussi et sur une large échelle au cap de Bonne-Espérance. M. John Evans
possède une belle série de pierres taillées de cette région. Certainement des
recherches nouvelles généraliseront cette distribution des objets en pierre.
M. Ebers a constaté ainsi que bien d'autres auteurs, que le fer est connu
dans le centre de l'Afrique, depuis les temps les plus reculés, ce n'est pas éton-
nant, c'est là, où l'industrie du fer a pris naissance. Si, étudiant les peuples
sauvages, on recherche ceux qui connaissaient le fer, à part quelques tribus
qui ont accidentellement utilisé le fer natif météorique, on ne trouve que les
nègres d'Afrique ayant l'usage habituel du fer. C'est là une présomption que
l'industrie du fer est née chez eux.
Si, suivant l'ordre inverse, on examine l'introduction du fer, chez les
peuples civilisés, on voit que cette introduction remonte d'autant plus haut,
que le peuple est plus voisin de l'Egypte. Or, en Egypte, le fer est consacré à
Typhon, génie du mal, roi des déserts, roi des hommes noirs.
Enfin au point de vue métallurgique, c'est en Afrique, dans l'Afrique des
nègres, que se trouvent les minerais de fer les plus faciles à réduire.
M. Hamy répond que si dans la communication qu'il vient de résumer, il
n'a parlé ni des États barbaresques, ni du Cap, c'est parce que ni l'une ni l'autre
de ces régions ne fait partie de l'Afrique nigritique à l'étude de laquelle il
voulait se borner. Les caractères archéologiques que l'on vient de rappeler ne
différaient pas moins d'ailleurs le massif de l'Atlas et les terres du sud du
Kalahazi du reste de l'Afrique que tous ceux qui ont fourni l'étude de la faune,
de la flore, etc.
M. Prunières fait observer qu'une des hachettes de M. Hamy est identique
comme forme à une hachette en jade qu'il a présentée à Nantes. Cette pièce
que plusieurs de nos collègues se rappellent, était il est vrai d'origine étran-
gère, arrivée par le commerce de l'époque, et si précieuse pour son possesseur
qu'on avait essayé de la scier sur ces deux faces afin d'en obtenir deux ha-
chettes secondaires avant de la déposer dans le tombeau.
M. le Dr HAMY
Aide-naturaliste au Muséum
SUR LES DÉFORMATIONS CRANIENNES OBSERVÉES A L'ILE DE VANCOUVER
(BXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 2i août 1877. —
M. Hamy rappelle les observations qu'il a faites sur les trois races distinctes
qui occupent l'île de Vancouver. Leur langage, ainsi que le type des défor-
mations que présentent leur crâne, sont essentiellement différents.
Dr 1IAMY. — SUB LES DÉFORMATIONS CRANIENNES 099
Ces diversités de type confirment les assertions émises par M. Lagneau sur
les modifications qu'offrent 1rs déformations crâniennes de tribu à tribu.
DISCUSSION
M. Lagneau : Gratiolel avail déjà remarque que la coutume des déformations
crâniennes se montre souvent chez des peupl> is mêlés, de races différentes, les
anciens habitants vaincus cherchant à ressembler à leurs vainqueurs. Nos
populations fournissent quelques exemples venant corroborer cette remarque.
La déformation Toulousaine s'observe dans une région où se sont mêlés d'une
part des Aquitains, aux crânes brachycéphales, comme ceux de certains reli-
gieux d'un couvent de Toulouse, dont M. Pruner-Bey a donné les indices
crâniométriques (1) ; d'autre part des Volkes, assez, généralement regardés,
depuis les recherches d'Amédée Thierry (2), comme ayant une origine belge,
il étant dolichocéphales; origine belge qui d'ailleurs semble trouver un appui
dans la remarque faite par saint Jérôme relativement aux Galates d'Asie-
Mineure, parlant la môme langue que lesTrévères... propriam linguam eamdem
pêne habere quam Treveras (Comm. in episi ad Galates, t. IV, p. 255, in-fol.
1700.) En effet, au nombre des Galates d'Asie se trouvaient des Tectosages,
fraction émigrée des Volkes Tectosages des environs de Toloza, Toulouse, et
les Trévères, anciens habitants de Trêves, étaient des Germains comme la
plupart des Belges.
La déformation crânienne que M. Lunier a observée dans le département
des Deux-Sèvres, se montre également dans un pays où deux races se sont
trouvées en présence. Aux Celtes vinrent se mêler des Sarmates, des Théiphales,
dont la notice des dignités de l'empire d'Occident et Grégoire de Tours signalent
la présence; dont Tiffauges, sur la Sèvre nantaise, rappelle encore le nom.
(Notit. Dign. imp. Rom. t. II, ch. xl, p. 122, éd. de Bœking, 1853. —
Gr. de Tours : Hist. ecclés. Francor., t. II, 1. iv, et xvm, p. 54 et 1. v,
ch. vu, p. 194, texte et trad. de Guadet et Taranne.)
En Belgique, où Bodin a signalé également l'ancien usage d'allonger artifi-
ciellement la tête des enfants, à l'élément celtique brachycéphale, est venu
s'ajouter également l'élément germanique septentrional, les Belges d'outre-
Bhin. (Bodin : Method. ad facilem historiarum cognitionem, p. 147, Amstelo-
dam. 1050.)
M. Broca rappelle que dans son plaidoyer pro Fontio dans le cours duquel
il est fait allusion à la population Toulousaine, Cicéron la désigne sous la
dénomination de Belgii.
M. Lagneau dit que M. Hamy en signalant l'élévation de l'indice crâniorné-
trique moyen de -,'„*- chez les squelettes des cimetières mérovingiens et pro-
gressivement de ^ à ™ chez ceux d'époques plus récentes, met à même de
reconnaître l'immixtion de plus en plus complète des immignés d'outre-RMn
dolichocéphales de grande taille, de race germanique septentrionale, avec les
(1) Prunbr-Bby : Crânes Toulousains -.Bull, de la Gaz. d'Anthrop., 2« édit., t. III, p. 37 et 1868.
(2) Au. Thierry : Hist. des Gaulois. Introduction, p. 36, 39, édit. 1862.
"00 ANTHROPOLOGIE
anciens habitants du pays, brachycéphales, de petite taille, de race celtique. Malgré
ce mélange de plus en plus intime, il est bon de remarquer que la présence
des descendants des immigrés d'outre-Rhin ou d'outre-mer se manifeste encore
actuellement par la faible proportion d'exemptés du service militaire pour
défaut de taille et par une notable proportion de recrues de haute stature dans
la Normandie, comparée à nos provinces du centre et du nord-ouest princi-
palement peuplées par des habitants de race celtique.
Selon notre collègue, les descendants des immigrés saxons et normands
seraient restés encore assez purs dans certaines localités. Je rappellerai que
sur la côte du Bessin anciennement des Saxons semblent s'être établis dans les
pays du Baiocasses. 11 en est plusieurs fois parlé par Grégoire de Tours à pro-
pos des guerres des Francks et des Bretons, à l'époque mérovingienne. Le
nom d'Oistreham et quelques autres d'apparence germanique rappelleraient la
présence de ces Saxons, paraissant toutefois assez mêlés avec les habitants
antérieurs de cette région. (Grégoire de Tours, Hist. Francorum, liv. V,
ch. xxvii, liv. X, ch. ix, Epilomata lxxx).
M. le JT aiBEET
Du Havre.
PRÉSENTATION D'ENFANTS A CRANE DÉFORMÉ.
(EXTRAIT du procès-verbal.)
— Séance du 23 août 1877. —
M. Gibert présente à la Section un enfant âgé de seize mois, atteint de ra-
chitisme, dont le système osseux a perdu sa consistance normale et dont le
crâne affecte la déformation signalée par M. Parrot comme caractéristique de la
syphilis héréditaire. Or, point important à noter, dans les circonstances spécia-
les où se trouve le petit malade de M. Gibert, « toute supposition de syphilis
doit être, déclare-t-il, éliminée en raison des antécédents »
La mensuration crânienne donne les proportions suivantes :
F. P'. 148
F' P. 160
Ni les muqueuses ni la peau, ajoute M. Gibert, ne portent aucune trace de
syphilis. Il ne semble pas aussi facile que l'avance M. Parrot d'établir sur le
vivant en se fondant sur le mode des déformations, un diagnostic différentiel
précis entre un crâne syphilitique et un crâne rachitique. Sur des os à l'état
sec, il serait intéressant de déterminer par des signes positifs la même dis-
tinction.
DISCUSSION
M. Broca : Les observations de M. Parrot ont trait plutôt à lastructure du
crâne qu'à la conformation dans l'enfance-
Dr GIRRRT. — PRÉSENtATION D'ENFANTS \ CRANE DÉFORMÉ 701
Je nie, pour mon compte que le rachitisme soit autre qu'un défaut de nutri-
tion du tissu osseux. Je partage, par conséquent, à cet égard les opinions
émises par M. Parrot.
Quant à la conformation du crâne, elle dépend de deux choses. Ces deux
choses sont la pression exercée par l'encéphale, dans son développement, la
résistance de la paroi osseuse.
Lorsque par suite de la soudure pathologique ou congénitale de la suture
coronale, les parois du crâne résistent à l'excès, le cerveau comprimé, ne se
développe pas, ou bien se développe avec irrégularité, et le sujet court risque
de rester idiot.
Chez l'enfant qui a été l'objet de la présentation de M. Gibert, le volume de
la tête est considérable. Le rachitisme a ramolli les parois du crâne : condi-
tion qui a permis à l'encéphale d'acquérir un développement excessif.
L'hypothèse d'une exagération de volume de nature hydrocéphalique doit être
éliminée. Le défaut de résistance des parois crâniennes, en effet, varie sen-
siblement selon les points de la surface où l'on cherche à l'apprécier, Or, cette
inégalité crânienne est une des circonstances les plus favorables au dévelop-
pement de la plagiocéphalie ; et la plagiocéphalie est parvenue, ici, à son su-
prême degré. Le crâne de cet entant est oblique ovalaire, et l'inégalité de dé-
veloppement est visible aussi bien sur la face que sur le crâne. Bref, la défor-
mation offre tous les caractères de celles que le rachitisme produit. L'ins-
pection de ce crâne aurait donc pu suffire à établir le diagnostic de la maladie
dont le sujet a été affecté.
Diminution irrégulière de la résistance de la paroi osseuse, continuation de
la poussée cérébrale, plagiocéphalie consécutive, telle a été l'évolution de la
déformation crânienne de l'enfant que M. Gibert a présenté.
M. Parrot: Des constatations auxquelles je viens de me livrer sur cet enfant,
il résulterait qu'il pourrait bien être classé parmi les rachi tiques syphilitiques.
Ainsi que M. Broca, je pense qu'il y a lieu d'éliminer, dans l'espèce, l'hypo-
thèse d'une hydrocéphalie.
La conformation de ce crâne et celle que l'hydrocéphalie implique n'ont rien
de commun.
Arrêt de nutrition, le rachitisme est caractérisé par l'exagération ou l'insuf-
fisance du développement. 11 peut se produire au sein des meilleures conditions
d'hygiène, de salubrité et d'alimentation ; de même que les conditions inverses
les plus défectueuses peuvent fort bien demeurer insuffisantes à en provoquer
l'éclosion. En un mot, bien qu'on en ait dit, le rachitisme n'est pas une
affection que l'on puisse susciter dans l'organisme, à volonté. Loin de là, il y
a, dans sa genèse, une circonstance qui nous échappe.
Mais d'autre part, la syphilis osseuse appelle, si l'on peut s'exprimer ainsi,
le rachitisme et en suscite l'évolution. Seulement, ce que le rachitisme ne pro-
duit jamais, c'est cette multitude d'ostéophytes qui sont le propre de la lésion
syphilitique osseuse. Or, il m'a semblé percevoir sur les bosses crâniennes de
l'enfant qui vient d'être présenté des saillies indiquant l'existence de semblables
ostéophytes. Voilà pourquoi j'hésite à le déclarer indemne de toute atteinte
syphilitique.
702 ANTHROPOLOGIE
Quant à la plagiocéphalie, sa cause principale tient à l'habitude du décubitus
sur l'un ou l'autre côté; et la déformation occupe constamment le point de
la boîte osseuse du crâne dont, par suite de la compression, la nutrition a été
entravée.
Chez cet enfant, la plagiocéphalie me paraît reconnaître l'origine que j'indi-
que unie à l'influence du rachitisme.
M. Gibert présente un second enfant dont le crâne porte la déformation
natiforme décrite par M. Parrot.
Le squelette de cet enfant qui est âgé de onze mois et est notoirement syphi-
litique, n'offre, par ailleurs, aucune déformation .
M. DE QÏÏATREEAGES
embre dû l'Institut, Professeur au Muséum.
L'EXPOSITION DES SCIENCES ANTHROPOLOGIQUES.
— Séance du 3o août 18'".
M. J. MAGENS MELLO
Membre de la Société géologique de Londres.
LES CAVERNES QUATERNAIRES DE CRESWELL (ANGLETERRE)
— Séance du 28 août 1877. —
M. le Président de l'Association française m'a fait l'honneur de m* in-
viter à vous parler de l'exploitation des cavernes de Creswell en
Angleterre, à laquelle j'ai pris part pendant ces trois dernières années,
cette exploitation dont les résultats ont une très-grande importance à
cause de la lumière qu'ils ont jetée sur l'homme quaternaire dans la
Grande-Bretagne. Si je ne m'explique pas très-facilement en français, j'es-
père que vous me le pardonnerez, car je ne suis pas accoutumé à écrire
en français et j'ai eu très-peu de temps pour préparer ces notes.
Les cavernes de Creswell sont situées dans une ravine du même nom,
dans le comte de Derbyshire; il y en a quatre ou cinq dont nous avons
exploités les trois plus grandes, le Trou de l'Épingle (Pin hole), la ca-
verne de Robin Hood et le Trou de l'Église. Les deux premières ont
MAGENS MELLO. — CAVEKNES QUATEUNA1KKS DE CHESWELL 703
leurs ouvertures tournées vers le sud: le Trou de l'Église, qui est de l'autre
côté du ravin, ouvre vers le nord. Elles ne sont pas très-grandes; celle
de Uobin Hood contient plusieurs petites chambres et les deux autres
ne sont que des crevasses dans le rocher qui est un calcaire permien.
C'est au printemps de 1875 que je fus saisi de l'envie de
faire des fouilles dans ces cavernes, ayant l'idée que j'y trouverais des
ossements de la période quaternaire, sinon des outils de l'homme primitif;
je fus assez heureux pour rencontrer tout de suite dans le Trou de
l'Épingle les os du grand bœuf (bos primigenius) et ceux de la hyène
et de quelques autres animaux quaternaires; j'ai eu l'honneur de mon-
trer dans votre admirable exposition géologique les dessins de ces osse-
ments. Je ne parlerai pas de ces animaux maintenant, parce que
j'espère avoir l'occasion de dire quelque chose à leur sujet dans la
section de géologie. Dans le Trou de l'Épingle, nous n'avons pas
trouvé de traces de l'homme quaternaire.
Quand je fis ma première découverte, j'invitai mon ami le professeur
W. Boyd Dawkins à prendre part avec moi à l'exploration des ca-
vernes, et en 1876 nous avons formé un petit comité pour trouver un
peu de cet argent qui est si nécesssaire si l'on veut faire quelque
chose dans nos pays civilisés, et nous avons fouillé complètement les
cavernes de Kobin Hood et de l'Église.
Dans la première il y a plusieurs chambres mais elles sont toutes
assez petites; la principale n'a qu'à peu près 70 pieds anglais de lon-
gueur et est aussi très-étroite. Les couches dans cette caverne et aussi
dans le Trou de l'Église sont si semblables les unes aux autres qu'une
description générale suffira pour les deux grottes.
En commençant en bas nous avons premièrement le sol décomposé de
la caverne formé d'un sable blanc calcaire, plein de morceaux cassés
du rocher. Nous n'y avons rien trouvé. Sur ce sol il y a dans
toutes les cavernes une couche de sable rouge, avec lequel se trouve un
peu d'argile rouge dans la grotte de Robin Hood. C'est dans cette
couche que nous avons découvert les premières traces de l'homme,
avec les os et les dents des animaux quaternaires. Ici se trouvent des
os de bison, de renne, de cheval, de rhinocéros tichorhinus, de
la hyène et aussi des outils de pierre, mais des outils d'un type
extrêmement rude, faits des cailloux de quartzite qui sont dérivés du
grès bigarré qui est assez abondant dans le voisinage. Ces outils
sont presque informes et rudimentaires , quelques éclats seulement ont
été enlevés des cailloux et voilà des instruments, des hachettes, des
percuteurs, des couteaux et des grattoirs, avec lesquels ces hommes pri-
mitifs luttaient contre les bêtes féroces, et dont ils se servaient pour
toutes les opérations de leur vie simple et inculte. Comme caractères ces
704 ANTHROPOLOGIE
outils de quartzite, parmi lesquels il s'en trouve aussi quelques-uns de
chalybite et de diorite (?) sont semblables à ceux du Moustier et de la Made-
laine et aussi à ceux de Saint-Acheul qui ont été décrits par votre illustre
compatriote M. Bouclier de Perthes. M. le professeur Boyd Dawkins
a remarqué que des instruments de quartzite quaternaire ont été trouvés
dans le diluvium de Toulouse et aussi dans la vallée du Nerbuda dans
les Indes. Les outils de silex commencent à être trouvés seulement
dans la partie la plus haute de la couche de sable rouge, ils sont assez
rares, en petits éclats seulement ; c'était la première découverte d'une
nouvelle matière, une matière néanmoins qui devait bientôt exclure les
cailloux non travaillés. Dans la couche au-dessus du sable rouge de ces ca-
vernes il y avait une couche de terre rougeâtre dont la partie inférieure
était tachée avec des petits morceaux de calcaire, la partie supérieure
était un peu moins rouge et manquait de ces petits débris de calcaire. Dans
ces deux couches les outils de silex sont beaucoup plus abondants et ils
sont aussi d'un type moins rudimentaire. Nous avons trouvé ici des outils
de silex, des têtes de lances et des alênes assez bien formées et semblables
à celles qui ont été trouvées en Angleterre dans la grotte Kents-Hole en
Devonshire, Wokey Hole dans Somersetshire et qu'on peut mettre en
comparaison avec les outils du type de Solutré, selon M. Gabriel
de Mortillet. Avec ces outils de silex bien taillés nous avons aussi
trouvé quelques outils formés d'andouillers de renne et d'os de lièvre.
Parmi ceux-ci il y a une aiguille parfaite, des alênes, des pointes de
flèches et d'autres objets. C'est parmi ces outils de silex et d'os de
la couche de terre de la caverne que la découverte la plus importante a été
faite, sur des morceaux d'os trouvés dans cette couche, j'ai reconnu des
lignes faiblement taillées, nous les avons examinées en pleine lumière et,
Messieurs, vous pouvez concevoir notre bonheur, quand nous reconnûmes
la figure d'une tête et des épaules de cheval parfaitement distinctes, et
bien dessinée, avec la crinière élevée si bien connue par les gravures de
même nature qui ont été trouvées dans les cavernes delà Dordogne, de la
Belgique et du Resserloch en Suisse, mais qui avant cette découverte
à Creswell n'avaient pas encore été trouvées en Grande-Bretagne;
je n'insisterai pas sur la valeur de cette découverte, mais je crois bien
que vous reconnaîtrez que nous avons maintenant ce dont nous manquions
auparavant , la preuve positive que l'homme chasseur et pêcheur de la
Dordogne, l'homme quaternaire, sauvage mais pas tout à fait inculte, pas
tout à fait sans connaissances des arts et allié peut-être aux Esquimaux
d'aujourd'hui qui parcoururent le continent de l'Europe occidentale n'était
pas un étranger en Angleterre. Des Pyrénées dans le sud, parmi les forêts
de la Suisse, la Erance, l'Allemagne jusqu'au milieu de l'Angleterre,
il disputait la possession du sol aux hyènes, aux ours, aux lions
M.VOENS MELLO. — CAVERNES QUATERNAIRES DE CRESWELL 705
et même à ce terrible animal le machairodus latidens, dont nous avons
trouvé une déni à Creswell et il chassait les chevaux, les mammouths,
les rennes, les rhinocéros et les lièvres et trouvait un abri contre les
rigueurs du ciel dans des grottes comme celles de Creswell.
Je dois dire en concluant que nous avons trouvé au-dessus de cette
couche de terre de grotte que je viens de décrire une brèche formée de
débris de calcaire cimentés par la stalagmite et qui renfermait des outils
de silex des dents et des os d'animaux quaternaires semblables à ceux
delà couche inférieure. Sur cette brèche était une couche de terre noire
contenant des objets d'art, des broches de bronze et quelques autres
preuves que les cavernes étaient occupées par les Bretons, pendant cette
période troublée et peu connue comprise entre les cinquième et sixième
siècles quand les Romains avaientenlevé leurs bijoux de la Grande-Bretagne
et les habitants des villes en partie civilisés par leurs conquérants furent
chassés par les invasions successives des tribus Teutonnes et forcés de se
réfugier dans les grottes et dans les forêts. Voici, Messieurs, en peu de
mots, l'histoire des cavernes de Creswell. Vous me permettrez encore
d'ajouter que les détails de nos fouilles sont publiés dans les comptes
rendus delà Société géologique de Londres. Je vous remercie, messieurs,
de l'attention avec laquelle vous m'avez bien voulu écouter la petite
communication que je viens de vous faire.
DISCUSSION.
M. de Mortu.let fait remarquer que l'importante fouille décrite par M. Mello,
vient confirmer, pour l'Angleterre, sa grande division des temps paléolithiques
en deux périodes, celle où les instruments en pierre seuls existaient et celle
où les instruments en os sont venus s'ajouter aux instruments en pierre.
Une des pointes de silex présentées par M. Mello se rapporte bien à l'indus-
trie solutréenne. Elle aurait, été trouvée avec des instruments en os et une
gravure. Si le mélange ne provient pas d'un remaniement ancien ou récent,
cela ne prouverait qu'une chose, c'est qu'en Angleterre l'industrie solutréenne
s'est prolongée plus qu'en France et s'est mêlée .à l'industrie magdalénienne.
45
706 ANTHROPOLOGIE
M. le Professeur BROCA
Président de l'Association.
SUR LE CERVEAU DU GORILLE.
— Séance du 2S août âfi'7'7. —
M. Broca rappelle qu'il s'était fait inscrire l'année dernière pour faire
à la section d'anthropologie une communication sur le cerveau du
gorille. Etant tombé malade pendant la durée du Congrès de Clermont-
Ferrand, il ne put tenir sa promesse. La question n'a plus aujourd'hui
le caractère de nouveauté qu'elle avait alors ; il pense néanmoins que
l'examen des pièces qui s'y rapportent offre encore quelque intérêt.
Il montre d'abord le moule du cerveau d'un gorille mâle et adulte
rapporté du Gabon, au mois de juillet 1876, par M. le docteur Nègre,
médecin de la marine de l'Etat. Tout ce que l'on savait jusqu'alors sur
le cerveau de cet animal se réduisait à quelques notions très-incomplètes
et très-imparfaites, recueillies pour ainsi dire au vol par Gratiolet, à
l'ouverture du crâne d'un gorille adulte envoyé au Muséum dans un
tonneau de tafia. Le cerveau, entièrement altéré et réduit à la consis-
tance d'un mastic, tombait en miettes à mesure qu'on enlevait la
pie-mère. Désespérant de conserver cet organe qui s'écroulait sous
ses yeux, Gratiolet en fit aussitôt photographier la face supérieure.
Cette photographie, que M. Broca présente à la section, était le seul
document que l'on possédât sur le cerveau du gorille, lorsque M. le
docteur Nègre rapporta le cerveau dont le moule est mis sous les yeux
de la section.
Ayant appris que les chasseurs indigènes venaient de tuer un gorille
dans les bois, à une assez grande distance de la côte, M. Nègre monta im-
médiatement à cheval pour aller extraire le cerveau avant l'heure de la pu-
tréfaction, si hâtive sous les tropiques. Sous ce rapport, il réussit à souhait.
Ne disposant pas, ce jour-là, de moyens de transport, il ne put emporter
avec lui que le cerveau. Il déposa le corps du gorille dans une fosse
peu profonde creusée à la hâte et recouverte d'un peu de terre; mais
lorsqu'il revint, quelques jours après, pour prendre le squelette, il
trouva la fosse vide, soit que le corps eût été dépecé et emporté par
les animaux carnassiers, soit qu'il eût été enlevé par les nègres. Par
suite de cette circonstance malheureuse, on ne peut déterminer l'espèce
de l'animal. Il appartient certainement au genre gorille ; les chasseurs
indigènes, qui s'y connaissent, n'auraient pu s'y tromper. Il n'y a dans
cette légion que deux genres d'anthropoïdes : les chimpanzés et les go-
i»r \:v,iu\. — SUR M' CERVEAU DU GORILLE 707
pille», et M. Ne re, qi itemenl les chimpanzés, a pu
s'assurer <in" r'' u'étail pas an chimpanzé. C'était «loue un gorille. Quoi
qu'il lût mâleet adulte, ;l c'avait pas les crêtes sagittales et occi-
pitales du lu gorilla savagii. Mais on sait que le g< are gorille
comprend une el p rient deux autres espèces qui se distinguent
précisément du gorill par l'absence des grandes crêtes crâ-
niennes. Il serait possible «railleurs que le gorille <ln docteur Nègre ne
fût pas complètement adulte, quoi qu'il tut (l'une grande taille et qu'il
eÛt Ses qU île délits il.
Eu tout cas, sou cerveau suffil pour démontrer que cel animal n'était
pas un chimpanzé, comme l'a supposé M. le professeur Bischoff, de
Munich. M. Broca a • cette pièce à la Société d'anthropologie
dans la séance du 3 de toute une série de cerveau
de singes, et tout le m • e ce a rveau différail entière-
ment non-seulement de celui des chimpanzés, mais encore de tous les
cerveaux connus. Une figure représentant la l'ace supérieure de ce cer-
veau a été publiée avec le procès-verbal de la séance (li^r. 56).
Fig. S6.
708 ANTHROPOLOGIE
Quelques semaines plus tard, un autre cerveau de gorille fut présenté
par MM. Pansch et Bolau au Congrès des naturalistes et médecins alle-
mands, dans sa 49e session, tenue a Hambourg le 20 septembre 1876.
Cette pièce provenait d'un jeune gorille âgé d'environ 6 mois, mort au
Gabon, en captivité, et rapporté en Europe dans un baril de rhum. Une
injection de chlorure de zinc avait été poussée dans la carotide quelques
heures après la rnort, de sorte que le cerveau s'était parfaitement con-
servé. Cette pièce l'ut décrite avec soin par M. Pansch, qui en publia la
photographie. Elle fut étudiée ensuite par M. le professeur Bischofî, de
Munich, qui la décrivit à son tour, dans un mémoire publié au mois de
mars 4877.
M. Bischoff a en outre représenté les formes de ce cerveau sur un
modelage en cire, que M. Broca a reçu par voie d'échange, et qu'il pré-
sente à la section.
Ce modelage a été t'ait delà manière suivante: M. Bischoff a d'abord
fait le moule en cire de la cavité crânienne d'un gorille mâle et
adulte; puis il y a gravé, en les grandissant proportionnellement, toutes
les saillies et sillons du petit cerveau du gorille de Hambourg. Il a voulu
représenter sur ce schéma le cerveau du gorille tel qu'il est dans l'âge adulte,
mais il aurait mieux valu s'en tenir à un moule ou fac simile de gran-
deur naturelle, car il est très-probable que chez le gorille, comme chez
l'homme, la morphologie des lobes et des circonvolutions du cerveau
doit subir, de la première enfance à l'âge adulte, des modifications
très-notables.
L'influence de l'âge explique sans doute en grande partie la grande
différence qui existe entre le cerveau du gorille adulte du docteur Nègre
et celui du jeune gorille de Hambourg, mais cette différence tient
sans doute aussi en partie à l'influence de l'espèce, car tout permet de
croire que l'animal de Hambourg est un gorilla savagii, tandis que le
gorille du docteur Nègre appartient selon toutes probabilités à une autre
espèce.
M. Bischoff, ne tenant pas compte de la différence des âges, pense
que ces deux cerveaux sont trop dissemblables pour provenir d'a-
nimaux d'un même genre, et comme l'animal de Hambourg est certaine-
ment un gorille, il en conclut que l'animal du docteur Nègre doit être
un chimpanzé. Mais l'examen des cerveaux n'autorise pas cette conclu-
sion, car le cerveau de Hambourg est beaucoup plus riche que l'autre et
beaucoup plus semblable au cerveau compliqué du chimpanzé, tandis
que le cerveau recueilli par M. Nègre, incomparablement plus simple
qu'aucun cerveau de chimpanzé, présente des circonvolutions pauvres,
larges et très-peu sinueuses, qui le font ressembler autant que possible
à la photographie du gorille adulte de Gratiolet.
I)1' BROCA. — Sl'U LE CERVEAU DU GORILLE "09
M. Broca pense donc qu'il convient de décrire le cerveau du gorille
d'après le spécimen rapporté par M. Nègre.
Le poids de ce cerveau, réduit à 23*2 grammes après un séjour de
plusieurs mois dans l'alcool, était certainement plus grand à l'état frais,
et devait s'élever à environ 360 grammes. Le cervelet, quoique grand,
est entièrement couvert. Les hémisphères ont très-peu de hauteur, mais il
est probable que l'organe s'est aplati par suite d'un séjour prolongé sur
sa base dans le fond du vase. Ce qui frappe au premier abord, c'est la
largeur et la simplicité des circonvolutions. Aucun anthropoïde n'en pré-
sente de pareilles, et le seul cerveau de singe qui ait la même apparence
est celui des cynocéphales, dette ressemblance, constatée par Gratiolet
sur le cerveau très-altéré qu'il lit photographier, le conduisit à supposer
que le cerveau du gorille se rattachait au type des cynocéphales, et non
à celui des chimpanzés et des orangs; mais il eût conclu autrement, s'il
eut pu se livrer à une étude plus complète.
Le cerveau du gorille appartient au même type que celui du chim-
panzé et de l'orang; et ce type n'est autre que le type humain.
Si l'on compare spécialement le cerveau du gorille avec celui du
chimpanzé, on reconnaît que le volume relatif du lobe frontal est plus
grand chez le gorille; que celui du lobe pariétal est plus petit; et que
celui du lobe temporal est à peu près le même dans les deux cas. Le
lobe occipital que Gratiolet croyait très-volumineux chez le gorille, est
au contraire très-peu développé, car il est plus petit même que celui
de l'orang, et n'est comparable sous ce rapport qu'à celui de l'homme.
On sait quelle importance Gratiolet accordait à la position superficielle
ou profonde des deux premiers plis de passage qui traversent la scissure
occipitale externe. Lorsque ces plis sont petits, ils restent cachés dans
le fond de la scissure; lorsqu'ils sont plus volumineux, ils deviennent
superficiels, et le lobe occipital se trouve ainsi plus intimement lié au lobe
pariétal. Quoiqu'il n'y ait pas lieu de donner à ce caractère une va-
leur de premier ordre, comme l'a fait Gratiolet, on peut du moins
s'en servir pour apprécier le degré de perfectionnement de la région
occipitale du cerveau. Le second pli de passage est profond, c'est-à-dire
peu volumineux chez tous les anthropoïdes. Mais le premier, qui est tou-
jours superficiel chez l'orang, est ordinairement profond chez le chim-
panzé, sinon sur les deux côtés à la fois, du moins sur l'un des hémi-
sphères. Sous ce rapport, le gorille paraît prendre place entre l'orang et
le chimpanzé. On peut voir, en effet, sur le gorille du docteur Nègre
que le premier pli de passage est superficiel à droite et peu profond à
gauche ; en outre, sur le gorille de Hambourg, il est superficiel des
deux côtés, comme cela a lieu chez l'orang.
La branche horizontale antérieure à la scissure de Sylvius est très-
710 ANTHROPOLOGIE
prononcée chez le gorille. Ce caractère est commun à l'homme et à tous
les anthropoïdes, et n'existe que chez eux. C'est la conséquence de
l'allongement de la troisième circonvolution frontale qui, avant de se por-
ter vers le bas pour se continuer avec la troisième circonvolution orbitaire,
décrit une sinuosité au-dessus de la partie antérieure du lobe temporal.
Chez l'homme, une seconde sinuosité, située au-dessus delà précédente,
donne lieu à la formation de la branche ascendante de la scissure de
Sylvius. Cette branche ascendante existe assez souvent chez l'orang et chez
le chimpanzé. Elle manque chez le gibbon, et elle manque aussi chez le
gorille.
En terminant, M. Broca signale les différences qui existent entre le
cerveau du gorille de M. Nègre et celui du gorille de Hambourg. Sur ce
dernier cerveau, le lobe temporo-sphénoidal est relativement beaucoup
plus simple ; les cinq circonvolutions temporales y sont nettement sépa-
rées par des sillons parallèles et presque rectilignes, tandis que sur
l'autre, la deuxième, la troisième et la quatrième, plus ou moins confon-
dues par suite de leurs anastomoses, ne sont bien distinctes qu'en
arrière. Par contre, le lobe frontal est relativement plus petit sur le go-
rille de Hambourg que sur le gorille de M. Nègre, ce qui est dû presque
exclusivement à l'extrême petitesse de la troisième circonvolution frontale,
car la seconde est beaucoup moins réduite, et la première est très-déve-
loppée en longueur et en largeur. Il en résulte que la scissure de
Rolando est beaucoup plus oblique.
Les différences qui viennent d'être indiquées n'excèdent pas celles qui
peuvent exister entre deux espèces d'un même genre ; mais il est très-
probable qu'elle tiennent surtout à la différence des âges, le gorille de
Hambourg étant très-jeune, tandis que celui de M. le docteur Nègre
est adulte.
M. G. DE MOETILLET
Attaché au Musée des antiquités nationales de Saint-Germain.
LE CHRONOMÈTRE DU BASSIN DE PENHOUÈT RÉDUIT A SA PLUS SIMPLE VALEUR. (1)
(extrait du procès-verbal.)
,/« 86 a o û t I S77. —
M. de Mortillet discute les' conclusions auxquelles est arrivé M. Kerviler,
ingénieur des Ponts et Chaussées, qui, de l'observation des fouilles faites au
(1) Voir Revue scientifique, 1877, p. 248.
SIRODOT. — LE CHRONOMÈTRE DU DASSIN DE PENHOUET 711
bassin de Saint-Nazaire, a conclu que le niveau archéologique inférieur de
l'âge du broose et même de la pierre ne remonterait au plus qu'à 500 ans
avant mitre ère. En se basant sur des considérations de divers ordres, M. de
Mortillet prouve que Les calculs chronométriques de M. Kerviler ne peuvent
être admis.
DISCUSSION.
M. Daleau, qui a beaucoup étudié les dépôts de l'embouchure de la
Garonne, appuie ces conclusions. 11 a vu une seule marée enlever en quelques
instants des dépôts vaseux qui représentent les trente-sept centimètres sécu-
laires de Penhouët.
M. Broca insiste sur les mouvements du sol. 11 cite plusieurs points de
nos côtes océaniennes, dont on connaît l'émersion ou l'immersion plus ou
moins considérable, constatée d'une manière certaine.
M. Ollier de Makichard constate que ces mouvements des côtes se
font sentir aussi bien sur les bords de la Méditerranée que sur ceux de
l'Océan.
M. SIRODOT
Profession- à lu Faculté des Bciencea de Hernies
LE CHRONOMÈTRE DU BASSIN DE PENHOUET
(extraii)
— Séance du 26 août 1877. —
Saint-Nazaire se trouvant dans la circonscription de l'Académie de Rennes,
j'ai considéré comme un devoir la vérification des faits sur lesquels s'appuie
M. Kerviler pour estimer la durée du temps pendant lequel se sont effectués
les dépôts d'alluvion qui remplissent l'estuaire où un nouveau bassin est en
construction.
J'ai, plus particulièrement, porté mon attention sur le fait qui m'a paru le
plus important, sur la disposition et la nature des couches superposées, en
forme de plaquettes, que M. l'Ingénieur considère comme autant de dépôts
annuels du fleuve de la Loire.
Les observations de M. Kerviler ont été faites au fond d'un puits qui
était déjà bloqué à l'époque de ma première excursion à Saint-Nazaire ; mais j'ai
pensé que, avec de la persévérance, je finirais par retrouver et étudier sur
place, ces couches intéressantes. Or, voici ce que j'ai vu et revu, le dimanche
12 août, au niveau du fond du bassin, précisément en face de la partie du
mur du quai déjà construite, du côté de la Loire.
712 ANTHROPOLOGIE
y> Il existait, sur ce point, une couche d'une hauteur variable de 0m,80
à i mètre et Im,10, composée de minces lamelles; chaque lamelle offrant
une partie principale sablonneuse et un revêtement sur les deux faces d'un
très-mince feuillet de vase noirâtre.
■» Cette couche formée d'assises lamellaires d'une épaisseur moyenne de 2 à
3 millimètres, n'est pas autre chose que du gneiss en décomposition avec
infiltration de vase entre les strates. En effet :
« 1° La roche sous-jacente est en gneiss lamellaire dont les strates ont pré-
cisément l'épaisseur de la partie sablonneuse des lamelles observées plus haut;
» 2° La décomposition en lamelles est d'autant moins accusée que Ton se
rapproche davantage de la roche non décomposée sous-jacente;
» 3° La partie sablonneuse des lamelles est un mélange de grains de quartz
et de feldspath ;
» 4° Cette couche sablonneuse des lamelles ne peut être considérée comme
un dépôt du fleuve, le sable delà Loire n'étant composé que de quartz;
» 5° Cette même couche sablonneuse n'est pas un dépôt d'alluvion du fleuve
ou des marées, parce que les grains n'ont pas été roulés ; ils sont très-nette-
ment anguleux et leurs arêtes sont vives.
» Je n'ai pu comparer directement mes échantillons avec ceux observés par
M. Kerviller; mais il existe, dès maintenant, de fortes présomptions en faveur
de l'identité.
» Il est certain que les échantillons présentés à l'Académie des sciences
par M. Kerviler ont été recueillis au fond d'un puits à une petite distance de
la roche sous-jacente qui , presque partout est du gneiss , que les couches
lamellaires ne se trouvent jamais que dans le voisinage de la roche sous-jacente.
J'ai porté mes échantillons au conducteur des travaux qui dirigeait le forage
du puits au fond duquel ont été faites les observations de M. l'Ingénieur, et il
les a trouvés semblables à ceux qui ont été extraits de ce puits.
» Il sera, du reste, toujours facile de vérifier si les lamelles de la couche
observée par M. Kerviller ne représentent, en réalité, que du gneiss en décom-
position, à l'aide des caractères exposés plus haut. Il suffira de vérifier que
la couche sablonneuse des lamelles est composée :
» 1° D'un mélange de grains de quartz et de feldspath.
» 2° De grains anguleux dont les angles et les arêtes excluent toute hypothèse
d'un dépôt du fleuve ou des marées.
» Si la couche si régulièrement stratifiée, observée par M. Kerviler, n'est
que du gneiss en décomposition, que pourra-t-il rester du fameux chronomètre?
CH. T.RAT). — i/HOMME PRÉHISTORIQUE EN ALSACE 713
M. Charles GEAD
Députe de Alsaee-Lorraine au Parlement allemand, Membre de la Société d'histoire naturelle de C.olinar.
NOTICE SUR L'HOMME PRÉHISTORIQUE EN ALSACE.
— Séance du SS août /877. —
I.
Aux premiers jours du mois d'avril 1876, l'explosion d'une mine dans
les carrières de Cravanche, exploitées au pied du Mont de Belfort poul-
ies fortifications du Salbert, amena la découverte d'une série de
vastes cavernes avec des débris de l'industrie humaine et des ossements
de l'époque préhistorique. Les cavernes se trouvent disposées le long
d'une faille au contact des terrains jurassiques avec des schistes du
terrain de transition. Elles communiquent les unes avec les autres par
des galeries et des couloirs accidentés et plus ou moins étroits. En
pénétrant par l'ouverture produite d'une manière tout-à-fait inattendue
à la suite de l'explosion, les ouvriers des carrières y trouvèrent nombre
de squelettes humains, les uns libres, les autres incrustés dans une
formation de stalagmites, avec des poteries grossières accompagnées
d'instruments en pierre et en os. Soigneusement recueillis, ces instru-
ments et ces ossements ont été déposés au Musée de la ville de Belfort,
à la demande et par ordre de la municipalité.
On pénètre dans la grotte à travers l'ouverture produite par la mine.
Des éboulements et des déjections semblent masquer l'entrée primitive.
11 y a trois chambres principales connues et explorées jusqu'à présent :
mises en communications par des couloirs fort resserrés, elles sont très-
accidentées. Les couloirs forment des ramifications nombreuses et se
relient par des cheminées tellement étroites qu'on ne s'y glisse qu'en
rampant sur le sol. Certaines de ces cheminées sont à peu près verti-
cales, d'autres plus ou moins inclinées. A la clarté des flambeaux, les
cavernes présentent un aspect des plus fantastiques. Figurez-vous
d'énormes cavités de formes irrégulières, obstruées par des rochers qui
tombent du plafond, par des groupes de stalagmites qui se dressent
pareils à des troncs de colonnes. Sur certains points les stalagmites du
bas figurent des piliers ou des colonnes agencées comme celles de
nos cathédrales gothiques. Ailleurs encore, les dépôts calcaires s'étendent
et s'étalent comme des draperies ou de fines dentelures. Dentelures et
draperies continuent à s'allonger sous l'action des eaux incrustantes.
La première salle ou la première chambre mesure environ trente
mètres de longueur, sur une largeur de 10 à 12 mètres et une hauteur
de 10 mètres. Les autres chambres, à droite de l'entrée actuelle, ont
des dimensions pareilles. Quelques-uns des couloirs qui communiquent
714 ANTHROPOLOGIE
avec elles descendent à des profondeurs inconnues. Une autre caverne,
sans communication avec celles-ci, mais ouverte au dehors et située
tout près, sur le prolongement de la même ligne, a été transformée en
cave à bière. On y a trouvé un os de grand animal qui n'a pas été
conservé et dont par conséquent je ne puis indiquer l'espèce. Quant à
l'entrée primitive des grottes avec ossements humains, je ne l'ai pu
découvrir lors de mes explorations. Si elle n'est pas fermée par des
éboulements, elle a pu être comblée aussi par les alluvions d'origine
vosgienne qui s'élèvent jusqu'à 40 mètres au-dessus du village de Cra-
vanche. Notre collègue, M. Parisot, maire de Belfort, qui s'oejupe
d'une nouvelle édition à grande échelle de la carte géologique
de rurroudissenient, ne tardera pas sans doute à nous renseigner sur ce
point fort intéressant. Les couches calcaires du plafond paraissent
presque horizontales à l'intérieur des grottes et ne sont que faiblement
inclinées. La faille jurassique termine ici les dépôts d'oolithe de l'étage
bathonien. Ces dépôts viennent buter contre les schistes anciens de
transition du Salbert. Ils atteignent une altitude de 450 mètres. Le
sommet du Salbert s'élève à 647 mètres, soit à 270 mètres de hauteur
relative au-dessus de la vallée de la Savoureuse. Gravanche même, le
village, est bâti à la cote de 380 mètres entre le Salbert et le Mont, tous
deux boisés sur leurs versants. Vu des hauteurs de Mulhouse, le Salbert
que dominent de nouvelles fortifications élevées depuis 1871, se dessine
sous l'aspect d'une pyramide séparée des grandes lignes de la chaîne
des Vosges. Tout le massif consiste en schistes gris, plus ou moins argileux,
généralement peu consistants, friables à la surface, alternant par lits en
feuillets minces avec un grès fin, schisteux, de couleur olive.
Comment et par quelles causes les grottes de Cravanche ont elles été
fermées depuis leur occupation par l'homme? Rien ne nous permet de
répondre à ces questions d'une manière certaine. En dernier lieu les
cavernes semblent avoir servi de sépulture. Les squelettes découverts y
étaient étendus avec la tête légèrement relevée par rapport aux autres
ossements. M. Voulot y a recueilli une quinzaine de crânes conservés au
Musée de Belfort, avec la plupart des objets trouvés dana les grottes.
Plusieurs squelettes étaient complets, en partie libres, en pa. tic incrustés
dans le dépôt calcaire. Par places, les ossements humains tonnaient avec
la roche une véritable brèche osseuse. Outre ces ossements, les touilles
ont donné une mâchoire de chevreuil, des dents et des fragments d'un
crâne de sanglier, une partie de crâne et des fragments de bois d'un
grand cerf, plus grand que notre cerf commun actuel, enfin un sque-
lette complet de loup encore intact, dont aucun os n'est brisé, moins
anciens probablement que les débris humains de la caverne.
J'ai mesuré les crânes qui ont été déposés au Musée de Belfort. Ils
CH. GRAD. — L'HOMME PRÉHISTORIQUE EN ALSACE 715
proviennent d'individus d'âge el de sexe différents. Leur capacité varie
de 1173 à 1697 centimètres cubes avec une moyenne de 1385 centimètres
pour les huit crânes encore entiers. Presque tous portent à l'occiput une
protubérance caractéristique ; sauf ce caractère distinctif de la race, la
tonne de la tète varie sensiblement. Il y en a de dolichocéphales et de
mésocépliales. Quelques-uns sont fort allongés, d'autres plus courts. Ces
têtes dénotent une race élevée, avec un front très-liant, un angle t'acia
développé. Plusieurs cependant ont des arcades sourcilières saillantes,
•un prognathisme prononcé des mâchoires. Toutes les dents sont larges
et plates, en parlait état de conservation sans trace de carie. Quant aux
os des membres, ils indiquent des individus de petite taille. Les crânes
d'enfants manquent; mais il y a des côtes et des vertèbres d'individus
peu âgés. .Nous n'entrerons pas aujourd'hui dans plus de détails sur la
race des hommes de Gravanche, dont M. Broca, professeur de la faculté
de médecine de Paris et qui s'est acquis un grand renom pour ses travaux
anthropologiques, vient de commencer l'étude anatomique avec le docteur
Bernard, un des premiers explorateurs de la caverne. Peut-être M. Hamy
et M. de Quatrefages donneront-ils aussi une place aux hommes de Cra-
vanche dans leur description comparée des races anciennes et actuelles,
dans les Cranta ethnica. Cette étude ne touche pas seulement l'histoire
de l'homme en Alsace et dans les Vosges ; mais l'anthropologie préhis-
torique et l'ethnographie générale de la France y ont un égal intérêt.
Parmi les objets de l'industrie humaine et les instruments mis au
jour par les fouilles de Cravanche, on remarque notamment quatre vases
en terre cuite, des marteaux de pierre, des couteaux en silex, dont plu-
sieurs retaillés, des poinçons en os et des lames de poignard; des lissoirs
et des ustensiles en corne de cerf, pareils à nos couteaux à papier,
qu'on a trouvés aussi dans les cavernes de Thaygen, près Schaflfhausen,
et dans les constructions lacustres de la Suisse ; enfin deux anneaux
plats en serpentine et des grains de collier, les uns en os très-blanc et
très-dur, les autres provenant de serpulcs, d'apiocrinites fossiles et de
schiste ardoisier, que nous voyons en place entre Giromagny et Plan-
cher-les-Mines, sur le versant méridional des Vosges. Les anneaux en
pierre, que certaines personnes ont pris pour des bracelets, consistent
en deux plaques ovales, allongées, bien polies, épaisses seulement de
quelques milimètres, amincies vers les bords extérieurs, percées d'un
trou circulaire, où un enfant de dix ans aurait de la peine à passer la
main. Ils mesurent 20 centimètres en longueur et ressemblent aux ra-
cloirs de nos tanneurs. Parmi les vases trouvés et que M. Dietrich,
président de la Société d'émulation du Haut-Rhin, a déposés au
musée de Belfort , l'un provient de la troisième chambre, les
autres de la première, tout à côté de l'ouverture actuelle produite par la
716 ANTHROPOLOGIE
mine. Façonnés à la main, ces vases ne présentent point de trace de
travail au tour. Leur contenance varie de 3 à 6 litres. L'un est à gou-
lot, les autres à ouverture plus large et à base arrondie, Tous portent des
anses mamelonnées percées d'un trou pour être suspendus. Sur deux
d'entre eux, il y a des ornements en creux. Les anses ne semblent pas
rapportées après coup ; mais elles paraissent plutôt enlevées sur la
masse de terre du vase, de manière à former un tout homogène pétri avec
les doigts. Cette poterie ressemble à celle trouvée dans certaines grottes du
Lot et aux dolmens du Morbihan, dont M. de Mortillet conserve des spéci-
mens au musée historique de Saint-Germain. Un autre objet curieux trouvé
dans les fouilles a l'aspect d'une incrustation de natte tressée en paille.
Nous demandons-nous maintenant à quelle époque appartiennent les
squelettes humains de Cravanche ? Nous constatons tout d'abord que les
grottes paraissent avoir servi de nécropole, de sépulture, en dernier lieu
du moins. Il est regretlable que les ouvriers qui découvrirent les ca-
vernes et les villageois qui accoururent à cette nouvelle aient dispersé les
ossements, avant l'arrivée d'un homme de science. On n'a plus pu les ob-
server tous dans leur position naturelle ou primitive. Lors de ma visite
dans la localité, quelques jours après la découverte, il y avait encore en
place deux squelettes presque entiers, en partie empâtés dans les stala-
gmites. Leur position, je l'ai dit déjà, était étendue, avec la tête plus
haute que les os des membres. La présence de traînées charbonneuses
dans la terre rougeâtre et grasse du sol, et l'aspect calciné de l'un des
crânes, indiquent l'existence d'anciens foyers, dont plusieurs points de
la caverne présentent des traces. M. Voulût, qui a fait des fouilles in-
téressantes au Mont Vaudois, près Montbéliard, dans les sépultures de
l'âge de la pierre polie, et qui a recueilli une partie des objets conservés
au musée de Bel fort, croit avoir remarqué à côté des squelettes des
restes de dolmens. Moi-même j'ai visité les monuments classiques de la
Bretagne, mais je ne puis reconnaître rien d'analogue dans les grandes
dalles de Cravanche. Ces dalles sont couchées plus au moins horizonta-
lement sur des blocs plus petits. Elles portent des traînées de charbons
soit à leur face supérieure, soit sur leurs parois internes. Les poteries
trouvées â côté des tables à l'intérieur de la grotte et les instruments
se rapprochent cependant beaucoup des objets rencontrés dans les cons-
tructions mégalithiques du Morbihan. Les couteaux et silex ressemblent
au type de la Madelaine recueillis sur les bords de la Vézère, dans la
Dordogne, ainsi que les lissoirs en os. En tous cas, la station de Cra-
vanche doit être antérieure aux constructions lacustres de la Suisse.
Peut-être la continuation des fouilles nous procurera des objets sus-
ceptibles de mieux préciser la date à laquelle ont vécu les hommes de
Cravanche. Jusqu'à présent ces cavernes n'ont pas fourni d'instrument
cil. GRAD. — L'HOMME PRÉHISTORIQUE l\ ULSACE 7 1 "7
gravé comme ceux trouvés dans d'autres localités de la France. Les
ossements d'animaux sonl également rares; mais suivant toute proba-
bilité on en trouvera encore sous le dépôt de stalagmites. On ne saurait
trop engager la société d'émulation belfortaine de reprendre ou de con-
tinuer les touilles. In l'ail certain «'est que le renne, l'aurochs et le
bison, l'élan et le grand cerf vivaient alors dans le pays. Ces animaux
s'éteignirent peu à peu et ne disparurent qu'à une époque récente. Le
renne dont nous avons trouvé les débris en différents points des bords
du Rhin, vivait encore ici à l'arrivée des Romains. César le décrit en
termes non équivoques au chapitre XXVI, livre VI des Commentaires sur la
guerre des Gaules, comme un habitant de la foret Hercynie, — On
trouve dans celte forêt, dil le grand historien, un bœuf figure de cerf, auquel
il sort, du milieu du front, entre les deux oreilles, une corne plus élevée
et plus droite que celles que nous connaissons; du sommet de cette corne
partent, en forme de palmes, des anneaux très-étendus. Huant à l'au-
rochs et au bison. Charlemagne les a chassés dans les forêts des Vosges en
805, à son retour de la guerre de Bohême. Puislepoëme des Nibelungen
dont nous avons plusieurs versions datant du treizième siècle, vante les
exploits de Siegfrid le fort, qui tua dans une de ses chasses avec Gun-
ther, roi des Burgondes, un élan, un bison et quatre aurochs ;
Dar noch schluog er schiere einen Wisent unde Elch
Starker Ure viere and einen grîmmen Schelch.
La forme des instruments ne peut fixer d'une manière entièrement
certaine l'époque de leur fabrication. Jamais je n'ai pu admettre les divi-
sions tout-à-fait arbitraires d'âge du mammouth, d'âge de l'ours, d'âge
du renne, proposées si souvent pour les premiers temps de l'humanité.
A mesure que les observations et les découvertes se multiplient, nous
constatons que le renne, l'ours des cavernes et le mammouth ont vécu en-
semble dans nos contrées. Leurs débris fossiles se trouvent réunis
dans les mêmes couches du sol. Depuis le remplissage des cavernes et
depuis la formation des alluvions anciennes ou des dépôts quaternaires,
les changements survenus à la surface de la terre ont plutôt amené
l'extinction d'espèces nouvelles déjà existantes que la création d'es-
pèces nouvelles. Les explorations de Lartet et de Christy dans
le midi de la France rendent témoignage de ce fait, ainsi que
de récentes découvertes dans les alluvions anciennes du Rhin aux
environs de Mayence. Tout récemment encore on a cru reconnaître dans
les dépôts de la caverne de Thayngen, dans le canton suisse de Schaff-
hausen, deux formations d'époques distinctes, à cause de la différence des
couches. Mais cette différence consistait seulement dans la coloration des
dépôts, les mêmes espèces fossiles se trouvant également dans les deux
couches. Le professeur Rutimeyer, de Bâle, a reconnu parmi ces espèces
718 ANTHROPOLOGIE
le lion des cavernes, le mammouth, l'urus et le rhinocéros, espèces
aujourd'hui éteintes ; le renne, le glouton et le renard polaire, qui ont
émigré vers le pôle Nord; le wapiti et le canis lagopus,qui existent en-
core en Amérique ; l'aurochs, le cerf élaphe et l'oie sauvage qui se
trouvent dans les pays voisins en Europe ; le chamois, le bouquetin,
la marmotte, le lynx, l'ours, le chat sauvage, le loup, le renard, le lièvre,
l'aigle pêcheur,, le cygne, le corbeau, qui se sont retirés dans les Alpes
ou qui restent dans le pays environnant. A Cravanche nous n'avons encore
trouvé que quelques espèces, mais les fouilles sont commencées à peine
et n'oublions pas que les ossements fossiles de Thayngen proviennent en
majeure partie de sous le dépôt de stalagmites.
II
Si l'entrée primitive des grottes de Cravanche était fermée par les
dépôts d'alluvions anciennes venues des Vosges, et non par des éboule-
ments de la voûte on pourrait bien reporter l'époque à laquelle ont
vécu les hommes, dont nous y trouvons les restes, à uue date assez
rapprochée sinon contemporaine des anciens glaciers de nos montagnes.
L'homme fossile signalé par le docteur Faudel dans le lehm d'Eguisheim,
ainsi que celui découvert à Lahr, sur la rive badoise du Rhin, en tous
cas datent, suivant toute probabilité, de l'époque glaciaire. Les fossiles
humains d'Eguisheim consistent en deux fragments de la tète, un os
pariétal et un frontal, associés avec des restes de mammouth, de bison,
de cheval, de grand cerf. Tout récemment, le professeur Ecker, de
l'Université de Fribourg, a décrit aussi une collection d'objets en silex
et en jaspe, trouvés avec des ossements et des bois de renne travaillés
de main d'homme. Ces objets proviennent du lehm de Munzingen,
près Fribourg, au même niveau où furent découverts les fossiles hu-
mains de Lahr, dans les parois d'un ravin, près du cours de ia Schutter.
A Eguisheim comme à Lahr, les fossiles humains, dont nous venons
de parler, ont été recueillis en place dans un sol non remanié, enclavés
dans le lehm encore adhérent à leur surface. Les ossements de Lahr
se sont présentés en saillie sur les parois d'un ravin, placés horizonta-
lement, mais non dans la position d'un cadavre enterré à cet endroit.
Les fragments de crâne humain d'Eguisheim et les ossements de mam-
mifères d'espèces éteintes ou disparues qui les accompagnent indiquent
un même étal de conservation. Sur les deux points, en Alsace et dans
le pays de Bade, on a recueilli avec les fossiles humains les coquilles
fossiles caractéristiques du lehm : Hélix hispida, Pupa muscorum,
Succinca oblonga. Provenant d'un sol non remanié, ements de
Lahr et d'Eguisheim doivent avoir été enfouis dans ce dépôt lors de sa
formation, ainsi que les produits de l'industrie humaine, les ossements
CH. GRAD. — L'HOMME PRÉHISTORIQUE EN ALSACE 719
et les bois de renne travaillés, les objets en silex et en jaspe, accom-
pagnés de pestes de tessons, de Munzingeh, dans les terrasses de lehm du
Kayserstuhl. Toul concourl à indiquer la contemporanéité de ces objets
et de ces fossiles du lelmi.
La formation du lehm, je n'ai pas besoin de le rappeler, s'étend dans
toute la plaine du Rhin, depuis Bâle jusqu'à Mayence, avec des carac-
tères identiques, ("est un dépôt, de limon, composé d'un mélange intime
de sable fin, d'argile et de carbonate de chaux, chargé par places de
particules de mica, le tout parfaitement homogène, sans aucun vestige
de stratification. Variable dans sa puissance, cette formation atteint sur
certains points une épaisseur de 60 mètres et même plus, tandis que
sur d'autres elle manque complètement, laissant paraître à la surface le
sable et le gravier dvs alluvions plus anciennes qui constituent le sol
aride des plaines d'Haguenau et de la Hart. Le lehm ressemble en toul à
la boue glaciaire. Il provient en majeure partie d'un dépôt formé par
le Rhin, dans la plaine au-dessous de Bâle, à une époque où le grand
glacier, qui alimentait le fleuve, déposa les blocs erratiques de l'Albe
du Wurtemberg, sur les bords du lac de Constance. Du côté de la
Forêt-Noire, comme le long de la chaîne des Vosges, ce dépôt pénètre
à l'intérieur des vallées. Il y forme des amas à pente douce, étendus au
pied des montagnes. Partout il montre de nombreuses traces de dénuda-
tion, et il ne dépasse nulle part la limite inférieure des moraines fron-
tales les plus avancées.
Nous voyons le lehm au même niveau que les moraines frontales des
Vosges, et nous en concluons la contemporanéité de l'homme en Alsace
avec nos anciens glaciers. En effet, les moraines frontales de ces vallées
se superposent comme le lehm de la plaine, immédiatement au même
dépôt de comblement composé de cailloux et de sables plus anciens.
Ce dépôt inférieur de gravier consiste en galets d'origine alpine recou-
verts, le long des Vosges et de la Forêt-Noire, de cailloux roulés et de
sable, provenant des Alpes d'une part, de l'autre des Vosges et de la
Forêt-Noire. L'origine des galets se reconnaît toujours facilement par
leur différence et leur comparaison avec les roches des montagnes en-
vironnantes. Tandis que le lehm apparaît à l'intérieur des vallées en
lambeaux peu étendus, le comblement de gravier y pénètre, sans dis-
continuité, avec des caractères qui le distinguent nettement des forma-
tions glaciaires, et qui mettent en pleine évidence son origine fluviale.
Si plusieurs géologues ont confondu ce dépôt avec les moraines pro-
fondes, c'est bien à tort et sans observations suffisantes. Les matériaux
du comblement des vallées ne sont pas disposés comme ceux des
moraines profondes, mais comme les atterrissements des eaux courantes.
Dans les puits et dans les gravières intérieures des vallées, comme dans
720 ANTHROPOLOGIE
la plaine, le comblement ancien se compose de cailloux arrondis, sans
blocs erratiques, sans aucune trace de stries glaciaires, formant des
bancs avec une disposition identique à celle des bancs de gra-
vier déposés encore par les torrents et les rivières. Des galets y
sont disposés les uns contre les autres, comme les tuiles d'un
toit, au lieu d'être entassés confusément comme au sein des
moraines profondes. Dans toutes les vallées de l'Alsace, sinon sur le
versant lorrain des Vosges où la roche compacte ancienne se rapproche
plus de la surface, dans toutes les vallées de l'Alsace, les moraines
terminales des glaciers disparus s'appuient sur le même dépôt de
gravier ancien formé par les eaux courantes. Ces moraines ne dépassent
pas Giromagny dans la vallée de la Savoureuse, Kirchberg dans la
vallée de la Doller, Wesserling dans la vallée de la Thur, Metzeral dans
le bassin de la Fecht, ni Orbey dans celui de la Weiss. En Lorraine
la moraine terminale de l'ancien glacier de la Moselle se trouve au
Longuet, entre Epinal et Remiremont, sans preuve bien positive de
s'être avancée bien au-delà de ces limites.
Superposées également au dépôt d'atterrissement fluviatile antérieur,
les moraines terminales des vallées et le lehm de la plaine, avec fossiles
humains, sont des formations synchroniques et datent de la même
époque. Par conséquent, l'homme d'Eguisheim, au type dolichocéphale
avec de vastes sinus frontaux et des arcades sourcillières assez saillantes,
cet homme, le plus ancien peut-être dont les restes fossiles soient bien
authentiques, a vécu en Alsace pendant que les glaciers descendaient
des Vosges, et alors que les grands glaciers alpins recouvraient les
dépôts de charbon feuilleté de la Suisse. Je n'oserais affirmer que ces
hommes de la caverne de Cravanche ont été contemporains de l'homme
fossile d'Eguisheim; mais si l'entrée primitive des grottes a été comblée,
par des alluvions vosgiennes, leur date remonterait bien au-delà de la
construction des dolmens de la Bretagne, et dans tous les cas des
cités lacustres de la Suisse. Sans revenir ici sur les formations
glaciaires de la chaîne des Vosges que j'ai décrites en détail dans
le Bulletin de la Société géologique de France et dans la Revue
d'Alsace, en 1873, je rappellerai seulement qu'un climat plus
humide, avec des chutes de neige abondantes, dans les montagnes, suffit
pour expliquer le grand développement ides anciens glaciers, sans
abaissement considérable de la température. En effet, la température
moyenne du Grindelwald dans les Alpes bernoises, équivaut actuellement
ou descend à peine au-dessous de 8° centigrades, moyenne annuelle de
la température dans les Vosges au niveau des dernières moraines fron-
tales, entre 400 et 450 mètres d'altitude; à douze cents mètres d'altitude
les vallons supérieurs du Hohneck, dans le massif central des Vosges,
Cil. GRAD. — L'iIOMME PRÉHISTORIQUE EN ALSACE 721
présentent encore pendant les années humides, des petits glaciers tempo-
raires, où les amas de névés persistent quelquefois d'un hiver à l'autre
D'ailleurs l'humidité du climat manifeste parfaitement son influence sur le
développement des grandes glaces sur la côte occidentale de l'Amérique
du Sud à la Nouvelle-Zélande. A la Nouvelle-Zélande, sur le versant occiden-
tal des montagnes qui traversent cette grande île du Sud au Nord, les gla-
ciers descendent encore jusqu'à 200 mètres au-dessous de la mer, soit à l'al-
titude de la ville de Cohnar, au milieu d'une riche végétation de fougères
arborescentes, alors que, sur le versant opposé, dans une atmosphère
plus sèche, les glaciers les plus puissants s'arrêtent entre 800 et 1,000
mètres d'altitude. Même sur la côte du Chili, sous une latitude égale à
la nôtre, les glaciers atteignent, dans l'hémisphère austral, le niveau de
la mer, entre autres à Punto-Arenas.
La présence des glaciers n'a empêché nullement l'existence des grands
animaux associés avec l'homme fossile d'Eguisheim, et dont les restes
se trouvent enfouis dans les -alluvions anciennes de l'époque quater-
naire. Dans ces formations, on a recueilli sur le territoire de l'Alsace
des dents et des ossements de mammouth (Elephas primigenius), du bison
(Bos prisais), du grand ours des cavernes (Ursus speleus), de l'hyène
(Hyena spelea), du rhinocéros (Rhinocéros tichorhinus), d'hippopotame,
de cheval, de cerf, de sanglier. Nous avons trouvé ces fossiles dans le
lehm et dans les dépôts de gravier plus anciens, ou bien encore dans
les cavernes. Les cavernes de Lauw, dans le massif oolithique qui
s'étend à l'entrée de la vallée de la Doller et. qui ont été décrites par
M. Delbos, renferment les ossements du grand ours en quantité con-
sidérable, mêlés en moindre proportion avec des ossements de loup
(Canis speleus), de renard, de loutre, de chevreuil, de lièvre. Tous ces
animaux trouvaient dans le pays une nourriture suffisante, malgré les
neiges et l'extension des glaciers. Plusieurs espèces vivent encore main-
tenant, soit en Alsace, soit dans d'autres pays d'Europe. D'autres se
sont éteintes successivement ou se sont conservées jusqu'aux temps his-
toriques, entre autres le bison, l'aurochs, le renne, l'ours, le cheval
sauvage, tous détruits par la main de l'homme à des dates récentes,
sans intervention de révolutions telluriques subites.
Quelques observations nous suffiront pour expliquer comment les
grands animaux quaternaires ont vécu en Alsace pendant l'époque
glaciaire en même temps que l'homme qui en a fait sa nourriture. Et
d'abc-Fd le mammouth, le plus remarquable de ces espèces par la taille,
n'avait-il pas des poils serrés et longs de 40 centimètres pour le
garantir contre le froid ? Adams a découvert, en 1803, un individu
encore conservé avec ses chairs, dans les glaces de la Lena, en Sibérie.
Plus récemment, Edouard Lartet trouve dans une caverne du Péri-
46
722 ANTHROPOLOGIE
gord un dessin gravé sur une plaque d'ivoire, représentant cet animal
revêtu d'une fourrure longue et épaisse. A l'époque où il se trouvait
dans notre pays; le mammouth devait errer dans les pâturages, les
tourbières et les marais sur les bords du Rhin et de 1*111, entre les
différents courants d'eau issus des glaciers de la Fecht, de la Doller et
de la Thur. Probalement il avait des habitudes semblables à celles
de ses congénères d'aujourd'hui, les éléphants d'Afrique ou d'Asie.
Il devait s'asperger d'eau, se retirer pendant le jour au milieu des
sombres forêts de chênes, de saules et de peupliers, qui couvraient
alors la plaine. Partout, les rivières formées par la fonte des glaces en
ont charrié les cadavres et les ossements, que nous retirons aujour-
d'hui des graviers rhénans, comme du lehm d'Eguisheim.
Avec l'éléphant à crinière, ou le mammouth vivaient plusieurs espèces
de rhinocéros, comme lui recouverts de poils longs et raides, mêlés
d'une bourre épaisse, plus grands de taille que le rhinocéros actuel à
deux cornes, d'Afrique. Il y a plus d'un 'siècle, Pallas trouva égale-
ment en Sibérie, sur les bords de la rivière Wiljeri, affluent de la
Lena, la carcasse d'un rhinocéros tichorhinus, espèce dont nous avons
des restes fossiles recueillis en Alsace. Le rhinocéros de Pallas avait été
extrait du sable où il était resté pendant des siècles à l'état de congélation,
le sol de la contrée restant gelé pendant toute l'année jusqu'à une certaine
profondeur. Une laine courte et crépue, avec de longs poils gris, revê-
tait la peau. M. Brandt, professeur à l'Université de Saint-Pétersbourg,
a extrait plus tard d'une dent molaire de cet animal un peu de ma-
tière alimentaire à moitié mâchée, composée de fragments de feuilles de
pin, d'une graine do polygonacée, de très-petits morceaux de bois d'un
conifère. Preuve que le rhinocéros delà Lena, comme probablement
ceux d'Alsace, était forcé de se nourrir de végétaux arborescents, pen-
dant la saison d'hiver du moins.
Tout à l'heure, nous parlions de l'ours des cavernes de Lauw, dont
le musée de Mulhouse possède une si grande quantité d'ossements, Or,
l'ours n'aime pas la chaleur, et comme il habite encore les Alpes, il
n'a pas dû craindre le voisinage de nos glaciers vosgiens. Sa présence
indique un pays giboyeux. Beaucoup plus fort que l'espèce actuelle, il
ne pouvait se repaître seulement de petits animaux. Il lui fallait de
belles et bonnes pièces de venaison fournies par les troupeaux de cerfs,
de rennes, de bœufs. Les cavernes de Lauw ont aussi fourni des débris
d'hyènes. Ce sont des restes d'Hyena spelea, ancêtre (XHyena striata,
de même que l'ours des cavernes est peut-être la souche de l'ours actuel
des Alpes. Or, l'Hyena striata d'aujourd'hui se rencontre encore en
abondance dans des contrées très-froides, aussi bien que dans les pays
chauds. Son aire géographique actuelle s'étend depuis Sierra Leone, sur
m. GRAD. — L'HOMME PRÉHISTORIQUE EN ALSACE 7^5
la côte occidentale d'Afrique, jusqu'aux monts Altaï, en Sibérie. La
présence de ce carnassier, à l'époque quaternaire, ne nécessite donc
nullement une température élevée. Les ossements de sangliers (Sus-
scrofa) sont associés aux siens, dans les mêmes couches de notre sol.
Si le sanglier prospèn également dans nos pays et dans les régions
plus chaudes, il ne s 'avance pas cependant dans L'extrême Nord. On
peut conclure de sa présence à l'époque glaciaire, que l'Alsace était
alors moins froide que les contrées boréales actuelles, que l'hiver ne
devait pas être aussi rigoureux chez qous à cette époque que mainte-
nant par ;,:, degrés de latitude nord, extrême limite de l'extension du
sanglier vers le nord. Alors, comme aujourd'hui, le sanglier recher-
chait probablement les endroits humides et marécageux. Pour se
nourrir, il lui fallait des forêts de chênes. Gomme sa taille était forte,
le climat de l'époque lui convenait à merveille.
Inutile d'insister davantage sur les conditions d'existence de nos grands
mammifères contemporains de l'homme d'Eguisheim à l'époque glaciaire.
Fntre la nature de ces temps et celle d'aujourd'hui, la présence des
glaciers dans nos vallées des Vosges, maintenant si riantes, n'implique
pas la différence que nous sommes portés à penser de prime-abord.
Presque toutes les espèces d'alors pourraient encore vivre autour de
nous aujourd'hui. La végétation des forêts et la tlorc du pays n'ont pas
varié beaucoup. Quant aux espèces animales quaternaires qui ont dis-
paru sous le fer de l'homme aux temps historiques, après avoir habité
la région du Rhin et des Vosges à côté des grands glaciers, M. Gérard
a raconté les phases de leur extinction successive. L'aurochs et le bison
vivaient dans nos forêts encore au temps de Charlemagne, avec l'élan,
le grand cerf et le cheval sauvage. Le cheval sauvage, garanti contre
le froid par une fourrure épaisse, hantait encore les forêts des Vosges
au xvie siècle; le renne disparut déjà sous le règne d'Auguste.
Petit et trapu, le cheval de nos montagnes cherchait en hiver un abri
sous les rochers, résistant aux froids les plus violents, se nourrissant de
genêts, de bruyères, débranches d'arbres. Quant au renne, dont les
restes fossiles ont été reconnus dans le lehm de Munzingen et dans les
tourbières du Jura, ses habitudes et sa constitution le lient trop
à un milieu neigeux et à basse température, pour que nous
ayons besoin de rattacher son apparition en Alsace à la présence des
glaciers.
Tous ces grands animaux, l'homme les chassait pendant que les
glaciers descendaient dans chaque vallée des Vosges, à travers les forêts
de pins et de sapins sur les pentes des montagnes, de chênes, de frênes,
de bouleaux, d'aulnes et de trembles, dans les régions plus basses. Ces
sombres forêts servaient en même temps de retraite aux hommes, nos
724 ANTHROPOLOGIE
ancêtres, à l'ours, à l'éléphant, au rhinocéros, au bison et à l'aurochs.
Le renne hantait les lieux élevés et les plateaux, afin de se coucher
plus aisément dans la neige et sur la glace. Les troupeaux de chevaux
et les bandes de cerfs paissaient dans les tourbières et les marais. La
température moyenne descendait peu au-dessous de son degré actuel ;
mais le soleil se montrait rarement. Le ciel restait souvent gris et terne,
l'air chargé d'humidité. La quantité de neige et de pluie dépassait de
beaucoup sa hauteur annuelle de nos jours. Pendant l'hiver, quand le
ralentissement ou l'arrêt de la fonte des glaces diminuaient les cou-
rants d'eau, le cours des rivières était barré parfois. Au printemps
survenaient de nouveau de violentes débâcles pendant lesquelles les
torrents tumultueux charriaient au loin les cadavres des animaux et de
l'homme que nous trouvons maintenant engloutis dans le lehm. L'Ill et les
cours d'eau moins forts des Basses-Vosges, la Zorn et le Moder étaient
marécageux sur leurs bords. L'humidité froide du pays favorisait le
développement des tourbières anciennes du Ried et des environs de
Haguenau. Tels, les observations nouvelles nous représentent la nature
et le tableau de l'Alsace à l'époque quaternaire.
DISCUSSION.
M. Cartailhac adresse, au sujet de la communication précédente, la note
suivante :
M. Grad doit vous entretenir de la grotte de Cravanche-Belfort. Cette grotte
sépulcrale a été découverte dans un pays bien pauvre en fait de gisements de
ce genre (1); on a beaucoup parlé d'elle et l'une des personnes qui l'ont décrite
s'est signalée par une incroyable imagination unie à bien peu de connaissance
de l'archéologie préhistorique. M. Grad, naturaliste estimé, s'est lui aussi laissé
entraîner dans cette voie, et l'article qu'il a publié dans la revue la Nature est
écrit un peu trop sous l'influence des idées de M. Youlot.
Je me suis rendu à Belfort il y a quelques semaines, et j'ai pu visiter la
grotte, étudier son mobilier, grâce à l'extrême obligeance du maire, M. Pari-
sot. La caverne est exceptionnelle en ce sens que depuis l'époque des inhuma-
tions elle est restée fermée; les terres ne l'ont pas envahie et dans la plus vaste
salle les stalagmites ne s'étaient pas formées au-dessus des squelettes humains.
Les inventeurs ont vu tout d'abord les ossements, les vases, etc-, et n'ont eu
qu'à les emporter. On ne sait pas exactement ce qui a ainsi disparu dans le
premier moment. Grâce à l'énergie de M. Parisot, la grotte a été refermée; à
cette heure même, l'exploration n'est pas terminée; sous le linceul de stalag-
mites de la deuxième salle, les squelettes allongés se devinent çà et là. Il sera
bien difficile d'extraire des ossements un peu entiers.
Dans la première salle, le sol est formé par une couche très-profonde de
blocs et de dalles tombés de la voûte et entassés dans le plus grand désordre;
(1) J'ai vu au musée de Belfort des éclats d'aphanites et autres [lierres que l'on a cru travaillés
et l'indice de stations préhistoriques; en général ces pierres ne m'ont point paru travaillées.
Dr IIAMY. — RTHNOGÉNIE DE LA SEINE-INFÉRIEURE ~25
sur deux points au moins, sous des dalles assez grandes, la main de l'homme
avait l'ait un certain vida et les corps avaient été placés dans ces niches; c'est
à tort que l'on a parlé de dolmens, de demi-dolmens; les demi-dolmens sont
des dolmens ruinés, les dolmens sont des cryptes closes de partout; il y aloin
de ces monuments à l'arrangement offert par la grotte en question. Ce qui est
intéressant c'est de constater sur les dalles qui recouvraient les restes humains
des traces de foyers.
La série d'objets recueillis jusqu'ici permet d'affirmer que nous avons affaire
avec une population de l'âge de la pierre polie; rien absolument ne peut auto-
riser à croire qu'il y a dans cette cavité un dépôt quaternaire. Vous verrez
avec intérêt les dessins de quelques-uns des objets réunis au musée
de Belfort (PI. XXII bit)] la poterie est intéressante par laforme des vases
et leur ornementation ; je crois utile de faire observer en passant l'identité de
quelques-uns de ces vases avec le vase du trou du Frontal en Belgique, ce qui
continue cette opinion, admise aujourd'hui et que j'ai soutenue le premier, à
savoir que la sépulture du trou du frontal, superposée à un gisement quater-
naire, est néolithique.
Les silex sont mal taillés et ce n'est pas sans surprise que nous avons con-
staté l'absence de pointes de flèches et de régulière* pointes de lances communes
d'ordinaire dans les gisements de et; genre. Les ossements offrent une parti-
cularité utile à noter; quelques-uns sont des rebuts de fabrication ou des pièces
inachevées: tel est, par exemple, une emmanchure de hache; si, comme je le
crois, la grotte n'a pas servi de station, il est curieux de trouver dans le mo-
bilier funéraire de tels objets non terminés.
Les dentales ont été sur un point saisies par le dépôt calcaire et offrent une
juste idée de leur groupement dans la parure de ces sauvages ; on a ainsi un
objet qui rappelle exactement les ornementations actuelles des Océaniens.
M. le D1 HAMT
Aide-Naturaliste au Muséum.
ETHNOGÉNIE ARCHÉOLOGIQUE ET CRANIENNE DE LA SEINE-INFERIEURE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 2$ aoiït 1877. —
Le docteur Hamy développe YEthnogènie archéologique et crânienne de la
Seine-Inférieure. Après un préambule bibliographique ou revue des auteurs qui
se sont occupés de l'archéologie du département, entre lesquels se distingue
surtout Cochet, il étudie successivement chaque période en commençant par
les plus anciennes.
Comme stations paléolithiques, Cochet, dans sa statistique de la Seine-Infé-
rieure, n'en cite que deux : Sotteville -lès-Rouen et Arques. Dans son supplé-
726 ANTHROPOLOGIE
ment, il en ajoute une troisième : Beaumont-le-Harang. M. Hardy en a signalé
depuis diverses autres. M. Hamy en connaît dix ou onze en place, dans les
alluvions quaternaires, et quatre à la surface. Ces stations se trouvent surtout
dans le voisinage de la Somme et occupent la moitié orientale du dépar-
tement.
En fait d'ossements humains quaternaires, M. Hamy ne cite qu'un crâne
assez incomplet. Il a été recueilli par M. Bucaille, dans le limon rouge quater-
naire, au Petit-Quevilly, près de Rouen. L'inventeur ne doute pas qu'il soit
quaternaire. C'est une voûte crânienne néanderthaloïde, dont le diamètre
antéro-postérieur est de 191 millimètres et. le diamètre transverse approxima-
tivement de 140. Le crâne est donc dolichocéphale. Il est en outre trôs-aplati,
mais le front n'est pas fuyant. Il se rapproche du crâne de l'Olmo.
Le néolithique n'a pas fourni de documents crâniologiques dans la Seine-
Inférieure. Pour connaître l'homme de cette époque, il faut faire une excur-
sion dans le département voisin, l'Eure. M. Hamy décrit les hommes ensevelis
dans le dolmen de Léry. Ils appartiennent à la race de Cromagnon.
En fait de dolmens, la Commission des Gaules n'en cite que deux, dont un
ruiné.
Les stations donnant des silex ouvrés néolithiques sont fort nombreuses.
Il en est d'une très-grande importance comme celles de Londinières, de
Blangy, etc. La carte de ces stations montre qu'elles sont aussi groupées en
abondance dans la partie orientale du département, tandis qu'elles sont rares et
disséminées dans la partie occidentale. Une ligne partant de Caudebec-en-Caux
et allant à Dieppe, coupant le département obliquement, divise les régions
pauvres en silex ouvrés des régions riches.
On a cité, dans la Seine-Inférieure, beaucoup de camps. Quelques-uns
doivent se rattacher à l'époque néolithique. Malheureusement il règne à leur
égard beaucoup d'incertitude, même pour le plus connu et le plus fouillé, la
Cité de Limes.
L'âge du bronze a fourni des trouvailles disséminées, mais pas de sé-
pulture.
L'époque gauloise, caractérisée par ses vases d'un cachet spécial, et ses
sépultures à incinération, n'a fourni aucun document anthropologique. Les
cimetières de cette époque semblent être groupés surtout vers l'est, comme les
indications des époques précédentes.
Pour ce qui concerne l'époque gallo-romaine, M. Hamy produit la carte de
William Martin. Cette carte montre que la population était alors fort dense et
s'équilibrait pour la première fois dans toute l'étendue du département. Cette
époque n'a rien fourni comme renseignement anthropologique. Dans le com-
mencement, l'incinération était encore en vigueur. "Vers le bas temps on inhu-
mait; malheureusement on a laissé perdre les squelettes trouvés.
Il n'en est pas de même delà période des invasions barbares. Cette période
a laissé dans la région de nombreux cimetières, dont les plus abondants sont
ceux de Londinières, d'Envermeu, etc. Leur distribution suit la même loi que
celle des stations de la pierre.
De nombreux crânes ont été recueillis. Dix provenant de Londinières ont
|i' HAMY. — ETHNOGÉNIE ARCHÉOLOGIQUE ET CRANIENN1 727
donné comme indice moyen T::,:.i. La moyenne des crânes du Muséum de
Paris provenant de diverses localités de la Seine-Inférieure est Ti.iiT. C'esl
le type de Bellairetde toute nos stations françaises, type se rapprochant de
celui des hommes du nord , de la Scandinavie.
Qu'est devenu ce type, cette race?
Elle s'est peu à peu fondue dans la population actuelle du département, ce
que démontre l'étude successive des cimetières des époques suivantes. On y
voil la dolichocéphalie s'atténuer peu à peu et finir par se fondre dans le grand
tout actuel.
DISCUSSION
M. de Mortillet fait observer que M. Ilamy, dans son énumération bibliogra-
phique, a oublié de citer la carte préhistorique de la France, parue dans la
Nouvelle Géographie universelle de M. Elisée Reclus. Dans cette carte, M. de
Mortillet cite, pour la Seine-Inférieure, huit stations paléolithiques et en place
deux à la surface.
Quant au crâne du Petit-Quevilly, M. de Mortillet ne pense pas qu'il soit
quaternaire. Ce crâne contient dans ses cavités des restes de limon; on voit
que ce limon est très-perméable et pourtant l'os ne happe pas à la langue, il
contient encore de la gélatine, ce qui démontre qu'il n'est pas très-ancien.
Dans un pareil milieu, il devrait être beaucoup plus altéré.
Du reste M. Hamy l'a comparé au crâne de l'Olmo, dont la très-haute anti-
quité n'est pas parfaitement démontrée
M. de Mortillet fait aussi remarquer que les stations néolithiques citées par
M. Ilamy, Londinières et Blangy, plus connues sous les noms des Maretteset
de Campigny, ne sont pas de même nature. La station de Londinières ou
des Marottes est un vaste atelier de taille, c'est une usine. La station de Blangy
ou de Campigny est un lieu d'habitation, un vrai village ou bourg.
M. Broca, à propos du crâne de l'Olmo, répond à M. de Mortillet que s'il en
est qui pensent que ce crâne est plus récent que le quaternaire, il en est
d'autres qui le font tertiaire.
Passant à l'examen du crâne du Petit-Quevilly, M. Broca constate qu'il est
platicéphale à un degré très-étonnant. Il y a une asymétrie prononcée des
arcades sourcilières. Le front n'est pas du tout fuyant.
M. Broca a pu mesurer exactement le diamètre transverse. Il est de
144 millimètres, ce qui donne comme indice céphalique 75,79. Cet indice est
au-dessus de la race de Canstadt. Les sutures sont aussi beaucoup plus com-
pliquées que dans cetie race et l'occiput moins développé.
Le crâne du Petit-Quevilly ne se rapporte donc pas à la race de Canstadt. Il
n'a point du tout les caractères d'une grande ancienneté et la platicéphalie
exagérée pourrait bien être le résultat d'une déformation posthume.
Enfin M. Lâgneau, qui possède si bien l'ethnogénie de la France, entre dans
des considérations historiques qui complètent tout ce qu'on a pu dire sur les
anciennes populations de la Seine-Inférieure.
728
ANTHROPOLOGIE
M. Gustave LAGOAÏÏ
CARTE ETHNOGRAPHIQUE DE FRANCE
— Séance du 27 août 4 877. —
-♦♦Y -v-i"4tlhîîî*ïî-
P'ig. 57. — Carte ethnographique de France ,
INDICATION DES SIGNES.
^ Localités où ont été trouvés des fossiles humains des races de Néanderthal
et de Cromagnon.
gg^ ? Pays occupés par des peuples de race ibérienne : Ibères en Espagne ;
F~~g 3 Aquitains au nord des Pyrénées et au sud, voire même au nord de la
■J Garonne ; Basques dans les Basses-Pyrénées.
V+%V I>aJ's 0CCUPés Par les Ligures dans les Alpes et sur le Littoral méditer-
♦ ♦♦♦♦ ranéen.
G. LAGNKAU. — CARTE ETHNOGRAPHIQUE DE FRANCE
7-29
...-.•... Pays occupés par 1rs Celtes dans le Nord-Ouest de l'Europe, principale-
•'■'• '■•^ nient au Nord de la Garonne, de l'Océan aux Alpes.
Régions principalement ilu Nord et de l'Est de notre pays, envahies parles
t',"/i immigrants Galates. Belges, Prancks, Burgundions, Wisigoths, Nordmans,
Saxons. Flamands de races germaniques septentrionales.
, „ Villes fondées ou colonisées par les Grecs et les Romains, sur le littoral
méditerranéen .
localités occupées par des Alains et Théiphales : Alains des environs de
° ° ■ ' Valence ; Théiphales du pays de Tiffauges sur la Sevré Nantaise, etc.
Au Sud-Ouest de la France, dans les Basses-Pyrénées, au sud de l'Adour, une ligne
ponctuée allant du pic d'Anis pour aboutir à l'Océan indique la limite de la langue
Euskuara ou Basque.
Au Nord-Ouest, en Bretagne, une ligne ponctuée partant an-dessus de l'embouchure
de la Vilaine pour aboutir auprès de Plouha et sur les côtes du Nord, indique la
limite de la langue breizad ou bretonne.
Au Nord-Est une ligne ponctué.- s'avançanl jusqu'à l'.Va, jusqu'à Saint-Omer, indique
la limite occidentale du VMmsch ou langue flamande, et des autres dialectes ger-
maniques.
Sur cette carte ethnographique dressée d'après les documents histo-
riques et anthropologiques, on a exprimé par des blancs ou par divers
ombrés et ponctués plus ou moins tranchés, uniformes ou mêlés, la ré-
partition géographique, la juxtaposition et l'immixtion des divers éléments
ethniques, c'est-à-dire des nombreux peuples de différentes races qui
concoururent à la formation de la population actuelle de la France.
Sur cette carte figurent, marquées d'un astérique, quelques localités
comme Moulin-Quignon (Somme), Eguisheim (Haut-Rhin), le Mont-
Denise (Haute-Loire), Cro-Magnon (Dordogne), Baoussé-Roussé (Alpes-
Maritimes), etc., où ont été recueillis des ossements fossiles appartenant
aux races dolichocéphales très-anciennes de Néanderthal et de Cro-
Magnon. De ces races contemporaines des grands mammifères d'espèces
éteintes ou émigrées, le dernière paraît avoir certains rapports anthro-
pologiques avec les Guanches des Canaries, certains Kabiles d'Afrique
et certains Basques, etc. MM. de Quatrefages, Hamy, Rouiou, Verneau
ont reconnu encore parmi nos compatriotes actuels quelques très-rares
individus paraissant se rattacher à ces races dolichocéphales très-an-
ciennes (1).
Les Aquitains, de même race que les Ibères de la péninsule hispanique,
de l'Espagne, parlant la même langue, selon Strabon (2), présentent les
mêmes caractères : cheveux noirs et bouclés, teint basané, mentionnés par
(1) De Quatrefages et Hamy : Crania Ethnica, pp. 32, 94, etBull. de la Soc. d'Anthrop., 2e série,
t. IX, p. 260-6, 1874. - Roujou, Verneau: Bull, de la Soc. d'anthrop., 2e sér., t. VII, p. 437-443 ec
t. XI, p. 408, 1876.
(2) Strabon : liv. IV, cap. I, § I, et cap. II, § I, p. 146 et 157.
730 ANTHROPOLOGIE
Tacite (4) et Jornandès, ces Aquitains sont indiqués, par un ombré formé
de lignes horizontales, comme occupant la presque totalité de la région
comprise entre les Pyrénées et la Garonne, le Rhône et l'Océan. Les
Aquitains qui vraisemblablement, dans des temps très-anciens, avaient
occupé également une région plus ou moins étendue située au nord de
la Garonne comprenant les territoires des Sennates Cambolectri et des
Agésinates, indiqués par Pline (2), paraissent avoir été refoulés du nord
au sud comme de l'est à l'ouest. En elïét d'une part deux tribus Gelto-
Galatiques habitaient au sud de l'embouchure de la Garonne. Les Bitu-
riges-Vivisques; frères des Bituriges-Cubes, anciens habitants des envi-
rons d'Avaricum, Bourges, avaient pour capitale Bunli<j<ila, Bordeaux;
ainsi que le dit Strabon (3). Et les Boies Picei, parents des Boies de
Bohême (Boio-Hemum, demeure du Boies) et de ceux des bords de
l'Allier sont mentionnés par saint Paulin (4) sur une partie plus méri-
dionale du littoral de l'Océan comme se livrant déjà à l'exploitation des
pins. D'autre part, de l'est à l'ouest les Ligures qui, suivant Festus
Avienus, étaient séparés des Ibères par le Bas-Rhône (o), paraissent les
avoir refoulés jusqu'à l'Aude, car Hécatée regarde les Eléziks habitant
près de cette rivière comme étant des Ligures (6).
Considérés comme étantles pluspurs représentants de cette race ibérienne
certains Vascons ou Basques, principalement vers le vie siècle après J.-G.,
seraient passés du sud au nord des Pyrénées occidentales. Leur langue
est encore parlée dans une partie du département des Basses-Pyrénées,
limitée par une ligne sinueuse qui, selon M. Broca, partirait du pic
d'Anis, au sud-est, pour se porter au nord vers Esquiale et se réfléchir
vers l'Ouest, jusqu'à l'Océan auprès de Bidart (7).
Indiqués sur cette carte par de petites croix, les Ligures qui se se-
raient avancés vers le nord sur les bords de la Loire, Arppsç où Arte-
midore, Stéphane de Bysance et Eustathe signalent leur présence (S),
non-seulement peuplaient le littoral nord-ouest de l'Italie, mais aussi
occupaient les Alpes et notre littoral méditerranéen, d'abord jusqu'au
Rhône, puis jusqu'aux pieds des Pyrénées orientales, dans une région
où ils se trouvaient mêlés aux Ibères ainsi que l'indique Scylax (9).
Les Ligures s'élevaient moins vers le nord dans la vallée du Rhône que
(1) Tacite : I ,, XI;— Jornandès, De Get., ch. il, \>. 42:;, coll. Niard.
(2) Pline : 11. V. I. i\ . chap. wxiii, n° 1, p. 20V, I ■ de l.ittré.
(3) Strabon : I. iv, chap. H, s t, p. 157, coll. Didot.
(4) Saint Paulin : Opéra, p. 177, épit. iv, Antverpiae, 1622.
(5) Festus-Aviencs : Orœ mai 609-61 1, p. 138, texte trad. de Despois et Saviot.
ir, EÉCATÉE : cité par Stépha Hisloria Crrœcor. fragmenta, t. 1. p. -2, n° 20
coll. Dii
(7) Broca : Assoc.pow l'avanc. des sciences, session de Lille, 1874, p. 539 el ailleurs.
(s Artémidore cité par Stéphane ne Bysance, t. 1. p. 11 6, de l'éd. de Meinek. Berlin, 1849 —
Botta : Comm. sur Denys le Périégète, vers 76, coll. Didot., p. 231.
(9) Scylax de Caryande : Perij/k, § 3, p. 17, coll. Didot
G. LAGNEAU. — CARTE ETHNOGRAPHIQUE DE FRANCE 731
dans les Alpes. Les Voconces qui habitaient principalement au sud de
l'Isère, quoique parfois considérés comme Ligures, ne l'étaient pas selon
Pline (1). Dans la chaîne des Alpes, les Ligures, d'après Stràbon, paraî-
traient s'être maintenus dans les hautes vallées jusque vers le Mont-
Blanc, jusqu'au Haut-Rhône (2). Les Ligures paraissent avoir été très-
brachycéphales.
Indiqués sur la carte par un ponctué plus ou moins fort et serré selon
la pureté plus ou moins grande de la race, les Celtes auraient occupé
la plus grande partie du nord-ouest de l'Europe, depuis le Haut-Danube,
selon Hérodote (3). Refoulés ou soumis par les peuples de la Germanie,
les Celtes paraissent surtout s'être maintenus dans la Celtique, vaste
région s'étendant de l'Océan aux Alpes, de la Garonne à la Loire. Cer-
taines peuplades celtiques semblent avoir été refoulées plus au sud par
les immigrants trans-rhénans. Il a déjà été parlé des Bituriges Vivisques,
pareillement les Séquanes, qu'Artémidore et Stéphane de Bysance disent,
devoir leur nom à la Sequana, la Seine (4), refoulés vers le sud-est,
eurent Vesontio, Besançon, pour capitale. Des Ségusiaves, ayant Bko-
dumna, Roanne, pour ville principale, allèrent fonder Segusio, Suze, sur
le versant italien des Hautes-Alpes. Pareillement les Insubres Caturiges
dont parle Pline, parents dés Insubres Eduens, du bassin de la Saône,
mentionnés par Tite-Live, habitaient nos Hautes-Alpes aux environs de
Caturiges et d' Ebrodunum, de Chorges et d'Embrun. Les Ségobriges se
fixèrent à l'est de l'embouchure du Rhône chez les Ligures Salluves ou
Sallyes, dans la région où plus tard s'éleva la ville grecque de Massilia,
Marseille. Les descendants des Celtes, brachycéphales, aux cheveux
châtains, à la taille peu élevée, ainsi que permet de le reconnaître ia
répartition des exemptions du service militaire pour défaut de taille, cons-
tituent la plus grande partie de notre population.
Un dialecte de langue celtique, le Breizad, le breton, présentant lui-
même plusieurs sous-dialectes, est encore parlé dans la Basse-Bretagne, à
l'ouest d'une ligne qui, partant au sud près de l'embouchure de la Vi-
laine, aboutit au nord à la mer dans la partie occidentale du départe-
ment des Côtes-clu-Nord, entre Etables et Plouba.
Indiqués sur cette carte par de petits traits laissant entre eux des
interstices plus ou moins blancs, les immigrants d'outre-Rhin,la plupart
appartenant à la race germanique septentrionale, à la taille haute, aux yeux
bleus, aux cheveux roux ou blonds, ainsi que l'indique Tacite (5'), se ré-
pandirent très-inégalement au milieu des populations antérieures de
1) Pline : 1. III, cap. xxi, p. I7ii.
(2) Strai;on : 1. IV, cap. VI, § 6, p. 170.
(3) Hérodote : 1. II, § 23.
'a) Artémidore cité par Stéphans db Rysance, éd. d. 7, Groaovius, in- fol. Amsielodami, 1G78.
(5) Tacite : De Mot. Germ. IV. .
732 ANTHKOl'OLOGIE
notre pays. Les Galates, grands, blancs et blonds, d'après Diodore de
Sicile, occupaient le littoral septentrional depuis l'Océan jusqu'au delà
des montagnes du Hartz, jusqu'à la Scythie, la Russie actuelle (1).
Les Belges, la plupart d'origine transrhénane, selon César et maints
autres auteurs (2), occupaient la région comprise entre le Rhin et la
Seine. Selon Strabon, quelques-unes de leurs tribus s'avançaient jus-
qu'à la Loire.
Sortis de la Scanzia, la Scandinavie, les grands et blonds Wisigoths
décrits par Procope et Jornandès (3), bien qu'ayant occupé la partie
méridionale des Gaules, au sud de la Loire, à partir du commencement
du ve siècle ap. J.-C, ne paraissent avoir laissé des descendants que
dans certaines parties de la Septimanie, région maritime comprise entre le
Rhône et les Pyrénées. Encore actuellement, le département de l'Hérault,
portion de cette région où ils se retirèrent après la bataille de Vouillé,
contrairement aux. autres départements du Midi, présente une assez
grande proportion de recrues de haute taille.
Les Burgundes ou Burgundions, de taille gigantesque suivant Sidoine
Apollinaire (4), venus des bords delà Viscla, laVistule, après s'être empa-
rés d'abord de la région comprise entre le Rhin et la Moselle, après avoir été
refoulés en Sabaudia, la Savoie, paraissent s'être fixés principalement entre
la Saône et le Jura, portion des royaume et duché de Bourgogne, divisés
depuis en plusieurs provinces. Encore actuellement les départements du
Doubs, du Jura et de la Côte-d'Or sont de tous les départements de la
France ceux qui offrent le moins d'exemptés du service militaire pour
défaut de taille et le plus de recrues de haute stature. Dans le dépar-
tement du Doubs, ainsi que l'a fait remarquer M. Bertillon, la présence des
descendants des deux éléments ethniques s'y étant stratifiés, les Séquanes,
de race celtique, de petite taille, et les Burgundions, de race germanique
septentrionale, de très-haute taille, s'y manifeste simultanément par
deux maxinui, l'un à lm,63, l'autre à lm,73, dans la répartition sériale
des différentes tailles des conscrits, (o)
Les Francks, grands et blonds (6), peuplades des bords du Rhin,
confédérées sous cette dénomination commune comprenant des Si-
cambres, des Saliens, des Chamaves, des Tenchtères, etc., occupèrent sur-
tout la région nord-est des Gaules. Disséminés sur toute la surface du
pays auquel ils donnèrent le nom de France, leur influence étrangère
(1) Diodore de Sicile : 1. V, cap. xxyiu et xxxii.
(2) césar : De Bello Gallico, I. il, cap. iv.
(3) Pkocopk : De Bello Vandalico, § 3, p. 312. — Jornandès : De Getarum sire Gothorum origine,
cap. m, p. '. u t . etc.
(A) Sidoine Ai'oi.i.in uhe. t. Il, 1. VIII, épist ix, p. 316 ,el t. III, Carmen, xii, vers. 2, p. 202, texte
et trad. de Grégoire et Collombet, 1836.
(5) Bertillon, Lagneao : IUiU. ,lc lu Soc. d'Anthrop., t. IV. p. 240 et 346, 1S63.
(6) Sidoine Apollin. Panégyr. Majorian. vers 220, p 7;i, iln 1. III. et Panégyr. Avit, v. 42, p. 112.
— Pactua Legis Saliœ. l'rol. p. 122 du t. IV de Dom Bouquet, lleci des Hist. des Gaules.
G. LAGNEAU. — CARTE ETHNOGRAPHIQUE DE FRANCE 733
semble n'avoir nullement été en rapport avec leur importance poli-
tique.
Les Saxons, venus du sud du Danemarck et du nord-ouest de la
Germanie eurent quelques colonies ou établissements en Gaule, princi-
palement chez les Baiocasscs, anciens habitants des envirous de Bayeux.
Grégoire de Tours, à plusieurs reprises, parle de ces Saxons-Baiocasses
à propos des guerres des Francks Mérovingiens et des Bretons (1).
Les Flamands, qui occupent la partie la plus septentrionale du dé-
partement du Nord et quelques communes de celui du Pas-de-Calais,
et qui, dans cette région actuellement assez limitée, parlent, comme les
Flamands de Belgique, un dialecte bas-allemand, le Wlaëmisch, ont de
grands rapports avec les Saxons du nord-ouest de la Germanie.
Les Nordmanns, vaillants marins d'origine Scandinave, de taille très-
élevée, aux cheveux souvent roux, se tirent céder au commencement
du xp siècle une partie de la Neustrie, de l'Epte au Coësnon, région où
ils se mêlèrent aux habitants antérieurs de race principalement celtique.
D'une manière générale, la présence des descendants des immigrants
de grande taille de race germanique septentrionale se révèle encore
par la taille relativement élevée des habitants des régions anciennement
envahies. En effet, la répartition des exemptés du service militaire pour
défaut de taille, et celle des recrues de haute stature, étudiée par
MM. Boudin et Broca (2), montrent que dans les départements du nord
et de l'est, plus ou moins blancs sur la carte, correspondant aux pays
occupés à diverses époques par les Normands, les Saxons, par les Ca-
lâtes, les Belges, les Francks, par les Burgundions, c'est-à-dire au
nord-est d'une ligne allant du département de la Manche à celui de
l'Isère, la taille de la population est généralement plus élevée que celle
des habitants des régions anciennement peuplées par les Aquitains, les
Ligures et surtout les Celtes.
Outre ces quatre principaux éléments ethniques : 1° Aquitains de race
ibérienne; 2° Ligures; 3° Celtes; et 4° immigrants Galates, Belges,
Wisigoths, Burgundions, Francks, Saxons, Nordmanns de race ger-
manique septentrionale, notre pays fut habité par divers colons ou
peuplades vendus en moindre nombre.
Les colons grecs et romains appartenant aux races Pélasge, Hellène,
Tyrrhénienne, Sabellique, se fixèrent principalement dans les villes de
notre littoral méditerranéen : MaacaXia, Marseille; Niy.aia, Nice; Iepbv,
Hyères, 'A^aO-/;, Agde, etc., etc., indiquées par de petits cercles.
OJGrégoirb de Tours : Hist. Francor., 1. V, cap., xxvn, p. .272, du texte et trad. de Guadet et,
Taranne 1837. Voir aussi, 1. X, cap. ix, et épitomata LXXX.
(2) Broca : Rech. sur l 'Ethnologie de la France (Mém. de la Soc. d'Anthrop., t. I, p. 1-36 et t. II,1
p. 147 210.) — Boudin : De l'accroissement de la taille en France {Mém. de la Soc. d'Anthrop., t. H
p. 221-259.)
734 ANTHROPOLOGIE
Des mercenaires, des troupes d'Alains, de Sarmates, de Théiphales,
s'établirent sur divers points des Gaules. Sambida et ses Alains reçurent
des terres sur les bords du Rhône, près de Valence, d'après Prosper
Thon (1). Des Théiphales demeurèrent dans le Bas-Poitou où les men-
tionne Grégoire de Tours (2). La ville de Tiifauges, sur la Sèvre-Nan-
taise, rappelle encore leur nom.
Les Sarasins, d'origine sémitique, envahisseurs de notre pays, les
Maures fugitifs, sortis d'Espagne, restèrent en petit nombre dans quel-
ques villes du versant nord des Pyrénées, dans quelques vallées des
Alpes comme celle des Bauges, et dans quelques autres petites localités.
Les Juifs, également de race sémitique, en partie expulsés de la Pénin-
sule s'établirent en grand nombre, à Bayoune, à Bordeaux, à Avignon.
Indépendamment de ces Juifs espagnols et portugais de race sémitique
plus ou moins pure, de nombreux Juifs allemands, la plupart d'origine
germanique et slave, mais ayant adopté le judaïsme, habitèrent et habi-
tent surtout l'Alsace et la Lorraine.
Les Tsiganes ou Bohémiens, d'origine peut-être indienne, paraissant
n'être arrivés en France que vers le commencement du xvf siècle, par-
courent en nomades nos départements, surtout ceux du Midi; ou excep-
tionnellement demeurent sédentaires, comme les Gascarotacs de Ciboure
près de Saint-Jean-de-Luz, dans les Basses-Pyrénées, comme les Hnidns
près de Bitche en Lorraine.
A la suite de ces colons, de ces fugitifs immigrés sur notre sol, doi-
vent encore être rappelés les Cagots des Pyrénées, les Vaudois des
Hautes-Alpes, les Anabaptistes, d'origine frisonne, fixés à Montbéliard
et dans les Vosges, les Forétins, d'origine écossaise, de Saint-Martin-
d'Auxigny près de Bourges, les habitants de Courtisols, d'origine suisse,
fixés près de Notre-Dame-de-1'Epine , dans le département de la
Marne, etc., etc.; diverses petites populations pouvant être indiquées
sur une grande carte coloriée comme celle présentée à la section d'an-
thropologie, mais ne pouvant l'être sur une carte aussi réduite que
celle ci-jointe.
DISCUSSION
M. Hovelacque. La carte ethnographique de M. Lagneau est un point de
départ excellent. J'ai pourtant à formuler une réserve d'ordre général. Le
domaine aquitain (ou ibérique) est peint on bleu, le celtique en rouge, le
ligure en vert : au point de vue historique cela est fort bien, mais au point
(0 Prosper Tiron : Ckronicon -An' Henrici Canisii, t. i. il 172, Ingolstadii, 1601.
- Grégoirbdb ours : Bist. < ;., t, il, 1. V. cap. vu. p. 194, texte et trad. de Taranue,
Paris, is;n — et Vite Patrum, cap. w, p. \±îs, éd. de Iheod. Ruinait, 1699.
<;. LAGNEA1 . — CARTE ETHNOGRAPHIQUE DE FRA M I 735
de vue ethnique une distinction aussi catégorique entre les Celtes (Bretons ,
Auvergnats), et les Ligures (Savoyards, Piémontais, etc.) me semble peu
acceptable. M. Lagneau s'appuie sur la différence d'indice céphalique. Mais
celle-ci est faible; 2 0/0 ou 3. L'indice nasal, l'indice orbitaire, et la con-
formation généraledu crâne relient intimement le Savoyard à l'Auvergnat et
au Breton. J'attribue à l'influence burgonde la haute taille que possèdent cer-
tains savoyards et la teinte plus claire des cheveux dans certains cantons.
Mais la forme du crâne a persisté et elle est semblable à la forme celtique.
Ainsi, en principe, l'occiput tombe en ligne presque directe sans qu'il y ait
une partie inclinée vers le lambda. Le front est le même; il présente une
dépression horizontale assez marquée entre les bosses frontales et les arcs
sourciliers. Tandis que les Ibères se distinguent nettement des Celtes, je ne
puis donc dissocier les Ligures de ces derniers, et je voudrais pour eux, sur
cette carte, une couleur de même gamme que le rouge, par exemple le brun.
En autres termes, Celtes et Ligures sont à mes yeux deux variétés d'une seule
et même race.
M. Hamy, dans un travail analogue à celui de M. Lagneau, a procédé par
époque. En abordant l'étude de la période mérovingienne, il s'est fondé sur les
documents archéologiques qu'elle peut fournir, les documents de cette nature
offrant des garanties de précision toutes particulières. Il est rare, en effet, de
rencontrer dans les sépultures mérovingiennes des vestiges d'un type autre
que le type franc. M. Hamy estime que c'est au moyen de cartes du genre de
celles qu'a dressée M. Lagneau que l'on parviendra à résoudre les problèmes
ethnographiques .
M. Broca. Sur ce qui a trait à la taille, nous possédons en France des no-
lions positives. Mais sur la couleur des cheveux et des yeux, nos connaissan-
ces se limitent à de pures impressions. Les faits statistiquement coordonnés
nous manquent. Il y a longtemps déjà, M. de Jouvencel avait fait la proposi-
tion d'ouvrir une enquête rigoureuse sur le sujet, dans les écoles. Mettant à
profit l'idée éclose en France, les Allemands, sous la direction de M. Wirchow,
ont entrepris une enquête de cet ordre. Toutefois, leur manière de procéder
les induisit dans une inévitable erreur. Les enquêtes instituées sous l'impul-
sion de M. Wirchow portèrent, en effet sur des enfants. Or, les cheveux, dans
l'enfance, sont loin d'avoir acquis la coloration qu'ils prendront et garderont
d'une manière définitive à l'âge où l'organisme sera parvenu à son complet
développement .
C'est sur l'adulte que ces enquêtes devraient porter, et c'est dans l'armée
qu'elles pourraient être conduites avec succès. M. Broca a fortement engagé
M. Wirchow, qui dispose, dans son pays, d'une grande initiative politique, à
l'employer auprès de son gouvernement pour qu'une semblable enquête soit
ordonnée. En France, il faut le reconnaître, les efforts tentés dans ce sens
sont demeurés à peu près infructueux jusqu'ici.
Sur sa carte, M. Lagneau a caractérisé les Celtes par le rouge et les Ligu-
res par le vert. Le choix qu'il a fait des couleurs me semble dépasser la pro-
portion et accentuer à l'excès la distinction à établir entre les Ligures et les
Celtes. La différence qui existe entre les Ligures et les populations de Savoie
736 ANTHROPOLOGIE
est peu sensible. Les Ligures ne sont pas restés cantonnés dans la région dis-
tincte qu'indique M. Lagneau. Au lieu de couleurs disparates, il y aurait un
avantage à employer une gamme de couleurs nuancées.
Quant à l'opinion, émise par M. Ilamy sur les sépultures mérovingiennes,
M. Broca ne saurait la partager. L'influence ethnique exercée par les Francs a
été nulle; seule, leur autorité a prévalu, leur influence a été purement politi-
que. Ce qu'on doit entendre par cette expression : Sépulture mérovingienne,
c'est le mode de sépulture usité pendant une époque déterminée.
M. Raffaillac : .le ferai remarquer qu'à propos de la coloration que M. La-
gneau a attribuée au Médoc, il existe une anomalie, quant à la race qu'il veut
indiquer par la couleur rouge. Cette contrée, comprise entre Bordeaux au Sud,
la pointe de Grave au Nord, l'Océan à l'Ouest et la Gironde à l'Est, sur une
longueur de 100 kilomètres du Nord au Sud, et 40 en moyenne de l'Est à
l'Ouest, est habitée par une population appartenant certainement au groupe
désigné sur sa carte par la coloration bleue. En effet, si on prend la popu-
lation centrale et Ouest de cette région, c'est-à-dire celle qui n'a pas été mé-
langée par l'apport étranger, on trouve des hommes généralement de petite
taille, au style dolichocéphale, au nez aquilin, cheveux et yeux noirs, au sys-
tème adipeux très-peu développé, au langage concis, caractérisé, parmi les
dialectes de la langue d'oc, par l'élision de la lettre F, qui est remplacée par
une forte aspiration ; ainsi quand ils veulent dire : du feu, ils disent (d'auou
hue). Le fond de leur caractère est contemplatif. Us restent dos journées en-
tières perchés sur leurs échasses au milieu de leurs landes où l'horizon n'est
borné par rien, et si on rencontre dans ces solitucles quelque individu ayant
été soldat et ayant habité les grandes villes, il n'hésitera pas à répondre, si
on l'interroge, qu'il lui tardait de revenir reprendre sa vie de solitude.
Cette population étant de petite taille faisait le désespoir de la population
des rives de la Gironde, qui par le mélange des races et une alimentation plus
substantielle, a acquis un développement très-marqué, lors du tirage au sort,
et quand le hasard faisait que la zone de la lande prenait les faibles numéros,
Il fallait alors, pour parfaire le contingent, atteindre des numéros qui se
croyaient parfaitement à l'abri. Si maintenant on considère la rive opposée de
la Gironde, là la coloration du docteur Lagneau a toute sa raison d'être. En
effet, on trouve là une population aux cheveux généralement châtains, au
teint clair, ayant un langage relevant de la langue d'oil, avec même une
exagération d'accent appelé dans le pays d'accent saintongeois. Ces deux popu-
lations, bien que n'étant séparées (pie par la Gironde, présentent des diffé-
rences qui justifient, pour les unes, la coloration qui les désignent, mais qui
doivent imposer à celles du Médoc la coloration bleue qui rend mieux compte
de leurs origines.
M. Topinard s'étonne de ne pas voir figurer dans le travail de M. Lagneau
les documents émanant de la coloration des cheveux. Les documents de cette
nature seraient, avec avantage, utilisés comme base d'une statistique.
M. Lagneau : Les Ligures étant très-brachycéphales et les Celtes étant bra-
chycéphales, peut-être, ainsi que le remarquent M. Hovelacque et M. Broca,
eùt-il été préférable, tout en cherchant à les délimiter, de les différeacier
G. LAGNEAU. — CARTE ETHNOGRAPHIQUE DE FRANCE 737
d'une manière moins tranchée sur ma carte. Toutefois, il ne faut pas oublier
que Strabon distingua ethnologiquement les Ligures des Celtes, soit sur le
littoral méditerranéen où il montre anciennement des Ligures, puis des Celto-
Ligures, soit dans les Alpes où il les dit de races différentes éTepo^irçlî quoi-
que vivant de la même manière. (Straison, Géogr., 1. IV, ch. vi, g 3, p. 169 ;
1. II, eh. v, § 28, p. 106, coll. Didot.)
Avec M. Hamy, je reconnais l'utilité des cartes analytiques lorsqu'on étu-
die séparément des époques, des races déterminées. Mais je crois également à
l'utilité des cartes synthétiques, comme celle que j'ai essayé de faire, quand, au
lieu d'étudier une époque ou un élément ethnique isolément, on veut repré-
senter l'état ethnique d'une nation qui, comme la nôtre, résulte de la juxta-
position, de l'immixtion de peuples nombreux, de races diverses.
Une carte synthétique ethnographique devrait rendre compte, par la répar-
tition géographique des divers éléments ethniques, des nombreux faits anthro-
pologiques différentiels relatifs à la taille, à la conformation céphalique, à la
coloration des yeux et des cheveux présentés par les habitants actuels de
notre pays. Les cartes analytiques ont un but spécial, exclusif; les cartes syn-
thétiques en ont un autre, plus complexe, mais non moins utile.
M. Hovelaeque paraît disposé à attribuer une influence ethnique aux Bur-
gundes sur les caractères anthropologiques des habitants de la Savoie : d'une
part, parce que les Savoyards actuels sont un peu plus grands et un peu
moins bruns que les descendants des Celtes ; d'autre part, parce que de nom-
breux tombeaux Burgundes se trouvent dans cette région. Pareillement
M. Hamy accorde une assez grande influence aux Francks, parce qu'en Nor-
mandie, dans les sépultures mérovingiennes qu'il a étudiées, le type dolicho-
céphale s'est trouvé presque uniquement représenté. Je suis loin de contester
l'influence des immigrants Burgundes et Francks sur les populations anté-
rieures des régions par eux envahies. Toutefois, il est bon de remarquer que
les sépultures Helvéto-Burgundes, dans la région orientale de notre pays et
dans la Suisse, comme les sépultures Mérovingiennes dans le Nord-Est de la
France, sont plutôt spéciales à une époque qu'à une race. Elles se rapportent à
l'époque qui a succédé aux grandes invasions du commencement du Ve siècle.
Mais comme, après la conquête, ces immigrants ne constituaient qu'une partie
de la population principalement composée des anciens habitants des Gaules,
les sépultures de cette époque Helvéto-Burgunde et Mérovingienne doivent
renfermer les ossements de ces conquérants, mais également ceux des anciens
habitants. Aussi, en voyant M. Hamy ne trouver dans les sépultures méro-
vingiennes du département de la Seine-Inférieure que le type dolichocéphale,
on se demande si, dans cette région, durant les premiers temps de l'occupation
de notre territoire, les conquérants Francks n'avaient pas eu des cimetières
spéciaux, distincts de ceux des autres habitants. En tous cas, ainsi que le fait
observer M. Broca, bien que la conquête franque se soit étendue à toute la
Gaule, les Franks, relativement peu nombreux, par rapport à la population
antérieure, ne paraissent avoir eu quelque influence ethnique que dans la
région Nord-Est, où ils s'établirent en certain nombre.
Outre les Flamands de la partie septentrionale du département du Nord,
47
7;{!S ANTHROPOLOGIE
outre les Lyselards et les Hautbrighenards de Saint-Oraer, sur les bords de
l'Aa, dans celui du Pas-de-Calais, je sais que M. Courtois a trouvé quelques
documents écrits autorisant à penser que la langue flamande aurait ancienne-
ment été parlée dans une région plus ou moins étendue, située au sud de
cette rivière (Courtois, Ann. du Comité flamand de France, t. IV, p. 390, etc.,
1858-9) ; mais il serait intéressant de préciser les localités encore occupées
par les Flamings de Picardie dont, parle M. Ilainy.
Dans un travail dont la notice accompagnant ma carte ethnographique
n'est que le résumé, j'ai tenu compte des trop peu nombreuses statistiques
recueillies par M. Guibert de Saint-Brieuc, par M. Beddoe, par M. Durand de
Gros et quelques autres observateurs sur la coloration des yeux et des cheveux
des habitants des départements des Côtes-du-Nord, du Calvados, de l'Avey-
ron, etc.; mais, comme le lait observer M. Topinard lui-même, en attirant
mon attention sur ce point de vue anthropologique, je n'ai pas eu à ma dis-
position des documents analogues à ceux recueillis en Allemagne sur les
écoliers. M. Javal disait dernièrement, à la Société d'hygiène publique, qu'il
serait intéressant de faire sur nos écoliers des recherches optoinétriques. Ces
recherches permettraient aussi de noter la coloration des cheveux et des yeux
des enfants. Dans mes Recherches anthropologiques sur les conscrits et les soldais,
j'ai rappelé l'intérêt qu'il y aurait à recueillir sur nos jeunes compatriotes des
documents statistiques sur la coloration des yeux et des cheveux.
M. Broca observe que dans la région Sud-Ouest, ne tenant compte que de
la distinction linguistique signalée par les auteurs anciens, je n'ai indiqué sur
ma carte que les Aquitains, tandis que dans cette région il y a eu des Bas-
ques dolichocéphales, des Boïes, etc. Je rappellerai que Strabon remarque à
deux reprises que la distinction des Aquitains des autres peuples des Gaules
et leur rapprochement des Ibères d'Hispanie reposent non-seulement sur la
langue, xa-rfc t*(v -^wrrav, mais aussi sur les caractères physiques, sur la con-
formation du corps, xaxèt te t&ç aojjjiàTwv Mza.<jY.zuhz. (Strabon, 1. l\,cap. î, § 1,
p. 146, et cap. n, § 1, p. 157.)
Quant aux Basques dolichocéphales, dont l'existence a été démontrée par
M. Broca, moins en France que dans le Guipuscoa en Espagne, j'ai cru devoir
les rapprocher des Atlantes, race qui, d'après Bory de Saint-Vincent, MM. de
Quatrefages et Hamy, paraîtrait devoir comprendre les Guanches des îles
Canaries, les Kabyles dolichocéphales du Nord-Ouest de l'Afrique, les Basques
du Guipuscoa et quelques dolichocéphales des temps préhistoriques comme
ceux de la caverne de Sorde, de la caverne de l'Homme mort et de la grotte
de Cro-Magnon. (Bory de Saint-Vincent : l'Homme, t. 1, p. 174, 1827. — De
Quatrefages et Hamy : Bull, de la Soc. d'anthrop., 2e sér., t. IX, p. 260-200,
1874; et Crania Ethnica, p. 96.)
Quant aux Boies Picei, mentionnés par Saint-Paulin, je les ai indiqués sur
ma carte, comme des immigrants venus de Germanie sur le littoral Sud-Ouest
des Gaules, conformément à l'opinion d'Am. Thierry. Toutefois, relativement
àces Boïes, dont 1rs hoi ymes ont laissé leur nom à la Bohême, Boio-hemum,
il est bon de rappeler que le sens de leur migration est contesté, et que tout
récemment, à l'Académie des inscriptions, M. Maximin Deloche, s'appuyant
RABOT. — MONUMENTS MÉGALITHIQUES DE SEINE-ET-OISE 739
sur certain texte de Tacite, disait que loin d'être venus de Germanie en
Gaule, ils étaient passés de Gaule en Germanie, (Saint-Paulin : Poemata,
epist. IV. p. 177, 1622 Antuerpiœ.— Am . Thierry : Hist. des <;<iitl<>is7 1. IV, en. i,
t. I, p. 431, 18G2. — Tacite : De Mor. Germ., xxvm.)
M. RABOT
EXPOSE D'UNE MONOGRAPHIE DES MONUMENTS MÉGALITHIQUES
ET DES OBJETS TRAVAILLÉS PRÉHISTORIQUES DANS LE DÉPARTEMENT
DE SEINE-ET-OISE.
(EXTRA] 1 DO PB < ; S-VBRB IL.
— Séance du 2S août 1877. —
M. Rabot fait l'énumération des travaux entrepris par M. Guégan, et dépose
sur le bureau la liste suivante des découvertes qu'on doit à cet explora-
teur .
Monographie des monuments mégalithiques et des tihji-is travaillés par l'homme aux
temps préhistoriques, dans le département <l<' Srine-et-Oise.
bétique.* U° volume de 3b fascicules est déjà prêt pour l'impression.
A. — 1° Argenteuil, allée couverte, objets trouvés dans le dolmen,
6 planches en couleur, avec texte.
2° Auvers, sépulture gauloise, 2 planches.
3o La pierre Ardroue (dolmen), 2 planches.
B. — 4° Bellevue-Meudon (allée couverte), objets trouvés dans le dolmen,
4 planches avec texte.
5° Boissy-le-Cutté (dolmen), 1 planche.
G0 Brueil, la grotte aux fées (allée couverte).
C. — 7° Chars, bautes-bornes et pierres-fittes.
8° Conflans Sainte - Honorine, dolmen transporté au musée de
Saint-Germain, découvert par l'auteur; nombreuses planches et
texte.
9° Chérence (dolmen).
10° La pierre Turquaise, forêt de Carnelle (dolmen).
11° La Celle-Saint-Cloud (station gallo-romaine).
D. — 12° Dennemont (Sépulture mégalithique).
13° Objets trouvés par le dragage dans le lit de la Seine; G planches
avec texte.
E. — 14° Épône (dolmen), 4 planches et texte.
G. — 15° Saint-Germain-en-Laye, stations préhistoriques à l'air libre, silex
taillés et pierre polie; 6 planches.
1G° Gency, pierre levée (2 planches avec texte).
740 ANTHROPOLOGIE
11. — 17" Saint-Hilaire, pierre-fitte.
L. — 18° Luzarches, sépulture mégalithique et objets trouvés dans les
fouilles (i planches avec texte).
M. — 19° Maule. — La pierre druidique.
20° Les Mauduits (dolmen).
21° Les Mureaux, station gallo-romaine, 1(5 planches.
22° Marly-le-Roi, stations à l'air libre.
N. — 23° Nauphlette, menhir.
P. — 2i° Le Pecq, quaternaire des sablières.
S. — 25" Septeuil, station gallo-romaine.
X. — 26° Tïiel, tombeaux gallo-romains.
27° Thiouville, arrondissement de Rambouillet (dolmen).
y. _ 28° Villeneuve-Saint-Georges, sépultures gauloises.
29° Vigneux (menhir).
30n Yilleneuve-le-Roi (menhir incliné).
31° Vicq (sépulture gallo-romaine).
32° Vauréal (dolmen).
33" Spécimens d'emmanchements de la pierre.
Vingt autres fascicules sont en ce moment à l'étude, mais l'auteur manque de
moyens pour se rendre sur les lieux.
M. Rabot demande l'approbation de la section, afin de faciliter de la part du
conseil général de Seine-et-Oise un encouragement à M. Guégan.
M. de Mortillet insiste sur Futilité des recherches départementales en
général et propose un vote favorable sur la proposition de M. Rabot.
Le principe est adopté à l'unanimité.
M. le D1 François POMMEROL
De Gurzat (Puy-de-Dôme).
FOUILLES OPÉRÉES DANS LA CITÉ EN PIERRES SECHES DE SAINT-NECTAIRE.
— Séance du 29 août 18ï~. —
J'ai communiqué, l'an dernier, à la session de Glermont-Ferrand, le
résultat de mes recherches sur d'anciens villages construits en pierres
sèches que j'avais appelés des cités méyalilliiques et qui se rencontrent
dans les régions les plus montagneuses de l'Auvergne. Le Conseil de
l'Association, pour m'encourager à poursuivre cette étude, a bien voulu
m'accorder une importante subvention qui m'a permis de pratiquer des
touilles sérieuses, et de rechercher par cela même l'âge auquel remontent
POMMEROL. — LA CITÉ EN PIERRES SÈCHES DE SAINT-NECTAIRE "41
ces grossières constructions. Je viens aujourd'hui remercier les membres
du Conseil de la marque d'honneur dont ils m'ont distingué. Je viens
en même temps porter à la connaissance de la section anthropologique
les faits que j'ai découverts en taisant touiller l'ancienne station de
Saint-Nectaire.
Echelle il:i»0Q
Fig. ns. — Cité en pierres sèches de Saint-Nectaire.
Suivant le plan que nous avons donné dans le compte rendu de la
dernière session (fig. 8), la station de Saint-Nectaire comprend une ran-
gée supérieure de six cases, tandis qu'on n'en observe qu'une seule à la
rangée inférieure. Si nous numérotons chaque case du plan, en allant
de gauche à droite et de haut en bas, les cases que nous avons fouil-
lées et vidées entièrement sont les deuxième, quatrième, cinquième et
sixième. Nous avons aussi examiné une autre petite case qui n'est pas
portée sur le plan de 187(5 et qui se trouve en face de la troisième et à
droite de la septième. Rien, à première vue, n'indiquait la présence
d'anciens murs. La case n'est devenue apparente qu'après avoir été
entièrement déblayée ; sa forme représente un carré de 2 mètres de
côté. Les fouilles ont été conduites jusqu'au granit sur lequel reposent
les fondations. La terre et les pierres éboulées dans l'intérieur de cha-
que case formaient une couche qui avait parfois une épaisseur de
un mètre. C'est près du mur d'enceinte ou d'appui que les matériaux
présentaient la plus grande hauteur. Au devant de chaque case nous
faisions ouvrir jusqu'au sol granitique une large tranchée, et les ouvriers
partaient de cette ligne pour enlever de proche en proche la terre et
les pierres qui remplissaient la case. Les pierres un peu volumineuses
étaient prises à la main, et déposées en avant ou sur les côtés des
cases. Les terres étaient retournées plusieurs fois et examinées avec
attention, après avoir été jetées à la pelle. De cette manière il était facile
d'apercevoir les objets les plus petits. Ceux que nous avons rencontrés
sont des fragments de poterie, des débris osseux, des objets de fer et
de pierre.
742 ANTHROPOLOGIE
I. _ Poteries. — Les échantillons de poterie sont très-nombreux, et appar-
tiennent à des vases de dimensions variables. Quelques-uns étaient d'une
capacité considérable et possédaient des anses larges, longues et aplaties. Le
fond était plat, l'ouverture très-évasée et le bord supérieur fortement déjeté
en dehors. Ils portaient sur leur paroi un petit conduit ou déversoir, pour
vider facilement le contenu. Ces conduits sont tantôt droits, et tantôt recour-
bés ; ils s'adaptaient soit en haut, soit à la base du vase, suivant sa desti-
nation.
Un spécimen à grande anse et ouverture étroite se rapproche de la cruche
moderne dont on se sert pour prendre l'eau des fontaines.
L'ouverture des grands vases était simplement arrondie; celle des vases plus
petits porte parfois des dépressions ou becs latéraux. Quelques-unes de ces
ouvertures annoncent des vases à goulot, analogues à ceux dont se servent les
paysans d'Auvergne pour mettre l'huile et qu'ils appellent, dans leur patois,
une buge.
Quelques fragments présentent une singulière particularité. Ils ont été, après
la cuisson, recouverts d'une seconde couche de pâte qui a été cuite à son tour,
et cela, pour consolider sans doute un ancien vase ou pour y adapter des
anses.
Le vase ordinaire, pot ou terrine, n'est pas la seule forme que nous avons
rencontrée. Nous signalerons une espèce de coupe ou soupière, portant inté-
rieurement une couche de vernis rougeàtre. L'extérieur, très-écaillé, présente
des traces violentes de feu.
Des fragments très-épais et résistants ont appartenu à des plats ou à des
assiettes. Des rebords à becs annoncent des vases dont l'usage était de verser
à boire.
Les ornements qui décorent ces vases sont tous d'une grande simplicité.
Les potiers d'alors n'étaient pas artistes. L'utilité et la solidité étaient le seul
but auquel ils visaient. Ces ornements consistent tantôt en de petites dépres-
sions losangiques, tantôt en saillies allongées verticalement, en forme de den
telures, suivant un cordon horizontal. Mais le plus souvent, le cordon a été
largement déprimé par la pression du pouce, constituant ainsi toute une série
d'impressions digitales. Ce dernier motif d'ornementation est le plus commun
et se trouve toujours sur des vases de grande capacité. On remarque encore
sur d'autres fragments quelques cordons simples et des rainures circulaires
Tous ces vases sont manifestement faits au tour. La pâte est bien cuite, rou-
geàtre et parfois couverte d'un enduit noir que le frottement désagrège et fait
disparaître facilement. Enfin, quelques spécimens peu nombreux portent les
traces d'un vernissage de couleur jaune ou brune.
Nous signalerons encore des débris de grosses tuiles à rebord, ainsi qu'un
petit fragment de tuile, qui, par frottement, a été exactement arrondie, de
manière à former une petite rouelle ayant VS millimètres de diamètre et lo
millimètres d'épaisseur.
H, _ Débris osseux. — Les ossements que nous avons découverts appartien-
nent aux espèces cheval, bœuf et mouton. Le mouton est de beaucoup le plus
nombreux, et ressemble absolument à celui de nos jours. Le bœuf et le cheval
POHHEROL. — LA CITÉ EN PIERRES SÈCHES DE SAINT-NECTAIRE i '»■!
sont rares. Le premier appartient à une race petite et grêle, tandis que le
second est d'une taille assez élevée.
jllé _ Objets defer. — Ces objets sont les plu-- intéressants à étudier. Nous
signalerons d'abord la lame d'un couteau, à pointe brisée, et nui présente en-
core une longueur de '•» centimètres. Ledos de la lame est recourbé et le tran-
chant rectiligne. Elle portail inférieurement une tige ou soie qui pénétrait dans
le manche. Celui-ci. pour tenir la lame solidemenl fixée, étail entouré à son
extrémité supérieure d'un.' virole de cuivre nu de bronze, large de trois centi-
mètres, el portant une petit 'nementation qui consiste en un filet et deux
lignes creuses circulaires. Ce mode d'emmanchement rappelle tout à t'ait celui
des couteaux de table actuels. On voit entre la soie et la virole, de même qu'à
la surlace de la lame, Ars fibres ligneuses imprégnées d'oxyde de ter qui mon-
trent que la lame était contenue dans une gaîne et fixée dans un manche de
bois. A LagUyolle, dans les montagnes de l'Aveyron, on trouve encore, m'a
dit M. Cohendy, archiviste à Germon t-Ferrand, des couteaux à lame lixc,
maintenue dans un fourreau de cuir ou de bois. Les paysans les portent
attaches ii leur ceinture. Quand ils se battent, ils s'en servent comme de poi-
gnard, et l'appellent familièrement le bon l>i<>>i de Laguyolîe.
Les autres objets defer que nous avons trouvés sont des clous assez longs,
à tige carrée et à tète comprimée, en forme de T. Nous avons signalé, l'an
dernier, cette disposition sur un clou de fer à cheval, provenant de la cité des
Chazaloux. Nous avons encre deux pièces de 1er qui paraissent avoir appar-
tenu au loquet d'une porte, et qui sont le crampon et le mentonnetsur lesquels
se meut la clenchette.
IV. — Objets de pierre. — Ces objets sont: un instrument de quartzite,
ayant G centimètres de long, fracture à une de ses extrémités et soigneuse-
ment arrondi à l'autre. Les bords, épais de -2 centimètres, sont polis avec
intention, tandis que les deux faces, larges de 35 millimètres, ne portent
aucune trace d'usure ou de polissage.
Un fragment de pierre volcanique, de nature ponceuse, a été taillé et creusé
en forme de vase ou de mortier demi-sphérique. Sa profondeur est de 5
et sa largeur de 10 centimètres.
Un nucléus de quartz brun, taillé avec intention, porte à sa surface de
petites aspérités, traces des chocs nombreux qu'il a reç'is.
La partie postérieure d'une grande hache de pierre polie, en fibrolithe. Elle
se termine en pointe arrondie et a été fracturée à !> centimètres de celte
pointe.
Nous avons encore trouvé dans, l'inférieur des cases d'énormes cailloux
roulés pris dans le lit du torrent voisin, ainsi qu'un gros prisme de basalte,
provenant du sommet du puy de Mazeyres.
Enfin, nous avons découvert dans le mur antérieur d'une des cases deux
larges dalles de granit. La plus grande était identique à celles qui supportent
la table d'un dolmen situé à peu de distance de la cité.
Nous avons rencontré des fragments de poterie dans l'intérieur de toutes les
cases fouillées, mais c'est la huitième case qui a fourni les échantillons les
plus beaux et les plus nombreux. Dans cette case nqus avons aussi rencontré
744 ANTHROPOLOGIE
plusieurs cailloux roulés sphériques de la grosseur de la tête ou du poing.
C'est encore là que nous, avons découvert les objets de pierre et le couteau de
fer dont nous venons de donner la description.
Nous allons maintenant, en nous servant de tous les débris, tâcher de
reconstituer le mobilier et le genre d'existence de la petite bourgade qui
avait établi son domicile au pied du puy de Mazeyres, et à quelque
distance d'un des plus beaux dolmens des environs.
Les objets en terre cuite composaient la partie la plus importante du
mobilier. Nous avons vu qu'il y avait des vases de très-grande dimension,
munis d'un déversoir inférieur ou supérieur. Ceux à déversoir supérieur
servaient probablement, comme la cruche actuelle, à transporter l'eau
puisée au ruisseau voisin. Ceux à déversoir inférieur contenaient certai-
nement des substances liquides et alimentaires destinées à être soutirées.
C'était sans doute dans ces vases qu'était reçu et caillé le lait des trou-
peaux. Les habitants de cet ancien village étaient des bergers, dont
la richesse principale était le lait et les troupeaux de brebis. Mais ils
possédaient aussi le bœul et le cheval, comme le prouvent les débris
osseux trouvés dans l'intérieur des cases, lis devaient se nourrir de la
chair de ces animaux, et ils la faisaient cuire dans l'intérieur même des
cases, où nous avons constaté la présence de nombreux fragments de
charbon.
Le morceau de quartz taillé qui porte des traces de percussion nous
paraît être la pierre d'un briquet, destiné à fournir, sous le choc d'un
morceau de fer, l'étincelle qui devait ranimer le foyer.
Nous ne saurions d'une manière précise déterminer l'usage du petit
mortier creusé dans un fragment de pierre ponceuse. Peut-être servait-il
à écraser ou broyer des substances alimentaires. Nous en dirons autant
de l'instrument en quartzite poli. Est-ce un polissoir, une pierre à
aiguiser?
Il est intéressant de constater la présence des dalles d'un dolmen dans
le mur d'une des cases, où elles servaient probablement a établir l'ou-
verture de la porte. Nous trouvons là une preuve que ce sont les habi-
tants de ce petit village qui ont violé cet ancien monument. C'est sans
doute dans la chambre sépulcrale qu'ils ont pris la hache et l'instrument
de quartz polis que nous avons trouvés au milieu même de nombreux
fragments de poterie.
Il nous sera peut-être facile, maintenant que nous avons sous les yeux
un assez grand nombre d'objets, de déterminer d'une manière précise
l'âge des habitations en pierres sèches de Saint-Nectaire. Le fer était alors
largement employé. Les poteries ont un caractère tout particulier. Elles
ne ressemblent plus que de loin aux poteries gallo-romaines.
POMMEROL. — LA C.ÏTÉ EN PIERRES SÈCHES DE SAINT-NECTAIRE 745
L'ornementation des vases, consistant en cordons marqués de larges
impressions digitales, indique en Auvergne une époque assez bien
déterminée. On l'observe toujours sur les poteries que l'on découvre
dans les tumulus, les mottes, les cimetières de l'époque mérovingienne.
J'en ai recueilli de semblables dans les tumulus d'Ennezat et de
Malintrat. Elles se trouvent aussi en quantité dans les terrains qui
entourent la vieille église de Saint-Nectaire, et qui ont fourni derniè-
rement des sarcophages creusés dans la domite.
Ce serait donc de l'époque mérovingienne que daterait la construction
des habitations en pierres sèches situées au N. des Thermes de Saint-
Nectaire-le-Bas. Les hommes de celte époque, dans un but superstitieux,
recueillaient les haches et les silex taillés, pour les remettre dans leurs
sépultures, comme l'ont prouvé les découvertes faites dans le cimetière
de Caranda. Ils avaient aussi l'habitude de manger la chair de cheval.
Mes recherches dans des tumulus mérovingiens me permettent d'avancer
cette affirmation avec certitude. J'ai toujours trouvé, dans mes fouilles,
des os longs de cheval, sectionnés, brisés, fendus, avec l'intention d'en
extraire la moelle. Si mes souvenirs sont exacts, c'est, je crois, sous le
règne de Charlemagne qu'un Concile défendit d'ensevelir les morts
dans les tumulus païens, et de manger la chair de cheval aux repas
funéraires. L'hippophagie n'est donc pas une invention de notre époque;
elle était en grand honneur dans les premiers siècles de notre ère.
Les poteries vernissées que nous avons signalées sont excessivement
rares et appartiennent certainement au moyen âge. Elles prouvent qu'au
début de cette époque, le séjour dans les cases, sans avoir entière-
ment cessé, était sur le point d'être abandonné. Les paysans étaient
alors obligés de se réfugier à l'abri des remparts et des donjons
de la féodalité, pour n'être pas massacrés par les bandes armées qui
ravageaient la contrée en ces temps de misère et de désolation.
DISCUSSION
M. Cartailhac adresse la note suivante au sujet de celte communication :
J'ai eu l'occasion de visiter de semblables monuments sur les hauts plateaux
de la Lozère. Au lieu dit, au xne siècle, Villa de Malaviela, au delà de Chastel-
Nouvel du nord de Mende, M. André, le savant archiviste de la Lozère, m'a
montré des souterrains vraiment mégalithiques dans les conditions suivantes:
à la suite des terrains de Pinfralias renversés, et se présentant par tranche,
viennent des schistes, puis un large ruban de roche granitoïde sans mica dont
les éboulis ont des formes polyédriques; c'est dans une accumulation immense
de ces blocs, sur une lèvre d'une taille, que les galeries existent: Profitant de
la forme souvent plate de cette roche, on a écarté certains blocs, contourné
les plus gros, dressé les murs de couloirs surbaissés et recouverts de grandes
746 ANTHROPOLOGIE
dalles comme sont les plus beaux dolmens ; çà et là, aux lieux où les galeries
se croisent, l'espace s'agrandit et de petites salles permettent de se tenir debout
et de s'assembler au nombre de dix à douze personnes. On ne peut plus cir-
culer dans la majeure partie du souterrain qui est éboulé sur bien des points:
le hasard le fit découvrir et il est impossible de trouver l'entrée (la vraie sans
doute) sans être guidé ; à l'intérieur, il y a à peine un peu de poussière sur le
sol; les fouilles seraient inutiles. Celte construction sauvage est surmontée d'un
plateau où d'autres ruines attirent l'attention. Ici, on voit à fleur de sol les
énormes blocs qui forment les enceintes deschambres, les seuilsdes portes, etc.;
ici aussi, l'aspect est celui d'habitations primitives. Des fouilles faites aux frais
et par les soins delà Société d'agriculture et des sciences de la Lozère (MM. An-
dré et l'abbé Boissonnade, explorateurs), ont mis au jour des tessons de poteries
très-semblables à celle des dolmens; mais est-ce là un indice suffisant? Je ne
le pense pas.
Je souhaite que le travail de M. Pommerol, texte et nombreux dessins,
vienne prendre place dans le volume des comptes rendus, pour le plus grand
profit de toutes les personnes qui connaissent de semblables monuments, d'un
âge ignoré, mais qui sont à coup sûr parmi les plus étranges vestiges du passé
qu'il m'a été donné de rencontrer.
M. Pomel détermine la faune des débris trouvés pas M. Pommerol dans les
fouilles auxquelles il -s'est livré. Ces débris proviennent du bœuf, du mouton,
de l'âne et du cheval.
M. de Mortillet. A la suite de l'excursion à la Cité de Villards (Congrès de
Clermont-Ferrand), l'Association française est entrée dans une voie fructueuse
en favorisant les recherches locales. Les cités du genre de celle que M. Pom-
merol a explorée se rapportent à l'époque mérovingienne, époque troublée
autant qu'obscure.
M. le D' BEETILLON
Professeur à l'École d'anthropologie.
DÉMOGRAPHIE DE LA SEINE-INFÉRIEURE.
Séance du 29 août 1877. —
Le docteur Bertillon fait une très-importante communication sur la
Démographie de la Seine-Inférieure. Non-seulement le département de
la Seine-Inférieure est un des plus riches de France, mais encore un des
plus peuplés. En effet, mettant hors rang les deux départements pres-
que sans territoire et contenant les deux plus grandes villes de France,
ceux de la Seine et du Rhône, le département de la Seine-Inférieure
Dr BERTILLON. — DÉMOGRAPHI] DE i \ SEINE-INFÉRIEURE 7 47
est, après !«■ départemenl du Nord, celui dont la population spécifique
est ta plus considérable, et la France compterai 70 millions d'habitants,
si son territoire entier étail aussi peuplé. Ce n'est pas seulement par le
nombre, ou mieui par la densité que cette population est remarquable;
sa composition selon les âges et selon l'état civil des habitants est spé-
ciale, ft lui donne des qualités particulières. En effet, en l'étudiant
d'après trois grands groupes d'âge, on compte pai 1,000 habitants : de
il à 15 ans, en France 276 enfants, et seulement 236 dans la Seine-
Inférieure; — de 15 à 60 ans, en France 618 adultes et 659 dans la
Seine-Inférieure; — au-dessus de 60 ans, en France 106 vieillards et
114 dans la Seine-Inférieure, Ainsi, peu d'enfants, beaucoup d'adultes,
aux âges de travail et de production, et notablement plus de vieillards,
tels sont les traits spéciaux de cette population. Les mouvements : ma-
riages, naissances el décès, par lesquels elle se maintient et progresse
en changeant toujours, ne sont pas moins caractéristiques.
Les mariages sont peu nombreux à chaque âge :
Ainsi de 25 à 30 ans par 1,000 hommes mariables, c'est-à-dire non
mariés (célibataires et veufs) de pins de IN ans, on compte 59 mariages
annuels dans la Seine-Inférieure, près de 72 dans le Calvados et 60
en France;
Mais à l'âge suivant (30 à 35), alors qu'il y en a 121,4 en France et
125 dans le Calvados, il n'y en a que 98,5 dans la Seine-Intérieure;
De même de 35 à 40 ans, encore 121 en France, 115,3 dans le
Calvados et 99,3 dans la Seine-Inférieure;
De même de 40 à 50 et dans le même ordre 47,8 en France, avec
49 et 30,7 dans les deux départements normands.
Ensemble (toujours sur 1,000 hommes mariables), et par année, on
compte : en France près de 61 mariages; 61,6 dans le Calvados et
seulement 54 dans la Seine-Inférieure.
Pour les femmes, les différences ne sont pas moins marquées. Par 1,000
femmes mariables, c'est-à-dire non mariées et âgées de plus de 15 ans,
on trouve :
De 20 à 25 ans : 107,5 mariages en France, 106,8 dans le Calva-
dos et 92 dans la Seine-Inférieure.
De 25 à 30 ans, et dans le même ordre, ces rapports deviennent :
110, — 103,6, — 68,5.
De 30 à 35 ans : 80; — 67.8; — 44,6.
De 35 à 40 ans : 48,8; — 39,3 ; — 37,6.
De 40 à 50 ans : 21 ; — 17,6; — 24.
Mais ensemble, on trouve :
47,8 mariages par 1,000 femmes mariables en France, et seulement
38,6 dans le Calvados; — 41 dans la Seine-Inférieure.
748 ANTHROPOLOGIE
Il faut remarquer que le Calvados, comparé âge par âge à la Seine-
Inférieure, présente une matrimonialité supérieure à tous les âges (sauf à
l'âge de 40 à 50 ans), et que cependant, pour l'ensemble, il a un rap-
port de matrimonialité (38, G) moindre que celui de la Seine-Inférieure (41),
Il en est bien ainsi, et ce n'est pas au nombre insignifiant de femmes
ayant dépassé la quarantième année, qui se marient un peu plus dans
la Seine-Inférieure, qu'est duc cette apparente supériorité de la Seine-
Inférieure. Ce fait, qu'on pourrait appeler paradoxe démographique, est
dû au nombre considérable de veuves déjà âgées, mariables, mais ne se
mariant pas, qui se rencontrent dans le Calvados. C'est le mélange de
ces inutiles mariables à l'ensemble qui abaisse fallaeieusement la puissante
matrimonialité réelle du Calvados. C'est un exemple bien propre à
montrer l'importance de l'analyse âge par âge, seule conforme aux règles
du calcul des probabilités. Quant au rapport de matrimonialité en usage
chez la plupart des auteurs, consistant à comparer les mariages à la
population entière, on peut juger qu'il est absolument mauvais, puisqu'il
donne les rapports : 7,61 pour le Calvados, 7,95 pour la Seine-Infé-
rieure et 8 pour la France (8 mariages par 1,000 habitants); ce qui
tendrait à prouver qu'on se marie presque autant dans la Seine-Infé-
rieure qu'en France et beaucoup plus dans la Seine-Inférieure que dans
le Calvados; conclusion absolument contraire à la vérité, bien que fort
en usage chez maints statisticiens.
Ainsi près de 8 mariages par an et par 1,000 mariables de moins
dans la Seine-Inférieure qu'en France. Ce faible penchant des habi-
tants de ce département pour l'association conjugale nous a été montré
infiniment plus prononcé dans le Calvados, par l'analyse âge par âge,
malgré l'apparence fallacieuse des rapports de l'ensemble. C'est en vain
que dans \h Seine-Inférieure se rencontre une plus nombreuse population
mariable de l'un et de l'autre sexe aux âges d'élection du mariage (20
à 50 ans pour les hommes, 15 à 40 ans pour les femmes), à savoir :
302 hommes (au lieu de 220 en France), avec 323 filles ou jeunes
veuves (au lieu de 281 en France);. de ces nombreux mariables, il ne
résulte qu'un nombre relativement faible de mariages, et (par 1,000 femmes)
il reste un grand nombre de vieilles filles, plus de 133 au lieu de 105
en France.
Les unions illégitimes viennent naturellement compenser cet amoin-
drissement du nombre des mariages. Mais on peut présumer qu'elles
sont le plus souvent passagères, puisque le nombre des enfants issus de
ces rapprochements sont reconnus en moins grand nombre (33 par 1,000
naissances illégitimes, au lieu de 45 en France).
Natalité. — Cependant il survient ici un fait que M. Bertillon a
r RKRTILLON. — DÉMOGRAPHIE DE LA SEINE-INFÉRIEURE 1 »'•>
souvent rencontré dans ses études, et que notamment il a vivement
signalé pour les populations flamandes de la Belgique, à savoir, que les
épouses deviennent d'autant plus fécondes qu'elles sont moins nom-
breuses. C'est ce qui est facile à établir pour la Seine-Inférieure, puisque
l'on trouve que 1,000 épouses de 13 à .'i0 ans fournissent annuellement
198 naissances vivantes, et en Fiance seulement 174 (c'est un supplé-
ment important, car il est annuel, de 24 entants par 1,000 épouses). Et
comme, d'autre part, les femmes nubiles et non mariées fournissent
aussi 25 à 26 entants vivants, au lieu de 16 à 17. c'est-à-dire la moitié
en sus, la natalité générale de La Seine-Inférieure dépasse notablement
la moyenne et s'élève à 29 ou 30 par 1,000 personnes, au lieu de 26 ;
ou mieux (en rapportant les naissances aux seules' femmes nubiles aptes
à les taire — de l.'i à 50 ans), on trouve, par 1,000 femmes de cet âge,
en France. 102 naissances vivantes et dans la Seim -Inférieure 114.
Cependant, revenant sur ce phénomène singulier qui fait que presque
partout où les épouses sont moins nombreuses, elles sont aussi plus
fécondes, M. Bertillon ne croit cette compensation ni louable, ni dési-
rable, car partout où on la rencontre (en Flandre, en Bretagne et géné-
ralement dans le pays où le célibat est réputé (eu vie pie), elle coïncide
avec une très-forte mortalité de La première enfance. La Seine-Inférieure
continue bautemeiil cette règle.
La démographie est donc amenée, par la seule observation des laits,
à conclure qu'il est désirable qu'un peuple compte le plus grand nombre
d'associations conjugales; que le célibat est détestable pour Les groupes
sociaux puisqu'il a pour corrélatif obligé de surcharger quelques familles
de la fonction d'élever des entants, laquelle, pour le bien commun, doit
être partagée entre tous, car les faits déposent unanimement que lors-
qu'elle est très-inégalement répartie, elle aboutit à la mort prématurée
d'un grand nombre d'enfants et même d'adultes; elle aggrave, en eifet,
la misère, la meilleure pourvoyeuse de la mort hâtive .
Enfin, en analysant les naissances de la Seihe-Inférieure, on reconnaît :
d'une part, que la proportion des garçons y est un peu moins élevée
que la moyenne de France (104 garçons contre 100 tilles, au lieu de
105); et, d'autre part, on y compte (18o8-1873) une proportion un peu
plus grande de grossesses doubles 10,9 sur 1,000 grossesses générales
(au lieu de 9,87 en France), ce que les études antérieures du docteur
Bertillon lui t'ont présumer pouvoir être attribué à l'infiltration de
l'ancienne race normande, les races issues du tronc teutonique se signa-
lant partout par un excès de gémellité".
Mortalité. — Enfin, en ce qui concerne la mortalité, M. Bertillon a
rappelé que la mortalité de la première enfance y est des plus considé-
rables, et il ajoute seulement, pour chacun des autres groupes d'âges,
750 ANTHROPOLOGIE
qu'elle dépasse notablement la moyenne de la France. II ne craint pas
de dire, lorsqu'il s'agit d'un des pays les plus riches, d'un des climats les
plus salubres de France, avec son sous-sol crétacé et perméable, incessam-
ment rafraîchi en été et réchauffé en hiver par les vivifiantes brises de
mer, que cette mortalité déjà supérieure à la moyenne de France est
vraiment considérable; elle n'est explicable que par des vices sociaux.
Il y a en France deux bassins particulièrement salutaires ;\ la vitalité :
les plaines qu'arrose la Gironde, et celles où se déroulent la Seine et ses
affluents ; au bassin de la Gironde, il y aune exception : les Landes; à
celui de la Seine, il y en a deux : la Seine-Inférieure et Paru. Pour-
quoi les Landes arides, avec leurs ilaques marécageuses et leur tempéra-
ture déjà élevée, font-elles exception? Ici, c'est manifestement la nature
qui est meurtrière ; mais pour la Seine-Inférieure, pour le département
de la Seine et son brillant Paris, tous deux reposant sur le sol le plus
favorable qui soit au monde, le pourvoyeur de la mort prématurée ne
saurait être le milieu naturel, mais certainement le milieu social. Si
quelques progrès, depuis longtemps réclamés, étaient enfin eifectués
dans les relevés statistiques, et, entre autres, le plus facile de tous, le
relevé des décès simultanément par âge et par profession, il serait rela-
tivement facile aux démographes de mettre le doigt sur le mal, d'en
mesurer l'intensité et la marche, désormais progressives ou régressives,
selon que le voudraient les hommes !
M. LETELLIEE
Président do la Société française des Archives photographiques,
historiques et monumentales.
SUR LA PHOTOGRAPHIE APPLIQUÉE A LA GÉOLOGIE ET A L'ANTHROPOLOGIE.
— Séance du 29 août 1877. —
M. OLLIEE, DE MAEJCHAO
L'HOMME A L'ÉPOQUE DU GRAND OURS DES CAVERNES.
Si:(i ii ce (I h S 9 août I8t7.
Je ne me proposais pas de faire à cette session du Congrès du Havre
une communication sur mes récentes découvertes d'ossements humains
l'nMMËROL. — INSTRUMENTS DE PIERRE D'ORIGINE AMÉRICAINE 751
associés avec les ossements d'animaux de races depuis longtemps éteintes
ou disparues; mais, sur l'invitation bienveillante de quelques-uns de mes
collègues et amis, je viens soumettre à votre savante appréciation les
résultats de mes dernières touilles dans les cavernes des bords de l'Ar-
dèche, fouilles que je m'empresse de vous signaler, dès leur début, afin
de savoir si elles sont importantes et dignes d'être poursuivies.
Les débris d'ossements humains, les produits d'industrie humaine et
les fragments d'ossements d'animaux que j'ai l'honneur de vous présen-
ter, proviennent d'une couche de dépôt diluvien qui comblait une
immense galerie latérale faisant suite à la belle grotte de Louoï qui m'a
fourni la plus grande partie de ma collection de l'âge de la pierre polie.
Ce dépôt diluvien se compose de [quatre couches bien distinctes. C'est
dans la couche inférieure, environ à lm.50 du sol, que j'ai recueilli les
plus beaux fragments d'ossements humains avec les ours presque entiers.
Cette couche est formée d'un sable jaune avec petits fragments de roche
non roulés. J'ai recueilli aussi dans les deux premières couches, ainsi que
dans la troisième, quelques silex, tant roulés que taillés, et que notre
savant archéologue M. de Mortillett a classés, quelques-uns à l'époque
du Moustier, d'autres à celle de Saint-Acheul.
Les fouilles doivent être reprises sous peu de temps, et comme la
galerie est très-longue et le dépôt très-puissant, j'ai tout lieu d'espérer de
découvrir de nouveaux documents, surtout des crânes humains, qui pour-
ront apporter quelque nouvelle lumière sur l'importante question de
l'antiquité de l'homme à l'époque pliocène.
M. le Dr François POMMEEOL
De Gerzat (Puy-de-Dôme).
SUR DES INSTRUMENTS DE PIERRE D'ORIGINE AMÉRICAINE.
— Séance du 29 août 4877. —
Les instruments de silex qui font l'objet de cette Communication
m'ont été donnés par mon honorable ami, M. Eyraud,juge de paix
du canton Est de Clermont-Ferrand. Il les a recueillis durant un
séjour qu'il fit aux États-Unis d'Amérique de 1851 à 1871. Professeur à
l'institut de Lexington, viile située à l'Est de Francfort, dans le Ken-
tucky, M. Eyraud possédait une propriété dans Bath-County, section
de Laurel-Fork C'est en faisant labourer ses champs, pour la culture
752 ANTHROPOLOGIE
du maïs, qu'il rencontra, à la surface du sol, les objets que j'ai l'hon-
neur de mettre sous vos yeux.
L'État de Kentucky, m'a dit M. Eyraud, était avant la colonisation
occupé par les Osages, grande peuplade américaine de la famille des
Indiens Sioux. C'est sur l'emplacement de leurs primitives stations que
ces silex travaillés ont été découverts. Aujourd'hui, on constate encore
dans les environs des traces nombreuses de leur séjour. Ce sont de
grandes cavernes creusées dans les rochers, et de nombreux sentiers
encore très-apparents qui étaientleurs voies ordinaires de communication
ù travers l'immensité des forêts vierges. La civilisation moderne, l'en-
vahissement continuel des colons, la culture des terres et le déboise-
ment des forêts ont rejeté les Peaux-Rouges entre le Missouri et les
Montagnes Rocheuses, dans la vaste solitude des prairies qui forment
les territoires du Texas, du Kansas et du Nébraska. Ces instruments, qui
datent d'une époque où les sauvages d'Amérique traversaient ce que
nous appelons Yâge de la Pierre, m'ont paru intéressants à étudier. Ils
pourront jeter quelque lumière sur les instruments semblables qui se
rencontrent en Europe. Aussi, n'ai-je pas hésité, malgré leur petit nombre
à les présenter à la section d'anthropologie.
Fig. :i9.
Fig, GO.
Fig, m.
A. Fig. o.9. —Cet instrument est d'une forme régulièrement allongée. 11 pré-
sente deux bords parallèles et deux extrémités demi circulaires. Ses deux
POMMEROL. — INSTRUMENTS DE PIEIIRE D* ORIGINE AMÉRICAINE "53
faces sont raboteuses et convexes transversalement. Le contour est irrégulier,
sinueux, dentelé, en forme de scie grossière.
Le silex qui a servi à le confectionner est rose pâle à la moitié supérieure,
où il présente <;à et là de petites taches bleues, parfois rougeâtres. La moitié
inférieure présente une coloration d'un rouge sanguin, parsemée de petits points
blancs et bleus.
Longueur 64 millimètres.
Largeur :>.'> »
Epaisseur 10 »
. La forme de l'instrument indique son usage. Les bords devaient servir à scier,
à racler, et les deux faces à user ou à limer. On peut donc le considérer comme
tenant à la fois du grattoir, de la scie et de la lime. Il n'a pas dû servir long-
temps, car il n'offre que de faibles traces d'usure. Il est probable qu'il devait
être emmanché, à l'une ou l'autre de ses extrémités, comme le sont les grattoirs
des Esquimaux. Il pouvait aussi être tenu à la main; mais alors il était moins
facile de le manoeuvrer et le travail produit n'était pas en rapport avec la
force dépensée.
l-'ig. Ii2.
Flg. 64.
B. Fig. 61. — Instrument qui a la forme d'une spatule allongée, ovale. 11 se
termine inférieurement par un court pédoncule, à la manière des pointes de
flèches non barbelées qu'on rencontre souvent en Europe. Les deux faces sont
généralement planes, régulières, et présentent de nombreuses dépressions con-
ehoïdales peu profondes, traces des éclats enlevés par la taille. Elles sont trè<-
aplaties supérieurement, épaisses et rugueuses à la partie inférieure.
48
754 ANTHROPOLOGIE
Le contour est ovalaire à l'extrémité supérieure. Les deux Dords, à mesure
qu'ils descendent, s'écartent l'un de l'autre; puis ils se rapprochent brusque-
ment pour former le pédoncule. Celui-ci est court et robuste, à bords paral-
lèles et extrémité arrondie ; il est comprimé légèrement d'avant en
arrière.
La longueur totale de l'instrument est de O™^, son épaisseur varie de
1 à 0m,010. La largeur moyenne de la spatule est de Om,035. Longueur du
pédoncule, 0m,018; épaisseur, 0m,010.
Les bords rugueux et dentelés de cet instrument montrent qu'il a servi à
scier et à racler. 11 devait être fixé dans un manche volumineux qu'on pou-
vait tenir fortement à la main. Mais peut-être qu'il ne servait pas exclusive-
ment de grattoir. Sa forme et ses dimensions lui permettaient de pouvoir
prendre des substances pâteuses, et les naturels pouvaient l'employer comme
une cuillère pour porter à leur bouche les aliments demi-solides.
Fig. 66.
C. Fig. t>4. — Pointe de silex triangulaire assez épaisse, dont l'extrémité
supérieure est légèrement fracturée. Elle porte deux ailerons bien marqués,
mais d'inégale grandeur et se termine par un pédoncule fort intéressant à
étudier. Il est aplati d'avant en arrière, taillé intérieurement en double biseau
et plus large en cet endroit qu'au point de jonction avec le corps de la pointe.
C'est au-dessous des ailerons que sa largeur est la plus petite. Cette particularité
est importante à signaler, parce qu'elle nous montre clairement le mode
employé pour fixer la pointe à la tige ou au bois de la pointe. Ce bois était
fendu ou évidé à une de ses extrémités, qui portait en même temps deux
encoches latérales. Le pédoncule était engagé dans la fente ou rainure et on
le fixait en passant circulairement un lien dans les encoches. Le pédoncule,
étant rétréci au-dessous des ailerons, se trouvait ainsi fortement saisi par le
lien, et la pointe ne pouvait être arrachée de sa tige.
POMMEROL. — INSTRUMENTS DE PIERRE D'ORIGINE AMÉRICAINE 755
Longueur 45 millim.
Distance entre les ailerons .... 25 »
Epaisseur moyenne 7 » .
Bord inférieur du pédoncule ... 15 »
D. Fig. 65. — Pointe très-aplatie, pédonculée et déforme généralement trian-
gulaire. Elle a été faite au moyen d'une lame de silex très-mince. Les deux
faces sont planes, tout en présentant les traces des nombreux petits éclats que
la taille en a détachés. A 24 centimètres environ de l'extrémité pointue et
sur chaque côté des bords, on remarque deux crans ou encoches peu profondes,
mais nettement marquées. A la partie inférieure, les deux bords deviennent
convergents pour former le pédoncule. Cette pointe ne présente pas d'ailerons
comme la précédente. Le pédoncule offre les mêmes particularités que celui de
la pointe 04. Il est cependant moins épais et plus large. Il est inférieurement
taillé en double biseau et se rétrécit insensiblement en allant de bas en haut,
ce qui forme de chaque côté du pédoncule deux encoches larges et profondes.
Les particularilés que nous venons de signaler vont nous expliquer com-
ment cette pointe était tixée à sa tige. Celle-ci avait G"1, 018 environ de
diamètre et portait à son extrémité une double entaille latérale correspondant à
celle du pédoncule. On passait un lien circulaire autour du pédoncule; on le
ramenait ensuite obliquement sur chacune des entailles supérieures de manière
à l'entre-croiser en sautoir sur les deux faces de la pointe. Celle-ci se trouvait
alors solidement fixée à la tige et par le pédoncule et par la partie supé
rieure.
E. Fig. 66. — Le dernier spécimen que nous avons à examiner est une
magnifique pointe, très-élégamment taillée. Ce n'est qu'en Danemark que l'on
pourrait trouver des objets analogues si finement travaillés. Cette pointe a été
faite au moyen d'une lame de silex mince et droite, que l'on a retouchée sur
les bords et les faces avec beaucoup de soin et d'habileté.
Elle a la forme d'un triangle isocèle très-allongée. Hauteur 0m,057 base
Um,020. L'extrémité supérieure et les bords sont aigus et tranchants.
La base, taillée en double biseau, est aussi très-tranchante. Elle porte deux
petites encoches latérales, demi-circulaires, de 0m,003 de diamètre, taillées
avec une grande précision. Mince et légère, d'une grande dimension,
elle était une arme dangereuse et meurtrière. Le temps et le soin employés à
la faire nous donnent à penser qu'elle dut appartenir à quelque personnage de
distinction, à un chef de tribu, et le sauvage qui la confectionna était sans
contredit un artiste consommé dans l'art de tailler le silex.
Il est facile de voir comment cette pointe était fixée à sa tige. Elle était
introduite dans une fente pratiquée à l'extrémité supérieure du bois qui por-
tait deux entailles latérales, où un lien passé circulairement assujettissait for-
tement la pointe et la tige.
Les silex taillés que nous venons d'étudier ne se rencontrent pas
seulement en Amérique. Tous les peuples qui traversent ou ont franchi
la période de la pierre en ont confectionné de semblables. Nous avons
vu qu'ils appartiennent à deux types distincts, le grattoir et la pointei
ToO ANTHROPOLOGIE
Les grattoirs servent surtout à apprêter la peau des bêtes tuées à la
chasse. On connaît la manière dont s'en servent les Lapons actuels (1).
Je citerai le passage d'une relation de voyage dans l'Amérique du Nord
qui fait connaître comment les Peaux-Rouges emploient les grattoirs
pour les besoins de leur industrie primitive : « Le propriétaire d'une
des huttes voisines venait de tuer un gros elk, dont les femmes s'occu-
paient à apprêter la peau. On l'avait tendue avec des courroies, par
terre, auprès de la tente, et les femmes enlevaient, avec un outil fort
bien approprié à cet usage, les parties de chair et de graisse qui pou-
vaient encore s'y trouver. Cet outil est fait d'os; il est droit ou angu-
laire, aiguisé à l'une des extrémités, et en forme de scie avec de petites
dents; à l'autre bout il est garni d'une corde que l'on passe autour du
poignet. On pousse ou l'on frappe avec le tranchant dentelé, et par ce
moyen on enlève toutes les parties charnues. Plusieurs Indiens ont
adapté à cet os des dents de fer (2) »
Les deux formes de grattoir américain que nous avons décrites se
trouvent aussi dans nos contrées. Je donne A (t\^. 60) le dessin d'un
petit grattoir d'Auvergne, moitié moins grand, mais d'une forme iden-
tique à celle du grattoir (fîg. o9.) Ce sont bien les deux mêmes instruments
ayant servi aux mêmes usages. Je ne connais pas, dans nos pays, de
grattoir ressemblant absolument à celui représenté par la ligure 61, qui
est en forme de spatule pédonculée. Mais on peut trouver sur des spéci-
mens différents l'un ou l'autre des caractères qui le distinguent; ainsi,
j'ai représenté (fig. 63) un petit grattoir, trouvé dans le département du
Puy-de-Dôme, à la surface du sol, muni comme notre échantillon
d'Amérique d'une véritable soie ou pédoncule. 11 est circulaire au lieu
d'être de forme allongée. J'ai figuré encore un très-beau grattoir, trouvé
dans une sépulture de l'âge de la pierre polie, à Gerzat (Puy-de-Dôme),
et qui est en forme de spatule (tig. 62). Le pédoncule n'est pas si nette-
ment marqué que sur le grattoir américain, mais il est cependant très-
visible ; il est constitué par l'extrémité inférieure de l'instrument qui se
termine insensiblement en pointe.
