Skip to main content

Full text of "Comptes rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales"

See other formats


COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES 


ET 


MEMOIRES 


LUS 


A  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 


PENDAI^T  L'ANNEE  1865. 


a 


ïaris.  —  Imprimé  par  Ë.  Thunot  et  G*,  rue  Racine.  2«. 


COMPTES  RENDUS  DES  SÉANCES 


ET 


MÉMOIRES 


DE  IK 


t r 


SOCIETE  DE  BIOLOGIE. 


TOME  DEUXIÈME  DE  LA  QUATRIÈME  SÉRIE 


ANNEE  1865 


DIX-SEPTIÈME  DE  LA   COLLECTION. 


=»)— =>o« 


PARIS 

J.-B.  BAILLIÈRE  et  FILS, 

LIBRAIRES    DE    L'ACADÉMIE   IMPÉRIALE    DE    MÉDECINE 

19,  rue  Haulefeuille. 
LONDRES,  I  NEW-YORK, 

Hippolyte  Bailliére,  219,  Regent-Street.     1      Baillière  Brothers,  440,  Broadway. 

Madrid.  C.    BailIy.Baillière  >   plaza   del    Principe   Alfonso,    IS. 

1866 


o  -^7^ 


LISTE 


DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE, 


EN  1865. 


COMPOSITION  DU  BUREAU. 

Président  perpétuel.  M.    Rayer. 

«.  ......  (M.  Jacquart. 

TIce-presidents.  ...        <   ,,     ^ 

(  M.  Luys. 

M.  Dumontpallier. 

secrétaires )  ^-  Laborde. 

M.  Leven. 

M.  L.  Vaillant. 

Trésorier M.  Gallois. 

Archiviste M.  Fournier  (Eug.) 


MEMBRES  HONORAIRES. 


MM.  Andral. 

Becquerel. 

Bernard  (Claude). 

Bouillaud. 

Chevreul. 

Coste. 

Dumas. 

Flourens. 


MM.    Littré. 

Milne  Edwards. 

De  Quatrefages. 

Serres. 

Velpeau. 

N... 

N... 


MEMBRES  TITULAIRES-HONORAIRES  (1865-66). 


MM.  Bernard  (Charles). 
Berthelot. 
Blot. 
Bouchut. 


MM.  Bouley  (Henri). 
Bourguignon. 
Broca. 
Charcot. 


VI 


MM.  Davaine. 

MM.   LeBret. 

Depaul. 

Leconte. 

FoUin. 

Lorain. 

Giraldès. 

Lùys. 

&oubaux. 

Regnauld. 

Houel. 

Sappey. 

Jacquart  (Henri). 

Verneuil. 

Laboulbène. 

Vulpian. 

Leblanc  (C). 

MEMBRES  TITULAIRES. 

MM.  Balbiani. 

MM.  Leven. 

Bail. 

Le  Gendre. 

Bastien. 

Liégeois. 

Bergeron. 

Magitot. 

Bert  (Paul). 

Marey. 

Bouchard. 

Martin-Magron. 

Chatin. 

Michon. 

Cornil. 

Milne  Edwards  (Alphonse). 

Dumontpàllief. 

Moreau  (Armand). 

Fournier  (Eugène). 

OUivier. 

Gallois. 

Ordonez. 

Gubler. 

Rayer. 

Guillemin. 

Robin  (Charles). 

Hardy. 

Soubeiran  (J.  L.). 

Hillairet. 

Vaillant  (Léon). 

Laborde. 

Vidal  (E.). 

Lancereaux. 

• 

Membres  associés. 


MM.  Agassiz. 
Baer  (de). 
Bennett  (Hughes). 
Ehrenberg. 

Gurlt  (Ernst-Friedrich). 
Huss  (Magnus). 
Jones  (Bence). 
Lebert  (H.). 
Liebig  (Justus). 
Mohl  (Hugo  von). 


MM.  Owen  (Richard). 
Paget  (James). 
Panizza  (Bartolomeo). 
Pouchet  père. 
Purkinje. 
Schwann. 
Siebold. 
Sédillot. 
Valentin. 


VII 

MEMBRES  CORRESPONDANTS  NATIONAUX. 

MM.  Beylard  ....;;.;;.■;......  à  Paris. 

Blondlot ,."..';..-.; à  Nancy. 

Brown  Séquard à  Londres. 

Chaussât .....::.;;.;....  à  Aubusson. 
Chauveau. . .. .iiii:.i  . ..,  à  Lyon. 

Coquerel  (Chàrlèâ") à  l'île  Bourbon. 

Courty à  Montpellier. 

Dareste à  Lille. 

Desgranges à  Lyon. 

Deslongchamps à  Caen. 

Dufour  (Gustave),  i à  Rome. 

Dugès  aîné. ...;;.;.;.....  au  Mexique. 

Duplay .;.... à  Paris. 

Ebrard nïiiïi à  Bourg. 

Faivre  (E.)i .  ;  i  ;  i .  s  '.  : . .  ; . .  à  Lyon. 
Germain  dé  Sàitlt-Pi'èrre..  à  Nice. 

Gosselin à  Paris, 

Guérin  (Jules) à  Paris. 

Ehrmann à  Strasbourg. 

Huette . . . .  :  : .° .'  ; .  i .  ; à  Montargis. 

Jobert  (de  LâiftBâife) à  Paris. 

Lecadre au  Havre. 

Leroy  de  Méricourt à  Brest. 

Leudet  (Emile) à  Rouen. 

Martins  (Charles) à  Montpellier. 

Ollier i à  Lyon. 

Rouget ;  ;  ;  î .-  ; à  Montpellier. 

Stoltz à  Strasbourg. 

MEMBRES  CORRESPONDANTS  ÉTRANGERS. 
Grande  -  isrctagne . 

MM.  Berkeley  (M.  J.) à  Kings-Cliff. 

Bowman  (W.) à  Londres. 

Carpenter  (W.  B.) à  Londres. 

Goodsir  (John) à  Edimbourg. 

Grant  (R.  E.) à  Londres. 

Jacob  (A.) à  Dublin. 

Jones  (Wharton). ...;..;;.  à  Londres. 

Maclise à  Londres. 

Marcel à  Londres. 


^V^ 


M^ 


>t>S   /yX: 


/. 


o^x-5^ 


L  !  B  '  ■  A  H  Y    : 


uJ 


VIII 

MM,  Nunneley à  Leeds. 

Qaekett à  Londres. 

Redfern à  Aberdeen. 

Sharpey à  Londres. 

Simon  (John) à  Londres. 

Simpson à  Edimbourg. 

Thomson  (Allen) à  Glasgow. 

Toynbee à  Londres. 

Waller à  Londres. 

Williamson à  Londres. 

Allemagne. 

MM.   Bischoff à  Munich. 

Briicke  (Ernst) à  Vienne. 

Carus  (V.) à  Leipzig. 

Dubois-Reymond à  Berlin. 

Henle à  Gœttingue. 

Hering à  Stuttgardt. 

Ilirschfeld  (Ludovic) à  Varsovie. 

HofFmeisler. à  Leipzig. 

Hyrtl à  Vienne. 

Kœlliker à  Wïirzbourg. 

Ludwig à  Vienne. 

Mayer à  Bonn. 

Meckel  (Albert) à  Halle. 

Rokitansky à  Vienne. 

Stannius à  Rostock. 

Stilling à  Cassel. 

Virchow à  Berlin. 

Weber  (Wilhelm-Eduard)..  à  Leipzig. 
Weber  (Ernst-Heinrich).. .  à  Leipzig. 

Belgique. 

MM.  Gluge à  Bruxelles. 

Spring à  Liège. 

Thiernesse à  Bruxelles. 

Danemark. 

M.  Hannover à  Copenhague. 

«uède. 

M.  Santesson . à  Stockholm. 


IX 

Hollande. 

MM.  Donders à  Utrecht, 

Hartig à  Utrecht. 

Van  der  Hœven à  Leyde. 

Saisse. 

MM.  Duby à  Genève. 

Miescher à  Bâle. 

Italie. 

MM.  Martini à  Naples. 

Vella , , . .  à  Turin. 

Portugal. 
M.  De  Mello , .  à  Lisbonne. 

États-Unis. 

MM.  Bigelow  (Henry  J.) à  Boston. 

Draper à  New-York. 

Leidy  (Joseph). à  Philadelphie. 

Brésil. 

M.  Abbott à  Bahia. 


COMPTES  RENDUS 


DES  SÉANCES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE 


PENDANT  L'ANNEE  1865. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

pendant  le  mois  de  janvier  1865; 
Par  m.  le  Docteur  DUMONTPALLIER ,  secrétaire. 


PRESIDMCE  m  M.  RMEK. 


I.   —  ANATOMIE   et  PHYSIOLOGIE   PATHOLOGIQUE. 

Ramollissement  du  lobe  antérieur  droit,  et  notamment  de  toute  la  troi- 
sième   CIRCONVOLUTION    FRONTALE   DROITE    SANS    APHASIE;    par   M.    BoiT.lIARD, 

interne  des  hôpitaux. 

Egris  (Valentine-Tliérèse),  âgée  de  77  ans,  entre  à  la  Salpêtrière  le 
21  d^^cembre  1864,  sortant  de  la  Pitié,  service  de  M.  Marrotte,  où  elle 
était  restée  trois  mois. 

VinteUigence  et  la  mémoire  paraissent  remarquablement  intactes. 
La  malade  dit  (ju'il  y  a  trois  mois  environ  elle  a  été  frappée  d'hémiplé- 
gie complète  gauche;  elle  est  lombée  sans  connaissance  et  est  restée 
dans  cet  état  pendant  neuf  heures.  On  l'a  transportée  à  la  Pitié,  où  elle 
est  restée  depuis.  La  parole,  gênée  d  abord,  est  bientôt  revenue. 

Pendant  son  séjour  à  la  Pitié,  ses  membres  inférieurs  et  son  bras 

C.  R.  1 


2 
gauche  se  sont  considérablement  tuméfiés;  ils  présentent  encore  au- 
jourd'hui une  enflure  œdémateuse.  Ce  symptôme  a  été  précédé  par  une 
diarrhée  qui  persiste  encore. 

Depuis  un  mois,  la  malade  ne  retient  plus  les  garde-robes  ni  les 
urines;  elle  a  une  plaque  gangreneuse  au  niveau  du  sacrum. 

Elle  ne  présente  pas  d'embarras  de  la  parole,  pas  d  oubli  ni  de 
substitution  de  mots  dans  le  discours. 

La  malade  est  prise,  dans  la  salle,  de  pneumonie,  et  succombe  le 
3  janvier  1865  à  trois  heures  de  l'apres-midi. 

A  I'autopsie,  on  trouve  les  lésions  suivantes  : 

Liquide  sous-arachnoïdien  en  quantité  considérable,  ramollissement 
jaune  très-étendu  de  la  face  externe  du  lobe  frontal  du  côté  droit,  avec 
atrophie  presque  complète  des  circonvolutions.  Ce  ramollissement  porte 
sur  la  circonvolution  marginale  antérieure,  sur  la  deuxième  et  la  troi- 
sième circonvolution  frontale,  qui  sont  complètement  détruites,  et  sur 
la  partie  supérieure  du  lobule  de  l'insula. 

On  trouve  au  microscope,  dans  les  parties  malades,  de  nombreux 
corpuscules  granuleux,  une  substance  intercellulaire  riche  en  granula- 
tions graisseuses,  et  la  plupart  des  vaisseaux  athéromateux. 

Rien  dans  l'hémisphère  gauche  ;  pas  de  lésions  des  parties  centrales; 
rien  dans  les  corps  striés  ni  dans  les  couches  optiques  ;  rien  dans  les 
ventricules. 

Les  pédoncules  cérébraux  présentent  une  différence  de  volume  et  de 
coloration  d'un  côté  à  l'autre.  Le  pédoncule  droit  est  notablement  plus 
petit  que  celui  du  côté  gauche,  et  offre  une  teinte  grisâtre.  On  trouve 
dans  les  interstices  des  éléments  nerveux  un  certain  nombre  de  corps 
granuleux. 

La  protubérance  annulaire  est  aplatie  du  même  côté,  ainsi  que  la 
pyramide  antérieure  du  bulbe  qui  diffère  de  la  pyramide  gauche  autant 
par  sa  pel'tesse  que  par  sa  teinte  grisâtre,  analogue  à  celle  du  pédon- 
cule,  et  (il  e  également  à  la  présence  des  corps  granuleux. 

La  partie  supérieure  de  la  moelle,  seule  examinée,  présente  une  di- 
minution de  volume  de  la  partie  latérale  gauche  portant  spécialement 
sur  les  faisceaux  antéro-latéraux. 

II.  —  Anatomie  pathologique. 

RUPTORE    SPONTANÉE   DES   MUSCLES    DROrfS    DANS    UN    CAS    DE    FIÈVRE    TYPHOÏDE; 

par  le  docteur  Benj.  Ball. 

Un  homme  âgé  de  35  ans,  exerçant  la  profession  de  tailleur  de  pierres, 
est  entré  le  12  janvier  1865  dans  le  service  de  M.  le  professeur  Piorry. 
Après  un  espace  de  douze  jours,  ce  malade,  qui  avait  présenté  lessymp- 


3 

tomes  d'une  fièvre  typhoïde  bien  caractérisée  (prostration,  stupeur, 
carpliolcgie,  selles  abondantes,  jaunâtres  et  fétides,  taches  lenticu- 
laires, etc.),  a  succombé  aux  progrès  de  cette  maladie.  Il  est  mort  le 
24  janvier,  à  sept  heures  du  matin,  sans  avoir  éprouvé  d'accidents  con- 
vulsifs  et  sans  avoir  jamais  accusé  la  moindre  douleur  au  niveau  des 
muscles  droits  de  l'abdomen. 

L'autopsie  eut  lieu  le  lendemain,  vingt-quatre  heures  après  la  mort, 
par  un  temps  froid  et  humide.  Le  cadavre  ne  présentait  point  de  traces 
de  putréfaction. 

En  pratiquant  une  incision  circulaire  à  la  surface  de  l'abdomen  pour 
mettre  à  nu  les  viscères  contenus  dans  cette  cavité,  je  fus  frappé  de 
l'apparence  singulière  que  présentait,  à  sa  face  postérieure,  le  mu?cle 
droit  de  l'abdomen,  du  côté  gauche.  Au-dessous  du  péritoine  qui  revêt 
la  surface  musculaire,  on  apercevait  très-nettement  une  perte  de  sub- 
stance, offrant  une  étendue  de  deux  travers  de  doigt,  au  beau  milieu  du 
muscle.  Cette  particularité  ayant  attiré  mon  attention,  la  paroi  anté- 
rieure du  ventre  fut  enlevée  et  disséquée  avec  soin. 

Le  muscle  droit,  du  côté  gauche,  présentait  vers  le  milieu  de  sa  lon- 
gueur une  solution  de  continuité  presque  complète.  Les  faisceaux  mus- 
culaires rompus  se  terminaient  par  des  prolongements  mousses  et  ar- 
rondis, placés  les  uns  en  regard  des  autres,  mais  d'une  façon  très-irré- 
gulière.  L'intervalle  entre  leurs  extrémités  était  sur  certains  points  de 
2  centimètres  environ;  il  en  résultait  une  perte  de  substance  qui 
laissait  un  vide  dans  la  g;iîne  aponévrotique,  dans  laquelle  le  muscle 
est  contenu.  A  la  partie  antérieure  et  externe  du  muscle,  la  continuité 
des  faisceaux  n'était  pas  interrompue  :  la  rupture  n'était  donc  pas  com- 
plète. Une  ecchymose  considérable  existait  sur  ce  point,  et  l'on  trou- 
vait même  du  sang  librement  épanché  dans  la  gaîne  musculaire. 

Examinées  au  microscope,  les  extrémités  des  faisceaux  interrompus 
présentaient  une  structure  granuleuse  et  se  trouvaient  infiltrées  d'une 
quantité  considérable  de  globules  graisseux.  Les  stries  transversales 
avaient  cessé  d'exisler  dans  une  étendue  de  quelques  millimètres.  Plus 
loin,  le  muscle  reprenait  sa  structure  normale. 

Quelques  déchirures  analogues,  mais  beaucoup  moins  étendues,  se 
trouvaient  sur  le  trajet  du  muscle  opposé.  Les  mêmes  lésions  ont  été 
constatées  au  microscope. 

Il  me  paraît  inutile  de  rapporter  ici  les  autres  détails  de  l'autopsie, 
qui  d'ailleurs  a  confirmé  le  diagnostic  porté  pendant  la  vie. 

Ce  fait  semble  offrir  quelque  analogie  avec  les  lésions  musculaires 
signalées  par  Walther  dans  la  fièvre  typho'i'de,  et  qui  ont  pour  siège  de 
prédilection  les  muscles  abdominalix.  Notons  toutefois  que  les  lésions 
signalées  par  Walther  sont  loin  d'offrir  itiie  étendue  aussi  considérable 


4 
que  celle  que  nous  avons  consLalée  chez  notre  sujet.  Ce  sont  plutôt  des 
ruptures  fibrillaires  que  des  ruptures  musculaires.  Ajoutons  enfin  que, 
depuis  cette  époque,  nous  avons  eu  l'occasion  de  rencontrer,  à  diverses 
reprises,  cette  même  lésion  chez  des  sujets  qui  avaient  succombé  à  des 
maladies  complètement  étrangères  à  l'affection  typhoïde. 

III.  —  Physiologie  expérimentale. 

Des  phénomènes  toxiques  déterminés  par  l'injection  directe  des  sels  d  ar- 
gent DANS  LE  torrent  CIRCULATOIRE;  par  le  docteur  Benj,  Ball. 

Dans  le  courant  de  l'année  1864  j'ai  entrepris,  à  l'inspiration  de 
M.  le  docteur  Charcot,  quelques  expériences  physiologiques  sur  fac- 
tion des  sels  d'argent.  Il  me  serait  impossible  en  ce  moment  de  présenter 
les  conclusions  de  ce  travail  qui  n'est  point  encore  terminé.  Je  veux 
seulement  indiquer  quelques-uns  des  résultats  que  j'ai  obtenus  par  l'in- 
jection directe  des  préparations  d'argent  dans  les  veines;  ils  diffèrent 
à  quelques  égards  de  ceux  qui  ont  été  jusqu'à  présent  acceptés. 

Les  expériences  d'Orfila,  tentées  exc'usivement  sur  des  chiens,  et 
toujours  à  l'aide  du  nitrate  d'argent,  avaient  conduit  cet  observateur 
à  la  conclusion  suivante  «  que  le  nitrate  d'argent  détruit  immédiate- 
«  ment  la  vie  en  agissant  sur  les  poumons  et  le  système  nerveux,  lors- 
«  qu'il  est  injecté  dans  les  veines  des  chiens  à  la  dose  d'un  demi-grain 
«  ou  de  trois-quarts  de  grain.  » 

D'autres  expérimentateurs,  et  en  particulier  Kramer  (qui  s'est  servi 
du  nitrate  d'argent  et  du  chlorure  ammoniacal  pour  pratiquer  des  in- 
jections), ont  admis  que  la  mort  est  le  résultat  d'une  asphyxie  méca- 
nique occasionnée  par  la  sécrétion  rapide  d'une  énorme  quantité  de 
mucus  bronchique. 

Kramer  ajoute  que  chez  le  cheval  les  choses  ne  se  passent  pas  ainsi, 
et  que  la  mort  paraît  résulter,  à  la  suite  de  ces  injections,  non  d'une 
asphyxie  par  écume  bronchique,  comme  chez  le  chien,  mais  d'une  dé- 
composition toute  spéciale  du  sang,  ainsi  que  le  démontrent  les  ecchy- 
moses qu'on  trouve  à  l'autopsie,  à  la  surface  interne  du  cœur,  dans  les 
voies  urinaires,  et  sur  d'autres  points.  Au  reste,  ces  animaux  sont  infi- 
niment moins  sensibles  que  la  race  canine,  aux  effets  toxiques  des  sels 
d'argent. 

Mon  but  en  pratiquant  quelques  expériences  à  cet  égard  a  été  de 
mettre  en  lumière  l'action  toxique  des  sels  d'argent  directement  mêlés 
au  sang,  indépendamment  de  leur  action  coagulante  ou  chimique  sur 
ce  liquide. 

Je  me  suis  donc  servi  en  premier  lieu,  d'après  les  conseils  de  M.  Char- 
cot, dune  disolution  d'albuminate  d'argent.  Ce  sel  se  dissout  dans  l'eau 


5 
dans  la  proportion  d'un  deux-centième.   Il  est  donc  facile  de  l'employer 
en  injections  dans  les  veines.  J"ai  fait  plus  tard  usage  du  phosphate  d'ar- 
gent, puis  du  chlorure  d'argent  dissous  dans  Ihyposulfite  de  soude,  ce 
qui  donne  de   l'hyposulfite  d'argent  et  du  chlorure  de  sodium. 

Voici  les  principaux  résultats  de  ces  diverses  expériences  : 

Lalbuminate  d'argent  est  de  tous  ces  sels  celui  qui  exerce  l'action  la 
plus  faible.  Une  injection  de  60  grammes  do  la  dissolution  ci-dessus 
indiquée,  renfermant  30  centigrammes  d'albuminate  d'argent,  pratiquée 
chez  un  chien  de  moyenne  taille,  ne  détermine  la  mort  qu'au  bout  d'une 
demi-heure;  la  mort  a  lieu  par  asphyxie  grâce  à  une  énorme  sécrétion 
d'un  mucus  bronchique  écumeux,  et  sans  accidents  nerveux  autres  que 
ceux  de  l'asphyxie. 

L'action  du  phosphate  et  de  l'hyposulfite  d'argent  est  beaucoup  plus 
énergique.  C'est  surtout  avec  ce  dernier  agent  que  les  effets  toxiques 
se  manifestent  promptement  et  avec  des  doses  faibles.  Une  injection  de 
20  centigrammes  d'hyposulfite  d'argent,  dissous  dans  60  grammes  d'eau, 
amène  la  mort  presque  immédiate,  sans  autre  phénomène  que  quelques 
convulsions;  il  y  a  cessation  brusque  de  la  vie  sans  formation  de  ce 
mucus  bronchique  auquel  la  mort  a  pu  être  attribuée  dans  le  cas  pré- 
cédent. 

5  centigrammes  de  cette  même  substance  amènent  la  mort  dans  l'es- 
pace de  sept  à  huit  minutes.  On  observe  alors  le  phénomène  sécrétoire 
que  nous  venons  d'indiquer;  et  l'auscultation  fait  constater  des  râles 
humides  dans  toute  la  poitrine  environ  trois  minutes  après  l'injection, 
avant  que  le  mucus  se  soit  frayé  un  passage  au  dehors  par  les  bronches 
ou  les  naseaux. 

Mais  un  phénomène  constant  qui  se  produit  parallèlement  avec  l'as- 
phyxie, et  qui  n'avait  pas  encore  été  signalé,  est  la  paralysie  du  tronc 
postérieur  indiquée  par  l'affaiblissement  rapide  des  pattes  de  derrière, 
qui  deviennent  bientôt  incapables  de  supporter  le  poids  du  corps  ;  l'a- 
nimal se  traîne  alors  avec  les  pattes  de  devant  sans  pouvoir  agir  avec 
celles  de  derrière.  La  sensibilité  paraît  en  môme  temps  abolie  ou  fort 
diminuée  ;  on  peut  lui  marcher  sur  les  pattes  ou  sur  la  queue  sans  qu'il 
manifeste  aucune  douleur.  Bientôt  l'asphyxie  faisant  des  progrès  ra- 
pides, l'animal  tombe  sur  le  côté,  rend  des  torrents  de  mucus  par  la 
bouche,  éprouve  quelques  secousses  convulsives  et  meurt.  L'expérience 
a  été  répétée  devant  les  membres  de  la  Société,  qui  ont  alors  constaté 
tous  les  phénomènes  susénoncés. 

A  l'autopsie,  je  n'ai  jamais  trouvé  d'autres  lésions  que  l'infdtration 
œdémateuse  des  poumons,  et  la  présence  d'un  mucus  écumeux  et  teinté 
de  sang  dans  les  bronches.  Point  de  coagulation  de  sang  dans  les  cavi- 
tés du  cœur;  point  d'embolies  capillaires  du  poumon;  aucune  lésion 


6 

appréciable  de  la  moelle  épinière.  Conservation  parfaite  de  l'irritabilité 
musculaire.  Au  moment  de  l'ouverture  de  Tabdomen,  on  voit  l'intestin 
animé  de  mouvements  péristaltiques  très-évidents. 

En  affaiblissant  les  doses,  on  prolonge  naturellement  la  durée  de  l'a- 
gonie; enfin  on  peut  injecter  impunément  de  5  milligrammes  à  1  centi- 
gramme d'hyposuifite  d'argent  dans  les  veines  d'un  chien  do  taille 
moyenne. 

L'animal,  qui  semble  alors  n'éprouver  qu'un  malaise  passager,  se 
rétablit  au  bout  de  quelques  heures,  et  ne  manifeste  aucun  symptôme 
spécial. 

De  l'ensemble  de  ces  faits,  qui  méritent  d'être  confirmés  et  com- 
plétés par  des  recherches  ultérieures,  nous  croyons  déjà  pouvoir  con- 
clure : 

1°  Que  les  divers  sels  d'argent  introduits  directement  dans  le  torrent 
circulatoire  ont  des  modes  d'action  fort  différents. 

2°  Que  si  l'asphyxie  par  écume  bronchique  est  la  cause  directe  de  la 
mort,  il  n'en  existe  pas  moins  une  action  manifeste  de  l'agent  toxique 
sur  le  système  nerveux. 

3°  Que  l'hypersécrétion  bronchique  n'est  elle-même  qu''un  phéno- 
mène nerveux,  probablement  d'ordre  réflexe;  car  l'analyse  chimique  ne 
nous  a  point  permis  jusqu'ici  de  découvrir  des  traces  d'argent  dans  le 
liquide  sécrété. 

Ajoutons  enfin,  comme  l'a  fort  bien  vu  Kramer,  que  l'action  de  ce 
poison  est  loin  d'être  la  môme  dans  les  diverses  espèces  animales.  Nos 
expériences  sur  les  lapins  et  les  grenouilles  nous  ont  donné  des  résul- 
tats différents  de  ceux  que  nous  avons  obtenus  chez  les  chiens.  C'est  là 
ce  que  nous  nous  proposons  d'exposer  dans  une  communication  ulté- 


rieure. 


IV.  —  Pathologie. 


i"  Aphome  dès  la  xaissance;  accès  de  suffocation;  mort;  autop.sie: 

TUMEUR    ÉPITDÉLIALE    DANS    LE    LARYMX  ;     par    M.   DuFOUh. 

Le  8  janvier  1864,  le  soir,  on  vint  me  chercher  pour  madame  X..,., 
qui  était  en  mal  d'enfant.  Lorsque  j'arrivai  la  malade  était  accou- 
chée depuis  environ  cinq  minutes,  l'enfant  était  sur  le  lit,  et  je  n'avais 
pas  entendu  par  conséquent  le  cri  qu'avait  dû  pousser  le  nouveau-né  à 
sa  sortie  du  sein  de  sa  mère. 

Rien  alors  n'attira  mon  attention  de  ce  côté,  je  me  bornai  seulement 
à  constater  l'état  de  faiblesse  de  l'enfant  qui,  au  dire  de  la  mère,  n'avait 
que  huit  mois  et  demi.  L'enfant  prit  le  sein  de  sa  mère  qui  avait  déjà 
nourri  un  premier  enfant,  et  je  perdis  la  petite  fille  de  vue  au  mois  de 
février  époque  à  laquelle  je  cessai  mes  visites. 


Le  28  mars  suivant,  jo  fus  appelé  de  nouvoau.  L'enfant  présentait  une 
petite  éruption  eczémateuse  autour  du  cou  et  derrière  les  oreilles  ;  elle 
venait  bien,  était  très  gaie  et  sa  santé  ne  m'inspira  aucune  crainte.  Je 
ne  la  vis  ensuite  que  le  29  avril  pour  la  vacciner  ;  sa  vaccination  ne 
réussit  pas,  et  elle  partit  à  la  campagne  dans  les  environs  de  Paris. 

Je  n'avais  plus  entendu  parler  de  cette  petite  fille  depuis  trois  mois 
lorsque  son  père  vint  me  chercher  pour  la  voir  le  8  septembre  1864. 
Elle  avait,  disait-il,  un  sifflement  tel  en  respirant  que  depuis  trois  jours 
il  ne  pouvait  dormir  dans  la  chambre  qu'elle  occupait. 

A  mon  arrivée  à  la  campagne,  Tenfant  se  trouvait  dans  un  jardin, 
couchée  dans  une  petite  voiture;  elle  produisait  en  dormant  un  siffle- 
ment très-fort,  en  même  temps  elle  paraissait  éprouver  une  grande 
gêne  en  respirant.  J'appris  que  ce  sifflement  persistait  parfois  huit  ou 
dix  heures,  qu'il  était  beaucoup  plus  fort  lorsque  l'enfant  était  contra- 
riée et  pleurait;  malgré  cette  gêne  énorme  au  moment  où  je  la  voyais, 
et  qui  avait  encore  été  augmentée  par  l'ennui  que  lui  avait  avait  causé 
un  réveil  provoqué ,  elle  put  prendre  le  sein  et  ne  pas  le  quitter  à  tout 
instant  comme  on  aurait  pu  croire  à  cause  de  sa  grande  oppression.  Son 
visage,  ses  lèvres  n'étaient  nullement  violacées,  sa  voix  ne  sortait  pas 
de  sa  poitrine,  sa  figure,  tout  en  elle,  faisait  voir  qu'elle  voulait  crier 
et  qu'elle  ne  le  pouvait;  sa  bouche  s'ouvrait  très-largement. 

L'examen  de  la  poitrine  ne  révélait  aucun  râle,  mais  il  y  avait  ceci 
de  très  remarquable,  c'est  que  le  murmure  vésiculaire  était  à  peine 
perçu,  et  que  dans  certains  moments  il  paraissait  complètement  cesser. 
Le  cœur  ne  présentait  rien  de  particulier.  La  percussion  n  offrait  rien 
de  remarquable  ;  aucune  matité  en  avant  et  en  arrière  n'était  perçue  de 
manière  à  faire  soupçonner  l'existence  de  ganglions  hypertrophiés  pou- 
vant comprimer  les  canaux  respiratoires. 

Depuis  huit  jours  environ  que  le  sifflement  avait  paru,  l'enfant  avait 
beaucoup  dépéri. 

Etonné  de  tous  ces  symptômes  et  surtout  du  manque  absolu  de  voix, 
je  questionnai  la  famille  qui  me  raconta  que  la  pauvre  petite  n'avait  eu 
au  moment  de  sa  naissance  qu'un  miaulement  très-faible.  Dans  la  suite, 
pendant  trois  semaines  elle  n'avait  eu  que  de  petits  cris  plaintifs  et 
jamais  de  cris  sonores  et  éclatants  ;  à  partir  de  ce  moment  la  voix  avait 
cessé  complètement,  la  toux  était  sans  timbre  et  cassée  comme  dans  le 
croup.  Les  parents  ne  m'en  avaient  pas  parlé  étant  satisfaits  du  reste  de 
la  croissance  de  l'enfant. 

Ne  sachant  trop  ce  que  pouvait  avoir  l'enfant,  je  voulus  m'assurer  de 
l'action  des  antispasmodiques.  Je  prescrivis  25  centigrammes  de  tein- 
ture de  musc  par  jour  dans  du  sirop,  de  l'huile  de  morue,  vu  le  peu  de 
force  des  jambes  et  le  dépérissement  de  l'enfant.  Enfin,  j'engageai  la 


8 
mère,  qui  avait  obtenu  par  des  vomitifs  un  peu  de  diminution  de  l'op- 
pression, à  les  continuer,  tout  en  apportant  à  cette  médication  de  grands 
ménagements. 

.le  nentendais  plus  parler  de  l'enfant  lorsque  le  15  octobre  on  vint 
me  chercher  pour  la  petite  malade  qui  était  encore  à  la  campagne.  Je 
la  trouvai  dans  une  dyspnée  excessive,  elle  se  rejetait  en  arrière,  ou- 
vrait la  bouche  largement  et  donnait  à  craindre  une  asphysie  imminente. 
Les  lèvres  étaient  un  peu  violacées,  la  voix  toujours  complètement 
éteinte.  L'auscultation  laissait  percevoir  dans  certains  moments  quelques 
gros  râles  dans  la  partie  supérieure  de  la  poitrine  ;  mais  ce  qui  attira 
surtout  mon  attention,  ce  fut  labsence  presque  complète  du  murmure 
respiratoire. 

La  mère  l'avait  fait  vomir  la  veille,  et  la  petite  fille  avait  rendu  des 
crachats  filants  ;  je  prescrivis  encore  des  vomitifs  matin  et  soir,  et  je 
fis  appliquer  un  vésicatoire  camphré  en  arrière  de  la  poitrine.  J'appris 
que  l'enfant  avait  été  pendant  le  mois  qui  venait  de  s'écouler  de  mieux 
en  mieux  sous  l'influence  du  musc  et  des  vomitifs  tous  les  trois  ou 
quatre  jours.  Le  8  octobre,  l'oppression  avait  reparu  et  était  arrivée 
peu  à  peu  au  point  où  je  la  voyais;  mais  avec  elle  n'avait  point  re- 
paru le  sifflement  laryngien  aussi  fort;  il  n'avait  lieu  que  dans  le  som- 
meil et  encore  était-il  faible. 

Le  16  octobre,  l'enfant  allait  mieux,  le  musc  en  teinture  avait  été 
repris  à  la  dose  de  25  centigrammes. 

Le  20,  l'état  de  l'enfant  s'était  encore  un  peu  amélioré;  mais  cepen- 
dant l'oppression  était  encore  très-forte,  l'auscultation  présentait  un 
murmure  vésiculaire  très-affaibli  que  de  temps  en  temps  on  n'enten- 
dait pas. 

Jusqu'au  30  octobre  l'état  de  l'enfant  ne  s'améliorait  pas,  et  pensant 
que  l'air  vif  de  la  campagne  pouvait  être  un  peu  cause  de  la  gène  de 
la  respiration,  j'engageai  la  famille  à  ramener  la  petite  fille  à  Paris. 
Je  lui  donnai  alors,  à  partir  de  ce  moment,  du  musc  et  du  sirop  de 
quinquina.  Je  fis  quelques  badigeonnages  de  teinture  de  croton  au  de- 
vant du  larynx. 

Le  5  novembre,  la  respiration  s"'était  améliorée,  le  murmure  vésicu- 
laire était  plus  fort  et  quelques  accès  de  suffocation  survenaient,  mais 
peu  intenses;  j'engageai  à  continuer  ce  traitement  jusqu'au  12. 

Ce  jour-là  on  m'apprit  que  l'enfant  depuis  sept  jours  avait  été  gaie, 
qu'elle  avait  eu  une  respiration  calme,  peu  de  dyspnée,  et  enfin  que  la 
mère  n'avait  eu  nullement  besoin  de  la  faire  vomir.  Le  temps  était  beau 
et  sec. 

Quatre  jours  après,  le  16,  par  un  temps  brumeux,  l'enfant  était  re- 
devenue aussi  malade  qu'à  la  campagne,  la  dyspnée  était  très-grande. 


9 

La  petite  fille  était  agitée,  et  avait  les  lèvres  légèrement  violacées  ;  le 
murmure  véàicnlaire  était  à  peine  perçu. 

J'engageai  à  faire  vomir  l'enfant,  et  je  fis  part  aux  parents  de  l'im- 
minence du  danger.  Je  leur  conseillai  de  consulter  M.  Bergeron,  qui 
vint  le  lendemain  17  novembre. 

Le  17,  l'état  de  l'enfanl  était  on  ne  peut  plus  effrayant,  les  accès  de 
suffocation  s'étaient  répétés  Irès-souvent  dans  la  nuit. 

A  son  arrivée,  M.  Bergeron  fut  frappé  de  l'extrême  anxiété  de  l'en- 
fant ;  il  constata  un  murmure  vésiculaire  excessivement  faible,  le  cœur 
lui  parut  normal  tant  dans  son  rhythme  que  dans  ses  bruits.  La  per- 
cussion en  avant  et  en  arrière  ne  lui  donna  aucune  indication  pouvant 
faire  soupçonner  la  présence  d'une  tumeur  soit  ganglionnaire,  soit 
d'autre  nature  dans  le  thorax. 

En  voyant  les  lèvres  violacées  et  l'état  général  aussi  mauvais,  il  crut 
que  la  malade  ne  passerait  pas  la  journée  et  fit  part  de  ses  craintes  aux 
parents. 

Cependant,  à  son  grand  étonnement,  quelques  instants  plus  tard 
l'enfant  prenait  le  sein  et  paraissait  moins  malade  que  lors  de  son  ar- 
rivée. 

Dans  la  conversation  que  nous  eûmes  ensemble  il  me  dit  qu'il  n'avait 
vu  aucun  cas  semblable,  ni  même  analogue.  L'aphonie  de  naissance  lui 
parut,  avec  les  symptômes  de  suffocation,  de  nature  à  faire  croire, 
comme  je  l'avais  supposé  moi-même,  à  l'existence  dune  tumeur  com- 
primant les  nerfs  pneumogastriques. 

Je  ne  partageai  pas  son  pronostic,  car  j'avais  vu  l'enfant  aussi  malade 
revenir  à  un  mieux  donnant  beaucoup  d'espérance. 

M.  Bergeron  conseilla  l'iodure  de  potassium  à  l'intérieur  et  les  toni- 
ques, me  demandant  de  le  tenir  au  courant  d'une  affection  aussi  inté- 
ressante; et  pour  parer  aux  accidents  qui  paraissaient  si  terribles  il 
accepta  l'application  d'un  vésicatoire  que  j'avais  mis  avec  succès  en 
pareille  situation. 

Le  lendemain  18,  l'enfant  était  mieux.  Les  jours  suivants,  l'enfant 
prit  du  musc,  du  sirop  de  quinquina,  un  peu  de  sirop  iodo-ferré  mais 
tout  cela  en  petite  quantité  à  cause  de  légers  vomissements  survenant 
après  l'ingestion  des  sirops.  La  dyspnée  était  continuelle  et  devenait 
beaucoup  plus  forte  dans  certains  moments.  L'enfant  maigrissait  de  plus 
en  plus,  le  mieux  ne  venait  pas.  Les  parents  demandèrent  une  consul- 
tation avec  M.  Barthez. 

Le  25  novembre,  M.  Barthez  vint  voir  l'enfant  ;  il  constata  par  l'aus- 
cultation et  la  percussion  ce  que  M.  Bergeron  et  moi  avions  constaté, 
et  il  m'affirma  aussi  n'avoir  rien  vu  d'exactement  semblable  ;  il  pencha 
aussi  pour  l'existence  d'une  tumeur  comprimant  les  nerfs  pneumogas- 


10 

triques,  et  fut  d'avis  de  persister  dans  l'emploi  des  antispasmodiques 
unis  au  sirop  iodo-ferré. 

Il  porta  un  pronostic  très-grave,  moins  grave  pourtant  que  celui  de 
M.  Bergeroa,  car  l'enfant  était  moins  malade,  et  le  récit  que  je  lui  fis 
lui  fournit  des  indications  qui  lui  permirent  de  tempérer  un  peu  la  ri- 
gueur de  son  appréciation  ;  mais  il  conclut  cependant  à  une  mort  pro- 
chaine devant  survenir  à  la  suite  dun  accès  de  suffocation. 

Du  27  novembre  au  5  décembre,  la  médication  fut  suivie  sans  succès, 
un  vomitif  fut  administré  et  provoqua  l'expulsion  de  matières  glai- 
reuses. 

En  même  temps  on  percevait  des  râles  muqueux  dans  les  grosses 
bronches. 

Croyant  trouver  dans  le  soufre  à  l'intérieur  un  utile  adjuvant  pour  la 
guérison  de  ces  râles  humides,  je  fis  cesser  l'iode  et  je  prescrivis  à  partir 
du  6  décembre  10  centigrammes  de  soufre  par  jour;  en  même  temps  je 
fis  faire  des  fumigations  de  goudron  dans  la  chambre  de  la  malade. 

L'enfant  supporta  facilement  ce  traitement. 

Le  12,  je  m'apeiçus  avec  la  mère  de  l'enfant  d'un  peu  d'œdème  aux 
pieds,  aux  mains  et  à  la  figure.  En  même  temps  la  dyspnée  paraissait 
diminuer. 

Jusqu'au  29  décembre  l'amélioration  dans  l'étal  de  l'enfant  continua, 
les  accès  de  suffocation  s'éloignèrent,  la  pénétration  de  l'air  dans  les 
poumons  redevint  facile,  l'œdème  disparut  complètement,  la  respiration 
redevint  calme,  mais  à  partir  de  ce  moment  le  mieux  cessa,  des  accès 
de  suffocation  reparurent  et  replongèrent  l'enfant  dans  l'anxiété.  La 
dyspnée  redevint  presque  continuelle  quoique  beaucoup  plus  forte  en 
certains  moments. 

Du  23  décembre  au  8  janvier,  l'enfant  maigrit  beaucoup,  je  la  trou- 
vai à  cette  dernière  date  considérablement  affaiblie.  J'engageai  à  conti- 
nuer seulement  le  sirop  de  quinquina. 

Le  15,  l'enfant  paraissait  peut-être  un  peu  moins  oppressée  que  le  8, 
cependant  l'air  pénétrait  toujours  bien  difficilement  dans  les  poumons, 
mais  rien  ne  faisait  prévoir  une  fin  prochaine.  Dans  la  journée  lenfant 
parut  très-fatiguée  et  mangea  une  petite  semoule  à  dix  heures  du  soir. 

A  deux  heures  du  matin,  le  16,  elle  fut  prise  par  un  accès  de  suffo- 
cation très-intensB  qui  dura  jusqu'à  cinq  heures  du  matin  ;  on  lui  fit 
respirer  de  l'éther,  elle  têta  un  peu,  s'endormit,  et  à  six  heures  moins 
un  quart  les  parents  s'aperçurent  de  sa  mort. 

Autopsie.  M.  Bergeron,  à  qui  j'avais  proposé  de  faire  l'autopsie  avec 
moi,  accepta,  vu  l'intérêt  tout  particulier  de  ce  cas.  A  l'autopsie  nous 
constatons  l'état  d'amaigrissement  extrême  de  l'enfant  ;  la  peau  est 
doublée  par  un  tissu  cellulaire  presque  entièrement  dépourvu  de  graisse. 


11 

Les  poumons,  le  coeur,  examinés  avec  soin  ne  présentent  rien  de  patho- 
logique. 

Ayant  enlevé  le  larynx  et  la  trachée,  nous  introduisons  une  des  lames 
d'une  paire  de  ciseaux  dans  le  larynx  de  façon  à  couper  par  derrière  le 
cartilage  cricoïde  et  à  pénétrer  par  la  partie  supérieure  dans  la  cavité 
laryngienne;  nous  apercevons  alors  une  masse  molle  dun  blanc  laiteux 
qui  ferme  presque  entièrement  la  partie  supérieure  du  larynx,  excepté 
en  arrière.  Entre  la  muqueuse  qui  tapisse  la  face  postérieure  du  carti- 
lage cricoïde  et  la  production  morbide,  il  existe  un  petit  permis  d'un 
millimètre  de  diamètre. 

La  tumeur  est  développée  sur  la  place  occupée  par  les  cordes  vocales 
inférieures  et  supérieures  qui  ont  été  détruites  entièrement.  Elle  pré- 
sente une  apparence  mamelonnée  et  paraît  formée  à  la  loupe  par  une 
masse  de  petits  mamelons,  analogues  à  des  papilles,  serrés  les  uns  contre 
les  autres  ;  elle  est  molle,  se  laisse  enlever  par  le  manche  dun  scalpel  ; 
sa  partie  supérieure  arrive  au  niveau  des  ligaments  aryténo-épiglot- 
tiques  et  ne  dépas<e  en  bas  la  limite  inférieure  des  cordes  vocales  que 
d'un  milimètre  environ. 

M.  Robin  a  bien  voulu  examiner  cette  tumeur,  il  a  constaté  qu'elle  est 
entièrement  formée  de  cellules  épithéliales  pavimenteuses  et  m'a  fait 
voir  ces  éléments  histologiques;  il  m'a  de  plus  assuré  qu'il  n'avait  point 
encore  observé  de  semblable  tumeur  de  la  muqueuse  laryngée. 

2°  Communication  de  m.  hocel  scr  une  tumeur  du  derme  dite  a  tort  mollus- 

CUM,    ET    DONT    l'aBLATION  A  ÉTÉ    FAITE    PAR    M.    LE    PROFESSEUR  ÎSÉLATON. 

M.  Houel  expose  devant  la  Société  l'observation  d'un  homme  de 
30  ans  qui  a  été  opéré  au  commencement  du  mois  de  janvier  1865, 
dans  le  service  de  M.  le  professeur  Nélaton,  d'une  énorme  tumeur  dite 
à  tort  moUuscum.  Cette  tumeur  occupait  une  grande  étendue  des  ré- 
gions antérieure  et  postérieure  du  thorax.  Elle  passait  en  sautoir  sur 
l'épaule  droite,  et  la  base  de  son  pédoncule  mesurait  95  centimètres. 

Cette  observation  a  déjà  été  publiée  dans  plusieurs  recueils  scienti- 
fiques, il  est  donc  inutile  d'insister  sur  la  description  extérieure  de  cette 
tumeur,  et  sur  les  difficultés  que  devait  présenter  l'ablation  d'une  tu- 
meur aussi  volumineuse.  M.  le  professeur  Nélaton  fit  cette  opération 
avec  une  grande  habileté. 

Les  suites  immédiates  de  l'opération  furent  heureuses;  mais  le  hui- 
tième jour  de  l'opération  la  partie  restante  du  pédicule  devint  le  siège 
d'un  érysipèle  qui  fit  succomber  le  malade.  M.  Houel  fait  remarquer 
que  depuis  longtemps  le  malade  avait,  à  peu  près  toutes  les  six  semaines, 
une  poussée  érysipélateuse  dans  sa  tumeur. 

L'énorme  tumeur  mise  sous  les  yeux  de  la  Société  pèse  25  livres,  elle 


12 
aune  coloration  blanc  mat;  elle  présente  à  sa  surface  des  éraillures 
qui  sont  dues  à  l'extrême  distension  du  derme.  Avant  l'ablation,  la  sur- 
face de  la  tumeur  était  sillonnée  de  nombreux  vaisseaux. 

Une  coupe  de  la  tumeur  démontre  qu'elle  était  due  à  une  hypertro- 
phie du  derme  et  du  tissu  celkUaire  sous- cutané.  Telle  est  l'opinion  de 
M.  le  professeur  Robin. 

Celte  tumeur,  par  son  poids,  avait  forcé  le  malade  à  prendre  une  at- 
titude spéciale,  et  l'examen  post  mortem  permet  d'étudier  une  modifi- 
cation remarquable  de  la  colonne  vertébrale.  La  portion  cervicale  du 
rachis  présente  une  courbure  à  convexité  postérieure,  tandis  que  la 
portion  supérieure  de  la  région  dorsale  du  rachis  forme  une  incurvation 
de  saillie  antérieure.  Cette  dernière  saillie  est  telle  que  les  premières 
vertèbres  dorsales  viennent  presque  se  mettre  en  contact  avec  le  ster- 
num. En  effet,  les  corps  vertébraux  ne  sont  séparés  du  sternum  que  par 
un  espace  de  1  centimètre  1/2. 

La  trachée  et  la  crosse  de  l'aorte  avaient  subi  des  modifications  de 
rapport  qui  pouvaient  rendre  compte  de  la  dyspnée  habituelle  éprouvée 
par  le  malade,  et  d'un  souffle  vasculaire  perçu  par  M.  le  professeur  Né- 
laton  avant  l'opération. 

Plusieurs  lames  des  vertèbres  cervicales  étaient  usées  et  laissaient 
voir  la  moelle  entourée  de  ses  méninges. 

Cette  observation  offre  donc  un  grand  intérêt,  non-seulement  par 
l'énorme  volume  de  la  tumeur  hypertrophique  du  derme,  mais  encore 
par  les  déformations  du  squelette  et  les  modifications  de  rapports  des 
organes  intra-thoraciques. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  *' 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

pendant  le  mois  de  février  1865; 
Par  m.  le  Docteur  DUMONTPALLIER,  secrétaire. 


PRESIDENCE  DE  M.  RAYER. 


I.  —  Anatomie  végétale. 

Sur  l'anatomie  et  la  classification  des  crucifères; 
par  M.  EuG.  Fournier. 

J'ai  déjà  exposé  devant  la  Société,  au  mois  de  décembre  dernier  (1), 
les  résultats  de  mes  observations  sur  le  fruit  des  Crucifères.  Je  dois 
aujourd'hui  ajouter  à  cet  exposé  la  mention  de  quelques  faits  nou- 
veaux. 

Dans  le  Psychine  stylosa,  Desf.,  la  cloison  très-transparente,  et  for- 
mée par  des  cellules  polyédriques  à  parois  minces  et  peu  a[iparentes, 
offre  de  longs  tubes  rameux  d'un  calibre  très-inégal,  munis  dune  paroi 
bien  distincte,  dont  le  contenu  est  granuleux  et  souvent  verdâtre  avant 


(1)  Comptes  rendus  des  séances,  4*  série,  t.  1,  p.  182. 


^4 

la  maturité  du  fruit.  Ces  tubes  suivent  d'une  manière  générale  une  di- 
rection ascendante  et  parallèle;  ils  s'ârtastomdeent  sans  ordre  en  for- 
mant un  réseau  irrégulier.  Ces  vaisseaux  se  retrouvent  encore  dans  les 
funicules  des  Psychines,  mais  raccourcis  dans  leur  longueur  et  consti- 
tués par  des  cellules  placées  bout  à  bout.  Ces  cellules  se  distinguent 
du  tissu  environnant  par  leur  couleur  verdâtre.  Il  est  à  remarquer  que 
les  funicules  du  Psychine  sont  bordés  par  une  couche  de  cellules  à 
parois  très-épaisses,  et  comme  de  ilature  épidermique.  Ces  formations 
st!  rapprochent  encore  bien  plus  d'un  système  laiicifère  que  celles  que 
j'ai  décrites  précédemment. 

On  me  permettra  de  tirer  des  faits  que  j'ai  signalés  dans  mes  com- 
munications précédentes  quelques  déductions  sur  la  nature  longtemps 
contestée  du  fruit  des  Crucifères,  et  sur  la  constitution  des  fruits  en 
général. 

Relativement  à  la  structure  de  la  silique  des  Crucifères,  deux  points 
ont  été  l'objet  de  nombreuses  discussions,  lorigine  de  la  cloison  d'une 
part,  et  d'autre  part  le  nombre  et  l'arrangement  des  carpelles. 

1°  Quant  à  lorigine  de  la  cloison,  les  auteurs  sont  divisés  depuis  les 
travaux  de  de  Candolle  et  de  Lestiboudois.  On  sait  que  de  Candolle 
{Mémoire  sur  les  Crucifères)  la  regardait  comme  formée  par  les  bords 
rentrants  des  carpelles,  il  sufiposait  que  chacun  d'eux  portait  deux  Iro- 
phospermes  qui  se  soudaient  pour  constituer  les  placentas,  et  que,  lors  de 
ladéhiscence,  les  parois  de  chaque  carpelle  se  rompaient  naturellement  à 
la  maturité  en  suivant  une  ligne  longitudinale  très-voisine  du  placenta. 
Au  contraire  Lestiboudois  (il7t;//'0«r5//r  les  fruilssiliquciix.  dans  llecueil 
des  travaux  de  la  Société  d\imalcurs  des  sciences,  de  C uyricuUure  et 
des  arts,  à  Lille,  années  1819-1822,  p.  194),  fondé  sur  l'étude  qu'il 
avait  faite  comparativement  des  Papavéracées  et  des  Fumariacées,  a 
souteiui  que  les  placentas  sont  inicrvalvaircs  dans  les  Crucifères,  et 
que   la   cloison  est  formée   par  une  expansion  du  tissu   placentaire. 
SchleidfU  regarde  également  la  cloison  cOmme  de  nature  axile  [Grund- 
zûge  der  Butunik,  3°  édit.,  p.  499),  ainsi  que  la  plupart  des  auteurs, 
Endlicher,  Lindiey  {Iniioduclion  lo  holany,  4'  édit.,  t,  11,  p.  21),  etc. 
Les  observations  que  j"ai  exposées  plus  haut  donnent  évidemment  rai- 
son à  Lestiboudois  et  à  Schleiden.  En  eflèt,  les  origines  de  la  cloison 
se  confondent  avec  la  couche  herbacée  qui  circonscrit  le  placenta,  et 
sont  séparées  de  la  valve,  qui  dans  les  cas  ordinaires  est  nettement 
séparée  du  placenta  j)ar  son  épiderme  intérieur  et  par  sa  couche  fi- 
breuse. En  outre,  si  l'on  examine  le  déveleppemenl  consécutif  de  la 
cloison,  on  reconnaît  que  la  structure  des  deux  lames  de  la  cloison  est 
généralement  très-difiérente  de  celle  de  l'épiderme  intérieur  des  valves. 
et  que  les  tissus  qui  se  développent  quelquefois  entre  ces  deux  lames 


ir, 

ont  des  analogies  et  des  relations  anatomiqiies  directes  avec  les  élé- 
ments du  tissu  placentaire.  Il  faut  donc  reconnaître  que  la  cloison  ap- 
partient anatomiquement  au  placenta,  et  non  aux  carpelles. 

On  peut  tirer  en  faveur  de  la  même  conclusion  des  arguments  remar- 
quables d'un  travail  intéressant  publié  l'hiver  dernier  {)ar  M.  Godron 
dans  les  Annales  des  sciences  naturelles,  5*  série,  t.  II,  n"  5,  p.  28  et 
suiv.  (1).  Si  l'on  veut  relire  la  partie  dans  laquelle  le  savant  auteur  de 
Ja  flore  de  Lorraine  décrit  les  fruits  anormaux  à  trois,  quatre  et  six 
valves  qu'il  a  rencontrés,  et  surtout  si  l'on  examine  les  coupes  de  ces 
fruits  qu'il  a  figurées,  on  reconnaîtra  que  ces  exemples  peuvent  tou- 
jours s'expliquer  en  admettant  que  la  double  origine  de  la  cloison  est 
une  excroissance  placentaire,  mais  ne  le  peuvent  pas  toujours  par  l'hy- 
pothèse opposée.  Sans  doute  dans  la  figure  8  de  la  pi,  18  ùqs  Annales 
la  cloison  peut  être  considérée  aussi  bien  comme  une  prolongation  des 
bords  carpellaires  qui  se  recourberaient  en  dedans  pour  se  rejoindre; 
mais  dans  la  figure  3  de  la  même  planche,  et  dans  la  figure  9,  si  l'on 
dédouble  ])ar  la  pensée  les  cloisons  que  l'auteur  a  représentées  par  un 
simple  trait,  on  verra  que  chaque  lamelle,  à  chacune  de  ses  extrémités, 
ne  peut  appartenir  au  même  bord  carpellaire,  tandis  qu'en  regardant, 
conformément  à  l'anatomie,  chaque  lamelle  comme  émanée  du  pla- 
centa, il  est  tout  naturel  qu'elle  se  soude  avec  une  lamelle  émanée  de 
n'importe  quel  placenta. 

1"  Sur  le  nombre  et  l'arrangement  des  carpelles  des  Crucifères,  il  a 
été  émis  par  les  auteurs  des  idées  assez  bizarres,  à  cause  de  la  diffi- 
culté qui  naît  de  la  position  occupée  par  les  stigmates  dans  cette  fa- 
mille. Lindley  {Veg.  Kingdom)  et  Grifiith  {loc.  cit..  part.  1,  p.  71.  106, 
122,  250-252),  ont  cru  à  l'existence  de  quatre  carpelles  opposées  par 
paires,  chaque  cadre  placentaire  latéral  représentant  la  nervure  dor- 
sale de  deux  carpelles  juxtaposés  par  côté.  Kunth  {Veber  die  Biuellien 
und  Fruchtbildung  ner  Cruciferen)  regarde  également  les  carpelles 
comme  au  nombre  de  quatre,  deux  placentaires  et  deux  valvaires;  il 
pense  en  outre  que  la  cloison  est  formée  par  la  saillie  rentrante  de  la 
suture  dorsale  des  carpelles  {durch  dus  tlincinlreten  der  Ruckennuht). 
Il  compare  à  ce  point  de  vue  le  fruit  des  Crucifères  à  celui  des  Astra- 
gales. D'autres  ont  supposé  seulement  deux  carpelles  qui  porteraient 
intérieurement  les  placentas  le  long  de  leur  ligne  médiane  (2).  Les  ob- 

(1)  Griffith  avait  observé  des  monstruosités  analogues,  mais  n'avait 
pas  figuré  les  cloisons  [Noiulœ  ad  plantas  asiaticas,  p,  109,  pi.  XXX, 
fig.  2). 

(2)  Il  est  un  fait  qui  favoriserait  cette  opinion,  s'il  était  constant  et 
en  harmonie  avec  toute  l'organisation  du  fruit  des  Crucifères,  c'est  qlie 


16 

servations  anatomiques  que  je  viens  d'exposer  prouvent  également  l'er- 
reur de  ces  différents  observateurs.  En  effet,  la  structure  des  placentas 
les  différencie  complètement  de  celle  de  la  nervure  dorsale  des  valves, 
dont  ils  sont  anatomiquement  tout  à  fait  distincts  et  séparés. 

J'bI  dit  plus  haut  que  l'on  pouvait  tirer  des  études  précédentes  quel- 
ques conséquences  sur  la  structure  des  fruits  en  général. 

Remarquons  d'abord  quelle  analogie  la  coupe  du  fruit  nous  montre 
avec  celle  de  la  tige.  Au  dehors  un  épidémie,  puis  un  parenchyme  et 
des  faisceaux  fibro-vasculaires  contenant  des  fibres  allongées  que  j'ai 
rapprochées  des  cellules-de-transport,  en  signalant  pourtant  la  plus 
grande  longueur  de  leurs  éléments,  puis  intérieurement  aux  faisceaux 
fibro-vasculaires,  intérieurement  aux  trachées,  des  fibres  de  la  môme 
nature,  qui  les  séparent  de  la  moelle.  Cette  structure  est  d'autant  plus 
intéressante  à  constater  que  nous  avons  affaire  à  des  ovaires  supères 
par  excellence. 

S'il  s'agissait  d'ovères  infères,  comme  ceux  des  Prismatocarpus  étu- 
diés par  M.  Trécul  (1),  on  trouverait  toute  naturelle  l'existence  d'un 
tissu  analogue  au  tissu  de  l'axe  dans  le  péricarde.  Mais  il  n'en  est  rien; 
et  cependant  combien  peu  la  structure  d'une  feuille  ovarienne  de  Si- 
symbr'ium  ressemble-t-elle  à  celle  d'une  véritable  feuille!  On  en  peut 
dire  autant  des  carpelles  des  Légumineuses,  des  JNigella,  etc.  11  existe 
certainement  dans  cet  ordre  de  faits  de  nombreuses  transitions  encore 
peu  étudiées,  dont  la  feuille  carpellaire  du  Reseda,  pourvue  de  sto- 
mates sur  les  deux  faces,  et  Tovaire  du  Presucatocarpus,  muni  exté- 
rieurement de  feuilles  et  intérieurement  d'un  anneau  ligneux  complet, 
nous  offrent  les  deux  termes  extrêmes  (2). 

Allant  un  peu  plus  loin,  nous  demanderons  si  la  cavité  du  fruit  ne 
peut  pas  être  comparée  à  la  cavité  médullaire.  Dans  plusieurs  des 
plantes  qui  m'ont  occupé,  il  existe  au  dessous  de  la  fleur  un  rétrécisse- 
ment circulaire.  Ce  rétrécissement  marque  de  grands  changements 
dans  la  distribution  des  faisceaux  fibro-vasculaires  de  l'axe  ;  les  tra- 


dans  la  tribu  des  Brassicées  la  valve  de  la  silique  est  souvent  échancrée 
à  son  sommet  sur  la  ligne  médiane. 

(1)  Ce  point  de  vue  avait  été  longuement  développé  par  M.  Trécul 
dans  un  mémoire  manuscrit  qu'il  a  bien  voulu  me  mettre  sous  les  yeux, 
et  dont  le  travail  publié  en  1843  dans  les  Annales  des  sciences  natu- 
relles n'est  qu"un  court  extrait. 

(2)  Observations  sur  les  fruits  des  Prismalocarpus ,  Spéculum  et 
Hybridus,  et  sur  celui  des  Crucifères,  in  Ann.  se  nat.,  2'  série,  1843, 
t.  XX,  p.  339. 


17 

€hées  s'infléchissent  et  s'anastomosent  à  ce  niveau  pour  se  porter  aux 
pétales,  aux  étamines,  au  péricarpe  ;  la  plupart  des  autres  éléments  des 
faisceaux  s'interrompent  pour  reparaître  plus  haut  dans  les  parois  ova- 
riennes. Mais  la  moelle  persiste  et  arrive  jusqu'au  fond  de  l'ovaire  où 
elle  se  trouve  en  contact  avec  les  cellules  inférieures  de  la  cloison,  dont 
les  deux  lamelles  s'écartent  un  peu  à  ce  niveau  pour  recevoir  dans  l'é- 
cartement  la  partie  supérieure  de  la  moelle. 

Les  cellules  de  la  moelle  et  celles  de  la  cloison  ne  diffèrent  pas  con- 
sidérablement les  unes  des  autres.  Celles  de  la  moelle  sont  souvent  dans 
leurs  parois  ponctuées  et  même  épaissies. 

La  présence  de  fibres-de-transport,  de  vaisseaux  utriculeux  et  de 
vaisseaux  cribreux,  soit  sur  les  parois  de  la  cavité  carpique,  soit  au 
centre  de  la  cloison,  n'a  rien  qui  doive  gêner  théoriquement  dans  l'hy- 
pothèse que  je  cherche  ici  à  justifier.  M.  Hanstein,  qui  a  beaucoup 
étudié  ces  formations,  s'exprime  ainsi  {Die  Milchsaftgefœsse,  p.  57)  : 
«  11  y  a  un  certain  nombre  de  plantes  dicotylées  qui,  si  elles  possèdent 
des  anneaux  semblables  et  fermés  de  bois,  de  cambium  et  de  liber,  ont 
cependant  aussi,  à  l'intérieur  de  l'anneau  ligneux,  à  la  périphérie  de 
la  moelle,  un  cercle  de  petits  faisceaux  qui  se  compose  presque  exclu- 
sivement de  tubes  cribreux  ou  de  parenchyme  cribreux.  J'ai  observé 
cela  jusqu'à  présent  dans  les  Solanacées,  les  Apocynées,  les  Asclépia- 
dées  et  les  Chicoracées.  Dans  les  Solanacées,  on  voit  parfois  s'associer 
aux  tubes  cribreux  des  fibres  libériennes  isolées.  Dans  les  autres  fa- 
milles citées,  ces  vaisseaux  restent  disséminés  dans  la  moelle.  Jamais 
ces  faisceaux  internes  ne  contiennent  de  cambium.  » 

La  cloison  renfermant  souvent  des  organes  analogues  à  ceux  qui  ta- 
pissent la  cavité  médullaire,  ce  que  l'on  dit  des  parois  de  cette  cavité 
lui  est  tout  à  fait  applicable,  et  l'on  peut  voir  dans  chacune  des  cavités 
du  fruit  une  division  de  celle  de  la  cavité  médullaire. 

Ces  considérations  ne  seraient-elles  pas  mieux  applicables  encore  à 
ces  Papavéracées  dans  la  cavité  carpique  desquelles  il  se  fait  une  pro- 
duction de  cellules  considérable  [Glmiciurn),  qui  englobe  les  graines  et 
remplit  tous  les  intervalles.  Ces  cellules  ne  sont-elles  pas,  par  leur  si- 
tuation au  moins,  fort  analogues  à  celles  de  la  moelle? 

M.  Trécul,  dans  le  travail  déjà  cité,  a  comparé  aux  cellules  de  la 
moelle  celles  qui  tapissent  l'intérieur  de  la  paroi  ovarienne  des  Pins- 
matocarpus,  en  dedans  de  l'anneau  ligneux,  et  d'où  émane  le  tissu 
utriculeux  qui  forme  les  cloisons  de  ces  Campanulacées.  11  n'existe  pas 
de  couche  semblable  en  dedans  de  l'anneau  qui  constitue  la  partie  in- 
terne de  l'ovaire  des  Crucifères;  mais  il  serait  facile  de  montrer  com- 
bien l'opinion  que  je  soutiens  ici  se  rapproche  de  celle  de  M.  Trécul. 