Les grattoirs de notre pays comme ceux d'Amérique étaient donc
emmanchés et servaient certainement aux mêmes usages, c'est-à-dire à
la préparation des peaux dont les sauvages anciens et modernes faisaient
des ustensiles ou des vêtements.
Les trois pointes de silex que nous avons décrites sont des armes.
Elles étaient employées à la guerre ou plutôt à la chasse. Leurs dimen-
(i) Lmuei bu Cbristy. Heliquin- Aquilanicœ. Essaya and Memoirs, p. 13. fig. 5, in-4° London
1875.
Sven Nilsson. Les Habitant* primitif* île la Scandinavie, \>. 102, in-8°. Paris, Rein wald 1860.
(2) Le princk Maximii.ien de Wied-Neuwied. Voyagé ddns Vintérieur ite l'Amérique du Nord,
— 3 vol. in-8* Paris. — Vol. L p. 360.
POMMEROL. — INSTRUMENTS l>K PIERRE D ORIGINE AMÉRICAIN! 181
sions relativement petites nous autorisent à croire qu'elles n'ont pas du
servir de têtes de lance. La lance, tenue à la main, n'est meurtrière
qu'autant qu'elle esl beaucoup plus grande que la Mèche. Ainsi sont les
lances préhistoriques qui ont été trouvées en Danemark et en d'autres
pays d'Europe. Elles n'ont pas servi davantage de pointes de harpon,
car cette arme est toujours très-fortemenl barbelée, pour être capable de
retenir le poisson qui fuit. L«*s ailerons de la pointe (fig. 64) ne M>nt ni
assez longs, ni assez résistants pour appartenir à une tête de harpon.
Ces armes ne sauraient être que des pointes de Sèches ou de javelots.
On peut voir, par les dimensions de leur pédoncule, que la tige <|ui les
supportait était très-solide et avait environ 2 centimètres de diamètre. Il
fallait des ares puissants pour les lancer à une certaine distance.
Xilsson, dans son ouvrage : les Habitants primitifs de la Scandinavie,
a donné les dessins de quelques pointes de flèches qui se rapprochent
île celles que nous venons de décrire. Le spécimen (fig. 104, pi, V), pro-
venant de la Californie, est presque identique à notre figure 65. Il porte
deux encoches supérieures et il est ti\é à la tige par un lien entre-croisé
sur les deux laces de la pointe. Les pointes (fig. 107 et 108) repro-
duisent exactement notre figure (ii. Enfin, une pointe de harpon du
(iroënland (fig. 203, pi. X) possède deux entailles latérales semblables
à celles de notre pointe (fig. 66).
La figure 20 de la page 43 des Religuiœ Aquitanicœ représente une
pointe de Sèche d'Amérique qui se rapproche de notre ligure 6-4 et qui a
été trouvée dans le voisinage d'anciens villages, à la surface d'une terre
labourée.
Les pointes de silex que l'on trouve en si grand nombre sur presque
tous les points de la Erance ne ressemblent pas d'une manière absolue
à celles d'Amérique. Elles n'ont que très-rarement des entailles latérales
et leur pédoncule est généralement court et conique. La pointe ordi-
naire de nos pays n'était pas fixée à la tige par un lien, mais au
moyen d'une substance résineuse, comme la poix ou le bitume, ainsi
qu'on l'a constaté sur des flèches recueillies dans les tourbières et les
stations lacustres. Ce mode d'attache prouve beaucoup d'intelligence de
la part de ceux qui l'ont inventé. Nos flèches à ailerons et à courte
soie étaient plus légères et plus meurtrières que celles des Indiens
d'Amérique. Elles portaient à une plus grande distance, et quand on
voulait les arracher de la plaie, la tige seule se détachait et la pointe
restait dans les chairs.
Par la comparaison des faits que nous venons d'étudier, nous arrivons
à une importante conclusion ; que la science anthropologique formule
tous les jours d'une manière de plus en plus précise : l'humanité, sur
tous les points du globe, a traversé la première phase de son existence
758 ANTHROPOLOGIE
au sein de la sauvagerie. Avant de découvrir l'usage des métaux et les
bienfaits de l'agriculture, elle a partout employé l'os et la pierre dans la
confection de ses armes et do ses outils et vécu uniquement des pro-
duits de la chasse et de la pêche. Dans l'ancien comme dans le
nouveau monde, l'état sauvage a été le point de départ, le germe de
toute civilisation.
M. YAÏÏTHIEE
Ingénieur des Ponts et Chau
STATISTIQUE DÉMOGRAPHIQUE. SYSTÈME GRAPHIQUE DES COURBES
DE NIVEAU.
— Séance du 29 août 1X77. —
M. Vauthier présente à la section d'anthropologie deux cartes cons-
truites dans le système ci-dessus indiqué. L'une est une carte statistique
de la répartition de la population de Paris ; l'autre une carte de France
qui donne la répartition de la mortalité des entants de 0 à 1 an pendant
la période 1857-1866.
Les nombres qui ont servi à établir cette dernière sont empruntés aux
travaux de M. Bertillon, et les mêmes que ceux adoptés par cet auteur
pour construire la carte n° 1, section B, 3e série de la démographie figurée
de la France.
L'auteur de la communication met sa carte en parallèle avec cette der-
nière, qui exprime les variations du même phénomène par une série de
9 teintes graduées en intensité. Il montre comment les deux modes de
représentation concordent pour indiquer les régions où la mortalité
dépasse la moyenne et celles où elle reste au-dessous. Mais il fait voir
comment les variations sont plus nettement accusées par le système des
courbes que par celui des teintes, ce qui se comprend sans peine.
Avec les teintes et surtout les nuances de noir, les seules faciles à employer
typographiquement, il faut beaucoup d'ingéniosité pour obtenir neuf
degrés distincts, et encore ne sont-ce pas, dans le sens exact du mot, des
teintes régulièrement graduées en intensité. De là une pauvreté de moyens
bien comprise de ceux qui emploient le procédé. Aussi se trouvent-ils
conduits à sortir du système rationnel, qui consisterait à grouper les don-
nées numériques à représenter d'après leurs valeurs mêmes et à en former
plutôt des groupes où ces données figurent en nombre égal. Mais alors
on réunit parfois ainsi, dans divers groupes de la série, des données
VAUTHIER. — STATISTIQUE DÉMOGRAPHIQUE 759
numériquement peu différentes ou au contraire s'écartant excessivement
les unes des autres. Et dés lors il cesse d'y avoir un rapport précis
entre le fait numérique et le fait graphique.
Le système des courbjs de niveau écliappe à ce défaut. Les courbes
peuvent être aussi rapprochées qu'on le veut. Elles se prêtent ainsi à
la peinture des variations numériques quelles qu'elles soient, et l'on peut
même dire que plus ces variations sont considérables, plus la peinture
par courbes prend d'intérêt. C'est ainsi que la carte par courbes de niveau
met en évidence, dans le département d'Eure-et-Loir, un véritable pic
mortuaire qui s'élève à deux pas de Paris pour les nourrissons confiés
à l'allaitement extérieur. Des sommets analogues, moins proéminents, se
manifestent sur d'autres points au voisinage des grandes villes. Ces
picset toutes les autres circonstances mises nettement en relief par la carte
n'appellent pas seulement la curiosité, mais sollicitent les recherches. Un
nouveau mode de figuration peut devenir, comme cela est maintes fois
arrivé dans les sciences, non-seulement un moyen de re*ndre les consta-
tations plus frappantes , mais encore par sa précision un guide précieux
pour les investigations.
M. Vauthier entre dans quelques explications sommaires sur le procédé
de construction des cartes présentées. Il fait voir que les nombres relevés
par la statistique commandent d'une manière très-impérative le tracé des
courbes et ne laissent rien à l'indétermination, car il faut absolument
que; pour chaque département par exemple, la hauteur moyenne de la
surface que les courbes dessinent soit égale au nombre donné par la sta-
tistique pour ce département. C'est un avantage qu'on n'a pas en topo-
graphie, où les courbes horizontales peuvent cependant être déterminées
avec tant de précision et rendre de si grands services.
DISCUSSION
M. de Mortillet considère les courbes de niveau appliquées à l'étude des popu-
lations comme très-instructives et appuie l'idée particulièrement heureuse de
M. Vauthier.
M. Lagneau. — Dernièrement j'entendais M. Marey, professeur au Collège de
France, exprimer cette idée d'appliquer à des caries démographiques devant re-
présenter la taille moyenne plus ou moins élevée, la population spécifique plus
ou moins dense, des courbes analogues à celles employées par certains géo-
graphes pour exprimer sur les cartes les différentes altitudes à cotes- chiffres
plus ou moins élevées. On pourrait également colorer ces courbes en teintes
plus ou moins foncées suivant l'intensité du fait ou du phénomène étudié. Seu-
lement, pour bien tracer ces courbes teintées et cotées, il faudrait que les docu-
ments fussent recueillis et publiés non par départements, unités trop étendues, mais
par cantons, communes, ainsi que MM. Larrey, Bergeron, Broca et moi l'avons
demandé en diverses circonstances, en particulier pour la statistique du recru-
760 ANTHROPOLOGIE
tement de l'année, car très-souvent tel fait ou mouvement démographique se
manifeste très-diversement dans les différentes parties d'un même département.
M. Vauthier fait remarquer que, sur les cartes démographiques les meilleures,
les teintes du blanc au noir ne peuvent être assez multipliées pour exprimer
exactement la répartition proportionnelle du phénomène, et que, par suite, les
séries exprimées par chaque teinte sont le plus souvent d'étendue très-inégale.
M. Lagneau. — Pour que chaque teinte exprimât exactement la proportion re-
lative du phénomène étudié, il faudrait n'employer pour teinter que des raies
toujours de même épaisseur ou des points de même volume disposés pour un
centimètre carré delà surface de la carte en raison exactement directe de l'in-
tensité du phénomène étudié, l'épaisseur des lignes ou le volume des points
étant calculé de telle sorte que la proportion la plus forte de ce phénomène
fût exprimée par une teinte uniformément et entièrement noire résultant du
rapprochement immédiat de ces lignes ou de ces points, la proportion la plus
faible étant exprimée par l'absence complète de lignes ou de points.
M. A. POMEL
LE SEUIL DE GABÈS AUX TEMPS PRÉHISTORIQUES.
— Séanrr il i 29 août iS~7. —
Dans mon livre sur le Sahara (paru en 1872), j'ai conclu de l'absence
de débris organiques marins dans les terrains quaternaires de cette région,
que la mer saharienne était une pure conception spéculative à reléguer
au rang des mythes et qu'il devait en être de même de la prétendue mer
intérieure des Chotts, à tort considérée comme l'ancien golfe Triton.
Depuis lors néanmoins, la dernière thèse a été reprise et, sous forme de
projet de restauration d'un ancien état par le simple enlèvement d'une
barre de sables accumulés par les Ilots, elle a eu le privilège de pas-
sionner l'opinion.
Un voyage d'exploration au printemps de cette année 1877 m'a confirmé
dans la plupart de mes prévisions, au sujet de l'existence du seuil
à une époque antérieure à celle où aurait eu lieu la communication
prétendue oblitérée depuis les temps historiques. Entait, le Gliott-el-Djérid
ne peut être un délaissé de mer, puisque, sur toute son étendue, il
est au-dessus du niveau de la mer. et cela d'environ 30 mètres vers
son extrémité orientale.
J'ai donné à la section de géologie une description sommaire de la
\. POMEL. — LE SKI IL DE GABÈS AUX TEMPS PRÉHISTORIQUES "fil
géologie de cette contrée et je ne dois entretenir la section d'anthropo-
logie que de quelques faits qui peuvent l'intéresser en ce qui concerne
l'histoire de l'homme.
Le seuil de Gabès est un vaste col entre deux reliefs montagneux
composés de terrain crétacé et forme lui-même des collines d'atter-
rissement limoneux ne renfermant que des coquilles d'hélices et par
conséquent d'origine continentale et non marine. Leur âge remonte aux
premiers temps quaternaires et leur formation recouvre dans le sud de
la Tunisie et autour de la petite Syrte des espaces considérables.
Ce dépôt lui-même a été raviné et ces ravinements ont été plus ou
moins remplis par d'autres dépôts alluvionnaires renfermant des mélanies
mélanopsides, bithynies et quelques cardium edule d'une race petite
et à coquille assez mince. 0i\ à la base de ce dépôt, qui a 3 mètres
d'épaisseur dans les berges de l'Oued-Àkarit, j'ai recueilli un couteau
en silex à coté d'un fragment d'os qui me paraît avoir appartenu a un
bassin. Il y avait donc là une station préhistorique incontestable.
M. Chevarrier, vice-consul de France à Gabès, en présence duquel j'ai
recueilli ces pièces, m'en a montré d'autres trouvées par lui dans un des
ravins affluents de l'Oued-Gabès ; ce sont deux magnifiques couteaux de
grande taille et une pointe de flèche d'un très-beau type, qui gisaient
dans un lit noirâtre, fond d'ancien marécage contenant beaucoup de
melania tuberculata, de melanopsis maroccana, des bithynies, quelques
planorbes, etc. , et dont l'affleurement constitue la seule station d'une plante
orientale du groupe des mimosées, le Prosopis stephaniana. Cette couche
est recouverte par 3 ou 4 mètres d'épaisseur de dépôts li mono-sableux,
que l'on suit sans discontinuité jusqu'aux ruines de l'antique Tacape,
emporium carthaginois, dont les fondations sont établies sur ce ter-
rain lui-même, qui porte ainsi un cachet de haute antiquité. Dans ces
ruines de Gabès, on trouve une grande quantité de coquilles de murex
trunculus, dont les animaux avaient servi à la fabrication de la pourpre ;
il faudrait bien se garder d'y voir des indices d'une ancienne immersion ;
c'est un simple résidu de fabrique.
Dans les berges de l'Oued-Gabès, on distingue toujours très- nettement
ces dépôts supérieurs lluviatiles ou de marais, contenant à leur base
des outils de l'homme préhistorique, de la formation gypso-limoneuse
qui les supporte et qui forme le pied de ses berges.
Ce terrain quaternaire ancien se poursuit jusqu'au faîte du seuil et au
delà jusqu'au bord delà Sebkha, qui, en ce point, est à-j-32 mètres et y
conserve tous ses caractères physiques. Sur ce versant occidental, j'ai
trouvé environ à mi-pente, en un point, des fragments de poteries incon-
testablement romaines, et sur un autre point, environ à la même hauteur,
j'ai pu recueillir quelques outils en silex indiquant une station préhistorique
762 ANTHROPOLOGIE
à découvert. Ces faits viennent encore attester que ce seuil était habité
dans des temps bien plus reculés que ceux auxquels on supposait qu'il
s'était constitué. J'avais eu par conséquent raison de dire que la barre
de Gabès état bien plus ancienne qu'on le supposait et que les chotts
n'avaient été anciennement que des lacs, puis des mers mortes sans commu-
nication avec la Méditerranée. On m'objecte que les documents historiques
semblent établir cette ancienne communication. Mais je ferai simplement
remarquer que lorsqu'on consulte les textes originaux, on reconnaît faci-
lement que les auteurs successifs qui ont parlé du lac de Triton, depuis
Pindare jusqu'à Pline, le placent dans des régions distinctes, les uns dans
la Cyrénaïque , les autres au fond de la grande Syrte, d'autres dans la
petite Syrte ou de Gabès, d'autres enfin dans la partie la plus enfoncée
du golfe Hammamet, entre Monastir et Souse. Il n'y a que confusion à
espérer de la combinaison de pareils documents, et les contours géo-
graphiques de la petite Syrte, depuis l'île de Djerba jusqu'à celle de
Kerkena, ne paraissent pas ditférer sensiblement de ce qu'ils pouvaient
être à l'origine des temps historiques.
DISCUSSION
M. de Mortillet considère comme peu probable l'existence d'une mer dans
e Sahara. Il se peut qu'il y ait eu dans ces parages de grands lacs ; mais les
indices d'une mer saharienne sont trop peu sûrs aujourd'hui, pour que la réa-
lité en ait cessé d'être problématique.
M. Lagneau. — L'ancienne existence de la mer saharienne séparant les popu-
lations atlantes ou kabyles de la Mauritanie, des populations nègres, entière-
ment différentes, du reste de l'Afrique, semble trouver un témoignage dans
certain passage de Diodore de Sicile rappelant que le lac Tritonide, à la suite
d'un tremblement de terre, aurait disparu par la rupture du terrain le séparant
de la mer. (Diodore de Sicile, 1. III, § 55, p. 167, coll. Didot.)
MM. BOCHEFOÏÏTAOE & COÏÏTY
RAPPORT QUI EXISTE ENTRE LE POIDS DU CERVEAU ET LE POIDS TOTAL DU CORPS,
CHEZ LE CHIEN.
(EXTRAIT.)
Sraiice du 29 ri nul 1877.
M. Couty communique en son nom et au nom de M. Bochefontaine les
résultats d'observations commencées dans le laboratoire de M. le professeur
Vulpian.
Dr TOPINARD. — ANOMALIES DE LA COLONNE VERTÉBRALE T63
Ils ont pesé plus de quarante chiens, d'espèces et de tailles très-différentes,
pesé comparativement le corps tout entier et les organes encéphaliques, et ils
ont constaté les faits suivants :
Le poids des chiens a varié de 5 kos 1/2 à 21 kos. L'encéphale le plus petit
appartenant à un chien de 2 kos a pesé 67 <?r, l'encéphale le plus volumineux
appartenant à un chien de 1<Sk0S a atteint 105 er ; du reste, ces chiffres extrêmes
sont restés exceptionnels, et dans la plupart des cas, le poids de l'encéphale a
été presque fixe, se rapprochant de 00 Rr ; alors que le poids total du corps va-
riait de 6 à 15 kos. Quant aux organes mésocéphaliques, pesés à part, sur
quinze animaux ils ont toujours égalé 15 à 18 «r. De tous ces faits il paraît
résulter que, dans l'espèce canine, l'encéphale participerait, dans de très-faibles
limites, aux oscillations de volume total, et que, de tous les organes, les
organes nerrcux sont ceux dont le poids est le moins variable.
Le volume du cerveau ayant ainsi paru dépendre fort peu de la taille de
l'animal, de son développement osseux et musculaire, MM. Couty et Boche-
fontaine ont recherché si les organes encéphaliques variaient avec le perfec-
tionnement des fonctions nerveuses, avec la race, etc. : mais leurs observa-
tions sur ce point très-complexe sont encore trop incomplètes pour qu'ils puissent
affirmer cette influence.
Ils continueront du reste ces recherches et ils espèrent pouvoir donner des
conclusions plus précises.
M. le D' Paul TOPOAO
Professeur à l'École d'anthropologie.
DES ANOMALIES DE NOMBRE DE LA COLONNE VERTEBRALE CHEZ L'HOMME.
— Séance du 29 août 1877. —
Dans tout groupe zoologique plus ou moins naturel, quel que soit le
rang hiérarchique que lui assignent les naturalistes, il se manifeste, dès
les premières étapes de l'évolution de l'œuf, deux tendances opposées
l'une de concentration des caractères ou de ressemblance aux ancêtres,
et l'autre de divergence des caractères ou de variabilité.
La première a d'autant plus d'action que les caractères du groupe sont
fixés depuis plus longtemps par les effets accumulés de l'hérédité; la se-
conde est en raison inverse. Mais dans certains cas la variabilité n'est
elle-même qu'un des modes de se manifester de la puissance de concen-
tration.
Lorsque deux lignées font converger leurs efforts dans un même sens,
les caractères des ancêtres se confirment; ils s'implantent d'autant plus
solidement que le même concours favorable s'est davantage répété dans
704 ANTHROPOLOGIE
le passé ; d'où la formation des types qui caractérisent les familles, les
espèces et les races. Mais les efforts peuvent se contrarier et entrer en
conflit; les caractères sont alors croisés, ils tiennent de l'une ou de
l'autre lignée ou ils sont un compromis entre les deux. La même lutte
se répétant 10, 20 fois au moment de la conception, un caractère peut
ainsi avoir le dessous et finir par disparaître. Mais la tendance à sa re-
production n'est pas éteinte pour cela, elle se perpétue à l'état latent et.
des circonstances favorables surgissant et lui donnant de la force, il peut
reparaître à l'improviste chez l'individu. C'est ce qu'on appelle Y atavisme :
il explique comment, à la surprise de tous, un enfant naît avec des
yeux bleus dans une famille dont tous les membres connus depuis plu-
sieurs générations sont blonds.
La variation, dans ce cas, n'est à proprement parler ni spontanée, ni
accidentelle, ce n'est qu'une manifestation de la loi de concentration des
caractères, c'est un retour partiel vers l'un des types qui ont figuré dans
les généalogies multiples des ancêtres, une réminiscence, la preuve que
le caractère n'avait pas perdu tous ses droits. Cette variation imprévue
éveille donc à juste titre la pensée d'un état semblable à une époque
lointaine. On la désigne du nom d'anomalie, mais il n'y a rien d'ano-
mal dans la nature ; ce n'est anomal que pour notre intelligence actuelle.
Les anomalies des organes soit internes, soit externes, soulèvent donc
une grosse question de philosophie naturelle. Dans quelle étendue phy-
siologique se produisent-elles dans un groupe zoologique donné? Cette
étendue ne peut-elle faire pressentir si le type est fixé depuis plus ou
moins de temps ? Mais, avant d'examiner le problème, il faut dresser le
bilan de ces anomalies dans tous les organes et savoir tous les inter-
médiaires entre elles et l'état normal moyen.
C'est ce que je me suis efforcé de faire pour un seul organe, pris dans
un seul groupe zoologique, — pour les anomalies de nombre de la
colonne vertébrale chez l'homme, non pas en rassemblant les quelques
indications éparses sur ce sujet, mais en passant en revue, dans divers
établissements de Paris, environ 350 squelettes de toutes provenances.
Une étude de ce genre devrait être précédée d'un résumé au moins
de nos connaissances sur la colonne vertébrale, la constitution philoso-
phique de ses parties dans la série des mammifères, et les moyens de
reconnaître chez l'homme le rang et le titre de la vertèbre ajoutée, sup-
primée ou pervertie. Ce serait hors de saison ici. Il me suffira de dire
qu'avec quelque habitude, on reconnaît aisément dans un monceau de ver-
tèbres dispersées sur une table les llme et 12me dorsales, la lre et la ome lom-
baires, pour ne rien dire de celles des régions cervicale, sacrée et coccy-
gienne, qu'on en peut reconnaître bien d'autres par comparaison avec
les voisines sur un squelette monté, et que les déformations de la base
I>r TOPINARD. — ANOMALIES l>K LA COLONNE VERTÉBRALE "<>.">
du sacrum et de son sommet par addition d'une vertèbre lombaire ou
coccygîenne sont également faciles à diagnostiquer.
Les anomalies de nombre et de position des vertèbres et de leurs an-
nexes, que j'ai rencontrées se partagent au point de vue du t'ait ana-
tomique seul en trois groupes: les anomalies par excès, les anomalies
par défaut, les unes et les autres sans compensation, et les mêmes avec
compensation. Elles ont pour siège les vertèbres elles-mêmes ou les
côtes, qui ne sont que des dépendances des dorsales, aux dépens des deux
racines antérieure et postérieure des apophyses transverses qui régnent
d'une extrémité de la colonne à l'autre et en mesurent la largeur
maximum. C'est dire que les anomalies des vertèbres et des eûtes se
confondent lorsqu'on considère la région thoracique
Les côtes, pour commencer, se montrent donc en plus ou en moins:
— en plus dans trois régions: au cou, au dos et aux lombes; — en moins
dans la région dorsale seulement bien entendu.
Je possède 6 observations de côtes ou de vestiges de côtes déve-
loppées sur la 7e cervicale; mais comme la solidarité n'est pas obligée
entre les deux cotés, cela t'ait un total de dix cas d'apophyses transver-
ses costiformes. A un 1er degré, la racine postérieure s'hypertrophie et
prend la physionomie de la partie à laquelle les auteurs limitent le
ternie d'apophyse transverse au dos, et le tubercule normal, qui résulte de
la jonction des deux racines, s'allonge et se coude obliquement en
avant sur une longueur de u2 centimètres au plus. Au 2d degré, et à ce
degré seulement, la racine, antérieure se met de la partie, elle s'al-
longe et se brise en articulation : 1° à son insertion avec le corps de la
vertèbre et 2° à sa jonction avec la racine postérieure ; d'où une côte
en continuité seulement avec la racine antérieure , mais incomplète et
flottante. A un 3e degré, c'est une côte entière et parfaite, s'articulant
avec l'angle supérieur et externe du sternum par un cartilage générale-
ment distinct de celui de la 1"= côte dorsale, mais aboutissant au même
point sur le sternum.
A l'autre extrémité du thorax, aux dépens de l'apophyse transverse de la
lre lombaire, une côte simple ou double et flottante peut s'ajouter, de même.
Elle s'y présente sous deux aspects : tantôt c'est un vestige de côte qui
s'articule à l'extrémité même de l'apophyse transverse, tantôt l'apophyse
s'est allongée en côte et brisée à sa base en articulation. Je n'en
possède qu'un cas prononcé chez l'homme, mais un assez grand nombre
sur les animaux.
A la région dorsale, enfin, une côte se dédouble dans une étendue
plus ou moins grande ; son extrémité antérieure se termine par deux
cartilages qui aboutissent au même point du sternum (j'en ai deux cas) ;
ou bien une côte s'ajoute ou se supprime entièrement, mais alors
766 ANTHROPOLOGIE
l'anomalie est commune avec celles des vertèbres dorsales dont je vais
à présent parler.
Les anomalies par excès, sans compensation, sont rares à la région
dorsale et je crois être le premier aies avoir démontrées. Je n'en ai que
deux cas, mais ils ne souffrent aucune objection l'un : a 13 vertèbres dor-
sales, l'autre en a 11.
Le premier est celui d'un entant de 8 ans 1/2 dont le squelette, fait
partie du musée de l'Institut anthropologique de Paris. Il a son compte
de vertèbres à la région cervicale, aux lombes, au sacrum et cependant
il a 13 dorsales parfaitement conformées, portant 13 paires de côtes,
non moins bien conformées. Son thorax et toute sa colonne ressemble
à celui de tout autre squelette du même âge ; ce qui fait que son ano-
malie a passé inaperçue jusqu'à ce jour, quoiqu'il figure dans les vi-
trines depuis 6 années.
Le second est un squelette superbe de lm,78 de hauteur, faisant partie
des mêmes collections. Il n'a que 11 vertèbres dorsales et 11 paires de
côtes et tout le reste, de sa colonne est aussi régulier que possible. On
ne peut lui découvrir aucune autre singularité.
Ce qu'il y a de frappant, c'est que si l'on s'attache aux caractères par-
ticuliers à l'aide desquels on reconnaît les vertèbres les unes des au-
tres, on n'en trouve aucune absente ; les deux vertèbres de transition de
la lin du thorax, en particulier, ressemblent chez les deux sujets à ce
qu'ils sont chez tout le monde. Il est donc impossible de dire quelle est
la vertèbre et la paire de côtes qui s'est ajoutée chez l'un et a disparu
chez l'autre. Peut-être que, dans le sein de la mère, cette vertèbre mé-
ritait un nom et avait une place déterminée, mais l'accommodation des
parties qui s'opère dans le cours de l'existence, et surtout pendant la
période d'accroissement, en a effacé tous les caractères.
A la région lombaire, le nombre des vertèbres peut aussi être accru ou
diminué sans compensation. Je possède l'observation d'un nègre du Bur-
nou qui n'a que 4 lombaires, et tout le reste de sa colonne, en particu-
lier son sacrum et son coccyx sont rigoureusement normaux. Sa lre lom-
baire a tous les caractères d'une lre lombaire, sa dernière tous ceux d'une
oe et son avant dernière ceux d'une 4e. Si l'on pouvait raisonner de cette
façon, je dirais que ce sont les 2e et 3e qui se sont fondues en une seule.
Quant aux cas de b'e lombaire supplémentaire, tout le reste de la colonne
étant comme d'habitude je ne les compte plus, j'en ai dans mes noUs une
quinzaine d'observations. Mais dans une dizaine, cette 6e lombaire
témoigne de dispositions plus ou moins accusées à se transformer en
lre sacrée, ou est devenue tout à fait sacrée. Je les laisse de côté, mais
il me reste o ou (J cas, dans lesquels la vertèbre est libre dans toute son
étendue. Et ce que nous avons observé à la région dorsale se répète ici :
Dr TOPINARD. — ANOMALIES l)K LA COLONNE VERTÉBRALE 767
toujours (je n'en connais pas d'exception) cette 6e lombaire a les carac-
tères d'une o , la o° au-dessus ceux d'un»' Ie; je puis môme parfois reeon-
iKiitrc la 4e comme une 3e, et c'est la 2e, en somme, qui semble en
général s'être dédoublée.
Je ne parlerai pas des anomalies par excès ou défaut du sacrum. Cela
exigerait de trop longs développements ; elles ont du reste été étudiées
plus .pic celles des autres parties du racliis. Ma conclusion, c'est que, là
aussi, les deux espèces existent, mais elles y sont difficiles à surprendre
en flagrant délit. Comme vous le savez, les vertèbres sacrées ne sont
plus indépendantes comme celles du dos et des lombes, elles sont sou-
dées entre elles et l'accommodation des parties à laquelle donne lieu toute
anomalie s'accompagne ici de phénomènes d'hypergencse ou d'atrophie
osseuse qui compliquent le problème. Je laisse de côté les anomalies du
coccyx pour les mêmes motifs.
Passons aux anomalies par compensation. Elles sont de deux sortes.
La première sorte ne se présente, ou du moins ne se constate
directement et avec facilité qu'au sacrum et au coccyx. C'est le pas-
sage direct d'une oc lombaire normale, ou d'une 0e lombaire supplé-
mentaire, des lombes au sacrum, ou réciproquement, car il est sou-
vent difficile de dire dans quel sens s'est produite la migration ,
les diverses étapes du passage et de la transformation graduelle qui
l'accompagne pouvant se réduire à 5 degrés. Je possède de nombreuses
observations de tous ces cas; je me borne à en citer o, dans lesquelles la
oe lombaire est devenue plus ou moins sacrée, et où par conséquent
il ne reste plus aux lombes que 4 vertèbres, comme chez le nègre du
Burnou, sauf que chez lui le mode de disparition est tout différent.
La seconde sorte est l'anomalie par compensation proprement dite ou
éloignée. Le cas le plus simple est celui où existent d'une part 11 ver-
tèbres dorsales et 1 1 paires de côtes, comme chez l'homme de ln,,78 de tout
à l'heure, et de l'autre b lombaires comme dans la série dont je viens de
parler. C'est l'association de deux anomalies l'une par défaut et l'autre
par excès sur des régions différentes.
Enfin les deux sortes de compensation, immédiate et éloignée, s'ad-
ditionnent souvent et, d'une extrémité à l'autre de la colonne, on trouve
des preuves multiples d'une perturbation originelle profonde et de l'accom-
modation ou adaptation des parties qui a succédé. Ainsi il y a 11
dorsales portant 11 paires de côtes, mais à la place de la 12e paire on en
trouve une de supplément à la 7e cervicale, et à la place de la 12e dorsale
une 6e lombaire. La compensation s'est partagée. En outre, cette 6e lom-
baire sera au 1/4, à 1/2 ou aux 3/4 soudée à la base du sacrum.
Le sacrum se compose comme vous le savez, de 3 vertèbres qui s'arti-
culent avec l'os iliaque et de 2 au-dessous de lui ; les premières constituent
708 ANTHROPOLOGIE
le sacrum nécessaire et les secondes le sacrum accessoire. La consé-
quence de cette addition d'une vertèbre par en haut, aussi peu avancée
qu'elle soit, est parfois de repousser en bas la 3e sacrée normale au-
dessous de l'os iliaque. Le sacrum accessoire se compose alors de
3 vertèbres. Le coccyx lui-même se ressent de toutes ces mutations; dans
cette circonstance, sa première pièce tend moins à se souder au som-
met du sacrum ; mais, dans le cas contraire, la vertèbre sacrée se dé-
tachant et allant s'ajouter à la légion lombaire, sa disposition à se
souder est considérablement accrue. Lorsque celte soudure a lieu, le ca-
nal rachidien se termine donc avec le sacrum, tandis que, dans l'état
ordinaire, il y a comme une erreur de la nature; il se termine avec la
première vertèbre coccygienne.
Les anomalies de la colonne vertébrale sont, en somme, plus com-
munes et ont un intérêt bien plus grand qu'on ne l'imaginait. Il y a
là une source de méditations à exploiter.
Elles sont d'autant plus fréquentes qu'on s'éloigne davantage de la
tête. A la région cervicale, en dehors de la transformation des apophy-
ses transverses de la 7P cervicale, elles n'existent pas. Aux lombes, elles
sont beaucoup moins rares qu'au dos. Au sacrum et au coccyx, elles
sont très-communes. Ce qui étonne, c'est la facilité avec laquelle l'éco-
nomie s'accommode à ces anomalies, c'est le pouvoir d'adaptation qui fait
que les vertèbres prennent secondairement les caractères de celles qu'elles
représentent. Atout instant, dans les phénomènes anatomiques dont elles
sont le point de départ, on se heurte contre le grand principe de Lamarck
et de Geoffroy Saint-Hilaire que « la fonction fait l'organe ».
Il reste à savoir si l'étendue de ces anomalies ou mieux de ces variations
physiologiques du type de la colonne vertébrale humaine, vient à l'ap-
pui des idées transformistes et dépasse les limites des variations que
tous les naturalistes admettent au sein des espèces. Poser la question,
c'est la résoudre. On peut contester à la grande rigueur qu'une côte cer-
vicale ou lombaire complète en plus soit un caractère d'espèce. On ob-
jectera avec plus de raison qu'une vertèbre de plus ou de moins sur
les confins des lombes et du sacrum n'établit pas une distinction suffi-
sante. La présence d'une vertèbre supplémentaire dans le premier seg-
ment caudal au détriment du second segment n'a pas une grande valeur
non plus. Mais une vertèbre en plus ou en moins au beau milieu d'une
région, sans la plus faible perturbation appréciable dans le reste de la
colonne, constitue un caractère d'espèce, sinon de genre; ou bien toutes
les distinctions des groupes établies par les naturalistes sont de pure
convention. Notre enfant à 13 côtes parfaites et 13 dorsales, notre homme
à 11 côtes et 11 dorsales sans compensation, et le nègre du lîurnou ont
une grande portée. Ailleurs on peut soutenir que la compensation dé-
G. DI rROMELIN. — ETHNOGRAPHIE DE LA PRESQU'ILE DE BATZ 769
montre que l'anomalie est accidentelle, ici le caractère parfaitement
physiologique de la déviation est certain, c'est un fait normal et non un
accident.
Est-ce dire que ces variations rares soient la preuve qu'à une époque
quelconque il a existé «1rs espèces d'hommes ou de précurseurs de
l'homme, sous quelque forme que ce soit, les unes à 13 eûtes les autres
à II eûtes, et que notre espèce ou notre genre actuel ne soit qu'un com-
promis entre elles, un résultat des croisements :' Ou bien faut-il croire à de
simples phénomènes de variabilité exagérée et sedemander si, les circon-
stances aidant, ils ne sauraient devenir le point de départ d'espèces
nouvelles dans l'avenir? Ce sont là aujourd'hui «les questions insolubles.
Nous savons ce que nous sommes, nous ignorons ce que nous avons
été et ce que nous serons.
M. DE TEOMELIS
SUR L'ETHNOGRAPHIE DE LA PRESQU'iLE DE BATZ LOIRE-INFERIEURE
[EXTRAIT LIU PROCRS-YERBAL.)
— Séance du 29 août 18Ti. —
M. ue Tromeun présente des Observations sur le costume et la langue de Batz.
Il s'élève contre l'intervention du costume dans l'anthropologie. Le costum i
breton le plus ancien, dit-il, date du xv° ou xvi° siècle.
La langue de la presqu'île de Batz est le bas-breton ; cela titnt à ce que la
presqu'île faisait partie du diocèse de Quimper et appartenait au comté de
Cornouuillcs. C'est l'influence religieuse qui a immobilisé langue et costume.
DISCUSSION.
M. Topinard lait observer que jamais le costume n'a été considéré comme
élément ethnographique.
M. Lagneau : Le costume des habitants du bourg de Batz m'a paru différer
notablement des anciens costumes bretons. D'ailleurs, sans attacher à la diver-
sité des costumes une importance comparable à celle très-justement attachée
à la diversité des caractères anthropologiques, je crois que leur étude ne doit
pas être négligée, car elle peut mettre sur la voie de certaines relations ethni-
ques plus ou moins oubliées.
M. de Tromelin remarque que j'ai dit, lors de la session de Nantes, que les
habitants du littoral, en particulier de l'île d'Ouessant, se faisaient remarquer
par leur stature élevée. En effet, les recherches statistiques faites par M. Broca,
49
770 ANTHROPOLOGIE
sur la répartition des exemptés du service militaire pour défaut de taille dans
les cantons des départements de la Bretagne, ont montré que les cantons du
littoral, en particulier celui de l'île d'Ouessant, ont moins de ces exemptés
que ceux de la région centrale. (Broca, Mémoires de la Soc. d'anthrop., t. III,
p. 169, etc.;. Ce qui d'ailleurs semble pouvoir s'expliquer par les immigrations
successives sur le littoral et dans les îles des Bretons insulaires, des pirates
saxons, nordmans, etc., la plupart de race germanique septentrionale.
M. HOYELACQÏÏE
Professeur à l'École d'anthropologie
CARTE DES INDICES CEPHALIQUES DE FRANCE.
(EXTRAIT DU l'ROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Hovelacque montre une carte des indices céphaliques de France qui,
faute de documents, est encore incomplète, mais qui, par suite de nouveaux
travaux, pourra se compléter.
DISCUSSION.
M. Topinard crouve la carte présentée un peu trop blanche ; au lieu d'indi-
cations données simplement par des lettres et coefficients, il voudrait des points
colorés qui frapperaient davantage les yeux. Il désirerait aussi que les indices
pris sur le vivant et ceux pris sur le mort soient indiqués tous les deux sépa-
rément quand ils existent simultanément pour une même localité.
M. Lagneau : La carte de M. Hovelacque ne paraît pas pouvoir encore être
coloriée en teintes unies, ainsi que le demande M. Topinard. Les crânes mesu-
rés appartiennent à des localités encore trop peu nombreuses pour qu'on puisse
exprimer ainsi par des teintes unies étendues sur de grandes régions des
conformations crâniométriques insuffisamment déterminées.
M. Topinard fait observer le peu de valeur qu'on doit accorder à un ou deux
crânes pour la détermination de la race d'un pays. La remarque est parfaite-
ment juste, mais quand on n'a à sa disposition qu'un ou deux crânes, il est
bon néanmoins de tenir compte de leur conformation jusqu'à ce que des crânes
plus nombreux permettent de rectifier les données fournies par ces premiers
crânes. Souvent fort curieux par leur conformation, les crânes très-anciens sont
généralement peu nombreux. Un numéro, placé sous le signe indicateur de la
localité où des crânes ont été trouvés, peut d'ailleurs indiquer le nombre de
ces crânes, également mentionné dans la légende accompagnant cette carte.
CHANTBB. — LES NÉCROPOLES DES ALPES FRANÇAISES 771
M. RIGrAULT
de Pons (Charente-Inférieure).
SUR UNE AMULETTE CRANIENNE
(EXTRIIT IM I'Umi | S-VBRBAL.]
— S -'!) a.0 i'i t I 877. —
M. Rigatjlt fait une communication sur la Picrre-Fouquet, dolmen de la
commune d'Ardillières (Charente-Inférieure). Il a trouvé dans ce dolmen une
charmante petite hache en pierre polie, un certain nombre de coquilles de
dentales et trois disques en os, un peu coniques dessus, ornés de gravures en
creux, plats dessous, avec une petite bélière au centre. Quelques personnes ont
pensé que ce pouvait être des rondelles crâniennes.
DISCUSSION.
M. de Mortillet fait observer que l'os est trop épais et trop compacte. Ce
sont simplement des boutons faits avec des os longs de bœuf ou de cheval.
M. Ollier de Marichard en a trouve d'analogues dans l'Ardèche.
M. CHANTRE
Sous-Directeur du Muséum d'histoire naturelle de Lyon.
LES NÉCROPOLES DU PREMIER AGE DE FER DES ALPES FRANÇAISES.
— Séance du 29 août 1877. —
I.
Les Alpes françaises, de même que le Jura, la Franche-Comté, la
Bourgogne et la Champagne, présentent un nombre considérable de sé-
pultures isolées et des nécropoles appartenant à cette période proto-
historique qui a succédé à l'âge du bronze et pendant laquelle le fer
a fait son apparition.
Groupées sur toute l'étendue des départements des Basses-Alpes, des
Hautes-Alpes, de l'Isère et de la Savoie, ces sépultures et ces nécropoles
alpines oifrent un ensemble de caractères qui les relient de façon à con-
stituer un type spécial à cette région.
Les objets qui composent les mobiliers funéraires de ces tombeaux et
779
ANTHROPOLOGIE
les motifs d'ornementation que l'on y rencontre, sont en partie diffé-
rents de ceux des tumulus de la même époque, découverts en France
et en Suisse, ainsi que de ceux des cimetières de la Marne, certaine-
ment moins anciens. Aucune pièce enfin, provenant de ces sépultures,
ne rappelle les formes ou le style ornemental propre à l'âge du bronze.
Fig. fi7. — Hache à aileron. Fig. 68. — Ep6e à poignée pleine. Pa- Fig. 69 et 70.— Épingles
Fonderie de Larnaud (Jura) lafitte du lac du Bourget (Savoie) a tète semi-sphéiïque.
1/2 grandeur. 1/2 grandeur. 69.Yogna(.Iura). 70. Pon-
cin(Ain). 1/2 grandeur.
Les figures ci-jointes représentant des spécimens caractéristiques de
l'âge du bronze de la France, quelques types des mobiliers funéraires,
ces nécropoles alpines et même des tumulus montrent cette distinction
capitale qui, quoique indiscutable, a été méconnue cependant par cer-
tains archéologues. Cette très-regrettable confusion est surtout mise en
évidence par le dernier ouvrage de M. A. Bertrand. Cet archéologue
qui, on le sait, n'admet pas encore l'existence d'un âge du bronze en
France, range dans un seul et même groupe tous les gisements de la
vallée du Rhône et de celle du Pô ayant fourni des objets en bronze,
quels qu'ils soient ! Aucun archéologue cependant au courant des décou-
vertes modernes ne peut plus rapporter à la même civilisation les bronzes
des cachettes de fondeurs ou des palafittes (fig. 67 à 78) avec ceux des
nécropoles des Alpes ou du Bolonais.
Les caractères qui distinguent les industries et les usages de l'époque
du bronze de celles du premier âge du ïev, sont assez bien connus ac-
CHANTRE. — LES NÉCROPOLES DES kLPES FRANÇAISES 773
tuellement, ei une pareille confusion n'est plus admissible. On neverra
plus soutenir cette assertion niant l'évidence des faits : a Les preuves
de l'existence d'un âge du bronze distinct de l'âge du fer se sont toujours
dérobées à toutes les recherches (1). »
Fig. 71 . — Pendeloque, trésor de Rubier
[Hautes- Alpes), y 2 grandeur.
1 i 72. — Faucille à bouton. Fonderie
«le Larnaud Jura . \ 1 grand.
Ayant fait des recherches considérables pour établir ces distinctions
que j'ai eu l'occasion déjà de faire connaître dans les congrès «le Bo-
logne, de Stockholm et de Buda-Pest, afin de délimiter l'âge du bronze
en Gaule, j'ai pu recueillir d'intéressants documents relatifs à cette ques-
tion. Je prépare sur ce sujet un travail d'ensemble qui fera suite à
mon ouvrage sur l'âge du bronze,
11.
Connues depuis fort longtemps par les cultivateurs, les bergers et quel-
ques hommes instruits du pays, les nécropoles alpines ont été encore
très-peu étudiées. Plusieurs collections publiques et particulières renfer-
ment des objets provenant de sépultures découvertes accidentellement,
mais peu de fouilles scientifiques ont été entreprises jusqu'à ce jour.
Les sépultures isolées et les nécropoles des Alpes peuvent être classées
géographiquement en quatre grands groupes. Ce sont, en allant du sud
au nord :
1° Groupe de la vallée de l'Ubaye ou de Barcelonnette (Basses-
Alpes) ;
(1) Revue archéjlogique. Novembre 1S74, p. 327.
774 ANTHROPOLOGIE
2° Groupe de la vallée de la Duranee et le Queyras (Hautes- Alpes);
3° Groupe de la vallée du Drac ou de l'Oisans (Isère) ;
4° Groupe de la Maurienne et de la Tarentaise (Savoie).
§ I. — Le premier groupe, celui de la vallée de Barcelonnetle, peut-
être le plus considérable de tous, a été étudié depuis un grand nombre
d'années par M. le Dr Ollivier, de Digne. Cet archéologue a réuni de
ces tombeaux une série remarquable de spécimens de bracelets, de
fibules et d'ornements divers, tels que : boutons, chaînes, colliers, etc.
Fig. 73. — Bracelet massif à tige semi-cir-
culaire avec nervure. Trésor de Kéalon
(Hautes-Alpes). 1/2 grandeur.
Fig. 74. — Bracelet à tige creuse et ^emi-cir-
culaire. Trésor de Réalou (Hautes-Alpes).
1/2 grandeur.
Fig. 75. — Fibule, 1/2 grandeur. Sépul-
ture de Saint-Ours (Basses-Alpes).
I i_r. 76. — Fibule. 1/2 grand. Nécro-
pole de la (.lui Ic-S reune-sur-Saint-
Paul (Basses-Alpes).
En 1859, M. Charles Chappuis, professeur à la Faculté des lettres de
Besançon, ayant reçu du ministre de l'instruction publique une mission
dans le but de rechercher le passage d'Amiibal, fut frappé de la quan-
tité énorme de documents se rapportant à une autre époque que celle
CHANTRE. — LES NÉCROPOLES DES ALPES FRANÇAISES 775
qu'il venait étudier. Ce savant a publié ses observations (1) et y a joint
plusieurs planches représentant quelques-uns des objets recueillis par
M. le Dr Ollivier et d'autres observateurs.
M. Chappuis a reconnu dans la vallée de l'Ubaye plus de vingt loca-
lités, citons entre autres : Saint-Vincent; La Bréole; Jausiers et Sanières,
près Barcelonnette ; Saint-Pons; la Grande-Serenne-sur-Saint-Paul ; les
Thuiles; le Lauzet; Gleisoles; Tournoux; Saint-Paul; Méolans; Chaste-
let-sur-Saint-Paul ; Hameau de Maurin ; Faucon ; Fours ; Martels ; Mou-
lanes; Laverq; Lans ; la Frache près Saint-Pons; Saint-Ours; hameau
de Meyronnès, au champ de Durane ; le Gueinier; Larche; Villars-
d'Abas, etc.
Toutes ces localités ne sont pas également importantes, le plus grand
nombre n'ont donné que des sépultures isolées. Jausiers et la Grande-
Serenne peuvent être seules considérées comme des nécropoles considé-
rables. M. Chappuis a donné dans son travail la description du mobilier
funéraire d'un grand nombre de ces sépultures. Les figures 75 à 78 re-
présentent quelques-uns des types des objets qu'elles renfermaient.
Fig. 77. — Fibule, 1/2 grandeur.
Sépultures de Sanières (Basses-
Alpes).
Fig. 78. — Fibule, grandeur réelle.
Nécropole de Peyre-Haute (Hautes-
Alpes).
§ IL Le deuxième groupe, comprenant la vallée de la Durance et le
Queyras, a été jusqu'à présent moins exploré que le précédent, mais il
est plus intéressant tant par sa richesse que par les fouilles qui y ont
(1) Etude sur la vallée de Barcelonnette à l'époque celtique. Paris, 1862.
776 ANTHROPOLOGIE
été opérées. Dans la vallée de la Durance, M. Chappuis a signalé une
série de sépultures, notamment à Savines, à Aigoire et à Pontis, arron-
dissement d'Embrun. Dans la même vallée, à Freyssinière, M. le pasteur
Tournier a recueilli un torques magnifique en argent (fig. 79) qui, bien
probablement, provient d'une sépulture détruite.
Figure 79. •— Torques ea argent, 1/2 grandeur.
Freyssinière (Hautes-Alpes).
C'est à cet archéologue que je dois la communication de la plupart
des documents que je possède sur les Hautes-Alpes, et lorsqu'il a bien
voulu m'engager à faire des touilles dans un terrain qu'il alouéàPeyre-
Haute en vue d'une exploration méthodique, c'est avec grand plaisir
que j'ai accepté son invitation.
Cette localité, située dans la commune de Guillestre, sur le chemin
du col de Vars, qui relie le haut de la vallée de l'Ubaye à celle de la
Durance, esl placée sur un mamelon isolé de 3 hectares environ, formé
d'une ancienne moraine. Ce point, certainement l'un des plus riches des
Alpes, présente le type le plus remarquable de ce genre de nécropole,
mais il a été ravagé en partie, il y a une dizaine d'années, par des
CHANTRE. — r.F.S NÉCROPOLES DES ALPES FRANÇAISES 777
habitants du pays. L'un d'eux, ayant trouvé à vendre à un archéologue
quelques objets de bronze que le hasard lui avait t'ait découvrir, un
modeste gain l'engagea à poursuivre ses recherches, et en peu de temps
plusieurs kilogrammes de bracelets, de fibules, etc., vinrent en posses-
sion de M. Barry, professeur d'histoire à la Faculté des lettres de Tou-
louse. Ces objets t'ont actuellement partie du Musée archéologique de
cette ville.
Notre première campagne, entreprise en juillet 1874, nous a fourni
trois tombeaux complets. L'espace fouillé est de 200 mètres carrés envi-
ron. Ces tombeaux, construits avec des blocs erratiques n'atteignant pas
plus de un quart de mètre cube, se trouvaient à une profondeur de
3 à 5 mètres; tous sont à inhumation. L'orientation est-ouest n'est pas
régulièrement observée. Une seule tombe, heureusement la plus riche,
a présenté un squelette complet. Grâce à des soins extrêmes, j'ai pu le
transporter au Muséum de Lyon, où il orne la galerie d'anthropologie
(planche XIII). Ce squelette, celui d'une femme probablement de trente
à quarante ans, est grêle et de petite taille. Le crâne, assez déformé,
accuse cependant une dolichocéphalie développée; le bassin est étroit.
L'étude de ces pièces anatomiques, très-rares dans leur genre jusqu'à
ce jour, mérite une attention particulière.
L'individu en question a dû être enseveli dans un grand manteau :
des traces nombreuses de tissu, qui paraissaient être de la laine et qu il
ne m'a pas été possible de conserver, recouvraient la plus grande portion
du squelette.
Une rangée de quarante-six boutons coniques et à bélière reposait de
la tête aux pieds sur la partie médiane du corps.
Une grosse fibule à plaque discoïdale, type spécial aux nécropoles
alpines des deux premiers groupes, était placée au sommet de la
tête; une chaînette la reliait à une sorte d'agrafe gisant à droite du
crâne. A côté se trouvaient deux petites pendeloques, l'une ronde,
l'autre spatuliforme. Au cou était placé un collier composé de 9 perles
d'ambre rouge de la grosseur moyenne d'une noisette, dix-sept perles
en verre bleu et onze perles en bronze.
Sur la poitrine, à la hauteur de la huitième côte, reposaient deux
fibules à spirale, en bronze, puis une autre, garnie de pâte blanche ;
sur le ventre s'en trouvait une autre, en fer, en partie décomposée.
Aux bras, enfin, étaient placés trente-quatre bracelets à tige plate
en dedans, annelés sur le dos et garnis de coches : six à l'avant-bras
et vingt au bras droit ; trois à l'avant-bras et cinq au bras gauche.
Les mobiliers funéraires des autres sépultures renfermaient :1a premièie
trois bracelets, un collier fait d'une chaînette à anneaux ronds et des
débris de petites appliques provenant sans doute d'un bouclier ou cotte
778 ANTHROPOLOGIE
de mailles, semblable à celles que l'on a recueillies à Hallstadt; l'autre
contenait un collier à peu près semblable au précédent et trois petits
bracelets: c'était la sépulture d'un entant de dix à douze ans. Plusieurs
sépultures ouvertes avant nos fouilles et dont les produits étaient encore
entre les mains des habitants du pays, ont donné d'assez beaux bracelets
à gros bourrelets, des chaînettes, des crotales et des fibules, dont la figure 80
donne le type le plus fréquent.
Fig. 80. — Fibule, Fig. 81. — Fibule,
2/3 grandeur. 2/3 grandeur.
Tumulus de Cluey Tumulus de Retranches
(Jura). [Doubs).
Fig. 82. — Fibule, Fig, 83. — Fibule,
1/2 grandeur. Tumulus 2/3 grandeur. Tumulus|
d'Amencey (Doubs). de Cluey (Jura).
Dans le Queyras, M. B. Tournier a fait encore d'importantes décou-
vertes relatives à la même époque; c'est à Saint-Véran, le village le
plus élevé de France (2,009 mètres d'altitude), qu'il a trouvé une sépulture
contenant deux torques et deux bracelets semblables. Ces torques et celui
en argent de Freyssinière sont les seuls échantillons de ce genre d'or-
nements que l'on ait recueillis dans ce pays.
A Risoule et Vars, communes voisines de celle de Guillestre, on a
découvert plusieurs sépultures qui ont donné des bracelets dont l'orne-
mentation et la forme sont identiques à ceux de Peyre-Haute.
§ III. — Le troisième groupe, celui de l'Oisans, a été beaucoup moins
exploré; c'est par des découvertes dues au hasard que l'on connaît
quelques sépultures. Celles-ci n'ont offert que des bracelets à peu près
semblables à ceux des nécropoles des deux autres groupes. Quelques-
uns cependant sont creux dans les nécropoles de Venosc. Ces sépultures
ne renfermaient certainement pas que des bracelets, mais il est pro-
bable que les autres objets qui pouvaient les accompagner, comme cela
a lieu ailleurs, ont été négligés par les auteurs des découvertes.
Les localités citées, jusqu'à ce jour, sont celles de : l°du col d'Ornon,
CHANTRE. — LES NÉCROPOLES DES ALPES FRANÇAISES 779
2° du Mont-de-Lans ; 3° Venosc, et 4° la Motte-d'Aveillans (Isère). Des
spécimens de ces bracelets se voient dans les musées de Grenoble et de
Chambéry, puis dans les collections Vallier et Chaper, à Grenoble. Cette
région mérite, comme les précédentes, une attention spéciale, mais les
fouilles y sont plus difficiles, le pays étant généralement plus cultivé.
Les localités d'Ornon et de , Venosc ont donné plusieurs sépultures
rapprochées les unes des autres, et tout fait pressentir sur ces points des
nécropoles peut-être considérables.
§ IV. — Le quatrième groupe, celui de la Maurienne et de la Taren-
taise, a été étudié avec plus de soins que le précédent, et il est aussi
beaucoup plus riche.
En Maurienne, une sépulture importante fut découverte à Albiez-le-
Vieux, près du Saint-Jean-de-Maurienne, il y a vingt ans environ. Elle
renfermai tune fibule, des anneaux, deux grandes épingles à tête recourbée,
de nombreux boutons, des crotales et trente et quelques bracelets du
type des autres groupes. La découverte entière a été achetée par le Musée
archéologique de Lyon.
M. Vuillermet, de Saint-Jean-de-Maurienne, a recueilli un certain
nombre d'objets; ce sont surtout des fibules, des bracelets et des cro-
tales, provenant de nécropoles ou de sépultuies isolées et du même genre
que les précédentes.
Parmi les localités connues jusqu'à ce jour, citons : Lans-le-Villars,
Saint-Jean-d'Arve, 3Iont-Denis, Montrond, Saint-Martin-la-Porte, Saint-
Sorlin-d'Arve, Saint-Jean-de-Maurienne, etc.
La Tarentaise est encore plus riche : Saint-Martin-de-Belleville et
surtout Saint-Jean-de-Belleville ont donné de très-intéressantes décou-
vertes.
Dans cette localité, MM. Costa deBeauregard ont fait opérer des fouilles
considérables vers 1864 sur des terrains désignés par des hommes in-
struits du pays.
Onze tombeaux ont été ouverts : la plupart ont donné de superbes
séries de bracelets en bronze, des fibules de formes variées et richement
décorées, enfin des colliers faits de grains d'ambre en nombre fort con-
sidérable.
A Saint-Jean-de-Belleville comme dans l'Oisans, de nouvelles fouilles
seront difficiles, tant à cause de la valeur des terrains actuellement en
culture que par suite des exigences des propriétaires du sol qui s'exa-
gèrent l'importance intrinsèque des antiquités que peuvent renfermer leurs
terrains.
m
ANTlIItniMtl.uur.
III.
Les types des objets découverts dans toutes ces sépultures sont, à
part quelques exceptions, très-voisins les uns des autres.
Ainsi le bracelet mince ou simple anneau orné de coches sur le dos se
trouve dans toutes les stations.
La fibule à spirale est également partout commune.
Le crotale découvert en Maurienne se trouve aussi à Peyre-Haute.
Certaines sépultures présentent cependant des particularités ; ainsi
la grande fibule discoïdale et le brassard à spirale sont propres à la
région des Hautes et Basses-Alpes, de même que quelques boutons ou
appliques. L'ambre a été trouvé dans la plupart des localités fouillées
avec soin, nulle part pourtant il n'a été observé en aussi grande quantité
qu'à Saint-Jean-de-Belleville.
Un caractère commun à toutes ces sépultures, c'est l'absence absolue
de poteries, si communes dans les nécropoles de l'Italie et du nord de
la France se rapportant à cette époque.
Si maintenant on compare les formes qu'affectent les objets renfermés
dans les sépultures isolées ou dans les nécropoles alpines, ainsi que les
motifs d'ornementation dont ils sont pourvus, avec des analogues pris
à l'étranger et dans les autres parties de la France, on verra que, dans
leur ensemble, les types des Alpes doivent être comparés à ceux de
Hallstadt; mais, dans les détails, ils présentent des différences tel les qu'une
assimilation absolue doit être rejetée.
Fig. si. — Portion de ceinture estampée. 2/3 grandeur réelle.
Tumulus de Cliilly (Jura).
Aucun tombeau alpin n'a donné des ustensiles, outils ou armes ;
partout les objets de parure et presque invariablement le bracelet et la
fibule, accompagnés de quelques chaînes ou pendeloques, composent le
mobilier funéraire.
CHANTRE. — LES NÉCROPOLES DES ALPES FRANÇAISES
7KI
Fig. 85. — Ceinture en bronze du tuinulus de la Cademède.
Ces particularités les rapprochent des tumulus bourguignons, francs-
comtois et suisses; mais ils n'ont pas encore donné de ces plaques
estampées formant ceintures que l'on trouve avec certains brassards faits
de feuilles de bronze comme celles-ci ;
les bracelets en jayet communs à la
Franche-Comté et au Jura manquent
aussi. Il faut faire remarquer cependant
que dans le Jura quelques tumulus, celui
des Moydons en particulier, ont fourni
des bracelets semblables à ceux des
Alpes. Quelques fibules, d'autre part,
trouvent leurs analogues dans les tu-
mulus de la Franche-Comté et de la
Suisse.
Tirer des conclusions, dès à présent,
de ces rapports et de ces dissem-
blances que je viens de signaler, pour
relier entre elles les diverses popula-
tions qui ont laissé des vestiges ana-
logues sur tous ces points, serait
actuellement téméraire. Des fouilles
de plus en plus nombreuses, faites
avec méthode et bien étudiées, permettront probablement dans un
avenir prochain d'éclairer cette question pleine d'intérêt : il faut donc
encore attendre patiemment.
Fig. 80.
— Pendeloque d'un tumulus
des Moidons (Jura).
"82 ANTHROPOLOGIE
M. le Président, au nom des auteurs absents, présente des livres et
brochures dont suit la liste et dont hommage est fait à la bibliothèque
du Havre:
M. Hampel. — Compte-rendu du Congrès d'anthropologie et d'archéologie
préhistoriques tenu à Buda-Pest, en 1876.
M. Hovelacque. — Notre ancêtre.
M. Lagneau. — Les Ligures.
MM. Moreau. — Album des fouilles de Caranda.
M. Topinard. — De l'évolution des races humaines.
D DRANSART. — DU NYSTAGMUS CHEZ LES MINEURS
Î83
12e Section.
SCIENCES MÉDICALES
Président . . .
Vick-Présidents
Secrétaires
m. i'.ourty, professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier
mm. L eca Diii-:, du Havre.
i.iUKiiT, du Havre.
PARROT, professeur à la Faculté do Médecine de Paris.
GALLARI), médecin de l'Hôpital de la Pitié, à Paris.
LAFATJRIE, du Havre.
BREÈRE, du li
FRANCK (François), préparateur au Collège de France.
RECLUS, aide d'anatomie à la Faculté de Médecine de Paris.
MM.
M. le D1 H.-IT. DRANSART
De Soinain (Nord).
DU NYSTAGMUS CHEZ LES MINEURS.
— Séance du Si août 1877. —
L'auteur a observé douze cas de nystagmus chez les mineurs de la Com-
pagnie d'Anzin.
Voici le résultat de ses observations :
Les oscillations des globes oculaires étaient horizontales ou verticales.
Souvent ces deux genres d'oscillations se succédaient et se mélangeaient,
en sorte qu'on avait alors un véritable mouvement de circumduction.
Une lumière mise devant les yeux indiquait le sens et le nombre des
oscillations, tantôt la lumière traçait une ligne horizontale, tantôt une
ligne verticale, tantôt une ellipse, tantôt une circonférence — quelque-
fois les oscillations étaient moins étendues dans un œil que dans l'autre.
Il y avait alors deux figures différentes, tracées par la lumière.
Le nombre des oscillations n'a jamais dépassé 140, quelquefois on
ne comptait que 50 à 60 oscillations par minute.
Le regard au-dessus du plan horizontal mettait en jeu les oscillations.
Le regard au-dessous de ce plan arrêtait l'accès nystagmique.
i84 SCIENCES MÉDICALES
Le travail à la veine, la marche dans les galeries du fond, le passage
d'un endroit obscur dans un endroit éclairé et inversement, les mouve-
ments du corps, les excès de boissons et toutes les affections les plus
légères, provoquaient ou exagéraient le nystagmus.
Dans tous les cas, l'auteur a signalé:
1° De l'anémie avec souffle vasculaire, points de côté, etc.
2° Des douleurs de tête, sous forme de barre frontale, analogues à
celles de l'asthénopie.
3° De l'insuffisance du finit interne.
4° De la diplopie croisée, une fois sur trois, dans le regard en haut.
Les images divergeaient par le haut et convergeaient par le bas (para-
lysie du droit supérieur).
5° Parésie de l'accommodation.
6° L'acuité visuelle était peu altérée, néanmoins elle marquait sou-
vent un déficit. Dans un cas, l'auteur a constaté une véritable torpeur
rétinienne avec rétrécissement considérable du champ visuel, qui aurait
pu en imposer pour une affection plus grave. La réfraction était pres-
que toujours normale. La marche du nystagmus est progressive, cette
affection peut durer indéfiniment. L'auteur se demande si dans ce cas
les troubles visuels ne pourraient pas rester définitifs, comme ils le de-
viennent dans l'œil strabique dévié — et cependant de part et d'au-
tre il n'y a aucune lésion des membranes et des milieux de l'œil. Le
diagnostic est excessivement facile.
Etiologie et pathogénie. — Les sujets observés par l'auteur avaient de
20 à 54 ans; les ouvriers travaillant à la veine ont presque été les seuls
atteints de cette affection . Un seul parmi les douze était raceommodeur,
— les hiercheurs, les galibots et la généralité des raccommodeurs sem-
blent jusqu'ici exempts de cette affection. — La constatation de ce fait a
son importance pour expliquer la production du nystagmus chez les
mineurs : les ouvriers à la veine étant presque les seuls atteints, il faut
donc rechercher en dehors des conditions communes à tous les ouvriers
du fond la principale cause de l'affection. L'auteur incrimine surtout la
position que les ouvriers mineurs sont obligés de prendre en travaillant
comme cause efficiente. L'ouvrier à la veine dans sa position de travail
est très-souvent obligé d'avoir la ligne du regard située au-dessus du
plan horizontal des deux yeux. Les raccommodeurs se trouvant quel-
quefois dans le même cas ont également fourni leur contingent propor-
tionnel. Ce fait est un argument très-important pour disculper les mi-
lieux des mines, l'air et l'obscurité.
Si ces dernières conditions influent, ce n'est que bien secondairement:
Dr DRANSART. — l»l NYSTAGMUS CHEZ LES MINEURS 78b
car si leur importance était capitale, tous les ouvriers du fond
indistinctement seraient sujets au nystagmus. L'air et l'obscurité agis-
sent dans une certaine mesure, mais comme adjuvants.
La fréquence, du nystagmus u'esl pas bien grande: l'auteur l'évalue à
o pour 1.000 ouvriers mineurs.
Les théories sur le uystagmus de Bœhm, de Deeondé, de Stelvag,
Carion, de Kugel et de Gadaud ne peuvent convenir au nystagmus des
mineurs. Se tondant sur ses 12 observations, l'auteur récuse l'interven-
tion du système nerveux périphérique et central; il n'admet pas non
plus l'influence «les troubles de la réfraction, ainsi que celle des altéra-
tions des milieux et des membranes de l'œil.
O qui ressorl des cas observés par l'auteur, c'est l'existence des trois
facteurs suivants :
1° Impotence fonctionnelle de certains muscles, les droit supérieur
petit oblique et droit interne: cette impotence va quelquefois jusqu'à la
paralysie pour le droit supérieur;
2" Parésie de l'accommodation.
3° Anémie.
L'impotence fonctionnelle du groupe des élévateurs joue un très-
grand rôle dans la production du nystagmus, l'auteur attribue cette im-
potence à la position que prennent les mineurs dans leurs occupations.
Les veines sont très-peu élevées, quelquefois elles n'ont pas plus de
60 centimètres de hauteur; aussi, dans ces conditions, le mineur est-il
presque toujours accroupi ou couché : il travaille continuellement avec
la ligne du regard dirigée au-dessus du plan horizontal. Le groupe des
élévateurs, petit oblique et droit supérieur, est constamment en action ;
ce groupe est pour ainsi dire surmené, l'excès de fonctionnement altère
probablement les libres musculaires de ces muscles : il y a myopathie
qui entraîne une faiblesse de ces organes.
La paire des élévateurs ayant une faiblesse acquise, ne peut l'emporter
sur son antagoniste par un seul effort, il faut qu'elle s'y prenne à plu-
sieurs reprises au moyen d'une série de petites contractions successives
et rapides : elle produit alors le nystagmus, ou plutôt elle donne lieu à
des oscillations verticales.
Pour expliquer les oscillations horizontales qui se remarquent dans
le nystagmus des mineurs, l'auteur a recours à la parésie du droit
interne et de l'accommodation. L'impotence du droit interne pourrait
suffire à la rigueur pour expliquer les oscillations horizontales ; elles se
feraient par le mécanisme précité pour les oscillations verticales. Seule-
ment l'accommodation contribue à augmenter les désordres musculaires
en vertu des rapports qui existent entre la convergence et l'accommo-
dation, ou autrement dit entre le muscle ciliaire et le droit interne.
50
786 SCIENCES MÉDICALES
On comprend facilement le rôle que joue l'anémie dans une pareille
affection. En amenant une diminution de ton dans tous les organes, et
en particulier dans le système musculaire, elle prépare le terrain pour
la cause efficiente (position élevée du regard) qui agit alors beaucoup
plus facilement. Aussi après ces considérations l'auteur se croit en droit
de définir le nystagmus des mineurs de la façon suivante :
« Le nystagmus des mineurs est une myopathie de la paire des éléva-
teurs et du droit interne intimement liée à l'anémie et à la parésie de
l'accommodation. »
Le traitement est tout indiqué par la pathogénie : Il faut tonifier par
le fer et le quinquina, par la strychine et l'électricité.
M. le Dr GAIRAL
de Carignan.
AEROPHORE PULMONAIRE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 2i août 4877. —
M. J. Gairal rappelle le spirophore de Woillez, son but et les objections
faites à Woillez par M. Depaul. Les observations de M. Depaul ont ramené
l'auteur à la question de la respiration artificielle dont il s'était occupé dès
1838.
Il présente aujourd'hui une sonde laryngée qui offre trois courbures dispo-
sées de façon à assurer l'introduction de l'extrémité de la sonde dans le larynx;
le tube s'allonge ou se raccourcit suivant l'âge du sujet. La sonde étant en
place, on y adapte une poire de caoutchouc, à parois résistantes, qui porte un
orifice lui permettant de la remplir d'air quand on la laisse revenir sur elle-
même, et qu'on ferme avec le pouce quand on veut chasser l'air dans le
poumon.
DISCUSSION.
M. Franck fait remarquer que si le spirophore de M. Woillez ne remplit
pas complètement, comme le dit M. Gairal, les indications de la respiration
artificielle, le principe en est cependant plus physiologique que celui de la
respiration par insufflation trachéale; les conditions d'aspiration thoraeique
sont remplies par le principe du spirophore de Woillez, elles se trouvent ren-
versées par l'insufflation trachéale.
M. Gairal répond que les expériences faites sous la direction de M. Depaul
ont montré qu'il n'entrait pas d'air dans le poumon avec le spirophore d
Iir SÉGUIN. — UNIFORMITÉ D OBSERVATIONS EN MÉDECINE" /Oi
Woillez; il ajoute que là est te lait essentiel, l'arrivée de l'air dans les vési-
cules pulmonaires.
M. Fieuzal demande à M. Gairal s'il ne pratique pas les pressions sur le.
thorax qui ramènent la respiration artificielle au procédé normal; il cite à
l'appui de cette méthode plusieurs succès obtenus dans sa propre pratique.
M. le L1 E. SEGUIN
de New-York.
UNIFORMITÉ INTERNATIONALE D'OBSERVATIONS EN MEDECINE.
(extrait.)
— Séance <l u 2i août 1S77. —
M. Seguin lit un travail sur {'Uniformité en médecine Celte idée est essen-
tiellement française, puisqu'elle a pour pères en médecine les fondateurs de
la Société médicale d'observation, Louis, Amiral, Chomel, et en pharmacie
Dumas qui l'affirma dans sa belle introduction au Codex français de 1851.
Si cette idée n'a pas été exécutée d'emblée, cela tient à ce qu'elle précédait
de vingt ans, plus ou moins, la découverte des instruments de précision
médicale et l'élaboration des méthodes mathématiques d'observation qui en
furent la conséquence.
Cette idée n'a cessé d'être élaborée par les congrès pharmaceutiques d'une
part, et de l'autre a été discutée et propagée par Y American médical Associa-
tion.
C'est de là qu'elle nous revient, exprimée par un des délégués de cette
association en Europe pour 1877-1878, M. E. Seguin. Ainsi exprimée, cette
idée embrasse l'uniformité (a) de nomenclature des drogues et médecines, (6)
de composition des médicaments simples et actifs, (c) de nomenclatures patho-
logiques, (d) d'échelles et de calibres d'instruments usuels, (e) de records
d'observation privée et hospitalière, à l'aide desquels chaque praticien pourra
comparer ce qu'il fait avec ce qui est fait dans les grands centres.
Cette idée va être présentée et discutée avec plus d'ampleur et d'à-propos
au congrès international médical de Genève.
788 SCIENCES MÉDICALES
M. le Dr T. GALLARD
Médecin de l'Hôpital de la Pitié, à Paris.
DES VÉGÉTATIONS DE LA MUQUEUSE UTÉRINE ET DE LEUR TRAITEMENT.
— Séance du 24 août 1877. —
La muqueuse utérine, et plus particulièrement celle qui tapisse la
cavité du corps de l'organe, peut être le siège d'altérations fort variées,
qui, malgré leurs différences de forme et d'aspect, procèdent d'une
même origine : l'inflammation. C'est ainsi que la phlegmasie chronique
de cette membrane muqueuse peut donner lieu, d'une part à des ulcé-
rations, d'autre part à la production de ces fongosités, de ces végéta-
tions qui ont été signalées par Récamier à l'attention des praticiens.
Je ne veux pas insister aujourd'hui sur la composition anatomique
de ces productions morbides qui révèle d'une façon non douteuse leur
nature inflammatoire. Il y a là une question de doctrine que j'ai déjà
traitée ailleurs (1) et sur laquelle j'aurai certainement occasion
de revenir, par la suite, en puisant de nouveaux éléments de dé-
monstration dans le fait que je viens de rapporter, mais qui
en ce moment ne doit nous occuper qu'au point de vue du
traitement. C'est surtout quand nous nous plaçons à ce point
de vue du traitement que la nature de la lésion anatomique ne peut pas
nous être indifférente, car c'est elle qui commande toute notre action
thérapeutique. Elle nous montre, en effet, que les éléments dont se com-
pose le tissu morbide sont assez richement organisés pour pouvoir
résister à tout travail de résorption ; mais elle nous montre en même
temps que ces éléments ne sont pas de ceux qui repullulent comme
ceux qui appartiennent aux affections cancéreuses. D'où cette double
conclusion pratique que, pour les faire disparaître, il faut les enlever
ou les détruire ; après les avoir enlevés, on ne sera pas exposé à les
voir fatalement se reproduire, et, si l'on n'est pas absolument à l'abri
des récidives, on devra les considérer comme tout à fait exception-
nelles.
Je viens de dire qu'il faut ou enlever ou détruire le produit morbide,
mais lorsqu'il s'agit d'opérer dans l'intérieur de la cavité utérine, l'al-
ternative est loin d'être simple et exempte d'embarras. Il y a des cas où
les tumeurs se détachent de la partie utérine, se pédiculisent et pren-
(1) T. Gallard. Leçom de clinique médicale sur les maladie* des femmes. Paris 1873, chez J.-B. Bail-
licre et (ils, ot Traitement de la métrite interne. Paris, 1876, in annales de Gynécologie.
Dr GALLARD. — D1£S VÉGÉTATIONS DE LA MUQUEUSE UTÉRINE 789
nent la tonne de véritables polypes. Alors l'ablation en est facile et on
n'a plus à hésiter que sur le choix du procédé opératoire à employer
pour l'exécuter. Pou importe ce procédé : excision avec l'instrument
tranchant, ligature simple ou avec un fil de métal rougi par le cou-
rant électrique, le résultat sera toujours le même et des plus favorables.
Dans d'autres cas, la végétation est à peine saillante au-dessus de la
muqueuse, dont elle ne constituera, en quelque sorte, qu'un simple bour-
souflement, et alors de simples applications de caustiques, soit liquides,
soit solides, suffiront à la détruire; c'est à ces cautérisations qu'il faudra
donner alors la préférence.
Mais il y a des cas intermédiaires dans lesquels le bourgeonnement
s'opère sur une large surface et forme une tumeur trop proéminente pour
pouvoir être détruite par des cautérisations, même réitérées, la tumeur
ayant une base trop étendue pour qu'il soit possible de l'exciser ou de
l'enserrer dans une ligature. Lorsqu'il en est ainsi on ne peut s'empê-
cher d'avoir recours à un moyen d'ablation qui, après avoir été trop
prôné dans un temps, a été trop systématiquement proscrit, depuis je
veux parler de l'abrasion delà muqueuse, du raclage de lacavité utérine,
institué par Récamier. Loin de moi la pensée de chercher à réhabiliter
cette opération en la conseillant dans tous les cas où Récamier y avait
recours. Je sais trop les dangers auxquels elle expose, et je sais aussi
que dans le plus grand nombre des cas, la guérison peut être obtenue
plus simplement sans exposer les malades à ces formidables dangers ;
mais ce que je tiens à établir c'est qu'il est un certain nombre de cas
dans lesquels il n'est pas possible de se dispenser d'y avoir recours, car
c'est le seul moyen d'obtenir la guérison d'une maladie, qui est de
nature à compromettre sérieusement la vie.
Parmi les faits de ce genre que j'ai eu l'occasion d'observer, le sui-
vant est surtout digne d'intérêt, parce qu'il montre combien nous avons
lutté longtemps et infructueusement avant de nous décider a pratiquer
ce raclage de la cavité utérine, qui n'a pu être évité et qui a amené
une guérison aussi rapide que radicale :
J'ai été consulté, il y a deux ou trois ans pour la première fois, par une
dame de 63 ans, mère de trois enfants, qui n'était plus réglée depuis l'âge de
52 ans, et dont les fonctions génitales n'avaient jamais été troublées de quel-
que façon que ce soit. Elle était d'une excellente constitution, n'avait jamais
été malade et ne se plaignait que d'une métrorrhagie presque continuelle, mais
non pas très-abondante, qui lui était survenue depuis 16 ou i8 mois, sans
s'accompagner d'aucun autre trouble morbide. Parfois le sang venait avec
l'abondance d'une ancienne époque menstruelle, d'autre fois il n'y avait qu'un
peu de mucus sanguinolent ; jamais il n'y a eu d'écoulement blanc ou muco-
790 SCIENCES MÉDICALES
purulent sans qu'il soit mélangé de sang ; jamais surtout il n'y a eu l'odeur
fétide caractéristique des écoulements cancéreux.
Je ne trouvai ni tumeurs, ni bosselures, ni ulcération d'aucune sorte; seu-
lement le col était entr'ouvert et la cavité utérine considérablement agrandie,
car la sonde introduite dans cette cavité y pénétrait jusqu'à 12 centimètres, sans
causer la moindre douleur, le corps de l'utérus étant dans sa direction normale
et donnant seulement une sensation de mollesse au toucher.
Le doigt introduit dans le col utérin n'y sentait aucune tumeur, pas même
ces saillies dues aux petits kystes folliculaires de la cavité cervicale connus
sous le nom d'oeufs de Nàboth.
L'état général était excellent. Les fonctions digestives s'accomplissaient parfai-
tement, sauf une constipation assez opiniâtre qui était, du reste, habituelle.
Après avoir donné inutilement de l'ergotine et de la digitale, à l'intérieur;
après avoir fait prendre des bains de siège et des irrigations vaginales d'eau
froide, sans le moindre résultat, je me décidai à pratiquer des injections intra-
utérines de perchlorure de fer, suivant le procédé que j'ai indiqué ailleurs (1).
Ces injections furent bien supportées; elles ne donnèrent lieu à aucun accident
et chacune d'elles fut suivie d'une amélioration passagère, de très-courte durée.
Pendant le cours d'une de ces interruptions de l'hémorrhagie, j'envoyai la
malade prendre les eaux de Spa, pour combattre l'anémie qui en était résultée.
Il survint, en effet, une modification favorable dans l'état général, mais les
métrorrhagies ne tardèrent pas à se reproduire avec autant de persistance et de
continuité qu'autrefois. J'estimai alors qu'il y avait lieu d'agir plus énergi-
quement que je l'avais fait jusque-là sur la muqueuse de la cavité utérine,
et je pensai que ce pouvait être le cas d'essayer des cautérisations d'acide
azotique, dont un certain nombre de praticiens distingués affirment avoir retiré
de bons effets. Mais n'ayant pas d'expérience personnelle à cet égard, je voulus,
avant d'agir, prendre l'avis de M. Richet. Il reconnut, comme moi, la nécessité
de cautériser profondément la muqueuse utérine; mais, à Tacide azotique, il me
conseilla de préférer la pâte de canquoin. Conformément à cet avis, j'introduisis
à deux reprises différentes dans la cavité utérine un cylindre de pâte de can-
quoin ayant environ un demi centimètre de diamètre et six centimètres de
long. Il n'en résulta aucun accident. Pas de douleur abdominale, pas de
mouvement fébrile; un peu d'écoulement noirâtre pendant, une semaine et ce fut
tout. Mais il n'y eut pas plus d'amélioration qu'après les injections de perchlo-
rure de fer. Comme après les injections, la métrorrhagie céda pendant quelques
jours pour revenir ensuite. Le seul résultat que nous obtînmes ainsi fut une
diminution assez sensible dans les dimensions de la cavité utérine qui n'avait
plus que 8 à 9 centimètres de profondeur, au lieu de 12.
Les choses étaient en cet état, lorsqu'à un nouvel examen. M. Richet reconnut
la présence d'une petite tumeur du volume d'un grain de groseille qui s'était
engagée entre les lèvres du museau de tanche. L'apparition de cette petite
tumeur, qui devait singulièrement éclairer notre diagnostic, «'tait de date toute
(1) T. Gallard, Le ma de cliniq île sur les maladies det femmes el Traitement de la
métrite interne, p. 24 et suiv.
Dr GALLARD. — DES VÉGÉTATIONS DE LA MUQUEUSE UTÉRINE 791
récente, M. Richet ni moi nous ne l'avions vue dans nos explorations anté-
rieure. Elle était molle et se laissa déchirer assez facilement pour que l'on put,
avec l'extrémité de l'ongle, en détacher un fragment qui fut soumis à l'examen
microscopique.
Cet examen, fait au laboratoire de l'Hôtel-Dieu, montra que la tumeur était
essentiellement constituée par de grandes cellules embryonnaires et par des
fibres de tissu cellulaire conjonctif, avec des vaisseaux sanguins abondants.
11 était donc certain que, malgré nos efforts pour le détruire, le produit
morbide avait continué son cours d'évolution et que cependant ce produit n'était
pas de nature cancéreuse. Il fut décidé qu'on en ferait l'ablation, et, pour que
cette ablation fût plus complète, qu'on emploierait l'instrument tranchant, les
divers caustiques déjà essayés étant devenus insuffisants.
L'opération fut pratiquée le 28 juin, la malade étant endormie avec le
chloroforme.
Un spéculum plein, en buis, assez volumineux, mais en même temps plus
court que les spéculums ordinaires, est introduit, et permet de découvrir le
col de la matrice qui est gros, remplissant presque complètement le calibre
de l'instrument. Le col est fixé et maintenu avec une longue érigne, l'orifice
du col est agrandi à l'aide de deux petites incisions latérales, afin de permettre,
une introduction plus facile des instruments.
M. Richet procède alors au curage de la cavité utérine. Il emploie pour cela
des curettes de Marion Sims, à bords tranchants en dehors, qui coupent
au lieu de déchirer comme le fait la curette de Récamier. 11 introduit la cu-
rette jusqu'au fond de la cavité et, en la ramenant, gratte en tous sens la
surface des parois; il en détache ainsi de petits lambeaux de tissu, grisâtres
et mélangés avec du sang. — Ce grattage dure environ 20 minutes, et l'opé-
rateur ne cesse cette manœuvre que lorsque l'instrument après avoir détruit
tout le tissu morbide, ne ramène plus que du sang.
La perte de sang ne fut pas considérable, elle peut être évaluée à trois cents
grammes environ.
La bouillie formée par le produit enlevé remplissait une soucoupe ordinaire.
— Après avoir fait d'abondantes irrigations d'eau froide et bien abstergé le sang,
M. Richet introduisit dans l'intérieur de la cavité utérine un cylindre de pâte de
canquoin semblable à ceux que j'avais déjà placés moi-même à deux reprises
différentes, et le maintint à l'aide d'un tampon d'ouate, placé au fond du vagin.
Les suites de cette opération furent des plus simples. — Il n'y eut ni douleur,
ni tension, ni ballonnement du ventre, ni vomissements, ni nausées; à peine
un peu de fièvre. — Le lendemain de l'opération, la température monta à 39° 8
et le pouls à lOi; mais dès le jour suivant la température était descendue
à 38° et le pouls à 81. — Il y eut, plus lard, quelques oscillations dans la tem-
pérature, qui dépassa plusieurs fois 39° et atteignit même un jour 39° 9; mais
jamais le pouls ne s'éleva au-dessus de 96, et dès le septième jour il descen-
dait à 72 pulsations pour se maintenir à ce chiffre d'une façon constante. —
Comme résultat définitif, nous obtînmes l'oblitération complète des orifices du
col, qui a été constatée un mois après l'opération, l'utérus étant devenu petit,
léger, mobile, et les hémorrhagies ayant complètement disparu.
792 SCIENCES MÉDICALES
Examen histologique du produit morbide.
Les petits morceaux de tissu morbide obtenus par le curage ont été mis
dans l'alcool, puis traités successivement par la glycérine et l'alcool, afin d'ob-
tenir le degré de durcissement suffisant, pour pratiquer des coupes minces.
Ces coupes, colorées par le picro-carminate et montées dans la glycérine, font
voir ce qui suit :
4° Un grand nombre de cavités de forme et de volume variables, tapissées
à l'intérieur d'un revêtement continu d'épithelium cylindrique — Ces cavités
résultent très-vraisemblablement de la section de diverses incidences des glandes
en tubes de la muqueuse utérine qui ont subi pour la plupart un degré de dila-
tation considérable. — L'intérieur de ces cavités renferme par places des débris
d'épithelium.
2° Un tissu conjonetif peu abondant sépare ces cavités, qui sont si rappro-
chées qu'elles semblent se déformer par pression réciproque.
3° Dans l'angle que forment plusieurs glandes en tube, voisines, on rencontre
souvent, au milieu du tissu conjonetif, la coupe d'un vaisseau sanguin. Plu-
sieurs de ces vaisseaux semblent volumineux et à parois fort minces.
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Fie. 87.
En résumé: — glandes en tubes dilatées, tissu conjonetif et vaisseaux san-
guins abondants.
C'est-à-dire hypertrophie et bourgeonnement de la muqueuse, portant prin-
cipalement sur les deux éléments glandulaire et vasculaire.
Peu de prolifération du tissu conjonetif; quelques rares cellules embryon-
naires seulement. Pas de trace d'éléments cancéreux.
Dr GALLARD. — DES VÉGÉTATIONS 1>K LA MUQUEUSE UTÉRINE 793
Cette constitution anatomique du produit morbide contirme ce que je
disais en commençant de la nature inflammatoire de ce produit et de son
développement par hypertrophie des éléments constitutifs de la muqueuse.
Elle nous autorise surtout à penser qu'après son ablation, ce produit
n'est pas destiné à repulluler. Nous pouvons donc compter, par consé-
quent, sur une guérison définitive (1).
Je ne sais si la cavité dû corps même de l'utérus est oblitérée complè-
tement, comme paraît l'être celle du col ; mais, dans l'espèce, cela importe
peu, puisque nous avons affaire à une femme âgée de 60 ans, dont la vie
sexuelle est terminée. S'il s'agissait d'une jeune femme, la question serait
plus délicate, car une oblitération pareille des orifices internes appor-
terait un obstacle non-seulement à la fécondation, mais aussi à l'issue du
sang menstruel et des autres liquides sécrétés par la muqueuse utérine,
et il en pourrait résulter de sérieux accidents de rétention qu'il faudrait
ensuite combattre. C'est pourquoi, en cas pareil, il y aurait peut-être des
réserves à faire relativement à l'emploi du caustique qui a si avanta-
geusement ici complété l'opération et qu'il n'aurait probablement pas
fallu appliquer de la même façon s'il s'était agi d'une femme plus
jeune.
DISCUSSION
M. Gairal demande si ces végétations ayant pour point de départ l'inflam-
mation, on ne pourrait pas en prévenir le développement. Il propose de subs-
tituer l'introduction d'une éponge aux injections.
M. Houzé de l'Aulnoit redoute le danger de la pénétration des liquides par
les trompes dans la cavité péritonéale ; il redoute, déplus, le danger des avor-
tements à la suite d'injections.
M. Gallard n'insiste pas sur le danger de l'avortement par l'injection utérine:
c'est affaire au médecin de ne pas s'exposer à produire l'avortement, en ayant
soin de n'opérer qu'avec toutes les garanties désirables, qu'après s'être ren-
seigné d'une façon suffisante. Quant à l'objection tirée du danger qui pourrait
résulter de l'introduction du liquide caustique jusque dans le péritoine à
travers les orifices des trompes, M. Gallard la considère comme plus spécieuse
que réellement fondée, et, pour lui, cette objection ne résiste pas plus à l'expé-
rimentation qu'à l'expérience des faits pratiques. MM. Guyon, Fontaine,
Ambroise Guichard ont en effet expérimentalement démontré que l'introduc-
tion du liquide d'injection, jusque dans la cavité péritonéale, ne peut se faire
dans des conditions analogues à celles dans lesquelles on se place pour
pratiquer ces injections dans un but thérapeutique. D'autre part, la pratique
(1) Les choses étaient en cet état lorsque l'observation a été communiquée au congrès du Havre;
mais, depuis le mois de février 1878, il y a eu un léger écoulement sanguinolent et intermittent
provenant non plus de l'utérus, mais du vagin, au fond duquel s'était développée une production
analogue à celle qui avait existé dans la cavité utérine. — Une simple incision avec un ciseau en a
immédiatement débarrassé la malade, qui aujourd'hui, 31 mars 1878, est en parfait état de santé.
/94 SCIENCES MÉDICALES
de ces injections, assez répandue aujourd'hui, n'a occasionné aucun de ces
accidents que, théoriquement, on s'était cru en droit de redouter. Il importe
cependant de dire que, pour les rendre aussi innocentes et inoffensives qu'elles
doivent être efficaces, il faut faire ces injections en s'entourant d'un certain
nombre de précautions importantes à préciser. L'outillage dont se sert
M. Gallard consista en : 1° un spéculum bivalve ; 2° une longue pince à pan-
sement; 3° quelques sondes élastiques marquant au plus le numéro 10 de la
filière Charrière et présentant par conséquent un diamètre de trois millimètres
à trois millimètres et demi, au maximum. Grâce à cette petite dimension, la
sonde pénètre facilement et sans être serrée dans l'orifice interne du col
utérin, et cela d'autant plus sûrement que cet orifice, qui présente normale-
ment quatre millimètres de diamètre, se trouve toujours plus ou moins élargi
par le fait de la métrite interne. On a donc la certitude, alors même que cet
élargissement morbide n'existerait pas, de voir le liquide1 introduit dans la
cavité interne refluer facilement entre les parois de cet orifice et la sonde,
sans qu'il puisse y avoir accumulation de ce liquide et par conséquent disten-
sion de la matrice. M. Gallard tient tellement à ce qu'il en puisse être ainsi
que si, au moment de l'introduction de la sonde, il s'aperçoit qu'elle est
serrée, dans un point quelconque du canal cervico-utérin, de façon à boucher
ce canal, il la retire et en choisit une de plus petit calibre ; 4° une petite
seringue en verre dont la capacité a été soigneusement graduée à l'aide de
divisions marquées sur la tige de son piston. Un curseur placé sur cette tige
permet de déterminer exactement à l'avance la quantité du liquide que l'on veut
injecter. Cette seringue porte à son extrémité une canule conique avec un pas
de vis qui permet de l'introduire dans les sondes en caoutchouc, quel qu'en soit
le diamètre, en obtenant un ajustage parfaitement hermétique ; 5° le liquide à
injecter qui peut être ou du perchlorure de fer (solution Pravaz à 0,30 c),
c'est celui que M. Gallard emploie le plus habituellement, ou de la teinture
d'iode, ou de la solution d'azotate d'argent cristallisé au cinquième ou au quart.
Pour procéder à l'injection, il faut placer la malade dans la position habi-
tuellement usitée en France pour l'introduction du spéculum. On découvre
alors le museau de tanche à l'aide de cet instrument; puis, saisissant une sonde
à l'aide de la pince, on la pousse doucement à travers l'urifice du col jusque
dans l'intérieur de la cavité utérine. Il faut s'arrêter dès qu'on éprouve la
moindre résistance et s'assurer, avant de pousser l'injection, que la sonde est
bien dans la cavité de l'utérus et que la résistance qu'elle éprouve résulte de
son contact avec la paroi supérieure de cette cavité. Il est un moyen bien
simple de se renseigner à cet égard ; il suffit de placer sur les lèvres du col
l'extrémité d'une autre sonde, d'une longueur égale à celle qui y a été intro-
duite, et en les juxtaposant l'une à côté de l'autre on trouve dans la différence
de saillie qu'elles font en dehors de la vulve la mesure exacte de la longueur
de la cavité dans laquelle la première a pénétré. Si cette longueur atteint ou
dépasse six centimètres, on est fondé à penser que la sonde est bien arrivée
jusqu'au fond de la cavité utérine; si elle n'a pénétré que d'une quantité
inférieure, c'est qu'un obstacle autre que le fond de l'utérus est venu s'opposer
à son introduction.il faut alors, à l'aide des manoeuvres et des tentatives usitées
Dr GALLARD. — DES VÉGÉTATIONS DE LA MUQUEUSE UTÉRINE 795
dans tout cathétérisme, essayer de contourner ou de vaincre cet obstacle, pour
pénétrer plus profondément. La sonde étant introduite dans la cavité utérine
et les mouvements de retrait et de propulsion qu'on lui a imprimés ayant
démontré qu'elle joue bien dans Les orifices et ne les oblitère pas, de façon à
empêcher le reflux du liquide qui va être injecté, il faut procéder, à titre
d'essai préparatoire, à l'injection d'une certaine quantité d'eau tiède. La tem-
pérature de cette eau doit être de 30° à 35° centigrades, afin d'éviter les dou-
leurs et les accidents que déterminerait l'impression trop vive d'un froid trop
intense ou d'une chaleur trop élevée. Cette injection d'eau tiède est poussée
doucement, lentement, avec précaution et, comme le spéculum n'est pas
retiré, on surveille avec soin le moment où elle vient refluer à travers l'ori-
fice du col resté à découvert. La graduation de la seringue indiquant exacte-
ment quelle a été la quantité du liquide employé ou injecté au moment où
ce reflux s'opère, on en déduit les dimensions exactes de la cavité utérine.
Pour faire cette évaluation, il est bon de tenir compte de la quantité du
liquide contenu dans la capacité de la sonde, laquelle est de 70 centigrammes.
Cette déduction ainsi faite, on voit que la cavité utérine présente une capacité
qui a pu aller jusqu'à 4 centimètres cubes (-4 grammes d'eau distillée pouvant
être ainsi injectés sans que le liquide ressorte par le museau de tanche); mais
en général cette capacité est beaucoup moindre, et après l'injection du premier
ou du second centimètre cube, on doit voir refluer le liquide dans le fond du
spéculum. Dès que la récurrence du liquide est parfaitement établie, l'injec-
tion aqueuse peut être continuée impunément, de façon à procurer un véri-
table lavage de la cavité utérine. Ces lavages sont fort utiles et ils provoquent
souvent la sortie de mucosités purulentes qui sont entraînées par l'injection.
Si les malades ont une grande susceptibilité nerveuse, si l'inflammation est
vive, si le ventre est endolori, s'il y a de la fièvre, M. Gallard s'en tient sou-
vent à cette injection d'eau pour une première séance; dans le cas contraire,
il faut la faire suivre immédiatement de l'injection caustique.
Pour cette dernière, le plus sage est certainement de n'employer qu'une
quantité de liquide égale ou même un peu inférieure à celle qui peut être con-
tenue dans la matrice. Mais quand la récurrence du liquide est facile, il n'y
a aucun inconvénient à en employer davantage, puisque tout ce qui est injecté
en supplément ressort aussitôt. Cette injection doit être poussée avec autant
de soins et de précautions que la précédente, après quoi on retire la sonde et
le spéculum, et la malade est laissée dans son lit où il convient qu'elle garde
le repos au moins vingt-quatre heures. M. Gallard a vu souvent des femmes
qui après une injection ainsi faite à ses consultations sont rentrées chez elles
et n'ont pas éprouvé le moindre accident. Mais cependant cette pratique ne lui
paraît pas devoir être suivie, et quelques faits lui ont montré qu'elle pourrait
facilement devenir dangereuse par suite de l'imprudence des malades. Dans
les heures qui suivent l'injection, la malade éprouve souvent des coliques
utérines assez vives avec sensation de contraction ; le ventre est un peu
tendu et douloureux, et souvent il y a, dans la soirée, un léger mouvement
fébrile ; mais, dès le lendemain, le surlendemain au plus tard, tous ces symp-
tômes sont apaisés, et il a suffi d'un cataplasme laudanisé et d'une potion
796 SCIENCES MÉDICALES
calrnante,avec quelques centigrammes do morphine ou d'opium, pour les faire
disparaître. Ce sont évidemment là des symptômes de l'inflammation utérine,
mais l'expérience a montré que cette inflammation ne dépasse jamais certaines
limites; elle ne constitue pas un danger, et M. Gallard peut dire, après avoir
usé fréquemment de cette méthode, que jamais elle n'a été suivie d'aucun
accident.
M. Gallard comprend pourtant qu'il en puisse être autrement et que, si
dans le cours de cette inflammation provoquée dans un but thérapeutique, il
intervient l'action d'une autre cause morbide quelconque, s'il y a une impru-
dence de commise, si la malade se fatigue, les limites soient dépassées et que
l'on puisse voir la phlegmasie s'étendre non-seulement au parenchyme utérin,
mais aux organes voisins, et en particulier au péritoine. C'est pourquoi M. Gal-
lard insiste sur la nécessité du repos aussitôt après l'opération et conseille de
ne pas la pratiquer ailleurs qu'au domicile de la malade ou à l'hôpital.
Ces injections doivent être renouvelées plusieurs fois à huit ou dix jours
d'intervalle et il faut s'abstenir de les pratiquer pendant les quelques jours qui
précèdent, aussi bien que pendant ceux qui suivent l'époque menstruelle.
M. Gallard donne la préférence à la solution de perchlorure de fer à 30°,
parce que son action est plus énergique que celle de la teinture d'iode et
parce que son application est moins douloureuse que celle de la solution con-
centrée d'azotate d'argent, qui offre encore cet inconvénient de précipiter les
chlorures contenus dans les mucosités utérines ou dans le sérum du sang, en
forment un magma, dont l'expulsion provoque des contractions utérines ana-
logues à celles qui ont lieu dans le cours de la dysménorrhée membraneuse.
C'est là un inconvénient grave qui a été remarqué également dans les cas où
l'on a voulu se servir du tannin, comme aussi dans ceux où on a injecté des
substances pulvérulentes dans l'intérieur delà cavité utérine.
M. HouzÉ de l'Aulnoit insiste sur les dangers des injections vaginales faites
avec une canule dont l'extrémité s'appuie sur l'orifice du col. Il considère
ces injections comme la cause d'un grand nombre d'avortements et croit qu'il
serait nécessaire de n'employer que des canules à orifices latéraux.
M. Courty fait remarquer qu'il avait bien raison autrefois, quand il disait
qu'on pouvait sans danger introduire un crayon ou des parcelles de nitrate
d'argent dans la cavité utérine, puisque la pâte x de Canquoin y séjourne sans
inconvénient.
M. Courty a fait construire différents modèles de curettes pour faire l'abra-
sion des végétations de différents volumes.
P. RECLUS. — LUXATIONS PARALYTIQUES DU FÉMUR 797
M. P. RECLUS
Aide d'anatomie i la i i mité de Kédeeine de Paris.
LUXATIONS PARALYTIQUES DU FEMUR (l).
(extrait.)
— Séance du Si août 1877. —
M. Paul Reclus entretient les membres de la section des luxations para-
lytiques du fémur. Depuis la description magistrale de Dupuytren, on désignait
sous le nom de luxations congénitales celles qui existaient au moment de la
naissance. Mais plus tard Bouvier et Broca étendirent celte définition, et l'on
donne le nom de congénitales non-seulement aux luxations apparues à la
naissance, mais à celles qu'une malformation originelle de l'article rendrait
fatales dès que la marche s'établirait. Cette double variété fut généralement
acceptée. Mais M. Yerneuil a démontré qu'il fallait en ajouter une troisième
plus fréquente et dès lors plus importante que les deux premières. Il a prouvé
qu'il y avait des luxations de la hanche qui présentaient l'apparence symplo-
matique décrite par Dupuytren et qui cependant n'avaient rien de congénital.
Elles succèdent à une atrophie des muscles qui entourent l'articulation, atro-
phie déterminée elle-même par une paralysie infantile. Cette théorie si simple
fut vivement combattue et n'a pas encore droit de cité dans nos livres clas-
siques. Aussi les élèves de M. Verneuil ont-ils ramassé des observations nou-
velles pour élayer cette doclrine. M. Reclus en apporte cinq inédites. Dans les
deux premières, il s'agit d'enfants qui furent pris de paralysie infantile ; l'atro-
phie se cantonna dans les pelvi-trochantériens et les muscles fessiers, les
adducteurs de la cuisse restèrent sains ; il en résulte une luxation iliaque.
Dans la troisième, la paralysie détruit l'activité fonctionnelle des fesses et des
adducteurs; les pelvi-trochantériens et les fessiers sont intacts; une luxation
suspubienne ne tarde pas à survenir. Enfin, dans les deux dernières observa-
tions, tous les muscles de la hanche, adducteurs, fessiers et pelvi-trochanté-
riens, sont atrophiés. On a constaté une très-grande laxilé dans l'articulation;
le moindre etfort peut faire sortir la tête fémorale du cotyle, mais il n'y a pas
de luxation permanente. Ces observations ne prouvent-elles pas avec la der-
nière évidence que, lorsque l'articulation n'est plus soutenue par les masses
musculaires qui la doublent, il suffit d'une propulsion continue d'un groupe
musculaire intact pour refouler et luxer la tête fémorale dans le sens opposé?
Aussi, de ces observations, M. Reclus fait découler les quatre propositions
suivantes : 1° du groupe de luxations dites congénitales, il faudrait désormais
distraire les luxations paralytiques ; 2° les luxations succèdent « aux amyoho-
phies » et paraissent, comme les affections qui les provoquent, survenir à tous
les âges, bien qu'elles n'aient été guère observées que dans l'enfance; 3° pour
que la luxation se produise, deux conditions sont nécessaires : d'une part,
(1) Voir le mémoire in extenso dans la Revue de médecine et de chirurgie pratiques, 1878.
798 SCIENCES MÉDICALES
l'atrophie d'un groupe musculaire ; de l'autre, l'intégrité de ses antagonistes —
si tous les muscles sont paralysés, il y aura bien un très-grand relâchement,
une mobilité exagérée dans l'article, mais pas de luxation ; 4° à la hanche, la
luxation iliaque est la plus fréquente, elle est due à la traction des muscles
adducteurs que l'atrophie des fessiers et des pelvi-trochantériens laisse sans
contre-poids.
DISCUSSION.
M. Dally considère comme très-importante l'influence de la pesanteur sUr la
production de ce genre de luxations et discute l'influence de la marche elle-
même.
M. Verneuil. 11 yalà une question de thérapeutique importante. La marche ne
peut être suffisante pour produire la luxation ; mais quand la tête a commencé
à sortir de la cavité colyloïde, la marche peut entraîner cet accident. M. Ver-
neuil insiste sur la nécessité de distinguer deux périodes dans les affections
de la hanche, s'accompagnant de paralysie des muscles satellites de l'articula-
tion coxo-fémorale : il laisse marcher les enfants à la première période, plus
tard la marche ne peut être permise.
M. le Docteur MASÏÏEEL
de Lille (Xord).
DE L'EMPLOI DE L'ÉMÉTIQUE DANS LE TRAITEMENT DES NÉVRALGIES.
(extrait.)
— Séance du 2i août 1 8 7 7 . —
J'avais remarqué avec quelle facilité l'émétique amenait souvent à une franche
intermittence certaines fièvres, rémittentes et subintrantes. J'avais aussi remarqué
que dans plusieurs de ces fièvres, dont l'évolution s'accompagnait de phénomènes
névralgiques continus, ceux-ci subissaient la même modification périodique, et
qu'on n'avait plus alors qu'à traiter un état intermittent, dont le sulfate de
quinine faisait justice.
Ce sont ces remarques qui me firent entrevoir une nouvelle voie pour arriver
à la cure des névralgies par l'émétique à haute dose, tantôt comme moyen
unique de guérison, tantôt comme préparant à l'emploi du sulfate de quinine.
A l'appui de ce traitement, nous avons extrait de notre pratique une cin-
quantaine d'observations, nombre plus que suffisant pour juger du mode d'ap-
plication et des résultats cliniques de notre méthode ; nous les avons choisies,
variant de siège, d'intensité et de nature, parmi celles qui ayant subi l'épreuve
du temps ne laissent aucune prise au doute sur une cure radicale.
I)r MASUIiEL . — L'ÉMÉTIQUE DANS LE TRAITEMENT DES NÉVRALGIES 700
De la lecture de nos observations, il ressort que généralement nous avons
commencé le traitement par une dose d'émétique 0,2 dans une potion opia-
cée à 0,0.'i'v,,t". Cette potion était administrée par cuillerée à bouche d'heure
en heure, sauf un fractionnement plus grand, si l'intolérance l'exigeait. La
dose d'émétique a cependant parfois varié suivant l'âge du sujet, sa tolérance
et la résistance plus ou moins accentuée de la maladie : l'observation clinique
est sous ce rapport le seul guide du médecin. Nous en dirons autant de la dose
d'opium, que nous augmentons parfois pour favoriser la tolérance ou que nous
supprimons lorsqu'un état de constipation ou d'embarras des premières voies
nous paraît nécessiter des vomissements ou des évacuations.
En tous cas, la potion est en général continuée tant que nous n'avons pas
obtenu une intermittence assez décidée pour nous donner la confiance que l'em-
ploi exclusif du sulfate de quinine suffira pour achever la cure.
Ainsi administré, l'émétique nous a souvent suffi pour amener la cure radi-
cales des névropathies. Mais il n'en est pas moins vrai qu'il n'a été généra-
lement employé par nous que dans le but de dégager l'intermittence qui, dans
notre opinion, est toujours à l'état plus ou moins larvé dans ces sortes d'af-
fections. L'intermittence une fois obtenue, nous recourons au sulfate de quinine
comme à un agent qui donnant à l'appétit une allure plus décidée est par
cela plus favorable à une convalescence rapide.
Il arrive cependant parfois qu'une intermittence franche tarde à se mani-
fester, seulement la continuité de la névropathie est pour ainsi dire scindée par
des moments irréguliers de calme. Dans ces cas, soit que nous ayons à crain-
dre un allanguissement des fonctions digestives, soit que l'intolérance se ma-
nifeste et qu'un état de gestation nous commande une prudente réserve, nous
réussissons souvent à donner prématurément le sulfate de quinine, mais alors
à doses fractionnées.
Parfois nous avons été amené à donner simultanément le sulfate de quinine
et l'émétique pour triompher de certains cas rebelles.
Le régime diététique n'a jamais rien eu de particulier que la proscription
d'une alimentation trop excitante ou de difficile digestion. Sauf le cas d'une
contre-indication évidente, j'ai toujours prescrit à mes malades une alimenta-
tion suffisamment réparatrice, leur recommandant seulement une heure d'in-
tervalle entre le repas et la cuillerée de potion. Sa tolérance établie, le ma-
lade peut en général prendre ses repas comme s'il ne prenait pas de potion.
D'après le résultat obtenu, nous croyons pouvoir conclure qu'aucun autre
traitement ne jouit d'une efficacité aussi constante et aussi générale, surtout
quand la névropathie ne présente pas une franche intermittence ; aucun n'at-
ténue plus rapidement les douleurs les plus vives, même lorsqu'un état chlo-
rotique semble le point de départ de la maladie.
Pour donner une idée approximative de notre traitement, nous joignons à
l'extrait de notre travail l'observation suivante :
MmeG., 42 ans, est d'une santé habituellement bonne, sauf qu'elle est assez
fréquemment tourmentée par des accès de migraine qui durent de 24 à
36 heures.
800 SCIENCES MÉDICALES
Le 31 mai 1872, elle me fait appeler; atteinte, me dit-elle, depuis huit jours,
d'une céphalalgie opiniâtre, continue et très-violente, elle a été obligée de
s'aliter depuis la veille.
Dès l'origine, elle a cru au retour de son indisposition habituelle, mais elle
a dû bientôt s'apercevoir que ce qu'elle éprouve cette fois n'a aucune analogie
avec ses accidents antérieurs; ceux-ci, en effet, se traduisaient par une hémi-
cranie bien limitée et assez supportable, tandis que l'état maladif actuel pré-
sente les symptômes suivants :
Douleurs très-violentes, souvent lancinantes, sur toute l'étendue du crâne.
Émergeant, pour ainsi dire, des conduits auditifs, elles s'étendent en oulre
sur les pavillons des oreilles, sur toute la face, les parties latérales du cou,
le voisinage de l'acromion et dans l'appareil de la vision lui-même; les pau-
pières abaissées recouvrent, en grande partie, les globes oculaires ; la vision,
entièrement abolie à droite, est grandement affaiblie et pervertie à gauche.
Prescription : pédil. sinapisé, potion opiacée stibiée à 0,2 décig.
1 juin, même état, même prescription médicamenteuse. Bouillon.
2 juin, amélioration sensible, il y a eu un peu de sommeil. Prescription
ut supra.
3. Je trouve la malade levée, s'applaudissant de l'amélioration obtenue; elle
m'avoue qu'à ma première visite, elle ne me voyait qu'une moitié du corps.
Prescription ut suprâ.
4. Intermittence marquée. Prescription : sulfate de quinine 0,5 décig., eau
120 gr., sirop diacode 32 grammes pour potion. Soupe et œuf.
G. Nuit bonne, calme complet. Même prescription.
7. Même état. Prescription : veau rôti.
13. Un peu de névralgie frontale. Prescription : reprise de la potion.
14 Calme complet. Continuation de la potion stibiée.
15. Même état, sulfate de quinine 0,5 décig. dans du café.
17. Guérison définitive.
M. le D' LECAME neveu
ex-chirurgien de 1 hôpital du Havre
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ÉLECTRO-PUNCTURE DANS LE TRAITEMENT
DES ANÉVRYSMES.
— Séance du 24 août 1 8 7 7 . ~
Anécrysmede Vartère fémorale droite, au pli de Vainc ; électro-punctUre : résultais
7iéga(ifs ; ligature de /' 'iliaque euterne: mort M jours après.
Chaix, 39 ans, tailleur, voulant en 1871 monter à bord d'un navire, eut les
deux membres violemment écartés; aussitôt sensation de craquement à la
Dr LECADRE. -• i/ÉLECTRO-PUNCTURE DANS LES ANÉVRYSMES 801
cuisse droite, à deux centimètres environ au-dessus de l'arcade crurale, sur
le trajet des vaisseaux. Six mois plus tard, apparition à ce niveau d'une
tumeur du volume d'une noisette, indolente même pendant la marche, mais
qui, depuis cette époque, grossit régulièrement, parut animée de battements
réguliers et finit par devenir douloureuse.
A l'entrée à l'hôpital, le 4 février 1873, on constate dans l'aine droite, au-
dessous de l'arcade crurale et sur le trajet des vaisseaux, une saillie
ovoïde, de la grosseur du p°'ni" sans changement de couleur à la peau ; cette
saillie présente un soulèvement appréciable au toucher et un mouvement d'ex-
pansion manifeste à la vue ; les battements sont isochrones au pouls radial ;
à l'auscultation, souffle simple, rude, correspondant à la diastole artérielle ; les
battements de l'artère tibiale postérieure, derrière la malléole, sont à peine
perceptibles.
18 février.— Première séance d'électro-puncture, avec vingt couples de la
pile Trouvé au sulfate de cuivre. Trois aiguilles de platine A, B,C, sont enfon-
cées dans le sac, à une distance de trois centimètres l'une de l'autre; l'élec-
trode positive est d'abord appuyée sur l'aiguille A, et la négative sur l'ai-
guille B, pendant trois minutes; puis L'électrode positive est fixée sur B, et
la négative sur C; enfin l'électrode positive reportée en C, la négative est
appliquée sur l'aiguille A ; les courants sont maintenus trois minutes. Quand
on retire les aiguilles, il sort un petit jet de sang d'un rouge vif, qu'on arrête
facilement avec le collodion.
Le lendemain, petits noyaux d'induration au niveau de chaque piqûre;
mêmes battements, même bruit de souffle, mêmes douleurs dans la cuisse.
20 février.— Deuxième séance d'électrolyse identique à la première pour le
manuel opératoire et pour les résultats.
28 février.— Troisième séance d'électrolyse avec vingt couples Trouvé et huit
couples Marié-Davy. Une seule aiguille est enfoncée dans la tumeur et repré-
sente le pôle positif. Le pôle négatif est une plaque métallique doublée d'agaric
mouillé d'eau salée, appliquée sur la cuisse au-dessous de l'anévrysme. La
séance dure environ cinq minutes.
i« mars. — La tumeur dure toujours, sans changer de consistance.
7 mars.— Quatrième séance avec20couples Trouvé. Même disposition que le
28 février. Les premières minutes d'application du courant sont peu doulou-
reuses, mais, au bout d'un quart d'heure, les souffrances sont intolérables,
surtout dans les adducteurs de la cuisse. La piqûre de l'aiguille est entourée
d'une zone d'un noir grisâtre, de deux millimètres de diamètre. Le sang jail-
lit par l'ouverture; on s'en rend maîtro difficilement, au bout d'un quart
d'heure, par le collodion.
11 mars.— La tumeur a le volume d'un fœtus à terme; elle refoule en haut
l'arcade fémorale qu'elle déborde et présente toujours des battements et un
bruit de souffle un peu moins rude. Mais l'état du malade s'aggrave et je me
décide à pratiquer la ligature de l'artère iliaque externe le lendemain 12 mars.
Chute du fil le 7 avril.— Jusqu'à cette époque, le malade n'a pas éprouvé
d'accidents sérieux : les battements ont cessé dans l'anévrysme ; le membre
inférieur entouré d'ouate a conservé sa sensibilité et une température satisfai-
51
802 SCIENCES MÉDICALES
santé: tout fait espérer une heureuse terminaison. Mais, pendant le courant
du mois d'avril, le malade, affaibli par le séjour au lit, par la diarrhée et le
défaut d'alimentation, épuisé par la suppuration abondante qui s'est établie
dans la fosse iliaque et dans le sac, décline de jour en jour et meurt le 2o avril,
M jours après l'opération.
L'autopsie et l'injection poussée par l'aorte abdominale démontrent que l'ob-
turation de l'iliaque externe était complète, rien n'a pénétré dans le membre
inférieur droit.
En résumé, quoique dans ce cas particulier l'électro-puncture n'ait pas donné
de résultats heureux, elle n'a amené cependant aucune complication lâcheuse;
aussi pensons-nous qu'en présence d'un anévrysme volumineux, siégeant a la
racine d'un membre, on fera toujours bien de la tenter en suivant les pré-
ceptes établis par les chirurgiens italiens.
MM. François FRANCK et TOCQïïAET
ACTION DES INJECTIONS INTRA-VEINEUSES DE CHLORAL SUR LA CIRCULATION
ET LA RESPIRATION (1).
(EXTRAIT.)
— Séance du 24 août 1877. —
1. — Lorsqu'on injecte dans le système veineux d'un animal une dose
suffisante d'hydrate de chloral en solution aqueuse, on voit se produire presque
simultanément, du côté des fonctions cardiaque et respiratoire, des troubles
qui consistent en arrêts plus ou moins rapides ou prolongés (accidents primitifs
dus au contact) .
2. — Sous l'influence de la chloralisation confirmée, il se produit une série
de troubles cardiaques et respiratoires différents des premiers et revenant par
périodes {accidents consécutifs à l'absorption chloralique).
3. — Le cœur, ralenti sous l'influence de l'injection intraveineuse de
chloral, se laisse distendre considérablement dans l'intervalle des systoles.
i. — Au début du ralentissement, les ventricules évacuent tout leur con-
trnu dans les arlères; mais bientôt les systoles deviennent de moins en moins
efficaces et la distension du cœur s'accuse davantage. (Méthode de Franck pour
l'étude des débits du cœur. C. Et. des travaux du laboratoire du professeur
Marey. Paris, G. Masson, !<X77.)
(-1) Voir le mémoire ■" extenso dans les I omptes rendus des travaux du laboratoire <lu profes-
seur Marey, Paris, <■. Masson, 1877.
FRANCK.— ACTION DO CHLORA1 Ml; LA CIRCULATION ET LA RESPIRATION 803
ri. — Pendant l'arrêt ventriculaire, les systoles des oreillettes persistent, ce
qui contribue à produire l'augmentation graduelle du volume du cœur pendant
l'arrêl diastolique.
6. — Les troubles se réparent d'autant plus vite qu'ils ont été moins graves.
La période de réparation oe présente rien de constant dans son mode d'appa-
rition, ses caractères et sa durée; elle varie surtout suivant la dose injectée
et la quantité de chloral préalablement absorbée par l'animal ; rapide après
une première injection, elle devient lente après une série d'injections succes-
sives.
7. — Le chloral agit par son contact immédiat avec la paroi interne du
cœur droit.
s. — Il excite les filets nerveux sensibles de l'endocarde et détermine dans
les ganglions întra-cardiaques une action réflexe qui retentit sur les fibres
modératrices des pneumogastriques, d'où arrêt du cœur en diastole.
9. — Sur le cœur isole de la tortue terrestre, on observe, en faisant passer
un courant de sang chargé de chloral, un arrêt systolique. Le chloral péné-
trant immédiatement dans les artères coronaires à sa sortie du ventricule qui
est simple, agit directemenl sur les libres musculaires, dont il provoque la
contracture, comme il produit celle des muscles dans les artères desquelles
il est directement, injecté.
10. — Le chloral détermine peu à peu la paralysie des extrémités périphé-
riques des pneumogastriques, d'où atténuation des accidents cardiaques à
mesure que les injections se multiplient.
11. — Les troubles cardiaques consécutifs sont très-variables ; le plus sou-
vent ils sont caractérisés par une période de ralentissement, suivie d'irrégu-
larités. Chez les mammifères, on observe souvent des périodes de systoles
avortées, avec grande chute de pressions, et disparition des pulsations arté-
rielles.
12. — Les arrêts respiratoires immédiats produits par l'injection intrar-vei-
neusv de chloral sont dus à un réflexe ayant l'endocarde pour point de départ:
la démonstration de l'excitation de tilets sensibles de l'endocarde est fournie
par l'analyse même du phénomène (sections nerveuses, paralysie de l'appareil
modérateur du cœur par l'atrophie, etc). Ces filets sensibles de l'endocarde
constituent de véritables nerfs suspensifs de la respiration et relient intime-
ment la fonction cardiaque à la fonction respiratoire. Ils sont complètement
distincts des nerfs sensibles du cœur désignés sous le nom de dépresseurs (1).
(l) F. Franck. Journal de l'Anatomie, novembre 1877-
804 SCIENCES MÉDICALES
M. le Dr François FRANCK
Préparateur au Collège de France.
SUR LES INTERMITTENCES DU POULS OU FAUSSES INTERMITTENCES (1).
(KXTIIAIT.)
— Séance du Si août 7877. —
On voit souvent une pulsation artérielle faire défaut sans que le cœur sus-
pende en même temps ses battements : la systole du cœur qui n'a pas déter-
miné d'élévation de pression dans le système aortique est une systole avortée;
mais la raison pour laquelle cette systole se montre inefficace n'est pas tou-
jours la même. J'ai étudié trois catégories de systoles avortées qui peuvent
être désignées, d'après la cause de leur inefficacité, par les dénominations
suivantes : 1° systoles avortées par reflux mitral ; 2° systoles avortées par
défaut de réplétion du ventricule (systoles anticipées) ; 3° systoles avortées par
défaut d'énergie. Ces différentes variétés correspondent aux faux pas du cœur,
sur lesquels M. le professeur Bouillaud a insisté, mais il y a lieu de les dis-
tinguer les unes des autres au point de vue physiologique.
1. Systoles avortées par reflux mitral. — Le pouls des malades atteints d'in-
suffisance mitrale présente, comme l'ont depuis longtemps établi les recherches
de sphygmographie, des pulsations inégales, se succédant à intervalles régu-
liers, souvent séparées par de grandes intermittences. L'ondée sanguine
envoyée parle ventricule gauche se partageant entre l'aorte et l'oreillette, la
petitesse habituelle des pulsations artérielles résulte de ce reflux anormal à
travers l'orifice auriculo-ventriculaire gauche. Quand une intermittence sur-
vient, le ventricule se gorge de sang, et l'ondée volumineuse qu'il envoie
ensuite dans le système artériel y produit brusquement une grande augmen-
tation de pression. Dès lors la systole suivante, trouvant du côté de l'aorte
une résistance beaucoup plus considérable que du côté de l'oreillette, évacue dans
celle-ci la totalité du sang que contenait le ventricule, la pulsation artérielle
manque à ce moment, et la systole ventriculaire, inefficace à surmonter la
pression aortique, constitue la systole avortée par reflux mitral. M. le profes-
seur Marey a même constaté l'année dernière des systoles inefficaces du même
ordre sur un appareil schématique de la circulation, dans lequel la valvule
mitrale, incomplètement tendue, devenait périodiquement insuffisante chaque
fois que la pression aortique était augmentée; sur ce même appareil, j'ai obtenu
la suppression des pulsations artérielles en augmentant la pression dans
l'aorte, la valvule mitrale étant insuffisante.
2. Systoles avortées par défaut de réplétion du ventricule. — Certaines systoles
sont inefficaces, parce que le ventricule se contracte avant d'avoir eu le temps
(1) Voir le mémoire in extenso dans les Comptes rendus des travaux du laboratoire du pro-
fesseur Marey. Paris, G. Masson, 1877.
Dr !.. HENRI PETIT. — DE l'aTAXÏE LOCOMOTRICE 805
de pénétrer dans le ventricule. Suivant son degré de réplétion, le ventricule
envoie alors dans l'aorte une ondée plus ou moins forte, mais toujours infé-
rieure à l'ondée normale. Sur un même malade il est souvent facile de
suivre cette série de systoles de moins en moins anticipées, par conséquent
de plus en plus efficaces.
3. Systoles avortées par défaut d'énergie. — En outre des systoles avortées
par reflux milral et par défaut de réplétion préalable du ventricule, signalons
celles qui, survenant en leur temps ou peu avant le moment normal de leur
apparition, ne déterminent cependant aucune évacuation du ventricule, ni
dans l'aorte, ni dans l'oreillette; elles s'accompagnent aussi d'intermittences
du pouls artériel, mais ce défaut d'évacuation du ventricule tient à une
énergie de contraction insuffisante. On voit ces systoles avortées survenir
souvent d'une façon rhythmée, alternant, par exemple, avec des systoles effi-
caces ; quelquefois elles se succèdent par groupes : ce sont alors des phases
de véritables palpitations, pendant lesquelles le cœur oscille autour d'une sys-
tole permanente et présente une sorte de tétanos à secousses dissociées. On
les observe, par exemple, chez les animaux chloralisés.
M. le F I. Henri PETIT
Sous-bibliothéca're .i la Faculté de médecine du Paris.
DE L'ATAXÏE LOCOMOTRICE DANS SES RAPPORTS AVEC LE TRAUMATISME (1)
(EXTRAIT.)
— Séance du 25 août I 877. —
Un fait curieux sert de point de départ à ce travail. — En voici le titre :
Ataxie locomotrice paraissant guérie depuis deux ans. — Punction et injection
iodée d'une hydrocèle. — Réapparition de symptômes aVataxie.
Cette observation, bel exemple du rappel par le traumatisme d'un état
pathologique latent, a donné à M. Petit l'idée de rechercher dans la science
les faits de coïncidence de l'ataxie et de blessures, et de poser les questions
suivantes :
1. Le traumatisme peut-il engendrer l'ataxie locomotrice.'
2. Le traumatisme peut-il influencer la marche d'une ataxie préexistante?
3. Le traumatisme présente-t-il chez les ataxiques quelques caractères par-
ticuliers dans sa marche et sa terminaison?
11 répond de la manière suivante :
A. L'origine traumatique de l'ataxie locomotrice n'est pas inadmissible,
mais aucun fait jusqu'ici ne la démontre péremptoirement.
(1) Ce travail sera publié in extenso dans la Revue mensuelle de Médecine et de Chirurgie.
806 SCIENCES MÉDICALES
B. Il est probable que, chez les sujets prédisposés, le traumatisme peut hâter
le développement de l'ataxie.
C. Il est certain que les blessures peuvent réveiller une ataxie guérie en
apparence et aggraver une ataxie coexistante.
D. Quelques auteurs croient le traumatisme chirurgical (opérations diverses)
capable de guérir certaines ataxies dépendant d'une lésion circonscrite (phi-
mosis); mais la chose est encore douteuse, car on peut se demander si, dans
ces cas heureux, il s'agissait bien réellement d'une ataxie véritable et si l'on
n'avait pas plutôt affaire à des actions réflexes sans lésions médullaires.
S'il était cependant démontré qu'une irritation locale prolongée peut pro-
duire une ataxie locomotrice 'proprement dite, nul doute qu'on ne doive inter-
venir chirurgicalement quand cela sera possible.
E. L'ataxie locomotrice s'accompagnant parfois de troubles dans la nutrition
de certains tissus, on conçoit qu'elle modifie l'évolution locale de certaines
blessures. C'est ce que tendent à prouver des observations de contusions arti-
culaires, de fractures et de plaies des parties molles.
Il y aurait, dans les membres blessés, disposition au développement d'in-
flammation phlegmoneuses et en conséquence pronostic sérieux.
D'autre part, on a vu chez un ataxique syphilitique une opération de castra-
tion marcher et se terminer de la façon la plus naturelle.
DISCUSSION
M. Verneuil fait remarquer que l'on a signalé des cas de fractures où le
cal osseux s'était formé avec une plus grande rapidité chez des ataxiques que
chez les individus sains.
M. Franck demande à M. Verneuil si l'on ne pourrait pas rapprocher ce
dernier fait de cette expérience physiologique bien connue et qui consiste à
couper chez les animaux le nerf principal d'un membre fracturé. Or, on sait
que, dans ce cas, le cal osseux devient exubérant.
M. Potain cite l'observation d'un enfant qu'il a eu à soigner récemment et
qui s'était fait une écorchure légère à la jambe. Elle ne se cicatrise pas ; l'enfant
prend un bain de mer à la suite duquel il ressent du malaise, de l'hébétude
intellectuelle, une grande répugnance au travail, à ce point que ses parents
effrayés appellent en consultation MM. Limier et Potain. Ils reconnurent une
chorée commençante; quelques jours plus tan! survenait une attaque de rhu-
matisme articulaire aie-u.
Dr MASSART. RÉTROVERSION UTÉRINE 81 '
M. le D' MASSART
infleur.
RÉTROVERSION UTÉRINE A TROIS MOIS ET DEMI DE GROSSESSE.
RÉDUCTION. ACCOUCHEMENT A TERME.
— Séance du i i août t877. —
L'observation que j'ai l'honneur de vous présenter est, je crois, assez cu-
rieuse à plusieurs titres, pour me déterminer à vous la soumettre sans trop
craindre d'avoir à me reprocher Les quelques instants que je réclame de votre
bienveillante attention.
La rétroversion utérine dans le cours de la grossesse est un l'ait pathologique
qu'on ne rencontre pas tous les jours ; de plus, la réduction sans accident, soit
chez la mère, soit chez reniant, est moins commune encore el mérite d'être
Signalée avec le procède opératoire.
La manœuvre que j'ai employée me semble nouvelle, toujours et partout
facilement applicable, et surtout ne présente aucun danger.
Voici l'observation telle que je la trouve dans les noies que j'ai prises au
moment où je soignais la malade qui tait l'objet de cette communication.
Observation. — Le 19 décembre 1875, vers trois heures de l'après-midi, je
suis appelé par une sage-femme près d'une malade qu'elle me dit être entrain
défaire une fausse couche qui, d'après la déclaration de cette dernière, serait
de 3 1 2 à i mois.
En effet, depuis le milieu de la nuit, la malade était continuellement poursui-
vie de douleurs lombaires, mêlées de besoins d'expulsion ; la sage-femme était
assez perplexe, car elle ne trouvait pas de col pouvant lui permettre de poser
son diagnostic, mais à sa place une tumeur très-grosse dont elle ignorait
la nature.
Madame D., épicière, est âgée de iS ans et cinq mois; elle se dit enceinte de
3 1/2 à 4 mois : ce commencement de grossesse s'est assez bien passé, sans
vomissements. Elle a quatre enfants, l'aîné âgé de 20 ans, le plus jeune de 7;
depuis, plus de grossesse, si ce n'est celle-ci . Ses accouchements ont été tous
faciles et très-rapides : à peine le médecin qui devait l'assister avait-il le temps
d'arriver ; deux fois même, malgré sa diligence, il était arrivé après l'enfant.
Depuis une dizaine de jours environ, elle a remarqué de la difficulté à
uriner la nuit ; trois ou quatre fois même, la nuit, la miction était impossible
pendant un moment, il fallait quelque temps de station debout ou de marche
dans la chambre pour qu'elle pût parvenir à uriner.
La veille du jour où je la vois pour la première fois, elle a travaillé beau-
coup plus que d'habitude; elle a levé et porté un nombre assez grand de
fagots à travers un cou loir étroit, et chaque fois il avait fallu monter huit mar-
808 SCIENCES MÉDICALES
ches d'escalier. Le commencement de la nuit fut très-fatigant, fréquentes en-
vies d'uriner, ténesme vésical depuis le soir, mais impossibilité complète d'uri-
ner ; comme elle urinait encore la veille, elle essaie, mais en vain, de marcher
dans la chambre; vers minuit, les douleurs lombaires la prennent avec les
efforts d'expulsion, comme si elle allait accoucher, ce qui la décide à envoyer
chercher une sage-femme.
A mon arrivée, je trouve la malade, dans le décubitus dorsal, dans l'impos-
sibilité de faire aucun mouvement, couverte de sueur, se plaignant de dou-
leurs atroces dans les reins et tout le bas du corps, la figure injectée, les yeux,
brillants, pouls à 120°, dur, demandant à mourir; en un mot, dans un état
de fièvre et d'éréthisme nerveux très-prononcés.
Examinant le ventre, je le trouve développé comme dans une grossesse de cinq
à six mois; je constate sur la ligne médiane une tumeur globuleuse arrivant à
un travers du doigt au-dessous de l'ombilic, dure, mate à la percussion; lors-
qu'on la presse, le ténesme augmente; au-dessus de la tumeur, la percussion
indique la présence de l'intestin.
Au toucher, le vagin est sec, chaud, dirigé et même comme tiré en avant;
le doigt arrive (à l'endroit où je cherche le col) sur une tumeur ronde, lisse,
présentant sous la pression du doigt un œdème tel que le doigt y laisse son
empreinte, que l'on perçoit même un instant après, mais pas de col. Le
cherchant en arrière, le doigt est aussitôt arrêté par le cul-de-sac postérieur
qui est beaucoup plus bas que d'habitude et surtout beaucoup moins profond;
pas de col, — pas plus que dans les culs-de-sac latéraux. En avant, le doigt
remonte aussi loin que possible derrière la symphise sans trouver d'obstacle,
longe la tumeur qui présente la même sensation et la même forme globuleuse,
mais pas de col, et rien qui puisse en indiquer la place. Je touche avec le
médius et l'index, même résultat; puis avec quatre doigts, mais pas de col et
le vide au delà des doigts. Je n'ose aller plus loin à cause des douleurs que
cette dernière investigation avait causées à la malade.
Combinant le palper et le toucher vaginal avec deux doigts, ceux-ci ne per-
çoivent aucun mouvement ; mais j'en sens un, excessivement limité il est vrai,
en pressant profondément sur le flanc gauche; à vrai dire, ce n'est pas un
mouvement, mais la transmission d'un contact à travers un corps solide.
J'introduis un doigt dans le rectum, il est presque aussitôt arrêté par la
tumeur, qui fait une saillie globuleuse; mais, au moins, le doigt peut remonter
derrière la tumeur aussi haut que la longueur du doigt le permet.
Plaçant la malade sur le bord du lit, dans la position pour une opération
obstétricale, je pratique le cathétérisme, qui est assez difficile ; la sonde doit
être portée très en avant le long de la symphise, presque verticalement; en
poussant la sonde, on sent que les parois de Purèthre sont comprimées l'une
contre l'autre, il faut enfoncer la sonde avec beaucoup de précaution pour
vaincre une résistance; mais enfin j'arrive à la vessie, dont j'extrais un peu
plus de deux litres d'une urine claire, d'une teinte légèrement grisâtre, ne
formant aucun dépôt, ne contenant aucune mucosité et ne portant aucune
odeur.
La tumeur s'est affaissée : c'était donc la vessie. Lu palpant profondément
Ur UASSART. — RÉTROVERSION UTÉRINE SO'J
l'abdomen, je sens une autre tumeur profonde, ne remontanl presque pas au-
dessus du pubis et que je pense être L'utérus. L'examen du vagin etdu rectum
donne le même résultat qu'avant le cathétérisme.
Néanmoins la malade se sent soulagée à tel point que, ne pouvant faire
aucun mouvement sans souffrance avant L'évacuation de l'urine, elle se recouche
seule aprè6 avoir fait le tour de sa chambre.
Bien qu'il manque un élément à mon diagnostie, le toucher du col, je crois
pouvoir poser le diagnostic Rétroversion utérine complète.
La rétroversion est-elle liée à une grossesse ou à une tumeur utérine? Je
m'arrête à L'idée de grossesse, la femme n'ayant jamais eu d'hémorrhagie; elle
est intelligente, a eu plusieurs enfants et m'affirme avoir éprouvé les mêmes
symptômes que dans ses grossesses précédentes ; toutefois je réserve encore mon
diagnostic sur ce point.
le 20 — l'as de miction depuis le cathétérisme, la vessie est moins haute;
la sonde ramène un litre d'urine après avoir rencontré Les mêmes difficultés
pour le cathétérisme; la constipation a continué. Les douleurs lombaires sont
moins fortes que la veille, mais persistent encore.
Au toucher, comme la veille.
J'essaie de réduire, sans aucun succès, dans toutes les positions et en em-
ployant les divers procédés indiqués pour cette opération.
Le 2/ — Même état. Cathétérisme ut suprâ, essais de réduction aussi infruc-
tueux que la veille.
11 faut pourtant en finir, mais comment? En attendant, la rétroversion aug-
mentera toujours.
Pratiquer l'avortement? mais est-ce bien une grossesse".' et puis comment
trouver le col? il doit être en avant, et beaucoup trop élevé pour qu'on puisse
y introduire un instrument.
Faire la ponction de l'utérus? c'est grave; et comme, à quelques jours près,
les accidents ne pressent pas, je préfère attendre.
Le 22. — Même état, mêmes essais avec le même résultat.
En pratiquant le cathétérisme, je vidais l'urine dans un énorme vase de nuit
et je pensai tout à coup qu'il pourrait m'être bien autrement utile que pour y
verser des urines. Je me rappelai avoir entendu dire qu'en Bohême et égale-
ment en Normandie, certains sorciers guérisseurs avaient l'habitude, pour
guérir les maladies de matrice, d'appliquer sur le ventre de leurs malades: en
Bohême une grande marmite en cuivre, en Normandie un de ces pots en terre
que l'on met dans les chaufferettes, et dans lesquels ils plaçaient préalable-
ment quelques charbons chauds; j'avais entendu affirmer, par les plus crédules
qu'ils guérissaientet par d'autres qu'ils soulageaient momentanément les malades.
Comme, en définitive, il n'y a pas de fumée sans feu, je pensai que le vase
faisant ventouse allégeait le poids du paquet intestinal sur l'utérus. Si donc, au
moyen de ce grand vase de nuit, je peux avoir une aspiration assez forte pour
y faire entrer une partie du ventre, entraînant avec elle une certaine quantité
du paquet intestinal, je soustrairai l'utérus rétroversé à une pression très-grande
et je pourrai alors avoir d'autant plus de facilité pour la réduction.
La malade étant fatiguée, je me proposai d'essayer le lendemain.
810 SCIENCES MÉDICALES
Le 23. — Après le cathétérisme et de nouveaux essais de réduction tout aussi
impuissants que ceux des jours précédents, je fais mettre la malade dans la
station debout; je prends comme ventouse le vase de nuit et après y avoir fait
flamber quelques feuilles de papier, je l'applique sur le ventre qui s'y précipite;
l'aspiration est telle que le vase tient seul collé sur le ventre, malgré la posi-
tion verticale et son propre poids.
Alors j'introduis deux, trois doigts, puis toute la main droite dans le vagin ;
j'essaie ds pousser, avec le poing fermé, vers la gaucbe et en avant l'utérus,
dans lequel je sentais mes doigts pénétrer comme dans un tissu œdématié,
mais, de cette façon, je ne suis pas complètement maître de retenir ma force ni
d'imprimer exactement à l'utérus la direction que je veux lui donner. Après
quelques instants d'essais infructueux, mais pendant lesquels je sens néanmoins
la possibilité de faire mouvoir l'utérus, de plus la main droite étant fatiguée,
la crampe commençant à envahir le poignet, je remplace la main droite par
la gauche, que je présente la face palmaire tournée vers l'utérus; je saisis à
pleine main la partie postérieure du globe utérin, je le pousse vers l'hypocondre
gauche et en l'abaissant quelque peu pour le dégager de dessous le promontoire
sous lequel je le sens en quelque sorte calé, puis en avant par une pression
lente et continue; au bout d'un instant, je sens l'utérus se déplacer, le cul-de-
sac postérieur s'agrandir, puis continuant le mouvement d'impulsion je sens
manifestement l'utérus échapper de dessous le promontoire et continuer seul
son mouvement de bascule en haut et en avant.
La malade en a conscience et s'aperçoit que dans l'intérieur il y a quelque
chose qui a changé déplace.
Je cherche mon col que je trouve à sa place, un peu en avant; je peux y in-
troduire la première phalange; il présente les signes de la grossesse de 3 1/2
à i mois. Les culs-de-sacs sont normaux; dans le rectum, on ne sent plus de
tumeur saillante ; je sens par le toucher l'angle sacro-vertébral proéminent. La
palpation du ventre indique l'utérus développé comme il doit l'être à cette épo-
que de la grossesse.
Je fais coucher la malade, je lui applique le pessaire Dumont-Pallier n° 7 en
recommandant le repos absolu.
Environ deux heures après, je revois la malade, qui est depuis environ une
heure tourmentée par une toux opiniâtre. — Potion avec 5 centigrammes
d'extrait thébaïque; — repos et silence absolus.
Le 2b. — La toux s'est calmée, pas d'urine, mais envie continuelle d'uriner;
je me prépare à sonder la malade sur le bord du lit, mais à peine est-elle dans
cette position qu'elle urine seule.
Fin mars 1816. — Santé excellente ; j'enlève le pessaire, la malade reprend
ses occupations habituelles.
Le 43 juin. — Je suis appelé à 2 heures du matin. Les membranes sont rom-
pues, l'enfant en 0. 1. G. A. Une demi-heure après, accouchement d'un gros
garçon.
Aujourd'hui, environ J i- mois après l'accouchement, la mère et l'enfant jouis-
sent d'une excellente santé; ni rétroversion, ni abaissement.
Dr BfASSART. — RÉTROVERSION UTÉRINE 811
Réflexions. — J'ai donné cette observation bien longue, car j'ai voulu
la présenter telle que je l'ai pris 'an m< ni même, sans vouloir rien
ajouter, sans non pins rien retrancher, pour la livrer à la discussion
sans idée préconçue. Sans chercher à tirer des conclusions générales d'un
fait isolé, je crois qu'il est utiled'en tirer toul ce qu'elle peut nous don-
ner pour nous éclairer, dans le cas particulier, sur l'histoire de la rétro-
version de l'utérus gravide et surtout sur un dr<, points les plus con-
troversés, sinon des pins pratiques, je veux parler «le l'étiologie.
Les causes, connue voua le savez, sont de deux sortes, les unes pré-
disposantes, les autres déterminantes. Les différents auteurs sont presque
tous d'accord surlescauses prédisposantes, mais ils sonl divisés en deux
camps bien tranchés sur les causes déterminantes. Tandis que les uns
regardent avec Denman, P. Mal ois, Désormeaux, Salmon, Depaul, la
rétroversion comme causée par la rétention de l'urine, surtout dans un
utérus déjà incline en arrière avant la conception ; les autres avec Jour-
dan, W. Hunier, Moreau, Barnes, disent que la rétention est occasionnée
par la rétroversion, et que dire autrement c'est prendre l'effet pour la
cause ; ci il faut bien avouer que tous deux semblent avoir raison, lors-
qu'on analyse les observations que chacun cite.
Que s'est-il passé chez ma malade '! et ici encore une fois je ne veux
pas conclure du particulier au général, j'analyse mon seul cas. Que
voyons-nous en effet? Une femme multipare (elleâ* eu quatre enfants), ayanl
eu des accouchements très-faciles, dont deux ont été presque une ponte,
tant ils se sont faits rapidement, malgré le volume relatif des enfants,
plutôt au-dessus qu'au dessous de la moyenne (je tiens ces détails du
médecin qui a assisté aux accouchements), et maintenant encore ils ont
la tête très-forte. Or, pour remplir ces conditions, il faut un bassin large,
c'est ce que j'ai constaté ; j'ai trouvé en même temps un angle sacro-
vertébral très-saillant. La malade fait un métier assez fatigant, elle
est épicière, elle est toujours debout, elle porte souvent des fardeanx
assez lourds, car elle est très-courageuse, dans une maison où il y a des
différences de niveau très-considérables d'une salle à une autre ; toutes
causes que l'on a signalées comme pouvant occasionner la rétroversion
à forme lente. Aussi, depuis une dizaine de jours avant l'accident, elle
s'aperçoit que la nuit elle a de la difficulté à uriner, ne s'en inquiète
pas beaucoup, mettant cela sur le compte de la grossesse, mais elle
constate néanmoins que cette difficulté n'a lieu que la nuit, et que la
station debout ou la marche favorise la miction; deux ou trois fois ce fut
indispensable pour l'émission de l'urine. Jusque-là nous avons la rétrover-
sion incomplète et lente ; mais un jour elle travaille beaucoup plus que d'ha-
bitude à un travail auquel elle n'est pas habituée (c'est ordinairement le
travail de son mari), elle a porté l'après-midi une assez grande quantité de
812 SCIENCES MÉDICALES
fagots ; la nuit même elle sent pour la première fois l'impossibilité complète
d'uriner, aussi bien debout ou après avoir marché que couchée ; elle est prise
en même temps de douleurs dans les reins, de besoins d'expulsion qu'elle
n'a jamais éprouvés jusqu'à ce jour, ce qui lui fait croire à une fausse
couche; c'est-à-dire qu'elle est arrivée au dernier terme de la rétrover-
sion complète d'une façon brusque. Notons ici qu'elle m'affirme à plu-
sieurs reprises, et sans se douter de l'importance de ma question, qu'elle
a uriné la veille.
Pouvons-nous dire avec Dubois, Depaul et Sahnon que la rétention
d'urine est la cause de la rétroversion? Or, l'urine n'est jamais restée ni
assez longtemps ni en assez grande quantité dans la vessie ; il vaut
mieux, avec Jourdan, voir dans la rétention un déplacement tel que le
fond de l'utérus se trouve engagé entre le rectum et la paroi postérieure
du vagin ; alors la déviation de l'urèthre suit la même proportion et ce
canal, entraîné par le déplacement correspondant du col de la matrice et
du museau de tanche, finit par remonter au-dessus de l'arcade pubienne,
où il comprime et l'urèthre et au-dessus le col de la vessie lui-même.
C'est ce que la sonde m'a indiqué en me donnant la sensation d'une
résistance lorsque l'algalie parcourait le canal de l'urèthre.
De plus, lorsque l'utérus a été remis à sa place, la malade a été, il
est vrai, toute la nuit sans uriner; mais lorsque, le lendemain, je me
préparais à la sonder, elle a uriné seule, et l'a toujours fait depuis et
sans aucune difficulté.
Je peux donc dire que, dans le cas présent, la rétroversion a été la
cause et que la rétention d'urine n'a été que l'effet.
Il est un symptôme que je tiens à signaler, je veux parler de l'œdème
des parois de l'utérus. Lorque je saisissais l'utérus pour le réduire, je
sentais parfaitement mes doigts pénétrer dans le tissu utérin ; puis, au
bout d'un instant, une demi-minute environ, je sentais encore l'impres-
sion qu'y avaient laissée mes doigts. Je suppose que les tissus utérins,
étant comprimés contre le sacrum, rendaient sinon impossible, du moins
très-difficile le retour du sang dans les veines utéro-ovariques, surtout
si, dans la grossesse, comme dit Jacqueinier, la circulation veineuse se
fait avec beaucoup de lenteur. On peut aussi regarder comme cause
la position de l'utérus dont le fond est plus bas que le col. Cet œdème
doit certainement, s'il est prolongé, amener la mort du fœtus et, par
suite, l'avortement dans la rétroversion.
Je n'ai trouvé ce symptôme décrit nulle part. Barnes l'a peut-être
deviné, si par engorgement utérin, il a entendu dire œdème, lors d'une
discussion à la Société obstétricale de Londres, en 1870, sur une série
de cas de rétroflexion de l'utérus ayant causé l'avortement.
Comme traitement, il était inutile de songer à se contenter du catbé-
Dr MASSART. — RÉTROVERSION UTÉRINE 813
térisme, je crois l'avoir démontré plus haut; il fallait l'employer comme
moyen d'évacuation, et parce qu'il doit être pratiqué chaque t'ois qu'il
y a quelque opération à faire sur l'utérus, mais non comme moyen
thérapeutique. 11 a fallu essayer <l*uii moyen manuel, après avoir em-
ployé les divers procédés dans les diverses portions sans aucun résultat;
j'ai réussi avec le procédé que j'appellerai par aspiration, connue adju-
vant du procédé manuel. Voyons la part <|iii revient à chacun.
Le procédé manuel seul n'a pas réussi, l'aspiration seule aurait-elle
eu pins de succès? Je ne le crois pas. Le fond de l'utérus était en
quelque sorte enclavé sous le promontoire; pour l'en dégager, il a fallu
le diriger avec la main ; l'aspiration a été très-utile en soustrayant
l'utérus à la pression des viscères, augmentée des efforts d'expulsion que
la douleur faisait faire à la malade; je n'avais pas pu obtenir le même
résultat, même en plaçant la malade sur les genoux et sur les coudes.
Pour que ce procède puisse être utilement employé, il faut que l'ouver-
ture du vase soit assez grande pour couvrir presque toute la surface du
ventre et que le ventre soit assez développé pour que le vase y adhère.
Le procédé est applicable toujours, partout, et sera toujours accepté
par les malades.
Si donc je résume ce travail, j'en tire les conclusions suivantes:
]° La rétroversion a débuté lentement;
2° Elle s'est complétée d'une façon brusque;
3° Elle n'a pas été causée par la rétention d'urine, qui n'est que
l'effet ;
4° La rétroversion peut amener l'œdème des parois utérines et toutes
les conséquences qui en découlent ;
5° L'aspiration de la paroi abdominale est un moyen qui facilite beau-
coup la réduction manuelle.
Et en terminant, je me demande si dans un cas de hernie étranglée,
on ne pourrait pas l'essayer.
M. le Dr MOÏÏRGÏÏES
de Lasalle (Gard).
LE DOGME DE L'AUTOPHAGISME. ANALYSE ORGANOPATHIQUE AU POINT DE VUE
DU DIAGNOSTIC ET DU TRAITEMENT DES MALADIES.
Séance du 24 août l'8T7.
814 SCIENCES MÉDICALES
M. le F MLLY
SUR L'ETAT ET LE DELIRE MALICIEUX.
(EXTRAIT du procès-verbal.)
Si a h ce du 2 S aoii t 18'
On observe chez un certain nombre de personnes, surtout chez les jeunes
gens, des symptômes bizarres tels que œsophagismes, chorécs, sanglots et
larmes sans motifs, insomnies, etc., «pie Ton a continué de rattacher à une
même et insaisissable cause, l'hystérie, et qu'il serait bon cependant d'en
séparer, car presque tous ces cas sont essentiellement différents de l'hystérie
convulsive proprement dite.
Ainsi une jeune fille fait la morte pendant trois jours, et après elle prétend
sortir d'un long rêve. Pressée de questions par son médecin, elle avoue qu'elle
a joué la comédie.
Un monsieur consulte beaucoupde médecins, prétendantqu'il ne dort pas, sachant
cependant que ses nuits sont bonnes, et par son domestique on apprend que
ce monsieur n'a jamais été privé de sommeil.
De même, les faits de chromhydrose oculaire, qui ont tant préoccupé l'Aca-
démie de médecine et qu'un certain nombre de médecins rattachaient à
l'hystérie, ne sont pas, à proprement dire, de l'hystérie, pas plus que les faits de
simulation de coxalgies, de rétention d'urine, etc., que chacun a pu obser-
ver. Ces faits ne sont pas de l'aliénation mentale, on peut les grouper sous
le nom d'état et de délire malicieux.
Cet état est d'origine cérébrale, il atteint surtout les individus à intelligence
précoce et on observe parfois qu'il est héréditaire.
Le traitement doit être moral. Les bizarreries, les simulations se déve-
loppent, s'exagèrent, si l'on n'y prend garde. Les réprimandes, les menaces ne
font que les exaspérer.
DISCUSSION
M. Lecadre oncle a vu deux faits analogues. Un enfant de neuf ans perdait
connaissance, montait dans ses rideaux, marchait comme un chien. A un mo-
ment donné, il était pris d'une grosse toux, devenait myope et ne voyait à
distance qu'avec des verres concaves 5. Quelques heures après, sa toux caver-
neuse reparaissait et la myopie disparaissait. Les médecins qui soignèrent cet
enfant étaient presque convaincus de la vérité de cette maladie. A l'âge
de 25 ans, le jeune homme avoua à M. Lecadre qu'il simulait tous ces symp-
tômes.
Une demoiselle simulait ne pas manger. Elle était servie par une parente
qui lui donnaità manger en cachette. Elle restait de plus quatre ou cinq jours sans
Dr H. DE L'AULNOIT. — AMPUTATIONS SUS ET SOUS-PÉRIOSTÉES 813
uriner. Des crises de nerfs terribles se manifestaient quand on tentait de la
sonder. Après quatre jours en moyenne, elle annonçait qu'elle était guérie et
urinait seule.
M. Brière dit que les personnes douées d'une grande puissance d'accom-
modation et surtout les jeunes gens peuvent voir à distance avec des verres
concaves forts. C'est ce qui explique comment l'entant dont il a été question
pouvait supporter les verres concaves .">.
M. Fieuzal confirme cette remarque et rappelle qu'on observe souvent devant
les conseils de révision des jeuns -eus qui, grâce à une force d'accommoda-
tion très-développée, arrivent à surmonter des verres torts et lisent avec des
verres 4 et 5.
M. le D' ÏÏOÏÏZÉ DE L'AULNOIT
Professeur de clinique chirurgicale à la Faculté de médecine de Lille.
NOUVELLES ÉTUDES CLINIQUES SUR LES AMPUTATIONS SUS ET SOUS-PÉRIOSTÉES
ET SUR L'HÉMOSTASE NATURELLE ET DÉFINITIVE A LA PÉRIODE ANÉMIQUE,
A L'AIDE DE L'ÉLÉVATION DU MEMBRE ET DE LA PRESSION
DU BANDAGE;
GRANDES ET PETITES AMPUTATIONS SOUS-PÉRIOSTÉES CHEZ LES ADULTES.
Séance du 25 août 1x71. —
Mes premières communications en 1871, 1872 et 1873 sur les ampu-
tations sous-périostées à la Société des sciences de Lille, à l'Académie de
médecine et à la Société de chirurgie avaient pour but d'insister sur
les avantages d'un procédé opératoire qui, jusqu'en 1868, n'avait été es-
sayé que par un très-petit nombre de chirurgiens, et qui, depuis cette
époque jusqu'à mes premières études, remontant au mois de novembre
1871, était tombé dans un oubli absolu. Des recherches m'ont prouvé
que pendant cette période de trois années aucune amputation sous-
périostée n'avait été tentée en France et à l' étranger. J'eus donc à lut-
ter, quand je voulus réhabiliter cette méthode, contre une certaine pré-
vention que je ne crois pas avoir entièrement dissipée, en France tout
au moins. En justifiant par des moulages comparatifs mes premiers
succès sur des enfants, j'insistais sur la nécessité de recourir, dans le
traitement de toutes les amputations, et surtout des amputations sous-
périostées , à l'immobilisation complète des articulations par des gout-
tières avec boucles cousues sur leurs bords. .
En 1874, au Congrès de Lille, il m'était possible de montrer une sé-
rie de moulages pris sur quatre jeunes amputés de cuisse et sur deux
jeunes amputés de bras. On ne put rien leur reprocher sous le rapport
816 SCIENCES MÉDICALES
de la forme, et la statistique plaidait également en leur faveur, puis-
qu'elle ne pouvait enregistrer sur les enfants opérés aucun cas de mort.
M. Ollier et quelques autres chirurgiens, tout en reconnaissant le beau
résultat obtenu par cette série sur le jeune âge, regrettèrent que je ne
pusse fournir des preuves aussi manifestes sur des adultes. Je pris note
du désir exprimé. Mais, avant de donner satisfaction à mes honorés con-
frères sur ce point, je dus songer à remédier aux inconvénients de l'is-
chémie, telle qu'on la pratiquait en Allemagne et en France avec le tube
d'Esmark.
C'est ce qui lit l'objet de ma communication au Congrès de Nan-
tes en 1875, où j'exposai les principes de la réglementation des bandes
en caoutchouc basée sur la tension.
Depuis 1875 jusqu'à ce jour, je me suis occupé . d'expérimenter la
valeur des grandes et petites amputations sus et sous-périostées sur les
adultes, et l'importance de l'élévation du membre comme moyen hémos-
tatique.
Fig. xs. — Avant-bras droit.
(43 ans.)
Fig. s1.). — Bras gauche.
(19 ans.)
Je suis heureux de pouvoir affirmer (pie, chez les adultes, les avantages
de la périostéotomie ne sont pas moindres que chez les entants. Pour en
Dr il. DE l'aDLNOIT. — AMPUTATIONS SUS il SOUS-PÉRIOSTÉES 817
avoir la preuve, il suffit d'examiner ces deux moignons, représentation
liilrle:
1° D'une amputation d'avant-bras sur une femme de 43 ans, qui
lut sous-périostée pour le cubitus, mais sus-périostée pour le radius
(fig. 88);
2° D'une amputation de bras sur une femme de 19 ans, que je dus
amputer pour un écrasement du coude par un engrenage (fig. 89).
Ce dernier fait est très-concluant, puisque l'amputation a eu lieu sur
une adulte et pour une cause traumatique. Ces deux moignons sont
remarquables :
1° Par l'épaisseur des lambeaux comprenant la totalité des couches
normalement superposées à ladiaphyse depuisle périoste jusqu'à la peau;
2° Par le rejet de la ligne cicatricielle à trois ou quatre centimètres
au -dessus du plan de section de l'os ;
3° Par la faible adhérence au tissu osseux; excellentes conditions
pour prévenir la formation des ostéophytes, des ulcères et l'apparition
dans l'avenir de la conicité.
De là la nécessité, comme je l'ai recommandé en 1872 et en 1873, dans
toutes mes observations, de rejeter la cicatrice le plus en arrière possible
pour mieux coiffer l'extrémité osseuse.
Fig. 90. - Bras droit ■ FiS- »'■ ~ Jambe droite
(2 ans). (* ans V2).
Les planches photographiques présentées au Congrès rappellent égale-
ment d'une manière très-exacte deux désarticulations de l'index par un
seul lambeau latéral externe sous-périosté sur une femme de 19 ans
lig. 92, et sur une de 37 ans, fig. 93, et la désarticulation simul-
tanée des doigts auriculaire et annulaire sur une femme de lo ans,
fig. 95, avec formation, sur la face interne du petit doigt, d'un seul lam-
beau périoste pour recouvrir les deux métacarpiens. Par ce même procédé
d'un seul lambeau latéral, j'ai deux fois désarticulé le médius., Dans deux
52
818
SCIENCES MÉDICALES
autres petites amputations de la première phalange de l'index et du mé-
dius, les lambeaux sous-périostés ont été pris à la partie antérieure.
Le caractère distinctif des amputations sous-périostées des doigts est
de fournir des lambeaux très-épais, insensibles et capables de supporter
des pressions énergiques, les lignes cicatricielles se trouvant placées au
niveau des commissures dans tous les cas de désarticulation métacarpo-
phalangienne.
Fig. 92. — Main droite
(19 ans).
Fig. 93. — Main gauche
:;7 ans).
Le chiffre de mes amputations sous-périostées s'élève à 28, dont 11
sur les enfants, savoir :
Amputations de cuisse 7
Id. de bras 2
Id. de jambe 2 ■
Les 17 sur des adultes comprennent:
Amputations de cuisse 2
Id. de bras 2
Id. d'avant-bras 2
Id. de doigts Il
Sur ces 28 cas, pour des causes étrangères aux amputations, il y a eu
4 décès, dont 2 amputations de cuisse sur les adultes, une amputation
de cuisse et une de jambe sur des enfants. D'où, en somme, 24 guéri-
Dr il. DE L'AULNOIT. — AMPUTATIONS SUS ET SOUS-PÉRIOSTÉES <SI9
risons. D'autres ont ('-té laites depuis peu, avec succès, par MM. Sée et
Cuignet.
Ma communication de ce jour a un autre intérêt que de prouver que
les amputations sus et sous-përiostées des adultes, pratiquées avec le
concours de l'immobilisation articulaire et d'une très-faible pression
ischéraique avec une bande réglementée, offrent des avanUi^vs sérieux
u point de vue des accidents consécutifs et du bon fonctionnement des
Fig. 94. — Main droite
(2B uns .
Fig. 9j. — Main droite
(15 ans).
amputés. Elle est à même de confirmer la valeur de l'élévation des
membres pour arrêter de graves hémorrhagies. Au mois de décembre
1876, j'avançai ce fait à la Société de chirurgie, ne l'appuyant que sur
trois amputations de doigts pratiquées sur une malade âgée de !2o ans,
fig. 94, et sur une amputation de jambe au tiers supérieur sur un enfant
de quatre ans, fig. 91. Je promettais d'expérimenter sur une amputation
d'adulte. C'est ce que je fis sur l'amputée de l'avant-bras, âgée de 43 ans, et
dont le moignon est présenté au Congrès, fig. 88. Sur cette opérée, les
artères ne furent ni liées, ni tordues, ni forci pressées. Sitôt l'amputation ter-
minée, le lambeau fut rabattu au-devant des os; le pansement avec sutures,
bandelettes, ouate, bandes, était complètement terminé quand j'enlevai
le lien constricteur appliqué sur le bras. Le membre à ce moment se trou-
vait complètement élevé; l'impulsion sanguine colora la peau d'abord
d'une teinte scarlatineuse pendant trente secondes, puis d'une teinte ru-
béolique pendant deux minutes, pour reprendre ensuite sa coloration
naturelle. Pas une goutte de sang ne vint ensanglanter les pièces du pan-
820 SCIEN'CES MÉDICALES
sèment. L'aide placé près de la malade pendant vingt-quatre heures ne
fut aucunement obligé d'intervenir.
La solution du problème de l'hémostase naturelle et définitive venait
donc d'être résolue sur un adulte et pour une grande amputation à la
période anémique, avec l'aide seulement de l'élévation verticale du mem-
bre et de la pression du bandage.
Ce puissant moyen hémostatique, qui, je pense, n'a jamais été men-
tionné, pourra rendre de signalés services, non moins pour les hémorrhagies
des champs de bataille, entre les mains des infirmiers, en l'absence d'un
chirurgien, que pour les hémorrhagies qui accompagnent ou suivent les
grandes et les petites opérations.
M. le Dr TEISSIER
Professeur à la Faculté de médecine de Lyon.
SUR L'ALBUMINURIE D'ORIGINE NERVEUSE.
( EXTRAIT HU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 23 août -Z877. —
M. TEissiER,de Lyon, fait une communication sur l'albuminurie, dont l'ori-
gine nerveuse est moins rare qu'on ne le suppose,
Les auteurs rattachent l'albuminurie à une lésion des reins ou à une alté-
ration du sang. 11 existe un troisième facteur généralement oublié, c'est
l'influence du système nerveux central ou du grand sympathique sur
l'albuminurie.
Monneret avait accepté cette influence et M. Gubler a décrit un cas
d'albuminurie, suite d'une lésion de l'isthme encéphalique. Cependant l'in-
tervention du système nerveux comme cause d'albuminurie est encore
contestée.
L'observation attentive de plusieurs faits autorise M. Teissier à penser que
les manifestations nerveuses peuvent se présenter longtemps avant l'albumi-
nurie et qu'elles sont la cause et non le résultat de cette albuminurie.
lre observation : Un confrère de M. Teissier fut pris subitement, en mars
1876, de vertige sans perte de connaissance. 11 resta faible pendant plusieurs
semaines, après lesquelles il fut en proie à de nouveaux vertiges. Cet état
dura six mois. En septembre, il souffrait d'insomnie, de palpitations, de gêne
respiratoire. L'examen des urines amena la découverte d'une notable propor-
tion d'albumine. L'examen du malade fit constater un peu de frottement
(l) Voir le mémoire in extenso, dans la Gazette hebdomadaire, octobre 1S77.
!>r TBISSIER. — SUR L 'ALBUMINURIE 1>'<>i;|i,i\I NERVBUS1 821
péricardique et une légère pleurésie à gauche. Il fut emporté, quelques
semaines après, par une apoplexie foudroyante. «•
2e observation : Un malade de quarante ans fui examiné par M. Daniel
Molière pour une diminution de la vue. L'ophthalmoscope permit de constater
une bypérémie simple des vaisseaux profonds de l'œil. On craignit une Lésion
encéphalique. Les résultats de l'examen des mines furent négatifs : ni sucre,
ni albumine. Quelque temps après, «m y découvrit une très-faible proportion
de sucre. La parole du malade s'embarrassa de plus en plus. Les symptf s
cérébraux allèrent en s'aggravant ; un an après, il l'ut frappé d'une attaque
d'hémiplégie. Après cette attaque, les urine> contenaient une notable pro-
portion d'albumine. Quelques mois après, cette albumine disparaissait, et le
malade succombait ;i une attaque d'apoplexie.
3e observation : Un teinturier, âgé de cinquante-cinq ans, d'assez bonne
constitution, était sujet, depuis dix ans, à des phénomènes de dyspepsie, puis
survint de la polyurie : on constata un peu de sucre dans l'urine, pendant
huit ans, il alla à Vichy pour son léger diabète sucré. L'année dernière, ce
malade fit une chute sur la glace et se fit à la tête une plaie qui eut de la
peine à se cicatriser. On examina alors les urines. Le sucre avait disparu.
Quelque temps après, le malade fut frappé d'hémiplégie. Pendant les semaines
qui suivirent, on observa une notable proportion d'albumine dans l'urine.
Depuis mars 1$7G, le malade eut six attaques d'hémiplégie; l'albuminurie
continuait. 11 est à noter que c'est depuis l'hémiplégie que l'albumine est
apparue.
4e observation : Un malade consulta M. de Wecker, en 1874, pour un
trouble de la vue. M. de Wecker constata du sucre dans l'urine. M. Bou-
chardat, consulté également, trouva aussi du sucre dans l'urine. A la fin de
1875, attaque d'hémiplégie : peu après, analyse des urines, absence de sucre.
M. Teissier eut, à cette époque, l'occasion de voir ce malade à Lyon. Il
ne trouva pas de sucre dans les urines, mais une notable proportion
d' Ibumine.
5e observation : En 1874, un homme de trente-deux à trente-quatre ans
était atteint d'un eczéma pour lequel il alla à Uriage. L'eczéma disparut et
fit place à une faiblesse générale. En outre, faiblesse et agénésie. Pas d'albu-
mine ni de sucre, mais une grande quantité, 8 à 9 grammes, de phosphate
ferreux. Survint ensuite un trouble de la vue, une névro-rétinite fut constatée
par MM. Desgranges et Desmarres. Enfin, les phosphates descendirent à 3
grammes et furent remplacés par 4 grammes d'albumine. Ici les phénomènes
nerveux ont existé pendant deux ans avant l'albuminurie. Un collègue, con-
sulté, pensa à une néphrite interstitielle. L'albuminurie diminua graduellement,
néanmoins les phénomènes nerveux continuèrent. Des phénomènes encépha-
liques apoplectiformes tuèrent bientôt le malade.
Ainsi, voilà cinq observations dont trois offrent une apoplexie ou une
hémiplégie. Avant ces attaques, les urines n'offraient pas d'albumine; elles en
contenaient, au contraire, beaucoup après.
M. Teissier s'appuie sur ces faits pour démontrer que l'albuminurie d'ori-
gine nerveuse est plus commune qu'on ne le dit généralement. Cette idée
SCIENCES MÉDICALES
confirme les expériences de Claude Bernard faisant apparaître du sucre ou
de l'albumine dans l'urine en piquant des points différents du quatrième
ventricule.
Au point de vue thérapeutiqne, il y a à tirer quelques bénéfices de la
démonstration de l'origine nerveuse de l'albuminurie.
Les phénomènes apoplectiques pourraient être le résultat d'une exagération
dans le traitement alcalin. La meilleure médication est celle qui est capable
de relever les forces du malade : le quinquina, les eaux très-modérément
alcalines, la valériane, les gouttes amères de Baume, les gouttes arsenicales.
DISCUSSION
M. Lecadre rappelle une observation qu'il a fournie à Marchai (de Calvi)
sur l'alternance entre le diabète et l'albuminurie.
M. Reclus rappelle, à propos de l'expérience de Claude Bernard, une
observation publiée par M. Liouville en 187i. Un individu atteint d'une frac-
ture au crâne fut porté par erreur dans le service de M. Behier. Il succomba
quelques heures après son admission. L'urine contenait beaucoup d'albumine.
L'autopsie prouva que les reins étaient sains; mais, dans le quatrième ven -
trïcule, on trouva une suffusion sanguine au point indiqué par Claude
Bernard dans ses expériences sur les animaux.
M. Courty a observé de l'albuminurie chez deux malades. Le premier avait
fait une chute et souffrait d'une douleur persistante à la partie postérieure de
la tête ; le second éprouvait également de vives douleurs à la même partie de
la tête et cela à la suite de chagrins prolongés.
M. Hoizé de l'Aulnoit se joint à M. Tei.-sier au point de vue du traite-
ment et insiste sur l'emploi du 1er et sur l'abstention ou l'emploi très-modéré
des alcalins.
M. Potain a observé chez deux malades ces alternances d'albuminurie et de
glycosurie, et ce qui l'embarrassait, c'est que c'était sous l'influence du
traitement exagéré dans un sens ou dans l'autre que se produisait l'alter-
nance.
Il se rappelle notamment le fait d'un économe des hôpitaux qui fut atteint
d'amaurose et qu'il observa avec M. Lassègue. Au fond des yeux existait une
lésion fort semblable à celle de la rétinite albuminurique et cependant il n'y
avait pas d'albumine dans l'urine. Quelque temps après, le malade était devenu
albuminurique. Des accidents cérébraux l'emportèrent bientôt.
n LECADRE. — PROPAGATION DE LA FIÈVRE PALUDÉENNE 823
M. le Dr LECADRE
NOUVEAU MODE DE PROPAGATION DE LA FIEVRE PALUDÉENNE.
- Séa a ce d u ■?■'<' <">ù t /s'77.
En 187S et en 1876, la petite ville de Lillebonne fut le loyer de la
fièvre intermittente. Comme on sait, Lillebonne est au fond d'une vallée
et séparée de la Seine par des prés-marais, d'une largeur de cinq kilo-
mètres. Quoi d'étonnant que cette petite ville fût comme les parties
basses de Sandouville, de Saint-Vigor et d'Harfleur le siège de la fièvre
intermittente! Mais déjà, en 1875, on s'était étonné que la fièvre eût
gagné les plateaux élevés qui l'entourent. On avait pensé que les habi-
tants des plateaux qui l'avaient contractée avaient travaillé dans le marais
à la récolte des t'oins, y avaient séjourné durant plusieurs jours ; quel-
ques-uns d'entre eux avaient été pris de la lièvre sur le lieu même,
d autres en avaient contracté le germe et, rendus à leur domicile, situé
sur les plateaux, la lièvre s'était déclarée. Mais, en 1876, un assez grand
nombre de cultivateurs, demeurant sur le plateau, qui n'étaient point
descendus dans la plaine, furent atteints de la lièvre. Il y avait donc une
autre cause. Or, après bien des explorations, voilà ce qui fut avéré.
Depuis quelque temps, les foins de la plaine, à peine coupés, étaient
recueillis par les fermiers des environs, qui les transportaient dans leurs
fermes, dont plusieurs sont situées sur les plateaux. Ces foins avaient,
été souvent mouillés par la pluie; d'autres, coupés sur le littoral de la
Seine, avaient été humidifiés par l'eau de la Seine encore saumàtre en
ce lieu. A peine ces foins étaient-ils arrivés dans la ferme, qu'alin de
les faire sécher, on les éparpillait sur le sol, et, pour cette opération,
on préférait les jours où le soleil était le plus ardent, afin que la dessic-
cation fût plus prompte et plus complète. On observa alors que des
individus, soit hommes, soit femmes, soit enfants, qui avaient travaillé à
l'éparpillement de ces foins, un bon nombre étaient pris de la fièvre,
quoiqu'ils fussent restés constamment à l'abri des miasmes qui s'élèvent
du sol du marais.
Autre fait : Le nommé F..., âgé de soixante ans, demeurant rue
d'Etretat, au Havre, avait acheté du foin à Tancarville et l'avait rap-
porté chez lui. Ce foin était loin d'être parfaitement sec. A peine ce foin
fut-il déposé dans le grenier que F... fut atteint d'une fièvre paludéenne,
qu'on eut beaucoup de peine à faire disparaître.
824 SCIENCES MÉDICALES
Le Dr Pigné, de Lillebonne, dont nous déplorons la perte récente, et
le Dr Fidel, de Saint-Romain, ont constaté l'un et l'autre, chacun dans
la commune de son ressort et sur les parties les plus élevées de cette
commune, des fièvres intermittentes, résultats de la dissémination sur
le sol de foin mouillé, recueilli dans le marais. Tous les deux ont pu
faire à cette égard des observations nombreuses.
Ces fièvres affectaient des types divers. En 1875, elles étaient le plus
souvent tierces. En 1876, elles étaient, de préférence, quotidiennes . ou
quartes. Elles cédaient à l'action de la quinine. Mais elles étaient sujettes
à récidives et présentaient, au reste, dans leurs stades tous les carac-
tères de la fièvre dite des marais.
A n'en pouvoir douter, c'étaient donc les foins mouillés (et on remar-
qua que ceux qui l'avaient été par l'eau de la Seine étaient aptes davan-
tage à déterminer la fièvre) qui l'avaient apportée. En les expo-
sant à la dessiccation, on avait mis à nu des spores en grande quantité
qui, absorbées par les organes soit delà respiration, soit de la déglutition,
ou par les tissus, avaient été l'occasion du développement de la fièvre
intermittente.
Ce qui eut lieu cette année (1877) prouve qu'il faut que le foin ait
contracté une humidité assez grande pour que le développement des
sporules soit favorisé et pour que ce foin provoque, même loin du lieu
où il est recueilli, les accidents de l'impaludisme. Cette année, lors de
l'époque de la fenaison, le temps était sec; le foin récolté n'avait été
ni mouillé par la pluie, ni imbibé de l'eau de la Seine, qui, le temps
étant calme, n'était pas sortie de son lit. Transporté sur les plateaux
dans l'état de siccité qu'on pouvait désirer, il ne donna lieu à aucun
•développement de la fièvre intermittente. Mais, de ce foin une partie
était restée sur le marais et n'avait pu être enlevée. Des pluies abon-
dantes survinrent à la fin de juin, ce foin disposé en mulon fut forte-
ment mouillé. Il fallait le sécher, l'étendre sur une terre passablement
détrempée. On choisit, pour se livrer à cette opération, les jours de
juillet où le soleil était ardent. De ce moment, se déclarèrent quelques
fièvres paludéennes qui, jusque-là, avaient été très-rares même dans le
marais.
Ces faits, tout nouveaux, donnèrent lieu à une sorte d'étonnement.
Mais, en cherchant ce qui a été dit au sujet de la propagation de la
fièvre intermittente, on se rappela que notre illustre chimiste, M.Dumas,
et d'autres observateurs avec lui, avaient pensé que les fièvres marem-
matiques sont engendrées par les spores de certains champignons ainsi
que par les mucédinées que l'air chargé de vapeur d'eau tient en sus-
pension; ces spores introduites par les voies respiratoires dans le torrent
circulatoire et charriées avec le sang, viennent influencer tel ou tel organe
Dr LECADRE. — PROPAGATION DE LA FIÈVRE PALUDÉENNE 825
à l'exclusion des autres, sans qu'on puisse saisir la cause de celte prédi-
lection. Si le sulfate de quinine, avaient dit d'autres expérimentateurs,
est souverain dans la cure de la Qèvre des marais, c'est qu'il neutra-
lise le miasme paludéen, en tuant les proto-organismes qui circulent
avec le sang.
Le souvenir nous revint aussi d'avoir lu, dans la Hci-uc des cours
scientifiques, page 769, sixième année, qu'un médecin de l'Ohio, Salis-
bury, avait observé qu'en 1862, dans les districts marécageux de l'Ohio
et du Mississipi, où, à une sécheresse très-grande succéda une
grande humidité, survint une grande épidémie de fièvre intermittente, et
que chez les nombreux individus qui en furent atteints, I»1 microscope
révéla dans la sécrétion salivaire et dans le mucus de l'expectoration
la présence de certains corpuscules. Ceux qui ne manquaient jamais
étaient de petites cellules oblongues, isolées ou agglomérées, offrant un
nucleus distinct, entouré d'une envelope cellulaire lisse et présentant
un point sensiblement plus clair, ressemblant à un espace vide, situé
entre la paroi cellulaire et le noyau. C'étaient des cellules d'un genre
d'algues ressemblant fortement aux palmellœ. Le Dr. Salisbury recueillit
de ces cellules au moyen de lames de verre placées à environ un pied
et demi de la surface des marais stagnants. Partout où il observa la
fièvre, il découvrit de ces sortes de palmellœ en plus ou moins grande
quantité. Où le sol n'est pas calcaire, ces plantes à lièvres, comme il
les appelle, sont généralement blanches. La lièvre, moins violente, est
plus facilement enrayée et promptement guérie. Mais dans les terrains
fortement calcaires où les palmellœ offrent des colorations différentes,
variant de la couleur d'un rouge brique au vert et au jaune, les fiè-
vres sont d'une violence extraordinaire et résistent bien plus fortement
à l'action des remèdes : « Aussi loin que j'aie poussé mes recherches,
» dit-il, et elles ont été très-étendues, je n'ai jamais observé un cas de
» lièvre intermittente dans un endroit où je ne pusse trouver ces peti-
» les plantes. Réciproquement je n'ai jamais constaté la présence de ces
» plantes dans un lieu habité sans que les fièvres rémittentes ou inter-
» mittentes et quelquefois les deux types ne se soient développées, et
» cela en proportion de la vigueur et de l'étendue de cette végétation. »
Ce n'était point assez pour le Dr. Salisbury d'avoir trouvé que, dans les
pays marécageux, la lièvre est déterminée par une sorte de cryptogame
(palmella), il fallait démontrer par des expériences qu'en transportant
de la terre prise à la surface d'une prairie marécageuse et extrêmement
malsaine, terre qui était entièrement recouverte de palmellœ, dans des
contrées complètement indemnes de la fièvre et en exposant des indi-
vidus à les aspirer, la lièvre intermittente se déclarait chez ceux qui
n'en avaient jamais éprouvé les atteintes. Ce fut le résultat qu'il obtint
826 SCIENCES MÉDICALES
sur plusieurs personnes et qu'il eût probablement obtenu toujours, s'il
lui avait été donné de prolonger ses expériences.
« La cause excitante de la fièvre, ajoutait-il, respirée, introduite dans
»• l'organisme par les aliments et les boissons, absorbée par la peau et
» les surfaces muqueuses, arrive en contact immédiat avec les cellules
» épithéliales répandues à la fois à la surface interne et à la surface
o externe du corps, en résumé partout où il existe quelque voie d'in-
» troduction des corps étrangers dans l'économie. En passant dans l'in-
o térieur des cellules épithéliales, les corps toxiques les altèrent et
) empoisonnent les produits qu'elles désorganisent. De cette façon, les
» autres tissus comprenant les systèmes ganglionnaire et cérébro-spinal
» sont soumis ainsi à l'influence miasmatique. Comme les cellules
» épithéliales des glandes et particulièrement celles de la rate, du
» mésentère et du foie jouent le rôle le plus important dans l'organi-
■» sation des produits destinés à la nutrition des autres tissus, ces glandes
» sont les plus fortement atteintes et sont les premières à ressentir
» vivement les effets des palmellœ toxiques. Aussi est-ce dans ces vis-
»' cères que nous rencontrons si souvent de graves altérations.
Je laisse à d'autres le soin d'approfondir ces opinions pathologiques.
11 me suffit de dire qu'elles exigent d'autant plus d'attention qu'elles
proviennent d'un observateur judicieux et plein de sagacité.
Rien, au reste, sur la genèse de la fièvre intermittente par ces pal-
mellœ toxiques, de préférence à la lièvre continue.
La lièvre intermittente qui s'est développée à Lillebonne et dans ses
environs, sur les plateaux, sous l'influence de foins mouillés, recueillis
dans la vallée, transportés au loin et éparpillés sur le sol, alin d'en
opérer la dessiccation, a-t-elle été due à la présence de palmellœ prove-
nant des terrains marécageux qui avoisinent la Seine, comme celle
observée dans l'Ohiopar le Dr. Salisbury ?
Les circonstances ne sont pas ici tout à fait les mêmes. Les terres
sur lesquelles a expérimenté le médecin américain avaient été remuées, et
ce n'est qu'après les avoir ainsi remuées qu'elles ontété transportées au loin
dans des contrées indemnes de la lièvre et qu'elles ont déterminé cette
affection. A Lillebonne, ce ne sont point des terres remuées qui ont été
transportées, c'est du foin récolté sur un terrain marécageux, mais sur
lequel n'avait point agi nouvellement la pelle. Dans l'opinion du savant
d'outre-mer, les plantes à lièvres (palmellœ) appartenaient généralement
à des terrains calcaires; la nature du terrain qui avoisine Lillebonne
peut bien contenir de la chaux, mais cette substance n'y prédomine
pas. Il faut donc admettre que le foin est susceptible de receler, lors-
qu'il est mouillé , des spores de certaines algues , palmellœ ou autres,
(jui, exposées au grand air et aspirées par ceux qui le travaillent,
n' LBCADRI . — PROPAGATION DE l \ III MU PALUDÉEN NI X'2~
peuvenl déterminer la fièvre. Dernièrement, à la Société de médecine
pratique de Paris, le Dr. Laça/,- lisait an mémoire sur l'importation
des fièvres paludéennes aux des Maurice e( de la Réunion, pays aux-
quels jadis ces maladies étaient complètement inconnues. L'auteur du
mémoire croit qu'elles ont été importées dans la colonie. Je me suis
demandé si, avec les bœufs, qui, tous les jours, de l'île Madagascar, où
règne constamment la lièvre paludéenne, arrivent par centaines à Mau-
rice et à la lléunion, «■! les substances végétales qu'on introduit avec
ces bestiaux, on n'avait pas importé la fièvre des marais. Les informa-
tions que j'ai recueillies à cet égard près des capitaines qui ont t'ait de
récents voyages dans ces parages ne sont encore ni assez précises ni
assez complètes. Quoi qu'il en soit, le miasme paludéen esl actuellement
implanté dans ces deux îles, et, comme ledit avec une grande raison le
Dr. Lacaze, • le miasme implanté dans un pays, comme souvent dans
o un être, ne s'en va plus. Il peut sommeiller, s'incuber, mais il est
- toujours là. »
Depuis plusieurs années, on a admis une sorte de lièvre qui se pro-
duit au moment de la fenaison, qu'on appelle lièvre de foin. Il est vrai
que cette dernière a été décrite comme continue. .Mais, dans certains
cas, ne pourrait-elle devenir intermittente? Dans une goutte d'infusion
de foin le savant Huxley découvrit des myriades de bactéries, qu'il
regarde comme des plantes, mais aussi d'autres corps, sortes de mo-
nades, sur la nature animale ou végétale desquels il ne se prononce
pas.
Si des foins récoltés mouillés contiennent une multitude de ces spo-
rules, animaux ou végétaux microscopiques, rien ne s'oppose à ce qu'on
puisse admettre qne ces produits respires ou même introduits dans les
tissus puissent déterminer la fièvre et que ces lièvres puissent se pré-
senter aussi bien dans les marais qui donnent naissance aux foins,
que dans des lieux peu disposés jusqu'ici à engendrer la fièvre, mais
sur le sol desquels on les étale et où les hommes chargés de les épar-
piller restent exposés à leurs coups. Resterait à déterminer la cause
de l'intermittence de ces fièvres. Les émanations telluriques que l'indi-
vidu aspire, ainsi que les alternatives de dessèchement et d'imprégna-
tion des surfaces marécageuses, en donnent-elles une explication plus
précise ?
Si donc il est bien prouvé que le foin, dans certaines conditions,
peut occasionner la fièvre, resteraient à indiquer les moyens de rendre
ce foin salubre et d'empêcher son action pernicieuse.
La cause de la fièvre était pour le docteur Salisbury la production
de plantes à fièvre dans des terrains bas et humides, remarquables par
les petits lacs, les étangs, tes petites rivières qui s'y trouvent; c'est par
828 SCIENCES MÉDICALES
le drainage et la culture qu'il en attaque la production, c'est en com-
blant les excavations qu'il essaie de l'empêcher de se développer. Pour
nous, un nouveau mode de propagation de la fièvre étant dans le
transport des foins mouillés d'un lieu à un autre, ce dernier fût-il un
plateau jusqu'ici indemne de la fièvre, il faut donc arriver à dessécher
les foins sur les lieux. Ne pourrait-on y parvenir en les exposant à
une douce chaleur, suffisante pour opérer la dessiccation, détruire les
principes toxiques qu'ils contiennent, en tuant les corpuscules qui,
respires, sont la cause de phénomènes anormaux et morbides ? ne
pourrait-on parvenir par le dégagement du chlore, par l'action des
acides phénique, salicylique ou benzoïque, ou de certains gaz à rendre
à ces foins toute leur salubrité et à les dépouiller du principe morbide
dont l'humidité à été la cause? En tous les cas, qu'on se souvienne
que le remède ne doit pas être pire que le mal, et qu'en cherchant à
anéantir certains produits malfaisants, il faut se garder de nuire à la
propriété nutritive du foin.
Celui-ci, quand il est mouillé, est préjudiciable à la santé des animaux
qui s'en nourrissent, parce qu'il recèle, disaient depuis longtemps les
cultivateurs, des sortes de champignons nuisibles. Le dessécher par des
moyens artificiels, ajoutent-ils, ne leur imprime aucune action nuisible.
Un cultivateur qu'on m'a cité voulut même aller plus loin. Il s'essaya
à détruire les germes toxiques que contenaient les foins mouillés qu'il
avait dans ses greniers, en se servant du permanganate de potasse.
Comment l'employa-t-il? put-il réussir? Ce sont là des notions que je
n'ai pu acquérir.
Le sulfate de quinine est, en quelque sorte, l'antidote de la lièvre
paludéenne. Est-ce, comme nous l'avons dit plus haut et comme le
veulent certains cliniciens, parce qu'il neutralise le miasme paludéen,
en en tuant les proto-organismes qui circulent avec le sang? S'il en est
ainsi, aujourd'hui que le sel de Le Pelletier est arrivé à un prix inabor-
dable pour la plupart des gens de peine que leur genre de travail expose
à contracter la fièvre, ne pourrait-on trouver dans les acides phénique
et salicylique et même dans le salicylate de soude dont est reconnue
l'action contraire au développement des bactéries et des infusoires, des
congénères bien moins coûteux au remède souverain de la fièvre — le
sulfate de quinine? Ce sont des expériences tentées déjà, mais qui, point
assez nombreuses, ont besoin d'être renouvelées, afin d'être fixé à leur
égard.
DISCUSSION.
M. Seguin ne croit pas que M. Salisbury ait continué ses travaux sur la
pathogénie des fièvres intermittentes et peut-être ne faut-il pas accorder à ses
recherches une confiance absolue. M. Seguin donne quelques détails sur le
Dr LEUDET. — LA TUBERCULOSE PI I MONAIRE CHEZ LES HYSTÉRIQUES 829
mode d'apparition de la fièvre dans certains districts américains: un colon
s'établit et défriche une vingtaine d'arcs de terre, la fièvre ne se développe pas.
Mais que d'autres coloris se joignent au premier; que le défrichement fasse de
plus grands progrès, la fièvre apparaîtra » t telle souvent qu'elle décimera le
village naissant. L'influence des terrains d'alluvions récentes est aussi indis-
cutable New-York n'avait pas de fièvres intermittentes, mais depuis la con-
quête de nouveaux boulevards aux dépens du lit du fleuve, la fièvre s'est
déclaré t sa gravité est fort grande maintenant.
M. Gibert demande à M. Leudet si, dans les prairies qui bordent la Seine
aux environs de Rouen, des cas semblables à ceux de M. Lecadre auraient
été obsen
M. Leudet répond que sur les anciennes prairies rien de pareil ne se voit,
mais sur les prairies nouvelles et créées sur des alluvions de conquête récente
la lièvre intermittente n'est pas rare. Mais il n'a pas remarqué qu'elle lut
plus fréquente chez les femmes que chez les autres individus. M. Leudet
ajoute que sur le plateau qui sépare la Seine du pays de Dieppe, on a à soigner
de nombreux cas de fièvres paludéennes. Mais là existent d>^ nappes souter-
raines qui imbibant le sol à tel point qu'à certains moments, vers le soir, on
peut apercevoir des brouillards épais qui rampent sur la terre et s'élèvenl à
mi-hauteur d'homme. Les habitants du pays attribuent à ces brouillards une
grande influence sur la production de la fièvre. M. Leudet termine en de-
mandant que le mot « lièvre de foin », prononcé par M. Lecadre, soit défini-
tivement écarté. Ce mot a un sens précis et répond à un tableau clinique qui
n'est point celui de la lièvre intermittente. C'est une sorte de fièvre catarrhale
qui n'a rien de commun avec l'empoisonnement paludéen.
M. Gibert termine cette discussion en faisant appel à de nouvelles recher-
ches. Le corps du délit doit être isolé ; qu'on lave le foin incriminé ; qu'on
l'examine au microscope et qu'on sache si oui ou non un organisme plus ou
moins semblable à celui que M. Salisbury a étudié existe ou n'existe pas.
M. le Dr E. LEUDET
Directeur de l'École de médecine de Rouen.
DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE CHEZ LES HYSTERIQUES.
— Séance du 23 août 1877. —
« La phthisie, dit Pidoux, marche très-lentement et a des rémis-
sions incalculables chez les personnes affectées de névroses. S'il est un
t'ait évident pour moi, c'est que ces sortes de sujets, chez lesquels la
phthisie n'est pas rare, lui opposent une résistance surprenante et indé-
tinie. » (Phthisie, p. 157, lre édition.)
830 SCIENCES MÉDICALES
Il ressort de cet exposé que pour Pidoux la tuberculose n'est pas
rare chez les hystériques, mais que chez les femmes atteintes de cette
névrose la tuberculose pulmonaire a une marche fort lente, en un mot
que cette névrose, comme il le dit lui-même, joue le rôle de modéra-
trice de la tuberculose pulmonaire. Cette opinion n'a pas toujours été
professée aussi nettement par nos prédécesseurs ; ainsi Monneret et
Fleury (Compendium de médecine, vol. V, p. 7(J. 1842) écrivent : « On
a considéré comme complications essentielles, c'est-à-dire dépendantes
de l'hystérie, les tuberculoses pulmonaires. Leur développement peut
être favorisé par le trouble nerveux qui gêne la respiration, mais on
reconnaîtra que c'est aller trop loin que de faire résulter en quelque
sorte la phthisie pulmonaire de l'hystérie. » Bvachet (de l'Hystérie, p. 3H3,
4847), envisage la question à un autre point de vue : « Cbeyne, dit-il ,
s'est trompé lorsqu'il a cru que la phthisie tuberculeuse était la résul-
tante des fortes hystéries; c'est bien plutôt, dans ce cas, l'éréthisme ner-
veux occasionné par la première impression de la tuberculisation qui
a déterminé le mouvement nerveux hystérique. »
Nous sommes donc ici en présence d'une autre opinion ; pour Bra-
chet. le début de l'évolution tuberculeuse peut provoquer une manifes-
tation d'hystérie, opinion presque diamétralement opposée à celle de
Pidoux. Dans ces dernières années, la littérature médicale ne s'est pas
enrichie de travaux sur ce sujet, et pourtant il ne me semble pas dé-
nué d'intérêt. Elucider l'influence d'une diathèse, d'une prédisposition
générale sur l'évolution, la durée et l'issue de la tuberculisation, c'est
une recherche qui est absolument et uniquement du domaine de la cli-
nique médicale.
Mes recherches se basent sur le résultat de ma pratique hospitalière;
celles de Pidoux, du moins celles auxquelles il fait allusion dans son
Traité de la phthisie et dans quelques brochures, sont le résumé de
1 observation des phthisiques soignés aux Eaux-Bonnes et appartenant
presque tous à la classe aisée. La pratique de Pidoux doit fournir beau-
coup plus d'exemples d'évolution lente de la tuberculose que la mienne,
qui est la pratique des pauvres et surtout des ouvriers de grands éta-
blissements industriels. Tous les médecins savent aujourd'hui que la
phthisie du riche dure beaucoup plus longtemps et guérit plus souvent
que celle du pauvre. Je dois toutefois indiquer, et j'en possède la
preuve, que dans la classe ouvrière de la ville de Buuen, la tubercu-
lose pulmonaire est moins rapidement mortelle que dans celle de Paris,
justifiant ainsi une partie de cette loi exposée par Farr que la fré-
quence et la gravité de la tuberculose pulmonaire est en raison directe
de la densité de la population par unité de surface.
La tuberculose pulmonaire est commune dans notre ville. La morta-
li1 LEUDKT. — LA TUBERCULOSE PULMONAIRE CHEZ LES HYSTÉRIQUES 831
lité par cette maladie constitue un peu moins du 1/3 de la mortalité
totale dans ma division d'hôpital, qui reçoit cependant, à cause de l'en-
seignement clinique, le plus grand nombre des affections aiguës qui
sollicitent leui admission à l'hôpital.
L'hystérie n'est pas pare dans notre population' ouvrière ; j'ai pu en
recueillir 324 cas depuis lsôi; 95 femmes sont revenues plus ou moins
Fréquemment à L'Hôtel-Dieu; en calculant ces retours des malades, on
obtient un total de 531 entrées sur 15,500 malades. Comme le chiffre
des malades qui entrent chaque année dans mes salles après y avoir été
soignés antérieurement est de 150 environ, j'obtiens un total de 324
hystériques sur plus de 11,000 malades. Ce chiffre est intérieur à la
réalité, car chez beaucoup de femmes l'observation recueillie ne porte
pas une mention affirmative ou négative d'une hystérie antérieure.
D'ailleurs je ne pouvais tenir compte dans l'anamnèse (pie des hystéries
nettement caractérisées et surtout de celles qui s'étaient accompagnées
de convulsions.
J'ai dit que 95 femmes hystériques avaient été admises plusieurs fois
dans mes salles, et cela à des intervalles qui variaient de 2 à 22 ans ;
or de ces 9o femmes, 9 seulement ont présenté, après une hystérie
bien constatée antérieurement, une tuberculose pulmonaire.
Sur ces 324 hystériques, 23 seulement m'ont présenté les signes et
les lésions de la tuberculose pulmonaire. Je suis donc autorisé à dire
que la phthisie n'est pas commune chez les hystériques et que la né-
vrose ne constitue pas une prédisposition de la lésion organique des
poumons.
Étudiée dans son rapport chronologique avec la phthisie, la névrose
peut précéder l'affection organique du poumon, en accompagner le
début, ou se manifester dans son cours. La première alternative est de
beaucoup la plus commune ; la dernière est au contraire tout à fait
exceptionnelle, et je n'en ai rencontré que deux exemples. Une femme
qui n'avait jamais été menstruée, et dont l'utérus rudimentaire n'était
représenté, comme le montre l'autopsie (Mémoires de la Société de bio-
logie), que par une plaque de tissu cellulaire auquel aboutissaient deux
cornes reliées à des ovaires atrophiés, offrait néanmoins l'apparence
complète de la puberté. Cette femme présenta, à l'âge de 34 ans, des
tubercules pulmonaires, qui provoquèrent la mort en trois ans. Une con-
vulsion hystérique, bien nette, survint pendant son séjour à l'Hôtel-
Dieu, quatre mois avant sa mort. Ce fait est d'autant plus intéressant que la
difformité de cette femme aurait dû, suivant certaines théories ancien-
nes, éloigner toute prédisposition hystérique.
Walshe (Diseases of the Lungs, p. 470, 3e édit. .1860), dit avec raison
qu'en général la phthisie semble antagoniste de l'hystérie, c'est-à-dire
832 SCIENCES MÉDICALES
que l'hystérie préexistante disparaît quand la tuberculose pulmonaire
prend un certain développement. Briquet écrit également (Hystérie,
p. 500. 1859) : « J'ai vu deux l'ois la phthisie pulmonaire faire graduel-
lement cesser, puis faire disparaître tous les phénomènes de l'hystérie. »
L'opinion de ces deux auteurs est vraie dans le plus grand nombre de
cas ; cependant elle souffre des exceptions.
Chez 5 malades sur 23, toute manifestation hystérique avait disparu
depuis un temps qui variait de deux à huit ans, lorsque apparurent les
premiers symptômes de la tuberculose.
Chez 16 malades, la névrose persista jusqu'au début de la lésion du
poumon; il est possible même qu'elle ait persisté sous la forme
la plus accentuée, la convulsive, pendant la première période de la
phthisie. On éprouve en général une certaine difficulté à préciser le
début de la phthisie, aussi bien que de la plupart des maladies chro-
niques; cette difficulté est encore plus grande chez les hystériques, car
l'hémoptysie, qui est vulgairement indiquée chez beaucoup de malades
comme un symptôme initial, peut exister chez les hystériques, se ré-
péter un grand nombre de fois, sans que le poumon présente aucune
lésion.
Je signale la difficulté sans avoir la prétention de la résoudre , et je
crois pouvoir admettre que la névrose convulsive peut cesser au mo-
ment du début de la phthisie, ou se continuer encore pendant ses
premières phases, pour cesser pendant la période fébrile, ou du moins
ne se traduire que par une forme séméiologique beaucoup moins
franche et dégénérée.
D'autres fois la névrose et la lésion pulmonaire existent dans leur
début; plusieurs crises convulsives se sont manifestées sous nos yeux
chez 5 de nos 23 hystériques. Ces 5' malades , au moment des convul-
sions, présentaient déjà des signes manifestes de tuberculose pulmo-
naire; elles assuraient n'avoir jamais eu antérieurement de convulsions
ou d'autres symptômes manifestes d'hystérie.
Je crois donc qu'on peut admettre que le plus souvent l'hystérie con-
vulsive précède la tuberculose; que la névrose convulsive disparaît, ou
du moins s'atténue à mesure que la lésion pulmonaire progresse ; que,
dans des cas moins nombreux, la névrose se manifeste pour la pre-
mière"fois au début de la tuberculose; enfin que la convulsion hysté-
rique apparaît dans quelques cas tout à fait exceptionnels, à une pé-
riode avancée de la tuberculose pulmonaire. Je dois noter toutefois que
les 2 malades de cette dernière catégorie offraient une tuberculose lente
et presque dépourvue de fièvre.
J'ai dit que le processus tuberculeux atténuait l'expression de la né-
vrose, on aurait tort de croire qu'il l'éteint. Les manifestations hysté-
1/ LEUDET. — LA II BERCULOSE PULMONAIRE CHEZ LES HYSTÉRIQUES 833
riqucs intercurrentes consistent en hypéresthésies, anesthésies, parésies,
et beaucoup plus rarement des contractures. Parmi ces accidents, ceux
qui persistent le plus cl frappent surtout l'attention du malade sont des
parésies bien distinctes, de la faiblesse concomitante, de la cachexie;
chez deux femmes, le symptôme névropalhique le plus remarquable
était une hémianesthésie ; comme chez toutes les hystériques, les sym-
ptômes qui persistaient même à une époque avancée de la tuberculose
étaient l'anes'thésie pharyngienne et la rachialgie.
Les accidents névropathiques dérivés de l'hystérie doivent être soi-
gneusement distingués d'autres perversions nerveuses que l'on ren-
contre fréquemment dans quelques maladies chroniques. J'ai décrit
ailleurs cette variété d'accidents sous le nom de troubles nerveux péri-
phériques vasomoteurs (Arch. gêner, de méd., février 1«S04). Ces' symp-
tômes ont pour caractère principal d'être périphériques et de pouvoir
être le plus souvent rattachés à des troubles de la circulation locale,
comme l'anémie ou la cyanose. La rachialgie est fréquente chez les
tuberculeux, mais elle offre ceci de particulier que la pression est sur-
tout douloureuse au niveau des apophyses épineuses, tandis que, dans
l'hystérie, le maximum de la sensibilité à la pression est au niveau des
trous de conjugaison. Enfin ce qui prouve encore l'indépendance de ces
accidents nerveux de la névrose hystérique, c'est qu'on les observe pres-
que aussi fréquemment chez les hommes que chez les femmes. J'ai
soulevé à cette époque une question que je n'ai pu approfondir depuis,
c'est de déterminer jusqu'à quel point ces troubles nerveux vasomoteurs
sont indépendants d'une lésion des enveloppes ou de la substance même
de l'axe cérébrocpinal. Ce que j'ai vu dans les nécropsies et observé au
lit du malade me fait croire que la méningite et la méningo-encéphalite
chronique sont, beaucoup plus fréquemment qu'on ne le pense, des
complications de la tuberculose pulmonaire. J'ai, du reste, abordé cette
question dans ma clinique médicale de l'Hôtel-Dieu de Rouen.
La tuberculose éprouve-t-elle réellement une modification dans sa
marche, sa durée et ses terminaisons, sous l'influence de l'hystérie pré-
existante ou coexistante? Je me hâte de dire que, dans le plus grand
nombre de cas, la proposition de Pidoux me semble vraie et que l'hys-
térie peut être regardée comme modératrice de la tuberculose pulmo-
naire. Plusieurs de mes observations ne peuvent servir à résoudre cette
question, les malades étant arrivés à l'Hôtel-Dieu au début de la phthisie,
l'ayant quitté au bout de peu de temps, sans y revenir depuis. Sur 16
hystériques phthisiques 40 ont succombé, deux malades dans un espace
variant de6 à 7 mois, 2 après 2 ans, 3 en 3 ans, 2en4ans,etl en8ans. Les
autres vivaient encore après une durée assez prolongée de la tubercu-
lose pulmonaire. Cette durée était 1 fois de 2 ans; 3 fois de 6 ans ; 1 fois
53
#34 SCIENCES MÉDICALES
de 9 ans ; 1 fois de 10 ans ; 1 fois de 19 ans. Une seule de ces malades
offrait une amélioration si considérable de la tuberculisation locale, qu'on
pouvait la dire guérie.
La tuberculisation pulmonaire chez les hystériques peut donc être très-
courte, mortelle en moins d'un an ; au contraire, et c'est le cas le plus
fréquent, elle a une durée qu'on pourrait dire, à l'exemple de Pidoux,
indéfinie.
Marius Carre (de l'Hémoptysie nerveuse), Arch. gén. de mèd. sér. VI,
vol. XIX), a rapporté l'histoire abrégée d'une femme de 34 ans, qui avait
présenté des crises hystériques depuis l'enfance et des hémoptysies nom-
breuses. Cette malade mourut de phthisie aiguë. Chez les deux hysté-
riques qui moururent rapidement de tuberculose pulmonaire, l'hystérie
était récente. Je suis loin d'affirmer que l'hystérie ne jouisse de la vertu
modératrice qu'autant qu'elle a existé depuis longtemps et modifié l'orga-
nisme. Un de mes malades, qui vivait encore après 9 ans de durée de
la tuberculose, n'avait vu les accidents hystériques apparaître que dans la
première période de la phthisie.
Sous le rapport des symptômes, abstraction faite des accidents dus à
l'hystérie, la tuberculose n'a présenté rien de particulier dans sa marche.
Comme dans la plupart des phthisies à longue durée, étudiées dans notre
localité, la fonte du tubercule et le développement des cavernes se ma-
nifestèrent souvent dans la première année ; puis l'état général s'amé-
liorait et la rémission durait plus ou moins longtemps. Quelquefois même
la mort n'était pas provoquée par l'évolution destructive du poumon, ou
par une nouvelle poussée tuberculeuse. La malade s'affaiblissait graduel-
lement par suite de la durée prolongée de l'état morbide, et souvent la
mort était provoquée par une complication légère en elle-même ou par
des lésions cachectiques, graisseuses ou amylacées des glandes abdominales,
du foie et du rein.
Conclusions :
1° L'hystérie peut précéder, accompagner le début de la tubercu-
lisation pulmonaire, ou même apparaître dans son cours.
2° Le plus souvent l'hystérie convulsive cesse au moment du début de
la tubeiculose, ou dans sa première période.
3° La névrose provoque souvent, dans le cours de la tuberculose, des
troubles de la sensibilité ou de la motilité.
4° Les manifestations de l'hystérie doivent être distinguées des trou-
bles nerveux périphériques vasomoteurs qu'on observe dans les maladies
chroniques, et surtout dans la phthisie.
5° La préexistence de l'hystérie n'empêche pas le développement rapide
de la phthisie.
COUTY. — TROUBLES PRODUITS PAR LES GAZ LNTRA-VASCULAIRES 835
6° Le plus souvent la tuberculose pulmonaire chez les hystériques
offre une longue durée. Les rémissions paraissent plus longues que chez
les malades non hystériques.
M. le D1 LAOOWSKI
SUR LA CLIMATOLOGIE ALGÉRIENNE.
(extrait du procès-verbal.)
Séance du 25 août 1877. —
M. Landowski lit une étude sur la climatologie algérienne, qui présente à
tous les points de vue les conditions les plus favorables pour l'hivernage des
pbthisiques. Tous les travaux publiés jusqu'à présent sur la climatologie
algérienne sont d'accord sur ce point. L'Algérie présente quatre climats:
1° celui des côtes, qui subit à un très-haut degré l'influence de la mer; 2° le
climat des plateaux du Tell, où l'influence de la mer joue un rôle secondaire;
3° le climat des steppes, où l'influence de la position continentale domine toutes
les autres, et i° le climat saharien, qui doit au Sahara un caractère tout par-
ticulier. C'est le climat des côtes qui occupe uniquement M. Landowski au
point de vue de ses applications thérapeutiques. Ce climat a deux saisons bien
distinctes: la saison chaude et la saison tempérée. La moyenne de la tempé-
rature est, pour novembre de 16°; pour décembre, janvier et février, de 13°;
pour mars, de 14°; avril, 17°. Le minimum de toute la saison tempérée est
de 10° ; le maximum, de 21°. Dans la saison chaude, on a pour maximum 30°
et pour minimum 15°.
M. Landowski demanderait la création d'une station hivernale en Algérie,
où les phthisiques pourraient trouver, associés à l'influence de ce climat, tous
les moyens thérapeutiques dont la science dispose à cette heure.
M, COÏÏTY
TROUBLES PRODUITS PAR LES GAZ LIBRES INTRA-VASCULAIRESH )
(EXTRAIT.)
Séance du 23 août 1877. —
M. Couty communique le résultat d'expériences faites dans le laboratoire de
M. le professeur Yulpian et destinées à étudier les troubles généraux et locaux
produits par les gaz libres intra-vasculaires.
(1) Ce travail a été publié in extenso dans les Annales île physiologie
836 SCIENCES MÉDICALES
Opérant sur des chiens, normaux ou curarisés, il a, par une branche colla-
térale, poussé de l'air vers les artères carotide, crurale, méscntériquc, splé-
nique, etc., laissant ensuite cet air circuler dans les conditions normales; d'autres
fois il a mesuré la pression ou la force nécessaire pour pousser cet air par le
bout périphérique d'une de ces artères préalablement liée vers les veines
correspondantes; enfin, dans d'autres expériences, il a fait varier la valeurde
la tension artérielle, ou l'état des vaso-moteurs de l'organe que traversaient
les bulles.
Une deuxième série de recherches a eu pour but d'étudier l'action des gaz
artériels généralisés ; et pour rendre l'observation des troubles circulatoires plus
précise, M. Couty s'est servi, dans plusieurs cas, du sphymographe enre-
gistreur.
Ces expériences ont établi les faits suivants :
Les bulles gazeuses peuvent traverser les capillaires, mais elles constituent
un obstacle à la circulation.
Dans le cas où on a injecté 5 à 20cmc d'air vers une artère laissée libre,
cet air a traversé facilement l'encéphale, passant de la carotide dans les
jugulaires en 4 à 10 minutes, et les bulles contenues dans ces veines étant
toujours assez rapides : la même quantité d'air a traversé un membre inférieur
en 5 à 20 minutes, et en produisant au début, pendant 7 à 8 minutes, un
arrêt complet de la circulation locale ; enfin cet air est resté stationnaire dans
les artères mésentérique et splénique, ne paraissant à aucun moment traverser
la rate ou les intestins.
Les divers organes présentent donc des différences considérables de perméa-
bilité aux bulles gazeuzes ; différences encore établies par les faits suivants :
sur des animaux, vivants la pression nécessaire pour pousser l'air à travers
l'organe a varié de 6 à llcm de merc. pour les membres, et a toujours
dépassé 14cm pour la rate et l'intestin.
Au lieu de considérer la vitesse d'écoulement des bulles à travers les dif-
férents organes, quand il a comparé cet écoulement dans un même organe,
M. Couty a vu la circulation de l'air devenir plus facile, plus rapide, quand il
augmentait la pression artérielle générale, et cette circulation cesser si la
pression diminuait ; et il a vu aussi les bulles gazeuses traverser toujours
beaucoup plus rapidement un membre dont le sciatique avait été sectionné,
et se ralentir si on excitait le même tronc nerveux.
La circulation des bulles gazeuses dans un réseau capillaire dépend donc : 4° de
V organe considéré ; 2° de Vétat de ses vaso-moteurs; 5° de la tension artérielle.
En étudiant les gaz artériels généralisés, M. Couty a constaté les faits
suivants :
De l'air injecté par le bout périphérique d'une artère carotide, crurale, pul-
monaire, si l'injection est brusque ou considérable, peut revenir, en tout ou
en partie, par les anastomoses artérielles dans l'aorte, sans traverser les capil-
laires correspondants.
Les gaz aorliques ou artériels généralisés, en petite quantité, 10, 20, 30cm
ont paru ne pas produire d'accidents.
Dans quelques cas rares, ces gaz ont produit un arrêt brusque et primitif du
Dr NEPVEU. — i/OLIGURIE ET LA POLYURIE D'ORIGINE RÉFLEXE 837
cœur dù au passage des bulles dans les artères coronaires, ou mieux à l'ané-
mie de tout le myélencéphale.
Plus souvent, surtout quand l'injection s'est faite en plusieurs fois par la
carotide vers l'aorte, atteignant 200 et 300cmc, la mort s'est produite par arrêt
primitif de la circulation et chute de la tension avec arrêt consécutif et tardif
de la respiration et du coeur. Cet arrêt circulatoire primitif est déterminé :
l°par le passage dans las veines et le cœur droit d'une partie de l'air artériel
et par asystolie consécutive (d'après le mécanisme déjà étudié par l'auteur dans
ses expériences sur l'entrée de l'air dans les veines) ; 2° par le ralentissement
déterminé directement par les bulles dans les capillaires généraux; 3° par la para-
lysie des centres vaso-moteurs myélencéphaliques, et la chute consécutive de
la tension.
On le voit, ces résultats permettent de rendre compte des anciennes expé-'
riences sur le même sujet, souvent contradictoires en apparence, de Bichat,
Nysten, Magendie, Villaux, Muron et Laborde, etc., etc.; et on pourra même
arriver à une explication des troubles produits d'iniquement par ces pneuma-
toses vasculaires dont Morgagni et les anciens auteurs, plus récemment
Demarquay, Cl. Bernard, P. Bert, etc., ont si bien établi l'existence.
M. le Dr NEPYEÏÏ
SUR L'OLIGURIE ET LA POLYURIE D'ORIGINE REFLEXE (I).
(EXTRAIT DU PROCVCS-YERBAL)
— Séance du 23 août 18T7 —
M. Nepveu, continuant la série des recherches qu'il a commencées sur les
variations qui peuvent se manifester dans la sécrétion urinaire à propos de
divers traumatismes, lit un important travail sur l'oligurie et la polyurie
d'origine réflexe. Voici les conclusions de son mémoire : 1° le testicule peut
être, dans certaines conditions anormales (injections iodées dans la vaginale,
affection douloureuse des testicules), le point de départ d'actions réflexes qui
agissent sur la sécrétion urinaire ; 2° cette action réflexe, envisagée particuliè-
rement dans le cas d'hydrocèle, traitée par l'injection iodée, se traduitpar une
série d'oscillations en sens inverse dans la sécrétion, oligurie d'abord pendant
quelques jours, puis polyurie, et enfin retour à l'état normal ; l'opération de
l'injection iodée dans la vaginale doit être envisagée comme une véritable
expérience physiologique, qui, mieux sur l'homme que sur l'animal, peut servir
à établir la réalité de ces connexions physiologiques entre la sécrétion rénale
et les irritations portant sur les plexus spermatiques.
(1) Ce travail a été inséré in extenso dans la Gazette hebdomadaire, septembre 1877-
838 SCIENCES MÉDICALES
M. E. LETIEYAIT
Chirurgien en chef de I'Hôtel-Dieu de Lyon, Professeur à la Faculfc
PANSEMENT ANTISEPTIQUE AU POINT DE VUE DES RÉSULTATS PRATIQUES.
— Séance du 2S août i877. —
Messieurs,
Cette communication a pour objet la constatation de la supériorité
du traitement des plaies par la méthode dite listérienne.
J'avais mis en application cette méthode, en 1869, dans mon service.
Mais sa pratique, différente d'ailleurs de celle d'aujourd'hui, ne m'avait
pas paru tenir ses promesses. Je l'avais abandonnée. — De nouveau
introduite dans mon service avec les modifications nouvelles, je l'ai mise
à l'étude pendant les deux années qui viennent de s'écouler.
Elle m'a donné des résultats si frappants que je n'hésite pas à les faire
connaître.
J'ai cherché dans cette méthode à suivre aussi exactement que pos-
sible son grand précepte fondamental: « ne jamais laisser la plaie au
» contact de l'air extérieur, mais la tenir constamment entourée d'une
» atmosphère de vapeurs phéniquées ».
Pour cela, au moment de l'opération et des pansements je me suis
servi des vaporisations phéniquées faites à l'aide des divers pulvérisateurs
connus. Pour cela encore, les pansements ont été faits, non aveclessub-
stances qu'emploie Lister (il me fallait, pour un grand et actif service,
des moyens rapides de pansement), mais avec des taffetas cirés, fins,
servant de protective et d'enveloppe; puis avec du coton cardé passé
par une lessive de potasse et de soude, desséché, et enfin imprégné au
moment du pansement d'une solution d'acide phénique au 2.50/100. —
Une bande sortant de la solution antiseptique servait à soutenir les
pièces précédentes. Une couche de coton cardé sec, enveloppant le tout,
était destinée soit à protéger la blessure contre les chocs accidentels, soit
à maintenir une douce chaleur, soit à conserver en rapport avec le pour-
tour de la plaie les vapeurs mêmes se dégageant des couches profondes
du pansement. — Mon pansement était, comme on le voit, humide et
dégageait constamment des vapeurs phéniquées pendant l'intervalle des
pansements.
Trois grands faits ressortent de l'expérimentation de cette méthode
pendant ces deux années (de fin juillet 1875 au 10 301111877).
D1" E. LETIÉVANT. — PANSEMENT ANTISEPTIQUE 839
4° L'infection purulente n'a plus reparu dans mon service ;
2° Les blessures compliquées graves ont guéri avec beaucoup plus de
facilité ;
3° La réunion immédiate, tentée après les opérations, a été presque
toujours suivie de succès.
Je ne parle pas des autres avantages, moins considérables, dus à cette
méthode de pansement, tels que : propreté des plaies, diminution de sup-
puration, disparition ou diminution des odeurs infectes soit des plaies,
soit des salles etc.
Je laisse à dessein de côté tout ce qui a trait à la question théorique
du pansement mis en usage. Les faits seuls m'occuperont.
§ I
L'infection purulente a disparu.
Avant l'introduction de cette méthode de pansement, l'infection puru-
lente était fréquente à l'Hôtel-Dieu de Lyon. Quelques-uns ont dit qu'elle
y était en permanence. 11 est certain qu'elle s'y manifestait quelquefois
épidémiquement. Il est certain aussi qu'un chirurgien ne passait pas une
année sans avoir a. déplorer la perte de quelques victimes de cette re-
doutable complication des plaies.
Eh bien ! depuis la généralisation du pansement listérien dans cet
hôpital, l'infection tend à disparaître. Depuis deux ans, je n'en ai pas
eu un seul cas dans mon service ; fait qui ne s'était jamais produit.
Rien pourtant, comme malades, comme gravité de blessures ou comme
autres conditions hygiéniques, rien n'a été changé dans mon service.
Le mouvement des malades pendant ces deux années y accuse 1,213
lésions sanglantes, 954 non sanglantes, 181 fractures simples, 20 com-
pliquées, près de 50 amputations. Le nombre d'opérations pratiquées
pendant ces deux années y dépasse 1,400.
C'est le même mouvement que dans les années antérieures, et rien n'a
été changé que le pansement.
Il me paraît donc logique d'attribuer la disparition de l'infection pu-
rulente à l'introduction du pansement antiseptique mis en usage.
§H
Les blessures compliquées graves ont guéri avec beaucoup plus de facilité.
Sur les 201 fractures que j'ai eu à traiter dans mon service pendaiit
ces deux années, il y en a eu un certain nombre de compliquées gra-
vement.
Voici un tableau résumé des plus importantes de ces dernières.
«40
SCIENCES MÉDICALES
PAYS
ENTREE
à
l'hotbl-
lesioxs
SORTIK
DECES
Femme.
Homme.
Femme.
Homme.
Bastia.
Vincendon Brou.
Lyon.
Saint-
Laurent-
d'Agnon.
Treyau.
1 Gropelier.
P...
nomme.
Femme .
Homme.
Bâillon.
Tinlaud.
G juillet
1875.
li juillet
1873.
Lyon.
Jura.
Lvon.
Ardèche.
Isère.
Lvon.
27 sept.
187o.
30 sept.
1875.
12 août
1875.
3 janvier
1876.
8 novemb.
1875
16 juin
1875.
•17 nov.
1875.
2s février
i sT'..
Fracture de
■lire de
la jambe, par pas-
sage de roi
voiture pesante ;
plaie loD|
8 centimètres et
large: saillies os-
seuses à travers la
plaie, hérnorrhagie
abondante.
Fracture de la jambe
avec deux plaies,
iss e d'un frag-
ment ; grandes lé-
sions des parties
molles. — Refus
d'amputation. Af-
faiblissement pro-
if. Le panse-
ment listérien n'a-
vait été mis en
que les 15
derniers jours
ment de deux
doigts de la main :
ouverture d'articu
is : pans, lis-
térien.
Ecrasement de deux
doigts de la main.
Troisième écrase-
ment des doigts
pareils, guéri aussi
a cette même épo-
que.
Fracture de jambe
liquée de plaie
avec saillie des
fragments.
Grand traumatisme
par cbute d'un lieu
très-élevé. Frac-
ture de
éclatement de l'as-
tragale eu plusieurs
fragments : large
ouverture de l'ar-
ticulation. Rt-fus
d'amputation. Ex-
tirpation des es-
. Gangrène
foudroyante, em-
porte le malade en
36 heures.
Fracture compliquée
de l'humérus : is-
sue de cet os: ou-
verture d'articu] .
Résection de 13
centimètres de l'os.
Fracture de l'humé-
rus par coup de
feu ; grandes alté-
rations des parties
molles et osseuses.
Fracture compliquée
de jamhe : large
plaie.
Fracture compliquée
de plaie du tibia
(quart supérieur)
coup de pied de
cheval.
. septemb.
1875.
16 octobre
1S75.
16 octobre
1875.
>i n'iveml)
1875.
6 septemb.
1875.
20 févriei
1876.
21 mars
1876.
février
1876.
12 janvier
1876.
I)r E. LET1ÉYANT.
PANSEMENT ANTISEPTIQUE
841
"™ ■""
ENTRÉE
SEXE
\i,l
NOM
rus
à
l'hotel-
DIBD
LÉSIONS
SORTIE
DÉCÈS
Femme.
56 ma
Vachon.
Lyon.
|S janvier
1876.
Fracture du radius
moitié inférieure,
avec abcès et plaie.
8 avril
1876.
Femme.
18
Fession.
Rhône.
8 mai
1876.
Fracture de jambe
compliquée de per-
foration des tégu-
15 juillet
1876.
ments.
Femme.
12
Bruyère.
Ute-Loire.
20 juin
1876.
Fracture de l'humé-
rus avec large
plaie ; jointure ou-
verte; résection.
4 avril
1877.
Homme.
1s
Bessette.
Isère.
1H juin
1877.
Fracture compliquée
de jambe ; refus
d'amputation ; ré-
section et suture
osseuse à un des
bouts.
10 août
excellent
état
Homme.
* '
Marais .
Lyon.
9 juin
1877.
Ecrasement des 2
premiers orteils
droits.
1-1' juillet
1877.
Homme.
37
Giroud.
Isère.
12 juillet
1877.
Fracture complète
de la jambe; issue
des bouts ; résec-
tion : suture os-
seuse.
10 août
très bon
état.
Femme.
70
Barbe-
Isère.
18 juin
Fracture complète
10 août
zieu,
1877.
jambe ; ouverture
d'articulation ; ré-
section de malléole
intérieure.
très bon
état.
Homme.
17
Brunet.
Lyon.
3 août
1877.
Fracture de jambe
il y a 4 semaines ;
issue de l'os ; ou-
verture de l'articu-
lation.
20 août
parf. état
Homme.
25
Roussel.
Lyon.
2 juin
1877.
Fracture de jambe
avec large ouver-
ture de l'articula-
tion tibio-tarsienne
Fracture du bassin ;
traumatisme consi-
dérable.
10 août
1877.
guéri.
Voilà une série de vingt fractures graves, compliquées de plaies :
18 guérisons; 2 décès.
Je pourrais y ajouter encore quelques cas de guérison d'écrasement
de pied, de doigts, de mains.
Mais je ne veux retenir que les fractures extrêmement graves ; celles
de jambes, par exemple, il y en a 12 ; et celles de l'humérus, il y en
a 3.
En tout, 15 graves fractures compliquées : 13 guérisons ; 2 décès.
Si l'on ne veut tenir compte que des fractures de jambes compliquées,
c'est 10 guérisons, 2 décès.
Des résultats aussi satisfaisants ne s'observaient pas en général. L'am-
putation était la règle dans les fractures de jambes compliquées de plaie,
surtout avec ouverture de l'articulation. Aujourd'hui l'amputation devient
l'exception et la chirurgie conservatrice doit reculer ses limites.
842 SCIENCES MÉDICALES
Non-seulement le pansement antiseptique permet la conservation dans
les lésions graves dont je viens de parler, mais encore il autorise des
tentatives opératoires nouvelles ou d'autres tentatives très-graves devant
lesquelles on pouvait, à bon droit, hésiter.
Depuis longtemps, je songeais à éviter l'amputation d'avant-bras àcer-
tains malades offrant des lésions suppuratives graves du poignet et
pourtant se refusant à la mutilation du membre.
Rassuré par l'influence heureuse du pansement antiseptique, j'ai pra-
tiqué, dans un cas d'ostéoarthrite suppurée chronique du carpe, à l'aide
de deux incisions latérales ne compromettant aucun organe, l'extirpation
de tous les os du carpe, la résection des deux, apophyses styloïde radi-
cale et cubitale, et de l'extrémité supérieure du 2e métacarpien.
Une suppuration peu abondante a suivi l'opération ; aucune complica-
tion locale ne s'est manifestée.
Par un procédé analogue ne portant atteinte à aucun organe, il m'a
été permis d'extirper les cinq os de la 2e rangée du tarse et l'extrémité
supérieure du 2e métatarsien, sans que les suites rapprochées de cette
opération aient présenté la moindre gravité. Si le malade a ultérieure-
ment succombé à d'autres lésions incurables, l'opération subie bien
auparavant n'a été pour rien dans ce résultat éloigné.
Enfin, il y a trois mois, je pratiquai, pour unepseudarthrose du fémur,
la résection des deux bouts osseux de cet os. Ces bouts, séparés l'un de
l'autre par une couche libro-musculaire, n'avaient pu se souder. Après
la résection, j'éprouvai des difficultés à maintenir rapprochées les deux sur-
faces avivées : il devint nécessaire de forer les deux bouts osseux, d'y
introduire un gros fil de fer et pratiquer ainsi la suture osseuse. Tout
se passa avec la plus grande simplicité : la soudure osseuse se fit; j'en-
levai le fil avec des tenailles le 34e jour; la cicatrisation de la plaie
s'acheva bientôt, et un cal fort volumineux remplace aujourd'hui la
pseudarthrose.
Plusieurs autres résections, soit des maxillaires, soit des membres,
pourraient ici trouver leur citation; mais les faits précédents suffisent
pour montrer l'influence favorable du mode de pansement en expé-
rience.
§111
La réunion immédiate a été le plus souvent obtenue.
L'influence heureuse du pansement nouveau ne s'est pas t'ait sentir
seulement sur les grandes blessures accidentelles ou chirurgicales ; sa
valeur a paru plus frappante encore à propos des tentatives de réunion
immédiate dans les plaies graves.
I)r E. LETIÉVANT. — PANSEMENT ANTISEPTIQUE 843
Des essais multipliés pour obtenir la réunion immédiate me confir-
maient dans cette idée qu'ils étaient rarement suivis de bons résultats.
Avec la nouvelle méthode de pansement mes tentatives de réunion
immédiate furent presque toutes couronnées de succès.
J'eus, à la fois, en septembre et octobre 1875, des réunions immédiates
sur :
1° Une opérée d'une carcinome du sein (Sainte-Marthe 21), dont la
plaie mesurait 25 centimètres de longueur;
2° Une opérée comme la précédente (Sainte-Marthe 25), plaie : 10 centi-
mètres ;
3° L'enchondrome parotidien du volume d'un œuf de poule : extir-
pation ;
4° L'opération d'un kyste dermoïde de la tête du sourcil, longueur de
la plaie : 5 centimètres;
5° L'opération de fistule vésico-vaginale avec inclusion du col utérin
dans la vessie ;
6° Plusieurs excisions d'épithéliomes des lèvres;
7° L'amputation du pouce;
8° id. d'un doigt;
9° id. du gros orteil ;
10° id. d'avant-bras.
Cette dernière amputation sur un jeune homme de 21 ans pour une
tumeur blanche radio-carpienne. Ce fut une réunion immédiate parfaite,
sans trace de pus et sans fièvre.
En 1876; ma série de réunion immédiate fut bien plus grande : j'eus,
entre autres, et comme principales, des réunions immédiates à la suite
d'opérations de plusieurs tumeurs du sein, de quelques hernies étran-
glées, d'un prolapsus utérin, de plusieurs lipomes : l'un du bras (80
Saint-Paul), plaie, 12 centimètres; un autre lipome de l'épaule,
plaies, 8 centimètres de longueur; un 3e lipome volumineux de la cuisse
et un 4e de la fesse; de plusieurs tumeurs du cou, de plusieurs névro-
tomies, l'une du sous-orbitaire, une du buccal et une du grand nerf
occipital.
Celle qui m'impressionna le plus fut celle que j'obtins, dans le cou-
rant de cette année, sur un amputé de bras, le nommé Riche, âgé de
36 ans; et apporté à l'Hôtel-Dieu avec une gangrène ascendante de la
main et de l'avant-bras. La réunion fut complète et se maintint com-
plète. Le moignon en se fortifiant garda la forme régulière du premier
jour.
L'année 1877 me donna des résultats plus étonnants sur ce point.
Dans toutes les grandes amputations (je ne tiens pas compte des
petites) que j'ai pratiquées depuis le mois de janvier jusqu'à ce jour,
844 SCIENCES MÉDICALES
40 août, et dans lesquelles j'ai fait la tentative de réunion immédiate,
j'ai toujours obtenu ce résultat. Je l'ai obtenu entre au très sur 4 am-
putés de jambe, 1 amputé de cuisse, 1 amputé du bras.
Dans les cas d'amputation oîi l'état des lambeaux n'a pas permis de
pratiquer la réunion immédiate, j'ai toujours eu des résultats favora-
bles.
Ce commencement d'année a donc été exceptionnellement bon, puis-
que, sur une quinzaine d'amputations avant le mois d'août, je n'ai pas
perdu un seul opéré.
Voici le tableau des réunions immédiates obtenues dans les 6 gran-
des amputations du commencement de cette année :
Salle
NATURE DE LA MALADIE
AMPUTATION
HEUNtON
IMMÉDIATE
Saint-Louis.
Perrin .
19 ans
Isère.
Saint-Louis.
Galmon. .
40
Rhône.
Saint- Paul..
Charrier .
40
Loire .
Saint-Paul-.
Bray.
20
Loire.
Saint-Louis.
Paris.
21
Savoie.
Saint-Joseph
Philippe.
66
Lyon.
Ostéo-arthrite suppurée
de tibio-tarsienne.
Fracture à grand fracas
de la jambe.
Osteo-sarcome du tibia
Tumeur fongueuse tibio-
tarsienne suppurée.
Ostéo-arthrite suppurée
tarsienne et tibio-tar-
sienne.
Epithéliome de la main
et de l'avant-bras.
De jambe.
19 janvier 1877-
De jambe au tiers
supérieur.
20 janvier 1877.
De cuisse.
2d janvier 1877.
De jambe.
17 avril 1877-
De jambe.
23 avril 1877.
De bras.
16 juillet 1877.
Complète.
A peu près
complète
Complète.
Complète.
Complète.
Complète.
Les détails concernant ces faits ont été publiés dans une brochure récente : de la Réunion
immédiate dans les amputation': , par M. Létiévant (Lyon, 1877. Riotor, rue de la Barre),
Voici, en terminant, les conditions principales qui m'ont paru néces-
saires pour obtenir la réunion immédiate après les opérations. Il
faut :
1° Opérer sous un nuage de vapeurs phéniquées;
2° Faire l'exsanguéfaction du membre, si cela est possible, ou aumoins
une compression digitale parfaite;
3° Opérer rapidement pour que l'air extérieur reste peu de temps à
impressionner les surfaces de section ;
4° Tordre les artères, ou encore les lier avec le fil animal ou cat-gut,
fil qui peut se résorber ;
5° Faire comprimer les lambeaux exactement pour que aucun suinte-
ment sanguin ne puisse s'opérer à leur surface pendant la suture ;
6° Faire la suture métallique à points passés;
7° Panser ensuite suivant les indications listériennes ; le pansement
Dr SEGUIN. — NOUVEAUX DEVOIRS DU MÉDECIN *'<•''
modifié tel que je l'ai établi dans mon service me paraît des meil-
leurs ;
8° Soutenir ce pansement par une forte couche de coton cardé des-
tinée a maintenir le moignon dans la chaleur et sous une compression
douce.
A ces huit conditions j'en ajoute une neuvième, celle qui concerne
les petits drains phéniqués à placer aux angles de la plaie réunie. Ces
drains, qui ne doivent rester que les premiers jours de l'opération, per-
mettent alors un débordement facile des premières exsudations du
moignon.
Depuis l'emploi de ces moyens, j'ai vu à l'IIotel-Dieu, comme au
dehors, la réunion immédiate s'obtenir assez fréquemment pour que je
n'hésite pas aujourd'hui à la considérer comme la règle à la suite des
opérations. — Ce résultat est tout différent de ce qu'on observait au-
paravant.
En résumé :
Réunion immédiate dans les cas où on n'osait pas l'espérer;
Conservation dans beaucoup de cas graves que l'on amputait le plus
souvent autrefois;
Suppression de l'infection purulente.
Voilà lus trois grands bienfaits du pansement que j'ai mis en expé-
rience ces deux dernières années.
M. le Dr E. SEGUIN
de New-York.
NOUVEAUX DEVOIRS DU MEDECIN.
NÉCESSITÉ DE L'INTERVENTION DU MÉDECIN DANS L'ÉDUCATION.
— Séance du 25 août 1 8 7 7 . —
En 1873, à Lyon, j'ai eu l'honneur de lire devant cette section de
l'Association française pour l'avancement des sciences une note sur le
devoir nouveau que nous impose le progrès des méthodes d'observation,
celui d'enseigner aux mères et à tous ceux qui ont charge d'enfants ou de
mineurs tout ce que leur éducation leur permet de comprendre des signes
de la santé et de la maladie.
Depuis lors nombre de femmes ont appris, par la connaissance de ces
signes, et surtout par l'usage de la thermométrie dans leur famille, à
846 SCIENCES MÉDICALES
prévoir les maladies et à prévenir à temps le médecin; à suppléer son
observation durant la nuit, et surtout à redouter les remèdes omnibus
ou miraculeux. Le médecin qui enseigne aux. mères à sauver leurs enfants
avec le concours des moyens modernes d'observation s'assure la clientèle
de ceux qu'il éclaire. Aussi ce devoir nouveau est en train de passer de
la théorie dans les mœurs médicales.
Le nouveau devoir sur lequel je désire appeler votre attention aujour-
d'hui est celui que nous crée la nécessité pour la médecine d'intervenir
dans l'éducation.
Jusqu'à présent l'intervention du médecin dans l'éducation s'est bornée
à vacciner ou à revacciner les élèves, à inspecter toutes les parties
des écoles, à ordonner certaines mesures sanitaires, à recommander la
clôture d'écoles infestées, en un mot à appliquer cette partie de l'hygiène
publique (state medicine) que l'on peut appeler l'Hygiène scolaire.
Maintenant, l'intervention du médecin est devenue nécessaire, non-
seulement dans l'école, mais encore dans l'enseignement, et surtout dans
les modes d'enseignement.
L'éducation change selon le but des sociétés. Aveugles ceux qui ne
prévoient pas la nécessité de ces changements, et malheureux ceux qui
ont été élevés dans un but, alors que leurs contemporains marcheront
vers un autre but!
C'est donc peu d'élever les enfants, si on ne les rend capables de pren-
dre part aux travaux de leur génération.
Mais cette nécessité produit dans l'enseignement actuel une tension
qui, trop sentie déjà par l'enfant, est intensiliée pour l'adolescent par
les formes impitoyables données à la concurrence scolaire. La course
est partout pour la première place, non pour la plus appropriée à
chaque nature. Alors malheur aussi à ceux qui tombent en avançant, et
rien, pas même pitié, pour les masses qui restent, découragées, en arrière!
Cet état de choses est dû en partie à l'ignorance où sont les lettrés
des conditions physiologiques du développement sensoriel et psychologi-
que dont ils assument la charge comme professeurs, n'ayant en vue que
le développement de capacités, — qui, considérées par eux abstractive-
ment des fonctions, occupent dans le cerveau une place analogue à celle
de Jupiter, Vénus, Melpomène dans l'Olympe, — les professeurs éduquant
les capacités sans vouloir ou sans pouvoir savoir si les fonctions en
soutfrent.
L'École a aujourd'hui son petit cadre nosologique à elle, sa myopie
progressive, son irritation et ses déviations spinales, ses douleurs du
cervelet précurseurs fréquents de Tépilepsie, sa méningite aiguë suivie
de mort, ou chronique, se fondant dans le marasme ou l'imbécillité...
et j'en passe.
l)r SÉGUIN. — Nul \ I Al \ l»K\ « mis Dl MÉDECIN 841
Est-oe à dire que le maître esl responsable pour ces revanches de la
nature outragée...? Oui, et non. — Oui, s'il ne confesse son ignorance,
ei oe demande aide. Non, s'il comprend que son programme doit être
réglé par le médecin, qui viendra mesurer l'intensité du travail demandé
a la perte de calorique et au pouvoir d'accommodation des fonctions spé-
ciales de chaque enfant.
Est-ce à dire que le médecin doive attendre que son concours soit
demande...? Non, car nul ne sait comme lui ce qu'il peut pour la jeu-
nesse des écoles, c'est-à-dire ce qu'il doil.
Aussitôt que nous savons que nous seuls possédons le moyen de
prévenir les maux qui résultent de l'éducation donnée sans égard aux
lois physiologiques, nous devenons les coupables si nous ne travaillons
pas ii en appliquer les données mathématiques à renseignement général.
Le sachant, dès aujourd'hui, nous devons intervenir dans les écoles
pour en faire disparaître :
1° La myopie progressive des écoliers, en constatant à leur entrée le
pouvoir d'accommodation visuel de chacun, et en prescrivant pour
chacun (à) sa position dans la classe relativement à la lumière, à son
pupitre et aux démonstrations faites à distance; (b) les types des livres
qu'il devra lire; (c) la durée des exercices qui demandent une attention
soutenue des organes de la vision, (d) sans oublier le choix des verres de
lunettes s'il doit en porter.
L2° Les déviations et autres affections dorsales, en constatant leur immi-
nence, commencement et degré, et en prescrivant tels chaise, pupitre,
exercice, repos jugés propres à prévenir ou à guérir une difformité qui
emporte avec elle au moins une incapacité, souvent une disgrâce.
Et pour la sauvegarde des autres fonctions dont l'intégrité assure à la
fois la vie et la capacité future des jeunes gens, mais est incessamment
menacée par le double assaut de la croissance et des efforts intellectuels,
faute de place pour en traiter ici séparément, nous dirons en bloc : que
la plus haute qualité et qualification du médecin réside dans le pouvoir
que lui donne son éducation moderne de mesurer mathématiquement
les signes vitaux et de tenir le livre-balance (le ledger anglais) de la
vitalité des enfants durant la dangereuse période de leur développement
physique et classique.
Ce livret de vitalité (si bien tenu pour les bêtes sous le nom de stud-
book) doit être ouvert par le médecin pour l'enfant, — si la mère ne l'a
pas commencé à la naissance, — ■ au moment de son entrée dans l'école.
Ce livret doit contenir, après un sommaire des antécédents :
(a) Une photographie de l'enfant, tête et main pour le moins; (b) son
poids, sa taille et ses proportions ; (c) les anomalies générales, spéciales,
et latérales ; (c) sa sphygmographie, son pouls, sa respiration et sa
848 SCIENCES MÉDICALES
température, sa sensibilité tactile et sa contractilité établis sur une série
d'expériences mathématiques. Les grands viscères seront examinés et l'état
de leurs fonctions sera noté avec soin ; et sur cette première vue d'entrée,
le médecin prescrira ou défendra certains exercices, attitudes, études, etc.
Dans le cours de l'éducation, à chaque saison nouvelle, et particuliè-
rement chaque fois que de nouvelles études seront entreprises et plus
d'attention demandée, le médecin devra s'assurer de l'influence du cur-
riculum sur la santé générale et sur les fonctions spéciales, et en parti-
culier sur la respiration, le pouls et la température, le poids et la crois-
sance, afin de pouvoir calculer la déperdition de vitalité durant le travail,
et de maintenir constamment la balance des forces vitales, celle de la
température en particulier, en faveur de l'enfant.
Car là où les études sont suivies d'une déperdition de chaleur d'un
degré du matin au soir il y a péril ; et de plus d'un degré il y a immi-
nence de meurtre. Meurtre involontaire sans doute de la part du maître
qui est assez malheureux pour ne pas savoir ce qu'il fait; mais c'est à
nous de le lui apprendre, et de le relever d'une responsabilité qui nous
appartient. C'est, en peu de mots, le commencement de l'intervention
du médecin dans l'éducation.
Le médecin gardien des forces vitales de l'enfance ;
Le livre des forces vitales, garantie de la vitalité et de la capacité de
la prochaine génération.
M. le F GAIEAL
de Carienan.
APPAREIL POUR LE TRAITEMENT DES AFFECTIONS UTÉRINES
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 25 août 1877.
M. Gairal montre à la Société une série de pessaires très-ingénieux, qui,
non-seulement soutiennent l'utérus, mais encore peuvent mettre au contact
de cet organe des substances médicamenteuses.
Dr BRIÈRE. — LES MALADIES DES YEDX Al HAVRE 849
M. le Dr BRIÈRE
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES MALADIES DES YEUX AU HAVRE
ET DANS LES ENVIRONS.
F\ TRAIT DU PROCKS-VEHBAL.)
— Séance lu 27 août 1877. —
Les conclusions principales de ce travail sont que :
1° Les affections oculaires externes sont plus fréquentes au Havre que dans
les pays de L'intérieur dans une proportion de 10àI5 0/0 suivant lesannées;
*2n Mai est le mois où ces affections sont les plus nombreuses, août et
décembre ceux qui en comptent le moins;
3° Cette proportion plus élevée de maladies d'yeux ne tient pas seulement
au voisinage de la mer, mais surtout à la reunion de mauvaises conditions
hygiéniques qu'on observe dans certains quartiers, car ces maladies affectent
de préférence les pauvres de ces mêmes quartiers;
4° Saint-François, Notre-Dame et le Perrey sont les points de la ville les
plus éprouvés. 11 serait urgent d'assainir ces parties de la ville en élargissant
les rues étroites qui s'y trouvent ;
5° Les ophthalmies scrofuleuses et notamment les conjonctivites et les kéra-
tites consécutives sont fréquentes, mais beaucoup plus dans les quartiers où les
logements sont malsains et dans les familles où l'on méconnaît les lois de
l'hygiène accessible à tous ;
G0 II serait nécessaire que tout enfant qui entre dans un asile ou dans une
école et qui est atteint d'ophthalmie lut soumis à un examen qui permettrait
de constater s'il s'agit de conjonctivite granuleuse, auquel cas l'enfant ne pour-
rait fréquenter l'école du moins pendant les périodes aiguës.
DISCUSSION.
M. Gai.ezowski insiste sur les granulations conjonctivales qui doivent être
divisées en granulations vraiment contagieuses, néoplasiques, et granulations
papillaires. Il cite des exemples de contagion de conjonctivite granuleuse qui
se fait par inoculation à l'aide des linges ayant servi au nettoyage des yeux
malades. Il appuie les propositions d'isolement faites par M. Brière. Il recon-
naît la rareté de l'ophthalmie diphtéritique et la nature générale de la maladie.
M. Brière s'autorisera de l'appui de M. Galezowski pour obtenir de l'admi-
nistration l'isolement des enfants atteints d'ophthalmie granuleuse.
M. Lecadre ajoute aux causes .d'ophthalmie signalées par M. Brière l'habita-
tion dans les maisons neuves.
54
850 SCIENCES MÉDICALES
M. le Dr G-ALEZOWSKI
SUR LA THERMOMÉTRIE EN OPHTHALMOLOGIE. - SUR LES ALTERATIONS
DES VAISSEAUX RÉTINIENS.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance dit 27 août 7877. —
1. Thermométrie oculaire. — M. Galezowski a observé une élévation ou un
abaissement de la température de l'œil pour différentes affections oculaires et
générales. Chez quelques individus à l'état sain, la température de l'œil est
un peu inférieure à la température générale 11 présente un tableau statistique
dans lequel on voit que l'élévation de la température est surtout comprise
dans la conjonctivite catarrhale, dans les abcès cornéens aveciritis. — Au
contraire, dans un cas de nécrose de la cornée, par lésion de la 5me paire,
la température oculaire s'était abaissée.
L'auteur étudie actuellement la marche de la température générale dans les
maladies oculaires.
2. Altérations des vaisseaux rétiniens. — Dans les rétino-choroïdites syphili-
tiques, la première lésion appréciable fut la diminution de calibre des
vaisseaux. — Dans toutes les affections rétiniennes albuminuriques ou gly-
cosuriques, M. Galezowski a souvent observé des exsudations dans la gaine
des vaisseaux. — Chez des malades atteints d'affections cardiaques, M. Gale-
zowski a observé des tromboses avec oblitération de certains vaisseaux im-
portants et rétablissement de la circulation collatérale.
DISCUSSION.
M. Briëre ajoute aux lésions signalées par M. Galezowski l'anév-rysme des
vaisseaux rétiniens étudiée déjà par M. Liouville. M. Brière a observé deux
cas d'anévrysme circonscrit sur l'une des branches rétiniennes.
M. le D' LAÏÏCEREAÏÏX
Professeur agrégé à In Faculté de médecine de Paris
DE L'ARTERITE CEREBRALE SYPHILITIQUE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du il août*187',
M. Lancekeaux. — De l'artérite cérébrale syphilitique. — Les caractères ana-
tomiques consistent surtout en une localisation à quelques points de la paroi
artérielle. Cette lésion débute dans le tissu connectif de l'artère : tantôt la
Dr VERNEUIL. — DES BLESSURES CHEZ LES ALCOOLODIABETIQUES 851
lésion artérielle se dissémine et, arrivant à s'organiser, produit le rétrécisse-
ment de l'artère par la saillie qu'elle forme à son intérieur. Des zones d'alté-
ration nouvelles venant s'ajouter à la première, il en résulte quelquefois des
dilatations anévrysmalcs, quand l'organisation de la lésion ne se produit pas.
Il y a donc une triple terminaison à l'artérite cérébrale syphilitique . rétré-
cissement, oblitération, anévrysme. L'artérite cérébrale syphilitique se diffé-
rencie de l'artérite générale en ce qu'elle est circonscrite, comme le sont du
reste toutes les lésions syphilitiques ; il y a de plus la tendance à la symétrie.
M. Laneercaux insiste sur les caractères différentiels de l'endartérite cérébrale
syphilitique de l'athérome, de l'embolie ; tous les malades accusent des pro-
dromes remontant à plusieurs semaines ou plusieurs jours, céphalée, vertiges,
vomissements. 11 cite des observations à l'appui des caractères différentiels
de l'endartérite syphilitique.
DISCUSSION
M. Lioi ville rapproche les deux communications précédentes en émettant
des considérations sur le caractère commun de ces deux lésions anévrysmales
qui est la généralisation. Les malades présentaient une diathèse qu'il serait
intéressant de chercher à déterminer dans tous les cas de ce genre. Il demande
à M. Brière si le malade présentant des anévrysmes réticuleux était atteint
d'une diathèse.
M. Brière répond qu'autant qu'il lui a été possible de s'en assurer, son
malade ne présentait pas de syphilis.
M. Lancereaux insiste sur le caractère de localisation des lésions syphili-
tiques et se trouve amené à repousser l'ataxie et la paralysie générale dites
syphilitiques.
Un membre attire l'attention sur l'existence d'un anévrysme de l'aorte et
d'une lésion tuberculeuse du poumon.
M. le Dr YEEIEÏÏIL
Professeur à la Faculté de médecine de Paris.
DES BLESSURES CHEZ LES ALCOOLO-DIABÉTIQUES '.
(extrait.)
— Séance du 27 août 1877. —
La coexistence chez un même sujet de l'alcoolisme et du diabète ne doit pas
être très-rare, mais n'a guère été signalée jusqu'ici. M. Verneuil cite trois
observations où cette combinaison a donné une terminaison fatale à des trau-
matismes légers.
(1) Ce mémoire a été publié depuis dans la Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie.
19 Octobre 1877, p. 664.
85u2 SCIENCES MÉDICALES
Les conditions étaient semblables ebez les deux premiers malades : tous
deux présentaient des lésions viscérales profondes, que leur bonne, santé appa-
rente ne pouvait faire soupçonner (périnéphrite, foie dur, teinte ardoisée de
l'estomac, etc.).
Le troisième malade était diabétique depuis quelques années; certains acci-
dents vésicaux amenèrent des médecins à pratiquer le cathétérisme. A partir
de la première exploration, les urines devinrent purulentes; les sédiments épi-
théliaux chargés detubuli, qu'elles présentaient auparavant, augmentèrent con-
sidérablement. Le malade revint dans un état grave de Contrexeville, où il
avait été envoyé.
M. Verneuil considère les cathélérismes répétés et l'usage des eaux de Con-
trexeville comme ayant provoqué une recrudescence des accidents de néphrite
préexistante. Le malade est mort, et dans ce cas l'alcoolo-diabétisme a joué un
rôle considérable. Le rein est ici en cause; dans d'autres circonstances, ce sont
des accidents hépatiques qui emportent les malades. En tout cas. c'est aux
altérations viscérales aggravées par l'intervention du traumatisme qu'il faut attri-
buer les accidents généraux graves et quelquefois la mort.
Il y a une très-grande similitude entre la marche des blessures chez les
alcooliques et les diabétiques. Quand l'alcoolo-diabétisme existe, les traumatismes
prennent un caractère de gravité exceptionnel.
DISCUSSION.
M. Galezowski ajoute quelques renseignements sur les résultats des opéra-
tions de cataracte chez les alcooliques et les diabétiques. Dans la pratique pri-
vée, succès chez les diabétiques ; dans sa pratique clinique, insuccès qu'il
attribue à la combinaison de l'alcoolisme et du diabète.
M. le Dr PÀ-QÏÏELII
INDICATIONS SUR L'EMPLOI DU THERMO-CAUTÈRE
— Séance du 27 août 1877. —
Dr FREDET. — NOTE SUR LES EFFETS DU GAZ ACIDE CARBONIQUE 853
M. le D1 DUMONT-PALLIEB,
PRÉSENTATION D'UN ANNEAU PESSAIRE ET D'UN HYSTÉROPHORE
— Séance du 27 août 1877. —
M. le Dr FREDET
de Royiit.
NOTE SUR LES EFFETS DU GAZ ACIDE CARBONIQUE, A ROYAT,
ENVISAGÉS AU POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE ET THÉRAPEUTIQUE.
— Séance du 27 août IS77. —
Conclusions. — I. Le gaz acide carbonique dissous ou à l'état libre dans
l'eau minérale de Royat, agit physiologiquement sur les muqueuses digestives
en y déterminant des picotements, de la chaleur, de la congestion passagère
accompagnée de sensation de vertige ou de légère ivresse chez certaines
natures susceptibles et nerveuses.
11 moditie heureusement les affections chroniques, ulcéreuses ou douloureuses
des muqueuses buccale, linguale, pharyngo-œsophagienne, par son contact
direct.
Par le bain, son action s'exerce sur la peau en y déterminant des picote-
ments, de la rougeur et une circulation capillaire avec stase sanguine plus ou
moins prolongée, action qui est utilisée par la thérapeutique.
II. Respiré avec les vapeurs minérales, il exerce une action modificatrice,
mais principalement sédative sur la muqueuse du larynx et des bronches.
III. Employé en bains généraux et en douches, il a une action incontestable
sur la circulation capillaire, sédative sur le système nerveux périphérique,
mais cette action semble être prédominante sur la région sacro-périnéale et génitale.
Enfin, ces effets sont beaucoup plus marqués quand le gaz est utilisé à une
température se rapprochant de -+- 30° centigrades.
854 SCIENCES MÉDICALES
M. le D' TEIPIER
r.lmrgé do cours complémentaires à in Faculté de médecine de Lyon.
CAS DE NÉVRALGIE FACIALE AVEC ZONE ÉPILEPTOGÈNE (1)
(extrait du procks-yerbaï..)
Séance du 27 août 4877.
M. Tripier donne communication d'une observation de névralgie de la face
avec zone épileptogène, pour laquelle il a pratiqué une opération de névroto-
mie et ostéotomie combinées, suivie de guérison. — Après avoir d'abord
exposé quelques considérations physiologiques, fournies par l'expérimentation
sur la sensibilité récurrente et son mode d'action et avoir ainsi démontré
l'inanité du principe de l'indépendance fonctionnelle des nerfs, l'auteur
arrive à celte conclusion que les névralgies rebelles sont souvent centrales,
que beaucoup d'entre elles sont exclusivement périphériques, mais que, parmi
ces dernières, il en est beaucoup qui se compliquent de lésions du côté des
centres. M. Tripier donne ensuite l'observation qui fait la base de son travail
et démontre l'opération qu'il a pratiquée avec un succès qui se maintenait
plein et entier deux mois après. — M. Tripier termine sa communication par
quelques considérations sur l'action de l'aconitine et son influence élective
sur la propriété conductrice des filets nerveux sensitifs ; ses expériences sont
en ce point entièrement conformes aux observations antérieures de M.
Laborde.
1. le Dr MAEDïïEL
De Lvon.
ACCIDENTS DUS A L'ANESTHÉSIE PAR L'ÉTHER CHEZ ON ENFANT DE DIX ANS.
— Séance du 27 août 1877. —
L'année dernière, à la session de Clermont-Ferrand, mon ami le
docteur Léon Tripier a communiqué un travail sur les accidents dus à
l'anesthésie par l'éther chez les jeunes sujets ; iJ a montré par trois ob-
servations, et par une série d'expériences, que l'éther amenait dans ces
cas une suspension des mouvements respiratoires.
i Le mémoire i été publié in extenso dans la Gazette hebdomadaire, septembre 1877.
Pr MARDIEL. ACCIDENTS DUS A L'ANESTHÉSIE PAR L'ÉTHER 855
J'ai eu l'occasion d'observer au commencement de cette année un
fait qui se rapproche assez de ceux publiés par M. Léon Tripier pour
qu'il mérite d'être connu.
Observation. Entant de dix ans, nerveux et impressionnable, affecté
d'un phimosis avec adhérences étendues entre le prépuce et le gland ;
rien d'anormal du côté des poumons, ni du côté du cœur. Opération le
6 mars 1877 avec le concours de M. le docteur Bianchi. L'enfant, quj
n'a pris le matin aucun aliment, est endormi doucement: le sac à élher,
tenu d'abord à distance, est rapproché peu à peu, puis appliqué exac-
tement sur la face ; après une courte période d'excitation, l'anesthésie
est complète au bout de cinq à six minutes. Le sommeil est tranquille ;
M. Bianchi, en conduisant l'anesthésie, surveille le pouls et la respiration.
Je procède à l'opération, qui est assez longue : le prépuce coupé, je
constate qu'il adhère au gland dans presque toute son étendue, et je
suis obligé de faire une vraie dissection pour séparer l'un de l'autre.
L'enfant continue à dormir paisiblement. J'excise une partie de la mu-
queuse et je place des serres-fines ; à ce moment, le sac à éther est enlevé,
vingt minutes après le début de l'anesthésie ; il n'était pas du reste
demeuré tout le temps sur la face, mais éloigné à plusieurs reprises, puis
rapproché quand l'enfant semblait près de se réveiller. On donne alors un
dernier coup d'œil au résultat opératoire, on lave soigneusement. Enfin,
cinq minutes après l'écartement définitif du sac à éther, nous nous
apercevons alors que l'enfant, qui avait jusque-là dormi tranquillement
avec une respiration égale et un pouls régulier, ne respire plus. Il est
pâle et décoloré. M. Bianchi et moi prenons chacun un avant-bras, et
ne trouvons pas de pouls à la radiale ; les battements du cœur sont très-
faibles ; les paupières soulevées montrent les yeux absolument fixes et les
pupilles dilatées. Immédiatement nous ouvrons la fenêtre pour donner
de l'air (la pièce était petite), nous pratiquons des pressions méthodiques
sur le thorax, nous jetons de l'eau à la figure de l'enfant, et frappons le
visage et la partie supérieure du thorax avec un linge chargé d'eau
fraîche. Pendant cinq minutes qui nous paraissent mortellement longues,
la respiration ne se rétablit pas. Enfin une ou deux inspirations se font,
et le pouls radial reparaît, très-faible. Nous continuons les pressions
sur le thorax, et au bout de deux ou trois minutes encore, la respira-
tion se rétablit et l'enfant ouvre les yeux : mais il faut encore cinq
minutes pour qu'il reprenne connaissance et se réveille complètement.
Les suites furent très-simples.
Ce fait, comme on le voit, se rapproche de ceux de M. le docteur Tri-
pier par la suspension des mouvements respiratoires avec persistance,
mais affaiblissement des battements du cœur ; il se rapproche surtout de
sa première observation en ce que les accidents se produisirent à la
856 SCIENCES MÉDICALES
fin et que la respiration s'arrêta cinq minutes après la cessation de l'em-
ploi de l'agent anesthésique, après l'écartement définitif du sac à éther.
Il nous frappa d'autant plus, M. Bianchi et moi, que, élevés dans les
idées lyonnaises sur l'innocuité de l'éther, nous avions lu avec quelque
étonnement, six mois auparavant, le travail de M. L. Tripier, et que
nous y vîmes immédiatement la confirmation de ce qu'il avait observé.
Pendant notre internat, alors que nous étions à la Charité de Lyon dans
les services de chirurgie d'enfants, nous avons vu et exécuté de très-
nombreuses anesthésies par l'éther chez des enfants sans jamais obser-
ver le moindre accident et sans en avoir entendu signaler par nos
maîtres.
M. le Dr LE PLE
de Rouen.
LE CAFÉ : HISTOIRE, SCIENCE, HYGIENE.
— Séance du 27 août 1877. —
M, le D' S01JTÏÏEY
de Londres
Médecin ;i l'hôpital Saint-Barthélémy
TRAITEMENT DE L'ANASARQUE GÉNÉRAL PAR UN DRAINAGE CAPILLAIRE
— Séance du 2 7 août 1877. —
L'appareil sur lequel j'appelle votre attention ne peut s'indiquer
comme une invention nouvelle, mais plutôt comme un perfectionnement
dans la fabrication des instruments chirurgicaux.
Les aiguilles de Pravaz et la seringue à injections sous-cutanées
m'ont donné l'idée première, et la perfection apportée à leur fabrica-
tion par les fabricants des tubes capillaires en caoutchouc m'a permis
de la mettre à exécution.
La dernière innovation que j'ai apportée et que je ne considère que
comme une modification très-simple, mais néanmoins très-importante,
consiste dans la perforation de six ou neuf trous latéraux dans chaque
1/ SOUTHEY. — TRAITEMENT DE l'âNASARQUE GÉNÉRAL 857
canule suivant sa longueur, ce qui peut se faire sans diminuer sensi-
blemenl la résistance ou la fore de la canule et présente l'avantage
d'étendre le champ de la succion et de diminuer les risques d'obstruction.
Le troeart et sa canule ensemble sont à peine plus gros qu'une
aiguille à tricoter ordinaire.
Il faut remarquer que chaque canule se termine par un renflement,
ce qui permet de fixer plus fermement le tube en caoutchouc. Les tubes
doivent être essentiellement flexibles et du calibre le plus petit possible.
Cet appareil entier est fait spécialement pour moi, par M. Ferguson,
de Giltspur-Street, Londres, et revient à peu près à 20 francs.
Mode d'emploi. — Le troeart logé dans sa canule est passé dans un
bout du tube capillaire par un petit trou fait presque à son extrémité
et ressort par l'orifice même du tube prêt à être introduit sous la peau.
Troeart et canule, ayant été préalablement nettoyés et huilés avec de
l'huile carbolisée, sont introduits dans le membre hydropique ou le
scrotum dans une direction parallèle à la surface de la peau d'après la
manière ordinaire d'une injection de morphine.
Le troeart retiré par le trou latéral par lequel il a élé passé dans le
calibre du tube de caoutchouc laisse le gros bout de la canule engagé
dans ce dernier de telle façon que le tube, grâce au renflement, peut
être remonté et plus solidement fixé au moyen d'un lil de soie sur la
canule.
Il est vrai qu'il est rarement nécessaire d'attacher le tube, qui tient
suffisamment par sa propre élasticité ; mais l'avantage de l'attache est
de pouvoir lixer sur la peau, au moyen d'un morceau de diachylon, les
deux extrémités du fil et d'empêcher ainsi la canule de se retirer et de
sortir de la peau.
L'autre extrémité du tube, long d'au moins un mètre, peut être diri-
gée dans une cuvette placée sous le lit du malade.
Le liquide hydropique, dans la plupart des cas, commence tout de
suite à suinter goutte à goutte, mais assez rapidement sous l'action
d'une force à la fois capillaire et siphonique; de sorte qu'avec une
canule seulement dans chaque extrémité inférieure, on obtiendra un litre
et demi à trois litres en vingt-quatre heures.
Les avantages de cette méthode de traitement sont nombreux.
La vieille méthode de l'acupuncture, à laquelle, bien malgré nous,
nous avons été fréquemment forcés de recourir en l'absence d'autres
remèdes effectifs pour soulager une extrême souffrance, était un dernier
recours inséparable d'inconvénients et de souffrances presque autant à
redouter que le mal lui-même : d'abord plusieurs ponctions étaient
nécessaires, puis le liquide provenant se perdait dans le lit, les lèvres de
chaque blessure, de même que les membres du malade, étaient conti-
858 SCIENCES MÉDICALES
nuellement trempés dans le liquide hydropique ruisselant qui , conte-
nant en quantité de l'urée et de l'albumine, était rapidement décom-
posé et répandait une odeur infecte, de sorte que le malade était en-
touré d'un liquide nuisible, d'une humidité refroidissante et d'une
atmosphère malsaine, qui s'opposaient à toute guérison et provoquaient
l'érysipèle et d'autres accidents malheureux, à ce point que dans nos
premières expériences à l'hôpital les ulcérations et l'érysipèle étaient
considérés comme les suites presque certaines de l'acupuncture telle
qu'elle était ordinairement pratiquée.
La méthode et l'appareil que je propose permet une propreté absolue,
le liquide coule hors du lit et non dedans, le malade reste sec et
chaud ; actuellement deux petites ponctions suffisent généralement,
au lieu que autrefois il en fallait plusieurs et de bien plus doulou-
reuses.
Le soulagement obtenu est instantané et visible, la quantité de liquide
s'écoulant est facilement contrôlée : car il n'est pas toujours nécessaire,
(même dans certains cas de grande faiblesse, il n'est pas souhaitable)
de retirer à un malade hydropique plusieurs litres d'un liquide con-
tenant en abondance du sérum de sang mélangé à beaucoup d'eau et de
produits urinaires retenus dans le système par le mauvais fonctionne-
ment des reins.
Un arrêt sur le tube de caoutchouc interrompra tout de suite l'écou-
lement, ou bien on peut encore retirer la canule et fermer la plaie
avec un tampon, si cela est nécessaire.
Enfin le dernier , mais non le moindre avantage, est que le sérum
hydropique proprement et entièrement recueilli peut subir l'analyse chi-
mique et être forcé de dévoiler les secrets de sa composition, ce qui peut
dans bien des cas éclaircir des problèmes physiologiques. Ainsi, j'ai pu
constater que, dans un cas d'hydropisie rénale, il s'est écoulé par mon
tube plus d'urée que les reins du malade n'en ont sécrété pendant un
temps équivalent.
Je puis vous renvoyer pour ce sujet à une communication que j'ai
faite tout dernièrement à la Société clinique de Londres et qui sera
bientôt publiée dans son volume de cette année.
Ce fait de pouvoir retirer artificiellement de l'urée du système est d'une
extrême importance au point de vue d'un empoisonnement chronique.
Ce mode de traitement a déjà été employé par moi dans dix cas à
l'hôpital; dans un seul il s'est produit quelque inflammation dans le
voisinage de la canule, chose qui peut être facilement constatée par
l'induration et la rougeur autour de la canule, aussi bien que par la
diminution immédiate d'écoulement. Il n'y a qu'à retirer la canule, et,
après l'avoir désinfectée, la replacer dans un autre endroit.
,, s01 niKV. — TRAITEMENT DE L'ANASARQUE GÉNÉRAL 859
Cas "" ce traitement peut être appliqué avec avantage.
Il es! appliqué avec le plus d'avantage dans les cas où l'hydropisie
provient des reins el des lésions cardiaques; il est moins propre au cas
dos obstructions portai. -s ou hépatiques.
Quand les jambes «lu sujet de l'anasarque sonl bien violacées et pré-
sentent une forte induration, la canule est très-apte à être bouchée par
un caillot de sang ; quand le tissu sous-cutané cellulaire est devenu très-
dur par une pression continue surles veines et les vaisseaux capillaires,
l'élasticité de la peau est tellement détruite qu'il est impossible d'ap-
pliquer ce système ou même tout autre remède chirurgical.
Je puis fortement recommander l'introduction de la canule dans le
scrotum, dans les cas où les parties génitales sont gonflées d'une façon
extrême, l'écoulement dans ce cas ('tant facilité par la nature molle du
tissu cellulaire de fvs parties. Le plus grand soulagement peut suivre peu
d'heures après l'introduction de la canule, mais, dans ce cas spécial, il
ne faut pas laisser la canule plus de trente heures consécutives, même
si cela pouvait paraître nécessaire, car il nous faut éviter l'ulcération
dans cette situation à tout hasard.
Il est de première nécessité d'apporter une attention très-minutieuse
aux précautions antiseptiques, telles que de laver les canules, première-
ment dans l'acide carbolique (ou acide phénique), puis dans de l'eau
bouillante avant de les introduire sous la peau. Enfin il faut les tremper
dans de l'huile carbolisée pour faciliter l'insertion et éviter finalement
toute espèce d'impureté sur la canule.
L'endroit où la canule a été introduite doit être recouvert de ouate
saturée d'une forte solution d'acide carbolique, puis d'une bonne couche
de ouate sèche.
Au moyen de ces précautions dans des cas ordinaires, les canules
d'écoulement peuvent demeurer, sans être changées, deux ou trois et même
sept jours sans provoquer une inflammation quelconque.
Ce qui me fait attacher de l'importance à ce procédé, c'est le soulage-
ment presque immédiat que j'ai vu obtenir dans bien des cas.
Je sais qu'on ne doit pas penser à guérir l'hydropisie par son usage,
mais j'ai l'expérience qu'avec cet appareil, on peut éviter aux malades
de grandes souffrances et quelquefois même reculer indéfiniment le
terme fatal, et je voudrais bien voir mes collègues s'en occuper aussi.
Il ne me reste qu'à vous remercier de votre attention.
Je suis humilié de voir que le traitement médical nous manque
beaucoup, et que celui de la chirurgie est souvent trop peu scienti-
fique; mais nous avançons dans la direction de la physiologie, et cet
appareil, parce qu'il est simple et petit, doit nous aider à découvrir si
860 SCIENCES MÉDICALES
l'urée seforme par les reins, ou si sa formation est répandue dans tout
le système et que ce ne soit que sa séparation qui s'est effectuée par
les reins.
Mais nos expériences sur l'urée et mes propres recherches ne sont pas
encore suffisantes pour me permettre de donner à présent des conclusions.
DISCUSSION.
M. Gibert s'est servi une seule fois de l'appareil de M. Southey et a obtenu
en 24 heures un écoulement de 2 à 3 litres de liquide. Malheureusement l'ap-
plication fut suivie d'un érysipèle phlegmoneux des plus graves ; il est vrai
qu'on n'avait pas eu le soin de recourir aux précautions antiseptiques sur
lesquelles insiste M. Southey à la fin de sa communication. Quoi qu'il en soit,
l'érysipèle guéri, l'infiltration ne s'est pas reproduite et M. Gibert a pu cons-
tater que le soulagement avait été aussi rapide et aussi complet que l'affirme
notre confrère de Londres.
M. Yernelil appuie les derniers conseils de M. Southey et pense aussi que
M. Gibert n'a dû son accident phlegmoneux qu'au manque de précautions
dé>.infecta rites; M. Verneuil est du reste convaincu que toutes les fois qu'il se
produit des accidents de ce genre après des fonctions exploratives et des
injections morphinées, ces accidents doivent être rapportés au défaut de pro-
preté des instruments et à la négligence des mesures de précautions indis-
pensables.
M. le D' GIBERT
LA SCROFULE AU HAVRE H)
(EXTRAIT DU PROr.fcs-VEMIAL.)
— 2iï ao û t 1 87 4. —
M. le Dr Gibert, du Havre, donne communication d'un long mémoire sur
la scrofule au Havre. L'auteur, après quelques considérations générales sur
la scrofule, signale les résultats heureux obtenus à rétablissement de Berck-
sur-^ler, et constatés par le Dr Bergeroii, d'abord en 18(J6 et confirmés depuis
par les médecins de cet établissement. On pourrait conclure de là que la
scrofule doit être très-rare au bord de la mer. On la constate pourtant au
Havre et assez fréquemment. M. Gibert en cherche l'explication d'abord dans
la nature même du sol sur lequel la ville est bâtie, et examinant à ce point
de vue les divers quartiers de la ville, il constate que la mortalité générale
(i) Le mémoire a été publié in extenso dans les Annales d'hygiène et de médecine lé/jaie
t. XL1X, !'<• partie.
Dr GIBERT. LA SCROFULE AU HAVRE 861
est moindre dans les quartiers dont le sol est le plus perméable. Passant
ensuite en revue l'hygiène des logements et celle de la nourriture, l'auteur
insiste en particulier sur l'abus effroyable des boissons alcooliques, qu'il consi-
dère comme la cause la plus active de la scrofule et de la tuberculisation
dans cette ville. L'influence de la syphilis et le défaut de propreté sont enrore
classés parmi les agents producteurs de la scrofule. Examinant enfin l'action
du climat, l'auteur démontre que le Havre a tous les avantages et tous les
inconvénients du climat maritime, variable et humide, avec une moyenne de
168 jours de pluie par année. L'air y est fortement oxygéné et l'hématose y
est très-active. Après ce préambule étiologique, M. Gibert passe en revue les
diverses manifestations de la scrofule qu'il a observées à son dispensaire des
Enfants malades, dans la proportion de 231 enfants scrofuleux sur 1,000 ma-
lades; c'est donc une proportion de 25 0/0; il est bon d'observer toutefois (pie
sur ce chiffre, presque égal à celui de Paris, plus de la moitié ne présentent
que des manifestations cutanées qui ne se rattachent à la scrofule que d'une
manière un peu artificielle et pourraient très-souvent rentrer tout aussi bien
dans le cadre de l'arthritisme ; et pour preuve la fréquence des transforma-
tions des dartres humides en dartres sèches, qui disparaissent elles-mêmes
pour faire place à l'asthme. En revanche, la proportion des lésions osseuses
n'est que de 22 sur 1,000, dont 13 coxalgiques, chiffre plus élevé assurément
de beaucoup que la moyenne générale du Havre. Du reste, cette statistique
est un peu restreinte, et l'auteur ne s'y arrête que pour en tirer cette conclu-
sion, que l'on ne rencontre au Havre que très-rarement la scrofule maligne.
M. Gibert se demande ensuite ce que deviennent ces scrofuleux, et il
démontre, en se basant sur un travail très-complet du Dr Eremond, médecin
major du 129e de ligne, que sur 0,330 inscrits au tirage au Havre, 102 seu-
lement,soit 1.62 0/0, ont été exemptés pour vice scrofuleux, ce qui classe le
Havre avec le Pas-de-Calais dans les départements les mieux partagés au
point de vue de la scrofule. D'où l'auteur tire cette conclusion légitime que
ces enfants scrofuleux guérissent pour la plupart, sauf les cas de transfor-
mation en une autre diathèse, cas assez rares d'ailleurs. Pour rendre cette
conclusion tout à fait probante, il s'est livré à un autre travail statistique
sur les tables de mortalité, par lequel il démontre que les enfants scrofuleux
guérissent pour la plupart et ne meurent pas phlhisiques avant l'âge de
20 ans ; la phthisie scrofuleuse n'étant pas d'ailleurs la forme de tuberculisa-
tion pulmonaire qu'on observe communément au Havre, il est donc en droit
de conclure que le petit nombre d'exemptés militaires, par suite du vice scro-
fuleux, tient, non pas à la transformation de la scrofule en phthisie, mais à la
guérison du scrofuleux sous l'influence de l'air marin. L'auteur examine
ensuite les différents quartiers de la ville au point de vue de la scrofule et
termine son travail par des conclusions qui résument les diverses recherches
exposées ci-dessus. M. Gibert a accompagné son travail d'un plan colorié de
la ville du Havre, donnant une idée exacte de la nature du sol dans les
divers quartiers, et de tableaux statistiques détaillés des causes de la mortalité
de 1869 à 1876.
862 SCIENCES MÉDICALES
DISCUSSION.
M. le Dr Lunier appuie les conclusions de M. Gibert au point de vue de
l'influence énorme de l'alcoolisme comme cause de la scrofule et delà phthisie,
et il fait observer que c'est encore à cette cause qu'il faut se reporter pour
expliquer comment l'arrondissement du Havre se trouve un des plus chargés
au point de vue de la mortalité et de l'aliénation mentale. Ainsi le Havre est
à ce point de vue infiniment plus maltraité que l'ensemble du département,
la Seine-Inférieure n'occupant à ces points de vue que le 42e rang. M. Lunier
confirme aussi l'observation de M. Gibert en ceci que l'asthme s'observe
surtout dans les cantons maritimes, où il y a beaucoup de scrofuleux. L'influence
de l'alcoolisme est aussi très-prononcée dans les Bouehes-du-Rhône, mais ici
on s'enivre avec du vin et du vin généralement naturel, et l'action délétère en
est beaucoup atténuée. M. Lunier fait remarquer que Morlaix présente la même
absence presque complète de scrofuleux à 20 ans, que M. Gibert- a constatée
au Havre.
M. Houzé de l'Aulnoit insiste sur l'influence de l'encombrement comme
cause de scrofules et préconise l'emploi des cheminées comme moyen d'aé-
ration dans les logements d'ouvriers.
M. Maire s'étonne des résultats statistiques donnés par M. Gibert au point
de vue des divers quartiers de la ville, et en particulier de la salubrité supé-
rieure accordée au quartier Saint-François sur le quartier Notre-Dame. La
statistique de M. Gibert ne portant que sur 9 années demandera à ce point
de vue à être complétée et contrôlée.
M. Lunier insiste sur l'influence de l'hérédité au point de vue de l'alcoo-
lisme comme cause de la scrofule. Les enfants scrofuleux deviennent plus
tard phthisiques ; le climat n'est donc pas si mauvais, puisque les scrofuleux
vivent assez longtemps pour voir leur mal se transformer .
M. Lecadre rappelle l'opinion de Laennec, qui donnait à l'encombrement
une prédominance prononcée sur l'alcool au point de vue de la production de
la phthisie. 11 se range à l'avis de M. Gibert en affirmant que la forme scro-
fuleuse de la phthisie est la plus rare au Havre.
M. Bekgeron veut signaler un facteur important qui a été négligé dans
l'étiologie de la scrofule et de la phthisie ; il reconnaît l'action puissante de
l'encombrement et de l'alcool, surtout de l'alcool de betterave ; mais les
grands centres sont aujourd'hui largement aérés, et il importe de ranger au
nombre des causes les plus fréquentes l'hérédité, qui joue ici un rôle prépon-
dérant. Un père scrofuleux ou phthisique engendre des enfants prédisposés aux
mêmes affections; il n'est donc pas étonnant que, les autres causes aidant,
chaque génération voie s'accroître son contingent de scrofuleux et de phthi-
siques.
M. de Bommy, de Neufchâtel, est disposé à accorder à la syphilis une part
importante dans l'étiologie de la scrofule et de la phthisie, le Havre
CODTY. — LA TEMPÉRATURE PEIWPHERIQUE 863
comme tous les ports de mer étant plus facilement infectés par cette affection
que les villes du centre.
M. COTITY
LA TEMPÉRATURE PÉRIPHÉRIQUE, DANS SES VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES
OU PATHOLOGIQUES.
[EXTRAIT.
— Séance il » ?9 août is~~. —
La température périphérique, dans ses variations physiologiques ou patho-
logiques, est encore fort peu connue.
Des expériences indirectes de M. Cl. Bernard, d'Heindenhain et Senator, de
Nounym, etc., font prévoir que, pendant la fièvre, les vaso-moteurs doivent
être paralysés, et les parties périphériques plus chaudes. Mais aucune observa-
tion ne l'a établi directement, et les travaux récents de divers auteurs alle-
mands', de Honkel, de Jacobson, de Butner, etc., etc., ont encore obscurci la
question. Employant des appareils thermo-électriques, trop précis, qui donnent,
une température épidermique et non pas périphérique, ces auteurs ont obtenu,
malgré le petit nombre de leurs observations, des résultats entièrement con-
tradictoires, qu'il serait trop long de discuter ici. Au contraire, M. Couty a pu
constater plusieurs séries de faits entièrement constants, en se servant, pour
obtenir des températures périphériques, d'un procédé moins sujet à diverses
causes d'erreur; du thermomètre placé dans la paume delà main, les doigts
étant fléchis. Ses observations, commencées en janvier 1876 à l'hôpital du Val-
de-Grâce, ont été continuées à l'hôpital Saint-Martin; voici leurs résultats:
M. Couty a pris plus de huit ceilts températures palmaires normales. Dans
une première série d'observations, il a pris chaque matin, toujours à la
même heure, pendant près de trente jours, la température de dix-sept indi-
vidus; et il a conclu que la température palmaire, si elle variait considéra-
blement avec les individus, restait fixe ou à peu près pour chacun d'eux. En
effet, certains sujets avaient constamment à la main de 24IJ à 28°; certains
autres de 34 à 36°5; d'autres encore, de 30 à 35°; mais le même individu
variait toujours entre certaines limites.
Dans une deuxième série d'expériences, M. Couty a comparé la température
de vingt-cinq autres individus, prise successivement à différents moments,
avant ou après les repas, avant ou après le sommeil; et aussi avec des tem-
pératures extérieures variables. Pour quelques-uns, la température palmaire a
varié à peine de quelques dixièmes de degré, dans ces diverses conditions, et
quelquefois sans règle appréciable ; pour le plus grand nombre, il y a eu des
variations de 3 et 4° , toujours dans le même sens, la température augmen-
tant après les repas, étant plus faible le matin après le sommeil, etc.
864 SCIENCES MÉDICALES
Après avoir ainsi étudié quelques-unes des variations physiologiques de la
température palmaire, M. Couty, relativement à ses variations pathologiques,
pose les conclusions suivantes basées sur près de trois mille mensurations.
1° Dans la fièvre, perdant l'acmé, la température de la main et celle de
l'aisselle oui toujours été égales ou à peine différentes de quelques dixièmes de
degré; alors que pendant et après la convalescence, ces températures diffé-
raient de 4 à 10 degrés.
2° Cette tendance à l'égalisation a existé dans toutes les affections fébriles
observées par l'auteur, quel que fût le moment de l'observation : seulement,
dans certaines affections, pneumonie, pleurésie non tuberculeuse, fièvre
typhoïde légère, angine, etc., la chute de la température palmaire a accom-
pagné ou même précédé souvent de plusieurs jours la déffervescence axillaire.
Au contraire, dans le rhumatisme articulaire, l'érysipèle, la rougeole, plusieurs
jours après que la température axillaire était tombée à 37", la température
palmaire oscillait encore de 3o°5 à 35°, et la tendance à l'égalisation persis-
tait. Les vaso-moteurs périphériques paraissent donc plus profondément modi-
fiés dans ces dernières affections à manifestations extérieures et dont les
lésions siègent sur la peau.
D'autres mensurations thermométriques ont été faites en d'autres points,
pieds, urèthre ; quoique bien moins nombreuses, elles suffisent pour montrer
que ces parties périphériques se comportent comme la main. Leur tempéra-
ture, pendant la fièvre, se rapprochait de la température axillaire; seulement
l'égalisation a été moins complète et moins durable. En résumé, pour toutes
les affections fébriles, l'augmentation de chaleur est plus considérable dans les
parties périphériques, et la température tend à s'égaliser dans toutes les parties
du corps, comme l'avait prévu .Al. Marey, et comme Schiff, M. Yulpian, l'ont
constaté dans quelques expériences.
Il ne faut pas oublier, du reste, qu'une foule de conditions intercurrentes:
troubles nerveux, délire, vomissements, frissons, ou médication vésicatoire, etc.,
peuvent, comme M. Couty l'a constaté plusieurs fois, modifier les phé-
nomènes indiqués plus haut, et rendre les tracés irréguliers : mais il n'en
ressort pas moins de tous ces faits que la température périphérique, normale
ou pathologique, dépend de conditions précises que l'on peut déterminer.
DISCUSSION.
M. Potain s'informe si M. Couty a fait porter ses expériences sur des
femmes hystériques ; il aurait remarqué alors que, pendant les crises, la tem-
pérature s'élève aux extrémités jusqu'à atteindre celle des parties centrales;
mais cette élévation de température ne persiste que peu de temps.
M. Couty n'a pas eu occasion d'expérimenter sur les hystériques; il a
remarqué que certains sujets avaient toujours les mains chaudes, soit à 35°
ou 36° et même au-delà, au lieu de 28 à 32, qui est la température la plus
ordinaire.
Ur DERO. — Al lln\ PHYSIOLOGIQUE ET PATHOLOGIQUE DU PETROLE 865
M. le D' J. DERO
Médecin à L'Hôpital du Havre.
DE L'ACTION PHYSIOLOGIQUE ET PATHOLOGIQUE DU PÉTROLE.
— Séance du 27 août 18T7. —
Le pétrole est une substance dont l'emploi devient chaque année d
plus en plus considérable ; l'éclairage, la peinture eu utilisent une grande
partie. Aussi j'ai cru qu'il ne serait pas sans intérêt de chercher à déter-
miner quelle influence ce produit pouvait avoir sur l'organisme.
Observations. — Le •'» janvier IN7-2 on amena à ma consultation à
l'hôpital, le nommé X...., Agé de 30 ans. 11 était seulement soutirant depuis
quelques jours, mais les actes désordonnés de ce malade donnaient à la famille
la plus vive inquiétude et lui taisaient craindre un commencement de folie.
Tout, chezX..., paraissait au premier aspect confirmer cette opinion. La figure
contusionnée en plusieurs endroits, l'œil hagard, à. pupille largement dilatée,
une parole tantôt brève, tantôt lente, dénotaient, en effet, des désordres du
côté des centres nerveux.
La famille m'affirme que le malade est très-sobre ; il fut pris, il y a trois
jours seulement, durant la nuit, d'un accès de fureur au milieu duquel ne
reconnaissant personne, il se jetait par terre et faisait les mouvements les
plus extravagants.
Sur le billet d'entrée, j'inscrivis délire alcoolique, et je le tis placer au
n° 13 de la salle Saint-Augustin.
Le lendemain matin, je trouvais plus de calme, il y avait manque 'd'appé-
tit avec constipation opiniâtre, la langue était recouverte d'un enduit épais,
jaunâtre, le pouls et la température cutanée n'avaient rien d'anormal.
Le sommeil de la nuit, comme celui des nuits précédentes, avait été fré-
quemment interrompu ; des rêves affreux tourmentaient continuellement ce
malade : à peine avait-il fermé les paupières, que des fantômes, des figures
grimaçantes venaient le menacer; à d'autres moments, il se voyait rouler au
fond de précipices
Au réveil, resserrement de la tête vers les tempes, elle se sentait prise
comme dans un étau, pupilles toujours très-dilatées.
X... répond avec précision aux questions qui lui sont posées, il n'a pas
fait d'excès depuis longtemps, et a toujours été d'une grande sobriété; il
attribue ses accidents au pétrole raffiné.
Comme commis, il est souvent obligé d'aider les ouvriers qui transvasent ce
liquide et au bout d'un certain temps, il lui est arrivé de se trouver surexcité,
comme ivre. Les derniers accidents dont il a été victime, il y a trois jours,
55
866 SCIENCES MÉDICALES
auraient été, selon lui, occasionnés par les vapeurs provenant d'une lampe
remplie de pétrole, restée éteinte la nuit dans sa chambre.
Je prescrivis un éméto-cathartique, une potion laudanisée et, le soir, une
pilule d'opium de 0gr05 ; la nuit fut plus calme. Les jours suivants,
j'augmentai successivement les doses opiacées et une amélioration rapide se
manifesta ; l'appétit reparut, les rêves s'éloignèrent pour faire place à un som-
meil calme et tranquille; bref, au bout de quinze jours X... sortit de l'hôpital
parfaitement guéri.
Pendant plusieurs années, j'ai suivi ce malade ; les personnes qui le con-
naissent, et moi-même, nous n'avons pu que constater la sobriété et la
régularité de sa- vie.
D'un seul fait bien observé, il est certainement possible d'arriver à des
conclusions exactes et précises, mais si ce fait se trouve isolé et n'a pas
pour appui l'expérience, il reste toujours dans l'esprit un certain doute
qu'il est difficile d'écarter. J'ai donc, profitant de la voie qui m'était
ouverte et sur laquelle j'avais d'abord été conduit, fait de nouvelles
recherches.
Au Havre, cela m'a été facile ; il y arrive chaque année, des divers
ports de l'Amérique du Nord, des quantités considérables de pétrole. Ce
liquide, renfermé dans des barils de bois de grandeur moyenne, est
transporté par des navires de petit tonnage, qui depuis les incendies
terribles dont le port a été le théâtre, se trouvent réunis et isolés à leur
arrivée dans le petit bassin de la Floride. Les navires sont toujours à
voiles, et c'est ordinairement pendant l'hiver que la plupart des trans-
ports ont lieu afin d'éviter une déperdition , résultat d'évaporation tou-
jours produite par une température élevée.
Ces navires présentent dans le même chargement , soit du pétrole
brut et du pétrole raffiné, soit le plus ordinairement un seul de ses
produits.
Le navire amarré à quai, des escouades d'arrimeurs, plus ou moins
nombreuses, selon l'importance du tonnage, font le déchargement.
La trappe du bâtiment écartée, on établit au-dessus d'elle une poulie
sur laquelle passe une corde s'enroulant d'un bout sur un treuil que des
hommes font mouvoir et portant à l'autre extrémité deux crampons de
fer, qu'un homme descendu dans la cale accroche aux deux bouts d'une
barrique, qui, à un signal donné, est entraînée sur le pont d'où on la
roule vers le quai.
Les barriques, disposées par étages et soutenues par des morceaux de
bois, sont ainsi enlevées successivement; leur déchargement dure quel-
quefois' plusieurs jours.
Lorsque la température est basse et que le chargement ne comprend
que du pétiole brut, l'homme qui doit accrocher les barriques peut
D'DBRO. — àCTÎO» PHYSIOLOGIQUl ET PATHOLOGIQUE DU PÉTROLE 861
continuer son travail durant plusieurs h. Mires sans éprouver autre chose
que do la fatigue.
Si le chargement a été l'ait avec de l'essence el que la température
se trouve élevée, l'air de la cale ne tarde pas à se charger de vapeur de
pétrole pouvant s'enflammer au contact de la moindre étincelle. La ven-
tilation renouvelle difficilement cette atmosphère.
Les ouvriers qui descendent en ce moment dans la cale sont gênés
par une odeur désagréable de pétrole, ils éprouvent des tintements, des
bourdonnements d'oreille, et si leur sensibilité se trouve un peu déve-
loppée, ils tombent en syncope ou sont pris de crises nerveuses plus
ou moins intenses. Les hommes qui ont l'habitude de boire sentent sur-
tout l'air leur manquer et éprouvent une sorte de suffocation. D'une
autre part on n'observe aucune irritation du côté des muqueuses, tant
des yeux que des voies respiratoires. Ces accidents se manifestent surtout
au début d'un déchargement ou chez les personnes qui en font le
métier pour la première fois; mais malgré l'habitude, si la température
est très-élevée ou si la ventilation n'a pas été établie, il est difficile au\
ouvriers de continuel leur travail. Ces premières impressions passées, il
nous est arrivé de constater chez l'arrimeur qui continue à respirer l'air
chargé de vapeur de pétrole, une série de symptômes que l'on pourrait
partager en deux, périodes parfaitement distinctes.
Dans la première, au bout de quelques minutes, l'ouvrier commence
par mal accrocher ses barils, il mai» lie tout de travers et ne répond
que d'une manière indirecte aux questions qui lui sont posées ; bientôt
tous les mouvements deviennent désordonnés, le patient s'agite, sa
parole et ses actes ressemblent à ceux d'un homme ivre, finalement sa
parole s'arrête et, en proie à des convulsions violentes, il tombe par terre,
privé de connaissance. A cette agitation succède un calme relatif; la
contraction des muscles des bras et des jambes disparaît successi-
vement et fait place à une résolution complète, l'ouvrier reste alors
dans l'immobilité la plus absolue et ses membres relevés tombent et res-
tent inertes à côté de lui; il n'y a plus de sensibilité ni de mouvement.
A l'air libre, le mouvement et la connaissance finissent par reparaître
dans l'ordre inverse de leur disparition au bout de 10 à 20 mi-
nutes.
Ordinairement aux premiers symptômes qui se montrent, l'ouvrier est
hissé sur le pont, là après quelques instants de repos il .se remet au tra-
vail pendant que l'un de ses camarades descend prendre sa place. Si
les accidents ont été plus prononcés, ce repos est plus long et quelque-
fois le travail n'est continué qu'après quelques heures, mais en général
il n'en reste aucune trace. Ce n'est qu'après les crises violentes, lorsque
la face a été congestionnée, les membres fortement convulsés, que le
868 SCIENCES MEDICALES
patient est sujet à des bâillements, à un malaise, à une sorte d'énerva-
tion avec resserrement aux tempes et à la mâchoire inférieure, qui durent
ordinairement tout une journée.
Le pétrole introduit dans l'estomac peut-il produire des lésions graves
et déterminer la mort ? Si l'on tenait compte des quelques observations
publiées et ayant rapport à ce sujet, on répondrait presque hardiment
par l'affirmative. Un seul l'ait de ce genre est arrivé à notre connais-
sance, il nous a été donné de l'observer dans le service de M. le Dr
Denouette.
Observation. — En 187 i, on amena dans une des salles du I)r Denouette
une jeune tille du quartier Sainl-Franeois : prise de désespoir, elle avait avalé,
voulant s'ôter la vie, le contenu de sa lampe, environ un grand verre et demi
de pétrole. Après cet acte, malaise, nausées, vomissements, évacuations alvines
survinrent dans l'ordre que je viens d'indiquer. Les voisins prévenus la trou-
vèrent absorbée, ils la tirent transporter à l'hôpital où elle ne tarda pas à reprendre
connaissance.
Pendant plusieurs jours les matières fécales conservèrent une forte odeur
de pétrole, mais on ne constata aucune lésion, ni irritation du côté du tube
intestinal.
La convalescence fut de courte durée et la malade sortit parfaitement
rétablie .
Le pétrole, comme on le sait, a été employé avec succès au traitement
de la gale : il rendrait, j'en suis persuadé, si ce n'était son odeur désa-
gréable, les plus grands services dans le pansement des plaies. Les
barils de pétrole, comme je l'ai exposé plus haut, sont à leur décharge-
ment rangés sur le quai ; là des tonneliers défoncent quelques-uns de
ces barils pour y puiser du pétrole afin de combler le vide qui existe
dans les autres fûts. Ces hommes, dont les bras sont plongés quelque-
fois jusqu'au coude dans le liquide et pendant des journées entières,
ne présentent à la peau aucune trace d'irritation, au contraire, celle-ci
reste souple, lisse ; les gerçures, les boutons s'il y en a disparaissent
rapidement et des plaies des écorchures anciennes mises au contact
du pétrole, ne sont non-seulement le siège d'aucune douleur ni d'irri-
tation, mais leur surface ne tarde pas à devenir rosée et d'un bel aspect.
La suppuration est presque nulle et en quelques jours elles se trouvent
couvertes de cicatrices parfaitement régulières. Voilà, messieurs, l'en-
semble des faits très-brièvement résumés, sur lesquels nous avons voulu
pour un instant l'attention du médecin et de l'hygiéniste.
h' PIEUZAL. — LA BLÉPHARORAPHIE ET LA RLÉPHAROPLASTIE 869
M. le D1 FIEÏÏZAL
irédecin <-n chef il>- l hôpital des Quinze-Vingts.
LA BLÉPHARORAPHIE ET LA BLÉPHAROPLASTIE DANS LES CAS
D'ECTROPION INVÉTÉRÉ.
i \ i H il I ni PROCI S-VERB IL.
— Séance >/« £7 unùt 1877. —
M. Fieuzai compare la blépharoraphie et la blépharoplastie dans les cas
(l'ectropion invétéré. Il rappelle d'abord que M. Verneuil a soumis à la Société
de chirurgie un malade qu'il avait opéré par la tarsoraphie, avec plein succès,
d'un double ectropion datant de l'enfance. Le procédé opératoire préconisé par
M. Verneuil fut généralement approuve, niais trouva pourtant quelques con-
tradicteurs, MM. Tillaux, Panas, et M. Fieuzai est assez disposé à se ranger
du côté de ces derniers ; son expérience personnelle le porte à penser que la
tarsoraphie sera le plus souvent insuffisante et qu'on sera plus tard obligé de
recourir à la blépharoplastie et à la greffe épidermique. L'auteur appuie son
opinion sur cinq cas de sa pratique sur lesquels il donne quelques rapides détails
et dans lesquels la tarsoraphie a échoué à plusieurs reprises, en sorte qu'il
a été obligé de recourir à la blépharoplastie. Chez un de ses malades, il s'est
trouvé très-bien de s'aider de la suture de Snellen.
DISCUSSION.
M. Verneuil s'étonne de voir des insuccès par la tarsoraphie, qui lui a
toujours réussi à lui. Depuis plusieurs années il n'emploie que ce procède, et
il ne lui a donné que des succès, jamais un fil n'a manqué; il a soin, il est
vrai, d'éviter tout tiraillement. M. Reclus a été témoin de plusieurs de ces
opérations. La dernière, en particulier, a été pratiquée pour un effroyable
ectropion double, et jusqu'à présent le succès est magnifique ; sera-t-il per-
manent, tout porte à le croire, car généralement après un mois on peut déjà
présager le succès. — La tarsoraphie simple est, pour M. Verneuil, une opé-
ration si innocente et si efficace, qu'il se fait un cas de conscience de toujours
commencer par là. Les greffes épidermiques peuvent rendre des services, mais
il n'a jamais eu besoin d'y recourir. Il a vu des plaies énormes produites par
l'opération guérir en 13 à 20 jours ; il n'a donc pas eu besoin de chercher
autre chose, et il affirme que jamais la tarsoraphie ne lui a donné que de
magnifiques résultats, sans qu'il puisse pourtant pour cela répondre de l'avenir.
M. Fiel'zal persiste à repousser la tarsoraphie comme insuffisante et comme
exposant à des accidents inflammatoires.
M. Verneuil résume sa manière de voir en concluant que pour lui la blé-
pharoplastie est une opération incertaine, dangereuse, et presque toujours inu-
tile, qu'en conséquence il l'a complètement abandonnée. Il affirme aussi que la
870 SCIENCES MÉDICALES
tarsoraphie ne lui a jamais donné d'accidents inflammatoires; il est vrai qu'il
s'arrange toujours de manière à n'avoir jamais de tiraillement.
M. Brière demande la parole pour signaler les services que lui a rendus la
méthode de Snellen dans des cas d'ectropion sénile simple, sans autre manuel
opératoire. Cette méthode agit en réduisant la luxation du tarse, et cette
réduction se maintient permanente, si l'on a soin de passer les fils à une
profondeur suffisante et de les laisser en place au moins trois semaines, de
manière à avoir ainsi des brides cicatricielles profondes maintenant la réduction.
M. A. EAYRE
Uédecin consultant de la Compagnie H.-I..-M., à Lyon.
RECHERCHES CLINIQUES SUR LE DALTONISME.
ÉLÉMENTS DE STATISTIQUE
— Séance du 27 août IH77. —
Beaucoup de personnes sont en désaccord avec le plus grand nombre
sur la dénomination des objets colorés. Ces 'divergences ont sans doute
existé de tout temps, et peut-être ont-elles été constatées par le proverbe:
« Des goûts et des couleurs, il ne faut pas disputer. »
L'auteur de l'article « Couleurs » du Dictionnaire encyclopédique du
kviii* siècle faisait évidemment allusion à la fausse appréciation des cou-
leurs quand il écrivait, p. 327, édition de Neufchâtel :
« Tous les hommes voient-ils les objets de la même couleur ? Il y a
» apparence que oui; cependant on ne démontrera jamais, que ce que
» j'appelle rouge ne soit pas vert pour un autre. Il est vraisemblable que
» le même objet ne paraît pas à tous les hommes d'une couleur égale-
j> ment vive et également grande. »
Le même auteur, contrairement à l'opinion d'Aristote, semble admettre
que la couleur des objets dépend de l'observateur. — Il avait évidem-
ment rencontré des dissidences sur l'appréciation des couleurs et il était
embarrassé pour exprimer son avis à cet égard.
La couleur est un caractère d'unegrande importance pour tous les objets
qui tombent sous nos sens, et qu'il s'agisse de déterminer des corps
appartenant au règne minéral, au règne végéta] ou au règne animal,
et des objets en dehors de nôtre planète, aussi bien (pie des produits
de l'industrie de l'homme, il est rare que la couleur n'intervienne pas à
titre de désignation spéciale.
J'ai fait connaître par des publications récentes quelques-unes des
raisons pour lesquelles il m'a paru être indispensable que l'accord s'é-
1/ A. FAVRE. — RECHERCHES CLINIQUES SUR LE DALTONISME <S" I
ta! «lit entre les hommes au moins pour les couleurs fondamentales. Il
tant (jue ceux qui sont en dissidence admettent l'infériorité de leur juge-
ment; il faut qu'ils acceptent, je ne dirai pas, leur condamnation, puis-
que j'ai prouvé qu'ils peuvent être guéris, mais l'assurance que leur vue
est défectueuse en ce qui touche les couleurs et que s'ils ont besoin d'é-
tablir des distinctions entre les objets colorés, ils doivent s'en rapporter
aux personnes dont la vue est normale, ou réformer leur jugement, ce
qu'ils pourront faire le plus souvent avec une très-grande facilité.
Les évaluations du nombre relatif des daltoniens, pour diverses raisons
que nous ne rechercherons pas aujourd'hui, ont présenté de très-grandes
variations.
Il serait facile, par les chiffres que nous allons donner, d'apprécier
l'étendue du mal que nous nous efforçons de combattre.
Les principales statistiques reproduites parles auteurs et particulière-
ment par le professeur Dor sont les suivantes :
Dalton admettait la proportion de 8 à 12 0/0.
Kelland, sur 150 étudiants, en a trouvé 3 qui ne pouvaient pas distin-
guer le rouge du vert.
Seebeck, au Gymnase de Berlin, a trouvé 5 daltoniens sur 100 élèves.
Georges Wilson, sur 1,154 hommes, a trouvé 65 daltoniens, soit 5,000/0
ou 1 sur 17,7. Cette proportion est admise par Helmholtz [Oplitjue
physiologique, trad. de Javal), dans le chapitre XX si justement qualifié
d'admirable par de Wecker.
Pierre Prévost admet la moyenne de 1 sur 20, 5 0/0.
Goubert présente la même évaluation soit 1 sur 20 à 25.
Dor, dans son mémoire de 1872, donne les chiffres suivants : 800 hom-
mes, 40 daltonieus, soit 4,65 0/0 ou 1 sur 21,5 ; 611 femmes, 5 dalto-
niennes, soit 0,82 0/0 ou 1 sur 122.
Le même auteur nous communique les résultats d'une visite faite, au
mois d'avril 1877, au Lycée de Lyon.
Sur 1,016 élèves il a trouvé 16 daltoniens affectés de la confusion du
rouge et du verl.
J'ai depuis 1855 visité près de 5,000 candidats au chemin île fer, re-
fusé plus de 50 daltoniens pour l'ignorance du rouge, mais je n'ai pas
conservé des notes très-exactes sur mes premières années d'exercice.
De 1855 à 1864, le chiffre de 8 daltoniens, dont j'ai noté l'exclusion,
n'est pas en rapport avec le nombre des visites que j'ai faites.
De 1864 à 1872, sur 1 ,196 candidats j'ai refusé 14 daltoniens. De mai
1873 au 24 juillet 1875, mes examens ont été plus rigoureux et j'ai note
les erreurs et les hésitations sur une ou plusieurs des 5 couleurs élémen-
taires. Sur 1,050 candidats, 98 ont présenté des erreurs ou des hésita-
tions. 10 candidats seulement ont été refusés pour l'ignorance du rouge.
872 SCIENCES MÉDICALES
Depuis 1875 la nouvelle série que j'ai relevée comprend près de 600
examens; elle trouvera sa place dans un autre mémoire.
728 hommes déjà employés et appartenant à la gare de Perrache ou
au service des trains ont été examinés en 1872 et en 1873. Plus du
tiers d'entre eux avait déjà subi la visite des couleurs, elles éliminations
pour le ronge avaient été faites. 42 ont présenté des erreurs ou des
hésitations réitérées. Sur 224 conducteurs visités par M. Git, chef de
train principal, et par moi, 14 ont offert les caractères du daltonisme
confirmé.
Le docteur Mouraud, sur 200 hommes de la gare de Lyon-Vaise, a
trouvé 7 daltoniens. Mon collègue, sans doute, n'a tenu compte que des
cas bien accentués.
En 1874, j'ai visité 75 employés de bureau, et j'ai trouvé parmi eux
4 chromatopseudopses.
La même année, à l'usine à gaz de Perrache, sur 65 chauffeurs, j'ai
trouvé 24 daltoniens.
A l'atelier d'OulHns, sur 148 forgerons frappeurs ou peintres que j'ai
examinés le 13 août 1877, 82 ont dénommé les cinq couleurs élé-
mentaires sans erreur et sans hésitation ; 56 se sont trompés ou ont
hésité.
Le 7 mai 1877, j'ai, avec M. le docteur Blanchi, médecin de l'école
vétérinaire de Lyon, et en présence de M. Roux, surveillant en chef,
visité 155 élèves ; nous avons constaté des erreurs ou de l'hésitation
chez 19 d'entre eux.
268 sous-officiers, caporaux et soldats du 16e de ligne examinés par
M. le capitaine Bellecour et par moi, ont présenté 105 daltoniens.
138 hommes des 22e, 23'' et 09e de ligne, examinés par M. Paul
(iuillot, 37 daltoniens.
M. le lieutenant Gallet, du 26e d'artillerie, en garnison au Mans,
a trouvé sur 116 jeunes soldats qu'il a questionnés sur les cou-
leurs, avec M. le docteur Vernial, médecin aide-major, 32 hommes qui
ont commis des erreurs ou des hésitations sur une échelle chromatique
de 15 échantillons.
132 hommes du train des équipages du 26e d'artillerie, en garnison à
Versailles, examinés par M. Lautheaume, sous-liéutenant, ont présenté
40 daltoniens.
La moyenne chez les jeunes soldats de cette série de 654 hommes a
été de 32,72 0/0.
Le docteur Féris nous a communiqué récemment une statistique por-
tant sur 775 examens qu'il a faits à Lorient ou en mer ; il a visité :
Dr a. FÂVRE. — RECHERCHES CLINIQUES SUR LE DALTONISME 873
Officiers de marine 24
Matelots de la division de Lorienl 252
Hôpitaux maritimes de Lorient
Equipage de l'Euménide
— de VHamelin 1*78
— du Bisson ^ f
165
i c»
Dans ce nombre, il a trouvé 75 daltoniens -, de ces 75 infirmes,
ajoute-t-il, 19 confondent absolument le rouge et le vert.
La moyenne de cette série de marins est d'environ 10 0/0;
Et la moyenne des différentes séries d'hommes adultes que nous avons
énumérées serait de 1(5,0'! 0/0.
Ces résultats doivent beaucoup varier suivant un grand nombre de
circonstances que nous examinerons plus tard; mais nous pouvons
assurer dès maintenant que la moyenne des daltoniens dépasse 10 0/0
chez les hommes adultes.
Nous avons examiné très-peu de femmes adultes, à cause des difficul-
tés que présente un tel examen, mais surtout parce que la plupart des
personnes du sexe féminin arrivent facilement à la notion exacte des
couleurs, qu'elles ne se livrent pas aux professions où l'ignorance des
couleurs offre des dangers, et que par cela même elles ne nous inté-
ressent pas plus au point de vue industriel qu'au point de vue médical.
1054 enfants appartenant à 10 écoles de garçons ont présenté "254 éco-
liers qui se sont trompés ou qui ont hésité sur une ou plusieurs couleurs
élémentaires, soit une proportion de "21,09 0/0 ou 1 sur 4,15.
Sur 280 tilles dans 4 écoles (3 écoles de Lyon, 1 de Paris), nous
n'avons trouvé que 8 enfants qui aient offert des erreurs peu graves,
soit 3,39 0/0 ou 1 sur 29,50.
Dans les salles d'asile et dans les écoles enfantines le nombre des
erreurs est aussi grand chez les petites tilles que chez les petits garçons.
Nous pouvons citer à l'appui de cette assertion ce que nous avons ob-
servé à l'asile de Mlle Dassin, cours Lafayette, 8, à Lyon ; dans la classe
enfantine de Mme Cousin, rue Milton, à Paris, et à l'école de Mlle Métrot,
à Montchat, où, sur 50 élèves de 4 à 11 ans, 30 n'avaient aucune
notion des couleurs.
Le 10, le 12, le 17 mars et le 5 août 1875, grâce à l'obligeance de
nos collègues MM. P. Meynet et Perroud, nous avons pu visiter poul-
ies couleurs à l'hospice de la Charité, 223 vieillards : 104 hommes et
119 femmes. L'espace dont nous disposons aujourd'hui ne suffirait pas
pour faire une analyse convenable de cette très-intéressante série, qui
874 SCIENCES MÉDICALES
nous donna La meilleure confirmation de ce que nous avons observé
dans les écoles.
Les 104 vieillards âgés de 70 à 96 ans avaient appartenu à 40 pro-
fessions différentes. 32 avaient exercé des métiers où la notion exacte
des couleurs est indispensable ou très-utile ; les 72 autres avaient exercé
des états où la notion des couleurs n'offre pas d'importance: 79 ont très-
bien dénommé les couleurs.
2o, dont quelques-uns étaient affectés d'un grand affaiblissement delà
vue, ont fait des erreurs que j'ai classées ainsi qu'il suit :
13 se sont trompés sur le violet :
2 sur le violet et le bleu, ;
1 sur le bleu ;
2 sur le violet, le bleu et le vert :
2 sur le jaune :
1 sur le jaune, le vert et le violet :
2 sur le vert :
1 sur le jaune et le vert ;
1 sur le rouge et le vert :
Le violet a été cause d'erreur 18 fois ;
Le bleu — ô fois ;
Le vert — 7 fois ;
Le jaune — 4 fois ;
Le rouge — 1 fois ;
Des 119 femmes âgées de 70 à 98 ans, appartenant à 24 professions
différentes, 96 ont exercé des métiers où la notion exacte des couleurs
est indispensable ou très-utile ; pour les 23 autres, cette connaissance
n'avait pas d'importance.
110 ont dénommé les 5 couleurs fondamentales sans erreur et sans
hésitation.
Quatrese sonttrompéessur le violet; l'une d'elles qui a la vue mauvaise
depuis 20 ans a dit le violet gris; la deuxième, une marchande d'allu-
mettes âgée de Ko ans, n'a pas connu le violet, et a dit que cette couleur
n'est ni rouge ni bleue: la troisième a dit le violet, rouge ou marron;
une quatrième n'a pas pu dénommer ieviolet. Les o autres ont présenté
simplement de l'hésitation sur le violet. Nous n'avons donc observé sur
ces 119 femmes aucune erreur grave.
Par une lettre datée d'Alger, 26 décembre 1875, M. le comte deLaR.
me fait connaître les résultats de 693 visites faites par lui dans différentes
villes de l'Algérie.
Sur 203 Kabyles il a trouvé -'> cas de daltonisme.
Sur 161 .Mamvs 5 cas.
Sur 9o Biskris 4 cas.
D' A. PAVRE. — RECHERI HES CLINIQUES SIR LE DALTONISME 875
Sur (SI Nègres 1 cas.
Sur 2-'! Juifs 4 cas.
Sur lo Espagnols 0 cas.
Sur 62 Italiens I cas.
Sur lo Mozabites 0 cas.
Sur 11 Maltais 1 cas.
Sur 8 Tunisiens 0 cas.
Sur 19 Européens 1 cas.
Soit 19 cas sur 693 examens, ou 2,75 0/0.
Les notes de M. de La R. ont été prises avec le plus grand soin et
nous devons citer entre autres curieuses observations celle d'un Biskri,
qui voyait le rouge, le violet et le bleu clair, unir. On lui vendit un
turban rouge qu'il refusa comme noir.
Comment expliquerons-nous cette faible proportion de daltoniens chez
des individus moins cultivés intellectuellement parlant que les Européens?
ne devons-nous pas supposer que la pureté du ciel, la couleur du pay-
sage, l'usage des couleurs vives pour le vêtement, les harnais des che-
vaux et sans doute dans les habitations, forment dans ces pays du soleil
le sens chromatique chez un plus grand nombre de personnes? —
M. Ste-M.-P. a, en 1874, examiné pour les couleurs à La Barre, près
Saint-Louis du Sénégal, 60 hommes et 20 femmes, Yoloffs, Peuhls,
Maures ou Toutcouleurs. Les individus ont été interrogés dans leur
langue :
Le rouye a été connu par tous.
Le jaune a été l'objetd'un grand nombre d'erreurs, aussi bien chez les
femmes que chez les hommes.
Le vert a été connu par les deux tiers environ.
Le .bleu a été connu par presque tous très-bien ; 3 seulement l'ont
dit noir.
Le violet n'a été connu par aucun ; la plupart ont répondu en riant ;
<( très -jolie couleur. »
M. J. P., employé colonial des lignes télégraphiques au Sénégal, à
examiné avec le plus grand soin 19 hommes et 20 femmes à la Barre el
à Richard-Toll.
Parmi les 19 hommes se trouvaient 11 Yoloffs, o Peuhls, 2 Bambacas
et un Maure.
Le rouye a été connu par 19.
he jaune — — — 12.
Le vert — — — 13.
Le bleu — — — J<>-
Le violet — — — 4.
NTO SCIENCES MÉDICALES
Sur les 20 femmes l'on comptait 40 Yolotfs. 5 Toutcouleurs, 3 Maures
et 2 Bambacas.
Le rouge était connu par 20.
Le jaune — — — 7.
Le vert — — — 10.
Le bleu — — — 14.
Le violet — — — I.
Contrairement à ce que nous avons observé partout en Europe, les
hommes ont sur les femmes au Sénégal un avantage marqué pour
la notion des couleurs. Il serait sans doute facile de trouver l'explication
de ce fait dans les habitudes des deux sexes dans cette colonie.
Le rouge est connu par tous, le bleu presque par tous. Ne pourrait-
on pas croire que ce fait résulte de l'impression produite sur les indi-
gènes par les couleurs du drapeau de la métropole?
Nous bornons aujourd'hui cette étude à rémunération rapide qui
précède ; mais il nous sera facile de montrer les conséquences qui dé-
coulent de ces faits pour la pratique, d'autant plus que nos documents
sont accompagnés de notes nombreuses et très-circonstanciées.
Le nombre des daltoniens est donc très-considérable chez les enfants,
les adultes et les vieillards du sexe masculin; il est nécessaire de com-
prendre parmi eux ceux qui hésitent ;i dénommer convenablement une
ou plusieurs des couleurs élémentaires; parce que, dans un grand nom-
bre de circonstances importantes, l'hésitation peut avoir des conséquences
graves, et en second lieu parce que ceux, qui hésitent ont besoin de
soins, souvent pendant plus longtemps même que ceux qui se trompent
complètement.
Ailleurs nous avons démontré par de très- nombreux exemples la cu-
rabilité du daltonisme chez les enfants et chez les adultes, et si les
mesures que nous réclamons sont adoptées : Introduction des examens
H des exercices sur les couleurs, dans les écoles/la marine, les chemins
de fer. l'armée, les ateliers, il deviendra bientôt impossible de dresser
une statistique telle que celle que nous présentons aujourd'hui.
MARCHAND, — DE LA COMPOSITION DE CERTAINS LAITS DE FEMMES 877
M. le D' LAOOLT
SUR LES ANOMALIES DE LA REFRACTION (1
— Séance >t u i7 août 1877. —
M. Charles MARCHAND
Pharmacien A Fécamp.
DE LA COMPOSITION ANORMALE QUE PEUVENT PRÉSENTER CERTAINS LAITS
DE FEMMES; DE LEUR INFLUENCE
SUR L'ALIMENTATION DU NOUVEAU-NÉ ET DES MOYENS D'Y REMÉDIER.
— Séance dv 27 août 18*
Messieurs,
Je ne viens pas aujourd'hui taire devant vous une étude complète du
lait de femme ; cette question importante est beaucoup trop vaste et de-
manderait pour être bien traitée un temps fort long. Je viens donc seule-
ment vous entretenir d'un point particulier de la question, je veux
parler « de la composition anormale que peuvent présenter certains laits
de femmes, de leur influence sur l'alimentation du nouveau-né et des
moyens d'y remédier. »
Il résulte des nombreuses analyses que j'ai faites de ce liquide alimen-
taire sur des femmes appartenant aux diverses classes de la société,
habitant la campagne ou les centres populeux, d'âge et de constitution
différents, que sa composition moyenne peut se formuler de lamanière
suivante :
Beurre 36.79
Lactine 71.10
Matières protéiques . 17 . 05
Sels 2.04
Eau 873.02
1000.00
Si nous comparons ces chiffres à ceux fournis par certains auteurs,
(1) Le mémoire in extenso a paru dans la Gazette hebdomadaire, octobre 187".
<S7S SCIENCES MÉDICALES
nous remarquons un fait capital d'une importance majeure, je veux parler
de la proportion de la lactine. Celte proportion énorme n'est rependant
pas exagérée, et je ne crains pas d'affirmer qu'en admettant une richesse
en lactine égale et dans le lait de vache et dans le lait de femme, l'on
commet une grande hérésie.
D'un autre côté, en discutant les résultats consignés sur mon livre de
laboratoire, se rapportant à la recherche de cet aliment respiratoire dans
les laits de bonne qualité, fournis par des vaches de races différentes,
je suis arrivé à cette conclusion importante que jamais dans la race
bovine la proportion de ce principe hydrocarboné n'est inférieure à 50
grammes. Si donc certains observateurs ont trouvé des quantités infé-
rieures, c'est que les procédés dont ils faisaient usage n'étaient pas
exacts, ou que le liquide sur lequel ils opéraient avait subi un commen-
cement d'altération.
Je vais classer les compositions anormales présentées par les laits de
femmes en deux classes:
Laits anormaux par excès j de l'un des principes, tous
> les autres étant dans de
— par infériorité j bonnes conditions.
LAITS A EXCÈS DK BEURRE.
Les corps gras n'agissent pas seulement comme aliments respiratoires
dans l'organisme, mais encore en permettant l'assimilation d'une plus
forte proportion d'aliments plastiques, ainsi que l'ont prouvé les expé-
riences de Crusius.
Les laits qui présentent donc une proportion de beurre supérieure à
36 0/0 doivent être considérés comme devant donner à l'enfant une
bonne alimentation et être recommandés. Ainsi, j'ai fait l'analyse, à des
époques différentes, d'un lait dont la composition moyenne peut se for-
muler ainsi :
Beurre 45.22
Lactine 75.78
Matières protéiques . 16.94
Sels i.98
Eau 860. OS
L'enfant soumis à cette alimentation se développe dans de fort bonnes
conditions et présente tous les signes extérieurs d'une santé florissante.
Mais cependant, il ne faudrait pas croire que des proportions crois-
santes de ce corps gras soient une bonne chose : non, il existe une
limite au delà de laquelle il ne faut pas aller, surtout quand la lactine
ne suit pus file-même cette marche ascendante, sans voir la santé de l'en-
tant éprouver une altération plus ou moins profonde. En effet, j'ai eu
MARCHAND. — DE LA COMPOSITION DE CERTAINS LAITS DE FEMMES 879
â analyser plusieurs laits, présentant tous les caractères d'un bon aliment,
sauf sous le rapport du beurre, dont la proportion s'élevait à plus de 52
grammes ; les nourrices ayant été changées et les enfants ayant trouvé
une nourriture normale, ils revinrent rapidement à la santé.
LAITS A EXCÈS DE LACTINE.
Tous les laits à excès de lactine que j'ai eu à examiner ne m'ont
jamais paru avoir une influence fâcheuse sur l'organisme du nouveau-né;
toujours celui-ci se développait dans de bonnes conditions. Voici un
exemple de ce liquide à richesse exceptionnelle :
Beurre 45 . i i
Lactine ■ 80.21
Matières protéiques . 18.40
Sels 2.01
Eau 853.94
Aussi je n'hésite pas, chaque fois que je rencontre un semblable lait,
à le considérer comme de bonne qualité et devant avoir une salutaire
influence sur le développement du baby soumis à son usage.
LAITS A EXCÈS DE MATIÈRES PROTÉIQUES.
Si un excès de lactine n'a pas de conséquence fâcheuse sur le déve-
loppement du nouveau né, il n'en est pas de même des matières pro-
téiques. En effet, celles-ci, quand elles sont en excès, sont assimilées
difficilement et même souvent ne sont pas supportées par son estomac
encore à l'état rudimentaire. La recherche des éléments plastiques et
leur dosage dans le lait a, comme on le voit, une importance capitale ;
aussi, chaque fois que je rencontre des proportions de matières azotées
supérieures à la moyenne, surtout dans les premiers temps de l'allai-
tement, je n'hésite pas à le considérer comme pouvant amener des
désordres du côté du tube digestif.
Cette richesse excessive peut être due à des causes différentes ; suivant
leur nature, il est des moyens divers d'y remédier.
1° L'influence de la nourriture a pour moi une action marquée sur
la quantité et la qualité du lait. En effet, il résulte des résultats con-
signés sur mon livre de laboratoire, que le liquide alimentaire, fourni
par des femmes accouchées depuis le même temps, présente une compo-
sition différente, suivant que celles-ci sont soumises à un régime fortement
animalisé ou très-peu animalisé. Une alimentation très-riche en matières
protéiques fournit un lait riche lui-même en aliments plastiques, tandis
que le régime où dominent les féculents donne un lait plus riche en
beurre et en lactine. — Ces faits montrent combien l'on doit se pré-
880 SCIENCES MÉDICALES
occuper de la nourriture des femmes qui allaitent; elle doit se com-
poser d'aliments azotés et féculents et non exclusivement des uns ou
des autres. Elle doit être abondante, car MM. Dumas et Boussingault
ont fait remarquer avec juste raison, qu'une nourrice imparfaitement
alimentée retire de son propre organisme la graisse et les matières pro-
téiques nécessaires au lait qu'elle sécrète, et que cette circonstance
fâcheuse devient pour elle, comme pour son nourrisson, une cause effi-
ciente d'affaiblissement et de débilité.
2" L'âge du lait : en effet, il résulte des résultats consignés dans ma
thèse soutenue en 1874 à l'École supérieure de pharmacie à Paris, que
les matières albuminoïdes augmentent suivant les besoins de l'être allaité.
— Ce fait nous explique pourquoi il faut, dans le choix des nourrices,
s'occuper de l'âge du lait et ne prendre que celles dont la sécrétion
lactée est le plus en rapport avec l'âge de l'enfant. En effet, si l'on fait
donner le sein au nourrisson qui vient de naître par une nourrice
accouchée depuis plusieurs mois, la richesse; trop grande du lait en
aliments plastiques le rend pesant à l'estomac encore rudimentaire de
l'enfant, de là les vomissements et la diarrhée verdâtre. Pour faire cesser
ces accidents, il suffit le plus souvent de donner une ou deux cuillerées
d'eau au nourrisson après chaque repas et dans le cas où l'eau ordinaire
ne réussit pas, la remplacer par de l'eau contenant une petite quantité
de bicarbonate de soude. Grâce à cette précaution, les accidents dis-
paraissent et l'on prévient les éruptions cutanées que l'on observe si
souvent chez les nouveau-nés qui n'ont pas absorbé le premier lait de
la sécrétion mammaire. M. le docteur Chalvet a obtenu des résultats
analogues de l'emploi de l'eau de Saint-Galmier et de l'eau de Vichy du
puits Lardy, qui dans ce cas n'interviennent elles-mêmes qu'à titre
d'eau chargée d'une petite quantité de bicarbonate alcalin.
LAITS A INFÉRIORITÉ DK BEURRE
Dans la première partie de cette étude, j'ai fait voir que les laits
contenant un certain excès de beurre, ne présentent aucun inconvénient,
il n'en est pas de même de ceux qui ne sont pas suffisamment pourvus
de cet élément. En effet, les aliments respiratoires et en particulier les
corps gras sont indispensables, comme on le sait, au nouveau-né; aussi
doit-on refuser, comme impropre à une bonne alimentation, tout lait
contenant moins de 30sr de beurre. Parmi de semblables laits, je prends
l'exemple suivant :
Beurre 24,12
Lactine . . • • • . "3,2"
Matières protéiques . . 18,44
MARCHAND. — DE LA COMPOSITION DE CERTAINS LAITS DE FEMMES 881
Sels 1,97
Eau. ' 882,20
qui était absorbé par un enfant de deux mois. Celui-ci, au lieu de se
développer, dépérissait chaque jour et avait la diarrhée. En présence
des chiffres fournis par l'analyse, je pensai que l'insuffisance de ma-
tières grasses devait être la cause dominante des accidents. C'est en
effet ce qui devait avoir lieu, car il prit immédiatement son essor sous
"influence d'un corps gras, la fleurette, donnée 4 fois par jour à la
dose d'une cuillerée à café, délayée dans un peu d'eau sucrée.
LAITS A INFÉRIORITÉ DE LACT1NE.
La lactine. comme le beurre, est un aliment respiratoire ; comme lui
aussi son insuffisance est à redouter. En effet, quand cet aliment vient
à diminuer, l'on observe presque toujours des troubles fonctionnels du
côté des voies digestives.
Il arrive souvent, quand cette modification n'est que passagère, qu'une
petite cuillerée à café d'eau sucrée donnée après chaque repas fait dis-
paraître les accidents. Mais si l'altération causée est trop profonde, il
faut alors changer de nourrice ou avoir recours à l'allaitement arti-
ficiel .
Un certain nombre de causes peuvent amener cette insuffisance:
1° Le genre d'alimentation, ainsi que nous l'avons déjà indiqué;
2° Un affection existant du côté de l'utérus.
En effet j'ai pu recueillir des observations publiées dans les Annale*
de cynécologie (mai 1874, p. 400), et qui établissent d'une façon cer-
taine qu'il y a diminution de lactine dans les affections de l'utérus et
pendant la menstruation.
Voici les résultats de mes analyses :
MENSTRUATION (3 CAs) .
Le lait a été examiné dans chacun de ces cas, six jours avant l'appa-
rition des règles .
Beurre . 32.24
Lactine 68.25
Matières protéiques .... 20.20
Sels 1.90
Eau 877.41
Pendant la menstruation.
Beurre 27 . 45
Lactine 65.46
N° 2
Nu 3
28.56
37.24
69.31
69.75
16.75
18.40
1.74
1.82
883.64
872.79
30.32
33.15
65.15
64.42
56
882 SCIENCES MÉDICALES
Matières protéiques .... 21.34 17.21 19.10
Sels 1.98 1-80 1.89
Eau 883.77 885.52 881.44
Six jours après la disparition de l'écoulement menstruel :
Beurre 29.41 29.24 35.34
Lactine 69.15 68.87 68.95
Matières protéiques .... 20.90 16.47 16.27
Sels 1.89 L.28 1-82
Eau 878.65 884.14 877.42
Il résulte de l'inspection de ces tableaux que la diminution de la
lactine existe pendant la durée de la menstruation, pour reprendre en-
suite son cours normal. Les matières albuminoïdes éprouvant au con-
traire une petite augmentation.
Cette variation dans la composition du lait, considéré au point de
vue chimique pendant la menstruation, jointe sans aucun doute à une
modification dans le mode de l'élaboration des principes protéiques
sécrétés, permet de concevoir et d'expliquer les indispositions ou au
moins les troubles fonctionnels, comme je le disais tout à l'heure, que
l'on observe sur la plupart, sinon sur tous les entants allaités par les
nourrices chez lesquelles le cours des règles est rétabli.
HÉMORRHAGIE UTÉRINE (1 CAS)
N° 1 No 2
Beurre 33.45 30.24
Lactine 62.26 67.86
Matières protéiques ... 19.27 18.15
Sels 1.68 1.71
Eau 883.31 882.04
Cette observation eût été complète s'il m'avait été possible de taire
une analyse avant la maladie; mais les résultats consignés dans le n° 2,
obtenus trente-quatre jours après l'hémorrhagie, quand la femme
paraissait complètement guérie, indiquent une augmentation de lactine.
J'ai eu aussi l'occasion d'examiner le lait d'une femme qui était
atteinte de :
LEUCORRHÉE CHRONIQUE.
25 oct. 3 nov. i5 nov. Moyenne
Beurre 28.25 26.10 30.22 28.64
Lactine 65.24 63.69 67.12 65.34
Matières protéiques. . . 18.14 \~.\~2 17.87 17.71
Sels 1.84 1.78 1.80 t. 80
Eau 886.53 889.98 882.99 886.51
MARCHAND. — DK. LA COMPOSITION DE CERTAINS LAITS DE FEMMES 883
La laetine se trouve encore là en quantité plus faible qu'à l'état
physiologique ; mais la somme des éléments protéiques ne semble
pas avoir été affectée d'une façon bien appréciable.
Mélrite du col utérin, et vaginite aiguë.
Il résulte de l'inspection des quatre analyses faites par MM. Veruois
et Becquerel dans ces maladies, que la laetine existe aussi en plus petite
quantité qu'à l'état physiologique, tandis que les matières protéiques sont
plus abondantes.
En résumé, nous pouvons donc formuler la conclusion suivante :
chaque fois qu'une affection existe du côté de r utérus, il y a diminution
de laetine dans le lait.
L'excès de matières protéiques et l'insuffisance de laetine étant deux
causes qui peuvent nuire au développement du petit être, l'on s'ex-
plique facilement maintenant comment le lait de vache peut amener
chez eux des vomissements, la diarrhée. Cependant de tous les laits
que l'on peut employer, celui-ci est le meilleur, mais alors il faut avoir
soin de lui faire subir une préparation.
LAITS A INFÉRIORITÉ DE MATIÈRES PROTÉIQUES.
Contrairement au beurre et à la laetine, une diminution de matières
protéiques n'est nullement préjudiciable, du moins dans beaucoup de-
cas, à la santé du nouveau-né, surtout dans les premiers temps de
l'allaitement. Ainsi voici deux exemples de pareils laits:
Beurre 32.87 35.90
Laetine 73.64 79.45
Matières protéiques. . . G. 35 6.21
Sels 1.58 1.78
Eau 885.56 876.66
par leur aspect, par la fermeté de leur chair, par la beauté de leur
teint, les nourrissons soumis à cette alimentation présentaient tous les
signes d'une santé florissante.
LAITS A INFÉRIORITÉ DE SELS.
Certains laits et principalement ceux qui sont sécrétés pendant la
gestation, renferment une proportion moindre de sels, et parmi ces élé-
ments, le phosphate de chaux, ce principe si indispensable au dévelop-
pement du squelette du petit être, est en plus faible proportion . Dans
de pareilles conditions, lorsque l'on veut quand même continuer l'allai-
tement, il est utile d'administrer le phosphate de chaux précipité, qui est
884 SCIENCES MÉDICALES
parfaitement assimilé et ne fatigue pas l'estomac comme toutes les solu-
tions acides de lacto ou chlorhydro-phosphate de chaux.
LAITS ENTIÈREMENT ANORMAUX.
Entin certains laits se trouvent dans des conditions tellement défavo-
rables, ainsi que le montrent les résultats de l'analyse suivante :
Beurre 12.73
Lactine 76.27
Matières protéiques. 3.82
Sels 2.22
Eau 904.96
qu'ils sont entièrement indigestes. Ce lait était sécrété par une femme
de la campagne âgée de 33 ans, blonde, petite, mais de bonne constitu-
tion. Elle a eu huit enfants, et pas un seul d'entre eux n'a pu être
élevé au sein; toujours la diarrhée se déclarait et persistait, au point
de contraindre à un changement de nourrice.
Maintenant et pour terminer, je dirai que, quand l'on veut avoir recours
à l'allaitement artificiel, pour une raison quelconque, il faut se servir
de lait de vache de préférence à tout autre, ainsi que je l'ai démontré
dans une communication faite à la Société protectrice de l'enfance de
Paris et publiée dans son Bulletin de 1875, ]». 225; mais, en faisant subir
à ce liquide alimentaire une petite modification aiin qu'il se rapproche
le plus possible du lait de femme, du moins au point de vue chimique.
Voici les termes de comparaison.
Composition moyenne du lait de
Femme Vache
Beurre 3.68 3.72
Lactine 7.11 5.03
Matières protéiques. ... 1.70 2.31
Sels 0.20 (1.71
Eau 87.31 88.23
100.00 100.00
Ces chiffres étant admis, on voit que les matières protéiques .sont
sensiblement d'un quart plus abondantes dans le lait de vache.
C'est donc par rapport à elles que cette formule doit être établie, puis-
que seules elles constituent l'aliment plastique du lait, et que ne pou-
vant être remplacées par aucun ingrédient, elles déterminent elles-mêmes
la valeur de la matière que l'enfant doit ingérer pour trouver sa
subsistance .
Pour obtenir avec le lait de vache un aliment qui soit équivalent par
MARCHAND. — DE LA COMPOSITION DE CERTAINS LAITS DK FEMMES 885
sa richesse en.caséum et eu albumine réunis, à celui que l'enfant
reçoit quand il suce les tétons de sa mère ou de la nourrice, il faut
employer un mélange formé de
Lait de vache 3 parties soit 0 lit, 75
Eau 1 — — 0 25
Mais ce mélange est trop pauvre en beurre et en lactine puisqu'il
n'en contient pour 100 que les proportions suivantes:
Beurre 2.79 au lieu de 3.08
Lactine 3.77 — 7.11
Je ne me préoccupe pas des sels, car ils sont beaucoup plus abon-
dants dans le lait de vache.
Il est facile de remplacer la lactine qui manque à l'aide du sucre, et
le beurre lui-même peut être donné par le lait de vache dont on doit
se servir, si l'on prend la précaution de séparer ce lait, après une ou
deux heures de repos, en deux parties inégales, soit par un soutirage,
soit par l'enlèvement des couches supérieures au moyen d'une cuiller,
de telle façon que l'une des fractions, la première, que l'on utilise,
égale aux trois quarts du volume primitif, soit chargée de toute la ma-
tière grasse, tandis que l'autre que l'on délaisse, complétant le quatrième
quart, se trouve pour ainsi dire tout à fait dépouillée de crème.
Guidé par ces considérations, je propose pour l'alimentation des en-
fants, avec le biberon, la formule suivante :
Lait de vache normal non bouilli, chargé de toute
la matière grasse contenue habituellement dans le
volume d'un litre 0 lit. 75
Eau fraîche, non bouillie, tenant en dissolution
35 gr. de sucre 0 25
En opérant le mélange de ces deux liquides, l'on obtiendra un litre
de lait dont la valeur alimentaire est égale à celle d'un pareil volume
de lait de femme.
La formule que je propose est rationnelle; elle donne un produit peu
coûteux, facile à obtenir, et doué de qualités qui le rendent d'autant
plus précieux que sa digestion et son assimilation sont mieux assurées
que celles du lait qui a été soumis à l'ébullition.
En effet, les matières protéiques soumises à la décoction subissent une
transformation moléculaire qui les rend plus résistantes à l'action du
suc gastrique, et par conséquent les rend susceptibles de provoquer
des troubles de la digestion toujours préjudiciables aux jeunes enfants.
Il y a plus même; comme le lait de vache renferme plus de caséum
que d'albumine, tandis que dans le lait de femme l'écart est beaucoup
886 SCIENCES MÉDICALES
moins grand, et comme le caséum est plus résistant aux sucs de l'esto-
mac que l'albumine, je conseille de n'offrir aux très-jeunes enfants
qu'un liquide préparé conformément à cette nouvelle formule:
Lait de vache normal non bouilli, chargé de toute
la matière grasse contenue habituellement dans le
volume d'un litre 0 lit. 50
Eau fraîche non bouillie, tenant en dissolution 40 à
50 gr. de sucre blanc <». 50
Le mélange est alors moins riche en matières protéiques que le lait de
femme.
Il est admirablement supporté par tous les enfants; la seule précaution
à prendre c'est de ne préparer le mélange qu'au fur et à mesure du
besoin, et de Péchaufter légèrement au moment de l'administration, en
plongeant pendant quelques instants dans l'eau tiède le biberon dans le-
quel on le renferme pour l'offrir au nourrisson.
L'on comprend que les deux formules que j'ai l'honneur de proposer
sont modifiables avec la composition ûu lait de vache employé et avec
l'âge de l'enfant ; l'on peut toujours satisfaire les exigences physiolo-
giques de celui-ci, en augmentant la proportion du lait de vache, et la
richesse en beurre; et en sucre.
Je m'appuie, pour présenter la seconde formule, sur cette considéra-
tion que le lait de beaucoup de femmes ne renferme pas plus de matières
protéiques que le mélange qu'elle produit, et sur cette autre considération
que les laits fournis par plusieurs femmes qui allaitaient des enfants
tous bien portants ne contenaient que 6.21 à 6.36 0/0 de matières
azotées.
M. le D' C0ÏÏETY
Professeur à 1« Faculté de Médecine île Montpellier.