Les  considérations  que  j'ai  présentées  dans  mes  communications  an- 
c.  u  2 


18 
lérieures  m'ont  amené  à  concevoir  pour  la  famille  des  Crucifères  une 
classification  un  peu  différente  de  celle  qui  est  généralement  suivie.  Je 
dois  en  entretenir  la  Société  : 

On  sait  que  jusqu'à  présent  les  bases  posées  par  de  Candolle  pour  la 
classification  des  Crucifères  ont  été  généralement  acceptées  par  les  au- 
teurs qui  ont  traité  de  cette  famille  depuis  la  publication  du  Systema. 
SiKoch,  dans  son  Synopsis  florœ  gennanicae,  a  cru  devoir  prendre  la 
forme  du  fruit  pour  caractère  de  première  valeur  dans  le  groupement 
des  genres  de  celte  famille,  il  a  seulement  déplacé  les  tribus  instituées 
par  de  Candolle,  sans  les  modifier  en  aucune  façon.  Sudlicher,  dans  son 
Gênera^  n'a  fait  qu'intercaler  dans  le  cadre  tracé  par  l'illustre  Gene- 
vois, les  genres  décrits  depuis  la  publication  du  Prodrovnis,  en  indi- 
quant seulement  par  des  astérisques  ceux  dont  la  position  lui  paraissent 
incertaine  dans  la  famille.  Plusieurs  auteurs  ont  cependant  élevé  des 
objections  plus  ou  moins  graves  contre  la  prédominance  reconnue  par 
de  Candolle  aux  caractères  de  l'embryon  dans  les  Crucifères,  notam- 
ment MM.  J.  Gay,  Monnard  etBarnéoud.  MM.  Chatin  et  Cosson  ont  dé- 
claré, devant  la  Société  botanique  (i)  que  les  caractères  tirés  de  la 
forme  de  l'embryon  ont,  dans  la  famille  des  Crucifères,  moins  de  stabi- 
lité qu'on  ne  le  croit  généralement.  M.  Clialin  avait  lui-même  présenté 
à  l'Académie  des  sciences,  douze  ans  auparavant,  une  nouvelle  classi- 
fication des  Crucifères,  dans  laquelle  les  caractères  tirés  du  fruit  se 
trouvaient  au  premier  rang,  et  ceux  qu'offrent  le  style  sont  au  second 
rang  seulement.  M.  Cosson  a  observé  que  la  tribu  des  Erucanées  pré- 
sente des  cotylédons  plans,  concaves  ou  condupliqués,  transition  qui 
d'ailleurs  est  très-rare  dans  la  famille  des  Crucifères,  et  dont  j'ai  étudié 
un  exemple  frappant  dans  le  genre  Stroganowia  (2). 

Mais  c'est  surtout  dans  la  situation  de  la  radicule  des  embryons  à 
cotylédons  plans  que  les  variations  ont  été  constatées  {llulcliinsia, 
Draba^  Pclrocallis,  Cochlcaria^  Kernera,  Myagrum,  Alyssum  mari- 
timum).  Koch  fait  remarquer  que  dans  le  genre  Kernera  la  même  loge 
renferme  des  graines  à  cotylédons  accombants,  obliques  et  incombants. 
M.  Maly  [Flora,  1845,  n"  33,  p.  353,  357)  s'est  fondé  sur  ces  faits  pour 
déclarer  que  la  division  candollienne  en  Potorrhizées  etPleurorrhizées 
n'est  pas  soutenable.  C'est  au  même  sentiment  qu'ont  obéi  MM.  Decaisne 
et  le  Maout,  dans  leur  Flore  des  Jardins  et  des  Champs,  en  créant  le 
sous-ordre  des  Platylobées,  qui  comprend  à  la  fois  les  Pleurorrhizées 
et  les  Potorrhizées  du  Systema.  La  courbure  latérale  des  cotylédons 
autour  de  la  radicule,  courbure  qui  caractérise  la  tribu  des  Orthoplo- 

(1)  Voyez  Bull.  Soc.  bol.  de  France,  t.  YII,  p.  252  253. 

(2)  Voyez  Bull.  Soc.  bot.  de  France,  t.  IX,  p.  535. 


19 

cées,  est  demeurée  un  bon  caractère,  malgré  les  variations  que  je  rap- 
pelais tout  à  Tlieure,  et  dont  presque  aucun  caractère  n'est  exempt, 
quelque  naturel  qu'il  soit.  Les  autres  tribus  de  de  Candolle  (Diplécolo- 
bées  et  Spirolobées;,  sont  moins  fixes  dans  le  mode  d'enroulement  ou 
de  plicature  des  cotylédons;  mais  elles  présentent  un  caractère  com- 
mun, c'est  que  les  cotylédons  y  sont  plus  longs  que  la  radicule,  d'où 
l'obligation  où  ils  sont  de  s'enrouler  ou  de  se  replier,  pour  ne  pas  en 
dépasser  l'extrémité.  Ces  considérations  font  reconnaître  trois  groupes 
principaux  dans  la  famille.  Pour  les  caractériser,  on  peut  avoir  recours 
à  la  longueur  relative  de  la  radicule  et  des  cotylédons,  et  à  la  courbure 
latérale  de  ceux-ci  atitour  de  la  radicule;  mais  pour  éviter  la  difficulté 
que  présenteraient  encore  certaines  variations,  notamment  celles  des 
Strogonowia  et  celles  des  Schizopelalon^  il  vaudrait  mieux  recourir  à 
la  forme  des  cotylédons,  qui  me  paraît  plus  fixe  d'après  les  faits  à  moi 
<;onnus.  Dans  lesPlatylobées,  ces  organes  sont  ovales,  obtus  et  entiers; 
dans  les  Orthoplocées,  ovales-orbiculaires,  échancrés  au  sommet,  et 
dans  les  Streplolobées  (nom  par  lequel  je  propose  de  désigner  les  Di- 
plécolobées  et  Spirolobées  réunies),  ils  sont  linéaires-allongés.  Cette 
diversité  est  frappante  pour  tout  observateur  quand  on  l«i  montre  une 
série  de  Crucifères  au  moment  de  la  germination. 

Les  divisions  premières  de  la  famille  étant  ainsi  réduites  à  trois,  les 
divisions  secondaires  me  paraissent  devoir  être  établies  sur  les  carac- 
tères carpologiques  auxquels  Kocli  a  donné  dans  son  Synopsis  florae 
-gennanicœ  une  valeur  prinvordiale  (Siliqueuses,  Angustiseptées,  Lati- 
septées,  NucumenLacées  et  Lomentariées);  enfin  je  placerai  au  troisième 
rang,  dans  les  Platylobées  et  les  Streplolobées,  les  divisions  fondées 
sur  la  relation  de  situation  de  la  radicule  et  des  cotylédons.  Quant  à  la 
considération  sur  laquelle  de  Candole  a  fondé  la  division  des  Anastati- 
cées,  je  ne  crois  pas  qu'elle  soit  suffisante  pour  constituer  une  tribu. 
Tantôt  parmi  les  siliqueuses,  les  valves  se  rapprochent  de  la  cloison 
dans  l'intervalle  des  graines,  et  deviennent  ainsi  tortueuses,  tantôt  elles 
émettent  de  leur  face  interne  des  petites  cloisons  plus  ou  moins  pro- 
noncées :  on  observe  toutes  les  transitions,  et  il  serait  difficile  d'établir 
une  limite  tranchée  entre  la  tribu  des  Arabidées  et  celle  des  Anaslati- 
cées,  que  je  réunis  à  la  précédente. 

Voici,  sous  forme  de  tableau,  la  classification  proposée  dans  ce  mé- 
moire : 


20 
CRUCIFER.'E. 

Subordo  I.  PLATVLOBE.E  Decne  et  le  Maoul  FI.  desjard. 

et  des  champs. 

Séries  a.  siliquos^.. 

Tribus  i.  Sisymlirieie  DC.  Syst.  II,  438. 

Tribus  II.  Aralïidese  DC.  Sijst.  II,  161  (inclus.  Anaslaliceis 
DC.  Syst.  II,  424). 
Séries  b.  latisept/E. 

Tribus  m.  AByssiesese  DC.  Sijst.  II,  280. 

Tribus  iv.  Canicliuete  DC.  Sysl.  II,  513. 
Séries  c.  angustisept^. 

Tribus  v.  TaîiBsjîîeSeîe  DC,  Syst.  II,  372. 

Tribus  vi.  l.eiiicSBEiieîe  DC.  Syst.  II,  521. 
Séries  d.  nucamentace.e. 

Tribus  vu.  ICuclitliese  DC.  Syst.  II,  420. 

Tribus  vin.  Isatidese  DC.  Syst.  II,  563. 
Séries  e.  lomentarie^. 

Tribus  ix.  CaS^Hinese  DC.  Syst.  II,  427. 

Tribus  x.  Anclionâeîe  DC.  Syst.  II  76. 

Subordo  II.  ORTHOPLOCEiE  DC.  Sîjsl.  II,  581. 

Séries  a.  siliquos^e. 

Tribus  xi.  Brassieese  DC.  Syst.  II,  581. 
Séries  b.  latisept^. 

Tribus  xii.  ^'elleie  DC.  Syst.  II,  639. 
Séries  c.  angustisept/E. 

Tribus  xiii.  Psycliineœ  DC.  Sysl.  II,  643. 
Séries  d.  nucamentace.^. 

Tribus  xiv.  Zilleie  DC.  Syst.  II,  646. 
Séries  e.  lomentarie^e. 

Tribus  xv.  Fortuyniie  Boiss.  Ann.  se.  nat.,  2'  sér.,  XVII,  77. 

Tribus  XVI.  KapBiaBieie  DC.  Syst.  II,  649. 

Subordo  III.  STREPTOLOBEiE. 

Séries  a.  siuQwoSiE. 

Tribus  xvii.  gcltizopetalese  Barn.  Ann.  se.  nat.,  3*  sér., 

m,  65. 
Tribus  xvui.  MeBîffipBaâîeîe  DC.  Syst.  II,  676. 


2i 

Série;?  b.  tATisEi'i-t, 

Tribus  xix.  Stroganowîea;. 

Tribus  xx.  Suliulariese  DC.  Syst,  li,  G97. 
Séries  g.  angustisept.e. 

Tribus  XXI.  Braeliycai'pcte  DC.  Syst.  II,  698. 
Séries  d.  nucamentace^. 

Tribus  xxii.  Btiniadete  DC.  Syst.  II,  670. 
Séries  e.  lomentarie.'e. 

Tribus  xxiii.  Erucariete  DC.  Syst.  II,  673. 

II.  —  Physiologie  expérimentale. 

De  1,'influence   de  la   section  du  grand  sympathique    sur    la   composition 
DE  l'air  de  la  vessie  NATATOIRE  ;  par  M.  Armand  Moreau. 

L^air  de  la  vessie  natatoire  est  composé,  comme  on  le  sait,  d'oxygène, 
d'azote  et  d'une  très-petite  quantité  d'acide  carbonique. 

Après  avoir  montré,  dans  diverses  communications  de  l'année  1863, 
que  dans  un  poisson  la  proportion  de  l'oxygène  augmente  de  plus  en 
plus  à  mesure  que  l'activité  fonctionnelle  de  l'organe  est  plus  prononcée, 
je  me  suis  proposé  dans  une  nouvelle  série  d'études  de  chercher  les 
causes  prochaines  de  ces  variations. 

Parmi  les  expériences  que  j'ai  faites,  je  citerai  la  suivante,  qui  m'a 
mis  sur  la  voie  du  résultat  nouveau  que  je  communique  aujourd'hui  à 
la  Société  de  biologie. 

J'avais  lié  le«conduit  aérien  sur  une  tanche  (C.  Tincà).  Le  poisson 
survécut  à  l'opération  et  fut  sacrifié  au  bout  de  quinze  jours.  L'analyse 
de  Pair  contenu  dans  la  vessie  natatoire  fournit  une  proportion  d'oxy- 
gène supérieure  à  la  proportion  qui  existe  normalement  dans  celte 
espèce  de  poisson. 

Je  supposai  que  cette  augmentation  était  due  à  la  ligature  des  filets 
nerveux  qui  accompagnent  le  conduit  aérien  et  se  portent  à  la  vessio 
natatoire  ;  mais  comme  ces  filets  ne  proviennent  pas  d'une  source  uni- 
que, il  fallait  trouver  par  des  dissections  un  point  où  les  nerfs  allant  à 
la  vessie  natatoire  pussent  être  distingués  entre  eux  et  soumis  séparé- 
ment à  l'expérimentation. 

Les  rapports  anatomiques  utiles  à  connaître  et  les  précautions  à 
prendre  en  employant  les  procédés  opératoires  qui  m'ont  réussi  seront 
exposés  avec  tout  le  détail  nécessaire  à  la  clarté  dans  un  travail  ulté- 
rieur. Je  me  borne  ici  à  ce  qu'il  est  indispensable  de  savoir  pour  répé- 
icr  ces  expériences. 

L'artère  copliaco-méscntcriquc  qui  fournit  le  sang  à  la  vessie  nata- 


22 
toire  est  enveloppée  par  un  réseau  nerveux  formé  par  les  anastomoses 
inextricables  du  grand  sympathique  et  du  pneumo-gastrique.  Le  nerf 
qui  apporte  à  ce  plexus  les  éléments  du  pneumo-gastrique  est  une  di- 
vision du  rameau  intestinal,  division  qui  vient  se  jeter  sur  l'artère  en 
un  point  tel  que  l'opérateur  qui  l'atteint  peut  agir  séparément  sur  lune 
ou  l'autre  des  origines  nerveuses  du  plexus.  Je  vais  indiquer  la  situa- 
tion de  ce  point.  Celui  qui  considère  un  squelette  de  cyprin  voit  une 
grande  apophyse  partant  de  la  colonne  vertébrale,  et  formant  avec  la 
première  côte  un  angle  aigu.  Cette  apophyse  donne  insertion  à  un 
tendon  s'élargissant  aussitôt  et  formant  un  plan  aponévrotique  qui  se 
porte  sur  la  face  inférieure  de  la  vessie  natatoire.  Ce  tendon  élargi  est 
le  principal  point  de  repère  dans  l'opération  actuelle  ;  en  effet,  l'artère 
cœliaco-mésentérique  est  perpendiculaire  au  plan  de  cette  aponévrose 
qu'elle  traverse.  Au-dessus  de  ce  plan,  elle  est  entourée  par  le  ganglion 
et  les  nerf  sympathiques  seuls.  Au-dessous  et  à  quelques  millimètres  du 
même  plan,  elle  reçoit  les  filets  nerveux  provenant  du  rameau  intesti- 
nal du  pneumo-gastrique. 

Voici  comment  jopère  :  au  niveau  de  l'articulation  des  côtes  à  la 
colonne  vertébrale  et  parallèlement  à  l'axe  du  corps,  j'incise,  depuis  la 
première  côte  jusqu'à  la  ceinture  osseuse,  les  téguments  et  les  tissus 
sous-jacents;  puis,  à  l'aide  de  deux  incisions  menées  parallèlement  aux 
côtes  et  partant  des  extrémités  de  la  première  incision,  je  forme  un 
lambeau  que  je  rabats  pour  mettre  à  découvert  les  viscères  situés  en 
avant  de  la  vessie  natatoire.  Le  rein  est  alors  sous  les  yeux.  J'incise  le 
lobe  cachant  l'aponévrose  qui  sert  de  point  de  repèr^.  Tels  sont  les 
premiers  temps  de  l'opération. 

Si  je  veux  agir  sur  le  sympathique,  j'écarte  un  nouveau  lobe  du  rein 
placé  au-dessus  de  cette  aponévrose  et  qui  cache  l'artère  ;  celle-ci  étant 
mise  à  nu,  j'enlève  le  ganglion  qui  est  translucide  et  les  filets  sympa- 
thiques qui  l'accompagnent. 

Si  je  veux  agir  sur  le  pneumo-gastrique,  j'écarte  la  portion  du  rein 
placé  au-dessous  de  l'aponévrose,  j'incise  une  lame  fibreuse  qui  recou- 
vre le  foie,  je  soulève  le  foie  avec  précaution  pour  ne  pas  rompre  un 
sinus  volumineux,  et  j'aperçois  l'artère  et  les  filets  du  pneumo-gastrique 
qui  viennent  se  jeter  sur  elle.  Je  résèque  ces  filets  nerveux  avant  leur 
accolement  à  l'artère. 

Je  remets  ensuite  les  organes  en  place  et  recouds  le  lambeau  avec 
le  plus  grand  soin.  Ces  opérations  peuvent  durer  plus  d'une  heure  sans 
que  la  tanche  soit  en  danger  de  périr. 

J'ai  opéré  une  tanche  et  j'ai  coupé  les  filets  sympathiques  et  le  gan- 
glion au  lieu  d'élection.  Cinq  jours  après,  celle  tanche  sacrifiée  avait 
iO  p.  100  d'oxygène  dans  sa  vessie  natatoire. 


Une  autre,  opérée  de  même  et  sacriliéo  au  bout  de  quinze  jours,  offrit 
12  p.  100  d'oxygène. 

Une  autre  au  bout  de  dix-sept  jours  offrait  17  p.  100  d'oxygène. 

Une  autre  au  bout  de  vingt-six  jours  11  p.  100  d'oxygène. 

Ces  expériences  montrent  que  la  section  du  nerf  sympathique  accolé 
aux  artères  allant  à  la  vessie  natatoire  détermine  des  modifications  qui 
amènent  une  augmentation  de  l'oxygène  contenu  dans  la  vessie  nata- 
toire. Cette  conclusion  me  paraît  mise  hors  de  doute  quand  on  consi- 
dère que  l'opération  longue  et  grave  nécessaire  pour  mettre  à  décou- 
vert les  filets  et  le  ganglion  sympathique  ne  produit  rien  si  l'on  ne 
touche  à  ces  organes,  et  que  la  section  des  filets  du  nerf  pneumo-gas- 
trique  qui  se  portent  sur  la  môme  artère  ne  produit  pas  non  plus  l'aug- 
mentation de  l'oxygène.  Voici  en  effet  des  expériences  comparatives  : 

Une  tanche  qui  n'avait  subi  aucune  opération  vécut  dans  le  mémo 
bassin  que  les  tanches  opérées.  Sacrifiée  au  bout  d'un  mois  elle  offrit 
4,5  p.  100  d'oxygène. 

Une  autre  tanche,  à  laquelle  je  fis  subir  toute  l'opération  décrite  pour 
la  section  du  sympathique  en  m'abstenant  de  couoer  les  nerfs  et  le 
ganglion  mis  à  découvert,  fut  sacrifiée  au  bout  de  dix  jours  et  offrit 
5  p.  100  d'oxygène. 

L'opération  par  elle-même  n'avait  donc  pas  fait  varier  la  proportion 
de  ce  gaz  d'une  quantité  supérieure  à  celle  que  peuvent  donner  les 
variations  individuelles. 

J'ai  pratiqué  sur  une  tanche  la  section  du  rameau  du  nerf  pneumo- 
gastrique suivant  le  procédé  décrit.  L'air  de  la  vessie  natatoire  offrait, 
au  bout  de  onze  jours,  5  p.  100  d'oxygène. 

Une  autre  tanche  subit  de  la  même  manière  la  section  du  pneumo- 
gastrique, et  au  bout  de  vingt-cinq  jours  elle  offrait  2  p.  100  d'oxy- 
gène. 

On  ne  peut  supposer  que  c'est  par  la  diminution  de  l'azote  qu'aug- 
mente la  proportion  de  l'oxygène;  car,  s'il  en  était  ainsi,  on  trouverait 
la  vessie  natatoire  flasque  et  presque  vidée,  tandis  qu'elle  est  toujours 
pleine  et  tendue.  C'est  donc  en  quantité  absolue  que  l'oxygène  augmente 
en  même  temps  qu'en  proportion  relative. 

Il  est  donc  établi  que  la  section  du  nerf  sympathique  amène  l'aug- 
mentation de  l'oxygène  contenu  dans  l'air  delà  vessie  natatoire. 

En  terminant  cette  communication,  je  ferai  remarquer  que  la  chaleur 
qui  se  développe  dans  l'oreille  du  lapin,  d'après  l'expérience  célèbre 
de  M.  Cl.  Bernard,  et  le  gaz  oxygène  qui  arrive  ici  dans  la  vessie  nata- 
toire de  la  tanche,  sont  deux  phénomènes  déterminés  par  la  même  con- 
dition physiologique,  la  section  du  nerf  sympathique.  Des  recherches 
analytiques  nouvelles  sont  nécessaires  pour  expliquer  comment  des 


phénomènes  aussi   différents  peuvent    dépendre  d'une  môme  cause, 

III.  —  Pathologie. 

Thrombose  artérielle  dans  la  cachexie  cancéreuse  ;  par  le  docteur 
CeARcoT,  médecin  de  Thospicc  de  la  Salpêtrière. 

On  connaît  de  longue  date  les  oblitérations  fibrineuses  des  veines- 
qui  se  présentent  si  communément  dans  les  périodes  avancées  des  affec- 
tions cancéreuses  en  général,  et,  plus  particulièrement,  dans  les  cas  de 
carcinome  utérin.  On  s'accorde  à  reconnaître  aujourd'hui  que  ces  obli- 
térations fibrineuses  reconnaissent  pour  cause  principale  une  modifica- 
tion particulière  de  la  fibrine  du  sang,  désignée  par  Vogel  sous  le  nom 
d'inopexic.  J'ai  recueilli,  dans  ces  derniers  temps,  un  certain  nombre 
d'observations  qui  me  paraissent  propres  à  établir  que,  dans  ces  mômes 
circonstances,  et  vraisemblablement  sous  l'influence  des  mômes  causes, 
la  thrombose  artérielle  peut  se  produire  tout  aussi  bien  que  la  throm- 
bose veineuse,  celle-là,  à  la  vérité,  bien  plus  rarement  que  celle-ci. 

Chez  quatre  femmes  atteintes  de  cancer  utérin,  l'oblitération  absolue 
de  l'une  des  artères  sylvienncs  par  un  caillot  fibrineux  a  produit  le  ra- 
mollissement des  parties  correspondantes  du  cerveau.  C'était  un  ramol- 
lissement blanc  occupant  les  parties  des  lobes  antérieur  et  moyen  qui 
attiennent  à  la  scissure  de  Sylvius.  Les  tubes  nerveux,  réduits  en  par- 
celles ténues,  étaient  là  variqueux;  les  cellules  nerveuses  ne  présen- 
taient pas  d'altération  appréciable.  A  ces  éléments  se  trouvaient  mêlés 
des  corps  granuleux  en  assez  grand  nombre.  Le  thrombus  était  dense, 
décoloré,  formé  de  couches  fibrineuses  stratifiées.  Il  se  prolongeait 
dans  les  ramifications  principales  de  l'artère;  au  delà  et  en  deçà,  la  lu- 
mière des  vaisseaux  était  libre.  Les  tuniques  vasculaires  ne  présentaient, 
d'ailleurs  aucune  trace  de  dégénération  athéromateuse,  aucune  altéra- 
tion qu'on  puisse  rapporter  à  la  préexistence  d'une  artérite.  Le  début 
s'était  d'ailleurs  opéré  brusquement,  sans  prodromes.  Il  y  avait  eu  tout  à 
coup  hémiplégie  complète,  absolue,  avec  flaccidité  des  membres  et  per- 
sistance des  mouvements  réflexes  ;  la  face  était  déviée,  .lusqu'à  l'époque 
de  la  mort,  qui  avait  eu  lieu  deux  ou  trois  jours  seulement  après  le 
début,  les  malades  étaient  restées  dans  l'état  comateux. 

Encore  chez  un  sujet  atteint  de  cancer  utérin,  l'oblitération  de  l'une 
des  artères  fémorales  par  un  thrombus  a  produit  une  paralysie  subite  et 
complète  des  mouvements,  ainsi  qu'une  ancsthésie  cutanée  à  peu  près 
absolue  du  membre  correspondant.  Les  battements  artériels  étaient 
tout  à  fait  supprimés.  Le  membre  était  froid  et  couvert  çà  et  là  de  ta- 
ches livides,  La  mort  survint  avant  que  le  sphacèlp  se  fût  déclaré. 


25 
Dans  ce  cas,  comme  dans  les  précédents,  les  veines  principales  des 
membres  inférieurs  étaient  oblitérées  par  des  caillots  décolorés,  et  évi- 
demment de  date  ancienne. 

Jo  rapporterai  également  à  la  thrombose  artérielle  deux  cas  de  gan- 
grène sèche  de  plusieurs  doigts  de  la  main,  observés,  le  premier,  chez 
une  femme  atteinte  de  cancer  gastrique  ;  le  second,  chez  une  autre 
fcmnoe  qui  présentait  un  vaste  cancer  du  sein,  en  cuirasse.  L'autopsie 
a  fait  reconnaître,  dans  ces  deux  cas,  Texistence  d'un  thrombus  qui 
occupait  l'extrémité  inférieure  de  l'une  des  artères  humérales  et  se  pro- 
longeait à  une  certaine  distance,  dans  la  cavité  des  artères  cubitale  et 
radiale  correspondantes. 

Les  cavités  du  cœur  gauche,  les  veines  pulmonaires,  l'aorte,  ont  été 
explorées  avec  soin  chez  tous  les  sujets  dont  il  vient  d'être  question; 
il  n'y  existait  aucune  trace  de  concrétions  fibrineuses  ayant  pu  donner 
lieu  à  une  embolie.  D'un  autre  côté,  les  tuniques  des  artères  oblitérées 
par  les  caillots  étaient  tout  à  fait  saines.  Pour  expliquer  la  production 
de  la  thrombose  dans  tous  ces  cas,  il  ne  reste  plus  guère,  par  consé- 
quent, qu'à  invoquer  linfluence  d'une  altération  particulière  du  sang 
analogue  à  celle  qui,  lorsqu'il  s'agit  du  sang  veineux,  permet  de  com- 
prendre l'existence  si  fréquente  des  concrétions  sanguines  veineuses, 
chez  les  sujets  affaiblis  par  une  maladie  de  longue  durée. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


f  r 


LA  SOCIËTË  DE  BIOLOGIE 

pendant  le  mois  de  mars  1865; 
Par  m.  le  Docteur  DUxMONTPALLIER,  secrétaire. 


PRESIDENCE  DE  M.  RAYER. 


I.  —  Anatomie  pathologique. 

Tu.MEUR    I.NTRAPELVIENNE    DE  LA  RÉGION    SACRO-COCCYGIENNE    FORMÉE    PAR  HYPER- 
GE.NÈSE  DE    LA    SUBSTANCE    GRISE  DE  LA   MOELLE  ÉPINIÈRE  CHEZ  UN  NOUVEAU-NÉ  ; 

note  de  MM.  les  professeurs  Depaul  et  Robin. 

M.  Depaul  met  sous  les  yeux  de  la  Société  le  bassin  dun  enfant  dont 
la  région  coccygienne  était  le  siège  d'une  tumeur  assez  volumineuse. 
Cette  tumeur  de  la  grosseur  d'un  œuf  de  poule,  lobulée,  recouverte  par 
la  peau  saine,  est  située  sur  la  ligne  médiane  et  déborde  également  à 
droite  et  à  gauche  sur  les  parties  latérales  de  la  région  sacro-coccy- 
gienne.  L'anus  faisait  saillie  et  le  doigt  introduit  dans  le  rectum  con- 
state que  la  cavité  pelvienne  est  occupée  par  une  tumeur  dure  qui 
semble  envelopper  le  rectum  de  toutes  parts.  Il  était  probable  que  ces 
tumeurs  intra  et  extropelvienne,  avalent  des  rapports  de  continuité. 


28 
L'enfant  succombait  dans  les  premiers  jours  qui  suivirent  sa  naissance 
et  Ton  put  reconnaître  que  les  deux  tumeurs  se  continuaient  par  les 
échancrures  sciatiques. 

M.  le  professeur  Robin,  qui  a  fait  l'examen  histologique  de  cette  tu- 
meur, a  reconnu  l'existence  des  caractères  des  tumeurs  à  myélocytes, 
fumeurs  qui  dérivent  directement  ou  indirectement  du  cerveau  ou  de 
la  moelle  épinière.  Ces  tumeurs  peuvent  être  la  conséquence  dune  hy- 
pertrophie des  éléments  de  la  substance  grise  du  système  nerveux  avec 
lequel  elles  ont  conservé  des  rapports  immédiats  de  continuité;  d'au- 
tres fois  de  semblables  tumeurs  peuvent  n'avoir  aucun  rapport  de  con- 
tinuité avec  le  système  nerveux  :  alors  il  y  a  hétérotopie.  Mais  dans  le 
cas  présent,  s'il  n'est  pas  facile  de  démontrer  la  continuité  de  la  tumeur 
avec  la  substance  grise  de  la  moelle,  il  est  permis  de  supposer  que 
cette  continuité  a  existé  antérieurement  et  qu'elle  a  été  rompue  à  l'épo- 
que de  la  réunion  des  lames  vertébrales. 

ÎI.  —  Pathologie. 

l"  Sur  la  pakaplégie  douloureuse  dans  la  cachexie  cancéreuse; par  le  doc- 
teur CuARcoT,  médecin  de  l'hospice  de  la  Salpétrière. 

La  présente  communication  a  pour  but  d'appeler  l'attention  sur  quel- 
ques accidents  qui  surviennent  dans  le  cours  de  l'évolution  de  certains 
cancers,  et  qui,  si  je  ne  me  trompe,  n'ont  pas  encore  été  signalés  d'une 
manière  particulière. 

Je  commencerai  par  ce  qui  a  trait  au  cancer  du  sein.  Mon  ancien 
maître,  et  mon  prédécesseur  à  l'hospice  de  la  Salpôirière,  M.  le  doc- 
teur Cazalis,  avait  l'habitude  de  faire  remarquer  à  ses  élèves  que,  chez 
les  sujets  qui  succombent  par  suite  de  l'affection  dont  il  s'agit,  on  ren- 
contre très-habituellement  des  dépôts  secondaires,  le  plus  souvent  mul- 
tiples, développés  dans  l'épaisseur  du  corps  des  vertèbres,  surtout  à  la 
région  lombaire.  Ce  fait,  intéressant  à  plusieurs  égards,  se  trouve  con- 
firmé pleinement  par  les  nombreuses  observations  nécroscopiques  que 
jai  été  à  même  de  faire,  pendant  le  cours  des  trois  dernières  années,  à 
la  Salpétrière  ;  mais  j'ai  été  conduit  en  outre  à  reconnaître  que,  si  le 
cancer  vertébral  secondaire  reste  le  plus  souvent  latent,  il  s'annonce 
cependant,  quelquefois,  pendant  la  vie,  par  un  ensemble  de  symptômes 
qui  présente  une  physionomie  assez  particulière,  et  dont  le  nom  de  pa- 
raplégie douloureuse  donnerait,  ce  me  semble,  une  assez  bonne  idée. 
Voici,  du  reste,  en  quoi  cela  consiste  :  Les  malades  éprouvent  des  dou- 
leurs dont  le  siège  principal  est  la  région  lombaire  et  qui,  de  là,  s'irra- 
dient dans  toute  l'étendue  des  deux  membres  inférieurs:  ils  sont  parfois 


^.^ 


59 
tourmentés  par  un  sentiment  de  conslriction  pénible  qui,  en  outre, 
étroint,  comme  le  ferait  une  ceinture,  la  partie  la  plus  inférieure  de 
l'abdomen.  Dans  les  membres,  on  ne  saurait  localiser  ces  douleurs  sur 
le  trajet  d'un  ou  de  plusieurs  des  troncs  nerveux  principaux  ;  il  semble 
qu'elles  occupent  tous  les  rameaux  nerveux  à  la  fois.  Vives,  surtout  la 
nuit,  elles  ont  habituellement  le  caractère  lancinant  ou  môme  fulgurant; 
parfois  elles  s'accompagnent  dune  sensation  d'ailleurs  purement  sub- 
jective de  chaud  ou  de  froid  ;  toujours  il  s'y  joint  des  fourmillements 
qui  occupent  surtout  les  extrémités;  ces  douleurs  persistent  d'une  ma- 
nière à  peu  près  continue,  mais  elles  s'exaspèrent,  toutefois,  par  mo- 
ments, et  produisent  ainsi  des  accès  plus  ou  moins  violents  pendant 
lesquels  les  malades  sont  privés  de  sommeil,  ou  même,  dans  les  cas 
d'une  grande  intensité,  poussent  des  cris  déchirants.  —  D'ailleurs,  point 
d'analgésie  ou  d'anesthésie;  au  contraire,  les  moindres  pincements, 
voire  môme  les  moindres  attouchements,  sont  très-nettement  perçus, 
et,  de  plus,  ils  sont  foccasion  de  douleurs  plus  ou  moins  vives,  princi- 
palement pendant  la  durée  des  accès.  On  n'observe  aucun  désordre  ap- 
préciable de  la  conscience  musculaire.  —  Certains  troubles  de  la  moti- 
lité  vont  de  pair  avec  ces  symptômes  d'hypéresthésie  :  la  marche  est 
difficile,  en  partie  sans  doute  en  raison  des  douleurs  des  membres,  mais 
surtout  à  cause  de  l'affaiblissement  musculaire  ;  d'ailleurs,  à  un  degré 
])Ius  avancé,  cet  affaiblissement  est  tel,  que  les  malades  ne  peuvent 
plus  marcher  sans  l'aide  d'un  bras  ou  d'une  béquille;  on  les  voit,  lors- 
qu'ils s'efforcent  de  faire  quelques  pas,  détacher  péniblement  leurs  pieds 
du  sol;  il  semble  que  ceux-ci  soient  devenus  plus  pesants.  Plus  tard 
encore  l'atrophie  musculaire  se  met  de  la  partie  ;  les  membres  infé- 
rieurs s'amaigrissent  en  môme  temps  qu'ils  safl'aiblissent  encore,  et  un 
jour,  enfin,  la  marche  et  la  station  môme  sont  devenus  tout  à  fait  im- 
possibles. Nous  n'avons  pas,  jusqu'ici,  observé,  soit  la  paralysie  des 
sphincters,  soit  les  altérations  du  produit  de  la  sécrétion  urinaire,  soit 
encore  la  rapide  formation  d'escarres  au  sacrum  qu'on  rencontre  dans 
certaines  paraplégies,  qui  se  rapprochent  cependant  par  plus  d'un  trait 
de  celle  qui  nous  occupe.  Il  m'a  paru  que,  dans  les  cas  où  les  douleurs 
se  sont  montrées  très-vives  et  très-persistantes,  la  vie  des  malades  a  été, 
par  cela  même,  très-notablement  abrégée. 

Les  symptômes  de  paraplégie  douloureuse  ont  été  notés  par  moi  dans 
0  cas  sur  35  cas  de  cancer  du  sein  admis  à  la  Salpêtrière,  dans  la  divi- 
sion des  incurables,  pendant  les  trois  dernières  années  :  à  en  juger  par 
là,  cet  accident  ne  serait  pas  rare.  Il  se  manifeste  d'ailleurs  aux  époques 
les  plus  variées  du  cours  de  l'affection  cancéreuse  primitive;  tantôt 
quelques  mois  tout  au  plus  après  le  début  apparent,  tantôt,  au  con- 
traire, au  bout  de  plusieurs  années  seulement.  D'après  ce  que  j'ai  vu, 


30 
■c'est  plus  particulièrement,  mais  non  exclusivement  toutefois,  aux  di- 
verses formes  du  cancer  dur  qu'il  se  rattache  :  on  l'observe  tout  aussi 
bien  dans  les  cas  où  une  opération  a  été  pratiquée  que  dans  ceux  où  la 
maladie  a  été  abandonnée  à  elle-môme. 

Trois  fois  il  a  été  permis  de  rechercher  la  raison  analomique  des 
symptômes  observés  pendant  la  vie,  et  voici  l'indication  sommaire  des 
résultats  obtenus  :  Dans  tous  les  cas,  l'altération  cancéreuse  du  corps 
des  vertèbres  lombaires  était  des  plus  prononcées.  Deux  fois  c'étaient 
des  tumeurs  multiples  arrondies,  parfaitement  circonscrites,  du  volume 
d'une  noisette  pour  la  plupart,  ou  même  plus  grosses  encore,  faciles  à 
énucléer,  et  développées  au  sein  de  la  substance  spongieuse  qui  se  mon- 
trait partout  ramollie  et  friable.  En  quelques  points  la  mince  lamelle 
de  tissu  compacte,  qui  limite  de  toutes  parts  le  corps  des  vertèbres,  avait 
été  détruite  du  côté  delà  cavité  rachidienne,  de  telle  sorte  que  plusieurs 
tumeurs  avaient  fait  issue  dans  cette  cavité  où  elles  s'étaient  dévelop- 
pées, comprimant  d'avant  en  arrière  la  dure-mère.  Dans  le  troisième 
cas,  les  cléments  cancéreux  ne  constituaient  plus  par  leur  réunion  des 
tumeurs  circonscrites;  ils  étaient  comme  infiltrés  dans  les  cellules  agran- 
dies du  tissu  spongienx,  et  conséquemment  un  examen  microscopique 
attentif  permettait  seul  de  déterminer  le  véritable  caractère  de  l'altéra- 
tion. Celle-ci  portait  presque  exclusivement  sur  les  quatre  dernières 
vertèbres  lombaires.  Leur  tissu  était  ramolli,  à  tel  point  qu'on  pouvait, 
sans  effort,  les  diviser  à  l'aide  du  couteau  en  minces  lamelles;  l'une  de 
ces  vertèbres  (la  troisième)  était  aplatie,  comme  écrasée,  et  ne  mesu- 
rait guère  plus  d'un  centimètre  dans  son  diamètre  vertical.  Par  suite,  la 
colonne  lombaire  s'était  incurvée,  de  manière  à  rétrécir  le  canal  rachi- 
dien  dans  le  sens  antéro-postérieur;  la  dure-mère  avait  été  refoulée 
dans  le  môme  sens,  et  les  tissus  nerveux,  qui  constituent  la  queue  de 
cheval,  se  trouvaient  comprimés  et  tiraillés.  C'est  évidemment  à  la  com- 
pression et  à  l'irritation  des  racines  spinales  lombaires  que  doivent  être 
rattachés  les  symptômes  observés  pendant  la  vie. 

Si,  comme  tout  porte  à  le  croire,  la  forme  de  paraplégie  dont  il  s'a- 
git n'est  pas  tout  à  fait  rare,  il  n'est  guère  possible  qu'elle  soit  restée 
jusqu'ici  complètement  inaperçue.  Je  puis  dire,  dès  à  présent,  que  M.  le 
professeur  Trousseau  l'a  quelquefois  rencontrée,  et  je  tiens  de  bonne 
source  que  MM.  les  professeurs  '\^elpeau  et  Nélaton  ont,  de  leur  côté, 
observé  plusieurs  cns  qui  se  rapportent  évidemment  à  cet  ordre  de 
faits. 


31 

2"   Dk   la   niLUATION    DES   VEINES    DE    LA    RÉTINE    ET    DE    LIlÉMOUnUAClE    DE    LA 
RÉTINE     DANS     LES    CAS     DE     MÉNINGITE     TUBERCULEUSE     ET     DE    PlILÉUITE     DES 

SINUS  DE  LA  DURE-MÈRE  ;  par  M.  BOUCIIUT. 

Il  y  a  quatre  ans,  M.  Bouchut  a  déjà  fait,  connaître  les  lésions  qu'il 
avait  observées  dans  la  rétine  chez  des  enfants  alTectés  de  méningite  tu- 
berculeuse. 

Aujourd'hui,  M.  Bouchut  présente  à  la  Société  de  biologie  une  pièce 
anatomique  qui  démontre  que,  dans  un  cas  do  méningite  tuberculeuse, 
il  y  existait  un  état  variqueux  des  veines  de  la  rétine  et  une  héniorrha- 
gie  de  cette  membrane. 

Ces  graves  modifications  de  la  circulation  rétinienne  peuvent  être 
produites  toutes  les  fois  qu'il  y  a  vers  le  chiasme  des  nerfs  optiques 
une  gène  à  la  circulation  de  retour.  Alors,  l'oplitlialmoscopo  permet  de 
constater  une  infiltration  séreuse  péripapillaire ,  quelques  fois  une 
thrombos  des  veines  de  la  rétine  et  consécutivement  des  hémorrhagies 
sous-rétiniennes. 

Dans  un  cas  de  carie  du  rocher,  compliqué  de  méningite  de  la  base 
de  l'encéphale,  iM.  Bouchut  a  constaté  à  l'autopsie  une  phlébite  oblité- 
rante des  tissus  de  la  dure-mère.  Celte  obstruction  veineuse  avait  eu 
pour  conséquences,  une  gêne  de  la  circulation  des  sinus  caverneux, 
un  œdème  de  la  papille  du  nerf  optique,  un  état  variqueux  des  veines 
de  la  rétine  et  une  hémorrhagie  rétinienne. 

L'ophthalmoscope  ]iermettrait  de  reconnaître  ces  modifications  de  la 
circulation  de  la  rétine  dans  des  cas  analogues  et  d''étudier  leur  pro- 
cessus. 

Dans  un  cas  de  méningite  tuberculeuse  terminée  par  la  guérison  du 
malade,  M.  Bouchut,  après  avoir  constaté  Thémorrhagie  rétinienne,  a 
pu,  à  l'aide  de  l'ophthalmoscope,  étudier  la  marche  régressive  du  caillot 
hémorrhagique  de  la  rétine.  Cette  membrane  dans  la  portion  ecchy- 
mosée  devint  le  siège  d'une  transformation  graisseuse  et  la  papille  du 
nerf  optique  paraissait  notablement  atrophiée. 

3°  Diagnostic  différentiel  de  l'hydrocéphalie  chronique  et  du  rachitisme 

AU  MOYEN  DE  LOPHTRALMOSCOPE,  par  M.  BoUCHUT. 

Le  diagnostic  de  l'hydrocéphalie  chronique,  à  ses  débuts,  n'est  pas 
toujours  très-facile,  et,  chez  les  jeunes  enfants  encore  à  la  mamelle  ou 
n'ayant  pas  dépassé  trois  ans,  il  est  même  d'une  difficulté  excessive. 
En  effet,  tant  que  la  tête  n'a  pas  acquis  un  volume  assez  considérable 
pour  dissiper  tous  les  doutes,  les  troubles  de  la  motilité,  de  la  sensibi- 
lité et  des  organes  des  sens  sont  d'une  appréciation  quelquefois  très- 
embarrassante.  De  plus,  il  y  a  une  autre  maladie  de  l'enfance  qui  pro- 


32 
duitraugmenlalion  de  volume  de  la  tête,  et  qui  a  clé  souvent  confondue 
avec  l'hydrocéphalie  commençante;  c'est  le  rachitisme  limité  au  crâne 
et  accompagné  de  convulsions  internes  et  d'éclampsie. 

Un  instant  Fisher  (de  Boston)  avait  cru  trouver  dans  la  présence  d'un 
bruit  de  souffle  au  niveau  de  la  fontanelle  antérieure  le  moyen  de  re- 
connaître l'hydrocéphalie,  mais  les  recherches  ultérieures  de  Rilliet  et 
de  Wirlhgen  ont  établi  que  ce  bruit  de  souffle  existait  également  chez 
les  rachitiques  et  chez  un  grand  nombre  d'enfants  bien  portants, 
^n  présence  de  ces  tentatives  infructueuses  faites  pour  éclairer  le 
diagnostic  de  l'hydrocéphalie  chronique  et  du  rachitisme,  M.  Bouchuta 
pensé  que  la  connaissance  de  nouveaux  signes  fournis  par  l'ophthal- 
moscopie  pourrait  donner  plus  de  précision  au  diagnostic  de  ces  deux 
maladies. 

Dans  l'hydrocéphalie  chronique,  dit-il,  la  circulation  et  la  nutrition 
du  fond  de  l'œil  subissent  des  modifications  qu'explique  très-bien  la 
compression  intérieure  ou  extérieure  du  cerveau  par  la  sérosité  conte- 
nue dans  le  crâne,  et  ce  sont  ces  modifications,  appréciées  au  moyen 
de  l'ophtlialmoscope,  qui  sont  précisément  des  signes  importants  de 
l'hydrocéphalie  chronique. 

A  mesure  que  la  sérosité  s'accumule  et  que  la  compression  du  cer- 
veau augmente,  il  se  fait  dans  l'intérieur  de  l'œil  :  1"  une  vascularisation 
plus  grande  de  la  papille  et  de  la  rétine  avec  dilatation  des  veines  qui 
gardent  leur  couleur  habituelle;  2°  un  accroissement  du  nombre  des 
veines  de  la  rétine  ;  3"  une  infiltration  séreuse  partielle  ou  complète  de 
la  papille;  4°  une  atrophie  de  la  rétine  et  de  ses  vaisseaux;  5°  une  atro- 
phie plus  ou  moins  prononcée,  quelquefois  complète  du  nerf  optique. 

Ces  lésions  varient  avec  l'ancienneté  de  la  maladie  et  avec  la  quantité 
de  l'épanchement  séreux.  Elles  résultent,  soit  de  la  compression  des 
sinus,  ce  qui  empêche  le  sang  de  l'œil  de  rentrer  dans  le  sinus  caver- 
neux et  ce  qui  amène  l'œdème  de  la  rétine,  soit  de  la  compression  des 
nerfs  optiques  à  l'intérieur  du  crâne.  Elles  n'ont  pas  une  influence  égale 
sur  l'exercice  de  la  vision,  car,  sa'jf  l'atrophie  de  la  papille,  les  autres 
permettent  encore  aux  enfants  de  distinguer  les  objets.  Enfin,  ce  qu'il  y 
a  de  plus  important,  c'est  qu'elles  n'existent  pas  dans  le  rachitisme. 

Eneffet,  sur  vingt-deux  enfants  rachitiques  queM.Bouchutaexaminés. 
enfants  de  cinq  ans  à  trois  ans,  dont  le  corps  était  peu  déformé,  et  qui 
offraient  surtout  un  accroissement  de  volume  de  la  tôte  avec  persistance 
de  la  fontanelle  antérieure,  les  uns  ayant  offert  des  convulsions  internes 
ou  de  l'éclampsie,  et  les  autres  n'ayant  eu  aucun  accident  nerveux,  le 
fond  de  l'œil  conservait  ses  dispositions  normales.  Il  n'y  avait  aucune 
altération  de  la  papille  ni  de  désordre  dans  la  circulation  veineuse  de 
la  rétine. 


33 

En  conséquence,  conclue-t-ii,  l'ophtlialnioscope  permet  de  distinguée 
l'hydrocéplialie  chronique  du  rachitisme  produisant  l'augmentation  du 
volume  Û9  la  tête  ;  car,  dans  le  premier  cas,  on  peut  constater  au  fond 
de  l'œil  des  troubles  de  circulation  et  de  nutrition  qui  n'existent  pas 
dans  le  rachitisme. 


C.   15. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


OLOGIË 


PENDANT   LE   MOIS   d'aYRIL    1865; 


Par  iM.  le  Docteur  DLÎMONTPALLIER,  secrétaire. 


PRESIDEKE  B!î  M  RWER. 


1.  —  Physique  appliquée  a  la  physiologie. 

Propagation  du  courant  électrique;  par  C.  M.  Guillemin. 

Les  recherches  que  j'ai  entreprises,  en  1849,  sur  la  propagation  du 
courant,  ont  été  récemment  le  sujet  d'observations  critiques  de  la  part 
de  M.  Gonnelle,  inspecteur  des  lignes  télégraphiques.  M.  Gonnelle  est 
mort  peu  de  temps  après  la  publication  de  son  mémoire.  Dans  la  ré- 
poTise  que  j'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Société,  réponse  qu'il  ne  me 
sera  pas  permis  de  développer  ultérieurement,  à  cause  de  l'absence  de 
mon  contradicteur,  j'ai  dû  réfuter  toutes  les  objections,  sans  en  omettre 
aucune.  Bien  que  ce  sujet  semble  étranger  à  la  biologie,  je  demande  la 
permission  d'en  dire  quelques  mots,  attendu  que  les  phénomènes  dont 
il  s'agit  peuvent  avoir  des  connexions  avec  la  physiologie  du  système 
nerveux. 


36 

Mon  contradicteur'oppose,  comme  antérieures  à  mes  travaux,  des 
expériences  sur  les  câbles  sous-marins.  Cette  question  de  priorité  peut 
être  facilement  jugée,  quand  on  se  rappelle  que  la  propagation  du  cou- 
rant dans  un  long  câble  est  tellement  lente  qu'on  peut  Tétudier  à  l'aide 
des  instruments  usuels  ;  tandis  qu'au  contraire,  la  propagation  dans  les 
fils  aériens  est  si  rapide  qu'il  a  fallu  une  nouvelle  méthode  expérimen- 
tale pour  la  constater.  C'est  dans  ce  but  que  j"ai  imaginé  l'appareil 
auquel  j'ai  donné  le  nom  de  périodomètre,  et  je  démontre  que  le  but 
est  atteint,  malgré  toutes  les  objections  qui  me  sont  adressées. 

La  plus  forte  de  ces  objections  se  réduit  à  dire  que  mon  appareil  ne 
peut  donner  aucune  indication  utile  parce  que,  dans  le  galvanomètre, 
les  déviations  ne  sont  proportionnelles  aux  intensités  des  courants  que 
dans  les  vingt  ou  vingt-cinq  premiers  degrés.  Ma  réponse  sur  ce  point 
est  bien  simple  :  1°  les  déviations  de  mes  expériences  ne  dépassent 
point  cette  limite  ;  2"  il  suffit  de  graduer  le  galvanomètre  pour  qu'on 
puisse  se  servir  des  déviations  supérieures  à  vingt-cinq  degrés,  aussi 
bien  que  de  celles  qui  sont  inférieures  à  ce  nombre. 

M.  Gonnelle  a  dénaturé  les  résultats  de  mes  expériences  en  les  tra- 
duisant graphiquement  par  des  courbes  pour  la  construction  desquelles 
il  n'a  jioint  suivi  les  principes  admis  par  tout  le  monde.  Je  fais  voir  en 
quoi  ce  tracé  est  défectueux  et  que  les  courbes  construites  d'après  les 
véritables  règles,  démontrent  une  approximation  de  1/40,  très-suffisante 
dans  des  expériences  si  difficiles,  qu'il  y  a  peu  de  temps  encore,  elles 
paraissaient  presque  impossibles  à  réaliser. 

On  ne  peut  pas  exprimer  par  un  nombre  simple  la  vitesse  de  l'élec- 
tricité, comme  on  exprime  celle  du  son,  celle  de  la  lumière.  Ici  les 
phénomènes  de  propagation  sont  beaucoup  plus  complexes.  Ainsi,  par 
exemple,  le  courant  n'arrive  pas  tout  d'un  coup  à  l'extrémité  d'un  con- 
ducteur, comme  une  onde  sonore  arrive  à  l'extrémité  d'un  tuyau. 

Le  courant  acquiert  graduellement  son  intensité  finale.  Faible  d'abord 
l'intensité  augmente  rapidement,  pour  atteindre  une  valeur  maximum 
qui  ne  varie  plus,  et  qu'on  appelle  élat  stable  ou  permanent  du  cou- 
rant, par  opposition  à  la  marche  primitivement  croissante,  qui  constitue 
Yèlat  variable. 

Si  Ton  compare  des  conducteurs  de  môme  nature,  de  môme  section, 
mais  de  longueur  différente,  les  temps  qu'il  faut  à  l'état  stable  pour  se 
produire  à  l'extrémité  de  ces  conducteurs,  croissent  presque  aussi  ra- 
pidement que  les  carrés  des  longueurs. 

Cette  loi  doime  la  raison  de  ce  fait  pratique,  que  la  difficulté  de 
transmettre  des  signaux  télégraphiques  sur  des  lignes  très-longues  croît 
plus  vite  que  la  simple  longueur  de  ces  conducteurs. 

M.  Gonnelle  a  soulevé  sur  ce  point  et  sur  d'autres  encore  des  ques- 


37 
lions  de  principes  sur  lesquelles  il  pensait  me  prendre  en  défaut.  J'ai 
fait  voir  que  je  n'ai  négligé  aucun  des  principes  scientifiques  qui  peu- 
vent guider  l'expérimentation,  et  qu'il  conviendrait  mieux  d'adresser  un 
reproche  semblable  aux  observations  critiques  qu'au  mémoire  cri- 
tiqué. 

Toutes  les  autres  objections  très-nombreuses,  que  mon  contradicteur 
a  formulées  en  termes  assez  vifs,  n'ont  pas  de  bases  plus  solides  que 
celles  que  je  viens  de  rappeler.  Je  pourrais  même  regarder  comme  un 
titre  l'absence  d'arguments  plus  sérieux  si  les  faits  de  la  pratique  ne 
venaient  de  temps  en  temps  fournir  à  mes  expériences  des  confirma- 
lions  précieuses. 

Maintenant  qu'on  sait  à  peu  près  comment  le  courant  électrique  se 
propage,  il  serait  intéressant  de  savoir  si  ce  qu'on  a  appelé  le  courant 
nerveux  se  comporte  de  la  même  manière  que  le  courant  électrique. 
Ainsi,  par  exemple' le  temps  qu'il  faut  au  courant  nerveux  pour  pro- 
duire un  effet  déterminé,  varie-t-il  dans  un  rapport  plus  rapproché  du 
carré  de  la  longueur  des  nerfs  que  de  la  simple  longueur  de  ces  or- 
ganes ? 

IL  —  Anatomie  pathologique. 

1"  Cas  d'atrophie  des  >erfs  olfactifs  et  d'hypertrophie  des  racines  des 
NERES  optiques;  diminutio.n  manifeste  de  l'odorat;  par  J.  L.  Prévost, 
int(irne  des  hôpitaux. 

Les  fonctions  des  nerfs  olfactifs  ont  été  longtemps,  on  le  sait,  un  sujet 
de  discussion  entre  les  physiologistes  qui  ne  sont  même  pas  tous  d'ac- 
cord, de  nos  jours,  sur  ce  point.  Tandis  que  le  plus  grand  nombre  font 
du  nerf  olfactif  le  but  du  sens  de  l'odorat,  nous  en  voyons  d'autres,  se 
fondant  sur  les  expériences  de  ALigendie  et  sur  des  faits  pathologiques, 
attribuer  les  fonctions  de  l'olfaction  au  trijumeau. 

Des  observations  où  il  y  avait  absence  congénitale  du  nerf  olfactif 
ou  lésions  de  ce  même  nerf  ont  été  citées  par  divers  auteurs,  mais  tantôt 
avec  conservation,  tantôt,  au  contraire,  avec  perte  du  sens  de  l'olfac- 
tion. Il  me  suffira  de  rappeler  en  particulier,  pour  les  opposer,  les  cas 
cités  par  Pussat  et  par  M.  Claude  Bernard. 

Malgré  ces  travaux,  la  question  ne  me  paraît  pas  complètement  réso- 
lue, et  comme  j'ai  eu  l'occasion  de  rencontrer  à  la  Salpêtrière,  dans  le 
service  de  M.  le  docteur  Vulpian,  dont  je  suis  l'interne,  un  cas  d'atro- 
phie considérable  des  nerfs  olfactifs,  j'ai  pensé  qu'il  ne  serait  pas 
inutile  de  prendre  auprès  des  parents  et  des  amis  du  sujet  tous  les  ren- 
seignements possibles.  L'observation  post  morfeni  n'est  jamais,  il  faut 
l'avouer, tout  à  fait  concluante  ;  mais  j'ai  pu  obtenir  cependant  des  dé- 


38 
tails  assez  précis,  et  j'espère  qu'ils  ne  seront  pas  inutiles  à  la  question 
du  rôle  physiologique  de  Toifactif,  dans  le  sens  de  l'odorat, 

Obs.  —  La  nommée  Bohm  (Marguerite),  69  ans,  veuve  Peulier, 
lingèro,  entre  le  22  avril  1865,  salle  Saint-Denis,  n"  16,  service  de  M.  le 
docteur  Vulpian;  elle  était  admise  à  la  Salpêtrière  depuis  Tannée  1856. 
Cette  femme  atteinte  il  y  a  déjà  vingt  ans  d'une  première  attaque 
d'hémiplégie  droite  qui  ne  lui  laissa  pas  de  trace,  en  subit  une  se- 
conde il  y  a  onze  ans.  Mais  cette  fois,  l'hémiplégie  du  côté  gauche  laisse 
des  traces  permanentes  :  embarras  de  la  marche  et  difficulté  de  la  pa- 
role; cette  gêne  de  langage  tenait  à  la  paralysie  de  la  langue;  la  malade 
trouvait  bien  ses  mots,  mais  elle  avait  simplement  de  la  peine  à  les  pro- 
noncer. 

Depuis  environ  un  an  la  marche  était  devenue  plus  difficile;  la  ma- 
lade ne  pouvait  que  difficilement  sortir  de  son  dortoir,  et  ne  se  rendait 
plus  en  ville  pour  visiter  ses  parents. 

Le  22  avril,  nouvelle  attaque  apoplectiforme  pour  laquelle  elle  entre 
à  l'infirmerie. 

La  parole  est  fort  difficile. 

Face  tirée  à  gauche  et  en  haut;  un  peu  de  paralysie  du  buccinaleur 
droit;  langue  non  déviée;  yeux  non  strabiques;  pupilles  égales. 

Membres.  Les  mouvements  sont  presque  complètement  abolis  dit 
côté  droit. 

Cotte  hémiplégie  droite  aila  en  augmentant  les  jours  suivants.  Le  ma- 
lade s'aflaiblit  et  succomba  le  24  avril  dans  la  soirée. 

Autopsie,  26  avril  1865.  Je  regrette  beaucoup  de  n'avoir  pu  obser- 
ver avec  soin  la  base  du  crâne,  et  en  particulier  m'assurer  de  l'état  de 
la  lame  criblée  de  l'ethmoïde  ;  mais  le  sujet  devait  être  enterré,  ce 
n'est  qu'en  toute  hâte  que  j'ai  pu  enlever  le  cerveau;  et  quand  je  m'a- 
perçus des  anomalies  qu'il  présentait,  le  corps  était  déjà  enlevé. 

A  l'ouverture  du  crâne  il  s'écoula  une  assez  forte  quantité  de  liquide 
encéphalo-rachidien,  de  couleur  normale. 
Pas  de  néo-membranes  sur  la  face  viscérale  de  la  dure-mère. 
L'examen  de  la  base  de  l'encéphale  me  fait  constater,  avec  M.   le 
docteur  Vulpian,  les  particularités  suivantes  : 

Au  premier  coup  d'oeil  nous  sommes  frappés  de  ne  pas  trouver  bien 
visible,  comme  en  cas  ordinaire,  le  pédoncule  blanc  nacré  du  nerf 
olfactif;  il  paraît  même  manquer  complètement,  et  le  lobe  frontal  est 
recouvert  à  sa  face  inférieure  de  l'arachnoïde,  un  peu  épaissie  à  ce  ni- 
veau. 
Un  examen  plus  attentif  de  la  pièce  nous  fait  constater  ce  qui  suit  : 
Au  devant  de  l'espace  perforé  antérieur,  on  aperçoit  le  petit  mnnir- 


50 

Ton,  dont  part  habituellement  le  pcdoncule  de  rolfaclif.  1!  est  recou- 
vert par  une  seule  strie  étroite,  blanchâtre,  se  dirigeant  de  dedans  eu 
dehors  et  d'avant  en  arrière,  et  représentant  une  partie  des  racines  ex 
ternes  du  nerf  olfactif. 

En  examinant  avec  soin  le  trajet  ordinaire  du  nerf  olfactif,  on  aper- 
çoit au-dessous  de  l'arachnoïde,  épaissie  notablement  à  ce  niveau,  le 
tronc  du  nerf  très-grèlc  atteignant  à  peine  le  diamètre  de  1/3  de  milli- 
mètre. Ce  tronc  grêle  est  grisâtre  et  demi-transparent,  au  lieu  d'être 
blanc  nacré  comme  dans  l'état  sain;  il  peut,  pour  sa  couleur,  se  com- 
parer aux  nerfs  qui  ont  su^^i  une  d-^générescence  atrophique.  Ce  petit 
pédoncule  aboutit  à  un  bulbe  olfactif  qui  est  aussi  très-grêle.  Toutes 
ces  parties  sont  si  ténues  et  si  transparentes  que  sans  un  examen  mi- 
nutieux on  aurait  pu  méconnaître  leur  existence  et  conclure  à  une 
absence  complète  du  nerf;  mais  elles  sont  devenues  beaucoup  plus 
évidentes  à  la  suite  de  la  macération  de  la  pièce  dans  l'alcool. 

Examen  micrograpliique.  J'ai  fait  plusieurs  préparations  microgra- 
phiques de  parcelles  du  pédoncule  de  l'olfactif;  mais  je  n'ai  pu,  non 
plus  que  M.  le  docteur  Vulpian  qui  a  bien  voulu  les  examiner  aussi,  y 
découvrir  de  fibres  nerveuses.  L'examen  micrographique  montre  une 
substance  amorphe  un  peu  grenue,  dans  laquelle  on  retrouve  des  petites 
fibrilles  très-ténues  qui  ne  sont  probablement  que  des  débris  de  lagaîno 
des  tubes  nerveux,  gaîne  qui,  dans  le  nerf  olfactif,  est  très-mince  à  l'é- 
tat normal,  ce  qui  rend  compte  de  la  ténuité  de  ces  fibrilles. 

En  outre,  on  retrouve  des  vaisseaux  capillaires  qui  n'ont  pas  subi  de 
dégénérescence  athéromateuse. 

De  plus,  disséminés  dans  la  substance  amorphe,  une  grande  quantité 
de  noyaux  et  de  corps  amyloïdes,  colorant  en  noir  sous  l'influence  de 
l'iode  et  de  l'acide  sulfurique.  Mais  la  présence  de  ces  corps  amyloïdes 
nombreux  ne  peut  être  regardée  comme  offrant  un  grand  intérêt.  On 
retrouve,  en  effet,  dans  l'état  normal,  surtout  dans  un  âge  un  peu  avancé, 
une  grande  quantité  de  corps  amylo'ides  dans  le  nerf  olfactif.  Ce  matin 
même,  j'ai  fait  une  préparation  d'un  nerf  olfalctif  qui  était  parfaitement 
sain,  blanc  nacré,  afin  de  le  comparer  à  celui  que  je  présente  comme 
atrophié,  et  j'ai  retrouvé  autant  de  corpuscules  amylo'ides  dans  l'un 
que  dans  l'autre.  Le  fait  important,  sur  lequel  j'attire  l'attention,  est 
l'absence  des  fibres  nerveuses,  ou  du  moins  leur  rareté,  puisque  je  n'ai 
pu  en  retrouver  dans  les  quatre  ou  cinq  préparations  que  j'en  ai  faites, 
tandis  que  dans  le  nerf  sain  que  j'examinais  comrrie  étalon,  il  y  en  avait 
un  fort  grand  nombre. 

On  remarquait  en  outre  sur  la  base  de  l'encéphale  une  remarquable 
hypertrophie  des  racines  du  nerf  optique.  Elles  représentent  deux  cor- 
dons fusiformes  très-épais  au  milieu,  et  s'élargissant  dé  nouveau  à  leur 


40 

origine.  Au  niveau  des  corps  genouillés,  j'ai  constaté  les  dimensions 
en  diamètre,  en  les  comparant  à  une  racine  optique  normale. 

RACINE    DU    NERF    OPTIQUE    NORMAL.  RACINE    HYPERTROrHIÉE. 

millim.  millim. 

Diamètre  au  niveau  de  l'o-  Diamètre  au  niveau  de  l'o- 
rigine des  corps  rigine  des  corps 
genouillés 5                           genouillés 9 

—  un  peu  au-dessus  4  Avant   le    renflement   fusi- 

—  au  milieu 41/2        forme 51/2 

Nerf  optique,  diamètre 4  Renflement  (au  milieu) 61/2 

Nerf  optique,  diamètre....     41/2 

On  peut  voir  par  ces  dimensions  que  la  partie  moyenne  de  la  racine 
du  nerf  optique  formait  une  sorte  de  faisceau  légèrement  rétréci  à  son 
origine,  et  offrant  un  nouveau  rétrécissement  au  niveau  du  chiasma. 

Le  chiasma  paraît  sain  et  les  nerfs  optiques  sont  un  peu  plus  volumi- 
neux que  dans  l'état  normal;  l'hypertrophie  siégeait  uniquement  sur  la 
racine  qui  offrait  d'ailleurs  la  couleur  et  l'aspect  de  l'état  normal,  hors 
sa  grosseur. 

Autres  parties  de  l encéphale'  Artères  de  la  base  très-alhéroma- 
teuses. 

Corps  strié  gauche.  Lacune  pouvant  contenir  une  petite  noisette  à  la 
partie  inférieure  du  noyau  gris  extra-ventriculaire;  mais  la  plus  grande 
partie  de  ce  noyau  est  saine.  Rien  dans  la  couche  optique.  Cette  lacune 
offre  une  paroi  tapissée  par  une  membrane  très-mince  d'aspect  cireux, 
parcourue  par  un  petit  nombre  de  vaisseaux. 

Corps  strié  droit.  Au  moment  où  l'on  ouvre  le  ventricule  du  côté 
droit,  on  voit  qu'au-dessous  de  la  membrane  ventriculaire  qui  recouvre 
le  corps  strié  de  ce  côté,  il  y  a  des  lacunes  dans  la  partie  superficielle, 
sous-membraneuse  du  corps  strié.  Une  de  ces  lacunes  est  placée  à  la 
partie  moyenne  du  corps  strié,  et  une  autre  vers  la  réunion  du  corps  et 
de  la  queue  du  corps  strié.  La  lacune  antérieure  est  très-peu  étendue 
en  profondeur,  et  peu  large  d'ailleurs  (moins  d'un  centimètre  de  dia- 
mètre). Il  n'y  a  qu'une  petite  quantité  de  la  substance  grise  du  noyau 
caudé  qui  soit  détruite  en  ce  point. 

La  lacune  postérieure  est  plus  étendue,  soit  en  profondeur,  soit  en 
largeur.  Elle  pourrait  contenir  une  noisette  environ,  et  comprend  toute 
la  hauteur  de  la  substance  grise  du  noyau  caudé,  et  empiète  môme  un 
peu  sur  les  radiations  blanches  contenues  dans  le  corps  strié. 

Rien  dans  le  reste  du  corps  strié  ni  dans  la  couche  optique. 

Tubercules  (luadrijumcaux  sains,  volume  normal.  Légère  altéra  lion 


4i 
des  parties  tout  à  fait  superficielles  des  lobes  sphénoïdaux  à  la  hase.  La 
pie-mère  qui  est  un  peu  épaissie  est  adhérente  à  la  substance  grise,  et 
Ton  enlève  une  petite  partie  de  cette  substance  en  môme  temps  que 
Ion  détache  la  pie-mère. 
Les  nei'fs  trijumeaux  sont  sains. 