SUR LE TRAITEMENT PALLIATIF DU CANCER DE L'UTÉRUS M
(EXTRAIT IIU HiOCKS-YEHBAL)
— Séance du -"•'> aoûl is~~. —
Les tumeurs cancéreuses et épithéliales sont le produit d'une altération de
nutrition des éléments anatomiques. Ce qui fait leur malignité, nous ne le
savons guère el Bous ne saurions dire quelle différence histologique profonde
(1) Le mémoire in fxfenso u j>;i 111 dans lu (iazeitc hebtj^madairt; dçto^re 1^~:
l»r H. HE.NROT. LYMPHORRHAG1E BRONCHIQUE ISN7
sépare une végétation syphilitique, s;ins gravité, d'une tumeur épitliéliale dont
nous connaissons la terminaison funeste. Pourrait-on seulement dire com-
ment telle production épitliéliale de la peau, bénigne et stationnaire, donne
naissance par transition insensible à des formes graves et qui emporteront le
malade? Certains épithéliomes de la face ne nous en offrent-ils pas des exem-
ples frappants et n'a-t-on pas discuté le fait pour le psoriasis lingual qui
dégénère en épithéliome. De ces idées générales découle le mode de traite-
ment palliatif: il faut donner au malade l'alimentation la plus riche possi-
ble; le mettre aux préparations d'arsenic, puis pratiquer le traitement local :
si lepithéliome est intra-utérin, il faut, comme l'ont fait MM. Gallard et
Richet, attaquer la lésion avec les caustiques. Mais ces cas sont fort graves ;
on réussit mieux lorsqu'il s'agit de cancer du col non étendu aux parois vagi-
nales. M. Courty résume l'observation d'une malade à tumeur épithéliale
volumineuse, dont la sécrétion était tellement abondante qu'elle traversait les
matelas et qu'un médecin peu attentif l'avait envoyéeà M. Courty, la croyanl
atteinte de fistule vésico-vaginale. Dans une première opération, la partie
saillante de la tumeur fut enlevée; dans une seconde il attaqua la base même
de la tumeur avec le thermo-cautère. 11 y eut en somme amputation du col.
Lorsque la racine de l'épithéliome n'a pas été enlevée, on se trouve en pré-
sence d'ulcères qui doivent être attaqués énergiquement par des caustiques:
le chlorure de zinc, puis la pâti; de Canquoin. Le point le plus important du
traitement consiste peut-être dans le pansement quotidien, les attouchements
avec l'iodoforme, la poudre du frère Corne et de Rousselot, trop abandon-
née aujourd'hui. Le mode d'application doit être fait avec soin. La femme
est mise dans la position préconisée par Bosmann ; le eol de l'utérus devient
très-rapproché de l'orifice vulvaire, et l'on peut facilement appliquer la poudre
caustique arsenicale. Si les malades ne sont pas guéries, elles sont du moins
fort soulagées et leur vie est notablement prolongée.
M. le D1 Henri HEÏÏKÛT
Professeur suppliant à l'École de Médecine de Reims.
LYMPHORRHAGIE BRONCHIQUE.
Séance du 29 août 1877. —
Le diagnostic des épanchements pleuraux présente souvent de sérieuses
difficultés que M. le professeur Potain a signalées dans la dernière séance;
il est une maladie qui simule admirablement l'épanchement pleural
abondant, c'est la lymphorrhagie bronchique.
M. Henrot possède deux laits dont voici le résumé succinct :
888 SCIENCES MÉDICALES
1° Une femme de 26 ans, lymphatique, sans antécédent morbide,
dans le cours d'une pneumonie du lobe moyen, est prise subitement
d'accidents très-alarmants : accès de suffocation, toux spasmodique avec
quintes expulsives, angoisse précordiale. Ces accidents cessent après
l'expulsion d'une concrétion leucocyto-tibrineuse, très-finement rami-
fiée, reproduisant exactement le moule d'une bronche avec toutes ses
divisions.
En trois jours apparaissent les signes physiques suivants ; les uns
sont passagers (bruits de soupape existant tantôt à l'inspiration, tantôt à
l'expiration seulement ; bruit de quac quac lors de la toux) ; les autres
sont permanents : diminution de sonorité de la poitrine et puis matité
complète de tout le côté droit, remontant de la base de la poitrine à
l'épine de l'omoplate, diminution et puis absence du murmure vésicu-
laire, disparition complète du souffle tubaire. L'absence des vibrations
thoraciques et de l'égophonie, qui eussent pu avoir une grande valeur
diagnostique, n'ont pu être perçues, la malade extrêmement affaiblit'
ne parlant que des lèvres.
Tous ces signes disparaissent instantanément après l'expulsion de sept
concrétions leucocyto-hbrineuses, en même temps le souffle tubaire réap-
paraît et l'on constate des râles sous-crépitants de retour dans tout le
lobe inférieur.
En six jours la malade rend 16 concrétions ; à partir de ce moment
la pneumonie du lobe moyen reprend son cours normal et guérit.
Il n'y a jamais eu ni fausses membranes dans les voies aériennes, ni
leucocythémie.
Y a-t-il eu un épanchement ? Non, car dans l'épanchement pleural la
matité ne disparaît jamais complètement et instantanément même après
une ponction aspiratrice ; d'un autre côté il n'y a eu ni superpurgation,
ni diaphorèse, ni expectoration séreuse ou albumineuse.
Ces concrétions, qui avaient de 7 à 9 centimètres de longueur, obli-
téraient tout l'arbre bronchique du poumon droit comme si on l'avait in-
jecté avec du suif ou de la cire.
2e fait. Au même moment, février 1877, M. Décès observait des accès
de suffocation, avec toux spasmodique et expulsive, chez un jeune
homme de 15 ans; ces accidents disparaissaient instantanément après
l'expectoration d'une concrétion leucocyto-tibrineuse.
Conclusions. — 11 peut se produire dans le cours de la pneumonie
une complication caractérisée par la formation dans les bronches du
côté atteint de concrétions leucocyto-hbrineuses non tubulées, compac-
tes, parsemées dans toute leur épaisseur de petites vésicules aériennes.
Cette concrétion est h» résultat d'une exsudation fibrineuse et d'une dia-
Dr H. HENROT. — LYMPHORRHAGIE BRONCHIQUE S8i)
pédèse des leucocytes du sang ou de lu lymphe à travers les parois extrê-
mement fines des capillaires et des bronchioles. M. Henrot propose d'ap-
peler leucocythorrhagie ou plutôt lymphorrhagie bronchique, cette com-
plication qui a une marche et des symptômes particuliers.
La lymphorrhagie bronchique est caractérisée :
Par une dyspnée non en rapport avec le degré d'étendue de la maladie
première.
Par des quintes de toux expulsives, extrêmement fatigantes, se prolon-
geant sans interruption jusqu'à l'expulsion des concrétions.
Par des accès de suffocation avec angoisse précordiale et commence-
ment de cyanose.
Par des signes physiques passagers (bruits de soupape s'entendant
tantôt dans les deux temps de la respiration, tantôt à l'expiration seu-
lement; et lors de la toux par des bruits de quac quac).
Par des signes physiques permanents (matité absolue, diminution puis
absence complète du murmure vésiculaire) .
Par l'expectoration des concrétions non canaliculées, finement rami-
fiées, infiltrées de fines bulles d'air, sans aucune tendance à l'organisation.
Enfin, par la disparition instantanée de la matité pulmonaire, et le
brusque retour du murmure vésiculaire aussitôt l'expulsion des con-
crétions lîbrineuses. Ce signe est pathognomonique de la lymphorrhagie
bronchique.
Le t'ait clinique qui ressort d'une façon indiscutable de cette étude est
que : l'oblitération des bronches par des concrétions leucocyto-fibrineuses
donne une matité aussi considérable, une absence de murmure vésiculaire
aussi complète que l'épanchement pleural le plus évident ; en consé-
quence, la thoracentèse, sous peine de blesser le poumon, ne doit être
tentée que lorquon a acquis la certitude que ces deux signes importants
ne sont pas produits par des concrétions, mais bien par la présence d'une
quantité plus ou moins considérable de liquide dans la plèvre.
M. H. Henrot fait hommage au Congrès de plusieurs mémoires sur la
lymphorrhagie bronchique, les kystes du foie, les rétentions placentaires :
Des transfusions suivies de guérison.
tf^O SCIENCES MÉDICALES
M. le D' DAORÈYE
Médecin <ic l'hôpital et du collégi- de Cournon
OBSERVATION DE NÉVRITE DU RADIAL.
— Séance il n J!> no ùt 1877. —
Observations. — Monsieur B., propriétaire, me lit demander vers le 20 juillet
1876.11 présentait le long du bras droit quelques boutons situés sur le trajet
du bras.
Us paraissaient dus à un zona. Le malade souffrait beaucoup de douleurs
dans la partie où siégeaient les boutons.
Je fis faire des badigeons avec collodion élastique, moyen qui m'a réussi
souvent à arrêter le progrès du zona, puis des applications de pommade bel-
ladonée; à l'intérieur, purgations et bicarbonate de soude.
Les boutons qui différaient un peu de ceux du zona, par leur quantité fai-
ble sur chaque plaque et un petit développement, disparurent au bout dequinze
jours environ; mais les douleurs ont continué.
Je fis appliquer un vésicatoire pansé avec chlorhydrate de morphine et, les
douleurs ayant lieu surtout la nuit, je fis prendre pendant trois jours du sul-
fate de quinine, pendant le même temps de l'acide arsénieux, puis voyant ces
moyens inefficaces, l'iodure de potassium.
Je confiai mon malade à un confrère pendant que je me rendais au Congrès de
Clermont-Ferrand.
Mon confrère employa des vésicatoires volants et des potions calmantes.
Le 1er septembre, je revis mon malade ; il souffrait moins, mais une paralysie
incomplète avait frappé les régions innervées par le radial. Le malade cependant
se plaignait plutôt de raideur de l'avant-bras èl dé la main que de manque
de force.
Ses poils situés sur la région externe de l'avant-bras sont plus longs, et plus
blonds, que ceux situés à la partie interne du membre.
Je fis continuer l'iodure de potassium et faire des frictions de teinture d'iode
à la nuque.
La maladie continua son cours, les muscles de la portion externe de l'avant-
bras commencèrent à s'atrophier, des plaques brunes se montrèrent le long de
cette région et je parvins, au commencement de novembre, à obtenir du malade
qu'il voulût bien se laisser électriser.
Le 6 novembre, les courants induits ne procurent de contraction que sur les
muscles qui ne sont pas animés par le radial; cependant ces contractions sont
plus faibles que sur les muscles de l'autre bras. Les courants continus ne pro-
duisent aucune contraction ; cependant, voulant profiter de l'action dialytique de
ces courants, je fis trois fois par semaine une électrisation de dix minutes, avec
12 éléments, le pôle positif appliqué sur le plexus brachial, et le négatif à la
tabatière anatomique.
l>' DA GRÈVE. — OBSERVATION DE NÉVRITE DU RADIAL 891
Le malade cessa de venir pendant un mois environ, fin décembre et première
quinzaine de janvier.
Il revint le 15 janvier. Son état, qui s'était amélioré pendant les électrisations,
restait le môme s'il ne devenait pas pire. Le malade qui avait repris assez de
force pour porter 10 à J2 kilos, les trouvait plus lourds, et une douleur à la ré-
gion temporale gauche qui lui était survenue quelque temps avant l'emploi
des électrisations et que ce traitement avait amélioré, augmentait.
Le malade ne m'avait pas parlé de cette douleur antérieurement.
Je m'aperçus alors que la vue de l'œil gauche était un peu trouble; le
malade ne voulut pas me laisser examiner son oeil à l'ophthalmoscope ; l'élec-
trisation avait, disait-il, produit des effets assez satisfaisants pour que je n'aie
pas besoin de lui faire subir d'autres opérations.
Les électrisations furent recommencées trois fois par semaine pendant un
quart d'heure avec 2i éléments; je pus constater que les plaques colorées de la
peau disparaissaient rapidement; à la fin de février tous les troubles, soit dans
le bras soit dans la tête avaient disparu ; la vue est à peu près la même des
deux yeux.
J'ai cru devoir publier cette observation qui me parait présenter, comme
point intéressant, surtout les lésions cutanées se montrant avec la né-
vrite et i'encéphalopathie qui paraît avoir eu pour cause une lésion d'un
nerf périphérique, puisque cette affection a disparu en même temps que
les troubles dus à la lésion du dit nerf.
Je crois devoir terminer en décrivant la pile que j'emploie, vu la faci-
lité que l'on a à la construire.
Elle se compose d'un manchon de zinc fixé à frottement par du papier
buvard dans l'intérieur d'un verre ou autour d'an tube de verre à quel-
ques centimètres de leur extrémité supérieure, dans le premier cas, le zinc
est à l'intérieur entouré de papier roulé autour de lui ; dans le second,
le papier est roulé autour du tube; dans les deux cas, le manchon de pa-
pier ainsi formé doit être assez long pour atteindre le fond du vase et
s'y replier.
La seconde disposition permet de fixer l'appareil dans le verre au
moyen d'un bouchon, ce qui est plus propre, mais rend la charge et
l'entretien de l'appareil plus ennuyeux.
Un fil de cuivre soudé au zinc d'un autre élément est recourbé de
manière à s'appuyer sur la partie du papier repliée au fond du verre
et porte à cette extrémité un nœud de fil de cuivre pour augmenter sa
surface.
L'appareil se charge avec un peu d'eau et quelques cristaux de sul-
fate de cuivre. Il suffit d'y ajouter ces deux choses de temps en temps,
et il peut fonctionner pendant plusieurs mois.
J'ai une pile ainsi construite montée et fonctionnant depuis près d'un an,
892 SCIENCES MÉDICALES
MM. COUTY et GHAEPEITIEU
EFFET CARDIO-VASCULAIRE DES EXCITATIONS DES SENS.
(extrait.)
— Séance du 29 août lx~7. —
MM. Couty et Charpentier ont étudié les effets des excitations sensorielles sur
la pression sanguine et sur les mouvements du cœur.
Expérimentant sur des chiens rendus immobiles à l'aide du curare (la res-
piration était entretenue artificiellement), ils ont pu observer directement les réac-
tions cardo-vasculaires ainsi obtenues, sans avoir à craindre les causes de per-
turbation résultant des mouvements des animaux en expérience.
Les mouvements du cœur et l'état de la pression artérielle étaient enregistrés
à l'aide du sphymographe.
Chaque sens était excité isolément à l'aide d'agents appropriés : on agissait
sur le goût au moyen de substances fortement sapides comme l'aloès, la colo-
quinte, le sulfate de soude, etc.; sur l'odorat, par l'injection dans les narines
de vapeurs odorantes telles que d'essence de girofle, de bergamote, de sulfhy-
drate d'ammoniaque, etc.; sur l'ouïe, par des bruits divers purement physiques
ou parles cris d'un chien qu'on flattait ou qu'on tourmentait; la vue était exci-
tée par l'action de lumières diverses, par des gestes de menace ou de flatterie,
par la vue d'un autre animal.
Ces différentes sortes d'excitations produisirent sur le cœur et sur les vaisseaux
des effets plus ou moins marqués, et d'un degré très-variable suivant les cas:
parfois nuls, ordinairement modérés, et dans certains cas, s'élevant à une intensité
très-considérable. Le cœur et les vaisseaux agissaient d'une façon tout à fait
indépendante, comme le prouve l'inconstance même de leurs variations, tantôt
isolées et tantôt réunies. De plus, chose remarquable! le cœur qui fut tantôt
accéléré et tantôt ralenti, était modifié dans tous les cas par l'intermédiaire des
pneumogastriques ; car après la section de ces nerfs, on n'obtenait plus de réac-
tion cardiaque, soit dans un sens, soit dans l'autre.
Outre diverses particularités, les réactions cardio-vasculaires des excitations
des sens ont ceci de remarquable, qu'elles ne sont proportionnées, ni comme
forme, ni comme intensité, soit au sens excité, soit au naturel ou au degré de
l'excitation. L'excitabilité particulière du sujet paraît jouer un rôle important;
l'habitude émousse la sensibilité de chaque animal pour un même agent.
L'inanition, la strychnisation augmentent l'excitabilité des animaux en expé-
rience, la chloralisation la diminue et l'annule.
Nous avons voulu voir quelle était dans ces phénomènes la part du cerveau;
nous avons détruit cet organe, dans d'autres cas nous l'avons anémié par l'in-
jection artérielle de spores de lycopode destinées à obturer ses vaisseaux. Le
cerveau ne fonctionnant plus, les phénomènes plus haut décrits cessèrent de se
Dr PONCET. — INFLUENCE l>K l.\ CASTRATION SUR LE SQUELETTE 893
montrer; en un mot l'animal percevait dos diverses excitations, puisque le mé-
socéphale était intact, mais son cœur, ses vaisseaux ne réagissaient plus et, ne
témoignaient plus, parleurs variations, de l'état de la sensibilité. De là il nous
parait naturel de conclure que les sens par eux-mêmes n'agissent pas sur la
circulation, mais que c'est le cerveau qui, entrant en activité par l'intermédiaire
, les sens, modifie d'une manière variable, d'une part le fonctionnement du cœur,
et d'autre |'art Celui des vaisseaux.
M. le D1 PONCET
de Lyon.
DE L'INFLUENCE DE LA CASTRATION SUR LE DÉVELOPPEMENT DU SQUELETTE.
— Séance >/" 99 août 1877. —
Lis recherches que j'ai commencées sur ce sujet m'ont été inspirées par
la lecture de quelques observations d'Ernest Godard sur le développe-
ment des eunuques.
Je ne puis, pour l'heure présente, poser des conclusions rigoureuses ,
beaucoup de mes expériences à longue échéance doivent être répétées,
contrôlées ; je désire simplement indiquer à l'Association Française la voie
que j'ai suivie et les quelques faits que j'ai observés.
Beaucoup de mes animaux : chats, poulets, etc., sont encore en ex-
périence, et ce que je dirai s'applique seulement aux lapins domes-
tiques dont vous avez les squelettes sous les yeux.
Voulant avant tout des termes de comparaison précis qui soient de
véritables étalons auxquels je pus me reporter, j'ai pris des animaux
d'une même portée, par conséquent frères et du même âge, autant que
possible du même poids; les uns ont été châtrés, les autres n'ont subi
aucune mutilation. Tous ont été placés absolument dans les mêmes
conditions.
C'est vers l'âge de trois mois environ, alors que les testicules des
lapins sont descendus dans les bourses, que la castration a été pra-
tiquée.
ils ont été sacrifiés au bout de trois mois, trois mois et demi.
Il nous paraît résulter de l'examen comparatif des os des lapins châ-
trés et de ceux qui ne l'ont pas été, que la castration a une influence
réelle sur le développement du squelette. Les os des castrats sont plus
forts, mais surtout plus longs que ceux des lapins étalons.
NÎH SCIENCES MÉDICALES
La différence de longueur est notable et se constate à première vue.
Elle m'a paru plus accusée encore (6 à 8 millim.) pour certaines parties
du squelette; c'est ainsi que les fémurs, les tibias, les péronés, les os des
iles, ont subi un accroissement plus marqué que les autres os.
Tout le squelette du castrat est plus gros, mais d'après ce que nous
avons pu voir par les coupes des différents os, la substance compacte
est peu augmentée de volume, le canal médullaire est agrandi. Les os
des lapins châtrés sont plus droits et présentent moins accusées les in-
flexions, les courbures normales.
Nous n'avons conservé que deux têtes de lapins; en les comparant à
celles de leurs frères, on remarque pour les mutilés une élongation du
crâne; il semble que la castration entraîne de la dolichocéphalie, s'il
est permis de dire à propos de lapins, dont la tête est naturellement
très-allongée, qu'ils sont brachycéphales.
Nous le répétons, en terminant, nos expériences suffisent pour dé-
montrer que la castration a une influence sur le développement du
squelette; des expériences ultérieures en cours d'exécution portant sur
diverses espèces animales, nous permettront d'indiquer d'une façon exacte
cette influence.
Ces expériences ont été faites à l'École vétérinaire de Lyon.
M. le F LE DOUBLE
ii taxas
Vncien interne des hôpitaux. Lauréat de la Faculté
DE L'AUSCULTATION DE L'OVAIRE DANS LES KYSTES OVARIQUES.
KYSTE DE L'OVAIRE UNILOCULÂiRE OUVERT DANS LE PÉRITOINE ET DANS L'INSTESTlN.
TINTEMENT AVEC BRUIT DE FLOT DE LIQUIDE.
— Séance du -■' aoû\ 1877. —
Observations. — La nommée Cl. V... est entrée le 8 juin J877 à l'hôpital
de Tours.
Voici les renseignements sur son état antérieur, tels qu'ils m'ont été fournis
par l'interne de service :
Cette femme, âgée de 56 ans, n'a jamais eu de maladie grave. Réglée à
I»; ans, l'écoulement sanguin a toujours été abondant, bien coloré et venant à
époque fixe.
.Mariée une première fois à 2i> ans, une seconde fois à 27, elle n'a pas
d'enfanl et n'a jamais l'ait de fausses couches. A 47 ans, la menstruation a
Dr LE DOUBLE. — KYSTE DE [/OVAIRE UNILOCULAIRE 895
cessé. Au moment de la ménopause, pendant la dernière année, les règles
revenaient seulement tous les in»is mois.
Il y a un an, son mari lui donna pendant son sommeil un coup de coude
dans le flanc droit, et puis quelque temps après un autre coup dans la région
sou^-coslale gauche. A parlir de ce moment, elle ressentit quelques douleurs
vagues dans le bas-ventre; et l'abdomen commença à gonfler.
État actuel. — Le visage est amaigri, il a ce caractère tout particulier qui
,i été décrit sous le nom de faciès ovarien. Le ventre est gros, régulièrement
développé, sans aucune dilatation veineuse. Le palper permet de constater une
tumeur globuleuse légèrement sensible, résistante sans bosselure.
On ne la déplace pas en lui imprimant des mouvements de latérabilité ou
en changeant la malade de côté.
A la percussion, matité absolue depuis le pubis jusqu'à deux travers de;
doigts au-dessous de l'ombilic.
Par le toucher vaginal je constatai que le vagin était déformé : à l'union de
son tiers supérieur avec ses deux tiers inférieurs existait un coude très-ma-
nifeste.
Il était impossible d'atteindre le col. Le toucher vaginal combiné avec le
palper abdominal éveillait un peu de douleur.
L'exploration par le rectum ne donnait rien de particulier.
Comme signe fonctionnel, la malade se plaint de pesanteur dans l'abdomen,
la respiration est libre, la marche seule est un peu gênée.
Le médecin, qui, le premier, a vu cette femme en ville, avait été mandé
pour tâcher de remédier à une constipation opiniâtre. Un examen attentif lui
lit reconnaître une tumeur abdominale à peine douloureuse, s'accompagnant
de fièvre. Son diagnostic fut : kyste ovarique uniloculaire enflammé compri-
mant l'intestin.
Connaissant la dernière communication de M. Laboulbène, à l'Académie de
médecine, sur l'existence du tintement métallique et du bruit du flot de
liquide dans certaines tumeurs, il voulut s'assurer si ces signes stéthos-
copiques se rencontreraient dans ce cas; il n'entendit aucun bruit. L'ausculta-
tion et la percussion de l'abdomen nous ont démontré l'exactitude de ces ren-
seignements
9 Juin. — Dans l'après-midi, après de violentes coliques, la malade va à la
selle, elle rend un vase entier (2 litres) de matières fécales d'abord, de pus
ensuite, et enfin des matières de couleur lie de vin répandant une odeur
infecte.
Croyant à une perforation intestinale, le toucher rectal est pratiqué après
cette évacuation; on ne peut atteindre ou trouver aucun orifice de communi-
cation.
L'état général n'est pas modifié.
Le soir, seconde garde-robe.
10 Juin . — 2 nouvelles selles purulentes.
ii Juin. — i évacuations d'une odeur encore plus intolérable que les pré-
cédentes. Tympanite prononcée.
Le ventre paraît un peu plus souple à droite.
89f> SCIENCES MÉDICALES
La succussion hippocratique fait constater le bruit de flot du liquide
avec résonnance amphorique et un tintement métallique.
La malade sent son appétit revenir et demande à manger. — Légère alimen-
tation.
12 Juin. — Une évacuation. — Aucun changement dans l'état général.
13, 1b, 15 Juin. — L'œdème gagne les membres supérieurs.
L'urine traitée par l'acide azotique et la chaleur ne contient pas d'albumine
bien que sa couleur soit très-foncée ; elle ne renferme pas d'urée.
16, 11, 18, 19, 20 Juin. — Une seule garde-robe par jour.
Celle du 18 ne contient pas le liquide rendu habituellement. Bien que les
symptômes aigus se soient peu accentués, le faciès de la malade a beaucoup
changé, il est plus amaigri, plus tiré, et a pris une teinte terreuse.
21 Juin. — Une évacuation plus abondante a lieu à 10 heures du matin.
Aussitôt la femme accuse une douleur vive dans la partie supérieure et latérale
droite de l'abdomen.
Dans l'après-midi la fièvre apparaît, PL 115, T. 38°, 9; la peau est chaude,
la langue rouge et sèche; le ventre peu douloureux jusqu'à ce jour est devenu
très-sensible.
Trois vomissements glaireux entre cinq et six heures de l'après-midi.
La malade est dans un état de somnolence continuelle.
Dans la soirée, aggravation de l'état général, la chaleur de la peau est plus
élevée, la température est à 40, et le pouls à 120.
La malade meurt le 22 juin, à 7 heures du matin.
Le traitement consista dans de la tisane de chiendent nitré, une potion
calmante additionnée d'un gramme de teinture de digitale ; du sirop phéniqué
et du vin de quinquina iodé.
La compression de l'abdomen avec un bandage de corps fut employée après
la rupture du kyste dans l'intestin.
Autopsie 19 heures après la mort.
La rigidité cadavérique est peu prononcée.
En appliquant l'oreille sur l'abdomen, et imprimant au corps une violente
secousse, on entend encore le bruit de flot et le tintement métallique. Ce dernier
a toutefois changé de timbre, il est plus sourd et plus lointain; il n'est plus
produit par la percussion comme pendant la vie.
La circonférence de l'abdomen, au niveau de l'ombilic, est de lm,06; la
distance du pubis à l'appendice xiplioïde de 0m4.0 centimètres.
On fait, en suivant la ligne blanche, une première incision s'étendant de.
l'appendice xiphoïde au sternum, puis on en trace une seconde, comprise entre
les dernières fausses côtes de chaque côté, et perpendiculaire a la précédente
qu'elle va rejoindre. On obtient ainsi deux lambeaux supérieurs qui, relevés,
laissent voir parfaitement la partie supérieure de la cavité abdominale.
Dès que le péritoine eut été ouvert, des gaz fétides et un liquide jaune
opaque, d'une forte odeur alliacée, analogue à celle de la macération et de la
gangrène, s'échappa par la solution de continuité. La quantité de liquide con-
tenu dans l'intérieur de la séreuse peut être évalué à 1 litre !/2. Le péritoine
Dr LE DOUBLE. — KYSTE DE L'OVAIRE UNILOCULAIRE 897
sus-ombilical dans ses portions viscérale et pariétale est rouge, injecté, pois-
seux, mais non recouvert de fausses membranes.
Le colon, le petit intestin, l'estomac, sont libres. Le foie est refoulé en haut
par Pépanchement péritonéal, il a son volume normal et une coloration grise;
la vésicule biliaire est un peu volumineuse.
La rate est tuméfiée.
En bas, immédiatement au-dessous de l'ombilic, on voit une tumeur globu-
leuse appliquée contre la paroi abdominale antérieure à laquelle elle adhère,
tumeur à parois ardoisées présentant vers sa partie supérieure droite une per-
foration ovalaire à bords irréguliers mesurant 2 centimètres dans son plus
giand diamètre.
Cette ouverture a donné passage au liquide que renfermait le péritoine. En
pratiquant, à l'aide d'un soufflet, l'insufflation par le rectum, un liquide sem-
blable au précédent sort encore sous forme de jet par cet orifice.
Pour faciliter la dissection de la tumeur, nous faisons une dernière incision
curviligne dont le sommet répond au coqis des pubis, et dont les extrémités,
suivant les arcades de Fallope, vont se réunir à l'incision transversale de
l'ombilic
Le vagin, sauf la duplicature de ses parois, n'offre rien de spécial.
L'utérus, projeté en avant et à gauche, déborde le détroit supérieur; il est
situé presque transversalement sur le muscle psoas iliaque du côté gauche; il
présente dans sa paroi antérieure et dans sa paroi postérieure une série de
bosselures d'une égale consistance. Elles sont au nombre de cinq, trois en
avant et deux en arrière.
Elles sont constituées par des noyaux libroïdes blancs enclavés au milieu
du tissu musculaire. Facilement énucléables, ces noyaux ont à la coupe tous
les caractères des myomes utérins. Sur la muqueuse utérine on trouve un
polype égal à une petite fraise.
La cavité du col contient aussi un polype de la même grosseur. Le corps
elle col sont remplis d'un mucus filant.
En arrière on aperçoit des fausses membranes très-résistantes s'étendant de
la face postérieure de l'utérus au kyste qui remplit le fond du cul-de-sac
recto-utérin et remonte dans la fosse iliaque droite, dans la région sous-ombi-
licale et s'avance même jusque dans la fosse iliaque gauche.
Ce kyste a 0,30 centimètres dans son diamètre horizontal et 0,25 centimètres
dans son diamètre vertical.
On ouvre la poche à partir du point où elle présente une perforation, c'est-
à-dire en haut et à droite. Le kyste est uniloculaire et contient encore quelques
cuillerées d'un liquide jaunâtre semblable à celui rendu dans les selles ou
versé par le péritoine. Les parois ont de 0m,009 à 0m,010 d'épaisseur elles sont
résistantes.
La surface interne est bleuâtre; sur beaucoup de points elle est recouverte
de grumeaux gris adhérents.
Les connexions de ce kyste sont les suivantes :
La face postérieure de l'utérus est en avant; le kyste la déborde latérale-
ment et en haut; non-seulement le kyste est relié par des brides déjà aneien-
57
898 SCIENCES MÉDICALES
nés à l'utérus, mais encore à la région hypogastrique jusqu'à l'ombilic et
dans les flancs, on doit, si on veut bien isoler la tumeur, détruire des adhé-
rences intestinales fortes et nombreuses qui auraient nécessité, en supposant
une opération, des incisions et des ligatures multiples : le kyste n'est isolé
qu'en haut et en arrière, lieu où s'est fait la perforation supérieure.
Pour trouver l'orifice de communication avec l'intestin, on l'ait une incision
de chaque côté du kyste, de manière à en étaler les parois. On lie l'intestin
dans le rectum au-dessus de l'S iliaque, et en introduisant la canule du
tube à irrigation de l'amphithéâtre, on voit alors que l'eau projetée s'écoulait
par un orifice situé en bas et à gauche, à l'union de l'S iliaque et du
rectum.
Cette ouverture masquée par de fausses membranes permet facilement
l'introduction du doigt indicateur. En ce point, les deux portions du gros
intestin (S iliaque et rectum), ont formé un coude pour s'accoler à la paroi du
kyste. La mortification de l'intestin avait été provoquée par suite de la com-
pression par le kyste sur le plan résistant de la ligne innommée.
L'ovaire droit est parfaitement sain ; le corps de la trompe de ce côté est
recouvert de fausses membranes ; sa cavité est très-perméable, son pavillon
incliné en avant.
Un cordon ferme, arrondi, part de l'angle inférieur gauche de la tumeur
pour rejoindre l'angle supérieur gauche de l'utérus ; il est percé d'une ouerv-
ture ovale et semble être un des vestiges de la trompe de ce côté. Un stylet
introduit dans cet orifice s'arrête dans un cul-de-sac. Nulle part on ne trouve
l'ovaire gauche.
Le rectum avait son calibre normal ; il était aplati contre l'os iliaque, et
offrait l'ouverture que nous avons indiquée.
Rien à signaler du côté du cœur, des poumons, du cerveau ou dans les
autres organes.
Examen histologique .
Les tumeurs sphériques ou pyriformes englobées dans les parois internes sont
constituées par des fibres musculaires lisses, l'examen microscopique confirme
donc entièrement l'opinion que nous avions de la nature de ces produits.
Tous ces myomes ne sont pas plus avancés l'un que l'autre, dans leur
évolution. Homogènes et très-vasculaires, ils ne contiennent dans leur inté-
rieur, ni liquide, ni graisse, ni pétrifications amorphes, ni concrétions ossi-
formes ou calcaires. Ces néoplasmes sont relativement jeunes.
La pièce examinée se compose encore de fragments de la paroi du kyste et
des coupes verticales en sont faites après durcissement dans l'alcool, la gomme
à l'alcool, 2i heures dans chacun de ces liquides; elles sont colorées par le
picro-carminate d'ammoniaque et conservées dans la glycérine additionnée
de 10 p. 0/0 de cette matière colorante.
Examen à un faible grossissement (oc. 2. et obj. 2. du microscope de
Nachet). On voit que le kyste comprend deux zone- bien distinctes: l'une
externe, plus large, plus claire et colorée, mesurant environ 0,004 millimètres
d'épaisseur; l'autre interne plus mince, foncée, mai coloriée, mesurant
U,0Ui millimètre.
Dr LE DOUBLE. — KYSTE DE L'OVAIRE UNILOCLLAIRE 899
Grossissement plus fort. A. Zone externe. Elle est formée de fibres de lissu
conjonctif et limitée en dehors par un bord net, sur lequel on ne trouve pas
de cellules épithéliales. Entremêlées aux fibres conjonctives, on voit quelques
fibres musculaires lisses, dont la direction est généralement parallèle à celle
des parois du kyste et qui sont les unes isolées, les autres réunies en mince
faisceau.
B. Zone interne. Elle est tapissée en dedans par une seule couche d'epithé-
lium cylindrique; plus en dehors, une couche d'un tissu avec des fibres en-
trecroisées et qui est analogue à celui du derme dont il a l'aspect opaque. Ce
tissu conjonctif, ressemble à celui qui constitue la zone externe en ce
qu'il contient des fibres musculaires, il en diffère en ce qu'il est très-riche en
petites cellules rondes, éléments jeunes ou cellules lympathiques.
Réflexions. — Bien que l'origine de ce kyste soit difficile ù détermi-
ner, il nous paraît cependant probable qu'il s'agit ici d'un kyste de
l'ovaire. L'idée d'une hydropisie de la trompe serait à peine soutenable,
on ne saurait davantage invoquer l'existence d'un kyste de l'organe de
Roscn Muller, d'un de ces kystes lacuneux décrits par M. Verneuil,
espèce d'hygromas sous-séreux, résultant d'une accumulation de séro-
sité dans de véritables bourses sous-péritonéales, formées dans le tissu
cellulaire par le frottement réciproque des organes. L'absence de l'o-
vaire gauche, les connexions du kyste avec l'angle supérieur gauche de
l'utérus et avec la trompe du même côté, nous autorisent à considérer
la tumeur du cul-de-sac recto utérin comme ayant son point de départ
dans l'ovaire.
En outre, il est incontestable que le liquide évacué par le rectum, et
contenu dans le péritoine était celui que renfermait la poche avant toute
perforation. On ne saurait préciser aussi sûrement dans quel point la
rupture du kyste s'est faite tout d'abord ; nous inclinerions cependant
à croire que l'ouverture rectale est plus ancienne. La malade en arri-
vant à l'hôpital n'accusait aucun symptôme de péritonite, et c'est seule-
ment deux jours avant la mort qu'on a pu soupçonner une inflam-
mation légère du péritoine. A ce moment l'ouverture intestinale était
produite, les selles contenaient du pus, la poche était débarrassée presque
entièrement de son contenu et peu de matière avait pu être versée dans
la séreuse.
A l'autopsie, nous avons vu que l'orifice supérieur était irrégulier,
déchiqueté et de peu d'étendue, tandis que l'orifice inférieur était plus
•large, fermé par des pseudo-membranes déjà très-bien organisées et
bordé par des tissus durs et résistants. Les désordres anatomiques
étaient beaucoup plus considérables.
Mais ce qui nous a engagé à publier cette observation et ce qui doit
attirer surtout l'attention, c'est l'existence du tintement métallique et du
900 SCIENCES MÉDICALES
bruit de Ilot liquide dans un kyste de l'ovaire, signes stéthoscopiques
observés seulement après que la poche se fût ouverte dans l'intestin. —
Ce bruit de flot de liquide était absolument semblable à son homologue,
le bruit de flot de liquide thoraciqne, comme lui, il était obtenu par de
légères secousses. Le tintement métallique, espèce de cliquetis métalli-
que ou de frémissement argentin, se manifestait quand la malade,
qui était dans le décubitus dorsal, se soulevait pour se mettre sur son
séant, ou encore par la percussion de l'abdomen ou par un brusque
mouvement imprimé à tout le corps. Tantôt il semblait se passer près
de l'oreille, tantôt en être éloigné. Parfois, après avoir duré quelque
temps, il cessait pour reparaître après et éprouver ensuite encore plu-
sieurs alternatives de disparition et de retour. Sa tonalité et son timbre
étaient soumis à de nombreuses variations.
Cette malade n'est pas la seule qui, atteinte d'un kyste de l'ovaire,
nous ait présenté des bruits d'auscultation. En 1875, à l'Hôtel-Dieu,
j'ai vu une femme ayant un kyste uniloculaire énorme de l'ovaire gau-
che, femme qui succomba à une pneumonie intercurrente. Chez elle,
comme nous avons pu le constater à l'autopsie, la poche était intacte :
elle était remplie aux trois quarts par un liquide albumineux, d'une
teinte verdâtre ; chez cette dernière, comme chez la précédente, nous
avons constaté pendant la vie le tintement métallique et le bruit de flot
de liquide.
Déjà quelques observations de tintement métallique et de bruit de flot
de liquide dans diverses tumeurs abdominales ont été publiées, soit
dans le Bulletin de l'Académie de médecine, soit dans divers journaux,
par MM. Laboulbène, Barthez, Roger, Demarquay, Gosselin. M. Herard
a constaté une fois le tintement métallique dans un kyste ovarique.
(Bulletin de l'Académie de médecine, t. XXVI1J. p. 18.)
Mes deux faits joints aux précédents engageront à rechercher davan-
tage les deux symptômes dans les maladies de l'abdomen. Ils démontrent
que ces deux signes stétlioscopiques peuvent se rencontrer aussi bien dans
un kyste ovarique sans communication avec l'air extérieur, que dans un
kyste ovarique communiquant avec l'intestin. Il peut exister un tinte-
ment ovarique métallique essentiel, de même qu'il existe un tintement
métallique dans l'hydro-pneumo-thorax, sans déchirure des plèvres.
La détermination des particularités des kystes ovariques par la pré-
sence ou l'absence du bruit de flot de liquide, ou du tintement métal-
lique, par leur intensité, par leur caractère, ne présente pas seulemeut
de l'intérêt sous le rapport diagnostic, il en découle des conséquences
pratiques qui ne sont pas sans importance pour le traitement.
Une grave question au point de vue de l'opération est celle des
adhérences; or, l'existence de frottement joint à l'ancienneté du kyste,
l)r LE DOUBLE. — KYSTE DE [.'OVAIRE UNILOCULAIRE 901
à la présence de l'ascite, à la mobilité de la tumeur, peuvent faire
admettre ou rejeter l'existence de cette complication. De même la
nature du kyste pourra être exactement déterminée avec l'aide des deux
nouveaux signes que nous indiquons.
Sans aucun doute ils se rencontreront dans 1rs kystes ovariques uni-
loculaires à contenu séreux, séro-sanguin ou séro -purulent, plus diffici-
lement lorsque le kyste, bien qu'uniloculaire , renfermera un liquide
visqueux filant, épais, gélatiniforme, soit primitivement, soit consécuti-
vement, à un premier traitement par la ponction simple ou par la
ponction avec injection iodée. Dans les kystes muitiloculaires ou
aréolaires a poches bien isolées on peut préjuger qu'ils seront peu ou ne
seront pas étendus, (.race à eux pourront être facilement distinguées les
tumeurs liquides des tumeurs solides de l'ovaire, tels que tumeurs col-
loïdes, cystosarcomes, cysto-carcinomes, kystes solides mélicériques, etc.
En résumé :
Frottement, tintement métallique, bruit de Ilot de liquide, tels sont
les bruits que nous avons entendus jusqu'à ce jour en auscultant les
kystes de l'ovaire (1).
Nous les notons seulement dès à présent, nous réservant d'étudier
plus longuement, dans un autre mémoire, ce que nous n'avons fait qu'é-
baucher ici pour prendre rang, à savoir : la valeur de ces bruits, leurs
significations, les indications qu'ils peuvent fournir à la clinique et à
la thérapeutique.
M. le Dr BRAME
de Tours.
L'ENTORSE ET SON TRAITEMENT
— Séance du S 9 août 187 7
(1) Nous laissons absolument à l'écart le frémissement hydatique ; nous n'avons pas encore eu
l'occasion de nous trouver en présence d'un kyste hydatique de l'ovaire.
902 SCIENCES MÉDICALES
M. le Dr François FRANCK
Préparateur au Collège de France,
SUR LA COMPRESSION DU CŒUR DANS LES ÉPANCHEMENTS DU PÉRICARDE (1).
(EXTRAIT du PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 29 août 1877. —
— La compression graduellement croissante (de 0 à -f 2 c. Hg) exercée
sur le cœur à l'intérieur du péricarde produit l'abaissement de la pression
artérielle du chiffre normal (11, 10 c. Hg.)» à 3, 2 c. Hg.
— Quand la contre-pression sur le cœur atteint 2 c. Hg., toute pulsation
artérielle est supprimée.
— En même temps que s'abaisse la pression artérielle, la pression veineuse
s'élève et suit dans son élévation les phases de la 'contre-pression graduelle
subie par le cœur.
— Des expériences de circulation artificielle sur le cœur de tortue isolé
permettent de comprendre l'abaissement de la pression artérielle, chez l'ani-
mal vivant dont le cœur est comprimé, par la diminution progressive du
volume des ondées aortiques; la suppression des pulsations artérielles est duc
à la suppression des ondées ventriculaires.
— Cette diminution et cette suppression des ondées aortiques, sont dues à
l'obstacle de plus en plus grand apporté à l'afflux du sang veineux dans les
oreillettes par la contre-pression qui s'exerce à leur surface. Mais, quand la
compression du cœur est faite lentement et par degrés successifs, on voit se
séparer la chute de la pression artérielle, parce qu'on donne à la pression
veineuse le temps d'arriver à un degré suffisant pour surmonter la contre-
pression.
— Tout afflux dans les cavités cardiaques est supprimé quand la contre-
pression dans le péricarde fait équilibre à la pression Mineuse:
— A la période de disparition des pulsations artérielles, on constate la per-
sistance des battements du cœur. Mais ces battements constituent autant de
« systoles avortées par défaut de réplétion ». (V. Mém. II.)
— Les résultats des expériences sur la compression du cœur à l'intérieur
du péricarde, rendent compte des effets que 1rs épanchements péricardiques
abondants produisent sur les circulations générales et pulmonaires.
— Au moment de la décompression brusque du cœur, il se produit un
reflux encore contenu dans l'aorte vers la portion intra-péricardique de cette
artère subitement décomprimée.
— Dans les instants qui suivent la décompression, la pression artérielle se
(1) Le mémoire in extenso a paru dans les Comptes renias; des travaux exécutés da,ns le k$q-
ratoire du professeur \fq,rey, Paris. G. Masson, 1877.
Dr AUBERT. — DE LA SUEUR DANS LES MALADIES DE LA PEAU 903
sépare au moyen de volumineuses ondées envoyées par le cœur qui reçoit
alors une grande quantité de sang sous forte pression veineuse.
— Ces deux dernières conclusions sont applicables aux phénomènes car-
diaques et artériels qu'on observe chez l'homme au moment de la cessation
de l'effort.
— Un mécanisme très-analogue doit être invoqué pour l'interprétation des
accidents des épancbements pleurétiques séreux abondants, Cette question est
l'étude.
M. le Dr P. AÏÏBEET
Chirurgien do l'Antiquaille, Professeur agrégé
de la Faculté de Médecine de Lyon.
DES MODIFICATIONS SUBIES PAR LA SÉCRÉTION DE LA SUEUR
DANS LES MALADIES DE LA PEAU
Séance <1 u 29 a ont 1877. —
Messieurs,
Avant de vous donner la description des modifications subies par la
sécrétion de la sueur dans les maladies de la peau et de faire passer
sous vos yeux les empreintes qui vous permettront de voir et de con-
trôler les résultats obtenus, nous devons vous exposer brièvement la
méthode expérimentale suivie dans cette étude et la manière dont ces
empreintes ont été produites.
Si l'on applique avec une certaine pression et dans des conditions
favorables une feuille de papier blanc ordinaire sur la surface cutanée,
et qu'on soumette ensuite cette feuille à l'action de divers réactifs, on
obtient des empreintes. Ces empreintes, selon les conditions dans les-
quelles elles ont été produites, peuvent se rattacher à des types diffé-
rents : les unes sont de véritables impressions analogues à celles que
donne, par exemple, une planche de gravure ou une pierre lithogra-
phique ; elles reproduisent les saillies, les sillons, les poils, en un mot
les accidents de surface de la peau. On peut favoriser la réussite de ces
empreintes en enduisant préalablement la peau d'une substance colorée
par elle-même ou susceptible de se colorer par l'action de réactifs. Ce
sont là des empreintes de surface. Les autres permettent d'apprécier
l'état actuel de la sécrétion des glandes cutanées ; ce sont les empreintes
glandulaires que l'on peut diviser, comme les glandes qui leur donnent
naissance, en empreintes sébacées et empreintes sudorales. Les em^
preiptes sébacées ne s'obtiennent avec quelque netteté que sur des
004 SCIENCES MÉDICALES
points limites du corps : le crâne, la face et particulièrement l'extré-
mité du nez; j'en ai parfois cependant obtenu .sur les épaules et le long
de la ligne des apophyses épineuses. Le pointillé huileux du papier
permet de discerner immédiatement ces empreintes, mais on ne peut
les conserver en cet état. En effet, la tache huileuse s'étale, se diff-
etperd toute netteté. On peut fixer ces empreintes avec une solutir
nitrate d'argent agissant lentement dans l'obscurité. Le sel d'arg
réduit à la longue au niveau de la tache graisseuse et la dessine en
noir ou en hrun avec une netteté parfaite. Les empreintes que nous
vous montrons ont été obtenues il y a plus de deux ans parce procédé.
Récemment un de nos collègues de la Faculté de Lyon, M. Charpy, a
employé l'acide osmique, et cet acide constitue dans ce cas, par la
rapidité et l'intensité de son action, un agent préférable au nitrate
d'argent.
Les empreintes sudorales peuvent s'obtenir sur toute la surface du
corps, à condition bien entendu que la légion sur laquelle on expéri-
mente soit propre, saine et rasée. Ce sont ces empreintes sudorales qui
sont de beaucoup les plus importantes et ce sont les seules dont nous
voulions vous entretenir aujourd'hui.
Voici comment on obtient ces empreintes.
Sur la peau mise en sudation préalable par un moyen quelconque
(exercice, couvertures, étuve, jaborandi), on pose une feuille de papier
ordinaire mince et de petites dimensions; cette feuille est maintenue
exactement, appliquée et fixée à l'aide d'une légère compression s'exer-
çant à travers une compresse fine pliée en plusieurs doubles. Le temps
de pose, doit varier selon l'abondance de la sudation, de quelques
secondes à quelques minutes ; quelques secondes suffisent le plus souvent.
Dans ces conditions chaque orifice glandulaire vient verser sur le point
correspondant de la feuille de papier une gouttelette de sueur et donne
une image. L'image ainsi obtenue est invisible, il faut la faire ressortir,
la révéler. Pour obtenir ce résultat, nous connaissons trois moyens et
l'on pourrait sans doute en découvrir d'autres. Ces trois moyens sont :
l'exposition de la feuille à des vapeurs iodées, le badigeonnage avec une
solution de protonitrate de mercure, et le badigeonnage avec une solu-
tion faible de nitrate d'argent, suivie de l'exposition à la lumière. Les
vapeurs iodées viennent se fixer exclusivement sur les points de la
feuille qui présentent une légère humidité, et là se combinant avec
l'amidon du papier, donnent au niveau de chaque glande un petit point
bleu. Le protonitrate de mercure se réduit partiellement au contact des
sels de la sueur et donne un pointillé noirâtre. Les empreintes à l'iode
sont fugaces; celles au protonitrate de mercure, quoique un peu plus
stables ,ne peuvent s'obtenir d'une façon régulière. Ce sel, en effet, est
U' AUBERT. — DE LA SUEUR DANS LES MALADIES DE LA PEAU 905
un sel capricieux qui tantôt est sensible, tantôt inerte, ou à peu près :
il nous a semblé que le protouitrate récemment préparé et très-blanc,
donnait de meilleurs résultats que celui qui, plus ancien, s'est altéré et
a un peu jauni. Du reste, les meilleures empreintes obtenues avec ce
sel n'ont ni la netteté ni la stabilité de celles que produit le nitrate
d'argent.
Le réactif de beaucoup le plus utile et le plus sensible est le nitrate
d'argent, et c'est celui dont nous nous servons habituellement, quoique
les épreuves à l'iode et au protonitrate de mercure nous aient servi à
élucider certains points spéciaux. La solution de nitrate d'argent doit
être faible, 0.50 pour 100; nous l'employons de la manière suivante :
aussitôt que la feuille de papier a été détachée de la surface cutanée,
nous la badigeonnons uniformément avec un gros pinceau en blaireau
trempé dans la solution, puis nous exposons la feuille à la lumière. On
ne tarde pas à voir apparaître un tin pointillé violet reproduisant exac-
tement sur les épreuves réussies le nombre et la disposition des glandes
sudoripares de la région.
La théorie de ces empreintes est simple. Chaque orifice glandulaire
a versé sur le papier sa gouttelette de sueur ; cette sueur renferme du
chlorure de sodium; ce chlorure de sodium au contact du nitrate d'ar-
gent se transforme en chlorure d'argent, et c'est la réduction à la
lumière du chlorure d'argent ainsi produit, qui donne le pointillé
sudoral.
Quelques précautions sont nécessaires pour obtenir de bons résultats.
11 faut que la sudation ne soit ni trop faible ni trop forte : trop
faible , les empreintes sont nulles et incomplètes ; trop forte , et si la
sueur ruisselle, on n'obtient plus qu'un barbouillage informe. La solu-
tion de nitrate d'argent doit être faible et rester plutôt au-dessous
qu'au-dessus de la solution normale de 0.50 pour 100. Avec une solu-
tion forte on obtient à la vérité des empreintes nettes si l'on arrête à
temps l'action de la lumière; mais, comme avec le temps le nitrate
d'argent se réduit, il en résulte, s'il est en excès, que la feuille toute
entière noircit et que l'empreinte peut perdre sa netteté, et même dis-
paraître. Avec une solution faible, cela n'est point à craindre, et nous
avons des empreintes recueillies depuis plusieurs années et qui, tout en
étant moins fraîches que le premier jour, ont gardé toute leur netteté,
quoiqu'elles n'aient subi ni tixation ni virage. Il importe encore que le
badigeonnage au nitrate suive de près l'application de la feuille de
papier sur la peau; le chlorure de sodium, en effet, ainsi que les autres
sels qui constituent le résidu sudoral, est déliquescent, et au heu de
rester fixé sur le point limité où il a été déposé par l'orifice glandulaire
il se diffuse dans le papier. Le nitrate d'argent en le transformant en
906 SCIENCES MÉDICALES
chlorure insoluble s'oppose à la diffusion de l'empreinte et lui conserve
sa netteté.
Quant à l'exposition à la lumière, il vaut mieux éviter le plein soleil
et se servir de la lumière diffuse ; il est bon également de retirer la
feuille dès que l'empreinte se dessine nettement; en la laissant plus
longtemps, l'empreinte tend plutôt à perdre de sa netteté à cause de la
réduction du nitrate d'argent.
Telle est la méthode d'investigation que nous avons employée; elle
est très-simple et peut se résumer dans les trois conditions suivantes :
4° Application d'une feuille de papier sur la peau en sueur;
2° Badigeonnage de la feuille avec une solution faible de nitrate
d'argent ;
3° Exposition de la feuille à la lumière.
La récolte et l'étude de ces empreintes constitue pour la physiologie
et la pathologie cutanée une méthode d'investigation nouvelle et précise
que nous avons appliquée à l'étude de diverses questions.
La seule de ces questions que nous voulions aborder aujourd'hui est
celle des modifications de la sécrétion sudorale dans les maladies de la
peau.
La récolte des empreintes sur la peau malade se fait exactement comme
sur la peau saine, sauf la nécessité où l'on est souvent de débarrasser
préalablement la surface cutanée des produits de sécrétion (croûtes,
squames, furfurs, etc.), qui viendraient troubler la netteté des résul-
tats. L'enveloppement au caoutchouc rend pour ce nettoiement préa-
lable de la peau les plus grands services. Nous avons généralement eu
soin de recueillir l'empreinte près de la limite de la peau saine en traçant
préalablement sur la peau cette limite avec un léger trait à l'encre. Ce
trait s'imprime sur le papier en même temps que la sueur et donne le
contour et la limite de l'espace malade. On peut ainsi apprécier facile-
ment l'état comparatif de la sécrétion sur la peau saine et sur la peau
malade, et discerner à première vue les différences qu'entraîne l'état
pathologique. Il est plus commode de choisir, quand on le peut, une
région habituellement découverte ou facile à découvrir, telle que le dos
de la main, l'avant-bras, les jambes: sur ces points les empreintes se
recueillent avec moins de dérangement pour soi-même et pour le malade.
Dans l'énumération des affections cutanées, nous suivrons un ordre un
peu arbitraire, mais qui convient à notre sujet, et nous examinerons suc-
cessivement les affections qui ne s'accompagnent d'aucune irritation
cutanée et celles où celle irritation existe à un degré variable, depuis la
simple hyperémie jusque aux exsudations et productions diverses.
It' AUBERT. — DE LA SUEUR DANS LES MALADIES DE LA PEAU 907
I. Affections non irritatiyes.
Nœvus pigmentaire . — Les taches congénitales simples de la peau ne s'ac-
compagnent d'aucune modification de la sécrétion sudorale.
Ncevus saillant et pileux. Hypersécrétion notable et persistant même lorsque
la peau saine voisine sécrète à peine. Cette hypersécrétion doit être en relation
avec l'hypertrophie et l'hyperémie des éléments glandulaires.
Ncevus en tache vineuse. — Hypersécrétion marquée, mais moindre que dans
le nœvus saillant. Les taches vineuses sur lesquelles nos empreintes ont été
recueillies ne présentaient absolument aucune saillie et il aurait été impossible
de les reconnaître au toucher. La sudation s'établissait à leur surface plus
vite que sur les parties saines: elle était plus abondante et persistait plus
longtemps
Taches de rousseur. — Aucune modification :
Vitiligo. — Aucune modification. Il n'existe pas de différence appréciable
entre la sécrétion des espaces qui ont un excès ou un défaut de pigmentation,
et la peau saine.
Pelade. — Sur plusieurs malades nous n'avons pas trouvé de différence dans
la sécrétion entre la plaque de pelade et la région saine qui l'avoisine.
Tatouage. — Le tatouage n'est point une maladie, cependant nous croyons
utile de le mentionner. Nos empreintes démontrent que le tatouage n'entraîne
absolument aucune modification du nombre ni de l'activité sécrétoire des glandes
sudoripares.
Icihyose. — Nous avons constaté dans l'icthyose les trois faits suivants:
1° Diminution notable du nombre des glandes sudoripares, diminution d'au-
tant plus accentuée que la maladie est elle-même plus intense;
2° Irrégularité de la disposition des glandes : cette irrégularité peut être plus
réelle qu'apparente; elle doit tenir à ce que, un grand nombre des glandes fai-
sant défaut, l'arrangement de celles qui subsistent paraît troublé;
3° Hypersécrétion de quelques régions moins profondément atteintes : cette
hypersécrétion est probablement supplémentaire.
Nous ferons observer que nos empreintes d'iethyose ont été recueilies au
. mois de juillet, alors que la température était élevée, et que sous cette influence
et celle du traitement la maladie était à peu près complètement dissimulée.
Nous avons étudié l'icthyose sur plusieurs malades mais plus spécialement
sur un enfant de dix ans, dont la face, le tiers inférieur des avant-bras et les
mains ne présentaient que des traces à peine visibles de la maladie. Sur ces
points le nombre des glandes se rapprochait d'autant plus de l'état normal que
la surface cutanée paraissait plus saine. Sur les régions malades, les glandes
ou tout au moins celles de ces glandes qui sécrétaient étaient éparses, clair
semées. L'hypersécrétion était considérable à la plante des pieds et à la paume
et sur le dos des mains; en ce dernier point le papier, après 15 à 20 secondes
de pose, présentait une surface visiblement mouillée. Malgré cette abondance
de la sécrétion, que nous n'avions point trouvée dans cette région à un pareil
degré, nos feuilles ne donnaient après le badigeonnage au nitrate absolunie.
908 SCIENCES MÉDICALES
aucune empreinte. Nous «.'unies quelques difficultés à expliquer ce fait. Après
avoir écarté, à la suite d'expériences multiples, diverses hypothèses, nous arri-
vâmes à constater que le chlorure d'argent formé ne se réduit que très-impar-
faitement à la lumière s'il se trouve en présence d'un excès de chlorure de
sodium. Il a suffi, en effet, de prendre une solution argentique plus forte, ou
mieux, de réduire à deux ou trois secondes le temps de pose, pour obtenir
des empreintes parfaitement nettes. C'était donc ici l'excès même de la sécré-
tion qui s'opposait à la réussite des empreintes; nous avons du reste retrouvé
le même fait dans tous les cas où la sueur coule abondamment.
11. — Affections irritatives.
hyperémiques l'lus oc moins inflammatoires
Urticaire. — Nous avons recueilli de nombreuses empreintes sur deux malades,
l'un d'eux surtout, dont les plaques disparaissaient par le séjour au lit mais
ressortaient nombreuses et saillantes dès qu'il était exposé à l'air et plus encore
lorsque nous le faisions courir pour obtenir la sudation. Jamais nous n'avons
observé la moindre différence de sécrétion entre les pomphus les plus accen-
tuées et la peau saine qui les entoure. 11 est à noter ici quel'exsudat du pom-
phus, quelle que fût son abondance, n'entraînait aucune obstruction de l'ex-
trémité des conduits sudoripares.
Roséole syphilitique. — Aucune modification.
Roséole copahique. — Aucune modification.
Erythème arsenical. — Aucune modification. Les empreintes ont été prises
sur de larges espaces érythémateux des bords externe et interne du pied, em-
piétant un peu sur le dos et sur la plante de l'organe ; le début de l'érythème
remontait à quelques heures seulement.
Zone hyperémique au niveau de lésions osseuses, d'abcès profonds ou au pour-
tour de fistules. — 11 arrive quelquefois, et c'est un fait que nous avons observé
surtout au pied et au niveau du calcanéum, que des inflammations osseuses
chroniques, avec ou sans fistules, s'accompagnent d'une rougeur cutanée plus ou
moins intense et étendue. La main appliquée sur la région y perçoit une cha-
leur plus forte que du côté opposé. Dans ces cas nous avons toujours trouvé
une hypersécrétion sudorale notable. Contrairement à ce qui arrive pour la
peau saine où la sudation subit, pour des causes diverses, des variations très-
rapides et très-grandes, la sécrétion est ici peu modifiée par les variations
extérieures de la température ; nous avons pu, en elïet, obtenir en quelques
secondes des empreintes très-nettes, même en hiver, en laissant préalablement
les jambes et les pieds exposés à l'air sur le lit. Dans les mêmes conditions, la
région saine du côté opposé ne donnait aucune trace de sudation.
L'Iiyperémie cutanée profonde , lorsqu'elle ne s'accompagne d'aucune lésion
de la surface, tend donc à stimuler l'activité des glandes sudoripares et à
déterminer leur hypersécrétion.
Prurigo lichénoide généralisé. — Lorsque l'empreinte fut prise la maladie était
un peu améliorée sous l'influence du traitement, mais la peau restait notable-
ment épaissie et était parsemée de petits espaces luisants répondant aux
l)r AUBERT. — DE LA SUEUR DANS LES MALADIES DE LA PEAU 90i)
papules et croûtes sanguines disparues. Il n'existait pas de trouble de la sécré-
tion sudorale et le nombre des glandes était presque normal. Ce résultat nous
a surpris, car il est en contradiction avec l'assertion de Hebra qui, bien que
privé d'un moyen d'investigation précis, a émis le plus souvent sur ce sujet
des idées très-justes. Nous attendons de nouveaux faits pour juger la question.
Psoriasis. — Le psoriasis, à sa période d'état, tarit la sécrétion sudorale. Nous
l'avons étudié cbez de nombreux malades et toujours, malgré le soin apporté à
nettoyer exactement les plaques, nous avons constaté l'absence de sécrétion.
Même lorsque sous l'influence du traitement arsenical l'affection est déjà très-
améliorée, la sueur ne reparait pas; mais plus tard, lorsque la guérison est
complète et même lorsque la plaque se trahit encore par une teinte pigmentée,
la sécrétion se rétablit complètement et il serait impossible alors de distinguer
à ce point de vue la plaque psoriasique, de la peau saine qui l'environne. Un
fait intéressant à signaler est, qu'il existe une hypersécrétion passagère, mais
bien accentuée, au moment où les glandes sudoripares reprennent leurs fonc-
tions. A ce moment la netteté de la surface indique que la couche de Malpighi
a recouvré son intégrité; et la persistance d'une légère rougeur prouve qu'il
subsiste cependant un peu d'hyperémie cutanée.
Eruption sudorale. — Presque toutes les glandes sécrètent; on peut cependant
remarquer que certains groupes répondant aux points de la surface cutanée
où se sont développées des vésicules ou des érosions superficielles, font défaut.
Herpès simple. — L'herpès tarit momentanément la sécrétion. Sur un groupe
d'herpès développé le 13 juin, une empreinte prise le 27, alors que la surface
était redevenue nette et lisse, montre l'absence de sécrétion ; celle-ci avait
reparu le i juillet.
Herpès zoster. — Mêmes résultats que pour l'herpès simple.
Pemphigus. — Le seul sujet qui ait été soumis à notre observation était trop
gravement malade pour que nous ayons pu le faire transpirer ;• mais les
empreintes prises sur les lésions huileuses expérimentales (vésicatoires), nous
permettent d'affirmer que le pemphigus doit tarir momentanément la sueur.
Eczéma. — L'eczéma, comme le psoriasis, supprime la sécrétion sudorale. Celle-
ci ne reparaît même pas encore lorsque l'eczéma amélioré présente déjà une
surface pelure d'oignon et ne sécrète plus. Nous avons retrouvé dans un cas
d'eczéma nummulaire guéri, mais conservant encore de l'hyperémie, une
hypersécrétion marquée des glandes. A mesura que l'eczéma s'améliore on voit
un nombre de glandes de plus en plus considérable recouvrer leurs fonctions, et,
lors de la guérison complète, toutes ou presque toutes sécrètent normalement.
Dans un cas d'eczéma aigu de la face, ayant débjté le 10 juin, la peau avait
recouvré un aspect normal et toutes les glandes leurs fonctions, le 10 juillet.
Tourniolr. — La tourniole entraîne la suppression momentanée de la sudation
quelques glandes reparaissent lorsque la surface de la peau, quoique encore
lisse et rosée, a cessé de sécréter.
Impétigo. — La sécrétion, tarie momentanément, reparait assez vite dans
toutes on intégrité.
Ecthyma. — Suppression et réapparition tardive; quelques glandes sont mémo
définitivement supprimées.
910 • SCIENCES MÉDICALES
Pustules de la gale. — Suppression momentanée au niveau des pustules.
Herpès circinê. —La .suppression de la sécrétion est en raison de l'irritation
produite: elle est complète et totale dans les cas où lès vésico-pustules sont
nombreuses, la rougeur et la saillie prononcées. Une empreinte, prise le 9
juillet sur un cas semblable, est dépourvue de tout pointillé; dès le 1G juillet
quelques glandes commençaient à reparaître cà et là, et quelques semaines
plus tard, toutes ont recouvré leurs fonctions.
Favus. — Le favus entraîne des degrés d'irritation de la peau très-variables pou-
vant aller de Férythème simple jusqu'à l'ulcération et la cicatrice. On conçoit
donc qu'il puisse se présenter ici des variations notables dans l'action exercée
sur la sécrétion glandulaire. Sur les espaces byperémiés et rouges qui caracté-
risent le favus après l'épilation ou la rasure des plaques, nous avons trouvé la
sécrétion quelquefois conservée, le plus souvent complètement abolie. Dans le
premier cas quelques glandes font toujours défaut, mais il en subsiste encore
la plus grande partie.
Erysipèle. — L'érysipèle tarit complètement la sécrétion sudorale. Comme c'est
une maladie fébrile et que la fièvre peut, par elle-même, amoindrir ou sup-
primer la sueur, nous avons pris ici deux séries d'empreintes, les unes à
la limite de la peau saine et de la peau malade, les autres en pleine région
saine et en pleine région malade : les deux séries nous ont donné le même
résultat. La surface érysipélateuse ne donne absolument aucune empreinte, alors
que la peau saine en fournit de très-nettes. Plus tard, la sécrétion reparaît .dans
toute son intégrité.
Lupus érythémateux. — L'envahissement de la peau par la néoformation sup-
prime peu à peu tous les éléments glandulaires ; çà et là quelques glandes,
momentanément conservées, présentent de l'hypersécrétion.
Syphilides et scrofulides tuberculeuses. — Le même fait d'envahissement et
de suppression des glandes se présente.
Cicatrices. La cicatrice est la substitution d'un tissu uniforme dérivé du tissu
conjonctif aux éléments variés et-divers de la peau. Quelle qu'ait été la maladie
qui a donné naissance à la cicatrice, on doit donc constater un résultat analo-
gue. Nos empreintes ont été recueillies sur plusieurs maladies, et, dans toutes,
nous constatons le même fait» En pleine cicatrice, les glandes font totalement
défaut; mais à la limite de la peau saine, quelques glandes, qui ont probable-
nu nt subi une hypertrophie notable, présentent une sécrétion exagérée. Dans
les cas de cicatrices peu profondes, toute la surface de la cicatrice peut être ainsi
parsemée d'éléments glandulaires plus rares mais offrant de l'hypersécrétion .
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET DÉDUCTIONS
Malgré les lacunes nombreuses que présentent encore nos recherches,
il est permis déjà d'en tirer quelques conclusions.
D'une manière générale on peut dire que l'hypérémie cutanée, lors-
qu'elle existe non-seulement à la surface, mais dans les couches pro-
Hr OLLIER. — CURE RADICALE DES KYSTES DE LA Ul\Koïi>i. '.Ml
fondes de la peau, tend à produire l'hypersécrétion des glandes sudo-
ripares.
.Nous avons des exemples de cette hyperémie dans des circonstance
très-diiférentes, les taches vineuses, la zone hyperémique des abcès el
Gstules, et la période avancée de guérison du psoriasis ou de l'eczéma.
Lorsque l'hyperémie porte essentiellement sur la surface cutanée (ur-
ticaire, roséole syphilitique, roséole copahique, etc.), la sécrétion n'est
nullement modifiée et ne se trouve ni accrue ni diminuée.
Au contraire, les affections irritatives et inflammatoires les plus di-
: érysipèle, eczéma, psoriasis, affections vésiculeuses ou pustu-
8 variées, entraînent toutes la suppression au moins prolongée de
la sécrétion sudorale. Quelle interprétation faut-il donner «le cette sup-
pression? Se produit-il simplement une occlusion du conduit glandu-
laire, l'inflammation se propage-t-elle de la surface de la peau et de la
couche de Malpighi dans les culs-de-sac, ou bien est-ce quelque action
réflexe partant de la surface cutanée et qui va retentir sur l'innervation
des glandes? Toutes ces hypothèses sont permises, mais nous ne pou-
vons encore nous prononcer à cet égard. L'occlusion nous parait toute-
fois jouer un rôle important. Nous aborderons plus tard l'étude théo-
rique de cette question lorsque des expériences poursuivies sur les
occlusions glandulaires et les irritations expérimentales de la peau nous
auront permis d'y apporter quelque éclaircissement.
M. le D1 OLLIER
ir à [a Faculté de Hé i i toi
CURE RADICALE DES KYSTES DE LA THYROÏDE
(extrait du procks-verhal.)
— Séance du 29 août 187T. —
M. Ollier expose les procédés qu'il emploie pour obtenir la cure radicale
des kystes de la thyroïde. Cette opération passe pour une des plus graves de
la chirurgie et cependant elle peut être faite sans dangers. À Lyon, les kystes
ne sont pas rares, on les y observe beaucoup plus fréquemment que dans les
hôpitaux de Paris, aussi s'en occupa-t-on de bonne heure. Bonnet, de Lyon,
avait une méthode que Ton connaît : il faisait sur les hydrocèles du cou des
applications répétées de pâte de Canquoin. Mais ce traitement est horrible-
ment douloureux et fort long : la douleur ne reste pas localisée dans les
912 SCIENCES MÉDICALES
points attaqués par les caustiques, mais elle s'irradie le long du cou et de la
trie, vers les bras, vers la poitrine, et la souffrance est parfois intolérable.
On pourrait croire, à voir la saillie de la tumeur, qu'elle est très-superficielle
et que le caustique atteindra immédiatement la cavité. Il n'en est rien, et il
faut souvent des applications successives pendant plus de quinze jours avant
d'ouvrir la tumeur. Enfin, un autre inconvénient très-grave de la méthode
de Bonnet, c'est que le caustique ulcère la peau dans une très-grande étendue
et laisse des cicatrices difformes d'un aspect fort désagréable, surtout chez une
femme. C'est pour obvier a ces divers inconvénients que M. Ollier a imaginé
son procédé plus expéditif, moins douloureux et laissant des traces moins
étendues. Il ne faut pas songer à l'ouverture simple, où des liquides deviennent
septiques dans la cavité ouverte, et où des symptômes très-graves d'infection
putride se manifestent; la ponction par aspiration a les mêmes inconvénients
et la déplétion de la poche provoque souvent des hémorrhagies redoutables ;
les vaisseaux de la paroi du kyste n'étant plus soutenus par le liquide de la
poche se dilatent, se rompent et l'hémorrhagie a lieu. Voici comment opère
M. Ollier : il fait une incision sur la tumeur et arrive jusqu'à elle en procé-
dant couche par couche; il coupe la peau, le tissu cellulaire, etc.; il rencon-
tre le sternomastoïdien souvent étalé au-dessus de la tumeur; il le dissèque
avec soin et le fixe à la peau et arrive ainsi jusque sur la paroi du kyste. 11
fait alors une large application de pâte de Canquoin, qui modifie la paroi de
la tumeur; cette paroi se sphacèle et s'ouvre spontanément; mais il ne se
fait pas d'hémorrhagie. Lorsque la poche est ainsi ouverte, M. Ollier passe un
drain et fait de très-fréquents lavages dans l'intérieur de la poche. 11 évite
ainsi la transformation des matières organiques et la septicémie qu'elles provo-
quent. Par ce procédé, M. Ollier a obtenu de magnifiques résultats et n'a eu
qu'une seule terminaison funeste.
M. le Dr BOUTEILLES
de Rouen.
DE LA STATISTIQUE MEDICALE
S cil il ce il il $9 il" ut IS77. —
La statistique en général, el la statisque médicale en particulier, sont
éminemment utiles, cela n'a pas besoin d'être démontré.
Se fondant sur quelques erreurs de diagnostic fort possibles, en effet,
et sur les exigences, dans quelques cas, du secret médical, certaines per-
sonnes ont prétendu que la stalistique médicale ne peut rien donner
et est chose tout à l'ait illusoire. Je ne partage pas cet avis; quelques
Dr BOUTEILLER. — DE LA STATISTIQUE MÉDICALE 913
unités ne sont rien quand on raisonne sur des nombres élevés et il est
bien entendu que la statistique, sauf quelques exceptions fort rares, ne
portera jamais sur une petite commune, mais sur une grande ville, sur
un canton, sur un arrondissement, sur un département, sur une province,
sur une région et même sur toute la France.
On a prétendu aussi que la statistique médicale est impossible. Cer-
tainement ! si on la conlie à des employés de bureau, mais elle est fort
possible si on la conlie à un médecin, ou si, tout au moins, la statistique
établie par un bureaucrate est rectiliée par un homme compétent.
Dans l'état actuel des choses, la statistique médicale, en France, laisse
beaucoup à désirer, non-seulement parce qu'elle est faite par des em-
ployés inexpérimentés en pareille matière, mais encore parce qu'il n'y a
pas une direction unique ou, si l'on veut, parce qu'on ne procède pas
partout de la même manière.
La première assertion a toute la force d'un axiome; quant à la seconde,
les exemples abondent.
Pour la population, tout d'abord, dans telle ville, on ne comprend
dans le total de la population ni la population tlottante, ni la garnison ;
dans telle autre, c'est le contraire ; ici on distingue la population en
population agglomérée et en population non agglomérée ; là on n'établit
pas cette distinction, importante surtout au point de vue des épidémies.
Autre exemple : par une circulaire du ministre de l'intérieur à la date
du 1er décembre 1862, et destinée à mettre de l'uniformité dans la
tenue des livres des hôpitaux, il est dit que l'enfance s'étend de 1 à
15 ans. Au contraire, au ministère de l'agriculture et du commerce,
quand on demande à l'Académie de médecine une statistique sur telle
ou telle épidémie, on fait finir l'enfance à 12 ans. Qu'arrive-t-h"? le mé-
decin des épidémies, dont le rapport est destiné à l'Académie, peut bien,
en ce qui concerne les malades soignés à domicile, se conformer à la
limite de 12 ans, mais, complétant ses renseignements dans les hôpi-
taux, il y trouve des relevés dans lesquels l'enfance ne finit qu'à loans
Il y a plus ! veut-il s'aider des tableaux de la mairie, il y rencontre
deux enfances : celle de 0 an à S ans et celle de 5 à 15* ans, qu'il peut,
par une addition, faire concorder avec la statistique du ministère de
l'intérieur, mais nullement avec celle du ministère de l'agriculture et du
commerce.
La connaissance des causes de décès est très-utile ; mais comment
faire cette statistique?
De deux manières bien différentes, selon qu'on la mettrait entre les
58
014 SCIENCES MÉDICALES
mains d'un employé de la mairie ou que l'on en chargerait un médecin.
Dans le premier cas, il ne faudrait pas dresser à l'avance une liste de
maladies. En effet, fatalement, grâce à la synonymie et au néologisme,
certains certificats de décès contiendraient un nom qui ne serait pas
sur la liste.
Dans le second cas, il faudrait dresser une liste méthodique, courte
autant que possible. Le médecin saurait toujours bien faire rentrer
chaque nom porté sur le certificat dans le groupe auquel il appartient.
En attendant que l'on ait désigné , par commune, le médecin
qui devra procéder à la statistique médicale, celle-ci est laissée, en
France, à des employés de mairie, et le tableau qu'ils doivent remplir,
chaque année, est un mélange inextricable de maladies et de symptômes;
on demande combien de personnes sont mortes d'anasarque, d'œdème;
combien sont mortes d'hydropisie en général, de tétanos, de gangrène
en général, etc.. etc. Le tableau, ou plutôt l'un des tableaux (car il y
en a plusieurs, un pour telle localité, un second pour telle autre, et ainsi
de suite), le tableau, le plus à la mode pour tout dire, ne contient pas
moins de 21 classes, et à la lin de chacune d'elles une ligne est ouverte
sous ce titre : autres, de sorte que lorsqu'un certificat de décès contient
un nom qui n'est pas au tableau, il faut que l'employé place lui-môme ce
décès dans l'une des 21 classes ou à la ligne autres : or, comment saura-
t-il à quelle classe se rapporte le nom nouveau'.' Ce tableau, d'ailleurs,
contient 163 maladies ou symptômes; malgré cela, il y a beaucoup de
émises de décès portées sur les certificats qui n'y trouvent pas leur
place.
Ce même tableau enfin renferme quelques charmantes naïvetés du
genre de celle-ci : combien de personnes sont mortes de fièvre inter-
mittente simple.
Perdus au milieu de ce dédale, 1rs employés donnent à M. le
maire, qui les envoie à M. h; préfet, lequel, à son tour, les envoie à
Paris, des tableaux où Von rencontre des hommes morts de péritonite
puerpérale, des femmes de 60 à 80 ans mortes en couches, des enfants
de 0 à 5 ans qui se sont suicidés, etc., etc.. j'en passe, et des meilleures.
On avait, il y a quelques années, tenté de modifier cet état de choses;
j'ai sous les yeux un tableau intitulé : Annexe u" I. tableau C, Bulletin
des décès-, que l'on devait remettre à chaque praticien pour qu'il y ins-
crivît la cause du décès de ses malades. J'y vois la fièvre typhoïde, la
lièvre puerpérale, la lièvre intermittente, el la fièvre continue, placées
dans la même classe, .l'y vois aussi, à la classe des maladies des yeux,
deux seuls cas prévus : le cancer et la suppuration.
Comme si ce n'était pas assez que le défautd'unilédans les demandes
!>' BOUTEILLËR. — DE LA STATISTIQUE MÉDICALE 915
de renseignements, quelquefois celles-ci sont laites, pour ainsi dire, sans
réflexion. Croirait-on que pour connaître la mortalité des femmes en
couches dans les hôpitaux, on demande combien de femmes enceintes
entrent dans les Maternités ou (lésines et combien en sortent ? 11 faut
demander, ce me semble, combien y sont accouchées (car certaines
femmes quittent la Maternité avant d'accoucher). D'autre part, quelques
femmes accouchées sortent de la Gésine avant d'être complètement
rétablies et vont mourir chez elles. En laissant de côté les circonstances
que je viens de signaler, on a une mortalité de 12 0/0 ; si, au contraire,
On en tient compte, la mortalité monte à 14 0/0.
On ne saurait trop insister sur la statistique relative au nombre des
naissances comparé à celui des décès dans chaque commune. Dans les
unes, on ne fait figurer les mort-nés ni aux décès ni aux naissances ;
dans d'autres, on les t'ait figurer seulement aux décès, tandis qu'il con-
viendrait de les porter et aux naissances et aux décès pour des raisons
que chacun comprendra. Porter les mort-nés aux décès seulement, c'est
se résigner à trouver presque toujours un excédant de décès sur les
naissances, à trouver quelquefois des nombres égaux, quand en réalité
les naissances excèdent, enfin à trouver d'autres fois un petit nombre de
naissances excédant celui des décès, quand en réalité les naissances
excèdent de beaucoup.
Dans les petites communes, il y a, chaque année, plusieurs morts-nés
et deux ou trois autres décès, et, en regard, il y a deux ou trois enfants
nés vivants; là évidemment la population 'paraîtrait aller en s'étei-
gnant d'une manière très-rapide, tandis qu'il n'en est rien.
J'ai sous les yeux une statistique du mouvement de la population en
Espagne, de 1865 à 1869, par M. le docteur Arthur Chervin, l'un des
statisticiens français les plus distingués; j'y trouve pour chacune de
ces années le nombre des naissances, mort-nés compris.
S'il est vrai que la meilleure manière de juger de la fécondité d'une
nation est de comparer les naissances avec le chiffre de la population,
il faut bien se garder de retrancher des naissances (comme on le fait
presque partout en France) le nombre des mort-nés.
D'un autre côté, dans les naissances, on distingue, bien entendu, les
garçons et les filles, et l'on raisonne ensuite sur la proportion des deux
sexes; Celle-ci serait-elle la même, si on tenait compte des enfants
mort-nés de l'un et l'autre sexe? Cela est à voir.
D'ailleurs, chez nous, on ne s'entend même pas sur ce que c'est qu'un
mort-né. Le bon sens dit que c'est un enfant qui meurt avant ou pen-
dant sa naissance même. Eh bien non ! Par le modèle n° 1 du tableau
À, à remplir par les maires, sur le mouvement de la population, le
916 SCIENCES MÉDICALES
ministère de l'agriculture et du commerce confond dans la même colonne
\cs mort-nés et les enfants décédés avant la déclaration de naissance,
et il les confond bel et bien sous le titre générique de mort-nés. Or,
pour déclarer un enfant, on a trois jours francs; donc un enfant mort
à deux jours et vingt-trois heures, s'il n'a pas été l'objet d'une déclara-
tion de naissance, devient un mort-né. On n'est pas plus radical!!!
Avant de conclure, je citerai textuellement une délibération du conseil
municipal de Paris qui est tellement conforme à mes idées que j'ai failli,
après l'avoir lue, renoncer à faire ma communication à la Session
Havraise de notre Association :
« Dans sa séance du 26 juillet dernier, le conseil municipal de Paris
a adopté les conclusions de M. Lamouroux sur la réorganisation du
service sanitaire de la ville de Paris.
« Ces conclusions sont ainsi formulées :
« Le Conseil,
« Considérant qu'il y a lieu :
« 1. D'augmenter la valeur des documents statistiques en réclamant
autant que possible la coopération des médecins traitants ;
« 2. D'améliorer la nature de ces documents par des modifications
ou des additions en rapport avec l'élévation progressive du niveau des
sciences ;
« 3. De publier un bulletin hebdomadaire complet ;
« 4. De créer un bureau central de statistique fondé sur des bases
scientifiques.
« Invite M. le préfet de la Seine à présenter un plan de réorganisation
de la statistique municipale parisienne d'après les données contenues
dans le rapport de la deuxième commission. »
Je demanderais, pour ma part, quelque chose de plus et surtout
quelque chose qui s'appliquât à toute la France, et voici mes conclu-
sions :
Considérant que la'statistique médicale, laissée actuellement au hasard
et dépourvue de toute règle, ne peut, dans cet état de choses, produire
quoi que ce soit d'utile,
Il convient :
1° De créer des Comités de Statistique médicale dans chaque canton,
chaque chef-lieu d'arrondissement et chaque chef-lieu de département,
comme il y a des Conseils et des Commissions d'hygiène, et comme il y
a (dans beaucoup de départements), des Comités de vaccine ;
"2° De créer un Comité centrai consultatif de Statistique, séant à Paris
Dr BABADUC. — RELATION D'UNE ÉPIDÉMIE DE FIÈVRE TYPHOÏDE 917
3° De composer ces comités: de chefs d'administration, de médecins
avant des fonctions se rattachant aux questions sanitaires, et enfin de
statisticiens libres, ainsi que cela se fait en Italie et en Belgique.
M. le Dr BAEADÏÏC
Médeoin des mines do Soint-Éloi.
RELATION D'UNE ÉPIDÉMIE DE FIÈVRE TYPHOiDE
— Séance du S9 août 1877. —
Par ce temps de controverse sur la nature et l'étiologie de la fièvre
typhoïde, il peut être utile de faire l'histoire d'une épidémie que je viens
d'observer, dont la localisation très-extraordinaire a permis d'étudier la
plupart des conditions de production et d'extension de manière à jeter
quelque jour sur les questions encore débattues. Je me bornerai à ra-
conter les faits tels que je lésai observés et je serai sobre d'appréciations,
laissant à de plus compétents le soin de tirer parti des matériaux que
j'apporte.
Je commencerai , si vous le voulez bien, par quelques mots sur la
topographie des lieux.
I
La Côte-Bidon est une colline allongée qui termine, au nord, le
département du Puy-de-Dôme dans la pointe extrême qu'il fait vers le
département de l'Allier. A l'ouest et au sud, la pente est plus abrupte ;
des deux autres côtés, la colline se termine par un plateau mouvementé,
l'altitude est de 680 mètres environ ; le sol sabloneux et léger repose sur
un granit friable qui règne un peu partont dans la région. Le long de
ce plateau, depuis le commencement en pente douce vers les Citons
au nord-est, jusqu'à la route nationale de Clermont à Tours à l'ouest,
se trouvent trois hameaux et quelques maisons isolées. Ceux-ci sont à
peine distants les uns des autres de plus de 500 mètres. La côte est,
pendant la plus grande partie de l'année, balayée par les vents d'ouest.
La manière de vivre, les habitudes sont les mêmes sur tout le plateau;
le travail y est exclusivement agricole, sauf quelques jeunes gens qui
vont aux mines. Les habitants de ces villages, comme dans le reste du
pays, vivent dans un oubli complet des lois de l'hygiène la plus élé-
OIS SCIENCES MÉDICAL! S
mentaire : les maisons sont mal construites, mal aérées, mais comme elles
sont encore plus mal éclairées, ou y tient ordinairement la porte ouverte ;
les familles nombreuses sont entassées dans une pièce unique ; les
fumiers sont aux portes. Il ne semble pas «pie la malpropreté et la mau-
vaise odeur qui l'annonce cachent des agents morbifiques bien dange-
reux, car, depuis douze ans, je n'y ai pas vu un seul cas de fièvre
typhoïde et dans les deux épidémies, l'une de variole (1870-71), l'autre
d'érysipèle (1873) que nous avons traversées, les cas de l'une ou de l'autre
ont été très-rares, malgré l'absence complète des plus simples précau-
tions.
Fig. 97. — Les chiffres romains indiquenl le nombre des mal, nies,
et les chiffres arabes les numéros d'ordre.
C'est dans ce milieu qu'éclata en novembre 1876, l'épidémie de fièvre
typhoïde. Des trois villages qui se trouvent sur le plateau un seul fut
atteint, celui qui porte le nom de la côte sur laquelle il est situé et qui
se trouve à peu près à égale distance des deux autres. Il est aussi le plus
populeux et ses habitants, au mois de novembre, se répartissaient ainsi :
Garçons 15 :> de moins de lu ans 5
:! au-dessus 3
7 de 0 à 2 ans 7
Filles 9 I de moins de 10 ans 1
8 au-dessus. 8
l)r BARADUC. — RELATION D'UNE ÉPIDÉMIE DE FIÈVBE TYPHOÏDE 949
Hommes 6 i de 20 à 10 ans !2
4 de 40 à 08 ans i
Femmes et Veuves 11 :; de 20 à 40 ans 3
8 de 40 à 70 ans 8
Ces 41 habitants forment onze ménages et occupent dix maisons.
Cette population est particulièrement saine et ne compte pas uniniirme.
Des liens de famille oubliés ou récents doivent exister, car, sur les dix
maisons, huit sont occupées par des Bidons. La taille est moyenne, les
formes un peu grêles, le visage souvent d'une grande finesse de traits
sinon d'expression, particulièrement chez les Bidons. Les maisons sont
groupées dans une dépression peu sensible du sol et quelques-unes, de la
sorte, un peu abritées. Elles sont assez rapprochées mais non contiguës,
et toutes dans un état de négligence qui n'est pas seulement apparent .
Les excréments et les ordures sont, comme dans tous nos villages, jetés
au hasard au devant des portes et le fumier provenant des étables placé
au devant des habitations.
Ce hameau a un seul puits placé sur la portion la plus déclive de la
dépression ; de sorte que, autour de la margelle, règne une sorte de mare
provenant du lavage par l'eau de pluie des parties du village placées
plus haut. Ce puits, très-mal maçonné, peu profond, reçoit les infiltra-
tions provenant des alentours ; cependant l'eau en est généralement
bonne, elle baisse peu en été et les habitants, qui n'ont pas d'autre
source captée, se servent exclusivement de l'eau de leur puits pour tous
les usages.
Voici un plan du village (lig. 97) sur lequel j'ai numéroté les mai-
sons dans l'ordre où elles ont été atteintes et sur lequel on peut suivre
facilement la marche de l'épidémie. Les chiffres arabes indiquent l'ordre,
les chiffres romains le nombre de malades par maison. Le puits est
à la lettre P.
Il
Le premier cas de fièvre typhoïde se montra vers le milieu de
novembre et, pendant l'hiver si particulièrement doux, cette année, la
maladie s'est développée dans le village de la Côte-Bidon et y a pris des
proportions tout à fait inusitées, puisque sur 41 habitants, 16 ont été
atteints, et 2 ont succombé.
Le 20 novembre 1876, je fus demandé pour voir la fille Bidon Marie,
âgée de 13 ans, malade depuis le 16. Elle présentait déjà les principaux
symptômes de la maladie; le diagnostic fièvre typhoïde fut facile, le
pronostic très-grave, vu l'état adynamique extrêmement prononcé. La
maladie dura néanmoins 35 jours, jusqu'au 21 décembre, époque où la
920 SCIENCES MÉDICALES
mort fut amenée principalement par dos hémorrbagies intestinales qui
résistaient à tout traitement depuis dix jours. Pendant toute la durée
de la maladie, la diarrhée fut extrêmement abondante et durant la der-
nière quinzaine involontaire et colliquative. — Dans les jours qui sui-
virent, les deux sœurs, l'une de 10 ans, l'autre de 4 ans, et le frère âgé
de 6 ans furent atteints de la même maladie très-suffisamment caracté-
risée, mais qui ne prit un caractère de gravité et de durée (environ 2o jours)
que chez l'aînée des trois enfants. Le père et la mère n'éprouvèrent rien
de particulier.
Dans une maison située un peu plus haut n° 2, la maladie fait son
apparition le 26 décembre et prend de suite une allure des plus inquié-
tantes chez la femme Bidon-Bidon Marie, âgée de 27 ans. Elle débute par
des épistaxis, de la constipation, se termine au bout d'un mois par une
diarrhée abondante et une bronchite. Le mari est pris dans cet inter-
valle, mais légèrement, et son frère âgé de 31 ans, après une très-longue
période prodromique, présente la maladie au plus haut degré :adynamie
extrême, hémorrhagies intestinales, ataxie légère, bronchite terminale; il
guérit après deux mois de maladie. Dans la même maison, la mère âgée
de 67 ans, présente à son tour des symptômes typhoïdes et garde le
lit quinze jours. (Ici tout le monde fut atteint.)
Au n° 3, dès le 8 janvier et les jours suivants, la maladie éclate chez
la fille Bidon, Marie, âgée de 14 ans et son frère âgé de 20 ans, ouvrier
mineur. L'un et l'autre étaient rétablis le 1er février. Ici la mère âgée
de 5o ans, la sœur (27 ans), son mari (27 ans), ouvrier mineur, et
deux enfants en bas âge sont épargnés. Cette maison est contiguë
au n° 1» où est née l'épidémie.
A la maison n° 4, la fièvre se montre avec une grande intensité et
une forme tout à fait typique sur les deux jeunes tilles Bidon-Duboisset,
l'une âgée de 18 ans, l'autre de 13. Elles se mettent au lit le même
jour (13 janvier), et, chez l'aînée, les symptômes les plus graves per-
sistent jusqu'au 20 février. L'une et l'autre guérissent, et leur frère, âgé
de 27 ans, présente dans le même temps quelques malaises généraux, un
état saburral très-marqué et des accès de fièvre qui cèdent facilement.
La mère âgée de 58 ans n'a point été atteinte.
Au n° 5 , la fille Durin, âgée de 19 ans, se met au lit le 15 janvier,
la maladie qui débute par des vomissements présente bientôt tous les
signes ordinaires de la lièvre typhoïde et se termine par la guérison au
bout de trois semaines. Le père et le frère, ouvrier mineur, ne sont pas
atteints, mais la mère (47 ans), est prise de la même maladie le 19 lé-
vrier et n'entre en convalescence que le 10 mars suivant.
A la maison n° 6, chez Bidon, dit le Grand, il y eut un cas léger
sur un enfant de 12 ans.
Dr BARADUC. — RELATION D'UNE ÉPIDÉMIE DE FIÈVRE TYPHOÏDE 0"21
Enfin, la veuve Bidon-Laurent (maison n° 7), âgée de 70 ans, es!
atteinte de fièvre typhoïde le 21 février et succombe le 9 mars.
La maladie ne lit pas d'autres victimes dans le village et l'épidémie
s'éteignit en mars comme un combat qui cesse faute de combattants,
tous ceux qui n'étaient pas absolument réfractaires ayant été plus ou
moins atteints; j'ajouterai que parmi les personnes épargnées, deux
disaient avoir eu la lièvre typhoïde dans leur jeunesse.
Dans l'automne de 1876, je n'observai qu'un seul cas de fièvre typhoïde,
en dehors du village de la Côte-Bidon, cas tout à fait isolé, sporadique,
à une grande distance du lieu de l'épidémie et sur un point du canton
diamétralement opposé.
III
J'étais naturellement frappé de cette localisation parfaite de l'épidémie
et, comme les gens de la Côte- Bidon n'avaient pas manqué d'être fré-
quemment visités, soignés même par des parents el des amis du voisi-
nage; comme ce village est entouré de tous côtés par d'autres hameaux
ou des maisons isolées;assez rapprochées ; que la petite ville de Montaient,
située à moins de 1,500 mètres n'avait pas présenté un seul cas de lièvre
typhoïde, je voyais dans ces faits une preuve de la non contagiosité de
la maladie, au moins dans sa forme actuelle et malgré l'intensité de
son foyer. Gomme, d'ailleurs, depuis près de 12 ans, après avoir eu à
soigner des cas bien nombreux de fièvre typhoïde, je n'en avais pas
rencontré un seul bien positivement attribuable h la contagion, je
pensais que les faits dont j'étais témoin venaient appuyer fortement
la présomption que la maladie était due à des causes locales qui res-
taient à déterminer. J'exposai ces idées à M. le Dr R., mon confrère du
voisinage; il me dit qu'il avait observé un cas indiquant une contagion
bien nette et me parla d'une malade de sa clientèle qui avait contracté
la fièvre typhoïde dans une visite à la Côte-Bidon, chez les Bidon-Du-
boisset, ses sœurs. Il semblait au premier abord qu'il y eût là en effet
une contagion dans le sens qu'on attache généralement à ce mot, une
contamination par une approche, par un contact assez vague, mais
les faits peuvent suggérer quelque chose de plus net, de plus concret.
Cette femme n'avait pas fait de simples visites ; elle était restée une
fois plus de deux jours dans la maison infectée, occupée à soigner ses
sœurs; elle y avait couché, pris ses repas et enfin fait une lessive vers
la lin de février. C'était quelques jours après ce dernier voyage qu'elle
avait présenté les premiers symptômes. Cette malade est aujourd'hui
parfaitement guérie.
Peu de temps après, le 30 mars, je fus moi-même appelé à soigner
922 SCIENCES MÉDICALES
une jeune fille d'un village assez éloigné de la Côte-Bidon et qui avait
contracté la maladie dans des conditions exactement les mêmes que la
cliente de mon confrère, qui avait passé deux jours chez les mêmes
sœurs Bidon, ses cousines, leur avait donné ses soins et avait aidé à la
même lessive terminale. Enfin, j'ai su de source certaine qu'une des
sœurs Bidon, mariée à Commentry, avait aussi habité la Côte pendant
quelques jours et en avait emporté la maladie, qu'elle eut très-grave.
La maladie fut ainsi disséminée sur trois points différents, mais ne
fut pas communiquée et ne s'étendit pas davantage
Ces cas furent les seuls et sont restés les seuls dont j'ai eu connais-
sance, et ma dernière malade aussi a guéri. A ce propos, je 'ferai
remarquer que les terminaisons chez tous ces malades, n'ont pas été du
tout en rapport avec la violence des symptômes observés. Je ne ferai
néanmoins que peu d'observations sur les traitements qui ont été suivis.
Les malades n'ont point été traités systématiquement. Je ne crois pas
qu'on fasse rien de bon en thérapeutique si l'on n'est éclectique, et peu
de maladies se prêtent mieux et invitent plus à la médication des
symptômes que la fièvre typhoïde. Je me contenterai de dire que je n'ai
guère eu recours au sulfate de quinine, mais beaucoup au quinquina,
au vin, aux bouillons, aux laxatifs, et enfin que je n'ai pas songé à
proposer des bains froids qui me paraissent une barbarie reposant sur
une théorie, et des plus étroites, mais que j'usai largement des lotions
excitantes à l'eau sédative et à l'alcool camphré. Avec cela, sur 18 ma-
lades, 16 ont été guéris pour leur plus grand bonheur et non pour la
gloire de telle ou telle panacée.
Voici, d'ailleurs, la courte énumération des particularités qui m'ont
frappé dans cette épidémie.
1° Certitude d'une incubation de quinze jours;
2° Barété des diarrhées, malgré l'existence chez tous les malades du
gargouillement iliaque;
3° Rareté des accidents nerveux (observée d'ailleurs généralement à la
campagne) ;
4° Marche et symptômes très-semblables chez tous les malades (la
consanguinité y jouant peut-être un rôle important);
5° Durée moyenne, 25 jours;
6° Mortalité de 8 0/0, par conséquent inférieure à la moyenne géné-
ralement admise de 11 0/0 ;
7° Innocuité (au point de vue du développement spontané de la fièvre
typhoïde), des mauvaises conditions hygiéniques et notamment de l'ac-
cumulation devant les portes des détritus organiques, des excréments
humains et animaux ; leur nocuité marquée le jour où la semence
typhoïde arrive sur ce terrain si bien préparé;
Dr BARADUC. — RELATION D'UNE ÉPIDÉMIE DE FIEVRE TYPHOÏDE Îh23
9° Presque certitude, comme on le verra plus loin, eu faveur de la
théorie de Budd sur celle de Murchisou ;
10° Probabilités de la contagion par les eaux potables;
I I " Contagion immédiate nulle : les seuls cas de fièvre typhoïde déve-
loppés à la Cote-Bidon ou en provenant ayant été soumis à d'autres
causes <|ue la contagion directe, les personnes atteintes ayant séjourné
dans la maison, fait des lessives, bu de l'eau suspecte.
Ces remarques sont naturellement déduites de ce que j'ai raconté et de
ce qui me reste à dire.
IV
Les circonstances, en effet, se prêtaient très-bien à la recherche des
origines de la maladie et des causes probables d'une propagation si bien
déterminée.
Le premier cas apparaît sur une enfant de 13 ans qui meurt après
35 jours de maladie. Cette enfant s'était mise au lit exactement 15 jours
après une visite faite en compagnie de sa mère et de sa sœur au village
de Rodde, canton de Menât, chez un oncle gravement atteint de fièvre
typhoïde. Cet oncle qui venait de faire les 28 jours, avait apporté la
maladie dans le village et elle y régnait en ce moment avec intensité.
L'enfant, après une incubation dont je viens de faire remarquer la lon-
gueur (15 jours), est prise du même mal, succombe; dès lors l'épidémie
éclate, tout le village paraît infesté.
II y a lieu de tenir compte ici de certains détails. D'abord, le premier
cas est des plus violents, puisqu'il entraîne la mort; il s'accompagne de
diarrhées profuses et la maison de l'enfant est située précisément en
face et à cinq ou six mètres du puits unique dont j'ai parlé. Autour du
pui's, devant la porte, on a jeté sans précautions les excréments ; près
du puits on a lavé les linges salis en grande quantité ; entin, peu avant
la mort de l'enfant, alors qu'il s'est écoulé un temps moralement suffi-
sant pour que les eaux du puits, peut-être aussi l'air environnant,
aient été complètement infectés par les émanations, les infiltrations ou
même les souillures plus directes, un premier cas se produit sur un
point assez éloigné, puis un second dans la maison même de la ma-
lade et, enfin, en moins de deux mois, plus du tiers des habitants sont
atteints.
La maladie n'est donc pas née des mauvaises conditions où se trouve
de tout temps ce village. Si la théorie dit pythogénique, que Murchison
a soutenue, était vraie, nos paysans côtoieraient toute leur vie une sorte
de précipice terrible et. d'après Pratt, qui observait en Irlande, il ne
devrait plus rester d'Irlandais. Non, les fumiers aux portes, l'encombre-
924 SCIENCES MÉDICALES
ment dans les rez-de-chaussées humides, les excréments humains accu-
mulées dans le voisinage des maisons n'ont point produit ici la fièvre
typhoïde; elle est d'origine extérieure; il a fallu qu'un premier malade,
ayant contracté la maladie au loin, soit venu souiller de ses excréments
spécifiquement empoisonnés ces mares, cette eau, ces fumiers jusqu'alors
innocents, et leur communiquer des propriétés nocives.
Il serait important de s'entendre sur ces mots de contageetdemaladies
contagieuses. Si l'on comprend sous ce nom de maladies contagieuses
celles dans lesquelles le mal est transmis directement à un organisme
sain par un autre organisme affecté, par un contact ou une approche
directe, cette définition ne suffit pas, et pour la lièvre typhoïde, en par-
ticulier, c'est très-indirectement qu'ont lieu les relations entre les deux
organismes. La contagion de la lièvre typhoïde existe, mais non dans
le sens qu'on attache communément à ce mot, non dans le sens stric-
tement étymologique. D'après M. W.Budd, dans les maladies contagieuses,
le produit le plus caractéristique de la maladie est le principal véhicule
du poison morbide. Dans la variole, par exemple, le virus morbifique,
le germe communicable, réside évidemment dans les pustules, à une
certaine période de leur évolution; il est répandu, en conséquence, sur
toute la surface du corps et d'autant plus facile à être disséminé dans
toutes les directions, d'autant plus capable de souiller les linges, les
vêtements, l'air, les meubles, de se communiquer par contact médiat
ou immédiat. Dans la fièvre typhoïde, l'éruption est toute intérieure;
il ne peut être question des taches rosées qui sont bien peu pathogno-
moniques et qui manquent si souvent. Cette éruption, on la trouve sur
une portion déterminée et restreinte de l'intestin ; le virus ne peut donc
être entraîné au dehors que par une seule voie, l'intestin; il ne peut
avoir qu'un seul véhicule, les selles. Il semble ainsi que les précautions
les plus simples, les soins de propreté les plus ordinaires suffiront pour
l'éloigner, et la contagion sera si facile à éviter que c'est à peine si l'on
pourra dire qu'il y a contagion. En effet, la fièvre typhoïde se prend
bien rarement dans une simple visite, par de simples attouchements.
Contrairement même, à ce que disait trop spirituellement Louis « que
» la fièvre typhoïde était contagieuse au moins dans les départements»,
je n'ai pas vu un seul cas de contagion directe un peu probable. 3Iais,
en revanche, quand les conditions se prêtent à un contage indirect et
invisible, difficile par conséquence à éviter: quand les émanations des
fosses d'aisance viennent, par un conduit ouvert, à se répandre dans les
maisons; quand des égoûts charrient, au milieu d'êtres humains, des
selles typhoïques ; quand un village est traversé par un ruisseau qui
arrose en amont un autre village infesté ; quand des excréments spéci-
fiques sont jetés au hasard aux abords d'un puits dont l'eau abreuve
Dr BARADDG. — RELATION D'UNE ÉPIDÉMIE DE FIÈVRE TYPHOÏDE 923
toute une population, alors la contagion se produit et prend souvent
une terrible intensité.
Je sais bien que les laits observés ici ne seraient pas suffisants pour
étayer la théorie même la plus plausible, mais j'ai le droit de les placer
à côté des faits analogues extrêmement nombreux qu'ont rapportés
MM. Budd, Murchisson, Guéneau de Mussy, Jaccoud, etc., de ces épidémies
si caractéristiques de Richmond (1847), Guildford (1861), Croydon (1865),
Bruxelles (1808), Genève (1874), etc.
Je regrette aussi de ne pouvoir donner une démonstration un peu
rigoureuse de l'action nuisible des eaux du puits incriminé dans l'épi-
démie que j'ai racontée ; un élément important manque à cette démons-
tration, la contre-épreuve. Il est certain que tout ce que j'ai observé
permet de suspecter l'eau du puits, mais rien ne prouve qu'elle puisse
l'être seule: rien ne prouve même qu'elle puisse être la principale cause;
la cause réelle nous échappe peut-être et les précautions que j'ai pres-
crites ont été exécutées trop incomplètement ou trop tardivement pour
que je sois en droit de leur attribuer la cessation de l'épidémie. Enfin,
je dois ajouter que l'examen direct de l'eau, à diverses époques, ne m'a
absolument rien appris.
Quoi qu'il en soit, les relations si fréquemment observées, un peu par
tous pays, entre la contamination démontrée des eaux potables et réclu-
sion d'épidémies graves de lièvre typhoïde ne sauraient être considérées
comme dues à de simples coïncidences et le rôle du médecin, même
lorsqu'il conserve des doutes sur l'explication, me paraît être tout
tracé .
Il est malheureusement douteux que la thérapeutique fasse de très-
grands progrès; il ne l'est pas que l'hygiène en ait fait de très-réels.
Nos moyens de traitement ne paraissent pas beaucoup plus certains ni
plus efficaces qu'il y a cent ans, mais nous sommes arrivés en hygiène
à la connaissance de certaines lois et nous pouvons aujourd'hui con-
seiller certaines pratiques qui peuvent rendre les plus grands services à
la société comme à l'individu.
Un homme qui n'était pas médecin, mais qui avait surtout de grandes
et profondes idées mêlées de quelques paradoxes, a dit : « La médecine ne
« guérit pas dans le sens que nous prêtons vulgairement à ce mot; il n'y a
« que les thaumaturges comme le Christ qui guérissent. La maladie est
« un mouvement physiologique anormal, que la médecine reconnaît,
« définit et avec lequel elle nous enseigne la meilleure manière de nous
« comporter, en attendant que la nature le fasse finir. » Il me semble
que cela n'est point paradoxal, dit des fièvres et particulièrement de la
fièvre typhoïde. Une révolution sûre et lente comme les révolutions bien-
faisantes a changé le mode de traitement des fièvres : on ne parle guère
920 SCIENCES MÉDICALES
aujourd'hui de panacée ; le seul spécifique que nous reconnaissions
s'adresse uniquement au miasme paludéen; on fait beaucoup la méde-
cine des symptômes, ce qui est presque de l'hygiène ; bien loin de sai-
gner et d'affaiblir, on nourrit et on soutient les fiévreux, ce qui en est
tout à fait. Un grand médecin proposait même comme épitaphe glorieuse
de Graves, ces simples mots : « lie fed fevers. »
L'hygiène semble donc être la base du traitement des fièvre ;mais
surtout elle s'adresse à la prophylaxie de ces maladies redoutables. Elle
est le meilleur moyen de combattre les germes morbides que l'hérédité
nous donne en naissant comme ceux qui nous attaquent dans le cours
de la vie, qui sont répandus dans les aliments, dans l'eau, dans l'atmos-
phère. Une fois ces germes développés, une fois qu'ils ont pris posses-
sion de l'organisme, nos moyens de les modifier» de les détruire, d'ar-
rêter ou de suspendre leurs effets sont bien incertains. Il faut donc, par
dessus tout, chercher à prévenir ce développement par tous les moyens
et, pour cela, s'enquérir aussi exactement que possible des causes que
nous pouvons atteindre et des conditions, au moins, qui favorisent l'éclo-
sion des maladies, détruire les unes, faire cesser les autres, ce qui est
toujours possible dans une certaine mesure. Le médecin peut ainsi, sans
exposer en rien les intérêts de la communauté, répandre sur ses sem-
blables un bien incalculable.
La fièvre typhoïde serait donc due à l'empoisonnement des eaux, de l'air,
par des matières fécales d'un certain genre ; c'est bien le cas de s'écrier
comme Budd : « L'homme qui subjugue, pour les faire servir à ses
» usages, les forces les plus titaniques de la nature, pourra-t-il rester
» toujours à la merci de ces ignobles choses. »
Dans les villes la question au point de vue pratique semble des plus
compliquées. Les vidanges sont, comme l'a dit M. Guéneau de Mussy,
une de ces plaies nécessaires qui forment le revers de la médaille de
la civilisation et le mode de désinfection, d'enlèvement, d'écoulement,
d'utilisation, capable de satisfaire tout le monde est encore à trouver.
Il n'en est point de même dans les campagnes où les conditions sont
bien plus simples, où ne manque pas l'espace, où chaque maison est
presque partout entourée d'un champ, où les eaux potables sont presque
toujours directement puisées à la source. Là les moindres précautions
hygiéniques, les soins de propreté les plus ordinaires suffiront ; il faut
seulement qu'ils soient exécutés et îl appartient au médecin, quand une
épidémie éclate à la campagne, de les indiquer minutieusement, de Jes
imposer par son autorité, au besoin de se faire aider par l'administra»
tion pour les faire ponctuellement exécuter. Il sera compris et obéi
quand il dira : « La fièvre typhoïde est dans le village; elle n'est "pas si
redoutable que vous croyez, et je peux vous donner le moyen de la
Dr DE SINÉTY. — DU CORPS JAUNE PENOAM LA GROSSESSE !>27
défier. Ne craignez point de soigner vos malades vous-mêmes, la maladie,
ne se prend point en les touchant, en les soignant ; ils peuvent seule-
ment vous la communiquer par les matières qui sortent de leur corps.
Portez donc au loin ces matières et recouvrez-les de terre ; lavez aussi
leurs linges au loin et nettoyez vos mains complètement après ces soins
donnés. Veillez à ce que l'eau que vous buvez ne puisse recevoir des infil-
trations provenant de vos malades : au besoin servez vous d'eau de
source, ce qui est si facile en pays de montagne. » Des paroles sem-
blables raniment le courage, inspirent la confiance ; le malade cesse d'être
un objet de crainte et de dégoût, la crainte et le dégoût sont reportés sur
les ignobles choses dont on vient de parler et dont il est en résumé si
facile de se débarrasser.
L'administration, la police, éclairées par le médecin, ont aussi le
droit et le devoir d'intervenir; enfin le prêtre lui même ne dérogerait
pas à ses fonctions en donnant en temps d'épidémie des exhortations
familières dont le texte se trouverait naturellement chez le grand légis-
lateur des Hébreux. (Deutéronome, ch. xxm.J
M. le D' de SOÉTY
DU CORPS JAUNE DE L'OVAIRE PENDANT LA GROSSESSE
— Séance du 29 août 4877. —
On a depuis longtemps, depuis Malpighi, je crois, donné le nom de
corps jaune (corpus luteum) à certaines productions que l'on observe
dans l'ovaire. Ces productions après avoir donné lieu à bien des erreurs
d'interprétation, sont reconnues aujourd'hui par tous les anatomistes
comme étant le résultat de la cicatrisation d'un follicule de Graaf.
Quelques auteurs ont adopté de nouvelles dénominations, oariule*
métoarion, poui1 désigner ces produits ovariens.
J'avoue que d'une façon générale, je suis peu partisan des néologismes
en science, à moins qu'un mot nouveau ne serve à désigner des faits
ou des objets nouveaux. Aussi ai-je cru préférable, avec beaucoup d'ait-
tres anatomistes, de Conserver le vieux nom de corps jaune.
Presque tous les auteurs admettent, au moins chez la femme, que le
corps jaune se comporte d'une façon différente, selon que l'expulsion dé
l'Ovule a été ou non suivie de grossesse.
928 SCIENCES MÉDICALES
Je dis, au moins chez la femme: en effet, pour plusieurs espèces ani-
males et en particulier pour le cobaye, je n'ai pu saisir aucune dif-
férence histologique, entre les corps jaunes provenant de femelles pleines
et ceux recueillis sur un animal à l'état de vacuité.
Mais mes recherches n'ont pas porté sur un assez grand nombre
d'animaux, et sur des périodes assez variées de la gestation, pour que je
veuille encore rien affirmer à cet égard.
Aujourd'hui je ne m'occuperai absolument que de ce qui a trait à
l'ovaire de la femme.
Y a-t-il des caractères anatomiques qui permettent de différencier le
corps jaune de la grossesse, du corps jaune dit de la menstruation.
En s'en rapportant à l'opinion des auteurs les plus modernes, le dia-
gnostic anatomique serait impossible, ou au moins bien difficile, si,
comme le disent certains généalogistes, le corps jaune de la grossesse
et le corps jaune de la menstruation sont deux produits tout à fait
identiques par leur structure histologique mais différant essentiellement
par leur durée et les phases diverses de leur évolution (1).
Pour Coste, les corps jaunes, chez la femme enceinte, conserveraient
leurs caractères, depuis la 2",e semaine environ jusqu'au 4me mois de
la gestation. Mais plus tard ils seraient beaucoup plus difficiles à distin-
guer de ceux qui n'ont pas éprouvé l'inlluence de la grossesse (2).
Cette opinion de Coste peut être vraie, jusqu'à un certain point, si
l'on se contente d'un examen à l'œil nu et d'une mensuration des corps
jaunes.
Mais elle est absolument erronée, si l'on étudie plus attentivement ce
qui se passe au point de vue histologique.
En effet, les caractères anatomiques du corps jaune de la grossesse sont
déjà très-tranchés du 2e au 3e mois. Mais ils vont en s'accentuant, à
mesure que la grossesse avance, et sont d'autant plus caractéristiques,
qu'on se rapproche davantage du terme de la gestation.
Du reste, le corps jaune, provenant du dernier follicule rompu, n'est
pas le seul à subir cette influence de la grossesse; et, à une certaine
période de cet état physiologique, un assez grand nombre de follicules de
Graaf, contenant encore leur ovule, présentent aussi des changements
de structure, qui amènent leur atrésie.
Ces follicules ainsi atrésiés ont un aspect tout spécial qui permet très-
bien de les différencier d'avec un follicule atrésié chez une femme à
l'état de vacuité.
Si après un durcissement convenable (alcool, acide picrique, gomme
et alcool), on pratique des coupes du corps jaune de la grossesse, chez
(1) l'uech. Du corps jaune de la grossesse. Gazette obstétricale, i*;.,, p. 85.
(2) Coste. Histoire, générale et particulière des développements des corps organisés, t. I, p. 2IG.
I)r DE S1NÉTY. — DU CORPS JAUNE PENDANT LA GUOSSESSE 929
une femme morte au deuxième ou troisième mois de la gestation, on voit
qu'à cette époque la cavité centrale n'est pas encore comblée. Cette
cavité est limitée par deux couches de tissu. La plus interne est formée
par du tissu fibreux pauvre en éléments cellulaires. Cette couche, colorée
en rose par le picrocarminate et restant à peu près incolore après l'action
de la purpurine, est un vrai tissu cicatriciel de nouvelle formation et
que je n'ai jamais rencontré, en dehors des corps jaunes, sur aucun
point de l'ovaire.
Cette couche de tissu fibreux ne présente aucune différence de struc-
ture dans le corps jaune résultant de la déchirure d'un follicule dont
l'ovule n'a pas été fécondé.
La couche la plus externe, gardant une coloration jaunâtre après le
picrocarminate et fortement colorée en rose par la purpurine, possède
une structure beaucoup plus complexe. Au milieu de nombreux vaisseaux
de divers calibres, accompagnés sur certains points de travées de tissu
conjonctif, on observe des granulations jaunâtres, auxquelles le corps
jaune doit son nom, et des éléments cellulaires, de dimensions les plus
variées, depuis celle d'un globule blanc jusqu'à ces énormes cellules
géantes plus ou moins chargées de granulations.
Je ne m'étendrai pas sur la description de ces divers éléments étudiés
et décrits depuis longtemps, en particulier par M. Robin. Sur des cou-
pes fines et après avoir chassé par le pinceau les éléments cellulaires,
on peut voir que, sur ce point, le stroma est formé par du tissu réti-
culé, absolument comparable au tissu caverneux des ganglions lympha-
tiques (1).
En dehors de cette couche, on rencontre le tissu propre de l'ovaire,
toujours moins dense en se rapprochant du follicule, si bien que beau-
coup d'auteurs l'ont décrit comme une couche spéciale.
L'hypertrophie de la couche de tissu lymphatique réticulé s'accentue
de plus en plus, à mesure que la grossesse s'avance. Dans le corps jaune
que je viens de décrire (2 à 3 mois), cette couche avait, à peu près, la
même épaisseur que la couche fibreuse.
Tandis que sur un autre ovaire, provenant d'une femme morte à six
mois de grossesse, on voit que le tissu fibreux plissé et revenu sur
lui-même, comble la cavité et ne forme plus que le tiers de la masse
totale du corps jaune.
Enfin, j'ai constaté que, chez la femme à terme, le tissu fibreux n'est
plus représenté que par un petit noyau central et les trois quarts du
corps jaune sont constitués alors par le tissu lymphatique.
Les mêmes caractères spéciaux se retrouvent dans les follicules atrésiés.
0) La présence du tissu réticulé dans le follicule normal a déjà été signalée en particulier
par Slawianski. Archives de physiologie, I8~i, p. Î19.
59
930 SCIENCES MÉDICALES
La cavité s'oblitère peu à peu par la formation de tissu muqueux,
comme chez la femme à l'état de vacuité. Mais, là encore, la zone de
tissu réticulé a subi une hypertrophie d'autant plus considérable que la
grossesse est plus avancée. C'est donc cette hypertrophie graduelle des
tissus et des éléments constituant la membrane propre du follicule
qui caractérise aussi bien le corps jaune que le follicule atrésié, pendant
la grossesse, et les différencie de ces mômes produits, dans l'état de
vacuité.
Quant au mode d'oblitération de la cavité folliculaire, il est le môme,
qu'il y ait ou non grossesse :
Formation de tissu cicatriciel, fibreux, dense et pauvre en cellules,
si le follicule a expulsé son ovule.
Production, au contraire, de tissu muqueux, riche en éléments cellu-
laires, dans le cas où le follicule est revenu sur lui-même et s'est atrésié,
sans avoir expulsé son contenu.
J'ajouterai que le nombre des follicules atrésiés m'a paru plus consi-
dérable, chez la femme, pendant la grossesse qu'à l'état de vacuité.
On a beaucoup discuté, et on discute encore, pour savoir aux dépens
de quelle partie des follicules se forme le corps jaune. Je ne veux pas
ici apprécier la valeur des idées, si variées, émises par différents au-
teurs.
Je résumerai mon opinion à ce sujet, en disant que la partie centrale
du corps jaune est une véritable néoformation conjonctive; tandis que
la partie périphérique résulte de l'hypertrophie de la couche périfollicu-
laire (membrane propre des auteurs).
Il ressort de tous ces faits qu'évidemment la grossesse imprime aux
ovaires de la femme un cachet tout spécial et qui ne se localise pas
seulement, comme on l'avait cru jusqu'à présent, au follicule qui a
fourni l'ovule, point de départ de la grossesse.
Je ne peux pas quitter ce sujet sans rappeler que plusieurs gynéco-
logistes ont soutenu (1), tout dernièrement encore, que l'ovulation se
continue pendant la grossesse. Je ne nie pas absolument la possibilité
de ce fait.
Mais j'ai eu l'occasion de voir, depuis quelques années, un grand
nombre d'ovaires de femmes mortes aux diverses périodes de la
grossesse .
J'ai étudié, sur des coupes successives, les différentes régions des deux
ovaires, et il ne m'a pas été donné d'observer un seul fait qui put être
interprété dans un sens favorable à cette opinion.
Dois-je, en terminant, insister sur l'importance que peuvent avoir en
(il. Précis théorique et pi atique de l ai ( des accouchements, pal s. i «zoni, t.. p, Picard, 1859, p- 129.
— Uèbir die gelben ÏÇorper mol die Ueberwanderung </&>• Eies, Von Prof. MayRhofer, Wien., 1816.
Dr FAUVEL. — OBSERVATIONS DE SUTURE DES os 931
médecine légale les caractères liistologiques bien nets de l'ovaire pen-
dant la grossesse? Jusqu'à présent, les caractères assignés aux dilférents
corps jaunes étaient tellement vagues que nous avons vu, en Angle-
terre, il y a quelques années, deux médecins légistes experts, après
l'examen d'un corps jaune, affirmer, l'un, qu'une femme était enceinte,
tandis que l'autre soutenait qu'elle ne l'était pas (1). A partir du deuxième
ou troisième mois de la grossesse, l'examen histologique ne permet, je
crois, pas de doute, et comme je l'ai dit au commencement de ma com-
munication, les modilications sont d'autant plus accentuées que la gros-
sesse est plus avancée.
Cependant les renseignements fournis à ce point de vue me pa-
raissent toujours devoir être d'un intérêt secondaire. Car quand on a
un ovaire à sa disposition, on a aussi presque nécessairement l'utérus.
Et à l'époque où les caractères du corps jaune de la grossesse sont bien
tranchés, les modifications subies par l'utérus sont tellement considé-
rables que, je le répète, les renseignements fournis par l'ovaire de*
viennent, il me semble, à peu près inutiles.
M. le Lr FAUVEL
du Havre.
OBSERVATIONS DE SUTURE DES OS.
(BXTRAIT du procks-vkrbal.)
— Séance du 29 août IS17 —
Mi le docteur Fauvel communique quatre observations de suture du tibia
pratiquées à l'hôpital du Havre depuis 1869. Trois des malades sont guéris ;
un seul est mort. Dans tous les cas, il n'y avait, eu égard aux larges plaies
communicantes, d'autres ressources que l'amputation.
Le plus intéressant de ces cas est celui d'un blessé qui porte depuis neuf ans
Un fil de fer de lmm 1/2 de diamètre dans le tibia gauche. Le blessé
n'avait jamais souffert; mais, il y a huit mois, une douleur vive est survenue,
un eczéma, puis une légère suppuration qui, du reste, est intermittente.
M. le docteur Fauvel résume alors quelques-unes de ses opinions sur les
sutures des os dans les fractures compliquées. Il ne faut, d'après lui, recourir
que le moins possible à l'irrigation continue après la suture ; le pansement
ouaté est préférable ; il faut recouvrir la ouate de bandes silicatées. Par cette
(1) Paterson, Edimbourg {Mèd. Juum., ni, 49), cito par Muyrhofer, loc. cit., p.
90.
932 SCIENCES MÉDICALES
méthode de pansement, on abrégera d'une manière considérable la formation
du cal en aidant l'immobilisation. Il ne faut pas pratiquer des sutures quand
les extrémités des os sont dénudées de périoste et qu'il existe une attrition
des parties molles. % ■
M. le D' DUMÉNIL
DERMITE PAP1LLAIRE CHRONIQUE ENVAHISSANTE H)
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 29 août ls~l. —
M. Duménil étudie une affection qu'il propose d'appeler la dermite papillaire
chronique envahissante. Dans le cas qui sert de base au mémoire de
M. Duménil, il s'agit d'une femme de soixante ans qui fut atteinte d'une
affection de la main caractérisée par une sorte d'hypertrophie du derme con-
sécutive à un travail ulcératif partiel. Les lésions présentent la particularité
de tendre à la guérison spunlanée.
L'examen microscopique d'un lambeau enlevé sur les parties les plus alté-
rées montre une hypertrophie considérable des papilles qui étaient unique-
ment formées d'éléments embryonnaires. Cette lésion se prolongeait dans les
couches profondes du derme sous forme d'îlots plus ou moins larges séparés
par du tissu conjonctif fibrillaire avec prolifération de ses éléments cellu-
laires. Je propose, dit en terminant M. Duménil, d'appeler cette affection une
hypertrophie capillaire chronique envahissante.
M. le Dr BRAME
de Tour?.
SUR L'ECZEMA.
— Séance du 2 9 août I x 7 "
\\) Le Mémoire in extenso a paru dans la lievuc mensuelle de médecine et de chirurgie, mai 1878.
A. DUVERGIER. - ÉPILEUSE \ Mit COMPRIMÉ Q'à'A
M. A. LÏÏYER&IEE
Ingénieur-constructeur, à Lyon.
ÉPILEUSE A AIR COMPRIMÉ-
Séance il u 80 août 1X77. —
J'ai l'honneur de présentera ta section un modèle de pince épileuse à air
comprimé construite sur la demande du Dr Aubert, médecin des hôpitaux de
Lyon.
Avant de vous la soumettre, permettez-moi de vous donner le résultat de
quelques expériences sommaires que j'ai dû faire pour m'assurer des etforts a
exercer par l'appareil, pour qu'il puisse fonctionner convenablement et en
toute sécurité.
L'effort de pression effectué par les mords de la pince pour y maintenir un
cheveu sans glissement jusqu'à sa rupture a varié, suivant la nature du che-
veu, de 170 à 210 grammes; j'ai dû prendre le maximum, et comme la pince
peut agir sur dix cheveux à la fois il faut que la pression de ces mords soit
au minimum de 2 kilogrammes 100 grammes.
Quant à l'effort de traction à exercer pour extraire un cheveu du cuir che-
velu, comme je n'avais pas les moyens de l'expérimenter, j'ai mesuré la ré-
sistance d'un cheveu à la rupture, et j'ai trouvé sur plusieurs échantillons
qu'il fallait pour les rompre un effort de traction de .10 à 133 grammes. Né-
cessairement, pour qu'un cheveu puisse être arraché, il ne faut pas que son
adhérence au cuir chevelu dépasse celui de sa limite de rupture. J'ai donc
considéré la limite de rupture comme l'effort maximum nécessaire à l'arra-
chement, soit, pour 10 cheveux à la fois, 1 kilogramme 350 grammes.
Ainsi l'effort exercé par les mords de la pince ne devait pas être inférieur
à 2 kilogrammes 100 grammes, et celui nécessaire à l'extraction de pas moins
de 1 kilogramme 3o0 grammes.
Comme il fallait tenir compte des résistances propres à l'instrument, j'ai
dû compter sur des efforts plus considérables. L'agent moteur étant l'air com-
primé, il est toujours facile de varier la pression de l'air à volonté et de ne don-
ner que la pression rigoureusement nécessaire.
L'appareil, ainsi que vous le voyez, se compose d'un tube de 16 centimètres
de longueur et 30 millimètres de diamètre extérieur, dont l'une des extrémités
porte la pince et l'autre une tige creuse par laquelle l'air s'introduit dans l'ap-
pareil et lui sert en même temps de tige de suspension ; l'intérieur du tube
contient 2 pistons destinés l'un au serrage de la pince, l'autre au soulèvement
de l'appareil; de plus deux petits appareils distributeurs, servant à mettre l'air
en communication avec les pistons précités et à évacuer cet air lorsqu'il a
produit son effet: ces distributeurs sont manœuvres par les boutons qui sont en
saillie sur le cylindre qui enveloppe le tout.
934
SCIENCES MÉDICALES
Les figures indiquent d'une manière précise les organes renfermés dans le
tube, et la légende jointe en explique le fonctionnement.
J'ai dit plus haut qu'il fallait pour la sûreté du fonctionnement que l'ap-
pareil fût capable "de vaincre indépendamment des résistances qui lui sont
propres, un effort de soulèvement de 1 kilogramme 350 grammes et un effort
de serrage sur la pince de 2 kilogrammes 100 grammes. Le piston destiné au
soulèvement présente une section active de 534 millimètres carrés; celui des-
tiné au serrage de la pince une section effective de 572 millimètres carrés ; de
plus, ce dernier piston agit sur la pince au moyen d'une presse à genou qui
peut augmenter l'effort transmis à peu près autant qu'on le veut. Par conséquent,
en employant de l'air comprimé à 1 kilogramme par centimètre carré, l'action
sur le piston de soulèvement serait de 5 kilogrammes 340 grammes, celle
exercée sur le piston de serrage de la pince serait de 5 kilogrammes 720 gram-
mes, augmentée de la quantité qu'on voudra obtenir par l'adjonction de la
presse à genou. On voit donc qu'il est possible de manœuvrer l'appareil avec
une pression d'air inférieure à 1 kilogramme par centimètre carré.
Pour opérer, l'appareil est suspendu par la
tige d'introduction d'air à l'extrémité d'un
tube flexible qui communique avec un réser-
voir d'air comprimé ; ce tube flexible est lui-
même porté à l'extrémité d'une console, de
manière à laisser le dessous de l'instrument
complètement libre ; de plus, ce tube de sus-
pension peut-être descendu ou remonté à vo-
lonté, au moyen d'un petit dispositif spécial
fixé à la console, et qui permet d'arrêter
l'appareil à une distance convenable de la tête
à épiler.
L'épileuse à air comprimé n'est construite
que depuis quelques jours seulement, l'expé-
rience n'a donc pas encore pu sanctionner les
bons résultats de son emploi. Un seul essai
d'épilation a pu être fait jusqu'ici et m'a
permis de constater que la pince donne un
serrage et que l'effort de soulèvement produit
l'arrachement des cheveux avec une pression
d'air d'environ 700 grammes par centimètre
Fig. 98. carré.
a. Pince saisissant les cheveux à arracher.
b. Piston agissant sur la pince pour la fermer à l'aide de la presse à genou formée
par les deux bielles c.
c. Bielles formant la presse à genou ouvrant et fermant la pince.
d. Ressort remontant le piston b quand la pression a cessé et ouvrant la pince.
e. Piston produisant le soulèvement de l'appareil et par suite l'arrachement des
cheveux.
p. BRO< I DU l\ THBRMOMÉTRIE CÉBÉBRALE •,;>-">
i _•■■ tabulaire de ce piston amenant l'air comprimé dans le distributeur superie r
par !>■> trous cet dans l'inférieur par l'ouverture de son extrémité inférieure.
Quand la pression a cessé sur le piston <•. l'air amené par ce tube presse sur
le distributeur inférieur et force l'appareil a descendre.
ij. Boite des disti ibuteurs.
h. Distributeurs de l'air comprimé.
i. Bout uns placés extérieurement serrant à manoeuvrer les distributeurs.
/,. Tubes renfermant tout le mécanisme.
/. Tulie intérieur dans lequel se meut le piston de soulèvement e. Ce tube sert en
outre à Dxer la boite du distributeur inférieur en l'appuyant sur l'épaulement
do tube extérieur
m. Rondelle portanl garniture placée sur le tube ci-dessus et formant le Biége du
distributeur supérieur,
n. Rondelle recevant la garniture delà tige en haut.
i impon supérieur vissé dans le tube extérieur l el maintenant à leur place les
distributeurs, ainsi que le tube intérieur et les rondelles de garnitures, toutes
ces pièces étant superposées.
p. Tampon fermant l'appareil à la partir inférieure portant Taxe d'oscillation de la
pince.
q. Tube fixé au dit tampon supportant le ressort de relevage du piston b manœu-
vrant la pince.
MM. François FRAÏÏCK et BRISSAÏÏD
MOUVEMENTS DU CERVEAU CHEZ UNE MALADE DE L'HOPITAL SAINT-LOUIS (1).
— Séance iv 80 août 1871. —
M. Paul BROCA
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Membre de l'Académie de Médecine.
SUR LA THERMOMÉTRIE CÉRÉBRALE [2)
Séance du '?0 août I s:
(1) Ce travail a ete publié dans le Journal de l'anatomie et de la physiologie, mai 1877.
(2) Gaz. heb. de méd. et de chim., 2' série, t. XIV, 7 sept. 1877. - Bewk scientifique, 2e sen
5 sep. 1877, p. 237.
93U SCIENCES MÉDICALES
Présentation des travaux imprimés
ENVOYÉS AU CONGRÈS
POUR ÊTRE COMMUNIQUÉS A LA SECTION DES SCIENCES MÉDICALES
Société de médecine de l'arrondissement de Gannat (Comptes-rendus des
travaux présentés en 187G à la).
Dr Lantier. — Question sociale. — Conservation des blessés de la guerre et
de l'industrie. — Traitement balsamique de l'ambulance municipale de l'ad-
ministration générale des Postes.
Dr Paquelïn. — Indications sur l'emploi du thermo-cautère.
4" Groupe
SCIENCES ÉCONOMIQUES
13e Section
AGRONOMIE
Phk-idknt M. PÉLIGOT, Membre de l'Institut.
Vice-Présidents .... MM. P.-P. DEHÉR.UN, Professeur à l'École d'agriculture de Grignon.
De i.a BLANCHÈRE, Publiciste.
Secrétairbs MM. UVACIIK, Ingénieur civil.
RENOUARD, Pilateur à Lille.
M. A. RENOÏÏAO Fils
LES DÉCHETS DE L'INDUSTRIE AGRICOLE DU LIN.
(EXTRAIT Dt: PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 24 août 1877. —
M. Renouard filô entretient la section de la valeur des déchets de l'industrie
agricole du lin. Ces déchets sont de trois sortes: l°les coques des graines qui
résultent de l'égrenage; 2° les eaux de rouissage, soit d'eau courante, soit d'eau
dormante; 3° les cendres de chénevotte provenant du teillage.
Les coques de graines ont une valeur agricole réelle ; elles renferment jusqu'à
46,38 de potasse, 23,26 d'acide phosphorique et 1,26 0/0 d'azote, mais on ne
peut les utiliser pour la culture du lin à cause de la grande quantité de graines
étrangères qu'elles renferment et qui nécessiteraient plus tard une succession
de surcharges qu'on aurait pu éviter. Elles sont utilisées comme engrais de
prairies, comme condiment pour la culture hâtive des asperges, et en mélange
avec la pulpe pour la nourriture des bestiaux.
Les eaux de routoir à eau courante renferment des quantités variables de
938 AGRONOMIE
matières organiques: une première analyse dans la Lys a donné 0 gr. 1384 de
matières dissoutes; une seconde analyse a donné les chiffres suivants ■
Titre hydrotimétrique 36°
Acide carbonique 0 gr. (il 10
Carbonate de chaux Ogr. 3-2!)(i
Chlorure de calcium Ogr. 0144
Matières organiques 0 gr. 0908
0 gr. 4488
Les mêmes analyses ont été faites antérieurement par M. Girardin ; il a
trouvé :
Résidu par litre Mat. organ. dissoutes Mat. minérales.
En mai 0 gr . 3700 0 , 0300 0, 3800
En août 0 gr. 5512 0,0370 0,3812
M. Renouard relate une expérience sur la culture du lin, faite avec cet
engrais.
Les eaux de routoir à eau dormante sont encore plus riches ; elles renferment
par litre :
( Substances organiques. 3 gr. 983
Matières dissoutes, 7 s;r. 888 dont j . , . _ nnv
{ — minérales.. 3 gr. 905
Les expériences qui ont été faites avec ces eaux mélangées à la chaux ont
donné les meilleurs résultats.
Enfin les cendres de chénevotte ont peu de valeur. L'analyse montre qu'elles
ne sont qu'un produit encombrant et non fertilisant : 100 gr. ne renferment
que 0 gr. 4580 de sels solubles.
MM. B. COEENWIOEE et G. CONTAMINE
RECHERCHES SUR L'ACIDE PHOSPHORIQUE DES TERRES ARABLES.
(EXTRAIT H!' PROCÈS-VER]: M
— Séa n ce du S ( ao fl ! i 877.
11 y a trois années environ, MM. Woussen et Corenwinder ont eu l'honneur
de présenter à l'Académie le résultat de leurs essais sur la fertilisation des
terres à l'aide des phosphates solubles et assimilables.
Les recherches de ces agronomes ont prouvé que, dans un grand nombre de
localités, il suffit souvent de répandre dans un champ où l'on se propose de
cultiver des betteraves 6 à 700 kilos de superphosphate de chaux par hectare
pour augmenter notablement la récolte et enrichir ces racines en matières
sucrées.
CORENWINDER ET CONTAMINE. — si K L'ACIDE PHOSPHORIQUE 939
Ces faits onl suggéré à M. Woussen et à nous l'idée de poursuivre des
recherches sur les quantités d'acide phospborique que contiennent les sols
arables du Nord de la France.
M. Woussen a opéré dans le canton d'Houdain (Pas-de-Calais), qu'il habite ;
nous, dans l'arrondissement de Lille.
Dans les terres de sa localité, M. Woussen a trouvé des proportions d'acide
phosphorique variant de 0 gr. 962 à 1 gr. 33 par kilog. de terre séchée à 100",
soit en moyenne 1 gr. 146.
De notre côté, dans l'arrondissement de Lille, nos analyses nous ont fait
découvrir, pour le même poids de terre, des quantités d'acide phosphorique
comprises entre 4 gr. 01 et 1 gr. 52, soit en moyenne 1 gr. 265.
Dans l'un et l'autre cas, l'acide phosphorique a été isolé en attaquant
les terres par l'acide nitrique. Il a été dosé ensuite par les méthodes
connues.
A cause de son origine, nous avons pensé que l'état de combinaison dans
laquelle cet acide est engagé devait le rendre faiblement assimilable.
Pour vérifier cette supposition, nous avons, à plusieurs reprises, mis 100 gr.
de cette terre en digestion dans une dissolution saturée et pure d'acide car-
bonique.
Après 48 heures, nous avons constaté que cette dissolution avait enlevé à
cette terre pour 1 kilog :
Acide phosphorique, 0 gr. 0'r2;
Soit 2.44 centièmes de la quatité totale qu'elle renferme.
Ce chiffre, faible en apparence, équivaut cependant à une quantité de
206 kilos d'acide phosphorique par hectare, et pour une profondeur de 35 cen-
timètres.
11 indique qu'en 48 heures la dissolution saturée d'acide carbonique suffirait
pour rendre assimilable une quantité d'acide phosphorique supérieure à celle
qu'on fournit au sol en y introduisant 1,000 kilos de superphosphate.
On s'explique dès lors pourquoi les superphosphates sont sans action dans
des terrains de cette nature.
Dans notre mémoire, nous déduisons de ce fait toutes ses conséquences pro-
bables. Nous ne pouvons les développer ici. Nous nous bornerons à reproduire
ce passage :
« Il n'est pas douteux que les phosphates disséminés dans la terre arable
ne sont pas au même degré solubles dans Peau chargée d'acide carbonique.
Leur capacité, à cet égard, doit dépendre de leur état moléculaire et de la
source d'où ils proviennent. Les phosphates qui préexistaient dans les en-
grais liquides sont probablement plus attaquables que d'autres. Le sujet néces-
sitera de notre part de nouvelles recherches. Nous nous proposons de les
poursuivre en opérant sur des sols de différentes constitutions et en tenant
compte des engrais, des amendements qu'on leur aura appliqués. »
On remarquera le rapprochement qui existe entre les résultats obtenus par
M. Woussen et les nôtres.
Nous exceptons pour le moment un essai fait dans des circonstances parti-
ulières. Il en sera question plus loin.
940 AGRONOMIE
Ces proportions d'acide phosphorique sont plus importantes qu'on ne pourrait
le supposer de prime-abord. En admettant qu'en moyenne la terre d'un champ
contienne un millième d'acide phosphorique, on peut calculer que pour un
hectare de superficie et 3o centimètres de profondeur, il s'y trouve 4,900 kilos
d'acide phosphorique.
Cette quantité paraît devoir suffire dans tous les cas pour subvenir aux
besoins des plantes cultivées, et cependant nous avons constaté bien souvent
qu'en ajoutant 600 kilos, au plus 1,000 kilos de superphosphate par hectare,
dans un champ ainsi partagé, on augmente dans une proportion très-notable
le rendement de la récolte.
Le superphosphate que nous utilisons contenant 160/0 d'acide phosphorique
soluble et assimilable, en en répandant dans le sol 1 ,000 kilos, c'est donc
une quantité de 160 kilos d'acide phosphorique seulement que nous ajoutons
aux 4,900 kilos qui y préexistaient déjà ; mais ces 160 kilos sont bien plus
efficaces, puisqu'ils y produisent un effet très-marqué (1).
On voit donc que l'état moléculaire sous lequel on présente aux plantes
l'acide phosphorique a la plus grande influence sur son assimilabilité.
Depuis longtemps M. Corenwinder a constaté que les superphosphates n'ont
pas d'action sensible sur les sols de haute fertilité du canton de Lille.
Dans l'espoir de nous rendre compte de cette particularité, nous avons
recherché l'acide phosphorique dans une terre située à proximité de cette ville.
Cette terre reçoit annuellement pour engrais environ 1,000 hectolitres d'engrais
flamand par hectare.
Nous avons trouvé qu'elle contenait par kilogramme :
Acide phosphorique, 1 gr. 72.
M. A. LADÏÏREAU
Directeur de la station agronomique du Nord.
NOTE SUR LA COMPOSITION DE LA LAINE (2).
— Séance (ht S 4 août il
11) M Boussiûgault a déjà fait une observation analogue. Economie rurale, t. Il, p. 30.
(8) Ce travail est inséré a lu section de chimie, page 369.
P. P. DEHÉRAIN. — CULTURE DK L'AVOINE ET DU MAIS FOURRAGE 941
M. P. -P. DEHERAIN
Professeur à l'École d'agriculture de Grignon.
RESULTATS D'EXPÉRIENCES INSTITUÉES SUR LA CULTURE DE L'AVOINE
ET DU MAIS FOURRAGE.
— Séance du i s août i877. —
M. Dehérain présente à la section les résultats obtenus au champ d'expé-
riences de Grignon pour la culture de l'avoine et du maïs fourrage.
L'auteur rappelle d'abord quelle est la question qu'il a jugé utile d'éluci-
der. On sait que si la plupart des agriculteurs continuent à faire marcher de
front la culture proprement dite et l'élevage des animaux, qui entraine la pro-
duction du fumier qui devient l'engrais principal, il est d'autres cultivateurs
qui, renonçant à l'exploitation des animaux, emploient exclusivement les
engrais de commerce, et notamment les produits chimiques , sels ammonia-
caux, nitrate de soude , phosphate de chaux, engrais de potasse, etc. 11 est
clair qu'un sol traité de cette manière va se dépouiller peu à peu de ses ma-
tières ulmiques, tandis qu'elles vont s'accumuler au contraire sur un sol cul-
tivé à l'aide du fumier de ferme. Ces matières ulmiques sont-elles nécessaires
au développement des végétaux, ou bien au contraire peuvent-ils vivre sans
elles?
La question est très-importante au point de vue scientifique, puisque rien
de ce qui concerne l'alimentation des plantes de grande culture ne peut être
indifférent ; mais elle l'est également au point de vue pratique. En effet, le
directeur de l'École de Grignon, M. Dutertre, a été souvent consulté sur la
question suivante : un fermier qui a cultivé pendant un certain nombre d'an-
nées, à l'aide de produits chimiques seulement, laisse-t-il le sol dans un état
avantageux pour le propriétaire et, par suite, pour le fermier entrant; ou
bien, au contraire, ce sol a-t-il été appauvri par ces cultures sans fumier? le
fermier sortant doit-il une indemnité ou a-l-il le droit d'être remboursé
d'une partie des avances qu'il a faites à la terre qu'il abandonne?
M. Dehérain, consulté sur ce point, s'est trouvé dans l'impossibilité de répon-
dre; pour être résolue, cette question doit être soumise à une étude régulière
pendant plusieurs années, et c'est pour l'éclairer que le champ d'expériences
a été disposé de la façon suivante :
Il est divisé en parcelles qui ont toutes un are d'étendue ; elles reçoivent
tous les ans la même dose du même engrais , et portent la même plante ;
quelques-unes sont cultivées à l'aide du fumier de ferme, les autres à l'aide
d'engrais chimiques, azotate de soude ou sulfate d'ammoniaque, additionnés
ou non de phosphates, mais sans ma' :ères organiques. Il est clair que les par-
celles qui reçoivent le fumier vont s'enrichir en matières ulmiques, tandis que
,)42 AGRONOMIE
celles qui sont amendées à l'aide des engrais chimiques s'appauvriront au
contraire d'année en année. Si les matières ulmiques sont inutiles ou indif-
férentes, les rendements des parcelles au fumier seront inférieurs ou égaux à
ceux des planches qui ont reçu, sous forme d'engrais chimiques, des quantités
d'azote et de phosphate supérieures à celles qui se trouvent dans le fumier ;
si, au contraire, les matières ulmiques ont une influence utile, le rendement
des parcelles qui ont reçu le fumier sera supérieur à celui qu'on obtiendra à
l'aide des engrais chimiques.
Ce n'est pas la première fois , d'ailleurs , qu'on essaye une semblable
comparaison. MM. Lawes et Gilbert ont déjà montré, il y a bien des années,
que parmi les plantes de grande culture les unes vivent très-bien à l'aide de '
produits chimiques purs, tandis qu'ils sont incapables de soutenir la vie des
autres. Les célèbres agronomes de Rothamsted ont pu maintenir la culture
du blé sur le même sol pendant plus de trente ans, à l'aide de produits chi-
miques, et le rendement a été légèrement supérieur à celui qu'a fourni le
fumier ; mais il n'en a pas été de même des légumineuses : un sol arable
ordinaire qui a porté du trèfle pendant plusieurs années devient incapable
d'en porter encore, quel que soit l'engrais qu'on lui fournisse ; le fumier ne
réussit pas mieux que les engrais chimiques, et cependant la culture continue
du trèfle peut être maintenue pendant plusieurs années sur un sol de jardin
dans lequel les anciennes fumures ont accumulé des quantités considérables
de matières ulmiques (1).
Ainsii toutes les plantes ne paraissent pas vivre de la même façon: aux
unes les produits chimiques suffisent , aux autres les matières ulmiques sont
nécessaires .
M. Dehérain met sous les yeux de la section les rendements moyens obte-
nus pour la culture de l'avoine (2) :
CULTURE CONTINUE DE L'AVOINE SUR LE CHAMP D'EXPÉRIENCES
DE GRIGNON (3).
Sans Fumier Azotate Sulfate
engrais. de ferme. de soude, d'ammoniaqUe.
1875 48.9 42.5 47.6 49.9
1876 54.5 64.1 63.1 55.7
1877 ., ^3.8 37.1 "29.2 29.5
L'influence de la saison est bien visible, l'année ]N7.'i a été moyenne, 1876
très-bonne, 4877 très-médiocre; mais il faut remarquer que les rendements
ont baissé beaucoup plus sur les parcelles qui ont reçu les engrais chimiques
que sur celles qui ont eu le fumier; en fondant les nombres en une seule
moyenne, on trouve les rendements suivants, à l'hectare :
(1) Vuir dans la V, Uifique, tome VIII, 2e série, numéro du i>7 mars 1875, les articles
publiés par M. Dehérain sur la Firme de Rothamsted.
(2) M. Dehérain rappelle [ue lus détails des cultures sont insérés chaque année dans les
Annales agroiiomigues.
(3) Tous les nombres sont exprimes en hectolitres, récoltés sur un hecture.
1\-1>. DEHÉRAIN. — CULTURE DE L'AVOINE ET DU MAIS FOURRAGE 943
Sans engrais 42.4
Fumier de ferme 47.9
Azotate de soude. . , 44.9
Sulfate d'ammoniaque , 45. 0
Ainsi, pendant les trois années d'expériences, la culture au fumier de ferme
a été plus avantageuse que celle aux engrais chimiques, et il a paru indiffé-
rent d'employer de l'azotate de soude ou du sulfate d'ammoniaque ; de plus,
tandis que, de 1875 à 1877, les parcelles au fumier ont baissé de 5h,4, celles
à l'azotate de soude ont baissé de 13h,4 et celles au sulfate d'ammoniaque de
20h,4.
Avec un aussi petit nombre de résultats, on ne peut encore tirer de conclu-
sions certaines sur le mode d'alimentation de l'avoine. Cependant, M. Dehérain
serait porté à croire que les matières ulmiques lui sont nécessaires ; en effet,
en prenant dans les tableaux de Rothamsted les chiffres les plus élevés obte-
nus à l'aide des produits chimiques, on obtient comme rendement en hecto-
litre, à l'hectare, les nombres suivants:
Culture continue de l'avoine à Rothamsted.
1869. . , 67.5
1870 45.0
1871 52.2
1872 55.8
1873 43.2
1874 41.4
1875 27.0
1876 26.7
L'épuisement du sol semble évident; malheureusement, MM. Lawes et Gil-
bert n'ont pas fait de culture d'avoine à l'aide du fumier de ferme ; de telle
sorte que la démonstration n'est pas aussi complète qu'on pouvait l'espérer.
M. Dehérain demande encore à présenter à la section les résultats obtenus
dans la culture du maïs fourrage, bien qu'il n'ait encore que deux années
d'expériences :
CULTURE CONTINUE DU MAIS FOURRAGE SUR LE CHAMP D'EXPÉRIENCES
DE GRIGNON.
Sans Fumier Azotate Sulfate
engrais. de ferme. de soude, d'ammoniaque.
1876. ......;..;. 59.500 72.150 57.160 55.220
1877 54.000 100.900 74.500 62.700
La différence en faveur de fumier de ferme est considérable. En 1876^
M. Dehérain avait cru pouvoir l'attribuer à la propriété que présentent les
matières ulmiques de retenir l'eau pluviale, et ils upposait que si la récolte
avait été meilleure sur les parcelles fumées, c'était surtout parce que la plante
avait pu mieux résistera la sécheresse qui a régné pendant tout l'été de 1876;
mais la saison 1877 a été, au contraire, très-humide, et les résultats sont en-
core plus marqués ; le fumier se place très-nettement en tête avec une récolte
944 AGRONOMIE
supérieure d'un quart à celle qu'on a obtenue de l'azotate de soude, et d'un
tiers à celle qu'a fournie le sulfate d'ammoniaque. M. Dehérain ne serait donc
pas étonné que le maïs fourrage, comme l'avoine, n'arrive à tout son dévelop-
pement que s'il rencontre dans le sol des matières ulmiques.
DISCUSSION.
M. Péligot croit qu'avant d'admettre les conclusions de l'auteur, il serait
utile de voir si le fumier n'agit pas surtout en donnant, au sol une certaine
porosité qui favorise l'arrivée de l'air jusqu'aux racines. Il serait bon , pour
voir si cette hypothèse a quelque fondement, de mélanger de la paille, non
convertie en fumier, au sol des parcelles qui ont reçu les engrais chimiques;
on pourrait de cette façon reconnaître si les produits noirs du fumier servent
comme aliment ou si, au contraire, ils n'ont qu'une action secondaire.
M. H. de La BLANCHÈEE
LES AQUARIUMS EN ANGLETERRE-
(extrait).
— Séance du 2 S août i #7 7. —
M. de La Blancheke entretient la section de l'intérêt que présente, au point
de vue delà pisciculture, l'étude des mœurs des poissons dans les aquariums.
11 cite comme exemple la découverte due aux naturalistes qui dirigent
l'aquarium de Brighton d'un fait qui a déterminé l'abrogation d'une loi fort
gênante pour la pèche.
En 1865, une commission anglaise parcourut plusieurs ports et acquit la
certitude que les filets traînants des pêcheurs produisaient le plus grand tort
en bouleversant le fond de la mer là où les œufs de poissons étaient déposés.
On pensait tout naturellement que la morue et le merlan, deux des espèces
les plus abondantes des eaux anglaises, déposaient, comme les autres, leurs
œufs au fond de la mer.
Cependant, un naturaliste danois bien connu, le professeur Sars, avait
exprimé l'opinion que les œufs de ces espèces flottaient à la surlace. On dis-
cuta, on nia; mais on fut pour la première fois convaincu de la véracité de
cette opinion à l'aquarium de Brighton, où l'on acquit la certitude que non-
seulement les œufs de ces poissons, mais encore ceux du maquereau, flottaient
à la surface pendant toute la période de leur développement.
Si cette découverte n'avait pas été faite, il est plus que probable que le
mode de pêche n'aurait jamais été modifié, et que la capture, aussi bien que
DE LA BL AN CHÈRE. — LES AQUARIUMS EN ANGLETERRE 945
le commerce de ces espèces de poissons auraient été amoindris par une loi qui
restreignait les opérations de capture sur les fonds à morue pendant toute la
soi-disant période du frai.
C'est à Hambourg qu'on a reconnu que les phyllosomes, que l'on regardait
comme des crustacés pour lesquels on avait créé une classe spéciale, n'étaient
autres que des larves de homards. A l'aquarium de Manchester, on a reconnu
également que le fameux whitebait, ce petit poisson délicat qui remonte la
Tamise et vient se faire manger à Greenwich, n'est autre "chose que du frai
de hareng.
M. de la Blanchère rapporte encore un fait très-curieux observé à l'aquarium
de Brighton . Un soir, on entendit tout à coup dans un des bassins rempli-
ilc whitebait un bruit inusité: les poissons sautaient hors de l'eau, s'agitaient;
on y court, pensant que tout ce mouvement était dû à un accident, peut-être
à l'introduction d'un animal dans le bassin; on s'éclaire, on regarde : rien
d'extraordinaire, le calme est rétabli; après quelques instants, le gardien sort
avec sa lanterne, nouveau bruit, agitation violente : il y retourne, tout rentre
dans l'ordre; il s'éloigne, le mouvement recommence... Tant qu'il est là, tout
se passe tranquillement, mais aussitôt qu'il est parti, les poissons semblent
inquiets et s'agitent... 11 cherche à comprendre. Enfin il a l'idée que peut-être
l'obscurité est trop complète; il allume un bec de gaz, dont peu à peu il dimi-
nue l'intensité jusqu'à ne plus avoir qu'une lueur crépusculaire; cela suffit,
les poissons restent en repos, mais ils ne peuvent supporter une obscurité
absolue.
M. de la Blanchère entretient la section des aquariums d'eau salée, il fait
remarquer que la dépense qu'ils occasionnent est beaucoup moindre que l'on
ne serait tenté de le croire au premier abord, car l'eau de mer n'a pas
besoin d'être renouvelée, elle peut servir indéfiniment à la condition d'être
aérée convenablement.
DISCUSSION.
M. Corénwinder rapporte, à propos de l'eau de mer, l'observation suivante,
qui est fort intéressante. Le savant agronome de Lille avait rapporté de Dun-
kerque, son pays natal, une petite provision d'eau de mer pour alimenter un
petit aquarium d'appartement dans lequel il se plaisait à élever des zoophytes.
Un jour, un domestique maladroit renversa l'aquarium, l'eau de mer fut per-
due ; on n'en avait pas d'autre. M. Corénwinder songea alors à préparer de
l'eau de mer artificielle en dissolvant dans l'eau distillée tous les sels que
l'analyse a décèles dans l'eau de mer; il remplaça donc l'eau de mer natu-
relle par cette dissolution saline, mais cette tentative ne réussit pas et tous les
zoophytes moururent.
Ainsi l'eau de mer n'est pas encore assez bien étudiée pour qu'on puisse la
préparer artificiellement.
tt»
946 AGRONOMIE
M. CORENWIOEK,
RECHERCHES CHIMIQUES SUR LES PLANTES ALIMENTAIRES : LE PANAIS.
(EXTRAIT.)
— Séance du êo août 1877. —
M. Corenwinder communique à la section la suite de ses recherches sur les
plantes alimentaires. Il croit qu'il est utile de connaître la composition de
tous les végétaux qui sont employés à la nourriture de l'homme et des ani-
maux, et il n'a trouvé nulle part l'analyse du panai*.
Cette racine ne renferme guère que les 4/5 de son poids d'eau, elle est donc
moins aqueuse que la plupart des autres racines alimentaires. Elle est riche en
matières azotées (2.30 0/0). Les cendres ont été analysées; elles ne ren-
ferment pas de soude : c'est une nouvelle preuve de la rareté de cette base
dans les végétaux et une confirmation de la belle découverte de M. Péligotsur
la non-équivalence de la soude et de la potasse dans l'alimentation des végétaux.
La valeur alimentaire du panais apparaîtra mieux, au reste, en mettant en
regard de sa richesse en azote celles des autres racines employées pour la
nourriture des hommes ou des animaux.
Azote 0/0
de matière normale
Panais 0378
Betterave à sucre 0.249 -
Carotte rouge 0.226
Rutabaga (navet de Suède) 0.225
Navet violet 0.2M
Betterave globe jaune 0.174
Betterave rouge 0.167
Navet blanc 0.163
M. le Dr MOÏÏRGrïïES
de la Salle [Gard)*
SUR LE ROLE DE LA RÉVOLUTION COSMIQUE ET DU PARASITISME DANS LES MALADIES
ÉPIDÉMIQUES DES VÉGÉTAUX.
— Séance du 27 août 1877. —
BAILLOU. EXPÉRIENCES SI II LES VIGNES PHYLLOXÉRÉES 91/
M. BAILLOÏÏ
taire à Vérac (Gironde).
EXPERIENCES SUR LES VIGNES PHYLLOXEREES-
(EXTRAIT DU Pltor.F.S-VEIUiAL.)
— .Séance du 27 août 1877. —
M. Baillou donne le résultat des expériences qu'il a laites cette année sur
les vignes phylloxérées dans le traitement par le sulfure de carbone.
Il a essayé tout d'abord le sulfo-carbonate de potassium, qui produit d'ex-
cellents effets, mais auquel il a dû renoncer à cause du prix de revient élevé
de ce produit.
Ses essais ont particulièrement porté sur les cubes Rohart, placés dans des
terres préalablement fumées; avec un ou deux cubes, de 0sr 10 de sulfure
par cube, les résultats ont été nuls ; 4 h 7 cubes détruisent le phylloxéra, 8 à
12 tuent le cep.
D'autres vignes ont été traitées par le sulfure de carbone et le coaltar, en
hiver, pour éviter l'évaporation du sulfure. En mai, des radicelles émergeaient,
indemnes de phylloxéra; en juillet, on voyait quelques insectes. M. Baillou
pense que ceux-ci provenaient des migrations à la surface du sol, parce que
le sulfure de carbone n'avait pas atteint les racines qui si; trouvaient en dehors
de son action . Le rayon d'action des cubes ne dépasse pas, suivant l'expéri-
mentation, 0m,30.
M. Baillou ajoute que le traitement par le sulfure de carbone revient aussi
très-cher, à peu près 10 centimes par cep; il fait usage des gros cubes, les
cubes de petite dimension ne lui ayant pas donné de résultat, pour arriver à
moins de frais ; on s'en tient actuellement d'une manière générale au coaltar
pur ou au savon pur.
DISCUSSION.
M. Péligot fait observer, à ce sujet, que la guérison ne parait pas pouvoir
être complète et demande si on n'arriverait pas à guérir la vigne en la privant
de ses radicelles, la brossant soigneusement et la replantant dans la terre
nettoyée et défoncée avec soin.
M. Baillou pense qu'on ne pourrait pas y parvenir, car il reste toujours
en terre des radicelles phylloxérées.
M. Xamreu, membre de la commission départementale de la Charente-Infé-
rieure, demande alors à M. Baillou quelques explications sur l'œuf d'hiver. —
La théorie et les expériences de MM. Balbiani et Boiteau ont depuis deux ans
attiré l'attention des viticulteurs; il en résulte que, par la décortication et un
badigeonnage bien pratiqués, la vigne est défendue contre une invasion de
l'insecte; pour les ceps déjà attaqués, il faut ajouter l'opération coûteuse des
1)48 AGRONOMIE
injections de substances insecticides et les fortes fumures.— Les œufs d'hiver,
ajoute M. Xanibeu, devraient être nombreux : où se trouvent-ils? Dans le
Libournais, MM. Boiteau et Baillou les découvrent facilement, mais dans le
Gard, dans l'Hérault, dans les Charenles, les observateurs ont été jusqu'ici
malheureux ou inhabiles. — M. Xambeu a vu les œufs envoyés par M. Boi-
teau; il croit que dans les Charentes le lieu de dépôt de ces œufs n'est pas le
même que celui indiqué dans la Gironde. — 11 est étonné, d'un autre côté,
que la commission supérieure n'ait pas encore dans ses instructions fait men-
tion des travaux de M. Boiteau et des moyens préventifs que ce dernier à
conseillé de pratiquer.
M. Baillou veut donner immédiatement à M. Xambeu quelques explica-
calions sur la manière dont on peut voir l'œuf d'hiver dont il parle. — Il
faut s'assurer fin juillet des endroits où rémission des phylloxéras ailés est le
plus considérable et avoir affaire à des vignes vigoureuses. Pour opérer avec
plus de facilité, il faudrait charger sept ou huit pieds de vigne d'une quan-
tité de feuilles ayant des phylloxéras ailés qui déposent leurs œufs dans l'angle
aigu des nervures des feuilles.
M. Dehérain voudrait savoir si, même avec les procédés les plus coûteux,
les frais de traitement sont toujours inférieurs au produit de la récolte.
M. Baillou répond affirmativement.
MM. P.-P. DEÏÏÉEAIN et MAQÏÏEIOE
RECHERCHES SUR LA GERMINATION-
[EXTRAIT.]
— Séance du 27 août 1877. —
M. Dehérain communique en son nom et en celui de M. Maquenne, répé-
titeur à Grignon, son collaborateur, les résultats de ses recherches sur la ger-
mination.
Ces recherches portent sur deux sujets différents : I" comment les gaz pénè-
trent-ils dans les graines pour y déterminer la germination ; 2° quelles sont
les conditions nécessaires pour que les principes immédiats contenus dans les
cotylédons puissent servir au développement de la jeune plante?
MM. Dehérain et Maquenne ont essayé de faire passer des gaz par endos-
mose au travers d'un testa de graine ; pour y réussir, ils ont fait construire
un petit appareil dans lequel un testa de fèves ■x'vn' entre deux plaques de
caoutchouc, était baigné à sa face intérieure par un liquide, tandis que de
l'autre il supportait le contact de l'air atmosphérique; dans ces conditions, il
ne semble pas que l'air passe au travers du testa; au moins en opérant ainsi
et en plaçant au-dessous du testa de l'indigo blanc, les auteurs n'ont pu le
DEHÉRAIN ET MAQUENNE. — RECHERCHES SUR LA GERMINATION 049
voir bleuir; en exerçant une certaine pression sur le gaz en contact avec la
face supérieure du testa, ils n'ont pas été plus heureux ; si de nouvelles
expériences confirment ces premiers résultats, il faudrait en conclure que
les gaz pénètrent dans la graine, non pas en traversant le testa, mais par le
micropylle.
Les auteurs ont voulu savoir en outre si les gaz en dissolution dans l'eau
étaient capablesde déterminer la germination : on a fait trois séries d'expériences;
dans la première, les graines étaient placées dans une quantité déterminée
d'eau aérée; dans la seconde, les graines étaient au contact d'eau aérée cons-
tamment renouvelée; dans la troisième, l'eau restant la même était parcourue
par un courant d'air.
Des petites graines, comme le colza, le cresson, l'orge, germent très-bien
dans une quantité d'eau limitée, renfermant de l'oxygène dissous; en augmen-
tant le nombre des graines placées dans un volume d'eau connu, renfermant
une quantité d'oxygène déterminée par l'expérience, on a pu trouver la quan-
tité minima d'oxygène nécessaire pour la germination ; ils ont reconnu que
0r,,,07 d'oxygène suffisent pour déterminer la germination d'un grain de
colza.
En plaçant des pois ou des haricots dans un grand volume d'eau, on n'a
pas réussi à obtenir la germination; les graines ont pourri constamment.
Quand des graines sont placées dans un tube que l'on fait traverser par un
courant d'air constamment renouvelé, on reconnaît que l'oxygène dissous dans
l'eau est suffisant pour déterminer la germination. Pour un cours, l'expé-
rience peut être disposée comme suit : de l'eau distillée tombe en pluie au
travers d'un grand tube pour être bien aérée, puis pénètre par un tube recourbé
dans un entonnoir qui s'engage dans un petit flacon muni d'un bouchon d'où
s'échappent six tubes à gaz reliés eux-mêmes avec des tubes à analyse qui
renferment les graines.
Les tubes à graines sont fermés par un bouchon d'où part un tube à gaz,
courbé en col de cygne, par lequel l'eau s'échappe constamment ; après quel-
ques jours, on voit les graines ainsi soumises à l'action de l'eau aérée germer
parfaitement ; on ne rencontre de difficultés que pour le cresson, dont le muci-
lage bouche les tubes.
L'expérience peut encore être disposée autrement pour faire voir que l'eau
aérée seule est capable de déterminer la germination ; on place des graines
dans cinq ou six tubes à analyse de un décimètre de long environ, on relie
tous ces tubes les uns aux autres par des tubes à gaz convenablement cour-
bés, et l'on fait pénétrer de l'eau aérée par une extrémité du système ; elle
s'écoule lentement par le dernier tube après avoir passé successivement sur les
graines contenues dans les six tubes placés à la suite les uns des autres. On
conçoit facilement que les graines du premier tube sont au contact d'eau aérée,
tandis que les graines des autres tubes n'ont plus que de l'eau chargée d'acide
carbonique, tout l'oxygène ayant été consommé par les premières graines.
L'expérience réussit très-bien avec l'orge Chevallier et un courant d'eau qui
ne dépasse pas un litre en vingt-quatre heures : les graines du premier tube
fermentent, les autres pourrissent. Quand le courant est trop rapide, les
9o0 AGRONOMIE
premières graines n'enlèvent pas tout l'oxygène dissous et les graines du der-
nier tube germent comme celles du premier.
En plaçant des graines dans l'eau, qu'on l'ail parcourir par un courant d'air
continu, on réussit très-bien à les faire germer ; la germination est souvent
plus régulière que dans l'air, c'est Le cas, notamment pour le maïs, qui est si
difficile à faire germer dans l'air.
Ce sujet a déjà été, du reste, étudié par un naturaliste distingué, M. Emery,
et quelques-unes des expériences précédentes ne font que confirmer ses
résultats.
Une graine germe, les principes immédiats, insolubles qu'elle renferme, se
fluidifient et s'acheminent vers les points où apparaissent les nouveaux organes.
Quand la germination a lieu dans de bonnes conditions, une graine, volumi-
neuse comme un baricot, peut donner une plante d'une assez grande
dimension.
Un pbysiologiste autrichien distingué, M. Bœhm, a annoncé, il y a quelques
années, que si les baricots d'Espagne germaient parfaitement dans l'eau dis-
tillée, ils étaient incapables d'y vider leurs cotylédons, en d'autres termes,
d'employer la réserve que la graine renferme à l'élaboration des nouveaux
principes immédiats nécessaires à la formation des tissus. MM. Debérain et
Maquenne ont répété ces expériences, et ils ont trouvé, comme M. Bœhm, que
les haricots vivaient, mais restaient chétifs, petits dans l'eau distillée ; l'axe
hypocotylé meurt rapidement, puis est remplacé par des rameaux qui naissent
à l'aisselle de l'axe, qui ne tardent pas à mourir comme lui; les cotylédons
restent verts, gonflés, turgescents, ils ne se vident pas.