Telle  est  celte  observation  intéressante,  surtout  au  point  de  vue  de 
latrophie  manifeste  des  nerfs  olfactifs.  Frappé  de  cette  altération  et 
pensant  que  l'odorat  pourrait  être  modifié,  je  me  suis  rendu  d'abord  dans 
le  dortoir  de  la  femme  Peulier;  j'y  appris  de  ses  voisines  qu'elles  s'é- 
taient souvent  aperçues  que  cette  femme  n'avait  pas  d'odorat  {sic),  que 
fréquemment  elles  l'avaient  priée  d'enlever  sa  chaufferette  qui  donnait 
de  lodeur,  mais  qu'elle  répondait  toujours  qu'elle  ne  le  sentait  pas. 
Elle  ne  s'apercevait  pas  en  outre  le  matin  de  l'odeur  du  dortoir  ni  de 
celle  du  poêle  pendant  l'hiver,  et  se  refusait  toujours  à  laisser  ouvrir 
les  fenêtres.  Ces  faits  me  paraissaient  peu  concluants;  on  peut  en  effet 
l'attribuer  à  la  crainte  du  froid,  et  les  voisines  ni  la  surveillante  du 
dortoir  ne  purent  me  donner  des  détails  plus  précis. 

Je  me  suis  rendu  alors  chez  le  fils  de  madame  Peulier,  rue  Montor- 
gueil,  et  chez  sa  fille,  madame  Bertrand,  rue  Montmorency,  qui  revint 
elle-même  le  lendemain  à  l'hôpital,  et  nous  donna  à  M.  Vulpian  et  à 
moi  des  détails  très -précis.  Comme  nous  avons  pris  toutes  les  précau- 
tions possibles  pour  ne  pas  influencer  ses  réponses,  elles  me  paraissent 
avoir  quelque  valeur. 

Il  résulte  de  ces  informations  que  madame  Peulier  aurait  eu  ancien- 
nement l'odorat  très-développé  ;  elle  craignait  fort  les  mauvaises  odeurs, 
affectionnait  les  bonnes,  et  avait  grand  goût  pour  les  parfums  et  les 
aliments  savoureux  ;  elle  buvait  avec  grand  plaisir  du  café,  et  aimait  les 
fleurs. 

Depuis  deux  ou  trois  ans  ses  parents  avaient  remarqué  que  l'odorat  et 
le  goût  de  madame  Peulier  diminuaient  beaucoup  ;  elle  ne  s'apercevait 
plus  de  l'odeur  du  charbon  ni  du  bon  ou  du  mauvais  goût  de  ses  ali- 
ments. Sa  fille  nous  rapporte  plusieurs  occasions,  en  les  précisant,  où 
sa  mère  ne  se  serait  pas  aperçue  de  mauvaises  ou  de  bonnes  odeurs.  La 
malade  s'en  était  aperçue  elle-même,  et  en  avait  fait,  à  plusieurs  reprises, 
l'observation.  On  se  plaignait  en  particulier  un  jour,  auprès  d'elle,  de 
ce  que  sa  chaise  percée  répandait  une  mauvaise  odeur.  Quant  à  moi, 
aurait-elle  répondu,  je  ne  sens  rien,  j'ai  perdu  l  odorat. 

.le  pourrais  citer  encore  d'autres  détails  que  me  donnèrent  les  parents 
de  madame  Peulier.  Ceux-ci  suffisent,  ce  me  semble,  pour  me  prouver 
que  le  sens  de  l'odorat  et  du  goût  avaient  diminué  et  môme  presque 
complètement  disparu  depuis  plusieurs  années  chez  le  sujet  de  celle 


^'***.  •&  '^t^  Sri?  "^  ■       / 


42 
observation.  La  disparition  de  Ce  sens  me  paraît  devoir  ôtre  rapprochée 
de  Tatrophie  si  considérable,  si  manifeste  qu'avaient  subie  les  nerfs  ol- 
factifs. 

Certains  auteurs,  qui  placent  l'origine  des  nerfs  olfactifs  dans  les  corps 
striés,  pourraient  peut-être  attribuer  l'atrophie  de  ces  nerfs  aux  altéra- 
tions déjà  anciennes  que  nous  avons  retrouvées  dans  les  corps  striés. 
Mais  nous  pourrions  leur  répondre  que  les  lésions  des  corps  striés  sont 
très-fréquentes;  on  a  l'occasion  d'en  rencontrer  dans  la  plupart  des  au- 
topsies d'hémiplégies.  Quoi  de  plus  rare,  au  contraire,  que  l'atrophie  du 
nerf  olfactif? 

Aussi  sans  rechercher  le  point  de  départ  de  cette  atrophie,  contentons- 
nous  de  la  signaler  et  de  la  rapprocher  de  la  perte  de  l'odorat,  et  en 
partie  du  goût,  qui  a  été  constatée  par  les  parents  de  la  malade. 

Quant  aux  fonctions  de  la  vision,  je  n'ai  rien  appris  de  bien  particu- 
lier. La  veuve  Peulier  voyait  encore  bien  dans  les  dernières  années  do 
sa  vie,  et  continua  même  jusque  dans  les  derniers  mois  à  broder  :  travail 
dans  lequel  elle  excellait,  parait-il. 

in.  —  Physiologie  expérimentale. 

1°  Nouvelles  expériences  sur  la  déglutition  faites  au  moyen  de  l'auto- 
LARYNGOscopiE  par  le  docteur  H.  Guinier,  agrégé  à  Montpellier. 

Mes  expériences  d'auto-laryngoscopie  ne  datent  pas  précisément  d'au- 
jourd'hui; il  y  a  déjà  longtemps  que  j'en  ai  pour  témoins  les  corps  sa- 
vants de  Montpellier  dont  je  m'honore  de  faire  partie.  Le  compte  rendu 
de  la  séance  du  19  novembre  1860  de  notre  Académie  des  sciences  et 
lettres  le  constaterait  au  besoin  {Montpeilier  médical^  t.  VL  p.  89,  jan- 
vier 1861). 

Une  grande  habitude  du  laryngoscope,  que  je  manie  journellement 
depuis  son  introduction  en  France  par  M.  le  professeur  Czermak,  m'a 
fourni  de  nombreuses  occasions  de  voir  sur  les  autres  comme  de  vérifier 
quelquefois  sur  moi-môme,  soit  au  point  de  vue  physiologique,  soit  au 
point  de  vue  pathologique,  bien  des  choses  très-intéressantes  et  encore 
très-peu  étudiées. 

Pour  le  moment,  je  me  bornerai  à  faire  connaître  les  expériences  re- 
latives à  la  note  que  la  haute  bienveillance  de  M.  le  professeur  Claude 
Bernard,  à  qui  j'ai  eu  l'honneur  de  montrer  directement  les  faits  le 
24  avril  dernier,  m'a  permis  de  faire  arriver  jusqu'à  l'Institut,  et  que  la 
plupart  des  journaux  de  médecine  de  Paris  ont  bien  voulu  reproduire. 

Dans  une  première  expérience,  je  démontre  la  facilité  do  maintenir, 
pendant  un  temps  illimité,  le  miroir  laryngo-nasal  ou  de  Liston  dans 
son  lieu  d'élection  habituel,  le  fond  du  gosier;  la  facilité  d'explorer,  . 


43 
loisir  et  avec  détail,  la  base  do  la  langue  et  lï-pigloLte,  dans  leur  lota- 
lité,  la  totalité  des  gouttières  latérales  du  pharynx  et  de  la  paroi  mu- 
(|ueuse  sous-épliglotlique  avec  le  bourrelet  de  Czermak  et  Torifice  de 
Tœsopliage,  les  replis  aryténo-épiglottiques,  avec  les  tubercules  formés 
par  les  cartilages  de  Wrisberg  etdc  Santorini,  limitant  l'ouverture  ves- 
tibulaire  du  larynx  ;  les  ligaments  thyro-aryténoïdiens  supérieurs  ou 
fausses  cordes  vocales,  l'ouverture  des  ventricules  du  larynx  ou  de 
Morgagni,  les  deux  ligaments  vocaux  inférieurs  ou  vraies  cordes  vocales 
et  l'ouverture  de  la  glotte,  dans  leur  totalité;  une  grande  portion  de  la 
trachée;  le  jeu  des  diverses  parties  constitutives  de  la  glotte  pendant 
la  phonation;  enfin,  en  renversant  le  petit  miroir,  l'intérieur  des  fosses 
nasales  et  notamment  l'orifice  de  la  trompe  d'Eustaclie. 

Ces  diverses  explorations  sont  faites  sans  aucune  préparation  médi- 
camenteuse préalable,  et  sans  autre  instrument  dans  la  bouche  que  le 
miroir  laryngo-nasal. 

Dans  une  seconde  expérience,  je  fais  voir  très-nettement  le  trajet  que 
suit  le  bol  alimentaire  dans  l'acte  de  la  déglutition. 

L'habitude  de  lauto-laryngoscopie  m'a  rendu  facile  la  déglutition  d'un 
bol  alimentaire  peu  volumineux,  avec  le  larygoscope  en  place,  et  elle 
m'a  permis  d'en  suivre  ainsi  le  trajet  jusqu'à  sa  disparition  complète 
dans  l'œsophage. 

L'expérience  est  faite  avee  un  morceau  de  mie  de  pain  blanc.  Je  le 
mâche  et  je  linsalive  de  manière  à  lui  donner  une  consistance  très- 
molle  et  à  rendre  facile  sa  désagrégation.  J'introduis  alors  le  laryn- 
goscope à  sa  place,  et  voici  ce  que  j'observe  et  ce  que  je  fais  voir  en 
môme  temps  à  plusieurs  personnes  à  la  fois. 

Le  bol  alimentaire,  dont  la  blancheur  laiteuse  contraste  vivement 
avec  la  rougeur  sombre  de  la  muqueuse  bucco-pharyngée,  suit  la  face 
dorsale  de  la  langue  jusqu'à  sa  base,  où  il  rencontre  l'épiglotte  contre 
laquelle  il  s'arrête. 

Par  des  mouvements  incomplets  de  déglutition,  consistant  principale- 
ment en  des  mouvements  de  reptation  de  la  langue  (mouvements  qui 
m'obligent  à  des  efforts  volontaires  énergiques  pour  empêcher  le  con- 
cours des  muscles  du  pharynx  tendant  à  fermer  l'isthme  du  gosier  et 
dont  je  ne  parviens  qu'à  retenir  incomplètement  les  contractions  syner- 
giques), le  bol  alimentaire  saute  par-dessus  l'épiglotte  qui  reste  inerte 
et  à  peu  près  immobile.  Dans  cette  culbute  par-dessus  l'épiglotte,  le 
bol  alimentaire  passe  par-dessus  le  bord  libre  de  cet  appendice  mem- 
braneux qui  semble  s'incliner  vers  la  langue,  à  la  manière  d'une  pelle, 
pour  le  recevoir,  et  il  chemine  plus  ou  moins  lentement  sur  la  face  pos- 
térieure ou  laryngée,  lisse  et  creusée  en  demi-gouttière,  de  l'épiglotte. 

De  là.  le  bol  alimentaire,  paraissant  entraîné  par  son  propre  poids. 


44 
Icmbc  et  se  répand  sur  les  bords  et  au  centre  même  du  vestibule  de  la 
ji;lotte,  de  laquelle  il  réouvre  ainsi  l'ouverture;  là  il  se  trouve  arrêté  à 
la  fois  par  la  contraction  automatique  des  replis  aryténo-épiglottiques 
e.t  des  ligaments  thyro-aryténoïdiens  supérieurs,  mais  surtout  par  celle 
des  ligaments  vocaux  ou  vraies  cordes  vocales,  qui  ferment  par  leur 
contact  absolu  toute  communication  avec  la  trachée. 

A  ce  moment  je  n'éprouve  aucune  sensation  pénible,  sinon  que  le 
besoin  de  déglutition  atteignant  son  plus  haut  degré,  il  faut  d'assez 
grands  efforts  pour  ne  pas  opérer  immédiatement  le  mouvement  ordi- 
naire de  bascule  ou  d'ascension  du  larynx  qui  la  termine.  J'y  parviens 
cependant,  et  l'on  voit  alors  le  bol  alimentaire,  étalé  sur  l'espèce  de 
plancher  formé  par  la  glotte  contractée,  disparaître  de  là  par  fragments 
dans  l'œsophage  que  des  essais  contenus  de  déglutition  entr'ouvrent 
par  saccades  successives. 

Cette  expérience  est  des  plus  curieuses  et  des  plus  intéressantes; 
elle  prouve  : 

1"  Que  la  déglutition  complète  est  possible  sans  occlusion  du  pharynx, 
par  l'application  de  la  base  de  la  langue  sur  sa  paroi  postérieure,  puis- 
que, cette  occlusion  interposant  une  barrière  entre  le  laryngoscope  et 
le  bol  alimentaire,  celui-ci  serait  aussitôt  perdu  de  vue  ; 

2°  Que  le  renversement  préalable  de  l'épiglotte,  pour  protéger  le  la- 
rynx à  la  manière  d'un  couvercle,  n'est  pas  nécessaire  durant  le  pas- 
sage du  bol  alimentaire  du  pharynx  dans  l'œsophage; 

3"  Que  le  bol  alimentaire  peut  être  sans  inconvénient  en  contact  di- 
rect avec  les  replis  muqueux  de  la  glotte,  et  que  la  seule  contraction 
des  cordes  vocales  suffit  pour  protéger  les  voies  respiratoires  contre 
l'accès  des  corps  étrangers  venus  du  pharynx  ; 

4"  Que  la  muqueuse  de  la  base  de  la  langue,  de  l'épiglotte  et  de  l'in- 
térieur du  larynx  paraît  douée  d'une  sensibilité  spéciale  que  l'on  pour- 
rait appeler  sensibililé  gustalivc  ou  de  déglutition^  puisque  le  contact 
de  l'aliment  n'y  provoque  aucune  autre  sensation  que  le  besoin  de  dé- 
glutition, tandis  que  le  contact  d'un  corps  étranger  solide,  tel  qu'une 
sonde,  sur  un  point  quelconque  de  cette  muqueuse,  produit  à  l'instant 
une  sensation  des  plus  désagréables  qui  amène,  par  action  réflexe,  une 
toux  convulsive  ou  des  efforts  de  vomissement. 

Il  reste  cependant  à  déterminer  pourquoi  une  sonde,  portée  franche- 
ment et  sans  titillation  préalable  sur  un  point  de  la  muqueuse  pharyngo- 
laryngienne  produit  une  sensation  désagréable,  tandis  qu'un  fragment 
de  la  môme  sonde  ou  tout  autre  corps  inerte,  tel  qu'un  noyau  de  fruit, 
peut  être  avalé,  c'est-à-dire  être  mis  en  contact  avec  tous  les  points  de 
la  même  muqueuse  sans  produire  aucune  sensation  analogue. 

Je  poursuis  des  expériences  destinées  à  élucider  cette  question. 


45 

Dans  une  troisième  expérience,  je  fais  voir  que  le  liquide  des  garga- 
rismes  peut  facilement  dépasser  l'épiglolte  et  qu'il  baigne  alors  la  glotte 
elle-même. 

L'expérience  est  faite  avec  une  petite  quantité  de  liquide  à  peu  près 
calculée  de  manière  qu'elle  remplisse  seulement  la  cavité  sous-épi- 
glottique. 

Je  prends  donc  une  petite  gorgée  d'eau,  et,  renversant  la  tête  en  ar- 
rière, je  la  fais  s'introduire  en  vertu  de  son  propre  poids  dans  la  cavité 
sous-épiglottique;  j'introduis  le  laryngoscope  à  sa  place,  et  l'on  voit 
très-facilement  le  liquide  sous-jacent  à  l'épiglotte  qui  est  ou  peut  être 
à  sec,  bouillonner  dans  la  cavité  du  larynx  sous  l'influence  des  petites 
bulles  d'air  que  j'expire  au  travers  de  ma  glotte. 

Cette  expérience  très-facile  ne  fait,  pas  plus  que  les  précédentes, 
éprouver  aucune  sensation  pénible,  et  elle  peut  également  se  prolonger 
pendant  tout  le  temps  d'une  longue  expiration  ou  bien  autant  de  temps 
que  l'on  peut  retenir  sa  respiration. 

Elle  prouve  qu'il  est  possible  de  porter  des  liquides  médicamenteu.x. 
sous  forme  de  gargarisme  jusque  sur  la  muqueuse  du  larynx. 

2"  Recherches  expérimentales  sur  le  siège  des  combustions  respiratoires  ; 
par  MM.  A.  Estor  et  C.  Saintpierre. 

M.  Saintpierre  résume  les  expériences  principales  qui  ont  donné  lieu 
à  ce  mémoire.  L'opinion  qui  règne  aujourd'hui  dans  la  science  veut  que 
les  combustions  respiratoires  se  passent  dans  les  capillaires  généraux, 
ou  plus  spécialement  dans  les  capillaires  des  muscles.  Certains  ont 
même  admis  qu'elles  avaient  lieu  dans  la  molécule  des  tissus.  Les  ex- 
périences nouvelles  que  MM.  Estor  et  Saintpierre  présentent  à  la  So- 
ciété sont  destinées  à  constater  les  opinions  précédentes. 

Des  analyses  nombreuses  des  gaz  du  sang  ont  permis  aux  auleurs  de 
conclure  que  Toxygène  varie  notablement  dans  les  différents  points  du 
torrent  circulatoire.  100  volumes  de  sang  contiennent  en  moyenne  : 

Artère  carotide 21,06 

Artère  rénale 18,22 

Artère  splénique 14,38 

Artère  crurale 7,62 

Veine  crurale 2,50 

Ces  chiffres  diminuent  peu  à  mesure  que  le  sang  s'éloigne  du  cœur; 
il  perd  rapidement  une  partie  considérable  de  son  oxygène,  si  bien  que 
du  cœur  aux  membres,  le  sang  s'appauvrit  plus  en  oxygène  qu'en 
traversant  les  capillaires  généraux.  Il  en  est  de  môme  s'il  est  retardé 


L  I  B  R  A  R  Yj:."cl 


dans  sa  marche  par  les  courbures  accentuées  des  vaisseaux,  ainsi  que 
l'artère  splénique  nous  en  offre  un  exemple. 

Les  expériences  des  auteurs  les  amènent  à  conclure  que  les  capillai- 
res, le  tissu  musculaire  ne  sont  pas  seuls  aptes  à  absorber  Toxygène  ;  le 
lissu  du  rein  fait  de  même;  on  ne  saurait  donc  invoquer  la  nécessité  de 
l'action  des  capillaires  musculaires  pour  l'accomplissement  des  com- 
bustions respiratoires.  De  même  encore  la  sérosité  plus  grande  du  sang 
qui  sort  d'un  muscle  en  contraction,  est  due  exclusivement  au  ralen- 
tissement de  son  cours  et  non  pas  à  un  acte  physiologique  corrélatif  du 
fonctionnement  du  muscle. 

L'étude  chimique  des  phénomènes  de  combustion  respiratoire  con- 
duit les  auteurs  à  classer  dans  des  ordres  différents  les  oxydations  di- 
rectes qui  se  passent  dans  le  sang  et  les  oxydations  indirectes,  suite  de 
dédoublements  qui  ont  lieu  dans  les  organes  et  les  tissus.  Ils  admettent 
que  les  oxydations  respiratoires  sont  progressives  et  que  le  sang  con- 
tenant les  matériaux  les  plus  amples  de  l'organisme,  il  n'est  paspos- 
sible  de  considérer  les  glandes  ou  les  tissus  comme  des  appareils  de 
combustion  proprement  dits. 

IV. —Epidémies. 

L'épidémie  de  Saint-Pétersbourg;  par  M.  J.  M.  Ciiarcot. 

Il  est  permis  de  reconnaître  aujourd'hui  que  cette  maladie  n'est  pas 
la  peste,  ainsi  que  le  bruit  en  avait  couru;  elle  n'est  pas  non  plus, 
comme  on  l'avait  dit  encore,  le  typhus  exanthématique  (typhus  fever); 
c'est  une  espèce  morbide  distincte,  ne  relevant  que  d'elle-même,  qui 
naguère  a  régné  épidémiquenient  en  diverses  contrées  de  l'Europe,  en 
Irlande  surtout,  ainsi  qu'en  Ecosse,  et  que  les  auteurs  anglais  ont  les 
premiers  étudiée  et  décrite  sous  le  nom  de  fièvre  à  rechute  {relapsing 
fever) . 

M.  le  docteur  îlerrmann  a  donné  dernièrement  une  description  de  la 
fièvre  récurrente  fondé*  sur  la  comparaison  de  plus  de  700  cas,  et  con- 
forme, d'ailleurs,  à  celle  que  le  professeur  Botkin  avait  produite  avant 
lui. 

La  relation  du  docteur  Herrmann  est,  du  moins  à  notre  connaissance, 
le  document  le  plus  complet  que  nous  possédions,  quant  à  présent,  sur 
l'épidémie  de  Saint-Pétersbourg;  à  ce  titre,  elle  nous  a  paru  digne 
d'être  signalée  à  l'attention  des  médecins.  Nous  la  reproduisons  d'a- 
près l'abrégé  qui  en  a  été  donné  par  le  docteur  Leyden  dans  le  Cen- 

TRALELATT   Fl'R  DIE  MEDICIMSCHEN  WlSSENSCHAFTE>'  (numérodu  25  maTS   I  865'l, 

l'article  original  n'étant  pas  parvenu  jusqu'à  nous. 


47 

u  La  lièvre  à  reclmle  simple  ou  de  forme  bilieuse  s'est  montrée  à 
Saint-Pétersbourg,  pour  la  première  fois,  pendant  l'été  de  1864.  Les 
premières  observations,  qui  ont  été  recueillies  par  M.  Herrmann  à  l'ijô- 
pilal  d'Obuclioff,  datent  du  mois  d'août  1804;  depuis  cette  époque,  les 
faits  analogues  se  sont  multipliés  de  toutes  parts.  La  maladie  mérite 
d'autant  plus  de  fixer  l'attention  des  médecins,  que,  dans  sa  forme  bi- 
lieuse, c'est  une  affection  grave  et  qui  fait  de  nombreuses  victimes. 

«  Considérée  dans  son  type  d'entier  développement,  elle  est  con- 
stituée par  une  série  de  deux,  plus  rarement  de  trois  accès  fébriles, 
séparés  par  une  période  de  rémission  très-accusée.  Le  moment  où  se 
termine  chaque  accès  est  marqué  par  un  brusque.apaisement  du  mouve- 
ment fébrile.  Les  localisations  les  plus  constantes  se  font  sur  la  rate, 
qui  acquiert  des  dimensions  parfois  considérables  et  sur  l'appareil  bi- 
liaire. 

«  L'invasion  est  brusque  ;  elle  s'annonce  tantôt  par  un  frisson  violent 
qui  peut  se  répéter  une  deuxième  fois,  tantôt,  et  plus  souvent,  par  des 
frissons  erratiques.  La  céphalalgie,  une  soif  vive,  l'anorexie,  des  vomis- 
sements, une  prostration  plus  ou  moins  profonde,  se  déclarent  ensuite. 
A  ces  symptômes  il  se  joint  tantôt  de  la  diarrhée,  tantôt  de  la  consti- 
jiation.  Un  sentiment  de  brisement  des  membres,  des  douleurs  muscu- 
laires ou  articulaires  simulant  celles  du  rhumatisme,  se  manifestent 
parfois  dès  cette  période,  et  persistent  ensuite  pendant  toute  la  durée  du 
cours  de  la  maladie. 

«  Au  bout  d'environ  vingt-quatre  heures  apparaissent  les  symptômes 
de  la  maladie  constituée.  La  face  est  rouge,  la  physionomie  s'altère; 
fréquemment  il  se  manifeste  dès  le  troisième  ou  le  quatrième  jour  une 
légère  teinte  ictériquc.  Céphalalgie  gravative;  la  peau  est  chaude  et 
sèche  ;  quelquefois  cependant  on  observe  une  certaine  tendance  à  la 
moiteur.  La  température  s'élève  à  39,  40  ou  même  41  degrés  centi- 
grades, et  l'on  compte  de  '20  à  22  inspirations  à  la  minute.  Fréquemment 
il  y  a  du  météorisme  ;  le  foie  est  légèrement  tuméfié,  et  à  peu  près 
constamment  le  volume  de  la  rate  s'accroît.  Soif  vive,  anorexie  com- 
plète; selles  habituellement  molles,  abondantes,  et  d'une  coloration 
jaune  claire.  L'urine  rare  présente  une  réaction  fortement  acide  et  con- 
tient de  temps  à  autre  des  traces  d'albumine  ;  son  poids  spécifique  est  de 
1,016  1,024  ;  dans  les  rémissions  il  descend  à  1,007,  1,009.  Les  douleurs 
musculaires  persistent  sans  discontinuer;  il  y  a  un  sentiment  de  pros- 
tration profonde  et  une  sorte  d'apathie.  Le  pouls,  dès  le  premier  jour, 
bat  de  100  à  120  fois  par  minute,  plus  tard  il  donne  jusqu'à  100  ou 
même  140  pulsations.  Jactitation,  insomnie  et  quelquefois  délire.  Cet 
état  dure  sept  jours  en  moyenne  (quatre  jours  au  moins,  dix  au  plus)  ; 
puis,  au  moment  où  fous   les  symptômes  paraissent  avoir  atteint  leur 


48 
plus  grande  violence,  ils  s'amendent  ou  môme  disparaissent  tout  à  coup 
le  plus  souvent  à  la  suite  de  sueurs  copieuses  ;  après  quoi  survient  un 
sentiment  de  bien-être.  Le  malade,  faible  encore  et  anémique,  paraît 
cependant  entrer  en  convalescence.  Mais  ce  n'est  là  toutefois  qu'un 
temps  d'arrêt,  du  moins  le  plus  souvent;  car,  en  règle  générale,  de  quatre 
à  dix  jours  après  la  cessation  de  ce  qu'on  pourrait  appeler  le  premier 
accès,  il  survient  tout  à  coup,  et  sans  cause  apparente,  une  rechute 
dans  laquelle  tous  les  symptômes  caractéristiques  se  montrent  de  nou- 
veau, mais  généralement  avec  une  intensité  moindre.  Ces  deux  accès 
constituent  habituellement  toute  la  maladie  ;  on  a  vu  cependant  les 
rechutes  se  reproduire  une  seconde  et  même  une  troisième  fois. 

«  Dans  les  cas  les  plus  graves,  la  mort  peut  avoir  lieu  dans  le  premier 
accès.  Une  prostration  profonde,  l'état  hydrémique,  l'hydropisie  géné- 
rale, le  délire  suivi  de  coma,  tels  sont  les  symptômes  qui  annoncent 
la  terminaison  fatale.  Les  convulsions  n'ont  été  observées  que  dans  un 
seul  cas. 

«  Telle  est  la  forme  simple  de  la  fièvre  à  rechute;  la  forme  bilieuse 
[febris  recurrens  biliosa,  biliosc  typlwid)  en  diffère  seulement  par  la 
prédominance  des  symptômes  hépatiques.  Dès  l'origine  on  observe  des 
vomissements  bilieux  presque  incessants,  l'ictère  est  plus  prononcé  ;  il 
s'y  joint  de  bonne  heure  des  accidents  cérébraux  ;  un  état  de  collapsus, 
en  même  temps  que  des  hémorrhagies,  s'opèrent  par  diverses  voies,  et 
ainsi  se  trouve  reproduit  le  tableau  symptomatique  de  l'ictère  grave.  Le 
pronostic,  en  pareil  cas,  est  des  plus  sérieux,  mais  il  ne  faut  encore 
désespérer  de  rien  :  alors  même  que  le  coma  persiste  depuis  plusieurs 
jours,  on  peut  voir,  sous  l'influence  des  moyens  irritants,  et  surtout  des 
affusions  froides,  la  guérison  survenir.  Les  cas  les  plus  graves  sont  ceux 
dans  lesquels  le  malade  rend  desselles  liquides,  noirâtres,  et  vomit  une 
matière  noire  semblable  à  du  marc  de  café  ou  du  sang  moins  altéré. 
La  teinte  iclérique  est  alors  poussée  à  l'extrême  ;  le  coma  et  l'état  de 
collapsus  (algidité,  cyanose  des  extrémités)  sont  aussi  prononcés  que 
possible,  et  la  terminaison  fatale  a  lieu,  en  général,  du  dixième  au  dou- 
zième jour  de  la  maladie.  Dans  la  forme  bilieuse  l'étude  méthodique 
des  symptômes  fébriles  a  donné  des  résultats  qui  méritent  d'être  si- 
gnalés. Après  la  période  prodromique,  qui,  en  général,  est  de  courte 
durée,  la  température  s'élève  à  40,  41,  ou  même  42  degrés  centigrades; 
dans  la  matinée  on  observe  habituellement  une  rémission  marquée  par 
un  abaissement  d'un  demi-degré  à  1  degré  centigrade.  Pendant  les  in- 
termissions, la  température  reprend  le  niveau  normal  ou  môme  descend 
plus  bas.  Le  pouls,  durant  l'accès,  oscille  entre  100  et  160  ;  dans  les  in- 
termissions il  donne  seulement  de  45  à  72  battements  à  la  minute  ;  il 
est  presque  toujours  petit,  et  sa  fréquence  s'accroît  sous  l'influence  des 


49 
moindres  excitations  ;  jamais  il  ne  s'est  montré  dicrote.  La  durée  de  la 
période  d'intcrniission  varie  entre  quatre  et  dix  jours. 

u  !\laintes  l'ois  on  a  essayé,  mais  toujours  sans  succès,  de  prévenir  par 
l'administration  du  sulfate  de  quinine  l'apparition  des  rechutes. 

«  L'accès  se  termine  en  général  brusquement,  et  sa  terminaison  est 
marquée  par  des  phénomènes  critiques,  le  plus  souvent  par  des  sueurs 
profuses  qui  persistent  pendant  douze,  vingt-quatre  ou  même  trente-six 
heures.  Dans  le  même  temps  le  pouls  descend  rapidement  de  100,  120, 
à  GO  ou  iO  pulsations.  La  température  s'abaisse  de  1°,5  à  3  ou  4  degrés 
centigrades  ;  après  cela  l'apyrexie  est  complète.  Rarement  le  retour  à 
l'état  normal  s''opère  lentement,  progressivement,  par  lysis,  et  cela  n'a 
lieu  que  dans  les  cas  où  il  existe  quelque  complication. 

«  Parmi  les  symptômes  les  plus  caractéristiques  de  la  fièvre  à  rechute, 
il  faut  citer  l'état  de  collapsus  (algidité,  cyanose),  les  douleurs  rhuma- 
toïdes  et  surtout  la  tuméfaction  de  la  rate;  celle-ci  est  appréciable  dès 
le  deuxième  ou  le  troisième  jour  de  la  maladie.  La  détumescence  de 
l'organe  s'opère  au  contraire  très-lentement;  les  vomissements  de  sang 
plus  ou  moins  altéré  appartieiinent  surtout  à  la  forme  bilieuse. 

«  La  durée  totale  de  la  maladie  varie  de  vingt  et  un,  vingt-trois  jours  à 
trente,  quarante  ou  même  cinquante-deux  jours.  Elle  dépasse,  comme  on 
voit,  la  durée  moyenne  du  typhus.  La  mortalité  a  été,  pour  les  faits  ob- 
servés à  l'hôpital  d'Obuchoff,  de  10,77  pour  100.  La  forme  bilieuse  est  de 
beaucoup  la  plus  redoutable,  surtout  lorsqu'elle  s'accompagne  de  symp- 
tômes urémiques  ou  cholériformes,  car  alors  les  malades  succombent 
dans  la  proportion  de  2  sur  3. 

«  Voici  l'indication  sommaire  des  faits  nécroscopiques  les  plus  im- 
portants :  La  rate  est  à  peu  près  toujours  (toujours  suivant  le  doc- 
teur Ilerrmann)  augmentée  de  volume;  son  poids  peut  s'élever  jusqu'à 
3  livres.  Le  parenchyme  splénique  est  friable,  remarquablement  gra- 
nulé ;  les  corpuscules  de  Malpighi  présentent  habituellement  des  dimen- 
sions considérables.  Le  foie  est  tuméfié  comme  la  rate,  mais  à  un  degré 
bien  moindre.  Les  cellules  hépatiques  ont  perdu  leur  transparence  et 
renferment  d'abondantes  granulations  graisseuses.  Dans  certains  cas, 
suivant  le  docteur  Hermann,  on  trouve  en  outre,  au  milieu  des  acini, 
des  dépôts  constitués  par  une  matière  grasse  qui  présente  ce  caractère 
particulier,  qu'elle  ne  se  divise  pas  sous  forme  de  gouttelettes  et  qu'elle 
ne  se  dissout  pas  dans  l'éther.  La  vésicule  biliaire  est  distendue  par  une 
bile  épaisse.  Jamais  il  n'existe  d'obstruction  dans  le  trajet  du  canal  cho- 
lédoque, mais  l'orifice  duodénalde  ce  conduit  et  la  membrane  muqueuse 
du  duodénum  elle-même,  ainsi  que  la  muqueuse  gastrique,  portent  ha- 
bituellement les  traces  d'une  inflammation  catarrhalc  intense,  avec  ac- 
compagnement d'hémorrhogies  capillaires  dans  certains  cas;  dans  l'in- 
c.  a.  4 


50 
testin  grôle,  la  membrane  muqueuse  est  aussi  parfois  injectée,  mais 
d'î! illeurs  on  n'y  rencontre  aucune  altération  des  glandes  de  Peyer  ou 
des  follicules  isolés. 

«  La  dégénération  graisseuse  des  cellules  épithéliales  du  rein  est  chose 
fréquente.  —  En  général,  les  centres  nerveux,  ainsi  que  les  nerfs  péri- 
phériques, ne  présentent  aucune  altération  appréciable.  —  Les  fibres 
musculaires  du  cœur  sont,  au  contraire,  souvent  le  siège  de  la  dégéné- 
ration granuleuse,  et,  en  même  temps  les  muscles  de  la  vie  animale, 
ceux  des  bras  et  des  mollets  en  particulier,  présentent  des  traces  évi- 
dentes de  dégénération  graisseuse. 

«  En  ce  qui  concerne  l'étiologie,  il  faut  signaler  au  premier  rang  le 
caractère  contagieux  de  la  maladie  :  plusieurs  médecins  et  plusieurs 
personnes  attachées  au  service  des  hôpitaux  en  ont  été  atteints.  En  gé- 
néral, on  compte  peu  de  victimes  dans  les  classes  moyennes,  et  prin- 
cipalement dans  les  hautes  classes  ;  elles  ont  été  au  contraire  surtout 
nombreuses  parmi  les  ouvriers  jeunes  et  vigoureux.  L'épidémie  s'est  dé- 
veloppée pendant  Tété  de  1864  (juin  et  juillet),  elle  a  continué  à  sévir 
pendant  l'automne  et  l'hiver  de  1864-65;  elle  n'est  pas  encore  éteinte 
aujourd'hui.  Parmi  les  circonstances  qui  paraissent  avoir  concouru  à 
son  développement,  il  faut  citer  l'encombrement,  l'usage  des  pommes 
de  terre  malades  et  d'un  pain  altéré  par  la  présence  de  Tergot  de  sei- 
gle. L'abus  des  boissons  spiritueuses  prédispose  à  contracter  la  maladie. 

a  Suivant  le  professeur  Botkin,  il  ne  se  serait  présenté  aucun  cas  de 
typhus  ou  de  fièvre  typhoïde  dans  le  service  de  la  clinique  depuis  le 
début  do  l'épidémie. 

a  La  fièvre  à  rechute  était,  paraît-il,  inconnue  à  Saint-Pétersbourg 
avant  le  développement  de  Pépidémie  actuelle,  mais  au  rapport  du 
docteur  Bernstein  (d'Odessa),  elle  aurait  régné  dans  cette  dernière  ville 
pendant  l'année  1863.  »  {Petersburgcr  Medicinalbole,  n°  29,  Jahrg. 
1864;  citation  du  professeur  Botkin.) 

A  en  juger  par  la  description  qui  précède,  l'identité  parait  complète 
entre  la  maladie  de  Saint-Pétersbourg  et  le  relapsing  fever  des  auteurs 
anglais.  Les  seules  différences  qu'on  pourrait  relever  seraient  toutes 
fondées  sur  des  caractères  de  second  ordre  et  telles  qu'on  doit  s'atten 
dre  à  les  rencontrer,  lorsqu'il  s'agit  d'épidémies  diverses  d'une  même 
maladie.  C'est  ainsi  que  la  léthalité  plus  grande  de  l'épidémie  russe  pa- 
raît devoir  être  rapportée  surtout  à  la  prédominance  de  la  forme  bi- 
lieuse (syndrome  ictère  grave  :  —  ictère  intense,  hémorrhagies  gastro- 
intestinales, dégénération  graisseuse  des  éléments  cellulaires  du  foie  et 
des  reins,  accidents  cérébraux,  etc.,  etc.),  qui  ne  se  trouve  pour  ainsi 
dire  qu'indiquée  dans  la  plupart  des  épidémies  d'Irlande  et  d'Ecosse. 
L'existence  concomitante,  presque  obligatoire,  du  typhus  exanthéma- 


51 
tique  dans  un  cas,  son  absence  dans  l'autre  cas,  —  si  toutefois  elle  est 
bien  établie,  —  pourraient  encore  être  citées  comme  un  trait  distinctif. 

V.  —  Pathologie. 

Note  sur    vs  cas  d'endopéricardite   ulcéreuse   a.    forme  typhoïde  ; 
par  MM.  Î)uguet  et  Hayem,  internes  des  hôpitaux. 

En  1852,  Senhouse  Kirkes  (1)  attira  l'attention  sur  les  accidents 
graves  qui  coïncident  avec  les  ùlcéraitions  de  l'endocarde,  t'était  à 
propos  du  transport  dans  le  sang  de  particules  fibrineuses  qui  avaient 
eu  pour  point  de  départ  une  lésion  de  la  séreuse  cardiaque. 

Bientôt  d'autres  observateurs  furent  frappés  également  de  la  forme 
grave  de  l'affection  ulcéreuse  dé  Téndocarde,  et  sous  le  nom  à'ejiclo- 
cardite  ulcéreuse,  cherchèrent  à  désigner  une  sorte  de  maladie  typhoïde 
s'accompagnant  le  plus  ordinairement  de  foyers  métastatiques.  C'est 
ainsi  que  se  succédèrent  les  observations  de  MM.  Charcot  et  Vulpian, 
Virchow,  Lancereaux,  Beckmann,  etc.,  dans  lesquelles  on  remarque 
surtout  une  préoccupation  très-grande  touchant  l'explication  des  phé- 
nomènes typhoïdes  et  pyohémiques,  et  un  accord  presque  unanime  de 
ces  auteurs  pour  rapporter  ces  phénomènes  à  l'intoxication  du  sang 
par  le  transport  des  particules  ramollies  de  l'endocarde. 

La  cause  prenîiière  de  ces  ulcérations,  qui  n'a  peut-être  pas  assez  pré- 
occupé l'esprit  de  ces  observateurs,  est  cependant  très-variable,  et  il 
suffit  pour  s'er  assurer  de  jeter  un  coup  d'oeil  sur  l'ensemble  des  cas 
réunis  par  M.  Vast  dans  sa  thèse  (2). 

En  effet,  tantôt  les  malades  frappés  brusquement  au  milieu  d'une 
bonne  santé  apparente  sont  pris,  sans  cause  appréciable,  d'un  état  ty- 
phoïde grave,  et  l'autopsie  seule  vient  dévoiler  la  relation  clinique  des 
symptômes  observés  avec  l'ulcération  de  l'endocarde; 

Tantôt  une  affection  rhumatismale  simple,  ou  grave  dès  le  début, 
donne  lieu  aux  accidents; 

Tantôt  ceux-ci  surviennent  à  la  suite  d'une  fièvre  puerpérale. 

Mais  une  chose  frappe,  même  dans  les  observations  relatées  avec  le 
moins  de  détails,  c'est  l'apparition  de  symptômes  généraux  graves  dès 
le  début  et  une  sorte  d'état  typhoïde  persistant  jusqu'à  la  mort  du  ma- 
lade. 

Aussi  ceux  mêmes  qui  se  sont  servis  du  terme  eridocardîte  ulcéreuse 


(1)  Archives  générales  de  médecine^  1853. 
{Tj  Thèses  de  Paris,  1864, 


52 

pour  exprimer  l'ensemble  de  la  maladie,  ont  trouvé  l'expression  défec- 
tueuse. Il  ne  s'agit  pas  d'une  inflammation  rhumatismale  ou  suppurative 
de  l'endocarde  valvulaire  ou  cardiaque,  mais  d'une  sorte  de  ramollis- 
sement du  tissu  sous-endocardique,  déterminant  comme  à  l'emporte- 
pièceuneulcérationdelaséreuse.  Ilnes'agitpas  non  plus,  dans  la  plupart 
des  observations  prises  en  détail,  d'un  simple  transport  de  végétations 
fibrineuses  ou  de  matières  inertes  ne  déterminant  que  des  oblitérations 
vasculaires,  suivies  d'infarctus,  mais  bien  d'une  infection  générale  du 
sang,  d'une  sorte  de  pyohémie. 

Ce  tableau  résume  les  opinions  partagées  par  MM.  Senhouse  Kirkes, 
Virchov^',  etc.,  et  jusqu'ici  celles  qui,  basées  sur  les  faits  les  plus  pro- 
bants, méritent  le  plus  d'être  commentées. 

Déjà  M.  Bouillaud,  dans  son  Traité  des  maladies  du  cœur,  avait  re- 
marqué la  coïncidence  d'un  état  typho'ide  avec  l'endocardite  ;  mais  il 
était  loin  de  croire  que  cet  état  général  fût  sous  la  dépendance  de  la 
lésion  cardiaque. 

Il  n'avait  certainement  pas  remarqué  la  formation  des  infarctus  ;  aussi 
l'explication  de  Senhouse  Kirkes,  fondée  en  apparence  sur  des  faits  plus 
complets,  sembla  satisfaire  pleinement  les  exigences  de  la  question. 

Mais  le  simple  mélange  avec  le  sang  de  particules  étrangères  donne- 
t-il  l'explication  complète  de  la  maladie  ? 

Quand  on  envisage  tous  les  cas  d'ulcérations  de  l'endocarde,  on  voit 
que  bien  des  fois  ces  ulcérations  produisent  à  leur  suite  le  dépôt  dans 
le  courant  sanguin  de  particules  étrangères  et  non  solubles,  mais  qui  ne 
déterminent  jamais,  par  leur  arrêt  dans  le  système  circulatoire,  les 
symptômes  de  l'endocardite  ulcéreuse. 

Ne  voyons-nous  pas  fréquemment  chez  les  vieillards  dans  la  dégé- 
nérescence athéromateuse  et  calcaire,  une  source  abondante  de  pro- 
ductions qui,  mélangées  au  sang,  sont  transportées  avec  lui  ?  Tantôt 
c'est  la  matière  ramollie  d'un  foyer  athéromateux  ;  tantôt  ce  sont  des 
concrélions  fibrineuses,  sortes  de  végétations  qui  ont  pris  naissance  sur 
une  ulcération  chronique  de  l'endocarde. 

Et  dans  tous  ces  cas,  ces  matériaux  ne  vont-ils  pas  déterminer  des 
lésions  purement  locales? 

C'est  ainsi  que  dans  un  grand  nombre  d'observations  on  a  constaté 
que  la  gangrène  sénile  par  oblitération  artérielle,  et  diverses  formes 
de  ramollissement  cérébral  étaient  dues  souvent  au  transport  de  bou- 
chons qui  ne  reconnaissaient  pas  d'autre  point  de  départ  que  l'endo- 
carde, et  dans  ces  cas  n'a-t-on  pas  vu  aussi  des  infarctus  du  rein,  de 
la  rate,  du  foie. 

La  science  possède  aussi  des  exemples  d'endocardite  rhumatismale 
qui  ont  donné  lieu  à  des  infarctus  viscéraux,  à  des  foyers  de  ramollis- 


53 

sèment  sans  que  lo  rhumatisme  ait  présenté  dans  sa  marche  des  phéno- 
mènes généraux  tels  que  ceux  qui  frappent  dans  l'endocardite  ulcéreuse 
proprement  dite. 

Quelques-uns  de  ces  faits  môme  ont  été  confondus,  particulièrement 
dans  les  premières  observations  de  M.  Senhouse  Kirkes,  avec  la  véri- 
table forme  typhoïde  de  l'endocardite  ulcéreuse.  Aussi  MM.  Virchow, 
Charcot,  Vulpian  et  Lancereaux  ont-ils  cherché  à  démontrer  que  c'est 
par  le  mélange  du  produit  do  ramollissement  de  l'endocarde  avec  le 
sang  que  l'on  voit  survenir  l'état  typho'ïde  ou  la  pyohémie. 

Ils  séparèrent  les  véritables  abcès  du  simple  ramollissement  du  tissu 
sous-endocardique  pour  voir  dans  les  ulcérations  de  l'endocarde  un 
processus  particulier  (processus  diphlhéritique  des  Allemands)  qui 
donne  naissance  à  un  détritus  puriforme  plutôt  que  purulent,  doué  de 
propriétés  septiques  et  produisant  par  son  mélange  avec  le  sang,  des 
phénomènes  d'infection  générale. 

Mais  d'où  proviennent  ces  foyers  de  ramollissement,  cette  matière 
puriforme  qui  n'est  pas  du  pus,  cette  propriété  septique  d'un  détritus 
qui  tout  à  l'heure  pouvait  être  transporté  dans  lo  sang  en  no  détermi- 
nant que  des  manifestations  locales,  et  qui  maintenant  possède  des  pro- 
priétés infectieuses  si  intenses? 

Evidemment,  sans  entrer  ici  dans  la  théorie  générale  de  la  pyohémie, 
il  était  utile  de  signaler  ces  desiderata  que  l'on  trouve  à  propos  du 
mode  de  formation  des  ulcérations  du  cœur,  et  surtout  de  ces  ulcéra - 
lions  capables  d'amener  un  état  général  aussi  grave. 

Plusieurs  fois  on  a  remarqué,  dans  la  musculature  du  cœur,  des  alté- 
rations notables;  plusieurs  fois  on  a  vu  dans  les  viscères,  et  notamment 
dans  une  des  observations  de  M.  Lancereaux,  des  lésions  qui  auraient  pu 
mettre  sur  la  trace  de  la  cause  première  de  l'affection;  mais  nous  n'a- 
vons pas  trouvé  un  seul  cas,  où  la  mort  arrivant  rapidement,  avec  des 
symptômes  typho'ides  graves  dès  le  début,  l'on  ait  décrit  avec  soin  l'état 
des  différents  viscères  et  recherché  quels  peuvent  être  les  rapports  de 
leurs  altérations  avec  la  nature  même  de  la  maladie. 

Nous  avons  eu  l'occasion  de  faire  ces  recherches  dans  l'observation 
suivante,  et  nous  nous  sommes  surtout  efforcé  de  remonter  à  la  cause 
même  de  l'ulcération  de  l'endocarde,  cause  qui  nous  paraissait  dominer 
toute  la  scène  pathologique. 

Phénomènes  typhoïdes  ;  pneumonie  double  ;  endo-péricardite  ;  éruptions 
pÉTÉcniALER;  adynamie;  mort  rapide;  autopsie;  myocardite;  altérations  du 
roiE  et  des  reins  ;  endo-péricardite  ulcéreuse  ;  infarctus  hémorriiagiques  et 

PBRIFORMES  DANS  LA  PEAU  ,  LE   TISSU    CELLULAIRE,    LES  REINS,  LE  CERVEAU  ET  LE 

POUMON.  —  Le  nommé  X...,  âgé  de  13  ans,  ramoneur,  entre  le  vendredi 


54 
14  avril  1865  à  l'hôpital  des  Enfants,  salle  Saint-Jean  n'  25,  dans  le 
service  de  M.  Bouchut. 

Cet  enfant,  d'une  constitution  forte,  né  à  Paris,  de  parents  bien  por- 
tants, n"avait  jamais  eu  ni  rhumatisme,  ni  aucune  maladie  sérieuse; 
quand  il  fat  pris,  il  y  a  trois  jours,  de  perte  d'appétit,  d'affaiblissement 
général,  et  enfin  d'un  point  de  côté  violent  à  droite,  ce  qui  détermina 
son  entrée  à  l'hôpital. 

Il  vint  à  pied,  conduit  par  une  voisine,  et  se  plaignant  de  sa  douleur 
de  côté  ;  mais  il  marchait  péniblement.  Ausculté  au  moment  même  de 
son  arrivée,  à  la  visite  du  matin,  on  crut  à  une  pleurésie  droite  au  début, 
et  on  lui  appliqua  deux  sangsues.  On  ne  remarqua  rien  sur  les  mains  ni 
sur  le  visage. 

A  la  visite  du  soir,  les  sangsues  avaient  coulé  assez  abondamment. 
L'enfant,  couché  dans  le  décubitus  dorsal,  répond  bien  aux  questions 
qu'on  lui  adresse,  et  n'accuse  plus  qu'un  brisement  général  ;  mais  on 
voit  s'opérer  sur  tout  le  corps  une  éruption  singulière. 

Au  visage,  à  la  commissure  droite  des  lèvres,  sur  la  joue  gauche, 
existent  des  papules  dont  la  grosseur  varie  d'une  lentille  à  une  tête 
d'épingi'^  :  elles  sont  groupées  au  nombre  de  quatre  à  cinq,  çà  et  là, 
sur  le  fiont  et  le  reste  du  visage,  on  distingue  encore  de  petites  taches 
rouges  comme  ecchymotiques. 

Sur  le  cou,  le  tronc,  les  membres  inférieurs  et  supérieurs,  se  voient 
disséminées,  comme  dans  une  varioloïde  très-discrète,  des  papules 
rouges,  ayant  pour  la  plupart  un  sommet  non  déprimé,  conique  et  ren- 
fermant une  gouttelette  de  matière  puriforme  ;  mais  ces  pustules  sont 
petites  comme  des  grains  de  miliaire. 

Plusieurs  doigts  et  orteils  offrent  à  leur  extrémité  une  sorte  de  tour- 
niolc  dont  lo  pus  est  mélangé  de  matière  sanguinolente  noirâtre,  sans 
qu'il  y  ail  aucunement  d'aréole  inflammatoire  au  pourtour.  Les  faces 
dorsales  des  pieds  et  des  mains  surtout,  sont  couvertes  d'une  quinzaine 
do  taches  rouges,  larges  de  3  à  5  millimètres  à  contours  irréguliers, 
papuleusos  au  centre ,  quelques-unes  même  surmontées  d'une  petite 
vésico-puslule  non  déprimée  et  ne  s'effaçant  pas  sous  la  pression 
du  doigt.  Les  faces  internes  des  mains  et  des  pieds  présentent  d'ailleurÊ 
des  taches  d'un  rqugo  sombre,  sous-épidermiques,  disséminées,  entiè- 
rement semblables  à  celles  qui  précèdent  l'éruption  variolique  dans  ces 
parties,  sans  exlravasation  sanguine  bien  manifeste,  sans  aspect  puru- 
lent bien  marqué. 

Avec  coia,  on  ne  note  rien  ni  à  la  percussion  ni  à  l'auscultation  du 
cœur,  rien  non  plus  à  la  percussion  ni  à  l'auscultation  des  poumons, 
bien  que  l'on  soit  en  garde  de  ce  côté. 

La  peap  est  niodérément  chaude,  les  sueurs  abondantes,  principale- 


55 
menl  au  visage  ;  le  pouls  fréquent,  déprcssible,  les  sens  et  rintclligence 
en  apparence  intacts.  H  n'y  a  pas  de  vomissements,  pas  de  diarrhée,  la 
langue  est  humide,  un  peu  large,  couverte  d'un  enduit  blanchâtre  peu 
épais,  sans  fuliginosités,  la  soif  fréquente,  pas  d'ictère. 

La  nuit  se  passe  avec  de  Tagitalion  et  du  délire. 

Le  lendemain,  à  la  visite  du  matin,  on  constate  un  abattement  consi- 
dérable ;  il  y  a  eu  épistaxis  peu  abondante. 

L'éruption  a  augmenté  sans  mieux  se  caractériser,  et  d'ailleurs  l'hy 
pothèso  d'une  varioloïde  discrète  grave  (le  sujet  était  bien  et  dûment 
yacciné)  n'était  pas  admissible.  Chaque  orteil  présente  à  rextrémité 
unguéale  une  sorte  de  tourniole  ressemblant  plutôt  à  une  petite  plaque 
ecthymato-gangréneuse,  et  au-dessus  de  la  malléole  droite  existe  un 
foyer  fluctuant  gros  comme  une  noisette,  placé  dans  le  tissu  cellulaira 
sous-cutané. 

La  langue  est  limoneuse,  humide  ;  il  n'y  a  pas  eu  de  vomissements,  la 
soif  est  vive,  le  ventre  ballonné,  non  douloureux,  une  garde-robe. 

Les  bruits  du  cœur  sont  un  peu  voilés  sans  matité  exagérée;  rien  à 
droite  du  thorax  ;  mais  à  gauche,  submatité  dans  les  deux  tiers  inférieurs 
et  postérieurs,  souffle  tubairo  sous  l'omoplate  et  à  l'aisselle  droite,  et 
bronchophonie  très-prononcée.  On  ne  retrouve  pas  ces  phénomènes  en 
avant. 

La  peau  est  chaude,  les  sueurs  abondantes,  le  pouls  dépressible,  à 
140. 

La  connaissance  est  un  peu  moins  nette,  l'ataxie  et  l'adynamie  plus 
marquées. 

Les  urines,  examinées  parla  chaleur  et  l'acide  nitrique,  précipitent 
abondamment  de  l'albumine. 

On  pense  à  une  pneumonie  typhoïde  ;  mais  en  raison  de  cette  érup- 
tion ecthymato-gangréneuse,  l'idée  d'un  empoisonnement  par  absorp- 
tion d'aliments  ou  de  matières  septiques  parait  plus  vraisemblable. 

Le  soir,  15  avril,  l'état  grave  a  augmenté  considérablement;  il  faut 
renoncer  à  voir  une  éruption  caractéristique  quelconque,  on  est  dominé 
par  l'état  général. 

Le  ventre  est  couvert  do  sudamina. 

Le  cœur  mesure  en  matité  6  centimètres  environ  en  tous  sens  ;  la 
voussure  précordiale  est  assez  marquée,  la  main  appliquée  sur  cette 
voussure  perçoit  un  frémissement  vibratoire  intense  qui  correspond  à 
un  frottement  péricardique  également  intense  entendu  par  l'oreille.  Les 
bruits  propres  du  cœur  disparaissent  dans  le  lointain,  et  il  devient  im- 
possible de  les  étudier. 

De  plus,  le  poumon  droit  offre  lui-même  do  la  submatité  et  du  souffle 
avec  bronchophonie,  comme  le  poumon  gauche. 


56 

La  soif  est  intense,  l'état  du  pouls  reste  le  môme.  La  nuit  a  été  agitée, 
moins  que  la  précédente  ;  mais  la  perte  de  connaissance  est  complète, 
les  paroles  incohérentes  ;  il  y  a  des  soubresauts  de  tendons. 

Le  lendemain,  16,  à  la  visite  du  matin,  aggravation  considérable  ;  tous 
les  orteils  et  les  doigts  ont  leur  extrémité  marquée  d'une  tache  noire 
verdâtre  ;  à  la  plante,  à  la  paume  existent  des  ecchymoses. 

L'état  du  cœur  et  des  poumons  reste  le  même,  mais  à  droite  le  souffle 
est  devenu  voilé  ;  il  est  remplacé  par  du  râle  sous-crépitant  à  fines  et 
grosses  bulles. 

Le  malade  ne  prend  plus  de  nourriture,  il  meurt  dans  cet  état  à  une 
heure  de  l'après-midi. 

Autopsie  trente-quatre  heures  après  la  mort. 

Le  cadavre  est  en  pleine  putréfaction,  au  point  que  la  chaleur  s'y 
trouve  très-appréciable  à  la  surface  et  dans  les  cavités  intérieures.  Les 
papules  de  tout  le  corps  ont  pâli  et  en  partie  disparu.  Le  tissu  cellu- 
laire sous-cutané  est  distendu  par  des  gaz  putrides  qui  donnent  au  ca- 
davre un  aspect  emphysémateux  général. 

En  incisant  la  peau  au  niveau  des  taches  ecchymotiques  qu'elle  pré- 
sentait, et  que  l'on  retrouve  en  cherchant  au  milieu  des  marbrures  livides, 
on  trouve  des  capillaires  gorgés  d'un  sang  noir  et  distendus,  quelque- 
fois une  extravasation  sanguine,  une  pétéchie  véritable,  sous-épider- 
mique  ou  intradermique.  Plus  profondément  dans  les  aréoles  de  la  face 
profonde,  des  espèces  de  bourbillons  faciles  à  énucléer  en  une  masse 
boueuse  fortement  teintée  de  sang.  Au-dessus  de  la  malléole  externe 
droite,  c'est  un  foyer  puriforme  de  cette  sorte  que  l'on  retrouve.  De 
mémo  au  pourtour  de  chaque  extrémité  unguéale,  mais  ici  l'inflltration 
sanguine  est  plus  abondante  encore.  Les  tissus  qui  environnent  ces  petits 
foyers  ne  sont  pas  plus  injectés  que  les  points  oh  la  peau  est  manifes- 
tement saine. 

Les  poumons  sont  entièrement  gorgés  d'un  sang  noir  abondant,  re- 
foulés par  les  anses  intestinales  dilatées,  avec  un  commencement  de 
putréfaction,  ils  ne  crépitent  pas  ;  leur  consistance  est  faible,  sans  être 
cassante,  ni  leur  coupe  grenue. 

Dans  le  sommet  du  poumon  droit,  se  voit  un  petit  noyau  puriforme 
gros  comme  un  pois.  A  la  base  du  môme  côté,  plaque  de  pleurésie 
pseudo-membraneuse,  large  de  15  millimètres  environ,  recouvrant  un 
noyau  métastatique  diflluent  constitué  par  une  boue  sanguinolente,  et 
gros  comme  une  noisette. 

Nulle  part  on  ne  trouve  une  hépatisation  véritable,  c'est  une  hémo- 
pneumonie, comme  on  en  trouve  dans  lafièrre  typhoïde  à  forme  pec- 
torale . 


57 

Le  péricarde,  à  son  ouverture,  reste  très-dislendu;  ou  voit  deux  feuil- 
lets de  fausses  membranes,  une  pariétale  et  une  viscérale,  faciles  toutes 
deux  à  séparer  de  la  séreuse,  mais  reliées  l'une  à  l'autre  par  de  nom- 
breux cordages  fibrincux,  entre  lesquels  existent  quelques  grammes 
d'un  liquide  roussâtre.  Le  feuillet  pariétal  est  très-injecté,  mais  sans  ul- 
cération, les  fausses  membranes  ont  une  épaisseur  de  1  à  3  millimè- 
tres; elles  sont  aréolaires  et  un  peu  jaunâtres,  et  occupent  toute  la  hau- 
teur du  péricarde.  Le  feuillet  viscéral  est  un  peu  plus  adhérent  aux  faus- 
ses membranes  que  le  feuillet  pariétal  ;  près  de  la  base  du  cœur  gauche 
elles  affectent  avec  le  cœur  une  adhérence  tout  à  fait  particulière  ;  à  ce 
niveau  en  effet,  et  en  enlevant  ces  fausses  membranes,  on  remarque 
des  pertes  de  substance,  des  espèces  d'ulcérations  du  péricarde,  au 
nombre  de  3  ou  4.  larges  de  4  à  6  millimètres,  longues  de  8  à  10,  ayant 
une  base  peu  déprimée  grenue,  blanchâtre  et  mollasse  sous  la  pulpe  du 
doigt  et  un  pourtour  un  peu  festonné  formé  par  la  séreuse  qui  est  comme 
rongée,  sans  qu'il  y  ait  au  voisinage  une  congestion  plus  intense  que 
dans  les  autres  points  du  cœur. 

On  ne  retrouve  point  ces  ulcérations  en  aucun  autre  endroit  de  la 
surface  du  cœur  gauche  ni  du  cœur  droit. 

Le  tissu  du  cœur  lui-môme  est  flasque,  pâle,  jaunâtre  en  général  ;  il 
contient  un  sang  difïluent,  ressemblant  à  de  la  gelée  de  groseille,  et 
des  caillots  grumeleux  peu  cohérents,  sans  adhérence  et  d'un  rougo 
noirâtre  uniforme. 

A  la  face  interne  du  ventricule  gauche,  à  2  centimètres  environ  des 
valvules  aortiques,  sur  la  paroi  interventriculaire,  existe  une  plaque 
crémeuse,  large  de  6  à  8  millimètres,  à  peu  près  circulaire,  adhérente 
à  une  ulcération  superficielle  do  l'endocardequi  paraît  comme  coupée  à 
l'emporte-pièce  à  ce  niveau.  Les  bords  de  l'ulcération  sont  un  peu 
festonnés,  mais  les  tissus  n'offrent  au  pourtour  rien  de  remarquable  à 
noter. 

Sur  l'extrémité  libre  de  la  face  antérieure  de  la  grosse  colonne  anté- 
rieure, à  la  même  hauteur,  existe  une  ulcération  analogue  un  peu  moins 
étendue,  couverte  de  fibrine;  cette  ulcération  contourne  le  sommet  de 
la  colonne  et  se  retrouve  en  arrière. 

Un  peu  au-dessous  des  valvules  aortiques  se  voient  plusieurs  petits 
points  semblables  non  encore  ulcérés  et  gros  comme  une  petite  len- 
tille ;  de  môme,  sur  la  plupart  des  piliers  et  des  colonnes  du  cœur  gau- 
che et  dans  leurs  intervalles  sur  la  paroi  ventriculaire  elle-même,  on 
trouve  des  points  jaunâtres,  miliaires,  ici  simplement  épaissis,  là  arrivés 
à  un  commencement  d'ulcération.  Les  valvules  aortiques  et  l'aorte  pré- 
sentent une  simple  imbibition  sanguine.  Il  en  est  de  môme  pour  la  val- 
vule mitrale;  cependant  la  valve  postérieure  renferme  vers  son  milieu 


MH 


58 

et  sur  sa  face  auriculaire  un  point  large  comme  une  lentille,  épaissi, 
jaunâtre  et  en  voie  de  s'ulcérer. 

Le  cœur  droit,  les  oreillettes  n'offrent  rien  à  noter,  non  plus  que  leur 
tissu;  mais  en  incisant  la  paroi  postérieure  du  cœur  gauche  et  quelques- 
unes  de  ses  grosses  colonnes,  on  trouve  dans  leur  épaisseur  des  noyaux 
mal  limités,  dont  le  volume  v^arie  depuis  celui  d'une  tête  d'épingle  jus- 
qu'à celui  d'une  noisette  ;  et  en  incisanl  le  cœur  au  sein  des  ulcérations 
de  ses  deux  faces,  on  tombe  sur  des  foyers  ramollis  de  ce  genre  qui  ex- 
pliquent suffisamment  la  destruction  de  la  séreuse  à  leur  niveau. 

Ces  foyers  sont  grisâtres,  les  plus  avancés  sont  faciles  3  détacher; 
les  autres  tiennent  encore  un  peu  aux  fibres  du  cœur;  leur  couleur  va- 
rie du  jaune  au  blanc  verdâtre;  on  n'y  trouve  point  de  teinte  sanguino- 
lente, non  plus  qu'à  leur  pourtour,  et  à  première  vue,  ils  paraissent 
formés  par  une  sorte  de  mortification  sur  place  du  tissu  même  du  cœur. 

Le  tube  digestif  ne  présente  guère  que  quelques  follicules  isolés  de 
l'intestin  grêle,  un  peu  plus  marqués  et  épaissis,  ainsi  que  quelques 
plaques  de  Peyer,  mais  sans  ulcération. 

Les  reins  sont  mous,  tachetés  à  la  surface  d'une  foule  de  grains  d'un 
rouge  sombre,  et  à  la  coupe  ces  grains  paraissent  composés  d'une 
substance  jaunâtre  difïluente,  rouillée  ou  môme  teintée  de  sang  pur;  ils 
sont  disséminés  en  nombre  considérable  dans  les  deux  substances  ;  leur 
grosseur  ne  dépasse  pas  celle  d'un  pois,  ils  sont  faciles  a  énucléer,  et 
le  rein  paraît  au  pourtour  comme  coupé  à  l 'emporte-pièce. 

La  rate  difïluente  d'une  façon  générale  présente  des  points  plus  ra- 
mollis, mais  il  est  difficile  de  se  prononcer  sur  l'existence  d'une  lésion 
particulière. 

Le  foie  est  flasque,  mais  résistant,  sa  coupe  est  ferme,  brunâtre,  grais- 
seuse, il  ne  renferme  aucun  infarctus. 

Le  cerveau  offre  à  sa  surface  de  petits  noyaux  sanguino-purulents 
assez  nombreux  ;  dans  la  substance  grise,  à  la  face  inférieure  gauche, 
aux  faces  supérieures  et  inférieures  droites,  on  voit  sept  à  huit  petits 
noyaux  que  l'on  soulève  en  enlevant  la  pie-mère  et  laissant  une  perte 
de  substance  :  ces  noyaux  lenticulaires  sont  rouges  à  la  périphérie, 
d'un  blanc  verdâtre  au  centre. 

A  la  coupe,  on  rencontre  également  dans  la  substance  blanche  quel- 
ques foyers,  mais  le  cerveau  ferme  partout  est  criblé  de  points  mi- 
liaires  rougeâtres,  ressemblant  à  de  petits  infarctus  sanguins. 

Le  corps  strié  droit  renferme  un  foyer  jaune  verdâtre  gros  comme 
une  noisette  dans  son  noyau  extraventriculaire.  La  pyramide  antérieure 
droite  du  bulbe  contient  un  foyer  puriforme  lenticulaire  ;  il  en  existe 
également  plusieurs  dans  le  cervelet. 