M. Bœhm avait annoncé que la plante vit d'une façon normale quand on lui
donne une dissolution renfermant de la chaux; ainsi, quand les racines du
haricot plongent dans l'eau ordinaire de fontaine, les cotylédons se vident par-
faitement. M. Bœhm en avait conclu que la chaux est nécessaire à la migra-
tion des principes immédiats contenus dans la graine. MM. Dehérain et Maquenne
ne sont plus d'accord sur ce point avec le savant physiologiste de Vienne; ils
ont reconnu, en effet, que les cotylédons se vidaient quand les racines plon-
geaient dans des dissolutions variées ne renfermant pas de chaux, aussi bien
que lorsqu'on donnait à la plante de l'eau ordinaire. Ainsi les cotylédons ont
pu se vider quand les racines ont vécu dans des dissolutions de sels de potasse
et même de soude, aussi bien que dans de l'eau chargée de chaux. Les hari-
cots semblent pouvoir se charger dans ces conditions spéciales d'une petite
quantité de soude, ce qui n'a pas lieu, lorsqu'ils vivent dans un sol normal,
le haricot étant une des nombreuses plantes qui, d'après les observations de
M. Péligot, ne renferme pas de soude dans ses cendres. 11 a même été possible
de faire pénétrer dans cette plante une petite quantité de strontiane; mais
tandis que le haricot vivait dans une dissolution très-étendue d'azotate de
strontiane, et qu'à l'aide de l'analyse spectrale on a trouvé la strontiane dans
ses tissus, il a été impossible île le faire vivre dans une dissolution de baryte.
A. LADUREAU. ÉTUDES SUR LES MALADIES DU LIN 954
M. Alfred RENOUAO
Ingénieur civil,
Filateur ut fabricant il'- H>sus à Lille.
ANALYSE CHIMIQUE DU COCON ET DE SES DERIVES.
(extrait.)
— Séance du 27 août IS77. —
M. Renouant) indique un nouveau procédé d'analyse des soies dû à M. Paul
Francezon, filateur à Alais. Dans une brochure qu'il a publiée (1), M. Francezon
accuse les analyses de M ulder d'être complètement lausses.
A cause de l'autorité qui s'attache au nom de Mulder, M. Renouard dit qu'il
a cru utile de contrôler les nouveaux résultats. A peu de chose près, ceux-ci
sont justes. La soie ne contient ni gélatine, ni albumine, la première ayant
dû se dissoudre dans la bassine du dévideur, la seconde ayant dû se coaguler
et dans tous les cas n'étant pas accusée par un précipité dans le traitement au
ferrocyanure de potassium. Les proportions indiquées ponr la gomme et la
libroïne dans la biaise et la coque ont été trouvées exactes ; seule la proportion
pour les couches intérieures n'est pas aussi tranchée, M. Renouard indiquant
28.70 de gomme et 71.3 de fibroïne, au lieu de 20.72 et 73.28 : dans tous 'es
cas, les principes indiqués ne sont pas modifiés.
M. A. LADÏÏREAÏÏ
Directeur du Laboratoire de l'État et de la Station agronomique du Nord.
ETUDES SUR LES MALADIES DU LIN.
LE THRIPS LINI
— Séance du 29 août 1877. —
Dans les recherches que nous avons entreprises, l'année dernière, pour
déterminer la cause d'une maladie singulière du lin que l'on nomme
brûlure, nous nous sommes surtout attaché à l'étude des causes physi-
ques et chimiques. Nous avons eu l'honneur d'exposer devant vous,
l'année dernière, les résultats de ces recherches ainsi qu'un certain nom-
bre d'analyses de sols et de végétaux qui paraissaient montrer que la
brûlure du lin se produit principalement dans les terres où la proportion
(1 ) Etude chimique du cocon et des produits qui en dérivent en filature. — Lyon, imp. Bourgeon, 1875.
9o2 AGRONOMIE
de potasse assimilable n'est pas assez considérable pour suffire aux be-
soins de cette plante, qui en absorbe une quantité assez élevée.
Nous venons vous entretenir aujourd'hui de la suite de nos études sur
cette question si éminemment intéressante, et vous donner l'explication
d'une cause très-fréquente de brûlure que nous avions signalée l'an
dernier, sans pouvoir l'expliquer. Nous avons été d'autant plus favorisé
pour l'étude de ce phénomène que, par suite de l'absence complète de
froids durant l'hiver de 1876-1877, il s'est présenté très-communément
cette année, et qu'on a pu l'observer à chaque pas dans les pays où l'on
cultive le lin, et en particulier sur les bords de la Deùle et de la Lys,
où ce fléau a sévi avec une intensité heureusement peu fréquente. Aux
portes mômes de notre ville, se trouvaient plusieurs champs maltraités,
sur lesquels nous avons pu suivre facilement les progrès de cette
maladie.
Dans nos études précédentes, nous avions remarqué la présence sur
les lins brûlés d'un petit insecte noir, auquel nous n'avions pas attaché
grande importance, préoccupé avant tout du côté chimique et physique
de la question. Néanmoins, frappé de le rencontrer en grand nombre
sur tous les champs brûlés que nous avons visités, tandis que nous ne
le voyions qu'en très-petite quantité ou môme pas du tout, sur leschamps
bien portants, nous nous sommes attaché plus spécialement cette année
à l'étude de cet insecte et nous avons reconnu que ce petit parasite,
cette espèce de phylloxéra du lin, était bien la cause la plus fréquente
et la plus certaine de la brûlure. Avant de montrer quels sont les faits
sur lesquels nous basons cette affirmation, nous croyons indispensable de
faire connaître l'insecte en question, ses mœurs, son mode d'action sur
les plantes, la manière dont il se reproduit, enfin les différents points
qui peuvent éclairer la question qui nous occupe.
Voici donc sa description :
Description de l'insecte. — Fig. 99. L'animal presque microscopique que
nous avons rencontré sur tous les champs de lin brûlés que nous avons
vus, est une sorte de petit puceron noir, possédant 4 ailes membraneuses de
de la longueur du corps, qui est long et aplati. Il marche assez rapide-
ment et relève très-souvent l'abdomen en l'air durant sa marche, de
manière à le mettre presque perpendiculaire au reste du corps. Il ne peut
guère voler, malgré ses 4 ailes, et préfère toujours la marche au vol ;
il n'a recours à ce dernier mode de locomotion que quand il s'y voit
tout à fait forcé, et alors, son vol n'excède guère 2 à 3 centimètres, et
peut être comparé plutôt au saut d'une puce qu'au vol .d'un insecte ailé.
Il appartient à un ordre spécial d'insectes que Linné a nommé: Thrips,
d'un mot grec qui veut dire vermisseau, petit insecte.
A. LADUREAU. — ÉTUDES SUR LES MALADIES DU LIN
953
f X
^X^JA
r i_. 99
— \. Larve vue de dos; 2- Larve vue de profil; 3. insecte parfait vu sur le dos;
4. insecte parlait vu de profil ;
5. Sommet rie la tète (vertex); 6. Tarière de la femelle; 7. Organe mâle.
Un entomologiste allemand, M. Bûrmeister, les a appelés Physopodes,
des mots grecs (1) physao, gonfler en soufflant, etpous, podos, pied, à
cause de leurs pieds, qui, au lieu d'être armés decrochets, comme ceux de
presque tous les insectes, sont formés par de petites vessies, remplies
d'un liquide clair, au moyen desquelles ils se fixent sur les feuilles et
y courent avec une assez grande rapidité. Un savant français, M. Du-
méril, a changé ce nom en celui de Physapodes, qui ne diffère du pré-
cèdent que par la substitution d'un a à Yo du milieu.
Enfin un Anglais qui a fait une étude spéciale de cette catégorie d'in-
sectes, M. Haliday, les a classés en 1838 dans un ordre à part, celui
des Thysanoptères (des mots grecs thysanos, frange, et pteron, aile) (2).
Cette classification ayant été adoptée depuis par la plupart des entomolo-
gistes, nous la conserverons, et rangerons par conséquent l'insecte qui
nous occupe dans cet ordre des Thysanoptères.
Les Thysanoptères diffèrent des Hémiptères parce qu'ils ont des palpes
distincts et par leurs larges mâchoires extérieures, et des Orthoptères
par leurs mandibules internes capillaires, et par leurs mâchoires qui
sont presque fixes et n'ont point de galettes. C'est du moins ainsi que
M. Haliday les différencie, dans son remarquable ouvrage : the Entomolo-
gicaî Magazine (tome" III). Ces insectes, lorsqu'ils sont à l'état parfait, portent
à la partie supérieure du métathorax deux paires d'ailes longues, très-
étroites, rudimentaires, presque dépourvues de nervures, et garnies sur
leurs bords d'une grande quantité de poils en forme de franges, d'où
(1) «tùijaw et ITouç, tôSoç.
(2) ôùaavoç et ircépov.
954 AGRONOMIE
leur nom do Thysanoptères (ailes frangées) ; les cils ou poils qui bordent
les ailes s'étalent pendant leur vol et suppléent ainsi à l'étroitesse de
la membrane principale. Les deux paires d'ailes se mouvant ensemble
et de la même manière absolument, il paraît certain qu'elles sont mues
par le même système de muscles. A l'état de repos, elles sont étendues
horizontalement sur leur dos et ne dépassent jamais l'extrémité de l'ab-
domen.
Leur corps est composé de trois parties distinctes : 1° la tête ren-
fermant les antennes, les yeux et les ocelles, au nombre de trois, et la
bouche, organe de succion et de mastication ; 2° le thorax, composé
d'un protothorax rétréci antérieurement, d'un méso et d'un métathorax
intimement unis, et sur lesquels sont fixés d'une part, à la partie infé-
rieure, les six pattes et, d'autre part, sur le mésothorax, les quatre ailes
dont nous avons parlé; et enfin 3° l'abdomen formé par la réunion de
neuf segments annulaires emboîtés les uns dans les autres et réunis par
des membranes blanch âtres. La peau de ces neuf segments paraît être
assez dure ; l'abdomen est susceptible d'un mouvement propre très-
remarquable, de bas en haut.
A la partie antérieure de la tête se trouvent deux antennes composées
de cinq articles, fili formes, soudés les uns aux autres, le dernier pointu ;
elles sont garnies de poils, surtout aux jointures et extrêmement flexibles
et mobiles. Ce sont, avec les palpes, que nous trouvons au nombre de
quatre, autour des mâchoires, les organes de tact et d'olfaction de l'insecte,
ceux au moyen desquels il reconnaît si tel ou tel végétal lui convient.
Derrière les antennes on remarque trois ocelles, disposées en forme de
triangle sur le sommet de la tête, sur le vertex, la pointe en avant, du
côté des antennes.
En dessous, latéralement, à droite et à gauche de la tête, se trouvent
les deux yeux proprement dits, yeux multiréticulés, c'est-à-dire com-
posés d'un grand nombre de facettes (nous en avons compté 36; il y en
a peut-être même davantage) qui permettent à l'insecte de voir de tous
cotés; ces yeux sont très-grands. La bouche se trouve à la partie anté-
rieure de la tête, elle est retirée en arrière, dans un pli ou renfonce-
ment, du présternum, et placée entre les deux premières cuisses. Les
mandibules sont longues, sétiformes, un peu renflées à leur base. Leurs
mâchoires sont larges, aplaties et munies de deux palpes articulées ei
possédant un mouvement propre. Le labre est grand, allongé, triangu-
laire; il cache les mandibules sous son prolongement. Leur lèvre infé-
rieure est large, propre à recevoir les autres parties de la bouche, et
munie de deux palpes réunies par une membrane. Les deux parties de
la bouche sont unies en forme de suçoir conique assez court, plutôt
charnu que corné, et non rétractile.
A. LADUREAU. — ÉTUDES SUR LES MALADIES DU LIN 955
L'abdomen se termine en pointe; celui des femelles est muni d'une
tarière ayanl assez l'apparence de deux sabres dont les pointes seraient
dirigées vers l'orifice anal; ces lames sont dentées à leurs côtes supé-
rieur et inférieur, et fixées en dessous du dernier segment abdominal.
Les maies ont une couleur plus foncée (pie les femelles et portent à
l'extrémité de leur abdomen un prolongement terminal tubulaire qui,
pénétrant dans la tarière de la femelle, sert à sa fécondation. Les fe-
melles sont, ovipares ; leurs œufs, que l'on voit souvent dans le corps,
au nombre de deux à la fois, paraissent avoir environ l/20u de milli-
mètre.
Les pattes sont assez courtes ; elles sont composées chez les larves et
les nymphes de deux articulations, mais les insectes complets ont trois
articulations distinctes. Elles sont assez fortes, presque également dis-
tantes l'une de l'autre, fixées sur le proto, le méso et le métathorax,
les 4 postérieures un peu plus rapprochées entre elles. Les hanches sont
triangulaires, les cuisses fusiformes, ainsi que les jambes. Le 1er article
des tarses est très-court, le 2e plus long, le 3e est, comme nous l'avons
dit, une vésicule membraneuse, remplie d'un liquide clair, qui se lixe
dans les moindres anfractuosités des corps et y adhère. On voit cette
vésicule se gonfler et se remplir de liquide sous l'influence de la marche,
lorsque le tarse est posé sur un corps, puis se dégonfler immédiatement,
lorsque l'insecte lève la patte. J'ai remarqué que, seuls, les nymphes et
les insectes parfaits avaient les tarses ainsi formés. Chez les larves, qui
sont le premier état de l'insecte au sortir de l'œuf, l'extrémité du tarse
est pointue, et l'on n'aperçoit pas encore la vessie, qui se forme, lors-
qu'elles passent au deuxième état, celui de nymphe.
Le Thrips est un insecte à transformations incomplètes ; c'est par une
série de mues successives, ou de changements de peau, qu'il arrive à son
état parfait.
Lorsqu'il sort de l'œuf, il se présente sous forme d'un petit insecte
assez semblable au phylloxéra de la vigne, comme lui jaune citrin, assez
paresseux, se mouvant difficilement, et ayant environ 1 à 2 dixièmes
de millimètre. Il augmente rapidement de volume, et l'on peut bientôt
le voir facilement à l'œil nu et reconnaître qu'il possède à peu près la
même forme que l'insecte parfait, à cela près qu'il n'a point d'ailes, qu'il
n'a que deux articulations aux pattes et deux ou trois articles aux
antennes. Dans cet état, il se sert non-seulement de ses pattes, mais
de son abdomen extrêmement mou et flexible, pour marcher d'un point
à un autre. Sa démarche ressemble assez alors à celle des chenilles. Ce
n'est que peu à peu que ses pattes deviennent vésiculeuses à l'extrémité,
qu'il perd sa couleur jaune citrin, que des rudiments d'ailes apparaissent
et que ses antennes s'allongent de un et deux articles. Il devient alors
956 AGRONOMIE
nymphe, possède deux ailes, trois oeelles, et des yeux multiréticulés, au
lieu de deux yeux lisses, transparents, d'un rouge grenat magnifique, qu'il
possédait à. l'état de larve.
Il a alors un millimètre de longueur environ ; bientôt deux nouvelles
ailes se forment, ce sont les ailes supérieures, d'une nature plus dure,
plus résistante que les deux autres et qui sont presque de véritables
élytres. Les antennes ont acquis leurs cinq articles. Les pattes possèdent
leurs trois articulations, les organes sexuels sont formés. 11 est long de
0m,002 au maximum, à cet état. L'insecte s'accouple alors, il pond
et meurt bientôt, après avoir déposé ses œufs sur la plante sur laquelle
il se trouve à ce moment, qui le plus souvent est : ou de l'avoine, ou
du seigle, ou du blé. Les œufs sont entourés par une membrane élastique
assez résistante, qui leur permet de séjourner en terre durant quelques
mois, de subir parfois môme les froids de l'hiver, quand ils ne sont pas
trop intenses, d'être remués, froissés, etc., sans trop en souffrir et sans
perdre leur faculté d'éclosion, tant la nature a soin de ses enfants même
les plus infîniments petits!
Un auteur italien, Passerini. affirme que plusieurs espèces de Thrips
se reproduisent un certain nombre de fois par an. Bien que nous n'en
ayons pas acquis la preuve, pour celui qui nous occupe, nous croyons
la chose très-possible, ayant remarqué une grande quantité de larves
toutes jeunes au milieu d'insectes parfaits sur le point de périr, vers la
fin de juin ou le commencement de juillet. L'insecte aurait alors, comme
le phylloxéra de la vigne, des œufs d'été à éclosion rapide, et des œufs
d'hiver à éclosion lente, destinés à assurer la perpétuité de l'espèce et
munis d'une résistance suffisante pour supporter la gelée et les influences
atmosphériques diverses. Il est très-intéressant de noter que ce n'est que
vers le 45 mai, à l'époque où les lins sont encore très-jeunes et tendres,
que les œufs éclosent, par suite de la chaleur de la température prin-
tanière, et qu'aussitôt leur naissance, les petites larves montent à la
partie supérieure des jeunes plantes, où on les trouve toujours, pour y
sucer les sucs délicats nécessaires à leur première alimentation.
Les entomologistes qui ont étudié les Thrips, MM. ^Vstwood, Haliday,
Bùrmeister, Passerini, etc., en ont reconnu un assez grand nombre
d'espèces particulières, habitant chacune telle plante ou telle Heur, et ne
se trouvant même à leur état parfait que pendant la durée de la plante
qu'ils affectionnent de préférence. Ils ont reconnu entre autres sur les
céréales une famille spéciale, à laquelle Haliday a donné le nom de
Thrips céréalium, et qui a produit en Italie et en Angleterre, dans l'an-
née 180o principalement, des dégâts considérables dans les céréales de
toute nature. Il paraîtrait même, d'après les journaux scientifiques de
l'époque, que les récoltes ont été à peu près détruites par cet insecte
A. LADDREAU. — ÉTUDES SUR LES MALADIES DU LIN 957
infime en Piémont et en Angleterre. Mais aucun des savants qui ont
étudié les Thrips ne L'avaient signalé jusqu'ici sur le lin; celui que nous
avons reconnu sur ce végétal se distingue du Thrips cerealium de Ilali-
day en ce que ses antennes sont composées de cinq articles, au lieu de
trois, que possède celui-ci. Sa description ne permettant pas de le ran-
ger dans aucune des subdivisions adoptées par Haliday, nous avons été
obligé d'en l'aire une espèce à part sous le nom de Thrips Uni (Thrips
du lin).
Action du thrips sur le lin. — Les Thysanoptères s'attaquent les uns
aux fleurs, les autres aux feuilles; ils les rongent dans toute leur éten-
due, sans jamais entamer leurs bords; on voit alors à la surface des
Heurs ou des feuilles des taches qui ne sont que les parties rongées. Ce
n'est pas par la petite quantité de substance que chacune d'eux enlève
à la plante sur laquelle il se fixe, qu'ils provoquent son éliolement ou
la font avorter, ainsi que cela a été observé souvent pour le blé et que
je l'ai reconnu moi-même pour le lin, c'est par leur grand nombre qu'ils
agissent, et c'est là surtout ce qui rend leurs attaques mortelles. De même
qu'un phylloxéra sur une racine de vigne n'exercerait sur la plante
aucune espèce d'action appréciable, de même un seul Thrips sur une
tige de lin ne produirait aucun dégât ; mais si, au lieu d'un, il s'en
trouve un certain nombre, comme c'est toujours au même endroit qu'ils
portent leurs attaques, c'est-à-dire au cœur même de la jeune plante, à
l'intérieur du bouquet de feuilles de la tête, là où elle est le plus tendre,
le plus savoureuse et le plus facilement attaquable, il en résulte que
la plante, épuisée, détruite dans son germe, ne peut pas toujours résister
à leurs attaques. Si elle n'est pas encore assez avancée pour pouvoir
prendre le dessus; si, d'autre part, elle ne trouve pas dans le sol des
éléments minéraux nécessaires à sa nutrition en quantité suffisante pour
subvenir à ses besoins, comme c'est le cas dans la plupart des champs
brûlés que nous avons analysés (1), alors la plante souffre, sa tête se
penche vers la terre, et lorsqu'un fort rayon de soleil vient s'ajouter
à cette cause de langueur, le désastre devient promptement irréparable;
c'est ce qui explique ce fait que souvent les cultivateurs qui avaient vu
la veille leur linières en état satisfaisant en apparence les retrouvent
le lendemain ou le surlendemain en partie brûlées. Ils disent alors que
leurs linière a été brûlée par le soleil : or, s'il en était ainsi, tous les
champs voisins seraient également détruits, ce qui n'a pas lieu généra-
lement et montre le peu de fondement de cette explication. Nous avons
à plusieurs reprises observé nous-même ce phénomène.
Dans ces conditions, la jeune plante meurt au bout de peu de temps,
(1) Voir mon Mémoire de l'année dernière.
9o8 AGRONOMIE
ou bien elle végète péniblement jusqu'au moment où le reste du champ
qui n'a pas été atteint par la maladie a acquis son développement com-
plet, a produit ses fleurs et ses graines et doit être arraché. Elle n'acquiert
guère de longueur et ne produit généralement ni ileurs ni fruits, ce qui
prouve bien que c'est à l'atrophie de sa tête que l'on doit attribuer son
état maladif.
Cependant il n'en est pas toujours ainsi; et cette année entre autres,
nous avons pu constater que, grâce à des circonstances atmosphériques
spéciales, et surtout à l'absence de grandes chaleurs durant la période
de végétation du lin, un grand nombre de champs qui avaient présenté
d'une manière non équivoque les caractères de la brûlure, ont gardé
néanmoins une vitalité qui leur a permis de produire des fleurs et des
graines, et d'acquérir même une longueur de 50 à GO centimètres. On
dit alors généralement que le lin frise; beaucoup de cultivateurs ont fait
également cette remarque et en ont paru très-surpris, bien que cela n'ait
rien d'étonnant, lorsque l'on connaît la cause de cette maladie et la
manière dont cette cause agit. C'est surtout, et nous nous hâtons de le
dire, dans les champs sur lesquels on avait employé des engrais chimi-
ques, que cette reprise de la plante a été observée, et cela s'explique
aisément : en effet, la plante malade, n'ayant pas été complètement tuée
par l'action double d'une chaleur intense et des attaques de l'insecte,
a trouvé dans le sol des sels de potasse, des phosphates et de l'azote
immédiatement assimilables, et a pu, par l'absorption de ces éléments,
végéter avec assez de vigueur et se développer malgré les attaques de
ses parasites.
C'est ce qui serait probablement arrivé à la vigne, sous les étreintes
du phylloxéra, si les viticulteurs imprudents ou ignorants n'avaient
laissé leurs sols s'appauvrir par un grand nombre de récoltes successives,
sans leur restituer les éléments indispensables à son existence, la potasse
surtout, qu'ils exportaient chaque année de leur domaine, sous forme
de vin.
Quoi qu'il en soit, nous allons montrer comment la présence de ces
insectes explique les cas divers de brûlure que nous avons signalés dans
notre précédent mémoire.
Nous avons dit avoir reconnu fréquemment qu'un champ situé dans
la projection du vent qui soufflait sur un champ de lin à l'époque de sa
floraison et de sa fructification était généralement brûlé sur toute la
partie située dans cette projection, si on l'ensemençait en lin l'année
suivante. Nous avons reconnu cette action funeste s'exerçant après deux
et même trois ans d'intervalle entre les deux cultures. Nous avons dit
que ce phénomène n'avait pas lieu lorsque les cultivateurs avaient soin
de garnir de paillassons en paille tressée, élevés ù hauteur d'homme
A. LADUREAU. — ÉTUDES SUR LES MALADIES DU LIN 959
environ, les bords du champ B situé dans le voisinage de la linière A,
champ sur lequel ils se, proposaient de mettre du lin l'année sui-
vante.
.Notre savant collègue, M. Corenwinder, a même ajouté avoir observé
que, dans un cas semblable, la moitié du champ B, protégée par son
propriétaire au moyen de paillassons en paille d'avoine P, avait été
absolument indemne du lléau, tandis que l'autre portion, représentée
dans la ligure 100 par la partie rayée C avait été complètement
brûlée.
• - *y - R
NORD
;m
. ■ .'A/ :
Fig. ioo.
Nous avons répété cette expérience cette année et avons reconnu sa
réalité et son exactitude. Le mode de vivre du Thrips Lini rend parfai-
tement compte de ce phénomène étrange, jusqu'ici complètement inexpli-
cable ; en voici la raison :
Lorsque le lin n'a eu à supporter que les attaques d'un petit nombre
de ces insectes, que, par suite, sa végétation a pu se faire d'une manière
régulière et qu'il est arrivé à l'époque de sa floraison et de la forma-
tion de sa graine, il n'a plus de parties assez tendres, assez délicates,
assez molles pour convenir à la nourriture du Thrips, qui se voit forcé
d'aller chercher ailleurs, sur un champ voisin, une alimentation plus
facile. Or, comme il ne peut guère voler et qu'il ne peut, vu son exi-
guïté, faire la route à pied, il a recours à un moyen plus commode que
la nature met à sa disposition : il monte à la partie supérieure des
plantes sur lesquelles il a vécu jusque-là et qui sont devenues trop
dures pour lui, et il attend qu'un vent quelconque vienne lui permettre
de partir. Il étend alors ses ailes et s'abandonne à ce vent, qui le
transporte, s'il est violent, à de grandes distances, et s'il est doux, sur
les champs voisins.
On comprend alors facilement le rôle des paillassons : ils arrêtent
l'insecte au passage et l'empêchent d'aller plus loin, de même qu'un fdet
obstruant l'entrée d'un fossé empêche les poissons d'en sortir et les re-
tient dans ses mailles»
960 AGRONOMIE
Si une moitié du champ voisin, qui est le champ B clans la ligure
ri-contre, n'a pas été munie de paillassons, l'insecte y arrive et s'y arrête
lorsque cette proie lui convient, c'est-à-dire lorsque c'est de l'avoine,
pour laquelle il a une certaine prédilection, après le lin toutefois, ou
bien du blé, du seigle, de l'orge, en un mot des céréales non encore
épiées, et lui offrant une nourriture convenable. On l'y retrouve entre
les feuilles supérieures et la tige, à l'endroit où celles-ci embrassent la
tige, là où il n'y a pas trop de difficulté à se remuer et où il trouve le
tissu végétal en voie de formation, encore tendre et facile à entamer. Il
y achève alors ses métamorphoses, s'y accouple, pond ses œufs d'hiver
et meurt. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à ce que, l'année suivante, si
l'on met du lin sur ce champ B, on le voie se brûler sur la partie non
abritée G, où les œufs déposés sont éclos et ont donné naissance à des
myriades de jeunes larves, tandis que la partie D, protégée par les
paillassons contre l'invasion de l'insecte, se porte à merveille.
Si parfois on rencontre au milieu d'un champ bien portant une place
de 2 ou 3 mètres carrés, quelquefois même davantage, envahi par la brû-
lure, on peut arracher une poignée de tiges brûlées et la secouer sur
une feuille de papier blanc. Toujours on voit cette feuille de papier cou-
verte d'une grande quantité de larves ou de nymphes. Cela provient
sans doute de l'arrivée d'une petite colonie d'insectes, portés l'année
précédente sur ce champ par un vent quelconque, lesquels s'y sont
arrêtés et y ont pondu des œufs qui ont donné naissance à une nouvelle
génération. C'est du moins ce que nous avons observé dans un champ
magnifique d'ailleurs, situé à Verlinghem, près de Lille. Dans ce cas, la
brûlure est parfaitement nette; elle se localise, et il est rare qu'elle
s'étende au-delà d'un petit rayon très-restreint.
Le Thhips uni est-il la cause de la brûlure? Ce qui nous a induit
à donner aux attaques du Thrips Uni l'importance que nous lui attri-
buons au point de vue de la brûlure du lin, outre les faits nombreux
que nous venons de rapporter, c'est surtout cette observation que nous
avons faite maintes fois et que tout le inonde peut répéter après nous,
que le Thrips existe abondamment dans toutes les linières malades,
qu'on ne le trouve que très-rarement, ou même pas du tout dans les
champs bien portants et vigoureux, et enfin que dans un certain
nombre de départements où la culture du lin n'existe pas depuis bien
longtemps et où la brûlure est absolument inconnue, il a été impossible
de trouver cet insecte, ainsi que nous avons pu nous en convaincre
personnellement, et par le rapport de l'un de nos collègues du comice
agricole de Lille, M. Vallel, qui a bien voulu faire cette recherche dans
de nombreuses linières qu'il a visitées dans les départements du Centre
et de l'Ouest. De plus, nous l'avons trouvé en assez grande abondance
A. LADUREAU. — ÉTUDES SUR LES MALADIES 1)1 LIN 961
dans un échantillon de lin pris à l'extrémité do la France, à Orthez
(Basses-Pyrénées), où sévit la maladie que nous avons étudiée, absolu-
ment identique comme forme, grandeur, couleur et mœurs, à ceux que
nous avons examinés depuis les bords de la mer jusqu'aux limites de
notre département.
Quant à la question de savoir si cet insecte est la cause ou l'effet de
la maladie, dite Brûlure du lin, question que certains pourront poser,
nous la croyons résolue par tout ce que nous venons de dire sur ce su-
jet; nous répétons toutefois ce que nous avons signalé l'an dernier, et
plus haut dans ce mémoire, à savoir que cette maladie se développe
plus rarement dans les champs fumés avec des engrais chimiques que
dans ceux sur lesquels on a employé du fumier, des tourteaux ou autres
engrais organiques. Est-ce à l'action des sels chimiques acides, qui
peuvent détruire un certain nombre des œufs déposés en terre, ou à la
vitalité plus grande de la plante, que l'on doit attribuer cette influence
favorable des engrais chimiques? Les deux causes interviennent peut-être;
mais il ne nous est point permis, dans l'état actuel de nos connaissances, de
nous prononcer en faveur de l'une plutôt que de l'autre. Nous devons nous
borner à constater le fait, et le recommandera l'attention des cultivateurs.
Nous citerons enfin à l'appui de notre opinion que le Thrips est la
cause déterminante de la Brûlure du lin, une expérience assez intéres-
sante que nous avons faite dans le courant du mois de juin. Nous avons
ensemencé non en plein champ, mais dans une propriété particulière,
isolée par des murailles, quelques centiares en lin. Lorsque le lin eut
atteint 0 à 7 centimètres de hauteur, nous divisâmes le champ
en deux parties par un paillasson vertical ayant 1 mètre de hauteur,
puis nous apportâmes du dehors quelques kilogrammes de tiges de lin
brûlé, couvertes de Thrips à l'état de larves et de nymphes, et après
les avoir secouées sur une moitié du champ d'expériences, nous atten-
dîmes que l'effet se fit sentir. Pendant les premiers jours on ne remar-
qua aucune différence entre les deux parties du champ. Au bout de
cinq à six jours, le lin infecté parut souffrir de la tête, tandis que l'autre
végétait régulièrement. Cet état dura pendant quelque temps, jusqu'à
ce qu'une journée de forte chaleur survint. Nous vîmes le soir sur tout
le champ l'extrémité supérieure des tiges penchée vers la terre; mais
durant la nuit, la portion protégée releva la tête et reprit sa vigueur,
au lieu que la partie sur laquelle nous avions semé l'insecte resta affais-
sée. Elle ne se releva plus, et tandis que la première partie végétait
régulièrement et atteignait à l'époque de la floraison une longueur
d'environ 6o centimètres , cette seconde resta atrophiée, ne végéta
qu'avec peine, ne dépassa guère 40 centimètres, et ne porta que quel-
ques fleurs et, par suite, de rares capsules.
61
962 AGRONOMIE
Cette petite expérience nous permit de suivre pas à pas les progrès
de cette maladie et établit notre conviction au sujet de sa véritable
cause.
Destruction de l'insecte. — Notre rôle ne se borne pas seulement à
découvrir les causes des fléaux que nous sommes chargés de combattre.
Il faut encore lutter contre eux et trouver le moyen de les prévenir, ou
de les détruire ; aussi avons-nous fait une série d'expériences, dont nous
allons rendre compte, sur les meilleurs agents que Ton puisse employer
pour anéantir ou pour éloigner le Thrips, sans nuire toutefois à la
plante délicate sur laquelle il s'établit.
Voici les corps que nous avons étudiés :
1° La chaux caustique. — Nous avons pris de la chaux éteinte en
poudre et l'avons répandue sur une parcelle de lin renfermant des
Thrips. Nous n'avons pas observé grand changement, ni dans la plante
qui n'a pas souffert de ce traitement, ni dans le nombre des insectes,
qui nous a paru le même quelques jours après.
2° Le soufre. — Répandu en poudre (fleur de soufre) sur les plantes,
nous n'avons observé aucun changement. Les insectes n'ont paru nulle-
ment incommodés; le lin a continué à végéter de la même manière.
3° L'acide phénique. — Nous avons employé l'acide phénique brut
en dissolution assez concentrée (5 à 10 grammes par litre environ). Les
Thrips ont paru très-affectés de ce traitement et ont quitté les plantes
sur lesquelles ils se trouvaient; la végétation a paru souffrir un peu et
s'est trouvée assez ralentie.
4° La naphtaline brute. — Ce corps que l'on trouve abondamment
dans tous les produits de distillation de la houille, et dont on n'a pu jus-
qu'ici trouver une application utile, nous avait paru devoir être essayé
avec soin à cause de son odeur très-forte et de nature à détruire ou du
moins à chasser les insectes. Nous l'avons donc mélangé en faible pro-
portion à un excellent engrais complet que nous avons mis en terre,
quelques jours avant d'y semer le lin. Nous avons remarqué que la pré-
sence de la naphtaline dans le sol avait chassé complètement les insectes,
mais aussi qu'elle avait détruit les propriétés gefminatives de la graine:
en effet, aucune des graines semées ne poussa .
Nous avons fait une deuxième expérience avec le même produit sur
du lin déjà venu, ayant 0"\40 de longueur environ et nous n'avons
pas tardé à voir le lin jaunir, s'étioler et mourir.
La naphtaline est donc un poison pour les plantes comme pour les
nsectes, et ne peut par conséquent être employée comrrie insecticide,
dans le cas qui nous occupe, si ce n'est, pe t-être, à dose extrêmement
faible.
5° Le jus de tabac. — Ce produit, que la anufacture nationale des
A. LADUREAU. — ÉTUDES SUR LES MALADIES DU LIN 963
tabacs a bien voulu nous envoyer pour notre expérimentation, est un
liquide noir, assez lourd, ressemblant un peu à la mélasse dissoute dans
l'eau, et exhalant une assez forte odeur de nicotine. C'est le résidu du
trempage des feuilles de tabac dans les bains salins auxquels on les sou-
met avant de les travailler. Nous avons été très-frappé des excellents
résultats de cet insecticide. Le lendemain de son application, on ne
voyait plus un seul insecte sur les tiges qui en avaient été arrosées, et
nous avons reconnu que l'application de ce liquide, loin de nuire à la
plante, avait au contraire favorisé beaucoup son développement, sans
doute par suite de la proportion assez élevée de nitrate de potasse qu'il
renferme. Nous n'hésitons donc pas à en recommander l'application,
chaque fois que les cultivateurs pourront s'en procurer facilement, ce
qui ne sera malheureusement pas souvent possible.
6° Le pétrole. — Ayant entendu vanter beaucoup l'efficacité du pé-
trole brut pulvérisé à l'état de nuage, pour la destruction des chenilles
et autres insectes, nous l'avons essayé, et bien que nous ne puissions
recommander son emploi sous cette forme, à cause de la difficulté de
l'y amener, et du manque d'appareils nécessaires, nous croyons néan-
moins que l'arrosage avec de l'eau renfermant une très-petite proportion
de pétrole suffirait pour détruire les Thrips ou pour les éloigner. La
pulvérisation a paru nuire un peu à la vigueur de la plante, l'arrosage
n'a pas eu les mêmes résultats. Nous nous proposons de répéter ces
expériences l'année prochaine sur les champs infectés par la maladie
et nous espérons pouvoir vous en communiquer les résultats.
Disons en terminant que deux obstacles sérieux s'opposaient jusqu'ici
à ce que les cultivateurs missent du lin sur leurs terres plus souvent que
tous les 7, 8, 9 ou 10 ans: c'est d'abord l'épuisement par le lin de la
portion de potasse disponible dans le sol; c'était un empêchement qui
avait une grande valeur, lorsque l'on n'avait pas encore étudié le sol et
les végétaux qu'il nourrit; mais aujourd'hui, tous les cultivateurs lettrés
et intelligents savent qu'ils peuvent y remédier par l'emploi judicieux
d*engrais chimiques ou autres, appropriés aux besoins de la plante.
La seconde cause, pour laquelle les champs de lin brûlaient souvent,
lorsque l'on n'attendait pas une certaine période d'années avant de re-
mettre du lin à la même place, est le fait de la présence du Thrips qui
séjournait sur le champ ayant porté du lin, et s'y reproduisait chaque
année, jusqu'à ce que l'assolement eût amené sur ce champ une récolte
qui ne pût convenir à son alimentation, telle que la betterave ou la
pomme de terre, sur lesquelles nous ne l'avons pas encore rencontré,
probablement parce que ces plantes sont trop dures, à tissus trop fermes
pour convenir à sa nourriture. Dans ce cas, les jeunes larves mouraient
dès leur éclosion, et le champ, s'en trouvant débarrassé, pouvait de nou-
064 AGRONOMIE
veau recevoir du lin. Or, dans un laps d'années aussi considérable, il
était presque impossible que les cultures dont nous parlons ne se trou-
vassent pas au moins une fois ou deux.
Sans cette explication, comment comprendrait-on que les agronomes
et les cultivateurs qui ont cherché depuis quelques années à mettre du
lin plusieurs l'ois de suite sur la même terre, en rendant chaque année
au sol les éléments que la récolte précédente lui avait enlevés, aient tous
abouti à un résultat négatif et se soient buttés à une impossibilité?
C'est ce que nous avons observé nous-mêmes à Lille, sur le champ
d'expériences de l'Institut industriel et agricole du Nord, où l'on a mis
cette année, pour la troisième fois, du lin à la même place. — L'année
dernière déjà, le lin avait souilért, il était resté assez court; mais cette
année, il brûla presque complètement, et l'on ne put en tirer aucun
parti. En l'examinant, nous reconnûmes que chaque tige renfermait un
grand nombre de larves et de nymphes de thrips, ce qui ne nous sur-
prit nullement.
CONCLUSION
Nous concluons donc que cette deuxième cause d'atrophie du lin pou-
" ant être supprimée comme la première, les cultivateurs qui se livrent
à cette culture pourront désormais la faire revenir plus souvent dans
leurs assolements sans avoir à redouter la terrible Brûlure. Il leur suf-
fira d'employer d'abord des engrais à dominante de potasse, tels que
ceux que préconise M. G. Ville, puis de suivre leurs champs avec soin,
et s'ils y remarquent en grande quantité un petit ver jaune ou un petit
puceron Ion;? et noir, c'est-à-dire le thrips sous la forme de larve; ou de
nymphe, de l'arroser immédiatement avec de l'eau pétrolée ou avec une
solution d'acide phénique brut très-étendue, ou avec tel autre insecti-
cide dont l'usage pourra faire reconnaître l'efficacité. Or, si on réfléchit
aux immenses avantages pécuniaires que la culture du lin apporte,
quand elle réussit, à ceux qui s'y livrent, avantages très-supérieurs encore
à ceux que procure la betterave, on appréciera, je l'espère, l'étendue
du service que nos recherches sur ce sujet auront rendu à l'agriculture
de notre pays du Nord, que l'on considère généralement et à juste titre
comme la terre classique du lin.
DISCUSSION
M. Renouard désirerait savoir quelle est, suivant M. Ladureau, parmi les
deux causes de brûlure qu'il a signalées, celle qui doit être mise en première
ligne. 11 est d'avis qu'il ne faut pas attacher trop d'importance au manque
de potasse dans le sol, car il résulte d'expériences successives qu'il a faites
pendant trois années k l'Institut agronomique de Lille, que le lin ensemencé
la troisième année, qui est 1877, à la même place, a complètement brûlé»
A. LADUREAU. — ÉTUDES SUR LES MALADIES DU LIN 905
tout autant dans les parcelles amendées à l'engrais chimique que dans les
parcelles amendées au fumier de ferme. L'engrais chimique étant à dominante
de potasse, il en résulte que le lin peut quelquefois, avec un engrais de ce
genre, pousser quand même une seconde année, mais il n'en est pas moins
vrai que si l'on s'en tient, avec l'engrais chimique, dans la limite des quantités
employées la première année, le lin brûle à la troisième. M. Renouard pense
qu'il serait peut-être possible, avec les engrais de potasse, de rendre lu rotation
classique du lin triennale au lieu de septennale, mais il ne pense pas qu'il
soit pratique de dire ni que le lin puisse être ensemencé plusieurs années de
suite, surtout trois ans, sur le même terrain, ni que l'engrais de potasse per-
mette de surmonter la brûlure causée par des semis successifs. Pour le cas de
brûlure causée par deux linières en contact, il n'ose encore se prononcer.
M. Ladureau dit qu'il a reconnu par diverses observations qu'il a laites que
c'est surtout le thrips qui serait cause de la brûlure du lin. Pour le cas de
deux champs en contact, c'est le thrips de l'un des champs qui s'abat sur les
jeunes tiges de l'autre et les dévore, et pour le cas de semis successifs, ce sont
les larves de l'insecte qui se trouvent en terre et qui s'attaquent aux premières
pousses. D'ailleurs, l'emploi des divers insecticides qu'il a signalés et qu'il se
propose d'employer en grand lui dira l'aimée prochaine quelle est pour lui la
voie à suivre.
M. de La Blanchère signale parmi les insecticides à bon marché et peu con-
nus l'émulsion d'huile lourde dans l'eau, qui a été employée avec avantage
contre les chenilles du bois de Boulogne.
M. Marchand tient à faire observer que les engrais chimiques ont donné
d'excellents résultats dans sa contrée pour la culture du lin, particulièrement
les engrais à base de potasse dont M. Renouard a donné la formule au Congrès
de Nantes. A son avis, la culture du lin décroissait d'année en année dans le
pays de Caux et depuis deux ans elle s'est certainement beaucoup relevée.
M. Renouard dit qu'il a appris par le Journal du marché linier, de Lille,
que des résultats très-satisfaisants avaient été obtenus par plusieurs cultivateurs
dans les environs de Goderville.
M. Corenwinder dit qu'il voit avec plaisir des expériences sérieuses se faire
au sujet d'une plante sur laquelle on connaît jusqu'ici très-peu de chose au
point de vue agronomique, mais qu'il faut se défier d'une manière générale
des résultats obtenus avec les champs d'expériences, d'abord s'ils sont trop
petits, puis si on les a découpés dans des terres saturées de potasse comme
dans le Nord. Cette observation n'ôte rien aux remarques qui ont été faites ;
mais, en règle générale, il vaut mieux expérimenter dans les fermes, et en
grand, bien que, pour ce qui concerne le lin, la chose soit difficile dans
le Nord, où la plupart des cultivateurs se refusent à employer, pour la culture
du lin, un engrais chimique quel qu'il soit.
M. Dehérain observe à ce sujet qu'en expérimentant par comparaison, comme
à Grignon, il n'y a aucun des inconvénients que signale M. Corenwinder. Il est
de règle, en effet, que la même plante y revienne toujours sur le même sol
avec le même engrais.
900
Acmt.NOMii:
M. BORELY
Président de la Société des sciences et arts agricoles et horticoles du Barre.
LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS AGRICOLES ET HORTICOLES DU HAVRE.
— Séance du 29 août 1877. —
L'origine de, la Société que j'ai l'honneur de présider remonte à une
douzaine d'années : elle siégea d'abord dans la commune suburbaine de
Sanvic-Havre.
De bonne heure, ses efforts et ses travaux furent appréciés dans notre
région et, dès l'année 1808, lors de l'exposition internationale du Havre,
elle marquait honorablement sa place dans les sociétés de province.
En effet, dans celte circonstance très-mémorable pour notre ville, notre
Société eut l'honnenr de se signaler dans des spécialités fort distinctes,
tant sous le rapport des produits agricoles que sous celui des produits de
la culture horticole et maraîchère.
En concurrence, pour les fruits à cidre, avec les sociétés de cinq dépar-
tements, elle l'emporta sur elles et obtint une récompense exceptionnelle.
Pour les fruits de table également, elle eut le premier prix et, à
côté de ces distinctions accordées à la Société, ses membres remportèrent
de nombreux succès, constatés par trente-huit médailles ou mentions
honorables.
Dans l'exposition des volatiles, tant de ferme que de volière et de
luxe, le tiers des récompenses fut attribué aux membres de la Société.
Enfin les journaux de Londres, rendant compte de l'exposition du
Havre, signalèrent nos produits dans les termes les plus flatteurs.
Établie au Havre même et à l'hôtel de ville, depuis dix-huit mois en-
viron, la Société a vu presque aussitôt le nombre de ses adhérents plus
que doublé ; elle compte aujourdhui près de deux cents membres
actifs.
Les adhésions nous sont venues de toutes parts, et je n'entends pas
parler ici de toutes les personnes distinguées <|ui, en nous permettant
d'inscrire leurs noms sur le tableau de nos membres, ont voulu ainsi
nousdonner une marque de sympathie et nous assurer, en quelque sorte,
de leur patronage. Je ne considère, en ce moment, que l'accroissement de
nos membres praticiens, de tous ces hommes spéciaux dans les diverses
branches de la culture et de l'élevage dont le nombre tend à s'accroître
tous les jours parmi nous.
Nos travaux, par suite, sent devenus si nombreux et si pressants, le
R0RÉLY. — SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS AGRICOLES DU HAVRE 967
développement progressif de nos expositions mensuelles a pris des pror
portions si considérables que nous nous sommes vus dans la nécessité de
répartir nos travailleurs en plusieurs groupes et de constituer des co-
mités permanents, correspondant aux branches principales de nos éludes,
ayant chacun une organisation distincte, sous la direction de présidents
et de secrétaires élus dans leur sein :
Ces comités sont au nombre de cinq :
Comité d'agriculture ;
— d'élevage ;
— de pomologie;
— de botanique et de floriculture;
— de culture maraîchère.
Les résultats des études particulières à chaque comité sont présentés
dans la séance générale mensuelle, séance de près de trois heures, qui
suffit à peine pour l'épuisement des matières à. l'ordre du jour.
C'est ainsi que notre Société est parvenue à représenter au Havre,
d'une façon spéciale et complète, les grands intérêts qui se rattachent à
la culture du sol, aux pratiques en usage dans notre contrée, en même
temps qu'elle recueille avec soin dans les publications journalières ou pé
riodiques, pour les propager autour d'elle, les notions précises des pro-
grès et des perfectionnements signalés par l'expérience et par les recher-
ches incessantes de nos savants.
Cette œuvre de propagande utile et progressive s'exerce, non-seulement
par les communications présentées dans les comités et séances générales,
mais encore par des cours publics professés dans les chefs-lieux des can-
tons environnants ; par des conférences confiées, au sein de la Société, à
des spécialistes distingués; au moyen de la publicité donnée mensuellement
aux comptes rendus de nos travaux et de nos séances par les grands
journaux de la localité et les journaux de l'arrondissement ; enfin par
des publications diverses et, particulièrement, par un bulletin trimes-
triel tiré à un grand nombre d'exemplaires.
Le dernier numéro de ce bulletin, qui sort aujourd'hui même de l'im-
primerie, peut donner une idée de la nature et de la variété des études
et des efforts de la Société .
Ce qui attire d'abord l'attention, en parcourant ce résumé de nos
travaux, c'est la grande place qu'occupe, dans la Société, tout ce qui
est de la culture jardinière, fleurs, fruits et légumes.
Le Havre est, peut-on dire, une ville de jardins ; les jardins s'y coin-
tent par milliers. De là l'existence au Havre d'un grand nombre d'hor-
ticulteurs, généralement renommés pour leur compétence et leur habileté.
A côté des nombreux jardins d'agrément se sont créées aussi devéri-
908 AGRONOMIE
tables exploitations horticoles, industrielles et commerciales, et qui sem-
blent tendre à le devenir de jour en jour davantage.
Le commerce des Heurs, des plantes exotiques même et de serre, a
acquis une certaine importance; ; mais celui des fruits d'exportation a pris
un développement qui ne semble plus connaître d'autre limite que celle
de la production.
Il ne s'exporte du Havre que des fruits de premier choix, particuliè-
rement des poires des variétés les plus belles et les meilleures. Les
acheteurs de fruits, pour ce commerce, sont munis d'un anneau de 0"',07
à 0m,08 de diamètre intérieur; tous les fruits qui pa sent par l'anneau
sont délaissés.
Pris sur place, ces fruits se paient, suivant la variété, 10, 15 et
20 centimes la pièce; les prix même sont souvent plus élevés: en 1870,
mauvaise année pour la production fruitière, certaines variétés ont été
payées 35 francs le cent.
Dans cette même année 1876, regardée comme très-mauvaise année,
voici à quels chiffres se sont élevées les exportations des fruits de table
trais, parle port du Havre (Document officiel relevé à la douane):
Russie, mer Baltique 9,601
Suède 8,398
Norwége 6,090
Allemagne 176,283
Pays-Bas 3.KU
Angleterre 198,687
Portugal l^i
Etats-Unis 250
Mexique 393
Brésil 461
Haïti . . 157
Saint-Thomas 80
Algérie 319
404,018 kilog.
On a calculé que si cette exportation n'avait consisté qu'en poires,
qui en forment d'ailleurs la presque totalité , elle équivaudrait à
2,424,108 poires, lesquelles à 20 centimes pièce, en moyenne, représen-
teraient une somme de près de 300,000 francs.
L'importance de la culture et du commerce des fruits a déterminé
notre Comité de pomologie à publier un catalogue des fruits et des
variétés jui conviennent le mieux aux cultures de notre région. Ce petit
ouvrage, résultat d'une étude sérieuse, a été favorablement accueilli par
les arboriculteurs et les amateurs de la localité, et il semble appelé a
leur rendre de véritables services, en tixaut leur choix sur les variétés
BORÉLY. — SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS AGRICOLES DU HAVRE 969
les meilleures, sur celles qu'il peut être le plus avantageux de propager,
tant au point de vue de la consommation locale qu'à celui de l'exporta-
tion.
La question des engrais, et particulièrement des engrais chimi-
ques, a également beaucoup occupé la Société ; elle y a donné lieu à
de nombreuses études et à des essais dont les résultats n'ont pu encore
nous être communiqués.
Un chimiste distingué, attaché à la maison Joulie, a bien voulu, sur
notre demande, entretenir nos agriculteurs de cet important objet. La
conférence qu'il a faite au sein de la Société, pleine de renseignements
précieux pour quiconque veut porter son application au perfectionne-
ment des diverses cultures, a été reproduite en entier dans tous nos
journaux, puis imprimée à part et répandue dans nos campagnes avec
nos bulletins.
Mais c'est là une question inépuisable, aussi ardue qu'elle est capitale
pour notre agriculture, et qui exigerait pour être traitée à fond une
somme de connaissances vraiment effrayante.
Ainsi, sous le rapport de l'agriculture, comme sous tant d'autres rap-
ports, la science s'impose partout et devient de plus en plus la res-
source suprême et nécessaire. La science seule peut apprendre à l'agri-
culteur à tirer du sol tout ce que la terre doit produire; c'est une
véritable révolution qui s'opérera un jour dans l'art agricole et à
laquelle se rattache étroitement la solution de la redoutable question
du paupérisme.
En attendant, de grands résultats ont été obtenus, sur bien des
points du territoire, et, dans notre département même , par un de nos
membres correspondants, M de La Londe, de Longuerue , dont les
efforts intelligents et les succès viennent de recevoir un des encou-
ragements les plus flatteurs que décerne la Société d'émulation de
Houen.
Notre Société avait déjà reçu et étudié avec le plus vif intérêt plu-
sieurs communications de ce savant agronome. Les terres composant
son domaine sont bien loin d'avoir les qualités de nos riches plaines
du pays de Caux, particulièrement de celles si riches en phosphates,
qui se trouvent dans les environs du Havre. Dans le canton de Buchy,
beaucoup de terres sont de qualité très-inférieure, et telle est la nature,
d'une grande partie au moins du domaine de Longuerue.
Cependant, à force d'art et d'essais persévérants, M. de La Londe est
parvenu à tirer des récoltes abondantes et largement rémunératrices de
ce sol qui laissait tant à désirer; il a transformé ces terres ingrates et
donné une plus-value considérable à sa propriété.
Le tableau que je vais reproduire résume et met en évidence les
i)70 AGRONOMIE
résultats comparatifs obtenus par M. de La Londe, d'une part, par l'em-
ploi seul du fumier de ferme; d'autre part,|par l'emploi des engrais
chimiques soit seuls, soit combinés
1° Fumier de ferme pour 1 hectare.
Prix du fumier de ferme employé pour 3 ans. ,,,,,,,,, Fr. 400
Rendement,
l'e année. — 15 hect. blé, à 25 fr. . 375 (400 ou 500 gerbes à
212 bottes paille à 40 fr, le 100 . . . 85 3hect. par 100 gerbes)
160
2e année. — Avoine à 10 fr. l'hectol.
Paille à 30 fr. le 100. . 360
3ft année. — 300 bottes trèfle à 40 IV.
le 100 121»
Total du rendement Fr. 010
A déduire, prix du fumier. . Fr. 400
Produit pour 1 hectare pendant 3 ans, fumier déduit. , . . , . Fr, 540
2° Engrais chimiques pour 1 hectare,
230
280
Quantités employées :
1^ année, 1,000 kil. superphosphates à 13 IV. les 100 kil. Fr, 130
200 kil. sulfate d'ammoniaque à 50 fr. les 100 Kil. 100
2e année.— 1 ,000 kil. chlorure de potassium à 20 fr. les 1 00 kil . . 200
200 kil. nitrate de soude à 40 fr. les 100 kil. . 80
3e année. Engrais sans azote 100 100
Total du prix des engrais chimiques Fr. 610
Rendement.
l,e année. — 24 hect. blé à 25 fr. l'hect. 600 (600gerbes, à 4 hect.
600 bottes de paille à 40 fr. le 100. . . 240 par 100 gerbes.)
840
2" année. — Avoine à 10 fr. l'hect. et
bottes de paille à 30 fr. le 100. . . . Fr. 360
3e année. — 600 bottes de trèfle à 40 fr.
le 100 240
Total du rendement • . Fr. 1.440
A déduire, prix des engrais chimiques. 010
Produit pour 1 hectare pendanl 3 ans, engrais déduit Fr. 830
La Société, entre autres encouragements donnés à l'agriculture, a
ouvert, celte année, un concours entre les fermes de la région (cultures.
BOHÉLY. — SOCIÉTÉ J>K* SCIENCES II VRT9 AGRICOLES DU HAVRE !>71
bonne tenue, animaux, machines, économie rurale). Vingt agriculteurs
ont répondu à notre appel et ont demandé la visite de leurs exploita^
tions.
La commission du concours, formée d'hommes expérimentés, a
apporté à l'accomplissement de sa mission un entier dévouement et une
impartialité complète. Elle a pu constater, avec une satisfaction véritable,
les progrès réels accomplis autour de nous depuis quelques années. Huit
de ces exploitations rurales ont été particulièrement signalées comme
présentant, à presque tous les points de vue, les conditions désirables
d'une culture parfaite , de bonne entente économique, de gestion pro-
gressive.
Les quatre premières surtout pourraient être recommandées comme
de véritables fermes modèles.
Enfin, parmi les nombreuses études d'observation et d'expérience,
présentées à la Société , je citerai pour terminer cette communication,
un travail très-digne d'intérêt, relatif à l'influence de Veau de mer sur
les recolles .
Lors de l'ouragan du 12 mars 1876 , la mer a fait invasion dans la
plaine de l'Eure et de Graville-Sainte-Honorine, qui s'étend du Havre à
Harfleur. Une grande quantité de terrain s'est trouvée ainsi submergée,
beaucoup de récoltes ont été détériorées ou complètement détruites.
Voici, d'après les observations d'un de nos membres les plus actifs,
quels ont été les effets de l'eau de mer sur les diverses cultures de
cette vaste plaine.
Blé. — Le blé submergé ne pousse presque plus et n'atteint que la
moitié de sa hauteur; beaucoup de pieds meurent; l'épi est long et
peu serré et ne contient que très-peu de grains, qui, eux-mêmes, sont
très-petits.
Quelques cultivateurs ont été obligés de labourer la moitié de leurs
blés, pour semer de l'orge à la place, tout le blé ayant été détruit.
Trèfle. — L'eau de mer n'a pas eu une bien grande influence sur le
trèfle. Cependant, dans les endroits où l'eau a séjourné, le trèfle a un
peu souffert et quelques pieds sont morts. En somme , la récolte a été
médiocre pour l'année.
Trèfle incarnat . — Le trèfle incarnat a beaucoup plus souffert que le
trèfle ordinaire; les feuilles ont été comme brûlées et beaucoup de pieds
sont morts.
Prairies. — Le foin a été mauvais; il n'a presque pas poussé et beau-
coup d'herbes ont été détruites. Les variétés qui ont le mieux résisté
sont le ray-grass et la fétugue, ou fausse ivraie, mais surtout le ray-
grass.
Orge. — L'orge semée sur les terres submergées a donné de méilio-
^72 AGRONOMIE
cres produits. Cependant, il parait que ce serait celle céréale qu'il con-
viendrait le mieux de semer dans les terrains exposés à l'invasion de la
mer.
Choux. — Les choux plantés avant l'inondation et arrivés ù grosseur
pourrissent au collet, et l'on voit bientôt, pour une grande partie au
moins, la pomme se séparer du pied.
Dans un carré de choux-brocoli de 1,200 pieds, six cents environ ont
été submergés et, dans ces six cents, on n'en a pas récolté cinquante,
tandis que, dans la partie non submergée, la récolte a été excellente.
Les choux plantés immédiatement après l'inondation et sur la terre
qui avait été inondée, n'ont donné qu'une mauvaise récolte. Il n'y a que
ceux, qui ont été plantés beaucoup plus tard, au mois de juillet, qui ont
bien réussi.
; Artichauts. — Le pied des artichauts a pourri dans la terre; le plant
entier a été détruit.
Carottes. — La carotte est le légume qui a résisté le mieux à l'inon-
dation, bien qu'il ait été remarqué que, dans cette condition, elle ne
pousse pas franchement.
Oignon. — Quant à l'oignon, une grande quantité a pourri à la racine;
la feuille a blanchi et est devenue ce qu'on appelle échauffée. Des car-
rés de 1,000 à 1,500 pieds, en plusieurs endroits de la plaine, ont été
complètement perdus.
Salades. — En général, l'eau de mer fait beaucoup de tort à toutes
les salades. La laitue et la romaine pourrissent; la chicorée et la sca-
role souffrent moins, en ce sens que quelques plants ont pu arriver à
bien ; mais la généralité jaunit et finit par pourrir. La mâche a été com-
plètement détruite ; il n'en est pas resté un seul plant.
Oseille. — L'oseille, nouvellement piquée, meurt; chez celle qui avait
déjà repris, les feuilles ont été brûlées, mais le pied n'est pas mort et
s'est mis à repousser peu après l'écoulement des eaux.
Pois. — Les petits pois, déjà levés, sont morts. Ceux qui ont été se-
més après le retrait des eaux ont jauni, sont venus au quart de leur
hauteur et n'ont rien donné.
Bhubarbe. — Même résultat que pour l'oseille : tiges et feuilles brû-
lées, résistance du pied, qui ne meurt pas et repousse.
Haricots. — En ce qui est des haricots, des prudhommes, des pois de
Rouen, beaucoup ont pourri en terre; ceux qui ont levé ont jauni et
sont morts quelque temps après.
Pommes de terre. — La pomme de terre déjà plantée dans les terres
qui ont été inondées a résisté assez bien, mieux même que la carotte.
C'est donc la culture qui conviendrait le mieux dans les terres sujettes
à de telles inondations. Il faudrait autant que possible planter les
BOItÉLY. — SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS AGIUCOLES DU HAVRE («t"o
espèces les plus rustiques, c'est-à-dire celles que la maladie atteint le
moins, celle surtout que l'on cultive le plus avantageusement dans la
plaine de Gra ville, sous le nom de pomme de terre Rosat.
Les pommes de terre qui ont été recueillies dans les terres submer-
gées en 187o se sont très-bien conservées et étaient excellentes.
Tels sont les effets généraux constatés sur les cultures de la plaine de
l'Eure a la suite des inondations et sous l'influence de l'eau de mer.
Ce sont là. des laits purement de visu, sans aucune induction scienli-
tifique, mais qui, cependant, ne sont pas sans importance, pour la théo-
rie comme pour la pratique.
Toutefois, le président de la Société a pensé que des observations et
des recherches de cette nature devaient être poursuivies. La plupart
des plantes qui figurent dans cette revue sont des plantes annuelles, des
végétaux tendres et délicats; l'oseille, la bourrache, dont les racines
sont vivaces, ont beaucoup mieux résisté.
J'ai été aussi amené à provoquer des expériences sur de plus grands
végétaux, tant sur la côte du Havre que dans la plaine , c'est-à-dire
sur des terrains entièrement différents.
Sur la côte, des pieds de vigne malades ont été déchaussés jusque
dans le voisinage des racines ; l'espèce de cuvette ainsi formée a été
remplie d'eau de mer (10 à lo litres par pied) ; la vigne, bien loin d'en
souffrir, s'en est très-bien portée et a montré une grande vigueur.
Le terrain de la côte, siliceux, friable, est beaucoup moins humide que
celui de la plaine, où l'eau se rencontre à quelques pieds de profondeur;
on pourrait peut-être conclure de cette expérience que l'eau douce eût
eu le même effet.
Mais, dans la plaine même, un petit carré de jardin, en contre-bas du
niveau général, a été couvert d'eau de mer pendant huit jours. Ce petit
jardin est planté de poiriers et de vignes; poiriers et vignes souffraient
évidemment ; les poiriers mêmes étaient atteints de chlorose et n'avaient
présenté, tout l'été précédent, qu'un feuillage jaune et maladif, une végé-
tation cies plus languissantes. Or, à la suite du séjour prolongé de l'eau
de mer, ces végétaux ont acquis une vigueur extraordinaire ; la chlorose
a complètement disparu, et les vignes ont été chargées, cette année ,
d'une multitude de grappes d'un volume et d'un poids à peine croyable
(15 octobre 1877).
L'eau de mer ne serait-elle pas le véritable remède des maladies de la
vigne (1) ?
(1) Depuis que celte commuaicaticm a été faite au Congrès, le Président de la Société a recueilli
de nombreuses observations desquelles on pourrait conclure ; 1° que les insectes, plus ou moins
microscopiques, qui attaquent tant de nos végétaux, ne résistent pas à l'action de l'eau de rae
et d'un milieu fortement salin ; 2» les mêmes faits signalés dans la notice ci-dessus uni ei :
constatés dans plusieurs jardins qui ont été deux fois inondés par l'eau de mer (une de ces pro-
0"/( AGRONOMIE
M, MARCHANT
L'AGRICULTURE DANS LE PAYS DE CAUX
;> tu n i e d a S9 août 1 877 . — •
M. J. YINOT
Directeur du Joi 1 1
LES INSTRUMENTS D'AGRICULTURE; PROJET DE PRÊT AUX AGRICULTEURS-
S4an ce il » S '> août 187?. —
M. A. MULOT
Profess iur à l'Écol
NOTE SUR LA FABRICATION DU PHOSPHATE BICALCIQUE
A L'AIDE DES PHOSPHATES MINÉRAUX.
— Séance du 30 août iS77. —
La fabrication du phosphate bilcalcique, qui a pris une grande im-
portance depuis quelques années, se fait le plus généralement avec les
liquides résidus de la préparation de la gélatine par l'attaque des os à
l'aide de l'acide chlorhydriquc.
Ces liquides renferment de l'acide phosphorique, du phosphate acide
de chaux et du chlorure de calcium. On les précipite , soit à l'aide du
carbonate de chaux (procédé Pelouze et Dussart), soit mieux encore à
l'aide d'un lait de chaux m introduisant une quantité de chaux telle
que le liquide renferme, en dehors de la chaux qui est combinée à
facide chlorhydrique, un équivalent et demi de chaux par équivalent
d'acide phosphorique.
est restée huit jours recouverte de près d'un mètre d'eau de mer; ; 3° il reste à expéri-
menter si l'emploi du sel seul aurait les mêmes effets que l'eau salée elle-même; 4° les seuls
grands végétaux qui aient paru souffrir du séjour prolonge de l'eau de mer sont les saules et
les peupliers. — F.. B.
MILLOT. — FABRICATION Dl PHOSPHATE BICALCIQUE i>75
Le phosphate bicalcique se précipite en cristaux prismatiques que l'on
peut égoutter à la turbine. Les eaux sont précipitées entièrement par
un lait de chaux; on laisse déposer le précipité gélatineux de phosphate
tricalcique, et on jette la liqueur surnageante qui ne contient que du
chlorure de calcium.
Le phosphate tricalcique est alors introduit dans une nouvelle quan
tité de liqueur acide à la place de lait de chaux : si la quantité de chaux
est exactement celle qui a été indiquée plus haut, on obtient le phos-
phate bicalcique cristallisé, qui, après séchage, renferme 40 à 42 0/0
d'acide phosphorique anhydre.
Si, au lieu d'employer des os ou des phosphates naturels ne renfer-
mant pas de sesquioxydes , comme certaines apatites, on veut se servir
de coprolithes ou de phosphorites , les liqueurs renferment alors, outre
les produits indiqués plus haut, du sesquioxyde de fer et de l'alumine.
En suivant la méthode indiquée ci-dessus le phosphate bicalcique
obtenu est mélangé de sous-phosphates de fer et d'alumine, qui sont
gélatineux et empêchent la liltration et le séchage du produit, en
retenant du chlorure de calcium.
On peut avec certains phosphates naturels remédier à cet inconvénient;
en les attaquant avec des acides faibles , on ne dissout que peu de ses-
quioxydes. Dans la plupart des cas, même en opérant ainsi, la proportion
du sesquioxyde attaqué est très-considérable. On peut alors modifier le
procédé ainsi qu'il suit :
Lorsque l'on ajoute goutte à goutte du lait de chaux ou du phosphate
tricalcique à la solution acide de phosphate, avant qu'il se précipite
du phosphate bicalcique, tout le fer et l'alumine sont précipités à l'état
de phosphates de la formule PO% Fe203, 4HO, PO3 APO3, 2HO; ces
phosphates sont blancs, on peut les séparer par le filtre, et précipiter
ensuite la liqueur épurée pour obtenir le phosphate bicalcique. Mal-
heureusement ces deux phosphates sont un peu gélatineux et leur lil-
tration est difficile.
Il vaut mieux chauffer la liqueur à 100 degrés et opérer comme
ci-dessus ; dans ce cas> on obtient les phosphates 3P05 , 2Fe203, 8HO et
3POG , 2A1203, 8HOj qui tous deux sont blancs et cristallins, et
se filtrent facilement ; mais la filtration doit être faite à chaud, à l'aide
d'un filtre-presse par exemple, car ils se redissolvent à froid.
Ces phosphates sont entièrement solubles dans le citrate d'ammoniaque
et l'oxalate d'ammoniaque ; comme le phosphate bicalcique, ils ont la
même valeur commerciale et doivent donner des résultats agricoles
analogues.
970 AGRONOMIE
MM. DEHERAIN et MNTIER
RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'AVOINE Hi
[kxtrait.
#- Séance du :i(j août 187'. —
M. Dehérain présente en son nom et en celui d'un de ses élèves, M. Nan-
tier, chimiste attaché à la station agronomique de Grignon, le résultat de
eurs études sur le développement de l'avoine.
On a prélevé dans un champ des échantillons à divers moments de la crois-
sance, en 1876 et en 1877; ils ont été pesés à l'état normal; puis, après dessic-
cation complète, on a pu suivre ainsi le développement de la plante jusqu'à
la maturité; on a de plus déterminé la composition de chacun des échantil-
lons, d'où on a pu déduire la composition de la récolte entière sur une sur-
face donnée pendant toute la durée de la croissance.
M. Dehérain met sous les yeux de la section un graphique de grande dimen-
sion sur lequel sont construites les courbes représentant la composition de la
plante entière aux diverses phases de son développement et en outre celles
des épillets et celle du reste de la plante pendant la maturation.
L'auteur expose d'abord les méthodes analytiques qui ont été employées ;
il appelle l'attention de ses collègues sur l'insuffisance actuelle des procédés
de dosage : près d'un cinquième du poids de la matière sèche est encore re-
présenté sous le nom vague de matière extractive; on a dosé directement la
matière azotée, la matière soluble dans l'éther (chlorophylle), la gomme, le
tannin, le sucre de canne, le glucose, les cendres, l'amidon, la cellulose, les
matières extractives, par différence, les matières pectosique3.
En examinant la première partie du tableau que l'auteur présente à 1»
section, on voit que le poids de récolte normale à l'hectare a augmenté en
1877 jusqu'au 11 juillet, où elle a atteint le taux maximum de 43,333 kilos;
à partir de cette époque, elle décroît rapidement, et au moment delà moisson
elle n'est plus que de 14,533 kilos.
Le maximum de matière sèche se trouve également le 11 juillet; de celte
époque à la moisson, cette quantité diminue légèrement.
Si on étudie le graphique qui représente la composition de la récolte d'avoine
supposée complètement sèche depuis l'origine des analyses jusqu'à la moisson,
composition représentée par des lignes de diverses couleurs, dont la marche
ascendante ou descendante indique le poids de chacun des principes immédiats
que la matière renferme, on remarque les faits suivants:
La ligne de cellulose qui domine tontes les autres s'élève constamment avec
une grande rapidité, jusqu'au il juillet, puis plus lentement, mais encore
i) Ci' Mémoire a cte publié mi extenso dans le cahier du décembre ii"v, des Annales agronomi-
ques.
TRUCHOT. — DE LA FERTILITÉ DES TERRES VOLCANIQUES 9"7
d'une façon sensible jusqu'à la moisson. Comme le poids de matière sèche
totale a cessé d'augmenter à partir du 11 juillet, il faut admettre que la cel-
lulose provient de la transformation de quelques-uns des autres principes qui
vont en diminuant pendant la maturation.
L'amidon et les matières extractives augmentent également très-rapidement
jusqu'au 11 juillet, puis très-lentement jusqu'à la moisson. Ces trois principes
forment à ce moment près des deux tiers de la récolte. Les matières azotées
augmentent jusqu'au 11 juillet, puis décroissent légèrement jusqu'à la moisson.
Enfin, le sucre, le glucose, le tannin, qui ne forment jamais qu'une très-faible
partie de la récolte, présentent leur maximum le 28 juin, puis décroissent
à partir de ce moment jusqu'à la moisson.
En comparant la composition du haut et du bas des tiges à diverses époques,
on reconnaît qu'à partir du 11 juillet, tous les principes baissent dans le bas
des tiges, à l'exception de la cellulose et des matières extractives; l'amidon, les
matières azotées, les matières minérales se transportent au sommet ; par suite,
les courbes indiquant la quantité de ces matières qui existent dans les épillets
vont constamment en s'élevant.
M. Dehérain insiste sur un fait intéressant: au 28 juin, le poids de la ré-
colte a été le même en 1876 et en 1877, et cependant en 1876 on a eu à Gri-
gnon une très-bonne récolte de grain, tandis qu'elle été très-faible en 1X77.
Or, les analyses montrent qu'en 1876, la plus grande partie des matières azotées
avaient émigré du bas des tiges vers les épillets, tandis qu'en 1877, il reste plus
de matières azotées dans le bas des tiges que dans la partie supérieure; il est
curieux de voir cependant que la migration de l'amidon s'est faite beaucoup
plus complètement que celle des matières azotées.
Il paraît probable à M. Dehérain que si la récolte de grain a été très-faible
en 1877 à Grignon, c'est plutôt par suite d'une migration incomplète des
principes immédiats que par suite d'une élaboration moins active de matière
végétale.
M. TRÏÏCHOT
Professeur de chimie à la Faculté des sciences de Clermont.
Directeur de la station agronomique du Centre.
DE LA FERTILITÉ DES TERRES VOLCANIQUES.
— Séance du 30 août 1877.
C'est un fait bien connu que les terres volcaniques sont en général
douées d'une fertilité exceptionnelle. Il suffirait, d'ailleurs, pour s'en
convaincre de parcourir l'Auvergne en observant l'état des cultures ou
seulement l'aspect du sol, en se rendant ensuite compte de sa nature.
62
978 AGRONOMIE
Telle montagne est couverte d'une herbe épaisse qui nourrit de beaux
troupeaux; telle autre est aride, brûlée, stérile. Or, il n'y a pas à s'y
tromper, la première est volcanique, la seconde granitique.
11 arrive souvent, dans le département du Puy-de-Dôme, qu'autour d'un
même village on rencontre des sols volcaniques et des sols granitiques
contigus, qui ne diffèrent ni d'exposition ni d'altitude, mais seulement
par leur composition chimique, el, là encore, la fertilité est très-diffé-
rente : les cultivateurs expriment ordinairement la bonne qualité d'une
terre en disant qu'elle est volcanisée.
Il était dès lors bien naturel de rechercher dans la composition des
terres et des roches qui les ont produites par leur désagrégation les
éléments qui contribuent à la fertilité de ces terres et de plus l'ordre
d'importance de ces mêmes éléments.
C'est ce qui a été souvent fait et discuté. Tout récemment (1), M. le
Dr Pietro Gavazzi, dans un travail intitulé : Analyse chimique et pouvoir
fertilisant des laves et autres substances rejetées par les volcans, fournit
de nombreuses analyses de roches volcaniques et arrive à cette conclu-
sion : « que la composition chimique des laves et des autres produits
» volcaniques permet d'expliquer scientifiquement laraison pour laquelle
» les matières vomies par les volcans fécondent les terres d'une façon si
» prodigieuse, »
Mais les analyses consignées dans ce travail ne signalent point la pré-
sence de l'acide phosphorique, les analystes auxquels elles sont dues
■ n'ayant point dosé cet élément. Or, comme il me semble établi que
l'acide phosphorique entre pour une grande part, sinon pour la plus
grande, dans l'appréciation qui peut être faite de la fertilité d'une
terre eu égard à sa composition, j'ai pensé que la conclusion du savant
Dr Gavazzi, si vraie qu'elle soit, d'une manière absolue, n'est pas en
rapport avec les prémisses et je demanderai à la section d'agronomie de
l'Association française la permission de revenir une fois de plus
sur la question et de lui soumettre les réflexions suivantes sur ce
sujet intéressant.
Lorsqu'on étudie le développpement des végétaux, on arrive à re-
connaître qu'ils doivent de toute nécessité trouver dans le sol de l'humus
ou de l'acide phosphorique, et comme, d'autre part, les cendres de ces
végétaux renferment de la potasse et de la chaux, on a pu en conclure
que ces deux derniers éléments sont pour le moins très-utiles.
Quant à la silice, à l'alumine, au fer, au manganèse, etc., les sols
les plus pauvres en sont en général surabondamment pourvus; il n'y
a donc pas à s'en occuper. De sorte qu'au point de vue de la fertilité
1 1 Annales de chimie et de physique, juin 1877, p. 244.
TRUCHOT. — DE LA FERTILITÉ DES TERRES VOLCANIQUES 979
résultant de la composition du sol , il suffit de considérer les quatre
éléments suivants : l'humus, l'acide phosphorique, la potasse et la
chaux.
L'humus, matière carbonée et azotée dont la combustion dans la
terre fournit l'acide carbonique destiné à solubiliser le phosphate de
chaux, est entretenu dans le sol par la culture.
La potasse existe naturellement en proportion ordinairement suffisante
dans tous lès sols. Elle provient surtout de la désagrégation des felds-
paths qui ont fourni l'argile, et les terres granitiques, pourtant si peu
fertiles, contiennent une grande quantité de cet alcali. Aussi lorsque après
des fumures ordinaires, on veut amender une terre au moyen des engrais
industriels, s'adresse-t-on de préférence aux phosphates.
La chaux, qui constitue la majeure partie des terrains calcaires, qui
existe en proportion suffisante dans les terrains volcaniques, manque
dans les terres granitiques et dans les terres siliceuses. Les chaulages
sont indispensables pour obtenir de ces dernières des produits abondants ;
mais chacun sait que la chaux ajoutée ne suffit pas pour entretenir la
fertilité ; bien plus, des chaulages exclusifs amènent la fertilité, parce que
cet élément met en œuvre, s'il est permis de s'exprimer ainsi, les
engrais azotés et phosphatés, et partant épuise la réserve du sol.
Il n'en est plus demême de l'acide phosphorique ; beaucoup de terres
sont exposées à en manquer; l'addition des phosphates réussit toujours,
et la pratique a trouvé la solution de la question, à savoir l'importance
capitale de l'acide phosphorique, et l'a résolue en demandant à l'in-
dustrie des quantités de plus en plus considérables de superphosphates.
Aussi M. P. de Gasparin , à qui l'agronomie est redevable de nom-
breuses analyses de terres et d'observations de la plus haute importance
qui en ont été déduites, n'hésite pas à affirmer qu'une classification
divitîale des terres doit être ordonnée d'après le dosage de l'acide phos-
phorique. Il appelle :
1° Terrain très-riche, celui qui contient plus de 2 millièmes d'acide
phosphorique ;
2° Terrain riche, celui qui en contient de 1 à 2 millièmes;
3° Terrain moyennement riche, celui qui en contient de 1/2 mil-
lième à 1 millième ;
4° Terrain pauvre, celui qui en contient moins de 1/2 millième.
Cela posé, qu'il me soit permis de reproduire ici des analyses qui
montreront bien cette importance de l'acide phosphorique.
Je mettrai en regard, dans le tableau suivant, les quantités de chaux,
de potasse et d'acide phosphorique extraites de roches granitiques et de
roches volcaniques subdivisées en laves et en trachytes.
On a dosé dans 100 parties :
080
AGRONOMIE
S°» d'ordre
DESIGNATION DES ROCHES
CHAUX
POTASSE
ACIDE
phosphorique I
ROCHES GRANITIQUES
Granité du Bourgeon (Truchot)
Id. de Trézioux Id. . .
Id. de Theix id. . .
Moyenne
0040
0-160
0.099
0.332
traces
0.371
0 . 046
0.288
0.015
0.048
0.037
0.033
ROCHES VOLCANIO.UES (TIUCHVTES)
Domite du Puy-de-Dôme (Truchot).
Id. Id. Id. . .
Trachyte du Mont-Dore Id. . .
Moyenne
2. 104
2.100
2.400
2 201
3.712
3.504
4.110
3.775
0.096
0.109
0.217
0.131
ROCHES VOLCANIQUES (LAVES)
Lave de Gravenoire (De Lasaulx)
Id. partiellement décomposée (Truchot)
Lave du Puy-de-Dôme (Kosmann)
Moyenne
10.700
9.870
3.580
1.280
1.050
1.950
8-120
1.427
0.860
1.100
0.680
0.880
J'aurais pu étendre ce tableau ; mais les moyennes n'auraient pas été
sensiblement modifiées et les chiffres obtenus sont suffisamment signi-
ficatifs.
Je ferai remarquer d'abord que les trois classes de roches analysées
correspondent à des sols de fertilité bien différente. Les terres formées
par les granités du Bourgnon, de Trézioux et de Theix sont relative-
ment très-médiocres, et ce n'est qu'après des chaulages et l'addition
d'engrais phosphatés que des agriculteurs habiles en ont tiré un bon
profit.
Les terres formées par les trachytes sont naturellement plus fertiles ;
mais beaucoup moins, cependant, que celles de la troisième catégorie,
c'est-à-dire formées par les laves.
Sans doute, la proportion de chaux croît dans ces terres en raison
de la fertilité ; cependant, on ne songera pas à attribuer à cet élément
le rôle prépondérant, car, comme cela a été observé précédement, les
chaulages seuls, sans addition d'engrais phosphatés, ne procureraient
qu'une amélioration apparente et momentanée et en réalité amèneraient
la stérilité.
Il est impossible, en second lieu, d'attribuer à la potasse un effet
prédominant, puisque les roches de la seconde classe, qui contiennent la
chaux et l'acide phosphorique en bonne proportion, sont très-riches en
alcali et en particulier le sont beaucoup plus que les laves, tout en
formant des sols de moindre valeur.
Reste l'acide phosphorique; les dosages correspondants pour les trois
TRUCHOT. — DE LA FERTILITÉ DES TERRES VOLCANIQUES 981
catégories, qui sont entre eux. comme les nombres i, 4, 26, sont signi-
ficatifs et montrent bien que l'acide phosphorique donne plutôt que la
potasse la mesure de la fertilité d'une terre arable.
Si, au lieu de considérer la composition des roches, on compare les
éléments trouvés par l'analyse dans les terres elles-mêmes, on arrive à
la même conclusion.
Le tableau qui suit, disposé comme le précédent, c'est-à-dire présen-
tant trois catégories de terres par ordre de fertilité croissante, contient
également les quantités trouvées de chaux, de potasse et d'acide phos-
phorique dans 100 parties de terre. On y a ajouté de plus les propor-
tions «l'azote et de carbone des matières organiques qui constituent le
quatrième facteur important de la fertilité. Enlin, les échantillons ont
été choisis de manière à représenter encore la moyenne générale.
d'erdr*
DÉSIGNATION DES TERRES
CHAUX
POTASSE
Acide
pbospborique
AZOTE
Carbone
organiques
TER
RBS GRAMTIUl'IS
1
Terre du Bourgnon (Truchot) ....
0.300
0.129
0.089
0.185
2.640
2
traces
0.3'.5
0.086
0.052
0.415
3
traces
0.405
0.024
0.066
1.020
„
n.9<w
0.066
0.101
1.358
TERRES \
OLCAMQUES (LAVIQl'ES
)
4
Terre de Beaumont (Truchot) .
1.600
0.22G
0.403
0.105
0.920
5
Terre d'Aubière id. . .
2.600
0.160
0.304
0.218
1.810
6
Terre de St-Jacques près Clermont id.
2.800
0.269
0.208
0.267
2. 685
2.233
0.218
0.305
0.197
1 .805
TER
RES D'ALLUMO*
7
Terre de Pont-du-Château (P. de Gas-
3.853
0.280
0.416
»
»
8
Terre de Montdésir, près Clermont
(Truchot) . . .
9. 970
0.548
0.296
0.310
1.145
9
Terre de Sarlièves id. ...
8.340
0.435
0.304
0.210
1.464
1.301
7.387
0-417
0.339
0.260
Les remarques précédentes relatives à la chaux et à la potasse s'ap-
pliquent de même au cas des terres. Si, d'une part, les terres d'alluvion,
les meilleures sans contredit, contiennent plus de potasse que les terres
volcaniques, de l'autre, celles-ci en renferment moins que les terres
granitiques qui leur sont inférieures de beaucoup.
La quantité de carbone constituant les matières organiques est sensi-
blement la même dans les trois cas. Quant à l'azote, il faut reconnaître
que la proportion croit avec la fertilité, et il n'y a pas bien longtemps
qu'on s'accordait à trouver dans cet élément seul la mesure de la
982 AGRONOMIE
valeur d'un sol. Toutefois, les chiffres du tableau précédent montrent que
les termes de la progression ne s'accroissent pas aussi rapidement que
ceux que fournit l'acide phosphorique.
Il me semble donc permis de conclure que le D' Gavazzi en attribuant la
fertilité des matières vomies par les volcans aux doses de silice, d'alumine
d'oxyde de fer, de chaux, de magnésie et de potasse, que l'analyse y a
constatées, a négligé de considérer l'élément le plus important de tous,
l'acide phosphorique que les auteurs des analyses rapportées n'avaient
point déterminé.
Et je prendrai la liberté en terminant ces considérations de reproduire
l'une des conclusions auxquelles m'a conduit un premier travail sur les
terres d'Auvergne (1):
a • L'acide phosphorique est l'élément principal de la fertilité des terres
» d'Auvergne et les sols volcaniques doivent en grande partie leur
» supériorité à une proportion notable de cet acide phosphorique rendu
» d'ailleurs plus facilement soluble et assimilable par la présence de la
» chaux. »
M. A. LÀDÏÏREÀÏÏ
Directeur du Laboratoire fie l'Étal el de la Station agronomique du Nord.
ETUDE SUR L'INFLUENCE DE LA GRAINE DANS LA CULTURE
DE LA BETTERAVE A SUCRE.
— Séance du 30 août 1S77. —
Nos études des années précédentes ayant eu pour but de déterminer
l'influence des engrais divers et du mode de culture sur la richesse en
sucre des betteraves et sur leur rendement à l'hectare, nous avons re-
cherché plus spécialement cette année quelle part de cette influence
était attribuable à la nature des graines employées. Nous avons cherché
dans notre expérimentation à éclairer certains points encore douteux.
Avant tout, nous avons voulu connaître si la grosseur des graines avait
une influence quelconque sur les produits auxquels elles donnent nais-
sance; nous présentons plus loin le résultat absolument négatif de nos
recherches sur ce sujet intéressant.
Un second point nous a paru digne d'être également étudié: c'est de
connaître quels changements peut produire sur la levée, sur la richesse
(1) Annales agronomiques. A. i, 187S.
V. I.ADUREAU. — CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE 983
el !a qualité des betteraves, l'immersion prolongée de leur graine dans
• les sels chimiques utiles à la végétation. Cette expérimentation a produit
en effet des résultats dignes de remarque.
Nous avons enfin recherché quelles différences produisait l'emploi de
graines de provenance et de nature diverses et terminé notre expérimen-
tation sur la betterave par l'étude de quelques engrais complets et de
deux espacements, l'un écarté, et l'antre rapproché, comme contrôle de
nos résultats obtenus l'an dernier.
INFLUENCE DE LA GROSSEUR DE LA GRAINE.
Cette étude a été faite sur un champ d'expériences que notre collègue,
M. Lepeuple-Lecouffe, cultivateur de graines de betteraves à Bersée, a
bien voulu nous prêter dans ce but.
Nous savions, par des expériences précédentes, que les qualités des bet-
teraves se transmettaient, par voie d'hérédité naturelle, a celles que l'on
obtenait en plantant des graines qu'elles avaient produites.
Ainsi les graines provenant de betteraves riches en sucre donnent
généralement des produits plus riches en cet élément que les graines
récoltées sur des betteraves de mauvaise qualité. C'est la transmission des
qualités ou des défauts des ascendants à leurs descendants, loi que l'on
rencontre à chaque pas dans le règne animal, et à laquelle le règne
végétal lui-même paraît soumis.
Tout le monde sait que c'est sur ce fait qu'est basée la production de
la graine de betteraves, au moyen de la sélection des sujets destinés
à la reproduction. Durant quelques années, cette sélection avait été
faite en se basant simplement sur les caractères deitsimétriques.
On prenait, au moyen de bains liquides de concentrations diverse . la
densité approximative des betteraves porte-graines ; on rejetait touL ce
qui n'atteignait pas une densité assez élevée, et on gardait pour la pro-
duction de la semence toutes celles qui présentaient un poids spécifique
satisfaisant.
On a reconnu que ce caractère n'offrait pas des garanties suffisantes
de richesse saccharine, qu'il y avait des désaccords fréquents entre la
densité et la qualité des racines, bref que l'analyse chimique seule pou-
vait donner des renseignements assez certains pour garantir la réussite
des récoltes. Aussi les grands planteurs de graines de betteraves, les Des-
prezde Cappelle entre autres, n'ont-ils pas hésité à faire les frais de vastes
et dispendieux laboratoires dans lesquels ils analysent annuellement
quelques centaines de mille racines destinées à la reproduction.
On verra, par le tableau que nous donnons ci-après, les différences par-
fois considérables qui peuvent exister dans la richesse de deux betteraves
AGRONOMIE
offrant néanmoins la même densité. Ces analyses et essais ont été faits
par nous sur des betteraves porte-graines récoltées par M. Trézé, produc-
teur de graines de betteraves à Ennevelin (Nord), membre du Comice
agricole de Lille. Il va sans dire que les betteraves expérimentées étaient
toutes destinées à la production de la graine, et qu'elles avaient été
plantées dans ce but, à de très-faibles distances l'une de l'autre, de
manière à avoir des betteraves petites, régulières et riches en sucre.
Voici ce tableau:
Son inspection montre que, s'il y a d'une manière générale, une pro-
gression dans la proportion de sucre, correspondante à l'élévation de la
densité des racines, on constate néanmoins un trop grand nombre d'ex-
ceptions à cette règle pour pouvoir accepter comme base d'une culture
sérieuse les résultats fournis par les seuls caractères densimétriques.
TABLEAU N° t.
Rapport de la densité des Betteraves à leur richesse saccharine.
DENSITÉ
CELLULOSE
des
EAU
SUCRE
et
SELS
RACINES
MATre" AI.BIMINOIDES
MINÉRAUX
H. 025-30
90.88
6.42
1.77
0.90
89.75
7.40
1 .90
0.86
—
88.53
8.83
1 77
0.85
88.15
9.81
1.49
0.55
—
87.92
10.03
1.57
0.48
—
84.81
11.90
2 . 03
0.66
1.030-40
88.17
7.69
:; :\i
0.82
—
86.56
9.80
2.93
0.71
—
86.19
10.87
2.19
0.75
—
85.75
11.36
2.49
0.40
_
84.47
12.19
2.77
0.57
—
83.87
13.16
2.50
0-47
1.040-50
84.83
11.64
2.85
0.68
—
82.92
12.82
3.81
0.45
_
83.49
12.96
2.86
0.69
—
83.27
13.89
2.22
0-62
—
82.22
14.29
3. OS
0.41
—
83-13
U.52
1.80
0.55
—
82. 51
14.71
2.10
0.67
1.050-60
82.39
13.16
3.85
0.60
—
83.30
13.90
2.29
0.51
—
83.57
14.29
1 . 68
0.46
—
82.02
15.15
2.28
0.45
1.060-70
l 81.03
15.95
2.56
0.47
Il est bon d'ajouter néanmoins qu'il n'en est pas de même pour le jus
extrait des mêmes betteraves râpées et soumises à la pression. Ici le
A. LADUREAU. — CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE 985
rapport entre la densité et la richesse saccharine est presque constant;
et sauf quelques anomalies produites par les betteraves cultivées dans
certains sols chargés de sels facilement assimilables, ou sur lesquels on
a abusé des engrais salins, nitrate de soude et autres, betteraves qui of-
frent une densité d'autant plus élevée que la proportion de sels absorbés
est plus considérable, on peut avec une très-grande approximation dé-
duire de la densité des jus prise à une température déterminée, lo° par
exemple, la richesse centésimale en sucre des racines.
Ce procédé d'évaluation de la richesse et par suite de la valeur com-
merciale des betteraves, d'après la densité de leur jus, a été adopté, aux
mois de février-mars 1876, dans un congrès qui s'est réuni à Lille, dans
le but d'établir une nouvelle base d'achat de cette plante saccharifère,
plus rationnelle que celle qui avait été adoptée jusque-là, l'achat au poids.
Depuis, la plupart des centres sucriers de France ont pris des mesures
analogues.
Cette digression nous a entraîné un peu loin de notre sujet; hâtons-
nous d'y revenir.
Si les betteraves transmettent leur richesse à leur descendance au moyen
de leur graine, les caractères physiques de ces graines exercent-ils une
influence sur les produits, les grosses graines donnent-elles de grosses
racines, et les petites graines de petites, ainsi que certains l'ont pré-
tendu ?
Pour obtenir une réponse satisfaisante à cette question, nous avons pris
trois échantillons de graines de bonne qualité, de provenance et nature
différentes, aussi homogènes que possible et les avons séparés, chacun
en trois lots différents , au moyen de cribles à mailles égales et de di-
mension variable. En mesurant exactement le diamètre des trois cribles,
nous avons isolé
des graines ayant 6 millimètres de diamètre,
des graines ayant 5 id.
et des graines ayant 4 id.
Cette opération a été faite pour chacune des 3 variétés de betteraves que
nous voulions essayer. Les graines plantées le même jour, dans des con-
ditions identiques, ont donné des résultats presque identiques également
pour chacune d'elles ; le poids et la richesse saccharine, variant pour
chaque espèce particulière de graines, comme cela était prévu du reste,
sont restés à peu près les mêmes , pour les grosses, les moyennes et
les petites graines, ainsi qu'il est facile de le voir à l'inspection du
tableau n° 2.
:)vi,
AGRONOMIE
TABLEAU N° 2.
Influence de la grosseur de la graine.
Champ de Bersée.
DIAMÈTRE
NATURE
RENDEMENT
RICHESSE
des
de la
a
moyenne
OBSERVATIONS
GRAINES
BETTERAVE
i,'hectare
en sucre 0/0
0n,,006
Silésie collet rose
kil.
5'.. 000
11.90
Levée assez bonne, quelques manquants.
5
(n. 2)
52.000
13.17
Du peu plus île manquants que dans la prée
dente.
4
Id.
55.000
19.09
Bonne levée, assez régulièrement venue.
0m,006
Silésie collet vert
04.000
11. '.7
Betteraves assez racineuses à cause de la
sèche-
5
(n° 3)
65.000
11.00
resse. — Pas de manquants.
4
Id.
62.000
11.32
Id. Quelques manquants.
0m,006
Silésie blanche
48.000
15.19
.Levée régulière et satisfaisante.
Peu de manquants. — Carrés réussis.
'Betteraves régulières et riches en sucre.
5
(n-M)
47.500
14.71
4
Id.
48-000
14. S0
Ces résultats tout à fait négatifs montrent que la grosseur de la graine
n'exerce aucune action sur celle des betteraves qu'elle produit. Il n'y a
donc aucun intérêt pour le cultivateur ni pour le fabricant de sucre à
employer plutôt des grosses graines que des petites.
TRAITEMENT CHIMIQUE DES GRAINES.
Toute graine végétale renferme, comme chacun le sait, au nombre de ses
éléments, une certaine quantité d'acide phosphorique et d'azote indis-
pensable à la nutrition de la jeune plante à laquelle elle doit donner
naissance.
Nous nous sommes demandé quel résultat on obtiendrait en augmen-
tant beaucoup, d'une manière artificielle, la proportion de ces éléments
dans la graine, avant la semaille. Il était présumable que la plante
nouvelle, trouvant à sa disposition une plus grande quantité de nour-
riture immédiatement assimilable, aurait une levée plus facile, plus ré-
gulière, une croissance plus vigoureuse, et donnerait par suite au mo-
ment de la récolte des produits plus abondants et plus riches que ceux
obtenus avec la même graine n'ayant pas subi ce traitement. C'est ce
dont nous avons voulu nous assurer en nous livrant aux expériences
suivantes.
Nous avons pris une graine homogène et du bonne qualité, de gros-
seur moyenne et récoltée l'année précédente, variété Silésie à collet rose
de Vilmorin, et après l'avoir partagée en cinq lots, de 2 kilos chacun,
avons soumis chaque lot au traitement que nous allons décrire :
Nous avons fait dissoudre dans 10 litres d'eau 5 kilogr. de sulfate
A. LADUREAU. — CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE !'N<
d'ammoniaque et y avons immergé le 1er lot, soit 2 kilogr., durant
15 heures consécutives. Au bout «le ce temps, les graines étant bien
imprégnées de liquide et très-gonllécs, ont été retirées, mises à égoutter,
puis semées.
Nous avons fait de même tremper le 2° lot de graines dans une solu-
tion de nitrate de soude, o kil. dans 10 litres d'eau, durant le même
temps .
Pour le 3e lot, nous avons pris 5 kil. de superphosphate de chaux
renfermant 12.10 0/0 d'acide phosphorique soluble et l'avons fait dis-
soudre également dans 10 litres d'eau. C'est dans cette dissolution un
peu acide qu'on a immergé les graines du 3e carré.
Le 4e lot a été plongé dans un liquide renfermant pour 10 litres d'eau:
5 kil. de sulfate d'ammoniaque et 5 kil. de superphosphate de chaux.
Enfin le o° carré renferme les graines ayant séjourné dans une disso-
lution de 5 kil de nitrate de soude et 5 kil. de superphosphate de chaux
dans 10 litres d'eau.
La levée de toutes ces graines, semées vers le lo mai 1876, s'est faite
d'une manière très-régulière et très-égale. Elles ont végété fort bien au
début, se sont ralenties d'une manière notable durant la sécheresse de
l'été, mais la végétation a repris assez vigoureusement lorsque les pluies
sont arrivées et les betteraves sont parvenues à maturité avec un rende-
ment moyen de 42,000 kil. à l'hectare.
La différence entre les betteraves de ces divers carrés a paru si faible
au cultivateur sur les terres duquel a eu lieu notre expérience, M. Hellin,
vice-président du Comice agricole de Lille, àHouplincs, qu'il n'a pas cru
devoir peser chaque carré séparément. Nous ne pourrons donc donner ici
les rendements à l'hectare, ce que nous regrettons vivement, et devons
nous borner à enregistrer les résultats des analyses auxquelles nous nous
sommes livré, sur une douzaine de sujets choisis par nous dans la
moyenne de chaque carré d'essais.
TABLEAU N° 3.
Influence du traitement chimique des graines.
NCMÉRO
du
NATIHE
de la
TRAITEMENT SUBI
par
DENSITÉ
des
SUCRB
par
SELS MINÉRAUX
par décilitre
COEFFICIENT
salin
carré
graine
la graine
jus à-j- 15
décilitre
de jus
I ■
Vilmorin
5 kil. sulfate d'ammoniaqne.
1061 .3
12.64
O.SIO
15.60
II
améliorée
5 kil. nitrate de soude.
60.5
12 02
0.837
14.36
III
collet
5 kil. superphosphate.
64.0
13.21
0.882
16.11
IV 1
rose
3 kil. superph. -(- 5 kil. suif. amm.
65.0
13.44
0 891
16.20
V
) _
5kil.superph.-r-5kil. nit. soude
68.0
13.93
0.846
16.46
988 AGRONOMIE
Les betteraves de ce champ d'expériences ont été plantées à 0m,25
sur 0'",39, ce qui, avec la nature supérieure de leur graine, explique
les densités élevées obtenues et leur grande richesse en sucre.
La comparaison des chiffres ci-dessus montre que les betteraves
du carré n° 5 qui ont absorbé de l'acide phosphorique soluble, de
l'azote nitrique et de la soude, c'est-à-dire les trois éléments que la
betterave s'assimile le plus volontiers, sont celles qui ont eu la densité
la plus élevée, la plus grande richesse saccharine, avec une proportion
de sels assez faible, tandis que les betteraves du n° 2, dont les graines
n'avaient absorbé que du nitrate de soude, ont, avec une proportion de
sels à peu près égale, près de 2 0/0 de sucre en moins, une densité inférieure
de 0.75, soit près d'un degré en moins.
Il est remarquable que la richesse saccharine est plus élevée dans les
trois carrés qui ont eu de l'acide phosphorique soluble que dans ceux
qui n'ont reçu que de l'azote.
Cette petite dose d'acide phosphorique mise à la disposition des
racines de la jeune plante à son berceau a donc eu une efficacité
marquée.
Nous avons du reste toujours observé jusqu'ici, ainsi que notre maître
et ami M. Corenwinder, que, même dans les sols les plus abondamment
pourvus de phosphates, l'emploi des engrais azotés et phosphatés pro-
duisait des betteraves de meilleure qualité que l'emploi des engrais
azotés seuls. Cette observation se trouve encore confirmée ici.
Je crois donc pouvoir conclure de cet essai, que nous répéterons
l'année prochaine pour en contrôler les résultats, que l'immersion momen-
tanée des graines, immédiatement avant les semailles dans une solution
assez concentrée d'azote nitrique ou ammoniacal et d'acide phosphorique
soluble, a pour effet d'augmenter dans des proportions notables (puisque
nous avons ici environ 15 0/0 d'augmentation) la quantité de sucre
dans les betteraves ainsi produites.
INFLUENCE DE LA NATURE DE LA GRAINE.
Bien que cet essai ait déjà été fait et que les résultats en paraissent
certains, nous avons néanmoins jugé devoir ajouter notre faible pierre à
l'édifice construit par nos devanciers, et vérifier par nous-même l'exac-
titude des faits qu'ils ont annoncés. Au surplus, les vérités agricoles ne
sont jamais assez répétées; il faut généralement frapper longtemps l'atten-
tion des cultivateurs par les mêmes faits, avant de les leur faire accepter,
quelque indiscutable qu'ils soient ; et la satisfaction d'avoir contribué
pour notre part, dans quelque mince proportion que ce soit, au progrès
agricole, sera pour nous une compensation suffisante à l'ennui de marcher
A. LADUREAU. — CULTURE DE LA RETTERAVE A SUCRE 989
dans des sentiers battus et de répéter une expérimentation à laquelle
d'autres se sont déjà livrés.
Nous avons donc voulu acquérir des preuves des différences parfois
fort grandes qui se font remarquer entre des betteraves cultivées dans
des conditions absolument identiques d'autre part, mais provenant de
graines diverses. Nous avons dans ce but choisi un certain nombre de
graines parmi les meilleures que nous ayons pu rencontrer, chez les
principaux producteurs français et étrangers. Ces graines ont été semées
le même jour dans un sol aussi homogène que possible.
Les expériences ont eu lieu en partie à Bavay en partie à Quesnoy-
sur-Deule (Nord).
Le champ de Bavay appartenant à un agriculteur industriel dont nous
apprécions fort l'esprit d'initiative et le goût prononcé pour l'expéri-
mentation agricole. M. Derôme, comprenait 1 hectare 44 ares, d'un
sol argileux calcaire de premier choix, de nature et de qualité uniformes,
ayant porté des betteraves sur engrais chimique en 1873, du blé sans
engrais en 1874, puis du fourrage vert enfoui en mai 1875 pour en-
graisser une avoine qui n'a pas revu d'autre fumure. Ce champ n'a pas
eu d'engrais en 1870, afin de permettre de mieux apprécier les diffé-
rences dues uniquement à la nature des graines employées. Il a été
labouré le H mai et planté le lendemain 12 dans d'excellentes conditions
de température. Chaque variété de graine a été séparée de la voisine par
une bande libre de 0"',o0. — Les betteraves ont été laissées^ 0m,2o l'une
de l'autre dans des lignes écartées entre elles de 0,m40, c'est-à-dire qu'il
y en avait environ 10 par mètre carré, condition que nous avons
reconnue comme la plus favorable à la grande production à l'hectare
et à la richesse saccharine. — Voici sur quelles graines a porté notre
expérimentation :
Parcelle n° I variété rose améliorée, livrée par M. Roussel, de Marchiennes.
Desprez de Cappelle.
Simon Legrand, à Bersée.
Dervaux Albert, à Wagnies.
P. Olivier, à Bersée.
Vilmorin, à Paris.
Lepeuple, à Bersée.
Maricaux, à Saint- Waast
2
—
PAP 45 —
3
—
RAI2 50 —
4
—
blanche A 10 —
5
—
- B 17 —
6
—
blanche acclim. —
7
—
blanche —
8
—
blanche à col .rose —
9
—
Améliorée —
10
—
Collet vert —
11
—
Impériale acclim. —
12
—
de Silésie n° 1 —
13
—
rose de Sil. n° 2 —
U
—
rose de Sil. n° 3 —
15
—
rose de Brunswick —
16
—
blanche d'Allem. —
990 AGRONOMIE
On trouve, dans le tableau suivant, les résultats obtenus à la récolte
de ces racines, tant au point de vue de leur rendement à l'hectare que
de leur richesse en sucre et de leur pureté.
TABLEAU N° 4.
Tnfluence de la nature de I" graine.
ces
VARIÉTÉ DE (.RAINES
EMPLOYÉES
1
—
î ^
j_ =
a
PS
1 s
1
mètre
kilos
gramm
gramm
1
Rose améliorée
0
28
820
49.875
10.49
9.08
0 900
10
3
4
l' A I 45
36
37
28
845
810
799
44.620
39.420
28.638
65
64
65
14.24
13.89
1', .51
579
57
477
24
21
30
2
RAI 50
2
Blanche A 16
5
Blanche B n
32
797
39.744
61
12.74
558
22
6
Blanche
32
805
39.376
63
13.85
621
22
7
id.
29
806
36.984
57.05
13.03
720
18
8
Blanche collet rose
31
828
41.676
58.05
12.00
630
20
9
— améliorée
29
810
28.336
70.05
15.22
549
27
10
— collet vert
30
855
37.710
57
12.14
612
19
11
Impériale acclimatée
28
790
34.224
51',. 05
12.08
666
18
12
Silésie n° 1
28
812
35.288
57.03
12.1 9
702
17
13
— n° 2
31
829
37. I50
56
11.28
665
18
14
— n° 3
36
835
U.368
57.05
12.46
64 8
19
15
Rose de Brunswick
28
800
43.415
47
9.23
783
11
16
Blanche d'Allemagne
0
30
81'.
40-650
10.58
12.62
738
17
On voit qu'au point de vue du rendement à l'hectare, les plus grandes
différences se trouvent entre la variété n° 9 blanche améliorée de Vil-
morin, qui a eu le plus faible rendement , soit 28,33G kil. à l'hectare et
le n° 1, fort mauvaise betterave, comparativement aux autres, qui a
produit près de 50,000 kil.
Si l'on envisage la richesse saccharine, on trouve (pie la variété qui
•obtient le 1er rang est celle dont nous venons de parler, n° 9 Vilmorin
améliorée, qui renferme lo gr. 22 de sucre 0/0, tandis que le n° 1 de
Roussel n'a que 9gr,08.
Le coefficient salin, qui rend assez exactement compte de la pureté de
la betterave, en donnant le rapport qui existe entre le sucre et les sels,
a varié entre 10 et 30. Ce chiffre 30, que nous n'avions jamais constaté
jusqu'ici, a été obtenu par une des deux variétés envoyées par M. Simon-
Legrand, planteur de graines de betteraves, à Bersée. Nous ne pouvons
nous empêcher de le signaler à l'attention ; il est très-rare et très-remar-
A. LADUREAU. — CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE 991
quable. Quant aux coefficients 11 et 10 qu'atteignent les betteraves n° 15
Brunswick et Roussel, de Marchiennes, ils m; peuvent qu'être ruineux
pour les fabricants de sucre.
Nous croyons devoir insister encore sur ce point, qu'il est très-facile
de remarquer, à l'inspection du tableau ci-dessus, que les betteraves ri-
ches en sucre contiennent généralement une proportion de sels moins
élevée que les betteraves pauvres, et, en second lieu, que les racines dont
les richesses en sucre sont le plus élevées sont assez généralement
celles dont les rendements à l'hectare sont les plus faibles. Nous avons
déjà eu l'occasion de signaler ce fait.
Nous pensons intéressant déclasser en ordre les 10 variétés que nous
venons-d'étudier, au triple point de vue de leur rendement à l'hectare,
de leur richesse en sucre et de leur pureté relative.
TABLEAU n° 5.
Valeur comparative des seize va rie/ es de betteraves.
a
Al POINI I>K VUE ML
Al II il NT IlE VIE
AU POINI DE ME
RENDEHEN1 A l.'lll C I IRE
DE I.A RICHESSE SACCHARINE
1>K I.A PURETÉ RELATIVE
1
Rose de Roussel de Mar.
chiennes.
Betterave améliorée n" 2, Vilmorin.
Blanche A-16, Simon Lcgrand.
2
P A I 45, de Desprez.
2
Silésie n°3, deLepeuple.
Rose de Brunswick.
Blanche a-ig, Simon Lcgrand.
Améliorée de Vilmorin.
3
P A I 45, de Desprez.
P A 1 45, de Desprez.
2
R a ï 50, de Desprez.
Blanche B-17, Simon.
5
Blanche Vilmorin, n» 1.
Blanche de Dervaux.
Blanche de Dervaux.
6
Blanche d'Allemagne.
Blanche de A. Olivier.
R A I .ïo de Desprez.
7
Blanche B-I7, Simon Le-
grand.
Blanche B-n, Simon.
Blanche collet rose, Vilmorin.
«
RAI -50 de Desprez.
Blanche collet rose.n» ï, Vilmorin.
Silésie n° 3, Lepeuple deBersée
9
2
Blanche de Dervaux.
Blanche d'Allemagne.
Impériale acclimatée, Vilmorin.
to
Blanche Vilmorin, n° 3.
Silésie n° 3, Lepeuple.
Blanche collet vert, Vilmorin.
11
Silésie n° 2, Lepeuple.
Silésie n° 1, Lepeuple.
Silésie n» 2, Lepeuple.
12
Blanche de P. Olivier.
Blanche, collet vert. Vilmorin.
Blanche de P. Olivier.
13
Silésie n° 1, Lepeuple.
Impériale acclimatée, Vilmorin.
Silésie n° ï, Lepeuple.
1*
Impériale Vilmorin (ac-
climatée).
Silésie n» 2, Lepeuple.
Blanche d'Allemagne.
15
Blanche A-16, Simon Le-
grand.
Rose de Brunswick.
Rose de Brunswick.
16
Blanche Vilmorin, n° 2.
Rose améliorée de Roussel.
Rose améliorée de Roussel.
Il est assez rare de trouver des graines qui, semblables à la variété
pau^ ^ Desprez donnent en même temps un poids élevé à l'hectare,
une grande richesse saccharine et une grande pureté. Les graines très-
992 AGRONOMIE
remarquables de M, Simon Legrand A-16, qui viennent en 2e ligne pour
la richesse et en première pour la pureté, ne tiennent que le 15e rang
comme rendement à l'hectare. — Nous sommes heureux d'applaudir, à
cette occasion, aux sérieux efforts que font depuis quelques années les
grandes maisons de production de graines de betteraves, les Vilmorin,
Desprez, Simon, Lepeuple, etc., dans le but d'arriver à produire d'une
manière normale des graines améliorées, acclimatées, qui donnent
naissance à de riches betteraves.
La réussite de leurs efforts doit les encourager à persévérer dans cette
voie, et c'est heureux pour notre belle culture du Nord, car c'est là
évidemment que se trouve renfermé tout l'avenir de l'industrie su-
crière, incapable de vivre et de prospérer lorsqu'elle n'a à traiter que
des betteraves qui renferment 7 à 8 0/0 de sucre, et souvent même
moins.
Les exemples que nous venons de citer démontrent aux cultivateurs
désireux de faire de bonnes betteraves qu'ils puissent vendre cher aux
sucreries voisines, combien il est essentiel qu'ils s'attachent, avant tout, à
la bonne qualité de la graine qu'ils emploient: car, même en employant
une quantité suffisante d'engrais adapté à cette culture, en rapprochant
leurs racines dans les proportions indiquées plus haut, s'ils avaient planté
de mauvaises graines, ils ne pourraient obtenir qu'une faible amélio-
ration, mais non des résultats pleinement satisfaisants.
Dans un autre champ d'expériences, situé à Quesnoy-sur-Deule, sur les
terres de M. Lepercq-Viliers, nous avons essayé comparativement quel-
ques graines de betteraves provenant de races acclimatées dans le pays
depuis plusieurs années et produites par la culture elle-même, et non
par des planteurs spéciaux, et l'influence de quelques engrais sur une de
ces variétés de graines. Les résultats sont dignes d'intérêt et nous
croyons devoir vous les présenter.
Les betteraves ont été toutes semées en même temps dans un champ
ayant porté l'année précédente du tabac avec une assez forte fumure,
sans addition nouvelle de matières fertilisantes. Elles ont été laissées à
0m,26 sur 0m,36 entre les lignes. Mais comme la terre très-fumée l'année
précédente en vue du tabac renfermait encore une provision considé-
rable d'éléments salins immédiatement assimilables, les betteraves de ce
champ d'expériences ont toutes, malgré ce rapprochement, pris dans le
sol une grande quantité de sels ; elles ont par suite des densités factices,
qui ne sont pas en rapport normal avec leur richesse saccharine.
Nous avons observé dans ce champ, sur les graines de MM. Desrous-
seaux et Lepeuple, que les betteraves, qui, vers le mois de septembre,
arrivaient environ à 1,060° ou 6° de densité (du jus), ont perdu cette
densité par suite des pluies de l'automne, en accroissant de volume et
A. LADURÈAU. — CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE 993
que de 12 0 0 leur richesse en sucre est tombée en novembre à 9,40 0 D,
soit près de 20 0/0 de perte en sucre.
Voici les résultats obtenus sur ce champ :
TABLEAU N" 0.
champ d'expériences de Quesnoy-sur-Deute.
-- H
NUI RE
RENDEMIM
DENSITÉ
St/CRE
CENDRES
COEFFICIENT
Q C
DR LA
A
l'I
PARDÉCIL.
PAR DÉCIL.
SALIN
T. t.
1, H UNK
l'hectare
M - v 15°
DE JUS
DE IDS
1
Desrousseaux.
IcilOgi
44. 000
1051. S
er.
9.72
0.909
10.69
-
Lepeuple.
43.000
105(1
9.34
0.891
10.48
3
Vandermersch .
48.000
1054.5
10.80
0810
13-33
-'•
Id. iivec purin.
61.500
1082.5
10.25
0.918
11 .16
5
Id. avec ait. de soude.
»
1045
8.36
0.891
9.38
r,
Id. avec tour t. d'arachides.
n
1051
9.61
0.999
9.61
'
Id. avec engrais chimiques.
a
1053
10.07
0.927
10.86
Nous avons également étudié à Bavay, divers engrais complets ren-
fermant de l'azote sous ses trois formes : organique, nitrique et ammo-
niacal, de l'acide phosphorique à l'état assimilable et de la potasse;
mais les différences entre les 24 carrés d'essais que nous avons faits
dans ce but sont trop peu importantes, trop peu tranchées pour que
leur présentation offre un intérêt sérieux. Nous tenons ces résultats à la
disposition de ceux de nos collègues qui pourraient en désirer la com-
munication; mais nous n'avons pas cru devoir étendre les limites de ce
travail en les y joignant. Nous nous bornons à résumer dans le petit
tableau ci-après les moyennes des résultats obtenus.
Le carré A n'a reçu aucun engrais :
Le carré B a reçu 1,300 kilog. d'un engrais à 29 fr. les 100 kilog.,
renfermant :
Azote ammoniacal , g,i2 n ■ . ' •
' i b.49 0/0
Azote organique. . i . . 1,39 j
Acide phosphorique assimilable 8,2o 0/0
Potasse. . 3,00 0/0
Le carré G a reçu 1,400 kilog. d'un engrais à 28 fr. les 100 kilog.,
renfermant :
Azote ammoniacal . 4 \
Azote organique 2,80 ] ^'^ ^
Acide phosphorique assimilable 8,40 0/0
Potasse ..■...".'. i .;•■»..,-» . 5,00 0/0
63
994 AGRONOMIE
Le carré D a reçu 1,400 kilog. d'un engrais à 28 fr. les 100 kilog.
renfermant :
Azote ammoniacal 2,40 ^
Azote organique 3,05 \ 7,05 0/0
Azote nitrique 1,60 J
Acide phosphorique assimilable 9,12 0/0
Potasse ' 5,20 0/0
Sur le carré E, on a employé 2,200 kilog., d'un engrais à 18 fr. les
100 kilog. composé de :
Azote organique 4,36 0/0
Acide phosphorique 8,90 0/0
Potasse 3,00 0/0
Enfin sur le carré F, on a mis 1,500 kilog., à l'hectare d'un mélange
valant 27 fr. les 100 kilog et composé de :
Acide phosphorique 7,20 0/0
Azote nitrique 4.96 )
*♦■ , m 6,36 0/0
Azote organique 1,40 ; ' '
Potasse 5,00 0/0
CARRÉS
POIDS
de chaque parcelle
POIDS A L'HECTARE
DENSITÉ MOYENNE
RICHESSE SACCHARINE
moyenne
A
6.081 kil.
19.260 kil.
6-17
12.58
B
8.667
30.9S0
5.83
11.83
C
8.723
31.1:;0
5.95
12.35
D
7.657
27.320
5.80
11.33
E
7.099
25.350
5.92
12.33
F
8.394
28.940
5.68
11.50
Ainsi que cela a lieu généralement, ce sont les betteraves sans
engrais qui ont la densité la plus élevée et la richesse saccharine la plus
considérable ; mais en revanche, elles sont bien loin derrière les autres
pour le poids à l'hectare, et le cultivateur qui s'amuserait à les cultiver
de la sorte courrait certainement et rapidement à sa ruine.
On reconnaît de plus que la parcelle C, fumée avec un engrais ren-
fermant un mélange d'azote ammoniacal et organique, avec une certaine
quantité d'acide phosphorique et de potasse solubles et assimilables, est
celle qui a donné le plus grand poids à l'hectare en même temps que
la richesse saccharine la plus élevée. Aussi n'hésitons-nous pas à en
recommander l'emploi dans toutes les terres analogues à celles du Nord,
argileuses, compactes, dites terres fortes.
L'engrais du carré E renfermant tout son azote à l'état organique
\. LABUREAU. — CULTURE DE LA BETTERAVE A SUCRE 988
vient en dernier lieu, ce <{iii n'a pas lieu do nous surprendre, l'azote
organique, même donné par des matières désagrégées par l'acide, ou
torréfiées par la chaleur, est en effet d'une assimilation moins prompte
et moins facile que celui des sels chimiques, tels que les nitrates ouïes
sels ammoniacaux. Disons un mot, en terminant cette étude, des résul-
tats que nous avons obtenus celte année, en variant l'écartement des
plantes, comme nous l'avons au reste déjà t'ait et dit l'année dernière.
Nous avons essayé deux variétés tout à t'ait différentes : la première,
de très-bonne qualité venant de la culture de M. Dervaux Ibled ; la
deuxième, médiocre, venant de 31. Houssel.
Nous avonspris les deux espacements le plus généralement suivis, celui
que nous recommandons toujours de 0m,40 sur 0m,25 et celui que les
routiniers arriérés suivent malheureusement encore dans beaucoup d'en-
droits, de 0m,40 surOm,40. Avec la graine Dervaux, nous avons obtenu
avec le premier espacement de 40 sur 25 :
45,400 k. à l'hectare, de betteraves ayant 6,1 de densité ;
Avec le 2e espacement, de 0m,40 sur 0m,40:
38,175 k. de betteraves dont la densité fut de 5,8.
Voici les résultats que donna la graine de M. Roussel :
1er espacement (25 sur 40): 52,000 kil. à l'hect. et 5° 07 densité;
2° » (40 sur 40 : 39,500 kil. à l'hectare 4° 87 de densité.
Ces chiffres confirment pleinement ceux que nous avions obtenus l'an-
née dernière.
Une dernière observation, qui puise son intérêt dans les circonstances
elimatologiques actuelles, nous parait devoir être faite en terminant ces
lignes: jamais l'emploi des engrais chimiques seuls ou comme adjuvant
du fumier de ferme n'a offert autant d'avantages que cette année, par
suite de la douceur exceptionnelle de la température durant tout l'hiver
qui a permis aux larves, vers, insectes de toute nature, ennemis de la
betterave, de vivre, de se reproduire et de pulluler dans les terres, où
ils vont exercer leurs ravages, aussitôt qu'ils trouveront de jeunes plantes
et de tendres racines à leur disposition.
Un des meilleurs moyens de les combattre efficacement, est de les
abreuver d'engrais chimiques, qui ont sur eux une action délétère. Nous
avons déjà signalé ce fait dans d'autres circonstances, et croyons le
moment venu de le rappeler, certain qu'il sera plus facile de prévenir
le mal dont nous parlons que de le combattre lorsqu'il se sera déclaré.
996 AGRONOMIE
M. XAMBEÏÏ
Professeur nu Collège de Saintes.
TRAITEMENT DES VIGNES PHYLLOXÉREES "1
(EXTRAIT DU PnOCfcs-YEltBAL.)
— Séance du 30 août 1877. —
M. Xambeo donne des renseignements sur l'application du sulfure de car-
bone dans le traitement des vignes phylloxérées ; il s'occupe spécialement des
vignes de petit rendement. Il conseille d'employer un mélange de sulfure de
carbone et de savon (parties égales). Dans ces conditions, l'évaporation du
sulfure de carbone demande cinq jours, et son action, ainsi prolongée, est
puissante contre l'insecte; la dépense est de 70 à 80 fr. par heclare, tandis
que les cubes Rohart et les sulfo-carbonates reviennent à 200 ou 220 fr. pour
la même superficie.
DISCUSSION
M. IUillou a opéré aussi avec le sulfure de carbone; d'après lui, on peut
chercher à avoir une action plus rapide du sulfure de carbone, sans danger
pour la plante, en opérant l'hiver.
CAPITAINE. - LES SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE COMMERCIALE 997
14° Section
GÉOGRAPHIE
Président M. LEVASSEUR, Membre du l'Institut, Professeur au Collège de
France.
Vice-Président M. l'abbé DURAND., Professeur à l'Université libre de Paris.
Secrétaire M. le Docteur H. DB VILLENEUVE, lauréat de l'Institut.
Vice-Secrétaire. ..... M. CAPITAINE, Membre de la Société de géographie commerciale
de Paris.
M. CAPITAINE
Secrétaire général de l'Œuvre de la colonisation de l'Algérie par les enfants assistés de Kranre.
LES SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE COMMERCIALE ET LEUR UTILITÉ POUR L'EXTENSION
DU COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE (I).
— Séance du 24 août IS77. —
De toutes les sciences qui ont pour but l'étude delà nature, il n'en est peut-
être pas de plus utile que la géographie. Toutes les autres connaissances pren-
nent sur elles, de près ou de loin, leur point d'appui, et elle forme comme
une sorte de pivot autour duquel gravite l'humanité tout entière. Cependant
par une bizarrerie inexplicable, la géographie a été longtemps considérée dans
nos écoles comme un hors-d'œuvre : il n'était pas défendu de l'apprendre,
mais on ne l'enseignait pas. Il fallut les plus affreuses calamités pour nous
réveiller de notre torpeur, et à cette longue période d'atonie a succédé une
louable activité. La géographie est non-seulement l'étude de la configuration
des terres, de la direction des montagnes et des bassins qu'elles enserrent,
mais encore et surtout la connaissance des productions variées que la Provi-
dence a partout réparties avec une si riche et si inépuisable fécondité. De
cette diversité de produits est né le commerce, et par une dérivation facile à
comprendre, le même jour, prenait naissance, inconsciemment, il est vrai, la
!1) Le Mémoire in extenso a paru dans Y Exploration, 24 août 1878.
908 GÉOGRAPHIE
géographie commerciale, c'est-à-dire la mise en pratique, la mise en valeur
de la géographie physique du globe. 11 est facile de comprendre de quelle uti-
lité peut être, pour le commerce, la géographie ainsi entendue : elle apprend à
connaître les propriétés des produits naturels, elle apprend surtout à con-
naître leur prix de revient, leur culture, leur mise en œuvre, et enfin les
bénéfices qu'ils peuvent et doivent procurer.
Pour obtenir ce résultat, il fallait la possibilité d'un échange d'idées dont la
conséquence est la création de sociétés de géographie commerciale, institviées
pour concourir au développement des entreprises commerciales de la France
sur tous les points du globe, étudier les voies de communication existantes
ou à créer, signaler les richesses naturelles et les procédés manufacturiers
utilisables pour le commerce et l'industrie, enfin se préoccuper de toutes les
questions relatives à la colonisation et à l'émigration. Ce ne sont donc pas des
sociétés platoniques, mais bien des œuvres toutes pratiques, ayant pour devise
le mot progrès, et pour but l'accroissement de la richesse nationale. Il faut
enfin bien se pénétrer de cette idée que l'étude de la géographie commerciale
est aujourd'hui un des plus sûrs moyens de richesse et de domination, et son
objectif est assez vaste pour satisfaire les imaginations les plus ambitieuses et
les plus difficiles. On a dit qu'en politique l'audace était une vertu indispen-
sable : je n'en sais rien, mais ce dont je suis certain, c'est que l'audace
appuyée sur l'expérience et le savoir est pour le négociant le plus sûr moyen de
réussir. Eh bien ! cette expérience et ce savoir, il les acquerra par la créa-
tion de sociétés de géographie commerciale.
M. l'abbé DÏÏB.AO
Professeur à l'Université libre de Paris
LE MONTENEGRO.
(E\TRAIT du procès-verbal.]
. — Séance du 24 août 1S77. —
M. l'abbé Durand fait une description du Monténégro qu'il étudie aux deux
points de vue essentiels de sa géographie et de son histoire. 11 passe en revue
les mœurs, les coutumes et les légendes de ce petit peuple dont l'histoire n'est
autre chose qu'une lutte perpétuelle contre ses voisins sans exception, et,
par une curieuse esquisse des révolutions qui l'ont agité, il fait à grands traits
la topographie du territoire de la montagne Noire et il montre les trois endroits
vulnérables qui ont amené plusieurs fois, et toujours avec l'aide de la trahison,
l'ennemi dans le coeur même dii pays. Il l'ail un tableau saisissant des torrents
qui ravagent plutôt qu'ils n'arrosent le Monténégro, et il montre que l'habitant
de cette contrée déshéritée ne pouvant être ni industriel ni cultivateur, empê-
ché qu'il en est par des préjugés séculaires, s'est jeté dans le brigandage vers
COQUELIN. — LA COLONISATION ET L'ÉMIGRATION 9!)9
lequel d'ailleurs le poussent toutes ses aspirations. M. l'abbé Durand termine
son travail par une description pittoresque et humoristique de la plaine de Cet
ti«-ne et de la route presque praticable aux voitures qui la relie maintenant à
ta ville autrichienne de Cattaro.
M. COQÏÏELO
LA COLONISATION ET L'ÉMIGRATION (1]
(EXT1U1I M PROCi B-VBBBAL.)
— Séance du 23 août 1877. —
M. Coquelïn fait une communication dans laquelle il démontre que la ma-
rine marchande et la colonisation sont deux questions dépendantes l'une de
l'autre, et que répandre la colonisation , c'est chercher à restaurer la marine
marchande. 11 fait voir que la colonisation ne peut être entreprise et menée à
bonne fin aujourd'hui qu'au moyen de sociétés coopératives empruntant un
capital, lequel capital servirait aux sociétés aussi bien à coloniser qu'à établir
une ligne de navires pour desservir les points colonisés.
DISCUSSION
Après cette lecture, M. Rokiirig fait quelques remarques sur les difficultés
que rencontre l'émigration.
M. Coquelïn croit que la plupart des obstacles apportés à l'émigration et,
par suite, à la colonisation, proviennent de l'administration militaire à laquelle
nos colonies sont soumises ; tandis que les émigrants jouissent d'une liberté
absolue au Brésil ou à la Plata, à la Martinique ils sont sous le coup d'une
foule d'entraves.
M. Biard trouve qu'il y a une certaine contradiction entre les paroles que
vient de prononcer M. Coquelin, demandant une liberté absolue pour les
colons, et la proposition qu'il émet dans sa communication d'établir un ministère
des colonies dont la création serait toute centralisatrice et non décentralisa-
trice.
M. Coquelïn répond que le ministère des colonies qu'il réclame ne doit être
qu'un ministère de commerce.
M. Pomel repousse toute similitude entre la colonisation algérienne et la
colonisation des contrées lointaines : ces deux colonisations diffèrent absolu-
ment; d'après lui, les colonies lointaines doivent, non pas relever du minis-
tère de la marine, ni de celui des colonies s'il en existait un, mais bien
purement et simplement du ministère du commerce. Quant aux grandes com-
(1) Voir l'Exploration du 20 août 1877.
1000 GÉOGRAPHIE
pagnies possédant d'immenses concessions à l'exploitation desquelles elles con-
vient les émigrants, il les repousse absolument : elles font des hôtes et non
des colons,
M. Coquelin estime que les grandes compagnies ont seules des chances de
réussite par le chiffre des capitaux qu'elles représentent.
M. le docteur Hureau de Villeneuve fait observer que M. Coquelin recourt
à l'assistance pécuniaire de l'État, et qu'il y a là une difficulté sérieuse pro-
venant de la nécessité d'offrir à l'État une garantie effective.
M. Biard trouve que le mot garantie ne convient pas et qu'il faut le rem-
placer par celui de subvention.
M. Levasseur fait quelques observations sur différentes questions soulevées
par M. Coquelin, et, pour n'en citer qu'une, M. Coquelin se plaint d'une
diminution du travail qui, selon lui, existerait et dont la conséquence serait
une misère plus grande. Eb bien ! il n'en est rien beureusement, et toutes les
statistiques établissent d'une façon irréfutable que le travail a augmenté dans
une proportion notable et que, par suite, la fortune publique et le bien-être
général ont également progressé; c'est même là, pour le dire en passant, un
des plus sérieux obstacles qui se dressent devant l'émigration.
M. HUREAU de VILLENEUVE
Docteur en Médecine, Lauréat de l'Institut.
LA COLONISATION DE L'ALGÉRIE AU MOYEN DES ENFANTS ASSISTÉS-
— Séance du 23 août 1877. —
La colonisation chez les peuples anciens ou modernes a revêtu trois
formes principales : elle a été militaire, commerciale ou pénitentiaire.
Jusqu'à la fin du siècle dernier, quelle que fût la constitution des colonies,
elles se trouvaient vis-à-vis de la nation colonisante dans un état de
sujétion complet. Toute colonie était destinée à fournir à la mère-patrie
des richesses ou des hommes, mais n'avait aucune part dans l'action
politique.
Depuis la déclaration de l'indépendance des Etats-Unis, le régime
politique a été modilié pour une partie des colonies de la Grande-
Bretagne.
Si les colonies françaises actuelles sont toujours vis-à-vis de la mé-
tropole dans un état d'infériorité politique, au moins elles ne sont plus
un champ d'exploitation, et l'Algérie, par exemple, a bien plus coûté à
la France qu'elle ne lui a rapporté.
H. DE VILLENEUVE. — LA COLONISATION DE L* ALGÉRIE 1001
Avant 1830, jamais aucun peuple ne semble avoir encore organisé la
colonisation au moyen des entants assistés.
Cela tient ù plusieurs causes. Chez les peuples où la propriété est mal
définie, tout entant né sur la commune jouit des mêmes bénélices que
les autres habitants de cette commune. Chez les Arabes, chez les Russes,
chez les Indiens, peuples où la propriété territoriale appartient à la
commune, la position d'entant assisté n'existe pas. Mais à mesure que
la propriété se divise et se précise, l'entant assisté, placé en dehors de
la propriété foncière, se trouve dans une position de plus en plus dis-
tincte de celle des antres entants.
L'émigration des gens de la campagne vers les villes est causée en
grande partie par la non possession de la terre.
Il est rare de voir le propriétaire agriculteur quitter définitivement la
terre qui le nourrit; c'est l'ouvrier des champs qui, espérant devenir ni-,
jour propriétaire, arrive dans les villes, afin d'y trouver un plus tort
salaire et retourner ensuite dans son village pour y acheter de la terre.
C'est ce que nous voyons taire par les Auvergnats et les Savoyards qui
rentrent chez eux pour devenir propriétaires fonciers.
L'émigration semble, au premier abord, résulter du déversement pro-
venant d'un pays où se trouve un trop plein de population et des res-
sources insuffisantes, pour se rendre dans un autre pays où se trouvent
peu d'habitants et un excès de ressources.
Pourtant chez tous les peuples d'Europe l'émigration des campagnes
vers les villes, continue produite par la recherche des salaires élevés.
Mais chez tous les peuples d'Europe aussi, la plus grande production des
enfants assistés correspond à l'exagération de la centralisation.
Je ne veux pas dire que ce soit un malheur: je trouve le nombre des
enfants assistés insuffisant; caril faut reconnaître que lorsque le nombre
de ces enfants diminue dans les villes, c'est que le nombre des infanti-
cides augmente. J'ai donc l'espoir que de plus grandes facilités offertes
à leur admission dans les établissements hospitaliers diminueront le
nombre des infanticides et augmenteront le nombre des enfants assistés.
Tel qu'il est en France, le nombre des individus actuellement existants
qui ont été élevés par la charité publique s'élève à trois cent mille.
Il est intéressant de comparer ce chiffre de trois cent mille avec celui
de deux cent cinquante mille qui représente en Algérie la proportion de
la population française. En effet, si les enfants assistés de France avaient
été transportés et acclimatés en Algérie, l'élément européen aurait plus
que doublé.
Or quelle est la cause de la mauvaise organisation actuelle de l'Algérie?
L'insuffisance de l'élément européen.
La nécessité de résister à l'élément indigène, plus important comme
nombre, a forcé l'administration à placer le pays sous le régime militaire,
1002 GÉOGRAPHIE
qui lui-même est incompatible avec une bonne colonisation agricole et
industrielle.
Il est donc important d'augmenter le nombre des Français en Algérie,
afin que le nombre des Européens soit suffisant pour permettre de modi-
fier l'organisation militaire
Un grand nombre de moyens ont été essayes pour la colonisation de
l'Algérie et il faut reconnaître qu'ils ont peu réussi.
D'abord les colonies militaires du maréchal Bugeaud, puis les colonies
pénitentiaires, puis enfin l'émigration alsacienne. Il est certain qu'aucun
de ces procédés n'a produit le résultat qu'on en attendait.
La colonisation par les enfants assistés a été également commencée
en Algérie, mais elle n'a pas donné de résultats pour la France par suite
de la manière dont elle a été l'aile.
Dans les entreprises de colonisation qui ont été tentées, un terrain ayant
été concédé à une association, celle-ci a pris des enfants, les a élevés, et
a gardé ses pupilles comme ouvriers sans jamais les considérer comme
des égaux. Aussi les enfants devenus adultes ont trouvé leur condition
insuffisante et comme il y avait dans le pays même des agents de colo-
nisation pour l'Amérique, ils sont partis pour les pays lointains, où ils
trouvaient une position plus avantageuse. On peut dire que les associa-
tions, qui élèvent des enfants assistés en Algérie, forment des colons pour
la Plata.
Il ne s'agit donc pas seulement de prendre les enfants assistés et de
les élever; il faut encore les attacher au sol. Un seul moyen peut con-
duire à ce résultat: les rendre propriétaires. Il faul que les terrains, que le
gouvernement colonial concédera à une société, soient rétrocédés par par-
celles aux enfants élevés par cette société.
Or, au point de vue purement financier, l'affaire n'est pas mauvaise.
Dès l'âge de treize ans, Jes enfants peuvent presque se suffireen Algérie.
Si l'on commence avec des enfants de eel âge el qu'on continue en abais=
sant graduellement l'âge d'entrée, la société pourra au bout de quelques
années se suffire à elle-même. Mais, si l'on considère la question d'accli-
matation, on voit que le meilleur âge est l'époque de la deuxième den-
tition.
Si l'on veul introduire des enfants de cet âge, il faut avoir recours à
la générosité publique. C'est ce qu'a voulu commencer la société qui
a pris le nom d'Adoption algérien ne et qui estprésidée parM. le sénateur
Foucher de Careil. Il y a lieu d'espérer que la colonisation entreprise
dans ces conditions donnera des résultats utiles à la France : d'une part,
en lui enlevant des enfants, dont beaucoup deviendraient de mauvais
sujets, et d'autre part en augmentant en Algérie l'importance de l'élé-
ment français .
Il . DE VILLENEUVE: — LA COLONISATION DE L' ALGÉRIE 1003
L'Adoption algérienne élèvera des garçons el des filles el s'efforcera de
les attacher au sol on favorisant leurs mariages.
On sait qu'en Algérie le service militaire a' esl «ju<* «l'un an.
Il va lieu d'espérer que les jeunes gens qui auront été élevés dans ce
pays, qui y auront été soldats, qui y seront mariés et propriétaires s'at-
tacheront à leur nouvelle patrie et feront le noyau d'une solide coloni-
sation sédentaire.
DISCUSSION
M. Pomel partage absolument les idées de M. llureau de Villeneuve; il a
la conviction que l'Algérie est le pays où les enfants sont sûrs de rencontrer
les meilleures conditions d'acclimatation; d'ailleurs, étant tous sans famille,
presque sans patrie, ils n'auront rien à regretter derrière eux et ils s'habi-
tueront mieux que tous autres à l'Algérie. Le seul point difficultueux esl la
question financière, c'est-à-dire le moyeu d'arriver à réaliser le magnifique
programme de l'œuvre de l'Adoption algérienne.
M. Levasseur demande si les essais de ce genre, tentés déjà en Algérie,
ont obtenu des résultats favorables et quelles sont les parties de notre posses-
sion algérienne qui se prêteraient le mieux à la création d'établissements
hospitaliers.
M. Pomel pense qu'il w peul y avoir de régie absolue à cet égard ; en
général, plus un pays est humide, et moins les conditions sanitaires y sont
favorables, et les trois départements qui forment l'Algérie présentent tous
des points très-heureusement doués pour la colonisation. Quant aux popu-
lations de la France qui s'acclimatent avec le plus de facilité, avec la moindre
perte, on a remarqué qu'elles provenaient presque toutes des régions avoi-
sinant la Méditerranée.
M. Coquelin fait remarquer que nous poussons peut-être trop loin en
France, pour nos questions coloniales, cette crainte du danger provenant de
la différence du climat.
M. Pomel établit au contraire que, dans le cas particulier dont il s'agit, la
question de salubrité esl essentielle et domine tout.
M. l'abbé Durand, tout en partageant cet avis pour le cas d'établissements
du genre de ceux que veut fonder l'Adoption algérienne, pense cependant
comme M. Coquelin que nous nous faisons trop souvent un épouvantait de
l'insalubrité exagérée des régions tropicales.
1 00 i GÉOGRAPHIE
M. B.ŒHBJG
Professeur à l'École supérieure de Commerce et d'Industrie de Bordeaux.
MÉTHODE D'ENSEIGNEMENT PROPOSÉE POUR L'ÉTUDE DES MARCHANDISES OU
PRODUITS COMMERCIAUX NATURELS ET MANUFACTURÉS
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DE CES PRODUITS
— Scan ce du 23 août 18 7 7. —
L'étude des marchandises, au point de vue du commerce et de l'in-
dustrie, est une science nouvelle dont l'utilité s'impose de plus en plus
à mesure que le commerce s'étend et que l'industrie grandit.
En disant science nouvelle, nous entendons affirmer qu'elle est de date
récente comme enseignement scolaire ; car cette science a de tout temps
eu cours, dans les limites de leurs spécialités, chez les négociants et les
iudustriels.
En réunissant les tronçons épars, on eu a l'ait une étude d'ensemble
à laquelle on a accordé une place importante dans l'enseignement des
écoles spéciales du commerce.
On comprend, sans peine, que les méthodes presque exclusivement
pratiques des ateliers ne peuvent pas toujours cadrer avec les exigences
d'un enseignement scolaire et que des modifications sont souvent de
rigueur.
On comprend également que, malgré la part la plus large que l'on
accorde à l'examen pratique de telle marchandise, cette marchandise ne
pourra être connue, dans ses variétés et ses assortiments, que d'une
manière approximative, et que l'école ne peut donner ce qui ne peut
s'acquérir que par une longue fréquentation des marchés.
Mais si l'enseignement scolaire est impuissant à produire un commer-
çant spécialiste, il fournit des moyens propres à le devenir promp-
tement.
N'est-il pas, en effet, probable que le jeune homme qui a reçu des
notions générales sur toutes les catégories de marchandises, aura des apti-
tudes plus prononcées pour se familiariser, sur le terrain de la pratique
commerciale, avec telle catégorie donnée, que celui qui se trouvera en
face des mêmes produits sans préparation préalable ? Ne peut-on pas
affirmer, en outre, que le premier, disposant d'une méthode d'investi-
gation sûre, sera non-seulement plus vite négociant, mais qu'il sera
aussi un négociant plus capable ?
Tous les avantages de l'enseignement scolaire des marchandises as-
sortiront par le développement de la méthode que j'ai l'honneur de pré-^
tlQEHRlG. — CLASSIFICATION DES PRODUITS COMMERCIAUX 100S
senter, et chacun pourra se convaincre que des connaissances que l'on
peut acquérir aussi commodément sont bien faites pour tenter la jeu-
nesse la plus indifférente.
Il n'est pas possible d'apprendre à connaître même superficiellement
tous les produits du commerce! — Cette exclamation de doute et de
méfiance a sonné mille fois à mou oreille. Le monde des produits com-
merciaux, œuvre de la nature et œuvre de l'homme, est en effet un
monde sans bornes, et semble t'ait pour nous égarer dans le dédale de
ses innombrables espèces et variétés. La nature nous offre un fruit, une
graine, une feuille, une racine, possédant des qualités alimentaires: aus-
sitôt le génie de l'homme les transforme, les modifie, en extrait des prin-
cipes diverset. au lieu d'une petite sériede produits naturels, nous sommes
en face d'un stock de conserves et de confits sucrés, salés ou liquoreux,
de friandises aromatisées, de pâtes séchées, etc.
Nous tirons du sein de la terre un combustible vulgaire, et voici
qu'une industrie merveilleuse en fait sortir une longue série de dérivés, se
vendant et s'achetant et, en place d'une marchandise unique, facile,
— la bouilli', — le domaine commercial est envahi par une succession
de produits curieux et délicats dont la connaissance exige une étude
patiente.
Mais bien autrement est vaste et riche en espèces l'horizon qui s'ouvre
devant nous, si nous levons le rideau de l'industrie textile et si nous
considérons ce qu'une marchandise unique, le coton brut, la toison du
mouton, ou le cocon du ver à soie, devient entre les mains des ouvriers
et par l'action des engins de filature et de tissage. De la cretonne com-
mune à la mousseline transparente que de types nombreux, que de façons
diverses ! Autant de marchandises nouvelles qui demandent leur place au
marché et leur page d'étude.
Ne creusons pas davantage dans cet abîme sans fond des transforma-
tions et des métamorphoses que l'industrie imprime à la matière première,
et arrêtons-nous simplement au classement d'un seul et même pro-
duit naturel. N'y a-t-il pas là aussi un vaste champ ouvert où s'étalent
telles catégories de substances d'une richesse de variétés qui défient
notre perspicacité?
Quel est en effet le négociant qui, s'étant livré, par exemple, toute sa
vie au commerce des vins, oserait, malgré son expérience consommée,
affirmer savoir distinguer tous les types de vins commerciaux ?
Quel est le marchand de soie qui saurait distinguer et apprécier à
leur valeur spécifique exacte les assortiments divers des soies fran-
çaises, espagnoles, chinoises, japonaises, orientales, etc. ?
Il y a, sans nul doute, des classes de marchandises dont la connais-
sance parfaite est plus à notre portée et qui ne comportent pas les
1006 GÉOGRAPHIE
variétés infinies des précédentes; mais elles sont rares, celles qui n'offrent
que des types limités et invariables.
La main de l'homme n'est-elle pas là pour forcer la nature à nous
donner des variétés nouvelles ? Nos marchés ne voient-ils pas tous les
ans des cacaos, des cafés, des olives, des canelles, etc. améliorés par
la greffe, les transplantations, les soins de la cueillette, etc.?
Si nous voulions contempler, dans toute son étendue, l'horizon ou
s'exerce l'activité commerciale et industrielle, il faudrait commencer par
l'ingénieuse intervention de l'homme dans les actes de la nature ; voir
par quels prodiges il multiplie, et modifient son profit les produits divers;
puis assister aux récoltes, aux procédés de conservation, aux triages et
classements, et enfin aux apprêts et transformations définitives qui pré-
cèdent l'usage, but final.
C'est l'usage qui indique tout ; c'est en vue de l'usage, de l'application
finale, que toutes les transformations de la matière sont entreprises, que
la production elle-même est réglée.
Trouvez une application nouvelle à un produit connu, et à l'instant
mille mains s'agiteront pour donner à ce produit la forme particulière
qui convient le mieux à l'usage nouveau.
On se butterait contre des difficultés insurmontables, en étudiant iso-
lément chaque marchandise. Quels que soient les soins que l'on mettrait
à observer et à analyser un produit déterminé , on ne pourrait jamais
apprendre à le connaître suffisamment si on négligeait de tenir compte
des points de contact qui le rapprochent des produits analogues.
L'étude devient, au contraire, aisée et fructueuse quand on procède
par série.
Toutes les sciences ont réparti les corps en séries, chacune se plaçant
à un point de vue spécial.
L'histoire naturelle prend pour base les caractères physiologiques dans
la classification des êtres de l'ordre végétal et animal.
La chimie établit ses classifications sur les lois d'affinité qui président
aux combinaisons et sur la constitution intime des corps.
La physique considère l'état, la structure, la consistance, et surtout la
manière dont les corps se comportent vis-à-vis des grands agents natu-
rels : chaleur, électricité, magnétisme.
Ces classifications sont dites naturelles lorsqu'elles sont basées sur un
ensemble de caractères, et artificielles lorsqu'on s'est servi d'un caractère
unique comme moyen de classement.
Les classifications naturelles sont les plus avantageuses pour l'étude;
elles ont le don de mettre en lumière tout un ensemble de propriétés
d'une substance par le simple fait de mettre cette substance à la place
que la méthode lui assigne.
ROBHRIG. — CLASSIFICATION DES PRODUITS COMMERCIAUX H>II7
La mieux comprise de toutes les classifications est doue évidemment
celle qui peut rapporter à une même série le plus grand nombre de
corps avant en même temps les plus nombreux caractères communs.
La classification des produits commerciaux que nous proposons esl
principalement basée sur L'emploi de ces produits. — Elle paraît être
plus rationnelle que toute autre quand on considère ces produits spé-
cialement au point de vue de l'intérêt commercial et industriel.
Elle se rencontre fréquemment avec les classifications scientifiques, car
il n'est pas rare que les substances que rapproche une similitude d'em-
plois soient également rapprochées par une analogie de caractères chi-
miques, physiques et naturels.
En tenant compte de l'origine naturelle des substances, on arrive Mi
groupement suivant :
1" GROUPE
COMBUSTIBLES
d'origine végétale
d'origine minérale : Houilles, Coke, anthracite, lignite, tourbe.
Bois , diverses matières ligneuses , telles que mottes , char-
bons de bois.
On comprend sous cette rubrique la fiente desséchée d'ani-
d'origine animale : maux domestiques employée dans certains pays comme
combustible.
I
1- GROUPE
agents d'éclairage
Pétrole. — Huile minérale et huile de schiste de toute pro-
venance. — Parafline.
Huile de colza et autres huiles grasses végétales qui servent
à l'éclairage. — Cire végétale,
d'origine animale : Stéarine, suif. — Cire d abeille.
d'origine minérale
d'origine végétale
A chacun des groupes se rapportent les matières brutes et les pro-
duits raffinés, sous toutes leurs formes, des substances ci-dessus énu-
mérées .
Ainsi le sous-groupe des agents d'éclairage d'origine minérale com-
prend les roches bitumineuses qui fournissent de l'huile de schiste par
distillation ; le canne! et le boghead et certains lignites qui fournissent
de la paraffine. Et, comme produits manufacturés, toutes les variétés
d'huiles minérales et de pétroles raffinés, ainsi que des bougies paraffiques.
Le sous-groupe des agents d'éclairage d'origine végétale comprend,
comme matières premières, les graines oléagineuses qui servent à
extraire les diverses sortes d'huiles que l'éclairage utilise et les huiles
brutes à côté des échantillons raffinés, et enfin, à côté de la cire, figurent
les cierges.
Tous les autres groupes sont organisés d'après ces mêmes principes.
1008 GÉOGRAPHIE
3' GROUPE
MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION
„ . . ... ( Calcaires ordinaires, marbres, grès, granits, ciments, gypse.
d origine minérale :
f ardoises, etc.
„ . . , \ Bois de toute sorte servant dans les constructions archi-
d origine végétale : ,,.,.,
■ tecturales (1).
SOUS-GROUPE
MATIÈRES PREMIÈRES SERVANT DANS LA SCULPTURE
( Marbres, onvx, albâtre calcaire, albâtre gvpseux, grès fins,
d'origine minérale : j ....
° f lignite.
d'origine végétale : Bois fins de toute, sorte.
d'origine animale : Ivoire, dents, os.
4< GROUPE
MATIÈRES PREMIÈRES SERVANT DANS LART CÉRAMIQUE
Ces matières sont exclusivement offertes par le règne minéral.
Kaolin. — Types divers de terres plastiqués fines et communes servant à la confec-
tion de : Porcelaines, faïences, poteries communes, articles en grès cuit, tuiles,
briques, tuyaux de conduite d'eaux, etc.
ft« GROUPE
MATIÈRES PREMIÈRES MISES AU SERVICE DE LA CRISTALLERIE ET DE LA VERRERIE
Ces matières sont exclusivement offertes par le règne minéral.
Sable silicique. — Sels de soude, de potasse, de chaux, de baryte; oxydes et sels
qui entrent dans la composition du verre coloré et du cristal.
6e GROUPE
MATIÈRES SERVANT DANS L'AGRICULTURE : K.NT.R VIS ET AMENDEMENTS.
v Phosphates fossiles, guano, sels ammoniacaux, sels potassiques,
d'origine minérale : , , .
t calcaire, gypse.
Le guano et les phosphates fossiles sont des matières animales minéralisées.
d'origine végétale : Cendres de bois, terreau des forêts (terre de bruyère).
d'origine animale : Os triturés et dégraissés, noir d'os, ergots, plumes.
Les engrais de ferme se composant de la litière et des déjections des animaux
domestiques, renferment à la fois des éléments d'origine animale et d'origine végétale.
7e GROUPE
MINERAIS MÉTALLIQUES ET MÉTAUX CORRESPONDANTS. OU MATIÈRES PREMIÈRES ET PRODUITS
FABRIQUÉS DE L'INDUSTRIE MÉTALLURGIQUE
Les métaux doivent figurer dans ce groupe avec toutes leurs formes commerciales, et
les objets ouvrés en métaux doivent y être représentés en variétés aussi nombreuses!
que possible.
I Les bois pour constructions mécanique;.
\ — — d'ébéoisterie et de menuiserie.
(D A celle catégorie se rattachent : ■. _ _ de chaiTOnnagu.
( — — de tonnellerie.
R0E1IRIG. — CLASSIFICATION l»Ks PRODUITS COMMERCIAUX. 100λ
8» GROUPE.
MATIÈRES PREMIÈRES ET PRODUITS FABRIQUÉS DE L'INDUSTRIE CHIMIQUE.
DaDs ce groupe reparaissent, en grande partie, les minerais et les métaux comme
servant à la génération de sels, d'oxides, <l acides, etc.
Les trois règnes naturels contribuent à former ce groupe; le règne inorganique y
est de beaucoup le plus largement représenté; cependant les règnes organiques y
Bgurenl aussi très-avantageusement par certains produits du plus haut intérêt; tels
son! dansl'ordre végétal: les séries acétique, tartrique, citrique, oxalique, tannique
— le quinquina, l'opium, la noix vomique et leurs alcaloïdes, et, ilans l'ordre
animal : le phosphore, la gélatine el les matières grasses. Ces dernières matières
sont chimiquement transformées en stéarine el en savon.
Sur la limite des matières minérales et «les matières organiques se placent les
produits chimiques delà houille; la houille étant une matière végétale minéralisée.
Les dérivés du cyanogène doivent aussi être classés sur la limite des séries miné-
rales et végétales bien délinies.
9» GROUPE.
MATIÈRES COLORANTES OU TINCTORIALES.
.... ... { Outre-mer, bleu de Prusse, bleu de Cobalt,
(I origine minérale. .
f chromâtes.
Couleurs d'aniline entre les deux séries minérale et végétale.
£ Matières colorantes, brunes et noires,
t galles, cachou, dividivi, sumac, etc.
i Matières colorantes jaunes: quercitron,
d'origine végétale se 1 -° j bois jaunes, gaude, etc.
sous-divisent en ^ < Matières colorantes rouges: garance,
' bois rouge, etc.
t Matières colorantes bleues : indigo,
l etc.
d'origine animale : cochenille, kermès, etc.
Des échantillons d'étoffes teintes figurent à coté des matières qui ont fourni les
couleurs.
10e GROUPE.
MATIÈRES TANNANTES ET PRODUITS FABRIQUÉS DE LA TANNERIE, DE LA MÉGISSERIE
ET DE LA MAROQUINERIE
Dans les matières tannantes reparaissent la plupart des produits qui constituent le
groupe des matières colorantes brunes et noires. Ce groupe renferme aussi tous les
autres ingrédients qui servent à la préparation des cuirs et des peaux, à leur mise en
couleur, à leur apprêt, etc..
11e GROUPE.
MATIÈRES ALIMENTAIRES A L'USAGE DE L'HOMME.
Sel de cuisine, eau de source, certaines eaux
minérales.
1" série. Céréales.
2e série. Légumes proprement dits.
r Alimentsféculents ou amylacés com-
3e série. ] prenant: tapioca, sagou, arrow-
\ root, pommes de terre, marrons, etc.
4e série. Fruits alimentaires.
64
d'origine minérale .
d'origine végétale.
1010 GÉOGRAPHIE
La série des céréales est complétée par les produits de la minoterie et de la ver-
micellerie.
Les séries des légumes et des fruits sont complétées par des conserves de toute
sorte.
L'amidonnerie et la féculerie se rattachent aussi à ce groupe, comme demandant leurs
matières premières à la lrc et à la 3e série, et complétant ces séries par leurs produits
fabriqués.
Viande, œufs, miel, principes gras, principes
d'origine animale. . .
( gélatineux, fromage.
( Vin, cidre, poiré, bière, eaux de-vie diverses,
Liquides alimentaires. ] , t
( liqueurs de toute sorte.
Denrées qui sont à la fois nutritives, t _ ., ._,
i Café, the, cacaos,
stimulantes et toniques. «
Produits qui entrent dans l'alimenta- l „ .
1 j Epices et aromates,
tion de l'homme comme accessoires. (
12e GROUPE.
MATIÈRES PREMIÈRES ET PRODUITS FABRIQUÉS DE L'INDUSTRIE SCCRIÈRE.
e groupe comprend les spécimens des diverses plantes sucrières qui alimentent
cette industrie. Les sucres bruts, les sucres raffinés, les bas produits de la fabrication,
ainsi que les produits accessoires, tels que : rhum, tafia, alcool.
13e GROUPE.
MATIÈRES ALIMENTAIRES A L'USAGE DES ANIMAUX DOMESTIQUES.
Ce groupe est formé' par les graines farineuses et les issues et déchets de la mino-
terie. Les fourrages verts sont représentés par les graines des plantes qui les four-
nissent et qui sont principalement des légumineuses et des graminées.
On y représente également les déchets de certaines usines, tels que la drèche des
brasseries, les pulpes épuisées de la betterave sucrière, etc..-
14e GROUPE.
MATIÈRES GRASSES.
d'origine végétale. Huiles végétales de toutes provenances, suif végétal.
Huile animale, huile de poissons et de cétacés, graisse,
d'origine animale. ,
suit, beurre
Les matières de ce groupe alimentent deux grandes industries, qui doivent être re-
présentées par les produits fabriqués et les matières premières qu'elles mettent en
œuvre. Ces industries sont: la stéarinerie et l'industrie savonnière.
L'huilerie y est représentée comme industrie préparatoire.
Dans ce groupe se trouvent, comme matières premières de l'huilerie, les nombreuses
graines et fruits oléagineux dont une petite série figure aussi à côté des huiles
d'éclairage dans un autre groupe.
15e GROUPE.
PRODUITS D'EXSUDATION DE NATURE GOMMEUSE, RÉSINEUSE ET GOMMO-RÉSINEUSE.
Ce groupe est très-riche. Il comprend les gommes solubles dont les types sont des
gommes d'Arabie et du Sénégal; les gommes insolubles, qui ont pour types les
gommes adragantes.
Les résines indigènes et exotiques caractérisées par leur solubilité dans l'alcool et
ROEIiniC. — CLASSIFICAT ON DES PRODUITS COMMERCIAUX 1011
leur insolubilité dans l'eau. Les matières c plexes renferment à la fois des prin-
cipes gommeux et résineux. —La gutta-percha et le caoutchouc ont été rattachés à ce
groupe malgré leur nature spéciale qui les éloigne et des gommes et des résines.
Mais en considérant leur manière de se produire par exsudation, on ne peut pas leur
assigner une place plus rationnelle.
Les essences odorantes ou huiles essentielles constituent un groupe annexe au groupe
précédent. La localisation de ces principes dans les tissus végétaux les rapproche des
produits fournis par exsudation spontanée ou par incision. Une autre considération
qui a également sa râleur, c'est l'emploi. Toutes ces matières : gommes, résines,
caoutchouc, essences, se rencontrent en maintes circonstances dans les applications
journalières.
16° GROUPE.
TKXTIl .1 s.
D'origine végétale : lin, chanvre, coton, jute, etc.
d'origine animale • laine, soie, poil de chèvre, etc.
Indépendamment îles textiles de l'ordre végétal ci-dessus mentionnés , ce sous-
groupe comprend toutes les fibres végétales utilisées pour la corderie et l'article
emballage, dont les plus remarquables sont la libre d'aloès, le phormium tenax et le
china-grass. On y rapporte aussi les végétaux à rameaux flexibles : osiers, joncs et
autres qui sont employés à la confection d'objets d'art et pour tresser des embal-
lages grossiers.
17» GROUPE.
DROGUES MÉDICINALES.
Les trois règnes fournissent d'abondantes matières à la droguerie pharmaceutique;
on peut les classer en les séparant d'abord suivant leur nature organique ou inorga-
nique; puis sériant suivant leurs qualités dominantes les produits de chaque classe
naturelle.
Un certain nombre de matières qui figurent dans le groupe des produits chimiques
reparaissent ici; telles sont : le quinquina, l'opium, la noix vomique et leurs dé-
rivés, etc..
C'est dans une petite série très-naturelle de ce groupe, — les narcotiques, — que le
tabac trouve sa place.
En considérant attentivement les titres de nos groupes, on peut se
convaincre que tout objet naturel et manufacturé y trouve immédiate-
ment sa place.
On aura donc la plus grande facilité, dans une collection, quelque
vaste qu'elle soit, dans laquelle les produits se trouvent rangés d'après
notre méthode, et on reconnaîtra que c'est là un avantage réel pour les
visiteurs qui peuvent, sans perte de temps et sans recherche fatigante,
se diriger directement vers la série qui doit sûrement renfermer l'objet
recherché.
Comme champ d'étude, les élèves des écoles spéciales de commerce
et d'industrie ne trouvent pas seulement, dans une collection ainsi orga-
nisée, la facilité des recherches, mais aussi un moyen d'exercice efficace.
Chaque objet étudié se trouvant au milieu de ses congénères, dont un
court examen révèle les analogies et les différences.
1012 GÉOGRAPHIE
C'est en vue de l'enseignement spécial des écoles de commerce et
d'industrie que la classification méthodique des produits commerciaux
a été entreprise.
Les négociants et les industriels ont besoin de connaître les marchan-
dises à plus d'un point de vue. D'abord, par leurs caractères distinctifs,
par leurs analogies, leurs signes de bonne qualité, — leurs aptitudes à
se conserver plus ou moins bien, — et les causes d'altérabilité ; les pro-
priétés essentielles qu'exigent les divers emplois.
Il faut qu'une marchandise brute puisse être appréciée par le vendeur
et par l'acheteur au point de vue de la quantité réelle des matières
utilisables qu'elle renferme : c'est-à-dire qu'elle puisse être dosée ou
titrée par les moyens usités et qui, suivant la nature de la matière,
sont : les uns mécaniques, les autres chimiques ou physiques.
Il faut enfin que les commerçants et les manufacturiers soient à
même de déceler les fraudes auxquelles certaines denrées sont exposées.
Grâce à une étude d'ensemble, facilitée par le groupement méthodique
que nous avons établi, ces diverses notions peuvent s'acquérir sans trop
d'efforts en un temps relativement court.
L'étude proprement dite des marchandises est complétée par des no-
tions de géographie consistant essentiellement dans la connaissance des
lieux de production, des matières premières, ainsi que des centres
manufacturiers qui transforment ces matières, et aussi des moyens divers
de transport et de communication.
Dans cette deuxième partie l'avantage d'un groupement bien ordonné
des produits est également mis en évidence et ressort d'une manière
très-manifeste sur les planisphères que nous avons dressés et dont
chacun représente les lieux de production et de consommation des pro-
duits d'un seul groupe. — On veut connaître, par exemple, toutes les
contrées du globe qui produisent du poivre: on ouvre l'atlas au feuillet
des épices, et l'on trouvera marqué d'un signe, inscrit à la légende,
toutes les régions du monde qui fournissent cette denrée. — On vou-
drait connaître tous les pays qui cultivent le cotonnier : on les trouverait
marqués d'un signe particulier sur le planisphère qui représente les
textiles d'origine végétale. — Et afin que tous les détails puissent être
fournis avec précision et que cette étude utile soit aussi complète que
possible, un atlas, se composant de cartes particulières, est annexé à
l'atlas des planisphères.
Cette manière de procéder nous a permis pour les pays dont l'acti-
vité commerciale et industrielle est très-grande, — comme c'est le cas
pour l'Angleterre, la Belgique, la France, etc.. — d'indiquer le siège
exact des exploitations diverses et de n'omettre aucune donnée utile.
HERTZ. — EXPLORATION DE M. DONNAT DANS LA GUINÉE 1013
• M. MAÏÏNOIK,
Secrétaire général de la Société de géographie de Paris.
VOYAGE DU BOUDHISTE NACKING DANS LE THIBET.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du SS août 1877. —
M. Maunoir fait un très-curieux récit des voyages du boudhiste Nacking
dans le Thibet, voyages qui embrassent un itinéraire de 2,000 kilomètres
avant lui presque absolument inconnu. En somme, il fait un tableau très-
pittoresque, mais peu engageant, des populations qui habitent ces vastes
contrées du nord de l'Himalaya : elles sont pauvres, pillardes, et poussent le
fanatisme jusque dans ses dernières limites.
L'altitude moyenne de ce pays est comprise entre 3,000 et 5,000 mètres. Le
voyageur a relevé plusieurs pics qui atteignent 6,500 et 7.900 mètres de hau-
teur. Le fait entièrement nouveau est la probabilité, presque transformée en
certitude, que le Jarkivu ne serait autre que la tête même du Brabmapoutra.
C'est là un fait d'une importance capitale pour le développement ultérieur des
relations de l'Inde avec le Thibet. En outre, Nacking a fait 276 observations
de latitude et 497 observations d'altitude. [Enfin, en terminant son remar-
quable exposé, M. Maunoir exprime l'espoir que, grâce à un traité tout récem-
ment conclu entre la Chine et l'Angleterre, le parcours sera désormais libre
dans toute la province thibétaine.
M. CL HEETZ
EXPLORATION DE M. BONNAT DANS LA GUINEE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 27 août 4877. —
M. Ch. Hertz entretient la section des dernières explorations encore inédites
faites par M. Bonnat, dans la Guinée. M. Hertz résume les deux premières
expéditions de ce jeune et hardi pionnier qui fut pour ses débuts réduit en
esclavage par les Àchantis et qui dut passer cinq ans dans les environs de
Coumasie, jusqu'à ce que l'expédition anglaise vînt lui rendre la liberté. On
devait déjà à M. Bonnat la reconnaissance du fleuve le plus important de la
côte de Guinée, après le Niger, le Nolta, qui conduit à Balaya, le plus grand
1014 GÉOGRAPHIE
marché connu de l'Afrique occidentale. L'expédition actuelle de M. Bonnat a
pour projet l'exploration des régions aurifères de la Côte-d'Or, région circons-
crite à une certaine distance du littoral et que se proposent d'exploiter deux
compagnies importantes, l'une anglaise, l'autre française. Cette région est
intéressante, non-seulement au point de vue de sa richesse aurifère, mais aussi
en raison de nombreuses essences végétales qui sont encore entièrement inex-
ploitées.
M, GBAVIEB,
Membre de la Société des Antiquaires de Rouen.
GÉOGRAPHIE DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE SOUS LES ROMAINS.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 27 août 1877. —
M. Gravier fait un exposé de la géographie du département de la Seine-
Inférieure sous les Romains. Il pense que la population de ce territoire comp-
tait à cette époque 200,000 âmes ; il base ce chiffre sur de nombreux travaux
qu'il a été obligé de faire pour l'établir. Le département delà Seine-Inférieure
était alors partagé en quatre subdivisions absolument romaines et les noms
successifs de ces subdivisions ont été fournis par la découverte de médailles et
de pièces de monnaies. L'auteur fait une longue dissertation. Lillebonnc est
le nom que cette ville portait sous la domination des Césars; d'après lui le
nom de Calidum, que l'on a cru longtemps être affecté à Lillebonne, revien-
drait de plein droit à Caudebec, ou plus justement à un point situé
au-dessus de Caudebec, près du mont Calidu. Il est persuadé que si l'on
faisait des recherches en ce point, on ne saurait manquer de faire d'im-
portantes découvertes archéologiques. 11 parle en passant, des monuments
druidiques, des pierres levées, qui sont encore entourés d'un certain respect
de la part des habitants des campagnes.
DISCUSSION.