La  moelle  n'a  pas  été  examinée. 


59 

Examen  iiistologique.  —  Il  a  été  fait  sur  les  organes  mous,  en  voie 
de  putréfaction,  à  l'état  frais,  et  longtemps  après,  quand  on  eut  essayé 
de  les  faire  durcir  dans  l'acide  chromique,  ce  qui  fut  très-difficile. 

Cœur.  Le  muscle  frappe  d'abord  l'attention  :  il  est  mou,  friable,  dif- 
ficile à  dilacérer,  d'une  coloration  plus  pâle  qu'à  l'état  normal;  il  pré- 
sente dans  son  épaisseur  et  sur  certains  points  de  sa  surface  endocar- 
dique  ou  péricardique  de  petites  masses  jaunâtres,  disséminées,  dont 
la  grosseur  varie  depuis  celle  d'une  petite  tête  d'épingle  jusqu'à  celle 
d'une  noisette. 

Une  préparation  des  fibres  musculaires  du  ventricule  gauche  et  dans 
un  point  quelconque  fait  voir  par  place  des  granulations  graisseuses, 
qui  occupent  une  partie  ou  la  totalité  de  l'épaissear  des  éléments  mus- 
culaires. De  plus  les  noyaux  du  tissu  interstitiel  ont  augmenté,  et  cer- 
tains faisceaux  sont  séparés  l'un  de  l'autre  par  une  agglomération  de 
petits  noyaux  entourés  de  matière  amorphe  granuleuse. 

Dans  les  points  jaunes,  on  constate  une  véritable  infiltration  interfi- 
brillaire  par  une  agglomération  considérable  de  noyaux  et  petites  cel- 
lules réunis  par  une  substance  amorphe  très-granuleuse  ou  filamenteuse. 
La  coloration  jaune  paraît  due  à  des  granulations  graisseuses  fines  et 
abondantes. 

Dans  les  points  déjà  ramollis  et  particulièrement  dans  les  foyers  sous- 
péricardiques  décrits,  on  extrait  une  sorte  de  détritus  qui  présente  au 
microscope  des  éléments  nucléaires  et  cellulaires  nombreux  la  plupart 
granulo-graisseux,  ayant  les  caractères  de  leucocythes  altérés,  débris 
de  tissu  cellulo-fibreux  sous-péricardique  avec  des  vésicules  adipeuses 
contenant  des  cristaux  de  margarine,  et  des  fragments  de  fibres  mus- 
culaires dans  lesquels  l'état  granuleux  a  remplacé  complètement  la 
striation.  Les  dissolvants  de  la  graisse  font  apparaître  un  grand  nombre 
de  gouttes  de  graisse  dans  la  préparation. 

Des  coupes  faites  au  niveau  des  ulcérations  et  perpendiculairement  à 
leur  surface,  permettent  de  voir  les  relations  intimes  qui  existent  entre 
l'altération  de  l'endocarde  ou  du  péricarde  et  celle  des  tissus  sous- 
jaccnts. 

On  voit  que  les  foyers  les  plus  voisins  de  ces  séreuses  ont  déterminé 
d'abord  une  tuméfaction  diffuse  avec  état  trouble  de  la  séreuse,  puis 
une  sorte  de  fonte  gangreneuse  du  péricarde  ou  de  l'endocarde,  et  com- 
munication du  foyer  sous-péricardique  ou  sous-endocardique  avec  la 
cavité  cardiaque  ou  du  péricarde. 

On  n'a  pu  constater  ni  pus  bien  lié  ni  membrane  pyogénique,  ce  sont 
des  foyers  de  ramollissement  puriforrae  disséminés  dans  le  cœur  dont 
les  plus  superficiels  formaient  la  base  des  ulcérations  de  l'endocarde  et 
du  péricarde. 


60 

Foie.  Sur  des  coupes,  on  peut  juger  fd'abord  de  Tinégalilé  dans  le 
volume  des  cellules  hépatiques,  dont  les  unes  sont  comme  tuméfiées,  les 
autres  au  contraire  déjà  atrophiées. 

La  plupart  sont  remplies  de  granulations  plus  ou  moins  foncées  et  de 
quelques  granulations  graisseuses  jaunâtres,  qui  masquent  le  noyau  ; 
elles  offrent,  en  un  mot,  les  caractères  d'une  sorte  d'inflammation  pa- 
renchymateuse.  On  ne  trouve  d'ailleurs  dans  le  foie  ni  extravasation 
sanguine,  ni  infarctus  hémorrhagiques  ou  purulents. 

Reins.  Différentes  coupes  des  deux  reins  montrent  partout  une  alté- 
ration commençante  dans  les  canalicules. 

Les  cellules  épithéliales  sont  remplies  de  granulations  grisâtres  mas- 
quant le  noyau.  Dans  un  grand  nombre  de  tubes,  les  cellules  épithé- 
liales centrales  ne  peuvent  plus  être  distinguées. 

La  même  lésion  existe  dans  les  glomérules  de  Malpighi  qui  présentent 
sur  les  coupes  un  état  trouble. 

Quelques  canalicules  sont  desquames  en  partie,  et  remplis  seulement 
de  granulations  graisseuses,  jaunâtres  ou  brillantes. 

Infarctus.  Ils  ont  été  étudiés  dans  le  rein  et  dans, le  cerveau. 

Dans  ces  deux  organes  ils  étaient  innombrables,  et  la  plupart  d'un 
très-petit  diamètre. 

Des  coupes  faites  à  leur  niveau  montrent  leur  délimitation  très- 
exacte  d'avec  les  éléments  voisins. 

La  pointe  du  scalpel  permet  d'enlever  la  matière  de  linfarctus  et  de 
laisser  à  sa  place  au  sein  de  la  coupe,  une  ouverture  faite  comme  à 
l'emporte-pièce. 

La  plupart  des  infarctus  sont  fortement  teintés  de  sang,  d'autres  ont 
déjà  une  coloration  jaunâtre.  Ils  sont  formés  par  une  masse  foncée,  fi- 
brineuse,  au  sein  de  laquelle  on  voit  une  grande  quantité  de  leucocy- 
tes, quelques  éléments  du  sang  extravasés  et  des  vaisseaux  irréguliers, 
foncés,  se  détachant  en  lignes  presque  noirâtres  sur  les  préparations. 

Dans  le  voisinage  de  ces  infarctus,  dans  le  cerveau  principalement, 
un  certain  nombre  de  capillaires  sont  remplis  par  une  masse  foncée 
dans  laquelle  on  distingue  encore  les  globules  du  sang.  Nous  n'avons 
pu  parvenir,  ni  par  les  coupes,  ni  par  la  dilacération,  à  isoler  d'une  ma- 
nière satisfaisante  la  matière  contenue  dans  les  vaisseaux  capillaires, 
dont  l'oblitération  a  déterminé  ces  infarctus  métastatiques. 

Le  diamètre  très-petit  des  capillaires  oblitérés  prouve  que  l'embolie, 
indubitable,  a  été  causée  par  des  particules  d'une  ténuité  très-grande, 
et  il  est  probable  que  ces  particules  se  sont  entourées  dans  les  petits 
vaisseaux  d'une  coagulation  secondaire  par  arrêt  de  la  circulation. 

En  résumé,  il  s'agit  d'un  enfant  âgé  de  13  ans,  tout  à  fait  bien  portant 


61 
jusque-là,  venant  lui-môme  à  l'hôpital,  ne  se  plaignant  que  de  cour- 
bature, (l'un  peu  d'abattement,  et  présentant,  quelques  heures  après 
son  arrivée,  une  éruption  bâtarde  d'apparence  hémorrhagique  sur  tout 
le  corps  ;  une  pneumonie  gauche,  et  douze  heures  après  une  pneumo- 
nie devenue  double,  avec  endo-péricardite,  épistaxis,  adynamie  profonde 
et  ataxie,  et  enfin,  mort  au  quatrième  jour  de  sa  maladie  ;  par  consé- 
quent, phénomènes  typhoïdes  graves  suivis  rapidement  d'une  terminai- 
son fatale. 

En  présence  de  ces  faits  si  insolites,  la  clinique  devait  rester  muette, 
mais  l'autopsie  est  venue  nous  montrer  un  nombre  considérable  de  lé- 
sions qui,  par  leur  enchaînement,  peuvent  jeter  un  certain  jour  sur 
l'interprétation  générale  des  faits  du  môme  genre. 

Nous  avons  vu,  en  effet,  dans  les  principaux  viscères,  des  altérations 
profondes  et  plus  particulièrement  dans  le  cœur,  c'est-à-dire  :  des 
foyers  de  ramollissement  de  la  substance  musculaire  du  cœur  avec 
destruction  de  l'endocarde  et  du  péricarde  endo-péricardite  ulcéreuse)  ; 
dans  le  foie  et  dans  les  reins,  une  altération  analogue  à  celle  que  l'on 
rencontre  dans  la  forme  maligne  de  la  fièvre  typhoïde;  une  altération 
évidente  du  sang;  et  enfin  de  nombreux  foyers  métastatiques  viscéraux. 

L'examen  attentif  du  cœur  nous  a  donné  la  conviction  que  les  alté- 
rations de  l'endocarde  et  du  péricarde  étaient  certainement  consécutives 
à  l'altération  du  muscle.  Et  c'est  là  que  nous  avons  cru  devoir  puiser 
l'explication  des  lésions  métastatiques. 

Quelle  est  la  cause  de  cette  affection  du  cœur?  Quelle  est  la  cause 
aussi  de  ces  altérations  des  principaux  organes  qui  tiennent  si  directe- 
ment l'état  du  sang  sous  leur  dépendance? 

L'étude  de  ce  fait  nous  donne  à  penser  qu'il  s'agit  d'une  maladie 
maligne  et  grave  d'emblée,  caractérisée  par  des  lésions  viscérales  mul- 
tiples et  particulièrement  par  des  lésions  du  cœur.  C'est  ainsi  que  nous 
pensons  que  la  myocardite,  l'hépatite,  la  pneumonie,  la  néphrite  se 
sont  rapidement  produites  sous  l'influence  de  la  maladie  générale,  et 
que  le  sang  a  été  secondairement  altéré  ;  ainsi  pourrait  s'expliquer  l'état 
typhoïde  dès  le  début.  Et  si  nous  voyons  survenir  unnombre  considérable 
d'infarctus,  ces  lésions  secondaires  ne  sont-elles  pas  assez  légitimées 
parles  ulcérations  de  l'endocarde  du  ventricule  gauche? 

Cette  interprétation  tend  à  s'éloigner  sous  un  certain  rapport  de  celles 
qui  ont  été  proposées  par  les  observateurs  cités  plus  haut;  mais  non- 
seulement  la  lecture  des  observations  qui  ressemblent  le  plus  à  la 
nôtre,  mais  aussi  les  détails  des  autopsies,  paraissent  nous  montrer  que 
l'interprétation  des  faits  antérieurs  n'a  pas  été  tout  à  fait  complète. 

En  effet,  dans  toutes  les  observations  à  forme  typhoïde,  avec  ou  sans 
rhumatisme,  l'état  général  prime  tout;  souvent  môme  l'affection  car- 


6^ 
diaque  éveille  à  peine  l'attention,  et  dans  quelques  cas,  malgré  les  in- 
farctus nombreux  qu'on  trouve  à  l'autopsie,  il  n'y  a  pas  de  symptômes 
d'infection  purulente. 

Dans  la  deuxième  observation,  par  exemple,  publiée  par  MM.  Char- 
cot  et  Vulpian,  ne  voit-on  pas  la  maladie  revêtir  la  forme  d'une  fièvre 
typhoïde,  et  ces  habiles  observateurs  ne  songer  à  une  affection  du 
cœiir  que  quelques  jours  avant  la  mort  du  malade. 

Dans  les  observations  de  Beckmann  et  de  M.  Lancereaux,  mêmes 
remarques  à  faire  aussi  au  point  de  vue  de  l'état  typhoïde;  et  d'une  fa- 
çon générale,  quand  on  lit  les  faits  recueillis  dans  la  thèse  de  M.  Vast, 
on  note  surtout  les  phénomènes  suivants  : 

Adynamie  ou  ataxo-adynamie,  accidents  dyssentériques,  cholériformes, 
hémorrhagies  de  la  peau  et  des  muqueuses,  suppuration  des  parotides, 
en  un  mot  un  ensemble  de  signes  bien  sufBsants  pour  caractériser  l'é- 
tat dit  typhoïde. 

Quelquefois  on  a  noté  un  frisson  violent  succédant  à  l'état  typhoïde, 
ou  survenant  brusquement,  et  l'pn  a  cru  devoir,  pour  cette  raison,  dis- 
tinguer une  forme  pyohémique  spéciale  d'endocardite.  Mais  il  est  temps 
de  voir  si  les  lésions  anatomiques  ont  été  suffisamment  interprétées. 

L'Ecole  de  Berlin  a  démontré  que  les  infarctus  sont  des  lésions  em- 
boliques,  c'est-à-dire  purement  mécaniques,  et  que  la  fibrine  transpor- 
tée dans  le  sang  ne  donne  lieu  à  une  infection  générale  que  lorsqu'elle 
est  de  nature  septique.  Or  si  l'on  admet  que  les  accidents  de  l'endocar- 
dite ulcéreuse  sont  tous  causés  par  le  mélange  avec  le  sang  de  parti- 
cules étrangères,  on  identifie  cette  affection  avec  la  pyohémie;  mais 
nous  venons  de  voir  que  la  clinique  nous  montre  un  état  typhoïde  qui 
ne  ressemble  en  rien  à  l'infection  purulente;  et  que  dans  les  cas  où 
cette  infection  existe,  il  faut  supposer  que  la  fibrine  ou  les  débris  de 
l'endocarde  possèdent  alors  des  propriétés  septiques;  et  encore,  si 
l'on  admet  cette  hypothèse,  il  restera  à  démontrer  comment  se  font 
les  Ulcérations  de  l'endocarde,  ulcérations  qu'on  a  eu  raison  do  ne 
point  confondre  avec  les  formes  réellement  inflammatoires  des  affec- 
tions de  la  séreuse. 

Nous  voyons  donc  : 

Que  nou-seulement  dans  notre  cas,  mais  qu'aussi  dans  les  autres  ana- 
logues, il  s'est  agi  d'une  maladie  générale  grave,  d'un  tréritable  état 
typhoïde,  et  que  la  formation  secondaire  des  infarctus  par  l'ulcération 
du  cœur  n'a  pas  donné  une  explication  complète  et  satisfaisante  de 
l'ensemble  de  la  maladie. 

Comme  on  vient  de  le  voir,  c'est  dans  les  altérations  viscérales  que 
nous  avons  cherché  les  preuves  de  la  maladie  générale  dominant  tous 
les  autres  accidents. 


63 

Déjà  d'autres  observateurs  ont  signalé  ces  lésions  dans  le  cœur,  dans 
le  foie  et  dans  les  reins,  et  nous  n'avons  pu  nous  empêcher  de  les  com- 
parer à  celles  qui  ont  été  si  bien  décrites  par  M.  Chédevergne  dans  les 
fièvres  typhoïdes  à  forme  maligne.  Nous  avons  cru  voir  que  la  môme 
cause  avait  produit  a  la  fois  et  le  ramollissement  du  cœur,  et  les  lésions 
doubles  du  poumon,  et  celles  du  foie  et  des  reins,  s'évoluant  dans  l'es- 
pace de  quelques  jours. 

Cette  forme  maligne  do  la  maladie  qu'il  nous  a  été  donné  d'obser- 
ver, présente  peut-être  quelque  chose  de  plus  que  les  autres  faits  de  Ce 
genre,  c'est-à-dire  une  lésion  profonde  des  principaux  organes,  expliquant 
parfaitement  cette  marche  rapide,  et  pouvant  jeter  peut-être  un  certain 
jour  sur  les  cas  moins  accentués  et  moins  rapidement  mortels,  en  dé- 
voilant la  véritable  nature  de  la  maladie. 

C'est  pourquoi  nous  n'avons  pas  hésité,  malgré  l'altération  avancée  du 
muscle  cardiaque  et  la  présence  d'une  péricardite  intense,  à  placer  ce 
fait  à  côté  de  ceux  d'endocardite  ulcéreuse,  et  nous  reconnaissons  par 
cela  môme  que  la  dénomination  de  cette  maladie  est  défectueuse. 

Il  ne  faut  pas  rapprocher,  en  effet,  sous  ce  nom  les  cas  dans  lesquels 
des  lésions  emboliques  coïncident  avec  des  ulcérations  de  l'endocarde  ; 
mais  il  faut  rapprocher  ceux  dans  lesquels  des  affections  graves  du  cœur 
et  des  autres  viscères  amènent  la  rtiort  à  la  suite  d'un  état  typhoïde, 
avec  productions  secondaires  d'infarctus  métastati(^ues. 

Cependant,  nous  n'oserions  pas  nous  appuyer  sur  cette  seule  observa- 
tion et  celles  qui  peuvent  en  être  rapprochées,  pour  proposer  une  déno  • 
mination  nouvelle. 

Nous  avons  voulu  montrer  que  c'est  surtout  dans  l'étude  des  lésions 
initiales  et  dans  la  succession  des  altérations  secondaires  que  l'on  peut 
reconnaître  le  genre  particulier  de  cette  affection  encore  obscure. 

2°  Recherches  sur  les  troubles  des  neufs  pÉRiPHÉRrQUEs ,  et  surtout  des 

NERFS   vaso-moteurs   CONSÉCUTIFS    A    l'aSPRYXIE  PAR  LA  VAPEUR  DE  CnARBON  ; 

par  le  docteur  E.  Leudet,  directeur  et  professeur  de  clinique  de 
l'Ecole  de  médecine  de  Rouen. 

L'asphyxie  par  la  vapeur  de  charbon  en  combustion  détermine,  dans 
certains  cas,  des  troubles  des  nerfs  périphériques.  Les  anciens  auteurs, 
et  plus  récemment  M.  Bourdon,  ont  décril  des  faits  de  paralysie  locali- 
sée survenue  dans  ces  conditions.  On  n"a,  jusqu'à  présent,  présenté  ces 
paralysies  que  comme  des  faits  exceptionnels,  curieux,  sans  indiquer 
leur  véritable  signification.  L'observation  clinique  m'a  permis  de  suivre 
les  diverses  formes  et  la  marche  de  ces  paralysies. 


64 

Les  nerfs  moteurs,  sensitifs  ou  vaso-moteurs  peuvent  être  lésés  si- 
multanément ou  isolément. 

Le  trouble  des  nerfs  moteurs  et  sensitifs  se  manifeste  d'abord  par  des 
troubles  de  la  motilité  ou  de  la  sensibililé;  paralysies  motrices  ou  sen- 
sitives,  et  par  des  accidents  de  nutrition  locale,  que  l'on  attribue  à  la 
névrite  ;  tumeur  locale,  avec  rougeur  développée  sur  le  trajet  d'un  nerf, 
présentant  des  alternatives  d'augment  et  de  diminution,  et  bien  décrite 
dans  ces  derniers  par  Remak,  J'ai  constaté  ces  divers  symptômes  dans 
un  cas  de  névrite  du  nerf  radial,  et  dans  un  autre  du  nerf  sciatique, 
survenus  après  l'asphyxie  par  la  vapeur  de  charbon. 

On  sait  depuis  longtemps  qu'il  existe  une  relation  de  causalité  entre 
la  maladie  connue  sous  le  nom  de  zona  et  une  lésion  des  nerfs.  Ce  fait, 
indiqué  depuis  longtemps  par  M.  Rayer,  est  aujourd'hui  démontré  de 
nouveau  par  les  observations  cliniques,  et  surtout  par  un  fait  présen- 
tant toutes  les  garanties  d'authenticité  et  publié  par  von  Baeresprung. 
Dans  ce  cas,  le  savant  allemand  a  constaté  une  altération  du  ganglion 
spinal  et  de  la  branche  nerveuse  rachidienne  correspondante. 

Chez  les  individus  exposés  à  l'action  délétère  des  gaz  dégagés  du 
charbon  en  combustion,  il  se  développe  sur  le  trajet  des  nerfs  des  érup- 
tions herpétiques  identiques  à  celles  du  zona  ;  j'ai  vu  ces  éruptions  sur 
le  trajet  du  nerf  trijumeau,  du  nerf  sciatique,  du  nerf  radial,  c'est-à-dire 
dans  la  direction  de  nerfs  qui  comprennent,  outre  les  éléments  moteurs 
et  sensitifs,  des  nerfs  vaso-moteurs. 

Les  symptômes  que  je  rattache  à  des  lésions  des  nerfs  périphériques, 
apparaissent  quelquefois  presque  immédiatement  après  la  cessation  des 
phénomènes  d'asphyxie,  j'ai  constaté  ce  fait  pour  des  symptômes  des 
troubles  des  nerfs  vaso-moteurs,  plus  rarement  pour  ceux  des  nerfs 
moteurs.  Le  plus  souvent,  la  paralysie  des  nerfs  périphériques  se  ma- 
nifeste quelques  jours  après  la  cessation  de  l'asphyxie. 

Les  éruptions  herpétiques  suivant  le  trajet  des  nerfs  peuvent  récidiver. 

Dans  quelques  cas  plus  rares,  il  se  manifeste  des  phlegmasies  réelles 
terminées  par  abcès, 

La  gangrène  locale  et  surtout  l'escarre  de  la  peau  de  la  région  du 
sacrum,  survenant  en  vingt-quatre  heures,  témoigne  d'un  trouble  pro- 
fond de  l'innervation,  et  peut  aussi,  suivant  les  savantes  études  de  Sa- 
muel sur  les  nerfs  trophiques,  être  rattachée  à  une  lésion  des  nerfs  va- 
so-moteurs. 

L'ensemble  des  symptômes  morbides  signalés  par  moi  et  développés 
à  la  suite  de  l'asphyxie  par  la  vapeur  du  charbon  en  combustion,  pré- 
sente une  analogie  parfaite  avec  les  symptômes  constatés  sur  les  nerfs 
atteints  de  traumatisme.  Je  renvoie  pour  ce  point  au  travail  de  M,  Char- 
cot. 


05 

Je  n'ai  pas  cherché  dans  les  expériences  sur  les  animaux  une  consta- 
tation expérimentale  de  ces  propositions,  basées  sur  l'analyse  des  cas 
cliniques,  par  cette  raison,  que  les  expérimentations  n'ont  jamais  pu 
déterminer  de  paralysies  localisées  sur  les  animaux,  au  moyen  de  Ta- 
cide  carbonique  ou  du  gaz  oxyde  de  carbone. 

L'auatomie  pathologique  m'a  permis,  dans  un  seul  cas,  de  constater 
une  altération  du  tronc  du  nerf  sciatique,  caractérisée  par  une  hyper- 
genèse  de  l'élément  cellulaire  constituant  la  trame  et  la  gaîne  du  nerf, 
près  de  sa  sortie  du  bassin,  dans  le  point  où  s'étaient  manifestés  pen- 
dant la  vie  les  symptômes  d'une  névrite  locale.  Les  tubes  nerveux  en- 
tourés par  cette  hyperplasie  celluleuse,  étaient  eux-mêmes  altérés. 

Les  éruptions  herpétiques,  les  accidents  cutanés  ont  en  général  une 
durée  assez  courte  ;  les  paralysies  motrices  persistent  beaucoup  plus 
longtemps.  D'autres  fois,  au  lieu  de  persister  sur  place,  ces  paralysies 
s'étendent  de  proche  en  proche  en  suivant  le  trajet  des  nerfs,  ainsi  j'ai 
vu  une  paralysie  du  nerf  sciatique  s'étendre  à  tout  le  corps,  et  présen- 
ter les  symptômes  d'une  paralysie  ascendante  aiguë  terminée  par  la 
mort. 

3°  Érythème  papcleux  et  NOiîEtx  ;  observation  présentée  par  M.  Louis 
Odier,  interne  des  hôpitaux  de  Paris. 

Mademoiselle  F...,  âgée  do  18  ans,  d'un  tempérament  lymphatique,  a 
été  élevée  en  pension  à  la  campagne  et  a  toujours  joui  d'une  bonne  santé. 
Elle  est  depuis  un  an  élève  sage-femme  à  la  Maternité  de  Paris  et  n'a 
pas  été  malade  depuis  son  entrée  dans  cette  maison.  Ses  parents  sont 
robustes;  il  paraîtrait  cependant  que  son  père  a  eu  des  douleurs  rhu- 
matismales pour  lesquelles  il  n'a  jamais  été  forcé  de  garder  le  lit. 

Habituellement  bien  menstruée,  elle  a  eu  ses  règles  le  1"  janvier 
1865.  Le  14  janvier,  cette  jeune  personne  entrait  à  l'infirmerie  des 
élèves,  à  la  Maternité,  pour  une  éruption  cutanée  de  la  face,  accompagnée 
de  fièvre,  et  donnait  à  M.  le  docteur  Hervieuxles  renseignements  sui- 
vants sur  les  débuts  de  sa  maladie  : 

Depuis  une  semaine  elle  se  sentait  indisposée,  avait  moins  d'appétit, 
se  fatiguait  vite  et  se  trouvait  comme  brisée.  Supposant  que  cet  état 
était  dû  à  une  indisposition  passagère,  elle  n'en  parla  à  personne  et  fit 
même,  à  son  tour,  ses  vingt-quatre  heures  de  garde  à  la  salle  des  accou- 
chements. 

Le  14  janvier,  elle  fut  prise  de  fièvre  avec  céphalalgie,  perte  de  l'ap- 
pétit, nausées,  soif,  pouls  fréquent,  peau  sèche  et  brûlante,  en  même 
temps  que  ses  forces  diminuaient  et  qu'il  lui  devenait  difHcile  de  rester 
debout. 

c.  P..  .    -y 


cr. 

Examinée  le  soir  même  par  moi  et  par  mon  collègue  M.  Perruchot, 
elle  entrait  à  l'infirmerie  des  élèves. 

Yoici  ce  qu'a  constaté  M.  le  docteur  Hervieux,  médecin  de  la  Mater- 
nité, pendant  la  maladie  de  cette  jeune  fille  : 

Le  premier  jour,  l'éruption  a  consisté  dans  un  certain  nombre  de  vé- 
sicules comme  des  têtes  d'épingle,  quelques-unes  plus  larges  se  rap- 
prochant du  diamètre  d'une  lentille,  et  siégeant,  quelques-unes  sur  le 
menton,  d'autres  sur  les  joues,  une  ou  deux  sur  le  dos  du  nez,  quelques- 
unes  à  la  partie  supérieure  du  front,  entre  les  deux  sourcils,  et  enfin  une 
dernière  située  sur  la  conjonctive  oculaire  droite,  vers  l'angle  externe 
de  la  paupière;  cette  saillie  était  rougeâtre,  entourée  d'un  réseau  vas- 
culaire  très-fin,  formant  la  base  sur  laquelle  elle  reposait. 

En  outre  de  ces  vésicules,  on  observait  sur  la  région  frontale  des  pla- 
ques érythémateuses  de  forme  irrégulière,  situées  assez  symétriquement 
sur  les  deux  bosses  frontales  et  d'un  diamètre  variant  de  1  à  2  1/2  cen- 
timètres. 

Ces  plaques,  examinées  de  près,  offraient  un  soulèvement  de  l'épi- 
derme  ;  soulèvement  parfaitement  uniforme  -dans  toute  l'étendue  de  la 
plaque,  de  telle  sorte  que  le  centre  n'était  pas  plus  soulevé  que  les  bords. 
Entre  l'épiderme  et  le  derme  s'interposait  évidemment  un  liquide  sé- 
reux et  limpide. 

Il  est  à  remarquer  que  les  poussées  éruptives  ont  eu  lieu  successive- 
ment dans  l'ordre  suivant  :  d'abord  les  vésicules,  puis  les  plaques  éry^ 
thémateuses,  puis  le  lendemain  et  les  jours  suivants,  ces  plaques,  en 
s'élevant  davantage,  ont  présenté  le  soulèvement  épidermique. 

C'est  le  quatrième  jour  que  nous  avons  vu  apparaître  sur  les  avant- 
bras  elles  jambes  des  éruptions  d'un  genre  différent. 

Elles  consistaient  en  une  nodosité  rénilente  formant  saillie  sous  le 
doigt  qui  les  explorait,  d'un  rose  très-vif  et  off"rant  un  volume  qui  va- 
riait de  celui  d'un  grain  de  blé  à  celui  d'un  gros  pois.  Il  en  existait  sur 
l'avant-bras  droit  au  niveau  du  bord  moyen  du  cubitus,  sur  le  deuxième 
métacarpien  gauche,  nuis  sur  la  face  dorsale  de  l'avant-bras.  Aux  jam- 
bes, cétait  au  voisinage  de  la  crête  des  deux  tibias,  et  surtout  vers  la 
partie  moyenne  de  ces  os  que  régnaient  ces  noyaux  d'érylhème 
noueux. 

Cette  dernière  variété  d'érythème  est  apparue  la  dernière  dans  l'or- 
dre de  succession  des  poussées  et  a  complété  le  diagnostic  que  nous 
avons  porté  sur  la  nature  de  ces  plaques. 

Les  symptômes  locaux  ont  été  accompagnés  de  symptômes  généraux 
très-marqués  :  malaise,  chaleur  à  la  peau,  accélération  du  pouls,  cour- 
bature, décubitus  dorsal,  indifférence  de  la  malade  pour  ce  qui  se  passe 
autour  d'elle,  céphalalgie  intense,  constipation:  pas  de  toux  ni  d'expec- 


loralion;  insomnie  sans  agitation,  pasde  rêves,  inappétence,  n'a  jamais 
eu  de  douleurs  arlîcidaires. 

Ce  qui  a  distingué  cette  nouvelle  espèce  de  fièvre  éruptive,  c'est  une 
période  très-accentuée  de  desquamation  au  fur  et  à  mesure  que  les  ac- 
cidents généraux  s'amendaient.  Nous  avons  vu  les  plaques  d'érythème 
s'afTaisser,  puis  pâlir,  les  plaques  du  front  devenir  le  siège  d'une  exfo- 
liation épidermique,  occupant  la  presque  totalité  de  l'étendue  de  ces 
plaques,  les  vésicules  de  la  face  disparaître  à  peu  près  de  la  même  ma- 
nière et  les  nodosités  des  membres  s'effacer  de  manière  à  ne  plus  pré- 
senter qu'une  tache  violacée,  dernier  indice  de  leur  manifestation. 

Cette  période  de  desquamation  a  été  suivie  des  phénomènes  géné- 
raux qui  accompagnent  les  fièvres  éruptives  d'une  certaine  gravité  : 
abattement  extrême,  retour  lent  et  progressif  des  forces,  de  l'appétit 
et  de  l'activité  des  principales  fonctions.  La  malade  n'a  recouvré  que 
difiicilementle  sommeil;  la  langue  est  restée  longtemps  saburrale. 

A  l'auscultation  du  cœur,  léger  bruit  de  souffle  au  premier  temps  et 
à  la  base,  se  prolongeant  vers  les  vaisseaux  du  cou  à  gauche  qui  offrent 
le  bruit  de  diable  très-prononcé  avec  souffle  à  double  courant.  A  droite 
souffle  continu. 

Jusqu'au  4  février  la  jeune  malade  n'a  pu  se  lever  tant  elle  était  fati- 
guée. L'appétit  est  revenu  cependant,  ainsi  que  le  sommeil.  L'éruption 
n'a  laissé  que  quelques  taches  violacées  à  la  face  qui  sont  encore  le 
siège  d'une  desquamation  furfuracée.  Le  pouls  marque  toujours  104  pul- 
sations, quoique  la  peau  soit  fraîche  et  qu'il  n'y  ait  que  18  inspirations 
par  minute. 

Le  6  février,  la  malade  se  sent  plus  forte  et  assiste  à  un  cours;  ce 
qui  nous  frappe  alors,  c'est  l'amaigrissement  excessif  de  la  malade.  Le 
14  février,  mademoiselle  F...  quitte  l'infirmerie. 

C'est  vers  le  20  février  seulement  que  notre  malade  s'est  trouvée  dans 
le  même  état  de  santé  qu'avant  sa  maladie  et  qu'elle  a  pu  reprendre 
complètement  le  cours  de  ses  études. 

'Réflexions.  —  En  résumant  cette  observation,  nous  voyons  apparaî- 
tre :  1°  une  période  prodromique  durant  un  septénaire,  caractérisée 
par  des  malaises,  de  l'inappétence  et  de  la  fièvre  les  derniers  jours 
seulement;  2"  une  période d'' éruption  caractérisée  par  des  poussées  suc- 
cessives érythémateuses,  vésiculeuses  et  papuleuses  de  la  face  et  des 
membres,  avec  état  général  fébrile  et  dépression;  3"  une  période  de 
desquaniiUion  pendant  laquelle  s'amendent  les  symptômes  généraux, 
suivie  d'une  convalescence  longue,  comme  à  la  suite  des  fièvres  érup- 
tives graves. 

Cette  affection  présente  tous  les  caractères  d'une  fièvre  éruptive,  et 


()8 
en  parcourant  les  descriptions  analogues  qui  ont   été    données  par 
MM.  Hardy,  Trousseau  et  Bazin,  on  ne  tarde  pas  à  se  convaincre  que 
c'est  à  un  érythème  papuleux  compliqué  d'érythème  noueux  que  Ton 
a  eu  affaire. 

Il  reste  nnaintenant  à  savoir  si  cette  affection  s'est  développée  sous 
l'influence  du  rhumatisme.  Les  auteurs  précédemment  cités  parlent 
tous  du  rhumatisme.  M.  Hardy,  comme  d'une  simple  coïncidence, 
MM.  Trousseau  et  Bazin,  comme  dune  manifestation  de  la  diathèse 
rhumatismale. 

Ce  qui  plaide  en  faveur  de  l'arthritisme,  ce  sont  : 

1°  Le  tempérament  lymphatique  ; 

2°  Les  conditions  hygiéniques,  le  passage  fréquent  du  chaud  au  froid, 
par  suite  de  la  disposition  de  1  Ecole  d'accouchement;  les  salles  de 
malades  et  les  salles  d'études  étant  chaudes  et  séparées  par  des  corri- 
dors voûtés  et  froids; 

3'  La  coexistence  d'affections  rhumatismales  à  l'infirmerie  des  élèves, 
dans  la  maison,  dans  les  autres  hôpitaux  et  en  ville. 

L'apparition  de  l'érythème  noueux,  très-souvent  rhumatismal,  comme 
l'a  si  bien  domontré  M.  le  professeur  Trousseau  dans  les  remarquables 
cliniques  de  l'Hôtel-Dieu. 

Ce  qui  plaide  contre  le  rhumatisme,  ce  sont  : 

L'absence  de  rhumatismes  et  d'affections  rhumatismales  chez  cette 
jeune  fdle  pendant  les  premières  années;  l'absence  de  douleurs  rhuma- 
tismales articulaires  et  autres  avant,  pendant  et  après  sa  maladie; 

Et  enfin  l'opinion  de  M.  le  docteur  Hardy,  qui  ne  voit  dans  le  fait 
du  rhumatisme  et  des  éruptions  comme  l'érythème  noueux,  la  scarla- 
tine, la  chorée,  qu'une  simple  coïncidence. 

—  M.  Gubler  a  vu  déjà  un  assez  grand  nombre  de  fois  des  cas  ana- 
logues à  celui  dont  M.  Odier  vient  de  donner  l'intéressante  relation.  H 
a  vu  constamment  des  formes  anatomiques  différentes  rester  fidèles  aux 
régions  qui  leur  paraissent  respectivement  dévolues.  C'est  ainsi  que, 
loin  des  sièges  d'élection  des  nodosités  de  l'érythème  noueux,  à  savoir 
les  régions  tibiales  et  cubitales,  on  rencontre  invariablement,  soit  des 
papules  érythémateuses,  soit  de  l'érythème  marginé  ou  de  l'herpès  iris. 
En  apercevant  ces  dernières  formes  sur  le  front,  les  joues  ou  la  nuque, 
M.  Gubler  a  pu  annoncer  plus  d'une  fois  l'existence  de  l'érythème 
noueux  sur  les  jambes  ou  les  avant-bras.  Ainsi  le  même  état  diathési- 
que  peut  donner  naissance  à  des  lésions  cutanées  très-diverses  et  qu'il 
convient  cependant  de  réunir  sous  une  dénomination  commune  au  point 
de  vue  nosologique. 

Quelle  est  l'étiquette  qu'il  convient  d'imposer  au^  affections  du  genre 


6'.) 
de  celle  qui  fait  le  sujet  de  ces  remarques?  L'érytlième  noueux  procède- 
t-il  du  véritable  rhumatisme,  n'est-il  en  d'autres  termes  que  l'une  des 
nombreuses  manifestations  cutanées  de  cette  maladie  générale?  M.  Ga- 
bier hésite  à  accepter  cette  manière  de  voir,  il  incline  même  vers  une 
opinion  différente.  Sans  doute  les  sujets  afl'ectés  d'érythème  noueux  ont 
souvent  do  la  fièvre  et  des  douleurs  articulaires;  mais  les  jointures  se 
prennent  dans  une  foule  d'affections  autres  que  le  rhumatisme.  Il  existe 
des  arthrites  dans  la  scarlatine  et  le  purpura  sans  intervention  de  la 
cause  rhumatismale,  et  quant  à  l'état  général  fébrile,  c'est  le  fond  com- 
mun de  toutes  les  maladies  aiguës.  En  somme  M.  Gubler  ne  considère 
pas  l'érythème  noueux  comme  une  modalité  de  la  péliose  rhumatismale, 
mais  bien  comme  la  manifestation  d'une  affection  générale  analogue  au 
rhumatisme,  bien  qu'elle  en  diffère  considérablement  à  plusieurs  égards. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIi 

pendant  le  mois  de  mai  1865; 
Par  m.  le  Docteur  DUMONTPALLIER ,  secrétaire. 


PRESIDEES  DE  M.  RAIER. 


I.  —  Chimie  appiquée  aux  engrais. 

Sur  un  dépôt  de  gua>o  de  cdauve-souris  ;  par  M.  E.  Hardy. 

On  sait  l'importance  du  guano  pour  Famélioration  des  cultures  euro- 
péennes. Les  bancs  exploités  proviennent  surtout  des  îles  de  l'Amérique 
du  Sud,  du  littoral  du  Pérou  et  de  quelques  points  de  l'Afrique.  Leur 
nature  est  très-variable  ;  on  y  a  trouvé  des  détritus  de  toutes  espèces, 
des  débris  d'oiseaux,  d'animaux  marins  et  de  poissons,  formant  tantôt 
un  sol  mou  et  facilement  exploitable,  tantôt  des  masses  dures  et  résis- 
tantes. 

Quelle  que  soit  leur  origine,  leur  effet  utile  est  toujours  en  rapport 
avec  leur  composition  chimique,  et  lié  principalement  à  leur  richesse 
en  phosphate  et  en  azote.  Ce  dernier  élément  y  existe  à  l'état  d'acide 
uriquç,  de  sel  ammoniacal  ou  de  nitrate. 

Ces  dépôts  ne  sont  pas  particuliers  à  quelques  régions  privilégiées. 


72 
Dans  tous  les  lieux  déserts  et  inhabités,  fréquentés  par  de  nombreux 
animaux,  on  ti^uve  en  quantité  variable  des  matières  organiques  qui 
peuvent  être  utilisées  pour  Tagricullure.  Le  nom  de  guano  a  été  donné 
par -extension  à  ces  substances  de  nature  diverse  qui  se  rapprochent 
des  véritables  guanos  d'Amérique  par  leur  composition  chimique  et  leur 
action  comme  engrais. 

Des  amas  de  ce  genre  se  rencontrent  dans  une  grotte  située  dans  la 
commune  de  Chaux-lès-Porls,  àl6  kilomètresdeVesoul,  et  appartenant 
j  M.  de  Beaufond.  Cette  grotte,  appelée  trou  de  la  Beaume,  s'ouvre  sur 
le  versant  boisé  d'une  colline  qui  borde  la  rive  droite  de  la  Saône.  Elle 
est  située  à  environ  10  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  rivière,  et  à 
535  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Son  ouverture  mesure  6  mè- 
tres de  haut  et  5  mètres  de  large. 

D'après  la  tradition  et  les  anciens  souvenirs  des  habitants,  la  longueur 
praticable  de  cette  grotte  était  autrefois  de  plusieurs  kilomètres;  un 
éboulemcnt  récent  a  fermé  le  passage  primitif,  et  ne  permet  de  parcou- 
rir actuellement  qu'une  étendue  de  381  mètres. 

Sa  largeur  varie  de  2  à  3  mètres.  Sa  hauteur  moyenne  est  de  4  mè- 
tres; elle  s'élève  souvent  à  7'",08  allant  même  jusqu'à  15  mètres,  dans 
des  crevasses  verticales  de  la  partie  supérieure. 

Les  parois  sont  formées  par  des  bancs  abruptes  de  roches  calcaires, 
dont  d'épaisses  assises  en  se  joignant  constituent  la  voûte. 
La  direction  de  cette  grotte  est  inclinée  vers  l'est,  du  bord  perpendi- 
^culaire  à  l'axe  de  la  Saône,  dans  une  longueur  d'environ  70  mètres;  elle 
se  replie  bientôt  à  angle  droit  en  inclinant  vers  le  nord  pendant  70  mè- 
tres encore,  puis  paraît  suivre  des  lignes  brisées  ou  tortueuses. 

A  tous  les  changements  de  direction,  la  grotte  présente  de  nombreu- 
ses  anfracluosités  et  des  fissures  qui  conduisent  dans  des  cavités  de  di- 
mensions variables;  une  des  plus  remarquables  ressemble  à  une  vaste 
chambre,  profonde  de  plusieurs  mètres  et  tapissée  de  blocs  de  pierres 
polies  comme  par  l'action  des  eaux. 

Çà  et  là  des  infiltrations  donnent  naissance  à  des  dépôts  divers  et  à 
des  stalactites  parfaitement  cristallisées. 

Cette  grotte  profondément  obscure  sert  de  retraite  à  d'innombrables 
chauves-souris  qui,  pendant  le  jour,  s'attachent  à  la  voûte  et  à  la  par- 
tie supérieure  des  parois,  puis  s'échappent,  comme  un  nuage,  dans  la 
campagne  à  la  tombée  de  la  nuit. 

Le  séjour  incessant  de  ces  animaux  a  recouvert  le  sol  de  matières  or- 
ganiques de  toute  nature,  lesquelles  se  sont  accumulées  dans  les  parties 
les  plus  reculées,  et  y  ont  acquis  plusieurs  mètres  de  puissance.  Dans 
la  seule  portion  qu'il  est  aujourd'hui  possible  d'explorer,  on  évalue 
cette  masse  à  700  ou  800  mètres  cubes. 


10 


Ces  guanos  se  présentent  sous  l'apparence  de  masse  noire,  sans  odeur, 
sans  action  sur  le  papier  de  tournesol.  On  y  reconnaît  des  poils,  des  dé- 
bris d'animaux  morts,  des  excréments  de  chauve-souris,  etc. 

Sur  quelques  points,  le  sol  de  la  grotte  est  entièrement  imprégné 
d'eau  et  recouvert  d'une  terre  jaunâtre.  Cette  matière  provient  de  la 
décomposition  des  substances  organiques  par  un  lavage  prolongé ,  l'a- 
zote disparaît  presque  entièrement;  mais  les  substances  insolubles,  et 
particulièrement  les  phosphates,  restent  sans  décomposition,  ce  qui 
conserve  encore  à  ces  parties  terreuses  un  intérêt  véritable  comme  en- 
grais. 

Très-humides  au  moment  de  leur  extraction,  ces  matières  se  dessè- 
chent rapidement  au  contact  de  l'air.  Elles  ont  donné  ù  l'analyse  les 
résultats  suivants  : 

N°  1,  échantillon  de  guano  de  bonne  qualité  analysé  immédiatement 
au  sortir  de  la  grotte. 

N°  2,  autre  échantillon  abandonné  à  l'air  libre  pendant  vingt  jours, 

N°  3,  échantillon  de  guano  altéré  par  l'action  des  eaux. 


N°l.     N°2. 

Matières  organiques 22.8    23.0 

Azote  à  l'état  d'ammoniaque 5.01      8.7 

Acide  phosphorique 1.5 

Silice 4.5 

Alumine,  peroxyde  de  fer,  bases  préci- 
pitées avec  l'acide  phosphorique 3.4 

Chaux 1.3 

Magnésie traces  )  47.0 

Nitrate  de  potasse 0.3 

Acide  carbonique,  perte 2.5 

Soude  )  reconnues  par   l'analyse  spec-  (  traces 

Lithinè  j     traie I  traces 

Eau 58.7    21.3 


N'B. 

10.83 

0.87 

2.4 


'57.2 
1.0 

>7.7 


100.0  100.0    100.0 

Ces  matières,  desséchées  à  100°,  donnent  les  chiffres  suivants  : 

Matières  organiques  non  compris  l'azote.  55.2    29.5  15.0 

Azote  à  l'état  d'ammoniaque 12.2     10.5  1.2 

Phosphate  de  chaux ^'^  )  f  0  0  i  "^'^ 

Matières  minérale? 24.3  j      '    |  7.5 

100.0  100.0    lOn.n 


'..'-^ 


74 

Comparaison  de  la  richesse  du  guano  de  cuauve-souris  avec  ceux  du  Pérou. 
—  Sans  rapporter  dans  leur  détail  les  analyses  du  guano  des  îles  Chin- 
chas,  on  peut  remarquer  que  les  matières  utiles  qu'ils  renferment  va- 
rient dans  des  limites  assez  étendues.  (Boussingault,  Aimâtes  clic  Con- 
servatoire, 1861.  p.  476.)  On  y  trouve  depuis  0.5  jusqu'à  15  pour  100 
d'azote,  et  depuis  0,5  jusqu'à  20  pour  100  de  phosphate.  Certains  gua- 
nos, qui  ont  été  exposés  à  des  lavages  répétés  par  des  causes  diverses 
se  trouvent  privés  de  matières  organiques  et  contiennent  seulement  des 
phosphates.  L'acide  phosphorique  s'élève  parfois  jusqu'à  40  pour  100. 

Le  guano  de  chauve-souris  correspond  à  la  composition  moyenne  de 
ceux  d'Amérique.  Son  emploi  comme  engrais  doit  donc  donner  des  ré- 
rultats  très-avantageux  pour  l'agriculture,  déjà  même  quelques  essais 
tentés  par  M.  de  Beaufond  sur  des  blés,  avoines,  prairies,  confirment 
pleinement  ces  prévisions.  Si ,  dans  la  grotte  de  Chaux,  les  fouilles 
sont  poursuivies  pour  pénétrer  jusque  dans  la  partie  aujourd'hui  fermée 
et  dans  laquelle  on  doit  présumer  des  dépôts  également  riches,  on  ne 
peut  s'empêcher  de  reconnaître  que  l'exploitation  de  ces  matières  orga- 
niques ne  soit  d'une  véritable  importance  pour  la  région  environnante 
dont  elle  tendra  à  accroître  la  prospérité. 

IL  —  Chimie  médicale. 
Sur  un  procédé  d'analyse  du  glucose  daxs  l'urine;  par  M.  G.  Bergeron. 

Ce  procédé  d'analyse  quantitative  est  d'une  exécution  facile.  On  a, 
dans  une  petite  cuve  à  mercure,  deux  tubes  gradués  d'égal  volume  : 
dans  l'un  on  introduit  2  centimètres  cubes  d'une  solution  titrée  de  glu- 
cose; dans  l'autre,  le  même  volume  de  l'urine  à  analyser.  On  met  dans 
chacun  des  deux  tubes  un  fragment  de  levure  fraîche,  et  on  laisse  fer- 
menter. 

On  compte  sur  les  divisions  des  deux  tubes  gradués  les  volumes  dif- 
férents des  gaz  provenant  des  deux  fermentations,  et  par  un  calcul  pro- 
portionnel on  arrive  exactement  à  la  quantité  de  sucre  existant  dans 
l'urine  à  analyser.    . 

Supposons,  par  exemple,  que  le  premier  tube  (renfermant  0^,05  de 
glucose)  donne  un  volume  de  gaz  correspondant  à  vingt-quatre  divisions 
du  tube.  Le  second  donnantun  volume  correspondant  à  seize  divisions, 
on  en  déduira  {les  deux  fermentations  s'étant  accomplies  dans  des  con- 
ditions de  pression  et  de  température  identiques)  que  la  quantité  de 
sucre  contenue  dans  les  deux  centimètres  cubes  d'urine  est  de  0^033, 
et  que  cette  urine  renferme  pour  1,000  parties  16,5  de  sucre. 


75 
Ul.— TÉRATOLOGIt:. 

Note  sur  un  foetus  célosomie\,  voisiiv  du  genre  aspalasome;  par  M.  Pelvet, 

interne  des  hôpitaux. 

Is.  Geoffroy-Saint-Hilaire  (  l)  dit,  en  décrivant  les  fœtus  aspalasomes  (2)  : 
«  Ce  genre  réalise  chez  l'homme  des  conditions  organiques  qui,  dans 
l'état  normal,  distinguent  de  tous  les  autres  mammifères  la  taupe  et 
quelques  autres  insectivores  remarquables  comme  elle  par  une  multi- 
tude d'exceptions  au  plan  général  de  leur  classe.  L'appareil  urinaire  et 
l'appareil  sexuel,  au  lieu  de  se  confondre  comme  à  l'ordinaire  à  leur 
terminaison  et  de  s'ouvrir  au  dehors  par  un  orifice  commun,  restent 
partout  séparés  et  se  terminent  à  l'extérieur  par  des  ouvertures  dis- 
tinctes, près  desquelles  se  voit  l'anus  très-éloigné  du  Heu  où  il  est  nor- 
malement situé.  » 

Ce  genre  de  monstruosités  fut  décrit  pour  la  première  fois  en  1825 
par  Et.  Geoffroy-Saint-Hilaire  (3).  En  général,  il  présente  de  nombreuses 
complications  dont  la  plus  apparente  est  l'exstrophie  de  vessie  ;  et  comme 
cette  difformité  frappe  davantage,  c'est  sous  ce  nom  que  la  plupart  des 
cas  ont  été  décrits. 

Dans  cet  arrêt  de  développement  qui  atteint  à  la  fois  le  tube  digestif 
dans  sa  partie  inférieure  et  l'appareil  génito-urinaire,  on  ne  doit  pas 
accorder  plus  d'importance  à  l'une  de  ces  anomalies  qu'à  l'autre.  L'ou- 
verture séparée  des  canaux  à  l'extérieur,  que  Geoffroy -Saint-Hilaiaire 
regarde  comme  le  fait  distinctif  et  caractéristique,  n'est  que  le  résultat 
de  désordres  plus  profonds  et  plus  généraux.  Aussi  l'embryologie  a-t- 
elle  dissipé  toutes  les  obscurités  de  ces  altérations  en  faisant  voir  dans 
les  états  primitifs  du  fœtus  le  lieu  qui  les  reliait  entre  elles. 

Voici  un  fait  qui  réunit  la  plupart  des  anomalies  trouvées  chez  les 
fœtus  aspalasomes.  C'est  de  cette  classe  qu'il  se  rapproche  le  plus  ; 
mais,  en  outre,  il  présente  des  lésions  plus  importantes  et  plus  étendues 
que  le  terme  aspalasome  ne  saurait  contenir.  Aussi,  est-ce  seulement 
en  embrassant  l'ensemble  de  toutes  ces  lésions,  que  nous  pourrons  ar- 
river à  saisir  leur  enchaînement,  à  reconnaître  la  valeur  des  organes 
déplacés  et  à  trouver  l'époque  de  la  vie  utérine  où  le  développement 
de  ces  parties  a  été  frappé  d'arrêt. 

Il  y  a  en  effet  deux  espèces  d'anomalies  qui  caractérisent  des  degrés 
plus  ou  moins  avancés.  Dans  les  unes,  un  seul  organe  a  été  arrêté  dans 

(1)  Is.  G.-S.-Hilaire.  Traité  de  tératologie,  1. 1. 

(2)  A5Ta>va?.  taupe,  cjo)ixa,  corps. 

(3)  Joi'R.NAL  COMPLÉMEXTAIRE  DES  SCIENCES  JIÉDICALES.  t,  XXI. 


7  fi 
son  évolution;  il  n'y  a  besoin,  pour  se  rendre  compte  du  vice  de  con- 
formation, que  de  recourir  à  l'histoire  de  son  développement. 

Dans  les  autres,  la  malformation  porte  sur  tout  un  groupe  d'organes 
et  la  difformité,  alors  plus  compliquée,  a  besoin  pour  être  expliquée  qu'on 
remonte  à  une  époque  plus  lointaine  de  la  vie  utérine  à  laquelle  les 
organes  sont  plus  ou  moins  confondus  et  s'écartent  par  conséquent 
davantage  de  leur  forme  définitive. 

Obs.  —  Dans  les  premiers  jours  de  mai  1865,  il  est  né  à  l'Hôtel-Dieu, 
dans  le  service  de  M.  Vigla,  un  enfant  à  terme  qui  a  vécu  deux  jours. 
Au  dire  de  la  mère  qui  est  forte  et  bien  portante,  il  ne  s'est  rien  passé 
de  particulier  dans  la  conception  ni  dans  le  cours  de  la  grossesse.  Il 
n'y  a  rien  de  notable  non  plus  dans  les  antécédents  héréditaires.  L'ac- 
couchement s'est  terminé  sans  accident.  Les  membranes  et  le  placenta 
ont  été  jetés  et  n'ont  pu  malheureusement  être  examinés.  On  a  su  seu- 
lement que  le  cordon  ombilical  était  très-court. 

Cet  enfant  est  bien  développé  pour  lensemble  du  corps  comme 
grandeur  et  comme  poids.  La  tête,  le  thorax  et  les  membres  sont  nor- 
malement conformés. 

Il  n'en  est  pas  ainsi  de  l'abdomen.  Sa  paroi  antérieure,  au  lieu  d'être 
formée  par  le  tissu  cutané  est  transparente  et  comme  gélatineuse,  dans 
un  rayon  de  5  à  7  centimètres  autour  de  l'ombilic  qui  a  conservé  sa  si- 
tuation normale. 

La  transparence  de  cette  membrane  permet  d'apercevoir  en  partie 
les  organes  qui  sont  contenus  dans  la  cavité  abdominale,  entre  autres 
le  foie.  Elle  se  continue  d'une  part  avec  les  membranes  du  cordon  dont 
elle  semble  n'être  que  l'expansion,  et  de  l'autre  avec  la  peau  des  parties 
latérales  qui  à  ce  niveau  forme  un  bourrelet  rouge  nettement  limité. 

La  partie  inférieure  de  la  paroi  abdominale,  celle  qui  correspond  à 
l'hypogastre,  n'offre  plus  le  même  aspect.  Elle  forme  de  chaque  côté  de 
la  ligne  médiane  deux  saillies  d'un  rouge  vif  et  d'aspect  tomenteux,  entre 
lesquelles  on  aperçoit  un  orifice  elliptique  dont  le  grand  axe  de  4  cen- 
timètres de  longueur  environ  est  placé  dans  le  sens  vertical,  au-dessus 
de  l'endroit  où  devrait  se  trouver  la  symphyse  des  pubis.  Cet  orifice 
n'occupe  pas  précisément  la  ligne  médiane;  il  est  légèrement  incliné 
à  gauche.  De  chaque  côté,  à  1  centimètre  environ,  se  voit  une  petite 
fente  en  forme  de  croissant,  dont  la  concavité  est  tournée  en  dedans 
et  qui  parait  être  l'orifice  de  quelque  conduit  interne.  Les  organes 
extérieurs  de  la  génération  ne  sont  représentés  que  par  deux  replis 
cutanés,  scrotum  ou  grandes  lèvres,  surmontés  chacun  d'un  manchon 
rougeâtre  représentant  le  corps  caverneux.  Ces  replis  cutanés  ne  con- 
tiennent dans  leur  épaisseur  (pic  de  la  graisse  et  du  tissu  cellulaire. 


1 1 
Quoique  les  caractères  sexuels  distinctifs  extérieurs  manquent,  néan- 
moins les  vestiges  qu'on  observe  paraissent  plutôt  indiquer  un  individu 

mâle. 

Les  fesses  sont  bien  développées;  mais  à  la  place  que  doit  occuper 
l'anus,  on  ne  trouve  qu'un  sillon  sans  aucune  trace  d'orifice. 

Les  membres  inférieurs  sont  de  grandeur  normale;  mais  ils  ont  subi 
un  mouvement  de  rotation  en  dehors  qui  fait  que  les  deux  talons  se 
touchent. 

Si  l'on  passe  à  l'examen  des  viscères  abdominaux,  voici  ce  qu'on  ob- 
serve: 

L'estomac  est  bien  développé  ainsi  que  le  duodénum  et  la  première 
portion  du  jéjunum;  mais  c'est  là  tout  ce  qu'on  trouve  de  l'intestin. 
A  40  centimètres  du  pilore  environ,  il  se  termine  en  un  cul-de-sac  qui  est 
uni  à  l'ombilic  par  de  faibles  adhérences  celluleuses.  La  dernière  portion 
de  l'intestin  grêle,  le  colon  en  entier  et  le  rectum  manquent. 

Les  reins  ainsi  que  les  capsules  surrénales  sont  situés  à  leur  place 
liabituelle. 

L'uretère  suit  son  trajet  normal,  mais  vient  s'ouvrir  de  chaque  côté  à 
la  paroi  abdominale,  dans  la  fente  que  nous  avons  mentionnée  sur  les 
côtés  de  l'orifice  médian. 

Il  n'y  a  aucune  trace  de  poche  vésicale  dans  le  petit  bassin,  ni  rien 
qui  ressemble  à  l'ouraque. 

Au-dessous  et  un  peu  en  dehors  des  reins  se  remarque,  des  deux  cô- 
tés, un  petit  corps  de  la  forme  et  de  la  grosseur  d'un  haricot,  et  qui  est 
entouré  de  vaisseaux  assez  nombreux. 

De  la  partie  interne  et  supérieure  de  cet  organe  part  un  conduit  très- 
délié,  dont  la  première  portion  présente  de  légères  flexuosités,  compa- 
rables à  celle  du  canal  déférent.  Ce  conduit  croise  l'uretère  en  passant 
au-devant  de  lui,  se  place  à  son  côté  interne  et  vient  déboucher  à  la 
paroi  abdominale  au  fond  de  la  môme  fente,  dont  il  occupe  la  partie  in- 
terne. 

De  l'extrémité  inférieure  de  cet  organe  situé  au-dessous  du  rein,  des 
traclus  celluleux,  formant  une  espèce  de  cordon,  s'étendent  jusqu'à  la 
fosse  iliaque  interne.  Là  ils  s'insèrent  au  niveau  du  point  où  serait  l'o- 
rifice interne  du  canal  inguinal. 

Nous  avons  dit  qu'il  n'y  avait  point  de  vessie;  mais  à  sa  place  est  un 
organe  ressemblant  assez  pour  la  forme  à  un  petit  utérus.  Cet  organe, 
de  consistance  charnue,  creux  à  l'intérieur,  s'ouvre  en  avant  sur  la  pa- 
roi antérieure  de  l'abdomen  par  cet  orifice  que  nous  avons  signalé  sur 
la  ligne  médiane,  au-dessus  du  pubis.  Ses  deux  angles  supérieurs,  qu'on 
pourrait  comparer  aux  cornes  utérines,  se  continuent  en  deux  petits 
appendices  creux,  également  longs  de  3  à  4  centimètres  et  terminés  en 


78 
cul-de-sac.  Ils  sont  recourbés  sur  eux-mêmes  et  pendent  sur  les  côtés 
de  l'urgano. 

De  la  paroi  postérieure  de  cette  poche  part  un  autre  appendice  qui, 
simple  d'abord,  ne  tarde  pas  à  se  partager  en  deux  espèces  de  cœcums, 
terminés  en  cul-de-sac  et  accolés  l'un  à  l'autre  dans  toute  leur  étendue. 
Ils  ont  la  structure  de  l'intestin,  et  remontent  en  arrière  au-devant  de 
la  colonne  vertébrale,  jusqu'au  niveau  du  pancréas. 

Ce  ne  sont  pas,  du  reste,  les  seules  anomalies  que  présente  ce  fœtus; 
d'autres  se  remarquent  du  côté  du  foie,  du  système  vasculaire  et  des  os. 

Le  foie,  volumineux  comme  il  l'est  à  cet  âge,  est  divisé  par  de  nom- 
breux sillons  qui  le  partagent  en  plusieurs  lobes  et  lobules.  Sa  face  an- 
téro-supéricure  est  intimement  adhérente  à  la  membrane  qui  ferme 
l'abdomen  en  avant.  Il  y  a  absence  complète  de  vésicule  biliaire. 

La  veine  ombilicale  suit  un  trajet  irrégulier.  Elle  pénètre  le  foie  par 
son  côté  gauche,  et  sa  face  supérieure  le  traverse  de  part  en  part  pour 
reparaître  à  sa  face  inférieure  et  se  jeter  définitivement  dans  la  veine 
cave  inférieure. 

L'aorte  ne  fournit  qu'une  mésentérique  qui  est  la  supérieure. 

Il  n'y  a  qu'une  artère  ombilicale,  celle  de  droite,  qui  continue  à  elle 
seule  le  tronc  de  l'aorte.  Les  artères  des  membres  inférieurs  qui  en 
naissent  ne  sont  que  de  faibles  branches  qui  sont  loin  d'avoir  le  vo- 
lume des  iliaques. 

Les  artères  hypogastriques  manquent  également. 

Le  système  osseux  du  bassin  et  du  sacrum  en  particulier  a  subi  d'im- 
portantes modifications.  Les  pubis  sont  fortement  écartés;  d'une  épine 
iliaque  à  l'autre  il  y  a  bien  6  à  7  centimètres  d'intervalle.  On  peut  dire 
que  la  cavité  du  bassin  n'existe  pas  à  proprement  parier,  par  suite  de 
la  projection  en  avant  du  sacrum  et  de  l'écartement  des  pubis. 

A  la  partie  postérieure  du  dos  se  voit  vers  le  bas  des  lombes  et  au 
niveau  du  sacrum,  une  petite  tumeur  du  volume  d'un  œuf  de  pigeon, 
arrondie,  molle  et  fluctuante.  C'est  un  spina-bifida.  A  ce  niveau,  les 
lames  postérieures  des  dernières  vertèbres  manquent,  et  l'échancrure 
qu'elles  laissent  est  arrondie  de  manière  à  former  une  ceinture  osseuse 
à  la  tumeur. 

Tel  est  l'ensemble  des  nombreuses  malformations  que  nous  avons 
observées  chez  ce  fœtus.  Les  autres  organes  nous  ont  paru  normaux. 

Il  s'agit  maintenant  de  savoir  quelle  est  la  valeur  de  chacun  de  ces 
organes  anormaux  et  quelles  modifications  ils  ont  subies. 

L'appareil  urinaire  ne  présente  pas  de  difficultés  pour  son  interpréta- 
tion. La  membrane  rouge,  tomenieuse,  qui  occupe  la  partie  antérieure 
et  inférieure  de  l'abdomen,  est  bien  la  vessie  exlrophiée;  il  n'y  a  aucun 
doute  à  son  égard.  Les  uretères  viennent  s'y  aboucher  tous  les  deux,  et 


79 
pendant  la  vie,  l'urine  suintait  des  orifices  latéraux  qu'elle  présente, 
de  plus,  il  n'y  a  pas  d'ouraque. 

Une  question  des  plus  importantes  se  présente  ici,  c'est  la  détermina- 
tion du  sexe,  d'autant  plus  qu'au  premier  abord  on  pourrait  penser  que 
les  deux  sont  réunis  et  qu'il  y  a  un  véritable  hermaphrodisme  interne. 
La  conformation  des  organes  externes  n'apprend  rien  à  cet  égard , 
elle  n'appartient  pas  plus  à  un  seie  qu'à  l'autre,  leur  développement 
ayant  été  frappé  d'arrêt  à  cette  période  de  la  vie  utérine,  où  la  forme  est 
la  même  pour  les  deux.  Quant  aux  organes  internes,  ils  n'occupent  pas 
leur  place  habituelle,  c'est-à-dire  le  scrotum  ou  le  petit  bassin.  Mais  si 
on  les  cherche  plus  haut,  au  point  même  de  leur  développement,  on 
trouve  au-dessous  des  reins  les  deux  petits  corps  que  nous  avons  déjà 
décrits  et  qui  sont  évidemment  l'organe  sexuel  principal.   Ils  ressem- 
blent autant  à  un  ovaire  qu'à  un  testicule,   et  le  conduit  qui  part  de 
leur  extrémité  supérieure  est  aussi  bien  un  canal  déférent  qu'une  trompe. 
A  ce  degré  du  développement,  il  est  difficile  de  dire  si  l'on  a  affaire  à 
un  ovaire  ou  à  un  testicule.  Valentin  a  signalé  en  effet,  dans  la  struc- 
ture de  l'un  et  de  l'autre,  des  tubes  et  des  languettes  ramifiées,  dispo  ■ 
ses  en  séries  transversales;  mais  ces  tubes,  admis  pour  l'organe  mâle, 
n'ont  pas  été  retrouvés  par  tous  les  anatomistes  dans  l'organe  femelle. 
Barry  etBischoffne  les  ont  pas  rencontrés,  et  admettent  que  les  ovaires 
sont  formés  primitivement  par  des  follicules;  c'est  aussi  l'opinion  de 
KoUiker. 

Pour  décider  la  question  dans  ce  cas,  nous  avons  eu  recours  à  l'exa- 
men microscopique.  Il  nous  a  montré  des  tubes  enroulés,  remplis  de 
petites  cellules  à  contenu  granuleux.  Cette  structure  nous  paraîtindiquer 
manifestement  un  organe  mâle. 

Le  conduit  qui  s'en  détache  est  aussi  plutôt  disposé  comme  un  sper- 
raiducte  que  comme  une  trompe.  A  son  origine  il  présente  de  nombreu- 
ses flexuosités  et  semble  intimement  lié  au  testicule.  De  l'extrémité  in- 
férieure de  ce  dernier  partent  des  tractus  celiuleux  qui  vont  s'insérer 
au  niveau  de  l'orifice  interne  du  canal  inguinal.  Ces  tractus  représen- 
tent le  gubernaculum  testis  encore  en  place  et  resté  inutile  par  suite  de 
l'état  stationnaire  de  l'organe. 

Mais  revenons  au  conduit  qui  semble  représenter  le  spermiducte.  Il 
vient  aboutir  par  son  extrémité  inférieure  à  la  paroi  abdominale,  en  con- 
fondant presque  son  ouverture  avec  celle  de  l'uretère,  en  dedans  de 
laquelle  elle  est  située.  Il  pourrait  exister  du  doute  sur  la  nature  de  ce 
conduit.  Est-ce  bien  un  véritable  canal  déférent?  est-ce  le  vestige  du 
conduit  excréteur  de  Wolff?  La  persistance  de  ce  dernier  est  chose  peu 
commune  après  le  deuxième  mois.  En  outre,  il  passe  d'ordinaire  en  ar- 
rière du  spermiducte  et  vient  déboucher  dans  le  cloaque  sur  les  parties 


80 
latérales  el  postérieures  de  cette  cavité.  Le  spermiducte,  lui,  s'insère 
plus  en  avant  et  a  toujours  une  tendance  à  se  porter  au-devant  de  l'u- 
retère. Nous  verrons,  du  reste,  tout  à  l'heure   un  organe  qui  pourra 
peut-être  en  être  considéré  comme  le  représentant. 

Vient  ensuite  cette  singulière  poche  qui  s'ouvre  en  avant  sur  la  paroi 
abdominale,  représentée  par  le  segment  postérieur  de  la  vessie,  et  qui 
se  présente  munie  de  deux  petites  cornes  comme  un  utérus  et  recevant 
deux  cœcums  en  arrière.  Quelle  est  la  signification  de  ces  organes?  Ap- 
partiennent-ils à  l'appareil  génital  ou  au  tube  digestif?  C'est  là  vérita- 
blement la  partie  la  plus  difficile  à  expliquer  de  notre  sujet,  celle  qui 
semble  le  plus  déjouer  les  lois  du  développement. 

Aussi,  avant  d'entrer  dans  aucune  appréciation,  avons-nous  besoin  de 
faire  appel  à  l'embryologie  d'une  part,  et  de  l'autre  à  tous  les  faits  té- 
ratologiques  analogues;  car  si  la  science  puise  dans  l'étude  des  faits 
normaux  la  plupart  de  ses  lois,  les  faits  qui  semblent  s'écarter  de  la 
règle  commune  servent  aussi  à  les  faire  connaître,  en  montrant  que  les 
exceptions  ne  sont  qu'apparentes  et  disparaissent  devant  des  lois  plus 
générales. 

Afin  de  bien  préciser  les  analogies,  il  est  bon  de  rappeler  brièvement 
le  développement  de  la  partie  terminale  du  tube  digestif  et  ses  rap- 
ports avec  l'appareil  urinaire. 

L'extrémité  inférieure  ou  rectale  de  l'intestin  se  développe,  comme 
on  le  sait,  en  deux  portions:  l'une  qui  est  le  cul-de-sac  inférieur  du  feuil- 
let intestinal  [adilus  inferior  ad  inleslinum  de  Baer),  l'autre  l'ampoule 
rectale,  creusée  de  dehors  en  dedans  par  corrosion  du  feuillet  tégumen- 
taire  externe.  Ces  deux  portions  vont  l'une  au-devant  de  l'autre,  s'ac- 
colent; puis  le  diaphragme  qui  résulte  de  cet  accolement  disparaît  bien- 
tôt par  corrosion,  et  le  rectum  est  ainsi  définitivement  constitué.  Mais 
bien  avant  ce  temps  déjà,  du  quinzième  au  vingt-cinquième  jour,  un 
bourgeon  charnu  et  creux  naît  sur  la  partie  antérieure  du  cul-de-sac 
intestinal  :  c'est  l'allantoïde.  Par  son  pédicule  qui  porte  le  nom  d'oura- 
que,  elle  conserve  pendant  un  certain  temps  des  rapports  avec  le 
rectum. 

Lorsque  la  vessie  s'est  formée  par  la  dilatation  de  l'ouraque,  il  arrive 
donc  un  moment  où  le  rectum  communique  directement  avec  la  vessie; 
alors  il  y  a  une  disposition  analogue  à  celle  que  l'on  remarque  norma- 
lement chez  les  oiseaux  et  les  reptiles,  il  y  a  un  véritable  cloaque  ;  mais 
un  cloaque  interne,  différent  de  celui  qui  est  formé  à  l'extérieur  par  la 
réunion  des  orifices  génito-urinaire  et  défécateur. 

Dans  cette  poche  commune  à  l'intestin  et  à  la  vessie,  viennent  en 
effet  déboucher  les  uretères,  les  spermiductes  ou  oviductes,  les  con- 
duits excréteurs  des  corps  de  Wolff  et  l'ouraque.  Bientôt  l'appareil  in- 


testinal  et  l'appareil  urinaire  se  séparent.  Comment  se  fait  cette  sépara- 
tion? C'est  ce  qui  n'est  pas  encore  établi  dune  manière  bien  nette,  non 
plus  que  la  position  exacte  des  divers  conduits.  Bathke  veut  qu'il  se 
développe  dans  le  cloaque  des  plis  qui  se  rapprochent  peu  à  peu  et  fi- 
nissent par  oblitérer  complètement  le  canal  intestino-allantoïdien.  Coste 
pense  qu'un  éperon  saillant  s'avance  entre  le  rectum  et  le  pédicule  de 
l'allantoïde  dilaté  en  vessie,  et  qu'ainsi  ces  deux  cavités  sont  isolées. 

Disons  un  mot,  avant  de  terminer,  du  développement  de  la  partie 
moyenne  de  l'intestin.  Elle  forme  une  anse  qui  se  continue  dans  le  prin- 
cipe avec  le  pédicule  de  la  vésicule  ombilicale.  La  partie  supérieure  de 
cette  anse  forme  l'intestin  grêle,  sa  partie  inférieure  le  gros  intestin. 
C'est  au  niveau  du  point  de  réunion  de  ces  deux  branches,  un  peu  plus 
sur  la  branche  inférieure  cependant,  que  se  forme  le  cœcum  et  son  ap- 
pendice. Ce  n'est  d'abord  qu'un  petit  diverticule  annexé  au  gros  intes- 
tin; mais  bientôt  il  s'allonge  notablement,  s'enroule  et  augmente  de 
calibre.  Pour  Oken,  le  cœcum  et  son  appendice  seraient  le  vestige  du 
canal  de  la  vésicule  ombilicale;  mais  Meckel,  dont  l'opinion  a  été  de- 
puis confirmée,  a  montré  que  le  point  d'attache  du  pédicule  omphalo- 
mésentérique  est  sur  l'intestin  grêle,  à  une  certaine  distance  du  cœcum 
et  au  point  le  plus  élevé  de  l'anse  primitive. 

On  retrouve  en  effet  quelquefois  des  vestiges  du  pédicule  de  la  vé- 
sicule ombilicale  sur  l'intestin  grêle,  surtout  sur  les  sujets  atteints  d'ex- 
trophiede  vessie,  et  alors,  par  suite  du  développement,  le  point  d'inser- 
tion a  été  reporté  assez  loin  du  cœcum. 

M.  de  Quatrefages  (i)  en  cite  un  exemple  observé  chez  un  sujet  qui 
fut  disséqué  pas  Lauth.  «  M.  Lauth,  dit-il,  en  ouvrant  le  cadavre  de 
Riel,  a  espéré  trouvera  l'intestin  grêle  un  diverticulum  semblable  à 
ceux  qu'on  observe  quelquefois;  ses  recherches  ont  en  effet  confirmé 
cette  prévision.  Ce  diverticulum,  long  de  4  pouces,  s'insérait  dans  l'iléon 
à  25  pouces  du  cœcum.  Les  vaisseaux  omphalo-mésentériques  étaient 
très-visibles  à  la  surface,  quoique  la  matière  à  injection  n'y  eût  pas  pé- 
nétré. Non  loin  de  son  extrémité,  on  voyait  un  point  blanchâtre,  comme 
cartilagineux,  que  Ton  peut  considérer  comme  la  cicatrice  du  canal  de 
communication  entre  l'intestin  et  la  vésicule  ombilicale.  » 

Sur  un  fœtus  présenté  à  la  Société  de  la  Faculté  de  médecine  par 
M.  Marin  et  décrit  par  Dupuytren  (2),  l'intestin  grêle  offrait  également 
un  appendice  cœcal,  naissant  de  la  concavité  de  sa  courbure. 

On  comprend  qu'à  chacune  de  ces  périodes  de  développement  puisse 

— —  -    --  - 

(1)  De  Quatrefages,  Thèses  de  Strasbourg,  1832. 

(2)  Bulletins  de  (a  Soc,  de  la  Fac.  de  med.,  1806,  p.  58. 

c.  R.  6 


82 

correspondre  une  monstruosité  qui  sera  d'autant  plus  compliquée  que 
les  organes  ont  été  arrêtés  à  une  époque  moins  avancée,  et  à  laquelle 
ils  devaient  être  par  conséquent  plus  confondus  entre  eux. 

Ces  anomalies  consistent  en  général  dans  la  persistance  des  commu- 
nications entre  les  diverses  cavités,  communications  plus  ou  moins 
étendues,  et  dont  le  type  le  plus  avancé  est  la  persistance  du  cloaque. 

Il  est  curieux  de  voir  comment  on  arrive  insensiblement  à  cette  der- 
nière forme,  chacun  des  degrés  intermédiaires  trouvant  un  certain 
nombre  de  faits  pour  le  représenter.  A  cette  étude  se  rattache  une 
question  de  la  plus  haute  importance  au  point  de  vue  chirurgical,  celle 
de  l'imperforation  de  l'anus  ou  de  son  embouchure  anomale  et  des  in- 
dications qu'on  en  peut  tirer  pour  l'opération.  Aussi  allons-nous  entrer 
dans  quelques  détails  à  ce  sujet. 

Nous  ne  décrirons  pas  les  embouchures  anomales  du  rectum  ;  nous 
pensons  seulement  qu'au  point  de  vue  tératologique,  il  est  bon  d'établir 
une  distinction  entre  les  différents  orifices  qu'on  a  regardés  comme  des 
anus. 

Tantôt,  en  effet,  l'anus  se  trouve  assez  loin  de  son  siège  habituel  ;  il 
est  muni  souvent  alors  d'un  sphincter  et  porte  les  caractères  d'un  véri- 
table anus.  C'est  là  seulement  une  déviation  qui  tient  à  un  vice  dans  le 
développement  de  l'appareil  externe  de  la  défécation  à  la  persistance 
de  la  fente  uro-génitale. 

Tantôt,  au  contraire,  il  n'y  a  nulle  trace  d'anus  à  la  place  qu'il 
doit  occuper,  ou  si  l'ampoule  rectale  existe,  elle  se  termine  en  cul-de- 
sac.  Dans  ce  cas,  le  rectum  se  termine  de  même  dans  le  petit  bassin 
et  s'ouvre  à  l'extérieur  ou  dans  les  cavités  voisines;  c'est  là  une  véri- 
table persistance  du  cloaque.  L'ouverture  par  laquelle  se  termine  alors 
l'intestin  n'est  jamais  munie  de  sphincter;  elle  n'a  de  commun  avec 
l'anus  que  de  donner  passage  aux  matières  fécales,  et  ne  saurait  les 
retenir.  Le  mécanisme  est,  comme  on  le  voit,  bien  différent  dans  les 
deux  cas. 

Ainsi,  dans  le  premier  groupe  se  place  l'embouchure  de  l'anus.  A  côté 
de  sa  place  habituelle  (fistule  congénitale),  sur  le  raphé  scrotal,  ou  à  la 
commissure  postérieure  de  la  vulve.  Deux  cas  de  ce  genre  ont  été  ob- 
servés par  M.  Goyrand  (d'Aix)  (1),  au-dessous  de  la  verge  (Gruveilhier) 
pu  dans  le  vagin. 

Au  contiaire,  dans  le  deuxième  groupe  la  terminaison  du  rectum  a 
lieu  dans  les  cavités  voisines  ;  il  y  a  persistance  du  cloaque. 

Cette  communication  peut  avoir  lieu  avec  l'urèlhre  sur  la  vessie.  Dans 
le  premier  cas,  cela  dépend  de  ce  que  la  partie  antérieure  de  la  vessie 


(1)  Goyrand,  <taz.  méd.,  1856. 


83 

a  pu  s'allonger  et  le  col  vésical  se  former.  Alors  la  plupart  du  temps  il 
y  a  un  allongement  du  conduit  vésico-rectal  qui  est  plus  ou  moins  étroit. 

Des  cas  de  ce  genre  ont  été  observés  par  Dumas  (de  Montpellier)  (1), 
Duret  (2),  Flajani  (3).  Ce  dernier  a  publié  une  observation  remarquable, 
dans  laquelle  il  est  dit  que  l'enfant  a  vécu  huit  mois,  et  n'a  succombé 
qu'à  la  suite  de  l'occlusion  de  cet  étroit  canal  par  un  noyau  de  cerise. 

M.  Goyrand  (d'Aix)  (4)  a  observé  la  disposition  suivante  sur  un  en- 
fant opéré  par  lui  : 

«  Le  rectum,  arrivé  au-dessous  de  la  vessie,  se  rétrécit  en  un  cône 
dont  le  sommet  s'engage  entre  le  col  de  la  vessie  et  la  prostate.  En 
introduisant  un  stylet  dans  le  fond  de  ce  cône,  on  le  voit  arriver  dans 
l'urètre,  au  devant  du  veru  montanum.  » 

Quand  l'ouverture  a  lieu  dans  la  vessie,  presque  toujours  celle-ci  est 
extrophiée,  et  l'on  dit  que  c'est  à  la  paroi  abdominale  que  se  fait  l'em- 
bouchure. Cette  ouverture  se  fait  en  différents  points.  Le  plus  souvent 
c'est  au-dessus  du  pubis,  quelquefois  sur  les  parties  latérales,  même 
dans  l'aine,  ainsi  que  Hutin  (5)  et  Geoffroy-Saint-Hilaire  (6)  en  citent  des 
exemples. 

Tantôt  l'ouverture  est  large;  souvent,  au  contraire,  le  canal  n'est 
formé  que  par  un  petit  cordon  à  peine  perméable.  Dans  un  cas  observé 
par  Voisin  (7),  l'iléon  se  terminait  en  se  rétrécissant  par  un  prolonge- 
ment de  la  forme  et  de  l'étendue  du  cœcum. 

Dans  certains  cas  enfin,  comme  dans  celui  de  Littre  (8),  on  voit  l'in- 
testin se  renfler  en  ampoule,  avant  de  se  rétrécir  en  un  canal  étroit  qui 
conduit  à  la  vessie. 

On  voit  comment  les  liaisons  qui  existent  entre  ces  différentes  parties 
pendant  leur  développement,  se  retrouvent  dans  les  anomalies  qui  les 
déforment,  et  font  qu'elle  se  reproduisent  avec  une  certaine  constance. 

Cependant  il  est  des  monstruosités  plus  complexes  qui  envahissent 
une  plus  grande  étendue,  et  dans  lesquelles  on  ne  retrouve  plus  la 
forme  et  la  disposition  primitive  des  organes.  Il  faut  alors  admettre, 
entre  l'arrêt  de  développement,  des  lésions  survenant  dans  les  pre- 


(1)  Dumas  (de  Montpellier),  Journ.  gén.  deméd.,  t.  IIL 

(2)  Duret,  Journ.  complém.  du  dict.  des  se.  méd.,  t.  XXL 

(3)  Flajani,  Obs.  de  cliir.,  t.  IV. 

(4)  Goyrand,  Gaz.  méd.,  1856. 

(5)  Journ.  gén.  de  méd.,  t.  CXI. 

(6)  Geoffroy-Saint-Hilaire,  loc.  cit. 

(7)  Voisin,  Journ.  gén.  de  méd.,  t.  XXI. 

(8)  Littre,  Mém.  de  l'Acad.  des  se,  1709. 


84 
mières  périodes  de  la  vie  utérine,  et  ayant  déformé  les  viscères  ou  al- 
téré leurs  rapports. 

Plusieurs  cas,  sous  quelques  rapports  analogues  aux  nôtres,  ont  été 
observés. 

Petit  (1)  parle  d'un  fœtus  dont  la  vessie  était  extrophiée  et  présentait 
une  fosse  dans  laquelle  venaient  s'ouvrir  à  droite  l'intestin  grêle,  qui 
était  très-court,  et  à  gauche  un  espèce  de  cœcum  muni  de  deux  appen- 
dices vermiculaires. 

Dans  un  cas  plus  compliqué  encore,  mais  manquant  de  détails  précis, 
Méry  (2)  a  vu  une  fosse  ovale  située  au-dessus  du  pubis,  et  dans  la- 
quelle venaient  aboutir  l'intestin  grêle,  le  cœcum,  les  deux  uretères  et 
un  canal  qui  aboutissait  à  la  fesse. 

Geoffroy-Saint-Hilaire  (3)  en  décrivant  son  fœtus  aspalasome,  dit  que 
l'anus  était  placé  dans  l'aine  droite,  et  que  le  gros  intestin  se  trouvait 
composé  seulement  du  cœcum,  de  la  première  portion  du  colon,  et  de 
deux  appendices  terminés  en  cul-de-sac.  Ces  appendices  venaient  s'ou- 
vrir dans  l'intestin  à  peu  de  distance  de  l'anus,  à  peu  près  comme  les 
deux  cœcums  chez  les  oiseaux. 

Enfin,  M.  Houel  (4)  a  présenté  à  la  Société  anatomique  en  1850  un  fœ- 
tus ayant  un  véritable  cloaque,  dans  lequel  on  voyait  l'ouverture  sé- 
parée du  cœcum  de  l'intestin  et  des  deux  uretères. 

Nous  sommes  ramenés  ainsi  à  parler  de  notre  fœtus,  et  à  donner  l'ex- 
plication du  singulier  organe  qui  vient  aboutir  à  la  vessie. 

Voici  l'interprétation  que  nous  en  proposons;  ajoutons  qu'elle  nous  a 
été  en  partie  suggérée  par  M.  Gerbes,  le  savant  préparateur  du  Collège 
de  France  qui  a  examiné  le  sujet  avec  un  soin  tout  particulier. 

11  y  a  eu  d'une  part  persistance  de  la  communication  du  rectum  avec 
l'allantoïde,  et  absence  complète  du  développement  de  l'ampoule  rec- 
tale ;  d'autre  part  il  s'est  fait  une  scission  entre  les  doux  branches  de 
l'anse  intestinale  moyenne,  au  point  même  d'insertion  du  pédicule  om- 
phalo-mésentérique.  L'anse  supérieure  ne  s'est  développée  qu'imparfai- 
tement, et  a  formé  une  courte  portion  d'intestin  grêle.  Quant  à  la 
branche  inférieure,  après  la  scission  elle  s'est  trouvée  constituée  par 
l'appendice  cœcal  et  le  gros  intestin  qui  s'est  atrophié  et  soudé  au  pré- 
cédent. Il  en  est  résulté  les  deux  prolongements  en  cœcum  qui  viennent 
s'ouvrir  dans  la  poche  recto-vésicale. 

(1)  Petit,  Hist.  de  CAcad.  des  sciences,  1716. 

(2)  Méry,  idem,  1700. 

(3)  Geoffroy-Saint-Hilaire,  loc.  cit. 

(4)  Bull,  de  la  Soc.  anat.,  1850, 


85 

Au-dessus  de  ces  prolongements  est  le  petit  corps  qui  ressemble  à  un 
utérus  et  qui  est  muni  de  deux  appendices  latéraux.  Quelle  est  sa  signi- 
fication? Or  si  l'on  remarque  qu'il  semble  formé  par  la  dilatation  et  la 
réunion  des  deux  petits  appendices  canaliculés  qui  sont  sur  ses  côtés, 
que  ceux-ci  n'ont  aucun  rapport  avec  les  autres  organes  et  semblent 
les  vestiges  d'anciens  canaux,  qu'en  outre  on  ne  trouve  pas  trace  des 
conduits  des  corps  de  Wolff,  on  peut  être  amené  à  y  voir  les  débris  de 
ces  deux  canaux. 

Que  deviennent  en  effet  les  conduits  excréteurs  lors  de  la  dispari- 
tion dès  corps  de  Wolff?  C'est  un  point  qui  n'est  pas  encore  bien  nette- 
ment établi.  On  sait  que  leur  partie  supérieure  forme  chez  l'homme 
l'hydatide  de  Morgagni,  et  qu'on  la  retrouve  quelquefois  chezlafemme, 
ainsi  que  M.  FoUin  (1)  l'a  montré  dans  les  organes  de  Rosen-Miiller. 
On  sait  également  que  le  conduit  de  Garthner  est  leur  représentant 
chez  certains  animaux.  Mais  chez  l'homme,  que  devient  leur  partie  in- 
rieure? 

Ne  pourrait-on  pas  admettre  que  c'est  la  réunion  de  ces  deux  canaux 
dans  leur  portion  terminale  qui  forme  l'utricule  prostatique? 

En  effet,  il  y  a  une  certaine  analogie  de  forme  et  de  position  entre  elle 
et  le  corps  que  nous  avons  décrit.  Les  conduits  qui  viennent  s'y  abou- 
cher ne  sont  ni  les  uretères  ni  les  spermiductes  qui  gagnent  la  paroi 
abdominale. 

Ce  fait  serait  en  opposition  avec  l'opinion  allemande  qui  assimile  l'u- 
tricule prostatique  à  l'utérus,  et  qui  veut  qu'elle  soit  formée  par  la 
réunion  des  spermiductes,  comme  l'utérus  chez  la  femme  l'est  par  celle 
des  oviductes.  Aujourd'hui  cette  opinion  n'est  pas  admise  en  France, 
car  on  sait  que  les  canaux  déférents  ne  se  réunissent  pas  à  leur  termi- 
naison et  s'insèrent  séparément. 

L'explication  que  nous  proposons  nous  paraît  être  celle  qui  rend  le 
mieux  compte  de  ce  singulier  corps,  et  si  elle  est  vraie,  elle  confirme 
cette  idée  que  l'utricule  prostatique  est  formée  par  la  réunion  de  la 
partie  inférieure  des  conduits  de  Mijller.  L'observation  seul^peut,  du 
reste,  éclaircir  la  question. 

Voici,  en  résumé,  ce  qui  a  eu  lieu  chez  notre  fœtus. 

Les  parois  abdominales  ne  se  sont  pas  formées  et  par  suite  la  commu- 
nication entre  l'ouraque  et  l'allantoïde  a  persisté;  il  en  est  résulté  une 
extrophie  de  vessie,  avec  abouchement  des  uretères  et  des  spermiductes 
à  la  paroi  abdominale. 

En  outre  la  communication  entre  le  rectum  et  l'ouraque  s'est  main- 
tenue; en  un  mot  la  vessie  ne  s'est  pas  formée. 


(1)  Follin,  Thèses  de  Paris,  1850. 


86 

D'autre  part,  il  y  a  eu  scission  entre  les  deux  branches  de  l'anse  in- 
testinale moyenne,  au  niveau  de  Tombilic  intestinal.  L'intestin  grêle  ne 
s'est  pas  développé.  Le  gros  intestin  et  le  cœcum  ont  formé  les  deux 
appendices  que  nous  avons  vus  s'aboucher  dans  le  cloaque. 

Enfin  les  parties  externes  de  l'appareil  génital  et  défécateur  ne  se 
sont  pas  développées. 

Sous  quelle  influence  ces  malformations  se  sont-elles  produites?  La 
cause  prochaine  vient  probablement  d'un  vice  de  nutrition  de  ces  or- 
ganes. 

Remarquons  en  effet  qu'il  y  avait  de  graves  désordres  du  côté  des 
systèmes  vasculaires  et  nerveux. 

L'artère  mésentérique  et  les  hypogastriques  manquaient. 

Une  seule  artère  ombilicale  continuait  le  tronc  de  l'aorte. 

La  vessie  ombilicale  passait  au-dessus  du  foie. 

Il  y  avait  enfin  un  spinabifida  à  la  région  sacrée. 

C'est  une  particularité  remarquable  que  dans  la  plupart  des  faits  ana- 
logues, qui  ont  été  accompagnés  de  quelques  détails,  toujours  on  ait  re- 
trouvé les  mêmes  anomalies  vasculaires  et  nerveuses. 

En  effet  G.  Saint-Hilaire  a  signalé  l'absence  de  mésentérique  infé- 
rieure, anomalie  qu'il  compare  à  Tétat  normal  chez  les  oiseaux. 

Il  ny  avait  qu'une  seule  artère  ombilicale  dans  les  cas  de  Dupuytren, 
Littre,  Petit  et  Breschet  (1).  Quant  à  la  vessie,  son  passage  au-dessus 
du  foie  a  été  noté  aussi  par  Petit,  Houel  et  Littre.  Dans  le  cas  de  ce 
dernier,  elle  ne  passait  même  pas  par  le  foie  et  allait  s'ouvrir  dans  la 
veine  cave  supérieure. 

Enfin  le  spina-bifida  s'est  montré  dans  presque  tous  les  cas. 

Il  a  môme  été  accompagné  de  dispositions  osseuses  assez  curieuses. 
L'écartement  des  pubis  ou  leur  absence  s'est  rencontré  très-souvent. 
M.  de  Quatrefages  dit  que  la  symphyse  des  pubis  qui  manque  ordinai- 
rement est  remplacée  par  un  ligament  très-fort,  mais  flexible.  Vrolik  l'a 
révoqué  en  doute.  Mais  dans  le  cas  étudié  par  M.  Houel,  les  pubis 
étaient  uhis  par  un  cordon  fibreux  transversal  qui  représentait  bien  l'un 
des  ligaments  de  la  symphyse. 

A  cet  écartement  des  pubis  vient  se  joindre  l'effacement  du  petit  bas- 
sin et  la  rotation  des  membres  inférieurs  en  dehors.  Dans  le  cas  de 
M.  Houel,  la  rotation  était  même  complète  et  s'était  opérée  isolément 
pour  chaque  membre,  de  sorte  qu'il  y  avait  apparence  de  fesses  à  la  ré- 
gion antérieure. 

Les  membres  inférieurs  sont  eux-mêmes  souvent  le  siège  de  diffor- 


(1)  Breschet,  Medico-chirurgical  transactions  of  London,  t.  IX. 


87 

mités.  Quelquefois  ils  n'acquièrent  pas  leur  développement  complet,  bu 
sont  atteints  de  pied  bot,  comme  dans  le  cas  de  M.  Depaul  (1). 

Faut-il  voir  dans  les  altérations  des  vaisseaux  et  nerfs  qui  président 
à  la  vie  des  organes,  la  cause  réelle  de  ces  arrêts  de  développement? 
Sans  doute  il  est  probable  que  c'est  la  cause  prochaine,  mais  ce  n'est 
pas  la  seule. 

Il  y  a  dans  beaucoup  de  ces  cas,  surtout  dans  les  monstruosités  com- 
pliquées, des  particularités  qu'on  ne  peut  expliquer  complètement  par 
ce  qu'on  connaît  de  leur  développement. 

Il  faut  admettre  alors  que  la  monstruosité  n'est  pas  un  simple  arrêt 
d'évolution,  mais  qu'elle  se  complique  de  lésions  pathologiques  qui  amè- 
nent la  déformation  des  organes. 

IV.— Physiologie  expérimentale. 

2°  Recherches  sur  l'action  de  l'extrait  ou  de  la  teinture  de  fève  du  Ca- 
LABAR  SUR  LES  ANIMAUX;  par  lo  doctcur  Jeronimo  J.  de  Mello,  doyen 
de  la  Faculté  de  médecine  de  Coïmbre. 

M.  Giraldès,  au  nom  de  M.  le  docteur  Jeronimo  J.  de  Mello,  doyen 
de  la  Faculté  de  médecine  de  Coïmbre,  communique  à  la  Société  de 
biologie  le  résultats  de  recherches  sur  l'action  de  l'extrait  ou  la  tein- 
ture de  fève  du  Calabar  chez  les  animaux.  M.  de  Mello  n'a  point  expé- 
rimenté cette  substance  au  point  de  vue  de  ses  propriétés  myocotiques 
mais  bien  au  point  de  vue  de  ses  propriétés  toxiques. 

5  gouttes  de  teinture  de  fève  de  Calabar  injectées  dans  la  veine  ju- 
gulaire d'un  lapin  ont  déterminé,  peu  de  temps  après  l'opération,  un  en- 
gourdissement des  extrémités  postérieures.  Deux  heures  après  l'action 
produite  par  le  médicament  avait  disparu  ;  l'animal  est  revenu  à  son 
état  normal.  15  gouttes  du  même  agent  injectées  dans  la  jugulaire  d'un 
autre  lapin,  sont  suivies  de  paralysie  du  train  postérieur.  L'animal  suc- 
combe quarante-trois  heures  après. 

Dans  le  but  de  savoir  si  le  calabar  et  la  strychnine  neutralisaient 
leurs  effets,  20  gouttes  de  teinture  de  fève  du  Calabar,  20  gouttes  de 
teinture  et  10  gouttes  de  teinture  de  strychnine  ont  été  introduites  dans 
l'estomac  par  l'œsophage.  Aucun  phénomène  appréciable  n'a  été  produit 
par  l'ingestion  de  ces  deux  agents.  Deux  mois  après  l'animal  se  portait 
très-bien. 

M.  Mello  a  également  essayé  les  injections  hypodermiques  :  5  gouttes 
de  teinture  de  Calabar  injectées  sous  la  peau  d'un  lapin  ne  donnent 


(1)  Dépaul,  BuLLEt.  DE  la  Soc.  ANAT0MIQUE,  1842. 


88 

aucun  résultat;  8  gouttes  déterminent  la  paralysie  des  membres  posté- 
rieurs ;  15  à  20  gouttes  tuent  les  animaux. 

Les  mêmes  injections,  essayées  chez  des  reptiles  amphibiens,  ont 
donné  le  même  résultat.  5  gouttes  injectées  sous  la  peau  du  dos  d'une 
grenouille  paralysent  les  extrémités  postérieures.  Celte  paralysie  cesse 
au  bout  d'une  heure. 

10  gouttes  déterminent  un  engourdissement  complet;  l'animal  ne 
donne  aucun  signe  de  vie.  Cet  état  a  cependant  cessé  et  l'animal  est 
revenu  à  son  état  normal.  La  grenouille  sujet  de  cette  expérience,  réta- 
blie, a  été  placée  dans  un  bocal  contenant  d'autres  grenouilles.  Le  len- 
demain tous  les  animaux  étaient  morts  à  l'exception  de  celui  qui  avait 
été  le  sujet  de  l'expérience. 

M.  de  Mello  croit  pouvoir  conclure  des  expériences  citées  que  la  fève 
du  Calabar  est  moins  toxique  que  le  curare,  la  strychnine,  même  la 
narcéine  et  la  morphine  et  qu'elle  pourrait  être  employée  avec  avan- 
tage dans  des  affections  du  système  nerveux,  l'épilepsie  et  le  tétanos. 

V.  —  Pathologie. 

Tumeur  a   myélocythes   des   nerfs   de  la    queue   de    cheval  ;    altération 

DE    CES    nerfs    et    DÉGÉNÉRATION     SECONDAIRE    DES     CORDONS     POSTÉRIEURS    DE 
LA   MOELLE   DANS   TOUTE   SA   HAUTEUR;    par   MM.    CoRNIL    et   MaRTINEAU. 

Bonhomen  (Paul),  53  ans,  porteur  aux  halles,  né  à  Montfort. 

Il  y  a  un  an,  il  a  été  pris  de  douleurs  le  long  du  rachis  ;  peu  à  peu 
elles  sont  devenues  plus  vives.  Au  bout  de  quatre  mois  le  malade  mar- 
chait en  fauchant,  éprouvait  de  la  difficulté  à  uriner,  et  allait  rarement 
à  la  selle. 

Le  28  mars.  Affaiblissement  notable  du  côté  droit. 

Le  3  avril.  Il  était  tout  à  fait  paralysé  de  ce  côté. 

Le  10.  Il  peut  remuer  la  jambe  droite,  il  a  des  escarres  au  sacrum. 

Autopsie.  —  Pas  de  rigidité  cadavérique  notable  ni  de  putréfaction 
avancée;  escarre  occupant  le  sacrum  ;  tubercules  nombreux  dans  les 
deux  poumons;  un  grand  nombre  crétacés;  quelques  petites  cavernes  du 
volume  d'un  pois.  Au  niveau  de  la  dixième  vertèbre  dorsale  et  en  dehors 
de  la  dure-mère,  on  trouve  une  masse  du  volume  d'un  œuf  de  pigeon  (face 
antérieure  du  canal  rachidien)  ayant  une  couleur  blanc  jaunâtre,  de 
consistance  caséeuse.  A  ce  niveau  l'os  est  dépouillé  de  l'opanévrose  et 
du  périoste,  sa  couleur  est  blanchâtre,  sa  résistance  est  notable,  un 
scalpel  ne  peut  le  pénétrer,  la  moelle  paraît  saine  quoique  ramollie; 
l'autopsie  n'a  été  faite  que  trente  heures  après  la  mort,  température 
18  degrés. 

Le  canal  rachidien  est  rempli  au  niveau  de  la  colonne  lombaire  par 


80 

une  tumcui  diffuse  qui  entoure  la  dure-mère,  se  prolonge  dans  les  trous 
de  conjugaison  des  vertèbres  et  englobe  les  nerfs  qui  émanent  du  ren- 
flement lombaire.  Cette  tumeur  siège  à  la  partie  antérieure  du  canal 
rachidien.  Après  avoir  séparé  les  nerfs  de  la  queue  de  cheval,  nous 
pûmes  nous  assurer  que  la  tumeur  ne  comprimait  aucunement  la  partie 
inférieure  de  la  moelle  elle-même,  mais  seulement  les  racines  anté- 
rieures émanées  du  plexus  lombaire. 

Nous  n"avons  pas  eu  à  notre  disposition  les  ganglions  lombaires  ni  les 
nerfs  sciatiques.  Nous  avons  examiné  seulement  la  tumeur,  les  nerfs  de 
la  queue  de  cheval,  depuis  leur  origine  médullaire  jusqu'à  leur  entrée 
dans  les  trous  de  conjugaison  et  la  moelle  dans  toute  sa  hauteur.  Voici 
les  résultats  de  cet  examen  : 

La  masse  de  nouvelle  formation  est  constituée  par  un  tissu  grisâtre, 
peu  résistant,  ne  donnant  pas  de  suc  à  la  pression,  possédant  une  cer- 
taine semi-transparence,  se  rapprochant  comme  aspect  de  la  surface  de 
section  des  ganglions  lymphatiques.  Au  microscope,  la  tumeur  présente 
comme  éléments  prédominants  des  noyaux  arrondis  ou  ovoïdes  finement 
granuleux,  possédant  parfois  un  nucléole  ou  de  petites  cellules;  ses 
noyaux  mesurent  0,006  à  0,007  millimètres.  Les  cellules  ne  possèdent 
pas  de  cavité  distincte,  la  membrane  de  cellule  n'est  même  pas  tou- 
jours distincte.  On  peut  voir  aussi  des  noyaux  en  train  de  se  diviser  et 
des  cellules  contenant  deux  noyaux.  L'acide  acétique  les  pâlit  et  dissout 
une  partie  des  granulations  en  contractant  les  noyaux.  Il  existe,  en 
outre,  des  cellules  allongées,  fusiformes,  possédant  les  mêmes  noyaux 
ovoïdes  que  nous  venons  de  mentionner.  Ces  éléments  sont  situés  dans 
une  trame  vasculaire  au  milieu  de  fibres  lamineuses  extrêmement 
fines. 

Les  nerfs  de  la  queue  de  cheval  englobés  dans  la  tumeur  précédente 
sont  altérés  ;  leurs  fibres  nerveuses  présentent  un  état  granulo-graisseux 
de  la  substance  médullaire. 

La  moelle  épinière  a  été  étudiée  dans  toute  sa  hauteur  depuis  son  ex- 
trémité terminale  jusqu'au  niveau  des  premières  racines  cervicales  sur 
des  coupes  transversales  comprenant  toute  son  épaisseur.  Partout  les 
cordons  postérieurs  étaient  altérés  en  totalité  ou  en  partie.  Dans  la 
partie  inférieure  jusqu'au  milieu  de  la  portion  dorsale  de  la  moelle,  les 
cordons  postérieurs  étaient  altérés  dans  leur  totalité.  A  partir  de  ce 
point  jusqu'à  la  partie  supérieure  de  la  moelle,  la  lésion  se  bornait  aux 
faisceaux  médians  et  postérieurs  des  cordons  postérieurs. 

Les  autres  parties  de  la  moelle,  substance  prise  des  cornes  antérieures 
et  postérieures,  cordons  antéro-latéraux,  étaient  saines. 

L'altération  était  visible  à  l'œil  nu  lorsque  la  pièce  eut  commencé  à 
macérer  dans  l'acide  chromique,  car  alors  les  portions  malades  des  co- 


90 
lonnes  postérieures  étaient  plus  opaques  que  le  reste  de  la  substance 
blanche. 

Dans  les  parties  altérées,  les  coupes  de  la  moelle,  examinées  même  à 
un  grossissement  de  12  diamètres,  étaient  faciles  à  reconnaître  au  mi- 
croscope. Elles  présentaient  sur  un  fond  plus  clair  que  les  parties  saines 
un  fin  pointillé  avec  un  grossissement  de  150  à  200  diamètres;  on 
reconnaissait  que  la  lésion  des  faisceaux  postérieurs  consistait  dans  la 
disparition  de  la  substance  médullaire  des  tubes  nerveux  et  la  formation 
nouvelle  d'un  nombre  considérable  de  corps  granuleux  de  Gluge.  Il  n'y 
avait  pas  d'augmentation  d'épaisseur  du  tissu  conjonctif  ni  de  corpus- 
cules amyloïdes  en  quantité  plus  considérable  qu'à  l'état  normal. 

Cette  observation  est  pleinement  confirmative  des  recherches  de 
Tiirck,  qui  a  montré  que  les  lésions  ascendantes  secondaires  de  la 
moelle  suivent  constamment  le  trajet  des  cordons  postérieurs. 

En  outre,  elle  établit  ce  fait  auquel  nous  ne  connaissons  pas  d'ana- 
logue que,  à  la  suite  d'une  altération  par  compression  des  nerfs  de  la 
queue  de  cheval,  les  cordons  postérieurs  peuvent  subir  une  dégénéra- 
tion secondaire  dans  toute  la  hauteur  de  la  moelle.  Remarquons  aussi 
que  dans  ce  cas  la  compression  portait  sur  les  racines  antérieures  des 
nerfs  lombaires,  et  n'en  a  pas  moins  causé  secondairement  la  lésion  des 
cordons  postérieurs. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  LE   MOIS  DE  JUIN   1865; 

Par  m.  le  Docteur  DUMONTPALLIER ,  secrétaire. 


PRESIDENCE  DE  M.  RAYER. 


I,  —  Histoire  naturelle. 


De  la  présence  du  cysticercus  tenuicollis  chez  le  phacochoerus 
AFRicANUS  ;  par  M.  le  docteur  Léojt  Vaillant. 

Les  helminthes  que  j'ai  Thonneuf  de  présenter  à  la  Société  me  pa- 
raissent mériter  attention,  non  quant  à  leur  espèce,  mais  sous  le  rapport 
de  leur  habitat  et  des  conclusions  qu'on  en  peut  tirer  au  point  de  vue 
de  la  distribution  de  ces  êtres. 

Ces  vers  sont  des  cysticerques  trouvés  dans  les  replis  mésentériques 
d'un  phacochère  {pliacocliœriis  africanus  ,  Fréd.  Cuvier)  récemment 
envoyé  du  Sénégal  à  la  ménagerie  du  Muséum  par  M.  le  général  Fai- 
dherbe.  Cet  animal  faisait  partie  d'un  envoi  de  quatorze  individus  de  la 
même  espèce  dont  un  seul  est  actuellement  survivant  ;  celui-ci,  qui  est 
le  sujet  de  cette  ^observation,  a  vécu  environ  une  huitaine  de  jours  en 
France  ;  il  était  de  petite  taille  et  évidemment  fort  jeune. 


92 

Les  cysticerques,  au  nombre  d'environ  une  vingtaine  sont  réunis  en 
un  seul  groupe  ;  chacun  d'eux  est  placé  dans  une  poche  membraneuse 
distincte,  transparente,  qui  semblerait  être  un  repli  de  la  séreuse  péri- 
tonéale. 

L'animal  se  compose  d'une  vésicule  dont  le  diamètre,  peut  être  évalué 
à  15°""  ou  20""",  le  tissu  dont  elle  est  formée  présente  des  sortes  de 
ponctuations  fines  réunies  en  lignes  assez  distinctes  pour  qu'à  un  gros- 
sissement de  25  à  50  diamètres  elles  forment  des  espèces  de  bandes  dis- 
posées sur  la  vésicule  concentriquement  au  point  d'attache  du  cou. 
Celui-ci,  autant  que  j'en  ai  pu  juger,  est  long  d'environ  lO"",  grossiè- 
rement ridé  et  présentait  un  étranglement  distinct  au  point  de  réunion 
avec  la  portion  céphalique.  Suivant  les  individus,  tantôt  la  tête  était 
invaginée,  tantôt,  au  contraire,  complètement  développée  ;  dans  ce 
dernier  cas  les  cysticerques  m'ont  paru  plus  altérés  et  avaient  souvent 
perdu  leurs  crochets.  Sur  les  échantillons  bien  conservés,  il  est  facile 
de  reconnaître  la  présence  de  quatre  ventouses  et  d'une  double  cou- 
ronne de  trente-quatre  crochets  dont  dix-sept  plus  grands  sont  exté- 
rieurs, tandis  que  les  autres  placés  plus  en  dedans  alternent  régulière- 
ment avec  les  précédents.  Les  grands  crochets  ont  les  dimensions 
suivantes  : 

Longueur  totale 0°'°,20 

Lame  longue  de 0     ,09 

Manche  long  de 0     ,09 

Manche  large  de 0    ,02 

Garde  saillant  de G    ,04 

Ces  dimensions  pour  les  petits  crochets  sont  : 

Longueur  totale 0""°,13 

Lame  longue  de 0    ,06 

Manche  long  de 0    ,05 

Manche  large  à  la  base  de 0    ,02 

Garde  saillant  de 0     ,03 

Le  nombre  et  les  dimensions  de  ces  crochets,  comparés  à  ceux  qu'on 
rencontre  habituellement  dans  le  cysticercus  tenuicollis  des  ruminants 
et  du  porc,  les  descriptions  données  par  les  auteurs  (1),  me  conduisent 
à  assimiler  ces  helminthes  du  phacochère  à  cette  espèce. 

Comme  il  est  évidemment  impossible  de  croire  que  depuis  son  débar- 


(1)  Voy.  Baillet,  Expériences  sur  les   cestoïdes  du  genre  Tœnia. 
Ann.  se.  nat,,  4*  série,  t.  X,  p.  192. 


93 
quement  ce  pachyderme  ait  pu  gagner  ces  cysticerques,  on  est  conduit 
à  admettre  que  c'est  au  Sénégal  même  qu'il  les  avait  ingérés  et  qu'il 
y  a  similitude  d'espèce  entre  les  vers  cestoïdes  de  cette  contrée  et  les 
nôtres. 

Les  auteurs  ne  sont  pas  encore  parfaitement  d'accord  sur  l'état  stro- 
bilaire  qui  résulte  du  développement  de  ce  scolex.  D'après  les  dernières 
recherches  de  M.  Leuckart  (1),  il  donnerait  dans  l'intestin  de  l'homme  le 
tœnta  marginaia.  Le  mauvais  état  de  la  plupart  des  cysticerques 
du  phacochère  que  j'ai  pu  examiner  ne  laissent  pas  grand  espoir  de  suc- 
cès dans  une  expérience  que  j'ai  instituée  pour  vérifier  ce  développe- 
ment; j'aurai  soin  cependant  d'entretenir  la  Société  des  faits  ultérieurs 
que  j'aurai  l'occasion  de  constater. 

IL  —  Chimie  végétale. 

Do    SUCRE    DANS    LÀ    BETTERAVE    ET    LE    TOPINAMBOUR  ;  par  Ad.    ChATIN. 

Je  détache  d'un  travail  d'ensemble  sur  la  proportion  de  sucre  con- 
tenue dans  les  végétaux  de  familles  diverses  et  dans  chacun  de  leurs 
organes,  les  faits  qui  se  rapportent  aux  racines  des  deux  plantes  à  la 
fois  alimentaires  et  industrielles  :  la  betterave  et  le  topinambour  ;  à  la 
betterave  qui  tient  une  si  grande  place  comme  source  de  sucre  et  d'al- 
cool ;  au  topinambour  qui  sera  sans  doute  un  jour  comme  plante  à  al- 
cool, la  providence  des  contrées  dont  les  terres  légères  et  maigres  sont 
impropres  à  la  culture  de  la  betterave. 

Betterave.  —  Si  l'on  divise  successivement  en  tranches  la  racine  de 
betterave,  depuis  le  collet  jusque  vers  son  extrémité  et  qu'on  dose  le 
sucre  dans  chacune  des  tranches,  on  met  en  évidence  les  faits  suivants  : 

La  proportion  du  sucre  est  au  minimum  dans  la  région  du  collet 
(cette  partie  de  la  plante  est  ordinairement  retranchée  et  rejetée  dans 
les  usines  à  sucre)  où  elle  ne  dépasse  pas  la  proportion  de  3  pour  cent 
du  poids  de  cette  portion  de  l'organe  ; 

Le  maximum  de  la  proportion  du  sucre  est  dans  la  région  moyenne 
qu'on  pourrait  appeler  le  pian  équalorial  de  la  racine  ; 

La  pointe  du  cône  radiculaire  est  plus  riche  en  sucre  que  le  collet, 
moins  que  la  région  moyenne  ou  équatoriale. 

Voici  quelques  chiffres.  Dans  une  racine  les  proportions  du  sucre 
étaient  :  2  pour  cent  au  collet,  7  vers  la  pointe,  12  au  milieu  ;  dans  une 

(1)  Die  Menschlichen  Parasiten  und  die  von  ihnen  herriisrenden 
krankheiten,  p.  312. 


94 
autre  racine,  on  trouvait  au  collet  1  pour  cent,  à  la  pointe  5,  dans  le 
plan  moyen  10. 

Toujours  la  pointe  est  plus  sucrée  que  le  collet,  et  moins  que  la  zone 
équatoriale. 

Si  l'on  divise  transversalement  la  racine  par  le  milieu,  on  constate 
que  la  proportion  de  sucre  est  constamment  plus  forte  dans  la  moitié 
inférieure  que  dans  la  moitié  supérieure,  ce  qui  pouvait  se  déduire  des 
faits  précédents. 

Au  moment  où  les  betteraves  atteignent  le  maximum  de  leur  richesse 
saccharine,  savoir  vers  le  15  octobre,  les  feuilles  ne  contiennent  elles- 
mêmes  que  peu  de  sucre,  savoir  de  8  15  millièmes;  la  proportion  du 
sucre  est  aussi  très-faible  dans  la  tige  montée  à  fleurs. 

Un  fait  qui  ne  doit  pas  être  perdu  de  vue  par  les  cultivateurs,  c'est 
que  la  quantité  de  sucre  diminue  très-notablement  dans  la  racine,  au 
point  d'y  être  réduite  à  3  ou  4  centièmes  de  la  masse,  si  l'on  n'a  pas  le 
soin  de  retrancher  les  tiges,  toujours  en  assez  grand  nombre  dans  les 
plantations,  qui  s'allongent  pour  produire  des  fleurs. 

Topinambour.  —  Cette  précieuse  Synanthérée  produit  comme  cha- 
cun sait  de  nombreux  et  irréguliers  tubercules  utilisés  pour  Talimenta- 
tion  de  l'homme,  surtout  pour  celle  des  vaches  et  des  oiseaux  de  basse- 
cour  qui  en  sont  assez  friands. 

Le  topinambour  croit  dans  les  terres  maigres  qu'il  épuise  peu,  em- 
pruntant, ainsi  que  l'a  prouvé  M.  Boussiiiganlt,  de  l'azote  à  l'air,  et  pou- 
vant même  comme  les  Légumineuses,  laisser  la  terre  plus  riche  qu'elle 
ne  l'était  auparavant. 

Le  topinambour  ne  contient  que  des  traces  de  sucre  et  pas  d'ami- 
don ;  mais  il  est  riche  en  inuline,  et  comme  d'après  mes  observations, 
cette  matière  subit  à  merveille  la  fermentation  (ce  qui,  soit  dit  en  pas- 
sant, devrait  la  faire  classer  parmi  les  sucres),  si  Ion  ne  peut  avec  le 
topinambour  faire  du  sucre,  du  moins,  peut-on  en  retirer  beaucoup 
d'alcool. 

D'après  la  moyenne  des  recherches  que  j'ai  faites  sur  ce  point,  le 
topinambour  donne  une  quantité  d'alcool  équivalente  de  1 4  à  15  centièmes 
de  sucre  ;  beaucoup  plus  que  la  betterave,  surtout  si  l'on  considère  que 
toutes  les  parties  du  tubercule  participent  à  cette  richesse,  tandis  que 
dans  la  betterave  ce  n'est  que  la  zone  moyenne  dont  la  richesse  peut 
dans  les  meilleures  variétés  et  dans  les  années  les  plus  favorables,  at- 
teindre à  une  richesse  saccharine  de  14  centièmes. 

Déjà  plusieurs  distilleries  se  sont  montées  pour  faire  de  l'alcool  de 
topinambour;  et  comme  l'une  des  plus  considérables  appartient  à  notre 
aimable  et  distingué  collègue  M.  Joseph  Michon,  nous  pouvons  avoir 


l'assurance  d'être  parfaitement  tenus  au  courant  des  résultats  agricole 
et  autres. 

III.  —  Anatomie  et  physiologie  végétales. 

Développement,  structure  et  fonctions  des  tissus  ce  l'anthère; 
par  Adolphe  Chatin. 

Je  me  propose  d'entretenir  aujourd'hui  la  Société  de  quelques-uns 
des  résultats  de  mes  recherches  sur  le  développement,  la  structure  et 
les  fonctions  des  tissus  de  l'anthère, 

§  I.  —  Premiers  développements  des  tissus  de  l'anthère  ;  des  logettes. 

L'excellent  travail  de  M.  Mirbel  sur  le  développement  de  l'anthère, 
peut  être  ainsi  résumé  : 

1.  Le  tissu  de  l'anthère  est  d'abord  une  masse  utriculaire  homo- 
gène. 

2.  Plus  tard  les  utricules  situées  vers  le  milieu  de  chacune  des  moi- 
tiés des  deux  lobes  de  l'anthère  grandissent  et  changent  de  forme  :  ce 
sont  les  utricules  polliniques  (ou  utricules  mères  du  pollen)  destinées  à 
être  résorbées  après  qu'elles  auront  donné  naissance,  dans  leur  cavité,  à 
des  grains  de  pollen  généralement  au  nombre  de  quatre  pour  chaque 
utricule  mère. 

3.  Vers  la  maturation  de  l'anthère,  la  portion  de  la  masse  utriculaire 
primitive  qui  avait  persisté,  séparant  en  deux  logettes  chacune  des 
deux  demi-anthères,  disparaît,  et  chacune  des  demi-anthères  n'offre 
alors  qu'une  seule  loge. 

4.  Tout  le  tissu  sous-épidermique  se  transforme  vers  l'époque  de  la 
déhiscence  en  cellules  à  filets. 

5.  La  transformation  des  utricules  simples  en  utricules  ou  cellules  à 
filets  est  tellement  brusque,  qu'elle  ne  peut  être  surprise  au  moment 
de  son  évolution. 

Les  propositions  1  et  2,  confirmées  par  divers  observateurs,  notam- 
ment par  M.Duchartre  (1),  paraissent  être  hors  de  toute  contestation, 
j'ai  eu  très-souvent  l'occasion  d'en  vérifier  l'exactitude. 

La  proposition  3  est  encore  généralement  vraie.  Cependant  j'ai  con- 
staté un  assez  grand  nombre  de  cas  dans  lesquels  la  cloison  de  sépara- 
tion persiste  complète  au  milieu  de  chaque  demi-anthère,  celle-ci  res- 
tant ainsi  jusqu'à  la  déhiscence  coupée  en  deux  logettes.  Alors  le  plus 

(1)  Observ.  anat,  et  phys.  sur  la  Clandestine  d'Europe,  toc.  cit. y 
pi.  VI,  fig.  81  à  85. 


9b 

ordinairement  {Lycopersîcon,  Tradescantia,  des  Asclépiadées,  Orchi- 
dées, etc.)  la  déchirure  a  lieu,  comme  dans  les  cas  où  l'anthère  est  à 
deux  loges,  en  deux  demi-valves.  La  seule  différence  est  que  celles-ci 
reposent  par  leur  bord  jusqu'à  l'instant  de  la  déhiscence  sur  la  cloison 
deslogettes.  Ce  sont  les  deux  ventaux  d'une  porte  qui,  au  lieu  de  ré- 
pondre tous  deux  dans  une  chambre  unique,  donnent  entrée  à  deux 
chambrettes  contiguës  l'une  à  l'autre.  Habituellement,  l'extrémité  de  la 
cloison  devenue  libre  à  la  déhiscence  par  le  décollement  des  valves  qui 
jusque-là  reposaient  sur  elle,  se  déjette,  se  coutracte  ou  se  détruit  di- 
versement, et  à  ce  moment  l'on  pourrait  croire  que  la  destruction  de  la 
cloison  a  précédé  la  déhiscence  elle-même  au  lieu  de  la  suivre.  Dans  les 
Passiflora,  Scabiosa,  etc.,  ce  sont  les  valves  réfléchies  et  adossées  au 
connectif  qui,  plus  que  la  cloison  proprement  dite,  forment  les  logettes. 

Le  nombre  des  plantes  dans  lesquelles  la  cloison  de  séparation  des 
logettes  ne  persiste  pas  jusqu'au  moment  même  de  la  déhiscence,  mais 
ne  se  détruit  qu'aux  approches  de  ce  moment,  est  considérable.  L'un 
des  meilleurs  exemples  est  celui  observé  par  M.  Duchartre  dans  la 
Clandestine,  qui  présente  une  cloison  encore  épaisse  après  la  produc- 
tion des  cellules  fibreuses  (1). 

Mirbel  avait  d'abord  professé  que  te  nombre  ordinaire  des  loges 
des  anthères  est  de  quatre  et  non  de  deux  selon  l'opinion  commune  (2). 
Plus  tard,  il  crut  pouvoir  conclure  de  ses  études  organogéniques,  limi- 
tées à  un  trop  petit  nombre  d'espèces,  que  le  nombre  quatre  des  lo- 
gettes, constant  dans  le  jeune  âge,  faisait  toujours  place  à  deux  loges. 
C'est  entre  les  deux  opinions  successivement  adoptées  par  le  savant 
anatomiste  qu'est  la  vérité. 

On  vient  de  voir  que  les  propositions  1  et  2,  déduites  du  mémoire  de 
M.  Mirbel,  sont  absolument  admises,  mais  que  la  proposition  3  n'est 
pas  sans  d'assez  nombreuses  exceptions.  Mes  observations  établissent 
que  les  propositions  4  et  5  doivent  être  presque  complètement  modi- 
fiées. 

Et  d'abord,  tout  le  tissu  sous-épidermique  se  cliange-t-il  en  cellules 
à  filets?  On  est  conduit  à  l'affirmation  en  se  reportant,  non  au  texte, 
muet  à  cet  égard,  mais  aux  figures  de  Mirbel  et  de  Meyen  représentant 
l'anthère  dans  son  jeune  âge,  et  plus  tard  lorsque  les  cellules  à  filets  se 
sont  produites.  Le  contraire  sera  toutefois  établi  un  peu  plus  loin.  On 
verra  aussi  que  la  transformation  des  cellules  simples  en  cellules 
fibreuses,  quoique  rapide,  peut  être  suivie. 

(1)  Duchartre,  loc.  cit.,  pi.  VI,  fig.  86. 

(2)  Brisseau-Mirbel,  Eléments  de  pliys.  vég.,  I,  p.  247  et  pi.  33,  fig» 
6  D.  (C'est  par  erreur  que  l'auteur  renvoie  à  la  pi.  31,  fig.  9.) 


97 

§  II.  —  De  la  première  membrane ,  ou  de  la  membrane  externe 

des   anthères. 

Développement.  —  La  membrane  épidermique  est  dénommée  {exothe- 
rium)  par  Purkiuje;  elle  est  figurée  par  Meyen  et  Mirbel.  Ce  dernier 
ajoute  qu'elle  se  présente  sous  la  forme  d'utricules  relevées  sur  la  face 
externe  en  petits  mamelons.  Voilà  tout  ce  qu'on  sait  de  cette  mem- 
brane; mais  son  développement,  sa  disparition,  parfois  complète,  les 
variations  profondes  de  structure  qu'elle  peut  offrir,  le  rôle  qu'elle 
semble  appelée  à  remplir  dans  certains  cas  de  structure  spéciale,  et 
surtout  quand  les  cellules  à  filets  viennent  à  manquer,  n'ont  aucune- 
ment préoccupé  ces  savants  anatomistes. 

Aux  premiers  âges  de  l'anthère,  lorsque  les  utricules  poUiniques  ne 
se  dessinent  point  encore  au  sein  des  masses  cellulaires,  et  souvent, 
longtemps  encore  après  l'apparition  de  ces  utricules,  la  première  mem- 
brane n'est  pas  distincte  du  tissu  qu'elle  recouvre;  mais  peu  à  peu  ses 
utricules  prennent  une  forme  spéciale,  grandissent  en  des  directions 
variables  et  le  plus  fréquemment,  comme  l'a  dit  Mirbel ,  se  relèvent 
en  petites  ampoules,  ce  que  j'ai  vu  être  aussi  le  caractère  habituel  des 
utricules  épidermiques  dans  les  pétales;  chez  quelques  plantes  le  re- 
lief des  cellules  épidermiques  de  l'anthère  est  même  assez  grand  pour 
que  celles-ci  constituent  de  véritables  poils  [Lycopersicoii,  etc.). 

C'est  aux  approches  de  la  déhiscence  que  les  cellules  de  la  première 
membrane  éprouvent,  soit  dans  toute  l'étendue  de  l'anthère,  soit  en 
particulier  à  certaines  places  nettement  circonscrites  vers  la  ligne  de 
déhiscence  et  le  point  d'attache  des  valves  au  connectif,  les  change- 
ments les  plus  remarquables.  On  les  voit  alors  tantôt  prendre  sur  toute 
la  surface  de  l'organe  [Pedîcularis,  Chîronia,  Octonieris,  Lobelia, 
Cassîa,  Zaniia  surtout)  une  épaisseur  notable,  tantôt  formée  par  un 
développement  localisé  excessif,  une  saillie  dont  la  section  verticale 
représente  une  sorte  de  crête  de  coq,  soit  des  deux  côtés  de  la  ligne  de 
déhiscence  {Passiflorœspec.,Aponogelon,Big7ioma,Lycopersicon,  etc.), 
soit  à  la  base  des  valves  {Aechmea}^  soit  sur  le  connectif  lui-même 
{Calenduia);  quelquefois  enfin  (et  ce  cas  doit  d'autant  plus  fixer  l'atten- 
tion qu'alors  l'anthère  est  réduite  à  une  seule  membrane)  les  utricules 
épidermiques  disparaissent  complétement(l).  Au  point  de  vue  des  balan- 
cements organiques,  on  ne  manquera  pas  de  remarquer  que  dans  le 
Canna  cette  destruction  de  la  membrane  épidermique  sur  les  valves  de 

(1)  Dans  tous  les  cas  oii  Tépiderme  des  anthères  se  distingue  bien  des 
autres  tissus,  je  ne  l'ai  vu  formé  que  d'une  seule  couche  d'utricules. 
C.   R.  7 


98 
l'anthère  correspond  à  un  excès  de  développement  de  cette  même  mem- 
brane sur  le  connectif. 

Mais  c'est  principalement  chez  les  espèces  dont  l'anthère  manque  de 
cellules  fibreuses  que  la  membrane  épidermique  prend  des  développe- 
ments inusités,  ainsi  qu'on  le  voit  dans  le  Lycopersicon^  le  Pyrola,  la 
Melastoma  et  VOctomeris.  Du  rapprochement  de  ces  deux  faits  en  coïn- 
cidence :  manque  de  cellules  à  filets,  développement  considérable  de 
la  membrane  épidermique,  sort  naturellement  cette  hypothèse  :  la  pre- 
mière membrane  ne  supplée-t-elle  pas  dans  le  phénomène  de  la  déhis- 
cence  la  seconde  membrane,  quand  celle-ci  ne  se  transforme  pas 
en  cellules  dites  fibreuses?  On  se  confirme  en  quelque  sorte  dans 
cette  hypothèse  en  considérant  que  le  développement  spécial  de  la 
membrane  épidermique  s'opère,  comme  celui  des  cellules  à  filets,  vers 
le  moment  de  la  déhiscence,  et  est  parfois  localisé  comme  lui  sur  les 
points  où  le  rôle  des  tissus  présumés  actifs  dans  la  déhiscence  peut 
s'exercer  avec  le  plus  d'efficacité. 

Je  reviendrai  plus  loin  sur  les  fonctions  de  la  première  membrane. 

Généralité  d'existence.  —  La  première  membrane  existe  toujours  (1). 
Elle  se  distingue  le  plus  ordinairement  très-bien  des  tissus  sous-jacents 
par  la  forme  de  ses  utricules  ;  parfois  cependant,  surtout  dans  les 
premiers  âges  de  l'anthère,  elle  ne  peut  être  reconnue  quoique  son  exis- 
tence ne  puisse  être  révoquée  en  doute.  Celle-ci  est  démontrée  dans 
plusieurs  des  cas  obscurs,  soit  par  la  transformation  en  cellules  à  filets 
de  tout  ou  partie  [Glande stina)  du  tissu  sous-jacent,  soit  par  la  colora- 
tion de  ce  dernier,  ou  par  celle  des  utricules  épidermiques  elles-mêmes. 

Mais  l'existence  constante  de  la  membrane  externe  n'est  vraie  que 
pour  la  jeune  anthère;  car  il  peut  arriver  que  cette  membrane  dispa- 
raisse à  peu  près  tout  entière  vers  l'époque  de  la  maturation  {Calenduta, 
Lauriis  îiobitis,  Malionia);  parfois  sa  destruction  n'a  lieu  que  sur  la  li- 
gne de  déhiscence  [Schauetna,  etc.) 

Formes.  —  La  forme  la  plus  habituelle  des  utricules  est  celle  dans 
laquelle  elles  se  relèvent  en  petits  mamelons  [Meyenia,  Aspidistra,  etc.), 
ou  en  papilles  rappelant  celles  qui  forment  le  velouté  des  pétales.  Plus 
de  longueur  aux  mamelons  ou  aux  papilles  constitue  les  poils  générale- 
ment simples  [Lycopersion),  qui  se  montrent  surtout  aux  extrémités 
des  anthères  et  sur  le  connectif.  Le  cas  inverse  du  précédent,  caracté- 
risé par  l'aplatissement  des  utricules,  se  présente  dans  le  Balsamina, 
le  Canna,  surtout  dans  les  Synanthérées  {Cosmos,  Dafilia,  etc.). 

Le  plus  souvent  à  peu  près  la  même  sur  toute  la  surface  de  l'anthère, 

(1)  Je  ferai  toutefois  quelques  réserves  toiidiant  Texisteace  constant© 
d'une  membrane  épidermique. 


99 
la  forme  des  utricules  de  la  première  membrane  peut  différer  beaucoup 
(autrement  que  par  leur  allongement  en  poils)  par  places.  C'est  ainsi 
que  les  utricules  se  relèvent  considérablement,  tout  en  restant  soudées 
entre  elles,  dans  le  voisinage  de  la  ligne  de  déhiscence  (1)  chez  le  Ly- 
copersicon,  VAponogeton,  VAeclimea,  le  Perislrophe,  VErcmthemum, 
plusieurs  Passijlora,  etc.,  sur  le  milieu  même  des  valves  dans  le  Sola- 
num  laciniatum,  le  long  du  connectif  dans  le  Calendula  (2). 

Coloration.  —  La  membrane  externe  se  distingue  souvent  du  tissu 
placé  au-dessous  d'elle  par  une  coloration  propre  ou  par  le  manque  de 
toute  couleur.  Assez  souvent  de  couleur  verte  ou  incolore,  elle  est  d'un 
jaune  vert  dans  ÏOctomeris,  plusieurs  Cassia,  jaune  dans  le  Trades- 
cantia,  des  Solanwn,  Raîiiincidus,  etc.,  plus  ou  moins  brune  dans  les 
Erica,  Rhododendron,  plusieurs  Cassia  etc.,  d'un  rouge  violet  dans  le 
Gyrlanlliera  magnifica,  des  Anémone,  Papaver,  etc.  Parfois,  dans  le 
Tradescantia,  par  exemple,  la  coloration  de  la  membrane  épidermique 
est  semblable  à  celle  de  la  troisième  membrane. 