A l'occasion du mot « monument druidique » employé par M. Gravier,
M. le général Parmentier fait observer qu'on n'admet plus aujourd'hui que les
dolmens soient des pierres celtiques. On en rencontre des types dans beau-
coup d'endroits où jamais les Celtes n'ont pénétré, en Amérique, par exemple.
On ne dit pas pierres druidiques, mais bien monuments mégalithiques, ces
pierres étant l'œuvre de peuples préhistoriques qui ont précédé de beaucoup
l'invasion des Celtes et qui ont absolument disparu.
M. Levasseur appuie cette observation qui est admise sans conteste.
PARHSNTIER. — SUR l/ORTHOGRÀPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 101S
M. le Général PAMENTIER
QUELQUES OBSERVATIONS SUR L'ORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES
— Séance du 27 août 1877. —
I. Le but que je me propose, en soumettant à la section de Géogra-
phie de l'Association française pour l'avancement des sciences les obser-
vations qui vont suivre, c'est d'attirer l'attention sur une infériorité
réelle et fâcheuse de la cartographie et de la chorographie françaises,
et de contribuer à la taire cesser le plus tôt possible.
Pour les noms de lieux, de peuples ou de peuplades, les Allemands
ont une orthographe allemande, les Anglais, une orthographe anglaise,
les Italiens, une orthographe italienne. Seuls, les Français n'ont point
de règles d'orthographe en géographie, et ils empruntent, dans un pêle-
mêle et une contusion qui parfois frisent le ridicule, la manière d'écrire
des Allemands ou des Anglais, suivant la source où ils puisent leurs
renseignements. 11 suffit de comparer diverses cartes françaises des mêmes
contrées, ou de suivre sur une de ces cartes une relation de voyage, ou
encore de lire les journaux (et même les revues spéciales), dans les mo-
ments où quelque événement politique attire l'attention générale sur une
contrée particulière du globe, pour être frappé de ces diversités orthogra-
phiquesqueriennejustilie. Actuellement, par exemple, où tous les journaux
s'occupent des graves événements qui se passenten Orient, on trouve les or-
thographes les plus disparates, non seulement dans les différents journaux,
•mais encore dans les différents articles d'un même journal. On écrit Routs-
chouk, Routchouk, Rutschuk, Rustschuk et rarement Roustchouk qui
est la vraie orthographe (1). De même, on écrit Bazardschick, Bazard-
chyk pour Bazar djik ; Dobrutscha, Dobrudscha, Dobroutcha pour Do-
broudja ; Schumla, Schoumla, Shumla pour Choumla ; Tschernawoda pour
Tchemavoda ; Tirnowa, Widin, pour Tirnova, Vidin, etc. Les géographes et
les cartographes ne font pas mieux que les journalistes. N'est-il pas impar-
donnable de leur voir employer des orthographes véritablement barbares,
où, par exemple, le djim (^) arabe ou turk, qui est exactement rendu
en français par dj, est représenté par dsch ou dch comme dans Dobrou-
dscha, Dschoumaya, Bazardchick, etc. ? N'est-il pas plus impardonnable
encore que, sur une seule et même carte, ou trouve les mêmes mots
M) Roustchouk est en Bulgarie. Les Valaques écrivent Rusciuc, en se conformant aux lois de
leur orthographe, comme nous devrions suivre les règles de la nôtre.
1016 GÉOGRAPHIE
écrits de différentes manières, probablement parce que cette carte a été
établie ou complétée en compulsant des documents français, allemands
et anglais ? Sur une carte de la Turquie d'Europe, publiée par la librai-
rie Hachette, on lit, par exemple, Yénikeuï et Jénikaleh, Rizildjik et Ki-
silagatch, où les mots turcs yèni (neuf) et kisil (rouge) sont écrits de
deux façons différentes.
I/ignorance, — on aurait pu dire naguère, le dédain, — des langues
étrangères, qui est malheureusement un des traits de notre physiono-
mie nationale, est la principale cause de ces singulières anomalies ortho-
graphiques. Certes les cartographes allemands et anglais ne savent pas
toutes les langues, mais ils connaissent au moins, quand ils se co-
pient les uns les autres, les lois générales de la phonétique des princi-
pales langues de l'Europe. Ils savent que sh, ch, y initial anglais équi-
valent à sch, tsch, j allemands, et ils transforment l'orthographe en
conséquence, au lieu de copier servilement comme on le fait en France.
Mais que dis- je ? Nous ne savons pas même copier, et à notre igno-
rence des phonétiques étrangères se joint un singulier esprit d'indiffé-
rence pour l'exactitude, une négligence telle, que la plupart d'entre nous,
— gens lettrés, gens d'étude, — ne savent pas copier correctement un
mot étranger d'apparence un peu bizarre. Que l'on fasse copier à dix
personnes, prises au hasard, une phrase où se trouve le nom si triste-
ment populaire de Reichsboffen. on pourra être certain que la plupart
d'entre elles auront omis ou transposé des lettres, et écrit Reischoffen,
Reichsoffcn, Reichoffen. Ne connaissant pas la valeur de l'agrégation de
consonnes qui se rencontre au milieu de ce mot, chacun le prononce
comme il peut et se contente 4e reproduire à peu près fidèlemont sa
manière de prononcer, sans se soucier de ce fait que, pour un Allemand,
le mot est complètement dénaturé dans sa structure, son étymologïe et
sa sonorité !
II. Voilà le mal. Mais avant d'aller plus loin, une distinction essen-
tielle est nécessaire. Il y a, en effet, deux cas à examiner, suivant que
les noms propres dont on s'occupe appartiennent ou n'appartiennent pas
à un pays dont la langue est écrite avec les caractères latins.
La plupart des nations européennes ont adopté, pour représenter les
sons élémentaires de leur langue, les lettres de l'alphabet latin; mais
ces lettres et leurs diverses combinaisons, qu'on a été obligé d'imaginer
pour indiquer les articulations simples qui manquaient au latin, sont
loin d'avoir partout la môme valeur. C'est ainsi que la consonne chuin-
tante que nous écrivons ch. est représentée en anglais par sh, en alle-
mand par sch, en suédois et en danois par sj, en polonais par sz, en
hongrois par s, en bohème par un s surmonté d'un crochet (s); c'est
PARMEHTIER. — SUR LoRTlh (GRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 1017
ainsi encore que la lettre j qui pour nous est l'adoucissement de cette
même chuintante, représente : en espagnol, la forte aspiration du x grec
que les Allemands rendent parc/i; en allemand, une consonne palatale
ou demi-voyelle, qui manque au français et que les Anglais représentent
par y initial; en anglais enfin, l'articulation palatale du g italien devant
e ou », ou à peu près dj français. La communauté d'alphabet est donc plus
apparente que réelle. Chaque peuple a fait de l'alphabet latin une adap-
tation spéciale à son propre idiome, imaginant, pour combler les lacunes,
soit des agrégations de lettres, soit des signes diacritiques inconnus aux
Latins, tels que les accents qui diversifient nos e, la cédille qui adoucit
notre c devant a, o, u, la tilde qui mouille Yn espagnol (n), le tréma
qui dans les langues teutoniques, change le son des voyelles a, o, u
(pron. ou) en t\ eu, w, sans parler des nombreux signes diacritiques
propres aux langues slaves.
Malgré ces divergences dans la signification des éléments communs
de l'écriture des peuples qui ont adopté l'alphabet latin (1), il ne peut
être question d'altérer l'orthographe des noms propres des lieux et des
personnes pour la mettre d'accord avec la phonétique d'une autre nation.
Personne n'aura l'idée d'écrire Chekspire, Kine, Tchivita-véquia, Lindaou
pour Shakespeare, Ivan, Civita-Vecehia, Lindau. En cartographie, comme
en chorographic ou dans les relations de voyages, on n'a donc qu'à
copier exactement les noms propres tels que 1rs écrivent les nationaux en
Espagne, en Portugal, en Italie, en Angleterre, en Hollande, en Alle-
magne, en Scandinavie, ainsi que dans les colonies dépendant de ces
divers pays, sauf exception pour les pays, les fleuves et les grandes villes
dont le nom français, consacré par un long usage, diffère plus ou moins
du nom véritable, comme Bavière pour Baiern, Tessin pour Ticino,
Londres, Lisbonne, Naples, pour London, Lisboa, Napoli, etc. Encore
serait-il bon sur les cartes, de conserver le véritable nom des lieux en
ajoutant le nom français entre parenthèses, suivant la pratique des
cartographes allemands qui me paraît digne d'être imitée (2).
(1) Il faut compter parmi ces peuples les Allemands et les Danois, car la forme un peu diversi-
fiée de leurs lettres ne constitue pas un alphabet distinct. L'écriture qu'on est convenu d'appeler
gothique, ne présente qu'une des formes successives qu'ont affectées les lettres latines. C'est un
archaïsme, dans lequel s'entêtent surtout les Allemands, malgré les efforts de leurs philologues et
linguistes. Tous les livres allemands, traitant de science, de philologie et même de grammaire,
sout aujourd'hui imprimés avec les caratères dont nous nous servons nous-mêmes, mais la forme go-
thique a maintenu ses droits de routine dans les livres de littérature, les journaux et l'usage géné-
ral de la nation. Cette forme est également encore très-prépondérante chez les Danois. En Suéde,
où l'on se servait presque indistinctement des lettres modernes et des lettres gothiques, ces
dernières tombent de plus en plus en désuétude, de même qu'elles ont disparu depuis longtemps
des livres hollandais,
(2) Il est à remarquer que la plupart de ces noms nous viennent de l'antiquité romaine et que
eur forme française est souvent moins altérée que celle dont se servent aujourd'hui les descen-
dants des barbares qui ont détruit l'empire romain. Il sulfit de citer, comme exemples, les mots
Cologne, Colonia (agrippina), que les Allemands appellent Kôln (prononcez : Keuln) ; Tibre, Tiberis,
qu'on nomme Tévere en Italie ; Danube, Dan-ibius qui, appelé Donau par les Allemands, prend le
nom de Dunaj (Dounaï) en Serbie, Dunare (Doûnaré) en Valachie, elDounav en Bulgarie. N'est-il pas
1018 GEOGRAPHIE
Quant aux langues slaves qui ont adopté les caractères latins, ainsi
qu'au roumain et au hongrois, il est permis de se demander si le môme
principe doit être appliqué. L'alphabet de ces langues renferme beau-
coup de lettres doubles ou surmontées de signes diacritiques , dont la
signification est inconnue à la plupart des lecteurs et qui le plus souvent
n'existent pas dans nos imprimeries, et l'on se trouve, par le fait, en pré-
sence d'un alphabet spécial. Il y a là une question délicate; mais on
peut affirmer que deux systèmes seulement sont admissibles : il faut, ou
adopter l'orthographe nationale avec toute son étrangeté et écrire Alecsinac
(Alexinats), Cemagora (Tsernagora), comme les Serbes, Czinfalva (Tsin-
falva), Csassarfalva (Tchasarfalva), comme les Hongrois, Tulcia (Toul-
tcha), Oltenita (Olténitsa), Bucuresci (Boucourechti, c'est-à-dire Bucarest)
comme les Moldo-Valaques, ou bien reproduire le plus fidèlement pos-
sible la prononciation nationale, mais en rejetant absolument les tran-
scriptions qui portent les caractères d'une phonétique trangère allemande,
anglaise ou toute autre (1).
Il convient encore de remarquer, pour tenir compte de toutes les dif-
ficultés que rencontrent les cartographes, que, dans les pays frontières
qui ont changé de domination ou dans ceux dont les habitants appar-
tiennent à des races diverses, un seul et même lieu porte souvent deux
noms différents (2). Cela se voit fréquemment en Alsace, en Suisse et
surtout dans les pays du bas Danube, où des populations slaves, hon-
groises, roumaines et turques se touchent et se pénètrent. Dans ces
cas là, l'embarras est inévitable, et l'on ne peut que conseiller de choi-
sir le nom le plus généralement connu.
Considérons maintenant le second cas, celui de l'orthographe des noms
d'un pays dont la langue est pourvue d'un alphabet spécial, comme le
russe et les autres langues slaves qui se servent d'alphabets dérivés de
naturel d'ailleurs que chaque nation ait donné aux noms propres étrangers qui reviennent souvent
dans le langage écrit ou parlé, une formé appropriée au génie de son propre idiome, au lieu de
leur laisser une physionomie étrange, telle qu'est, pour un Français, celle des mofe Kjôbenhavn
(Copenhague), Warszawa (Varsovie), qu'il ne sait comment prononcer, ou celle de Mùnchen (Munich),
Regensburg (Ratisbonne), Gôltingen (Cœttingue), renfermant des articulations qui lui sont inconnues !
Ces noms, relativement en petit nombre, font pour ainsi dire partie intégrante de la laugue ; aussi
les trouve-t-on, dans un appendice géographique, à la suite de tous les dictionnaires bilingues.
(1) Outre la difficulté très réelle de remonter aux sources et de se procurer la connaissance
exacte de l'orthographe nationale des pays dont il est ici question, ce qui doit faire le plus hésiter
à employer le premier système, c'est que l'omission des signes diacritiques, qu'on risque toujours,
altère considérablement la prononciation des mots, comme il arriverait, par exemple, en écrivant
Oltenita au heu d'Oltenita.
(2) Souvent un de ces noms est la traduction exacte de l'autre. En Suisse, Neuenburg, Rothenbcrg
sont les équivalents allemands de TSeuchàtel, Rougemont; Mous traduit le flamand Bergen et Deun-
Ponts l'allemand Zweibriicken. En Hongrie, la plupart des localités ont un nom hongrois et un nom
allemand tout à fait différents; niais ce dernier a été calqué sur l'autre, chaque fois que les éléments
magyares du nom hongrois se prêtaient à cette transformation. Les noms allemands Alten-burg,
Blauen-stein, Elisabeth-stadt, Heiligen-kreutz, Kalten-brunn, Kaisers-dorf, Weiss-kirchen, etc. etc.,
sont la traduction, élément par élément, des noms hongrois 6-vâr, Kek-k'6, Erzsébet-vàros, Szeut-
kereszt, Hideg-kût, Czaszar-falva, Fejér-teniplom.
PARMENTIER. — suri L'ORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 1019
celuiqui a été imaginé par saint Cyrille pour sa traduction de la Bible
en vieux bulgare, ou comme l'arabe, le persan, le turk, le chinois. Pour
ces noms, comme aussi pour ceux qui sont relatifs aux pays habités
par des peuplades sauvages chez lesquelles l'écriture est inconnue, la
transcription en caractères latins est nécessaire et forcée. N'cst-il pas évi-
dent que chaque peuple doit la taire selon le génie de sa propre langue?
car il n'y a aucune raison d'adopter l'orthographe d'un autre peuple, fût-
il le premier qui ait fait une transcription. Ainsi que je l'ai déjà dit,
les Allemands, les Anglais, les Italiens n'y manquent pas. Dans sa carte
de l'Algérie, Kiepert s'est bien gardé de copier les noms écrits à la fran-
çaise. Il a très-justement transcrit Cherchel par Schersckel, Bousada par
Busada, Ouled par Uled, Sebkha par Sebcha, etc. Lors de la guerre des
Achantis, les Anglais ont écrit Ashantee ; les Allemands ont reproduit
les mêmes sons, syllabe par syllabe, en écrivant Aschanti : mais, en
France, on a copié longtemps le mot anglais que nous ne savions comment
prononcer, et ce n'est que bien tard, probablement après avoir vu la
transcription allemande, que nous nous sommes décidés à écrire Achanti.
III. Après ces considérations générales, je vais passer en revue les
principales erreurs d'orthographe que commettent les écrivains français
en copiant servilement des documents étrangers, surtout des documents
allemands et anglais. L'influence anglaise est prépondérante dans les
noms de l'Extrême-Orient. C'est, au contraire, l'influence allemande qui
prédomine dans les noms slaves.
Le cha (m) de l'alphabet russe (que les Polonais écrivent sz, les
Tchèques, s, et les Roumains, s), ainsi que le chin (^à) arabe, turk et
persan, est l'équivalent exact de notre ch. Nous rendons pourtant le
plus souvent ces lettres par sh comme les Anglais, ou par sch comme
les Allemands. On voit constamment Shanghai pour Changhaï, shah ou
schah pour chah (1), Schoumla, Schipka, Nisch, scheikh, etc. (2).
De même, le tché (i\) russe (cz polonais, c tchèque, c roumain devant
c, i) et le tchim (^) persan et turk doivent être transcrits par tch et
non par ch anglais ou tsch allemand. C'est donc à tort qu'on écrit, à
l'anglaise, général Despotovich pour Despotovitch , Karrachee (ville du
Béloutchistan) pour Karatchi, et, à l'allemande , Michailoivitsch, Kam-
tschatka, lac Tschad, Toultscha, Matschin, Roustschouk, général Népokoï-
tschitski. N'y a-t-il pas déjà assez de consonnes dans ces mots sans que
(1) Littré admet les trois orthographes schah, shah et chah, de même qu'il admet schérif, shérif et
chérifl — Le souverain actuel de la Perse, Nasser-ed-din, quia visité l'Europe en 1873, a adopté
l'orthographe française chah, en signant son nom.
(2) Quelquefois on fait la faute inverse en reproduisant des noms ou des mots allemands où l'on
aurait dû conserver Ysch, par exemple lorsqu'on écrit ,Kirchwasser au lieu de Kirschwasser {Kirch,
église, au heu de Kirsch, cerise).
1020 GÉOGRAPHIE
nous fassions précéder notre ch d'un s absolument inutile et sans si-
gnification ?
Le djim (^) des Turks, Persans et Arabes moghrébins (1) n'est
autre chose que le j anglais et doit être transcrit en français par dj (2).
Les articulations du j français et du j anglais étant inconnues aux
Allemands, ils rendent le djim par dsch, et c'est à grand tort que nous
leur empruntons souvent ce symbole inexact, ainsi que je l'ai déjà fait
remarquer plus haut.
La troisième lettre de l'alphabet russe (B) équivaut, comme le b
grec, exactement à notre v , que les Allemands écrivent w (v ayant pour
eux la valeur de /). C'est ce w allemand que nous employons presque
constamment dans la transcription des mots russes , sans qu'on puisse
en donner aucun motif raisonnable : ces mots nous arrivent par l'inter-
médiaire des Allemands ou des Polonais (3), voilà tout. N'écrivons donc
plus iverste pour verste (mesure itinéraire russe), witsch ou witch pour
vitch (4), non plus que Wladikawkas, Orsoica, Pletona, etc.
Si le w allemand (qu'on conservera tout naturellement dans les noms
allemands : Wurtemberg, Ottweiler, Appenweier . . .) (5) doit être rem-
placé par v dans les noms slaves, orientaux, africains etc., il n'en est
pas de même du w anglais. Cette lettre, qui représente une articulation
inconnue aux autres langues européennes, est l'équivalent exact du ouaou
arabe (t) ou du (•*) hébraïque : c'est une espèce de demi-voyelle , que
nous ne pouvons représenter que par ou (G). En dehors des noms appar-
tenant à l'Angleterre (tels que Westminster, Windsor), le w anglais de-
(1) En Orient, notamment en Egypte, le djim (^) arabe, qui correspond an guimel Q) hébraïque,
a conservé sa valeur antique et primitive de g dur (gu...).
(2) C'est avec l'orthographe anglaise que les mots raja (roi indien) et jungle ou jongle semblent
devoir prendre droit de cité dans notre langue. M. Coppée, dans ses Parias écrit pourtant djonglc.
Tant mieux : ce sont les grands écrivains qui fixent les orthographes encore indécises. Que n'a-t-
il aussi écrit radja au lieu de rajah où 17i final n'a aucune raison d'être.
En géographie, le j anglais doit toujours être remplacé par dj : c'est bien à tort qu'on écrirait
p. ex. Penjab au lieu de Pendjab.
(3) Les Polonais, dont l'alphabet montre des traces évidentes de l'influence allemande , ne
connaissent pas la lettre v qu'ils ont remplacée par w. Les Tchèques avaient fait de même, mais
aujourd'hui ils ont adopté le v. Les Serbes-Croates n'emploient que v.
(4) Terminaison russe signifiant fils : Alexandrovitch, fils d'Alexandre, tsarévitch, fils du tsar. A
ce propos, je ferai remarquer que beaucoup de personnes en France écrivent encore czar, qu'elles
prononcent kzar ou gzar (au îieu de tchar qu'exigerait cette orthographe polonaise). L'orthographe
et la prononciation sont également vicieuses. Le mot russe (n;apb) se lit tsar, et les Polonais eux-
mêmes répudient leur ancienne orthographe pour écrire car [c'est-à-dire tsar, leur c ayant la vah ur
de ts). Dans le mot czaréuilch, que l'on rencontre souvent, cz est polonais, va allemand ou polonais
tch français, et ce tch final représente la même articulation que le CZ initial. Peut-on pousser l'incon-
séquence plus loin ?
la) Schleswig est une orthographe allemande. Les Danois écrivent Slesvig. Nous pouvons adopter
l'uni! ou 1, autre manière d'écrire le nom de ce duché de nationalité mixte ; mais Sleswig, qu'on voit
souvent aussi, est une orthographe mixte qu'on ne saurait justifier.
(fi) On lient se rendre compte de la différence qui existe entre cette lettre et la voyelle ou, en pro-
nonçant successivement « ouest » d'une seule émission de voix, puis on deux syllabes, comme dans
le mot français. Dans certains mots, nous prononçons involontairement un w anglais : la syllabe oi
est à bien peu de chose près la même que wa anglais.
PARMENTIER. — SUR i/ORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 1021
vra toujours être transcrit par ou : on écrira donc Ouîdah (capitale du
Dahomey), et non Widah, Ouargla (Algérie), et non Wargla, Ouen-
Tchéou (Chine), Ouara (Nigritie), Ogôoué (Afrique), etc. (1).
Le tsè (m) russe, qui correspond au c des Slaves catholiques (Polonais,
Tchèques et Serbes-Croates), a la valeur de ts (z dur italien) (2). Le c
allemand n'a cette valeur que devant a, e et t. Mais les Allemands ont,
pour rendre cette articulation, deux autres symboles z et tz, dont le pre-
mier s'emploie, dans les mots de la langue allemande, seulement au
commencement et le second uniquement à la fin des syllabes. Il est donc
tout naturel que les Allemands transcrivent le ^ russe et le c slave par
z ou tz, et écrivent Zar ou Tzar, Zemagora ou Tzernagora (nom serbe
du Monténégro), Podgoritza, Alexinatz etc. Mais l'emploi du tz est tout
à fait illogique en français car l'articulation douce de notre z ne peut
suivre l'articulation dure du t. Nous devrions donc renoncer au tz germa-
nique et écrire Tsar, Tsernagora, Podgoritsa, Alexinats.
En allemand, le groupe ck a la même valeur que k. Il tient lieu d'un
double k et l'orthographe en exige l'emploi après une voyelle (Blick,
Gluck), tandis qu'on ne met qu'un simple k après une consonne (Werk,
Markt) . On pourrait comprendre qu'entraînés par les lois de leur ortho-
graphe, les Allemands transcrivissent un k russe ou oriental par ck; mais,
chose singulière! nous commettons cette faute bien plus souvent qu'eux,
ou plutôt leurs cartographes et voyageurs ne la commettent plus, tandis
que ce sont les Français qui écrivent ck à la place d'un k slave, arabe ou
turk! On voit, en effet, sur nos cartes et dans nos livres et journaux,
Bazardschick, Escki-Zagra, Roustchouck, Vladivostock, pachalick, beylick,
fondouck (marché couvert arabe), haïck (vêtement arabe). Quelques-uns
mettent même ce c malencontreux devant le kh représentant le kha (£)
arabe (c. à d. X. grec ou ch allemand) : j'ai trouvé scheickh pour cheikh,
que les Allemands écrivent avec raison scheich. — Cet emploi illogique
du ck germanique pour un simple k a encore le grave inconvénient d'éta-
blir une analogie fausse avec les ck qu'on rencontre fréquemment dans
les noms propres polonais tels que Potocki, Czarniecki, où ces deux lettres
appartiennent toujours à deux syllabes différentes, le c conservant sa
valeur alphabétique de ts, de sorte qu'il ne faut pas dire Poto-ki,
Tcharnié-ki, mais Potots-ki, Tcharniets-ki.
Beaucoup de langues (les teutoniques, les slaves, les orientales...)
(1) La double valeur du iv, suivant qu'il appartient à un mot d'origine allemande ou à un mot
d'origine anglaise, est une cause fréquente d'erreur de prononciation pour les Français. S'il est bien
permis d'ignorer la vraie valeur du w anglais, qui est étranger à notre alphabet, et de prononcer
les mots Wellington, Washington, comme s'ils commençaient par un v, il est extrêmement fautif de
donner au w allemand la valeur du w anglais comme font ceux qui nomment Ouéber le compositeur
allemand Weber.
(2) Le z italien a la double valeur de ts et de ds. Cette dernière articulation manque à l'alphabet
des langues slaves.
1022 GÉOGRAPHIE
font usage d'une consonne palatale ou demi-voyelle, qui manque aux
langues romanes, quoiqu'elle existât en latin où elle était confondue, dans
l'écriture, avec I (de même.que V avait la double valeur de u et de v).
C'est le y des Allemands, le yod (">) hébraïque, Je ya (çs) de l'alphabet
arabe. Les Anglais emploient avec la même signification Yy (suivi d'une
voyelle) au commencement des syllabes {y es, year, yard), et nous pro-
nonçons la même articulation dans nos mots yeux, Bayonne, ainsi que
dans le mot yacht que nous avons pris aux Anglais. Il serait donc tout
naturel de représenter la lettre en question (qui est toujours suivie d'une
voyelle) par y, au lieu de conserver le j allemand ou de le remplacer
par i. A la place de Iélisavetgrad et de J ékatérinoslaf (villes russes),
de iéni ou jéni (neuf, en turc), de Iédo ou Jeddo (Japon), on devrait
écrire Yélisavetgrad, Yékatérinoslaf, yéni, Ycdo (1). — Les Allemands
emploient la même lettre j à la suite des consonnes slaves qui doivent
être mouillées. Ils écrivent nj, Ij, pour n' polonais, V tchèque, c'est-à-
dire pour n et II espagnols (ou gn dans campagne, Il dans famille).
Cettinje et Trébinje doivent donc être prononcés Cettigne , Trébigne
comme on commence à écrire avec raison en français (2).
Les Russes ont des lettres simples pour représenter ya, yé, yo, you
(a, e ou *; ë, k>). On les rendrait mal par ia, ié, io, ion, et plus mal
encore par ïa,ïé... comme on le fait si souvent, par exemple dans le
mot Tchernaïa, qui doit se prononcer Tcher-na-ya (en trois syllabes) et
non Tcherna-i-a (en quatre syllabes).
Le j allemand ou ya (&) arabe est une consonne. En le remplaçant
en français par y, cette lettre doit donc être considérée comme une con-
sonne formant syllabe avec la voyelle suivante et non comme une
voyelle. On ne dit pas l'yacht mais le yacht. Pourquoi donc lit-on jour-
nellement l'Yémen, la ville d'Yokohama (Japon), l'Yunnan (province
chinoise), l'Yénisséi ou V Ienisseï (fleuve de Kussie) "? J'ai même trouvé
l'Yankee (Américain des États-Unis). On ne peut prononcer les mots
ainsi écrits qu'en leur donnant une syllabe de plus qu'ils ne doivent
avoir (Y-un-nan au lieu de Yun-nan).
Le w anglais ou ouaou (■>) est de même une consonne qui ne peut
comporter devant elle un article apostrophé. Il ne faut donc pas écrire
l'oasis d'Ouargla, pas plus qu'on ne dit la ville d 'Washington ou l'abbaye
d' Westminster . Le (,) qui commence le mot Ouargla (que les Anglais
H) C'est bien à tort qu'on appelle quelquefois les Slaves du Sud Jougo-Slaves au lieu de
Yougoslaves (du mot russe youg, ion,, Sud, en serbe jug, pron. youg).
(2) Il est à remarquer que les Serbes-Croates écrivent nj, Ij, comme les Allemands, ce qui
justifierait l'orthographe allemande de ces deux villes, dans le cas où l'on adopterait la manière
d'écrire des Serbes pour tous leurs noms de lieux. — Ajoutons encore que le c serbe a la valeur
de ts et que la transcription exacte du nom que les Serbes écrivent Cetinje serait Tsètigné, mais
'g c initial parait consacré par l'usage.
PARMENTIER. — SUR L* ORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 1023
écrivent justement Wargla), est la même lettre que le w initial de
Washington ou de Westminster.
Une faute du même genre, que font à peu près tous les Français,
c'est de considérer tous les h qui commencent les mots étrangers comme
muets. Or, à l'exception de Yh initial italien, espagnol et portugais et
de celui qui représente l'esprit rude des Grecs, cette lettre doit toujours
être considérée comme aspirée. Si nous n'avions qu'un h, muet ou à
à peu près, comme les Italiens, les Espagnols et les Portugais, on com-
prendrait cette erreur; mais, dans les mots français d'origine germa-
nique, notre h est aspiré. N'est-il pas singulier que nous le supposions
toujours muet dans les noms germaniques, Scandinaves et orientaux,
où il est beaucoup plus fortement aspiré qu'en français? C'est tout à
fait à tort qu'on dit le port d'Heiligenhafen (sur la Baltique), la bataille
d'Hohenlinden, l'université d'Heidelberg, la ville d'Haïderabad (Inde).
L'alphabet arabe renferme deux h: l'un (le hé, «), d'une aspiration
faible comme notre h dans hêtre, hanneton; l'autre (le hha, ^) , beau-
coup plus rudement aspiré même que Yh teutonique. Et pourtant les
Français, dans les mots arabes transcrits en lettres latines, supposent
ces deux h invariablement muets et disent le col d'IIalloufa, les bains
d'Hammam-Meskhoutine, la bravoure d'JIaider, cet Hussein, etc. Sou-
vent même nous supprimons l'A, comme dans les mots alfa (plante
textile) au lieu de halfa (xiÀ=w), enchir (ruine archéologique) pour hen-
chir (vyùJLA). M. Largeau, dans une lettre datée du Sahara, écrivait
bach-amar (ànier en chef ou conducteur de caravane) pour bach-hamar,
quoique Yh sonne fortement dans la bouche des Arabes , auxquels
M. Largeau l'entendait dire chaque jour, tant est grande cette tendance
— que je m'explique difficilement — à rendre les h muets (1).
IV. — Outre les consonnes dont je viens de m'occuper, il faut, dans
le passage d'une orthographe à une autre, tenir compte des voyelles.
En allemand, comme dans presque toutes les langues de l'Europe, la
lettre u a la valeur de notre ou. Schumla, Karasu, Demir-Kapu doi-
vent donc être écrits en français Choumla, KarasOu , Démir-Kapou.
Le tréma placé sur les voyelles allemandes a, o, u, (a, o, û) leur donne
le son de è, eu, u. On transcrira donc (en tenant compte, en outre,
des autres remplacements à faire) Jenikoi, Utsch-Kuju, Kûstendsche par
Yénikeuï, Utch-Kouyou, Kustendjé. Ce tréma équivaut aune, et l'on
peut écrire ae, oe, ue au lieu de à, o, u. On le fait presque toujours
en allemand quand ces lettres sont majuscules (Aegypten, Oesterreich,
Ueberlingen), mais le son n'en est pas moins celui des voyelles è, eu, u
0) C'est cette même tendance qui a transformé le nom de Haleb en Alep.
1024 GÉOGRAPHIE
et n'est jamais diphthongue. Ô suédois et d danois ont la même va-
leur que 6 ou oc allemand. Il est donc tout à fait fautif d'écrire oë au
lieu de o ou œ allemand ou Scandinave comme on le fait si souvent,
par exemple, dans Groenland, Goethe qu'on doit prononcer greunc-land,
gueuté, eu deux syllabes et non gro-èn-land, go-è-té, de même que Kœ-
nigsberg se prononce Keu-nigsberg et non Ko-é-nigsberg. Cette remarque
s'applique également à Yœ qui termine un grand nombre de noms
dans les pays Scandinaves et qu'un usage général, dont il serait bon de
se départir, écrit oë (par exemple, dans Sorœ , Prestœ, archipel de
Férœ, etc.) (1).
En allemand Ye qui suit un i est muet et n'a d'autre effet que d'al-
longer cette voyelle. Il remplit la même fonction que Ye muet français
précédé d'une voyelle (Asie, rendement, hindoue, dévouement, vue, dé-
nuement). C'est donc bien à tort que dans les noms propres allemands
on voit si souvent cet e essentiellement muet surmonté d'un accent
(Wiener, Diémer). Il faut éviter avec soin cette faute dans l'écriture et
la prononciation des noms géographiques allemands tels que Neuwied,
Niederbronn, etc.
Les diphthongues ai et au ayant en allemand la même valeur qu'en
italien, les noms tels que Turtukai, Beschtau, des cartes allemandes,
doivent être rendus en français par Tourtoukài, Bechtaou.
En anglais, les voyelles ont toutes des sons variables, suivant qu'elles
sont longues ou brèves, ou plutôt accentuées ou non. Il s'ensuit que,
dans les transcriptions, les Anglais sont tenus à des précautions parti-
culières. Souvent des voyageurs ou des missionnaires n'ont plus su lire
eux-mêmes les mots qu'ils avaient notés dans le pays de quelque peu-
plade sauvage, ayant oublié si, en écrivant i et u, ils avaient voulu dire
i et ou, ou bien aï et you. Aussi les Anglais admettent-ils générale-
ment que a, e, o conservent le son qu'ils ont dans dans toutes les autres
langues européennes ; mais, pour i et ou, ils écrivent le plus souvent ee,
oo, ces lettres doubles ayant chez eux toujours la même valeur. Consé-
quemment, nous devons remplacer partout ee, oo anglais par i et ou. Il
faut donc écrire Achanti, Karatchi, quand les Anglais écrivent Ashantee,
Karachee ; Hindou, Singapour, Rangoun, Coumassie, quand ils écrivent
Hindoo, Singapour, Rangoon, Coomassie.
Il est à remarquer qu'en hollandais, ee, oo n'ont que la valeur de é
et o longs (ê, ô), et que le son ou est représenté par oe. C'est donc bien
à tort que tant de Français croient bien faire en prononçant Ouaterlôu
comme les Anglais, au lieu de Vaterlô, attendu que le village à jamais
(1) o en suédois, 0 (œ) en danois, veut dire ile. Groenland signifie o pays vert » {gron, vert
Land, pays).
PARMENTIER. — SUR L'ORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 1025
célèbre de Waterloo est en pays flamand, et que nous n'avons nulle
raison d'emprunter à nos vainqueurs leur prononciation erronée (1).
L'y anglais voyelle se prononce ai. Nous devons doue écrire Haidera-
bad et non Hyderabad.
V. Jusqu'ici je n'ai considéré que des lettres qui peuvent être rendues
à peu près exactement dans notre langue. — Lorsque des mots étran-
gers renferment des articulations qui n'existent pas dans la langue de
celui qui doit les transcrire, il faut absolument avoir recours à des sym-
boles de convention. C'est ainsi que les cartographes allemands rendent
le 7 français, qui n'existe pas dans leur langue, soit par sch (c'est-à-dire
ch français), soit conventionnellement par sh (qu'il ne laut pas confondre
avec sh anglais qui équivaut à sch allemand). Ils rendent de même l'ar-
ticulation dj, si fréquente dans les langues orientales, par dsch, la pré-
sence du d indiquant l'adoucissement que doit recevoir sch, ou conven-
tionnellement par dsh. Ne pouvant faire mieux, ils écrivent Basar-
dsehik ou Basardshilc ; c'est à nous à ne pas copier cette orthographe,
injustitiable en français.
Chez les Allemands, Vs suivi d'une voyelle sonne, au commencement
des syllabes, presque comme notre z. Leur a ayant la valeur de ts, ils
ne peuvent représenter l'articulation du z français, qui se rencontre
dans beaucoup de mots slaves et orientaux, que par leur s (par exemple
/./«//pour kizil, rouge, en turk ; osero pour ozéro, lac, en russe). Quant
à Ys français, les Allemands le représentent par leurs lettres composées
P, ff (ess-tzet, ess-ess) lorsqu'ils emploient les caractères gothiques, et par
ss en écriture latine. Dans Ssu (eau, cours d'eau, en turk), ss indique
que ce mot doit être prononcé sou et non zou. Karassu (eau noire, en
turk) se décompose en Kara et ssu. — L's français a également une
double valeur, car, entre deux voyelles, nous le prononçons comme z
(maison, raisin). Pour éviter que l's d'un mot étranger soit ainsi adouci
dans la prononciation, on le double souvent comme font les Allemands,
et l'on écrit, par exemple, hassi (puits, en arabe), kilissé (église, en turk).
Cela a pourtant un inconvénient dans les mots composés, si fréquents
en géographie : en écrivant Karassou (nom de nombreux cours d'eau
en Turquie), on pourrait croire que ce mot se décompose en karas et
sou, tandis que ses éléments sont kara (noir) et sou (eau). Ne vaudrait-
il pas mieux n'employer qu'un simple s (à moins qu'il ne soit doublé
dans la langue originale), en convenant, une fois pour toutes, que, dans
les transcriptions géographiques, Vs conserve toujours sa valeur alphabé-
(1) C'est également à l'imitation des Anglais que, pendant l'expédition de la Baltique, en 1854,
nos officiers disaient généralement Sviborg pour Soeaborg (port russe du golfe de Finlande). Nos
alliés prononçaient les lettres c-a comme leur diphthougue ea (i).
05
1026 GÉOGRAPHIE
tique ? Notre z répond, en effet, exactement au % slave et oriental, et
nous n'aurions aucune raison de transcrire ce dernier par s, en écrivant,
par exemple, kisil au lieu de kizil. Quand on écrit hasi, kilisé, kara-
sou par s et non par %, cela indique suffisamment que Ys doit avoir sa
valeur alphabétique et qu'on doit prononcer haci, kilicé, karaçou.
L'articulation représentée par le % grec, le X russe ou le kha (£)
de l'alphabet arabe, manque au français. Le ^ grec étant l'aspirée du k,
il est tout naturel de le représenter par kh comme on représente par
th et ph les aspirées (d et ç>) de t et p (1). Ce symbole est d'ailleurs
généralement adopté par les orientalistes de tous les pays. L'articulation
dont il s'agit existe dans la langue allemande où on l'écrit ch, ce qui
permet aux Allemands de rendre assez exactement le kha oriental (Chan,
scheich) (2). On trouve pourtant aussi le symbole kh employé par les
Allemands, surtout au commencement des mots (3). En français, nous
transcrirons donc par kh le kha arabe, turk et persan (khan, Khiva,
Khorasan, Boukharie), le X russe (Kharkov, Mikhailov), et même le %
grec (Khersonèse) , ainsi que le ch des mots orientaux rendus par les Al-
lemands, et nous conserverons le kh des transcriptions anglaises ou alle-
mandes.
L'articulation du th anglais ou du s grec est inconnue au français.
Nous ne pouvons également la représenter que conventionnellement par
th. Elle est d'ailleurs très-rare dans les noms géographiques autres que
ceux de la Grèce ou tirés du grec.
VI. La transcription des sons ou articulations qui n'ont pas leurs
équivalents dans l'alphabet latin, est une question difficile et délicate qui
a exercé la sagacité de bien des linguistes et qui a donné lieu à divers
systèmes, dont un des plus répandus est celui qui a été proposé par
Lepsius pour l'alphabet commun qu'il serait si désirable de voir adopter
par les missionnaires de tous pays. Les missionnaires ont, en effet, intro-
(1) Les Latins, dont la langue ne connaissait pas l'articulation du X, transcrivaient cette lettre
par ch dans les mots qu'ils empruntaient aux Grecs. C'est que, le c répondant chez eux au kappa
jgrec et ayant toujours la valeur de k, ch était équivalent à kh, tandis que, par suite de l'amol-
issement du c devant e et i, ch a pris des signilications très-diverses dans les différentes langues
de 1 Europe. Tout en conservant le ch latin dans les mots grecs entrés dans l'usage de notre
langue, nous ferions bien, pour éviter toute méprise, de le remplacer par kh dans tous les noms
géographiques tels que Kherson, Khio, etc.
(2) Il est pourtant à remarquer que le ch allemand, rude comme le kha arabe après a, o, u
(tch, doch, Buch), s'adoucit beaucoup après e, i, ù, l,n (Pech, ich, Bûcher, Milch. Mônch), ainsi que
dans le suffixe chen marquant diminutif (Liebchen). Schèich, pour cette raison, rend assez malle
mot arabe .^.yi*. où le ™ garde toute sa rudesse.
(3) Cela peut tenir, soit au désir de se conformer à l'usage général des autres nations, soit à ce
qu'on veuille se prémunir contre la prononciation amollie dont il est question dans la note pré
cedente, soit à ce que le ch initial, qui existait dans l'ancien haut allemand et qu'on entend"
encore dans certains patois (par exemple dans le dialecte alémanique), n'est pas dans le génie
de la langue moderne, où il indique toujours une origine étrangère et se prononce k (Chort
chœur; Chrùtus, Christ; Chur, Caire» ville de Suisse).
PARMENTIER. — SIR L'ORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 1027
duit l'écriture chez un grand nombre de peuplades sauvages, mais, pen-
dant longtemps, ils l'ont fait sans méthode, chacun suivant la phoné-
tique de son propre idiome. Il est même arrivé que la même langue
africaine a été écrite de deux manières fort différentes, de sorte que
deux de ces malheureux sauvages catéchisés, l'un par un Anglais, l'autre
par un Français ou un Portugais, après avoir appris péniblement à lire
et à écrire, ne s'entendaient pas du tout par écrit dans leur propre
langue! C'est à ce désordre qu'on a voulu remédier en créant un alpha-
bet des missionnaires. Malheureusement on n'a pu se mettre compléte-
mentd'accord, et, au lieu d'adopter unanimement l'alphabet très-admissible
de Lepsius, on lui en a opposé d'autres, par exemple celui de Max Mûller
qui me semble avoir de graves inconvénients et qui, pour la pratique, ne
vaut certainement pas celui de l'illustre philologue de Berlin. Mais celte
question m'entraînerait hors de mon sujet, car ici je n'ai eu d'autre but
que d'écarter quelques habitudes vicieuses et de poser les bases d'une
orthographe géographique française, remplaçant les orthographes irra-
tionnelles et discordantes que nous empruntons d'ordinaire aux Anglais
et aux Allemands (1).
VIL Je résumerai les observations qui précèdent dans les quelques
propositions suivantes :
Dans tous les noms propres étrangers, appartenant à des langues qui
ne se servent pas des caractères de l'alphabet latin, on doit :
1° Bannir absolument de J 'orthographe française les agrégations de
consonnes sch, sh, tsch, dsch ou dsh, tz et ck (pour k). Sch (allemand)
et sh (anglais) sont à remplacer par ch; tsch, dsch ou dsh (allemand)
par tch et dj ; tz par ts, et ck (qui n'a aucune raison d'être dans une
transcription) par k (2).
2° Dans les noms transcrits par les Anglais, remplacer, en outre de
ce qui vient d'être dit, ch et j par tch et dj; tu par ou.
3° Dans les noms transcrits par les Allemands, remplacer 7 par y; nj, Ij,
par gn et II (mouillés) ; ss par 5, s par z, et z ou tz par ts (3) ; tu par
v et ch par kh (conventionnel).
4° Dans les noms venant du grec, adopter toujours kh au lieu de ch
pour la transcription du x-
(i) Je me propose d'ailleurs de traiter prochainement en détail la question spéciale de la trans-
cription des mots arabes en caractères latins au point de vue français.
(2) On conservera d'ailleurs tout naturellement le ck dans les mots des langues germaniques,
dont il n'est nullement question de réformer l'orthographe, ainsi que dans les mots polonais, où
l'on doit le prononcer Is-k.
(3) Le mot serbe cm (noir) est souvent transcrit zem ou zrn par les Allemands. Nous devons
écrire tsern.
10:28 GÉOGRAPHIE
o° Au commencement des mots, considérer y et ou suivis d'une voyelle
comme des consonnes et par suite ne pas apostropher l'article.
6° Considérer toujours l'A initial comme aspiré (excepté dans les noms
grecs).
7° Remplacer u, u (ou le), o (ou Oe), au, ai ou ci (allemands) par
ou, u, eu, aou,aï; ee, oo et// voyelle (anglais) par i, ou et ai.
8° Ne pas mettre de tréma sur IV de oe dans les mots allemands ou
Scandinaves, puisque ces lettres (mises pour o) représentent un son
simple (eu) et non une diphthongue.
9° Ne pas mettre d'accent sur i'e qui suit un i dans les noms alle-
mands, cet e, absolument muet, n'ayant pour effet que d'allonger l'i.
VIII. Ces conclusions visent principalement la phonétique allemande
et anglaise, parce que ce sont celles-là surtout qui exercent une influence
lâcheuse sur l'orthographe française di.^ noms géographiques.
11 serait facile d'indiquer la transformation à faire subir aux noms
écrits par des Hollandais, des Italiens, des Espagnols ou des Portugais.
D'un autre côté, il est b!e.i utile de connaître les règles principales
de la prononciation, — ou au moins la valeur des lettres, — dans les
langues dont les noms écrits en caractères latins ne subissent pas de
transcription, atin que l'on puisse prononcer ces noms avec une correc-
tion au moins approximative. Les pays slaves et la Hongrie offrent à
cet égard des difficultés d'autant plus réelles que les mêmes lettres ou
groupes de lettres y prennent des significations non-seulement diffé-
rentes, mais même absolument opposées. C'est ainsi qu'en polonais s se
prononce comme en français et &vs comme ch, tandis qu'inversement,
en magyare, s se prononce comme notre ch et ss comme s.
Beaucoup de cartographes allemands ont pris l'habitude d'indiquer,
en marge de leurs cartes, la prononciation propre à chaque pays ou le
système de transcription qu'ils ont adopté quand il y avait lieu. Il est
à regretter que cette pratique ne soit pas imitée en France.
J'ai cherché à suppléer à cette lacune de notre cartographie et à
mettre chacun à même de prononcer les mots des différentes langues de
l'Europe, en composant deux tableaux, dont le premier indique les lettres
employées par chacune des nations européennes pour rendre les
divers sons et articulations de la parole. Le second se rapporte à la
valeur que ces nations ont attribuée aux lettres et groupes de lettres de
l'alphabet latin.
(Voyez les tableaux ci-après.,
IX. On peut faire sur ces deux tableaux quelques remarques qui aide-
PARMENTIER. — SIR L'ORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 1029
ront à retenir la valeur si variable des lettres latines dans les différents
alphabets :
1° Les voyelles ont, en général, gardé leur valeur latine, sauf que Yu
(ou) est devenu u en français et en hollandais, et sauf aussi des degrés
dans la manière plus ou moins ouverte et fermée de prononcer a, e, o.
L'anglais présente pourtant une singulière anomalie. Les voyelles brèves
seules rappellent les sons des voyelles latines; les longues, à l'exception
de Yo, se sont altérées et mêmes diphtonguées. La valeur alphabétique
des voyelles a, e, i, u est ainsi devenue en anglais è, i, aï, et you (1).
2° On trouve des voyelles nasales dans deux langues novo-latines : le
français qui a les nasales de 17/ (an), de Yè (ain), de Yo (on) et de Yeu
(un), et le portugais qui possède toute la série des voyelles nasalisées
(an, en, in, on, un). Parmi les langues slaves vivantes, le polonais seul
a les nasales in et on (§ et a). Les langues leutoniques ne connaissent
que les nasales consonnisées par un g ou un k (ang, eng, ing, ong, ung
ank, enk, etc.) qu'on retrouve dans la plupart des langues de l'extrême
Orient (mongole, thibétain, malais, chinois).
3° Les consonnes b, /', /, m, n, p, q\ r, t ont partout la même valeur
à des degrés de dureté près (2); d, k et v ont aussi une signification à
peu près constante — sauf (pie d final se prononce comme le S grec en
danois, que k suédois devant a, S, y prend la valeur de tch, et qu'en
allemand et hollandais v se pronouce /", tandis qu'en espagnol il se
confond presque avec b. L's a toujours la valeur de s ou z, sauf en
magyare où il équivaut à ch.
4° Les lettres c et g qui équivalaient en latin à k et g dur, se sont
généralement adoucies devant e et i (3). Suivi de ces voyelles, c se pro-
nonce s en français, en portugais, en anglais et dans les langues Scan-
dinaves, tch en italien et en roumain, 6 grec en espagnol, et ts en
allemand ainsi que dans les langues slaves, où il a la même valeur dans
tous les cas; g suivi de e, i a gardé sa valeur primitive dans les langues
slaves et en magyare, mais il se prononce j en français et en portugais,
dj en italien, roumain et anglais, / grec en espagnol et / adouci en
(1) En tant que phénomène linguistique, une diphthongation analogue des voyelles primitives
s'est produite en haut-allemand moderne et en hollandais : min (mon), win (vin), hu.s (maison)
sont devenus mein, Wein, Haus en allemand, mijn, wijn, huis en hollandais. Mais les Allemands
et les Hollandais, au lieu de dualiser la valeur des voyelles, ont avec raison préféré écrire les
diphthongues et garder intact le son des voyelles.
(2) Par exemple, IV redoublé est très-rude en espagnol, et les Anglais ont un r guttural très-
doux. En allemand, b et d sont moins doux qu'en français, taudis que p et t sont moins durs,
ce qui nous fait croire souvent que les Allen, ands intervertissent ces lettres à plaisir et disent
de pelles belles pour de belles pelles.
(3) Le même phénomène d'adoucissement du g se retrouve dans l'alphabet sémitique. Le carabe,
correspondant au guimel } hébraïque [g dur), a conservé cette valeur dan» l'arabe de l'Egypte
tandis qu'il se prononce dj dans l'arabe moghrébin, ainsi que dans le turk, le persan et l'hindoos-
tani, langues qui ont adopté l'alphabet arabe.
1030 GÉOGRAPHIE
hollandais. En allemand, le g tantôt reste dur, tantôt prend le son de
/ adouci, et dans les langues Scandinaves l'adoucissement arrive jusqu'à
la demi-voyelle y (j allemand).
5° Le j qui était en latin une demi-voyelle (le yod hébraïque ou le
ya (g arabe) a paru une lettre inutile chez les peuples novo-latins qui
l'ont remplacé par i. On a profité de ce symbole devenu disponible
pour lui donner les significations les plus diverses : j en français, por-
tugais et roumain; i en italien, et 7 grec ou £ (kha) arabe en espa-
gnol. Les Anglais lui ont donné la valeur de dj.
6° Enfin, pour représenter des articulations tout à fait étrangères à la
phonétique latine, on s'en est tiré au moyen de doubles lettres prenant
un sens de convention ou de lettres affectées de divers signes diacri-
tiques (accents, crochets, cédille, tréma, etc.).
C'est ainsi que pour rendre la chuintante; forte (le cha russe m), on
écrit ch en français et en portugais, se ('devant e, i) ou sci (devant a, 0,
u) en italien, sh en anglais, sch en allemand, sj en Scandinave, sz en
polonais, s ou ss en roumain, s en tchèque et en serbe, et simplement s
en magyare (où la sifflante s s'écrit sz). La douce de cette chuintante
(le je russe, *) s'écrit j'en français, portugais et roumain, z en polonais,
i en tchèque et en serbe, et zs en magyare.
Les Latins avaient très-rationnellement transcrit le 6, le % et le <p des
Grecs, qui sont les aspirées de t, k (ou c) et p, en faisant suivre ces
lettres d'un h. Les Anglais ont conservé le symbole th pour exprimer
le 6 grec qu'ils possèdent dans leur langue ; seulement l'articulation est
tantôt forte, tantôt douce, représentant ainsi à la fois le 6 et le S des
Grecs. Les Espagnols écrivent z et aussi c devant e et i. — L'aspiration
du p se relrouvant dans l'alphabet latin sous la forme de Vf, ph n'est
employé qu'orthographiquement pour les mots dérivés du grec. Certains
peuples (les Italiens, Espagnols, Roumains, Suédois et Slaves) ont même
complètement renoncé à ce symbole qu'ils remplacent toujours par /'
(p. ex. filosofia pour philosophia). — Quant au x grec, la transcription
latine ch était exacte, car chez les Latins c avait toujours la valeur de
k que nous lui donnons seulement devant a, 0, u. Ce symbole a été
conservé en allemand, en hollandais, en polonais et en tchèque. Les
Moldo-Valaques (chez lesquels ch a la valeur italienne de k) représentent
la même articulation par un simple h. Les Espagnols la rendent par j
et souvent par x, et leur g1 a la même valeur devant e et i.
Les articulations palatales du tchim ~ et du djim g persans, que
nous pouvons représenter par tch et dj, existent soit toutes deux, soit
l'une ou l'autre dans plusieurs des langues considérées, mais on les
rend le plus souvent par deux lettres. Le tchim s'écrit ch en espagnol
et en anglais, cz en polonais et es ou ts en magyare. En italien et en
PARMENTIER. — SUR i/ORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES 1031
roumain il est représenté par c devant e et i ou ci devant a, o, u.
L'université de Prague, qui a fait preuve dans le xve siècle d'une rare
sagacité dans la transcription des lettres cyrilliques en caractères latins,
a très-justement rejeté les lettres doubles pour représenter des arti-
culations simples : en tchèque le tché russe (h) (c.-a.-d. le tchim) est
représenté par c, caractère adopté également par les Serbes-Croates. —
Le djim se rend par / (ou g devant e, i) en anglais; par g devant e, i
en italien et roumain, par dz en polonais, dz en serbe et ds ou dzs en
magyare; l'articulation manque à la langue tchèque (où on la repré-
sente, au besoin, par dz).
Ts ou dm sont aussi des articulations simples qui devraient être ren-
dues chacune par une seule lettre; en italien et en danois on les exprime
toutes deux par z. Dz ne se rencontre que dans les alphabets de ces
deux langues, mais ts est plus général. On le rend par { en roumain,
par z, tz, ou c devant à, e, i en allemand, par tz ou cz en magyare.
Les langues slaves ont uniformément transcrit le tsè russe (n) par c.
L'I et Yn mouillés sont généralement rendus par des lettres doubles :
Il et gn en français, gl (devant i final) et gn en italien, // et # en espa-
gnol, lli et nh en portugais, Ij et nj en serbe, ly et ny en magyare.
L'alphabet tchèque écrit /' et rï. Les Polonais qui mouillent beaucoup
de leurs consonnes, indiquent cette modification par un accent : ri et
même b', p', m', w' (peu usités) (i). Par une singulière anomalie V leur
manque; cela tient sans doute à ce qu'ils ont déjà deux l : l ordinaire
très-doux et l barré (1). Pour les sifflantes c', s\ z\ l'accent indique
plutôt un léger chuintement.
Enfin la demi-voyelle ou (1 hébr. , arabe) existe en anglais où on
l'écrit w.
(i) Cet accent remplace le signe b que les Russes mettent à la suite des consonnes qui doivent
être mouillées.
TABLEAUX.
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(11) Même devant a, o, u el les consonnes, ainsi qu'à la fin des syllabes : car (pol. tcb. et serbe) prononcez tmr (Empereur] : carica (serbe) pr. tsaritsa (Impéra-
trice) ; co (pol. et tcli.) pr. tso (quoi) ; cura (serbe) pr. tsoura (jeune fille); clo (tcli.) pr. tslo (douane) ; ckny (pol.) pr. ts'mu (ennuyeux) ; nie (pol. et tch.) pr. nits (rien) ;
Krizevac (ville de Croatie) pr. Krijévals.
., t1,21 're j' espagnol, quoique théoriquement distinct du b, se confond pourtant tellement avec cette lettre d'après la prononciation de la plupart des Espagnols, que
1 Académie de Madrid a cru nécessaire de donner des règles d'orthographe pour l'emploi di l'une ou de l'autre de ces lettres.
(13) Les Suédois, contrairement à l'usage des Danois, emploient to au lieu de e. dans 1rs livres imprimés en caract?ret gothiques.
(li) il était en usage dans l'ancienne orthographe. AujourJ'hui on n'emploie plus que y, si ce n'est pour les mot; des 1 ingins étrangères.
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1060 GÉOGRAPHIE
M. G. REflÀO
Membre de la Société d'économie politique, Lauréat de l'Institut.
DE LORTHOGRAPHE DES NOMS GÉOGRAPHIQUES.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 27 août 1877.
M. Georges Renaud présente un mémoire analogue quant au titre à celui
de M. le général Parmentier: De l'orthographe des noms géographiques.—
M. Renaud déclare qu'après le savant et si complet travail de M. le général
Parmentier, il croit devoir supprimer toute la première partie du sien. 11
rappelle que la tendance fâcheuse de l'orthographe officielle, en quelque sorte
importée par les Allemands, est la source de nombreuses erreurs. Au lieu de
passer par les orthographes étrangères, orthographions à la française, écri-
vons les noms comme ils doivent se prononcer. L'Afrique centrale est un
exemple des regrettables confusions que ces orthographes fantaisistes peuvent
occasionner, et il y a nécessité absolue d'éviter leur renouvellement.
M. le Commandant PERBJER
Membre du Bureau des Longitudes.
LA DÉTERMINATION DES LONGITUDES ET LA FORME DE LA TERRE.
(EXTRAIT du procès-verbal.)
- Séance du 27 août 1877. —
M. le commandant Perrier a la parole pour traiter de la détermination des
longitudes servant à fixer la forme de la terre. L'auteur définit clairement les
degrés de longitude. On s'est beaucoup trop occupé d'un méridien unique.
Pour la géodésie surtout, ce méridien n'aurait qu'une médiocre importance, et
tout se borne, en réalité, aune petite soustraction, ou à une petite addition.
Les géographes paraissent attacher un intérêt assez grand pour la facilité de
leurs déterminations à l'unité de méridien. — Cet intérêt n'est pas également
justifié.
La détermination exacte de l'arc compris entre deux longitudes différentes
permet de donner un dessin parfait des bosselures delà terre. Pour déterminer
la longitude, on a recours aujourd'hui à l'électricité. On a, par ce procédé,
deux erreurs provenant du fait de l'expéditeur, une erreur en plus et une
erreur en moins, dont la moyenne donne le chiffre sensiblement vrai. Toutes
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ABBÉ DURAND. — LA GUYANE FRANÇAISE ET LE BRÉSIL 1061
les causes d'erreurs sont ainsi notées. Alors, calculant l'amplitude de l'arc qui
sépare deux points situés sur le même parallèle, on la compare à ces deux
points égalemenl distants d'un second parallèle connu, et la différence donne
la forme exacte de la terre entre les points observés. On observe actuellement
par la méthode d'enregistrement qui a remplacé avantageusement l'observa-
tion directe par l'œil et l'oreille et qui donne une précision inconnue aupa-
vanl. On a obtenu déjà la mesure du grand cercle partant des monts Ourals
el venant aboutir à Valentia, en Islande. On a donc observe une traction
importante du globe. L'auteur explique la méthode suivie dans ces observa-
tions pour diminuer et atténuer toutes les chances d'erreurs. Ainsi, par exem-
ple, pour connaître la longitude d'Alger, on a t'ait une série d'opérations qui
ont duré trois longs mois, et dont les résultats seront très prochainement
publies.
Pour compenser les erreurs possibles, on a établi une station de Paris à
Alger, une autre de Marseille à Alger, et enfin une troisième de Marseille à
2
Paris. L'erreur calculée ne déliassera pas — de seconde. On a déterminé de
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la même façon l'arc compris entre Bone, Alger et Nemours, en ayant soin de
faire exécuter le travail par plusieurs observateurs. Ce procédé a l'avantage
d'annuler la petite valeur de l'équation personnelle. On a commencé des
travaux analogues entre Paris. Lyon et Neuchâtel, qui donneront sur l'arc
mesuré la forme exacte et définitive de la terre et des irrégularités qu'elle
présente.
M. l'abbé DÏÏEAO
Professeur ù l'Université catholique de Paris.
LA GUYANE FRANÇAISE ET LE BRÉSIL AGRICOLE ET COMMERCIAL (1
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 29 août 1877 —
M. l'abbé Durand fait un savant historique des voyageurs qui découvrirent
la Guyane et s'y établirent. Cet honneur revient d'abord à Christophe Colomb,
qui, le premier la connut en 1478, puis à Améric Vespuce, Diego d'Orta, à
Berreo, qui y fut massacré avec tous ses compagnons, enfin , à Pizarre, qui
contribua beaucoup à accréditer que la Guyane était l'Eldorado tant recherché
par ses compatriotes.
Avant de continuer, nous dirons que l'on peut considérer la Guyane
comme une île immense comprise entre l'Orénoque au nord, l'Amazone au
sud, le Rio Négro à l'ouest et l'océan Atlantique à l'est. Au centre de cette
(1) Cette publication a paru dans la Bibliothèque des études coloniales et maritimes, Paris
Challamel.
I0IÎU2 GÉOGRAPHIE
île est un vaste plateau incliné du N.-E. à l'ouest qui l'orme le bassin du
Rio Bianco, principal affluent du Rio Négro. En 1634, les Anglais s'établissent
à Surinam. Six ans après, arrivent les Français; mais, peu après leur instal-
lation, ils sont massacrés. Ils furent remplacés dans les points qu'ils avaient
occupés par les Anglais, qui en firent une colonie prospère, pas pour eux
cependant , car ils furent remplacés peu après par les Hollandais, qui y sont
encore.
Les Français, revenant à la charge, s'établirent à Cayenne, qu'ils parvinrent
à conserver. En résumé l'immense territoire constituant la Guyane a été ainsi
partagé: la Guyane française, la Guyane anglaise, la Guyane hollandaise,
la Guyane brésilienne et la Guyane espagnole, qui a pris le nom de Vene-
zuela. Des fleuves nombreux sillonnent la Guyane: le Masour, la Mana, l'Ap-
pronague et l'Oyapock. Tous ces fleuves descendent d'un point commun d'o-
rigine vers le 2° 30' de latitude et se dirigent vers la côte en formant
une sorte d'éventail. Ces cours d'eau et la plupart de leurs affluents sont
flottables pour les trains de bois et parfois navigables pour les pirogues. La
Mana seule est navigable pour les goélettes jusqu'à 60 kilomètres dans l'inté-
rieur. Ce fait acquiert une certaine importance, parce qu'on a cru reconnaître
que la Mana communiquait par un canal naturel avec le Masour, ce qui cons-
tituerait une chose fort avantageuse pour les relations commerciales à établir
ultérieurement avec la Guyane hollandaise. La Guyane peut être partagée en
trois zones: la zone côtière d'alluvion, s'augmentant chaque année, est très-
fertile; derrière cette zone assez malsaine en est une autre qui s'étend à
80 kilomètres au plus dans l'intérieur, formant une plaine mamelonnée d'al-
luvions anciennes. Quant aux mamelons qui émergent en quelque sorte, cer-
tains atteignent des altitudes de 300 mètres. Sur leur sommet on peut établir
des habitations pour les exploitations agricoles de manière à dépasser la
région des miasmes paludéens, qui restent presque toujours au ras du sol.
Enfin, vient une troisième zone montagneuse et couverte de forêts encore
très-peu exploitées. Ces montagnes peu connues font partie du système
orographique brésilien et sont évidemment composées de gneiss. Les plus
hautes ne dépassent pas 1,400 mètres. Ici l'auteur fait une rapide description
de la partie de la Guyane brésilienne limitrophe de la Guyane française
qu'on nomme le territoire contesté. La contestation roule sur deux limites
s'appelant toutes deux Oyapock, et les diplomates depuis 1 80 ans ne sont pas
encore parvenus à se mettre d'accord. Le climat de la Guyane a été fort
décrié, et comme toujours on a exagéré sa malignité. La température, quoique
élevée, est relativement modérée par h; l'ait de brises périodiques venant
de la mer: la moyenne est de 25 à 27" centigrades. Le thermomètre n'y des-
cend pas au-dessous de 20° centigrades, mais dans l'hivernage il atteint par-
fois 38°. 11 pleut pendant sept mois et la quantité d'eau est de 3 mètres, pen-
dant les cinq autres mois, cette quantité n'est que de 50 centimètres. La
mortalité, et c'est là un fait important, est moins grande à la Guyane que
dans nos Antilles ; cependant, pour des causes multiples, le nombre des décès
l'emporte sur celui des naissances.
La population de la Guvane française est de 38 à 40,000 âmes, dont
HAMY. — LES VOYAGES ESPAGNOLS DU XVIe siKi i i 1063
12,000 Indiens. Par contiv. la Guyane hollandaise, qui est moins fertile,
mais mieux cultivée, compte 50,000 âmes, déduction faite des Indiens et des
métis; tandis que cette dernière a donné, pendant L'année Int;j, pour ."> mil-
lions 163,000 francs de produits, la Guyane française n'a atteint que le chiffre
de 349,000 francs. L'auteur fait ensuite une très-curieuse nomenclature des
productions v.ariées qui réussissent admirablement au Brésil et qui pourraient,
par conséquent, donner les mêmes résultats dans notre colonie. Parmi ces
productions destinées à un grand avenir, nous citerons le coton, la canne à
sucre, le café, le manioc, le caoutchouc, et enfin la vigne, dont le Brésil
cultive un grand nombre de variétés de {liants. N'y a-t-il pas là un précieux
encouragement, nous montrant tout le parti qu'on pourra tirer de notre co-
lonie le jour où l'on voudra sérieusement s'en occuper?
M. LAYALLEY
oienr civil.
ETABLISSEMENT D'UN PORT ET CONSTRUCTION D'UN CHEMIN DE FER A L'ILE
DE LA RÉUNION.
(EXTRAIT du pkocès-verbal.)
— .Séance <l u, 29 août 1877. —
M. Lavai. u.Y fait un exposé rapide de la topographie de cette île, dépourvue
de tout port nature!. Il montre qu'elle est exposée dans sa partie est aux
vents généraux et aux cyclones; il a fallu chercher à lui créer un port à
l'ouest, et le point choisi a été l'embouchure de la rivière des Galets, située au
N.-O. deTîle. En outre, on a là un emplacement considérable qui pourra être
utilisé pour l'installation du matériel de la voie ferrée qui fera le tour de l'île.
La richesse de la Béunion est plus que suffisante pour justifier cette entre-
prise. Le gouvernement l'a compris, et les travaux vont commencer pro-
chainement.
M. HAMY
Aide-naturaliste au Muséum d'Histoire naturelle.
LES VOYAGES ESPAGNOLS DU XVIe SIECLE.
(EXTRAIT do procès-verbal.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Hamy parle des voyages espagnols inédits de la fin du xvie siècle. L'au-
teur établit d'abord qu'en beaucoup de points géographiques, nos prédécesseurs
1 064 GÉOGRAPHIE
étaient au moins aussi instruits que nous et, par un phénomène assez inex-
plicable, une grande partie des notions que l'on possédait à la fin du
xvie siècle, ont disparu des cartes, pendant une période assez longue, pour
ne reparaître que dans ces derniers temps. Il cite les voyages de Quiros et
Suston de Torré à la Nouvelle-Guinée, et il explique par quel mécanisme ingé-
nieux il est parvenu, ayant en sa possession les cartes de ces deux navigateurs,
à les faire concorder avec les cartes anglaises modernes qui sont ce que nous
avons de mieux dans ce genre et qui cependant sont à peiné complètes.
M. H. DE YAEIGNY
LES ILES HAWAII - ESQUISSE GÉNÉRALE
— Séance du 29 août 1877. —
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS
Les îles Havaii (1) sont au nombre de douze. Elles sont situées dans
le nord du Pacifique, s'étendant du 49e au 23e degré de latitude; du loop
au 161e long, ouest (méridien de Greenwich) à 2,080 milles de San-
Francisco, à 4,880 de la Chine, et à 4,480 de Sydney.
Sur ces douze iles qui décrivent un arc de cercle dirigé du sud-est au
nord-ouest, huit seulement sont habitées; ce sont Havaii, Maui, Lanai,
Kahoolawe, Molokai, Oahu, Kauai et Nihau : les quatre autres ne sont
que des rochers nus et stériles où ne se trouve aucun habitant : Molo-
kini, Lehau, Kaula et Bird-Island.
C'est à Cook que revient l'honneur de les avoir découvertes ou plutôt
de les avoir retrouvées, car il est certain que les Hawaii ont été visitées
et à maintes reprises par les navigateurs espagnols en particulier. — Sur
une carte du xvne siècle prise par Anson à des marins espagnols, se
trouve un groupe d'îles appelées: La Mesa, Los Majos et la Desgraciada,
et occupant à peu de chose près les mêmes latitude et longitude. Les tra-
ditions indigènes mentionnent l'arrivée dans les temps passés, de mokus
(îles ; nom appliqué depuis cette époque aux navires ou bateaux, quels
qu'ils soient). Usera it venu des étrangers vers l'an looO, ou 1600, si
ce n'est plus tôt. Mendana et Gaétan ont sans doute passé aux iles Hawaii.
Les iles du Corail, ou celles du Jardin sont le groupe en question. Quant
(1 ) Les îles Hawaii portent aussi le nom d'iles Sandwich ; ce nom leur fut imposé par Cook en hon-
neur de Lord Sandwich, alors premier lord de l'Amirauté. — Le terme le plus souvent employé
esl le premier ; les indigènes désignent leur archipel sous le nom collectif de Hawaii nei répondant
aceliu d'iles Hawaii. Les actes officiels ou ministériels portent en tète le nom d'îles Hawaii
il. DE \\nii.\Y. — LES ILES BAVAI] 106Ô"
à l'ignorance où les Espagnols auraient laissé les autres navigateurs au
sujet de l'existence de ces îles, <m l'explique par la politique qu'ils ont
suhir au temps où leurs gallions sillonnaient ces mers à la recherche de
l'or et de la fortune, politique consistant à bien dissimuler leurs décou-
vertes de peur que des entreprises nouvelles ne vinssenl nuire à leur
commerce. La présence de mots espagnols dans la langue hawaïenne
vient continuer l'opinion d'après laquelle les Espagnols auraient décou-
verl les îles Hawaii au xv° siècle, si ce n'est plus tôt ; enfin les traditions
parlent avec force détails de l'arrivée d'hommes blancs dans l'Archipel,
de naufrages divers, de mariages contractés par ces visiteurs, etc. Enfin,
en 1778, Cook est venu redécouvrir les îles Hawaii ; leur place était
presque exactement marquée sur les cartes; il avançail avec la certitude
du succès.
Ces îles sont entièrement volcaniques. Des sondages récents démon-
trent qu'elles constituent une chaîne de pics s'éleva ni du fond du
Pacifique, à une profondeur de trois milles, ce qui donne aux plus
hautes cimes une élévation de six milles au dessus du lit de l'Océan
en question. — Les roches basaltiques et trachytiques constituent la
base de ces îles; par dessus se sont formés les terrains de sédiment qui
recouvrent presque partout l'assise primitive. Ces nouveaux terrains sont
eux-mêmes sur certains points recouverts par la lave qui s'écoule des
volcans. Une ceinture de récifs frangés entoure les îles, et leur forme
un rempart que les vaisseaux ne sauraient franchir ; rarement cette
ligne s'interrompt pour permettre l'établissement d'un port.
Vues de la mer les îles prés< ntehl presque toutes le môme aspect. Au
dessus de la ligne écumeuse formée par les récifs s'élèvent, tantôt une
une plage douce, montant graduellement jusqu'à la limite de la végéta-
tion ; tantôt et le plus souvent c'est une masse noire , de hauteur
variable, que surmonte la verdure des arbres ou des plantations de
cannes. Dans le fond, des forêts luxuriantes, aux arbres garnis de mousses
multicolores, habitées par les oiseaux des tropiques, et servant aussi d'a-
sile à de grands troupeaux de bœufs, de chevaux, de sangliers et de
chiens sauvages, forêts renfermant des essences diverses depuis le pré-
cieux bois de sandal qui répand son odeur tout à l'entour, jusqu'au
plus simple arbrisseau qui sert à tresser des paniers ou des engins de
] lèche.
Quelquefois au milieu de cette masse verdoyante s'élève brusquement
un roc de basalte de plusieurs centaines de pieds constituant un préci-
pice à pic. Cependant le sol s'exhausse peu à peu, il devient plus ru-
gueux, les arbres diminuent de taille, les arbustes eux-mêmes deviennent
plus rares, et l'ile est couronnée d'un dôme aride quelquefois recouvert
par les neiges éternelles.
4066 GÉOGRAPHIE
Les cocotiers, les plantations de canne à sucre, la flore générale, et
la tournure particulière des maisons que l'on aperçoit çà et là, donnent
à ce paysage tropical un aspect qui lui est propre.
Si nous abordons l'une de ces îles nous y voyons des villes et surtout
des villages reliés entre eux par des routes généralement assez difficiles ;
nous y rencontrons de vastes exploitations agricoles (sucre, café, etc.) .
Le pays est riche et prospère ; mais il manque de bras c'est ce qui
explique les vastes terrains incultes que l'on rencontre si souvent.
Nous verrons en résumant les productions, quelles ressources l'ar-
chipel hawaiien peut tirer de lui-même ; mais il en est d'autres dont il
n'est redevable qu'à la position géographique qu'il occupe. Il constitue
en réalité la clef du Pacifique. De l'équateur à la mer de Behring, pas
d'autres terres abordables : c'est le seul endroit ou puissent relâcher les
baleiniers. D'autre part c'est le groupe le plus important entre l'Asie et
l'Amérique, c'est celui où les vaisseaux viennent de préférence se ravi-
tailler, et refaire leur provision de charbon. La puissance militaire qui
s'emparerait de ces îles serait maîtresse du Pacifique ; les Américains et
les Anglais le savent bien.
Quant à la géographie particulière de chaque île, elle ne peut trouver
place dans ce résumé. Nous dirons toutefois qu'il y a peu de ports ; la
configuration des récifs s'opposant à ce qu'il y en ait beaucoup.
Les huit îles aujourd'hui habitées renferment 56,897 habitants dont
5,366 blancs. Lorsque Cook et Vancouver visitèrent les îles, il y a bien-
tôt un siècle, ils estimèrent la population à 400,000 âmes. 300,000 eût été
plus près de la vérité. Les traces de cette nombreuse population sub-
sistent encore.
En 1823 un recensement approximatif donna 142,100.
En 1832 un recensement exact donna 130,313; en 1836, 100,579; en
1872, 56,807. Il n'y a pas eu de recensement depuis.
La décroissance a été formidable. Les maladies vénériennes dont les
Européens leur auraient fait cadeau dès leur arrivée, selon quelques
historiens; l'ivrognerie, les mauvaises conditions hygiéniques, la phthi-
sie : telles sont les causes de cette diminution si rapide.
Diverses théories ont été émises au sujet de l'origine de la race ha-
waiienne. La grande analogie des langues, mœurs, etc.. des Polynésiens
disséminés dans tous les groupes du Pacifique exclut l'idée d'une popu-
lation autochtone, réfugiée sur les sommets les plus élevés à la suite de
l'abaissement d'un vaste et hypothétique continent asiatico-océanien.
L'on admet que c'est par des migrations par mer qu'ont été colonisées les
îles Hawaii, vers 700 (date reconstituée à l'aide des traditions, etc.). Des
migrations malaises auraient poussé leurs expéditions jusqu'à Hawaii ,
aujourd'hui encore des jonques japonaises viennent échouer aux îles,
II. DE VARIGNY. — LES [LES HAVAII 1061
désemparées, avec leur équipage à moitié mort, poussées par les vents
et les courants.
11 est difficile de se résumer en parlant de l'histoire, delà langue, des
mœurs d'un peuple; aussi préférons nous laisser entièrement de côté
cette partie de la question pour dire quelques mois des productions.
Elles se rangent d'elles-mêmes sous trois chefs : productions minérales,
animales et végétales.
Les premières sont les plus rares. — Point de métaux précieux, pas
de fer ni de cuivre Il y a quelques lacs salés, et les volcans donnent
du soufre.
Les animaux sont assez nombreux, fouies nos bêtes de basse-cour et
de ferme s'y trouvent. — Peu de gibier, on peut même dire qu'il n'y
,,„ a pas< _ Des bœufs, chevaux, chiens, sangliers se rencontrent en
grande quantité, à l'état sauvage, bien que les bœufs ue soient pas na-
tifs du pays ; ce sont les descendants de ceux qu'a importés Vancouver.
Pas de serpents: beaucoup d'insectes ; peu de papillons. Les oiseaux
sont en petite quantité. Quelques poissons et «fasse/, bons; le mulet et
la bonite, etc. — Quelques coquillages et crustacés , homard, huître per-
lière, etc. Les forêts ne renferment pas de ces animaux sauvages et dan-
gereux qu'on a coutume de rencontrer dans d'autres pays sous les tro-
piques: pas de singes non plus, ni de perroquets; peu de ce qu'on croit
trouver sous le ciel chaud de ces climats.
Les productions végétales sont les plus nombreuses. Parmi les arbres
à fruit comestible, citons : l'arbre à pain, le manguier, l'avocatier, le goya-
vier, le bananier, le cocotier, le palmier, le dattier, le pêcher, le citron-
nier, le tamarinier, le caféier, etc.
Les légumes sont les haricots, les pommes de terre, les patates, l'i-
gname, les concombres, potiron, melons, aubergines, tomates, etc.
Quant aux bois de construction, ils sont très-abondants et très-beaux.
Les fougères arborescentes sont splendides : elles donnent un duvet brun
soyeux, servant à faire des matelas et des oreillers. Le tabac, le café,
la canne, le riz viennent bien. L'arum esculentum forme la base de la
nourriture des indigènes.
C'est sur les productions végétales uniquement que porte le commerce.
1° Le sucre (18,675 tonnes en 1877). En moyenne chaque acre de plan-
tation donne de 3 à 4,000 livres de sucre. La quantité de sucre peut être
augmentée de beaucoup : il faut des ouvriers.
2° Le riz (923,000 livres en 4862; 2,129,000 en 1875). La culture en
est facile et d'autant plus avantageuse qu'il se vend fort bien en Cali-
fornie où il y a beaucoup de coolies chinois.
3° Le café, peu cultivé, fort bon, devrait être l'objet d'une exploita-
tion considérable.
1068 géographii
4° Le tabac, également à cultiver.
Quant à l'importation, elle porte sur tout ce qui est manufacturé,
car l'industrie n'existe guère aux îles Hawaii.
En 1843: Importation, 1,115,000 IV.
Exportation inconnue.
En 1875 : Importation, 7,525,000 fr.
Exportation, 10,445,090 fr.
Les îles Havaii déjà riches et prospères peuvent le devenir encore bien
plus, et jouer un rôle fort important :
1° A cause de leur position géographique ;
2° A cause des productions qu'elles peuvent donner, pour peu que
l'homme vienne en aide à la nature. Si l'on considère ce qu'en un siècle
la civilisation a pu faire naître au milieu d'une population barbare,
désunie et guerrière, on ne peut être qu'émerveillé. Toutefois l'œuvre
n'est pas achevée, il reste encore bien des ressources commerciales dont
il n'a pas encore été tiré parti ; l'agriculture n'est pas encore aussi géné-
ralement répandue qu'elle peut et doit l'être.
M. B0EELT
Ancien Professeur d'histoire et de géographie commerciale.
Président «i< - la Société des sciences et arts, etc., au Havre..
LES COURS DE GEOGRAPHIE COMMERCIALE, AU HAVRE.
(EXTRAIT.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Borély rappelle au début que l'initiative des programmes de l'enseigne-
ment commercial appartient à la ville du Havre.
C'est en ]<Si7 que les premières données touchant ce nouvel enseignement
furent recueillies an sein de la Société Havraise d'études diverses, par M. Borély
lui-même.
Un journal fut, à cette époque déjà ancienne, spécialement fondé pour pro-
pager et faire accepter les programmes nouveaux. Ces programmes, bien
qu'encore incomplets, attirèrent dès lors l'attention des chefs universitaires, et
particulièrement celle de M. le baron Des Michels, alors recteur de l'ancienne
Académie de Rouen.
Il s'agissait tout d'abord de faire marcher parallèlement, en quelque sorte
BORÉLY. -— LES COURS DE GÉOGRAPHIJ COMMERCIALE il HAVRE 1069
avec l'enseigne al classique et littéraire, tout un enseignement méthodique
et rationnel purement commercial.
« La question ainsi posée, Récrivait pluiseurs années après M. Cazavan, dans
o le Journal du Havre, >< provoqua i\r* délibérations auxquelles prirent part des
nommes d'une incontestable autorité en pareille matière. C'étaient le direc-
teur de la Banque de France, le syndic des courtiers, le professeur d'hydro-
o graphie, plusieurs négociants armateurs, et, entin, un membre du corps
» universitaire, alors professeur d'histoire, et qui s'était occupe déjà, dans un
o grand centre d'industrie, des questions qu'il s'agissait d'élucider.
» Ce dernier, en sa double qualité de professeur et de secrétaire de la
» commission, fut chargé de recueillir et de coordonner toutes les observa-
it tions, tous les avis présentés et discutes, el il sortit de là et de son propre
» travail un programme complet... » que nous allons exposer ici sommaire-
ment :
Etude de la langue et de La littérature françaises; étude et connaissance
d'une ou plusieurs langues étrangères Cl); histoire générale et, particulière-
ment, histoire de la France et de la civilisation européenne;
Arithmétique et comptabilité, avec application des procédés abréviatifs
usités dans le commerce de la pince; géométrie élémentaire et algèbre ;
Notions générales des sciences naturelles; chimie (théorie et manipula-
tions) ;
Bureau commercial, où l'élève esl exercé à la pratique des opérations de
commerce et de banque, prenant une affaire dès son début, la suivant jus-
qu'au bout, à travers toutes les complications qui peuvent se présenter;
Histoire du commerce et de L'industrie ;
Géographie générale et, particulièrement, géographie commerciale, suivie,
comme complément, de l'étude sommaire des marchandises et des principaux
produits d'importation et d'exportation ;
Cours sommaire d'économie politique et commerciale;
Enfin, diplôme de capacité délivré à la lin des études.
Tel est l'ensemble des matières d'enseignement comprises dans ces pro-
grammes, qui répondaient entièrement aux aspirations de nos négociants et
aux modifications qu'ils réclamaient dans le cadre de l'enseignement secondaire.
Leur mise en pratique, avec un succès qui fit la fortune de notre collège,
autorisait bien évidemment le journal déjà cité à dire plus de dix ans après :
« Voilà ce qui s'enseigne au Havre depuis 1847, ce qui s'est imprimé au
» Havre bien longtemps avant les plans de nos ministres de l'instruction pu-
» blique... Voilà ce que sont ces cours de commerce dont on a plusieurs l'ois
» emprunté les programmes pour d'autres établissements, particulièrement
» pour l'école d'Anvers... »
Ce n'était pas tout que de rédiger les motifs et les considérations prélimi-
naires de ce plan d'études, d'en présenter la distribution et d'en coordonner
les diverses parties. 11 y avait là plusieurs enseignements entièrement nou-
veaux, particulièrement celui de la géographie commerciale.
(1) Quatre cours de langues vivantes furent établis et entretenus parla ville : anglais, allemand
italien et portugais.
1070 GÉOGRAPHIE
Passant en revue les définitions des principales branches de la géographie,
alors même qu'on devait se borner à la géographie descriptive, il était im-
possible de méconnaître que la géographie commerciale doit tout d'abord em-
prunter de nombreux éléments à ces divers aspects d'une même étude géné-
rale : il faut bien connaître la configuration des terres, la distribution des
océans, la place qu'occupent sur le globe les nombreuses sociétés humaines,
la position exacte des lieux, les distances qui les séparent, la diversité des
climats et des saisons, les grandes voies naturelles de communication, les
grands mouvements des eaux et des vents, etc., avant de s'occuper
des produits de la nature ou de l'industrie de l'homme, avant d'étudier toutes
ces relations que le commerce a établies entre les peuples.
Ces études générales et préliminaires devaient conduire naturellement à l'objet
spécial du cours tout entier, elles ne devaient pas un instant le perdre de vue;
elles devaient ainsi s'élever au-dessus du plan et des méthodes d'un enseigne-
ment purement élémentaire.
Poursuivies de la sorte, elles amenaient à considérer dans toute leur éten-
due les études spéciales, et le professeur définissait alors la géographie com-
merciale une étude qui a pour objet d'éclairer sur tout ce qui intéresse dans
la description de la terre, le commerce du monde et l'industrie de chaque
pays.
Produits minéraux, agricoles et industriels ; entrepôts et ports de commerce sur
les côtes et sur les fleuves, ressources qu'ils présentent aux navigateurs, marchés
et grands centres de fabrication à l'intérieur, relations de peuple à peuple et,
spécialement, relations de la France avec les diverses contrées du globe, dé-
bouchés anciens ou nouveaux, existant déjà ou sur le point de s'ouvrir au
commerce du monde, ou particulièrement accessibles à nos produits ; concur-
rences que rencontrent nos produits sur divers marchés ; nature et valeur des
échanges ; époques des récoltes et moments les plus favorables pour l'arrivée
sur le marché ; nature et connaissance des principales matières d'importation;
escales commerciales d'un port, d'une région à un autre port, à une autre ré-
gion, etc., etc., le domaine de la géographie commerciale apparaissait im-
mense et cette étude, toute nouvelle et d'une si réelle importance, poursuivie
avec zèle pendant bien des années, devait présenter à chaque pas des faits
aussi intéressants que généralement peu connus.
Si, pour un tel enseignement, les ouvrages spéciaux faisaient défaut, les
sources du moins ne manquaient pas. (11 n'existait pas encore un seul ouvrage
d'enseignement sur cette étude, ainsi entendue ; le Cours de géographie commer-
ciale du Havre est le premier cours de ce genre qui ait eu lieu en France.)
Les indiquer, c'est se placer sur le terrain même de la question.
Signalons d'abord les Annales du commerce extérieur, publication du minis-
tère du commerce, publication utile et qui pourrait être plus utile encore, si
son apparition était plus régulière et plus fréquente, et surtout, si les com-
munications de nos consuls à l'étranger y figuraient en plus grand nombre et
s'inspiraient constamment des intérêts français avec plus de sagacité et de clair-
voyance (telle est, du moins l'opinion du commerce); les statistiques publiées
par le gouvernement et par l'administration des douanes; les dictionnaires de
BORÉLY. — LES COURS DE GÉOGRAPHIE COMMERCIALE M HAVRE U)t\
commerce el des marchandises, celui de Mac-Culloch et surtout le grand dic-
tionnaire publié pur L'éditeur Guillaumin et à la rédaction duquel ont contribué
plusieurs armateurs de notre place; les archives des chambres de commerce;
la statistique générale de la France; les rapports des capitaines de la marine;
les annuaires, surtout V Annuaire des Deux-Mondes; les nombreuses notions
qu'il est facile de recueillir sur une grande place de commerce, et particuliè-
rement les documents, lesquels sont régulièrement publiés par nos grands
journaux du Havre, qui leur sont quotidiennement adressés par leurs corres-
pondants à l'étranger et qu'on chercherail vainement ailleurs...
o C'est en puisant à ces principales sources, avec méthode et persévérance,
» ajoute le journal Le Havre, que M. Borély a pu, de 1 s 47 à 1861, poursuivre
» ici, non sans quelque succès (ses élèves et lui en onl reçu de nombreux té-
» moignages), un enseignement utile et plein d'intérêt et que, par ces considé-
» rations mêmes, nous voudrions voir prendre plus de place encore dans nos
■ établissements publics.
« Cet enseignement ne fait pas les négociants; mais, comme le disait dans le
» temps un de nos plus honorables armateurs, il paraît le plus propre a ou-
» vrir l'esprit des jeunes gens au\ choses du grand commerce... » (Journal
Le Harre, 28 août 1877).
Ces programmes d'enseignement commercial, furent, d'année en année, mo-
difiés et complétés de 1847 à 1861 ; ils lurent, en grande partie du moins, ap-
pliqués à l'enseignement du collège spécial de Morlaix, fondé par l'auteur de
cette communication, sous le ministère de M. Rouland, en 1862.
Les programmes des cours de géographie, particulièrement, furent de bonne
heure et pendant plusieurs années consécutives, demandés par le ministère de
l'instruction publique ; mais on sait ce que sont les programmes : tout dépend
souvent de la façon de les entendre et de les appliquer ; souvent aussi les pro-
grammes disent trop ou ne disent pas assez, et c'est ainsi qu'il faut compren-
dre la pensée du ministre qui demandant, pour l'Exposition de 1878, des pro-
grammes d'enseignement, a demandé en même temps que les travaux de dé-
veloppement y fussent annexés.
Nous pensons cependant qu'il peut être utile de reproduire ici quelques-unes
des questions de ce cours de géographie, quelques-uns des exercices qui >
étaient traités, soit oralement, soit par écrit, et, par exemple, plusieurs des su-
jets donnés pour les compositions en prix.
Les personnes familiarisées avec les études géographiques reconnaîtront bien
vite que des exercices de ce genre comportent beaucoup de méthode, un tra-
vail très sérieux, et l'utilité et le caractère d'un enseignement de cette nature
en ressortiront naturellement.
A. Questions extraites du programme des études générales et préliminaires.
— Description générale des mers et détroits. (Point de départ: le N.-E. de l'Amé-
rique, en suivant les côtes de tous les continents dans l'ordre géographique.
— Indiquer sur les côtes, dans l'ordre géographique, en commençant au N.-E. de
l'Amérique, et faisant le tour des continents, les embouchures des cours d'eau ; re-
monter, dans les divers versants, les fleuves jusqu'à leur source ; signaler les villes
J(>7^ GÉOGRAPHIE
qui s'élèvent sur leurs rives, les affluents qu'ils reçoivent jusqu'à quel point ils sont
navigables et quelles sont la nature et les conditions de leur navigation?
— Voies de communications sur les continents :
1° Importance des voies de communication pour le commerce et les relations des
peuples. Routes, canaux, chemins de fer.
2° Indiquer, en France, la direction des grands réseaux des lignes ferrées, les dé-
partements qu'elles traversent, les principales villes qui se trouvent sur leur parcours.
B. Etudes particulières de géographie commerciale (Extraits).
— Principaux centres et entrepôts de commerce, sur les côtes des continents. (Suivre,
dans cette description, l'ordre géographique déjà indiqué, en commençant, au N.-E.
de l'Amérique.) — Principaux points de relâches; quelles ressources y trouve le na-
vigateur, quels produits figurent sur ces divers marchés ou lieux de production. Leurs
relations commerciales, particulièrement avec la France.
— Étude spéciale des produits et de la situation commerciale des divers États de
l'Amérique et de l'Asie.
— Situation commerciale des Etats de l'Europe.
Leurs rapports entre eux; traités de commerce; liberté des échanges ou systèmes de
restrictions : situation de l'industrie.
Grandes places de commerce sur les côtes et, dans l'intérieur, centres de grande
industrie ; richesses agricoles et minérales, etc.
— Etude spéciale de la France sous le rapport du commerce et de l'industrie:
1° Tableau sommaire du commerce de la France avec ses colonies et les puissances
étrangères; — valeur générale du commerce de la France,
2° Indiquer, dans un ordre géographique, sur les cotes, les ports de la France, leurs
relations principales avec l'extérieur, etc.
3° Nomenclature des principaux articles d'exportation et d'importation ;
4° Grands centres d'industrie à l'intérieur ;
5° Production agricole, etc.
6° Produits des mines, des pêcheries, etc.
C. Questions données comme exercices ou sujets de composition pour les prix.
(3rac, 4mc et 3me années) .
— Mentionner les faits ou accidents géographiques qui peuvent se présenter sur le
parcours dont les points principaux sont ici indiqués :
Cap Farewel, détroit de Barow, Océan Pacifiqne, côtes de l'Amérique jusqu'au cap
Horn ; cap de Honne-Espérance. dHroit de Bab-el-Mandeb, mer Rouge; mer .Nuire
(s'j rendre au choix, soit par terre, -oit par mer) ; d'un point des rivages de cette
mer se rendre aux grandes Alpes ; route fluviale qui conduise des grandes Alpes à
la mer du Nord.
On donnera quelques détails sur 1rs détroits, les mers, les pays, les «fleuves et les
montagnes qu'on aura à traverser.
— Partant du pôle austral et des environs des terres polaires (Terre Victoria, etc.)
suivre le grand courant constant de l'Océan Pacifique.
On indiquera les terres dans le voisinage desquelles on se trouvera successivement
porté; on fixera la latitude des points principaux, les zones auxquelles appartiennent
les diverses- contrées ainsi côtoyées; les caps principaux (avec leur latitude et leur lon-
gitude . les golfes tl mers intérieures que présentent les côtes; les embouchures des
grands fleuves, [es détroits dans le voisinage de ces terres, continents ou îles; enfin
BORÉLY. — LES COURS DE GÉOGRAPHIE COMMERCIALE AL HAVRE 1073
un donnera sur tous les faits ou accidents géographiques qu'on aura à signaler des
explications et des renseignements suffisants.
Même question pour le grand courant constant de l'Océan Atlantique.
Même question pour le grand courant constant de la mer des Indes.
— Exploration géographique et commerciale à travers l'Amérique du Sud, en suivant
une ligne de parcours dont les points principaux sont les suivants :
Point de départ Cayenne : suivre la côte jusqu'à Para; de là, traverser les provinces
brésiliennes entre le 50° long, et les côtes orientales, sans sortir de ce rayon et
sans longer la côte, jusqu'à Rio de Janeiro; de cette capitale se diriger à l'ouest,
jusque vers les sources du Parana; aller ensuite plus loin vers l'ouest jusqu'au
Paraguay ; descendre ce dernier fleuve jusqu'à Corrientes et de là jusqu'à Buenos-
Ayres.
Dans cette étude on fournira des renseignements sur toutes les contrées auxquelles
on doit toucher; on fera connaître quels sont les produits de ces diverses régions,
par quelles voies ces produits arrivent jusqu'aux eûtes, par quels ports ils s'expédient;
quelles sont les relations avec les autres États, particulièrement avec l'Europe et la
France; quelle est la position commerciale et industrielle; quel avenir enfin ces
régions présentent pour l'agriculture et le commerce (1851).
— Description géographique et commerciale des côtes occidentales de l'Amérique du
Nord, du détroit de Behring jusqu'à Panama.
Contrées auxquelles ces côtes appartiennent; importance des entrepôts et centres de
commerce; relations de jour en jour plus actives de ces régions avec le reste du
monde; rapports réguliers avec les contrées de l'extrême Orient asiatique (1856).
— Description géographique et commerciale des côtes et des lieux d'exportation et
d'importation auxquels touchent les lignes de steamers qui partent de Marseille
pour Aden et la mer des Indes; ou bien des lignes de steamers qu reçoivent à
Aden les voyageurs et marchandises d'Europe et parcourent de là tout l'Océan
Indien (1857).
— Suivre le parcours de la ligne des steamers des Antilles; indiquer les lieux d'expor-
tation et d'importation, les points commerciaux qu'ils desservent, en faire con-
naître l'importance et les relations avec l'Europe et la France (1859).
— Relations extérieures des principaux ports de commerce de la France. Mouvement
et nature des échanges entre ces entrepôts de commerce et les contrées avec
lesquelles ils sont le plus habituellement en rapport. Communications régulières.
— Commerce de la Baltique.
Ports et entrepôts sur les côtes; communications par les voies fluviales et les canaux
avec les contrées de l'intérieur; communications fluviales de la Russie avec la mer
Noire et la mer Caspienne.
Relations de l'Europe occidentale avec la Baltique.
Grandes foires de la Russie.
Relations entre l'Asie et l'Europe à travers la Sibérie et les provinces orientales de
la Russie d'Europe...
— Notices commerciales et historiques sur les principaux produits naturels ou agri
coles qu'offrent, au commerce du monde, les Antilles et les côtes du golfe du
Mexique .
Ces extraits de nos programmes et de nos séries d'exercices, peuvent donner une
idée de ce que doit être, selon les vues de nos armateurs, un cours de géographie
commerciale; mais il ne faut pas se laisser abuser par la simplicité apparente de
quelques-unes de ces questions. Je prends, par exemple, la première de celles que
63
1074 GÉOGRAPHIE
je viens d'indiquer, la description des mers et des détroits, qui appartient aux études
générales et préliminaires. Suis-je bien assuré que tout le monde appréciera tout
d'abord l'importance et l'étendue d'un tel sujet"? Il semble que c'est là une question
qui se trouve partout et que l'on apprend tout aussi bien dans les écoles de petites
filles que dans nos grands établissements d'instruction. Une telle appréciation serait
certes, bien erronée, car, en fait surtout de géographie commerciale, il n'est pas de
sujet plus important et qui ait plus besoin d'être longuement étudié; nous en avions
fait la base, pour ainsi dire, de tout cet enseignement; elle tient une grande place
dans nos leçons manuscrites, elle s'étudiait sur les cartes générales de Monin ou
d'Andriveau-Goujon, on s'y arrêtait longtemps et on ne passait outre que quand tout
le monde s'était complètement emparé de cette description.
Mais aussi quand les élèves sont sûrs de pouvoir décrire ainsi, sans hésitation,
toutes les côtes des continents, allant d'une mer dans une autre, connaissant par-
faitement les détroits, leurs ouvertures, la latitude des caps qui sont à leur entrée,
les pays desquels ils dépendent les grands centres de population qui sont sur leurs
côtes ou dans leur voisinage, les souvenirs qui se rattachent à leur exploration, tous
les accidents géographiques qui caractérisent tant de parages divers: la configuration
des terres est gravée, pour ainsi dire, dans la mémoire, et elle y est toujours présente.
On peut, dès lors, avancer hardiment dans la suite de ces études; un grand pas est
fait, non-seulement dans l'étude de la géographie maritime et commerciale, mais
aussi pour la connaissance de la géographie en général
Il est infiniment regrettable que le Havre ne soit pas encore en possession d'une
Société de géographie. C'est là une lacune regrettable, non-seulement au point de vue
des intérêts de la navigation et du commerce, mais encore au point de vue des
sciences géographiques.
On ne saurait croire combien sont nombreux les documents qui arrivent ici sur
toutes les parties du monde, paraissent chaque jour dans nos journaux et pour la
plupart, passent inaperçus ou tombent bientôt dans l'oubli.
Je puis en parler sûrement, ayant autrefois et pendant une quinzaine d'années,
puisé moi-même à cette source inépuisable....
Cette lacune a été plusieurs fois signalée depuis M. J.-B. Eyriès qui, il y a
plus de soixante ans, demandait déjà la fondation, dans notre cité, d'un établisse-
ment semblable.
Une société de géographie serait ici, comme en vedette, pour recueillir les nom-
breux renseignements qui nous arrivent de tous les points du globe ; elle serait
évidemment appelée, je le répète, à rendre d'éminents services.
M. le Comte de MARS!
A Coinpiègne.
QUELQUES MOTS SUR L'EXPOSITION RÉTROSPECTIVE FRISONNE DE LEUWARDEN,
AU POINT DE VUE DES ÉTUDES GÉOGRAPHIQUES.
— Séance du 30 août 1877. —
Depuis quelques années on a organisé en Hollande des expositions
rétrospectives locales qui, si elles n'oilïent pas des objets d'une valeur
,,, jjxrsy. — l'exposition rétrospective frisonne 107S
artistique égale à ceux, qui ont figuré en France aux expositions des
Alsaciens-Lorrains, de Blois ou de Lyon, ont du moins le mérite de se
rapporter exclusivement a la province dans laquelle elles sont faites, et
de ne renfermer que de^ pièces fabriquées sur les lieux, ou des souve-
nirs ayant appartenu à des enfants du pays.
Ce qui a été fait en lS"i à Zaandam et depuis à Amsterdam, vient
d'être réalisé avec un rare bonheur dans la capitale de la Frise, à Leu-
warden. Cette dernière exposition m'a paru mériter d'être signalée
d'une manière toute spéciale à l'attention de la section, comme pou-
vant fournir des éléments de la plus grande importance à la géogra-
phie, telle que la comprend aujourd'hui l'école qui a pour chef le sa-
vant éminent qui nous préside.
En effet, elle renferme tout ce qui se rapporte, soit à la description
du pays, soit à la vie et aux mœurs de ses habitants.
Je n'ai pas la prétention de vous faire passer en revue les nombreux
objets fournis par plus de quinze cents possesseurs et réunis dans vingt
salles du palais royal de Leuwarden par les soins d'un comité présidé
par M. le docteur J. Dirks (1).
Depuis l'étude géologique du sol de la Frise, représentée à la fois
par des cartes, des échantillons de terrains et de nombreux fossiles,
tout a trouvé sa place dans cette exposition.
Les tumulus fouillés ont donné les antiquités recelées dans leurs flancs,
les anciens monuments ont été représentés par des plans et des vues.
Les meubles, les costumes, les produits manufacturés ont été placés
dans les salles suivantes, qui renferment aussi les portraits de tous les
Frisons dignes de mémoire.
Les anciennes localités, aujourd'hui presque désertes, Hindelope, les
Iles, en un mot tout ce que M. Henri Havard a décrit avec tant de
charme dans sa Hollande inconnue, a trouvé place ici.
La seule condition était d'être exclusivement Frison, et c'est ce qui
donne un cachet tout particulier, et en quelque sorte impossible à re-
produire à cette réunion de tous les souvenirs de la Frise , où les pro-
ductions littéraires ont même trouvé place à côté des chefs-d'œuvre de
mécanique et d'astronomie des paysans de Franeker et des tableaux de
Bisschop et d'Alma-Tadéma.
Qu'il soit possible de faire de même en France et dans d'autres pays,
je ne le crois pas. Les événements politiques et les fréquentes migra-
tions des familles françaises depuis un siècle ne permettraient pas de
reconstituer comme on peut le faire dans la paisible Hollande, la vie
(0 Voir le Catalogue détaillé publié sous ce titre : Gids voor de bezoekers der historische ten-
toonstelling van Friesland, gehouden in z. M. Paleis le Leeuwarden in den zomer van 1877.
Leeuwanku, Midiema, is77. la-8. xliii - 31b et \wn.
1076 GÉOGRAPHIE
des habitants d'une province, en quelque sorte siècle par siècle. Et c'est
à ce titre surtout que j'ai pensé intéresser les membres de la section en
leur signalant cette source peu connue de documents intéressants pour
la géographie des Pays-Bas.
M. LEVASSEUR
Membre de l'Institut; Professeur au Collège de France.
L'ASSOCIATION INTERNATIONALE AFRICAINE.
(extrait du procès-yerbal.)
— Séance du 25 août 1 877 . —
M. Levasseur prend la parole pour dire quelques mots de l'Association inter-
nationale africaine. 11 rappelle que l'Afrique, maintenant plus que jamais,
attire sur elle les regards des peuples de l'Europe, aussi bien dans une pensée
scientifique que dans une pensée humanitaire, car personne n'ignore les
misères et les dévastations dont l'esclavage est la cause directe dans ce vaste
continent. Emu de tant de maux, le roi des Belges a fondé, avec l'aide
d'hommes de science et de bien, une association internationale dont il est le
président, et qui a pour but, au moyens de capitaux puissants, provenant de
souscriptions particulières, de mettre, s'il se peut, un terme à ce trafic déplo-
rable de chair humaine, par l'établissement de stations européennes, qui
iront s'enfoneant de plus en plus dans l'intérieur, portant haut avec elles le
drapeau de la civilisation. A ce propos, M. Levasseur rappelle que M. de Qua-
trefages, présent à la séance, est l'un des trois membres qui forment, auprès
du roi des Belges, le comité dirigeant de l'œuvre, et il propose, au nom de la
section, d'émettre un vœu exprimant la sympathie que la section éprouve
pour cette œuvre et le désir des membres de l'Association française pour
l'avancement des sciences de faire partie de l'association internationale
africaine.
Cette proposition, mise aux voix, est chaleureusement acclamée.
M. PAQUIER
Docteur ès-lettres.
LES VOIES DE COMMERCE A TRAVERS L'ASIE CENTRALE
La direction des voies de commerce à travers l'Asie Centrale doit cor-
respondre à la disposition même des nombreuses et larges vallées qui,
PAQUIKR. — VOIES DE COMMERCE A TRAVERS L'ASIE CENTRALE 1077
partant de la dépression Aralo-Caspienne, pénétrent profondément dans
le masse du plateau central. Mais ce n'est bien que de nos jours que
la géographie a pu s'annexer ces régions intérieures du vieux continent
Asiatique, sur lesquelles nous n'avions eu, jusqu'au milieu du xixe siècle,
que des données incomplètes et inexactes. A ce point de vue, la rivalité de
l'Angleterre et de la Russie a été profitable à la science et à la civilisa-
tion européenne.
De la nécessité qu'il y avait pour ces deux États de consolider leur
domination dans le Turkestan et les Indes du Nord, est résultée cette
activité féconde mise à reconnaître les lieux, à relever les localités les
plus importantes, et à donner enfin une idée suffisamment exacte de la
configuration du sol. De 1860 à 1877 les explorations se sont succédé,
dirigées le plus souvent par des officiers du plus grand mérite et de hardis
commerçants; et au nombre des plus importantes nous devons citer
pour les Russes, celles de MM. Verniukoff, Fedtchenko, Mayef et Severt-
z0jf; _ p0ur les Anglais, celles des Pandits Hindous Abdul-Medjid, le
Mirza, Fayzabad et Le Ilavildar, pour ne prendre que les plus connus,
et surtout les belles et précieuses découvertes de MM. Shaw, Hayward
et Forsyth, ce, dernier chef de la mission officielle qui se rendit en
1872 à Kachgar, et qui comptait le colonel Gordon, les capitaines Trot-
ter et Biddulph, etc.
Dans ces derniers temps, d'autres noms sont venus s'ajouter aux pré-
cédents; et chaque jour voit s'étendre et se compléter les connais-
sances sur les bassins de l'Oxus, de l'Yaxarte et du Tarim, qu'il y a près
de trente ans déjà, Cari Ritter désignait comme « le point le plus re-
marquable de la terre entière pour l'histoire de l'humanité. » Ainsi on
est arrivé à faire en dix-sept ans ce que le moyen-âge et les temps mo-
dernes jusqu'en 1850 n'avaient pu qu'ébaucher en partie.
Russes et Anglais se sont mis résolument à l'œuvre, les uns au
N. et à 1*0., les autres au S. et à l'E. De cette rivalité toute pacifique
sont sortis les résultats les plus précieux pour la géographie et pour le
commerce.
La constitution du sol dans l'intérieur du continent Asiatique peut au-
jourd'hui se définir comme il suit :
A l'ouest une profonde dépression, occupée par la Caspienne, l'Aral,
et des steppes ou déserts étendus, en langue turcomane Kum , d'où Kizil-
Kum (désert rouge) — Kara-Kum (désert noir) ; à l'Est une région
montagneuse qui va s'élevant à des hauteurs de 5000 à 6000 mètres
pour se rattacher d'une part aux Tian-Chan, dans la direction du N.E.,
— de l'autre aux Himalatjas et au Thibet dans la direction du S. E. Au
milieu de ces deux grands systèmes, et comme pour les souder l'un à
l'autre, se développe le large plateau du Pamir, d'une superficie de
107 (S GÉOGRAPHIE
90,000 k. carrés, d'une altitude moyenne de 4,000 à 4,500 mètres, et
qui s'adosse à TE. sur les Tsoung-ling improprement appelés jusqu'à nos
jours Monts Bolor, et dont le pic de Tagharna (7800 m.) est le point cul-
minant. — Au delà du Pamir se développe, jusqu'aux confins du Gobi
et de la Chine propre, la haute plaine de la Tartarie Orientale, d'une
altitude moyenne de 1000 à 1200 mètres et arrosée par les nombreux
cours d'eaux qui forment le Tarim.
Si, partant de la Caspienne et de l'Oural, nous voulons nous rendre à
l'extrême Orient dans l'antique empire des Sères, devenu au moyen-âge
celui de Cathay, et de nos jours l'Empire du milieu, nous devrons
suivre Jes nombreux cours d'eau qui, descendus des Tian-Chan, du Pamir
ou de l'Hindou-Kouch, viennent grossir l'Yaxarte ou Syr-Daria (1) et
l'Oxus ou Amou-Daria, ou mourir dans les sables, à quelque distance de ces
fleuves. Les vallées que ces rivières ont creusées et formées sur les flancs
occidentaux de ces grandes masses intérieures du continent asiatique,
sont comme des routes toutes préparées, que la nature a comme disposées
elle-même pour faciliter les communications entre les deux parties ex-
trêmes du vieux monde: pour ne citer que les principales, nommons en
allant du Sud au Nord, celles de YAtrek, du Herat-Rud (2) des rivières de
lialUh et de Koundouz, de YOxus, du Murghabi, del'Yaxarte, du Narym,
du Tchoui , de VIU, etc. — On dirait comme autant de couloirs qui
s'ouvrent dans la direction de l'Europe, pour verser sur elle ces nombreuses
invasions barbares qui ont bouleversé l'Empire romain et le monde
chrétien du moyen-âge, ou pour appeler aujourd'hui les nombreux re-
présentants de la civilisation moderne, dont les efforts ont été couron-
nés de succès. Réaction salutaire et féconde du continent Européen, contre
le continent Asiatique et dont nous avons tous à attendre les meilleurs
résultats.
Mais parmi toutes les routes que nous venons d'indiquer, il en est qui
présentent des conditions plus favorables que d'autres pour descommunica.
tions suivies et relativement faciles: dans l'antiquité, il y avait la voie
de YOxus ; au moyen-âge, la voie de YYaxarte ; — de nos jours, ce sont
celles du Hérat-Bud au midi et de Y Ht au nord.
On a beaucoup discuté pour savoir quelle était véritablement la di-
rection que suivaient les commerçants de l'antiquité pour se rendre de
l'Empire romain ou d'Orient dans le pays des Sères ; etPtoléméene nous a
malheureusement laissé qu'une description fort incomplète de la route
que suivit Maës Titianus par la Vallis comedarum, la Turris Lapidea,et
la Sera Métropolis. Mais les découvertes récentes, faites dans le bassin de
l'Oxus ou Amou-Daria, nous permettent de supposer et même d'affir-
11 Daria, en langue turcomane, signifie Rivière.
2) Rud, en langue sériane, Rivière.
PAQl'IF.lt. — VOIES DE COMMERCE A TRAVERS L'ASIE CENTRALE 1079
mer que clic voie de commerce «'tait celle que trace l'Oxus de sa source
à sou embouchure dans la Caspienne, d'où elle remontait la vallée du
Cyrus pour aboutir au Pont-Euxin sur le cours inférieur du Phasis. —
C'est aussi celle que nous paraît avoir suivie Marco-Polo, le célèbre
voyageur vénitien, qui dans la seconde moitié du xiu° siècle, se rendit
par l'intérieur de l'Asie dans l'empire du Cathay, où il résida plus de
vingt ans.
Au moyen-âge la conquête de la fiactriane et de la Sogdiane par les
Arabes fit apprécier la vallée de l'Yaxarte, qui débouchant dans l'Aral
traçait, lui aussi, une très belle voie commerciale. Ce fut par cette vallée
du reste que s'écoulaient de l'E. à l'O. les invasions ïartares ou Mon-
goles, dont le contre coup se lit sentir jusqu'en Europe; et la grande
cité de Karakorum, placée quelque part au sud du massif de l'Altaï, at-
tirait à la cour du grand Khan les commerçants ou les ambassadeurs
que les princes chrétiens lui envoyaient pour demander son alliance. Les
nombreuses et intéressantes découvertes, faites dans les environs des
villes deMargilan, d'Och et d'Ak-Sou, jettent un jour tout nouveau sur
la vallée du Khokand et la région des Tian-Chan.
Dans les temps modernes, ou pour mieux dire de nos jours, ces deux
routes, abandonnées pendant plusieurs siècles, revinrent en faveur ; et la
création au centre de la Tartarie Orientale d'un état indépendant, la
Kachgarie, sous le gouvernement éclairé de Mohammed Yacoub pouvait
avoir, à ce point de vue, les conséquences les plus inattendues et les plus
précieuses (1864-1877). Ce prince vient de mourir; son fils a été dé-
trôné par les Chinois, qui reprennent possession de Yarkand et de Kach-
gar; mais nous pouvons espérer que les relations commerciales, qui
commençaient à se multiplier dans l'intérieur de l'Asie, ne se ralenti-
ront pas. L'Empire céleste, en effet, qui laisse aujourd'hui les Européens
trafiquer librement dans ses ports du Pacifique, a tout intérêt à favori-
ser les échanges par le bassin du Tarim, auquel donnent également accès
le Syr-Daria par le Rachgar-Daria, et l'Amou-Daria par le Sari-Kol et le
Tachkurgan-Daria.
A cette question des voies de communications qui concerne les ré-
gions intérieures de l'Asie, se rattache celle du chemin de fer, le grand
central asiatique, destiné à relier l'Europe aux Indes et à la Chine !
Le projet principal, élaboré par quelques Anglais et patronné par
M. Ferdinand de Lesseps, consiste à faire partir la voie ferrée de la dé-
pression Aralo-Caspienne pour l'engager à travers le vaste soulèvement
du Koh-i-Baba et de l'Hindou-Kouch, de Balkh à Pechawer. Mais si
nous nous rendons un compte exact de la configuration du pays, nous
voyons que c'est un massif énorme, de plus de 3 degrés de latitude,
avec des passages qui atteignent souvent de 11,000 à 12,000 pieds d'é-
1 080 GÉOGRAPHIE
lévation, des gorges étroites et sinueuses, qui paraissent ne devoir li-
vrer aucune place suffisante au chemin projeté. Nous ne parlons pas des
populations sauvages qui gardent les hautes vallées, ni du climat excep-
tionnel de ces régions, qui ruine les constitutions les plus robustes.
A ce projet, qui soulève tant d'objections, s'en oppose un autre plus
pratique: c'est celui qui conduirait la voie ferrée des bords de la Cas-
pienne dans les vallées de l'Atrek et de Hérat, et l'engagerait dans l'in-
térieur de l'Afghanistan sur Candahar, d'où la passe de Bolan lui don-
nerait entrée dans la grande plaine de l'indus. Mais c'est la route la
plus facile qui conduise aux Indes et à Calcutta; et les Anglais ne veu-
lent pas la voir en partie au mains des Russes. Du reste Calcutta pour-
rait-elle être une tête de ligne bien avantageuse pour une si longue et si
coûteuse voie commerciale? Calcutta n'est en effet qu'un cul-de-sac pour
ceux qui arrivent de l'indus, comme Kachgar pour ceux qui viennent
du Lob Nor. Or M. de Richthoffen observe avec raison que, pour que
le grand central asiatique profite au continent européen tout entier et
à la civilisation, il lui faut non s'arrêter en chemin, mais poursuivre jus-
qu'au bout sa marche: et le point extrême qu'il doit nécessairement at-
teindre est l'océan Pacifique.
C'est ce qui fait l'importance toute pratique des différents projets
Russes, et surtout de celui du colonel Bogdanowitch qui s'impose au-
jourd'hui à l'attention des géographes et des savants.
Le colonel Bogdanowitch fait partir la voie ferrée d'Ekaterinbourg,
pour la diriger sur Troitsk, Odsk, Seminspolatik et Chumja, la con-
duire jusqu'à l'extrémité même de la vallée de l'Ili. C'est la région la
plus riche du globe en gites métallifères et en bassins houillers, restés
encore inexplorés pour la plus grande partie. Du cours supérieur de l'ilion
contournerait au nord la Mongolie pour prendre la grande voie à cara-
vanes qui, de Kiatkha se dirige sur la capitale chinoise. A cette ligne
principale se rattacherait celle d'Orenbourg à Tachkend par un embran-
chement sur Sokmak, Vernoje et Iliskae. Tachkend deviendrait ainsi un
centre de premier ordre, avec les ramifications multiples que cette ville
enverrait sur Khokand, Andidjan Kachgar et Yarkand d'une part, de
l'autre sur Samarcande, Boukhara et Balkh.
DESCHAMPS. — DE L'UTILITÉ DES VOYAGES I OS I
M. BOTKIO
Membre de la Société havraise d'études A
LA GÉOGRAPHIE DES SAXONS ET LE POEME DE BEO-WULF.
(EXTRAIT DU PROCKS-VEHBAL.)
— Séance du :il) août 1 8 7 7 . —
M. Botkine parle de la géographie des Saxons et du poëme anglo-saxon de
Beo-Wulf. Plusieurs documents anglo-saxons nous restent, où l'on trouve
quelques renseignements géographiques curieux ; d'abord le Chant du voya-
geur, où sont consignés un certain nombre de laits intéressant la géographie
Scandinave; — la Chronique des Anglo-Saxons, seul ouvrage de cette époque
ayant une valeur historique sérieuse; — l'Histoire de Rose, qui est le plus
ancien document mentionnant des faits géographiques. On y trouve la men-
tion de deux voyages ; dans l'un on suit les côtes de Norwège, on double le
cap Nord, on pénètre dans la mer Blanche et on trouve une rivière dont les
bords sont peuplés de Finnois ; dans l'autre, on entre dans la Baltique et on
arrive en Esthonie. — Enfin M. Botkine parle du poëme de Beo-Wulf (dont il
a publié une traduction) qui a été fait à une époque où les Anglo-Saxons
étaient encore en possession des traditions Scandinaves. L'action du poëme se
passe dans la partie méridionale de la péninsule Scandinave.
M. DESCAMPS
DE L'UTILITÉ DES VOYAGES COMME MOYEN D'ÉDUCATION.
— Séance du 30 août 1877 —
1082 GÉOGRAPHIE
M. le Général PAEMEÎTTIEE
DE LA NÉCESSITÉ D'UN VOCABULAIRE POLYGLOTTE
— Séance du 30 août 1877 —
Présentation de travaux imprimés
COMMUNIQUÉS A LA SECTION
M. Buisson. — Sur le tunnel sous-marin entre la France et l'Angleterre.
M. Ch. Hertz. — L 'exploration, 1er semestre.
M. G. Renaud. La Revue géographique internationale, lre année.
La Société de Géographie de Lisbonne. — Compte rendu de la première
séance.
Mll.KT. — PHÉNOMÈNES ÉCONOMIQUES AU BRÉSIL 1083
15° Section
ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
Président M. J--J- CLAMAGERAN, Membre du Conseil municipal de Paris.
Vice-PrésideNt. ... M. II. ROZY, Professeur à la Faculté do droit de Toulouse.
Secrétaire M. J. LKFORT, Avocat, Lauréat de l'Institut.
Vice-Skcrktairk.. . . M. Cn. BREUL, Avocat.
M. MILET
Ingénieur civil à Pemambouc.
PHÉNOMÈNES ÉCONOMIQUES DONT LE BRÉSIL A ÉTÉ LE THÉÂTRE
DE 1864 A 1870.
(EXTRAIT DU PROnflS-VERBAL.)
— Séance du Si août 1877. —
M. Milet, ingénieur civil à Pernambuco, montre que si en 1865, quand
le Brésil fut obligé de défendre l'intégrité de son territoire, la situation finan-
cière et économique était très-critique à la fin de la lutte, en 1869 et 1870
l'état du pays était très-prospère ; le mouvement des échanges avec l'étranger
avait augmenté d'un tiers (370 mil contos au lieu de 29i mil contos) ; le
revenu de l'État avait presque doublé (100 mil contos au lieu de 57) et ce qui
semble plus étonnant le change montait toujours ; sans s'inquiéter d'une nou-
velle émission de 40 mil contos (plus de 100 millions de' francs) de papier-
monnaie qui eut lieu en 1869, il revenait à 21, et cinq ans après, en 1875,
il arrivait au pair de 27 et le dépassait de 3 pour 100 en janvier 1876. Le
papier-monnaie faisait donc prime. Le pays avait pu prêter au gouvernement
près de 500 millions de francs et payer en importations plus du double de
ce qu'il payait en 1865. Il est vrai qu'il avait été emprunté au Stock-Exchange
8 millions de livres sterling et que la dette avait été augmentée de 500 mil-
lions de francs ; mais de ces 8 millions de livres la moitié était déjà rem-
boursée et en définitive la moitié des dépenses de la guerre avait été payée
par l'impôt. Comment avait pu se réaliser ce phénomène? L'immense déve-
loppement de l'activité productive du pays et la prospérité qui s'en est
suivie étaient la conséquence nécessaire d'un fait économique entrevu par
M. Goschen ; à savoir que [là où prédomine une circulation inconvertible,
I08i ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
une circulation autonome, la baisse du change extérieur équivaut à un impôt
prélevé au profit des exporteurs et par conséquent des producteurs de den-
rées d'exportation sur tous les consommateurs de denrées importées. Quand la
baisse du change ou la dépréciation de la monnaie locale est durable et fait
hausser les prix des produits nationaux et des capitaux fixes, le bénéfice
extraordinaire des exporteurs se trouve diminué dans la proportion de la
consommation, mais cette hausse ne se produisant que petit à petit, il faut
un temps très-long pour que s'établisse un nouvel équilibre. Les producteurs
de denrées d'exportation ne sont pas les seuls à bénéficier de la baisse; la
différence sur les denrées nationales, les terres, etc., constitue un impôt payé
par les détenteurs du capital monétaire aux propriétaires des autres éléments
du capital fixe de la société. Or, au Brésil, de 1805 à 1870 le change moyen
fut de 18; par conséquent les consommateurs brésiliens ont payé, sans s'en
rendre compte, aux producteurs de denrées d'exportation une subvention de
près d'un milliard, lequel a permis de développer extraordinairement la pro-
duction et la conservation au grand profit du commerce, du revenu public et
du bien-être de toutes les classes de la population.
DISCUSSION
M. Alglave réclame l'indication des chiffres concernant l'importation et
l'exportation, car ils sont nécessaires pour juger une question de change.1
M. Nottelle fait la même demande : si par la baisse du change les pro-
ducteurs locaux ont vu leur condition s'améliorer, il importe de voir si le
grand consommateur des produits exotiques n'a pas eu à souffrir.
M. Clamageran se refuse à accepter la théorie de M. Millet et fait observer
que cette question ne peut être tranchée par des faits locaux .
M. Milet répond que le Brésil est le seul pays où l'on puisse étudier la
question du papier-monnaie, car c'est le seul pays où il n'est pas en contact
avec la monnaie.
M. Alglave objecte qu'il en faut dire autant de la Russie et aussi de
l'Autriche.
M. HOZT
Professeur ;'i la Faculté de droit de Toulouse.
LE RENOUVELLEMENT DES TRAITÉS DE COMMERCE.
(extrait du procès-verbal.)
— Séance du 24 août 1877. —
M. Rozv, s'attache d'abord à montrer, par des chiffres, que depuis la réforme
un peu timide opérée en 1860, il s'est produit de très-grands résultats : en
ROZY. — LE RENOUVELLEMENT DES TRAITÉS DE COMMERCE 108Ô'
IN.'iN, les importations atteignaient 1 milliard 600 millions et les exportations
I milliard 887 millions; en 1876 les premières s'élevaient à 3 milliards 3a0
millions et les dernières à 3 milliards 560 millions ; ainsi depuis J8o8 le mou-
vement du commerce a presque doublé. En présence de ces chiffres, il semble
oue l'on n'ait plus qu'à marcher en avant et que toutes les réclamations des
protectionnistes ne puissent se produire; il n'en est pas ainsi, et non-seule-
ment l'on a vu des représentants de quelques industries spéciales chercher à
influer sur les résolutions de l'autorité en vue du prochain traité de commerce
avec l'Angleterre, mais dans un discours officiel, M. Pouyer-Quertier se plai-
gnait de l'invasion des produits étrangers ; il donnait pour l'importation des
produits textiles dans les dix-huit derniers mois un chiffre de 200 millions
(soit 120 à 130 millions de salaires enlevés aux ouvriers) et se demandait ce
oui se produirait si les barrières qui existent encore étaient supprimées. En
présence d'affirmations aussi nettes que celles de M. Pouyer-Quertier, M.Rozy
a voulu rechercher si les chiffres qu'il citait étaient exacts et il doit dire qu'il
ne les a trouvés nulle part. Le tableau du commerce de la France de 1868 à
1877, en effet, montre que si, pendant quelques années, pour les textiles, le
coton, le chiffre des importations a dépassé celui des exportations il en a été
autrement à d'autres dates, notamment en 18(58, 1869, 1870 et 1873. Ainsi poul-
ies cinq premiers mois de 1868, il a été importé pour 7,o 17,000 francs de tis-
sus de coton et exporté pour 20 millions. Pour les autres textiles, la différence
n'est pas moins sensible et les mêmes documents statistiques prouvent que
la balance du commerce a été favorable à la France ; ainsi pour les tissus de
laine et de chanvre les importations ont atteint le chiffre de 6 millions et les
exportations celui de 13 millions.
Après ces considérations préliminaires, M. Rozy étudiant le régime à adop-
ter se prononce pour celui de la convention qui donne au commerce une
certitude et une stabilité relatives, empêche les représailles et détermine les
nations à se faire des concessions réciproques. Passant à la question des tarifs,
l'orateur affirme qu'il faut suivre la voie inaugurée par les réformateurs de
1860; on a dit, il est vrai, que la concurrence avec l'étranger n'est pas pos-
sible, mais MM. F. Raoul Duval et Balsan ont fait remarquer que pour la pro-
duction il n'y avait pas au total un écart de plus de 3 à 4 0/0 entre les
fabricants anglais et les fabricants français, ajoutant même que cet écart était
bien des fois compensé chez nous par les frais de transport, de change, de
commission, etc. 11 est facile de faire remarquer, dit en terminant M. Rozy,
que, pour mettre à même de concourir, il est essentiel de réaliser bien des
réformes : reconstitution de notre outillage, abaissement des droits de trans-
port, amélioration de la navigation, etc.
1086 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
M. DÏÏBAE,
LES TENDANCES ÉCONOMIQUES DE L'EUROPE.
(extrait do procès-verbal).
— Séance du 25 août 1877. —
M. Dubar déclare en commençant qu'il est, sur un grand nombre de points,
d'accord avec M. Rozy et notamment sur la nécessité d'adopter un régime de
sage liberté commerciale et que tout le problème consiste à déterminer les
limites de sa sagesse. Rien n'est plus facile aujourd'hui , car l'expérience du
libre-échange a été faite depuis 1860 et il suffit d'en constater les résultats.
On a fait ressortir le développement des échanges de la France depuis 1860.
Si nos échanges se sont développés depuis 1860, ce résultat ne doit pas être
attribué uniquement aux traités de commerce. En effet, de 1819 à 1859, sous
le régime de droits élevés, le mouvement de notre commerce extérieur a pro-
gressé de 110 0/0 ; la progression n'a guère été plus considérable de 1860 à
1876, pendant seize ans. Ce n'est donc pas aux tarifs de 1860 qu'il faut attri-
buer tout l'honneur du développement de nos échanges, mais aussi à la
création de moyens de transport moins coûteux , plus nombreux et plus
rapides.
M. Dubar examine ensuite ce que sont devenues à l'intérieur nos grandes-
industries: la production métallurgique a eu à souffrir beaucoup de la con-
currence étrangère; les industries textiles ont été fort maltraitées. La France
qui, en 1860, possédait de 4,500,000 à 4,600,000 broches de coton, n'en a
plus que 4,300,000, soit une perte de 200,000 à 300,000 broches. De 1860 à
1876, l'Angleterre, au contraire, a augmenté de 36,000,000 de broches à
40,000,000. La France reçoit des importations de filés et de tissus de coton
équivalant à la production de 3,000,000 de broches environ. — Pour l'indus-
trie linière, dans la seule ville de Lille, 51,500 broches ont été arrêtées depuis
deux ans et les établissements qui les contenaient restent vides. L'industrie de
la laine a été fortement éprouvée dans plusieurs de ses spécialités et notam-
ment dans les tissus mélangés qui se fabriquent à Roubaix. Les industries
textiles françaises ont donc raison de s'émouvoir au moment du renouvellement
des traités, car la réforme de 1860 a entravé leur développement, qui aurait dû
être proportionnel au progrès des industries similaires à l'étranger. A l'étranger
que voit-on? C'est l'Italie qui vient de signer un traite protectionniste concer-
nant des augmentations de droits sur les textiles à l'entrée en Italie, sur les
vins à l'entrée en France; l'Autriche a également rele\é ses tarifs; la Russie
a toujours eu des droits énormes et elle favorise par les plus grands privilèges
le développement des industries textiles ; on connaît les droits élevés de l'Es-
pagne. Ainsi tous les pays moins avancés au point de vue industriel tendent
à nous fermer leurs portes ; faut-il les ouvrir plus grandes aux nations qui
DUBAR, — LES TENDANCES ÉCONOMIQUES DE L'EUROPE 10*7
nous ont devancés? Si l'Angleterre sollicite avec tant d'ardeur l'abaissement du
tarif français sur les textiles, c'est qu'elle a déjà perdu ses débouchés en Amé-
rique et que ses envois en Chine et au Japon diminuent.
Après avoir perdu le marché des Indes, où des manufactures ont été créées,
'Angleterre perdra, comme nous les marchés d'Italie et d'Autriche. Comme il
lui faudra écouler ses produits, elle songe au marché français qu'elle désire
posséder tout entier. La Belgique et la Suisse ne sont pas moins à craindre
pour nous, à cause de l'extrême bas prix de la main d'œuvre. L'Amérique
commence déjà à envoyer ses cotonnades en Angleterre ; elle sera bientôt
redoutable. Ainsi de tous côtés nous sommes également menacés d'importations
énormes de produits étrangers et de la diminution de nos exportations.
Un traité n'est qu'un marché dans lequel chacun cherche à obtenir le plus
possible, en donnant le moins possible; or, dans le traité franco-anglais nous
voyons, à l'entrée en France, une réduction des droits de moitié sur les
houilles et les fers, une réduction en deux périodes de 20 0/0 sur les textiles,
à l'entrée en Angleterre, une réduction de moitié des droits frappant nos vins.
On a démontré le danger de l'abaissement des droits à l'égard de nos indus-
tries; mais l'avantage résultant de l'exportation de nos vins vaut-il la peine
que nous sacrifions nos industries textiles? Avec un droit de 27 fr. HO par
hectolitre, l'Angleterre est arrivée à nous demander 306,000 hectolitres, soit
moins de 1 0/0 de la production française; l'on ne peut espérer augmenter
ce chiffre avec une réduction de moitié; l'Angleterre n'a donc rien à nous
offrir en échange des sacrifices énormes qu'elle veut nous imposer. Il serait
donc plus sage de maintenir le statu quo jusqu'au moment où la France pourra
aborder avec plus de calme ce grand débat économique. Sans vouloir aller en
arrière, il est juste de laisser la France se remettre des violentes secousses
qu'elle a éprouvées depuis dix ans, de donner à l'industrie indigène les amé-
liorations qui lui avaient été solennellement promises dans le programme du
5 janvier 1860. Loin d'améliorer notre outillage et de faciliter nos échanges,
on a sans cesse créé de nouvelles taxes, frappant directement nos producteurs;
on a grevé de droits énormes nos transports, et l'élévation des impôts de con-
sommation a augmenté le prix de la main-d'œuvre. En Angleterre, au con-
traire, depuis 1860, on a supprimé chaque année une taxe; en le comparant
avec la France on trouve que le premier pays paye 1 million et demi d'impôts
en moins. Ainsi le libre échange a été réalisé à la frontière avant de l'être à
l'intérieur ; l'œuvre des économistes doit donc être de.contribuer à la suppression
de toutes les entraves qui mettent nos producteurs dans une situation infé-
rieure à celle des producteurs étrangers.
DISCUSSION.
M. Milet proteste contre la théorie générale du libre échange au nom des
États faibles; là où il n'existe pas certaines industries nécessaires, il faut les
créer et l'on ne pourra y arriver avec l'application du free trade. En industrie
on ne doit pas redouter la lutte, mais il faut que les armes soient égales.
M. Frédéric Passy, membre de l'Institut, se déclare bien d'accord avec
1088 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
M. Dubar quant aux réformes à opérer à l'intérieur, mais il n'accepte pas les
autres conclusions. 11 soutient qu'un pays qui manque d'industries, mais qui
a le bonheur d'avoir pour clients des pays producteurs, fournissant à bas prix
les objets qui manquent, ferait une grande faute en s'interdisant le droit de
recevoir ces produits pour se donner la vaine satisfaction de créer des indus-
tries qui ne vivraient pas. Il contredit formellement M. Dubar au sujet des
résultats de la réforme de 1860; sans doute, il y a eu des souffrances, mais
les chutes dont on a fait tant de bruit ont été certainement compensées par des
augmentations, et, en tout cas, elles ne sont pas la suite des traités de 1860.
Pour le fer, en effet, on a bien des fois constaté que ce qui a été frappé c'est
l'industrie du fer au bois, et ce résultat est dû au perfectionnement de l'indus-
trie du fer à la houille et au renchérissement du bois qui a rendu cette
industrie impossible. On dit que si l'on abaisse les droits, notre pays sera
inondé; mais M. Passy ne croit pas à un trop-plein universel et constant; sans
contredit, il peut y avoir, à certain moment, un encombrement, mais il n'a
lieu que lorsque des pays grèvent (peut-être subitement), à l'entrée des fron-
tières certains objets, et lorsque l'on se trouve en présence d'un marché res-
treint et d'objets fabriqués en vue d'un marché ouvert et libre. Non-seulement
le libre échange a produit partout une grande amélioration, non- seulement il
nous a mis dans un état plus régulier de prix et d'approvisionnement, mais
il a créé une solidarité entre les nations, et par là il a donné naissance à
une influence que l'on aurait tort de supprimer.
M. Rozy répond à M. Dubar que toute son argumentation reproduit celle
qui a déjà été contestée en 1860; à cette époque, les protectionnistes préten-
daient que la réforme devait ruiner nos industries ; aujourd'hui, on soutient
qu'une réduction dans les tarifs serait la destruction de plusieurs branches de
l'industrie française. Les prédictions sinistres que l'on faisait jadis ne se sont
pourtant pas réalisées; on s'est, en effet, outillé; on a déployé une activité
remarquable et rien n'est compromis. On dit, il est vrai, que la France a fait
des pertes sérieuses ; mais' M. Dubar, qui s'est fait le champion du statu quo,
s'est préoccupé exclusivement de l'industrie des tissus; il n'a rien dit du fer
et de la laine, et il ne pouvait rien dire, car ces industries n'ont pas eu à
souffrir de la réforme de 1860; de même, il n'a rien dit des produits agricoles,
oubliant que la France est un pays essentiellement agricole et que les traités
de 1860 ont beaucoup contribué au développement de notre agriculture. Les
protectionnistes soutiennent, il est vrai, qu'avant 1860 il y a eu des progrès
dans le commerce et que, par suite, les augmentations qui se sont produites
dans les transactions sont une chose naturelle, mais ils oublient d'ajouter que,
même avant la réforme économique, certaines barrières avaient disparu dans
une certaine mesure. La cause de la liberté des échanges, dit en terminant
M. Rozy, est gagnée, en présence de l'accroissement général de la production,
du bien-être et des transactions.
M. Dubar tient à présenter quelques observations à l'appui de sa commu-
nication : MM. Passy et Rozy ont réclamé une sage liberté, avec tous les
économistes. On est dès lors en droit de se demander où elle commence et
où elle finit; il croit avoir précédemment fixé ce point; il n'a pas voulu
DUBAR. — LES rENDANCES ÉCONOMIQUES DE LEUROPE 1089
discuter les questions du libre échange et de La protection, il a simplement
dit (]li 'il fallait tenir compte, dans le renouvellement des traités de commerce
des tendances des autres nations, et il ne tant pas que les conventions soient
laites à notre détriment. Aussi se rallie-t-il complètement à ceux qui deman-
dent que l'on lasse une enquête avant d'abaisser des tarifs qui ne pourraient
ensuite être relèves.
M. Klipffel, juge au tribunal de commerce de Béziers, dans une notice écrite
pour la discussion, se propose de défendre le produit national par excellence,
le vin. M. Du bar a dit qu'en consentant à un rabais sur les vins, l'Angleterre
ne consentait qu'à un sacrifice illusoire et que l'on ne peut espérer augmenter
l'exportation avec une réduction de moitié. Or nos exportations en vins, sous
l'empire d'un régime prohibitif pour ceux de consommation commune, ont
gagné plus de 300 0/0. Il est donc permis de croire qu'avec un droit réduit à
13 fr. environ par hectolitre, l'on pourrait arriver a augmenter nos exporta-
tions et donner à un produit qui forme la richesse prépondérante de plus de
vingt départements, une valeur réelle que souvent il perd par son immobili-
sation forcée, qui le condamne aux flammes des distilleries. L'on a fait un tableau
alarmant de la situation de la France, notamment au point de vue fiscal; il
est exagéré. Les droits de circulation en France varient de 1 IV. 20 à 2 IV. 50
par hectolitre : les octrois ont divers tarifs, dont celui de Paris est le plus
exagéré, mais ils ne dépassent pas le chiffre de 23 fr. par hectolitre. L'orateur
a la conviction que si l'on pouvait offrir au consommateur anglais à GO ou
70 c. un litre de bon vin, l'exportation prendrait un très-grand développe-
ment et les bénéfices ainsi réalisés indemniseraient des pertes causées par le
phylloxéra. M. Klipffel montre par des chiffres les résultats produits par
l'abaissement des tarifs pour l'Allemagne, avec 80 fr. par 100 hectolitres: l'ex-
portation est presque nulle; avec 20 fr. l'on exporte plus de -400,000 becto-
litres; l'Italie nous prenait près de 300,000 hectolitres avant l'augmentation
des droits à l'entrée, et l'exportation recommencerait avec une réduction des
droits ; l'Espagne sera également notre tributaire lorsque le droit qu'elle prend
à l'entrée ne sera plus prohibitif.
M. Philippe, ingénieur des ponts et chaussées, fait remarquer que l'on a
très-souvent vu demander la protection pour une industrie favorisée par la
nature, au détriment d'une industrie qui n'a été créée qu'à force de labeur et
de persévérance. Ainsi la sucrerie de betterave semble devoir être sous peu en
décadence; si le Brésil, la Réunion, etc., voulaient améliorer les procédés de
fabrication, la lutte deviendrait impossible pour les producteurs français, notre
production sucrière disparaîtrait totalement et l'on verrait alors nos fabricants
demander protection contre les colonies et le Brésil.
Réédifiant ce qu'a dit M. Dubar touchant l'industrie cotonnière aux États-
Unis, M. Fkéd. Passy dit qu'elle existe depuis au moins vingt-cinq ans, que
son développement considérable a pu être favorisé jusqu'à un certain point
par la protection, mais que ce progrès devait nécessairement se produire dans
un pays où le coton croît naturellement.
M. Milet reconnaît à une nation le droit de conserver les moyens d'acquérir
les objets qui lui manquent; au Brésil il n'y a que le sucre et le café qui
69
1090 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
soient capables de payer les importations ; que l'on décrète le libre échange,
ces industries péricliteront et le Brésil sera privé de ressources nécessaires.
M. Clamageran termine la discussion en disant que le rôle des économistes
est de poser les principes, de faire la théorie, en quelque sorte, et qu'il appar-
tient au législateur de rechercher les tempéraments à apporter et dans quelles
mesures les principes doivent être adoptés.
M. HIPPEAU
Secrétaire du Comité des travaux, historiques au Ministère dé l'Instruction publique.
SUR LES RÉFORMES A INTRODUIRE DANS L'ÉDUCATION PUBLIQUE
— Séance du 25 août /877. —
Les considérations développées par M. Hippeau, dans la 45e section
de l'Association pour l'avancement des sciences, ont donné lieu à une
discussion fort intéressante, à laquelle ont pris part plusieurs membres et
principalement MM. Rozy et Frédéric Passy, d'accord, du reste, avec
M. Hippeau sur les améliorations qu'il réclame pour notre système
d'éducation publique. Ces améliorations doivent être introduites sur une
vaste échelle dans un établissement que l'on s'occupe en ce moment de
fonder sous le nom de Ville écolière dans une commune voisine de
Paris, établissement sur lequel il se propose d'appeler l'attention de la
section.
Il rappelle, en commençant, que depuis la première session tenue à
Bordeaux par l'Association française, MM. de Quatrefages, Dumas et
Sainte-Claire Deville ont proclamé, avec toute l'autorité qui s'attache
à leurs noms, la nécessité d'une complète réforme dans l'enseignement
public. '
Attaché lui-même pendant plus de quarante ans à l'Université, il a pu
constater le mérite de ses professeurs, et les avantages, ainsi que les
inconvénients du système d'éducation qui s'y pratique. Lorsqu'en 4867
il fut appelé à faire valoir ses droits à la retraite, il jugea qu'il ne pou-
vait faire un meilleur usage de son temps que de le consacrer à l'étude
des différentes questions qu'embrasse la science pédagogique.
Afin de pouvoir avec plus d'autorité signaler les lacunes qui existent
dans notre système d'éducation et les améliorations qu'il serait utile d'y
introduire, il entreprit d'aller étudier les procédés et les méthodes en
vigueur dans les pays qui possèdent, pour tous les degrés de l'instruction,
les établissements les plus renommés.
BIPPEAU. — RÉFORMES \ INTRODUIRE DANS L'ÉDUCATION 1091
M. Hippeau expose les principaux résultais de l'enquête à laquelle il
s'est livré et qu'il a développés dans les ouvrages qu'il a publiés sur
l'instruction publique aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en
Italie, dans les États Scandinaves el en Russie. Il a pu juger, en con-
naissance de cause, à l'aide des faits nombreux qu'il a recueillis, ce qu'il
conviendrait d'emprunter aux nations étrangères, en ce qui concerne
l'éducation et L'enseignement, el quelles sont dans ces deux parties les
institutions pour lesquelles la France conserve sa supériorité.
Il l'ait ressortir la différence qui existe entre l'éducation proprement
dite, qui a pour but la formation du caractère et l'instruction qui s'oc-
cupe de développer l'intelligence.
Ces deux points ont été aux svie, xvn el wur3 siècles traités d'une
manière admirable par nos grand- écrivains français. Les méthodes qu'ils
ont combattues comme pernicieuses et celles qu'ils ont préconises
constituent la véritable science pédagogique, dont les nations européennes
se sont emparées pour en faire l'application dans leurs écoles. La France,
qui a eu le mérite d'en établir les principes, s'est laissé devancer dans
cette application.
M. Hippeau pense, avec les éminents écrivains qui dans ce dernières
années se sont occupés de la question des réformes de l'instruction pu-
blique, que la France ne doit pas rester en arrière et que les plus grands
efforts devront être faits pour qu'elle reprenne au milieu des peuples, chez
lesquels l'éducation publique est en progrès, le rang qui lui appartient.
Abordant les questions de détail, M. Hippeau fait ressortir les diverses
améliorations qu'il serait facile d'introduire dans l'éducation publique, au
point de vue physique, au point de vue intellectuel et au point de vue moral.
Il est difficile que nos grands établissements, qui réunissent S, 6, 7,
ou 800 in ternes, se trouvent dans les conditions requises pour assurer
le bien-être, la santé et le développements moral des jeunes gens et des
jeunes lilles. (En parlant de l'éducation publique, M. Hippeau ne sépare
pas dans sa pensée la jeunesse des deux sexes, et il attache une impor-
tance capitale à tout ce qui peut assurer aux femmes le bénéfice d'une
instruction supérieure.)
Il n'est pas besoin, dit-il, d'insister ici sur les inconvénients et les
dangers de l'internat. Mais quant à ce qui touche l'enseignement, les
réformes ne sont pas moins urgentes. Il faudrait songer à remédier à
l'encombrement qu'a introduit dans les programmes de l'enseignement
secondaire, la nécessité d'y faire figurer l'étude des sciences et celle des
langues modernes, en donnant une organisation nouvelle aux études,
en consacrant, par exemple, comme l'avait proposé M. Jules Simon, à
l'études des langues anciennes moins de temps et surtout une méthode
plus expéditive.
1092 ÉCONOMIE POLITIQUE KT STATISTIQUE
Le système qu'il propose consisterait à donner aux élèves, depuis
l'âge où ils commencent leurs études jusqu'à douze ans, une instruction
ayant surtout pour objet les sciences naturelles et physiques, les langues
modernes, l'histoire, la géographie, etc. , etc., et à ne leur faire commencer
le latin et le grec qu'après leur avoir fait consacrer au moins quatre
ans à ces études préparatoires, pendant lesquelles les leçons de choses
occuperaient une grande place. Ces leçons de choses, qui forment aux
États-Unis et en Allemagne une partie essentielle de l'instruction pri-
maire, ne sont que l'application de la méthode naturelle, de la méthode
intuitive, qui n'est autre chose que l'observation des faits particuliers
dont on arrive plus tard à formuler les lois générales. C'est l'inverse de
la méthode généralement employée en France, où l'on commence l'élude
des langues par l'exposition de leurs règles grammaticales, tandis que la
nouvelle méthode consiste d'abord à les parler pour ensuite en étudier
la grammaire.
Après avoir indiqué les diverses améliorations qu'amènerait nécessaire-
ment l'emploi de la méthode intuitive, M. Hippeau reconnaît avec plaisir
qu'elles commencent à être comprises en France et que c'est certaine-
ment leur adoption qui est la principale cause des succès obtenus à Paris
par l'École Monge et l'École Alsacienne. Elles seront bien plus largement
appliquées, si l'honorable maire du Vésinet, M. Pallu, parvient ù réaliser
le projet qu'il a conçu d'organiser dans cette commune sa Ville écolière.
L'auteur de ce projet a été vivement frappé des dangers que présen-
tent les établissements qui, situés au milieu des grandes villes, réunissent
un nombre considérable d'élèves, au détriment de leur santé et mal-
heureusement aussi de leur moralité : la surveillance est, dans ce cas,
bien difficile et l'ordre extérieur n'y est maintenu qu'au moyen d'une
discipline sévère. Ils y sont assujettis à des travaux qui leur enlèvent
tout esprit d'initiative, et contraints de passer la plus grande partie de
leur temps dans l'immobilité et le silence. Ils sont exposés à toutes les
misères que M. Victor Laprade a désignées sous le nom d'éducation ho-
micide. D'un autre côté, il est cependant utile de réunir un assez grand
nombre d'élèves pour leur donner un enseignement commun, et entre-
tenir chez eux ce sentiment d'émulation, ce désir de bien faire, qui
sont les stimulants les plus puissants de la jeunesse.
La solution du problème consiste à créer, non plus au sein des villes
populeuses, mais dans des localités largement pourvues d'air et d'espace,
de vastes établissements, ne recevant que des externes, mais entourés
de Villas où, sous la surveillance de personnes recommandables et choisies
avec soin, dix à douze élèves seulement trouveraient tous les avantages de
la vie de famille. C'est là précisément le système tutorial qui, partout
où il est mis en pratique, produit les plus heureux résultats.
SIEGFRIED. — L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DU HAVRE 1003
M. Pallu peut disposer au Vésinetde quatorze hectares de terrain, dansla
partie la plus riante et la plus saine de cette commune. Il y construira
tous les édifices nécessaires à un établissement d'enseignement primaire,
secondaire et supérieur, pourvu d'un riche matériel scientilique, pos-
sédant un observatoire astronomique, de vastes pavillons pour la phy-
sique, la chimie, la mécanique, les beaux-arts, l'histoire naturelle, la
musique; ayant de plus des salles pour la gymnastique et l'escrime;
des bains, un manège, des ateliers renfermant les principales machines
qu'emploie l'industrie pour mettre en œuvre les matières premières. Un
terrain considérable sera réservé pour les études d'agriculture et d'hor-
ticulture.
C'est autour de cet établissement central, dont les élèves suivront les
cours comme externes, que se grouperont les élégantes villas où ils
recevront l'éducation de famille. Ce qui a engagé M. Hippeau à étudier
de près un projet aussi intéressant , c'est qu'il y a vu la possibilité de
réaliser tout ce qu'il avait pu constater de meilleur pour l'éducation et
l'enseignement dans les pays dont il a visité les établissements scolaires.
M. Pallu se propose de faire pour cette fondation un appel au patrio-
tisme de la France ; il serait impossible de trouver ailleurs des condi-
tions aussi exceptionnelles. 11 a reçu de tous côtés des encouragements
et des témoignages de sympathie qui lui font concevoir les plus grandes
espérances. M. Hippeau ne peut que faire des vœux pour son succès.
Les noms les plus distingués et les plus illustres dans la politique,
dans les lettres et dans les sciences, se sont empressés d'appuyer de
l'autorité de leur recommandation une réforme qui sera un véritable
bienfait pour les pères de famille ; car depuis quelques années ils ne
savent à quels établissements ils confieront l'instruction et surtout
l'éducation de leurs fils.
M. Jacques SIEG-FEIED
L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DU HAVRE.
— Séance du 25 août 1877. —
Les chemins de fer, les bateaux à vapeur, les télégraphes et les traites
de commerce ont déjà modifié dans une grande mesure les mœurs
commerciales de la France et sont appelés à y introduire encore de
nouveaux changements.
•1094 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
Lorsque notre pays vivait sous le régime de la protection proprement
dite, notre commerce était presque exclusivement intérieur. L'industrie
française produisait à peu près tout ce dont nous avions strictement
besoin, et le rôle du négociant se bornait à servir d'intermédiaire entre
la production et la consommation nationales. Nos échanges avec les
pays étrangers, restreints aux matières premières que nous étions dans
l'impossibilité de produire nous-mêmes et aux marchandises que les
étrangers ne trouvaient pas ailleurs que chez nous, se faisaient par l'en-
tremise d'un petit nombre d'armateurs qui en avaient, en quelque sorte,
le monopole. Ce haut commerce était réglé presque uniquement par
l'état de nos marchés intérieurs; il subissait à peine l'influence que les
circonstances générales exerçaient sur ces produits à l'étranger.
Il suffisait, à cette époque, de bien connaître le marché français pour
être un bon commerçant, et l'on y arrivait sans trop de peine, par la
pratique et l'expérience quand on était doué des principales qualités
nécessaires au négociant, c'est-à-dire l'honorabilité, l'esprit d'ordre,
l'intelligence et le jugement. La routine jouait alors le rôle principal.
Aussi, le jeune homme qui se destinait au commerce n'avait-il guère
qu'une voie à suivre. Dès qu'il savait lire, écrire et bien calculer, il
entrait vers l'âge de 13 ou 14 ans dans un bureau, à titre de « volon-
taire » ; il y passait un certain nombre d'années, s'initiant successive-
ment à la besogne de chacun des employés, se mettant au courant de
la manière dont la « maison » avait l'habitude de traiter les affaires,
apprenant à connaître par expérience l'article le plus souvent unique ou
quelquefois les articles dont son patron s'occupait, et il parvenait
ainsi, plus ou moins rapidement, à la réputation de « posséder son
affaire. » Et, en effet, cela suffisait pour arriver aux positions les plus
honorables et souvent aux plus belles fortunes.
Aujourd'hui, les choses ont complètement changé. Les progrès de la
civilisation rendent les nations de plus en plus solidaires les unes des
autres. Le développement des échanges, leur facilité relative et toujours
croissante, font que les fluctuations dans la valeur d'une marchandise
se répercutent d'un pays dans tous les autres, que l'influence d'une
récolte ne s'exerce pas seulement sur place, mais se fait sentir au loin ,
qu'enfin une crise commerciale ou financière étend de tous côtés ses
effets plus ou moins accentués.
Le négociant ou l'industriel qui, prenant son rôle terre à terre, s'oc-
cuperait exclusivement de son voisinage immédiat, s'exposerait aujour-
d'hui aux surprises les plus cruelles. Il faut absolument qu'il se tienne
d'une façon générale au courant de ce qui se passe dans les principaux
pays du monde. Ce n'est plus contre la concurrence locale qu'il doit lutter:
les traités de commerce l'ont mis en présence de la concurrence universelle!
SIEGFRIED, — L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DU HAVRE 1095
Les jeunes gens qui se destinent aux carrières commerciales ont donc
besoin aujourd'hui d'une préparation très-étendue. Il faut qu'ils soient
non-seulement à même de s'occuper des affaires françaises proprement
dites, mais il faut encore qu'ils connaissent celles de l'étranger. Ils
doivent savoir ce que chaque pays produit et consomme, de quels
échanges se compose son commerce extérieur, par quelles voies de
communication ces échanges s'effectuent, quels obstacles leur opposent
les tarifs de douane, quelles facilités leur procurent les traités de com-
merce. Il est nécessaire qu'ils puissent se rendre compte du prix de
revient, et pour cela qu'ils soient au courant des poids, monnaies et
mesures, des principaux pays et des opérations d'arbitrage. Il faut qu'ils
ne soient point étrangers aux questions de crédit et de finance, qui
prennent une si grande place dans le monde moderne. Il est bon même
qu'une certaine connaissance de la politique leur permette de savoir
distinguer les points noirs lorsqu'ils apparaissent à l'horizon.
Le champ dans lequel le négociant se meut aujourd'hui est vaste, on
le voit. Il est digne de relever la carrière commerciale dans l'opinion
publique ; il exige en tout cas que les jeunes gens y entrent bien pré-
parés. C'est ce que l'on a compris dans plusieurs villes de France depuis
quelques années.
On a senti la nécessité de créer des écoles supérieures spéciales qui
fussent pour le commerce ce que sont pour d'autres carrières l'École
centrale, l'École de droit, l'École Saint-Cyr ou l'École polytechnique.
Mulhouse en 1866, le Havre et Rouen en 1871, Lyon et Marseille en
1872, enfin Bordeaux en 1875, ont ouvert chacune leur École supérieure
de commerce, et, chose digne de remarque, partout l'initiative de ces
créations a été prise par les négociants eux-mêmes, qui n'ont pas reculé
devant les sacrifices nécessaires. Nous pourrions joindre à ce groupe
l'École supérieure de commerce de Paris, fondée en 1820 par Blanqui,
acquise vers 1869 par la Chambre de commerce de Paris et dirigée ac-
tuellement par M. Schwaeblé. Mais tout en donnant une large place aux
matières commerciales, le programme de cette école est un peu trop
général pour pouvoir être assimilé à celui des nouvelles écoles spéciales
dont nous nous occupons dans cette notice.
Mulhouse avait donné l'exemple par une libéralité de 100,000 fr. ; les
négociants du Havre se sont cotisés et ont réuni 220,000 fr. ; ceux de
Rouen 250,000 fr. A Lyon, à Marseille et à Bordeaux on a fait plus
encore, et, grâce au concours des Chambres de commerce, des munici-
palités et de diverses sociétés savantes, la première de ces villes a pu
consacrer à cet objet un capital de 1,200,000 fr., la seconde 450,000 fr.,
et la dernière une dotation annuelle d'environ 50,000 fr. N'est-ce point,
de la part d'hommes qui connaissent mieux que personne le prix de
409G ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
l'argent, la meilleure preuve de l'utilité, de l'urgence même des écoles
supérieures de commerce?
Ces écoles sont toutes constituées sur le même modèle, à peu de chose
près. Elles ne pouvaient mieux faire que de suivre le programme éla-
boré par la société industrielle de Mulhouse ci si bien mis en pratique
par le docteur Penot. Elles ne diffèrent que par quelques cours acces-
soires inspirés par les besoins locaux et qui traitent au Havre, d'arme-
ment, à Marseille d'hygiène, de langue arabe et de grec moderne, à
Lyon des devoirs du négociant, à Rouen de microscopie et de tarifs de
chemins de fer. Les grands cours fondamentaux ont, dans toutes ces
écoles, le même objet, c'est-à-dire le bureau commercial proprement
dit, la géographie, l'étude des marchandises, l'économie politique et la
législation commerciale, enfin les langues modernes.
L'École supérieure de commerce du Havre, sur laquelle nous désirons
surtout appeler l'attention aujourd'hui, a son siège rue Ancelot, n° 21.
Elle est administrée par un Conseil composé de négociants, d'armateurs
et de banquiers. Elle a pour directeur M. Hippolyte Vannier, ancien
négociant, bien connu par ses ouvrages de comptabilité et d'arbitrages
édités chez Delagrave. C'est une école tout à fait spéciale, comme l'in-
dique avec soin son prospectus. Les jeunes gens qui désirent suivre ses
cours doivent, à moins d'être porteurs du diplôme de bachelier, prouver,
en subissant un examen d'entrée, que leur instruction générale est ter-
minée. Cet examen porte sur la langue française, sur l'arithmétique et
sur les éléments de mathémathiques, de géographie, et de chimie. Les
élèves sont admis à l'âge de lo ans. et l'âge moyen des jeunes gens qui
fréquentent l'École du Havre est de 17 à 18 ans. A cette époque de la
vie, on doit prendre l'habitude de se diriger soi-même. Aussi l'École
est-elle un externat. Toutefois, la sollicitude et les bons conseils du di-
recteur n'abandonnent jamais les élèves, et M. Vannier sait toujours leur
indiquer des familles honorables où ils peuvent trouver le logement et
la pension. La durée des études proprement dites est de deux ans.
Le Bureau commercial forme la base de l'enseignement. 11 est pro-
fessé par M. Vannier et par son sous-chef de bureau, M. Leprince, ancien
élève de l'école. On y consacre douze heures par semaine dans chacune
des divisions. Dans la première année on enseigne les notions élémen-
taires du commerce et de la comptabilité, depuis le calcul pratique, la
facture, le compte de vente, les effets de commerce, les bordereaux, les
calculs d'intérêts, les différentes manières de dresser les comptes cou-
rants, etc., etc., jusqu'à la tenue des livres inclusivement : livre de
caisse, journal, grand-livre, etc. Dans la deuxième année , les élèves
dressent des bilans et des inventaires; ils se familiarisent avec les opéra-
tions de changes et d'arbitrages, Jes prix de revient, les usages du
SIEGFRIED. — L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DU HAVRE 1091
commerce dans les principaux pays «lu monde, et, lorsque toutes ces
notions importantes leur sont acquises, ils simulent des établissements
en France et à l'étranger, rédigent et «'changent des lettres d'affaires et
l'ont entre eux des opérations commerciales et financières qui se com-
plètent les unes les autres, dans les monnaies, poids et mesures des
divers peuples.
La Géographie commerciale est traitée d'une façon complète. Elle a
pour objet la production agricole, minérale et manufacturière des diffé-
rents pays, les centres manufacturiers et commerciaux, les ports de nier,
les chemins de fer, les rivières et les canaux, les importations et les
exportations, en un seul mot, le commerce du monde entier. Chaque
pays est envisagé, non-seulement à son point de vue particulier, mais il
est en outre le sujet d'une étude comparative qui permet aux élèves de
se rendre compte du rang qu'il occupe; pour chacun des éléments qui
constituent les grands courants commerciaux du monde. Ce cours com-
prend trois heures par semaine pour chaque classe; il est fait par
M. Metgé, que les malheurs politiques de l'Alsace ont pu seuls décider
à quitter les nombreux élèves qui le chérissaient à Mulhouse.
Pour initier à l'étude des marchandises et des matières premières,
aucune ville n'est plus favorisée que le Havre qui est un entrepôt uni-
versel. Chaque produit est étudié non-seulement au point de vue de ses
qualités distinclives et de ses emplois, mais encore du mode sous lequel
il se présente au commerce et de la manière dont les courtiers en esti-
ment la valeur et en fixent le prix. Le professeur indique et compare les .
différents centres de production, d'échange et de consommation de chaque
marchandise et il achève ainsi de répandre la clarté dans l'esprit de
l'élève sur les notions que lui a déjà fournies le cours de géographie
commerciale. Pour donner à cette étude des marchandises une tournure
tout à fait pratique, on a soin de conduire de temps en temps les élèves
sur les quais, dans les docks et dans les magasins généraux. C'est
M. Fleury, courtier de commerce au Havre qui a bien voulu concourir
au succès de l'école en se chargeant de ce cours auquel il consacre trois
heures par semaine dans chacune des deux années.
Il est bon que les jeunes gens qui se destinent au commerce déve-
loppent leur jugement en étudiant les principes fondamentaux de
Y Économie politique touchant la production, la circulation, la consom-
mation et le crédit. Il est utile aussi qu'ils connaissent les droits que
leur confère et les obligations que leur impose la législation commerciale.
Ces deux cours sont professés à l'École du Havre , par M. Haumont ,
avocat, auquel l'École de commerce réserve deux heures par semaine
dans chaque division.
Le cours d'armement est professé par M. Lelaidier, notre savant ingé-
1098 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
nieur. Il se fait en deuxième année seulement et ne comprend que
deux heures par semaine. Son objet est de donner aux élèves des idées
générales sur la construction, le jaugeage, l'armement, en un mot sur
la direction commerciale des navires à voile et à vapeur.
Si le rôle de la calligraphie est modeste, il n'en est pas moins de la
première importance, c'est par leur écriture que les employés d'une
maison de commerce ou de banque attirent en premier lieu l'attention
de leurs patrons. L'École du Havre a donc tenu à inscrire la calligra-
phie dans son programme et elle y consacre une à deux heures par
semaine dans chaque classe. M. Archinard qui en était chargé, vient de
mourir emportant les regrets de tous ceux qui l'ont connu.
Enfin, les langues vivantes tiennent une grande place dans l'enseigne-
ment commercial. On s'en occupe au point de vue pratique plutôt que
sous le rapport littéraire. Les futurs négociants doivent savoir compren-
dre un interlocuteur étranger et lui exprimer leurs pensées ; ils doivent
pouvoir correspondre, sinon d'une façon élégante, du moins avec clarté
et précision. La langue anglaise est tellement indispensable dans les
affaires que l'École du Havre y consacre, par l'entremise de M. Mor-
dacque, quatre heures par semaine dans chaque division.
Elle exige, en outre, que l'élève étudie, pendant trois heures par
semaine, une autre langue étrangère, soit l'allemand, avec M. Hoffmann,
soit l'espagnol, avec M. Carabello.
En résumé, le programme de l'École supérieure de commerce du
( Havre est appliqué comme suit :
Heures par semaine.
lrc année. 2e année.
Bureau commercial 12 12
Géographie commerciale 4 3
Étude des marchandises et matières premières. . . 3 3
Législation commerciale et économie politique ... 2 2
Cours d'armement 0 2
Calligraphie • 2 4
Anglais ■ 4 4
Allemand ) , . , ,,,„ Q o
} au choix de 1 élevé 3 3
Espagnol )
Études 16 16
Total des heures par semaine 46
46
Pendant la durée de l'année scolaire, les élèves sont fréquemment
examinés sur chaque sujet traité par les professeurs et des compositions
ont lieu dans chaque trimestre.
A la fin de la deuxième année d'études un examen général et oral
SIEGFRIED. — ÉCOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE DU HAVRE 4009
est fait par un jury, composé des professeurs de l'École, des membres
du Conseil d'administration, de délégués de la Chambre de commerce
et de la municipalité. Les élèves qui subissent cette épreuve d'une façon
satisfaisante, reçoivent un diplôme de capacité, dont la valeur sera de
plus en plus appréciée par les chefs de maison à cause de la sévérité qui
préside aux examens. L'École du Havre a la conviction que son avenir
dépend du prix que le public attachera à ce diplôme et elle ne le
décerne qu'à ceux qui en sont réellement dignes.
On voit, d'après la description complète que nous venons de faire,
combien cette création est excellente. Il lui manque toutefois une chose
pour que son succès soit complet. Elle n'a pas assez d'élèves. Le prix de
rétribution de ses cours est-il peut-être considéré comme un peu élevé
(il est de 600 francs par an). Ou plutôt cet enseignement n'est-il pas
trop nouveau pour que ses avantages soient bien compris par les pères de
famille qui, en France, ont beaucoup de peine à se prêter aux innova-
tions ? Quoi qu'il en soit, la vérité est que, depuis sa fondation, l'École
du Havre a reçu 160 élèves et qu'en moyenne elle a, outre ses cours
préparatoires, 40 élèves dans ses deux divisions proprement dites. C'est
évidemment trop peu. Aussi avons-nous vu avec joie les corps officiels
donner successivement leur approbation à cette utile création, la Cham-
bre de commerce en votant en faveur de l'École 4 bourses, la municipa-
lité 5, le Conseil général 2 , enfin le ministre du commerce 3. Nous
pouvons espérer que ces témoignages officiels contribueront à convaincre
les pères de famille ; nous comptons aussi que les succès des élèves, qui
tous ont réussi à se placer rapidement dans des maisons de commerce
ou de banque et qui arriveront relativement vite à occuper de belles posi-
tions, sera pour le recrutement futur de l'École supérieure du commerce
du Havre la meilleure des réclames. Nous nous en rapportons à la
Société amicale des anciens élèves de l'École qui s'est constituée en
187o et dont les sentiments de reconnaissance envers leurs professeurs
et envers l'Ecole sont déjà la plus douce récompense de ceux qui se
sont voués de tout leur cœur à cette œuvre d'utilité publique.
1100 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
M. MOZ
Avocat à l.i Cour d'appel, Docteur en droit, Lauréat de l'Institut,
DE LA MARINE MARCHANDE ET DE SON RELEVEMENT.
— Séance du 27 août 1877. —
Il est constant que la marine marchande de la France est en pleine
décadence. Jusqu'en 1866, elle occupait le troisième rang parmi les
marines du monde. Elle vient aujourd'hui au sixième rang, ainsi que
le constate la statistique suivante, dressée au 31 décembre 1875, qui
indique le tonnage afférent à chaque pays :
Angleterre 7,631 ,593 tonnes.