Structure.  —  Les  utricules  composant  la  membrane  épidermique  des 
anthères  sont  généralement  d'une  texture  délicate.  Cependant  elles 
peuvent  prendre  une  épaisseur  considérable.  Déjà  résistantes  dans  le 
Pedicularis^VEpimedium,  beaucoup  d'Acanf/tflcéé'5,  elc,  les  utricules 
de  la  première  membrane  prennent  une  notable  épaisseur  dans  les  Erica, 
Rhododendron,  Pyrola,  plus  encore  dans  le  Cliironia,  le  Cassia,  et 
surtout  dans  quelques  Labéliacées,  dont  les  utricules  épidermiques  rap- 
pellent les  cellules  séléreuses  qui  forment  les  granulations  pierreuses  de 
certaines  poires. 

La  cuticule  peut  elle-même  former  sur  l'utricule  une  croûte  épaisse; 
sa  surface  peut  être  comme  chagrinée  {Casssia,  etc.) 

La  membrane  épidermique  est  ordinairement  constituée  parune  seule 
assise  d'utricules.  Je  n'ai  vu  d'exception  à  cette  règle  que  dans  un  Cas- 
sia (rapporté  de  Bahiapar  Saltzmann,  et  conservé  dans  l'herbier  Deles- 
sert)  qui  présente  de  deux  à  trois  assises  d'utricules  très-épaissies  et 
colorées  sur  les  côtes  ou  crêtes  qui  bordent  la  suture.  Ces  utricules  de 
la  première  membrane  ne  peuvent  ici  être  confondues  avec  celles, 
aussi  disposées  en  assises  multiples,  de  la  deuxième  membrane,  ces 


(1)  Jamais  sur  la  ligne  même  de  déhiscence,  ovi  la  membrane  s'amin- 
cit et  peut  même  disparaître, 

(2)  J'ai  déjà  fait  remarquer  que,  par  une  sorte  de  balancement  orga- 
nique, le  grand  développement  do  la  membrane  épidermique  du  con- 
nectif coïncide  avec  la  destruction  ou  l'amincissenient  extrême  de  celle- 
ci  sur  les  valves  du  Calendula. 


100 
dernières  étant  incolores  et  ponctuées.  Peut-être  observera  t-on  quel- 
ques cas  d'anthères  à  membrane  épidermique,  formée  sur  toute  son 
étendue  de  plusieurs  couches  d'utricules,  ainsi  que  cela  est  connu  dans 
un  certain  nombre  de  feuilles,  etc. 

§  III.  —  £e  la  seconde  membrane  des  anthères. 

La  seconde  membrane  des  anthères,  improprement  dénommée  endo- 
thccium  par  Purkinge  qui  pensait,  avec  Mirbel  etMeyen,  qu'elle  re- 
présentait le  tissu  le  plus  interne,  celui  qui  tapisse  immédiatement  et  à 
tous  les  âges  la  cavité  des  valves,  est  la  partie  la  moins  incomplète- 
ment connue,  on  pourrait  presque  dire  la  seule  un  peu  connue  des 
tissus  qui  composent  ces  organes.  C'est  elle  seule  que  Purkinge  a  eue  en 
vue  dans  son  grand  travail,  elle  seule  dont  M.  Mirbel  s'est  attaché  à 
suivre  l'évolution.  Comme  la  première  membrane,  la  seconde  membrane 
des  anthères  peut  être  considérée  dans  la  généralité  de  son  existence, 
la  coloration,  la  forme,  la  structure  et  le  nombre  d'assises  de  ses 
utricules;  mais  la  formation  des  cellules  fibreuses  doit  par-dessus  tout 
être  étudiée. 

Transformation  des  utricules  simples  Ex\  cellules  fibreuses.  —  On  a  vu 
comment  Mirbel,  pour  s'être  montré  trop  fidèle  à  cette  pensée  que  l'é- 
tude organogénique  faite  sur  une  seule  espèce  doit  éclairer  sur  tous 
les  faits  de  même  ordre,  ne  vit  pas  que  la  transformation  des  utricules 
simples  de  la  seconde  membrane  en  cellules  à  filets  est  susceptible 
d'être  suivie  tout  aussi  bien  sur  un  certain  nombre  d'anthères  que  la 
transformation  de  même  genre  qui  a  lieu  habituellement  dans  le  tissu 
des  feuilles  des  Orchidées  épiphytes.  C'est  à  tort  aussi  qu'il  pensa  que 
cette  transformation  des  utricules  se  produisait  toujours  à  un  moment 
très-rapproché  de  la  déhiscence. 

En  réalité,  le  passage  des  utricules  simples  en  cellules  à  filets  peut 
être  suivi  avec  assez  de  facilité  dans  un  très-grand  nombre  de  cas  et 
l'on  voit  alors  que  la  transformation  des  tissus  commence  ou  par  l'atta- 
che des  valves  au  connectif,  ou  par  un  point  rapproché  de  la  ligne  de 
déhiscence,  ou  par  ces  deux  points  à  la  fois;  que,  dans  tous  les  cas, 
c'est  le  tissu  bordant  immédiatement  la  ligne  de  déhiscence  qui  se 
transforme  le  dernier,  et  que,  même  dans  un  très-grand  nombre  de 
plantes  {Péristrophe,  Schaneria,  Cyrtanthera,  Brillanteria,  HelLc- 
bora,  etc.),  un  arrêt  d'évolution  aidant,  les  utricules  marginales  de 
cette  ligne  de  déhiscence  ne  subissent  pas  la  transformation. 

Relativement  à  ce  point,  que  la  transformation  des  utricules  simples 
en  cellules  à  filets  s'eflèctuerait  toujours  à  un  moment  très-rapproché 
de  la  déhiscence  de  lanthère  ,  c'est  au  contraire  presque  la  règle  que 


iOl 

cette  transformation  commence,  et  souvent  se  complète  à  une  époque 
encore  éloignée  de  la  déhiscence  (Hellehorus,  Bellcperone,  Bignonia.) 

Mais  je  dois,  sur  ce  sujet  qui  a  tant  préoccupé  le  savant  Mirbcl,  citer 
ses  propres  paroles  et  ajouter  quelques  détails  do  mes  observations. 

«  Ce  fut  alors  (aux  approches  de  la  déhiscence)  qu'un  changement  ex- 
«  traordinaire  se  manifesta  dans  une  ou  plusieurs  couches  d'uiricules 
«  placées  immédiatement  au-dessous  de  la  membrane  utriculaire  super- 
«  ficielle.  Les  utricules  s'agrandirent  dans  tous  les  sens  et  leurs  parois 
«  se  divisèrent  en  lanières  ou  en  filets  dont  la  position  rappelait  Irès- 
«  bien  la  forme  première  de  Tutricule.  La  métamorphose  ne  se  faisait 
«  pas,  comme  dans  \e  Marchantîa,  par  transitions  appréciables;  elle 
«  était  si  brusque  que  je  ne  pus  jamais  surprendre  la  nature  à  l'œu- 
«  vre  (1).  » 

Ces  paroles  de  Mirbel  devaient  inspirer  le  désir  de  rechercher  si 
peut-être  en  suivant  le  développement  de  l'anthère  sur  d'autres  espèces 
que  le  très-petit  nombre  de  celles  examinées  par  ce  savant,  on  ne  sai- 
sirait pas  le  moment  de  la  transformation  qui  lui  avait  échappé. 

VjEc/imea  fulgens^  la  Cliironia  frutescens,  la  Pedicidaris  sylva- 
tica,  etc.,  se  prêtèrent  mal  à  mes  recherches.  Cependant  il  me  parut 
qu'en  plusieurs  circonstances  j'avais  entrevu  dans  la  seconde  mem- 
brane de  leurs  anthères  quelques  états  de  transformation.  Ces  pre- 
mières observations  prirent  plus  de  consistance  dans  le  Canna  nepalensis 
et  VAponogeton  clislachyum  où  je  vis  apparaître  les  premiers  linéa- 
ments des  filets  dans  les  utricules  d'abord  simples  de  la  seconde  mem- 
brane ;  elles  devinrentconcluantesdansleTra(^(?5ca?îiîat;j3mmn«, plante 
dans  les  anthères  de  laquelle  je  vis  la  transformation  commencer  par 
deux  points  de  l'anthère,  la  ligne  de  déhiscence  et  le  talon  on  attache 
des  valves  au  connectif,  pour  de  là  envahir  rapidement  sans  doute,  mais 
toutefois  successivement,  le  reste  des  parois. 

Fort  de  ces  données,  je  m'adressai  aux  plantes  à  très-grosses  anthères 
que  Mirbel  avait  soumises  à  son  observation. 

Le  Ciicurbita  Pepo  et  le  Passiflora  brasiliensis,  base  du  travail  de 
M.  Mirbel,  se  prêtent  en  effet  difficilement  à  l'étude  du  phénomène  de 
transformation;  mais  celui-ci  est  plus  aisément  saisissable  sur  d'autres 
espèces  de  Cucurbitael  de  Passiflora.  C'est  même  dans  ces  plantes  que 
j'ai  pu  suivre  le  moins  difficilement  et  la  transformation  des  cellules  et 
les  points  premiers  de  cette  transformation,  qui  sont  bien  le  voisinage 
du  connectif  et  de  la  ligne  de  déhiscence. 


(1)  Mirbel,  Mém.  de  CAcad.  de^  se,  t.  Xlîi.  p.  394,  pi.  IX,  fig.  93 
et  94. 


102 

La  transformation  des  utricules  de  l'anthère  rayonnant  alors  de  ces 
deux  points  en  quelques  plantes,  rappelle  ce  qui  se  passe  chez  les  ani- 
maux dans  les  os  produits  par  divers  centres  d'ossification  apparus  sur 
des  points  opposés,  puis  marchant  à  rencontre  l'un  de  l'autre. 

Concluons  donc  en  disant  : 

1°  La  transformation  des  utricules  simples  en  cellules  à  filets,  quoique 
rapide,  peut  être  constatée  dans  son  évolution. 

2"  La  transformation  commence  sur  des  points  divers,  généralement 
vers  la  ligne  de  déhiscence  et  l'attache  des  loges,  pour  de  là  envahir 
successivement  le  reste  des  valves. 

Gènérauté  d'existence.  —  L'existence  de  la  deuxième  membrane  peut 
être  admise  comme  à  peu  près  constante.  Je  dirais  comme  absolument 
constante,  d'après  mes  observations,  si  je  n'avais  été  conduit  à  douter 
de  la  présence  de  cette  membrane  dans  le  Tliiinbergia  alata.  Cette 
plante  n'ayant,  en  effet,  les  valves  de  ses  anthères  formées  que  de  deux 
assises  d'utricules,  dont  l'interne  ne  se  transforme  pas  en  cellules  fi- 
breuses, on  est  porté  à  penser  que  cette  assise  interne  représente,  non 
la  seconde,  mais  la  troisième  membrane,  et  l'on  se  confirme  dans  cette 
opinion  par  cette  considération  que  dans  les  autres  genres  d'Acantha- 
cées,  où  les  trois  membranes  existent,  la  seconde  se  change  en  cellules 
à  filets. 

Je  ne  tairai  pas  cette  objection  que  dans  les  Acanthacées  la  troisième 
membrane  se  détruit  après  la  production  des  cellules  fibreuses,  tandis 
qu'elle  persisterait  chez  le  Tlninbet^gia;  mais  je  ferai  aussi  remarquer 
que  l'objection  perd  beaucoup  de  sa  valeur  par  ce  fait  que  la  troisième 
membrane  persiste  habituellement  dans  les  anthères  privées,  comme 
celles  du  Thîinbei-gia,  de  cellules  à  filets. 

Coloration.  —  Excepté  dans  les  jeunes  tissus,  où  elle  est  parfois  plus 
ou  moins  teintée  de  vert,  la  deuxième  membrane  est  le  plus  souvent 
incolore  ;  mais  à  côté  de  la  règle  se  placent  des  exceptions  diverses 
pouvant  être  catégorisées  sous  deux  chefs,  comme  il  suit  : 

A.  La  seconde  membrane  présente  la  même  couleur  que  l'épiderme  ; 
ainsi  elle  est  jaunâtre  dans  le  Liguslicum,  jaune  dans  le  Lycopersivon^ 
verte,  puis  jaune  dans  le  Solanum  Sisymbrium^  rose  dans  le  Buto- 
miis,  bleue  dans  VErxjthronium  dens  canis  et  le  Tulipa  Gessneriana  ; 

B.  La  seconde  membrane  partage  la  coloration  de  la  troisième  mem- 
brane, coloration  qui  est  verdâtre  dans  le  Rliamnus  Alalernus  (avant 
la  naturation),  jaunâtre  dans  le  Salvia  splendens  (première  membane 
d'un  beau  rouge),  VAponogeton,  le  Gonolobus. 

C.  Les  trois  membranes  sont  uniformément  colorées;  exemple: 
plusieurs  Anémone^  dont  toutes  les  cellules  sont  colorées  en  violet 
foncé. 


103 

Je  ne  me  souviens  pas  clairement  d'avoir  observé  des  anthères 
ayant  la  seconde  membrane  colorée  (autrement  qu'en  vert  dans  le 
jeune  âge,  comme  dans  le  Solanam  Sisymbrium),  les  deux  autres 
étant  incolores. 

Forme  des  cellules. — Les  cellules  de  la  seconde  membrane  sont 
fréquemment  arrondies-elliptiques  ou  elliptiques,  parfois  polyédriques 
(tabulaires,  cuboïdes,  etc.);  dans  un  assez  grand  nombre  de  plantes 
(Solanées,  Scrofulacées,  Primulacées,  Polygalées,  Papillionacées,  Ro- 
sacées, etc.),  elles  ont  la  forme  générale  d'une  demi-sphère  ou  d'une 
demi-ellipse  à  section  appuyée  contre  la  membrane  épidermique,  la 
convexité  tournée  par  conséquent  vers  la  troisième  membrane  ou  l'in- 
térieur de  la  loge. 

Nous  reviendrons  avec  plus  de  détails  sur  la  forme  des  cellules  en 
recherchant  les  rapports  de  cette  forme  avec  les  groupes  naturels. 

Structure.  —  Les  cellules  de  la  membrane  moyenne  offrent  généra- 
lement, il  n'est  pas  besoin  de  le  dire,  cette  structure  spéciale,  dite 
fibreuse,  avec  filets  développés  dans  les  parois,  de  façons  d'ailleurs 
fort  diverses,  comme  dans  le  velamen  des  racines  et  le  parenchyme 
des  feuilles,  de  beaucoup  d'Orchidées  épidendres.  On  a  même  admis 
jusqu'à  présent  que  les  cellules  de  la  seconde  membrane  sont  toujours 
fibreuses,  opinion  que  les  présentes  recherches  démontrent  être  mal 
fondées  pour  un  assez  grand  nombre  de  végétaux,  môme  pour  d'impor- 
tantes familles  tout  entières  (Ericacées,  Mélastomées,  etc.).  Cette  ab- 
sence de  cellules  fibreuses  chez  des  plantes  variées,  que  j'établirai 
plus  loin  avec  détails,  surprendra  sans  doute  les  botanistes,  habitués  à 
admettre,  avec  Purkinje  et  Mirbel,  que  la  membrane  dénommée  par  le 
premier  endothecium  est  toujours  fibreuse. 

Quant  aux  cellules  fibreuses  elles-mêmes,  elles  diffèrent  beaucoup 
entre  elles  par  les  dispositions  de  leurs  découpures,  tantôt  en  anneaux, 
en  spirales  simples  ou  croisées,  en  lanières  isolées  ou  groupées,  etc. 
Une  disposition  remarquable  et  assez  commune,  bien  qu'elle  paraisse 
ne  pas  avoir  encore  fixé  l'attention  des  botanistes,  est  celle  que  j'ap- 
pellerai disposition  en  griffes,  et  qu'on  observe  dans  les  cellules  en 
forme  de  calotte  dans  les  Pohjgala,  Pyrus,  GerasuSy  Cornus,  Scabîosa, 
Grevillea,  Fœnkuhim,  etc. 

La  structure  des  cellules  fibreuses  sera  considérée  plus  loin  avec  tout 
le  soin  que  le  sujet  comporte. 

Nous  venons  d'indiquer  que  dans  une  catégorie  de  végétaux  la  se- 
conde membrane  est  formée  de  cellules  sans  filets  ou  non  fibreuses; 
que  dans  une  autre  catégorie,  la  plus  nombreuse  (et  qu'on  avait  cru 
être  la  seule)  les  cellules  de  cette  membrane  sont  au  contraire  fibreuses. 
Or  il  existe  une  troisième  classe  de  membrane  moyenne,  caractérisée 


c«>\ 


104 
par  ceci  que  les  cellules  iVy  sont  ni  toutes  fibreuses  ni  toutes  sans 
filets,  mais  participent  des  deux  autres  types.  Dans  cette  troisième  caté- 
gorie les  cellules  à  filets  ne  forment  qu'une  portion  des  valves,  l'autre 
portion  restant  constituée  par  des  cellules  à  parois  simples  {Solanum, 
Rliinantlms,  etc.)  ;  nous  y  reviendrons  plus  loin  à  l'article  «  Cellules 
fibreuses  localisées.  » 

Il  est  encore  une  catégorie  spéciale  de  cellules,  ni  fibreuses  ni  à  pa- 
rois unies,  et  semblables  à  elles-mêmes  dans  toute  leur  étendue,  mais 
très-épaisses  du  côté  de  la  membrane  externe,  extrêmement  amincies 
ou  manquant  même  de  parois  dans  la  membrane  interne  sur  laquelle 
une  coupe  de  dehors  en  dedans  les  montre  s'appuyant  comme  le  ferait 
un  fer  à  cheval  par  l'extrémité  de  ses  branches,  le  corps  ou  convexité 
étant  adossé  à  la  membrane  épidermique.  Ces  cellules,  généralement 
ponctuées  dans  les  parties  les  plus  épaisses  ou  les  plus  rapprochées 
de  la  membrane  interne,  semblent  être  une  forme  de  transition  entre 
les  vraies  cellules  fibreuses  ou  à  filets  et  les  cellules  ordinaires.  Les 
considérations  suivantes  viennent  du  moins  à  l'appui  de  cette  hypo- 
thèse. 

Ces  cellules  manquent,  avons-nous  dit,  de  parois  du  côté  de  la  mem- 
brane interne,  vers  laquelle  elles  vont  en  s'amincissant  à  partir  de  leur 
face  adossée  à  la  membrane  externe  {Cassiœ  species);  nous  avons  ob- 
servé une  structure  et  une  disposition  tout  à  fait  semblables  dans  les  ra- 
cines de  plusieurs  Orchidées  épidendres. 

Dans  les  anthères  de  Cassia,  comme  dans  les  racines  d'Orchidées, 
ces  cellules  spéciales  tiennent  la  place  de  cellules  fibreuses  ou  spiralées 
existant  chez  des  espèces  voisines; 

Dans  les  anthères,  les  cellules  fibreuses,  dites  en  griff'e,  manquent  de 
parois,  ou  n'en  ont  que  de  très-minces,  du  côté  où  elles  s'appuient  à  la 
membrane  externe,  comme  les  cellules  ponctuées  spéciales  de  quelques 
Cassia  là  où  elles  reposent  sur  la  membrane  interne; 

Les  cellules  fibreuses  en  griffe,  comme  les  cellules  spéciales  du  Cas- 
sia, vont  en  s'atténuant  de  leur  région  dorsale,  point  le  plus  épais,  vers 
leurs  extrémités  appuyées  à  la  membrane  contiguë. 

Il  n'est  pas  douteux  que  dans  les  Orchidées  les  cellules  épaissies  du 
côté  extérieur  n'occupent  la  place  des  cellules  spiralées  des  genres 
voisins  ;  il  paraît  évident  aussi  que  dans  quelques  Cassia,  ces  cellules 
épaissies  tiennent  la  place  des  cellules  spiralées  du  Cassia  fislula. 

Direction.  —  Donnée  par  celle  de  leur  plus  grand  diamètre,  la  direc- 
tion des  cellules  de  la  seconde  membrane  est  importante  à  considérer 
pour  les  cellules  fibreuses,  parce  qu'elle  est  généralement  constante 
dans  un  même  groupe  naturel,  et  qu'elle  parait  avoir  un  rôle  dans  le 
phénomène  de  la  déhiscence  des  anthères. 


105 
11  importo  de  distinguer  doux  cas  principaux  dans  la  direction  des 
cellules,  savoir  : 

a.  La  direction  où  le  grand  diamolre  des  cellules  de  la  seconde  mem- 
brane est  parallèle  aux  \:[\\cs  (Erodium,  Plantayo,  Centropoijon,  Brug- 
mansia.  Silène^  Commelina,  EncycUa,  Limodorum). 

b.  La  direction  des  cellules  est  perpendiculaire  auxvalves  (Géranium, 
Mirbelia,  Kennedia,  Pyrus,  Tiarella,  Lyclinis,  Malaxis). 

Lorsque  les  diamètres  d'une  cellule  sont  à  peu  près  égaux,  il  n'y  a 
plus  lieu  de  considérer  la  direction  générale  de  la  cellule  fibreuse,  mais 
bien  celle  des  filets  que  portent  les  cellules  fibreuses,  et  ici  encore  on 
distinguera  ces  deux  cas  ; 

a.  La  direction  des  filets  est  parallèle  aux  valves  {Salvia); 

b.  La  direction  des  filets  est  perpendiculaire  aux  valves;  c'est  le  cas 
ordinaire  (TropœoUini,  Clielone,  Ombrophyliim). 

Nombre  d'assises.  —  Il  importe  de  considérer  séparément,  au  point 
de  vue  du  nombre  d'assises  qui  la  forment,  la  membrane  moyenne  en 
membrane  fibreuse  et  en  membrane  non  fibreuse. 

Si  la  seconde  membrane  est  constituée  par  des  cellules  sans  filets, 
ces  cellules  se  présentent  le  plus  souvent  sur  une  seule  assise.  Toute- 
fois quelques  plantes  ont  des  assises  de  cellules  multiples  (2  à  3  assises 
dans  le  Pyrola,  4  dans  le  Soiamim  macrocarpuvi,  3,  4,  5,  6  et  jusqu'à 
7  assises  dans  certains  Cassia,  jusqu'à  8  dans  le  Solanwn  Sisymbî^itmi, 
dans  la  portion  des  valves  lacuneuse  et  à  cellules  simples. 

Si ,  au  contraire  ,  la  deuxième  membrane  est  formée  de  cellules 
fibreuses,  le  cas  le  plus  ordinaire  est  bien  encore  que  cette  membrane 
soit  composée,  au  moins  dans  la  plus  grande  partie  de  son  étendue, 
d'une  seule  rangée  de  cellules;  mais  ici  les  exceptions  sont  de  beaucoup 
plus  fréquentes  que  lorsque  les  valves  de  l'anthère  n'admettent  pas  de 
cellules  fibreuses.  C'est  ainsi  qu'il  existe  deux  assises  de  cellules  dans 
plusieurs  Passiflora  ^  Hyoscyanms ,  Tropœolimi,  Jspidistra,  Atropa, 
Plantago,  Crassula,  Syringa,  Clielone,  Campanula,  Cinclwna,  3,  4  et 
plus  chez  les  Cosmibuena,  Sipliocampyios,  Brugmansia,  Eticyclia,  Un- 
cidium,  Limodorum;  de  6  à  10 dans  l'Iris,  VAgave,  le  R/iodea,  etc. 

Dans  les  anthères  à  cellules  fibreuses  localisées  ou  n'occupant  qu'une 
portion  des  valves,  le  nombre  des  assises  peut  être  la  môme  partout; 
c'est  ce  qu'on  observe  dans  le  Cassia  Fislula,  VHalesia  et  le  Chironia, 
dont  les  valves  ne  présentent  qu'une  assise  de  cellules  sur  les  points 
occupés  par  des  cellules  fibreuses  aussi  bien  que  sur  ceux  formés  de 
cellules  sans  filets.  Mais  il  est  d'autres  cas  où  le  nombre  d'assises  des 
cellules  varie  ;  nous  donnons  comme  exemple  le  Solanum  Sisymbrium, 
qui  pour  une  simple  rangée  de  cellules  fibreuses  qu'il  porte  vers  le 


106 
point  de  déhiscence,  offre  jusqu'à  9  ou  10  assises  de  cellules  simples 
dans  les  autres  parties  de  l'anthère. 

On  peut  prévoir  que  dans  les  anthères  à  cellules  fibreuses  localisées, 
les  unes  vers  la  ligne  suturale,  les  autres  près  du  connectif,  c'est  la 
forme  de  cellules  la  plus  rapprochée  du  connectif  qui  comptera  le  plus 
grand  nombre  d'assises.  Ce  point  est  une  conséquence  de  la  proposi- 
tion suivante  : 

Dans  une  même  valve,  le  nombre  des  assises  cellulaires,  que  la 
deuxième  membrane  soit  fibreuse  ou  non,  est  toujours  le  plus  grand 
vers  le  connectif,  le  plus  petit  dans  la  région  suturale,  oîi  il  est  à  peu 
près  constant  que  ce  nombre  soit  réduit  à  l'unité  (1).  C'est  ainsi  que 
parmi  les  valves  à  cellules  simples  le  Solanum  Sisymbriiim  n'a  qu'une 
assise  vers  la  suture,  et  de  8  à  9  vers  le  connectif;  que  dans  le  Lyco- 
persicon,  la  deuxième  membrane  n'a  qu'une  assise,  ou  même  manque 
sur  la  ligne  de  déhiscence,  tandis  qu'elle  compte  jusqu'à  8  assises  de 
cellules  vers  l'attache  des  valves  inférieures  (les  valves  supérieures  ont 
moins  d'épaisseur). 

Nous  citerons,  parmi  les  plantes  à  valves  formées  de  cellules  fibreu- 
ses :  le  Muscari  et  le  Bilbergia,  qui  ont  une  assise  vers  la  suture,  trois 
assises  près  du  connectif;  Y  Agave  et  la  plupart  des  Jn'5,  qui  pour  une 
ou  deux  assises  à  la  suture,  en  présentent  de  six  à  huit  dans  la  région 
moyenne,  jusqu'à  10  à  12  vers  la  base  des  valves. 

Lacunes.  —  Je  consignerai  ici,  comme  fait  auquel  d'autres  viendront 
sans  doute  se  rattacher,  l'existence  de  lacunes  dans  l'épaisseur  de  la 
deuxième  membrane  du  Solamim  Sisymbrium.  Ces  lacunes,  disposées 
avec  régularité  comme  dans  le  parenchyme  des  feuilles  des  plantes 
aquatiques,  se  forment,  comme  dans  celles-ci,  dès  le  jeune  âge  de  l'or- 
gane, et  ne  tiennent  aucunement  la  place  de  tissus  détruits;  une  assise 
des  cellules  de  la  seconde  membrane  les  isole  de  la  membrane  épi- 
dermique  et  de  la  troisième  membrane  (2). 

§  IV.  —  Ziocalisation  des  cellules  fibreuses. 

Mirbel,  Purkinge,  Moyen  et  les  anatomistes  venus  après  eux  ont  ad- 
mis, non-seulement  que  les  valves  des  anthères  étaient  toujours  pour- 


(1)  La  deuxième  membrane  peut  même  manquer  vers  la  suture  que 
forment  alors  seules  la  première  et  la  troisième  membrane,  quelquefois 
même  une  seule  d'entre  elles. 

(2)  J'ai  figuré  ces  lacunes  à  divers  âges,  pi.  V,  fig.  3,  3',  3''  du  tra- 
vail complet,  avec  36  planches,  que  je  compte  publier  bientôt. 


107 

vues  de  cellules  fibreuses,  mais  encore  que  ces  cellules  constituaient 
une  membrane  recouvrant  toute  l'étendue  des  valves. 

L'examen  critique  du  premier  de  ces  points  (Pexistence  constante  de 
cellules  fibreuses!  m'occupera  dans  l'article  suivant  ;  je  vais  établir  dans 
celui-ci  que  les  cellules  fibreuses,  quand  elles  existent,  n'occupent  pas 
toujours  l'étendue  entière  des  valves. 

Deux  plantes  voisines  longtemps  congénères,  le  Latlirœa  Sqiiamaria 
et  le  L.  Clandestina,  ne  présentent  en  effet  de  cellules  fibreuses  que 
sur  la  portion  des  valves  voisine  de  la  ligne  de  déhiscence  (1). 

C'est  aussi  vers  la  ligne  suturale  ou  de  déhiscence  des  anthères  que 
sont  exclusivement  placées  les  cellules  fibreuses  de  plusieurs  Orohan- 
che (2)  et  Plielipœa,  genres  du  môme  ordre  que  les  Latlirœa.  Au  même 
type  d'organisation  appartient  le  Rhinanilms. 

Un  mode  de  localisation  des  cellules  inverse  de  celui  dont  il  vient 
d'être  rapporté  des  exemples,  c'est-à-dire  avec  localisation  des  cellules 
fibreuses,  non  plus  vers  l'extrémité  suturale  des  valves,  mais  du  côté 
de  l'attache  de  celles-ci  au  connectif,  existe  dans  VHalesia,  les  Chlora 
perfoliata  et  Cliironia  Centaiirhim.  Telle  est  à  peu  près  aussi  la  struc- 
ture des  valves  du  Gassia  Fistula. 

Un  autre  mode  de  localisation  est  offert  par  le  Solanum.  On  sait  que 
dans  ce  genre  de  plantes,  la  déhiscence  des  loges  a  lieu,  non  par  une 
fente  occupant  toute  la  longueur  de  l'anthère,  mais  par  une  courte  fente 
(sorte  de  pore)  apicilaire.  Or,  si  l'on  fait  de  l'anthère  des  coupes  trans- 
versales diversement  étagées,  on  constate  que  c'est  uniquement  à  la  hau- 
teur du  point  de  déhiscence  qu'existent  des  cellules  à  filets,  toute  la 
région  inférieure  de  l'anthère  en  étant  dépourvue.  Si  Purkinge  a  figuré 
le  Solanum  comme  privé  de  cellules  fibreuses,  c'est  sans  doute  parce 
que  ses  études  avaient  été  limitées  aux  portions  inférieure  et  moyenne 
de  l'organe. 

Le  Willieringîa,  genre  peu  homogène  de  Solanées,  présente  dans  l'an- 
thère de  ses  diverses  espèces  desdiflerences  anatomiques  qui  pourraient 
être  l'indice  d'états  morphologiques  correspondants.  Le  W.  rubra,  d'un 
intérêt  spécial  au  point  de  vue  de  cet  article  par  le  type  qu'il  repré- 
sente, porte  des  cellules  fibreuses  sur  toute  l'étendue  de  la  valve  interne 

(1)  On  peut  voir  là  un  arrêt  de  développement  indiquant  que  la  trans- 
formation des  cellules  simples  en  cellules  fibreuses  procède  (dans  l'es- 
pèce) de  la  ligne  de  déhiscence  vers  la  base  des  valves. 

(2)  J'ai  vu  les  cellules  fibreuses  manquer  complètement  à  l'Orofeanf/ie 
Ei'yngii,  dont  les  valves  se  trouvaient  en  outre  réduites,  par  places,  à 
la  membrane  épidermique,  çà  et  là  même  représentée  seulement  parla 
paroi  extérieure  des  cellules. 


i08 
ou  supérieure,  tandis  qu'il  est  complètement  privé  de  ces  cellules  à  la 
valve  externe  des  loges.  Le  W.  crassifolîa  a  des  cellules  fibreuses  sur 
les  deux  valves,  et  un  W.  de  Minas-Geraes,  recueilli  par  Clausen,  en 
est  partout  dépourvu. 

Les  Laurus  offrent  cette  particularité  de  n'avoir  de  cellules  fibreuses 
que  sur  les  châssis  qui,  on  le  sait,  se  relèvent  pour  donner  issue  au 
pollen.  Les  Berberis,  Mahonia,  Epimedium,  diffèrent  en  ce  que  leurs 
anthères  portent  aussi  des  cellules  à  filets  sur  la  portion  des  valves  qui 
ne  se  soulève  pas. 

Enfin,  dans  les  0///«rî/5  el  Gymnadenia,  etc.,  la  production  des  filets 
est  éparse  et  fort  incomplète. 

En  résumé,  on  voit  que  les  cellules  fibreuses  peuvent  n'exister  que 
sur  une  portion  des  valves  des  anthères,  et  que  leur  localisation  se  rat- 
tache aux  types  suivants  : 

1"  Les  cellules  fibreuses  sont  disposées  vers  la  ligne  de  déhiscence 
sur  toute  la  longueur  de  l'anthère  [PhcUpsea); 

2°  Elles  occupent  encore  la  longueur  de  l'anthère,  mais  seulement 
vers  l'attache  des  valves  au  connectif  {CIdora)  ; 

3°  Elles  n'existent  qu'à  l'extrémité  des  loges,  ou  pourtour  du  point  de 
déhiscence  {Solanum)  ; 

4°  Elles  ne  sont  portées  que  sur  l'une  des  deux  valves  {Witheringia 
rubra)  ; 

5°  Elles  sont  localisées  sur  les  châssis  ou  valvules  de  soulèvement 
(Laurinées)  ; 

G"  Elles  s'étendent  au  delà  des  valvules  de  soulèvement  [Berbéri- 
dées)  ; 

7°  La  production  des  filets  sur  les  parois  des  cellules  est  incomplète 
et  les  cellules  fibreuses  dispersées  (Ophrys,  Orctiis  mascula,  etc.). 

§  V.  —  Absence  de  cellules  fibreuses. 

Les  livres  avec  lesquels  j'ai  appris  la  botanique  m'avaient  enseigné  que 
dans  la  paroi  des  anthères  entre  toujours  une  membrane  composée  de 
cellules  fibreuses;  et  les  recherches  des  botanistes  qui  se  sont  occupés 
en  ces  trente  dernières  années  de  l'étude  du  pollen  n'avaient,  on  peut  en 
être  surpris  quand  on  considère  le  nom  de  ceux  qui  y  prirent  part,  in- 
troduit dans  la  science  aucune  donnée  modifiant  une  opinion  restée  clas- 
sique. Mais  les  observations  auxquelles  je  dus  me  livrer  pour  le  présent 
travail  m'apprirent  bientôt  que  dans  bon  nombre  de  plantes,  dans  des 
familles  naturelles  tout  entières,  ces  cellules  font  au  contraire  complè- 
tement défaut. 

Il  faut  être  prévenu  que  l'absence  de  cellules  fibreuses  peut  quelque- 


109 
fois  tenir  à  des  circonstances  accidentelles.  C'est  ainsi  qu'à  Paris  j'ob- 
serve depuis  plusieurs  années  que  les  anthères  de  ÏHypoxis  ereclael 
du  Pitlosponwi  Tobira  manquent  de  cellules  à  filets,  en  même  temp:^ 
qu'elles  ne  contiennent  pas  de  pollen  parfait;  ces  anthères  stériles  ont 
sans  doute  été  frappées  d'un  arrêt  de  développement  portant  simulta- 
nément sur  la  seconde  membrane  et  sur  le  pollen. 

Mais  dans  les  cas  qui  méritent  plus  de  nous  occuper,  parce  qu'ils  ré- 
pondent à  une  constitution  normale,  les  anthères,  quoique  contenant 
un  pollen  fertile,  ont  leurs  valves  complètement  dépourvues  de  cellules 
fibreuses. 

Les  Ericacées  furent  les  premières  plantes  dans  lesquellesje  constatai 
l'absence  de  cellules  fibreuses.  Conjecturant  alors  que  les  autres  grou- 
pes de  végétaux  à  anthères  s'ouvrant,  comme  dans  les  Ericacées,  par  un 
pore  (apiclaire  ou  basilaire)  pourraient  offrir  la  même  organisation,  j'é- 
tablis à  ce  point  de  vue  une  série  de  recherches  dont  les  résultats  répon- 
dirent à  mes  prévisions.  Les  'Vacciniées,  les  Rhododendrées,  les  Pyro- 
iacées,  les  Monotropées,  lesEpacridées,  lesMélastomées  sans  exception 
n'offrirent  pas  de  trace  de  ces  cellules  fibreuses  qu'on  avait  cru  ne  faire 
jamais  défaut  dans  les  anthères. 

Ces  observations  semblaient  établir  une  relation  constante  entre  le 
manque  de  cellules  fibreuses  et  la  déhiscence  des  anthères  par  un  pore 
ordinairement  apicilaire.  Les  Cassia  (non  le  G.  Fistula),  qui  ouvrent 
leurs  anthères  par  une  courte  fente  apicilaire,  et  le  Tetratheca  confir- 
mèrent ce  rapport.  Mais  une  exception  inattendue  fut  offerte  par  le  So- 
[aniini,  toujours  pourvu  de  cellules  fibreuses  à  la  hauteur  du  pore  ter- 
minal des  anthères. 

Ainsi  la  règle  qui  veut  que  les  anthères  à  déhiscence  terminale  soient 
privées  de  cellules  fibreuses,  souffre  une  très-curieuse  exception  dans 
le  Solanum. 

Par  opposition  à  ce  qui  précède,  on  pouvait  s'attendre  à  ce  que,  du 
moins,  les  anthères  à  déhiscence  longitudinale  eussent  toujours  leur 
seconde  membrane  constituée  par  des  cellules  fibreuses.  C'est  en  etfet 
la  règle,  mais  une  règle  où  les  exceptions  ne  sont  pas  très-rares. 

C'est  ainsi  que  le  Lycopersicon,  genre  bien  voisin  du  Solanmii,  a  ses 
anthères  privées  de  cellules  fibreuses,  quoique s'ouvrant  longitudinale- 
ment.  Et  Ton  ne  peut  s'empêcher  de  remarquer  que  deux  genres  si  voi- 
sins que  longtemps  ils  furent  réunis  en  un  seul,  forment  respectivement 
une  remarquable  exception  aux  rajsports  généraux  qui  lient  la  structure 
des  valves  aux  types  de  déhiscence. 

Mais  les  plantes  qui,  comme  le  Lycopersicon,  manquent  de  cellules 
fibreuses,  quoique  offrant  la  déhiscence  longitudinale,  ne  sont  d'ailleurs 
pas  tout  à  fait  rares.  Déjà  mes  observations  permettent  d'y  comprendre 


110 
les  suivantes,  appartenant  à  des  familles  fort  diverses  :  Badula,  Dio- 
spyros,  Gonolobus,  Thiinbcrgia,  Balanophora,  Cycas,  Zamia,  Loro- 
glossum,  Orcliis  mascula,  0-  sambucina,  0.  fusca  et  diverses  espèces 
dOi'obanche. 

Je  ferai  la  remarque  que  les  Orchidées  et  les  Orobanchées  comptent,  à 
côté  des  espèces  privées  tout  à  fait  de  cellules  fibreuses,  un  assez  grand 
nombre  d'espèces  dans  lesquelles  ces  cellules  ne  sont  qu'ébauchées  ou 
localisées  sur  certains  points  des  valves. 

Fait  à  noter  aussi  dans  les  anthères  privées  de  cellules  fibreuses  et 
s'ouvrant  cependant  en  long,  les  bords  des  valves,  loin  de  se  renverser, 
restent  toujours  rapprochés  :  par  ce  caractère  on  peut  remonter  à  la 
structure. 

Il  est  établi  par  ce  qui  précède  : 

1°  Que  les  cellules  fibreuses  manquent  en  général  dans  les  anthères 
s'ouvrant  par  des  pores  terminaux  ; 

2"  Que  les  cellules  fibreuses  font  défaut  à  un  certain  nombre  d'an- 
thères ayant  la  déhiscence  longitudinale; 

3°  Que  dans  quelques  plantes  dont  les  étamines  paraissent  avoir  subi 
un  arrêt  de  développement,  sinon  morphologique,  du  moins  histologi- 
que,  l'absence  de  cellules  fibreuses  coïncide  avec  la  mauvaise  confor* 
mation  du  pollen. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  r 


LA  SOCIETE  m  BIOLOGIE 

pendant  le  mois  de  juillet  1865; 
Par  m.  le  Docteur  DUMONTPALLIER  ,  secrétaire. 


PïlESIDEME  DE  M.  RAYER. 


I.  —  Altération  des  fruits. 

Remarques  sur  la,  pourriture  et  la  blétissure  des  fruits  sucrés  ; 

par  Ad.  Gratin. 

J'ai  fait  incidemment,  à  l'occasion  d'un  travail  ayant  pour  objet  la  dé- 
termination de  la  proportion  de  sucre  dans  les  diverses  parties  des  vé- 
gétaux, quelques  remarques  sur  les  phénomènes  qui  accompagnent  et, 
on  peut  le  dire,  caractérisent  la  pourriture  et  la  blétissure  des  fruits. 
Ce  sont  ces  remarques  que  je  viens  soumettre  à  la  Société  de  biologie; 
de  leur  comparaison  ressortira  un  rapprochement,  ou  beaucoup  plus 
justement,  une  opposition  de  caractères  bien  propre  à  établir,  entre  la 
pourriture  et  la  blétissure,  souvent  confondues  entre  elles,  une  ligne 
nette  de  démarcation.  On  verra  aussi  qu'il  est  possible  de  déduire  des 
faits  observés  d'utiles  applications  à  la  fabrication  du  cidre  et  à  l'hy- 
giène. 

I.  —  Les  fruits  sont  prédestinés,  d'une  façon  sinon  absolue,  du  moins 
très-générale,  à  éprouver  la  pourriture  ou  la  blétissure,  suivant  l'espèce 


H2 

botanique  à  laquelle  ils  appartiennent.  Si  l'on  compare  le  pommier 
{Malus)  et  le  poirier  [Pxjrus)^  que  nous  avons  Ici  spécialement  en  vue, 
on  est  frappé  de  ce  fait  que  les  fruits  du  premier  pourrissent,  que  ceux 
du  second  blétissent. 

Mais  à  quels  signes  certains  distinguer  les  fruits  blets  des  fruits  pour- 
ris? C'est  ce  que  nous  allons  dire. 

II.  —  Dans  la  pourriture,  le  ramollissement  du  fruit  va  de  l'extérieur 
à  l'intérieur;  dans  la  blétissure,  ce  ramollissement  procède  du  dedans 
au  dehors. 

J'ai  vu  de  rares  exceptions  à  la  règle  dans  la  marche  de  la  pourri- 
ture ;  je  n'en  ai  observé  aucune  dans  le  développement  de  la  blétissure. 

III.  —  La  réaction  varie  notablement  dans  la  pourriture  et  la  blétis- 
sure. Dans  la  première,  la  réaction  est  très-acide;  elle  est  au  contraire 
à  peine  acidulé,  neutre  ou  même  alcaline  dans  la  seconde. 

IV.  —  La  proportion  de  tannin  que  contiennent  les  fruits  peut,  jusqu'à 
un  certain  point,  faire  prévoir  le  genre  d'altération  qu'ils  éprouveront. 
Riches  en  tannin,  comme  la  nèfle,  la  sorbe  et  la  plupart  des  poires  à 
cidre,  ils  subiront  de  préférence  la  blétissure;  c'est  au  contraire  à  la 
pourriture  qu'ils  passeront  le  plus  souvent  s"ils  sont  plus  acides  que  tan- 
niques,  comme  on  l'observe  dans  la  pomme,  le  raisin,  etc. 

Le  tannin  est  d'ailleurs  détruit  lorsque  les  fruits  blétissent  (ou  pour- 
rissent), et  sa  destruction  est  accompagnée  d'une  production  notable 
de  gaz  carbonique,  dont  l'oxygène  est  pour  la  plus  grande  partie,  mais 
non  en  totalité,  fourni  par  l'air  ambiant. 

Un  fruit  complètement  blet  ne  contient  le  plus  souvent  aucune  trace 
de  tannin,  quelle  que  fût  la  quantité  qu'il  en  contint  avant  son  alté- 
ration. 

La  destruction  du  tannin  ne  donne  pas  lieu  à  un  accroissement  de  la 
richesse  saccharine  des  fruits.  Comme  d'autre  part,  d'après  mes  re- 
cherches sur  la  proportion  de  sucre  contenue  dans  les  organes  des  vé- 
gétaux soustraits  à  la  lumière  solaire,  la  production  du  sucre  dans  ces 
parties  n'est  aucunement  précédée  par  celle  du  tannin,  on  voit  que  la 
théorie  qui  fait  jouer  à  ce  corps  un  rôle  important  dans  la  formation  du 
sucre  n'est  pas  conciliable  avec  l'ensemble  des  faits  observés, 

VI.  —  11  était  bien  important  de  savoir  ce  que  devient  le  sucre  au  mi- 
lieu des  phénomènes  de  la  pourriture  et  de  la  blétissure.  Les  dosages 
multiples  que  j'en  ai  faits  ne  laissent  à  cet  égard  place  à  aucune  incer- 
titude. 

Dans  la  pourriture,  le  sucre  est  détruit,  et  tel  fruit  dont  la  richesse 
initiale  en  sucre  était  très-considérable  peut  arriver  à  ne  plus  contenir 
que  des  traces  de  ce  corps. 

Dans  la  blétissure,  le  sucre  n'est  au  contraire  pas  diminué;  et  lors- 


il  s 

qu'on  constate  sa  destruction  partielle,  déjà  il  est  possible  de  recon- 
naître que  la  pourriture  a  succédé  à  la  blétissure. 

VII.  —  La  blétissure  n'est  jamais  consécutive  à  la  pourriture;  celle-ci 
succède  au  contraire  généralement  à  la  première. 

VIII.  —  Un  caractère  de  la  pourriture  des  fruits  est  que  ceux-ci  por- 
tent des  macédinées;  le  contiairc  s'observe  dans  les  fruits  blets.  Et  l'on 
peut  tenir  pour  constant  que  lorsque  ces  derniers  se  recouvrent  de  moi- 
sissures, c'est  que  la  pourriture  s'en  empare. 

IX.  —  Ni  la  pourriture  ni  la  blétissure  ne  donnent  naissance,  en  gé- 
néral, aux  produits  de  la  fermentation  alcoolique.  Peut-être  quelques 
exceptions  devront-elles  être  admises  dans  la  blétissure,  mais  toujours 
dans  des  proportions  infimes  (blétissure  des  fruits  du  sorbier  domes- 
tique?). 

X.  —  Comme  applications  des  faits  précédents  à  la  fabrication  du 
cidre,  et  indirectement  à  l'hygiène,  on  ne  doit  pas  perdre  de  vue  : 

1°  Que  la  blétissure  peut  être  avantageusement  provoquée  quand  les 
fruits  sont  si  chargés  de  tannin  (beaucoup  de  poires,  la  nèfle)  qu'ils  don- 
neraient une  boisson  désagréable  et  très-astringente  si  au  préalable  une 
grande  proportion  de  ce  principe  n'était  détruite.  Il  est  d'ailleurs  admis 
qu'une  certaine  quantité  de  principes  tanniques  assure  la  conservation 
du  cidre  ; 

2°  Que  la  pourriture,  qui  ne  s'exerce  que  sur  les  fruits  peu  riches  en 
tannin,  et  qui  amène  la  destruction  du  sucre,  par  suite  l'abaissement  du 
titre  alcoolique  des  cidres,  ainsi  que  des  vins,  doit  être  évitée  autant 
que  possible. 

Il  faut  donc  approuver  la  pratique  des  fermiers  qui  laissent  les  poires 
en  tas  pour  les  rendre  en  partie  blettes.  Il  faut  éclairer  au  contraire  ces 
fermiers  sur  les  inconvénients  graves  d'attendre  que  les  pommes  soient 
pourries  avant  de  les  porter  au  pressoir  ;  car  en  ce  dernier  cas  on  prive 
non-seulement  les  pommes  de  la  petite  quantité  de  tannin  et  dune  por- 
tion de  l'alcool  destinés  à  assurer  la  conservation  du  cidre  et  à  dimi- 
nuer son  action  laxative,  mais  on  produit  encore  une  notable  quantité 
d'acides  qui  ont  une  fâcheuse  action  sur  l'économie  et  déterminent  dans 
un  temps  très-court  des  altérations  plus  profondes  du  cidre,  telles  que 
la  fermentation  acétique  et  la  coloration  brune  qui  fait  dire  de  lui  qu  il 
est  lue. 

Pour  être  moins  prononcées  dans  les  vins  que  dans  les  cidres,  ces 
suites  de  la  pourriture  s'y  manifestent  cependant. 


C.    R. 


114 


II.  —  Zoologie. 

Sur  les  affinités  de  la  classe  des  Oiseaux  avec  celle  des  Reptiles  vrais, 

par  M.  Paul  Bert. 

Les  analogies  nombreuses  que  l'anatomie  révèle  entre  la  classe  des 
Oiseaux  et  celle  des  Reptiles  vrais  (Reptiles  alloïdiens)  ont  été  indi- 
quées pour  la  première  fois  par  J.  Hunter,  puis  par  de  Blainville,  qui 
désignait  ces  derniers  animaux  sous  le  nom  ù'Omithoïdes.  Depuis 
M.  Guitton  a  fait  de  ces  deux  groupes,  en  apparence  si  éloignés,  un  em 
branchement  caractérisé  par  V incubation  extérieure  de  C œuf  complet 
fécondé  intérieurement.  Mais  c'est  surtout  à  mon  cher  et  bien  regretté 
maitre  M.  Gratiolet  qu'on  doit  d'avoir  étendu  ces  rapprochements,  et 
insisté  sur  leur  importance;  il  a  été  ainsi  conduit  à  la  découverte  du 
système  porte-rénal  des  Oiseaux  et  à  la  démonstration  de  l'hypothèse 
de  Jacobson,  sur  le  système  porte-rénal  de  ces  mêmes  Vertébrés;  ce 
qui  établit  entre  leurs  vaisseaux  centripètes  et  ceux  des  Reptiles  une  si- 
militude dont  M.  Gratiolet  a  parfaitemeet  montré  les  conséquences 
anatomiques  et  physiologiques.  Personne,  cependant,  à  ma  con- 
naissance, n'ayant  tenté  de  réunir  les  faits  épars  qui  se  rapportent  à 
cette  intéressante  question  taxonomique,  et  de  les  grouper  de  manière 
à  entraîner  la  conviction,  je  veux  essayer  dans  la  présente  note  de  com- 
bler cette  lacune. 

Disons  tout  d'abord  qu'il  ne  s'agit  en  aucune  façon  de  rompre  avec 
les  idées  reçues  jusqu'à  faire  disparaître  la  classe  des  Oiseaux  pour 
l'identifier  avec  celle  des  Reptiles  ;  les  Oiseaux  se  caractérisent  très- 
suffisamment  par  leur  revêtement  spécial,  par  l'organisation  de  leur 
encéphale  et  par  leurs  manifestations  intellectuelles,  pour  qu'on  en 
fasse  une  classe  zoologique  distincte  et  la  plus  facile  à  définir  parmi  les 
Vertébrés.  Mais  j'espère  démontrer  que  la  constitution  anatomique  de 
leurs  principaux  appareils  établit  manifestement  des  analogies  non  dou- 
teuses et  d'un  intérêt  capital  avec  l'immense  groupe  des  Reptiles. 

On  sera  moins  étonné  de  cette  assimilation  contre  laquelle  on  est 
tenté  au  premier  abord  de  protester,  en  considération  de  la  forme  ex- 
térieure, si  l'on  remarque  combien  sont  différents  les  uns  des  autres, 
sous  ce  rapport,  les  êtres  que  les  naturalistes  désignent  sous  le  nom  de 
Beptiles.  On  admettra,  je  pense,  que  la  différence  n'est  pas  plus  grande 
entre  un  Oiseau  et  une  Tortue  qu'entre  une  Tortue  et  un  Ichthyosaure, 
un  Ptérodactyle  et  un  Srepent. 

La  température,  à  peu  près  indépendante  de  celle  des  milieux  ara- 


115 

biants  à  laquelle  se  maintiennent  les  Oiseaux,  les  a  fait  de  tout  temps 
rapprocher  par  les  naturalistes  Ses  animaux  mammifères  qui  jouissent  de 
la  même  faculté,  et  désigner  conjointement  avec  ceux-ci,  sous  le  nom 
d'animaux  à  sang  chaud  ou  à  température  constante.  Cette  assimilation 
physiologique  n'a  pas  manqué  d'être  considérée  par  beaucoup  de  per- 
sonnes comme  entraînant  un  rapprochement  zoologique,  et  dans  leur 
esprit  les  Oiseaux  semblent  plus  voisins  des  Mammifères  que  des  Rep- 
tiles. Je  ne  veux  pas  insister  ici  sur  cette  vérité  que  les  rapports  zoo- 
logiques doivent  être  établis,  non  d'après  l'observation  physiologique, 
mais  d'après  l'analyse  anatomique,  car  des  résultats  identiques  peuvent 
être  obtenus  par  des  organisations  fort  différentes,  et  on  ne  doit  pas 
prendre  pour  base  les  effets,  mais  les  causes.  La  preuve  peut  s'en  tirer 
aisément,  dans  le  cas  particulier  qui  nous  occupe,  de  la  température 
propre  acquise  par  les  Pythons  en  incubation,  ou  en  sens  inverse  de 
l'état  d'hibernation  de  certains  Mammifères  qui  deviennent  alors  de  vé- 
ritables animaux  à  sang  froid.  Laissant  donc  de  côté  cette  objection 
sans  valeur,  je  vais  indiquer  brièvement,  en  passant  en  revue  les  prin- 
cipaux appareils,  les  points  les  plus  saillants  de  ressemblance  entre 
l'organisation  des  Oiseaux  et  celle  des  Reptiles. 

Squelette.  —  En  considérant  d'abord  le  squelette,  dont  la  constitu- 
tion est  d'une  importance  non  douteuse  pour  la  classification  des  êtres, 
nous  rencontrons  entre  les  Oiseaux  et  les  Reptiles  vrais  des  analogies 
de  haute  valeur. 

1°  L'arc  vertébro-sternal  des  Oiseaux  se  compose,  comme  celui  des 
Reptiles  qui  en  possèdent  un  complet  (Crocodiliens,  Sauriens)  de  deux 
pièces  médianes  (vertèbre,  sternèbre)  et  de  trois  pièces  latérales  (côtes 
sternales,  côtes  vertébrales,  pièce  intermédiaire).  Les  recherches  d'Ét. 
Geoffroy  Saint-Hilaire  et  de  l'Herminier  ont,  en  effet,  montré  que  le 
sternum  des  Oiseaux  est  primitivement  formé  d'une  série  de  pièces 
médianes  (sternum  vrai,  bréchet)  et  de  pièces  latérales  (côtes  sternales), 
qui  se  soudent  de  bonne  heure  ensemble.  Chez  certains  Oiseaux  même 
les  pièces  médianes  sont  en  nombre  pair,  ce  qui  établit  une  véritable 
similitude  avec  la  composition  du  plastron  des  Tortues.  C'est  une  règle 
générale  dont  les  Tortues  nous  présentent  un  exemple,  que  les  os  mé- 
dians et  symétriques  possèdent  deux  noyaux  d'origine  lorsque  leur  lar- 
geur devient  considérable. 

Cette  composition  de  l'arc  vertébro-sternal  ne  se  retrouve  chez  au- 
cun Mammifère,  sinon  chez  les  Ornithodelphes. 

2°  Chez  les  Oiseaux,  le  système  sternal,  soudé  en  une  seule  pièce 
avec  les  fausses  côtes  qui  en  dépendent,  présente  une  analogie  manifeste 
avec  le  plastron  immobile  des  Tortues,  et  de  même  la  soudure  des 
vertèbres  thoraciques  et  lombaires,  qui  a  lieu  chez  beaucoup  d'Oiseaux, 


116 
rappelle  l'organisation  de  la  carapace  des  Chéloniens.  Du  reste,  l'Ap- 
téryx présente  un  élargissement  des  côtes  qui  les  fait  s'imbriquer  lune 
sur  l'autre  et  qui  ajoute  à  cette  similitude. 

Celle-ci  s'augmente  encore  par  cette  considération  que  les  côtes,  s'ap- 
puyant  sur  les  apophyses  transverses,  se  terminent  chez  les  Oiseaux, 
comme  chez  les  Tortues. 

3°  Dans  les  deux  classes,  la  tête  s'articule  sur  la  colonne  vertébrale 
parwn  seul  condyle  occipital,  au  lieu  de  deux  que  possèdent  tous  les 
Mammifères. 

4°  Les  Mammifères  ont  tous  sept  vertèbres  cervicales.  Au  contraire, 
Tortues  et  Oiseaux  en  présentent  un  bien  plus  grand  nombre,  dans  des 
conditions  de  mobilité  qui  les  rendent  un  peu  comparables. 

L'existence  de  la  vertèbre  coccygienne  en  soc  de  charrue  ne  peut 
être  invoquée  pour  caractériser  la  colonne  vertébrale  des  Oiseaux,  car 
on  ne  la  retrouvepas  chez  lAptéryx,  et  l'étrange  Oiseau  fossile  décou- 
vert récemment  dans  les  calcaires  de  Solenhofen,  possédait  une  queue 
allongée,  composée  d'une  vingtaine  de  vertèbres  à  dimension  décrois- 
sante, qui  portaient  chacune  une  plume  de  chaque  côté. 

5°  Vépaule  des  Oiseaux  est  constituée  sur  le  même  plan  que  celle 
des  Reptiles:  omoplate, clavicule, os coracoïdien. Lorsqu'un  de  ces  trois 
os  diminue  ou  manque,  c'est  toujours  sur  la  clavicule  que  porte  l'atro- 
phie. Ainsi  arrive-t-il  pour  beaucoup  de  Perroquets,  et  d'autre  part  pour 
les  Caméléons  et  les  Crocodiles. 

6°  On  sait  qu'au  pieti  des  Oiseaux,  le  pouce  possède  deux  phalanges, 
le  doigt  suivant  trois,  le  troisième  quatre,  et  le  plus  externe  cinq;  chez 
les  Mammifères,  au  contraire,  le  pouce  seul  a  deux  phalanges,  les  au- 
tres orteils  en  ont  tous  trois.  Or,  chez  les  Sauriens,  les  cinq  doigts  du 
pied  nous  montrent  :  pour  le  pouce,  deux  phalanges;  pour  les  autres 
doigts,  trois,  quatre,  cinq  phalanges,  enfin  quatre  seulement  pour  le 
doigt  le  plus  externe.  L'analogie  est  frappante  entre  le  pied  des  Oiseaux 
et  celui  de  ces  Reptiles.  Ce  fait  montre  de  plus  que  le  doigt  qui  dispa- 
raît le  premier  dans  le  pied-type  est  le  doigt  externe;  quand  le  pied  se 
réduit  à  trois  doigts,  c'est  le  i)Ouce.  Chez  les  Oiseaux  et  les  Reptiles, 
la  disposition  des  doigts,  quand  le  pied  se  simplifie,  a  donc  lieu  suivant 
une  loi  différente  de  celle  qui  préside  à  la  simplification  du  pied  des 
Mammifères  où  le  pouce  disparaît  le  premier,  le  doigt  externe  ensuite. 
7"  La  mobilité  notable  des  os  de  la  face  sur  le  crâne  est  un  carac- 
tère des  Oiseaux  qui  se  retrouve  chez  les  Sauriens  et  les  Ophidiens. 
Cette  mobilité  est  due  en  grande  partie  à  l'existence  d'un  os  tympanal 
distinct,  séparé  du  crâne,  qu'on  ne  constate  que  dans  ces  trois  groupes 
d'animaux. 

De  plus,  l'arcade  zygomatique  a.  chez  les  Oiseaux,  une  pièce  supplé- 


117 
mentaire  qu'on  ne  retrouve  plus  chez  les  Mammifères,  mais  que  prér 
sentent  la  plupart  des  Reptiles  (Crocodiliens.  ..)■ 

L'absence  de  l'os  transverse  n'établit  pas  de  différence  grande  entre 
les  Oiseaux  et  le  groupe  des  Reptiles,  puisque  ce  point  d'appui  de  la 
mâchoire  supérieure  sur  le  pterygoïdien  ne  se  rencontre  pas  non  plus 
chez  les  Chéloniens. 

8"  Tandis  que  la  mâchoire  inférieure  des  Mammifères  n'est  jamais 
composée  que  d'une  seule  pièce  de  chaque  côté,  celle  des  Oiseaux  est 
constituée  par  un  grand  nombre  d'os  distincts  dans  le  jeune  âge,  ainsi 
qu'il  arrive  chez  tous  les  Reptiles.  Ce  nombre  est  précisément  celui  de 
onze,  que  présente  aussi  la  mâchoire  inférieure  des  Tortues. 

Une  similitude  saillante  et  qui  frappe  tout  le  monde,  se  remarque  en- 
tre la  forme  des  deux  mâchoires  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Tortues; 
dans  ces  deux  classes,  en  effet,  elles  sont  dépourvues  de  dents  et  re- 
vêtues d'une  couche  cornée  tranchante  :  en  un  mot,  elles  constituent 
un  bec. 

Une  ancienne  allégation  d'Ét.  Geoffroy-Saint-Hilaire,  confirmée  ré- 
cemment par  M.  Blanchard,  tendrait  à  prouver  l'existence  de  dents 
rudimentaires  à  une  période  peu  avancée  du  développement  du  bec  des 
Oiseaux.  Ces  deux  anatomistes  comptent  à  la  mâchoire  supérieure 
treize  dents;  et,  chose  remarquable,  celte  bizarrerie  d'une  dent  im- 
paire et  médiane  se  retrouve  comme  l'a  moniré  M.  Gratiolet  dans  la 
mâchoire  inférieure  des  Lézards. 

Pe.\u.  —  La  présence  des  plumes,  qui  a  servi  à  Linné  et  à  de  Blain- 
ville  pour  caractériser  la  classe  des  Oiseaux,  isole  en  effet  très-nettement 
ces  animaux  parmi  les  autres  Vertébrés.  Mais  si  l'on  examine  les  parties 
du  corps  qui  ne  sont  point  ordinairement  revêtues  de  plumes,  je  veux 
parler  des  pattes,  on  ne  peut  s'empêcher  d'être  frappé  de  la  similitude 
de  la  peau  qui  la  revêt  avec  la  peau  des  Reptiles.  Dans  les  deux  cas, 
en  effet,  le  derme  mamelonné  est  recouvert  d'un  épiderme  épaissi  qui 
forme  ces  fausses  écailles  continues  depuis  longtemps  considérées  par 
les  zoologistes  comme  caractéristiques  de  la  classe  des  Reptiles  vérita- 
bles. On  peut  dire  que  si  l'on  découvrait  un  Oiseau  sans  plumes,  sa  peau 
serait  absolument  semblable  à  celle  d'un  Ophidien  ou  d'un  Saurien. 

Système  NERVEUX.  —  C'est  certainement  par  la  constitution  de  l'encé- 
phale que  la  classe  des  Oiseaux  se  sépare  surtout  de  celle  des  Reptiles, 
et  marque  son  individualité.  Il  n'y  a  même  guère  d'analogie  à  établir 
entre  les  appareils  cérébraux  dans  ces  deux  groupes,  bien  que  la  diffé- 
rence soit  sous  ce  rapport  beaucoup  moindre  entre  les  Reptiles  et  les 
Oiseaux  qu'entre  ceux-ci  et  les  Mammifères.  Le  reste  du  système  ner- 
veux présente  à  signaler  une  similitude  qui  n'est  pas  sans  intérêt. 

Tandis  que  chez  les  Mammifères  la  moelle  épinière  ne  remplissant 


118 
jamais  toute  l'étendue  du  canal  spinal,  se  termine  toujours  par  une  queue 
de  cheval,  cette  apparence  ne  se  remarque  jamais  chez  les  Oiseaux  ni 
chez  les  Reptiles,  dont  la  moelle  se  prolonge  jusqu'à  l'extrémité  du  ca- 
nal vertébral. 

Je  me  contente  d'indiquer  la  grande  ressemblance  du  nerf  sympa- 
thique des  Oiseaux  avec  celui  des  Crocodiles  à  la  région  du  cou,  et  avec 
celui  des  Tortues  dans  la  région  thoracique,  où  djes  branches  anasto- 
motiques  passent  dans  le  canal  déterminé  par  les  côtes  et  les  apophyses 
vertébrales  transverses. 

Organes  des  sens.  —  Les  analogies  fournies  par  les  organes  des  sens 
sont  peu  nombreuses  et  peu  importantes. 

Je  rappellerai  cependant  l'existence  chez  les  Oiseaux,  comme  chez  les 
Sauriens  et  les  Chéloniens,  d'un  anneau  osseux  qui  renfonce  la  scléro- 
tique au  pourtour  de  la  cornée;  de  plus,  les  Lézards  vrais  possèdentun 
peigne  tout  à  fait  comparable  à  celui  qui  traverse  le  corps  hyaloïde  des 
Oiseaux.  L'anneau  ni  le  peigne  ne  se  rencontrent  chez  aucun  Mammi- 
fère. 

L'organe  de  l'ouïe  desCrocodiliens  est  presque  absolument  semblable 
à  celui  des  Oiseaux,  et  assez  notablement  différent  de  celui  des  Mammi- 
fères. 

Sang.  —  Nous  avons  dit  en  commençant  comment  la  température 
du  sang  ne  pouvait  en  rien  servir  à  déterminer  les  affinités  zoologiques 
des  animaux,  puisque  cette  température  dépend,  non  du  type  anatomi- 
que,  mais  de  Tactivité  des  fonctions.  Aucun  argument  contraire  à  notre 
thèse  ne  peut  donc  être  tiré  de  la  différence  habituellement  constante 
entre  la  température  du  sang  des  Oiseaux  et  celle  du  sang  des  Reptiles, 
ni,  en  sens  inverse,  du  rapport  qui  existe  à  ce  point  de  vue  entre  le 
sang  des  Mammifères  et  celui  des  Oiseaux. 

La  composition  intime  chimique  du  sang  étant  aussi  nécessairement 
sous  la  dépendance  immédiate  de  l'activité  des  différents  actes  physio- 
logiques, ne  peut  non  plus  servir  en  aucune  façon  de  critérium  zoolo- 
gique. 

Mais  le  principal  élément  anatomique  qui  nage  dans  le  sang,  le  glo- 
bule rouge,  présente  une  structure  qui  éloigne  complètement  les  Oiseaux 
des  Mammifères,  en  même  temps  qu'il  les  rapproche  remarquablement 
des  autres  classes  de  Vertébrés.  Chez  les  Mammifères,  en  effet,  les  glo- 
bules, presque  toujours  circulaires  et  toujours  biconcaves,  ne  possèdent 
jamais  de  noyau  central  à  Tâge  adulte.  L'existence  de  ce  noyau  est,  au 
contraire,  constante  chez  les  Oiseaux  comme  chez  les  Reptiles;  en  ou- 
tre, les  globules  se  présentent  avec  une  forme  biconvexe  dans  le  sang 
des  animaux  de  ces  deux  dernières  classes. 

Appareil  circdlatoire.  —  Cœur.  La  division  du  cœur  en  quatre  cavi- 


il9 

tés  a  de  tout  temps  servi  à  rapprocher  les  Mammifères  et  les  Oiseaux^' 
et  à  éloigner  ceux-ci  des  Reptiles,  dont  la  plupart  n'ont  qu'un  seul  ven- 
tricule. iSIais  chez  les  Serpents  mêmes  et  les  Tortues,  ce  ventricule  est 
incomplètement  divisé,  par  un  pilier  charnu,  en  deux  loges,  dont  l'une 
communique  avec  Tune  des  crosses  aortiques,  tandis  que  partent  de 
l'autre,  la  seconde  crosse  aortique  et  l'artère  pulmonaire.  Ce  bourrelet 
devient  une  cloison  perforée  chez  plusieurs  Sauriens;  enfin,  chez  les 
Crocodiliens,  la  cloison  est  complète,  et  le  cœur  est  partagé,  comme  ce- 
lui des  Oiseaux,  en  quatre  cavités  bien  distinctes. 

Système  ARTÉRIEL,  —  Il  n'en  existe  pas  moins  entre  le  système  artériel 
des  Mammifères  et  des  Oiseaux,  d'une  part,  et  celui  desRepliles,  d'autre 
part,  cette  différence  remarquable  qu'une  seule  crosse  aortique  donne 
naissance  au  premier,  tandis  que  le  second  en  possède  deux. 

Mais  en  se  reportant  aux  périodes  embryonnaires,  on  voit  aisément 
que  cette  différence  tient  seulement  à  un  mode  évolutionnel  différent 
et  à  la  disparition,  chez  le  Mammifère  et  l'Oiseau,  d'une  des  deux  crosses 
aortiques  primitivement  existantes.  Le  Mammifère  perd  la  crosse  qui  se 
recourbait  à  droite,  l'Oiseau  celle  qui  se  recourbait  à  gauche.  Or  chez 
les  Reptiles  l'aorte  qui  occupe  le  côté  gauche  de  la  colonne  vertébrale 
ne  donne  naissance  à  aucune  branche  artérielle  (1),  et  elle  va  se  jeter 
dans  l'aorte  de  droite  qui  fournit  toutes  les  artères  du  corps;  c'est  donc, 
chez  ces  animaux  l'aorte  de  droite  qui  joue  un  rôle  prépondérant,  et  il 
faut  bien  avouer  qu'il  y  a  là  une  relation  remarquable  avec  la  persis- 
tance de  cette  seule  racine  artérielle  dans  le  groupe  des  Oiseaux. 

La  division  ultérieure  du  système  artériel  n'a  aucune  importance  au 
point  de  vue  qui  nous  occupe,  car  le  sang  que  contiennent  ces  vais- 
seaux étant  partout  identique,  il  importe  peu  quel  chemin  il  parcourt 
pour  arriver  à  sa  destination. 

Système  veineux.  —  Il  en  est  tout  autrement  pour  le  système  veineux 
qui  contient  du  sang  de  composition  différente  selon  les  organes  des- 
quels il  revient,  et  dont  la  distribution  dans  des  organes  épurateurs  est 
très-importante  à  étudier.  Or,  sous  ce  dernier  point  de  vue,  les  analo- 
gies sont  très-grandes  entre  les  systèmes  veineux  des  Oiseaux  et  celui 
des  Reptiles. 

Chez  les  uns  comme  chez  les  autres,  en  effet,  le  sang  qui  revient  des 
parties  postérieures  du  corps,  au  lieu  de  retourner  directement  au  cœur 
comme  il  arrive  chez  les  Mammifères,  se  rend  d'abord  dans  des  organes 
qui  modifient  sa  composition,  pour  de  là  se  diriger  vers  le  poumon;  ces 
organes  sont  les  reins  et  les  corps  surrénaux.  En  d'autres  termes,  tan- 

(1)  Hormis  chez  les  Crocodiliens,  où  elle  fournit  une  grosse  artère 
viscérale. 


dis  que  les  Mammifères  ne  possèdent  que  deux  systèmes  porte,  le  sys- 
tème hépatique  et  le  syslùrae  pulmonaire,  les  Oiseaux  comme  les  Rep- 
tiles ont  en  outre  un  système  porte-rénal  et  un  système  porte-surrénal. 
Notons  cependant  cette  petite  différence  que  chez  les  Oiseaux  une  très- 
forte  partie  du  sang  veineux  rejoint  directement  la  veine  cave  inférieure 
sans  traverser  le  rein.  Mais  il  n'en  reste  pas  moins  certain  que  la  sé- 
crétion urinaire  est,  chez  les  Mammifères,  alimentée  par  du  sang  artériel, 
tandis  que  chez  les  Reptiles  et  les  Oiseaux,  elle  l'est  par  du  sang  vei- 
neux; M.  Gratiolet,  à  qui  l'on  doit  la  démonstration  de  ces  faits  déjà 
entrevus  par  Jacobsen  et  depuis  étudiés  avec  soin  par  M.  Jourdain,  a 
insisté  à  ce  propos  sur  l'analogie  que  présentent  l'urine  des  Oiseaux  et 
celle  des  Reptiles,  composées  d'urates,  tandis  que  celle  des  Mammifères 
contient  en  très-forte  proportion  de  l'urée,  produit  plus  oxydé  que  l'a- 
cide urique. 

Enfin,  tandis  que  le  système  porte-hépatique  des  Mammifères  est  à 
peu  près  complètement  isolé  du  reste  de  l'arbre  veineux,  une  large 
communication  existe  au  contraire  chez  les  Oiseaux  et  chez  les  Rep- 
tiles entre  le  système  porte  du  foie  et  celui  des  reins  [arc  liépato-né- 
pkrétique  de  Gj'atiolet),  communication  toujours  béante  à  cause  de 
l'absence  de  valvules  et  qui  établit  une  solidarité  complète  entre  ces 
glandes  importantes. 

Système  lymphatique.  —  Le  système  lymphatique  des  Oiseaux  ne  pos- 
sède, au  contraire  de  ce  qui  existe  chez  les  Mammifères,  qu'un  très- 
petit  nombre  de  ganglions  lymphatiques;  ces  organes  sont  encore  plus 
rares  chez  les  Reptiles.  Il  se  rapproche  de  celui  de  ces  derniers  animaux 
par  la  présence  dans  la  région  pelvienne  de  deux  petites  poches  con- 
tractiles dites  cœurs  lymphatiques.  Stannius  a  constaté  leur  présence 
chez  un  bon  nombre  d'Oiseaux  (Autruche,  etc.);  or  les  Mammifères  . 
n'en  possèdent  jamais. 

APPAREIL  RESPIRATOIRE.  —  La  manière  dont  les  poumons  des  Oiseaux 
sont  adhérents  à  la  paroi  dorsale  de  la  cavité  thoracique  n'a  d'analogue 
que  chez  les  Tortues. 

La  structure  même  de  ces  organes  est  très-différente  chez  les  Mam- 
mifères et  les  Oiseaux.  Les  premiers,  en  effet,  possèdent  un  système 
bronchique  qui  se  ramifie  par  une  dichotomie  irrégulière,  en  s'épanouis- 
sant  du  hile  du  poumon  pour  se  rendre  dans  toutes  les  parties  de  l'or- 
gane. Mais  chez  les  Oiseaux,  le  mode  de  division  est  différent;  il  s'o- 
père en  effet,  suivant  des  directions  perpendiculaires  les  unes  aux  autres, 
un  grand  nombre  de  bronches  de  second  ordre  prenant  naissance  sur 
celles  de  premierordre,  etainside  suite,  comme  les  barbes  d'une  plume 
sur  la  tige  de  cette  plume.  Or  cette  conformation  est  dans  un  rapport 
typique  évident  avec  celle  beaucoup  plus  simple  des  poumons  des  Tor- 


IÎ1 

tues  et  des  Crocodiliens;  les  poumons  dos  Ser[)cnts,  dans  lesquels  les 
bronches  sont  étalées  en  lames  au  lieu  d'être  fermées  en  tubes,  peuvent 
être  facilement  rattachés  au  même  système. 

Enfin  les  poumons  des  Oiseaux  communiquent  avec  de  vastes  cellules 
aériennes,  cellules  dont  les  parois  peu  vasculaires  reçoivent  leur  sang, 
non  de  l'artère  pulmonaire,  mais  du  système  aortique.  Ces  remarqua- 
bles appendices,  qui  nont  aucun  analogue  chez  les  Mammifères,  sont 
au  contraire  tout  à  fait  comparables  au  vaste  sac  membraneux  qui  ter- 
mine le  poumon  des  Serpents  et  aux  poches  vésiculeuses  qui,  chez  le 
Caméléon,  se  prolongent  très-loin  dans  l'abdomen. 

ŒvT.  —  L'oviparité  des  Oiseaux  et  de  la  plupart  des  Reptiles,  com- 
parée à  la  viviparité  des  Mammifères,  a  de  tout  temps  frappé  les  natura- 
listes, et  servi  à  établir  un  rapprochement  entre  les  deux  classes  de  Ver- 
tébrés dont  je  m'occupe  ici.  Mais  cette  observation  physiologique  n'a 
réellement  aucune  valeur  zootaxique,  puisqu'elle  indique  seulement  un 
degré  plus  ou  moins  avancé  de  développement  et  non  une  difterence 
typique.  11  faut  attacher  une  bien  plus  grande  importance  à  ceci,  que 
les  œufs  des  Reptiles  et  des  Oiseaux  n'ont  pas  la  même  structure  que 
ceux  des  Mammifères.  Ils  possèdent  en  effet,  de  plus  qu'eux  un  vitellus 
nutritif  jaune  surajouté  au  véritable  vitellus,  au  germe  que  l'on  désigne 
ordinairement  sous  le  nom  de  cicalricule.  De  plus,  mais  ceci  est  de 
moindre  intérêt,  leur  albumen  est  infiniment  plus  considérable,  et  il 
est  protégé  par  des  membranes  très-souvent  incrustées  de  matières  cal- 
caires. 

Cette  structure  différente  de  l'œuf  est  nécessairement  en  rapport  avec 
une  disposition  différente  des  organes  génitaux  femelles;  car  lovaire 
chargé  d'œufs  présente  une  apparence  de  grappe  qu"on  ne  retrouve  pas 
chez  les  Mammifères;  et  de  plus  loviducte  est  composé  de  régions  fort 
différentes,  destinées  chacune  à  la  sécrétion  des  parties  accessoires  de 
l'œuf  (albumen  j  membrane  coquillère,  coquille). 

11  résulte  évidemment  de  cette  revue  rapide  qu'un  grand  nombre  de 
caractères  rapprochent  la  classe  des  Oiseaux  de  celle  des  Reptiles.  Ce 
n'est  pas  à  dire,  je  le  répète,  qu'il  faille  opérer  une  fusion  entre  ces 
deux  groupes  tellement  distincts  par  la  configuration  générale,  la  phy- 
sionomie, les  mœurs,  etc.,  que  l'analyse  anatomique  fait  une  sorte  de 
violence  au  sentiment  universel  en  révélant  leurs  rapports.  J'ai  voulu 
seulement  insister  sur  ce  fait  que  les  Oiseaux  ne  forment  pas  dans  l'en- 
semble des  Vertébrés  un  groupe  aussi  isolé  qu'on  l'enseigne  générale- 
ment, et  qu'il  est  une  émanation  du  grand  type  des  reptiles,  émanation 
très-particulière,  il  est  vrai,  et  très-individualisée  par  son  organisation 
encéphalique  ;  on  voit  manifestement  aussi  qu'il  faut  renoncer  à  l'espèce 
d'analogie  que  des  considérations  physiologiques  étroites  faisaient  vo- 


122 
lontiers  admettre  entre  les  Mammifères  et  les  Oiseaux,  analogie  qui  ne 
repose  sur  aucune  base  anatomique. 

111.  —  Anatomie. 
r  Sur  quelques  points  de  l' anatomie  du  Fou  de  Bassan  ;  par  M.  Paul  Bert. 

Je  dois  à  l'obligeance  do  M.  Blaize  (de  Cayeux)  d'avoir  pu  faire  sur 
un  Fou  de  Bassan  {Sula  bassana,  Briss.)  quelques  observations  anato- 
miquesdont  je  désire  rendre  compte  à  la  Société. 

Lorsqu'on  insuffle  avec  soin  cet  oiseau  par  la  trachée-artère,  on  s'a- 
perçoit bientôt  que  l'air  pénètre  sousla  peau  et  l'isole  du  corps.  Ce  sou- 
lèvement a  lieu  par  la  région  postérieure  du  cou  jusqu'à  la  tête,  et  par 
le  tronc  tout  entier,  sauf  la  partie  du  dos  correspondante  à  l'os  sacro- 
lombaire,  et  la  face  externe  des  cuisses  et  des  jambes,  où  la  peau 
adhère  comme  d'habitude  aux  parties  sous-jacentes;  pour  la  face  interne 
des  membres  postérieurs,  l'air  distend  la  peau  jusqu'au  niveau  de  l'ar- 
ticulation tibio-tarsienne.  En  continuant  l'insufflation,  on  voit  les  ailes 
s'étendre  et  s'écarter  du  tronc,  et  il  est  facile  de  s'assurer  que  l'air 
pénètre  jusqu'à  leur  extrémité. 

Ces  espaces  aériens  sous-cutanés,  découverts  par  Méry  en  1686  chez 
le  Pélican  {Hist.  Acad.  des  se,  t.  Il,  p.  144),  ont  été  revus  chez  cet 
oiseau  et  chez  les  Fous  par  beaucoup  d'auteurs,  parmi  lesquels  je  citerai 
J.  Ilunter  (1774),  Daubenton  jeune  (Bufî".,  art.  Fou  deBassan),  R.  Owen 
{Zool.  Soc.  of  London,  1830-31  et  1835),  E.  Deslongchamps  (Me'm. 
Soc.  linnde  Gaen,  1843-48  et  1854-55).  Mais  comme  malgré  ces  témoi- 
gnages, leur  existence  a  été  mise  en  doute  par  M.  Sappey  {Recherches 
sur  l'appareil  respiratoire  des  Oiseaux,  1847),  et  comme  des  auteurs 
très-importants  ont  cru  pouvoir  leur  attribuer  une  origine  pathologique, 
il  m"a  paru  intéressant  de  revenir  sur  leur  description,  qui  n'a  jamais 
du  reste  été  faite  d'une  façon  claire  et  complète. 

Lorsqu'on  incise  la  peau  de  Foiseau,  on  voit  qu'elle  est  séparée  du 
corps  par  un  espace  qui  peut  acquérir  0'",03  à  0",04  de  dimension  nor- 
male ;  les  nerfs,  les  vaisseaux  se  rendent  du  corps  à  la  peau,  tantôt  li- 
bres, tantôt  appuyés  surdes  cloisons  minces,  transparentes,  qui  séparent 
cette  vaste  poche  sous-cutanée  en  diverses  loges  incomplètement  fer- 
mées et  communiquant  toutes  les  unes  avec  les  autres.  Une  de  ces  cloi- 
sons s'étend  en  raphé  médian  sur  toule  la  crête  sternale  jusqu'à  0'",01 
environ  en  avant  du  pubis,  et  intercepte  toute  relation  directe  du  côté 
droit  avec  le  côté  gauche.  Une  autre  suit  le  bord  externe  du  muscle 
grand  pectoral  et  se  continue  dans  cette  direction  jusqu'à  ce  qu'elle 
rencontre  la  précédente.  Entre  elles  deux  se  trouvent  une  dizaine  de 


123 
loges  secondaires  déterminées  par  des  cloisons  à  direction  transversale, 
et  qui  ont  l'apparence  d'alvéoles  irrégulières  auxquelles  il  manquerait 
un  côté. 

Les  plumes  font  saillie  dans  ces  cavités  aériennes;  les  grandes  y  pé- 
nètrent parfois  à  plus  de  O^'iOl  ;  mais  la  paroi  pariétale  de  ces  sacs, 
semblable  à  une  séreuse,  les  tapisse  et  ne  permet  pas  à  l'air  de  s'échap-t 
per  ni,  bien  entendu,  de  pénétrer  dans  le  tuyau  des  plumes.  Entre 
elles  se  trouvent  de  petits  culs-de-sac  dont  l'ouverture  mesure  2  à 
3  millimètres  de  diamètre,  et  qui  donnent  à  la  face  intérieure  de  la  peau 
une  apparence  comparable  aux  poumons  des  Vertébrés  inférieurs. 

Les  muscles  peaussiers  ne  semblent  pas  plus  développés  chez  le  Fou 
de  Bassan  que  chez  les  autres  Oiseaux  ;  sur  le  sac  aérien  préclaviculaire 
qui  est,  du  reste,  de  dimensions  médiocres,  un  muscle  s'étale  en  éven- 
tail ;  mais  ce  muscle  qui  joue  peut-être  un  rôle  dans  l'acte  du  plonger, 
existe  tout  aussi  vigoureux  chez  les  Canards,  les  Grèbes,  les  Foul- 
ques, etc. 

J'arrive  maintenant  à  la  description  des  sacs  aériens  sous-cutanés. 
Tous  dépendent  du  grand  réservoir  que  j1.  Milne-Edwards  désigne  sous 
le  nom  de  claviculaire ;  tous,  sauf  ceux  qui  s'étendent  sous  la  peau  du 
cou,  depuis  la  base  jusqu'à  la  tête,  et  qui,  interrompus  par  des  cloisons 
incomplètes,  procèdent  des  réservoirs  dits  cervicaux. 

On  sait  que,  chez  presque  tous  les  Oiseaui^,  le  réservoir  claviculaire 
envoie  un  appendice  intrathoracique  qui  sort  de  la  poitrine  entre  le 
muscle  coraco-brachial  et  le  muscle  petit  pectoral,  pour  s'étaler  plus  ou 
moins  loin  sous  l'aisselle  et  fournir  de  l'air  à  la  cavité  dont  est  creusée 
l'humérus. 

Or  cet  appendice  prend  chez  le  Fou  des  dimensions  extraordinaires. 
Il  se  prolonge  d'abord  en  arrière  sous  le  muscle  grand  pectoral  qu'il 
soulève,  s'interpose  entre  la  cuisse,  la  jambe  et  le  corps,  en  disséquant 
pour  ainsi  dire  les  muscles  et  surtout  le  peaussier  de  cette  région,  dé- 
passe en  avant  le  pubis  de  0,01  environ,  et  s'étend  en  arrière  jusqu'à  la 
région  sacrée 

Ce  prolongement  est  limité  en  bas  (l'oiseau  étant  supposé  sur  le  ven- 
tre) par  une  cloison  dont  j'ai  déjà  parlé,  cloison  qui  suit  le  bord  ex- 
terne du  grand  pectoral  et  se  prolonge  jusqu'au  voisinage  de  l'anus.  En 
haut,  il  laisse  adhérente  la  peau  qui  recouvre  l'os  sacro-lombaire,  et 
de  plus  en  avant  il  est  séparé  de  celui  du  côté  opposé  par  une  cloison 
médiane. 

Ce  n'est  pas  tout  :  ce  prolongement  contourne  l'épaule  d'arrière  en 
avant,  en  passant  sous  le  muscle  grand  dorsal,  isole  l'omoplate,  et  s'ap- 
puyant,  sans  communiquer  avec  eux,  sur  les  sacs  cervicaux  et  le  grand 
réservoir  claviculaire,  suit  la  fourchette  et  s'étale  sur  le  muscle  grand 


124 

pectoral;  il  soulève  ainsi  la  peau  d'une  vaste  région  triangulaire  indiquée 
plus  haut,  dont  la  base  est  la  clavicule,  ou  mieux  le  sac  claviculaire;  le 
bord  interne,  la  cloison  médiane  qui  suit  la  crête  du  bréchet  et  se  pro- 
longe jusqu'à  l'anus;  le  bord  externe,  la  membrane,  déjà  plusieurs  fois 
indiquée,  qui  suit  le  bord  externe  du  grand  pectoral  et  rejoint  la  pre- 
mière auprès  de  l'anus. 

J'ai  dit  en  débutant  comment  une  dizaine  de  loges  secondaires  sub- 
divisaient cette  vaste  étendue.  Une  seule  de  ces  loges  mérite  une  men- 
tion spéciale;  elle  occupe  la  moitié  externe  du  grand  pectoral,  et  se 
termine  en  cul-de-sac,  sans  communiquer  avec  les  autres  cellules  au 
niveau  du  milieu  de  ce  muscle. 

Il  résulte  de  cette  description  que  les  sacs  aériens  sous-cutanés  d'un 
côté  du  corps  ne  communiquent  pas  avec  ceux  du  côté  opposé,  aumoins 
directement  ;  car  il  est  clair  qu'ils  sont  tous  en  rapport  les  uns  avec  les 
autres  par  l'intermédiaire  du  grand  sac  claviculaire  qui  leur  donne 
naissance  par  sa  portion  intrathoracique. 

Les  sacs  que  je  viens  de  décrire  ne  s'étendent  guère,  dans  la  région 
de  l'aile,  que  jusqu'au  niveau  de  la  moitié  de  l'humérus.  L'air  qui  pé- 
nètre dans  le  membre  antérieur  provient  de  cette  dépendance  de  l'ap- 
pendice entier  thoracique  qui  en  fournit  à  l'humérus  chez  l'immense 
majorité  des  Oiseaux. 

En  effet,  l'air  passe  entfe  les  muscles  du  bras,  soulève  la  membrane 
du  col,  s'étale  sur  la  face  postérieure  et  supérieure  du  bras,  de  l'avant- 
bras  et  de  la  main,  et  entre  non-seulement  dans  l'humérus,  mais  dans 
le  cubitus  et  le  radius,  dans  les  os  du  carpe,  du  métacarpe  et  des  pre- 
mières phalanges;  de  là  la  moelle  reparaît  dans  les  os. 

Dans  les  membres  inférieurs,  la  pneiimatisalion  ne  s'étend  qu'au  fé- 
mur: la  jambe  et  le  pied  sont  pauvres  de  moelle,  comme  il  arrive  d'or- 
dinaire. 

Ainsi,  en  résumé  :  cellules  du  cou  formées  par  le  réservoir  cervical  ; 
cellules  de  l'aile  formées  par  le  diverticulum  qui  ne  donne  ordinaire- 
ment qu'à  l'humérus;  cellules  du  corps,  formées  par  le  prolongement 
qui  ordinairement  s'arrête  au  creux  de  l'aisselle.  Ces  cellules  du  corps, 
séparées  d'un  côté  à  l'autre  par  des  replis  médians,  forment  deux  sys- 
tèmes :  un  système  que  l'on  peut  appeler  thoracique,  dont  le  grand 
pectoral  forme  le  plancher;  un  système  costo-abdominal,  en  dehors  et 
au-dessus  du  premier,  ces  deux  systèmes  communiquant  l'un  avec  l'au- 
tre par  une  sorte  de  canal  qui  contourne  l'omoplate  et  l'os  furculaire. 

Il  n'y  a  donc  là  rien  d'essentiellement  nouveau,  mais  seulement  une 
extension  extraordinaire  de  réservoirs  qui  existent  chez  presque  tous 
les  Oiseaux. 

Cette  diffusion  de  l'air  sous  la  peau  est  en  rapport  avec  cette  habi- 


125 
tude,  que  les  auteurs  prêtent  aux  Oiseaux  du  genre  Sula,  de  flotter  en- 
dormis à  la  surface  des  flaques,  semblables  à  des  bouées. 

Narines  extérieures.  Je  n'ai  pu,  malgré  tous  mes  soins,  trouver  chez 
le  Fou  de  Bassan  trace  de  narines  externes.  Je  ne  puis  donc  accepter 
ce  qu'ont  dit  à  ce  sujet  Sclilegel  etR.  Owen.  En  introduisant  un  stylet 
par  les  narines  buccales,  on  acquiert  la  preuve  que  les  fosses  olfactives 
sont  des  culs-de-sac  qui  n'ont  point  d'orifice  externe. 

Le  nerf  olfactif  existe  et  présente  un  développement  moyen. 

2°  Note  sur  la  vessie  préputiale  du  porc;  par  M.  Raimond,  élève 
de  quatrième  année  à  l'Ecole  vétérinaire  d'Alfort. 

Les  organes  génito-urinaires  présentent  chez  le  porc  une  particularité 
anatomique  remarquable.  Il  existe  chez  lui,  comme  partie  complémen- 
taire du  fourreau,  une  poche  dont  on  ne  rencontre  l'analogue  dans  au- 
cun autre  de  nos  animaux  domestiques.  Lacauchie,  dans  son  Mémoire 
sur  Chydrothosnie  publié  en  1853,  est  le  premier  auteur  qui  ait  signalé 
cette  disposition.  Il  a  laissé  sur  l'anatomie  de  cette  région  des  planches 
qui  sont  l'expression  fidèle  de  la  vérité;  ce  qui  implique  qu'il  a  bien  vu 
et  bien  étudié  ce  point  d'anatomie  ;  mais  la  description  jointe  à  ses  plan- 
ches manque  de  détails,  et  il  est  difficile  en  la  lisant  de  se  rendre  exac- 
tement compte  de  la  complication  du  fourreau.  Frappé  de  ce  fait,  j'ai 
cherché  à  voir  sur  le  cadavre  la  disposition  particulière  de  cette  partie. 
'Voici  le  résultat  de  mes  recherches. 

Je  répète  que  la  description  de  Lacauchie  est  exacte,  mais  trop 
courte,  et  partant,  à  mon  point  de  vue,  insuffisante  pour  donner  une 
idée  nette  sur  cette  disposition. 

Chez  tous  les  animaux  domestiques,  la  peau  de  l'abdomen  vient  for- 
mer une  cavité  destinée  à  loger  la  verge;  pour  constituer  cette  cavité, 
la  peau  se  replie  sur  elle-même  ;  elle  arrive  jusqu'à  la  partie  libre  du 
pénis  en  formant  un  cul-de-sac  circulaire  autour  do  lui,  et  en  se  conti- 
nuant avec  la  muqueuse  qui  tapisse  la  tête  de  l'organe. 

Chez  le  porc  le  fourreau,  à  son  extrémité  antérieure,  au  lieu  de  pré- 
senter cette  disposition,  forme  une  dilatation  bilobée,  de  capacité  va- 
riable. C'est  à  cette  poche  que  Lacauchie  a  donné  le  nom  de  vessie 
préputiale,  en  raison  de  sa  situation  et  de  ses  usages. 

SiTL'ATiox.  —  Elle  se  trouve  située  au-dessus  du  pénis,  en  avant  de 
celui-ci,  et  comprise  entre  la  peau  inférieurement  et  les  muscles  abdo- 
minaux supérieurement.  Sa  position  est  donc  bien  délimitée. 

Forme.  —  Considérée  dans  son  ensemble,  cette  vessie  préputiale  est 
de  forme  elliptique;  elle  est  constituée  par  deux  lobes  latéraux  ovoïdes. 
Aplatie  de  dessus  en  dessous,  on  peut  lui  reconnaître,  pour  la  précision 


126 
du  langage,  deux  faces,  Tune  supérieure,  l'autre  inférieure.  Elle  pré- 
sente à  sa  face  supérieure  un  sillon  médian  longitudinal,  plus  prononcé 
à  ses  extrémités  antérieures  et  postérieures  que  dans  le  reste  de  son 
étendue.  La  délimitation  en  deux  lobes  est  établie  par  ce  sillon  que  nous 
retrouverons  en  relief  à  la  face  interne. 

Rapports.  —  La  vessie  préputiale  est  en  rapport  par  sa  face  supé- 
rieure avec  la  tunique  abdominale,  dont  elle  est  séparée  parles  muscles 
protracteurs  et  rétracteurs  du  fourreau,  ces  muscles  que  l'on  rencontre 
avec  un  si  grand  développement  chez  le  bœuf. 

Par  sa  face  inférieure,  elle  est  en  rapport  avec  la  peau;  entre  elle  et 
cette  dernière  membrane,  dans  la  moitié  de  l'étendue  de  la  face  infé- 
rieure, et  d'arrière  en  avant,  se  loge  le  pénis,  dans  les  circonstances 
habituelles. 

Il  résulte  de  cette  disposition  que  la  vessie  préputiale  est  située  à 
l'extrémité  antérieure  du  fourreau,  au-dessus  de  celui-ci;  on  peut  donc 
la  considérer  comme  un  diverticulum  de  ce  dernier. 

Disposition  intérieure.  —  La  surface  interne  de  la  vessie  préputiale 
présente  en  relief  ce  sillon  dont  j'ai  parlé  en  décrivant  la  face  supé- 
rieure. A  chaque  extrémité,  ce  relief  est  plus  accusé;  de  là  résulte  que 
dans  ces  points  il  forme,  pour  ainsi  dire,  deux  piliers  médians,  l'un 
antérieur,  l'autre  postérieur;  ils  décrivent  une  courbe  à  concavité  op- 
posée ;  celle-ci  est  dirigée  en  arrière  pour  le  pilier  antérieur,  et  en  avant 
pour  le  pilier  postérieur. 

Moyens  de  communication.  —  Quels  sont  les  moyens  de  communication 
de  la  vessie  préputiale  avec  le  fourreau,  d'une  part,  et  avec  le  dehors, 
d'autre  part? 

Ces  moyens  de  communication  sont  établis  de  la  manière  suivante  : 

A  l'extrémité  antérieure  du  relief  médian  antéro-postérieur,  qui  di- 
vise la  vessie  en  deux  lobes,  se  trouve  une  ouverture  assez  large,  met- 
tant en  communication  la  vessie  préputiale  avec  un  canal  qui  vient 
aboutir  à  la  peau. 

Au-dessous  de  cette  ouverture,  et  sur  la  même  ligne  perpendiculaire, 
en  existe  une  seconde  :  c'est  celle  qui  livre  passage  au  pénis  lors  de 
l'érection,  quand  celui-ci  doit  traverser  le  canal,  qui  s'étend  de  la  vessie 
préputiale  à  la  peau,  pour  venir  au  dehors.  Cette  dernière  fait  donc 
communiquer  ce  canal  avec  la  cavité  du  fourreau,  et  en  même  temps 
avec  la  vessie  préputiale;  c'est-à-dire  que  ce  conduit  qui,  de  l'extré- 
mité antérieure  de  la  vessie  préputiale,  va  aboutir  à  la  peau,  est  le  ré- 
ceptacle dans  lequel,  par  les  moyens  de  communication  précédemment 
décrits,  viennent  aboutir  la  vessie  préputiale  et  le  fourreau. 

Remarquons  que,  dans  les  conditions  ordinaires,  lors  de  la  miction, 
jamais  l'extrémité  du  pénis  ne  vient  jusqu'à  l'ouverture  que  l'organe 


127 
traverse  lors  de  l'érection  ;  toujours  il  est  placé  en  arrière,  à  une  dis- 
tance qui  varie  suivant  les  animaux.  Sur  plusieurs  des  pièces  que  j'ai 
préparées,  cette  distance  était  de  0°',027. 

Canal.  —  J'ai  dit  plus  haut  qu'il  existait  un  canal  dans  lequel  venaient 
aboutir  deux  ouvertures,  celle  de  la  vessie  prép  utiale  et  celle  du  four- 
reau. Il  commence  à  l'extrémité  antérieure  de  1;  i  vessie  préputiale  et  il 
se  dirige  en  avant. 

Après  un  trajet  de  0",051  environ,  il  vient  s'oumr  à  la  peau,  toujours 
sur  la  ligne  médiane  que  du  reste  il  a  suivie  dans  son  trajet.  L'ouver- 
ture est  elliptique,  à  grand  diamètre  antéro-postérieur;  la  longueur  de 
celui-ci  est  de  0'",011.  Les  deux  lèvres  qui  circonscrivent  l'ouverture 
sous-cutanée  sont  comme  froncées,  rapprochées  l'une  de  l'autre  ;  elles 
ne  s'ouvrent  que  dans  certaines  conditions  déterminées,  comme  je  l'in- 
diquerai plus  loin. 

Il  est  facile,  en  incisant  le  canal  par  sa  paroi  supérieure,  de  compren- 
dre cette  disposition.  On  voit,  en  pratiquant  l'incision,  que  la  face  in- 
terne du  canal  présente  des  poils  assez  rares,  disséminés  çà  et  là,  plus 
nombreux  cependant  à  la  face  supérieure  qu'à  la  face  inférieure.  Ces 
poils  sont  d'une  couleur  blanchâtre  ;  ils  ont  une  longueur  d'environ  0,01 
à  0,01  1/2. 

Dimensions  générales.  —  Les  moyennes  des  mesures  prises  sur  les 
pièces  que  j'ai  préparées  sont  : 

Longueur  du  grand  diamètre  longitudinal 0'",055 

Diamètre  transverse  de  chaque  lobe 0"\032 

Longueur  du  fourreau O^jOTO 

Structure.  —  Les  parties  composantes  de  la  vessie  préputiale  sont 
les  suivantes:  une  couche  musculaire  recouvrant  une  couche  muqueuse. 

La  couche  musculaire  présente  deux  muscles,  un  pour  chaque  lobe. 
Ces  muscles  se  répandent  sur  la  ligne  médiane;  en  arrière  ils  semblent 
se  confondre;  dans  le  reste  de  leur  étendue  ils  sont  séparés  par  un  léger 
sillon.  Postérieurement,  à  l'aide  d'une  aponévrose,  ils  s'attachent  sur  le 
fourreau. 

Les  fibres  entrant  dans  leur  constitution  sont  divergentes  en  avant  et 
en  dehors.  Il  en  est  de  complètement  transverses;  dautres  sont  curvi- 
lignes; un  certain  nombre  de  ces  dernières  décrivent  un  cercle  complet 
et  viennent  se  confondre  avec  des  fibres  musculaires  du  prépuce. 

Ces  muscles  sont  en  rapport,  par  leur  face  supérieure,  avec  les  pro- 
tracteurs qui,  de  chaque  côté,  semblent  confondre  leurs  fibres  avec 
celles  qui  les  constituent. 

Leur  face  interne  est  en  rapport  avec  la  muqueuse.  Entre  elles  deux, 


128 
existe  une  assez  grande  quantité  de  tissu  cellulaire,   disposition  qui 
permet  de  les  séparer  assez  facilement. 

La  muqueuse  n'offre  rien  de  particulier  si  ce  n'est  un  épithélium 
très-épais,  qui  se  détache  quelques  jours  après  la  mort  avec  une  grande 
facilité. 

Sur  l'une  des  pièces  que  j'ai  disséquées,  j'ai  rencontré  sur  la  muqueuse 
une  assez  grande  quantité  de  petites  tumeurs;  celles  présentant  les 
plus  grandes  dimensions  étaient  grosses  environ  comme  une  noisette. 
Elles  étaient  molles,  granulées,  d'une  couleur  rouge  jaunâtre,  plus  pro- 
noncée dans  les  unes  que  dans  les  autres;  quelques-unes  paraissaient 
ulcérées.  Peut-être  est-ce  là  une  maladie  éruptive  ;  je  n'ai  pu  savoir  si 
la  membrane  tégumentaire  présentait  quelque  chose  de  semblable. 

Rôle  de  la  vessie  préputiale.  —  Le  pénis  n'arrivant  pas  jusqu'à  cette 
ouverture  qui  établit  la  communication  du  fourreau  avec  le  canal 
chargé  de  conduire  l'urine  au  dehors,  verse  celle-ci  dans  la  cavité 
préputiale.  De  cette  dernière  l'urine  s'écoule  en  partie  dans  le  canal  ; 
celui-ci,  qui  n'est  qu'une  dépendance  du  fourreau,  ne  se  contracte  pas 
assez  énergiquement  ;  il  en  résulte  que  l'urine  s'y  accumule.  Rencon- 
trant béante  l'ouverture  de  communication  de  la  vessie  préputiale,  elle 
passe  par  celle-ci,  et  alors  arrive  dans  la  poche  bilobée  ;  elle  la  rem- 
plit petit  à  petit.  Lorsque  celle-ci  est  pleine,  ses  parois  musculaires 
entrent  en  jeu.  Sous  l'influence  de  leurs  contractions,  l'urine  repasse 
par  la  môme  ouverture,  arrive  dans  le  canal,  et  en  raison  de  l'énergie 
avec  laquelle  elle  est  poussée,  elle  franchit  l'ouverture  extérieure.  Le 
canal  ne  se  contracte  pas  avec  assez  de  force  pour  produire  ce  résul- 
tat ;  il  parvient  seulement  à  chasser  l'urine  dans  la  vessie  préputiale. 

11  résulte  de  cette  disposition  que  lorsque  le  porc  effectue  la  miction, 
l'urine  sort  par  jet  saccadé;  on  voit  pour  ainsi  dire  les  contractions  de 
la  vessie  préputiale  qui  déterminent  ainsi  la  sortie  du  jet  par  saccade. 
La  disposition  anatomique  de  la  région  permet  de  se  rendre  très-bien 
compte  de  ce  fait. 

J'ai  eu  l'occasion  de  disséquer  les  organes  génito-urinaires  du  san- 
glier ;  j'ai  trouvé  absolument  la  même  disposition  que  chez  le  porc;  fait 
du  reste  qui  n'est  pas  étonnant,  puisque  le  sanglier  est  le  type  du  genre 
zoologique  auquel  appartient  le  porc. 

Telles  sont  les  considérations  qui  m'ont  été  inspirées  par  mes  recher- 
ches sur  les  organes  génito-urinaires  du  porc. 


129 

IV.  —  Anatomie  pathologique. 

l"NoTE  SUR  UNE  PIÈCE  d'anatomie  PATHOLOGIQUE,  adressée puF  le  docteur  H. 
DuMo.NT  (de  la  Havane),  à  M.  le  président  de  la  Société  de  Biologie; 
par  M.  E.  Magitot, 

La  pièce  anatomique  qui  fait  l'objet  de  cette  communication  n'est 
accompagnée,  malheureusement,  d'aucune  note  explicative;  de  sorte 
que  nous  manquons  absolument,  pour  l'apprécier  dans  sa  signification 
bien  complète,  des  renseignements  touchant  les  conditions  diverses  dans 
lesquelles  se  trouvait  le  sujet,  la  nature  des  phénomènes  observés  pen- 
dant la  vie,  etc. 

La  pièce  consiste  dans  la  moitié  gauche  d'un  maxillaire  inférieur  ;  sa 
conformation  extérieure,  l'aspect  très-prononcé  des  inserticjis  muscu- 
laires et  des  diverses  saillies  osseuses,  permettent  d'établir  que  la  mâ- 
choire est  celle  d'un  homme  parvenu  au  moins  à  l'âge  adulte.  Le  tissu 
osseux  ne  paraît  avoir  éprouvé  aucune  altération  organique  de  sa  sub- 
stance ;  il  est  toutefois  utile  de  remarquer  que  l'angle  du  maxillaire 
semble  plus  obtus  qu'il  n'est  d'ordinaire.  Circonstances  qu'en  raison  de 
l'absence  de  la  moitié  opposée  de  l'os  et  de  la  privation  de  renseigne- 
ments, on  ne  saurait  cependant  attribuer  exactement  soit  à  un  caractère 
de  race,  soit  à  une  déformation  causée  par  la  lésion  dont  il  est  le  siège. 

La  face  externe  de  l'os  ne  présente  rien  de  particulier,  si  ce  n'est 
une  légère  saillie  au  niveau  de  la  place  ordinaire  des  grosses  molaires. 
Le  bord  supérieur  ou  alvéolaire  est  absolument  privé  de  dents  ;  les  in- 
cisives et  canines  ayant  été  détachées,  leurs  alvéoles  libres  n'oflrent  rien 
d'anormal;  les  deux  petites  molaires  sont  brisées  au  niveau  du  collet; 
au  delà  de  ces  dernières,  le  bord  du  maxillaire  est  libre  et  dépourvu 
de  toute  trace  de  dents. 

A  la  face  interne,  la  portion  d'os  qui  correspond  à  la  place  des  trois 
dernières  molaires  a  été  artificiellement  enlevée,  et  a  laissé  à  découvert 
une  cavité  osseuse  oblongue  d'avant  en  arrière,  mesurant  0'",035  de 
longueur  sur  0'",025  de  hauteur;  limitée  antérieurement  par  l'alvéole 
resté  intact  de  la  deuxième  petite  molaire  ,  et  répondant  en  arrière  à  la 
base  de  l'apophyse  corono'ïde;  elle  occupe  en  élévation  toute  la  hauteur 
du  maxillaire  lui-même,  et  a  pour  limite  inférieure  le  canal  dentaire 
qui  paraît  un  peu  comprimé  et  refoulé. 

Cette  loge,  qu'on  peut  regarder  comme  un  véritable  kyste  creusé  au 
sei«  même  de  l'os,  contient  trois  dents,  les  trois  grosses  molaires  im- 
plantées par  leurs  racines  dans  la  paroi  inférieure,  tandis  que  les  cou- 
ronnes libres  font  saillie  dans  la  cavité.  Ces  trois  dents  présentent  des 
caractères  normaux,  à  l'exception  de  racines  qui  sont  évidemment  fort 
C.  R.  9 


130 
courtes  et  atrophiées.  La  première  grosse  molaire  est  inclinée  en  arrière 
et  un  peu  en  dedans,  ses  racines  se  dirigeant  dans  la  portion  d'ossous- 
jacente  à  la  deuxième  petite  molaire  ;  la  deuxième  grosse  molaire  placée 
sur  un  plan  un  peu  inférieur  à  la  précédente,  se  dirige  en  avant  et  un 
peu  en  dedans;  la  troisième  molaire  ou  dent  de  sagesse  est  implantée 
à  la  base  même  de  Tapophyse  coronoïde,  et  dirigée  horizontalement 
d'arrière  en  avant. 

A  la  pièce  que  nous  venons  de  décrire,  étaient  joints  dans  le  même 
envoi  : 

1°  Un  fragment  du  maxillaire  supérieur  gauche  du  même  sujet.  Dans 
ce  fragment  était  restée  incluse  une  grosse  molaire  présentant  une 
incurvation  bizarre  des  racines ,  mais  sans  caractère  anormal  bien 
tranché  ; 

2°  Deux  dents  ne  présentant  rien  de  particulier. 

Co.NCLusioxs.  —  La  pièce  représente  un  exemple  d'anomalies  dentaires 
portant  sur  les  trois  grosses  molaires  gauches  d'un  maxillaire  inférieur, 
anomalies  consistant  en  une  déviation  double  de  siège  (hétérotopie)  et 
de  direction  ;  phénomènes  qui  ont  occasionné  au  sein  du  maxillaire  la 
production  d'un  kyste  où  sont  restées  incluses  les  dents  anomales. 
Ajoutons  que  la  cavité  du  kyste  sur  le  contenu  et  la  paroi  duquel  nous 
sommes  sans  renseignements  a  bien  pu  être  formée,  ainsi  que  nous 
l'avons  plusieurs  fois  observé,  par  le  développement  d'un  des  trois  fol- 
licules, la  membrane  du  kyste  étant  constituée  par  la  paroi  même  du 
follicule. 

2°  Productions  polypeuses  du  péricarde  chez  une  enfant  de  quatrk  ans  ; 
par  M.  Bouchard,  interne  des  hôpitaux. 

J'ai  trouvé  à  l'autopsie  d'une  petite  fille  de  quatre  ans,  morte  de 
bronchite  capillaire  survenue  dans  le  cours  d'une  coqueluche,  une  al- 
tération du  péricarde  dont  je  n'ai  retrouvé  nulle  part  la  description, 
mais  qui  peut  bien  avoir  été  confondue  jusqu'ici  avec  les  néo-mem- 
branes de  cette  séreuse,  et  qui  d'ailleurs  a  peut-être  comme  elles  une 
origine  inflammatoire.  Toutes  les  personnes  qui  ont  vu  cette  pièce  que 
je  présente  à  la  Société  ont  cru  au  premier  abord  avoir  affaire  à  des 
fausses  membranes  de  péricardile  ancienne.  Cependant  si  l'on  examine 
de  près  ces  productions  qui  siègent  exclusivement  à  la  partie  supé- 
rieure de  la  face  antérieure  du  feuillet  pariétal,  on  voit  quelles  sont 
constituées  par  un  nombre  considérable  de  villosités  grêles  et  allon- 
gées, toutes  indépendantes  les  unes  des  autres  de  longueur  variable 
comprise  entre  un  millimètre  et  un  centimètre  et  demi,  légèrement 
aplaties,  d'une  largeur  de  un  quart  de  millimètre  à  deux  millimètres, 


131 
adhérant  à  la  lace  interne  du  péricarde  par  un  pédicule  en  général  trcs- 
grêle,  ne  dépassant  jamais  la  largeur  de  la  villosité  et  souvent  beau- 
coup plus  étroit  qu'elle.  Quelques-uns  de  ces  pédicules  sont  à  peine 
visibles  et  ne  dépassent  guère  un  à  deux  dixièmes  de  millimètre  dans 
leur  dimension  transversale.  Quand  on  étale  ces  végétations  et  qu'on 
les  examine  au  microscope  ou  à  la  loupe,  on  voit  que  leurs  bords  sont 
comme  frangés,  présentant  de  distance  en  distance  de  petits  appen- 
dices filiformes  qui  eux-mêmes  peuvent  porter  d'autres  prolongements 
de  second  ordre. 

Le  tissu  de  ces  petits  polypes  est  d'un  blanc  mat,  assez  résistant,  de- 
venant transparent  et  se  rétractant  un  peu  par  l'action  de  l'acide  acé- 
tique. Au  microscope  il  se  montre  exclusivement  constitué  par  du  tissu 
conjonctif,  noyaux  et  corps  fusiformes.  Chacune  de  ces  productions 
polypeuses  renferme  à  son  centre,  dirigés  dans  le  sens  de  l'axe  longi- 
tudinal, deux  ou  quatre  capillaires  qui  se  continuent  avec  les  vaisseaux 
du  péricarde.  Ces  polypes  ne  présentent  aucun  revêtement  épithélial, 
tandis  que  tout  autour  la  séreuse,  entre  les  points  d'implantation  des 
pédicules,  offre  une  couche  normale  d'épithélium  et  ne  montre,  à  l'œil 
nu,  comme  au  microscope,  aucune  altération  appréciable.  Le  cœur,  dans 
les  points  qui  sont  en  rapport  avec  la  production  que  je  viens  de  dé- 
crire, ne  présente  d'ailleurs  aucune  trace  de  péricardite  ancienne  ou 
récente,  ce  qui  rend  peu  probable  cette  hypothèse  que  nous  aurions 
eu  affaire  à  des  tractus  pseudo-membraneux  qui  se  seraient  rompus.  Je 
dois  dire  toutefois  que,  vers  la  partie  inférieure  de  sa  face  antérieure, 
le  péricarde  viscéral  présentait  une  petite  plaque  laiteuse  de  la  largeur 
d'une  lentille. 

L'altération  anatomique  qui  a  fait  le  sujet  de  cette  note  pouvait-elle 
se  révéler  pendant  la  vie  et  a-t-ello  donné  lieu  à  quelque  particularité 
stéthoscopique?  J'avoue  que  cette  question  me  trouve  complètement 
indécis  et  que  je  serais  tenté  même  de  répondre  par  la  négative.  En 
effet,  lorsque  cette  enfant  a  été  admise  à  Thôpital  Sainte-Eugénie,  elle 
était  déjà  dans  un  état  fort  grave  auquel  elle  a  succombé  deux  jours 
après.  Des  caillots  fibrineux  stratifiés  très-volumineux  révélés  par  l'au- 
topsie obstruaient  le  cœur  gauche  et  gênaient  considérablement  la  cir- 
culation et  la  respiration.  Le  pouls  battait  152  fois  par  minute,  et  dans 
le  môme  temps  j"ai  pu  compter  jusqu'à  120  mouvements  respiratoires. 
Des  râles  muqueux  et  sous-crépitants  abondants  ajoutaient  encore  à  la 
difficulté  que  présentait  l'auscultation  du  cœur.  J'ai  cependant  constaté 
vers  la  base  du  cœur  un  double  bruit  analogue  aux  bruits  de  piaule- 
ment qui,  bien  que  différent  par  le  timbre  des  souffles  et  des  frotte- 
ments péricardiques,  m'a  semblé  co'incider  avec  les  deux  mouvements 
du  cœur.  Mais  même  en  admettant  que  ce  fût  là  un  bruit  cardiaque. 


ti'était-il  pas  plutôt  le  résultat  de  l'obstruction  si  considérable  apportée 
par  les  caillots  à  l'écoulement  du  sang  par  les  orifices?  En  tout  cas  ce 
bruit  de  piaulement  avait  complètement  disparu  vingt-quatre  heures 
après  le  premier  examen;  et  cette  circonstance  me  semble  déposer  en- 
core en  faveur  de  la  dernière  hypothèse,  car  dans  cet  intervalle  de 
temps  les  caillots  avaient  pu  changer  de  forme,  mais  l'altération  du  pé- 
ricarde n'avait  certainement  pas  pu  se  modifier. 

V,  —  ANATOMIE  PATHOLOGIQUE   COMPARÉE. 
Etude  sur  les  altérations  axatomiques  de  la  pneumonie  chez  le  cheval 

ET  CHEZ  LE  CHIEN,  COMPARÉES  A  CELLES  DE  LA  PNEUMONIE  CHEZ  l'uOMME  ; 

par  MM.  Trasbot,  chef  de  service  à  Alfort,  et  le  docteur  V.  Cornil. 

Les  deux  faits  que  nous  rapportons  ici,  dont  l'un  a  trait  à  une  pneu- 
monie spontanée  du  cheval,  et  l'autre  à  une  pneumonie  produite  artifi- 
ciellement chez  un  chien  par  une  injection  d'essence  de  térébenthine, 
démontrent  bien  nettement  l'identité  de  la  première  avec  la  pneumonie 
fibrineuse  de  l'homme,  et  celle  de  la  seconde  avec  la  pneumonie  lobu- 
laire  ou  catarrhale.  Dans  les  deux  cas,  l'altération  siégeait  dans  l'inté- 
rieur des  alvéoles  pulmonaires  et  était  caractérisée  par  un  épanchement 
de  fibrine  et  une  production  exagérée  de  leucocythes  dans  la  pneumo- 
nie du  cheval,  et  par  une  formation  exagérée  de  cellules  épithéliales  et 
de  leucocythes  dans  la  pneumonie  artificielle  du  chien. 

Obs.  L  —  Cheval  entier,  sous  poil  gris  clair,  de  la  taille  de  l'^jSO, 
âgé  de  9  ans,  propre  au  gros  trait;  entré  à  l'Ecole  le  19  mai  pour  être 
traité  d'une  arthrite  à  la  tempe  droite;  sacrifié  le  14  juillet. 

Le  9  juillet,  ce  cheval,  qui,  lesjours  précédents,  mangeait  avec  beau- 
coup d'appétit,  parut  plus  triste  que  d'habitude;  il  se  tenait  au  bout  de 
sa  longe,  la  tête  inclinée  sur  le  sol,  les  paupières  à  demi  fermées;  les 
conjonctives  étaient  légèrement  injectées,  unjetage  très-fiuide,  de  cou- 
leur jaunâtre,  tout  à  fait  semblable  à  de  la  bile,  s'écoulait  par  les  deux 
narines;  une  toux  forte,  quinteuse,  se  faisait  entendre  fréquemment; 
l'appétit  était  diminué. 

Après  un  traitement  assez  actif,  qui  consista  en  purgations  au  sulfate 
de  soude  et  une  saignée,  le  cheval  fut  abandonné  et  tué  le  14  juillet  1865. 

A  l'ouverture  de  la  poitrine,  le  poumon  droit  était  hépatisé  dans  pres- 
que toute  son  étendue,  le  bord  dorsal  seul  de  ce  lobe  était  sain.  Sur  une 
coupe  longitudinale,  qui  intéressait  toute  l'épaisseur  du  poumon  droit, 
la  partie  supérieure  était  saine  dans  une  épaisseur  de  4  ou  5  centimè- 
tres environ;  tout  le  reste  était  dur  et  hépatisé. 

La  trachée  contenait  en  grande  quantité  de  la  sérosité  en  partie  coa- 


133 

gulée  ;  un  caillot  jaunâtre,  de  50  centimètres  de  long  sur  4  environ  d'é- 
paisseur, s'échappa  de  son  intérieur  lors  de  son  incision. 

Examen  microscopique  fait  le  IG  juillet.  —  Le  poumon  est  hépatisé,  as- 
sez dense,  plus  lourd  que  l'eau,  non  crépitant.  Sur  une  surface  de  sec- 
tion il  présente  une  coloration  blanc  grisâtre  uniforme  sur  laquelle  tran- 
chent des  îlots  rouges.  Dans  ces  dernières  portions,  on  voit  à  l'œil  nu, 
ou  mieux  à  la  loupe,  de  très-fines  granulations,  ou  plutôt  une  surface 
granuleuse. 

En  raclant  la  surface  de  section  des  parties  grises,  on  obtient  un  li- 
quide puriforme  qui,  examiné  au  microscope,  renferme  :  1"  des  leuco- 
cythes  en  quantité  considérable  qui  sont  beaucoup  plus  petits  que  chez 
l'homme  et  mesurent  0'",005  à  0'",006.  Ils  sont  finement  granuleux  et 
présentent,  après  l'addition  d'eau  et  d'acide  acétique,  deux,  trois,  ou 
même  un  plus  grand  nombre  de  petits  noyaux  brillants  ;  2°  des  globules 
rouges  qui  sont  également  de  moitié  plus  petits  que  ceux  de  l'homme 
et  mesurent  0",003  à  0'",0Û4  ;  3°  des  cellules  cylindriques  à  cils  vibra- 
tiles  très-longues  possédant  un  seul  noyau  provenant  des  bronches. 

Après  que  la  pièce  eut  été  durcie  par  une  macération  de  quarante- 
huit  heures  dans  l'acide  chromique,  elle  fut  examinée  sur  des  coupes 
fines.  Avec  un  grossissement  de  80  diamètres,  on  vit  les  alvéoles  pul- 
monaires remplis  par  un  contenu  qui  paraissait,  à  ce  faible  grossisse- 
ment, formé  de  granulations.  Les  cloisons  qui  circonscrivaient  les  al- 
véoles montraient  partout  des  vaisseaux  capillaires  remplis  de  sang.  Ces 
cloisons  étaient  très-minces.  Les  alvéoles  pulmonaires  elles-mêmes,  qui 
avaient  une  forme  sphérique  ou  polyédrique  à  angles  mousses,  mesu- 
raient 0"',055  à  O^jOOS.  11  y  avait  des  lobules  où  les  alvéoles  étaient 
plus  remplis  que  les  lobules  voisins  dont  les  alvéoles  n'étaient  pas  aussi 
distendus.  Les  portions  rouges  et  très-hyperémiées  à  l'œil  nu  présen- 
taient aussi  des  cellules  aériennes  remplies  d'éléments  ayant  conservé 
leur  couleur  jaune  rouge. 

Avec  un  plus  fort  grossissement  (300  diamètres),  les  alvéoles  dont 
les  parois  minces  sont  formées  de  tissu  élastique,  sont  remplis  par  des 
leucocythes  très-nombreux  enfermés  dans  un  mince  réseau  de  fibrilles 
extrêmement  déliées  qui  sont  composées  par  de  la  fibrine  à  l'état  fibril- 
laire.  Dans  les  portions  rouges  on  trouve  des  alvéoles  qui  sont  remplis 
de  fibrine,  de  globules  rouges  du  sang  et  de  grandes  cellules  du  pou- 
mon devenues  vésiculeuses. 

Les  petites  bronches,  observées  soit  sur  des  coupes  longitudinales, 
soit  sur  des  coupes  transversales  dans  les  mêmes  préparations,  sont 
également  remplies  de  produits  nouveaux.  Elles  sont  tapissées  par  une 
ou  plusieurs  couches  de  grandes  cellules  cylindriques  à  cils  vibratils, 
et  leur  canal  est  rempli  par  des  leucocytes  et  de  la  fibrine. 


134 

La  plèvre  est  très-épaissie  et  mesure  près  d'un  millimètre  en  épais- 
seur. Etudiée  sur  des  coupes  minces,  on  voit  que  sa  limite  à  la  surface 
du  poumon  est  conservée  intacte  et  qu'elle  renferme  de  très-nombreux 
leucocytes  et  des  noyaux  dans  l'épaisseur  de  son  tissu. 

Cette  pneumonie  du  cheval  ne  différait  donc  de  la  pneumonie  fibri- 
neuse  de  l'homme  que  par  le  volume  plus  petit  des  leucocytes  et  des 
alvéoles  pulmonaires.  Chez  l'homme,  en  effet,  les  alvéoles  mesurent 
O^jlS  à  0"',02,  et  lorsqu'ils  sont  remplis  parla  fibrine  et  les  leucocytes, 
ils  paraissent  à  l'œil  nu  sous  forme  de  granulations.  Chez  le  cheval  ces 
granulations  ne  peuvent  être  bien  vues  qu'avec  la  loupe  parce  que  les 
alvéoles  sont  plus  petits  que  O"",!. 

Obs.  II.  —  Expérience  faite  le  13  juillet  1865  sur  un  chien  braque  de 
8  mois,  de  taille  au-dessous  de  la  moyenne;  une  incision  fut  faite  à  la 
trachée,  à  la  partie  inférieure  du  cou,  et  l'on  injecta  par  l'ouverture, 
avec  une  seringue,  3  grammes  d'essence  de  térébenthine  dans  le  pou- 
mon. 

Aussitôt  l'opération  terminée,  le  patient  pousse  des  cris  plaintifs,  se 
débat  et  paraît  suffoqué  par  la  petite  quantité  du  liquide  irritant.  Mis 
en  liberté  dans  le  cabinet  d'expériences,  il  cherche  à  fuir;  mais  la  dys- 
pnée qui  l'accable  l'arrête  bientôt,  il  se  roule,  s'agite,  ouvre  la  gueule 
et  paraît  sur  le  point  d'asphyxier.  Après  cette  première  crise  il  se  relève, 
cesse  ses  cris,  se  couche  sur  le  train  postérieur,  l'antérieur  étant  main- 
tenu debout,  la  tête  fortement  abaissée  entre  les  deux  pattes,  le  regard 
morne  et  fixe. 

La  respiration  est  très-irrégulière,  fortement  accélérée,  les  battements 
du  cœur  sont  forts,  le  pouls  est  vite  et  plein.  L'animal  tremble  et  se 
plaint  beaucoup. 

Placé  dans  un  endroit  frais  du  chenil  où  il  reste  jusqu'au  17  juillet, 
le  chien,  durant  le  jour,  se  couche  tantôt  en  cercle  ou  tantôt  se  main- 
tient appuyé  sur  l'arrière-train.  Il  tremble  continuellement,  ouvre  la 
gueule,  salive  beaucoup  et  vomit  par  intervalles. 

Vers  le  soir,  toute  la  région  costale  de  chaque  côté,  les  épaules  et  la 
partie  inférieure  du  cou  sont  le  siège  d'un  emphysème  sous-cutané 
considérable,  conséquence  de  la  trachéotomie.  Cet  accident  ne  permet 
pas  de  se  rendre  compte  de  ce  qui  se  passe  dans  la  poitrine;  l'ausculta- 
tion ne  donne  aucun  renseignement  sur  l'état  du  poumon,  elle  ne  fait 
entendre  que  la  crépitation  de  l'air  infiltré  dans  le  tissu  cellulaire  si 
abondant  sous  le  tégument  cutané  du  chien. 

Le  lendemain  14  et  les  jours  suivants,  même  état  de  l'animal,  à  part 
les  vomissements  qui  ne  se  renouvellent  plus  et  la  respiration  qui  est 
moins  pénible. 


135 
Le  17  au  matin,  l'animal  est  tué  par  effusion  de  sang.  A  l'ouverture 
de  la  poitrine,  on  trouve  une  portion  du  poumon  droit  hépatisée  avec  sa 
teinte  foncée  noirâtre  qui  contraste  avec  le  reste  du  poumon  resté  par- 
faitement sain.  Les  plèvres,  les  membranes  et  les  cavités  du  cœur  n'of- 
frent rien  de  particulier. 

L'examen  nécropsique,  continué  dans  les  autres  cavités  splanchni- 
ques,  n'a  rien  fait  constater  d'anormal. 

Une  partie  du  poumon  ayant  environ  le  volume  d'une  petite  noix,  était 
liépatisée  et  privée  d'air.  Elle  se  montrait  à  la  surface  de  la  plèvre  où 
elle  faisait  saillie,  et  tranchait  par  sa  couleur  rouge  tandis  que  le  reste 
du  poumon  était  complètement  sain,  mou,  et  de  couleur  blanc  rosé. 

Sur  une  coupe  de  la  partie  malade,  on  voyait  à  sa  périphérie  une  zone 
d'un  rouge  sombre,  et  au  centre  plusieurs  îlots  réunis  ou  isolés  de  colo- 
ration gris-jaunâtre  et  opaques.  La  zone  périphérique  donnait  par  le  ra- 
clage un  liquide  trouble  et  rouge;  la  partie  centrale  un  liquide  puriforme 
de  couleur  gris  jaunâtre. 

Le  premier,  examiné  au  microscope,  montrait  une  grande  quantité  de 
corpuscules  rouges,  qui,  plus  petits  que  ceux  de  l'homme  et  plus  grands 
que  ceux  du  cheval,  mesuraient  O^jOÛô,  de  grosses  cellules  sphériques  et 
distendues,  colorées  en  rouge  par  l'hématine,  et  contenant  du  pigment 
de  0'",012  à  O^jOlB  de  diamètre,  et  des  leucocytes  en  petit  nombre. 

Ces  leucocytes,  plus  gros  que  ceux  du  cheval  et  moindres  que  ceux 
de  l'homme,  mesurent  O^jOOG  à  0",007;  ils  présentent  leur  réaction  ca- 
ractéristique avec  l'acide  acétique.  Us  sont  beaucoup  plus  nombreux 
dans  le  liquide  puriforme  jaunâtre  du  centre  du  noyau  hépatisé.  Dans 
ce  liquide  on  trouve  en  outre  une  grande  quantité  de  grosses  cellules 
sphériques  distendues  mesurant  0"',012  à  0"',015  qui  contiennent  des 
granulations  protéiques  et  graisseuses.  Beaucoup  de  ces  grosses  cellules 
contiennent  deux,  trois  ou  un  plus  grand  nombre  de  noyaux  ou  même 
des  leucocytes  qui  sont  parfois  libres  dans  une  cavité  creusée  au  cen- 
tre de  la  cellule  devenue  vésiculeuse. 

La  partie  hépatisée  durcie  dans  l'acide  chromique  fut  examinée  deux 
jours  après  au  moyen  de  coupes  minces.  Dans  la  zone  périphérique  les 
alvéoles  pulmonaires  étaient  incomplètement  remplis  par  des  grosses 
cellules  colorées  par  le  pigment  sanguin,  mentionnées  plus  haut,  des 
leucocytes  et  des  globules  de  sang.  Les  îlots  iobulaires  jaunes  présen- 
taient sur  des  coupes  les  alvéoles  pulmonaires  complètement  remplis 
et  distendus  par  des  leucocytes  et  les  cellules  distendues  granuleuses, 
ou  contenant  plusieurs  noyaux  et  leucocytes  (cellules  mères).  Les  al- 
véoles mesuraient  0",03  àO°',05;  ils  étaient  par  conséquent  de  beaucoup 
plus  petits  que  ceux  du  cheval  et  de  l'homme.  Leurs  cloisons  n'étaient 
pas  non  plus  épaissies. 


136 

Les  bronches  qu'a  priori  on  aurait  pu  croire  très-malades,  puisque 
l'agent  irritant  avait  été  introduit  dans  leur  cavité,  furent  ouvertes;  les 
grosses  bronches  présentaient  une  surface  hsse  et  blanche,  sans  vascu- 
larisation.  Dans  la  partie  malade,  on  voyait  sortir  des  petites  bronches 
qui  s'y  rendaient  des  coagulations  qui  les  remplissaient  complètement 
et  adhéraient  à  leur  surface.  Ces  coagulations  de  couleur  rouge  étaient 
composées  des  grosses  cellules  et  des  leucocytes  déjà  décrits  situés  au 
milieu  d'un  coagulum  fibrillaire  qui  n'était  pas  modifié  par  l'acide  acé- 
tique. Ce  n'était  donc  pas  de  la  fibrine,  mais  très-probablement  de  la 
mucine. 

Cette  pneumonie  artificielle  représente  exactement,  sauf  la  grosseur 
des  leucocytes  et  des  alvéoles  pulmonaires,  l'anatomie  pathologique  de 
la  pneumonie  lobulaire  de  Ihomme.  Le  siège  de  la  production  morbide 
était  aussi  l'intérieur  des  alvéoles  pulmonaires. 

VL  —  Physiologie  expérimentale 
Contributions  a  l'étude  des  venins;  par  M.  Paul  Bert. 

{5  L  —  Venin  de  scorpion.  —Les  scorpions  avec  le  venin  desquels  ont 
été  faites  sur  des  grenouilles  les  expériences  que  je  vais  rapporter,  ap- 
partiennent à  l'espèce  Se.  occitanus. 

Je  les  dois  à  l'obligeance  de  mon  ami  M.  le  docteur  Léon  Vaillant, 
qui  les  a  pris  en  Egypte,  à  Suez,  pendant  l'hiver  (janvier-avril)  de  1864; 
tués,  puis  desséchés  immédiatement  au  soleil,  ces  animaux  ont  été  en- 
fermés dans  un  flacon  bien  bouché.  Leur  venin  a  ainsi  gardé  jusqu'à  ce 
jour  des  propriétés  toxiques  fort  énergiques. 