États-Unis 2,880,973 —
Norwége et Suède 1,843,483 —
Italie 1,264,012 —
Allemagne 1,052,201 —
France 953,963 —
Pour comprendre à quel mal est en proie la marine française, il faut
ajouter qu'elle a perdu 200,000 tonnes depuis 1872, tandis que la Suède
gagnait 357,000 tonnes et l'Italie 164,000. 11 faut enfin tenir compte de
ce fait que la plus grande partie de notre marine à vapeur est subven-
tionnée. 129,000 tonneaux sont représentés par les six grandes compa-
gnies postales auxquelles l'État accorde un subside annuel de 26 mil-
lions. Que l'État cesse d'étendre sa main secourable sur la marine à
vapeur, et celle-ci sera réduite à un peu plus de 150,000 tonneaux.
Les causes du mal dont notre marine est atteinte sont de deux sortes :
les unes tiennent au sol de la France ainsi qu'au caractère et aux mœurs
de ses habitants, les autres tiennent au régime commercial inauguré eu
1860.
Il est certain que notre littoral est moins propre à alimenter une
marine nombreuse que le littoral de l'Angleterre, de la Suède et de
l'Italie. Pourquoi? Parce qu'il est trop fertile. Le Picard, le Normand, le
Gascon, le Provençal hésiteront toujours à abandonner leur pays d'ori-
gine, où une législation démocratique leur permet d'acquérir un mor-
ceau de terre, pour entreprendre le métier âpre et périlleux de la navi-
gation.
D'autres raisons empêchent la classe instruite et riche de diriger vers
la mer ses capitaux et son intelligence. On exalte beaucoup l'esprit
bROZ. — IH. LA MAHIM MARCHANDE ET DK SON RELEVEMENT M'M
d'économie qui règne en France ; ou répète à l'envi que dans notre pays
chacun a le désir d'amasser. Il faudrait savoir si ces qualités, d'ailleurs
précieuses, n'ont pas pour effet d'éteindre l'esprit d'initiative et d'entre-
prise. Peut-être les pères ont-ils trop à cœur de préparer à leurs en-
fants un moelleux oreiller. Ceux-ci, faute de stimulant, végètent
toute leur vie plutôt que de courir les hasards de la fortune.
A côté de ces considérations générales, il y en a d'autres plus parti-
culières qui expliquent l'intensité du mal actuel. C'est, en somme, l'éta-
blissement suhit de la liberté commerciale qui a suspendu nos arme-
ments, dépeuplé nos chantiers. L'abaissement des surtaxes d'entrepôt,
la suppression des surtaxes de pavillon a révélé l'impuissance de notre
marine à lutter contre les marines rivales.
Personne ne peut songer à rétablir les anciennes surtaxes. Il y a
plus d'un obstacle à leur rétablissement, dont le principal serait le refus
catégorique des nations étrangères. Ce serait, eu outre, le renchérisse-
ment par voie de conséquence de tous les produits importés. Les cotons
du Brésil, les cuirs du Chili, le riz de la Chine coûteront d'autant plus
que le prix sera surélevé. De quel droit imposer aux consommateurs
une dépense, sous prétexte que les armateurs doivent vivre? 11 faut
tâcher de remédier au mal, tout en respectant le principe salutaire de
la liberté commerciale.
La première réforme qu'il y ait à indiquer est une réforme dans
l'éducation nationale. C'est une idée fausse qui s'est emparée de la
bourgeoisie française que de destiner la majeure partie de ses enfants
aux professions prétendues libérales. 11 faudrait créer des établissements
analoguesaux écoles réelles des Allemands. On peut, à cet égard, pren-
dre pour types l'école Turgot, à Paris, ou encore l'école de commerce
dont la ville du Havre est redevable à MM. Siegfried.
A côté de la direction qu'un gouvernement peut imprimer aux voca-
tions, il est une autre tâche qui lui est dévolue : nous voulons parler
de l'appropriation des lois aux besoins nouveaux qui se révèlent. Notre
code de commerce, qui n'est guère que la reproduction de l'ordonnance
de 1681, a vieilli. Il est aux difficultés juridiques ce qu'un règlement
du temps de Vauban serait à l'art militaire. Il y a nécessité de réviser
un à un les 300 articles dont se compose le livre II du Code de commerce.
La réforme doit porter non-seulement sur les lois commerciales, mais
sur les lois de police et sur les .lois d'impôt. Il faut aussi que le fisc
impose une borne à ses violents appétits. Enfin, le ministre des affaires
étrangères doit apporter une attention scrupuleuse dans le choix des
consuls, et le ministre des travaux publics doit donner ses soins assidus
à l'entretien et à l'amélioration des ports. Néanmoins, ces mesures, dont
chacune serait en soi bienfaisante et dont l'ensemble ne laisserait pas que
1102 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
d'avoir une certaine efficacité, ne peut pas transformer du jour au len-
demain la marine, guérir instantanément ses souffrances. Deux remèdes
ont été proposés, dont l'action serait plus immédiate : la création d'une
banque maritime, et l'allocation aux armateurs ainsi qu'aux construc-
teurs des subventions appelées primes.
La marine plus qu'aucune autre industrie a besoin de capitaux. On a
voté, il y a quelques années, une loi sur l'hypothèque maritime, qui,
dans la pensée de ses auteurs, devait fournir aux armatcursjle moyen
d'obtenir du crédit. C'a été une déception amère. Dans quelques-uns de
nos plus grands ports le registre sur lequel devaient être inscrits les prêts
sur hypothèque maritime est, à l'heure où nous parlons, vierge d'inscrip-
tions. Le total des quelques prêts consentis s'élève à une somme insi-
gnifiante. On a attribué cette impuissance de l'hypothèque maritime à la
limitation du taux de l'intérêt. Car la mobilité du gage, la dépréciation
rapide, l'indemnité le plus souvent incomplète de l'assurance, l'éven-
tualité des contestations en cas de sinistre ces divers motifs devaient
empêcher le capitaliste de prêter au taux maximun de 6 0/0. Qu'il y ait
lieu d'abroger la loi de 1807 en ce qui concerne la marine marchande,
cela nous semble évident. Toutefois cette abrogation, qui permettrait à
la marine de s'endetter, serait-elle d'un secours bien efficace pour son
relèvement? Nous en "doutons. Si l'on ne peut reprocher aux capita-
listes d'exiger des armateurs une rémunération élevée de leur argent,
en raison des risques que peut offrir le prêt qu'ils consentent, d'autre
part il faut que les armateurs s'interdisent sévèrement les emprunts
onéreux. Ils n'ont pas le moyen d'ajouter à leurs frais généraux le ser-
vice d'intérêts usuraires. Nous pensons que l'État pourrait, par des
subventions, des garanties d'intérêt, l'autorisation d'émettre des valeurs
à lots, favoriser l'établissement d'une banque maritime. De même que le
Crédit foncier a été institué en vue de l'agriculture, le Crédit maritime
aurait pour but de venir en aide à la marine. Toutefois, alors même que
des combinaisons ingénieuses abaisseraient le taux de l'intérêt et per-
mettraient l'amortissement du capital, il ne faut pas perdre de vue que
le crédit est exclusivement à l'usage de ceux qui prospèrent. Si le Cré-
dit foncier a été beaucoup plus utile à l'industrie du bâtiment qu'à
l'agriculture, c'est que celle-ci ne pouvait profiter de l'offre qu'on lui
faisait de mettre un capital à sa disposition, moyennant le paiement
annuel de 5,70 0/0 (intérêt et amortissement compris), quand elle ne
pouvait gagner que 3 ou 3 1/2. Bref, nous acceptons l'idée d'une banque
privilégiée, mais sans nous faire trop d'illusions sur l'efficacité des
services qu'elle pourra rendre. Surtout nous nous défionsdes créations
d'apparence grandiose. Si l'on pourvoit une banque d'un gros capital,
il est à craindre que cet établissement ne se lance dans des opérations
DR0Z. — DE LA MARINE MARCHANDE ET DE SON- RELÈVEMENT 1103
n'ayant rien de maritime, par la simple raison que tout corps organisé
lutte pour sa conservation. Mieux vaudrait que l'Etat s'entendît avec
une banque ayant à ses débuts un capital modeste, laquelle ne pour-
rait prendre de développement qu'eu raison des services qu'elle rendrait
et serait tenue pour croître d'être fidèle à la loi de son institution.
Nous arrivons à la grosse question, qui déjà a donné lieu à des con-
troverses épiques, la question des primes. Il est clair, nous dit-on, que
notre marine agonise. Encore quelques années, et il faudra rédiger son
épitaphe. Un seul moyen nous est offert pour la sauver, c'est d'accorder
aux armateurs et constructeurs une subvention de l'Etat. Déjà cette
subvention est accordée à la grande pêche sous les trois formes sui-
vantes : prime de 50 fr. accordée aux armateurs par homme d'équipage
et par campagne; prime de 20 fr. assurée aux mêmes par quintal de
morue rapporté ; droit de 48 fr. dont est grevé tout quintal de poisson
salé provenant des pêches étrangères. Si l'on ajoute aux primes directes,
qui sont de 200 fr. environ par tonne et par campagne, le bénéfice
indirect provenant du droit presque prohibitif dont est frappée la mar-
chandise étrangère, on arrive à une subvention annuelle d'environ
500 fr. accordée aux armateurs de grande pêche pour chacun des
hommes qu'ils emploient. Il s'agit d'accorder à la navigation de com-
merce des faveurs à peu près identiques.
On ne saurait dissimuler que cette proposition est de nature à sou-
lever les objections les plus graves. L'industrie de l'armement, si inté-
ressante qu'elle soit, n'est qu'une industrie privée ; de quel droit l'en-
tretenir aux dépens du budget? Si vous subventionnez les armateurs,
pourquoi repousser les filateurs et les propriétaires de hauts-fourneaux?
est-ce que leur industrie n'est pas nationale? ne contribue-t-elle pas à
la richesse du pays? ne fait-elle pas vivre des milliers de familles? ne
peut-elle pas en temps de guerre, par exemple, pour fournir des vête-
ments et des armes, contribuer à la défense de l'Etat? C'est bien la
peine d'avoir imaginé le libre échange, prôné la concurrence, pour faire
payer ensuite aux consommateurs sous forme d'impôt ce qu'ils payaient
sous forme de renchérissement produit par les surtaxes ! D'ailleurs, êtes-
vous certain que ce sacrifice ne sera pas perdu? que la marine pourra
grâce aux subventions se relever? que l'aumône dont profiteront
quelques armateurs aux abois, suscitera des efforts proportionnés au
sacrifice? Si graves que soient ces objections, elles ne nous paraissent
pas péremptoires.
Il est vrai que toute loi nouvelle laisse une part à l'inconnu. Notre
marine, grâce aux mesures proposées, retrouverait-elle une énergie, une
vitalité nouvelles ? Il n'est pas possible de faire autre chose que des
prévisions. Une subvention annuelle de 8 millions suffirait, d'après les
ilOi ÉCONOMIE POLITIQUE El STATISTIQUE
calculs de M. Lecesne, pour qu'on accordât à chaque navire, par an et
par tonne, une subvention graduée ainsi suivant son âge et suivant le
capital qu'il représente approximativement :
De 4 à G ans 25 fr. la tonne ayant une valeur de 500 l'r.
De 6 à 12 ans 20 fr. d° 400 fr.
De 12 à 18 ans 15 fr. d° 300 fr.
De 18 ans et au-dessus. 10 fr. d° 200 fr.
D'après ces calculs, l'armateur serait sûr de toucher, en vertu d'un
acte de la munificence nationale, l'intérêt du capital qu'il a entre les
mains. Est-ce là si peu de chose? Est-il indifférent de pouvoir dès le
début de l'année porter ses bénéfices au compte de l'amortissement?
Certes, si notre marine est mortellement atteinte, le mince subside dont
nous parlons ne la sauvera pas. Mais si, comme nous le pensons, la ma-
rine subit une crise passagère, si elle s'est laissée surprendre par des
événements imprévus, tels que la suppression des surtaxes et la nécessité
de transformer le matériel, un peu d'aide momentané lui fera grand bien.
Combien de négociants sont arrivés à la fortune après avoir traversé
des heures de gêne, simplement parce qu'on leur a donné du temps!
Ce qu'on demande pour la marine, c'est que comme les négociants
obérés elle ait du temps devant elle, — le temps d'étudier ses défauts,
de remédier à ses faiblesses, de préparer l'avenir.
L'objection théorique tirée de ce que l'État ne doit aucune protection
aux industries privées, nous touche également peu. Il s'agit bien de l'in-
térêt des armateurs! Il s'agit de notre puissance maritime; et l'État, qui
accorde des subventions aux théâtres, qui entretient des musées et des
haras, qui ouvre gratuitement à tous les portes de la Sorbonne et du
Collège de France, peut consacrer quelques millions à la conservation de
sa puissance navale. Elle est, malgré ses revers, assez riche pour payer,
à défaut de gloire, sa sécurité. Quelque préjudiciable d'une façon géné-
rale que soit à un pays l'institution des armées permanentes, l'économie
politique n'exige pas qu'en 1878 l'armée française soit licenciée. De même
il n'est pas indispensable que notre flotte périsse, comme a péri la Hotte
belge, par respect pour les principes. Il est clair que l'industrie mari-
time ne pourrait disparaître sans grand dommage pour le patrimoine
matériel et moral de la France. Souvent on a raconté qu'il y a une quin-
zaine d'années, alors que le second Empire croyait éblouir le monde pui-
ses pompes triomphales, un homme d'État anglais conduit au sommet
de la butte Chaumont disait à son interlocuteur, qui lui montrait le
spectacle admirable de Paris: « Ce qui manque à cette ville, c'est d'avoir
autour d'elle, dans un rayon de plusieurs lieues, la fumée des grandes
usines. » Combien le dédain des étrangers serait plus justifié, si d'ici à
DROZ. — DE LA MARINE MARCHANDE ET DE SON RELÈVEMENT 1105
quelques années, l'un d'eux pouvait dire que ce qui manque à nos
ports, ce sont les bâtiments naviguant sous pavillon français.
DISCUSSION
M. Milf.t appuie les conclusions du préopinant par la raison que l'on ne
peut se passer de la marine marchande qui exerce une fonction de haute
utilité sociale; en pareil cas, le gouvernement doit fournir des subventions,
comme il en alloue pour l'armée et l'instruction publique. Il peut, du reste,
citer l'exemple du Brésil dont la marine a disparu avec la suppression des
mesures protectrices.
Après avoir fait remarquer que la marine n'est pas aussi abandonnée que le
dit M. Droz, puisqu'il existe la surtaxe d'entrepôt, M. Dubar trouve que
M. Droz'a proposé un moyen pratique; mais il se demande si une prime aussi
faible suffirait.
M. Fréd. Passy déclare qu'il est pour la suppression des privilèges, mais
que, pendant un certain temps, il peut y avoir intérêt à faire des concessions.
Néanmoins, il croit devoir indiquer les dangers qu'il y aurait à maintenir en
faveur de certaines industries le droit à une subvention ; à la longue, cette
dernière offre des périls dont le moindre est de faire réclamer un secours
analogue par les industriels qui ont contribué aux mesures de protection.
Bien que libre-échangiste convaincu, M. Rozy se rallie à ce que vient de
dire M. Droz en faveur de la marine ; mais s'il croit que l'intérêt public exige
que l'on secoure la marine marchande, il proteste contre l'aide sollicitée
pour les constructeurs. Si la France ne peut arriver à construire des navires
dans des conditions raisonnables, il vaut mieux qu'elle aille les acheter au
dehors, et qu'elle abandonne une industrie pour laquelle elle n'a peut-être pas
les aptitudes nécessaires, il lui semble, au surplus, que Ton ne tient pas un
compte suffisant de l'hypothèque maritime récemment organisée, et qui peut
rendre des services réels.
M. Gachassin-Lafite, avocat à Bordeaux, affirme que les armateurs borde-
lais ne se contenteraient point de la minime subvention qu'on veut bien
accorder, et que s'ils l'acceptent, c'est qu'ils entendent bien demander plus
tard une subvention plus forte. Traitant ensuite la question de l'infériorité
de notre marine, il montre que la cause en réside dans l'état moral de notre
population, dans son défaut de densité qui empêche les progrès de l'émigration
et qui fait obstacle à la création, non pas de colonies, mais de comptoirs
assurant un fret aux navires français. Cette cause d'infériorité est trop puis-
sante pour disparaître devant une subvention de quelques millions. Les arma-
teurs bordelais sont donc plus dans le vrai quand ils réclament la surtaxe de
pavillon; seulement elle leur sera refusée, et comme la prime proposée par
M. Droz sera insuffisante, notre état d'infériorité persistera.
M. Notteli.e fait remarquer que des subventions ont été accordées par l'Etat
à certaines compagnies, subventions qui ont rendu la concurrence impossible.
M. Droz répond à l'objection tirée de l'insuffisance du secours qu'il propose
d'accorder que la somme a été basée sur le nombre de tonneaux et sur le
chiffre des hommes; en somme, c'est de l'argent à 2 1/2 0/0. Dans beau-
70
HO(S économie Politique et statistique
coup de localités, les armateurs, sans se dissimuler que la lutte sera pénible,
ont parfaitement reconnu que cette mesure protectrice serait fort utile et
empêcherait notre marine marchande de succomber. Il ajoute qu'une commis-
sion devrait être chargée de surveiller l'emploi des fonds et de proposer le
retrait de la subvention aux compagnies qui distribueraient un dividende
suffisamment rémunérateur.
M. Glamageran prétendant que, dans cette discussion, il a été commis
certaines exagérations, met sous les yeux de la section quelques chiffres
authentiques. Pour la navigation à voile, la France vient au cinquième rang,
avant l'Espagne, la Grèce et la Hollande, mais après l'Angleterre, les Etats-
Unis, la Norvège ; pour la navigation à vapeur, la France est au troisième
rang, après l'Angleterre et les Etats-Unis, et avant l'Allemagne. A cet égard,
sa position est donc assez honorable. Après avoir noté que dans d'autres pays
on a formulé les mêmes craintes, M. Glamageran tient à mettre en lumière
la relation qui existe entre la liberté du", commerce et la prospérité de la
marine marchande; il cite à ce propos l'Angleterre et les Etats-Unis dans un
sens opposé. La marine américaine est en pleine décadence : en 1860, elle
comptait en effet 12 millions de tonnes; en 1876, elle n'en possédait plus que
7. C'est le résultat de la protection en fait de marine marchande. En termi-
nant, M. Glamageran déclare que si provisoirement les subventions sont néces-
saires, elles offrent des dangers en faisant renaître le protectionnisme et en
permettant de réclamer des sommes de jour en jour plus considérables, au
détriment de notre marine qui cesserait bientôt d'exister.
M. ALVII
Président île l'Académie royale île Belgique.
ÉCHANGES INTERNATIONAUX DES PRODUCTIONS INTELLECTUELLES.
(EXTRAIT du procès-verbal.)
— Séance du ->~ un ni 1877. —
M. AlViN présente quelques observations sur les travaux de la commission
belge des échanges internationaux des productions intellectuelles. C'est la réalisa-
tion d'une idée formulée en 1835 par A. Vattemare, proposant d'établir entre
les différents pays des échanges de livres, objets d'art, etc., existant en dou-
ble. Une convention internationale a été signée en 1867, à Paris, pour orga-
niser ce mode d'échanges dont les résultats peuvent être féconds jusqu'à un
certain point.
J1 LEFORT. — ÉTUDI SUR LE RÉTABLISSEMENT DES TOURS 110
M. GROULT
NOTICE SUR LES MUSEES CANTONAUX.
KM HAIT l>l PROC! S \ IHIUL.)
— Séant e d » 29 a o </ / 18T7. —
M. Groult donne lecture d'une Xotice sm- les musées cantonaux, dans
laquelle il établit que ce nouveau mode d'instruction (sur lequel la section a
déjà en à se prononcer l'année dernière, au Congrès de Clermont-Ferrand)
se répand rapidement en France; il montre les avantages de ces collections
et insiste sur leur utilité pour les villageois, qui reculent toujours devant la
lecture d'un volume, si mince qu'il soit, et qui s'instruisent sans peine et
sans efibrt à la vue des objets déposés dans ces musées.
M. Joseph LEEORT
A.voi al à la Cour d'appel de Paris, Lauréat de i Institut et de t'Acadi mie de Médecine,
Membre di la Société il économie politique.
ÉTUDE SUR LE RÉTABLISSEMENT DES TOURS.
— Sean.cc du 2!) août /S77. —
Lu question des enfants trouvés est, sans contredit, une des plus
intéressantes parmi celles dont se préoccupent les économistes et les
administrateurs. Un moment nous avons songé à en l'aire l'objet d'une
communication ; mais en présence des longs développements qu'exige
cette matière, nous avons dû renoncer à notre dessein, nous bornant
à un seul point : nous avons voulu simplement rechercher si l'on a
eu raison de prescrire la fermeture des tours et de substituer un autre
mode d'admission.
Nous ne présenterons pas ici un historique : il suffira de savoir qu'un
décret du 11 janvier 1811, réorganisant le service des enfants trouvés,
restreignit le nombre des hospices où les enfants pouvaient être dépo-
sés et établit dans tous l'ancien usage des tours, mais que ce décret a
été abrogé en fait par l'administration substituant au dépôt effectué en
secret le régime de l'investigation par un bureau d'admission et celui
des secours aux tilles-mères. La suppression des tours a été la consé-
1 I ( )<S ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
queuce de nécessités financières ; toutes les communications officielles
prouvent que cette mesure n'a été adoptée que par un motif d'écono-
mie et que l'on a eu en vue, moins les intérêts moraux et physiques
de l'enfant que le dégrèvement des budgets départementaux. Néan-
moins, pour justifier sa réforme, l'administration a invoqué des consi-
dérations fort graves, en même temps qu'elle a allégué contre le système
d'exposition consacré par le législateur de 1811 une série d'arguments
que l'on peut ramener à trois chefs principaux.
I. On dit d'abord que le tour provoque aux mauvaises mœurs. La
simple raison suffit cependant à démontrer que le tour n'a pas eu et
n'a pas pu exercer une influence pernicieuse sur les mœurs. Admettre
qu'il excite à la débauche, c'est prêter à la nature humaine des senti-
ments bien pervers. Quand une jeune fille succombe à la séduction,
elle ne pense certainement pas à la faculté qu'elle a de faire disparaître
le fruit de sa* faute au moyen du tour. « Presque toujours, dit M. Du-
fau (1), la séduction exclut une prévision quelconque ; en cédant, la
femme, pas plus que l'homme, ne songent à abandonner l'enfant qui
naîtra de leurs relations.»
Si la femme consent une première fois à délaisser son enfant, à
moins d'être profondément démoralisée, on peut être sûr qu'elle ne
reprendra pas facilement le chemin de l'hospice; les angoisses qu'elle
a endurées lorsqu'il a fallu se séparer de son enfant sont encore pré-
sentes à son esprit. Elle a l'expérience des douleurs que l'on éprouve
en se séparant de celui auquel on vient de donner le jour. Au surplus,
les dépôts n'ont jamais lieu sans motifs sérieux; la plupart du temps
ils sont déterminés par des raisons impérieuses, et surtout par la mi-
sère. L'influence de cette dernière est depuis longtemps constatée et
l'on a pu notamment établir une relation entre la cherté du blé et
l'augmentation des enfants abandonnés (2). Aujourd'hui il est bien re-
connu que l'indigence, ou du moins l'impossibilité de subvenir à l'en-
tretien des enfants, est la principale cause d'abandon (3). L'on n'a pas
lieu d'être surpris quand on songe que la clientèle des hospices se re-
crute surtout parmi les domestiques, les lilles séduites, les femmes sans
ressources (4).
La statistique réfute l'affirmation de ceux qui, comme M. Duchâtcl,
(1) l'ssai sur l,i siience de lu misère sociale, p. 212.
(2) 1743-48, prix du hlé, 9 livres : moy. ann. des enf. admis, 625; 1770-76, 19 livres : 1,290
enf. [Encyclopédie, V° Enf. trouvés.]
(3) Causes d'abandon à Paris en 1869 pour 4,26(i personnes : indigence, 3,2G7; décès 441; dispa-
rition ou détention des parents, .',53; maladies ou infirmités, 30; nécessité de cacher la naissance, 18-
(4) A Paris, en 1869, sur 4,260 mères qui se sont présentées à l'hospice, on comptait V222 domes-
tiques, 389 journalières, 739 couturières, 182 cuisinières, etc. — il y aurail égalemenl à recherche]
l'influence des sages-femmes qui trop souvent ont poussé les filles-mères à délaisser leur enfant en
se chargeant du dépôt: mê aujourd'hui, sur s, y?9 enfants présentés, J,264 l'ont été pardes sages-
femmes.
J1'. LEFORT. — ÉTUDE SUR il RÉTABLISSEMEN1 DEs TOURS lll)9
prétendent que les tours ont augmenté le chiffre des délaissements. Il a
été constaté, en effet, que sur 68 départements possédant un tour sur-
veillé, 36 étaienl compris dans la première moitié de la liste générale
des départements dressée suivant le moins grand nombre proportionnel
d'enfants trouvés, et 32 dans la deuxième moitié, tandis que sur les 18
départements où le tour n'était l'objet d'aucune surveillance, 13 figu-
raient dans la première moitié de la liste et 5 seulement dans la
deuxième (1). D'où la conclusion que, à cet égard, le tour n'entraîne
pas les abus qu'on lui impute. Cette remarque avait déjà été faite non-
seulement par des adversaires des tours comme MM. Terme et Montfal-
con, mais aussi avec preuves à l'appui par M. de liondy dans son
Mémoire sur la nécessité de réviser la législation concernant les enfants
trouvés. D'après ce dernier, on comptait, en 1835, 217 dépôts et 147,507
entants; la moyenne par dépôt aurait donc dû être de 7i0. Or, les 20
départements possédant chacun un dépôt comptaient pourtant 44,407
enfants, soit en moyenne 2,220. En laissant de côté la Seine et le
Rhône, il restait encore une moyenne de 1,1 05'. Enfin sur ces 20 dé-
partements, 3 seulement présentaient un effectif inférieur à 740, et
M. de Bondy pouvait conclure que le nombre des tours n'a pas
exercé une influence sensible sur le nombre des expositions. C'est ce
qui résulte également de la comparaison du chiffre des admissions à
deux dates extrêmes : 1758, 5,082; 1778, 6,688; 1788. 3,822; 1801,
4,248; 1810, 4,502; 1818, 4,770; 1828, 5,497 (2). Il est très-vrai que
la suppression des tours a fait diminuer le nombre des enfants aban-
donnés (131,000 en 1833, 76,250 en 1859); il reste seulement à savoir
si cette décroissance n'a pas concordé avec une augmentation dans le
nombre des attentats contre la vie des enfants.
Quant à l'argument tiré de ce que le tour excitait à l'inconduite, on
peut le réfuter, en disant que depuis la fermeture, on n'a pas remar-
qué une diminution dans le nombre des naissances illégitimes et une
amélioration sensible dans les mœurs ; c'est plutôt le contraire que l'on
a constaté (3).
Il ne faut pas croire d'ailleurs que la mesure des secours aux mères
pauvres, imaginée pour prévenir les abandons, soit exempte d'inconvé-
nients et d'abus. Ce système, que l'on présente comme offrant moins
de scandales que celui du dépôt, n'est guère moral, car il tend à ac-
corder une préférence à la lîlle-mère, à la femme débauchée, abandon-
nant la femme mariée non moins digue d'intérêt. Outre que le mon-
tant des secours distribués ainsi augmente d'une façon considérable
(1) Travaux de la Commission, des Enf. trouvés, 1849, T. I, 223.
12) Rapport de M Lemercier (Annales de la charité, 1855, p. 21 5l.
Ci) J. Lefort. Etude statistique sur la moralité en France (Guillaurain, 1877, p. 4;.
I I 10 M nM>\lll PO] I l "loi l II STA l ISTIQUI
(1861, 236,199 IV.; 1872, 360,103 fr. à Paris); bien que la somme
allouée soil manifestement insuffisante (6 à 10 fr. par mois pour les
départements, lL2 à IS IV. dans les grandes villes), il est à noter que
le secours donné à la lille-mère constitue presque une prime donnée à
l'inconduite. An surplus, les filles débauchées ne craignent pas d'en
faire l'objet d'une spéculation, el bien souvenl on en a vu réclamer
impérieusement la somme à laquelle elles prétendent avoir droit, en
menaçant d'abandonner leur entant. Enfin pour prouver que ce mode
d'assistance est loin d'être efficace, nous dirons <|ue dans son Rapport
sur le service des enfants assistés pour 1874, M. Blondel a avoué qu'à
Paris un grand nombre de femmes refusent absolument les secours «pi1
leur sont offerts et déclarent qu'elles ne veulent à aucun prix conserver
leur entant, quelle que soit l'aide qu'elles pourraient trouver dans l'ad-
ministration.
II. — La seconde objection consiste à soutenir que le tour favorisait
l'abandon des entants légitimes en grand nombre, auxquels il taisait
perdre l'état civil. L'on peut d'abord répoudre qu'il y a là une exagé-
ration : il n'a jamais été prouvé que le nombre des enfants légitimes
abandonnés ait été supérieur au ^0' des dépôts (V. Enquête de ISti(h p.
369). L'abbé Gaillard «h a, de plus, montré qu'à cet égard la moyenne de
dix-huit années était de" entants légitimes pour 100 présumes naturels,
et, d'après un rapport de Pastoret, sur 15,921 enfants admis à l'hospice
de 1804 à 1813, 1,332(1 10e) seulement étaient présumés légitimes.
Notons d'ailleurs que le tour peut, dans certaines circonstances, offrir
des avantages en cachanl une faute, en empêchant le déshonneur de
rejaillir sur une famille et eu taisant éviter un procès scandaleux. En
tous cas, c'est bien peu connaître la nature humaine que de croire que
des parents iront, sans un motif capital, abandonner l'enfant né de
leur mariage. Les faits, ausurplus, prouvent que la plupart du temps
les parents n'ont eu recours à l'abandon qu'à la dernière extrémité, en
face d'une profonde détresse. Il est des circonstances particulières qui
viennent expliquer le délaissement; a dit M. Davenne, un adversaire
des tours, et l'on ne peut pas, par exemple, reprochera l'ouvrier pauvre,
reste veuf avec un enfant en bas âge, auquel il ne peut donner une
nourrice, le dépôt à l'hospice, car pour soigner son enfant il ne saurait
renoncer au travail qui le tait vivre (2).
Quanl à l'élat-civil, l'on peut se demander quel est celui de l'enfant
naturel. Privé de père, il n'a pour ainsi dire pas de famille, car la mère,
frappée de réprobation, est incapable d'en constituer une. A l'égard de
l'entant légitime, l'argument perd de .sa gravité, quand on songe (pu- si
(i Rech. a ha . suit, et mor. suf /<■* mf. trouvés, is;!7. i.i:>.
. Im • /> 'organisation et du régime Ses secours publics en France, t. i.
l'1 LEFORT. — l II i > i 9UB II RÉTABLISSEMENT DES rOUBS 1111
les parents abandonnent leur enfant, c'esl en général sous lu pression
delà nécessité el avec l'espoir de le retirer |>lus tard, avec le retour de
l'aisance. Dans son rapport sur le service à Paris, en 1872, M. Blondel
;i parfaitement remarqué que si le nombre des retraits avait été si
considérable, c'est parce que de septembre 1870 à juin 1871, les enfants
n'avaient été délaissés que sous la pression de la nécessité «lu moment.
Au reste, «lisons en terminant sur ce point qu'en admettant que l;>
suppression des tours ail amené une réduction dans le nombre des dé-
pôts d'enfants légitimes, elle n'a empêché ni les abandons à l'hospice par
les parents (à Paris, 1860-1872, 8,252 enfants légitimes, ou l«s 0 0), ni
1rs attentats contre la vie des enfants légitimes, car la proportion des
infanticides commis par des femmes mariées était considéré en lNt;-_'
comme étanl de I 5 (Enquête de 1860, p. 103), et en 1868, par exemple,
sur 217 mises en accusation on comptait parmi les victimes 16 enfants
légitimes.
III. L'objection tirée de ce que le tour détruit les liens de la famille
ne nous paraîl pas mieux fondée. Sans contredit, il serait préférable
que l'enfant pût rester au foyer et y recevoir les soins de sa mère; mais
nous nous demandons si, imposer a cette dernière de garder, souvent
malgré elle, l'enfant dont elle a voulu se débarrasser; si l'obliger à al-
laiter dans lou- les cas et maintenir l'enfant dans un milieu misérable,
ce n'est pas augmenter les dangers qui entourenl le nouveau-né. .Nous
nous posons également la question de savoir s'il y a un 1res grand in-
térêl à rattacher toujours reniant à sa mère naturelle. S'il s'agit d'une
femme de mauvaise vie. ne fait-on pas courir à l'enfant le risque de
devenir un mauvais citoyen ? Ne lui met-on pas sous les yeux de tristes
spectacles? Si c'est une femme honnête, séduite et trompée, ne lui rend-
on pas la réhabilitation impossible en lui laissant le fruit de sa faute?
N'est-ce pas raviver de tristes souvenirs, empêcher le repentir el exciter
la mère à taire disparaître reniant dont la présence l'accuse (1) 1 Les
investigations que recommandent les partisans des tours surveillés nous
semblent déplorables pour les filles-mères dont on recherche le passé et
dont on publie la boule. Toutes n'ont pas l'impudeur d'afficher leur in-
conduite el beaucoup reviendraient certainement au bien si l'on pouvait
faire disparaître ce qui rappelle la faute. Le secret déviait être rétabli,
non-seulement dans l'intérêt de la famille dont l'honneur ne doit pas
êtreatteint parlerait d'un seul (2), niais surtout dans l'intérêt de la mère à
♦
(i) Villeneuve-Bargemonl Econ. polit, chrét., in, l(H) et. Guerry, dans sa Statistique morale
pnt parfaitement démontré que ce sont les pa - où les lois <\n la chasteté sont les i<l u -
et où les naissances illégitimes sont les moins nombreuses qui fournissent les exemple le plu
nombreux d'infanticides. Pour ne pas bue- connaître sa faute e pour ne pas encourir la décon
sidération, la fille séduite recourt a l'infanticide. \. Gaillard, p. 343.)
2 \ Paris, en i869, i ■ dériots odi été éfiféctùj d'apri |ë rapport officiel, parce qu'il était
;.< e de l'enfant.
I I lï2 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
laquelle il faut éviter pour plus tard le mépris de son enfant et qu'il faut em-
pêcher, en cachant une faute, de tomber dans la dégradation. Pour la lille-
mère, il n'existe nipitié, ni commisération, ni estime ; il suffît qu'une femme
ait commis une faute, pour que de toutes parts s'élève un cri de répro-
bation à son encontre; le désespoir ne tarde pas à entrer dans son
cœur et bien des fois elle renonce à la vie laborieuse qui devait lui
procurer le moyen de se réhabiliter pour une existence de plaisirs des-
tinés à lui faire oublier le passé.
L'argument tiré de l'éducation maternelle ne nous arrête pas, car l'en-
fant sera toujours mieux élevé dans un hospice ou par un tuteur que
par une mère qui, abandonnée de son séducteur, doit subvenir à l'exis-
tence de son enfant et par suite ne peut lui donner tous les soins néces-
saires, ou par une mère vivant dans le désordre et donnant l'exemple
de l'immoralité. N'est-ce pas parce qu'on laisse trop les enfants au-
près de leur mère naturelle que l'on compte tant d'enfants illégitimes
parmi les délinquants?
IV. On objecte, en outre, la mortalité déplorable des enfants admis
dans les hospices, et l'on prétend qu'elle est moindre avec l'organisa-
tion actuelle; mais les chiffres que l'on invoque ne sont guère concluants.
La proportion de mortalité, en effet, a été établie sur le rapprochement
du nombre des enfants auxquels le secours a été continué et du chiffre
des décès de ces mêmes enfants durant la première année ; on ne tient
pas compte de ceux pour lesquels il y a eu cessation de secours, l'ad-
ministration se bornant à rayer le nom de ceux pour lesquels il y a
eu non réclamation. Or, comme c'est la mort qui est le plus souvent
cause de ce silence, on peut douter de la certitude d'une pareille
statistique qui néglige un tel élément. (V. Journ. offic., 20 mai 1877,
p. 3842.) Ajoutons que le séjour à l'hospice n'est point aussi fâcheux
qu'on se plaît à le dire, car, dans un travail manuscrit analysé par le
rapport de M. Bérenger, M. Lafabrègue a noté que les plus beaux en-
fants sont, non pas ceux qui ont été élevés par les mères secourues,
mais ceux que la mère abandonne immédiatement après sa sortie de
l'hôpital. Il en doit être ainsi, car dans un hospice les enfants seront
toujours mieux soignés que par des ouvrières, des servantes, des fem-
mes abandonnées et des tilles de mauvaise vie. Sans méconnaître la né-
cessité de réformes de ce chef, nous devons reconnaître que la morta-
ité peut être, pour une bonne part, imputée soit aux nourrices, soit à
la constitution des enfants nés dans de mauvaises conditions et souvent
de parents ivrognes ou débauchés.
V. Le régime des tours n'est pas seulement exempt des reproches
qu'on lui adresse, il constitue encore, à notre sens, une excellente sau-
regarde pour la vie des entants. La statistique prouve d'une manière
Jh LEFORT. — ÉTUDE SUR II m rABLISSEMENl DES TOURS 1113
indiscutable que l'abrogation du décrel de 1811 a exercé une influence
considérable sur le chiffre des attentats contre la vie «le l'entant. L'ac-
croissement de ces crimes a été reconnu tant par Duchatel, dans son
livre surlaCharité, que par M. deWatteville dans le Rapport qu'il rédigea
en 1856 sur les tours, les abandons et les infanticides de 1826 à is:>4, et
même par le Rapport sur l'Enquête de 1860, lequel déclarait que le
nombre des avortements avait plus que doublé et que celui des infan-
ticides avait presque triplé de 1828 à 1858. Le chiffre des accusés d'in-
fanticides a été de 88, 166, 204, 220 et 243 eu 1832, 1812, 1852, 1862,
1872; de ISii à L 872, la moyenne des mises en accusation a été de 186
et celle des accusés de 211. En 1832, 1842, 1852, L862, 1 872, le chiffre
des accusés d'avortements a été de 19, 29, 00, 73 et 47; de 1844 à
1872,1a moyenne des accusations s'est élevée à 24,1 et celle des accusés
à 60,9. A Paris, le nombre des fœtus exposés s'accroît de jour en jour :
il a été de 295 en 1837-45, 399 en 1846-54, 1,044 en 1855-66, d'après
M. Husson (1). On a compté en 1832, 1842, 1852, 1862 et 1872, 52,
90, 104, 128 \el 76 individus prévenus d'bomicide d'enfants par impru-
dence, et aux mêmes dates, 132, 222, 252, 174 et 92 inculpés d'expo-
sition. Et encore il faut remarquer que les chiffres ne correspondent
pas exactement avec la réalité, puisque l'infanticide par inanition, com-
mis avec tant d'adresse par les filles-mères, échappe à la poursuite et
puisqu'il est très-difficile de constater le crime d'avortement si aisé à
accomplir et perpétré la plupart du temps à une époque où la grossesse
n'est pas encore connue du public (2).
Mais pour montrer les résultats décisifs de la fermeture des tours, nous
emprunterons quelques chiffres à un travail communiqué jadis à l'Aca-
démie des sciences morales et politiques relativement à l'Influence de la
suppression des tours sur le nombre des infanticides (V. Journ. des Econo-
mistes, t. XIII, 1845). Comparant les deux années qui ont précédé la ferme-
ture des tours et les deux qui l'ont suivie, M. Rapet a trouvé que pour
ces dernières l'augmentation dans le nombre des infanticides avait été
quatre fois plus forte que l'accroissement des crimes contre les per-
sonnes; comparant également les trois années antérieures et les trois
années postérieures à la fermeture, il a remarqué que l'accroissement
des infanticides pour les trois dernières avait été huit fois plus considé-
rable que celui des attentats contre la vie. M. Rapet nous a, de plus,
appris que les départements qui avaient supprimé les tours ont compté
1 infanticide par 263 hab. (au lieu de 1 pour 378 hab.), alors que dans
Jes départements où le tour avait été conservé on ne trouvait que 1 in-
(1) Journal des économistes, t. XXXVI, 1874, p. 307.
(2) Abandons clandestins à Paris, de 1862 à 1871 : 033, d'après les chiffres communiqués par
1 Assistance publique.
1114 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
fanticide pour 388 hab. seulement. Ces chiffres portent avec eux leur
enseignement, et ils prouvent qu'en dissimulant la honte et en cachant
la faute, le tour empêchait d'attenter à la vie de l'enfant. Si affligeants
que soient les chiffres que nous avons donnés plus haut, il faut encore
les compléter et ajouter ceux qui se rapportent à l'augmentation du
nombre des mort-nés, lequel après avoir été de 1 pour 32 naissances en
1840-49, s'est élevé à 1 pour 24 et 1 pour 22 en 1850-59 et 1860-69.
Pour bon nombre de médecins, MM. Bertillon, Lagneau, Brochard,
Deville, etc., la plupart des mort-nés illégitimes sont dus à des infan-
ticides dissimulés avec la participation de la personne qui procède à
l'accouchement et qui, par cela même, peut donner à l'attentat l'appa-
rence d'une mort naturelle ; aussi le nombre des mort-nés représente-t-i!
aujourd'hui le dixième des naissances illégitimes. Quant» à l'avortement,
au dire de M. Tardieu et de M. Brochard, il constitue à Paris une indus-
trie véritable (1). Dès lors quand l'administration vient se féliciter des
économies réalisées dans ce service ; quand on lit dans des documents
officiels que la fermeture des tours a réduit le chiffre des abandons de
131,000 en 1833 à 76,520 en 1859 et la dépense de 10,242,047 fr. à
9,281,980 fr., on est en droit de se demander si ce résultat n'a pas été
payé trop cher.
VI. On dit, il est vrai, que tout enfant peut , pour des motifs graves
reconnus par l'administration, être accueilli à l'hospice; mais on oublie
ce qu'ont de pénible les formalités auxquelles il faut se soumettre. A
Paris, la personne qui amène un enfant doit, en effet, répondre au
bureau d'admission à une série de questions et attendre l'enquête faite
par la police sur les causes de l'abandon ainsi que la décision de l'ad-
ministration de l'assistance qui seule a le droit de prononcer l'admission
définitive. En présence de ces investigations, qui entraînent des pertes
de temps et des retards toujours préjudiciables pour l'enfant qui souvent
est presque mourant (2), bien des personnes renoncent à demander l'ad-
mission par pudeur et par honte. C'est ce qui explique, d'une part, qu'à
Paris le nombre des abandons faits directement à l'hospice tend à di-
minuer (2,848 en 1868, 2,601 en 1869, 2,229 en 1870, 2,067 en 1871,
1,852 en 1872) et, d'autre part, que les avortements et les infanticides
sont surtout commis par des jeunes lilles séduites, mais non dépravées,
conduites au crime par la honte, selon l'expression de 31. Tardieu.
Quant au système des secours, nous comprendrions jusqu'à un certain
point son efficacité au point de vue qui nous occupe, si la somme était
suffisante et surtout si elle était délivrée immédiatement après l'accouche-
(i) Le i)' Deville .> déclaré que sur ,->i:; morts-nés visités par lui dans son service de véri-
deation des décès, il a constaté un avortemedt provoqué 25 fois ot il l'a soupçonnée fois
(Gazelle hebdomad. de méd. et de dur., 1x62.)
12) IJrochard. lu férefê sur les enfants trouva, ]'■ Hr>-
DISCUSSION >l II LE RÉTABLISSEMENT DKS rOURS Mb»
ment; mais il n'en est point ainsi et plusieurs jours se passent avant
l'accomplissement des longues formalités administratives nécessaires
pour l'allocation d'un secours minime. Pendant ce temps, l'enfant privé
de soins et d'une bonne nourriture languit; qu'il soit ensuite confié à
des meneuses et à une nourrice comme il s'en rencontre beaucoup,
exposé à u 11 voyage effectué dans des conditions défavorables, el l'on
ne sera pas surplis qu'il succombe
VII. Jusqu'ici, avons-nous dit ailleurs (1), ce sujet de la suppression
des tours a été étudié au point de vue absolu de la moralité comme si
au fond la question des enfants trouvés n'était pas autre eliose que l'im-
moralité ; mais il est temps de songer à l'enfance et à la mortalité qui
chaque année décime notre population infantile. Nous ne sommes cer-
tainement pas un partisan aveugle des tours et nous ne faisons pas de
difficulté de reconnaître qu'ils peuvent donner lieu à des abus, comme toute
chose. Nous nous demandons uniquement si l'on a eu raison de les fermer
brusquement, en vertu d'une décision absolue et illégale, en froissant
des convictions respectables et en blessant le sentiment public dans les
localités où la fille séduite n'a d'autre alternative que l'abandon, l'infan-
ticide ou le suicide (2), et nous posons la question de savoir si l'on a
bien fait de substituer à des admissions trop faciles peut-être, des ad-
missions hérissées de difficultés. Quand l'on constate par des chiffres
d'une authenticité indiscutable que l'abrogation du décret de I SI I a eu
pour résultat une augmentation constante des attentats contre les jours
de l'enfant, l'on est en droit de se demander s'il ne vaudrait pas mieux
faire cesser une expérience qui n'a que trop duré et ouvrir de nou-
veau les tours.
DISCUSSION
M. Frédéric Passy, sans méconnaître l'intérêt du travail qui vient d'être
communiqué par M. Lefort, ainsi que les sentiments qui ont déterminé
l'auteur à proposer le rétablissement des tours, croit devoir en combattre les
conclusions. Les économistes ont toujours protesté contre la charité inconsidérée
qui multiplie le nombre des paresseux et des débauchés : or, en ouvrant de
nouveau les tours, en permettant aux hospices de recevoir les jeunes enfants
d'une manière inconsidérée, n'est-ce pas méconnaître les principes de la
science? N'est-ce pas risquer d'amener une augmentation dans le nombre des
abandons? N'est-ce pas favoriser la débauche, l'immoralité? On a dit que le
secours accordé actuellement aux filles-mères est une prime à l'immoralité;
mais le dérèglement des mœurs ne serait-il pas cent fois plus certain avec la
(1) V. j. Lefort. Lamortalité des jeunes enfants et 1rs tours. (Bullet.de laSoc. protect. de l'Enf.,
t. V, 1873, 241.)
(2) Lorsque ioa a procédé à la fermeture, l'on n'a guère tenu compte ;de l'opinion publique,
car malgré l'avis de 55 conseils généraux, favorables au maintien des tours, la ÇQDlîûissioq
nommée en 1S48 s'est prononcée pour la suppression.
1116 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
possibilité pour une femme de se débarrasser de son enfant, des ennuis et
des soucis que son éducation peut occasionner, de la honte que sa présence
engendre ?
Le tour donne donc lieu à une véritable détente dans la moralité et à une
augmentation certaine du nombre des séductions et des abandons. Diminue-
t-il le nombre des victimes, comme on l'a dit? M. Passy ne méconnaît pas la
gravité du mal, — et avec M. Lefort il constate bien un accroissement dans
le nombre des attentats contre la vie des enfants. Mais cette mortalité,
malheureusement trop certaine et que l'on a peut-être un peu trop de
tendance à augmenter, puisque, d'après M. 0. d'Hausson ville, le nombre des
infanticides est à peu près resté stationnaire depuis 1858, peut être compensée
par la diminution très-réelle du nombre des décès à l'hospice. En recevant
moins d'enfants dans les hospices, on restreint en effet le chiffre des morts, de
sorte qu'il y a là une compensation. Citant des chiffres qu'il emprunte h un
récent travail de M. 0. d'Haussonville, M. Passy constate que la mortalité
dans les hôpitaux a été réduite de 57 0/0 à 29 0/0 pour 30,000 enfants.
Les enquêtes, du reste, ont totalement condamné le système du tour : ce
dernier avait eu pour résultat d'augmenter proJigieusement le nombre des
abandons qui s'était bientôt élevé de 62,000 à 106,000. Ni l'humanité, ni
l'économie n'y trouvaient leur compte ; aussi ce régime fut-il attaqué si vive-
ment que la fermeture graduelle des tours fut décidée. On n'eut pas lieu de
s'en plaindre; bien au contraire. L'enquête de 1860 porta le dernier coup, et
la loi de 1869 consacra le régime nouveau en prescrivant d'inscrire au budget
les sommes nécessaires pour le service des secours temporaires.
Ce que M. Passy vient de traiter, ce n'est guère que la question préjudi-
cielle ; ce qu'il faut résolument aborder, c'est l'étude du mal ; ce qu'il faut
supprimer, c'est l'origine des abandons, les liaisons irrégulières, les naissances
illégitimes. 11 faut refaire la moralité publique et privée et détruire l'irres-
ponsabilité sanctionnée par nos lois. La séduction n'est pas punie : l'homme
peut tromper la femme en toute sécurité et l'abandonner avec le fruit de
leur faute commune. Une pareille situation ne devrait plus exister. M. Passy
appelle sur ce point l'attention du législateur : il y a une grande réforme à
faire à cet égard; elle est désirée par tous. En un mot, il faut que l'indiffé-
rence légale et administrative prenne tin et qu'après avoir réprimé les
attentats, les outrages publics à la pudeur, l'exhibition de spectacles, de
dessins obscènes, le pouvoir intervienne et mette fin aux scandales en décla-
rant que la séduction est un délit et qu'une réparation peut être exigée du
séducteur.
M. Laplanche ne croit pas les tours nécessaires, notamment dans la Seine-
Inférieure, car lorsqu'il peut y avoir danger à faire des recherches, on
accepte l'enfant et on respecte le secret ; ce qui lui fait repousser l'institution
du tour, c'est que bon nombre d'industries pourraient se créer, ayant toutes
pour but de faciliter les abandons.
M. le Dr Makjolin tient à présenter quelques observations en réponse aux
observations de M. Frédéric Passy, car laisser croire au public que le tour est
une institution aussi immorale que dangereuse, condamnée à disparaître, ce
DISCUSSION SUR II RÉTABLISSEMENT DES rOURS 111"
serait se montrer aussi inhumain que peu soucieux des intérêts du pays. 11
comprend tri's-bien, lorsque l'on voit les hommes les plus recommandables
soutenir les opinions les plus opposées, que l'on hésite à se prononcer dans
une question aussi grave, aussi complexe; il comprend que suivant que tel
ou tel argument est présent.' avec plus ou moins d'habileté par son défen-
seur, la porte du tour s'ouvre ou se ferme. Mais avant de céder à, l'entraîne-
ment d'un discours et de prendre une détermination définitive, il faut d'abord
bien réfléchir à ses conséquences.
Si au lieu de faire une si grande dépense de sentiment, d'invoquer cons-
tamment la morale et les liens sacrés de la famille, les adversaires du réta-
blissement des tours avaient bien voulu examiner les côtés pratiques de la
question, ils n'auraient pas tardé à voir que cette institution, malgré ses
abus, ses tristesses, n'est pas, comme on le répète trop souvent, un encourage-
ment à la débauche et à l'oubli des devoirs les plus sacrés, mais une nécessité
qu'il faut malheureusement subir, sous peine de voir le nombre des crimes
augmenter.
Certes, l'occasion est belle de venir défendre la morale. Mais est-ce donc
l'attaquer que de chercher à prévenir un crime et de permettre plus tard à
la femme qui a commis une faute de pouvoir la reparer par sa conduite vis-
à-vis de son enfant? A force de parler au nom de la morale, on finit par se
montrer tellement scrupuleux, tellement sévère que l'on oublie jusqu'au pre-
mier des devoirs de la charité, la tolérance, et que l'on va jusqu'à blâmer les
sociétés protectrices de l'enfance qui, mues par la raison et la pitié, se font
un devoir de ne pas refuser un secours à la fille-mère.
En vérité, il est curieux de voir l'homme accabler ainsi la femme, alors
qu'elle n'a même pas le droit pour sa défense de révéler le nom de son
séducteur, et qu'elle soit ainsi conduite du désespoir au crime parce qu'on lui
enlève jusqu'au moyen de cacher sa faute. Cette conduite n'est pas admis-
sible, et si au nom de la morale l'on croit devoir venir en aide à celle qui a
failli, au nom de la morale, au nom du respect dû à la société, l'on doit
réclamer le rétablissement des tours.
Que ceux qui ne partagent pas cette opinion veuillent bien s'enquérir
auprès de personnes qui, par leur situation, ont eu souvent occasion de con-
naître les secrets des familles, qu'ils questionnent des magistrats, des mem-
bres du barreau, des médecins, des ministres de tous les cultes, et bientôt,
modifiant, leur manière de voir, ils seront contraints d'avouer que le tour est
une de ces tristes nécessités que la société est obligée de subir pour prévenir
des crimes. Quant à croire que la suppression du tour sera un remède au
relâchement des mœurs, c'est là une bien grande erreur, et ce n'est pas cela
qui pourra nous changer et nous rendre meilleurs. Au demeurant, prenons
notre siècle comme il est, et au lieu de le faire plus mauvais que ses devan-
ciers, tâchons seulement, à force de vouloir paraître moraux, de ne pas deve-
nir inhumains et contentons-nous d'abord de soustraire à une mort certaine
tant de pauvres petits êtres qui ne demandent qu'à vivre.
M. Marjolin convient que c'est une grande honte pour l'espèce humaine de
voir des parents être assez dénaturés pour abandonner leur enfant, mais
1118 ÉCONOMIE POLITIQUE II STATISTIQUE
vaut-il mieux qu'ils s'en débarrassent à tout jamais en l'envoyant chez cer-
taines nourrices, ou qu'eux-mêmes ils le fassent lentement mourir en le
laissant manquer de soins? Enfin faut-il envier le sort de ceux qu'il a vu
mener à l'hôpital, mourant de faim et portant les traces des plus affreux
traitements? Dans ces cas et dans ceux encore si fréquents où les enfants
chassés par leurs parents sont devenus de petits vauriens, n'eût-il pas mieux
valu qu'ils eussent dès leur naissance été adoptés par l'Etat?
La conservation du plus grand nombre de ces enfants étant des plus impor-
tantes, surtout dans un pays dont la natalité diminue d'une manière inquié-
tante, l'on comprend très-bien que ceux qui ne partagent pas l'opinion de
M. Marjolin sur l'opportunité du rétablissement des tours opposent avec
raison le chiffre de l'excessive mortalité, des enfants portés à l'hospice com-
paré à celui des nourrissons conservés par les filles-mères auxquelles on a
accordé des secours. A cela, M. Marjolin répondra que tout en étant, sous
tous les rapports, très-partisan des secours accordés aux filles-mères qui
veulent réellement nourrir ou élever leurs enfants, il est cependant des cas
nombreux dans lesquels, pour cacher une faute, la nécessité du tour et du
secret ne saurait être contestée.
Ce point accordé, il reste entendu que du moment que l'on réclame, et au
nom de la morale et de la conservation de l'enfant, son dépôt dans un hos-
pice, il espère qu'il y trouvera à son arrivée non-seulement une bonne nourrice,
mais tous les soins, toutes les précautions indispensables à cet âge, ainsi que
les conditions hygiéniques nécessaires pour prévenir les maladies si fréquentes
dans les services plus spécialement affectés aux enfants très-jeunes. Malheu-
reusement beaucoup des établissements dans lesquels ils sont admis sont
loin de présenter ces conditions réclamées depuis si longtemps par le corps
médical : cela provient que dans toutes les questions se rattachant à l'hygiène
des hôpitaux, il est de tradition administrative de ne tenir aucun compte de
leurs observations et de leur expérience.
En dehors de ces causes défavorables; il y a aussi un élément dont on ne
tient pas assez compte dans le chiffre de l'excessive mortalité des enfants
déposés, c'est l'état misérable dans lequel la plupart sont amenés. Or, les sta-
tistiques n'en disent rien, ce qui est une lacune regrettable, car alors étant
donné, d'une part, le manque trop fréquent de bonnes nourrices, l'insuffi-
sance du personnel, l'absence de certaines précautions hygiéniques dans les
salles, et notamment l'état de dépérissement de beaucoup de nourrissons à
leur arrivée, on s'expliquerait facilement la mortalité considérable des enfants
déposés au tour.
Ces inconvénients peuvent-ils disparaître? Oui, au moins en partie: dès que
l'on aura introduit dans les hôpitaux les améliorations réclamées par le corps
médical, nid doute que la mortalité ne diminue rapidement. Quant à ce qui
est de l'état d'épuisement et de faiblesse dans lequel sont amenés tant d'en-
fants, très-probablement si l'abandon n'était pas entrave par autant de forma-
lités administratives retardant son accomplissement, l'existence de beaucoup
de petits êtres serait moins compromise.
Dès l'instant qu'il est démontré qu'il suffirait de certaines précautions pour
DISCUSSION SUR LE RÉTABLISSEMEN1 DES TOURS \\\l.)
diminuer le chiffre de la mortalité, pourquoi au lieu de laisser les choses en
souffrance ne pas se rendre de suite à de sages conseils? On dit que les
mesures quel'on réclame seront assez dispendieuses. Dispendieuses, c'est possible;
niais ceux qui marchandent ainsi la vie d'un homme oseront-ils dire qu'ils
parlent au nom de la morale? Que le rétablissement du tour impose aux
villes, aux départements, de nouveaux sacrifices, c'esl possible; mais ces
dépenses, loin d'être infructueuses, profiteront plus tard au pays qui en sera
largement dédommagé par la conservation d'un plus grand nombre de ses
entants. Ainsi donc, au point de vue de l'économie sociale, le rétablissement
du tour, l'élevage et l'éducation des entants abandonnés, sont une œuvre
utile.
Il est un dernier point sur lequel M. Marjolin croit devoir dire quelques
mots, c'est l'influence de la suppression des tours sur les infanticides. Cela
est d'autant plus nécessaire que les adversaires du tour, après avoir invoqué
en faveur de leuropinion et la morale et l'excessive mortalité des enfants portés
dans les hospices, s'appuient sur les relevés officiels pour soutenir que depuis
la suppression des tours, la proportion des infanticides n'a pas sensiblement
augmenté, et que si on en accuse un plus grand nombre, c'est qu'aujourd'hui
les procédés d'investigation étant plus perfectionnés, les recherches plus actives»
on a dû nécessairement arriver à un résultat plus exact. Malheureusement,
si la justice est mieux renseignée, le crime de son côté n'est pas resté inactif
et il s'est perfectionné au point que quantité d'avortements sont restés
inconnus et l'on ne peut expliquer le chiffre considérable dn> mort-nés,
parmi les enfants illégitimes, que par de coupables manœuvres habilement
pratiquées.
11 est triste de le dire, mais M. Marjolin est obligé d'avouer que le tour
est une de ces turpitudes sociales qu'il faut se résigner à supporter, malgré ce
qu'il a de honteux pour la morale et l'espèce humaine ; mais comme entre
deux maux il faut choisir le moindre, et que le rétablissement du tour peut
sauver la vie à bien des enfants et prévenir de nombreux crimes, il ne faut
pas hésiter à demander que l'on revienne à l'exécution de la loi de 1811 qui
n'a jamais été légalement abrogée.
Maintenant, étant admis en principe le rétablissement des tours, est-il pos-
sible de diminuer le nombre des abandons? Non-seulement M. Marjolin le
croit, mais il a la ferme conviction qu'en accordant des secours aux filles-
mères, on en ramènerait un bon nombre à de meilleurs sentiments.
Parmi elles, il y a deux catégories très-distinctes : celles qui sont assez
dépravées pour repousser leur enfant, et celles qui, n'oubliant pas après leur
faute qu'il leur reste encore un moyen de réhabilitation, l'accomplissement de
leurs devoirs de mère, ne reculent devant aucune privation pour conserver et
élever leur enfant. Aux premières, le tour évitera un crime; aux secondes,
un secours, une parole de consolation, d'encouragement rendront le calme et
la vie : c'est à cette grande mission que se dévouent les membres des
sociétés protectrices de l'enfance ; et en agissant ainsi, ils pensent mieux
servir la morale et leur pays qu'en demandant la suppression des tours.
Mi Joseph Lefort déclare qu'il ne suivra pas M. Frédéric Passy dans toutes
I 120 ÉCONOMIE POLITIQ1 l II STATIS1 [QUE
ses observations; il se bornera à répondre aux principaux arguments qui lui
ont été opposés. Il reconnaît sans difficulté que la mortalité dans les hôpitaux
est considérable, mais il croit qu'elle peut être attribuée pour une bonne part
à l'oubli des principes de l'hygiène, des prescriptions des médecins et aussi à
l'absence de bonnes nourrices. Pour compléter ce que vient de dire sur ce
point M. Marjolin, il pourrait citer bien des faits ; il se contentera de dire,
d'après un récent rapport de M. le docteur Devilliers (Bulletin de rAcadéîiiie
de médecine, séance du 19 juin 1877, page 059), qu'à l'hôpital général de
Tours, l'énorme mortalité est reconnue provenir delà privation de l'allaitement
maternel, de l'envoi trop tardif en nourrice, et de l'inobservation des précau-
tions les plus élémentaires soit pour la nourriture, soit pour le transport. 11
faut tenir compte, de plus, de la mauvaise constitution des enfants nés de
parents ivrognes et débauchés (1), et, d'autre part, des conditions déplorables
dans lesquelles les jeunes enfants arrivent à l'hospice. M. de Bethmann,
administrateur de l'hospice de Bordeaux, constatait naguère que l'on appor-
tait les enfants moribonds, dans un état de dépérissement effrayant, et le doc-
teur Carat, médecin du même hospice, affirmait en 1862 quesur 2iS enfants,
104 étaient d'une faiblesse extrême et dans un état voisin de la mort.
M. Passy ayant prétendu que le tour favorise l'immoralité, la débauche et
les abandons, l'on pourrait croire qu'avec sa suppression une amélioration
s'est produite au point de vue moral. Or, les chiffres contredisent cette suppo-
sition. Depuis la fermeture des tours, l'on n'a pas remarqué une diminution
dans le chiffre des séductions, des abandons et surtout dans celui des nais-
sances illégitimes qui augmente sans cesse (page 1000, naissances 1800-1810
50,9; 1811-20 63,3; 1821-30 71,8; 1831-40 73,8; 1841-50 71,5 ; 1851-60
71,0 ; 1861-70 75,1). Bien mieux, les abandons d'enfants légitimes (qu'in-
voquent toujours les adversaires du tour) n'ont pas été moins considérables
depuis l'abrogation illégale du décret de 1811, et l'absence de tours n'a pas
empêché des femmes mariées de se débarrasser de leurs enfants. Au 1er jan-
vier 1872, en effet, sur 98,6ii enfants assistés, on comptait 16,609 enfants
abandonnés par leurs parents après avoir été d'abord élevés par eux, ou
enfants de détenus et de condamnés. A Paris, de 1860 à 1872, 8,252 enfants
légitimes (16 0/0) ont été délaissés par leurs parents. 11 ne faut pas croire,
au surplus, que l'abandon des enfants soit toujours le fait de personnes démo-
ralisées : dans un trop grand nombre de cas, c'est la misère qui est la con-
seillère; en 1809, par exemple, pour 1,260 personnes, l'indigence a été allé-
guée 3,267 fois. Bien des fois, si les parents consentent à se séparer de leur
enfant, c'est sous la pression de la nécessité et avec l'espoir de le retirer plus lard.
On dit qu'il est inadmissible qu'une femme puisse commettre une faute et
se décharger de ses devoirs sur l'État ; on prétend que les femmes de mau-
vais' vie ne doivent pas avoir le droit de faire élever leurs «'niants aux frais
des honnêtes gens, et on termine en ajoutant que l'État ne peut se faire le
complice de l'immoralité. M. Leforl répond que l'État n'a pas le pouvoir de
i H est bien certain que l'on doit une proportion élevée des mort-nés an travail dans les
fabriques, aux veilles, a la vie de plaisirs, à l'alcoolisme, à la syphilis, etc.
DISCUSSION Sllt I.C IlÉTAlil.ISSI.MI M ItKS TltlHS 1121
refuser son concours lorsqu'un intérêt capital est en jeu, et qu'en acceptant la
thèse des adversaires, il faudrait refuser l'assistance à certains malades et
fermer tous les hôpitaux où les débauchés peuvent se faire soigner, sous pré-
texte que l'État ne peut encourager le vice.
Quant à l'augmentation des attentats contre la vie de l'enfant, personne ne
peut la nier; elle ressort avec évidence de toutes les statistiques et elle est
même reconnue tant par les adversaires des tours que par l'administration. Sans
vouloir revenir sur les chiffres qu'il a donnés dans sa communication, M. Lefort
fait remarquer que tous les infanticides, tous Tes avortemenls ne sont pas
punis, que beaucoup échappent à la répression, et que la statistique ne tient
pas compte des ordonnances de non-lieu (1832-72, infanticides, 992; avortements,
394; exposition, 316), qui ne prouvent pas toutes l'innocence des personnes en
faveur desquelles elles ont été rendues. Ce qu'il importe surtout de signaler
c'est le chiffre élevé des infanticides commis par les femmes légitimes : en
1862, il était d'un 5e du chiffre total.
Ainsi le tour n'excile pas à l'immoralité, il ne favorise pas les abandons et
il empêche les attentats contre la vie des enfants. Pour quels motifs donc
s'est-on décidé à le fermer? Uniquement pour des raisons d'économie; l'admi-
nistration a voulu dégrever les budgets départementaux sans se douter que la
diminution portant sur un chapitre concorderait avec une augmentation sur
un autre et que sa mesure offrait de graves dangers pour la vie des jeunes
enfants. Elle a fait des enquêtes, il est vrai, mais les adversaires du tour qui
les citent n'ajoutent pas dans quelles conditions elles ont été laites. Le rapport
d<> M. Bérenger au Sénat prouve qu'elles ont été faites avec des idées précon-
çues et en l'absence de personnes compétentes. Ainsi en 1819 la grande com-
mission présidée par M. V. Lefranc, malgré l'avis formel de o3 conseils géné-
raux demandant le rétablissement des tours, se prononça pour leur suppression.
Dans l'enquête de 1862, on s'abstint de faire appel aux opinions étrangères
à l'administration, aucun conseil général ne fut appelé à donner son avis,
aucune déposition ne fut provoquée, ni recueillie, aucun membre du corps
médical consulté.
En terminant, M. Lefort tient à déclarer qu'il n'est pas un partisan aveugle
des tours et qu'il est le premier à en reconnaître les inconvénients; s'il les
soutient, c'est parce qu'ils sauvent un grand nombre d'existences. Qu'on
imagine un système permettant à la femme de se relever, de cacher sa faute
et préservant en même temps la vie de l'enfant, et il n'hésitera pas à revenir
sur sa conviction, mais en attendant que cette démonstration soit laite d'une
manière péremptoire, il croit à l'efficacité du tour.
M. Passy croit que le tour, en diminuant la mortalité, l'accroît sur un autre
point, et que s'il sauve quelques existences, il en compromet d'autres en faci-
litant les séductions, les abandons et les délaissements à l'hospice.
M. Gachassin Lafite, tout en se déclarant d'accord avec M. Lefort, croit que
l'on peut fort bien remédier à la fâcheuse situation décrite par M. Passy, en
autorisant la recherche de la paternité, qui n'offrirait pas autant de dangers
qu'on le croit à première vue.
M. le Dr G. Lagneau. — Je sais que par les statistiques relatives à la pro-
71
1122 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
portion croissante des infanticides durant les périodes 1823-1835 et 1536-1844,
M. Rapet (Journal des Économistes, T. vin, 1846, p. 51-72) a mis à même de
reconnaître que dans certains départements où les tours avaient été supprimés,
cette proportion s'était élevée de plus d'un tiers, de 1 sur 378 à 1 sur 239
habitants, tandis que cette proportion s'était élevée de moins d'un tiers, de 1
sur 388 à 1 sur 275 dans les déparlements où les tours avaient été maintenus.
Toutefois cette différence d'accroissement est peu considérable, d'un treizième
environ. En outre, il importe de faire observer que la proportion des infan-
ticides s'était beaucoup moins élevée, d'environ un septième, de 1 sur 306
à 1 sur 263 habitants dans les départements où les tours n'avaient jamais
existé.
Si les tours arrachent à une mort immédiate quelques enfants qui sans eux
seraient tués par des mères criminelles, ces tours ont le grand inconvénient
de favoriser l'abandon de nombreux enfants que leurs mères moins dénaturées
que les précédentes, conserveraient et élèveraient, si elles ne trouvaient dans
ces tours un moyen facile de se décharger des soins maternels. Or, cet aban-
don est fatal aux enfants dans une proportion parfois effrayante. Husson a
montré qu'en 1860 la mortalité des enfants assistés était encore de 90-50 sur
100 dans le département de la Seine-Inférieure et si la mortalité des enfants
assistés de Paris n'a été que de 47-48 pour 100 de 1868 à 1873 d'après les
nombres communiqués à M. Théophile Roussel, cette mortalité est encore plus
de deux fois supérieure à celle de 21,07 pour 100 présentée en 1872 par tous
les enfants de 0 à 1 an de notre nation. (Statistique de la France, nouvelle
série. T. n. 1872 p. 38.)
Si donc les tours préviennent quelques infanticides, en favorisant l'abandon
de nombreux enfants, ils ont pour conséquence une mortalité infantile consi-
dérable par défauts de soins maternels.
M. Lagneau croit donc qu'au lieu de rétablir des tours, il faudrait d'abord
mettre les mères malheureuses, particulièrement les filles-mères, à même de
conserver leurs enfants tout en travaillant. Dans le département de la Haute-
Loire où la mortalité des enfants illégitimes est de 240 à 250 sur 1,000, M. De-
villiers a montré qu'elle descend à 60 pour ceux des filles-mères secourues et
surveillées médicalement; proportion quatre fois moindre. (V; Devilliers
observ. au rapport de Th. Roussel sur la loi pour la protection des jeunes enfants f
p. 85-6.) Mais pour les mères ne pouvant rester dans les places qu'elles occu-
pent comme ouvrières, comme domestiques, il faudrait créer des maternités-
ouvroirs, ou plus exactement des policliniques d'accouchement et des ateliers
avec crèches annexées. D'une part, elles trouveraient des soins médicaux,
non dans de grands monuments hospitaliers où sévissent si fréquemment les
fièvres puerpérales, mais dans des policliniques disséminées chez des sages-
femmes choisies et surveillées, dans des bureaux de bienfaisance. Et, d'autre
part, elles trouveraient des travaux faciles, proportionnés à leur état physiolo-
gique, dans des ateliers salubres, auxquels seraient annexées des crèches où
elles pourraient allaiter et soigner leurs enfants. A Mulhouse, où jadis Villermé
constatait une énorme mortalité infantile (De la santé des ouvriers employés
dans les fabriques de soie, de coton et de laine, Ann. d'hyg. et de méd. lég.,
DISCUSSION SUB M KÉTABLISSEMEN1 DES rOURS 1123
t. xvi, p. 104, 1839), M. Dollfus et quelques autres grands industriels ont
obtenu une diminution considérable de cette mortalité en donnant des secours
aux femmes en couches, el en annexant à leurs manu factures des salles spé-
ciale, où les mères vont donner le sein à leurs enfants aussi souvent qu'il
est nécessaire.
M. J. Lefort ne veut pas revenir sur ce qu'il a dit touchant l'influence des
tours sur les abandons; il tient seulement à faire remarquer que les moyens
proposés par M. Lagneau ne sont pas inconciliables avec la mesure qu'il pro-
pose. 11 est totalement d'accord avec le préopinant sur la nécessité de secourir
la fille-mère qui a plus besoin d'assistance que la femme mariée; quant aux
finîmes en couches, M. Lefort se dispense d'en parler après le mémoire dans
lequel il préconise cet excellent remède et que l'Académie de médecine a bien
voulu récemment récompenser. (V. Bulletin de l'Académie de médecine, 2e série,
t. vi 1877, p. 6G8.) Seulement il croit que ces subsides ne pourront vaincre
1< s répugnances des femmes qui veulent être, non pas secourues, mais débar-
rassées de leur enfant. .M. Blondel, dans si m Rapport sur le service des enfants
assistés du département de la Seine pour ISll, n'a-t-il pas avoué qu'à Paris, un
grand nombre de femmes refusent absolument les secours qui leur sont offerts
et déclarent qu'elles ne veulent à aucun prix conserver leur enfant quelle que
soil l'aide qu'elles pourraient trouver dans l'administration? En présence de
ces dispositions, n'est-on pas en droit de redouter des attentats et ne peut-on
craindre les infanticides par inanition, si faciles à commettre et si difficiles à
prouver?
M. le Dr Lagneai sait, en effet , que M. Bouchard a observé à la Maternité
des infanticides par inanition, des mères se refusant à donner le sein à leurs
entants dont elles veulent se débarrasser. (Bouchard, De la mort par inanition :
thèse, Paris, 180i, p. 91-92.) Mais heureusement, ces mères perverses, méritant
de tomber sous le coup de l'article 30:2 du code pénal, sont des exceptions.
Bien des tilles-mères gardent et élèvent leurs enfants, et ne les abandonnent
pas à la charité publique. On est du moins porté à le penser, tout en admet-
tant une proportion considérable d'infanticides ignorés, d'infanticides dissimulés
sous le pseudonyme de mort-nés, lorsqu'on compare le nombre des enfants
naturels déclarés à l'état civil au nombre des enfants trouvés admis dans une
même année» En 4872, il y eut en France 69,6o3 enfants naturels nés vivants
[Statistique de la France, nouvelle série; t. n, p. 14, année 1872) et les admissions
d'entants trouvés s'élèvent à 536, dont 254 garçons et 282 filles ((bid^y. 207.)
Cependant l'absence de tours n'empêche pas de nombreuses femmes, voire
même de femmes mariées de trouver encore assez facilement à se décharger
des soins maternels qui leur incombent. Au 1er janvier 1872, en France, sur
les 98,66i enfants assistés, on comptait 8,466 enfants trouvés, nés de père et
de mère inconnus, et déposés ou nés dans les hospices, et 46,609 enfants
abandonnés, délaissés par les père et mère connus, après avoir d'abord été élevés
par eux, ou entants de détenus et de condamnés. (Ibid., p. 77.)
H24 ECONOMIE POUTIQIK KT STATISTIQUE
M. BOTJYET
Membre de la Société d'économie politique de I.\on
SUR LES MONTS DE PIETE.
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du S 9 août /A' 7 7. —
M. Bouvet, après une série de remarques sur les engagements, propose de
prélever sur les produits une somme pour fonds de réserve et d'amortisse-
ment, destinée à rendre moins onéreuses les conditions du prêt; se pronon-
çant contre toute idée de liberté, à cet égard, M. Bouvet déclare que ces éta-
blissements doivent être fortement organisés, monopolisés et protégés, de façon
qu'ils puissent établir une compensation permettant de faire payer les objets
de valeur pour les objets de prêt modique.
M. Léon PHILIPPE
Ingénieur des Ponts-et-Chaussées.
LE REGIME ECONOMIQUE DES CHEMINS DE FER.
(EXTRAIT.)
— Séance du 29 août 1877. —
M. Philippe appelle l'attention des économistes sur le rôle important qu'ils
pourraient prendre dans la question de l'achèvement des chemins de fer fran-
çais, en guidant l'opinion publique que des projets appuyés sur des généra-
lités mal étudiées peuvent égarer. Le grand public, partie trés-intéressée
dans la question, ne peut l'étudier par le détail, il ne vérifie pas les faits :
il tient, non sans raison, pour suffisamment établis ceux qu'on a laissés sans
réponse, mais il est apte à conclure, si les faits sont nets, précis, et pourvus
d'un caractère de généralité suffisant.
Il appartient donc aux économistes d'assurer une bonne direction à l'opinion
en constituant un dossier des faits caractérisés comme on vient de le dire.
M. Philippe fait connaître quelques uns de ces faits que selon lui, toute per-
sonne doit avoir présents à l'esprit en abordant la discusssion.
\° Les chemins de fer restant à construire sont au point de vue du trafic
dans une situation inférieure à celle des lignes du nouveau réseau construit
par les six grandes compagnies. Or, sur 8,017 kilomètres constituant le nou-
veau réseau au 1er janvier 187.J, 42 seulement rémunèrent le capilal engagé.
PHILIPPE. — J.E RÉGIME ÉCONOMIQUE DES CHEMINS DE FER l 12o
Le déficit est comblé en partie par le bénéfice réalisé sur les grandes artères
(déversoir), en parlie par l'État sous forme d'avances remboursables lorsque
le réseau fera des recettes suffisantes. M. Philippe produit à cet égard des
chiffres d'où il conclut qu'à moins d'obtenir la cession gratuite des terrains
comme pour les chemins d'intérêt local de l'Hérault, et d'importantes subven-
tions des pays traversés, les chemins restant à construire ne pourront pas
vivre par eux-mêmes.
Ces considérations s'appliquent aux chemins de fer d'intérêt général restant
à construire, et à plus forte raison aux chemins de fer d'intérêt local. Quel
que soit le nom qu'on leur donne, les lignes du dernier réseau sont indispen-
sables, mais si l'on veut éviter un désastre il faut calculer à l'avance les
charges que l'exploitation pourra supporter, et se rappeler que le capital de
construction ne pourra pour aucune de ces lignes être complètement et immé-
diatement rémunéré.
2° Il n'est pas moins nécessaire de faire connaître au public les résultats
qu'a donnés en Angleterre et en Amérique, la concurrence entre des compa-
gnies nombreuses et indépendantes. Par la force des choses les compagnies
ont été conduites à la fusion. Après avoir débuté par le régime de la con-
currence, l'Angleterre a été amenée par l'expérience à se rapprocher du système
français par la fusion et l'établissement d'un contrôle de l'Etat sur l'exploi-
tation. Profitons de cette expérience économique dont l'Angleterre a fait les
frais et ne nous avisons pas de la recommencer, puisque nous en connaissons
les résultats consignés dans l'enquête de 1872 sur les chemins de fer anglais.
3° Il faut en outre mettre le public en garde contre ceux qui voient dans
les chemins de fer d'intérêt local et dans les chemins de fer à voie étroite
des panacées universelles. On compromettrait l'avenir de ces chemins spéciaux
en exagérant leurs avantages ou en abusant de leur emploi. L'auteur cite des
chemins de fer à voie étroite qu'il faudra é'argir à grands frais, tels que le
chemin de fer du Festiniog dont la voie n'a que 0m 60.
Quant aux chemins de fer d'intérêt local, l'auteur cite sans le nommer un
département où une compagnie privée demandait la concession d'un tracé
difficile et dispendieux, comportant deux souterrains de 1800 mètres de lon-
gueur, alors qu'on eut pu rendre les mêmes services par un tracé simple et
économique se développant en ligne droite et en plaine, mais il fallait pour
cela sortir du département et le conseil général perdait le droit de concession.
En fait l'État a concédé le chemin de fer comme chemin d'intérêt général et le
tracé le plus rationnel a été adopté. L'auteur cite encore la concession faite en
1870 à une compagnie privée, de 14 chemins de fer d'intérêt local qui devaient
être construits en 5 ans, dans un même département, et dont un seul était
construit en 1873; la déchéance de la compagnie a du être prononcée; Popinion
publique primitivement favorable à la demande en concession avait été
séduite par des promesses exagérées; c'est dans ces cas que l'intervention des
économistes est utile.
L'auteur conclut à la nécessité de réviser la loi de 1865.
1120 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
M. YAÏÏTHIEE
Ingénieur des Ponts-et-Chaussées.
LA RÉORGANISATION DU RÉSEAU DES CHEMINS DE FER.
— Séance du 30 août 4877. —
M. Vauthier s'est proposé de rechercher les moyens de compléter et de
faire fonctionner l'ensemble des voies ferrées françaises le plus économi-
quement possible. Il ne s'agit pas d'ailleurs, pour lui , de modifications
techniques proprement dites, mais d'une organisation spéciale des lignes
qui réalise les avantages cherchés. C'est donc une thèse économique et
non une thèse technique qu'il vient développer.
Le commerce et l'industrie réclament des tarifs bas. Il n'y a qu'un
moyen rationnel de les leur donner : c'est de produire du transport à
bas prix. Une industrie quelconque ne peut travailler à perte, et le
gouvernement intervînt-il, comme le deus ex machina, que nul, au
moins parmi les économistes, ne lui demanderait de fournir du trans-
port au-dessous du prix de revient, à moins de circonstances absolu-
ment exceptionnelles.
Une grande partie de la vaste machine à transports est aujourd'hui
construite. Elle a coûté un prix exhorbitant ce qui est regrettable.
Pour celle-là, il n'y a plus qu'une chose à rechercher : son fonction-
nement au meilbur marché possible. Mais, pour ce qui reste à faire, il
y a deux conditions à remplir : construire économiquement et exploiter
au plus bas prix que faire se peut.
Examinons sommairement comment est constitué l'appareil actuel,
dans quelles conditions il fonctionne et comment il s'est formé. C'est de
la critique que cet examen suggère que se déduisent les conditions de
l'organisation nouvelle.
Les longueurs totales aujourd'hui concédées et exploitées sont données
par le tableau suivant qui se rapporte au 34 décembre 1874.
Grandes Compagnies, CicMliversi's. Intérêt local. Totaux,
Concédé 20,800 k I ^ réS6aUJ?'^ I - 3,200-4;300 -28,300 k.
| nouv. » 11,000 )
t-, ! • . .- „rt« [ anc. réseau 9,200 ) . „AA . WAA „.A -AA
Exploité 17,600 » _' — I,o00—l,o00 — 20,600 »
r ( nouv. » 8,400 )
Depuis 1874, les longueurs concédées se sont augmentées de 3,000 ki-
lomètres et les longueurs exploitées de 1,900 kilomètres environ.
VUTHIER. — RÉORGANISATION Df RÉSEAU DES CHEMINS DE FER I lv27
En ce qui touche les lignes des ii grandes Compagnies, elles avaient
coûte, à la même date de fin 1874 :
Réseaux réunis — 473.600 francs le kil.
Proportion de lu
à simple voie.
33~Ô/0 — ancien réseau — 525.300 f. le kil.
83 0/0 — nouveau » — 414.000 »
Eu égard à la différence de proportion des lignes à simple voie,
aux différences dans les installations de gare et le matériel roulant, et
à beaucoup d'autres circonstances, on peut dire que le nouveau réseau
a coûté plus cher que l'ancien.
Le produit net est donné par le tableau ci-dessous :
Ancien réseau 30.074 par k. soit 6.86 0/0 du capital d'établissement.
Nouveau » 6.064 » » 1.45 0/0 » »
Réseaux réunis 22. 145 » » 4.67 0/0 » »
Quant axa. produits bruts, P, et aux frais d'exploitation, F, ils ressortent
de cet autre tableau :
Ancien réseau P. = 66.431 ; F.= 30.357; l =45.69 0/0
Nouveau » » =20.700; » = 14.636 » = 70.70 »
Réseaux réunis » = 45.205; » =23.060 » = 51.02 »
Enfin nous donnons ci-dessous le prix de revient d'une unité de trafic
et les tarifs perçus par unité de trafic en 1874 :
Prix de revient. Tarifs perçus.
excéd. (i) excéd. (i)
Ane. réseau: 0 f. 04.79
Nouv. »: 0 f. 09.45
Réseaux réunis: 0 f. 05.81
Voyk 0 f. 0546 + 0 f. 0067
» 0 f. 0452 — 0 f. 0483
» 0 f. 0533 — 0 f. 0048
Tonk 0 f. 0581 + 0 f. 0102
» 0 f. 0592 — 0 f. 0353
» 0 f. 0583 + 0 f. 0002
Ces chiffres ont une haute éloquence. Ils montrent que les grandes
Compagnies desquelles on réclame des abaissements de tarifs sont tout
près de travailler à perte. Ajoutons d'ailleurs que l'élévation des prix de
revient tient à l'élévation des frais d'exploitation qui entrent pour un peu
plus de moitié dans le chiffre 0,0581, mais surtout, pour le nouveau
réseau, à ce qu'exige l'intérêt et l'amortissement du capital dépensé.
Comment s'est constitué depuis 1837 ce vaste appareil de transport ?
11 n'y a pas eu de plan d'ensemble dès l'origine et on peut s'en féli-
citer ; — un plan d'ensemble conçu trop tôt eut forcément été mauvais.
Mais, d'autre part, on peut regretter que les choses aillent sijongtemps
à l'aventure.
(1) Les excédants précédés du signe — sont des déficits.
1128 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
L'industrie privée a eu au début un rôle considérable.
L'Etat est intervenu, pour la première fois, d'une manière effective,
par la célèbre loi de 1842.
Quel était, sous l'action de cette double influence, l'état des choses en
1831 ? Il y avait 27 compagnies principales dont deux (le Nord et l'Est
déjà formées) possédaient, sur une longueur concédée de 3,916 k.,
1,194 k.; les 25 autres Compagnies n'ayant en moyenne, chacune, qu'une
concession de 94 k.
Les inconvénients de cette dissémination étaient graves. Ils furent
vivement sentis.
De là le mouvement de centralisation qui se produisit de 1851 à 1857,
mouvement qui constitue la première phase naturelle d'éléments qui
s'organisent.
En 1857, les grands réseaux étaient formés et les G grandes Compa-
gnies constituées. Leur situation était devenue 2elle-ci :
En 1851. EmSuT.
Longueurs moyennes concédées — 976 k. 2.511 k.
» » exploitées — 748 » 1.177 »
La concession la plus étendue : celle du Lyon-Méditerranée dépas-
sait 4.000 k. et cette Compagnie exploitait déjà 1650 k.
Ces chiffres ont notablement été dépassés depuis.
Il y aurait beaucoup à dire contre cette concentration au point de
vue économique. Elle constituait de puissants monopoles. Au point de
vue technique, la constitution de réseaux étendus fut chose favorable.
On a seulement, depuis, de beaucoup excédé la mesure, sous l'in-
fluence des conventions de 1858-1859.
Ce qui en fournitune preuve manifeste c'est que, en s'étendant, l'ancien
réseau lui-même, quoique voyant son produit brut augmenter, a vu
croître aussi le tantième des frais d'exploitation, lequel, d'après toutes
les notions admises, aurait dû aller en diminuant.
M. Vauthier donne la raison industrielle de ce fait singulier, et,
après avoir critiqué les conventions de 1858-1859, ce casse-tête chinois
qui a eu de si graves inconvénients quant au coût élevé du nouveau
réseau surtout, il montre que personne ne défend aujourd'hui ces con-
ventions, que nul ne songe à en étendre l'application.
Mais que va-t-on faire ?
L'Etat va-t-il tout racheter, tout compléter, tout exploiter?
C'est une solution que préconisent quelques personnes. Elle serait radi-
calement mauvaise. Quelque vitalité qu'ait aujourd'hui l'industrie des
chemins de fer, la main mise de l'État y ('teindrait tout progrès. Nous
aurions les voies ferrées de la Chine.
VWTIIIEII. — RÉORGANISATION 1)1 RÉSEAU DES CHEMINS DE FER 1129
Autant il est rationnel que les chemins de fer fassent partie du
domaine public, autant il serait fâcheux que l'État en fît l'exploitation.
D'ailleurs cela ne résoudrait pas nécessairement la question posée. Il
est même à croire que cela éloignerait de la solution. — La démons-
tration péremptoire en a été faite par un ingénieur des ponts- et-chaus-
sées, M. Cl). Baum.
Il faut donc autre chose.
M, Vauthier expose alors son système de réseau national et de réseaux
régionaux .
Il montre comment l'idée d'une telle disposition organique ressort
de l'examen d'une carte figurative des chemins de fer français où l'in-
tensité des trafics de chaque ligne est représentée par une largeur pro-
portionnelle.
Le réseau national formé des grandes lignes commerciales qui sont
en même temps les grandes lignes de transit et les grandes voies straté-
giques constituerait un ensemble qui pourrait être confié, comme
exploitation, à une ou plusieurs compagnies fermières qui fonctionne-
raient avec des tarifs fixes, votés chaque année dans la loi des
finances. Les profits de ces compagnies résulteraient des progrès
techniques qu'elles feraient faire aux moyens d'exploitation à partir des
bases posées dans les cahiers «les charges qui leur seraient impartis. —
Le trésor public recueillerait les bénéfices.
Ce réseau présenterait un développement d'environ 7,500 kilomètres.
Il laisserait en dehors 24,000 k. appartenant tant aux grandes Com-
pagnies qu'aux compagnies diverses et aux Compagnies d'intérêt local.
En y ajoutant 8 à 9,000 k. de lignes nouvelles, on aurait ainsi 32 à
33,000 k. à partager en réseaux régionaux que l'on constituerait dans
les grandes mailles du réseau national .
Il y aurait 20 à 25 de ces réseaux.
Leur étendue varierait de 1,200 à 1,800 k. Excellente condition
d'exploitation.
Chacun d'eux présenterait une continuité absolue des lignes qui le
forment. Chacun d'eux aurait une assiette homogène, dans une région
géographique circonscrite, sans trop grands écarts dans les trafics à
desservir.
Ces réseaux seraient confiés à des Compagnies privées avec cahiers
des charges mieux faits que ceux des Compagnies actuelles, mais lais-
sant cependant ces compagnies maîtresses de leurs tarifs, dans des
limites rigoureusement fixées.
Les lignes nouvelles destinées à compléter chaque réseau seraient
établies d'après le trafic probable à desservir et construites dans les con-
ditions que de faibles trafics commandent.
1130 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
M. Vauthier montre comment ce système satisfait aux deux condi-
tions posées :
A. Economie de construction des lignes complémentaires;
B. Economie d'exploitation appropriée dans tous les cas à la desti-
nation de chaque réseau.
Il y aurait ainsi division de fonctions ; — des organes distincts pour des
fonctions distinctes, sans toucher à l'unité nécessaire de la circulation
nationale,
La puissance de chaque outil serait proportionnée au travail à
produire; ce qui est essentiel pour la bonne utilisation des forces.
Notre réseau de voies ferrées accomplirait ainsi la seconde phase du
mouvement organique dans lequel les chemins de fer doivent entrer,
phase pour laquelle la France est mieux préparée qu'aucune autre
nation.
M. Vauthier termine par quelques brèves indications sur les condi-
tions de la réorganisation, sur sa praticabilité, et les conséquences finan-
cières du système proposé.
M. ROZY
Professeur à la Faculté de droit de Toulouse.
SUR LES CHEMINS DE FER D'INTÉRÊT LOCAL.
(EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL.)
— Séance du 30 août 1877. —
M. Rozy présente quelques considérations sur les chemins de fer d'intérêt
local et surtout sur la loi du 42 juillet 1865, qui les a organisés, et qui a été
très-vivement attaquée. Il montre d'abord que ces lignes ne sont pas sans
importance, puisque l'on compte 4,286 kilomètres concédés et 1,504 déjà ex-
ploités, et, analysant la loi de 1865, il s'attache à réfuter les critiques qui lui
ont été adressées; l'organisation des voies ferrées constituées en conformité de
cette loi de 1865 peut laisser à désirer à certains égards; mais en somme la
loi de 1865 a été inspirée par une excellente idée : le désir de développer
l'initiative locale, de réagir contre une centralisation excessive et de remettre
la solution des questions aux personnes les mieux placées pour juger. Après
des illusions sur ces chemins de fer on s'est mis à désespérer d'eux outre
mesure; un ingénieur de talent, M. Caillaux, a pourtant dit qu'il faut conti-
nuer la construction des chemins de fer d'intérêt local, que leur utilité est
SERRURIER. — CRÉATION DE BIRLIOTHÈQUES PÉDAGOGIQUES 1131
incontestable et que si la prudence esl nécessaire il convient de ne pas sus-
pendre totalement la construction, comme l'ont proposé bien des ingé-
nieurs.
M. SERRURIER
Directeur de l'École communale de s Havre.
CRÉATION DE BIBLIOTHEQUES PÉDAGOGIQUES.
— 5 c'a» ce du 30 août (877. —
C'est pour élever le niveau de l'instruction primaire , base de tout
enseignement ultérieur, que j'ai cherché le moyen de doter mon école
d'une bibliothèque spéciale, avec le désir de permettre à mes onze pro-
fesseurs internes de développer leurs connaissances pédagogiques et de
l'aire l'étude des meilleures méthodes, afin de fortifier leur savoir et de
devenir par cela même plus habiles dans l'art d'enseigner.
Les élèves et les adultes, ainsi que les apprentis (enfants employés
dans les manufactures), qui fréquentent l'école, trouveront aussi un ali-
ment précieux dans des livres bien choisis, d'un attrait toujours varié,
et susceptibles de les instruire en les amusant.
Autorisée en 1876, cette bibliothèque est, dans son genre, la première
qui existe en France, et c'est pour en faciliter rapidement la propaga-
tion, que je me suis efforcé, tout eu la rendant aussi complète que pos-
sible, de lui conserver un caractère simple et capable de convenir à
tous les établissements scolaires.
Son catalogue, rédigé avec tout le soin possible, sera une source où
l'on pourra puiser facilement, quelle que soit l'importance que l'on
désire donner aux bibliothèques à créer. Dans le but d'être utile et pour
répondre aux demandes de renseignements qui nous ont déjà été adres-
sées, j'ai la satisfaction d'annoncer que l'administration municipale du
Havre se propose de faire imprimer ce catalogue , afin de le répandre
dans toutes les villes importantes.
Je lis, pour abréger, la petite notice placée en tête de ce travail. Elle
suffira, je l'espère, pour indiquer la marche que j'ai suivie, et toute la
part qui revient à l'initiative privée dans cette création.
Notice sur la création de la bibliothèque pédagogique de l'école communale
Sainte-Marie, rue Dumé-a" Aplemont (Havre) .
L'existence de cette bibliothèque est due à l'initiative du directeur de l'é-
cole, qui avait déjà fondé, en 1868, une bibliothèque scolaire à la campagne,
dans l'école qu'il dirigeait alors.
1132 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
Four engager les cœurs généreux à s'intéresser à sa création, il a offert
d'abord, comme premier fonds, trois cents volumes (valeur en fr. 500), qui
composaient sa modeste bibliothèque d'instituteur.
Encouragé par M. Vasselin, inspecteur primaire , par M. l'inspecteur d'a-
cadémie, et par l'honorable M. Courant, adjoint au maire du Havre pour l'ins-
truction publique, cet instituteur s'est mis à l'œuvre et il a eu la satisfaction de
rencontrer, auprès des personnes que ses nombreuses occupations lui ont per-
mis de voir jusqu'à ce jour, un accueil toujours sympathique et favorable.
Après une année de démarches et d'efforts persévérants, il a pu offrir à
l'Académie et à l'administration municipale, une bibliothèque pédagogique mo-
dèle, comprenant quinze cents volumes, ouvrages de choix, dont la valeur dé-
passe 4.000 francs et que l'on doit à l'initiative et à la bienfaisance d'un certain
nombre de donateurs.
Sur le rapport de M. Courant, le Conseil municipal du Havre a voté, à l'u-
nanimité, la somme de mille francs, pour l'appropriation d'un appartement,
au rez-de-chaussée de l'habitation des maîtres, à usage de bibliothèque, de
salle de lecture et de réunion pour le directeur et les adjoints de l'école.
Cette bibliothèque comprend deux parties :
1° La première partie, celle des maîtres, se compose d'excellents ouvrages
sur la pédagogie et sur toutes les branches de l'enseignement: français, arith-
métique, géométrie, histoire, géographie, littérature, sciences, industrie, arts,
législation usuelle, etc.;
2° La partie des élèves renferme des séries d'ouvrages intéressants et ins-
tructifs, comme la Première année de lecture courante, par Guyau ; les Lectures
courantes des écoliers français, par Caumont et Vasselin; les Xotions élémen-
taires d'histoire naturelle, de physique et de chimie, par H. Fabre, etc., desti-
nées à circuler dans les classes, afin d'exciter l'attention et les efforts des en-
fants, des adultes et des apprentis, qui forment chaque jour, au moment des
cours du soir, un effectif d'environ mille élèves.
A côté de l'utile, le créateur de l'œuvre a voulu placer l'agréable , dans le
but d'intéresser davantage et de permettre de s'instruire en s'amusant. C'est
ainsi que la partie des maîtres comprend des ouvrages divers, comme biogra-
phies, descriptions, voyages, etc., tandis que celle des élèves, en dehors des
livres de classe, possède la collection de la Bibliothèque des Merveilles, et d'au-
tres petits ouvrages dont l'attrait servira à augmenter l'empressement et les
efforts qui seront faits pour les lire et pour les comprendre.
Ce qui caractérise celte fondation, ce n'est pas seulement un ensemble varié
de volumes, provenant d'auteurs renommés, mais surtout un choix con-
sciencieux d'ouvrages dont la valeur morale est la meilleure garantie de leur
utilité. Bien que chaque série soit nombreuse, la variété existe toujours et
aucun livre ne s'y trouve en double, sauf dans les livres à prêter aux élèves.
L'examen le plus scrupuleux a été fait pour restreindre la quantité au
profit de la qualité. Il suffit, pour en avoir une idée, de se reporter h la série
des dictionnaires et ouvrages généraux, dont la liste comprend: le grand
Dictionnaire Littré (4 volumes); le Dictionnaire encyclopédique de Grégoire ;
le Dictionnaire d'Histoire et de Géographie, par Dezobry et Bachelet (2 volu-
SERRURIER. — CRÉATION DE BIBLIOTHÈQUES PÉDAGOGIQUES 1133
mes) ; le Dictionnaire des Lettres, par Bachelet et Dezobry (2 volumes) ; le
Dictionnaire de l'Art épistolaire, par Dezobry ; le Dictionnaire général des
Sciences, par Privat-Deschanel et Focillon (2 volumes); le Livre de la Ferme,
par Joigneaux (2 volumes) ; le Dictionnaire d'Éducation et d'Enseignement,
par Champagne ; le Dictionnaire d'Education et d'Enseignement, par Morand ;
le Dictionnaire de la Santé, par Fonssagrives ; les Citations morales, par
Loubens; les Merveilles des Sciences et de l'Industrie, par Figuier (2 volumes);
les Chefs-d'œuvre des Arts industriels, par Burly; la Terre et la France, par
Elisée Reclus, etc., etc.
Quelques publications, comme le Manuel Général, le Journal des Institu-
teurs, le Courrier de Vaugelas, etc., complètent avantageusement la Biblio-
thèque pédagogique de l'École et concourent à en former un type capable de
rendre un sérieux service à l'enseignement, en traçant la route de pareilles
créations dans les principaux établissements d'instruction primaire.
DIVISION DU CATALOGUE
Série A. — Pédagogie (Traités. Éducation, Religion, Morale). 80 volumes.
Série IL — Enseignement. — Méthodes. — Livres de classe.
(Lecture, Langue française, Arithmétique, Histoire et Bio-
graphie, Géographie et Voyages, Atlas et Cartes) 240 —
SÉRIE C. — Histoire cl Littérature 190 —
Série I). — Sciences. — Mathématiques pures et appliquées:
(Arithmétique, Algèbre, Géométrie, Trigonométrie, Méca-
nique et Cosmographie) 34 —
Série E. — Sciences physiques et naturelles. — Industrie,
(Histoire naturelle, Physique, Chimie, Agriculture, Horti-
culture, Botanique et Industrie) 68 —
Série F. — Législation usuelle. — Economie politique, indus-
trielle et commerciale 15 —
Série G. — Hygiène et Gymnastique 11
Série H. — Beaux-Arts (Dessin et Musique) 45 —
Série I. — Ouvrages divers pour les Maîtres 32 —
Série J. — Ouvrages divers pour les Élèves 261 —
Série K. — Livres de classe 524 •*-
Total de volumes : 1,500
J'ai dit, en commençant; que cette Bibliothèque est la première,
méritant son titre, qui appartienne à une école primaire. Il existe
cependant d'autres bibliothèques) dites bibliothèques pédagogiques, et
noire cité a depuis longtemps donné un exemple qui a été suivi rapi-
dement dans plusieurs grandes villes. En effet, en 1871, l'honorable
1134 ÉCONOMIE POLITIQUE ET STATISTIQUE
M. Siegfried, qui a su donner une impulsion si vive à l'instruction
publique au Havre, créait le Cercle des Instituteurs, où les Directeurs
el les Instituteurs-Adjoints des écoles communales de tous les quartiers
peuvent passer agréablement leurs loisirs et se préparer pour les confé-
rences mensuelles.
31M. les Inspecteurs de renseignement et des particuliers, amis zélés
de l'instruction; s'efforcent actuellement d'ouvrir des bibliothèques péda-
gogiques cantonales, mises à la disposition des instituteurs du canton,
où des réunions ont lieu, soit chaque mois, soit tous les quinze jours.
Dans l'intervalle des conférences générales, les maîtres ont à leur
disposition les livres que possède la bibliothèque du chef-lieu de canton.
Les instituteurs, dans des rapports librement et souvent habilement
rédigés, font connaître à leurs collègues les études qu'ils ont faites et
les observations qu'elles leur ont suggérées.
Dans les cantons où ces bibliothèques existent, c'est un grand pas de
fait, il est vrai, mais encore bien insuffisant, à mon avis, pour mettre
chaque maître à la hauteur de sa tâche, pour l'engager à rompre avec
des habitudes prises depuis longtemps ou l'empêcher de tomber dans la
routine dès son début dans la carrière de l'enseignement.
C'est déjà beaucoup certainement, que de pouvoir dire aux institu-
teurs d'un canton : « Voilà une bibliothèque et des livres, continuez de
vous instruire, perfectionnez-vous, étudiez les meilleures méthodes,
lisez Rollin, Pestalozzi, Girard, Frcebel, Hippeau, Charboimeau, Dumou-
chel, etc., et devenez plus habiles dans l'art d'enseigner! »
Evidemment la bonne volonté existera partout, mais ne se présentera-
t-il pas sans cesse des difficultés matérielles et morales dont on sera
toujours forcé de tenir compte ? Oui, la route à parcourir pour se
rendre au chef-lieu de canton (souvent 10 ou 12 kilomètres), les tra-
vaux imprévus, le mauvais temps, les indispositions, etc., viendront
souvent paralyser le désir des maîtres et les empêcher de suivre régu-
lièrement les études de leurs collègues.
Sans parler des charges de famille de l'instituteur et sans énumérer
les emplois secondaires auxquels il est souvent obligé de se livrer pour
augmenter un traitement insufiisant, voilà certes assez d'inconvénients
pour faire comprendre, qu'à côté de la bibliothèque du canton, il faut
à chaque école une bibliothèque particulière dont l'importance variera
suivant les besoins. Dans les écoles nombreuses surtout, où beaucoup
de jeunes maîtres sont appelés, il est urgent de créer le plus vite pos-
sible une bibliothèque pédagogique qui permette de continuer les études
de l'école normale, car les progrès des élèves suivront toujours ceux
que feront les instituteurs pour augmenter leur dose d'instruction.
Les aptitudes n'étant pas les mêmes, toutes les branches de l'ensei-
SERRURIER. — CRÉATION DE BIBLIOTHÈQUES PÉDAGOGIQUES 1135
gnemciit doivent y être représentées. Lu pédagogie, restée encore en
France à l'état d'enfance, doit être l'objet d'un soin tout particulier de
la part des personnes autorisées à fonder des bibliothèques de ce genre.
Les instituteurs praticiens, ceux dont le goût et les circonstances ont
favorisé le succès, doivent s'efforcer de tracer une route facile à leurs
auxiliaires ou à leurs jeunes collègues, afin de leur aplanir les difficultés
professionnelles et de les mettre à môme d'obtenir à leur tour d'heureux
résultats .
Ce sont ces différentes considérations et l'avantage qu'il y a pour
chaque maître d'avoir à sa portée des moyens d'instruction, qui ont
déterminé la création dans mon école, par suite d'une souscription,
d'une bibliothèque renfermant aujourd'hui l,o00 volumes, dont la valeur
dépasse 4,000 francs.
Je dois dire, messieurs, pour être juste, que le Cercle des Instituteurs
du Havre a contribué considérablement à me donner l'idée d'une biblio-
thèque spéciale, déjà bien suivie par mes maîtres-adjoints. Le Cercle des
Instituteurs remplace pour nous les bibliothèques cantonales. Nous étu-
dierons chez nous, sans dérangement et sans perte de temps, et nous
communiquerons à nos collègues, dans des conférences mensuelles, le
résumé de nos études.
C'est pour faciliter ailleurs ce moyen, surtout dans toutes les villes et
communes importantes, que je prends respectueusement la liberté de
solliciter votre bienveillance au sujet de l'œuvre que j'ai entreprise.
12" section. — Sciences médicales.
M. POTAII
Professeur à la Faculté de médecine de Pans.
INDICATIONS DE LA THORACENTESE ET APPAREIL POUR LA PRATIQUER
AVEC PRÉCISION.
(extrait nr procks-verbal.i
— À' ê a n ce du 2 0 août. 1877. —
M. Potain fait une communication très-intéressante sur les indications de
la thoracentèse, et présente un appareil qui permet d'apporter plus de préci-
sion dans la pratique de cette méthode.
Les indications de la thoracentèse reposent sur l'abondance, l'ancienneté, la
nature du liquide épanché et sur la gêne circulatoire qu'il détermine.
Quand un épanchement moyen reste stationnaire et que l'on reconnaît qu'il
n'est pas enkysté, il semble qu'il" suffise de l'enlever pour l'empêcher de se
reproduire.
Or, l'opération produite par la rétraction pulmonaire appelle, au contraire,
la reproduction du liquide. Quand un malade respire difficilement et que
l'épanchement est abondant, il est indiqué d'intervenir. Mais il est difficile de
constater ces différentes indications. Il est des cas d'asphyxie lente et pro-
gressive produite par la présence du liquide, et la menace de syncope n'est
pas facile à prévoir. M. Lassègue a communiqué à la Société des hôpitaux
un cas de syncope qui l'avait vivement ému. Il soignait un confrère atteint
de ce mal : au moment où M. Lassègue appliquait son oreille sur la poi-
trine du malade, celui-ci s'affaissa et tomba mort. Il était atteint d'une pleu-
résie latente étendue.
Les signes pbysiques pour reconnaître la nature du liquide sont également
peu certains. L'ancienneté du liquide est aussi fort difficile à apprécier, la
mémoire des malades étant, souvent un guide infidèle.
Reste l'abondance du liquide : là encore, les erreurs sont fréquentes 5 elles
tiennent aux degrés Variables de l'affaissement du poumon et des adhérences
qu'il a contractées.
La constatation de l'hypéfémie pulmonaire a liue grande valeur; elle di-
minue la rétraction du poumon. Cet organe restant volumineux, l'hypérémie
pulmonaire persiste souvent quand on a extrait le liquide.
POTAIN. — INDICATIONS DE LA THOKACENTESE
i!;rr
M. Potain pense que les meilleurs signes du diagnostic de la congestion
pulmonaire associée à l'épanchement plein, sont l'étendue considérable du
souffle et la persistance des vibrations thoraciques beaucoup plus bas que
le niveau du liquide.
C'est k la congestion pulmonaire qu'il faut attribuer la crépitation pleurale.
M. Bouillaud pensait que cette crépitation était due à un frottement pleural.
Tel n'est pas l'avis de M. Potain. Cette crépitation est limitée à l'inspiration;
si elle était due k un frottement pleural, elle devrait se faire entendre aussi
pendant l'expiration, M. Potain voit dans ce râle fin et superficiel, limité k
l'inspiration, l'indication d'une congestion de la superficie du poumon.
Extraire tout le liquide quand l'épanchement est médiocre, c'est favoriser la
congestion pulmonaire par un mécanisme d'aspiration. Il est important de ne
pas pousser trop loin l'extraction du liquide; il est important même de n'en
extraire que la moitié. Il faut pour cela en apprécier la quantité totale. Tel est
le problème difficile et délicat que M. Potain a cherché k résoudre en appli-
quant aux appareils aspirateurs ordinaires un manomètre d'une simplicité ex-
trême, sorte de baromètre k cuvette qui s'interpose sur le trajet du tube qui
fait l'extraction.
11 fallait que l'aspiration du liquide ne se transmît point au manomètre,
sans quoi tout le mercure serait aspiré. A cet effet, il a imaginé un robinet
placé en avant du manomètre et pouvant, en même
temps, supprimer la communication du manomètre avec
le flacon aspirateur et faire communiquer en même
temps le liquide en extraction avec le manomètre
(fig. 101).
Pendant l'extraction on tourne le robinet de temps
en temps, soit quand on a enlevé 100, 200 ou 300
grammes de liquide, et on peut apprécier ainsi le
degré de pression dans la plèvre. Quand elle contient
peu de liquide, la pression change rapidement. Si le
liquide est abondant, 200 ou 300 grammes du liquide
extrait n'amènent pas de différence notable dans la
pression.
Voici les tableaux pour deux cas :
Un malade a une pleurésie au vingt-troisième jour.
La matité remonte k l'épine de l'omoplate, le souffle
s'étend très-bas. La pression dans la plèvre est
inférieure k la pression atmosphérique de 2 millimètres; c'est la règle.
Après 800 grammes de liquide enlevé, la pression oscillait :
Entre ...» 2 et S
A 1000 grammes entre 3 et 6
A 1200 — — 3 et 7
A 2200 — — , . 5 et 8
Vers la fin, la dépression a été plus rapide.
72
1138 POTAIN. — INDICATIONS DE LA THORACENTÈSE
Une deuxième ponction chez ce malade a donné, avant l'extraction, une
pression variant
Entre 2 et 3
Pendant l'extraction entre 5 et 7
_ _ — 7 et 9
_ _ _ 12 et 16
A 1000 grammes entre U et il
A 1050 grammes tout à coup entre 20 et 22
Le liquide approchait de la fin. Le lendemain, il n'y avait pas d'égophonie.
Dans un deuxième cas, pleurésie, suite de traumatisme, et fracture décote,
hémathorax.
Pression avant l'extraction, 15 millimètres au-dessus de la pression atmos-
phérique.
Après 500 grammes de liquide extrait, pression entre 5 et 0.
Après 3000 grammes de liquide extrait, pression entre 3 au-dessus et 3 au-
dessous.
Ce cas était des plus graves. Le liquide se reproduisit, il fallut faire l'em-
pvème.
Conclusions :
1° Des diverses indications de la thoracentèse l'abondance du liquide est
une des principales.
2° Une des raisons qui contribuent le plus à rendre cette appréciation diffi-
cile est l'hypérémie pulmonaire concomitante.
3° Cette hypérémie accompagne le plus grand nombre des pleurésies, mais
à un degré très-variable.
Les signes qui la décèlent le mieux sont le souffle exagéré et entendu très-
bas au-dessous du niveau de l'épanchement, la persistance des vibrations
thoraciques, le déplacement du cœur proportionné aux autres signes de
quantité.
5° Elle peut contre-indiquer la thoracentèse à un double titre : 1° parce
qu'elle implique que la quantité de liquide est beaucoup moindre que la plu-
part des signes ne semblent l'indiquer; 2° parce qu'elle peut s'exagérer sous
l'influence de l'évacuation.
6° Un manomètre indiquant la pression dans la plèvre peut être une chose
utile.
CONFÉRENCES
M. le Comte de SAPORTA
Correspondant de l'Institut.
LES ANCIENS CLIMATS ET LEURS RAPPORTS AVEC LA MARCHE
ET LE DÉVELOPPEMENT
DE LA VÉGÉTATION EUROPÉENNE.
— Séance du 24 août 1877. —
Je vais essayer de résumer la marche et le développement de la végétation
européenne à partir d'une époque déterminée, et je ferai ressortir les relations
de cette marche avec les modifications parallèles des anciens climats.
Les révolutions physiques ont influé nécessairement sur les climats; de là
un certain nombre d'états successifs dont les résultats matériels se traduisent
par des dépôts, reconnaissables à leurs fossiles caractéristiques. C'est à l'aide
de dépôts que furent constitués ces terrains ou formations, ou encore ces
roches stratifiées que Ton identifie avec les périodes qui les produisirent,
parce qu'ils fournissent en définitive le seul moyen dont nous disposions pour
connaître les événements du passé.
Le climat, de son côté, est une résultante de plusieurs causes combinées.
La température est la principale, mais non la seule de ces causes : la tempé-
rature est la somme de chaleur départie au globe à un moment donné et sur
un point quelconque de sa surface. La source de cette chaleur est dans le
soleil, et, pour les temps que nous allons considérer, celte source doit être
invoquée exclusivement.
L'obliquité de l'axe terrestre sur le plan de son orbite amène nécessairement
l'inégale distribution de la chaleur solaire à la surface du globe. On sait,
sans que nous ayons à insister sur ce point, que la hauteur variable du soleil
sur l'horizon de chaque pays détermine la nature et la durée des saisons
échelonnées de l'équateur au pôle, dans l'ordre même des latitudes. Pour juger
des effets de celte influence des latitudes sur l'état de la végétation, il suffit de
mettre en regard une forêt vierge de l'île de Java et l'aspect désolé des bords
de la mer polaire. Ce sont les deux extrémités des climats terrestres, comme
de la vie organisée sur le globe.
1140 CONFÉRENCES
A l'obliquité croissante ou décroissante des rayons solaires, il faut ajouter
plusieurs causes secondaires qui se joignent à la première et constituent le
climat de chaque région. Ces causes, dont l'activité a été certainement en jeu
autrefois, sont la densité relative de l'atmosphère, la configuration géogra-
phique du sol émergé et non émergé, enfin les accidents plus ou moins pro-
noncés de l'écorce terrestre. Il suffit, pour démontrer la différence qui existe
entre la température et le climat, de remarquer que deux localités douées
chacune d'un climat opposé, comme Brest et Nice, peuvent cependant pré-
senter, à quelques dixièmes près, les mêmes moyennes de température.
11 faut maintenant considérer le règne végétal lui-même. Dans son état
actuel, il se partage en deux grandes sections : les Cryptogames et les Phané-
rogames. Les premières comprennent des végétaux très-divers et de structure
très-inégale; les plantes les plus inférieures, uni-cellulaires ou purement
cellulaires, font partie de cette section, mais d'autres Cryptogames sont plus
élevés en organisation. Chez ceux-ci, la fécondation s'opère au moyen de
corpuscules doués de mouvements automatiques et nommés anthérozoïdes.
L'organe femelle d'où sort la jeune plante prend le nom d'archégone. Dans
beaucoup de cas, les organes sexuels naissent sur une production intérimaire,
nommée prolhaUium. Les Cryptogames les plus élevées égalent ou surpassent
en perfection les Phanérogames et présentent d'ailleurs une transition vers
celles-ci.
Les Phanérogames se divisent en Gymnospermes et A ngiospermes et ces der-
nières comprennent les deux classes des Monocotylédones et des Dicotylédones.
Chez les Phanérogames, la fécondation s'opère au moyen du grain de pollen
mis en contact avec un ovule et provoquant au sein de celui-ci la formation
d'un embryon, jeune plante munie de ses organes les plus essentiels à l'état
rudimentaire et susceptible de se développer par la germination.
Les Gymnospermes qui jouent un si grand rôle dans les temps anciens sont
des Phanérogames imparfaites dont les ovules sont nus ou incomplètement
enveloppés ; elles constituent par cela même un état inférieur, moins avancé
que celui qui existe chez les Angiospermes, mais que celles-ci ont sans doute
originairement traversé. Les Gymnospermes comprennent actuellement les
trois groupes des Cycadées, des Conifères et des Gnétacées; ces dernières
opèrent une sorte de transition vers les Dicotylédones.
Les Monocotylédones et les Dicotylédones sont ainsi nommées du nombre et
de la disposition de leurs cotylédons ou feuilles embryonnaires. Dans les
premières, les éléments de la tige sont épars et les faisceaux fibro-vasculaires
et libériens demeurent confondus. Dans les secondes, les éléments de la tige,
à l'exemple de ce que montrent les Conifères s'isolent promptement et se dis-
posent en deux zones ou rangées concentriques, dont l'accroissement s'opère
en sens inverse l'une de l'autre, au point de contact des deux régions.
Actuellement, les Phanérogames-Angiospermes composent les neuf dixièmes
environ de tout le règne végétal et les Dicotylédones les quatre cinquièmes des
Angiospermes. Le groupe des Gymnospermes est insignifiant en tant (pie pro-
portion numérique ; mais il n'en était pas originairement ainsi. Les Angios-
permes furent longtemps absentes. Les Cryptogames d'abord dominantes
DE SAPORTA. — ï.ES ANCIENS CLIMATS ET r. V VÉGÉTATION 11 il
s'adjoignirent des Gymnosper s qui obtinrent plus tard l'égalité ou môme la
prépondérance. Les Monocotylédones paraissent avoir précédé les Dicotylédones.
Ces premières Monocotylédones étaient du reste numériquement très-faibles ;
elles se rapprochaient des Pandanées ou Spadici flores, les plus imparfaites do
leur classe.
Les Dicotylédones se sont montrées beaucoup plus tard, et les circonstances
qui ont accompagné ou suivi leur apparition vont être l'objet de notre examen.
L'époque paléozoïque est celle des premiers débuts du règne végétal encore
très-incomplet. Cette époque, si l'on s'attache aux plantes seulement, com-
mence avec le silurien, très-mal connu, il est vrai, au point de vue phytolo-
gique, et se prolonge jusqu'à la fin du permien. Des circonstances favorables,
au nombre desquelles il faut compter la chaleur humide du climat, favori-
sèrent à ce moment l'essor du règne végétal. Ces circonstances régnèrent dans
tout l'espace qui s'étend du pôle au 32e degré lat. N. Les houillères, fréquentes
dans ces limites deviennent rares ou exceptionnelles au delà.
L'abondance des empreintes fossiles et dernièrement les recherches d'un
savant français, M. Grand'Eury, ont permis de reconstruire la plupart des
types végétaux de l'époque carbonifère arrivés jusqu'à nous. Les genres, les
familles, même les groupes principaux, diffèrent, comme vous pouvez en juger (1),
de ceux que nous possédons ou étonnent par la disproportion des formes alors
existantes avec le rôle subordonné et la faiblesse de celles qui s'en écartent
le moins dans l'ordre actuel. Ce sont des Fougères, — des Calamariées assi-
milables à nos prèles — des Lépidodendrées ou Lycopodes géants, — des Sigil-
lariées dans lesquelles on hésite encore à reconnaître des Cryptogames plutôt
que des Gymnospermes. Ce sont enfin des types de Gymnospermes difficiles à
définir parce qu'ils se placent en dehors des cadres connus, à distance presque
égale des Taxinées, des Cycadées et des Gnétacées.
Ces types existaient encore amoindris et diminués, dans le permien; ils dis-
parurent ensuite pour la plupart, à l'exception de ceux, comme certaines
Fougères, les prêles, les lycopodes et les ginkgos ou Salisburia, qui, après
avoir traversé toutes les périodes suivantes, sont arrivés enfin jusqu'à nous.
La flore carbonifère suggère trois observations importantes : la première est
l'état incomplet du règne végétal, bien que les types qu'il comprenait alors
eussent atteint, chacun dans leur classe, un degré de perfection que leurs des-
cendants n'ont jamais plus égalé. La seconde, c'est que partout où les houilles
ont pris naissance, le climat devait être un mélange de chaleur et d'humi-
dité. Cette dernière, poussée à l'excès et s'accusant par des précipitations
aqueuses d'une grande abondance est la seule explication que l'on ait trouvée
d'une telle accumulation de débris. La troisième observation, c'est qu'il régnait
alors, au moins dans toute l'étendue des zones [tempérée et glaciale actuelles
une température parfaitement égale, favorisant partout la croissance des
mêmes éléments de végétation.
Il doit suffire de donner comme preuve de ce que j'avance, la vue d'une
forêt et d'un marécage du temps des houilles et d'affirmer que rien n'y chan-
H) La conférence était illustrée de nombreuses cartes et de projections
1142 CONFÉRENCES
gérait si l'on se transportait successivement au Spitzberg (78°4), à l'île des
Ours (74°4), en Irlande, en Allemagne, dans le midi de la France ou au sud
des États-Unis et même à Madagascar ; partout on verrait reparaître les mêmes
types caractéristiques et les mêmes formes, à d'insignifiantes variations près.
L'imperfection ou plutôt la composition encore incomplète de la flore a donc
coïncidé avec l'uniformité absolue des climats dans le sens des latitudes.
Quelle que soit la vraie nature du lien qui semble réunir ces deux phénomè-
nes, dont je me borne à signaler la solidarité apparente, leur existence respec-
tive et leur coïncidence sont indéniables. Leur durée s'est du reste prolongée
bien au-delà du temps des houilles, et comme le moment où ils cessent est
celui où nous reporte justement le but poursuivi dans notre étude, nous nous
placerons immédiatement en plein terrain secondaire, au commencement de
la période oolithique.
Mais auparavant et pour ne rien négliger des éléments essentiels du sujet
que je traite et dont la complexité n'échappera à personne, il est nécessaire,
le nœud de la question étant au pôle, de jeter un coup d'œil sur les régions
arctiques, sur les explorations et les découvertes dont elles ont été le théâtre,
sur les hommes à qui nous les devons et sur les gisements de plantes fossiles
que ces hommes y ont rencontrés.
Parmi les explorateurs scientifiques de l'extrême Nord, on ne compte, hélas !
aucun Français ; ce sont des Américains, des Anglais, des Danois et par-
dessus tout des Suédois. Il faut nommer d'abord Nierstsching, Amstrong,
Kane, dont les collections ont été perdues ; Richardson qui visita l'embou-
chure du fleuve Mackensie (65° lat.), Mac-Glure et Mac-Clintock pour la terre
de Banks, les îles Melville et Bathurst. D'autres noms se présentent ensuite,
celui du Danois Steenslrup pour l'Islande ; celui du Finlandais Hjalmar-
Furubjelm pour le territoire de l'Alaska , à l'autre extrémité de la mer
Glaciale.
Les gisements les plus riches sont situés sur les côtes occidentales du Groen-
land et du Spitzberg. Au Groenland, c'est dans l'île de Disco (70° lat.) et le
long de la plage attenante de la presqu'île de Noursoak que le capitaine Inge-
field, le lieutenant Colomb, sir Mac-Clintock, les docteurs Torelly et Lyell,
M. Whymper et enfin Nordenskiôld, ont dirigé leurs recherches.
Le nom de Nordenskiôld est plus particulièrement attaché au Spitzberg où
il a conduit six expéditions successives ; les gisements reconnus dans cette
région sont situés le long de la côte occidentale ; en partant du nord, ce sont
ceux de la Baie-du-Roi (Kingsbay) (79° lat.), du fiord des glaces (Eiss-fiord),
de la baie de la Cloche (Bell-Sund). — L'ensemble de tous les documents
relatifs à l'ancienne flore polaire a été centralisé et publié par M. le pro-
fesseur Heer, de Zurich.
Jetons maintenant un coup-d'œil général sur l'océan Glacial arctique, sorte
de mer intérieure, limitée par les plages boréales des deux continents, semée
d'îles, d'archipels et de grandes terres. Cette région centrale, par rapport à
l'Asie et à l'Amérique, a jadis présenté de vastes étendues continentales en
communication plus ou moins directe avec les parties septentrionales de
notre zone, et à l'époque où elle renfermait une végétation plus ou moins
DE SAPORTA. — LES ANCIENS CLIMATS ET LA VÉGÉTATION M 43
riche selon les temps, ses espèces ont pu rayonner et se répandre au dehors,
à l'aide de mouvements d'expansion et d'émigration successifs, favorisés par
les progros continus du refroidissement.
T,a région arctique, maintenant, à peu près morte à la vie végétale, avant
d'arriver à ce degré d'épuisement, a possédé durant des myriades de siècles
une végétation qui n'avait rien à envier aux zones actuelles les plus favori
sées.
La flore oolithique à laquelle je me hâte d'arriver, après cette digression
nécessaire, ne ressemblait pas à celle des houilles, et pourtant elle était aussi
incomplète que celle-ci. A peine possédait -elle en plus, en faits d'éléments
phytologiques principaux, quelques rares Monocotylédones. La vue idéale que
je mets sous vos yeux et qui représente une plage boisée, au temps de la
grande oolithe, vous donne une idée fort juste de l'aspect de cette flore. On y
distingue des genres éteints de Cycadées, des Conifères également éteintes pour
la plupart, à l'exception de quelques rares Araucaria. Les plus fréquentes de
ces Conifères sont des Brachyphyllium qui dressent leurs grandes tiges raides
et nues ; puis, viennent des Cupressinées, uneMonocolylédone, parente éloignée
des Cyclantées; enfin, on reconnaît une série de Fougères de tailles très-
diverses, généralement coriaces, aux frondes raides, aux pinnules piquantes,
et plus ou moins incisées. Les genres Lomatopteris, Scleroptcris, Cycadopteris,
Stenopteris dominent parmi ces Fougères auxquelles se joignaient des prêles,
des ginkgos et quelques rares espèces au feuillage luxuriant propres aux loca-
lités inondées et marécageuses, voisines de certains estuaires.
L'Europe de cet âge différait totalement de ce qu'elle est devenue depuis,
bien que dans les linéaments d'autrefois on puisse retrouver en germe la dis-
tribution actuelle du sol. Elle formait, comme vous pouvez en juger un archi-
pel de grandes îles qui tendaient pourtant à se rejoindre et à se souder. L'uni-
formité climatérique était presque aussi absolue que du temps des houilles.
Au Spitzberg et "en Sibérie, la flore oolithique présente le même aspect que
dans l'est de la France, là où j'ai pris les traits du paysage reconstitué que
vous venez de voir.
La flore jurassique, on peut l'avancer, conserve jusqu'à Yurgonien, étage
qui appartient à la craie inférieure, la même physionomie et les mêmes élé-
ments, à d'insignifiantes variations près.
La flore urgonienne de la presqu'île de Noursoak, au Groenland, ne diffère
par aucun côté essentiel de celle qui, à la même époque, couvrait la région des
Carpathes et qui a été décrite par Schenk. Un léger indice de refroidissement
pourrait être tiré cependant d'une feuille isolée de Dicotylédone signalée à
Pattorfik, dans le Groenland, et de plusieurs sapins de la section Tsuga, qui
se trouvent associés aux Cycadées et aux Gleichéniées, dans les gisements
d'Ekhorfat et de Kome, de la même contrée.
C'est là le premier début, le signe avant-coureur du phénomène qui va
s'accomplir, de la plus grande des évolutions dont le règne végétal ait donné
le spectacle.
La face de l'Europe avait bien changé depuis la période oolithique. L'Europe
cénomanienne, celle du Quadersandstein et de la craie blanche, est bien plus
H 44 CONFÉRENCES
voisine de la nôtre que l'Europe jurassique. Elle consiste en un petit continent
central composé d'une partie de la France, de l'Allemagne centrale et méri-
dionale. La carte étalée devant vous montre près de Marseille deux échan-
crures sinueuses en forme de baies, et tout-à-fait au nord, au dessus de Prague,
on voit encore un golfe ramifié ou fiord intérieur, dont les branches pénètrent
de toutes parts dans les terres. Ce golfe fut le résultat d'une invasion qui
transforma le sol de la Bohême et le couvrit de lagunes d'eau douce, saumâtre
ou marine qui alternèrent sur divers points et à plus d'une reprise.
C'est à cette invasion que nous devons la connaissance de la flore que possé-
dait alors le nord de l'Allemagne.
D'autres localités contemporaines, c'est-à-dire se rattachant de plus ou moins
près à l'horizon du cénomanien, en Moravie, dans le Harz, la Saxe (Nieders-
choena) et la Silésie, dans la Sarthe, dans la vallée du Rhône, au Beausset
près de Toulon, dans le Nébraska et le Kansas en Amérique, finalement dans
le Groenland (système d'Atané) ont fourni des plantes fossiles. La végétation de
cette époque est donc bien connue; or, partout se montrent des Dicotylédones
plus ou moins nombreuses, mais constamment présentes ; tandis que les étages
immédiatement antérieurs, à l'exception pourtant de l'unique fragment
recueilli à Eckorfat et mentionné plus haut, n'en présentent aucune trace.
Transportons-nous maintenant en Bohême sur l'horizon d'une coquille carac-
téristique la Gryphée colombe. Vous pouvez juger de l'immense transformation
qui s'est opérée dans la végétation depuis l'oolithe et même depuis l'urgonien,
à l'aide de la vue idéale que je vous montre et qui représente les bords d'une
lagune située au fond d'une région boisée et montagneuse, à l'époque cénoma-
nienne.
L'aspect est celui qu'on aurait de nos jours au Cap Vert, dans les îles
africaines (Seychelles) ou vers le midi de la Chine. Les Dicotylédones et les
Monocotylédones dominent et relèguent au second plan les Fougères et les Coni-
fères. Celles-ci sont principalement des Araucaria et des Séquoia. Les Fou-
gères appartiennent presque toutes au groupe subtropical des Gleichéniées, dont
il existe encore de nos jours une espèce qui remonte au delà des Tropiques
jusqu'au Japon.
Les Palmiers font ici leur première apparition.
Parmi les Dicotylédones, on distingue le type éteint des Creclneria, et, à
côté de lui, des Araliacées, des Magnolia, des Légumineuses-Caesalpiniées, des
Myricées voisines des Comptonia, etc. Ces divers types figurent avec le port
qui les distingue dans notre paysage. Ils dénotent par leur ampleur relative,
dans la végétation cénomanienne de Bohême, une exubérance et une fraicheur
dues sans doute à l'influence d'une mer septentrionale. Cette végétation offre
un mélange de genres tropicaux et d'autres encore indigènes de la zone tem-
térée boréale.
L'influence de la latitude commence à se faire sentir ; on peut s'en con-
vaincre par l'examen des végétaux presque contemporains de ceux de Bohême,
recueillis par M. Toncas au Beausset, près de Toulon ; ils proviennent d'une
plage exposée au sud et plus méridionale de 6 degrés que celle le long de
laquelle croissaient les premiers.
DE SAPORTA. — LES ANCIENS CLIMATS ET LA VÉGÉTATION 114-"»
Dans la flore du Beausset, on ne remarque qu'une seule Dicotylédone, pro-
bablement un Magnolia ; les Conifères et les Fougères dominent encore tout
l'ensemble, et, parmi ces dernières, on observe une espèce appartenant à un
genre exclusivement jurassique (Lomatopteris superstes, Sap.). Les Conifères
montrent, à côté du Séquoia Rckhenbachi, un magnifique Araucaria, dont la
ressemblance avec VA. Bidwilli d'Australie, est réellement frappante ; c'est VA.
Toucasi, Sap.
Les Dicotylédones du cénomanien de Bohème, celles du moins dont la déter-
mination présente le plus de garanties, sont curieuses à mettre en parallèle
avec les formes précédentes. Elles comprennent un Hymenea (H. primigenia
Sap., sorte de Caesalpiniée tropicale, un Aralia qui se rattache aux Orcopanax
américains; mais on y découvre aussi un lierre (Hedcraprimordialis Sap.), dont
les feuilles tiennent le milieu entre celles du lierre d'Irlande et celles du lierre
d'Alger, simples races locales dépendant de notre lierre commun d'Europe.
L'abaissement, ou du moins la différenciation selon les latitudes, commence
donc à devenir sensible, même en Europe, grâce peut-être à l'influence d'une
mer située au nord du continent; mais cet abaissement s'accuse et se pro-
nonce encore mieux dès que l'on interroge la flore des couches d'Atané, dans
la presqu'île de Noursoak (Groenland du nord, 70e degré) recueillie, par Nor-
denskiôld et décrite par M. Heer, qui la range dans le crétacé supérieur.
Il y a encore cependant ici des Gleirhenia et une, peut-être deux espèces de
Cycadées. On y découvre même des traces certaines de Credneria ; mais aucun
Palmier ne s'y montre et ces plantes seront toujours absentes de la zone
arctique. Point de Laurinées à feuilles persistantes, mais au contraire un
type de Laurinées à feuilles caduques (Sassafras) et enfin, comme formes domi-
nantes, parmi les Dicotylédones, des peupliers alliés, il est vrai, à la section du
Populus euphratica, puis des Légumineuses reconnaissables à leurs folioles
éparses, ressemblant à celles des casses et des Colutea. Le mouvement que je
viens de signaler, une fois inauguré, ne s'arrêtera plus ; il marchera avec
lenteur, mais sans discontinuité. La divergence climatérique entre la zone
arctique et la nôtre s'accentuera toujours davantage. Malheureusement, nous
devons constater l'existence de lacunes considérables, qui interrompent la con-
tinuité de la série entre la craie la plus supérieure et l'éocène le plus infé-
rieur, en Europe. Dans l'extrême nord, ces lacunes nous enlèvent la connais-
sauce de la végétation du temps qui succéda à la craie, et c'est seulement
vers l'éocène supérieur ou le miocène inférieur que nous retrouvons des plan-
tes fossiles, au sein des régions polaires.
En Europe et en Amérique, les couches éocènes sont au contraire fort
riches en documents de ce genre. Au commencement de la période, la mer
se retire presque de tous les points qu'elle occupait à la surface du continent
européen actuel. L'espace émergé se trouve partout agrandi et les plantes de
ce premier âge, à raison même de cette circonstance et de la pénurie des
formations d'eau douce contemporaines, se réduisent à des empreintes recueillies
en Belgique ou dans le nord de la France.
Ce premier étage constitue le paléocène ou suessonien de d'Orbigny. Les
Dicotylédones ont alors achevé de s'étendre et de se multiplier; une foule de
1146 CONFÉRENCES
types, qui survivaient au temps de la craie, comme autant d'épaves d'un
passé reculé, disparaissent ou achèvent de s'amoindrir. Les Gleichéniées, les
Cycadées deviennent exceptionnels de même que les Araucaria et les Séquoia.
Ceux-ci s'éloignent momentanément de l'Europe, mais ils persistent sans doute
vers le pôle, où nous les retrouvons et d'où ils reviendront plus tard faire une
dernière apparition sur le sol de notre continent.
Les Palmiers augmentent de fréquence et se diversifient. A partir de l'époque
tertiaire, les documents se multiplient tellement qu'il devient nécessaire, en
signalant l'ensemble des phénomènes, de faire un choix parmi les faits et de
se borner à ceux dont l'interprétation est la plus facile.
L'Europe jouissait à ce moment d'une température chaude sans excès, d'un
climat égal et humide, favorable au développement de la végétation, dont les
formes attirent le plus souvent l'attention par leur exubérance.
Gelinden près de Liège, et Sézanne, près de Paris, fournissent les éléments
d'une appréciation exacte. Gelinden représente visiblement une région boisée
et montagneuse, peuplée principalement de chênes, de châtaigniers, de lau-
riers, associés à des viornes, à des Araliacées, à des Helléborées.
Sézanne découvre les approches d'une cascade située au sein d'une forêt
luxuriante. Je me contenterai de mettre sous vos yeux, pour vous donner une
idée de cette flore, la reproduction d'un certain nombre d'espèces, divisées en
deux catégories : l'une composée de types ou de formes devenues exotiques;
l'autre comprenant des espèces peu éloignées de celles que nous possédons
encore.
Dans la première de ces catégories, vous remarquerez une Fougère de la
tribu des Cyathées (Alsophila Pomelii Sap.), un Sassafras (S. primigenium S&p.)
genre de Laurinées à feuilles caduques, déjà signalé dans la flore crétacée
arctique, et que nous retrouverons dans le miocène de cette région et plus
tard dans le pliocène d'Europe ; — un Cissus (C. primigenia Sap.), voisin
d'une espèce intertropicale africaine; — une viorne (V. giganteumS&p.), dont
le similaire se rencontre au Japon ; enfin une très-grande Tiliacéee (Grewio-
psis sidœfolia Sap.), d'un genre probablement éteint.
La seconde catégorie démontre que certaines formes, demeurées depuis
européennes, étaient dès lors fixées, dans leurs principaux traits. Ce sont : une
Vigne (Vitis sezannensis Sap.) ; un lierre (Hedera prisca Sap.), un cornouiller
(C. platyphylla Sap.), remarquable par la dimension inusitée de ses feuilles;
un noyer (/. perampla Sap.), dont les grandes folioles s'écartent peu de celles
du Juglans regia L.
Les Palmiers, déjà plus répandus que du temps de la craie, sont plus rares
cependant dans le paléocène qu'au sein de la période immédiatement posté-
rieure, celle de Yéocène proprement dit. Cette période est celle de la mer num-
mulitique et de celle du calcaire grossier parisien ; elle comprend encore dans
notre pensée les étages qui suivirent jusqu'à celui du gypse de Montmartre
inclusivement.
A ce moment l'Europe changea de nouveau d'aspect comme vous en juge-
rez par une carte de l'Europe, telle que l'avait faite l'invasion de la mer num-
mulitique. Cette mer, méridionale s'il en fut, qui occupait le nord de l'Afri-
DE 3AP0RTA. — LES ANCIENS CLIMATS ET LA VÉGÉTATION 1447
que, une partie de la Syrie et de l'Arabie, en même temps qu'elle découpait
le sud et le centre de l'Europe, a influé certainement beaucoup sur le climat,
sur les migrations et la composition de la flore de notre continent, et cette
influence a persisté môme après son retrait, car les combinaisons végétales
d'un pays une fois réalisées, il faut parfois plus de temps pour les détruire et
en éliminer les éléments constitutifs, qu'il n'en avait fallu pour introduire ces
derniers. Il est visible, malgré toutes les incertitudes qu'entraînent de pareils
tracés, que l'Europe éocène consistait en une réunion de péninsules et de
grands archipels qui lui donnait une ressemblance sensible avec ceux de la
mer des Indes. Les masses continentales d'alors ont dû être situées dans
l'Afrique centrale, d'une part ; de l'autre, dans l'Asie orientale, en Tartarie,
en Chine ou dans les Indes.
L'Europe était devenue pour un temps l'annexe de continents plus méri-
dionaux, dont elle reçut des colonies d'espèces végétales s'avancant du sud au
nord, pour l'envahir et pénétrer jusqu'aux environs de Londres où l'on
observe des Nipa, des Callitris, des Widddringtonia, etc.
Le climat avait également changé ; il devait être plus chaud, plus sec, plus
inégal que dans l'âge précédent. Il existait sans doute alors deux saisons très-
marquées, l'une sèche et chaude, l'autre amenant des pluies périodiques,
comme les moussons de la Chine et des Indes.
Les Palmiers, les Pandanées, les Bananiers se multiplièrent dans l'Europe
éocène, associés à beaucoup de formes indiennes ou africaines, que l'on observe
fréquemment à l'état fossile. Ce temps est celui où dominèrent certains groupes
comme les Myricées, les Laurinées, particulièrement les Canneliers, des types
assimilés aux Protéacés, des Célastrinées, des Anacardiacées, des Houx, des
Myrsinées et bien d'autres plantes généralement munies de feuilles étroites et
épineuses, enfin des Caesalpinées, des Dalbergiées et des Mimosées, surtout des
Acacia ou gommiers en fait de Légumineuses.
Les Palmiers éocènes se distribuent en trois sections d'après la structure de
leurs frondes. Ce sont des Flabellaria ou Palmiers-Éventail ; des Sabalites ou '
Palmiers-Sabals, chez lesquels le pétiole se prolonge en pointe jusque vers le
milieu du limbe; enfin des Phœnicites à frondes primées, comme celles des
Phœnix ou dattiers. L'absence des organes fructificateurs fait ordinairement
obstacle à une classification plus précise ; cependant la fronde du Palœophanix
Ay mardi, Sap., trouvé dans l'éocène de la Haute-Loire est accompagnée de
son spadice mâle. Cette circonstance démontre très-heureusement que certains
des anciens Palmiers européens étaient congénères de ceux de la zone
chaude actuelle en Afrique ou dans les Indes : chaque flore locale de cet âge
possède un ou plusieurs Palmiers. Le Sabalites andegavensis caractérise les grés
éocènes de la Sarthe et du Maine-et-Loire. Le Flabellaria Lamanonis Bringt,
tient le premier rang de la flore des gypses d'Aix. Vous pouvez en juger par
une vue idéale qui vous place sur les bords du lac d'Aix, à l'époque où se
formèrent les gypses. Ce paysage est une reproduction fort exacte des princi-
paux végétaux qui se groupaient alors dans le voisinage des eaux.
Immédiatement après l'éocène, on voit se prononcer un mouvement de
transformation et d'élimination graduelles, qui, loin de marcher rapidement,
H 48 CONFÉRENCES
ne produit ses effets qu'avec lenteur et pas à pas. De nouveaux types desti-
nés à se substituer aux précédents s'introduisent successivement et changent
par degrés la flore européenne. Ce mouvement s'accomplit ou du moins tend
à se réaliser durant la période intérimaire qui joint l'éocène au miocène infé-
rieur ou aquitanien et qui se nomme le tongrien ou oligocène.
C'est alors que les genres ou sections de genres et quelques-unes des espè-
ces que l'Europe a conservées commencèrent à prendre possession de notre sol
pour ne plus le quitter. Mais ces dernières sont encore en bien petit nombre.
Le lentisque et un peu après le térébinthe, l'érable de Montpellier, ainsi que
l'yeuse ou chêne vert, en fournissent les premiers exemples. Le mouvement
une fois inauguré ira en s'accentuant, mais à l'aide d'une impulsion à peine
marquée à l'origine. Ces formes étaient en même temps tenues au début à
l'écart des autres et subordonnées à celles-ci.
D'ailleurs dans cet ordre d'idées et de recherches, il faut se garder de con-
fondre le genre et l'espèce, le type même et la race sortie un jour de ce type
et que seule nous avons sous les yeux.
Les genres ou sections de genre devenus exotiques étaient encore les plus
répandus. Les types éteints étaient eux-mêmes encore assez nombreux. Parmi
ceux-ci, j'ai choisi pour vous le faire connaître le genre Anœctomeria type de
Nymphéacée tertiaire, dont tous les organes ont pu être retrouvés. 11 compte
déjà plus d'une espèce. Celle des gypses d'Aix. est remarquable par son exi-
guïté et confirme ce que j'ai déjà avancé sur la faible dimension de la plu-
part des formes végétales de l'âge auquel le rapporte cette localité. UAnœcto-
maria Brongniartii, d'Armissan, est au moins quatre fois plus grand que
celui d'Aix. Le rhizome des Anœctomeria présente une structure particulière;
leur feuille est remarquable par la finesse des divisions dichotomiques des
principales nervures, le long du bord entier du limbe. Le fruit, au lieu de
s'ouvrir au moyen d'une scission irrégulière des parois, comme chez les
Nymphœa, se scindait à la maturité en une foule de compartiments, corres-
dant chacun à une des bases d'insertion des pétales.
L'Europe, à cette époque, était encore peuplée des types les plus variés ; elle
renfermait un grand nombre de formes tropicales ou subtropicales ou simple-
ment devenues exotiques. Elle avait des Palmiers jusqu'à Bonn et jusqu'au
delà de Prague, des camphriers jusqu'aux environs du 60e degré lat. ; des gom-
miers et des sensitives jusqu'au delà du 60e degré.
Les arbres et arbustes à feuilles persistantes dominaient de beaucoup sur la
minorité de ceux qui les perdent annuellement. Notre continent va cependant
s'acheminer peu à peu vers l'état actuel, à travers une série d'étapes gra-
duelles ; il recevra une à une les espèces qu'il possède maintenant ou bien
ces espèces revêtiront insensiblement les traits distinctifs qui les caractérisent.
Pour bien comprendre et pour bien exposer les lois qui présidèrent à cette
évolution dernière, il faut nécessairement jeter encore un coup d'oeil sur les
régions arctiques et sur les plantes qu'elles renfermaient, au moment où s'ouvre
la seconde moitié des temps tertiaires. Ces régions n'avaient cessé de se refroi-
dir, depuis la craie supérieure. Si l'on accorde au Groenland de ce dernier
âge la température du Japon méridional, 18° de moyenne annuelle, tempéra-
DK SAPORTA. — LES ANCIENS CLIMATS ET LA VÉGÉTATION 1140
ture motivée par la présence réunie des Gleichéniées et des Cycadées ; et si,
d'autre part, en considération des richesses végétales du Groenland et du
Spitzberg tertiaires, on attribue à ces mêmes régions une température
moyenne de 12° c, pour la fin de l'éocène, à peu près celle des environs de
Lyon et des parties abritées des bords du lac Léman, la moyenne actuelle
étant de 3° c, on voit qu'en gros la zone polaire avait perdu, au commence-
ment du miocène, plu s d'un quart de la chaleur qu'elle possédait lors de la
craie, et que de cette dernière époque à celle d'aujourd'hui, elle a perdu les
trois autres quarts, en reculant graduellement de -J- 12° à — 5°.
Au commencement du miocène, la zone arctique était riche en Séquoias, en
Thuyas, en Taxodiums, en Glyptostrobus, genres dont les espèces gagnèrent
un peu après, non-seulement l'Europe, mais la zone tempérée tout entière.
Mais la zone arctique possédait encore tout un ensemble de types et de
formes parmi lesquels les essences à feuilles caduques dominaient incontes-
tablement et qui furent destinés à se répandre en Europe et à s'y établir soit
momentanément, soit définitivement. 11 est à remarquer que ces formes sont
généralement représentées en Amérique, comme en Asie et que souvent aussi,
lorsqu'elles manquent à l'Europe actuelle, il se trouve qu'elles ont habité ce
continent dans la seconde moitié des temps tertiaires, vers le miocène supé-
rieur et le pliocène.
L'extinction de toute végétation dans l'extrême nord a éliminé ces espèces
de leur patrie d'origine; mais on conçoit qu'après être sorties de cette région
où elles eurent leur point de départ, elles en aient rayonné librement, de
façon à se répandre simultanément sur plusieurs points de la zone tempérée
des deux continents. Plus tard, certaines d'entre elles ont pu disparaître de
quelques points de cette zone et de l'Europe en particulier, comme il est arrivé
au torreya , au platane, au tulipier (1), au liquidambar que notre continent
a perdus, tandis que ces arbres sont à la fois en Asie et en Amérique. C'est
là, messieurs, le phénomène des espèces disjointes, dont la singularité avait
frappé tous les bons esprits et que la paléontologie végétale explique très-
naturellement.
Il me reste à faire voir quel chemin les espèces arctiques que je viens de
signaler et bien d'autres que je passe sous silence, telles que le tilleul et le
noisetier, suivirent pour se répandre en Europe dans le cours du miocène, et
dans quelles circonstances elles accomplirent leur exode. — Ce sera la fin de
cette conférence.
Après la mer nummulitique, après le temps des gypses et la fin de l'éocène,
une nouvelle mer, celle du tongrien, occupa une partie du nord de l'Europe,
près de Paris, en Belgique et en Allemagne. Elle couvrit d'assez grands
espaces dans ce dernier pays et s'avança jusqu'à Bàle par la vallée du Rhin.
L'influence de cette mer ne fut pas étrangère au refroidissement du climat.
Après son retrait, l'Europe se couvrit de lacs et devint graduellement plus
humide; elle fut soumise à un climat plus égal et plus tempéré. On conçoit
combien un pareil changement dut favoriser partout l'immigration des espè-
(1) U paraîtrait qu'un véritable tulipier aurait été signalé dernièrement en Chine.
1150 CONFÉRENCES
ces arrivant de l'extrême nord ou descendant du sommet des montagnes pour
occuper la plaine. C'est ce que montre effectivement la multiplication, sur une
foule de points, des genres à feuilles caduques et à physionomie indigène,
comme les bouleaux, aunes, charmes, ormes, peupliers, érables, frênes, etc.
En même temps les Séquoia, Taxodium, Glyptostrobus, Camœcy paris, amis des
localités humides se substituent presque partout aux types africains des Calli-
tris et des Widdringtonia. Le temps qui vit s'accentuer ce mouvement est dési-
gné sous le nom de période aquitanienne, période qui succède à celle du ton-
grien ou oligocène et qui précède immédiatement l'âge de la mer de la mollasse
ou miocène.
Le paysage revêt alors une physionomie bien moins exotique ; son aspect
rappelle les parties fraîches et boisées de la Floride, de la Caroline et de la
Louisiane. Les Palmiers, encore présents, ne sont plus aussi nombreux; les
niasses de Laurinées accusent un rôle prépondérant. En dehors de certaines
Fougères et quelques rares Cycadées, derniers survivants des anciens âges, la
plupart des végétaux qui se pressent sur les pentes septentrionales, le long des
ruisseaux ombreux ou dans le fond des vallées rappellent ceux que nous
avons sous les yeux ou qui du moins font partie des mêmes genres. Au total, et
en tenant compte de l'ensemble des documents que nous possédons, la végé-
tation aquitanienne offre une association parfois singulière de deux catégories
bien distinctes de types végétaux, les uns encore indigènes de notre zone, les
autres confinés maintenant dans ce que l'on nomme la zone tempérée chaude
ou même dans le voisinage des tropiques, comme les Acacia qui sont encore
très-nombreux.
La période aquitanienne se termina par un événement géologique considéra-
ble, le dernier de ceux qui changèrent à tant de reprises la face de l'Europe.
Je veux parler de l'introduction de la mer miocène, celle de la mollasse,
pénétrant au cœur de l'Europe et se substituant sur beaucoup de points aux
lacs aquitaniens.
Ce dernier phénomène est plus particulièrement visible en Provence. Une
carte que je mets sous vos yeux est destinée à le faire ressortir. Sur cette
carte, l'emplacement des lacs aquitaniens est teinté en bleu. La mer s'avança
par la vallée du Rhône vers l'intérieur du pays : son invasion n'eut rien de
brusque, comme le prouve sur bien des points la concordance des deux sys-
tèmes. L'invasion de cette mer fut cependant le résultat d'un mouvement
oscillatoire qui modifia profondément le relief et l'économie géographique de
la contrée. Ce qui le prouve, c'est que la mer miocène n'occupa qu'une par-
tie des anciennes dépressions lacustres ; elle traversa leur périmètre à l'aide
de passes sinueuses et s'avança au delà dans la vallée actuelle de la Durance
et dans celle du Verdon. Du côté d'Aix, elle découpa également le bassin de
l'ancien lac gypteux, n'en occupant que le milieu et allant ensuite s"étendre
jusqu'au pied du rocher de Sainte-Victoire, en y traçant les contours d'un
petit golfe capricieux. Cette disposition de la mer miocène en Provence rappelle
celle des côtes actuelles de la Scandinavie et de la Dalmatie. D'une façon
générale, l'Europe entière, par suite des canaux et des passes intérieures qui
amenèrent les eaux salées jusque dans son centre redevint alors semblable à
DE SAPORTA. — LES ANCIENS CLIMATS ET LA VÉGÉTATION l loi
ce qu'elle avait été à l'époque nummulitique et ne forma, pour ainsi dire
qu'un vaste archipel.
La durée de la mer mollassique et de celle des faluns qui se présente la
première dans l'ouest de la France a été fort longue. D'ailleurs le retrait de
ces mers eut lieu d'une façon graduelle et leur influence, qui fut considérable,
s'exerça de deux façons.
D'abord, le climat devenant marin et par conséquent tempéré conserva long-
temps une égalité et une douceur relatives qui permirent aux éléments tropi-
caux, que comprenait encore la végétation européenne, de se maintenir à côté des
types à feuilles caduques, qui tendaient de plus en plus à se développer à l'ex-
clusion des autres.
Selon M. Heer, la température de la Suisse, vers la fin de la période mio_
cène, doit être évaluée à 20° en moyenne. Il y avait encore à ce moment, non
seulement en Suisse, mais en Autriche et en Allemagne, des camphriers, des
acacias et quelques palmiers associés, il est vrai, à des peupliers, à des sau-
les, à des ormeaux et à des érables, dont l'analogie avec ceux qui peuplent
maintenant la zone tempérée boréale est évidente. Il est vrai aussi que les
formes américaines ou est-asiatiques dominent plutôt, dans l'ensemble, et que
nos espèces actuelles proprement dites sont encore en minorité.
J'ai signalé la marche de plusieurs de ces espèces, s'avançant graduelle-
ment, après avoir eu leur point de départ du sein de la région actique. Leur
diffusion ne se fit pas en un jour et vis-à-vis de certaines d'entre elles, dont
la marche fut plus lente ou plus tardive, la mer de la mollasse s'interposa
comme un obstacle longtemps infranchissable. Le liquidambar, le platane, le
tilleul, le tulipier peuvent être cités comme exemple; on les observe en effet
en Bohême, en Allemagne, en Auvergne et sur bien des points de la Suisse,
avant de les rencontrer en Provence, en Italie et en Grèce. Du reste, si le
climat fut lent à se transformer, la lutte entre les types destinés à succomber
et ceux qui vinrent les remplacer ne fut pas moins longue et la résistance
fut acharnée entre les plantes qui occupaient le sol et celles qui tendaient à
se substituer définitivement à elles.
Ainsi, à Menât, en Auvergne, vers le miocène supérieur, on observe un
noisetier (Corylus amottii Sap.) qui diffère certainement du Conjlus Mac-
Quarii Hr., des régions arctiques tertiaires. Celui-ci ne s'écarte réellement pas
de nos noisetiers actuels dont il est la tige. Le C. Lamottii, au contraire,
révèle un type exotique, représenté de nos jours par une espèce unique, formant
à elle seule la section Acanthochlamys. Il est évident que le type des noisetiers
ordinaires, survenu assez tard en Europe, aura fini par en exclure l'ancien
type, plus délicat, moins bien adapté aux circonstances qui tendaient à préva-
loir et qui n'a réussi à se maintenir que vers le sud de notre zone, dans les
vallées de l'Himalaya.
Dans d'autres cas, les anciennes espèces ont donné naissance à celles que
nous avons sous les yeux, à l'aide d'une série de modifications successives.
Plus ou moins polymorphe, le type primitif a produit des races d'où, par une
suite de transformations graduellement accomplies, l'espèce moderne est à la
fin sortie.
1152 CONFÉRENCES
Il n'est pas impossible alors, si les documents ne font pas défaut, et surtout
s'il s'agit d'un type végétal par lui-même peu variable, de dresser une sorte
de tableau montrant les phases de cette marche à travers le temps. J'ai
cherché à faire ressortir ce point de vue, en réunissant dans un seul cadre
toutes les variations auxquelles le type de notre hêire a donné lieu avant de
revêtir soit en Europe, soit en Amérique, les caractères qui le distinguent dans
ces deux pays. Dans ce tableau figurent, comme points de départ, deux proto-
types, l'un américain, l'autre européen, qui font remonter l'existence du genre
à une date relativement ancienne, c'est-à-dire à la craie cénomanienne. Beau-
coup plus tard, et quoi qu'il en soit de cette première apparition. le Fagus
pristina Sap., de l'aquitanien de Manosque, fait voir un hêtre véritable, très-
rapproché du Fagus ferruginea Michx., d'Amérique; il a seulement des feuilles
plus petites et un peu plus atténuées vers le haut que celles de ce dernier.
Entre le Fagus pristina et l'espèce américaine vivante s'interpose le hêtre
américain tertiaire, Fagus antipofi Hr. , de l'Alaska; celui-ci n'offre de diffé-
rence que par le contour un peu plus allongé du limbe ; tous les autres carac-
tères sont pareils et la ressemblance de ce hêtre avec celui de Manosque est
également évidente. Le Fagus ferruginea, qui habite dans le centre des Etats-
Unis le bord des ruisseaux, se rapproche donc plus que le nôtre de la souche
commune originaire.
Au Fagus pristina aquitanien succède le Fagus attenuata Gœpp., dont les
feuilles présentent un pétiole plus long et des nervures plus nombreuses. Le
hêtre pliocène des cinérites du Cantal est tantôt pareil au précédent, tantôt
plus rapproché que lui de notre hêtre, dont il ne s'écarte que par le sommet
plus atténué de la feuille et quelques nervures en plus (9 à 11 paires au
lieu de 6 à 8) .
Les Fagus horrida Ludw. et Feroniœ Ung., du miocène supérieur, font
connaître d'autres races qui tendent également à se rapprocher du Fagus syl-
vatica, dont les feuilles se montrent enfin dans les travertins du pliocène supé-
rieur de l'Italie centrale.
Tandis que s'opéraient peu à peu les changements dont je viens de vous
entretenir et que beaucoup d'espèces, depuis éliminées de notre sol ou rejetées
plus loin vers le sud, se fixaient momentanément au cœur de l'Europe, dans
l'âge immédiatement postérieur au retrait de la mer mollassique, le climat ne
cessa de devenir plus inégal et moins chaud, et cet abaissement qui ne s'ar-
rêta plus accéléra les extinctions et les éliminations partielles ou totales, dont
le dernier résultat fut d'amener enfin la flore à son état actuel et de lui
enlever jusqu'aux acquisitions qu'elle avait faites récemment.
C'est ainsi, et par une suite d'oscillations répétées, que l'état actuel aété
enfin établi, tandis que les régions polaires perdaient le peu de chaleur
qu'elles avaient retenue et se trouvaient réduites à ne plus comprendre que
des lapis clairsemés de plantes naines ou d'arbustes rampants, perdus au
milieu des glaces.
Vous le voyez, messieurs, en dernière analyse et comme conclusion de cette
conférence, les variations du climat, à partir du moment où les latitudes ont
commencé à manifester leur influence, n'ont cessé de se combiner avec les
DE SAPORTA. — LES ANCIENS CLIMATS ET LA VÉGÉTATION L153
tendances qui sont inhérentes à l'organisme des végétaux. Ceux-ci, de leur
côté, soit sur place, soit en fuyant vers le sud devant les effets du refroidis-
sement, ont toujours produit de nouvelles formes qui, se substituant à celles
qui les avaient précédées, ont réussi, à toutes les époques, a s'adapter aux
conditions de milieu qui leur étaient offertes.
Quant aux causes premières et déterminantes auxquelles l'abaissement gra-
duel de la température terrestre et l'inégalité croissante des climats dans le
sens des latitudes doivent être raisonnablemeHt attribuées, le plus sûr, en
admettant le fait lui-même comme démontré, c'est encore d'avouer notre
ignorance.
LEVASSES
Membre de l'Institut.
DU SOL ET DES RICHESSES DES ÉTATS-UNIS.
— Séance du 29 août 1877. —
r?
EXCURSIONS
ET
VISITES INDUSTRIELLES
Pendant la durée du Congrès du Havre les excursions particulières ou
générales, les visites industrielles ou scientifiques se succédèrent de telle sorte
que l'on avait quelque difficulté à les suivre toutes. Nous ne pouvons entrer
dans des détails circonstanciés à cet égard, mais nous voulons rappeler cha-
cun des points du programme de la session par quelques lignes, en nous
appuyant autant que possible sur des renseignements publiés au jour le jour
dans la presse locale.
Nous devons tout d'abord parler de l'exposition de géologie qui, préparée par
les soins de la Société géologique de Normandie, fut ouverte aux membres de
l'Association pendant toute la durée du Congrès. La section de géologie, sous la
conduite de son président, M. le comte de] Saporta, y fit une visite spéciale,
guidée par M. Lennier , président de cette Société, directeur du Musée et l'un
des membres les plus actifs du Comité local: après l'Exposition, on parcourut
également le Musée et l'Aquarium.
Cette visite, en ce qui concerne l'Exposition, n'a fait que confirmer la haute
opinion que les savants en avaient conçue tout d'abord. Les nombreuses raretés
ont été étudiées avec soin ; beaucoup de spécimens nouveaux et peu décrits ont
été reconnus dans les séries paléontologiques et M. le président de Saporta, se
faisant l'interprète des sentiments de tous les membres de la section, a
exprimé le vœu qu'une publication complète accompagnée de planches pût
perpétuer le souvenir de ces richesses scientifiques, dont la plus grande partie
devra malheureusement être dispersée après l'Exposition .
A la suite de cette visite, le Conseil d'administration de la Société géologique
de Normandie a décidé que, pour donner satisfaction au vœu exprimé par les
membres de l'Association, une description complète de l'Exposition et des
espèces nouvelles serait publiée ultérieurement, et que pour couvrir une partie
I lt>6 EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
des frais de cetle publication, un droit minime serait perçu à rentrée de
l'Exposition.
Il reste bien entendu, d'ailleurs, que tous les membres du Congrès, les expo-
sants, les membres de la Société géologique pt les invités de cette Société
seront admis gratuitement.
En quittant l'Exposition, la section de géologie s'est rendue au Musée, dont
elle a beaucoup admiré les nombreuses raretés, principalement les grandes
pièces fossiles recueillies au cap de la Hève, et la magnifique collection donnée
par Aug. Dollfus : mais comme tous les visiteurs, elle a exprimé haute-
ment le regret que toutes ces richesses fussent entassées et exposées dans des
conditions telles que, la plupart du temps, il est absolument impossible de
les étudier.
Du Musée, on s'est rendu au jardin St.-Roch où se trouvent un aquarium
et des animaux divers. Ce qui a particulièrement frappé les visiteurs, c'est la
liberté laissée à la plupart des animaux, que le public peut ainsi étudier de
près et qui viennent facilement se mêler à la foule. Les bacs ont ensuite été
examinés avec un vif intérêt, particulièrement par les nombreux zoologistes
qui s'étaient joints à la section.
Nous ne pouvons que signaler en passant l'Exposition de photographie qui
fut ouverte aux membres du Congrès et qui, après la visite officielle faite le
jour de l'inauguration, fut le but de nombreuses promenades particulières,
bien justifiées par l'intérêt qu'elle présentait.
Pendant la journée du samedi 25 août, les membres de l'Association visitèrent
successivement le Belgrano, navire de la Compagnie des chargeurs réunis, et la
France, paquebot de la Compagnie générale transatlantique. Le Belgrano, bien
connu des nombreux congressistes qui y avaient reçu l'hospitalité, est un beau
navire à hélice de 100 mètres de longueur sur 10 mètres 50 de largeur et 8 de
profondeur; il a un tirant d'eau de 6 mètres 20 et déplace 4,100 tonnes. La force
de sa machine est de 900 chevaux et il présente, au besoin, une surface de
voilure de 1,350 mètres carrés; sa vitesse moyenne est de 9,5 nœuds. Il peut
recevoir 550 passagers dont 40 dans des chambres ; son entrepont avant est
aménagé spécialement pour le transport des chevaux : il peut en embarquer
120 à la fois, et cette installation n'était pas la moindre curiosité de la visite.
D'autre part, la Compagnie générale transatlantique, qui avait mis à la dis-
position des membres du Congrès le paquebot la Ville-de-Paris, avait organisé
une réception magnifique sur la France, réception si belle, si luxueuse à tous
égards que, ce jour-là, peu de membres pensèrent à visiter les aménagements
du paquebot, ses machines. Les hauts fonctionnaires de la Compagnie, l'élat-
major du navire, la Société havraise, s'étaient rendus sur le paquebot pour
recevoir l'Association : des fleurs avaient été placées partout, des rafraîchisse-
ments étaient servis à profusion, de la musique se faisait entendre par instant
et l'on dit, même que l'on oublia la science jusqu'à se laisser entraîner à la
danse.
Nous croyons qu'il n'est pas sans intérêt de donner les quelques chiffres sui-
vants,qui peuvent faire comprendre l'importance des paquebots de la Compagnie
transatlantique.
EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES II"»"
Deux types peuvent être considérés parmi les paquebots de la Compagnie
transatlantique : celui de /" Ville-de-Paris et celui de la France. Les longueurs
sont respectivement de 105 el 123 mètres; Les largeurs de 13 mètres 33 et
13 mètres 10; les profondeurs de 7 mètres 10 et 10 mètres <s;>; les tiranis
d'eau de ii mètres 85 et 7 mètres 30; les déplacements ou poids des navires
de 5,185 et 7,715 tonnes. 220 couchettes sont disposées dans îles chambres pour
ces deux types, mais le nombre des voyageurs d'entrepont, qui n'est que de
36 dans le premier type, atteint fâO dans le second ; les volumes disponibles
pour les marchandises sont respectivement 1,160 et 2,700 mètres cubes; mais,
par contre, les vitesses moyennes en service sont de 13 et 12,:! nœuds.
Pendant cette môme journée, les membres de la section de botanique et de
la section d'agronomie avaient visité le jardin de botanique et d'arboriculture
du Cercle pratique d'horticulture, et avaient adressé leurs plus vives félicita-
tations à M. Bourlet de la Vallée pour son dévouement désintéressé à la
science.
Enfin la journée s'est terminée! par une visite aux chantiers de l'avant-port,
sous la direction de M. Quinette de Rocbemont, ingénieur des ponts et
chaussées. La réunion à la grande écluse comptait près de 300 personnes. Ou
s'est rendu d'abord à l'extrémité du môle nouveau, où M. Quinette, avec une
lucidité parfaite, a décrit les travaux faits et ceux, plus difficiles peut-être, qui
restent encore à faire.
Après cette conférence en plein air, la Société est descendue sur le chantier,
que la marée liasse laissait alors complètement à découvert, et elle a pu visiter
de près les travaux de démolition des anciens ouvrages, qui s'effectuent actuel-
lement. Diverses mines ont été tirées en sa présence, non sans provoquer de
la part des dames quelques mouvements d'effroi bientôt calmés.
On s'est rendu ensuite près du seuil du futur brise-lames, où l'on a pu se
rendre compte aisément du curieux travail de foncement des cadres de fon-
dation.
La visite se serait encore prolongée sans doute si un grain violent, tombant à
l'improviste, n'était venu jeter la débandade parmi les savants. Ça a été un
sauve qui peut général; mais comme toujours à quelque chose malheur est
bon, les visiteurs ont pu emporter le souvenir des difficultés de tout genre
qu'offrent les grands travaux hydrauliques, alors qu'aux obstacles matériels
viennent s'ajouter les intempéries.
La journée du dimanche 26 août était consacrée à la première excursion
générale dont le programme, qui avait pour but Fécamp et Étretat, comportait
le voyage aller et retour par mer , mais le temps fut peu favorable et la mer
assez forte pour que le paquebot qui devait conduire les membres du Congrès,
se refusât à sortir; il fallut donc modifier les dispositions prises. On partit
pour Fécamp en chemin de fer, et après une visite sommaire de cette ville et
un repas tardif et nécessaire, de nombreuses voitures, réquisitionnées dans
toute la contrée, emmenaient les excursionistes à Étretat : le temps s'était
amélioré et la promenade fut charmante.
La municipalité d'Étretat s'était mise en frais et fit à l'Association une
réception pleine de cordialité et dont on fut vivement touché. On parcourut
1158 EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
alors ce pays charmant, les uns en l'admirant simplement au point de vue
pittoresque, les autres en faisant des recherches botaniques ou géologiques.
On revint le soir au Havre, enchanté d'une journée dont le commencement
avait été contrarié, mais qui s'était terminée au gré de tous.
Le lundi, 27 août à 9 heures du matin, on se réunissait aux chantiers Nor-
mand, pour assister au lancement d'un aviso de l'État, le Hussard, dont, sur
la demande spéciale du commissaire général de la marine, M. Le Fraper, M. le
ministre de la marine avait bien voulu ordonner la mise à l'eau pendant le
congrès. Après la cérémonie religieuse qui a été faite par le clergé de Saint-
Joseph, les derniers étançons ont été enlevés et le Hussard glissant majestueu-
sement sur son ber a pris possession de l'Océan . Deux remorqueurs l'ont pris
à la remorque et l'ont amené au port non sans quelques incidents, car il fallut
attendre le départ du paquebot allemand Rhenania; puis une amarre se cassa
et enfin, il devint urgent de se hâter, car le paquebot Canada, delà Cie trans-
atlantique, se présentait à son tour pour entrer. L'opération n'en réussit pas
moins à merveille et intéressa vivement les membres du Congrès.
Disons que le ministre de la marine avait également décidé qu'une partie de
l'escadre cuirassée resterait mouillée dans les eaux du Havre pendant la
durée de la session. Malheureusement le mauvais temps qui régna pendant
cette période ne permit que difficilement que l'on s'approchât de ces formidables
engins de guerre.
Le programme de l'après-midi comportait plusieurs visites industrielles à
Graville :
On a commencé par la filature de M. Courant, et on Ta parcourue dans
toutes ses parties avec le plus vif plaisir, sous la direction de M. Jacques
Courant, qui a bien voulu donner sur chacune des préparations que subit le
coton et sur les admirables machines qui le mettent en œuvre, les explications
les plus claires et les plus complètes.
Bien que cette visite ait duré plus d'une heure, c'est avec un regret véri-
table que l'on s'est arraché à la contemplation de ces merveilleux métiers.
L'usine de M. Sapiéha, pour l'extraction de la teinture des bois, a été visitée
ensuite avec un grand intérêt.
lien a été de même de l'usine de M. de Rothschild, pour ladésargentation
du plomb. Une fonte d'argent d'au moins 200kilog. a été effectuée en présence
des membres du Congrès, qui ont pu suivre tout le travail qui s'effectue dans
l'établissement grâce aux bienveillantes explications de M. Troteux et de
M. le directeur de l'usine (1) .
Les visites industrielles se sont terminées par celle des grands ateliers de la
Société anonyme des constructions navales du quai Colbert, si intelligemment
dirigés par M. Geay. Là encore, on s'est arraché à regret à la contemplation
des ces admirables machines-outils qui façonnent les métaux et qui sem-
H) Nous avons demandé sans avoir pu lès Obtenir en le&ps Mile, des n-nseignement* relatifs à
ces divers établissements : nuus publions ci-après comme complément les peillSS indications qui
nous aient été fournies .
EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES US9
blent presque, tant elles sont parfaites, animées d'une parcelle de l'intelligence
qui les a créées.
Un courte apparition à la grande forme sèche du bassin de l'Eure a terminé
cette série d'excursions qui avait commencé le matin par une visite aux. chan-
tiers Normand. Pour beaucoup de membres de l'Association française, cette
partie du programme n'aura été ni des moins attrayantes ni dos moins
fécondes.
Malgré notre désir de ne parler que des parties réellement scientifiques de la
session du Havre, il nous paraît au moins difficile de ne pas signaler rapide-
ment la fête vénitienne qui fut donné le lundi soir sur le bassin du commerce
à l'occasion du Congrès.
Par une faveur inespérée, le temps, dont on pouvait, la veille encore,
redouter toutes les inclémences, s'est, au contraire, merveilleusement prêté
au succès de cette grande fête. La brise légère suffisait pour rafraîchir la
température, mais était trop faible pour nuire aux illuminations; la lune était
levée dans tout son éclat, au-dessus même du bassin, comme la pièce princi-
pale de la décoration et quelques nuages venaient de temps en temps l'obs-
curcir en produisant des changements à vuequ'on aurait cru commandés : la
mise en scène de la féerie était complète.
Au milieu du bassin, au-dessus desamasse noire et immobile, le Belgrano
dressait vers le ciel sa mâture et ses étais dessinés en traits de feu par des
cordons de lanternes multicolores. Tout autour de lui, semées à la surface de
l'eau qu'elles enflammaient de mille lueurs, évoluaient une quantité de barques
de toutes dimensions, littéralement couvertes de lanternes formant des déco-
rations lumineuses délicieusement variées d'aspect. Le long des quais, étaient
des bricks et des goélettes illuminés de la lisse au sommet des mâts.
Cette magnifique décoration, dont le coup d'œil d'ensemble dépassait en
grandiose originalité tout ce qu'on pouvait rêver, était encadrée par des guir-
landes de lampions courant à perte de vue le long des quais.
La magnifique illumination du Grand-Théâtre et de la place Louis XVI,
inondés de lumière, complétait ce spectacle incomparable et les maisons des
alentours, dont les illuminations rivalisaient de goût et de richesse, formaient
le second plan de ce tableau merveilleux.
Les innombrables spectateurs de cette fête , sans précédent au Havre
avaient aisément trouvé place le long des quais, où des sièges étaient, disposés
en nombre suffisant pour éviter toute cohue, et jamais plus beau spectacle
n'a été donné dans un cadre plus favorable aux aises du public, sur cette
immense étendue, où' chacun se trouvait pour ainsi dire aux premières
galeries .
Tout avait été prévu, du reste, pour assurer la bonne organisation de la
fête. De nombreux commissaires étaient répandus dans la foule et s'acquittaient
avec un zèle infatigable de la surveillance dont ils avaient été chargés, tan-
dis que le Comité siégeait en permanence au milieu des places réservées sous
la mâture.
Aussi, grâce aux dispositions habilement prises, aucun incident fâcheux ou
seulement tumultueux n'est venu troubler cette soirée de réjouissances,
1100 EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
On ne saurait trop féliciter les innovateurs de cette fête splendide, le Comité
des fêtes du Congrès et en particulier l'intelligent architecte de la ville,
M. llebour, qui en a conçu le plan et dirigé l'exécution.
Le mardi 28 août, on se réunissait encore au chemin de fer, mais pour se
rendre dans une autre direction; on s'arrêtait à Nointot et s'inslallant, s'entas-
sant dans les diligences, omnibus et voitures de toutes formes, on partait par
un temps magnifique pour Bolbec, que l'on ne faisait que traverser, et, sui-
vant une riche vallée, on arrivait à Tancarville, pour y voir les ruines du célèbre
château de ce nom. Les ruines sont intéressantes, et de la terrasse située sur
une falaise, dont autrefois la mer venait battre le pied, on a une vue splen-
dide sur la Seine. Mais on éprouva une certaine déception. Diverses curio-
sités sont conservées dans une partie intacte, du château et l'on espérait les
voir. On fut fort surpris de ne trouver personne, non-seulement pour faire
les honneurs, mais même pour ouvrir la porte, bien que le propriétaire eût été
averti à l'avance. Les années précédentes et cette année même, en d'autres
villes, les propriétaires des châteaux, aussi bien que ceux des usines, avaient
cru s'honorer en honorant le congrès par une réception, quelquefois magni-
fique, mais toujours cordiale; on fut donc surpris de cette fin de non -recevoir.
En quittant Tancarville, on suivit une route au pied de la falaise, route
qui amena à Lillebonne, où, par les soins du maire, des tables dressées atten-
daient dans deux hôtels. Bien que le temps pressât , on put visiter quel-
ques usines importantes (1), ainsi qu'une collection de curiosités. On vit les
ruines du théâtre romain et l'on admira la superbe mosaïque découverte dans
des fouilles faites il y a quelque temps.
De Lillebonne on revint à Bolbec, où le congrès fut reçu par la munici-
palité. Les autorités aidées de quelques notables habitants, partagèrent
les excursionnistes en divers groupes, qui se rendirent à plusieurs établisse-
ments importants de cette ville industrieuse et riche. Avant le départ, la
municipalité offrit une collation et l'on se sépara. Peu après on était à la
station et l'on rentrait au Havre à huit heures et demie du soir, après une
belle journée bien remplie.
Le mercredi, 29 août, les membres du congrès se réunissaient dans la jour-
née pour aller visiter les importants ateliers des forges et chantiers de la
Méditerranée dont les honneurs leur étaient faits par le directeur M. Cazavan,
qui s'empressait de donner toutes les explications susceptibles de rendre cette
visite fructueuse. L'intérêt s'est principalement porte sur la fabrication des
canons, fonte et forage, et sur un navire en construction dont il était possible
d'examiner la membrure en fer et les diverses parties.
Un certain nombre de membres du Congrès appartenant principalement
à la section d'économie politique, se sont rendus, vers quatre heures, au cercle
Franklin, où ils ont été reçus par MM. Siegfried, président ; P. Langer, secré-
taire général; F. Puaux, et par MM. les commissaires de service.
Ces Messieurs ont visité le Cercle dans toutes ses parties et ont reçu de
(1) Le> élablisements visités a Lillebanne ont été ies établissements de filature el tissage de
coton de MM. Desgénètais frères, Fauquet, Lemaître et Lemaistre frères.
EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES 1161
M. Siegfried et de ses collaborateurs toutes les explications concernant L'organisa-
tion et le fonctionnement de l'établissement. Les salles de cours, de lecture,
de gymnastique, d'escrime, de jeux, ont été successivement examinées avec le
plus grand intérêt par les visiteurs, qui ont exprimé hautement leur admi-
ration pour la belle institution d'éducation populaire dont la ville du Havre est
fière à si juste titre. (I)
En sortant du Cercle, les membres se sont rendus aux Cites ouvrières de
la rue de Normandie, où les attendaient MM. Mallet et Heuzey, administra-
teurs. Là encore, un examen minutieux, qui s'est prolongé plus d'une heure,
a convaincu les visiteurs de l'excellence des résultats obtenus par celte création
pour le développement du bien-être et de l'économie dans la classe ouvrière.
M. Mallet a exposé en détail les bases financières qui permettent aux habi-
tants de la cité de devenir propriétaires de leurs maisons au bout de H an-
nées, en payant un loyer qui représente environ 10 0/0 de leur valeur.
Plusieurs visiteurs étrangers connaissaient les Cités ouvrières de Mul-
house et du Nord, et ils ont pu se rendre compte des améliorations réali-
sées dans la Cité havraise, sous le rapport de l'hygiène et du confortable. Ils
ont vivement apprécié l'ordre et la propreté qui régnent généralement dans
ces ménages laborieux et le goût avec lequel sont entretenus les jardinets qui
fleurissent cette ruche ouvrière.
Close officiellement le 30 août, lors de l'assemblée générale la session du
Havre fut, en réalité, prolongée de deux ou trois jours, ainsi que cela s'était
déjà produit dans plusieurs congrès. L'Association avait, en effet, reçu des
invitations des Sociétés savantes et de la municipalité de Rouen, et un grand
nombre de membres avaient décidé de se rendre dans l'ancienne capitale de la
Normandie. Aussi, le 31 août, se trouvait-on réuni, au nombre de deux cents
environ, sur le bateau à vapeur V Hirondelle de la Compagnie Deschamps, qui
devait remonter la Seine jusqu'à Rouen.
Après un arrêt nécessité par la marche rapide du bateau dont l'arrivée
n'aurait pas concordé avec les indications données précédemment aux Sociétés
savantes de Rouen, à cinq heures un quart, en présence d'une affluence consi-
dérable de curieux, le steamer abordait au débarcadère de la cale St-Eloi,
orné pour la circonstance de tentures et de drapeaux. Tous les navires à l'an-
cre dans le porf étaient pavoises, et deux guirlandes d'oriflammes aux cou-
leurs de toutes les nations reliaient le quai aux maisons lui faisant face.
Les membres de l'Association ont été reçus par des représentants du conseil
municipal de Rouen, et des députations de toutes les sociétés savantes de la
ville, au nom desquelles M. H. Courcelles, président de la Société d'horticul-
ture de la Seine-Inférieure, a prononcé l'allocution suivante :
« Monsieur le président, Messieurs,
» Les Sociétés savantes dont le siège est à Rouen se félicitent hautement
I Pour des renseignements plus complets voir la brochure : Cercle Franklin du Havre,
Havre, imp. Leclerc 1877.
1162 l \. I USIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
de voir que l'Association française pour l'avancement des sciences n'a pas
voulu terminer ses utiles travaux de cette année en Normandie sans s'arrêter
quelques instants dans sa vieille capitale, si pleine de richesses artistiques et
industrielles, en attendant qu'elle soit choisie pour le siège de nouvelles assises;
» Et le président de la Société centrale d'Horticulture est particulièrement
heureux que les faveurs du tour de rôle l'aient désigné pour vous souhaiter
la bienvenue. Je n'oublierai jamais cet honneur, tout en regrettant que la
parole ne soit point échue à ceux de nos honorés collègues qui s'en fussent
beaucoup mieux acquittés que moi.
» Remplissant ma flatteuse mission, j'ai l'honneur de présenter à l'Association
française pour l'avancement des sciences, et à vous, monsieur le président, qui
personnifiez si bien cette illustre société :
» Le président, les membres du bureau et les membres composant l'Aca-
démie des Sciences, Belles-Lettres et Arts;
» La Société libre d'Emulation du commerce et de l'industrie;
» La Société centrale d'Agriculture du département ;
» La Société de Médecine ;
■>■> La Société des Amis des Sciences naturelles;
» La Société des Architectes de la Seine-Inférieure;
» La Société Industrielle de Rouen ;
» Les membres du bureau et les membres composant la Société centrale
d'Horticulture de la Seine-inférieure.
» Tous nous saluons avec un sympathique et cordial empressement une com-
pagnie qui a grandi avec une telle rapidité justifiée par sa haute portée, qu'en
cinq années ses membres se sont élevés du chiffre de 800 au moment de sa
fondation, à ceux de 1,200 après la seconde année, de 1,500 après la troisième,
de l,9o0 après la quatrième, de 2,234 après la cinquième, et qui compte
dans ses rangs, ainsi que l'a dit M. le maire de Rouen, dans sa proclamation
aux habitants de la ville, un si grand nombre d'hommes dont les savants
travaux contribuent à l'illustration du pays. — Votre devise : « Pour la patrie
par la science » est aussi bien choisie que juste.
» Aucune de nos sociétés ne peut prétendre à de pareils succès, mais
leur rapprochement confraternel de l'Association française pour l'avancement
des sciences, ne peut qu'exciter leur ardeur dans la voie du progrès.
» Bientôt vous allez recevoir l'hospitalité et les compliments de notre admi-
nistration municipale, près de laquelle nous nous retrouverons; mais avant de
rompre cette première entrevue, si heureuse pour nous, nous voulons vous
donner un gage bien certain de notre grande satisfaction en criant tous :
» Vive l'Association française pour l'avancement des sciences ! »
Les membres des Sociétés savantes de Rouen ont répété ce vivat, auquel les
membres de l'Association Française ont répondu par celui de : « Vive la Ville
de Rouen! »
M- Broca a pris ensuite la parole en ces termes :
EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES H6ii
« Monsieur le Président,
» Je vous remercie des paroles de bienvenue que vous adressez à l'Associa-
tion Française au nom des Sociétés savantes de Rouen.
» Nous savions déjà que, dans cette grande ville, le développement scientifi-
que marche de front avec le développement industriel, et chacun de nous,
suivant sa spécialité, connaissait les travaux de vos diverses Sociétés savantes.
Maïs avant d'avoir entendu renonciation que vous venez de faire des huit So-
ciétés dont vous êtes L'organe, je n'avais qu'une idée incomplète de l'activité
du mouvement intellectuel qui distingue votre ville. Lorsque nous viendrons
ici tenir l'une de nos sessions annuelles, nous y trouverons un terrain tout
préparé et un nombreux personnel scientifique.
» Ce qui m'intéresse vivement, c'est l'heureuse organisation qui réunit en
un seul faisceau ces nombreuses Sociétés savantes, et qui, sans -nier en rien
leur autonomie, établit entre elles des intérêts communs, confiés à une admi-
nistration collective. Vous avez compris que l'union fait la force, et vous ave/.
donné un exemple qui devrait être partout imité. Les représentants des prin-
cipales Sociétés savantes de Paris avaient conçu, il y a une dizaine d'années,
le plan d'une fédération analogue à la vôtre. On se proposait d'instituer un
Athénée des Sociétés savantes; le nom était trouvé, mais la chose ne l'était
pas ! Après divers pourparlers, les difficultés pratiques parurent trop grandes,
ou plutôt on ne sut pas s'entendre, et le projet fut abandonné. Ce projet était
cependant parfaitement réalisable, puisque vous l'avez réalisé. 11 n'y a plus
maintenant qu'à prendre modèle sur vous, et je fais des vœux pour que l'es-
prit de solidarité qui vous anime se manifeste avec le même succès dans
toutes les grandes villes. »
Après ces souhaits de bienvenue et après que de part et d'autre des pré-
sentations eurent été faites, on se sépara : la plupart des membres furent en-
traînés dans d'hospitalières demeures, tandis que d'autres étaient invités à un
banquet offert par les Sociétés savantes.
Avant de se rendre à la réception de l'Hôtel de ville, les membre de l'Associa-
tion française pour l'avancement des sciences, au nombre de soixante environ,
ont visité les ateliers de tissage de M. Ernest Manchon, situés rue de Tanger,
et éclairés pour la première fois à la lumière électrique.
Us ont été très-frappés des résultats obtenus dans cette installation, effectuée
par la maison Sauter et Lemonnier, avec la collaboration de M. l'ingénieur
Delahaye. (1)
Après cette visite les membres de l'Association française, se sont rendus à
l'Hôtel-de- Ville, où a eu lieu la réception que devait leur faire la municipalité.
Le monument était entouré d'un cordon de gaz et, devant les arcades, des
bouquets de globes lumineux ajoutaient à l'éclat de l'illumination, qui avait
attiré sur la place une foule considérable.
(1) Vojr cj-après la note relative à cette installation.
1104 EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
Le vestibule et la grande salle du rez-de-chaussée resplendissaient également
de lumière.
Dans la grande salle de l'Hôtel -de- Ville se trouvaient réunies toutes les notabi-
lités locales : représentants de la magistrature, de l'armée, du clergé, des diffé-
rentes administrations, des sociétés savantes, ainsi que beaucoup de grands
industriels. On y remarquait MM. Cordier et Pouyer-Quertier sénateurs.
M. Barrabé, maire, entouré de MM. les adjoints et des conseillers municipaux,
a reçu les membres de l'Association française, qui sont arrivés vers neuf
heures; il a prononcé un discours dont voici la substance :
« Monsieur le président, messieurs les membres de l'Association française.
» Au nom de la ville de Rouen nous vous souhaitons la bienvenue.
Votre société a été fondée pour activer le progrès et la diffusion des sciences,
à une époque où la France, pour se relever, avait besoin du travail de tous
ses enfants. Nous sommes heureux d'exprimer notre respect et notre gratitude
aux hommes éminents qui ont entrepris et poursuivent cette œuvre patriotique.
» Propagateurs dévoués, vous porterez successivement dans les diverses
contrées de la France vos précieux enseignements. Soyez convaincus que la
terre normande fera fructifier la bonne semence que vous y avez répandue.
» En parcourant notre ville, vous y trouverez de nombreux monuments,
qui attestent le génie et le travail de nos ancêtres. Quand vous visiterez les
ateliers de nos industriels, nos écoles, nos musées, nos établissements scienti-
fiques, vous reconnaîtrez, nous l'espérons, que le travail et l'étude sont
toujours honorés parmi nous, et que l'amour du bien et du beau est resté
vivace au cœur des Rouennais.
« Nous désirons, messieurs, que vous emportiez cette conviction, car elle
nous donnera l'espérance de vous revoir ici, non pour un trop court passage,
mais pour y tenir une de vos savantes assises et nous permettre d'entendre
vos leçons.
» Les Rouennais, réunis ici pour vous faire honneur, sont tous à votre dispo-
sition pour vous faire visiter ce qui pourra vous intéresser dans notre ville. »
M. Broca a, comme à l'arrivée, répondu par quelques mots chaleureux et
conçus dans un esprit de sympathie pour la ville et ses représentants.
Les conversations particulières se sont engagées ensuite dans cette grande
salle de l'Hôtel-de-Ville, dont le coup-d'œil était alors très-animé, et où, dans
la foule des habits noirs, brillaient quelques toilettes de dames, ainsi que les
uniformes des généraux et des autres officiers supérieurs.
Dans le jardin, une assistance très-nombreuse, composée d'invités, s'était
groupée autour du kiosque, où les membres de la Société Boieldieu et la mu-
sique Municipale ont alterné de façon à composer un charmant concert, qui a
provoqué les bravos des auditeurs.
La lumière électrique inondait le jardin de sa clarté, et les projections de
couleurs sur le jet d'eau se reflétaient sur les feuilles des arbres, qui semblaient
être en velours bleu, rouge ou vert.
i m ( RSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES I 168
Le concert s'est prolongé jusqu'à onze heures, et l'on s'est séparé en se
promettant de faire nombre de visites aux monuments locaux et aux grands
établissements industriels des alentours.
Le 1er Septembre, à 9 heures du matin, les membres de l'Association se
réunissaient dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville .
M. Barrabé, maire, ainsi que MM. les adjoints étaient présents.
Les visiteurs se font inscrire sur des feuilles portant la nomenclature des
établissements à visiter dans la journée.
M. le maire et MM. Amédée Delamare, Dieutre et Fouray, adjoints ont
accompagné un certain nombre des voyageurs scientifiques et. leur ont l'ail
apprécier les beautés de nos édifices publics.
Les membres de l'Association française n'ont pu faire à chacun de ces mo-
numents qu'une courte visite, car Rouen compte tant de beautés historiques,
qu'on ne peut espérer voir tout dans une matinée.
Divisés en petits groupes de dix et de quinze personnes, ils ont été voir
successivement les églises, le Palais de justice et la tour de Jeanne-d'Arc. Là,
ils ont été reçus par les membres du comité de souscription pour le rachat et
la restauration de ce monument, et M. Nepveur, premier adjoint au maire
président général du comité, leur a adressé l'allocution suivante :
» Monsieur le président,
» Messieurs de l'Association française pour l'avancement des sciences,
» 11 était réservé à une voix plus autorisée que la mienne de vous souhaiter
la bienvenue dans cette tour à jamais célèbre et vénérée par le souvenir de
Jeanne-d'Arc.
» Oui, messieurs, ces degrés que vous venez de monter, il y a plus de
quatre siècles que la vierge de Domrémy les foulait sous ses pieds, pour
comparaître devant ses juges, je me trompe, devant ses bourreaux.
» C'est à cette même place que, le 9 mai 1131, cet ange de vertu et de su-
blime énergie fut interrogé et mis en présence des instruments de torture im-
puissants à ébranler son courage.
» Je les entends encore, ces paroles qu'animait un souffle divin : « Vraiment,
» si vous me deviez faire détruire les membres et faire partir l'âme hors du
» corps, ne vous dirai-je autre chose, et si aucune chose vous dirai-je, aprè-;
» ce, dirai-je toujours que vous me l'auriez fait dire par force. »
» Saluons donc de nos respects la mémoire sacrée de l'héroïne d'Orléans, de
la libératrice de notre France chérie, et donnons une larme à son glorieux
martyre.
» Que ce soit notre première pensée avant de visiter ce donjon bâti par
Philippe-Auguste, en 1205, et un des rares vestiges de l'architecture militaire
de cette époque.
» Le comité de souscription qui se forma en 1860, sous la chaude inspiration
de son regretté président, M. Frédéric Deschamps, s'honorera toujours d'avoir
contribué, dans la mesure de ses forces, au rachat de la tour Jeanne-Darc, et
1160 EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
son action ne cessera que lorsqu'il aura accompli son (ouvre, j'en prends ici
l'engagement pour lui.
» Maintenant, messieurs de l'Association française pour l'avancement des
sciences, nous sommes tout à vous, heureux de voir que vous êtes les premiers
visiteurs officiels de cette tour restaurée par nous. Vous êtes nos maîtres et
nous vous écoutons.
M. le président de l'association a remercié M. le président et MM. les
membres du comité de leur bienveillant accueil, et les a félicités d'avoir mené
a bien la tâche qu'ils avaient entreprise pour sauver de l'oubli et de la des-
truction un monument qui rappelle de si touchants souvenirs.
Les visiteurs se sont rendus ensuite à l'hôtel du Bourgtheroulde, à l'Aître
Saint-Maclou, à l'école supérieure des Sciences, au laboratoire des Hautes
Etudes ; aux musées d'Antiquités, de Céramique rouennaise, au muséum d'his-
toire naturelle, à la Bibliothèque et au musée de Peinture.
De là ils se sont rendus au Jardin-des-Plantes, où ils ont admiré l'école Bota-
nique, les serres et surtout les écoles d'Arboriculture, Fruitière et Forestière.
Enfin l'après-midi fut consacré aux visites industrielles dont nous ne pou-
vons donner qu'une sèche énumération.
Les membres du Congrès répartis en plusieurs groupes se rendirent aux
établissements suivants ;
Société Cotonnière, à Saint-Etienne-du-Bouvray.
Fabriques de produits chimiques de MM. Duchemin et Chouillou, Malétra
et C3e.
Impressions et tissus. — Fabrique de MM. Benner à Darnétal; Besselièvre,
à Maromme; Girard, à Déville; Keittinger, à Lescure.
Epuration d'huiles minérales. — Usine de M. Deutsch, avenue du Mont-
Riboudet.
Savons. — Fabriques de MM. Lacour/place des Chartreux; Sommier-Moulin,
place Trianon.
Usines à gaz. — Compagnie des Emmurées (M. Besson directeur), et Com-
pagnie Européenne, à l'île Lacroix (M. Coindet directeur).
Tissages de MM. Destailleurs, rue d'Elbœuf; Manchon rue de Tanger; Le-
marchand, rue Sablée.
Agglomération de houille. — M. Lequeux-Muston, quai des Curandiers.
Briqueterie de M. Requier. à Blosseville-Bonsecours.
Fabriques de cardes de MM. Cadeau de Kerville, rue du Passage-Dupont, et
Miroude, quai Saint-Sever.
Filature de M. Gnillou, rue Méridienne.
Fabrique de Bretelles de M. L. Fromage, à Darnétal
Teinture et apprêts de MM. Wallon-Crosnier, rue du Val-d'Eauplct.
Machines et chaudières. — Ateliers de M. Corbran et Le Marchand, au Char-
treux; Lethuillier-Pinel, rue Méridienne; Ch. Pinel, rue Méridienne; Benaux
et Boupain, (machine routière) rue d'Amiens ; Boudier rue des Brouettes;
Thomas Powell.
D'un autre côté, vers deux heures, une cinquantaine de membres, réunis
EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES 1161
chez MM. Rénaux et Bonpain, sont partis, remorqués par la locomitive rou-
tière, pour faire une promenade à Bonseconrs. Partis par l'ancienne route, les
visiteurs sont revenus par la nouvelle voie créée sur le versant de la côte, en
examinant le magnifique panorama qui se déployait à leurs yeux et consta-
tant avec quelle rapidité on peut arrêter ou faire marcher la machine.
La fin de cette journée intéressante pour toutes les personnes qui purent
suivre les diverses visites amena la clôture réelle du Congrès du Havre, qui
comme la plupart des Congrès précédents s'était prolongé au delà de la clô-
ture officielle.
11 ne nous appartient pas de porter un jugement sur cette 6e session de
l'Association française: l'avenir montrera si le Congrès a produit un effet utile
pendant son passage au Havre ; mais nous croyons exprimer l'avis de la ma-
jorité des membres qui ont pris part à cette Session en disant que, si elle a
présenté un caractère différent des Sessions précédentes, elle n'a pas été moins
intéressante, et que nous avons rencontré au Havre, dans les villes que nous
avons parcourues trop rapidement, et à Rouen, des dévouements empressés
qui nous ont permis de mener à bien l'organisation de ce Congrès.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
SUR QUELQUES ÉTABLISSEMENTS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELS.
USINE A PLOMB DU HAVRE
L'établissement métallurgique que MM. de Rothschild possèdent au Havre est orga-
nisé pour le traitement complet (désargentation et raffinage) des plombs argentifères
bruts, tels qu'ils résultent de la réduction des minerais de plomb dans les fonderies.
L'usine reçoit des plombs de toutes provenances ; principalement ceux d'origine espa*
gnole. Ces plombs sont apportés au Havre en saumons. Leur richesse en argent est
très-variable. Les teneurs communes varient entre 0 k. 80 g. et 250 grammes 0/0 k.
de plomb. De plus, c'est une des circonstances aggravantes de la métallurgie du plomb,
l'argent s'y trouve presque toujours accompagné, en proportions relativement impor-
tantes, de corps étrangers (cuivre, fer, antimoine, soufre, arsenic, etc., etc.).
Le traitement complet du plomb d'eeuvre comprend les opérations suivantes :
1" Enrichissement par cristallisation ; 2e Coupellation du plomb enrichi ; 3° Réduc-
H68 EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
tion des oxydes et revivification des litarges dans un réverbère ; 4° Fontes au four
à manche de résidus divers; 5° Épuration des plombs impurs.
I. —1° Enrichissement du plomb par cristallisation. — L'enrichissement du plomb
par cristallisation se pratique dans des appareils imaginés par M. Moysan, ingénieur-
directeur de l'usine à plomb de MM. Lues et Rozan à Marseille. Ces appareils con-
sistent en deux chaudières en fonte avec foyers distincts enclavées à des niveaux
différents, dans un massif de maçonnerie. La chaudière supérieure ou de fusion est
destinée à fondre le plomb à désargenter. Elle peut contenir 8,000 kilos de plomb
et à sa partie inférieure se trouve une tubulure, venue de fonte, qui sert à transvaser
son contenu dans la chaudière de cristallisation. La chaudière inférieure ou de cris-
tallisation contient de 23 à 24.000 kilos de plomb. Elle porte à. sa base trois tubulures
venues de fonte et situées sur le même plan horizontal. Deux d'entre elles débou-
chent à droite et à gauche au-dessus de deux cuvettes en fonte fixées au sol et sont
affectées, soit au soutirage, après chaque opération, dans lesdites cuvettes du plomb
enrichi, soit aux coulées de plomb marchand, quand elles ont lieu. L'orifice extérieur
de ces tubulures, de même que la tubulure de la chaudière de fusion, s'ouvre
ou se ferme à volonté, au moyen d'un levier obturateur d'un mécanisme
très-simple et d'un maniement très-facile. La troisième tubulure placée dans
l'axe et à l'opposé du foyer, à égale distance des deux autres, est celle dans laquelle
pénètre le tube qui livre passage à la vapeur que l'on fait agir dans la cristallisa-
tion, ou mieux, un robinet d'une forme particulière, dans lequel la clef est remplacée
par une longue tige en fer terminée à l'une de ses extrémités par un clapet.
La chaudière de cristallisation est munie d'un couvercle (chapeau) à segments
mobiles qui peuvent, quand il y a lieu, être soulevés à volonté. Au centre de ce
couvercle on a ménagé une ouverture circulaire correspondant à l'amorce d'une che-
minée verticale qui conduit dans des chambres de condensation, où on les recueille
à l'état pâteux, les oxydes pulvérulents entraînés par la vapeur.
Enfin, au niveau du bord de la chaudière de cristallisation, règne une galerie qui
permet de suivre la marche du travail.
La main-d'œuvre à chaque appareil, occupe, sous la conduite de contre-mai très
surveillants, par poste de douze heures (les appareils fonctionnent jour et nuit, sauf
le dimanche), un personnel fixe de trois ouvriers (1 chef cristalliseur et 2 aides),
plus un personnel variable de manœuvres qu'on leur adjoint pour quelques travaux
supplémentaires intermittents, tels que: coulées du plomb marchand ou riche, roulage
des plombs, etc. Dans tous les cas, les travaux de toute nature afférents aux appareils
se donnent à forfait, excepté, toutefois, les réparations à l'outillage.
Pour ce qui regarde le changement des chaudières, le déplacement des blocs de
plomb partiellement manipulé, etc., chaque appareil est desservi par une grue à
vapeur.
La désargentation du plomb par cristallisation, ou simplement le pattinsonage [du
nom de son inventeur Pattinson), est basé sur les données suivantes : Quand on laisse
refroidir lentement, en l'agitant, une grande masse de plomb argentifère porté à une
température un peu plus élevée que son point de fusion 334°), il s'y produit une
véritable cristallisation et, par suite, il arrive que, quelle que suit la teneur en argent
du plomb mis en œuvre, les cristaux retiennent beaucoup moins de métal précieux
que la partie non encore solidifiée. En d'autres termes, l'argent se concentre dans
la partie qui reste le plus longtemps fondue. Cette circonstance remarquable s'explique
par ce fait que le plomb pur cristallise le premier, et il a été constaté que les
métaux autres que l'argent (fer, cuivre, antimoine, etc.), que contient le plomb d'oeuvre
comme il a été dit plus haut, il a été constaté que ces métaux, qui n'ont pas étt
enlevés lors des écumages, suivent l'argent dans son mouvement de concert! ration. Si
EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES 1169
donc, à un moment donné, on arrête la cristallisation, il en résultera évidemment:
d'une pari, sous forme de cristaux, du plomb partiellement désargenté et rafliné; de
l'autre, un alliage resté liquide, enrichi de l'argent séparé des cristaux et rendu plus
impur par la présence des métaux étrangers amenés avec l'argent. Il est évident aussi
qu'en soumettant une quantité déterminée de plomb argentifère à une série depattïn-
sonages. une fraction relativement minime de la masse Gnira par contenir tout
l'argent, et que l'autre partie, la pins forte, finira par atteindre la pureté nécessaire
pour être livrée au commerce.
Dans les appareils qui nous occupent et qui remplacent les batteries de onze chau-
dières de pattinsonage ordinaire, au lieu d'agiter le bain avec un outil, on fait agir
directement la vapeur. Son action est ici essentiellement mécanique, bien que le rôle
qu'elle joue chimiquement, notamment dans le raffinage du plomb, soit assez impor-
tant. Sous le rapport de la cristallisation, l'expérience a démontré qu'il était bon de
ne la pousser que jusqu'aux deux tiers (cette limite n'a rien d'absolu cependant) du
contenu de la grande chaudière, parce qu'à ce point on est à peu près certain de
dédoubler la. teneur en argent du plomb pattinsoné. Pour une chaudière de 21,000 kilos,
par exemple à la teneur de 300 gr. 0/0 kilog. de plomb avant l'opération, on doit
obtenir après des cristaux à 650 grammes argent 0/0 de plomb et un fond liquide à
tiOO grammes.
Une dernière remarque. Dans le système, de pattinsonage ordinaire, on est obligé de
faire subir une opération préalable à tous les plombs avant de leur appliquer la cris-
tallisation avec les appareils par la vapeur. Les plombs très-impurs sont seuls épurés.
Les produits de la cristallisation sont: 1° du plomb marchand rafliné livré au com-
merce; 2° du plomb enrichi propre à être coupelle; 3° des crasses (oxydes) qui passent
à la réduction.
II. — Coupellation du plomb enrichi. — Nos fours à coupelles ne diffèrent pas dans
leurs dispositions principales des fours employés dans les usines qui. comme nous,
ont adopté la coupellation anglaise. Ce sont des fours à réverbère, à voûte fixe, dont
la sole mobile est une coupelle en os calcinés ou autres phosphates de chaux, portée
sur un chariot en fer. Le tirage s'effectue par des carnaux raccordés au grand conduit
collecteur des fumées (1). Quant au mode de travail, il est également le même qu'en
Angleterre et ailleurs. On chauffe à la houille, et l'oxydation est conduite rapidement.
On ajoute progressivement du plomb fondu dans une chaudière séparée, à mesure
que la litharge produite laisse de la place dans la coupelle. L'air nécessaire à l'oxyda-
tion est lancé par une brise, placée dans une embrasure du four, au-dessus et à l'ar-
rière de la coupelle. La pression du vent doit être assez forte pour déterminer à la
surface de la litharge en fusion des vagues régulières qui persistent jusqu'aux issues
^rainures) ménagées dans la tête de la coupelle et par !où s'effectue l'écoulement. Le
résultat principal de la coupellation est un gâteau d'argent qui reste liquide sur la
coupelle. Comme il n'est pas parfaitement pur, on le raffine après l'avoir extrait dans
des creusets en plombagine, chauffés dans des fours prismatiques analogues à ceux qui
servent dans les laboratoires, aux essais par la voie sèche. Le raffinage terminé, on
coule le contenu des creusets dans des lingotières en fonte. De cette manière, le
titre de l'argent est facilement amené à 999/1,000 de fin.
Les produits secondaires de la coupellation sont: 1° la litharge qui est transférée
aux fours de réduction pour y être revivifiée (l'usine ne prépare pas de litharges
marchandes) ; 2° la partie de fumée que l'on peut recueillir à l'état de cadmies dans
les conduits et les chambres de condensation ; 3° enfin les fonds de coupelles (mor-
1. Le grand conduit relie tous les fours de l'usine aux chambres de condensation et à la grande
heminée d'appel qui s'élève à son extrémité.
74
4170 EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
ceaux de vieilles coupelles concassées, imprégnés de plomb et de litharge). Ces deux
derniers produits passent à la fonte au four à manche.
Un four de coupelles en activité est conduit par deux coupelleurs, un de jour,
l'autre de nuit. Ils sont payés à la journée.
III. — Revivification des litharges et réduction des crasses au four à réverbère. —
La réduction ou revivification des litharges s'opère, quoique séparément cependant,
par le même procédé que la réduction des crasses produites par les appareils,
sur la tôle d'un four à réverbère chauffé à la houille et dans lequel les flammes ne
sont pas notablement oxydantes. Les matières plombeuses sont mélangées avec 7 à 8 0/0
de houille même, ou de tout autre substance réductive. Le mélange est chauffé au
rouge sombre et au contact du réductif, principalement des gaz produits par sa
décomposition. Ces oxydes sont facilement ramenés à l'état métallique. On obtient
ainsi la plus grande partie du plomb. L'autre partie se trouve répartie entre les
résidus plombeux (résidus d'affinage) que laisse la réduction et les fumées qui
s'échappent par le rampant. Les plombs de la réduction sont assez purs pour retour-
ner à la cristallisation. Les résidus d'affinage (litharge ou crasses) sont mis en dépôt,
jusqu'à ce que l'importance du tas permette d'entreprendre une campagne au four à
manche.
Le personnel ouvrier d'un four de réduction se compose, par poste de douze heures,
d'un chef et d'un aide travaillant à la journée.
IV. — Fonte des résidus, Four à manche. — Pour la fonte des résidus d'affinage, des
cadmies, mattes, fonds de coupures, balayures, etc., nous nous servons d'un four à
manche à cinq tuyères, dont la forme rappelle beaucoup le four Piltz. Le combus-
tible est le coke, et le vent nécessaire à la combustion est insufflé par un ventilateur.
Les lits de fusion dans lesquels on associe les matières plombeuses avec des fondants
de diverses natures (scories de forge, castine, spath fluor, etc.), les lits de fusion
sont chargés par stratification. On retire de la fonte au four à manche du plomb trop
chargé de corps étrangers pour entrer directement dans le roulement de la cristal-
lisation; des scories qui sont jetées, une faible quantité de mattes qui retournent
dans les lits de fusion et enfin les cadmies qui ont pu se condenser dans les carnaux.
Le four à manche occupe quatre ouvriers de jour (1 chef, 1 aide et 2 chargeurs)
et quatre ouvriers de nuit. Les lits de fusion sont préparés par des manœuvres et
montés sur le plancher de chargement à l'aide d'un monte-charge. Tous ces ouvriers
sont payés à la journée.
V. — Épuration des plombs. — Notre unique four d'épuration n'offre rien de parti-
culier, si ce n'est la sole, qui au lieu d'être en maçonnerie comme à l'ordinaire, est
formée par une bâche en fonte pouvant contenir 15 à 16,000 kilog. de plomb. Elle
est supportée par des piliers en brique, et munie d'un côté d'une tubulure venue de
fonte identique à celle des chaudières de cristallisation. Le but de l'épuration au four
à réverbère est d'oxyder la presque totalité des corps étrangers en perdant le moins
possible de plomb par volatilisation et par oxydation. Pour l'atteindre, il importe donc
que les flammes soient constamment oxydantes et que la température ne dépasse pas
le rouge sombre. Quand le plomb est à point, on le coule dans des lingotières et les
saumons sont portés à l'atelier de cristallisation.
Le travail du four d'épuration n'exige qu'un ouvrier permanent de jour et un autre
de nuit. Ils sont aidés, lors des coulées, par des manœuvres.
Les crasses que l'on enlève, dans le cours de l'épuration, sur le bain de plomb,
sont réduites au four à réverbère ou au four à manche suivant la nature des plombs
qui les ont déterminées. Si on a chargé le four avec des plombs de la fonte de résidus,
les crasses sont traitées à nouveau, mais à part, au four à manche, et le plomb
qu'elles produisent constitue le plomb antimonieux, plomb qui est livré au commerce;
i Ai i RSIONS M VISITES IM»I STRIELLES
1171
si au contraire les crasses d'épuration proviennent de plombs beaucoup moins sales
que les précédents, elles entrent dans la catégorie des matières susceptibles d'être
réduites au four à réverbère.
Pour faire face aux opérations de tous genres que nécessitent la désargentation et
le raffinage des plombs qu'elle traite, l'usine du Havre dispose du matériel suivant:
1° Deux appareil^ de désargentation par la vapeur d'eau avec leurs accessoires et
annexes (grue et générateur de vapeur) ;
2° Deux fours à coupeller ;
3" Deux réverbères pour la réduction des litharges et crasses diverses;
A" Un fourneau à manche;
5° Un — d épuration ;
6* Deux chambres de condensation; deux ventilateurs à l'usage des fours à eoupel-
ier et à manche, une machine à vapeur de 15 chevaux et un atelier de forgeron
pour la réparation de l'outillage.
Le personnel ouvrier attaché au service de ces divers fours, se compose, quand ils
sont tous en activité, de :
12 ouvriers pour les appareils ;
4
—
coupelleurs ;
8
—
aux fours de réduction ;
8
—
au four à manche ;
2
—
chauffeurs à la machine ;
ï
—
à la forge ;
12
—
manœuvres employés à divers travaux.
48
Étant donné une pleine activité, l'usine peut produire annuellement 6,000 tonnes
de plomb marchand (chiffre rond), 7 à 8,000 kilog. d'argent lin (ce chiffre varie
avec la teneur des plombs reçus) et 25 à 30 tonnes de plombs antimonieux.
ÉCLAIRAGE ELECTRIQUE DES ATELIERS DE M. Ern. MANCHON
DE ROUEN.
L'installation d'éclairage électrique, visitée à Rouen par les membres de l'Associa-
tion française, dans les ateliers de M. Ernest Manchon, restera certainement, dans
l'esprit des membres de cette honorable Société qui s'occupent plus particulièrement
d'industrie, un des faits les plus saillants de leur passage à Rouen.
Ce qui a paru absolument remarquable dans cette installation, établie par la mai-
son Sautter et Lemonnier, de Paris, sous la direction de M. Delahaye, c'est que la
lumière directe des foyers électriques est entièrement cachée. Cette lumière, grâce à
d'ingénieuses dispositions de détail, est envoyée sur le plafond, et, de là, utilisée par
diffusion. Il en résulte un éclairage ne produisant pour ainsi dire aucune ombre et
aucun point particulièrement brillant ; par suite, absence de fatigue pour l'œil, qui
n'est plus blessé par des oppositions violentes d'ombre et de lumière.
Pour la plupart des assistants, il y a eu dans cette intéressante visite une véritable
1172 EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
révélation de ce que Ton peut obtenir de la lumière électrique par faisceaux puissants
et habilement employés dans les salles de filature et de tissage; aussi nous sommes
heureux de pouvoir donner à ce sujet des détails précis, puisés auprès de M. Ernest
Manchon lui-même, l'habile industriel dont la ville entière connaît les qualités d'in-
telligente initiative.
L'atelier de tissage visité a 1,000 mètres carrés environ de superficie et était éclairé,
avant l'emploi de l'électricité, par 160 becs de gaz, brûlant chacun 153 litres par
heure, ce qui, à 32 centimes le mètre cube, constituait une dépense de 7 fr. 83 c.
par heure, rien que pour la consommation du gaz; y compris amortissement et
entretien, cette dépense se montait au moins à 9 fr.
Les 160 becs de gaz sont aujourd'hui remplacés par quatre foyers électriques, mais
M. E. Manchon, qui tient à un éclairage absolument parfait, compte porter à six le
nombre des foyers électriques; l'installation ainsi complétée coûtera 15.000 fr., et
cependant, y compris l'amortissement, l'heure d'éclairage de l'atelier ressortira seule-
ment à 4 fr. 91 c, soit une économie de 45 0/0 sur l'éclairage au gaz.
Il convient d'ajouter qu'avec six foyers électriques, l'éclairage sera infiniment supé-
rieur à celui des 160 becs de gaz qu'ils remplacent, sans compter la possibilité pour
les ouvrières tisseuses de distinguer les nuances les plus fausses et les conditions hygié-
niques absolument meilleures où ces ouvrières se trouvent placées.
L'habile industriel qui aura eu le mérite de réaliser le premier dans cette région
cette remarquable innovation, compte obtenir de ces deux chefs de notables avantages,
au point de vue de la qualité et de la quantité de production réalisée par chaque
métier.
LABORATOIRE DE CHIMIE DES HAUTES ÉTUDES, A ROUEN
Parmi les établissements scientifiques visités par les membres de l'Association fran
raisepour l'avancement des sciences, l'un de ceux qui devait, par sa nouveauté même,
fixer l'attention des savants voyageurs, était le laboratoire de chimie des hautes
études, à la tête duquel, sous la direction de M. J. Girardin, a été placé M. Her-
mite.
L'attention qu'ont portée les visiteurs à cet établissement se conçoit, lorsqu'on
songe que des laboratoires de ce genre n'existent qu'à Paris, à Caen et à Mar-
seille.
C'est un honneur pour la Normandie que de posséder à elle seule deux de ces labo-
ratoires, alors que la France entière n'en possède encore que quatre. Celui de Paris,
établi au Jardin des Plantes, sous la direction de M. Fremy, est organisé et fonc-
tionne absolument comme celui de Rouen.
La destination de ces laboratoires, encore peu connue du public, à ce qu'il semble,
consiste en ceci : que toute personne capable et désireuse de faire quelque expé-
rience ou même toute une série d'études, peut venir les faire dans ces laboratoires
publics et gratuits. Gratuits, nous insistons sur ce point capital, parce que beaucoup
de personnes se sont abstenues jusqu'ici de venir travailler dans ces laboratoires,
persuadées qu'il y aurait à payer une forte rétribution.
On n'y a rien autre chose à payer que les instruments cassés, lorsqu'on les casse,
EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES ||7,'{
et pour garantie contre les accidents de ce genre, tout travailleur, pour obtenir le
droit de manipulation au laboratoire des hautes études, doit déposer une somme de
50 IV., sur laquelle seront prélevés les frais de casse, s'il y a lieu, et qui, dans le
utraire, lui sera rendue tout entière à la fin de ses travaux. Citons les articles
1' , \ et 7. où sont stipulées ces conditions :
a 1. Le laboratoire des hautes études est ouvert gratuitement aux candidats aux
épreuves de la licence es sciences physiques et du doctorat, aux jeunes chimistes qui
désirenl se livror à une étude spéciale avant d'entrer dans une usine, enfin à toute
personne voulant entreprendre des recherches sérieuses sur un point quelconque de
chimie pure ou appliquée.
d 4, Chaque travailleur recevra, à son entrée dans l'établissement, un trousseau com-
posé des objets les plus indispensables aux manipulations chimiques; il en sera res-
ponsable et il devra le rendre en bon état ou en payer le prix. Comme garantie, une
somme sera versée dans les mains du chef de laboratoire, aussitôt après l'admission.
Ce qui n'aura pas été employé, sur cette somme, à réparer ou remplacer les usten-
siles détériorés ou brisés faute de soins, sera remis à chaque déposant au moment
de sa sortie.
» 7. Des armoires fermant à clefs et numérotées seront mises à la disposition des
travailleurs. Lorsqu'ils s'absenteront, ils devront y renfermer leur trousseau et les
ditlérents objets dont ils feront journellement usage. »
Nous ne surprendrons personne en disant que, môme avant d'être entièrement
terminé, le laboratoire de Rouen était utilisé.
Mais maintenant que tout est prêt, maintenant qu'un mobilier scientifique complet
peut être mis à la disposition des travailleurs, il n'est pas douteux que ceux-ci ne se
fassent inscrire prochainement en grand nombre.
Songe-t-on, en effet, aux avantages qu'un établissement de ce genre procure à la
jeunesse studieuse, et même à tous les chercheurs, à tous ceux qui, ayant à faire
quelques essais chimiques, se trouvaient réduits à l'impuissance faute des appareils
nécessaires!?
Des établissements de ce genre honorent les villes qui prennent l'initiative de leur
création. Rouen aura la gloire d'avoir, l'une des premières en France, réalisé ce
progrès scientifique.
TABLE ANALYTIQUE
Absorption de la lumière, 317.
atmosphérique de la lumière, 418.
Acide carbonique à Royat ; effets qu'il
produit, 853.
phosphorique des terres arables. 938.
oxalique (L') et les alcools polyato-
miques, 390.
phyllique, 365.
san tonique, 354.
sulfureux (Electrolyse de 1), 313.
Acides anhydres et bases anhydres, 351.
Acoustique. — Voir 314, 317.
Aéronautique : progrès récents, 252.
— Appareils nouveaux, 258.
Aérophore pulmonaire, 786.
Affections oculaires au Havre, 849.
Age de la pierre chez les nègres, 697.
Age du fer : nécropoles des Alpes, 771.
Albuminurie d'origine nerveuse, 820.
Alcoolo-diabélisme (L') et les blessures, 851.
Algérie (Colonisation de 1') par les enfants
assistés, 1,000.
Service météorologique, 17.
(L')au point de vue climatologique, 835.
Alglave. — Discussion sur les phénomè-
nes économiques dont le Brésil a été le
théâtre de 1864 à 1870, 1084.
Algues (Mode de préparation des), 593.
Alimentation du nouveau-né, 877.
Alluard. — L'Observatoire du Puy-de-
Dôme, 414.
Discussion sur le projet d'organisa.
tion du service agricole des prévisions du
temps, 414.
Nouvel hygromètreàcondensation,415
Des variations de la pression atmos-
phérique à différentes altitudes, consta-
tées à l'Observatoire du Puy-de-Dôme pen-
dant les bourrasques de l'hiver 1877, 435.
Alsace (L'homme préhistorique en), 713.
Al>in. — Echanges internationaux des
productions intellectuelles, 1106.
Ampullaires (Leur appareil respiratoire), 623.
(Foie des), 640.
Amputations sus et sous périostées, 815.
Amulette crânienne, 771.
Anasarque, traitement par le drainage ca-
pillaire, 856.
Anatomie végétale, préparation, 566.
Anesthésie par l'éther ; accidents chez un
enfant, 854.
Anévrysmes (Les) et l'électro-puncture, 800.
Angleterre (Les aquariums en), 944.
Angot (A.). — Recherches sur la forma-
tion des images photographiques, 333.
Le service météorologique en Algérie,
417.
Discussion sur les ballons captifs et
la météorologie, 453.
Discussion sur le psychromètre, 453.
des
Anomalie de la réfraction, 877
Appareil à tiges pour la composition
mouvements, 202.
Aquariums (Les) en Angleterre, 944.
Arrest (Comète périodique de d), 129.
Arséniates de cuivre et de soude, 983.
Art préhistorique en Normandie, 684.
Arterite cérébrale syphilitique, 850.
Asie: sa faune ichthyologique, 615.
centrale (Voies de commerce à tra-
vers 1'), 1076.
Association française (L'), en 1876, 27.
internationale africaine, 1876.
Ataxie locomotrice {L') et le traumatisme, 805.
Aubert (Dr P.). — Des modifications su-
bies par la sécrétion de la sueur dans les
maladies de la peau, 903.
Audenet. — Bénéfices obtenus par l'em-
ploi de nouvelles machines marines, 233.
Auscultation de l'ovaire, 894.
Autophagisme (L'), 813.
Avénéine, 388.
Avoine (Développement de 1'), 976.
(Expériences sur la culture de 1'), 941.
1176
TABLE ANALYTIQUE
Avoine (Glucoside de 1'), 388.
Baehr (G.-F.-W.). — Sur la cinématique
des fluides, 177.
Sur un moyen mécanique de déter-
miner les rayons de courbure des diffé-
rentes sections normales en un point
quelconque d'une surface, par l'observa-
tion du temps d'oscillation d'une règle
placée sur la surface, 203.
Figuration des inverses des nombres
entiers et des inverses des produits de
deux nombres entiers consécutifs, 222.
Haillon (H.). — Organogénie florale des
garrya, 561.
Recherches sur le développement de la
fleur des elodea, 582.
Préface du dictionnaire de botanique,
609.
■lui 1 lo h —Expériences sur les vignes phyl-
loxérées, 947.
Discussion sur le traitement des figues
phylloxérées, 996.
Ballons captifs (Les) et la météorologie, 453.
ltura (lut- (D1'). — Relation d'une épidémie
de lièvre typhoïde, 917.
Barbier. — Méthode rapide de dosage des
fers chromésj 364.
Ha Ht*. — Son procédé de préservation du
fer, 265.
Barrois (Dr Ch.). — Note sur le terrain
dévonien de la province de Léon (Espagne),
536.
Barrois (J.). — Embryogénie des bryo-
zoaires, 622.
■ Embryogénie des annélides et des la-
mellibranches, 657.
Sur l'anatomie et le développement
du pedalia mira, 661.
Bases anhydres (Action des) sur les acides
anhydres, 351.
Bathomètre Thomson, 267.
Bats (Presqu'île de), Ethnographie, 769.
Beaureg'ard. — Structure de la graine
des daphne, 590.
Réseaux vasculaires de l'œil, chez les
vertébrés, 639.
Bec du Macareux (Mue du), 610.
Béchanip [X.) — Sur l'inuline et sur la
lévuline, 346.
Discussion sur l'action des bases
anhydres sur les acides anhydres, 353.
Recherches sur la gomme a rabique, 371
Sur les fermentations, 372.
Dérivés trinitrés de l'inuline, 384.
Discussion sur la fermentation, 409.
— Sur des glucoses isomères, 410.
Béchamp (J.). — Action des bases anhy-
dres sur les acides anhydres, 351.
Benzo-phénone (Synthèse de la), 389.
Beo-*\Yulf (Le poème de), 1081.
Bergeroii (D'). — Discussion sur la scro-
fule au Havre, 862.
Berjfcron (Ch.). —Questions dignes d'in-
téresser l'Association française et qui
ont été traitées au Congrès de 1 Associa-
tion britannique dePlymouth, 260,
Bertillon. — Discussion sur les déforma-
tions crâniennes causées par la syphilis
héréditaire, 672.
Discussion sur les légendes des monu-
ments préhistoriques, 694.
Démographie de la Seine-Inférieure,
746.
Betterave à sucre : influence de la graine
sur la culture, 982.
Biard (G.). — La Société des voyages d'é-
tudes autour du monde, 73.
Discusssion sur la colonisation et
l'émigration, 1000.
Bibliothèques pédagogiques, 1131.
Bidard (Léon). — Note sur les eaux sulfu-
reuses et ferrugineuses, 402.
Bianelière (H. de La). — Les aquariums
en Angleterre, 944.
Discussion sur les maladies du lin, 965.
Blépharoraphie (La) et la blépharoplastie,
869.
Blessures (Les) chez les alcoolo-diabétiques,
851.
Bocliefontaiue. — Rapport qui existe
entre le poids du cerveau et le poids
total du corps chez le chien, 762.
Bolbec (Excursion de), 1160.
Bommy (Dr de).— Discussion sur la scro-
fule au Havre, 862.
Borély. — La Société des sciences et arts
agricoles et horticoles du Havre, 966.
Les cours de géographie commer-
ciale, au Havre, 1068.
Botkine (L.). — Changements hypothéti-
ques survenus à la surface de la lune, 179.
. La géographie des Saxons et le poëme
de Beo-Wulf, 1081.
Bougarel (L.). — Sur deux produits
nouveaux contenus dans les feuilles d'un
certain nombre de végétaux, 365.
L'acide phyllique, 590.
Bourlet de E«aTallée. — Sur la classi
fication à adopter dans un jardin bota-
nique, 582.
Procédé nouveau pour dessécher les
plantes, 593.
Bouteillcr (D'). — De la stalistique mé-
dicale, 912.
Brachycéphalie, 1 1 .
Bouvet. — Sur les monts-de-piété, 1124.
Brume Dr Ch.). — .Sur la corrélation
des forces physiques,
Sur les densités du soufre, 326.
— ■ Sur le soufre insoluble, 347.
Sur le soufre utriculaire, 364.
L'entorse el son traitement, 901.
Siii- L'eczéma, 9 12.
Brésil (Le] agricole el commercial, 1061.
phénomènes économiques dont il a
été le théâtre de 1864 à 1870, 108.
Brière (Dr). — Discussion sur l'état et le
délire malicieux, 815.
Considérations générales sur les mala-
dies des yeux au Havre et dans les envi-
rons, 849.
Discussion sur les altérations des
vaisseaux rétiniens, 850.
Discussion sur l'artérite cérébrale sv
TABLE ANALYTKH I il tl
BuiHNon. — Tube-tunnel pour la traver-
sée de la Matnche. Aération des mines et
des paquebots, 268.
Bureau (D' Louis). — Sur la mue du
bec et des ornements palpébraux du ma-
careux arctique, fratercula arctica (Lin.)
steph., après la saison des amours, 610.
Café (Le), 856.
Cuirai rapide des fractions continues, 179.
Cancer de l'utérus : Traitement palliatif, 886.
Cannlzaro. — Recherches sur l'acide
santonique, 354,
. Sur les densités de vapeur anomales,
355.
Capitaine. — Les Sociétés de géographie
commerciale et leur utilité pour l'exten-
sion du commerce extérieur de la France,
997.
C'artailliar. — Discussion sur l'homme
préhistorique en Alsace, 724.
Discussion sur les fouilles opérées
philitique, 851.
— Discussion sur la blépharoraphie et
la blépharoplastie dans les cas d'ectro-
pion invétéré, 869.
Bring (Théorème de), 180.
Brissaud. — Mouvements du cerveau
chez une malade de l'hôpital Saint-
Louis, 935.
Broca. — Discours d'ouverture, 10.
Discussion sur les déformations crâ-
niennes causées par la syphilis hérédi-
taire, 672.
Discussion sur les nouvelles rondelles
crâniennes de la Lozère et sur la tom-
belle de Boujoussac, 682.
Discussion sur les déformations crâ-
niennes observées à l'île de Vancouver,
699.
Discussion sur les enfants à crâne
déformé présentés par M. le Dr Gibert,
700.
Sur le cerveau du gorille, 706.
Discussion sur le chronomètre du
bassin de Penhouët, 711.
Discussion sur l'ethnologie archéolo-
gique et crânienne de la Seine-Inférieure,
727.
Discussion sur la carte ethnographique
de la France, 735.
Sur la thermométrie cérébrale, 935.
Brylinski. — Les phosphates de chaux
natifs, leurs gisements , leur origine, 516-
Bryozoaires (Leur embryogénie), 622.
dans la cité en pierres sèches de Saint-
Nectaire, 745.
Carte ethnographique de la France, 728.
Castration vLa) et le développement du
squelette, 893.
Catalan E.). — Sur la somme des divi-
seurs d'un nombre », 127.
. Evaluation des nombres premiers
compris entre des limites données, 208.
Sur quelques développements de l'in-
tégrale elliptique de première espèce, 214.
Catéchines (Sur les), 391.
Caux (L'agriculture dans le pays de), 974.
Cavernes quaternaires de Cresivell, 702.
Cazeneuve (Dr. P.). — Discussion sur
1 action des bases anhydres sur les acides
anhydres, 353.
Nouvelles recherches sur la fermen-
tation ammoniacale de l'urine et la géné-
ration spontanée, 361.
Celliez (P.). — De l'exploitation des
tramways à Paris, 242.
Cercle Franklin, au Havre, 1160.
Cerveau du gorille, 706.
son poids comparé à celui du corps
chez le chien, 763.
Mouvements du, 935.
V. Thermométrie, 935.
Chantre. — Les nécropoles du premier
âge de fer des Alpes françaises, 771.
Charpentier. — Effet cardio-vasculaire
des excitations des sens, 892.
Chemins de fer d'intérêt local, 1130.
transmission électrique aux trains en
marche, 230.
1178
TABLE ANALYTIQUE
Chemins de fer : freins électriques, 294.
(Régime économique des), 1124.
(Réorganisation du réseau des), 1126.
Chenilles et lépidoptères, 660.
Chien : V. Cerveau, 762.
Chloral (Injections de) : action sur la cir-
culation et la respiration, 802.
Chloruralion humide : méthode de traite-
ment du plomb argentifère, 381.
Chlorure de zinc (Le) basique comme dés-
infectant et antifermentescible, 378.
Chronomètre du bassin de Penhouët, 710, 711.
Cidaris (Les) du terrain jurassique de
Normandie, 479.
Cinématique des fluides, 177.
Circonférence (Division de la) en parties
égales, 159.
Circulation (La) et le chloral, 802.
Cités en pierres sèches de Saint-Nectaire,
740.
ouvrières du Havre, 1160.
Climats (Les anciens), et la végétation eu-
ropéenne, 1139.
Citrus decumana (Principe amer du), 384.
Clairçage du sucre raffiné en morceaux ré-
guliers, 242.
Clamageran. — Discussion sur les phé-
nomènes économiques dont le Brésil a été
le théâtre de 1864 à 1870, 1084.
Discussion sur les tendances écono-
miques de l'Europe, 1090.
Discussion sur la marine marchande
et son relèvement, 1105.
Classification dans un jardin botanique, 582.
Clermont (De). — Sur les composés du
manganèse.
Sur la dissociation des sels ammo-
niacaux, 385.
Nouvelle méthode de préparation des
sulfo-urées composées, 387.
Climatologie algérienne, 835.
Cloizeaux (Des). — Sur l'existence et
sur les caractères optiques, cristallogra-
phiques et chimiques du microcline, nou-
velle espèce de feldspath triclinique à
base de potasse, 508.
Cocon (Le) et ses dérivés : analyse chimique,
951.
Cœur (Compression du), dans les épanche-
ments du péricarde, 902.
(Mouvements du), effets des excitations
des sens, 892.
Colliçnon (Ed.). — Recherches sur le
mouvement épicycloidal, 92.
Colonisation (La) de l'Algérie par les en-
fants assistés. 1000.
Colonisation (La) et l'émigration, 999.
Colonne vertébrale : anomalie chez l'homme,
763.
Combles (Rigidité dans les), 273.
Comète de d'Arrest, 129.
Compagnie (La) générale transatlantique, 54.
Comparaison des mouvements vibratoires,
314.
Composés benzyliques et anisiques, 374.
Composition des mouvements (Appareils à
tige pour la), 202.
Congrès d'anthropologie de Buda-Pest, 695.
Contamine (G.). — Recherches sur l'acide
phosphorique des terres arables, 938.
Convergence des séries, 209.
Coordonnées tri-circulaires et tétrasphéri-
ques, 222.
Coquelin. — La colonisation et l'émigra-
tion, 229.
Discussion sur la colonisation de l'Al-
gérie au moyen des enfants assistés, 1003.
Cordes vibrantes (Energie des), 317.
Corenwinder (B.).— Etude sur les fonc-
tions des feuilles, 589.
Recherches sur l'acide phosphorique
des terres arables, 938.
Discussion sur les aquariums en An-
gleterre, 945.
Recherches chimiques sur les plantes
alimentaires, le panais, 946.
Discussion sur les maladies du lin,
965.
Cornu (A.). — Recherches sur la partie
ultra-violette du spectre solaire, 315.
Corps cristallisés. Cristaux, 541. Microcline,
508.
Corps jaune (Le) de l'ovaire pendant la gros-
sesse, 927.
Corrélation des forces physiques, 325.
Cotteau. — L'exposition géologique et pa-
léontologique au Havre, 66.
Considérations générales sur les cida-
ris du terrain jurassique de Normandie,
479.
Coudrier. — Morphologie de la fleur mâle.
554.
Courants du Pas-de-Calais, 289.
Courbes de niveau : leur emploi dans la sta-
tistique démographique, 758.
gauches algébriques : points singuliers,
132.
Cours de géographie commerciale au Havre,
1068.
Courty (Dr) . — Discussion sur les végéta-
tions de la muqueuse utérine et de leur
traitement, 796.
TABLE ANALYTIQUE
Courty.— Discussion sur l'albumine d'ori-
gine nerveuse. 822.
Sur le traitement palliatif du cancer
de l'utérus, 866.
Coût y. — Rapport qui existe entre le poids
du cerveau et le poids total du corps chez
le chien, 762.
Troubles produits par les gaz libres
intra-vasculaires, 835.
La température périphérique, dans ses
variations physiologiques ou pathologiques.
863.
Effets cardio-vasculaircsdes excitations
des nerfs, 892.
Crafts (J.-M.). — .Nouvelle méthode géné-
rale de synthèses d hydrocarbures, d'acé-
tones, etc., 375.
Synthèse de la benzo-phénone, 383.
Crânes déformés d'enfants, 700.
Cravanche (Grotte de), 724.
Crémation dans les dolmens de la Lozère,
675.
Creswell (Cavernes de), 702.
Cristaux: relations entre les axes d'élasti-
cité, de propagation de la chaleur et de
cohésion, 541.
Cucurbitacées . V. Organogénie , 596.
Culture de l'avoine et du maïs fourrage, 941.
Dajçrève (Dr). — Observation de névrite du
radial, 890.
Daleau (F.). — Observations sur les lé-
gendes des temps préhistoriques, 691.
Discussion sur le chronomètre du
bassin de Penhouët, 711.
Daily (Dr). — Discussion sur les défor-
mations crâniennes causées par la syphilis
héréditaire, 672.
Discussion sur les luxations paraly-
tiques du fémur, 798.
Sur l'état du délire malicieux, 814.
Dalton. — Sur des préparations d'anato-
mie végétale, 566.
Daltonisme : recherches cliniques, 870.
Daphne. V. Graine, 590.
Daymard . — Etude sur les dimensions
«les paquebots transatlantiques et sur
quelques progrès nouveaux à réaliser
dans les appareils moteurs, 236.
Déchets de l'industrie agricole du lin, 937.
Déformation des pièces courbes, 273.
Déformations crâniennes (Les) et la syphilis
héréditaire, 665.
crâniennes à Vancouvert, 698.
Dehérain (P. -P.). — L'Association fran-
çaise en 1876, 27.
Résultats
la culture
1179
d'expériences instituées
de l'avoine et du maïs
sur
fourrage, 941.
Discussion sur les expériences sur les
vignes phylloxérées, 948.
Recherches sur la germination. 948.
Discussion sur les maladies du lin, 965.
Recherches sur le développement de
l'avoine, 976.
Déhiscence des pyxides dans les plantains,
594.
Delahaye. — Note sur l'application de
l'éclairage électrique aux salles basses de
filature et de tissage, 341.
Délire malicieux, 814.
Démographie de la Seine-Inférieure, 746.
Densité du soufre, 326.
de vapeurs anomales, 355, 356 .
Deprez (M.).— Appareil à tiges pour la
composition des mouvements, 202.
De l'emploi des freins électriques, 294.
Indicateur optique de vitesse, 345.
Déradelphe (Pigeon), 627.
Dérivées invariantives irréductibles, 172.
Dérivés trinitrés de l'inuline, 384.
Dermite papillaire chronique envahissante,
932.
Dero (Dr J.). — De l'action physiologique et
pathologique du pétrole, 865.
Désargentation du plomb (Usine de) au
Havre, 1167.
Descamps. — De l'utilité des voyages
comme moyen d'éducation, 1081.
Désinfection par le chlorure de zinc basi-
que, 378.
Deslongchamps (E. E.) — Le Jura
normand, 457.
Dessiccation des plantes, 593.
Déterminant (Sur un), 177.
Développement (Le) du squelette et la cas-
tration, 893.
Développements de l'intégrale elliptique de
première espèce, 214.
Devoirs nouveaux du médecin, 845.
Diatomées du Havre, 555.
Dictionnaire de botanique. — Préface, 609.
Dion (De). — De la déformation et du
calcul des pièces courbes, 273.
Discussion d'un système d'équations du pre-
mier degré, 177.
Dissociation des sels ammoniacaux, 385.
Distribution géographique des produits com-
merciaux, 1004.
Division de la circonférence en parties égales,
167.
Dolichocéphalie , 11.
1180
TABLE ANALYTIQUE
Dolmens : crémation, 675.
Dosage des fers chromés, 364.
du tannin, 377.
Drainage capillaire dans l'anasarque , 856.
Drausart (Dr H.-N). — Du nystagmus
chez les mineurs, 783.
Droz. — De la marine marchande et de
son relèvement. 1100.
Dubar. — Les tendances économiques de
l'Europe, 1086.
— Discussion sur la marine marchande
et son relèvement, 1105.
Dncousso frères (J. et Th.). — Système
de transmission de signaux électriques
aux trains en marche, 230.
Duménil (Dr).— Dermite papillaire chro-
nique envahissante, 932.
»umont-Pallier(Dr).— Présentation d'un
anneau pessaireetd'un hystérophore, 853.
Durand (L'abbé).— Le Monténégro, 998.
Discussion sur la colonisation de l'Al-
gérie au moyen des enfants assistés, 1003.
— — La Guyane française et le Brésil agri-
cole et commercial, 1061,
Durée d'oscillation en fonction du rayon de
courbure, 203.
Butailly. — Morphologie de la fleur mâle
du coudrier, 554.
Sur la nature réelle des stipules des
rumex et des potamogetons, 581.
■ Nouvelles recherches sur les inflo-
rescences unilatérales des légumineuses,
588.
Recherches organogéniques sur les
formations axillaires chez les cucurbita-
cées, 596.
Duvergier (A.). — Perfectionnement àl'in-
dicateur Richard, 219.
Epileuse à air comprimé, 933.
Eaux gazeuses du Puy-de-Dôme, 408.
Eaux sulfureuses et ferrugineuses, 402.
Ebran. — Catalogue détaillé des plantes
phanérogames rares et curieuses des en-
virons du Havre, 553.
Procédé de préparation des algues,
593.
Echanges internationaux de productions in-
tellectuelles, 1106.
Echinodermes. — Leur mode de développe-
ment, 623.
Echiquier anallagmatique de M. Sylvester,
213.
Eclairage électrique, 315.
Application aux manufactures, 341.
Usine de M. Manchon, à Rouen, 1171.
Ecole d'arboriculture du Havre, 554.
École supérieure de commerce du Havre,
1093.
Ectropion invétéré. — Blépharoraphie et blé-
pharoplaslie, 869.
Eczéma (Sur 1'), 932.
Eddystone (Phare d'), 260.
Education publique : réformes à y intro-
duire, 1090.
Education ( Les voyages comme moyen
d'), 1081.
Électricité. — V. 313, 315, 340, 341, 342.
Electrolyse de l'acide sulfureux, 313.
Électro-puncture (L') et les anévrysmes, 800.
Elodea : V. Eleur, 582.
Embouchure de la Seine (Géologie de 1'), 38.
Embryogénie des bryozoaires, 622.
— — des annélides, 657.
des pedalia, 661.
Emétique : son emploi dans les névral-
gies, 798.
Émigration (L') et la colonisation, 999.
Enfants assistés (Colonisation de l'Algérie
par les), 1000.
Enfants à crâne déformé, 700.
Enregistrement des phénomènes méléorolo -
giques, 354.
Enseignement de la géographie commer-
ciale, 1004.
Entorse (L') et son traitement, 901.
Epanchements du péricarde : compression
du cœur, 902.
Epidémie de fièvre typhoïde, 917.
Epileuse à air comprimé, 933.
Équation (Intégration d'une) aux différen-
ces finies, 194.
trinôme (Résolution de 1'), 168.
Equations du premier degré (Discussion d'un
système d'), 177.
différentielles (Sur une classe d'), 183.
Equilibres chimiques entre l'hydrogène et
l'iode, 365.
Équipollences (Applications des), 142.
Espèces (Création desl, 582.
dites jordaniques, 591.
Étain (Action de 1') sur le perchlorure de
phosphore. 381.
Etats-Unis (Du sol et des richesses des), 1153.
Ethnogénie de la Seine- Inférieure, 725.
Ethnographie de la France, 728.
de la presqu'île de Batz, 769.
Ethylène [L'), et l'anhydride hypochloreux ,
action réciproque, 372.
Étiologie. V. Fièvre typhoïde, 917.
Étoiles (Photographie du spectre des), 324.
(Occultations d'), par Mars, 199.
Etretat (Excursion d), 1157.
TABLE \n \M i iiii i
I1K1
Vu Géologie du canton d'), 526.
Eucalyptus: prétendus phyllodes, 567.
Europe', ses tendances économiques, 1086.
talions des sens : elTft -^ cardio vascu
laires, 892.
/ ursions à Pécamp et Btretat, 1157; à
Tancarville, Lillebonne et Bolbec, 1160;
à Rouen, 1 161.
Imposition anthropologique de 1878,674, 703.
géologique du Havre 66.
rétrospective frisonne à Leuwarden,
1074.
Faisceaux fibrovasculaires : leur dévelop
peinent, 568.
Faune ichthyologique de l'Asie, 615.
paléozoïque du Languedoc, 529.
Fauvcl (Dr). — Observations de suture
•les os, 931 .
Fa^re (A.). — Recherches cliniques sur
le daltonisme. Éléments de statistique,
870.
Fécamp (Kxcursion de), 1157.
Feldspath (\ouvelle espèce de), le micro-
cline, 508.
Fer ^Nouveau procédé de préservation du),
265.
Fers chromés (Dosage des), 364.
Fermentation (Sur la), 408.
ammoniacale de l'urine, 361.
Fermentations (Sur les), 372.
Fertilité des terres volcaniques, 977.
Feuilles : leurs fonctions, 589.
Fieuzal (D'). — Discussion sur l'aéro-
phore pulmonaire, 787.
— - — Discussion sur l'état et le délire ma-
licieux, 815.
La blépharoraphie et la blépharoplas-
tie dans les cas d'ectropion invétéré,
869.
Fièvre paludéenne : nouveau mode de pro-
pagation, 823.
• ■ typhoïde : relation d'une épidémie,
917.
Fi iiot . — Sur les eaux gazeuses du Puy-
de-Dôme, 407.
Fleur des elodea : son développement, 582.
Fleury. — Présentation d'un appareil de
sauvetage, 204.
Flourens (&.). — Procédé de clairçage
pour la fabrication du sucre raffiné en
morceaux réguliers, 242.
Foie des ampullaires, 640.
Fol (Hermann). — Premiers phénomènes
du développement des échinodermes, 623.
Discussion sur la signification mor-
phologique des globules polaires, 626.
Folie. — Théorème concernant les seg-
ments d'une transversale tracée daiiv le
plan de deux triangles bomologiques, 142.
ige des pieux par injection d'eau , 886.
Fonctions des feuilles, 589.
FoiiviHh- \\ . de). — Les ballons captifs
et la météorologie, 453.
Force chimique de la lumière : absorption
par l'atmosphère, 'ils.
Force vire Ktude sur la variation de) des
planètes, I-1'.
Formation de la bouille, 517.
Formes linéaires el formes quadratiques bi-
naires : fractions génératrices, -lui.
Formule Nouvelle algébrique, 154.
Fonret. — Sm- une lui géométrique don-
née par M. ( hasles, 180.
Théorèmes sur les normales aux siir-
faces algébriqui s, 205
Fractions continues (Calcul rapide des ,179.
Frai lions : génératrices Y. Formes linéai-
res, 202.
Franck Dr F.).— Discussion sur l'aéro-
phore pulmonaire, 786.
Action des injections intraveineuses
de chloral sur la circulation et la respi-
ration, mi.
Discussion sur l'ataxie locomotrice
dans ses rapports avec le traumatisme,
806.
Sur la compression du cœur dans les
i |ianchements du péricarde, 902.
- Mouvement du cerveau chez un ma-
lade d.- l'hôpital Saint-I.ouis, 935.
Fredet (Dr). — Note sur les effets du gaz
acide carbonique, à Royat, envisagés au
point de vue physiologique et thérapeu-
tique, 853.
Freins électriques, 294.
Frcmj. — Discussion sur les causes delà
production des mélasses de betterave, 361.
Friedel (Ch.). — Nouvelle méthode géné-
rale de synthèse d'hydrocarbures, d'acé-
tones, etc., 375.
— Synthèse de la benzo-phénone, 383.
Production de quelques arséniates,
383.
Frise. V. Leuwarden, 1074.
Froment. — Sur le temple de Desaignes
(Ardèche), 665.
Fromentel (Dr E. de). — Recherches sur
la revivilication des rotifères, des anguil-
lules et des tardigrades, 641.
Gabès (Géologie de la province de), 501.
— — - (Le seuil de), 760.
1182
TABLE ANALYTIQUE
Gachassin-Ijaffite. — Discussion sur la
marine marchande et son relèvement.
1105.
Discussion sur le rétablissement des
tours, 1121.
Gai rai (Dr).— Aérophore pulmonaire, 786.
Discussion sur les végétations de la
muqueuse utérine et de leur traitement,
793.
Appareil pour le traitement des affee-
tions utérines, 848.
Galezowski (Dr). — Discussion sur les
maladies des yeux au Havre et dans les
environs, 849.
Sur la thermométrie en ophthalmo-
logie.
Sur les altérations des vaisseaux ré-
tiniens, 850.
Discussion sur les blessures chez les
alcoolo-diabétiques, 851.
Gallard (Dr T.). — Des végétations de
la muqueuse utérine et de leur traite-
ment, 788.
Gariel (C.-M.). — Appareil pour doser la
lumière. 340.
Garrya: organogénie florale, 551.
Gautier (A.). — Sur les catéchines, 391.
Gaz inlra-vasculaires : troubles qu'ils pro-
duisent, 835.
Geneix-llartin (L'abbé). — Sur un nou-
veau modèle de machine électrique, 242.
Produit d'action du perchlorure de
phosphore sur l'étain, 381.
Géographie commerciale (Enseignement de
la), 1004.
(Cours de) , au Havre, 1068.
Géologie (Observations de) et d'ethnologie,
493.
de la Normandie : exposition du Ha-
vre, 66.
normande : l'embouchure de la Seine,
68.
de l'embouchure de la Seine. Carte
géologique de Normandie, 458.
Germination (Recherches sur la), 948.
Giard. — Discussion sur les conséquen-
ces de l'ablation d'un œil chez les pois-
sons, 620.
Sur la signification morphologique
des globules polaires, 624.
Discussion sur le foie des ampullaires,
640.
Discussion sur l'embryogénie des
annélides et des lamellibranches, 659.
.. Importance de l'étude des chenilles
pour la classification des lépidoptères, 660.
Ciiard. — Discussion sur l'anatomie et
le développement du pedalia mira, 661.
Gibert (Dr). — Discussion sur les défor-
mations crâniennes causées par la syphi-
lis héréditaire, 672.
Présentation d'enfants à crâne dé-
formé, 700.
Discussion sur le nouveau mode de
propagation de la fièvre paludéenne, 829.
Discussion sur le traitement de l'ana-
sarque général, par un drainage capil-
laire, 860.
— — La scrofule au Havre, 860.
Glaisher (J.-W.-L.). - Théorème d'arith-
métique sur la somme des inverses des
puissances des nombres premiers, 172.
— Sur un déterminant, 177.
Théorème de trigonométrie, 211.
Glaisher (James). — Variations delà tem-
pérature avec l'altitude dans le voisinage
du sol, 439.
Globules polaires : leur signification mor-
phologique, 624.
Glucoses isomères, 410.
Glucoside de l'avoine, 388.
Gohierre de L.onjrcliainps. — Sur la
surface de Steiner, 159.
Note sur l'intégration d'une équation
aux différences finies, 194.
Gomme arabique, recherches nouvelles. 371.
Gorille (Cerveau du), 706.
Grad (Ch.). — Notice sur l'homme pré-
historique en Alsace, 713.
Graine (Influence de la) dans la culture de
la betterave à sucre, 982.
(Structure de la) des daphne, 590.
Cirand'Enry. — Mémoire sur la forma-
tion de la houille, 517.
Grasset (Ch. de). — Etude sommaire de
la forme paléozoïque du Languedoc et
des Basses-Pyrénées, 529.
Gravier. — Géographie du département
de la Seine-Inférieure sous les Romains,
1014.
Grenier (E.). — Les diatomées du Havre
et de ses environs, 555.
Grinwis (C.-H.-C). Sur l'absorption de la
lumière d'après la théorie de M. Max-
well, 317.
Sur leson dessonores cylindriques,317-
Sur l'énergie des cordes vibrantes,
317.
Grolous. — Etude sur la variation de
force vive des planètes, 129.
Note sur la convergence des séries,
209.
TABLE ANALYTIQUE
1183
Grossesse : ovaire, !»-7.
Rétroversion, 807.
Groult. — Notice sur les musées canto-
naux, 1107.
Guérout (A.) —Recherches sur l'électro-
lyse de l'acide sulfureux. 313.
Ciuiey8.se (P.). — Note sur les sonda
grande profondeur, 181.
Guinée : exploration de M. Bonnat, 1013.
Guiot. — Sur les composés du manganèse.
Sur la dissociation des sels ammo-
niacaux. 385.
Cu ii ni h». — Discussion mil' l'action des
bases anhydres sur les acides anhydres,
353.
Causes de la production des mélasses
de betterave, 358.
Présentation de produits divers se
rattachant à l'étude sur la formation de
la mélasse, 381.
Sur la fermentation, 408.
Guyane française (La), 1061.
Halphen. — Sur les points singuliers des
courbes gauches algébriques, 1 32.
llaïupel (Dr J.).— Compte rendu du Con-
grès d'anthropologie et d'archéologie pré-
historiques de Buda-Pest, 695.
Uamy (Dr). — Les voyages espagnols du
xvi" siècle, 1063.
Discussion sur les déformations crâ-
niennes causées par la syphilis hérédi-
taire, 672.
Discussion sur la crémation dans les
dolmens de la Lozère, 683.
Discussion sur les légendes des mo-
numents préhistoriques, 694.
L'âge de la pierre chez les nègres,
697.
Sur les déformations crâniennes ob-
servées à l'île de Vancouver, 698.
- Ethnogénie archéologique et crâ-
nienne de la Seine-Inférieure, 725.
Discussion sur la carte ethnographique
de France, 735.
Havre (Le) : École supérieure de commerce,
1093.
(Port du), 43.
Société des sciences et arts agri-
coles, 966.
(Les tramways du), 250.
Cours de géographie commerciale,
1068.
(Voirie urbaine du), 295.
Régime des sources qni l'alimen-
tent, 467.
V. Scrofule, 860; Affections oculaires ,849
Hawaii (Les îles), 1064.
Hémostase naturelle. M5.
Uenningcr (A.). — Sur un isoméiv de
Porcine, 373.
Henrot (Dr IL). — Lymphorrhagie bron-
chique, 887.
Hertz (Ch.). — Exploration de M. Bonnat
dans la Guinée, 1013.
Hippeau. — Sur les réformes à intro-
duire dans l'éducation publique, 1090.
Homme [V] à l'époque de Fours des ca-
vernes, 750.
— préhistorique en Alsace, 713.
quaternaire et tertiaire. 11.
Houille (Formation de la), 517.
(Recherche de la) dans la Seine-luiV-
rieure, 529.
Houzé de l'Aulnoit. — Discussion sur
les végétations de la muqueuse utérine- et
de leur traitement, 793.
Nouvelles études cliniques sur les
amputations sus et sous-périostées et sur
l'hémostase naturelle et définitive à la pé-
riode anémique, à l'aide de l'élévation du
membre et de la pression du baini
grandes et petites amputations sous pé-
riostées chez les adultes, 815.
Discussion sur l'albuminurie d'origine
nerveus ■. xj.1.
Houzé de l'Aulnoit. — Discussion sur
la scrofule au Havre, 862.
Hovelacque. — Discussion sur l'âge de
la pierre chez les nègres, 697.
Discussion sur la carte ethnogra-
phique de France, 734.
Carte des indices céphaliques de
France, 770.
Huffgins. _ Note sur le spectre photo-
graphique des étoiles, 324.
Recherches de M. Draper sur le
spectre solaire, 332.
Humidité de l'atmosphère : variations
annuelles, 413.
Hureau de Villeneuve. — Discussion
sur les ballons captifs et la météorologie,
1153.
Discussion sur la colonisation et l'émi-
gration, 1000.
La colonisation de l'Algérie au moyen
des enfants assistés, 1000.
Hydrogène : préparation en grand, 353.
Hygromètre à condensation, nouveau mo-
dèle, 415.
Hystérie (V) et la tuberculose pulmonaire,
829.
Hystérophore, 853.
recherches sur
1184
Ichthyologie de l'Asie, 615
Iles Hawaii (Les), 1064.
Images photographiques :
leur formation, 333.
Indicateur de pression : perfectionnements,
219.
optique de vitesse, 345.
Indices céphaliques (Carte des). 770.
Inflorescences unilatérales des légumineuses,
588.
Inosite (Fonction chimique de 1'), 390.
Insectes (Tubes de Malpighi des), 663.
Instruments enregistreurs, 344.
de pierre d'origine américaine. 751.
Intégrale (Sur l'existence de V), 198.
défini de première espèce : dévelop-
pements, 214.
Intégration d'une équation aux différences
finies, 194.
Intermittences du pouls, 804.
Inuline (Sur 1'), 346.
■ ■ Dérivés trinitrés, 384.
Inverses des nombres entiers (Figuration
des), 222.
Isomère (Sur un) de l'orcine, 373.
«Jablochkoff. — Note sur les éclairages
électriques, 315.
•In Mon ski. — Sur une classe d'équations
différentielles, 188.
Mémoire sur l'existence de l'intégrale,
198.
«In ii nef la y. (Ed.). — Relations entre les
axes d'élasticité, ceux de propagation
pour la chaleur et les directions princi-
pales de cohésion, 540.
•Janssen (J.). — Sur la photographie
solaire et les faits qu'elle nous révèle
touchant la constitution de la photos-
phère, 327.
Jardin botanique du Havre, 554 .
Jordanisme et antijordanisme, 553.
.Billion. — Sur l'existence du terrain
permien dans le département de l'Allier,
546.
Jura normand (Le), 457.
Klipffel. — Discussion sur les tendances
économiques de l'Europe, 1088.
Kyste de l'ovaire : tintement avec bruit de
flot de liquide, 894.
Kystes de la thyroïde : cure radicale, 911.
Laboratoire de chimie des hautes études, à
Rouen, 1172.
Ladureau (A.). — Note sur la compo-
sition de la laine, 369, 940.
- Études sur les maladies du lin. Le
thrips Uni, 951.
TABLE ANALYTIQUE
JLatlureau (A.). Étude sur l'influence de
la graine dans la culture de la betterave
à sucre, 982;
Ovadvocat (Alph.). — Renseignements
sur la voirie urbaine du Havre, 295.
ILagneau (Dr G.). — Discussion sur les
déformations crâniennes causées par la
syphilis héréditaire, 672.
— Discussion sur les déformations crâ-
niennes observées à l'île de Vancouver,
699.
- Discussion sur l'ethnogénie archéolo-
gique et crânienne de la Seine-Inférieure.
727.
— Carte ethnographique de France, 728.
Discussion sur le rétablissement des
tours. 1121.
Discussion sur la statistique démo-
graphique, 759.
— Discussion sur le seuil de Gabès aux
temps préhistoriques, 762.
— Discussion sur l'ethnographie de la
presqu'île de Ratz (Seine-Inférieure), 759.
— Discussion sur la carte des indices
céphaliques en France, 770.
Laine (Composition de la), 969, 940.
faisant (C.-A.). — Sur quelques pro-
priétés des polygones, 142.
Lait (Analyse du), 394.
Lait de femme : composition anormale, 877.
Laiicereaux (Dr). — De l'artérite céré-
brale syphilitique, 850.
liamloli (Dr). — Sur les anomalies de la
réfraction, 877.
liaiidowski (Dr). — Sur la climatologie
algérienne, 835.
Lauessan (J.-L. de). — Recherches sur
le développement des faisceaux dans le
sommet des axes et dans les appendices,
568.
«Laplanclie. — Discussion sur le rétablis-
sement des tours, 1116.
liaussedat (A.). — Les progrès récents
de l'aéronautique, 258.
«Lavalley. — Etablissement d'un port et
construction d'un chemin de fer à 1 île de
la Réunion, 1063.
Lecadre neveu (D1). — Contribution à
l'étude de léluctro-puncture dans le trai-
• tement des anévrysmes, 800.
décadré oncle (Dr). — Discussion sur
l'état et lé délire malicieux, 814.
Discussion sur l'albuminurie d'origine
nerveuse, 822.
— Nouveau mode de propagation de la
fièvre paludéenne, 823.
I Mil.E AN
Discussion sur les maladies des yem
au Havre et dans les environs, t
— Discussion sur ta scrofule au Havre,
■ .«■double (Dr). — De l'auscultation de
l'ovaire dans les kystes ovariques. Kyste
de I ovaire uniloculaire ouvert dans le
péritoine et dans l'intestin. Tintement
avec bruit de flot de liquide, 894.
Lefébure* — Sur la création des espè-
ces, 583.
Leforf (Joseph). — Etude sur le rétablis-
sement des tours, 1 litT, 1122.
Légendes des monuments préhistoriques, 091.
Légumineuses ( Inflorescences unilatérales
des), 588.
lii'moine (Em.). — Surquclques questions
de probabilités, 158
Lemoine. (G). Equilibres chimiques entre
l'hydrogène et l'iode gazeux, 3ti">.
Lennler. — La géologie normande. —
I. rinliouchure de la Seine, 38.
Études géologiques et paléontologi-
ques sur l'embouchure de la Seine, 458.
Carte géologique de Normandie. —
Géologie normande, 458.
Leuwarden: Exposition rétrospective fri-
sonne, 1074.
Lepaute fils (II.). — Dispositions nou-
velles d'appareils de phares lenticulaires
et de phares flottants catadiopti i<| in>.
223.
Lépidoptères et chenilles, 060.
I.«>î>lé (l)r). — Le café : Histoire, science,
hygiène, 856.
Ijotellier (d'Alençon) . — Notice sur le
musée d'histoire naturelle de la ville d'A-
lençon, 547.
LcteUier. — Sur la photographie appliquée
à la géologie et à l'anthrophologie, 750.
Liétiévant (E.) — Pansement antiseptique
au point de vue des résultats pratiques,
838.
H. finit» (Dr,E.). — De la tuberculose pul-
monaire chez les hystériques, 829.
— Discussion sur un nouveau mode de
propagation de la fièvre paludéenne,
829.
Leva§seur — Discussion sur la coloni-
sation et l'émigration, 1000.
Discussion sur la colonisation de
l'Algérie par les enfants assistés. 1003.
■ Discussion sur la géographie du dé-
partement de la Seine-Inférieure sous
les Romains, 1014.
\[,\ I h.M I 1 188
I. Association internationale afrn line,
1076.
Du sol et des richesses aux El its
Unis, 1153.
[«eveau. — Note sur la comète périodique
de d'Arrest, 129.
; taplanchette Nouvelle méthode de),
180.
Sur la), 346.
lias (Le] dans le département de l'Orne,
Lillebonnc excursion de,) 11G0.
Lin (Déchets de l'industrie agricole du),
937.
[Maladies du : Le Thrlps Uni, 951.
liionnet. — Les phosphates de chaux na-
tifs, leurs gisements, leur origine, 516.
i.iouville(D') — Discussion sur l'artérite
cérébrale sj philitique, 851.
Lister: V. Pansement, s ;v
Livon (Dr Th.) Nouvelles recherches sur
la fermentation ammoniacale de l'urine
et la génération spontanée, 361.
Loch à cadran, 302.
Loi géométrique donnée par M. Chastes, 180.
Longitudes (Détermination des) en France
et en Algérie, 327.
(Détermination des), 1060.
Lorin. — L'acide oxalique déshydraté peut
servir à caractériser les alcools polyato-
miques. Fonction chimique de l'inosite,
390.
l.oMiu (L.). — Sur une nouvelle méthode
de levé à la planchette, 180.
Lozère (Dolmens de la), crémation, 675.
Lucas (Ed.). — Considération nouvelle
sur la théorie des nombres premiers et
sur la division géométrique de la circon-
férence en parties égales, 159.
Sur le calcul rapide des fractions
continues, 179.
Sur l'échiquier anallagmatique de
M. Sylvester, 213.
Système des coordonnées tricircu-
laires et tétrasphériques, 222.
Lumière (Absorption de la), 317.
(Appareil pour doser la), 340.
Lune (Changements à la surface delà), 179.
9. ii ni* r (Dr). — Discussion sut les déforma-
tions crâniennes causées par la syphilis
héréditaire, 672.
Discussion sur la crémation dans les
dolmens de la Lozère, 683.
Discussion sur la scrofule au Havre,
862.
Luxations paralytiques du fémur, 797.
75
1186
TABLE ANALYTIQUE
Limier (D1'). — Lymphorrhagie bronchique,
887.
Macareux : Mue du bec et des ornements
palpébraux, 610.
Machine électrique: Nouveau modèle, 342.
Machines marines (Nouvelles), bénéfices pro-
duits par leur emploi, 233.
motrices de bateaux, 236.
Ha gens Hello (J.). — Les cavernes qua-
ternaires de Crèswell (Angleterre), 702.
Maire (Dr). — Discussion sur la scrofule
au Havre, 862.
Mais-fourrage (Expériences sur la culture
du), 941.
Maladies du lin, 951.
(Les) de la peau et la sécrétion de la
sueur, 903.
Manganèse: Composés divers. 385.
Haniiheim (A.). — Sur les plans tangents
singuliers de la surface de l'onde et sur les
sections faites dans cette surface par des
plans parallèles à ces plans tangents, 125.
Sur la surface de l'onde, 167.
Sur les normales de la surface de
l'onde, 175.
Ma «menue. — Recherches sur la germi-
nation, 948.
Marchand (Ch.). — De la composition
anormale que peuvent présenter certains
laits de femmes; de leur influence sur
l'alimentation du nouveau-né et des
moyens d'y remédier, 877.
Marchand (Eug.). — Analyse du lait, 394.
Sur l'absorption atmosphérique des
forces contenues dans la lumière, et sur
le calcul de cette absorption, 418.
Marchant. — L'agriculture dans le pays
de Caux, 974.
Marconière (La). V. Dolmens, 675.
Hardnel (Dr) . — Accidents dus à l'anes-
thésie par l'éther chez un enfant de
dix ans, 854.
Marées dans la mer d'Irlande et dans la
Manche, 283.
Marey (E. -.!.)• — Loch à cadran. — Odo-
graphe, 302.
Marié-Davy. — Nouveaux instruments
enregistreurs, 344.
Discussion sur les variations de ia
pression almosphéfique à différentes alti-
tudes, 437.
Discussion sur les ballons captifs et
la météorologie, 453.
Discussion sur le psychromètre, 453.
Marine marchande (La) , et son relève-
ment, 1100.
). — De l'emploi de l'émé-
le traitement des névral-
Harjoliu (D1). — Discussion sur le réta-
blissement des tours, 1116.
Marriott (W.). — Sur le psychromètre,
445.
Mars (Occultations d'étoiles, par), 199.
Marsy (Le comte de). — Quelques mots
sur l'exposition rétrospective frisonne de
Leuwarden, au point de vue des études
géographiques, 1074.
Hassart (D1). — Rétroversion utérine à
trois mois et demi de grossesse. Réduc-
tion. Accouchement à terme, 807.
if asson (G.). — Les finances de. l'Asso-
ciation, 35.
Masurel (Dr
tique dans
gies, 798.
Masurier. — Discours, 25.
llannoir. — Voyage du boudhiste Nac-
king dans le Thihet, 1013.
Haxwell-Lyte. — Procédé de chlorura-
tion humide, 381.
Mélasse: Produits divers en dérivant, 381.
de betterave, 358.
Hercadicr. — Nouvelle méthode de com-
paraison des mouvements vibratoires, 314.
Etude de la propagation de l'électri-
cité; mesures de petites différences de
temps, 340.
Herget. — Note sur la thermo-diffusion
gazeuse de la fonte. 311.
Meurdra (H.). — Étude sur le régime
des sources du Havre, 467.
Microcline (Caractères du), 508.
Milet. — Phénomènes économiques dont
le firésil a été le théâtre de 1864 à 1870,
1083.
Discussion sur les tendances écono-
miques de l'Europe, 1087.
Discussion sur la marine marchande
et son relèvement, 1105.
Millot (A.). — Note sur la fabrication du
phosphate bicalcique à l'aide des phos-
phates minéraux, 974.
Mineurs (N'ystagmus des), 783.
Monténégro (Le), 998.
Monts-de-Piété, 1124.
Monuments mégalithiques de Seine-et-Oise,
739.
préhistoriques : légendes qui s'y ratta-
chent, 691.
Morandière (J.). — Discussion sur le
système de transmission de signaux élec-
triques aux trains en marche. 231.
Morière. — Le lias dans le département
de l'Orne; son étendue; ses fossiles, 482.
I \i;i i: ANAl.ï I loi I
Mofphologie de la fleur mâle du coudrier,
554.
des globules polaires, 624.
llortilict (G. de). — Description du plan
officiel du palais du Trocadéro pour l'Ex.
position internationale de lsTs S
anthropologiques , 674
Discussion sur la i-rémation dans les
dolmens de la Lozère, 683.
Discussion sur les légendes des mo-
numents préhistoriques, 694.
Discussion sur l'âge de pierre chez
les nègres, 697.
Discussion sur les cavernes quater-
naire de Creswell (Angleterre .
Le chronomètre du bassin de Pen-
houët réduit à sa plus simple valeur ,710.
Discussion sur l'ethnogénie archéolo-
gique et crânienne de la Seine Inférieure,
725.
Discussion sur la monographie des
monuments mégalithiques et des objets
travaillés préhistoriques dans le dép
ment de Seine-et-Oise, 740.
Discussion sur les fouilles opérées
dans la cité en pierres sèches de Saint-
.Nectaire, 746.
Discussion sur la statistique démo-
graphique, 759.
— — Discussion sur le seuil de Gabès aux
1187
la
temps préhistoriques, 762.
Discussion sur une amulette crâ-
nienne, 771 .
llourgues. (Dr). — Le dogme de l'auto-
phagisme : Analyse organopathique au
point de vue du diagnostic et du traite-
ment des maladies, 813.
Sur le rôle de la révolution cosmique
et du parasitisme dans les maladies épi-
démiques des végétaux, 946.
Mouvement (Sur le) épicycloïdal, 92.
Mouvements vibratoires: Leur comparai-
son, 314.
Mue du bec du macareux, 611.
llultler. — Action réciproque de l'anhy-
dride hypochloreux et de l'éthylène, 372.
Muqueuse utérine: Ses végétations, 788.
Musée d'histoire naturelle d'Alençon, 546.
Musées cantonaux, 1107.
Nacking: Son voyage dans le Thibet, 1013.
rVansouty (Le général de). — L'Observa-
toire du Pic-du-Midi, 437.
Nanlier. — Recherches sur le dévelop-
pement de l'avoine, 976.
Navigation (La) transocéanienne, 54.
Nécropoles de l'âge du fer, 771.
Nepveu (Dr). — Sur l'oligurie et
polyurie d origine réflexe, 837 ■
ilgie faciale avec zone épileptogène,9SA.
\ ra lies: Action de l'émêtique, 798.
\ ' rite du radial, 890.
Nombres premiers (Sur les), compris entre
0 et 2n, 79.
(Sur là théorie des), 159.
(Somme des inverses des puissances
semblables des). 172.
compris entre deux limites, 208.
Noms géographiques : Leur orthographe,
1015, 1060.
Normales à la surface de l'onde, 175.
aux surfaces algébriques, 205.
Normand (J.-A.). — Sur les occultations
d'étoiles par Mars, observables pendant
l'opposition de 1*77, 199.
Normandie (Art préhistorique en), 684.
IVottelle. — Discussion sur les phéno-
mènes économiques dont le Brésil a été
le théâtre de 1864 à 1870, 1084.
Discussion sur la marine marchande
et son relèvement, 1105.
HV'oury. — Présentation de tableaux d'his-
toire naturelle, oiseaux d'Europe, 657.
Nystagmus des mineurs, 783.
uatoire du Puy-de-Dôme, 414.
du Pic-du-Midi, 437.
Occultations d'étoiles par Mars, 199.
Odographe, 934.
Œil (Ablation d'un), chez les poissons, 620.
(Réseaux vasculaires de 1'), 659.
Oligurie d'origine réflexe, 837.
Ollier (Dr). — Cure radicale des kystes
de la thyroïde, 911.
Ollier tle Alarickard. — Discussion sur
l'âge delà pierre chez les nègres, 697.
Discussion sur le chronomètre du
bassin de Penhouët, 711.
L'homme à l'époque du grand ours
des cavernes, 750.
Onde. V. Surface de l'onde, 125, 167, 175.
Ondes sonores cylindriques, 317.
Optique V. 315, 317, 324, 327, 332, 333, 340.
Orcine (Isomère de 1'), 373.
Oryanogénie des formations axillaires chez
les cucurbitacées, 596.
florale des garrya, 561 .
Orthographe des noms géographiques, 1015-
1060.
Os (Suture des), 931.
Ovaire (Corps jaune de 1'), pendant la gros-
sesse, 927.
Paléontologie normande, 479.
Panais : Recherches chimiques, 946.
1188
TABLE ANALYTIQUE
Pansement antiseptique : Résultats, 838.
Paquebots transatlantiques ; dimensions et
progrès nouveaux, 236.
Paquelin (Dr). — Indications sur l'emploi
du thermo-cautère, 852.
Paquier. — Les voies de commerce à tra-
vers l'Asie centrale, 1076.
Parasitisme (Le) dans les maladies des vé-
gétaux, 946.
Parme ntier (Le G"1). — Discussion sur
la géographie du département de la Seine-
Inférieure sous les Romains, 1014.
Quelques observations sur 1 orthogra-
phe des noms géographiques, 1015.
De la nécessité d'un vocabulaire po-
lyglotte, 1082.
Parrot (Dr J.). — Les déformations crânien-
nes causées par la syphilis héréditaire, 665.
- — — Discussion sur la crémation dans les
dolmens de la Lozère, 683.
Discussion sur les enfants à crâne
déformé présentés par M. leDrGibert, 701.
Pas-de-Calais (Courants dans le), 289.
(Géologie du tunnel du), 530.
Passy (Fréd.). — Discussion sur les ten-
dances économiques de l'Europe, 1088.
Discussion sur la marine marchande
et son relèvement, 1105.
■ Discussion sur le rétablissement des
tours, 1115-1121.
Pays de Caux (L'agriculture dans le), 974.
Pédagogie. V. 1004, 1090, 1093, 1107, 1131.
Pélijçot. — Discussion sur les résultats
d'expériences instituées sur la culture de
l'avoine et du maïs fourrage, 941.
Discussion sur les expériences sur les
vignes phylloxérées, 947.
Pellat. — Comparaisons des niveaux kim-
méridgiens et portlandiens au Havre et
dans le Boulonnais, 551.
Penhouët (Chronomètre du bassin de), 710,
711.
Perchlorure de phosphore (Action du) sur
l'étain, 381.
Perret (Em.). — Dosage du tannin des
écorces de chêne au point de vue indus-
triel, 377.
Action désinfectante anti-fermentes-
cible du chlorure de zinc basique en solu-
tion concentrée, 378.
Perrier (Le commandant). — Détermina-
tion des longitudes, latitudes et azimuts
terrestres en France et en Algérie, 327.
La détermination des longitudes et
la forme de la terre, 1060.
Pessaires nouveaux, 848, 853.
Petit. — Préparation de la pilocarpine,
392.
Petit (Dr L. -Henri). — De l'ataxie locomo-
trice dans ses rapports avec le traumatis-
me, 805.
Pétrole (Action physiologique et patholo-
gique du), 865.
Phare d'Kddystone, 260.
Phares lenticulaires à deux foyers et phares
flottants catadioptriques, 223.
Philippe. — Discussion sur les tendances
économiques de l'Europe, 1089.
Le régime économique des chemins
de fer, 1124.
Phosphates de chaux natifs, 516.
Phosphate bicalcique (Fabrication du), 974.
Photographie : Service spécial en Portugal,
315.
Spectre des étoiles, 324.
Étude de la formation des images.
333.
appliquée à l'anthropologie et à la
géologie, 750.
solaire, 327.
Phyllodes (prétendus) des eucalyptus, 567.
Phylloxéra, 996.
(Expériences sur le), 947.
Piarron de Alondesir. — Sur les
nombres premiers, 80.
Sur une nouvelle formule algébrique^
104.
- Sur la résolution de l'équation tri-
nôme de degré impair Xm ± X = R, au
moyen d'un nouveau signe algébrique,
168.
Picoline (La) et ses dérivés, 348.
Picquet. — Sur le système de n équations
du premier degré à n inconnues, 177.
Pièces courbes: déformation et calcul, 273.
Pierre (Age de la) chez les nègres, 697.
Pierres travaillées en Amérique, 751.
Pieux (Nouveau système de fonçage des), 286.
Pigeon monstrueux déradelphe, 627.
Pilocarpine, préparation, 392.
Piridine (Synthèse de la), 348.
Plans tangents à la surface de l'onde, 125.
Plantains: Y. Déhiscence, 594.
Plantes phanérogames du Havre, 553.
Pleurésie. V. Thoracentèse, 1136.
Plomb argentifère : Traitement par la chlo-
ruration humide, 381.
Poids du cerveau et du corps chez le chien,
762.
Points singuliers des courbes gauches algé-
briques, 132.
Poissons de l'Asie, 615.
TABLE ANALYTIQUE
1189
Poissons, effets de l'ablation d'un œil, 620.
Polygones (Propriétés des), 142.
Polyurie d'origine réflexe, 837.
l'omel (A.). — Géologie de la province de
Gabès et du littoral oriental de la Tuni-
sie, 501.
Discussion sur les fouilles opérées
dans la cité en pierres sèches de Saint-
Nectaire, 746.
— Le seuil de Gabès aux temps préhis-
toriques, 760.
Discussion sur la colonisation et l'é-
migration, 1000.
Discussion sur la colonisation de
l'Algérie au moyen des enfants assistés,
1003.
Pommerol (Dr F.). — Fouilles opérées
dans la cité en pierres sèches de Saint-
Nectaire, 740.
Sur des instruments de pierre d'ori-
gine américaine, 751.
Poucet (Dr). — De l'influence de la cas-
tration sur le développement du sque-
lette, 893.
Port du Havre, 43.
Potiiin. — Discussion sur l'ataxie loco-
motrice dans ses rapports avec le trauma-
tisme, 807.
Discussion sur l'albuminurie d'ori-
gine nerveuse, 822.
Discussion sur la température péri-
phérique dans ses variations physiologi-
ques ou pathologiques, 864.
Indications de la thoracentèse et ap-
pareil pour la pratiquer avec précision,
1136.
Potamogelon : Y. Stipules, 581.
Potier. — Le tunnel du Pas-de-Calais au
point de vue* géologique, 530.
Pouchet (DrG.). — Sur les conséquences
de l'ablation d'un œil chez les poissons,
620.
— s— Discussion sur le foie chez les am-
pullaires, 641.
Pouls (Intermittences du), 80'i.
Préservation du fer, 265.
Pression atmosphérique. Variations annuelles,
412.
Variations à différentes latitudes.
435.
Prêt d'instruments aux agriculteurs, 974.
Prévision du temps : Organisation du ser-
vice agricole, 414.
Probabilités (Questions de), 158.
Propagation de l'électricité, 340.
de la fièvre paludéenne, 823.
Prunières. — La crémation dans les
dolmens de la Lozère. Nouvelles ron-
delles crâniennes. Dolmens de la Marco-
nière et tombelle de Botijassac, 675.
Discussion sur l'âge de la pierre chez
les nègres, 698.
Psyehromè're (Sur le), 445.
Pulliguy (Ve de). — L'art préhistori-
que en Haute-Normandie, 684.
Puy-de-Dôme. Eaux gazeuses, 408.
Observatoire, 414.
Pyxides : Leur déhiscence dans les plan-
tains, 594.
Quatre f âges (De). — Mémoire sur un pi-
geon monstrueux du genre déradelphe
(Isidore Geoffroy Saint-Hilaire) ; déradel-
phe synanencéphale (Nobis), 627.
Discussion sur les déformations crâ-
niennes causées par la syphilis hérédi-
taire, 672.
L'exposition des sciences anthropolo-
giques, 702.
<|uiu (Ch.). — Résumé d'observations
nouvelles de géologie et d'ethnologie lo-
cales, 493.
■ Sur les végétaux fossiles de l'arron-
dissement du Havre, 555.
4|uiiiette de Rochemont. — Le port
du Havre, 43.
Quinidine : Préparation, 393.
Rabot. — Exposé d'une monographie des
monuments mégalithiques et des objets
travaillés préhistoriques dans le départe-
ment de Seine-et-Oise, 739.
Races fossiles (Les) de l'Europe occidentale,
11.
Rafaillac. — Discussion sur la carte
ethnographique de France, 736.
Ragona (D.) . — Variations annuelles de
pression atmosphérique, 412.
Variations diurnes de l'humidité de
l'atmosphère, 413.
Discussion sur le projet d'organisa-
tion du service agricole des prévisions
du temps, 415.
— Variations effectives de la température,
438.
Ramsay (Dr W.). — Synthèse de la piri
dine. — La picoline et ses dérivés, 348.
Rayons de courbures déterminés par le
temps d'oscillation, 203.
ultrà-violets du spectre solaire, 315.
Reclus (Dr P.). — Luxations paralytiques
du fémur, 797.
Discussion sur l'albuminurie d'ori-
gine nerveuse, 822.
1190
TABLE ANALYTIQUE
Rértier. — Thermomètre enregistreur ,
316.
Nouveau thermomètre enregistreur,
417.
Réduction d'une rétroversion utérine pen-
dant la grossesse, 807.
Réformes à introduire dans l'éducation pu-
blique, 1090.
Réfraction (Anomalies de la), 877.
Régime économique des chemins de fer, 1124.
des sources du Havre, 467.
Renaud. — Notes sur les tramways du
Havre, 250.
Renaud (G.). — De l'orthographe des
noms géographiques, 1060.
Renouard fils (A.). — Les déchets de
l'industrie agricole du lin, 937.
Analyse chimique du cocon et de ses
dérivés, 951.
Discussion sur les maladies du lin.
964.
Renouvellement des traités de commerce,
1082.
Réorganisation du réseau des chemins de
fer, 1126.
Réseau des chemins de fer (Réorganisation
du), 1126.
Réseaux vasculaires de l'œil, 659.
Résistance des matériaux, 269, 273.
Résolution de l'équation trinôme, 168.
Respiration chez les Ampullaires, 623.
(La) et le chloral, 802.
Rétablissement des tours, 1107.
Rétroversion utérine pendant la grossesse :
Réduction, 807.
Réunion (Ile de la) : Établissement d'un port
et construction d'un chemin de fer, 1063.
Revivipcation des rotifères, 641.
Richesse minérale de la France : Moyens de
la développer, 459.
Rigaud. — Sur une amulette crânienne,
771.
Rigidité dans les combles, 269.
Rodrigues (J.-J.). — Description du ser-
vice photographique du gouvernement
portugais, 315.
Roehrig. — Discussion sur la colonisa-
sation et l'émigration, 999.
Méthode d'enseignement proposée
pour l'étude des marchandises ou pro-
duits commerciaux naturels et manufac-
turés. Distribution géographique de ces
produits, 1004.
Rolland-ltanès (L.). — Des moyens de
développer et d'accroître la richesse mi-
nérale de la France, 459.
Sur la recherche de la houille dans
le département de la Seine-Inférieure,
520.
Rotifères (Revivification des), 641.
Rouchy (l'abbé).— Le jordanisme etl'anti-
jordanisme, 553.
Sur quelques espèces dites jordani-
ques, 591.
Rouen (Excursion de), 1161.
Royat, 853.
Rozy.— Le renouvellement des traités de
commerce, 1084.
Discussion sur les tendances écono-
miques de l'Europe, 1088.
Discussion sur la marine marchande
et son relèvement, 1105.
Sur les chemins de fer d'intérêt local
1130.
Rumex. V. Stipules, 581.
Sabatier. — Sur l'appareil respiratoire des
ampullaires, 623.
Etudes sur le foie chez les ampullaires,
640.
Sur les tubes de Malpighi des in-
sectes, 663.
Saint-Nectaire (Cités en pierres sèches
de), 740.
Saporta (G. de). — Sur l'existence du ter-
rain permien dans le département de
l'Allier, 546.
Les anciens climats et leur rapport
avec la marche et le développement de la
végétation européenne, 1139.
Sarrasin (E.). — Production de quelques
arséniates, 383.
Sauvage (H. -E. ).— Considérations sur la
faune ichthyologique des eaux douces de
l'Asie, et en particulier de l'Indo-Chine,
615.
Sauvetage (Appareil de), 204.
Saxons (La géographie des), 1081.
Scrofule (La), au Havre, 860.
Sécrétion de la sueur dans les maladies de
la peau, 903.
Sections de la surface de l'onde, 125.
Segments (Sur les) d'une transversale tracée
dans le plan de deux triangles homolo-
giques, 142.
Séguin (DrE.).— Uniformité internatio-
nale d'observations en médecine, 787.
Discussion sur le nouveau mode de
propagation de la fièvre paludéenne,
828.
■ Nouveaux devoirs du médecin. Né-
cessité de l'intervention du médecin dans
l'éducation, 845.
TABLE ANALYTIQUE
Seine Géologie de l'embouchure (de la). 38
Seine- Inférieure (Géographie du département
de la) sous les Romains, 1014.
V. Ethnogénie, 725.
Démographie, 746.
Séries (Convergence des), 209.
Sérullas. — Sur un glucoside nouveau
contenu dans l'avoine, 388.
Serrurier. — Création de bibliothèques
pédagogiques, 1131
Service météorologique en Algérie, 417.
Seuil de Gabès aux temps préhistoriques, 760.
Shoolbred (James N.). — Note sur la
marche des marées dans la mer d'Irlande».
et dans la Manche, 283.
Siegfried (J.). — L'Ecole supérieure du
commerce du Havre, 1093.
Silex taillés en Amérique, 751.
Silva (R. D.). — Sur quelques composés
benziliques et anisiques, 374.
Sinety (Dr de). — Du corps jaune de l'o-
vaire pendant la grossesse, 927.
Sirodot. — Le chronomètre du bassin de
Penhouët, 711.
Société géologique de Normandie, 66.
des sciences et arts agricoles et hor-
ticoles du Havre, 996.
(La) des voyages autour du monde, 73.
Sociétés (Les) de géographie commerciale ,
997.
Soleil (Photographies du), 327.
Somme des diviseurs d'un nombre, 127.
des inverses des puissances sembla-
bles des nombres premiers, 172.
Sondages à grande profondeur, 181.
en mer par le bathomètre, 181.
Soufre (Densité du), 326.
insoluble, 347.
utriculaire, 364.
Sources du Havre : Leur origine, 467.
Sowthey (Dr). — Traitement de l'anasarque
général par un drainage capillaire, 856.
Spectre photographique des étoiles, 324.
solaire : Partie ultra-violette, 315.
solaire : Recherches de M. Draper,
332.
Squelette. — V . Castration, 893.
Statistique démographique : Emploi des
courbes de niveau, 758.
médicale (De la), 912.
Steiner (Sur la surface de), 159.
Stipules des Rumex et des Potamogeton: leur
nature réelle, 581.
Stoecklin. — Note sur un nouveau sys-
tème de fonçage des pieux par injection
d'eau, 286.
1191
— Quelques considérations sur les cou-
rants alternatifs dans le détroit du Pas-
de-Calais, 289.
Sacre. —V. Clairçage, ~2\2.
Sueur (La sécrétion de la) et les maladies
de la peau, 903.
Sulfo-urées composées : Nouvelle préparation,
387.
Surface de l'onde (Sur la), 125, 167, 175.
plans tangents singuliers et sections
parallèles, 125.
Surface (Sur la) de Steiner, 159.
Surfaces algébriques (Normales aux), 205.
Su turc des os, 931.
Sylvester. — Application de la nouvelle
méthode pour trouver les dérivées inva-
riantives irréductibles, 172.
Sur le théorème de Rring, 180.
Fractions génératrices pour les deux
cas d'un nombre indéfini de formes
linéaires et de formes quadratiques bi-
naires et liaison algébrique entre deux
numérateurs, 202.
Sylvester (Echiquier anallagmatique de),
213.
Synthèse (Méthode générale de) d'hydrocar-
bures, d'acétones, etc., 375.
Syphilis héréditaire (La) et les déformations
crâniennes, 665.
Tableaux d'histoire naturelle, 657.
Tancarville (Excursion de), 1160.
Tannin : Dosage dans les écorces de chêne,
377.
Tarry. — Discussion sur les variations de
la pression atmosphérique à différentes
altitudes, 437.
Description d'un tourbillon atmos-
phérique, 453.
Tat i n (Victor). — Etude sur le vol méca-
nique, 307.
Teisserenc de Bort (L.). — La quin-
zaine météorologique. Présentation, 418.
Teissier (Dr).— Sur l'albuminurie d'origine
nerveuse, 820.
Téléphone, 261.
Température : Variations effectives, 438.
Variations avec l'altitude, 439.
périphérique : ses variations, 883.
Temple de Desaignes, 665.
Tendances économiques de l'Europe, 1086.
Terrain dévonien de la province de Léon,
536.
permien dans l'Allier, 546.
Terrains kimmeridgiens et portlandiens au
Havre et dans le Boulonnais, 551.
| paléozoïques de la Basse-Normandie,493
1192
TABLE ANALYTIQUE
Terreil. — Discussion sur l'action des ba-
ses anhydres sur les acides anhydres, 353.
Terres arables (Acide phosphorique des), 938.
volcaniques (Fertilité des), 977.
Théorème de Brinçj, 180.
Théorie des nombres, 78, 127, 159, 172. 208.
Thermo-cautère, 852.
Thermo-diffusion gazeuse de la fonte. 311 .
Thermomètre enregistreur, 316.
nouveau modèle, 417.
Thermométrie cérébrale, 935.
(La) en ophthalmologie, 850.
Thibet : Voyage du boudhiste Nacking,
1013.
Thomson : Nouveau bathomèire, 267.
Thoraientèse (Indications de la); appareil
pour la pratiquer avec précision, 1136.
Thrips Uni, 951.
Thyroïde (Kystes de la) : cure radicale, 91 1*
Tison (D' Ed.) — Les prétendus phyllodes
des eucalyptus, 567.
Mécanisme delà déhiscence des pyxi-
des dans les plantains, 594.
Tissandier (G.) — Préparation en grand
de l'hydrogène. Nouveaux appareils de
M. Giffard, 353.
Tocquart. — Action des injections intra-
veineuses de choral sur la circulation et
la respiration, 802.
Topinard (Dr Paul). — Discussion sur la
carte ethnographique de France, 736.
Des anomalies de nombre de la co-
lonne vertébrale chez l'homme, 763.
Discussion sur lethnographie de la
presqu'île de Batz (Loire-Inférieure), 769.
Discussion sur la carte des indices
céphaliques de France, 770.
Tourbillon atmosphérique : Description, 453.
Tours (Le rétablissement des), 1107.
Traités de commerce (Renouvellement des),
1084.
Tramways de Paris, 242.
du Havre, 250.
Transmission de signaux électriques aux
trains en marche, 230.
Traumatisme (Le) et l'ataxie locomotrice,
805.
Transversales : V. Segments, 142.
Trélat (Em.) — La rigidité dans les
combles, 269.
Triangles homologiques : Voir Segments
142.
Trigonométrie (Théorème de), 211.
Tripier (Dr). — Cas de névralgie faciale
avec zone épileptogène, 854.
Tromelin (G. de). — Etude des terrains
paléozoïques de la Basse-Normandie, par-
ticulièrement dans les départements de
l'Orne et du Calvados, 493.
Etude sommaire de la faune paléo-
zoïque du Languedoc et des Basses-Py-
rénées, 529.
— - Sur l'ethnographie de la presqu'île
de Batz (Loire-Inférieure), 769.
Truchot. — Sur les eaux gazeuses du
Puy-de-Dôme, 407.
De la fertilité des terres volcaniques,
977.
Tuberculose pulmonaire chez les hystériques,
829.
Tubes de Malpighi des insectes, 663.
Tunisie : Géologie du littoral oriental, 501.
Tunnel de la Manche, 268.
du Pas-de-Calais, 530.
Uniformité des observations médicales, 787.
Urine (Fermentation ammoniacale de 1'),
361.
Utérus (Cancer de 1) ; traitement palliatif,
886.
Vaisseaux rétiniens (Altérations des), 850.
Vancouver (Déformations crâniennes à), 698.
Vapeurs (Densités de), 355, 356.
Varambaux (E.) — Géologie du canton
d'Eu, 526.
Varig'iiy (H. de). — Les îles Hawaii : es-
quisse générale, 1064.
Vauthier. — Statistique démographique.
Système graphique des courbes de ni-
veau, 758.
La réorganisation du réseau des che-
mins de fer, 1126.
Végétation européenne (La) et les anciens
climats, 1139.
de la muqueuse utérine, 788.
Végétaux fossiles du Havre, 555.
Verneuil (Dr). — Discussion sur les luxa-
tions paralytiques du fémur, 798.
Discussion sur l'ataxie locomotrice
dans ses rapports avec le traumatisme,
806.
Des blessures chez les alcoolo-diabé-
liques, 851.
Discussion sur le traitement de l'ana-
sarque général par un drainage capillaire,
860.
Discussion sur la blépharoraphie et
la blépharoplastie dans les cas d'ectropion
invétéré, 869.
Vétillard. — Note sur un nouveau sys-
tème de fonçage des pieux par injection
d'eau, 286.
Vial. — La navigation transocéanienne, 54.
TABLE ANALYTIQUE
1193
Vignes phylloxérées, 947, 996.
Vinot. — Proposition de création d'une
collection circulante d'instruments de
physique à l'usage des membres de l'As-
sociation française, 325.
• Projet d'organisation du service agri-
cole des prévisions du temps, 414.
Les instruments d'agriculture; projet
de prêt aux agriculteurs, 974.
Visites scientifiques et industrielles au Havre,
1156; à LillebonneetBolbec, 11G0; a Rouen,
1161.
Vocabulaire polyglotte : Sa nécessité, 1082.
Vog-t (G.) — Sur un isomère de l'orcine,
373.
Voies de commerce à travers l'Asie centrale,
1076.
Voirie urbaine du Havre, 295.
Vol mécanique, 307.
Voyages espagnols du xvr siècle, 1063,
■ d'études (La Société des) autour du
monde, 73,
- (Utilité des) comme moyen d'éduca-
tion, 1081,
Yry (Dr J -L. de). — Principe amer du
citrus decumanay 384.
Extraction de la quinidine, 393.
Wurtz. — Discussion sur la synthèse de
la piridine, 351 .
Discussion sur l'action des bases anhy-
dres sur les acides anhydres, 352.
Sur les densités de vapeurs ano-
males, 356.
Xainbcu. — Discussion sur les expé-
riences sur les vignes phylloxérées, 947.
- Traitement des vignes phylloxérées,
996.
TABLE DES MATIÈRES
Décret de reconnaissance d'utilité publique i
•Statuts • In
Règlement v"
LISTE DES MEMBRES
Membres fondateurs xv
Id. à vie • • xxl
Liste générale des membres xxv
Liste des savants étrangers venus au Congrès lxxi
Liste des sociétés savantes représentées au Congrès * . . . lxxii
ASSEMBLÉES GÉNÉRALES
Assemblée générale du 24 août 1877 1
Id. Id. 30 id. 1877 2
Bureau et Conseil d'administration *
Programme de la Session 6
Comité local du Havre '
SÉANCES GÉNÉRALES
Séance d'ouverture du 21 août lSffff. — Présidence de M. Broca. . . 9
Broca. — Les races fossiles de l'Europe occidentale 10
Masurier. — Discours 25
P. -P. Dehérain. — L'Association française en 1876 27
G. Masson. — Les finances de l'Association 38
Séance générale du 24= août lSffff. — Présidence de M. Broca.
Lennier. — La géologie normande. — L'embouchure de la Seine 38
Quinette de Rochemont . — Le port du Havre 43
Vial. — La navigation transocéanienne 54
Séance générale du 29 août 18??. — Présidence de M. Broca.
Cotteau. — L'Exposition géologique et paléontologique au Havre 66
G. Biard. — La Société des voyages d'études autour du monde. 73
J196 TABLE DES MATIÈRES
SÉANCES DE SECTIONS
PREMIER GROUPE. — SCIENCES MATHÉMATIQUES
1" et 2e sections. — Mathématiques, astronomie, géodésie
et mécanique.
Bureau "'^
Piarron de Mondesir. — Sur les nombres premiers 80
Ed. Collignon. — Recherches sur le mouvement épicycloïdal 92
A. Mannheim. — Sur les plans tangents singuliers de la surface de l'onde et
sur les sections faites dans cette surface par des plans parallèles à ces plans
tangents 125
E. Catalan. — Sur la somme des diviseurs d'un nombre n 127
Grolous. — Etude sur la variation de force vive des planètes . 129
Leveau. — Note sur la comète périodique de d'Arrest 129
Halphen. — Sur les points singuliers des courbes gauches algébriques .... 132
Folie. — Théorème concernant les segments d'une transversale tracée dans le
plan de deux triangles homologiques . 142
L.-A. Laisaint. — Sur quelques propriétés des polygones 142
Piarron de Mondesir. — Sur une nouvelle formule algébrique 154
Em. Lemoine. — Sur quelques questions de probabilités 158
Gohierre de Longchamps. — Sur la surface de Steiner 159
Ed. Lucas. — Considérations nouvelles sur la théorie des nombres premiers
et sur la division géométrique de la circonférence en parties égales 167
A. Mannheim. — Sur la surface de l'onde 167
Piarron de Mondesir. — Sur la résolution de l'équation trinôme de degré
impair Xm ± X = R, au moyen d'un nouveau signe algébrique 108
Sylvester. — Application de la nouvelle méthode pour trouver les dérivées
invariantives irréductibles 172
J.-W.-L. Glaisher. — Théorème d'arithmétique sur la somme des inverses
des puissances semblables des nombres premiers 172
A. Mannheim. — Sur les normales de la surface de l'onde 175
Picquet. — Sur le système de n équations du premier degré à n inconnues. . 177
Baehr. — Sur la cinématique des fluides 177
J.-W.-L. Glaisher. — Sur un déterminant 177
L. Botkine. — Changements hypothétiques survenus à la surface de la lune . 179
Ed. Lucas. — Sur le calcul rapide des fractions continues 179
Fouret. — Sur une loi géométrique donnée par M. Chasles Î180
Sylvester. — Sur le théorème de Bring 180
L. Lottin. — Sur une nouvelle méthode de levé à la planchette 180
P. Guieysse. — Note sur les sondages à grande profondeur 181
Jablonski. — Sur une classe d'équations différentielles 188
Gohierre de Longchamps. — Note sur l'intégration d'une équation aux diffé-
rences unies 194
Jablonski. — Mémoire sur l'existence de l'intégrale. 198
J.-A. Normand. — Sur les occultations d'étoiles par Mars, observables pendant
l'opposition de 1877 199
Sylvester. — Fractions génératrices pour les deux cas d'un nombre indéfini
de formes linéaires et de formes quadratiques binaires et liaison algébrique
entre les deux numérateurs 202
Marcel Deprez. — Appareil à tiges pour la composition des mouvements. . . 202
G-.J.-W. Baehr. — Sur un moyen mécanique de déterminer les rayons de
courbure des différentes sections normales en un point quelconque d'une sur-
face-, par l'observation du temps d'oscillation d'une règle placée sur la sur-
face 203
TAULE DES MATIÈRES 1197
Fleiry. — Présentation d'un appareil de sauvetage 204
G. Pouret. — Théorèmes sur les normales aux surfaces algébriques 205
i ITALAN. — Evaluation des nombres premiers compris entre des limites
données 208
I. Crolous. — Note sur la convergence des séries ■ 209
•l-.W.-L. Glaiser. — Théorème de trigonométrie 211
Ki». Lucas. — Sur l'échiquier anallagma.tique de M. Sylvester 213
Catalan. — Sur quelques développement de I intégrale elliptique de première
espèce 214
A. Duyergier. — Perfectionnement à l'indicateur Richard 21!)
E. Lucas. — Système des coordonnées tricirculaires et tétrasphériques .... 222
Baehr. — Figuration des inverses des nombres entiers et des inverses des pro-
duits de deux nombres entiers consécutifs 222
3" et 4e sections. — Génie civil et militaire.
Bureau 223
Henry Lepaute fils. — Dispositions nouvelles d'appareils de phares lenticu-
laires et de phares flottants catadioptriques 223
J. et Th. Ducousso frères. — Système de transmission de signaux électriques
aux trains en marche 230
Morandiére. — Discussion sur la communication précédente 231
Audenet. — Bénéfices obtenus par l'emploi des nouvelles machines marines. . 233
Daymard. — Etude sur les dimension-- des paquebots transatlantiques et sur
quelques progrès nouveaux à réaliser dans les appareils moteurs 236
G. Flourens. — Procédé de clairçage pour la fabrication du sucre raffiné en
morceaux réguliers l\l
P. Celliez. — De l'exploitation des tramways à Paris 242
Renaud. — Note sur les tramways du Havre 250
A. Laussedat. — Les progrès récents de l'aéronautique l'rl
Renard. — Descriptions d'appareils nouveaux relatifs à l'aéronautique 258
Ch. Bergeron. — Questions dignes d intéresser l'Association française et qui
ont été traitées au Congrès de l'Association britannique de Plymouth .... 260
Buisson. — Tube-tunnel pour la traversée de la Manche. Aération des mines et
des paquebots 268
Ëm. Trélat. — La rigidité dans les combles 269
De Dion. — De la déformation et du calcul des pièces courbes 273
James N. Shoolbred. — Note sur la marche des marées dans la mer d'Irlande
et dans la .Manche 283
Stœcklin et Vétillard. — Note sur un nouveau système de fonçage des pieux
par injection d'eau 286
Stœcklin. — Quelques considérations sur les courants alternatifs dans le détroit
du Pas-de-Calais ." 289
M. Deprez. — De l'emploi des freins électriques 294
Alph, Ladvocat. — Renseignements sur la voirie urbaine du Havre 295
E. J. Marey. — Loch à cadran. — Odographe 302
V. Tatin. — Etude sur le vol mécanique 307
Titres des travaux n'ayant pu être communiqués en séance 309
DEUXIÈME GROUPE. — SCIENCES PHYSIQUES ET CHIMIQUES
5e section. — Physique.
Bureau 311
Merget. — Note sur la thermo-diffusion gazeuse de la fonte 311
A. Guérout.— Recherches sur l'électrolyse de l'acide sulfureux 313
Mercadier.— Nouvelle méthode de comparaison des mouvements vibratoires. . 314
'H 98 TABLE DES MATIÈRES
Jablochkoff. — Note sur les éclairages électriques 315
J.-J. Rodrigues. — Description du service photographique du gouvernement
portugais 315
A. Cornu.— Recherches sur la partie ultra-violette du spectre solaire 315
Rédier. — Thermomètre enregistreur 316
C.-H.-C. Grinwis. — Sur l'absorption de la lumière, d'après la théorie de
M. Maxwell 317
— Sur les ondes sonores cylindriques 317
— Sur l'énergie des cordes vibrantes 317
Huggins.— Note sur le spectre photographique des étoiles 324
Vinot. — Proposition de création d'une collection circulante d'instruments de
physique, à l'usage des membres de l'Association Française 325
Dr Ch. Brame. — Sur la corrélation des forces physiques 325
— Sur les densités du soufre 326
J. Perrier. — Détermination des longitudes, latitudes et azimuts terrestres,
en France et en Algérie - 327
J. Janssen. — Sur la photographie solaire et les faits qu'elle nous révèle
touchant la constitution de la photosphère 347
Huggins. — Recherches de M. Draper sur le spectre solaire 332
A. Angot. — Recherches sur la formation des images photographiques .... 333
Mercadier. — Etude sur la propagation de l'électricité ; mesures de petites
différences de temps 340
C.-M. Gariel. — Appareil pour doser la lumière 340
Delahaye. — Note sur l'application de l'éclairage électrique aux salles basses
de filature et de tissage 341
Geneix-Martin (l'abbé). — Sur un nouveau modèle de machine électrique. . . 342
Marié Davy. — Nouveaux instruments enregistreurs . . . 344
M. Deprez. — Indicateur optique de vitesse 345
6e section. — Chimie.
Bureau 346
A. Béchamp.— Sur l'inuline et sur la lévuline 346
Dr Ch. Brame.— Sur le soufre insoluble 347
Dr W. Ramsay.— Synthèse de la piridine. La picoline et ses dérivés 348
Wurtz. — Discussion sur la communication précédente 351
J. Béchamp. — Action des bases anhydres sur les acides anhydres '. . 351
Wurtz. — Discussion sur la communication précédente 352
A. Béchamp. — — 353
Gunning. — — 353
Terreil. — — 353
Cazeneuve. — — 353
G. Tissandier. — Préparation en grand de l'hydrogène. Nouveaux appareils de
M. Giffard 353
Cannizaro. — Recherches sur l'acide santonique 354
— Sur les densités de vapeur anomales 355
Ad. Wurtz.— Sur les densités de vapeur anomales 356
Guïsning. — Causes de la production des mélasses de betterave 358
Frémy. — Discussion sur la communication précédente 361
D" P. Cazeneuve et Ch. Livon. — Nouvelles recherches sur la fermentation
ammoniacale de l'urine et la génération spontanée 361
Dr Ch. Brame.— Sur le soufre utriculaire 364
Barbier. — Méthode rapide de dosage des fers chromés 364
G. Lemoine.— Equilibres chimiques entre l'hydrogène et l'iode gazeux. . . . 365
Ch. Bougarel. — Sur deux produits nouveaux contenus dans les feuilles d'un
certain nombre de végétaux 365
A. Ladureau.— Note sur la composition de la laine . . 369
taule DES MATIÈRES 1199
A. Béchamp. — Recherches sur la gomme arabique 371
— Sur les fermentations 37:2
Mulder. — Action réciproque de l'anhydride hypochloreux et de léthylène . . 372
A. Bjbnningeh et G. Vogt. — Sur un isomère de l'orcine 373
K.-D. Silva.— Sur quelques composés benziliques et anisiques 374
Ch. Friedel et J.-M. Crakts. — Nouvelle méthode générale de synthèse d'hy-
drocarbures, d'acétones, etc 375
Em. Perret. — Dosage du tannin des écorces de chêne au point de vue indus-
triel 377
— Action désinfectante antit'ernientescible du chlorure de zinc
basique en solution concentrée 378
Geneix-Martin (l'abbé).— Produit d'action du perchlorure de phosphore sur
l'étain 381
Gunning. — Présentation de produits divers se rattachant à l'étude sur la for-
mation de la mélasse 381
M wwi'.LL-LvrE. — Procédé de chloruration humide 381
Ch. Friedel et J.-M. Crafts. — Synthèse de la benzo-phénone 383
Ch. Friedel et E. Sarrasin.— Production de quelques arséniates 383
Dr J.-L. de Vry. — Principe amer du citrus decumana 384
A. Béchamp. — Dérivés trinitrés de linuline 384
De Clermont et Guiot. — Sur les composés du manganèse. Sur la dissociation
des sels ammoniacaux 385
De Clermont.— Nouvelle méthode de préparation des sulfo-urées composées . 387
Sérullas. — Sur un glucoside nouveau contenu dans l'avoine 388
Lorin. — L'acide oxalique déshydraté peut servir a caractériser les alcools po-
lyatomiques. Fonction chimique de l'inosite 390
A. Gautier. — Sur les catéchines ' 391
Petit. — Préparation de la pilocarpine 392
De Vry. — Extraction de la quinidine 393
Eug. Marchand. — Analyse du lait " 394
Léon Bidard.— Note sur les eaux sulfureuses et ferrugineuses 402
Truchot et Finot.— Sur les eaux gazeuses du Puy-de-Dôme 407
J.-W. Gunning.— Sur la fermentation 408
Béchamp.— Discussion sur la communication précédente 409
A. Béchamp. — Sur des glucoses isomères 410
7e section,— Météorologie et physique du globe.
Bureau 412
D. Ragona.— Variations annuelles de la pression atmosphérique 412
— Variations diurnes de l'humidité de l'atmosphère. ....... 413
Alluard. — L'observatoire du Puy-de-Dôme 414
J. Vinot.— Projet d'organisation du service agricole des prévisions du temps. 414
Alluard. — Discussion sur la communication précédente 414
Ragona. — — 415
Alluard. — Nouvel hygromètre à condensation 415
Rédier. — Nouveau thermomètre enregistreur •. . . . 417
Angot. — Le service météorologique en Algérie . 417
L. Teisserenc de Bort. — La quinzaine météorologique. Présentation 418
Eug. Marchand. — Sur l'absorption atmosphérique des forces contenues dans
la lumière et sur le calcul de cette absorption 418
Alluard. — Des variations de la pression atmosphérique à différentes altitudes,
constatées à l'observatoire du Puy-de-Dôme, pendant les bourrasques de
l'hiver 1877 435
Tarry. — Discussion sur la communication précédente 437
Marié-Davy. — — *37
Général de Nansouty. — L'observatoire du Pic du Midi • • • • 437
1200 TABLE DES MATIÈRES
D. Ragona. — Variations effectives de la température 438
J. Glaisher. — Variations de la température avec l'altitude dans le voisinage
du sol 439
W. Marriott. — Sur le psychromètre 445
Angot. — Discussion sur la communication précédente 455
Marié-Davy. — — 453
De Fonvielle. — Les ballons captifs et la météorologie 453
Hureau de Villeneuve. — Discussion sur la communication précédente. . . . 453 .
Angot. —, — .... 453
Marié-Davy. — — .... 453
Tarry. — Description d'un tourbillon atmosphérique 453
Titres des travaux n'ayant pu être communiqués en séance 454
Vœux émis par la section de météorologie 454
TROISIÈME GROUPE. — SCIENCES NATURELLES.
8e section. — Géologie et minéralogie.
Bureau 457
E.-E. Deslongchamps. — Le Jura normand 457
Lennier. — Etudes géologiques et paléontologiques sur l'embouchure de la
Seine ' 458
— Carte géologique de Normandie. — Géologie normande 458
Roli.and-Banès. — Des moyens de développer et d'accroître la richesse miné-
rale de la France 459
H. Meurdra. Etude sur le régime des sources du Havre 467
Cotteau. — Considérations générales sur les cidaris du terrain jurassique de
Normandie , 479
Morière. — Le lias dans le département de l'Orne. — Son étendue. — Ses
fossiles , 482
Ch. Quin. — Résumé d'observations nouvelles de géologie et d'ethnologie
locales 493
G. de Tromelin. — Etude des terrains paléozoiques de la Basse-Normandie,
particulièrement dans les départements de l'Orne et du Calvados 493
A. Pomel. — Géologie de la province de Gabès et du littoral oriental de la
Tunisie 501
Des Cloizeaux. — Sur l'existence et sur les caractères optiques cristallogra-
phiques et chimiques du microcine, nouvelle espèce de feldspath triclinique
à base de potasse 508
Brylinski et Lionnet. — Les phosphates de chaux natifs, leurs gisements,
leur origine 516
Grand'Eury. — Mémoire sur la formation de la houille 517
Varambaux (E.). — Géologie du canton d'Eu 526
Gaston de Tromelin et Ch. de Grasset. — Etude sommaire de la faune paléo-
zoïque du Languedoc et des Basses-Pyrénées 529
L. Rolland-Banès. — Sur la recherche de la houille dans le département de
la Seine-Inférieure 529
Potier. — Le tunnel du Pas-de-Calais au point de vue géologique 530
Dr Ch. Barrois. — Note sur le terrain dévonien de la province de Léon
(Espagne) 536
Ed. Jannetaz. — Relations entre les axes d'élasticité, ceux de propagation pour
la chaleur, et les directions principales de cohésion 540
Julien et de Saporta. — Sur l'existence du terrain permien dans le départe-
tement de l'Allier 546
Letellier. — Notice sur le musée d'histoire naturelle de la ville d'Alençon . . 547
Pellat. — Comparaison des niveaux kimméridgiens et portlandiens au Havre
et dans le Bourbonnais ........ 551
TABI.K DES MATIÈRES 1201
9e section. — Botanique.
ySi
Bbran. _ Catalogue détaillé des plantes phanérogames rares ou curieuses des
environ-; du Havre 553
L'abbé Roocht. — Le joi-danisine et l'anti-jordanisme 553
Di rAILLT. — Morphologie de la fleur mâle du coudrier 554
Visite au jardin botanique et à l'école d'arboriculture 554
Ch. Quin. — Sur les végétaux fossiles de l'arrondissement du Havre 555
K. Grenier. — Les diatomées du Havre et de ses environs 555
H. Bâillon. — Organogénie florale des garrya 561
Dalton. —Sur des préparations d'anatomie végétale 566
Edouard Tison. — Les prétendus phyllodes des eucalyptus 567
J.-L. de Lanessan. — Recherches sur le développement des faisceaux dans
le sommet des axes et dans les appendices 568
Dutailly. — Sur la nature réelle des stipules des rumex et des potamogetons. 581
Bourlet de Lavallée. — Sur la classification à adopter dans un jardin botanique. 582
Lefébure. — Sur la création des espèces 582
H. Bâillon. — Recherches sur le développement de la fleur des elodea. ... 582
Dutully — Nouvelles recherches sur les inflorescences unilatérales des légu-
^S8
mineuses °
Corenwtnder. Etude sur les fonctions des feuilles 589
Bougarel. — L'acide phyllique 5yo
Bealregard. — Structure de la graine des daphne 590
L'abbé Rouchy. — Sur quelques espèces, dites jordaniques 591
Bourlet de Lavallée. — Procédé nouveau pour dessécher les plantes 593
Ebran. — Procédé de préparation des algues 593
Kd. Tison. — Mécanisme de la déhiscence des pyxides dans les plantains ... 594
G. Dutailly. — Recherches organogéniques sur les formations axillaires chez
les cucurbitacées ■ •
H. Bâillon. — Préface du dictionnaire de botanique 609
10e section. — Zoologie et zootechnie.
Rdreau 610
Dr Louis Rureau. — Sur la mue du bec et des ornements palpébraux du maca-
reux arctique, fratercula arclica (Lin.) steph., après la saison des amours. . 610
H.-E. Sauvage. — Considérations sur la faune ichthyologique des eaux douces
de l'Asie et en particulier de l'Indo- Chine 615
G. Pouchet. — Sur les conséquences de l'ablation d'un œil chez les poissons. . 620
Giard. — Discussion sur la communication précédente 621
.T. Barrois. — Embryogénie des bryozoaires 622
Sabatier. — Sur l'appareil respiratoire des ampullaires 623
Hermann Fol. — Premiers phénomènes du développement des échinodermes. 623
A. Giard. — Sur la signification morphologique des globules polaires 624
H. Fol. — Discussion sur la communication précédente 626
De Quatrefages. — Mémoire sur un pigeon monstrueux du genre déradelphe
(Isidore Geoffroy Saint-Hilaire) ; déradelphe synanencéphale (Nobis) 627
Sabatier. — Etudes sur le foie chez les ampullaires 640
Giard. — Discussion sur la communication précédente 641
Pouchet. — — 641
E. de Fromentel. — Recherches sur la revivification des rotifères, des anguil-
lules et des tardigrades 641
Noury. — Présentation de tableaux d'histoire naturelle, oiseaux d'Europe ... 657
J. Barrois. — Embryogénie des annélides et des lamellibranches 657
Giard. — Discussion sur la communication précédente 659
Dr Bealregard. — Réseaux vasculaires de l'œil des vertébrés 659
76
1202 TABLE DES MATIÈRES
A. Giard. —Importance de l'étude des chenilles pour la classification des lépi-
doptères .' 660
i. Barrois. — Sur l'anatomie et le développement du pedalia mira 661
Giard. — Discussion sur la communication précédente 663
Sabatier. — Sur les tubes de Malpighi des insectes 663
11e section. — Anthropologie.
Bureau - • • 665
Froment. — Sur le temple de Desaignes (Ardèche) . 665
J. Parrot. — Les déformations crâniennes causées par la syphilis héréditaire . 665
Hamy. — Discussion sur la communication précédente . . , 672
Lunier. — — 672
Lagneau. — — 672
Broca. — — 672
Gibert. — — 672
Dally. - - 673
De Quatrefages. — — 673
Bertillon. — — 673
De Mortillet. — Description du plan officiel du palais du Trocadéro pour
l'Exposition internationale de 1878. (Sciences anthropologiques.) 674
Prunières. — La crémation dans les dolmens de la Lozère. Nouvelles rondelles
crâniennes. Dolmens de la Marconière et tombelles de Boujassac 675
Broca. — Discussion sur la communication précédente 682
Hamy. - - 683
Parrot. — — 683
Lunier. — — 683
De Mortillet. — — 683
Vte de Pulligny. — L'art préhistorique en Haute-Normandie 684
François Daleau. — Observations sur les légendes des monuments préhisto-
riques 691
De Mortillet. — Discussion sur la communication précédente 694
Bertillon. — — 694
Hamy. — — 694
Dr J. Hampel. — Compte-rendu du congrès d anthropologie et d'archéologie
préhistoriques de Buda-Pest 695
Dr Hamy. — L'âge de la pierre chez les nègres 697
Hovelacque. — Discussion sur la communication précédente 697
Ollier de Marichard. — — 697
De Mortillet, — — ....... 697
Prunières. — — 698
Dr Hamy. — Sur les déformations crâniennes observées à l'île de Vancouver . 698
Lagneau. — Discussion sur la communication précédente '. 699
Broca. — — 699
Dr Gibert. — Présentation d'enfants à crâne déformé 700
Broca. — Discussion sur la communication précédente 700
Parrot. — — 701
De Quatrefages. — L'exposition des sciences authropologiques 702
J. Magens Mello. — Les cavernes quaternaires de Creswell (Angleterre) . . . 702
De Mortillet. — Discussion sur la communication précédente 705
P. Broca. — Sur le cerveau du gorille 706
G. de Mortillet. — Le chronomètre du bassin de Penhouët réduit à sa plus
simple valeur 710
Daleau. — Discussion sur la communication précédente 711
Broca. — — 711
Ollier de Marichard. — — 711
Sirodot. — Le chronomètre du bassin de Penhouët 711
TABLE DES MATIÈRES 1 ^i < > !
tu. CiiAD. — Notice sur l'homme préhistorique en Alsace 713
Gartailhac. — Discussion sur la communication précédente 72i
Dr IIamy. — Ethnogénie archéologique et crânienne de la Seine-Inférieure. . . 725
De Mortillet. — Discussion sur la communication précédente 727
Beoca. — 727
Lagneau. — — 727
G. Lagneau. — Carte ethnographique de France 728
Hovelacqoe. — Discussion sur la communication précédente 734
Hamy. — 735
Broc.v. — 735
Rafaillac. — — 73G
Topinard. — — 736
Rabot. _ Exposé d'une monographie des monuments mégalithiques et des
objets travaillés préhistoriques dans le département de Seine-et-Oise .... 739
De Mortillet. — Discussion sur la communication précédente 740
Dr F. Pommerol. — Fouilles opérées dans la cité en pierres sèches de Saint-
Nectaire 740
Cartailhac. — Discussion sur la communication précédente 745
Pomel. — — 746
De Mortillet. — — 746
Dr Bertillon. — Démographie de la Seine-Inférieure 746
Letellier. — Sur la photographie appliquée à la géologie et à l'anthropologie. 750
Ollier de Marichard. — L'homme à l'époque du grand ours des cavernes . . 750
D' F. Pommerol. — Sur des instruments de pierre d'origine américaine. ... 751
\ ai thier. — Statistique démographique. Système graphique des courbes de
niveau 758
De Mortillet. — Discussion sur la communication précédente 759
Lagneau. — — 759
A. Pomel. — Le seuil de Gabès aux temps préhistoriques 760
De Mortillet. — Discussion sur la communication précédente 762
Lagneau. — — 762
Bochefontaine et Couty. — Rapport qui existe entré le poids du cerveau et le
poids total du corps chez le chien 762
D1' Paul Topinard. — Des anomalies de nombre de la colonne vertébrale chez
l'homme 763
De Tromelin. — Sur l'ethnographie de la presqu'île de Batz (Loire-Inférieure). 769
Topinard. — Discussion sur la communication précédente 769
Lagneau. — Discussion sur la communication précédente 769
Hovelacque. — Carte des indices céphaliques de France 770
Topinard. — Discussion sur la communication précédente 770
Lagneau. — — 770
Rigaud. — Sur une amulette crânienne 771
De Mortillet. — Discussion sur la communication précédente 771
Chantre. — Les nécropoles du premier âge de fer des Alpes françaises. . . . 771
Présentation de livres et brochures 782
12e section. — Sciences médicales.
Bureau 783
Dr H.-N. Dransart. — Du nystagmus chez les mineurs 783
Dr Gairal. — Aérophore pulmonaire 786
Franck. — Discussion sur la communication précédente 786
Fieuzal. — — 787
Dr E. Séguin. — Uniformité internationale d'observations en médecine 787
Dr T. Gallard. — Des végétations de la muqueuse utérine et de leur trai-
tement 788
Gairal. — Discussion sur la communication précédente 793
\
1204 TABLE DES MATIÈRES
HouzÉ de l'Aulnoit. — Discussion sur la communication précédente 793
Courty. — — 796
P. Reclus. — Luxations paralytiques du fémur 797
Dally. — Discussion sur la communication précédente 798
Yerneuil. — — 798
Dr Masurel. — De l'emploi de l'émétique dans le traitement des névralgies. . 798
Dr Lecadre (neveu). — Contribution à l'étude de l'électro-puncture dans le
traitement des anévrysmes 800
F. Franck et Tocquart. — Action des injections intra-veineuses de chloral sur
la circulation et la respiration. . . 802
Dr F. Franck. — Sur les intermittences du pouls ou fausses intermittences. . . 804
Dr L. Henri Petit. — De l'ataxie locomotrice dans ses rapports avec le trau-
matisme 805
Verneuil. — Discussion sur la communication précédente 806
Franck. — — 806
Potain. — — 807
Dr Massart. — Rétroversion utérine à trois mois et demi de grossesse. —
Réduction. — Accouchement à terme 807
Dr Mourgues. — Le dogme de l'autophagisme. — Analyse organopalhique au
point de vue du diagnostic et du traitement des maladies 813
Dr Dally. — Sur l'état et le délire malicieux 814
Lecadre (oncle). — Discussion sur la communication précédente 814
Brière. — — 815
Fieuzal. — — 815
Dr HouzÉ de l'Aulnoit. — Nouvelles études cliniques sur les amputations sus
et sous-périostées et sur l'hémostase naturelle et définitive à la période ané-
mique, à l'aide de l'élévation du membre et de la pression du bandage;
grandes et petites amputations soas-périostées chez les adultes 815
Dr Teissier. — Sur l'albuminurie d'origine nerveuse 820
Lecadre. — Discussion sur la communication précédente 822
Reclus. — — 822
Courty. — — 822
Houzé de l'Aulnoit. — 822
Potain. — 822
Dr Lecadre. — Nouveau mode de propagation de la fièvre paludéenne 823
Seguin. — Discussion sur la communication précédente 828
Gibert. — — •. . 829
Leudet. — — 823
Dr E. Leudet. — De la tuberculose pulmonaire chez les hystériques 829
Dr Landowski. — Sur la climatologie algérienne 835
Couty. — Troubles produits par les gaz libres intra-vasculaires 835
Dr Nepveu. — Sur l'oligurie et la polyurie d'origine réflexe 837
E. Létiévant. — Pansement antiseptique au point de vue des résultats pra-
tiques. . 838
Dr E. Seguin. — Nouveaux devoirs du médecin. — Nécessité de l'intervention
du médecin dans l'éducation 845
Dr Gairal. — Appareil pour le traitement des affections utérines 848
Dr Brière. — Considérations générales sur les maladies des yeux au Havre et
dans les environs 849
Galezowski. — Discussion sur la communication précédente 849
Lecadre. — — 849
Dr Galezowski. — Sur la thermométrie en ophthalmologie. — Sur les altérations
des vaisseaux rétiniens 850
Brière. — Discussion sur la communication précédente 850
Dr Lancereaux. — De l'artérite cérébrale syphilitique 850
Liouville. — Discussion sur la communication précédente 815
TABLE DES MATIÈRES 1205
Brière. — Discussion sur la communication précédente 851
l)r Yerneuil. — Des blessures chez les alcoolo-diabétiques 851
Galezowski. — Discussion sur la communication précédente 852
IV Paquelin. — Indications mit l'emploi du thermo-cautère 852
Dr Dimont-Pallier. — Présentation d'un anneau pessaire et d'un hystérophore 853
Dr Fredf.t. — Note sur les effets du gaz acide carbonique, à Royat, envisagés
au point de vue physiologique et thérapeutique 853
Dr Tripier. — Cas de névralgie faciale avec zone épileptogène 854
Dr Mardcel. — Accidents dus à l'anesthésie par l'éther chez un enfant de
dix ans 854
Dr Le Plé. —Le Café : histoire, science, hygiène 856
Dr Southet. — Traitement de l'anasarque général par un drainage capillaire. . 856
Gibert. — Discussion sur la communication précédente 860
Verneuil. — — 860
Dr Gibert. — La scrofule au Havre 860
Dr Lunier. —Discussion sur la communication précédente 862
Hodzé de l'Aulnoit. — 862
Maire. — - 862
Lecadre. — — 862
Bergeron. —
De Bommy.
862
Couty. — La température périphérique, dans ses variations physiologiques ou
pathologiques 863
Potai.n. —Discussion sur la communication précédente 864
Dr J. Dero. — De l'action physiologique et pathologique du pétrole 865
Dr Fieuzal. — La blépharoraphie et la blépharoplastie dans, les cas d'ectropion
invétéré 8"9
Verneuil. — Discussion sur la communication précédente , . . 869
Brière. — — — _ 870
A. Favre. — Recherches cliniques sur le daltonisme. — Éléments de statis-
tique 870
Dr Landolt. — Sur les anomalies de la réfraction 8~7
Ch. Marchand. — De la composition anormale que peuvent présenter certains
laits de femmes ; de leur influence sur l'alimentation du nouveau-né et des
moyens d'y remédier 8' '
Dr Courty. — Sur le traitement palliatif du cancer de l'utérus 886
Dr Henri Henrot. — Lymphorrhagie bronchique 887
Dr Dagréve. — Observations de névrite du radial 890
Couty et Charpentier. —Effet cardio-vasculaire des excitations des sens . . . 892
Dr Poncet. — De l'influence de la castration sur le développement du squelette 893
Dr Ledouble. — De l'auscultation de l'ovaire dans les kystes ovariques. —
Kyste de l'ovaire uniloculaire ouvert dans le péritoine et dans l'intestin. —
Tintement avec bruit de flot de liquide 894
Dr Brame. — L'entorse et son traitement 901
Dr F. Franck. — Sur la compression du cœur dans les épanchements du
péricarde 902
Dr P. Aubert. — Des modifications subies par la sécrétion de la sueur dans
les maladies de la peau 903
Dr Ollier. — Cure radicale des kystes de la thyroïde 911
Dr Bouteiller. — De la statistique médicale 912
Dr Baraduc. — Relation d'une épidémie de fièvre typhoïde 917
Dr de Sinéty. — Du corps jaune de l'ovaire pendant la grossesse 927
Dr Fauvel. — Observations de suture des os 931
Dr Duménil. — Dermite papillaire chronique envahissante 932
Dr Brame. — Sur l'eczéma 932
A. Duvergier. — Epileuse à air comprimé 933
120G TABLE DÈS MATIÈRES
F. Franck et Brissaud. — Mouvements du cerveau chez une malade de l'hôpital
Saint-Louis 935
Paul Broca. — Sur la thermométrie cérébrale 935
Travaux imprimés présentés à la section 936
4e GROUPE. — SCIENCES ÉCONOMIQUES.
13* section. — Agronomie.
Bureau 937
A. Renouard fils. — Les déchets de l'industrie agricole du lin 937
B. Corenwinder et G. Contamine. — Recherches sur l'acide phosphorique des
terres arables 938
A. Ladureau. — Note sur la composition de la laine 940
P. -P. Dehérain. — Résultats d'expériences instituées sur la culture de l'avoine
et du mais fourrage. „ 941
Péligot. — Discussion sur la communication précédente 944
H. de La Rlanchère. — Les aquariums en Angleterre 944
Corenwinder. — Discussion sur la communication précédente 945
— Recherches chimiques sur les plantes alimentaires : le panais 946
Dr Mourgues. — Sur le rôle de la révolution cosmique et du parasitisme dans
les maladies épidémiques des végétaux 946
Baillou. — Expériences sur les vignes phylloxérées 947
Péligot. — Discussion sur la communication précédente 947
Xambeu. — 947
Dehérain. — — 948
P. -P. Dehérain et Maquenne. — Recherches sur la germination 948
Alf. Renouard. — Analyse chimique du cocon et de ses dérivés 951
A. Ladureau. — Études sur les maladies du lin. — Le thrips Uni 951
Renouard. — Discussion sur la communication précédente 964
De La Blanchère. — — 965
Corenwinder. — — 965
Dehérain. — — 965
Borély. — La Société des sciences et arts agricoles et horticoles du Havre. . . 966
Marchant. — L'agriculture dans le pays de Caux 974
J. Vinot. — Les instruments d'agriculture, projet de prêt aux agriculteurs.. . 974
A. Millot. — Note sur la fabrication du phosphate bicalcique à l'aide des
phosphates minéraux 974
P. -P. Dehérain et Nantier. — Recherches sur le développement de l'avoine. . 976
Truchot. — De la fertilité des terres volcaniques 977
A. Ladureau. — Etude sur l'influence dé la graine dans la culture de la bette-
rave à sucre 982
Xambeu. — Traitement des vignes phylloxérées 996
Baillou. — Discussion sur la communication précédente 996
14e Section. — déographie.
Bureau 997
Capitaine. — Les sociétés de géographie commerciale et leur utilité pour l'ex-
tension du commerce extérieur de la France 997
L'abbé Durand. — Le Monténégro 998
Coquelin. — La colonisation et l'émigration 999
Boehrig. — Discussion sur la communication précédente 999
BIARD. - - 1000
p0KEL. _ _ 1000
l)r Hureau de Villeneuve. — — 1000
Levasseur. — — 1000
TABLE DES MATIÈRES 1207
Hureuj de Villeneuve. — La colonisation do l'Algérie au moyen des enfants
assistés 100°
Pomel. — Discussion sur la communication précédente 1003
1 1 .\ \sseur. — — 1003
COQUELIN. - - 1003
L'abbé Durand. — l003
Roehrig. — Méthode d'enseignement proposée pour l'étude des marchandises ou
produits commerciaux naturels et manufacturés. Distribution géographique do
ces produits
Maunoir. — Voyage du boudhiste Nacking dans le Thibet 1013
Ch. Hertz. — Exploration de M. Bonnat dans la Guinée 1013
Gravier. — Géographie du déparlement de la Seine-Inférieure sous les Romains. 1014
Le général Parmentier. — Discussion sur la communication précédente. . . . 1014
Levasseur. — — .... 101»
Le général Parmentier. — Quelques observations sur l'orthographe des noms
géographiques 101°
G. Renaud. — De l'orthographe des noms géographiques 1060
Le comm1 Perrier. — La détermination des longitudes et la forme de la terre. 1060
L'abbé Durand. - La Guyane française et le Brésil agricole et commercial. . 1061
Lavalley. — Etablissement d'un port et construction d'un chemin de fer à
l'île de la Réunion.
1063
Hamt. — Les voyages espagnols du xvie siècle 1003
H. de Varigny. — Les îles Hawaii : esquisse générale. 1064
Borély. — Les cours de géographie commerciale, au Havre 1068
Le comte de Marst. — Quelques mots sur l'exposition rétrospective frisonne de
Leuwarden, au point de vue des études géographiques 10*4
Levasseur. — L'association internationale africaine 1076
Paquier. — Les voies de commerce à travers l'Asie centrale 1076
Botkine. — La géographie des Saxons et le poème de Beo-Wulf 1081
Descamps. — De l'utilité des voyages comme moyen d'éducation 1081
Le général Parmentier. — De la nécessité d'un vocabulaire polyglotte 1082
— Travaux imprimés communiqués à la section de géographie. 1082
15* Section. — Économie politique et statistique.
Bureau 1083
Milet. — Phénomènes économiques dont le Brésil a été le théâtre de 1864 à 1870. 1083
Alglave. — Discussion sur la communication précédente 1084
1084
Nottelle. —
Clamageran.
1084
1084
Rozy. — Le renouvellement des traités de commerce
Dubar. — Les tendances économiques de l'Europe l"86
Milet. — Discussion sur la communication précédente 10°7
F. Passy. — — 1088
ROZY. - - 1088
KLIPFFEL. - **»
PHILIPPE- °090
Clamageran. — — iUj™
Hippeau. — Sur les réformes à introduire dans l'éducation publique 1090
J. Siegfried. — L'École supérieure de commerce du Havre 1093
Droz. — De la marine marchande et de son relèvement 11°°
Milet. — Discussion sur la communication précédente H°5
r. . 1105
DuBAR- - il05
Fréd. Passy. — - • ' ""*
„ 1105
RozT- - _ 1105
Gachassin-Laffite. —
AT UOo
Nottelle. — —
1208 TABLE DES MATIÈRES
Clamageran. — Discussion sur la communication précédente 1106
Axvin. — Échanges internationaux des productions intellectuelles 1106
Groult. — Notice sur les musées cantonaux 1107
J. Lefort. — Elude sur le rétablissement des tours 1107
Fréd. Passt. — Discussion sur la communication précédente 1115
Laplanche. — — 1H6
Dr Marjolin. — — 1116
Gachassin-Laffite. — — 1121
D' Lagneau. H21
Bouvet. — — 1124
L. Philippe. — Le régime économique des chemins de fer 1124
Vauthier. — La réorganisation du réseau des chemins de fer 1126
Rozy. — Sur les chemins de fer d'intérêt local 1130
Serrurier. — Création de bibliothèques pédagogiques 1131
12e Section. — Sciences médicales (suite).
Potain. — Indications de la toracenthèse et appareil pour la pratiquer avec
précision ' H36
CONFÉRENCES.
De Saporta. — Les anciens climats et leur rapport avec la marche et le déve-
loppement de la végétation européenne 1139
Levasseur. — Du sol et des richesses aux Etats-Unis Ilô3
EXCURSIONS ET VISITES INDUSTRIELLES
Compte-rendu général 1155
Visite à Rouen 1161
NOTES COMPLÉMENTAIRES
Usine à plomb du Havre 1167
Éclairage électrique des ateliers de M. Manchon, de Rouen 1171
Laboratoire de chimie des hautes études à Rouen 1172
TABLES
Analytique 1175
Des matières 1195
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