En  effet,  la  vésicule  caudale  d'un  scorpion  de  0'",06  à  0"',07  contient 
en  moyenne  assez  de  venin  pour  tuer  rapidement  deux  ou  trois  gre- 
nouilles. Le  procédé  employé  dans  les  expériences  est  des  plus  simples  ; 
il  consiste  à  introduire  sous  la  peau  de  la  grenouille  une  partie  d'une 
vésicule,  qui  s'humecte  et  dont  la  matière  active,  dissoute,  est  rapide- 
ment absorbée. 

L'action  locale  du  venin  paraît  se  réduire  à  une  douleur  assez  faible  ; 
il  n'y  a  du  reste  aucune  enflure. 

Au  bout  d'une  heure  environ,  quelquefois  plus,  rarement  moins,  la 
grenouille  éprouve  des  convulsions  cloniques  très-comparables  à  celles 
de  la  strychnine  ;  les  jambes  sont  fortement  tendues,  les  bras  aussi, 
avec  prédominance  de  l'action  du  triceps  sur  les  pectoraux  ;  le  corps 
se  roidit  jusqu'à  présenter  une  concavité  sur  sa  face  dorsale.  Ces  con- 
vulsions semblent  douloureuses,  car  j'ai  entendu  une  grenouille  pousser 
des  cris  quand  elles  se  produisaient. 

Ces  convulsions  se  répètent  à  plusieurs  reprises,  par  séries  que  se- 


13 


parent  des  intervalles  de  calme  ;  dans  ces  intervalles,  il  est  mani- 
feste que  la  sensibilité  est  conservée,  mais  déjà  l'animal  paraît  beau- 
coup moins  dii^posé  à  fuir  ou  capable  de  fuir  la  douleur. 

Pendant  les  périodes  de  calme,  les  excitations  môme  violentes,  sont 
incapables  de  ramener  les  convulsions;  au  contraire,  on  les  obtient  as- 
sez facilement  à  volonté  quand  on  agit  au  milieu  d'une  série.  Il  y  a  là 
une  différence  notable  avec  les  convulsions  de  la  strychnine. 

Ces  convulsions  peuvent  être  très-faibles,  et  quelquefois  manquer 
dans  des  conditions  qui  n'ont  pas  encore  été  déterminées  ;  probable- 
ment, dans  ces  cas,  la  dose  du  poison  a  été  trop  considérable.  C'est  ce 
qui  arrive  du  reste  dans  les  empoisonnements  strychniques. 

Quand  elles  se  répètent  par  séries,  ces  séries  sont  de  moins  en  moins 
fortes,  leurs  intervalles  de  plus  en  plus  courts,  et  l'animal  meurt  tantôt 
dans  l'extension,  tantôt  dans  le  relâchement. 

Si  l'on  a  mis  le  cœur  à  découvert,  il  est  facile  de  constater  qu'aux 
premières  convulsions  de  chaque  série,  il  s'arrête  en  diastole,  l'espace 
de  deux  ou  trois  pulsations,  quelquefois  plus. 

Au  moment  où  tout  signe  de  sensibilité  a  disparu,  le  cœur  bat  en- 
core, et  quand  il  s'arrête  ensuite  il  peut  être  quelques  instants  ranimé 
par  l'excitation  directe. 

Le  sang  qu'il  contient  ne  paraît  nullement  altéré  ;  il  se  coagule,  ses 
globules  sont  normaux.  Dans  un  cas,  je  l'ai  vu  très-noir,  mais  rougis- 
sant au  contact  de  l'air. 

Les  cœurs  lymphatiques  cessent  de  battre  à  peu  près  au  moment  de 
la  paralysie  générale.  Cette  paralysie  est  ascendante  ;  les  muscles  des 
yeux  témoignent  les  derniers  de  la  sensibilité  de  l'animal  que  l'on 
pince  en  quelque  endroit  du  corps. 

Tandis  que  le  cœur  bat  encore,  les  muscles  interrogés  par  l'électri- 
cité, se  contractent;  mais  leur  contractilité  est  moindre  qu'elle  ne 
l'était  avant  l'empoisonnement.  Les  nerfs  moteurs,  au  contraire,  restent 
insensibles  à  de  très-forts  courants  d'induction. 

Si  on  lie  tout  un  membre  postérieur,  en  n'épargnant  que  les  nerfs  qui 
s'y  rendent,  les  convulsions  y  apparaissent  comme  dans  l'autre  membre  ; 
mais  le  sciatique  de  ce  côté  conserve  ses  propriétés  motrices,  tandis 
qu'elles  sont  perdues  du  côté  où  le  sang  chargé  de  venin  peut  pénétrer 
jusqu'aux  extrémités  nerveuses. 

Inversement,  si  l'on  coupe  un  des  nerfs  sciatiques  tout  étant  inlact 
du  reste,  les  muscles  auxquels  se  distribue  ce  nerf  sont  seuls  épargnés 
parles  convulsions;  mais  les  propriétés  motrices  disparaissent  chez  lui 
comme  chez  les  autres. 

La  section  de  la  moelle  épinière  entre  les  deux  paires  de  membres 
n'empêche  pas  les  convulsions  des  membres  postérieurs;  seulement 


138 

elles  ne  sont  pas  synclnones  avec  celles  des  membres  antérieurs.  L'ac- 
tion du  venin  est  donc  portée  sur  toute  l'étendue  de  la  moelle  épinière. 

Il  paraît  donc  résulter  de  ces  expériences,  que  je  varierai  et  multi- 
plierai, que  le  venin  de  scorpion  est  un  poison  des  nerfs  et  qu'il  tue 
spécialement  le  nerf  moteur  en  portant  son  action  sur  son  extrémité 
périphérique,  comme  le  fait  le  curare.  Comme  le  curare  encore,  il  sem- 
ble qu'il  laisse  intacte  la  sensibilité;  comme  lui,  il  agit  peu  ou  point 
sur  le  sang,  le  cœur,  les  muscles.  Mais  il  excite,  au  contraire  du  curare, 
des  convulsions  violentes,  comparables  à  celles  de  la  strychnine,  qui 
sont  dues  à  une  action  sur  toute  l'étendue  de  la  moelle  épinière.  Il  me 
reste,  entre  autres  questions  à  élucider,  celle  de  savoir  si  ces  convul- 
sions sont  dues  à  une  excitation  directe  de  la  moelle  épinière  ou  à  une 
exagération  de  la  sensibilité,  ce  qui  est  peu  probable,  puisqu'elles  ne 
sont  pas  excitables  à  volonté. 

§  II.  —  Venin  d'abeille  xylocope  (Apis  nolacea,  Linn.)  —  Le  venin 
de  Xylocope  possède  une  action  énergique  ;  les  piqûres  faites  par  deux 
de  ces  insectes,  et  dans  des  conditions  assez  défavorables,  à  un  jeune 
moineau,  suffisent  pour  le  tuer  en  trois  heures;  mais  les  grenouilles, 
même  en  la  saison  d'été,  sont  assez  peu  sensibles  à  ce  venin  ;  une  dou^ 
zaine  de  ces  grosses  abeilles  piquant  en  plein  muscle,  la  peau  enlevée, 
ne  peuvent  tuer  une  grenouille  qu'en  quatre  heures  et  demie  au  moins. 

Sur  tous  ces  animaux,  les  symptômes  sont  identiques  : 

Douleur  vive,  ecchymoses  et  lividité  locales,  difficulté  ou  même  im- 
possibilité pour  l'animal  de  se  servir  du  muscle  piqué; 

Ralentissement  lent  et  progressif  des  mouvements;  pas  de  convul- 
sions, pas  d'agitations;  l'animal  peu  à  peu  se  paralyse  et  agit  de  moins 
en  moins  lorsqu'on  l'excite,  tout  en  paraissant  conserver  jusqu'à  son 
dernier  mouvement  son  intelligence  et  sa  sensibilité.  Les  mouvements 
respiratoires  deviennent  de  très-bonne  heure  lents  et  difficiles. 

Le  cœur  continue  à  battre;  la  respiration  s'arrête,  et  l'animal  meurt 
dans  la  flaccidité  la  plus  complète. 

Les  muscles  interrogés  par  l'électricité  se  contractent  encore,  hormis 
ceux  qui  ont  été  directement  touchés  par  le  venin;  les  nerfs  moteurs 
agissent  encore  sur  eux,  le  pneumo-gastrique  peut  arrêter  le  cœur.  On 
ne  peut  obtenir  de  mouvements  réflexes  dans  un  membre  en  excitant  le 
sciatique  du  côté  opposé  ;  mais  on  en  obtient  en  touchant  directement 
les  racines  spinales  postérieures. 

Au  reste,  ces  propriétés  des  muscles  et  des  nerfs  sont  déjà  fort  afi'ai- 
blies  quand  tout  mouvement  volontaire  a  cessé,  mais  elles  existent 
encore;  si,  en  effet,  au  moment  où  lanimal  peut  à  peine  remuer,  on 
l'empoisonne  avec  de  la  strychnine,  on  obtient  de  violentes  convul- 
sions. 


139 

Il  ne  semble  donc  pas  que  ce  venin  agisse  sur  le  système  musculaire 
et  le  système  nerveux  sensitif  ou  moteur. La  cause  prochaine  de  la  mort 
parait  être  l'asphyxie,  car  le  sang  est  noir  dans  les  vaisseaux.  En  rap- 
prochant ce  fait  de  la  difficulté  qu'éprouve  de  très-bonne  heure  l'ani- 
mal à  respirer,  on  pourrait  être  conduit  à  penser  que  le  venin  porte 
son  action  sur  cette  partie  des  centres  nerveux  qui  préside  aux  mouve- 
ments respiratoires. 

On  pourrait  encore  croire  que  le  venin  de  Xylocope  est  un  poison  du 
sang,  dont  il  altère  les  propriétés  physico-chimiques  ;  notons  cepen- 
dant que  le  sang  empoisonné  se  coagule,  et  d'autre  part  que  ces  glo- 
bules examinés  au  microscope  ne  présentent  rien  d'anormal. 

L'étude  chimique  de  ce  venin  présente  donc  un  grand  intérêt.  11  est 
malheureusement  difficile  de  s'en  procurer  une  quantité  suffisante  pour 
en  faire  un  examen  satisfaisant.  Voici  cependant  quelques  résultats  qui 
me  paraissent  présenter  un  certain  intérêt. 

Mis  en  contact  avec  la  pointe  de  la  langue,  sans  blessure,  le  venin 
de  Xylocope  présente  une  saveur  spéciale,  et  fait  éprouver  une  douleur 
assez  cuisante,  impressions  comparables,  mais  non  identiques,  à  celles 
que  donne  l'acide  formique;  la  dessiccation  ne  lui  enlève  point  ces  pro- 
priétés. 

Au  sortir  de  sa  glande,  c'est  un  liquide  limpide  qui  rougit  le  papier 
de  tournesol  à  la  manière  des  acides  faibles  et  de  certains  sels  à  base 
organique  ;  cette  acidité  tient  à  un  acide  fixe,  et  éloigne  par  conséquent 
l'idée  de  l'acide  formique. 

M.  Cloëz  ayant  eu  la  complaisance  d'examiner  une  petite  quantité 
de  cette  substance,  a  constaté  qu'en  s'évaporant  elle  forme  des  cristaux 
assez  mal  définis.  De  plus,  l'ammoniaque  en  précipite  une  matière  blan- 
châtre soluble  dans  les  acides,  le  tannin  y  forme  aussi  un  précipité 
blanc.  De  la  solution  acide  du  précipité  ammoniacal,  le  chlorure  de 
platine  précipite  une  matière  jaunâtre. 

Tous  ces  caractères  semblent  indiquer  la  présence  d'une  base  orga- 
nique unie  à  un  acide  inconnu,  non  volatil. 

VII.  —  Pathologie. 

Deux  observations  de  cancer  de  la  colonne    vertébrale  consécutif 
A  UN  cancer  du  sein;  par  M.  Cotard. 

Obs.  I.  —  Barbanton,  âgée  de  79  ans,  entre  à  l'infirmerie  le  15  mars 
1865. 

Point  de  renseignements,  on  sait  seulement  qu'elle  a  eu  de  vives 
douleurs  dans  les  reins  et  les  membres  inférieurs  avec  affaiblissement 
de  ces  derniers. 


140 

Actuellement  les  douleurs  ont  disparu,  la  malade  peut  exécuter  quel- 
ques mouvements;  elle  ne  peut  se  tenir  debout,  mais  on  n'en  peut  rien 
conclure,  vu  l'état  de  profonde  débilité  de  la  malade. 

Diarrhée  incoercible.  Mort. 

Cancer  colloïde  de  la  mamelle  constitué  par  une  trame  lamineuse 
de  la  matière  amorphe  et  un  grand  nombre  de  renflements  pynformes, 
analogues  à  des  culs-de-sac  glandulaires  remplis  de  noyaux  et  atta- 
chés par  leur  extrémité  à  des  tractus  de  tissu  lamineux. 

Petites  masses  cancéreuses  du  poumon  offrant  la  même  structure  que 
le  cancer  de  la  mamelle. 

Tumeur  cancéreuse  de  la  colonne  lombaire  développée  sur  le  corps 
de  la  troisième  vertèbre  lombaire.  Cette  tumeur,  du  volume  d'une 
grosse  noix,  s'est  développée  sur  la  partie  latérale  droite  du  corps  de  la 
vertèbre,  et  faisait  saillie  dans  la  cavité  abdominale. 

Le  corps  de  la  vertèbre  est  lui-même  cancéreux  et  affaissé.  Quelques 
tubercules  cancéreux  existent  dans  la  quatrième  vertèbre  lombaire. 

Ces  tumeurs  étaient  constituées  par  une  grande  quantité  de  noyaux 
sphériques  finement  granuleux  et  par  du  tissu  lamineux.  On  n'y  a  pas 
trouvé  de  cellules  cancéreuses, 

Obs.  II.  —  Vincent  (Séraphine),  69  ans,  entrée  le  22  mai  1865  à  la 
Salpêtrière,  service  de  M.  le  docteur  Charcot.  Cancer  ulcéré  du  sein 
gauche  qui  a  débuté  il  y  a  six  ans. 

Depuis  un  an,  douleurs  dans  les  seins  et  les  membres  inférieurs. 
Il  y  a  six  mois,  les  douleurs  ont  remonté  dans  le  dos  et  des  douleurs 
lancinantes  ont  apparu  dans  les  membres  inférieurs,  avec  engourdisse- 
ment des  doigts.  En  môme  temps  les  douleurs  des  membres  inférieurs 
se  sont  calmées. 

Diarrhée  incoercible.  Mort  le  16  juin  1865. 

La  colonne  vertébrale  présente  une  déviation  latérale  considérable 
avec  affaissement  des  corps  des  vertèbres  au  niveau  des  douzième 
dorsale,  première  et  deuxième  lombaires.  La  douzième  dorsale  et  la 
première  lombaire  sont  affaissées.  On  observe  des  masses  cancéreuses 
dans  toute  l'étendue  des  régions  dorsale  et  lombaire. 

Le  corps  de  la  première  dorsale  est  presque  entièrement  cancéreux. 

Ces  tumeurs  présentent  au  microscope  beaucoup  de  cellules  à  gros 
noyaux  et  quelques  cellules  à  noyaux  multiples  et  de  formes  variées. 

Pas  d'altération  notable  de  la  moelle. 

Atrophie  avec  hypergénèse  de  tissus  conjonctifs  des  nerfs  des  plaies 
lombaires.  Pas  d'altération  appréciable  des  tubes  nerveux. 

Cancer  secondaire  des  côtés  du  foie. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


m r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  LE  MOIS  D'AOUT   1865; 

Par  m.  le  Docteur  DUMONTPALLIER,  secrétaire. 


PRESIDENCE  DE  M.  RHYER. 


I.  —  Anatomie  pathologique. 

Note  sur  un  cas  de  dégénérescence  cireuse  ou  amyloïde  très -étendue 
(foie,  rate,  cœuR,  dure-mère,  etc.),  consécutif  a  une  pleurésie  chro- 
nique tuberculeuse;  par  M.  Duguet,  interne  des  hôpitaux. 

L'étude  des  altérations  des  tissus  est  poursuivie  aujourd'hui  dans 
chaque  maladie  avec  des  succès  variés.  Mais,  il  faut  le  dire,  elle  conduit 
bien  souvent  à  des  résultats  intéressants;  quelquefois  même  elle  jette 
un  jour  considérable  sur  des  faits  dont  les  éléments  disparates  auraient 
pu,  au  premier  abord,  sembler  entièrement  différents  les  uns  des  autres 
et  incapables  d'être  rapprochés. 

Tel  est  le  cas  de  l'observation  suivante,  où  nous  trouvons  :  une  pleu- 
résie chronique,  un  caillot  fibrineux  du  cœur  gauche,  une  pachyménin- 
gitc  interne  et  externe,  une  altération  des  principaux  viscères  comme 
le  foie,  la  rate;  lésions  multiples,  comme  on  le  voit,  entre  lesquelles  il 


142 

est  certainement  impossible,  à  première  vue,  de  saisir  le  moindre 
rapport. 

Nous  croyons  cependant,  d'après  l'examen  des  organes  et  des  tissus, 
ainsi  qu'on  pourra  s'en  convaincre  par  la  suite,  qu'il  existe  entre  ces 
lésions  un  lien  réel  et  même  un  lien  très-étroit. 

PLEURÉSIE    GAUCUE    PURULENTE;     OPÉRATION    DE    l'eMPYÈME;     MORT    AU    BOUT    DE 

PLUSIEURS  MOIS  ;  A  l'autopsie  et  a  l'aide  de  l'examen  histologique  ,  dégé- 
nérescence cireuse  ou  AMYL0ÏDE  CONSIDÉRABLE  DES  REINS,  DU  FOIE,  DE  LA 
rate,  du  cœur  (avec  CONCRÉTIONS  POLYPIFORMES  DU  COEUR  GAUCHE)  ET  DE  LA 
DURE-MÈRE  (aVEC   PACHYMÉNINGITE   INTERNE  ET  EXTERNE. 

Chemin  (Désirée),  âgée  de  5  ans,  est  couchée  depuis  le  30  janvier  1865, 
au  n"  34,  salle  Sainte-Catherine,  service  de  M.  Racle,  suppléé  par 
M.  J.  Simon,  à  l'hôpital  des  Enfants  malades. 

La  santé  de  cette  enfant  a  été  jusqu'il  y  a  deux  mois  à  peu  près  bonne. 
Son  père  est  mort  il  y  a  quelques  mois  d"une  maladie  de  poitrine  de 
longue  durée.  Tels  sont  les  détails  que  l'on  peut  recueillir  dans  les 
antécédents. 

Deux  mois  avant  son  entrée  à  l'hôpital  elle  fut  prise  de  toux  avec 
point  de  côté  à  gauche,  perte  d'appétit,  et  ce  fut  la  persistance  de  ces 
phénomènes  jointe  à  l'amaigrissement  progressif  qui  la  fit  amener  aux 
Enfants  malades. 

Le  5  février,  les  accidents  continuant  malgré  l'emploi  répété  des  vé- 
sicatoires  et  des  médicaments  internes,  le  cœur  étant  refoulé  sous  le 
sternum,  le  côlé  gauche  de  la  poitrine,  rempli  de  liquide,  M.  J.  Simon 
fit  la  thoracentèse,  ce  qui  donna  issue  à  500  grammes  de  pus. 

Il  s'ensuivit  les  jours  suivants  une  amélioration  notable  :  la  sonorité 
de  la  poitrine  reparut  avec  des  râles  et  un  souftle  doux. 

Le  13  février,  on  constate  la  reproduction  du  liquide  dans  le  tiers 
inférieur  du  côlé  gauche  ;  il  y  a  pâleur  et  faiblesse  excessives;  le  pouls 
esta  112.  Pas  de  diarrhée,  un  peu  d'appétit,  digestions  bonnes.  L'enfant 
se  couche  sur  le  côté  malade;  le  cœur  reste  toujours  dévié  à  droite. 

Le  14,  le  liquide  remplit  de  nouveau  toute  la  cavité  pleurale  gauche. 

Le  16,  on  constate  une  certaine  quantité  d'air  à  la  partie  supérieure. 
Succussion  hippocratique,  pas  de  tintement  métallique,  pas  de  souffle 
amphorique. 

Le  1"  mars  on  refait  la  ponction;  on  retire  250  grammes  de  pus.  In 
jections  d'eau  tiède  dans  la  poitrine.  En  arrière  et  en  haut  la  respira- 
tion est  presque  normale.  On  ne  perçoit  encore  ni  tintement  métallique 
ni  souffle  amphorique. 

Le  10,  l'enfant  maigrit  de  plus  en  plus,  la  fièvre  est  intense,  la  respi- 


143 

ration  des  plus  difficiles;  le  liquide  existe  toujours  en  aussi  grande 
quantité. 

Le  20,  l'oppression  augmentant  sans  cesse,  la  malade  est  en  immi- 
nence de  mort;  alors  on  pratique  Topération  de  lempyème  dans  le 
point  où  avait  été  pratiquée  antérieurement  la  thoracentèse,  c'est-à-dire 
dans  le  tiers  antérieur  du  sixième  espace  intercostal  gauche.  Il  s'échappe 
par  l'ouverture  un  liquide  séro-purulent  très-fétide,  mélangé  de  gaz  et 
projeté  avec  force  jusque  sur  le  lit  voisin.  Il  s'écoule  environ  300  gram- 
mes de  liquide,  mais  pendant  cet  écoulement  la  malade  pâlit  et  tombe 
en  syncope;  le  pouls  devient  imperceptible;  peu  à  peu  il  revient.  On 
introduit  dans  la  plaie  une  mèche  à  demeure. 

Le  21,  la  malade  sur  son  séant,  sans  oppression,  présente  une  phy- 
sionomie assez  bonne;  son  pouls  est  bien  développé.  Il  s'écoule  par  la 
fistule  thoracique  une  petite  quantité  de  liquide  purulent,  fétide;  on 
pratique  une  injection  de  teinture  d'iode  étendue  de  neuf  fois  son  vo- 
lume d'eau  environ. 

Le  22,  la  nuit  a  été  tranquille,  le  faciès  est  bon  ;  il  y  a  peu  d'oppres- 
sion; pouls  120;  appétit  modéré;  pas  de  diarrhée;  mèche  à  demeure. 

A  l'auscultation,  en  arrière,  on  entend  le  murmure  vésiculaire  assez 
rapproché  de  l'oreille.  La  sonorité  à  la  percussion  est  exagérée  dans 
toute  l'étendue  de  la  poitrine.  En  avant  il  est  facile  de  constater  un 
retrait  de  la  poitrine  du  côté  malade.  Le  cœur,  un  peu  moins  dévié  à 
droite,  paraît  en  arrière  du  sternum. 

Le  24  mars,  l'enfant  est  prise  de  rougeole  ;  on  continue  les  injections 
d'eau  tiède  tous  les  jours  dans  la  poitrine,  avec  une  petite  quantité  de 
teinture  d'iode  (1). 

L'enfant,  guérie  de  sa  rougeole,  reste  jusqu'au  mois  d'août,  époque  à 
laquelle  M.  Bouchut  prend  le  service  de  la  salle  Sainte-Catherine,  dans 
un  état  qui  change  peu. 

Son  visage,  à  ce  moment,  est  celui  d'un  vieillard,  tant  la  maigreur 
est  grande;  ses  bras,  ses  jambes,  tout  le  reste  du  corps  présentent  le 
même  degré  d'émaciation.  Le  côté  gauche  du  thorax  sur  lequel  la  ma- 
lade reste  toujours  couchée  et  comme  recoquevillée  est  très-dispro- 
portionné par  rapport  au  côté  droit.  Les  côtes  ne  forment  plus  de  vous- 
sure en  avant;  elles  présentent,  au  contraire,  une  surface  presque 
plane  :  les  espaces  intercostaux  sont  à  peine  reconnaissables  au  tou- 
cher, sauf  le  premier  et  le  deuxième  qui  existent  encore  ;  dans  le 
sixième  se  trouve  l'ouverture  de  l'empyème,  longue  de  2  centimètres 


(1)  Nous  devons  la  plupart  de  ces  détails  à  l'extrême  obligeance  de 
M.  le  docteur  J.  Simon,  médecin  des  hôpitaux. 


144 
environ,  large  de  1  à  2  millimètres  et  limitée  dans  ce  sens  par  deux 
bords  costaux.  Il  en  sort  un  liquide  puriforme  séro-caséeux,  mélangé 
de  bulles  de  gaz  fétide.  Les  lèvres  de  la  plaie  sont  rougeâtres;  d'ailleurs 
la  peau  de  la  poitrine  présente  des  veines  développées  sous  forme  de 
cordon  bleuâtre  à  droite  et  à  gauche. 

En  arrière,  le  côté  gauche  est  également  très-déprimé;  la  gouttière 
vertébrale  est  creusée  profondément.  Le  plan  postérieur  est  uni  au 
plan  antérieur  par  un  plan  latéral  très-court  et  angulaire,  tandis  qu'à 
droite  la  courbe  est  plus  étendue  et  régulière. 

A  la  percussion,  sonorité  tympanique  de  tout  le  côté  gauche  ;  sonorité 
normale  à  droite.  A  l'auscultation,  aucun  bruit  à  gauche;  murmure 
vésiculaire  normal  à  droite,  au  moins  autant  que  permettent  de  le  per- 
cevoir l'indocilité  et  les  cris  de  la  malade. 

Le  cœur,  sous  le  sternum,  bat  normalement;  mais  son  choc  est  faible, 
et  ses  bruits  sont  clairs  et  peu  intenses.  Le  pouls  est  très-petit,  assez 
fréquent,  régulier. 

Le  foie  ne  déborde  pas  les  fausses  côtes,  non  plus  que  la  rate,  qui 
paraît  au  contraire  profondément  située.  D'ailleurs  le  ventre  est  plutôt 
rétracté  que  ballonné,  sans  taches. 

Rien  de  notable  du  côté  des  sens  ni  du  système  nerveux;  rien  non 
plus  du  côté  musculaire,  à  part  Témaciation  indiquée  ;  l'appétit  est 
très-modéré,  souvent  nul  ;  la  diarrhée  assez  rare.  L'enfant  prend  de 
l'eau  vineuse,  des  bouillons  et  des  potages,  quelquefois  un  peu  de 
viande. 

Chaque  jour  on  répète  les  injections  d'eau  iodée;  on  introduit  avec 
une  sonde  en  gomme  élastique,  environ  300  grammes  de  liquide  conte- 
nant un  dixième  de  teinture  d'iode.  Quand  la  cavité  est  remplie,  l'en- 
fant tousse,  d'une  toux  sèche,  et  se  plaint,  et  quand  on  retire  la  canule, 
les  efforts  de  la  malade  font  projeter  jusque  sur  le  parquet  un  liquide 
purulent  mêlé  de  grumeaux  blancs  comme  du  fromage  et  infects.  Ajou- 
tons que  pour  introduire  facilement  la  canule  il  faut  la  pousser,  non  per- 
pendiculairement à  la  paroi  thoracique,  mais  très-obliquement  en  haut, 
entre  les  deux  feuillets  de  la  plèvre,  pour  ne  pas  rencontrer  la  plèvre 
viscérale  qui  empêcherait  l'introduction  comme  cela  est  arrivé  quel- 
quefois. 

Pendant  quelques  jours  les  phénomènes  observés  n'offrent  point  de 
changement;  mais  vers  le  milieu  du  mois  d'août  l'appétit  cesse,  la  diar- 
rhée survient,  la  maigreur  augmente  encore  ;  le  pouls  devient  dune 
fréquence  extrême;  des  sueurs  visqueuses  se  montrent  à  plusieurs  re- 
prises ainsi  que  des  frissons  répétés;  la  fétidité  du  pus  s'accroît  en 
même  temps  que  sa  quantité  diminue.  La  malade  s'éteint  doucement 
dans  les  derniers  jours  du  mois  d'août. 


J45 

Autopsie  vingt-quatre  heures  après  la  mort. 

Cavités  thoraciqiies.  La  cavité  droite  est  normale  ;  la  cavité  gauche 
considérablement  rétrécie  est  en  grande  partie  libre.  En  dedans  se 
trouve  une  membrane  d'un  rouge  bleuâtre  un  peu  résistante,  comme 
muqueuse,  légèrement  convexe  sur  le  milieu,  et  laissant  apercevoir 
sous  elle  et  dans  son  épaisseur  des  noyaux  jaunâtres.  Vis-à-vis  l'orifice 
de  la  paroi  externe,  sa  surface  au  lieu  d'être  lisse  et  à  peu  près  régu- 
lière, offre  une  plaque  à  granulations  rouges  très-volumineuses.  Cette 
plaque  a  une  étendue  d'environ  4  centimètres  carrés,  et  répond  exacte- 
ment à  l'obstacle  que  l'on  rencontrait  avec  la  sonde  lorsqu'on  faisait 
pénétrer  celle-ci  perpendiculairement  à  la  paroi  thoracique.  La  paroi 
externe  formée  par  les  côtes  et  une  fausse  membrane  épaisse  qui  les 
double  à  leur  face  interne,  mérite  une  attention  toute  particulière.  La 
plèvre  costale  n'est  plus  en  aucun  point  reconnaissable.  A  sa  place  se 
trouve  une  membrane  épaisse,  résistante  à  la  coupe,  fibreuse  d'aspect 
et  de  structure  vasculaire,  intimement  collée  contre  la  face  interne  des 
côtes  et  confondue  dans  les  espaces  intercostaux  avec  les  muscles  in- 
tercostaux ;  elle  sert  pour  ainsi  dire  de  gangue  aux  vaisseaux  et  nerfs  de 
la  région.  De  plus,  en  certains  points  elle  est  mince,  et  laisse  à  nu  dans 
l'étendue  de  quelques  millimètres  en  arrière  et  en  haut  surtout,  les 
côtes,  à  leur  face  interne;  partout  ailleurs,  au  contraire,  cette  mem- 
brane a  3  à  5  millimètres  d'épaisseur  et  se  présente  sous  l'aspect  de 
cordes  ou  colonnes  charnues  de  troisième  ordre  du  cœur.  C'est  ainsi 
qu'elle  forme  des  bandelettes  nombreuses  spécialement  dans  la  moitié 
postérieure  du  thorax,  allant  obliquement  de  haut  en  bas  et  de  dehors 
en  dedans,  des  côtes  supérieures  aux  côtes  inférieures;  les  colonnes  sail- 
lantes, représentant  mieux  encore  l'aspect  des  vessies  à  colonnes  qui 
ont  été  le  siège  d'un  catarrhe  chronique,  sont  composées  d'un  tissu  fi- 
breux dur  criant  sous  le  scalpel  et  manifestement  vasculaire.  On  ne  trouve 
en  aucun  point  de  cette  paroi,  qui  menaçait  de  s'ouvrir  en  plusieurs  en- 
droits, des  granulations  rouges  semblables  à  celles  de  la  paroi  interne 
avec  laquelle  elle  se  continue. 

Les  côtes,  du  côté  gauche,  offrent  surtout  des  particularités  intéres- 
santes. En  effet,  outre  l'effacement  complet  des  espaces  intercostaux  à 
partir  du  deuxième,  par  suite  de  la  rétraction  produite  par  les  fibres 
fibreuses  signalées  plus  haut;  outre  l'amoindrissement  considérable  du 
premier  et  surtout  du  deuxième  espace,  les  côtes  présentent  au  plus  haut 
degré,  le  changement  déforme  qu'a  signalé  AL  Parise  (de  Lille),  à  savoir  : 

Une  forme  prismatique,  triangulaire  dans  les  deux  tiers  postérieurs 

de  leur  étendue,  à  base  tournée  en  arrière,  à  face  inférieure  tournée 

directement  en  bas  et  reposant  sur  la  côte  sous-jacente,  séparée  d'elle 

seulement  par  les  vaisseaux  et  nerfs  intercostaux  contenus  dans  une 

c.  p..  lu 


46 

gouttière  à  peine  apparente,  et  d'un  volume  eux-mêmes  peu  considéra- 
ble; à  face  supérieure  tournée  en  haut  et  un  peu  en  avant,  et  en  rap- 
port presque  immédiat  également  avec  la  face  inférieure  de  la  côte  sus- 
jacente.  Les  angles  supérieurs  et  inférieurs  sont  presque  au  contact, 
considérés  entre  deux  côtes  voisines;  à  peine  serait-il  possible  de  glis- 
ser entre  eux  une  mince  lame  de  couteau  qui  trancherait  les  faibles 
restes  des  muscles  intercostaux.  L'angle  antérieur  à  vive  arête  se  perd 
dans  la  paroi  membraneuse  décrite. 

Le  tiers  antérieur  des  côtes,  au  lieu  d'être  prismatique,  triangulaire, 
est  volumineux  également,  mais  arrondi.  Le  périoste  interne  est  con- 
fondu avec  la  fausse  membrane. 

La  paroi  inférieure  de  la  cavité  gauche  du  thorax  est  bombée  en 
haut,  et  rorifice  de  l'empyème  est  à  son  niveau.  Elle  est  formée  par  le 
diaphragme,  refoulé  par  le  foie,  la  rate  et  les  autres  viscères  abdominaux. 

La  cavité  pectorale  gauche,  ainsi  formée,  pouvait  contenir  environ 
250  grammes  de  liquide  entre  les  trois  parois  maintenues  ainsi  considé- 
rablement à  distance,  malgré  une  rétraction  si  notable  et  une  modifica- 
tion si  profonde  dans  leurs  diverses  parties  constituantes. 

Le  poumon  droit,  à  part  deux  ou  trois  tubercules  moitié  jaunes,  moi- 
tié transparents,  du  volume  d'une  lentille  et  visibles  à  la  surface,  ne 
mérite  pas  de  fixer  l'attention. 

Quant  au  poumon  gauche,  il  faut  le  chercher  en  disséquant  par  der- 
rière les  organes  contenus  dans  le  médiastin  postérieur  en  suivant  la 
trachée,  puis  la  bronche  gauche.  C'est  alors  qu'on  aperçoit  une  masse 
charnue  d'un  rouge  un  peu  foncé,  molle,  et  s'étendant  des  parties  laté- 
rales de  la  colonne  vertébrale  jusqu'à  2  centimètres  environ  en  dehors 
des  articulations  costo-vertébrales,  dans  toute  l'étendue  verticale  de  la 
cavité  pleurale  gauche.  En  insufflant  par  la  trachée  et  la  bronche  gau- 
che, on  parvient  à  soulever  cette  masse  faiblement,  mais  assez  pour  se 
convaincre  de  sa  perméabilité.  En  faisant  une  coupe  à  la  face  interne  de 
la  cavité  gauche  béante  du  thorax,  on  tombe  également  sur  le  tissu  pul- 
monaire; mais  là,  on  voit  que  le  tissu  lui-même  paraît  exempt  de  tuber- 
cules; il  n'en  est  plus  de  même  de  sa  membrane  d'enveloppe.  En  effet, 
on  aperçoit  alors  des  tubercules  assez  nombreux  et  à  plusieurs  pé- 
riodes de  développement,  pénétrant  ici  dans  le  poumon,  là  dans  la 
plèvre  épaissie;  leur  volume  va  jusqu'à  celui  d'une  petite  noisette;  la 
plupart  sont  gros  comme  une  lentille,  une  tête  d'épingle,  et  cernés.  La 
plèvre  viscérale  a,  en  moyenne,  une  épaisseur  de  3  à  4  millimètres, 
sauf  au  niveau  de  la  plaque  granuleuse  que  nous  avons  signalée,  où  son 
épaisseur  ne  dépasse  pas  celle  d'une  pellicule  d'oignon. 

Les  ganglions  trachéaux  et  bronchiques  sont  développés,  jaunes,  et 
quelques-uns  môme  remplis  d'une  matière  caséo-calcaire. 


147 

Les  bronches  et  la  trachée  n'offrent  rien  à  noter,  non  plus  que  le  larynx. 

Cœur.  Derrière  le  sternum  se  trouve  le  péricarde.  A  part  le  déplace- 
ment qui  persiste  encore  notablement,  le  péricarde  et  le  cœur  parais- 
sent dans  leur  état  normal.  Les  cavités  droites  contiennent  quelques 
caillots  fibrino-globulaires  d'agonie;  les  cavités  gauches  sont  légèrement 
dilatées.  En  ouvrant  le  ventricule  gauche,  au  milieu  de  caillots  cruori- 
ques,  se  trouve  un  caillot  adhérent,  dioi  blanc  jaunâtre  et  entière- 
ment fibrineux.  Il  s'étend  depuis  le  voisinage  de  la  pointe  du  ventri- 
cule jusqu'à  la  naissance  des  valvules  sigmoïdes  de  l'aorte,  envoyant 
d'ailleurs  des  prolongements  analogues  à  des  végétations  jusque  dans 
les  cordages  de  la  valvule  mitrale. 

Lié  d'une  manière  insensible  sur  la  paroi  interventriculaire,  à  laquelle 
il  adhère  dans  une  étendue  de  1  centimètre  environ  en  hauteur  à 
2  centimètres  de  la  pointe  du  ventricule,  sous  forme  d'une  plaque  qui  a 
2  centimètres  et  demi  de  large,  ce  caillot  se  prolonge  en  haut  en  deve- 
nant plus  volumineux,  moins  aplati  et  libre  d'adhérences,  et  quand  il 
atteint  le  niveau  de  la  valvule  mitrale,  il  semble  se  ramasser,  subir  un 
léger  étranglement  et  reparaître  sous  forme  d'un  caillot  arrondi,  gros 
comme  une  noisette  ordinaire,  et  reposant  sur  la  base  des  valvules  sig- 
moïdes de  l'aorte.  Au  niveau  de  la  valvule  mitrale,  où  il  acquiert  3  à  4  mil- 
limètres d'épaisseur,  il  projette  en  arrière  des  vaisseaux  qui  vont  s'intri- 
quer  dans  lescordages  tendineux,  etdes  masses  aplaties  que  l'on  retrouve 
sous  le  bord  adhérent  de  la  valvule,  entre  elle  et  les  parois  du  cœur. 

Il  y  a  même  une  de  ces  masses,  plus  considérable  que  les  autres,  qui 
fait  hernie  entre  deux  cordages  et  paraît  former  ainsi  un  nouveau  po- 
lype fibrineux  d'un  blanc  grisâtre,  pendant  dans  l'orifice  mitral,  de  la 
môme  façon  que  le  caillot  principal  se  dresse  dans  l'orifice  aortique.  Il 
se  termine  également  par  une  extrémité  renflée,  grosse  comme  un  pois. 
De  la  base  de  ce  dernier  caillot  se  détache  un  autre  prolongement  qui 
s'étend  jusque  dans  l'oreillette  gauche,  et  là  se  termine  par  un  léger 
renflement  auquel  on  peut  distinguer  deux  petites  cornes. 

Tous  ces  caillots  ont  la  même  structure;  ils  sont  composés,  comme 
tous  les  caillots  de  thrombose  un  peu  anciens,  de  fibrine  grenue  ;  tous 
sont  ramollis  au  centre,  principalement  les  deux  renflements  aortique 
et  mitral,  et  ce  ramollissement  se  continuant  dans  le  segment  aplati  du 
ventricule,  ce  segment  est  facilement  divisible  en  deux  parois  secondai- 
res, ce  qui  rappelle  assez  bien  l'aspect  d'une  capsule  surrénale  déchirée. 
Les  parois  du  cœur,  à  l'œil  nu,  ne  paraissent  point  malades,  à  part 
une  certaine  teinte  jaune  rougeâtre. 

Cavité  abdominale.  Le  tube  digestif  n  a  pas  été  l'objet  d'un  examen 
détaillé  ;  mais  les  ganglions  mésentériques  offraient  un  volume  assez 
notable;  ils  ne  paraissaient  point  tuberculeux. 


148 

Le  foie  est  de  volume  à  peu  près  normal;  son  aspect  est  jaunâtre, 
surtout  sous  forme  d'îlots  nombreux  mal  délimités;  on  voit  à  sa  surface 
d'autres  îlots  plus  petits  et  d'apparence  vitreuse.  Sa  consistance  est 
bonne,  contrairement  à  ce  que  l'on  trouve  dans  les  foies  purement 
gras  qui  sont  mous  et  flasques.  A  la  coupe  cet  aspect  jaunâtre  et  vitreux 
est  bien  plus  manifeste,  et  il  donne  une  odeur  toute  spéciale  qu'il  est 
très-difFicile  de  comparer  à  une  odeur  connue;  cette  odeur  rappelle  un 
peu  celle  de  la  levure  de  bière. 

La  vésicule  contient  une  faible  quantité  de  bile  d'un  vert  peu  foncé. 

La  7-aîc,  non  augmentée  de  volume,  a  une  consistance  bien  plus 
ferme  encore  que  le  foie;  elle  a  également  un  aspect  tout  particulier, 
qui  se  révèle  surtout  sur  une  coupe  fraîche.  On  ne  saurait  mieux  la  com- 
parer qu'à  un  morceau  de  filet  piqué  de  distance  en  distance.  En 
effet,  sur  le  fond  rouge  foncé  de  la  rate  se  détachent  des  îlots  qui  res- 
semblent à  du  verre  ou  mieux  à  du  lard;  elle  ressemble  entièrement  à 
la  raie  sagou  des  Allemands;  elle  dégage  la  même  odeur  que  le  foie. 

Le  pancréas  paraît  sain. 

Les  reins,  mous  et  jaunâtres,  ont  un  aspect  luisant  tout  particulier  ; 
ils  semblent  frappés  d'une  dégénérescence  graisseuse  avancée. 

Cavité  crânienne.  Le  cerveau,  à  part  une  congestion  prononcée  des 
centres  et  de  la  surface,  ne  présente  point  de  lésion  remarquable;  il 
laisse  écouler  une  quantité  notable  de  liquide  de  ses  ventricules,  comme 
il  s'en  était  écoulé  après  l'incisien  des  membranes.  La  moelle  allongée 
ne  paraît  point  malade.  Il  en  est  de  môme  de  la  pie-mère  et  de  l'arach- 
noïde, au  moins  pour  son  feuillet  viscéral. 

La  dure-mère  mérite  une  étude  plus  approfondie.  En  l'enlevant,  il 
semble  que  sa  face  externe  se  détache  des  os  du  crâne  comme  la  sub- 
stance charnue  de  la  pêche  se  sépare  du  noyau.  La  face  interne  du 
crâne  est  creusée  de  sillons  très-profonds,  intéressant  toute  la  table  in- 
terne, et  faisant  de  celle-ci  des  aiguilles  osseuses;  ces  sillons  sont  dé- 
veloppés sur  toute  la  calotte  du  crâne;  il  n'en  existe  presque  pas  à  la 
base.  Ils  paraissent  d'autant  plus  nombreux  et  profonds,  que  les  vais- 
seaux de  la  dure-mère  sont  eux-mêmes  plus  volumineux.  Ainsi,  c'est 
sur  les  pariétaux,  de  chaque  côté  et  symétriquement,  qu'on  les  trouve 
très-contluents,  principalement  sur  les  nervures  dites  de  la  feuille  de 
figuier.  De  son  côté,  la  dure-mère  présente  à  sa  surface  externe  des 
produits  de  nouvelle  formation,  gélatino-vasculaires,  disposés  sous 
forme  de  saillies  correspondant  exactement  aux  sillons  signalés  plus 
haut.  Quelques-unes  de  ces  saillies  sont  en  grande  partie  déchirées, 
parce  que  leurs  arêtes  sont  restées  au  fond  des  sillons  sous  forme  d'une 
pulpe  semi-transparente,  rougeâtre  et  adhérente  qu'on  parvient  facile- 
ment à  enlever  avec  une  pointe  d'aiguille  promenée  entre  les  engre- 


140 
nages  osseux;  on  y  distingue  des  vaisseaux  à  l'œil  nu,  Cello  couche 
externe,  sous  forme  de  nappes  arborescentes,  a  de  1  à  2  millimètres 
d'épaisseur;  il  est  facile  de  la  décoller  de  la  dure-mère,  à  laquelle  elle 
est  cependant  unie  par  de  légers  tractus  d'apparence  fibreuse. 

La  face  interne  de  la  dure-mère  montre  les  mêmes  particularités  ; 
fausses  membranes  organisées  développées  symétriquement  et  parallè- 
lement à  celles  de  la  face  externe,  avec  celte  différence  qu'elles  sont 
lisses  parce  qu'elles  sont  en  rapport  avec  la  cavité  arachnoïdienne. 

La  dure-mère  ne  semble  pas  épaissie,  mais  ses  vaisseaux  sont  deve- 
nus très-apparents. 

Examen  iiistologique,  fait  en  collaboration  avec  mon  collègue  et  ami 
M.  Hayem.  —  La  rate^  dont  la  dégénérescence  dite  amyloïde  était  très- 
avancée,  n'a  pas  été  soumise  à  l'examen  microscopique;  mais  son  ana- 
lyse chimique,  faite  d'après  le  procédé  deFriedreich  etKékulé,  a  donné 
5  p.  100  de  substance  amyloïde,  soit  10  p.  100  de  substance  impure, 
ressemblant  assez  bien  à  une  farine  un  peu  grossière. 

Sur  les  coupes  du  foie,  on  constate  une  dégénérescence  amyloïde  de 
la  paroi  de  tous  les  capillaires;  leur  ensemble  forme  un  système  de  tra- 
bécules  transparentes,  séparant  d'une  façon  qui  rappelle  bien  les  mailles 
vasculaires  du  foie,  les  réseaux  des  cellules  hépatiques.  Le  long  de  ces 
vaisseaux,  on  peut  voir  les  noyaux  brillants  des  capillaires.  Les  cellules 
sont  pour  la  plupart  tassées,  plutôt  atrophiées  que  grosses,  et  remplies 
de  granulations  pigmentaires  et  graisseuses.  L'emploi  du  réactif  chloro- 
iodé  de  Busk,  en  rendant  les  mailles  des  capillaires  moins  transparentes 
par  la  coloration  jaune  rougeâtre  que  prend  la  matière  amyloïde,  donne 
une  idée  beaucoup  plus  nette  de  la  lésion.  Quelques  capillaires  coupés 
transversalement  laissent  voir  la  manière  dont  l'infiltration  amyloïde  se 
fait  dans  l'épaisseur  même  de  leur  membrane  interne.  On  voit  en  effet 
un  anneau  amyloïde  vitreux,  circonscrit  extérieurement  par  les  noyaux 
du  capillaire  et  offrant  à  son  centre  une  lumière  très-rétrécie.  Ces  lé- 
sions expliquent  bien  l'aspect  particulier  cireux  et  anémique  que  l'or- 
gane offrait  à  l'œil  nu. 

La  dégénérescence  amyloïde  des  reins,  qui,  à  la  simple  vue,  pouvait 
être  douteuse,  est  parfaitement  dévoilée  par  l'étude  microscopique. 
Elle  porte,  non-seulement  sur  les  capillaires  du  rein,  mais  aussi  sur  les 
canalicules  urinifères  eux-mêmes,  et  les  préparations  offrent  l'aspect 
représenté  et  décrit  dans  le  mémoire  de  M.  Hayem  [Soc.  de  biologie, 
26  mai  1865),  mais  à  un  degré  un  peu  moins  avancé. 

Dans  le  tissu  cellulaire  interstitiel,  on  voit  aussi  sur  les  figures  1  et  2 
du  même  Mémoire  une  augmentation  des  noyaux,  et  les  cellules  épi- 
théliales  sont  pour  la  plupart  comprimées,  tassées  et  en  dégénération 
graisseuse. 


150 
D'ailleurs  l'altération  est  générale,  et  porte  aussi  bien  sur  la  sub- 
stance corticale  que  sur  les  pyramides. 

Dans  le  tissu  musculaire  du  cœur,  on  constate  également  une  dégé- 
nérescence amyloïde  très-avancée,  surtout  dans  les  points  où  le  caillot 
adhère  à  la  paroi  ventriculaire  gauche.  Dans  les  préparations  où  la  dé- 
générescence amyloïde  est  peu  prononcée,  le  sarcolemme  semble 
épaissi  et  vitreux,  mais  il  laisse  voir  par  transparence  la  striation  des 
fibres  musculaires.  Après  l'emploi  du  réactif  iodé,  la  striation  disparaît 
complètement,  et  l'altération  devient  plus  évidente;  chaque  fibre  mus- 
culaire, plus  grosse  qu'à  l'état  normal,  apparaît  comme  une  sorte  de 
cylindre  vitreux,  plein,  fendillé,  ou  plutôt  comme  ondulé. 

Dans  les  points  où  la  dégénérescence  est  très-avancée,  la  substance 
amyloïde  semble  siéger  partout;  les  fibres  musculaires  sont  deux  ou 
trois  fois  plus  larges  qu'à  l'état  normal,  le  sarcolemme  semble  rempli 
par  une  matière  vitreuse  et  comme  nébuleuse  qui  masque  la  striation, 
et  le  tissu  conjonctif  interfibrillaire  présente  aussi  un  aspect  spécial  dû 
à  des  espèces  de  fentes  ou  fissures.  Les  vaisseaux  ont  subi  aussi  la  dé- 
générescence amyloïde. 

Différentes  préparations  du  tissu  du  cœur  donnent  la  conviction  que 
les  fibres  musculaires  de  cet  organe  peuvent  subir  une  dégénérescence 
amyloïde  plus  ou  moins  avancée,  que  celle-ci  siège  non-seulement  dans 
les  vaisseaux,  le  tissu  conjonctif  interfibrillaire,  mais  aussi  dans  la  fibre 
elle-même.  Dans  ce  dernier  élément,  c'est  à  la  surface  interne  du  sar- 
colemme, ou  dans  l'épaisseur  même  de  celui-ci,  que  se  fait  l'infiltration 
de  substance  amyloïde,  et  le  processus  pathologique  est  tout  à  fait  ana- 
logue à  celui  qui  se  passe  dans  les  canalicules  urinifères,  dans  la  dégé- 
nérescence amyloïde  des  reins.  (Voir  loco  cilato.)  La  fibre  musculaire 
ainsi  dégénérée  se  fend  et  se  casse  facilement;  et  la  manière  dont  la 
substance  amyloïde  est  pour  ainsi  dire  concrétée  autour  de  l'élément 
contractile  du  muscle,  dans  l'enveloppe  propre  de  la  fibre,  doit  faire 
conclure  à  la  perte  de  la  contractilité  dans  les  parties  dégénérées.  Les 
séreuses  du  cœur,  le  péricarde  et  l'endocarde  présentaient  en  certains 
points  la  même  altération  et  le  même  aspect  que  ceux  que  nous  allons 
décrire  dans  la  dure-mère. 

Celle-ci  présente  dans  toute  son  épaisseurune  infiltration  amyloïde  que 
l'on  constate  très-bien  sur  des  coupes  perpendiculaires  à  la  surface.  La 
substance  amyloïde  donne  en  effet  à  ces  préparations  un  aspect  vitreux 
spécial,  de  telle  sorte  que  les  corpuscules  de  tissu  conjonctif  et  les 
bandelettes  de  tissu  fibreux  semblent  comme  gravés  sur  verre.  Il  est 
évident  que  cette  altération  donne  une  explication  très-satisfaisante  de 
la  production  des  néo-membranes  développées  à  la  fois  à  la  face  interne 
et  à  la  face  externe  de  la  dure-mère. 


151 
L'os  pariétal  n'a  pas  ott'ert  au  microscope  d'altération  particulière. 
On  y  trouve  une  simple  disparition,  en  beaucoup  de  points,  du  tissu 
compacte  de  la  face  interne,  et  en  grattant   dans  le  fond  des  sillons, 
on  en  extrait  des  éléments  de  la  moelle  osseuse  sans  altération. 

Quant  aux  fausses  membranes  externes  ou  internes,  ce  sont  de  vraies 
néo-membranes.  Elles  sont  composées  d'éléments  évidents  d'organisa- 
tion, tels  que  :  noyaux  embryoplastiques,  corps  fusiformes,  vaisseaux 
capillaires  de  dimensions  considérables,  et  petits  foyers  d'extravasations 
sanguines  caractérisés  par  des  globules  de  sang  altérés,  ou  de  la  matière 
colorante  du  sang,  mais  sans  forme  cristalline. 

Le  diaphragme  et  les  muscles  intercostaux  du  côté  gauche  avaient 
subi  la  dégénérescence  granulo-graisseuse. 

En  résumé,  cette  observation  nous  montre  un  enfant  de  5  ans,  suc- 
combant par  le  fait  d'une  pleurésie  purulente,  et  présentant  dans  un 
grand  nombre  d'organes  des  altérations  diverses,  telles  que  caillot 
fibrineux  ancien  du  cœur  gauche,  néo-membranes  externes  et  internes 
de  la  dure-mère,  avec  altération  des  os,  aspect  particulier  de  la  rate, 
du  foie,  etc. 

Ces  lésions,  au  premier  abord,  paraissent  difficiles  à  comprendre  : 
mais,  à  l'aide  de  l'étude  histologique,  il  devient  à  peu  près  certain  que 
les  actes  morbides  ont  suivi  la  filiation  suivante  : 

Pleurésie  chronique;  cachexie  consécutive;  dégénérescence  amy- 
loïde  de  la  plupart  des  organes,  consécutivement  à  cette  cachexie  ;  for- 
mation de  néo-membranes  sur  la  dure-mère,  par  suite  de  la  dégéné- 
rescence de  la  membrane,  bien  que,  jusqu'ici,  on  n'ait  pas  démontré 
nettement  cette  dégénérescence  dans  les  tissus  fibreux,  mais  ici  elle 
était  évidente;  formation  enfin  d'un  caillot  déjà  ancien  dans  le  ventri- 
Èule  gauche,  par  suite  encore  de  la  dégénérescence  amyloïde  des  pa- 
rois du  cœur.  Cette  dernière  opinion  est  d'autant  plus  admissible  que 
les  coagulations  du  cœur  gauche  sont  toujours  liées  à  une  altération  de 
l'endocarde,  et  en  particulier  à  la  dégénérescence  athéromateuse  et 
calcaire.  Ce  fait,  qui  aurait  pu  au  premier  abord  paraître  singulier,  entre 
donc  dans  la  loi  générale  du  mode  de  formation  des  concrétions  fibri- 
neuses  du  cœur,  et  c'est  sans  doute  pour  la  première  fois  que  l'on  in- 
dique la  dégénérescence  amyloïde  comme  point  de  départ  de  cette 
formation. 

C'est  donc  un  fait  de  plus  à  joindre  à  un  grand  nombre  d'autres, 
et  l'on  comprend  l'importance  qu'il  faut  attacher  à  de  pareilles  lésions 
quand  on  les  voit  se  développer  simultanément  sur  un  si  grand  nombre 
d'organes  à  la  fois  ;  quand  on  voit  surtout,  comme  dans  le  cas  précé- 
dent, jusqu'à  quel  point  il  faut  compter  avec  elles. 


152 

il.  —  Patholocie  comparée. 

1»  Expériences  sim  une  maladie  septique  de  la  yache  regardée  a  tort  comme 

DE    NATURE    CnARBONNEUSE  ;    par   M.   C.   DavAINE. 

M.  Davaine  communique  à  la  Société  le  résultat  de  plusieurs  expé- 
riences faites  en  vue  d'élucider  la  question  de  la  présence  constante 
des  bactéridies  dans  les  maladies  charbonneuses.  Cette  question  a  été 
soulevée  par  MM.  les  docteurs  Leplatet  Jaillard  dans  un  mémoire  qu'ils 
ont  présenté  le  14  août  à  l'Académie  des  sciences.  Ces  expérimen- 
tateurs s'appuyaient  sur  de  nombreuses  inoculations  pratiquées  à  des 
lapins  avec  le  sang  d'une  vache  morte,  croyait-on,  du  charbon,  pour 
infirmer  les  résultats  auxquels  M.  Davaine  était  arrivé  par  l'inoculation 
de  la  maladie  charbonneuse  du  mouton,  maladie  désignée  sous  le  nom 
de  sa7ig  de  rate. 

MM.  .laillard  et  Leplat,  en  présence  de  MM.  Pasteur  et  Claude  Ber- 
nard, ont  mis  sous  les  yeux  de  M.  Davaine  un  lapin  mort  à  la  suite  de 
l'une  de  leurs  inoculations.  Un  examen  attentif  et  minutieux  n'a  pu 
démontrer  l'existence  des  bactéridies  dans  le  sang  de  cet  animal  ;  mais 
cet  examen  a  révélé  à  M.  Davaine  des  différences  très-notables  entre 
la  maladie  et  l'état  de  certains  organes  dans  ce  cas,  et  la  maladie  et 
l'état  de  ces  organes  dans  le  charbon.  Ces  différences  l'ont  porté  à 
croire  que  l'on  avait  affaire  à  une  affection  d'une  autre  nature  que  ne 
l'avaient  pensé  MM.  Leplat  et  Jaillard. 

Le  lapin  dont  il  s'agit,  inoculé  de  la  veille,  était  mort  depuis  quelques 
heures  seulement,  et  déjà  il  était  en  pleine  putréfaction.  Or  les  lapins 
auxquels  a  été  inoculé  le  véritable  sang  de  rate  ne  succombent  en 
moyenne  qu'après  quarante-trois  heures;  la  putréfaction  ne  se  déclare 
chez  eux  habituellement,  par  une  chaleur  moyenne,  qu'au  bout  de  deux 
jours.  En  second  lieu,  la  rate  de  ce  lapin  n'était  point  volumineuse,  et 
ne  présentait  pas,  en  conséquence,  le  caractère  physique  essentiel  qui 
a  suggéré  la  désignation  de  la  maladie. 

Le  foie  était  également  normal  dans  son  aspect  comme  dans  son  vo- 
lume. 

Enfin  le  sang  présentait  sous  le  microscope  des  caractères  essentiel- 
lement différents  de  ceux  qui  appartiennent  au  sang  véritablement  char- 
bonneux, et  que  nous  avons  décrits  dès  1850.  Dans  ce  dernier  cas,  en 
effet,  on  voit  les  globules  se  séparer  du  sérum,  s'agglutiner,  et  former 
comme  un  archipel,  dont  les  interstices  sont  remplis  par  des  bactéri- 
dies. Rien  de  semblable  n'existait  dans  le  cas  présent;  les  globules 
étaient  indépendants  les  uns  des  autres,  et  entre  eux  n'étaient  pas  inter- 
ceptés des  espaces  clairs. 

M.  Davaine  ne  s'en  est  pas  tenu  à  ces  observations  résultant  d'une 


153 
expérience  qui  n'était  point  de  son  propre  iait:  il  a  inoculé  le  sang  pré- 
cédemment examiné  à  des  cobayes,  à  des  lapins  et  à  des  rats.  Or  ces 
animaux  inoculés  le  matin  avaient  presque  tous  succombé  à  minuit, 
c'est-à-dire  en  un  espace  de  temps  beaucoup  moindre  que  celui  dans  le- 
quel meurent  les  animaux  inoculés  avec  le  véritable  sang  de  rate;  ils 
ont  présenté  en  outre,  avant  de  succomber,  des  symptômes  différents 
de  ceux  que  l'on  o^iserve  chez  ces  derniers  :  tandis  que  les  lapins  qui 
sont  sous  Tinfluence  de  Tinoculation  charbonneuse  mangent,  marchent 
et  se  comportent,  en  un  mot,  comme  si  leur  santé  et  leur  économie  n'a- 
vaient reçu  aucune  atteinte,  presque  jusqu'à  la  dernière  heure  ceux  dont 
il  s'agit  dans  le  cas  actuel  refusent  en  général  tout  aliment  quelques 
heures  après  avoir  été  inoculés,  répugnent  aux  mouvements  et  restent 
sur  le  ventre  jusqu'à  la  mort.  Enfin  l'examen  cadavérique  chez  tous  ces 
animaux  a  fourni  des  caractères  identiques  à  ceux  que  nous  avons  déjà 
signalés,  savoir  :  putréfaction  très-rapide  ;  rate  et  foie  normaux  ;  sang 
privé  de  bactéridies  et  ne  présentant  point  dans  ses  éléments  l'aspect 
histologique  caractéristique  du  vrai  sang  de  rate,  etc.  Ajoutons  à  cela 
qu"un  lapin,  qui  vivait  en  compagnie  des  animaux  inoculés  avec  le  sang 
septique,  est  mort  quelques  jours  après  sans  avoir  subi  d'inoculation. 
Une  goutte  de  son  sang  insérée  sous  la  peau  d'un  autre  lapin  a  déter- 
miné sa  mort  en  quinze  heures.  L'état  de  la  rate,  du  foie  et  du  sang 
chez  ces  deux  lapins  était  identique  à  celui  des  autres. 

Il  résulte  clairement  de  tout  ce  qui  précède  que  la  maladie  provenant 
do  la  vache  et  inoculée  par  MM.  Jaillard  et  Leplat,  diffère  essentielle- 
ment de  la  maladie  du  sang  de  rate  :  1°  par  la  durée  de  l'incubation  ; 
2°  par  les  symptômes  ;  3°  par  la  rapidité  de  la  putréfaction  du  cadavre; 
4°  par  l'état  du  foie  et  delà  rate;  5"  parla  constitution  du  sang;  6"  par 
la  faculté  de  contagion  plus  grande. 

Mais  il  existe  encore  un  autre  caractère  distinctif  qui  tranche  com- 
plètement la  question,  c'est  l'inoculation  aux  oiseaux  de  la  maladie  ori- 
ginaire de  la  vache.  M.  Davaine  a  inoculé  deux  poulets  et  quatre  moi- 
neaux qui  sont  tous  morts  dans  l'espace  dune  journée;  or  le  sang  de 
rate  ne  se  communique  pas  à  ces  animaux. 

Les  conclusions  de  MM.  Jaillard  et  Leplat,  relatives  à  l'absence  des 
bactéridies  dans  les  maladies  charbonneuses,  au  moins  dans  celles  du 
sang  de  rate  et  de  la  pustule  maligne,  ne  sont  donc  pas  fondées. 

Nous  ne  pouvons  que  remercier  ces  messieurs,  ajoute  M.  Davaine,  de 
nous  avoir  fourni  l'occasion  de  montrer  expérimentalement  l'existence 
chez  la  vache  d'une  maladie  inconnue  jusqu'ici  dans  sa  nature  et  autre 
que  la  maladie  charbonneuse. 


^o^^. 


^c'^ 


■^ 


'Al    *^    V 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


r  r 


LA  SOCIETË  DE  BIOLOGIE 

pendant  le  mois  de  septembre  1865; 
Par  m.  le  Docteur  DUMONTPALLIER ,  secrétaire. 


PRESIDEKE  DE  M.  RAIER. 


^     I,  —  Chimie  organique. 

Action  de  l'acide  phénique  sur  le  curare  et  la  strychnine 
EN  DISSOLUTION  ;  par  M.  Paul  Bert. 

Lorsque  ron  agite  une  dissolution  aqueuse  de  curare  avec  quelques 
gouttes  d'acide  phénique,  elle  se  transforme  en  une  espèce  d'émulsion 
d'apparence  laiteuse  et  à  globules  très-fins.  Si  l'on  injecte  sous  la  peau 
d'un  Lapin  une  quantité  de  cette  émulsion  correspondant  à  une  dose 
toxique  de  curare,  on  n'obtient  aucun  effet,  lors  même  que  cette  dose 
eût  été  assez  forte  pour  donner  la  mort. 

Est-ce  à  dire  que  l'acide  phénique  ait  détruit  le  curare?  Non,  car  si 
l'on  traite  cette  émulsion  par  l'éther  qui  enlève  l'acide  phénique,  la 
liqueur  limpide  qu'on  obtent  reprend  ses  propriétés  toxiques. 

Est-ce  que  l'acide  phénique  introduit  dans  l'organisme  en  même  temps 
que  le  curare,  neutralise  l'effet  do  ce  poison?  Pas  davantage,  car  si  l'on 


156 

phénique  un  animal  soit  par  la  voie  hypodermique,  soit  par  l'estomac, 
le  curare  avec  lequel  on  l'empoisonne  ensuite  ne  perd  rien  de  son  éner- 
gie. Bien  mieux,  les  effets  de  l'acide  phénique  et  du  curare  se  super- 
posent et  s'ajoutent  pour  produire  la  mort,  si  bien  que  sur  l'animal  pa- 
ralysé parle  curare  s'observent  encore  les  trépidations,  les  convulsions 
locales  d'origine  probablement  musculaire  qui  caractérisent  l'empoi- 
sonnement phénique. 

Revenons  à  notre  éraulsion  ;  si  nous  la  filtrons  dans  un  filtre  très-fin, 
nous  obtenons  une  liqueur  limpide  :  celle-ci,  traitée  par  l'éther,  ne 
présente  aucune  propriété  toxique.  Mais  il  en  est  autrement  de  la  par- 
tie restée  sur  le  filtre,  car  étant  desséchée  avec  précaution,  elle  pré- 
sente les  réactions  physiologiques  caractéristiques  du  curare. 

L'acide  phénique  met  donc  le  curare  d'une  dissolution  aqueuse  en 
suspension  sous  forme  d'émulsion,  sans  le  détruire.  De  plus,  il  s'oppose 
à  son  absorption  par  le  tissu  cellulaire  sous-cutané,  ou  du  moins  la 
ralentit  tellement  qu'il  ne  se  trouve  jamais  à  la  fois  dans  l'organisme 
assez  de  poison  pour  que  l'action  en  soit  manifeste. 

Ce  n'est  pas  seulement  sur  le'  curare  que  l'acide  phénique  agit  de 
cette  manière.  Si  l'on  prend  une  solution  de  chlorydrate  de  strychnine, 
on  obtient  de  même  une  émulsion  dont  la  partie  liquide  séparée  par  le 
filtre  et  débarassée  de  l'acide  phénique  à  l'aide  de  l'éther,  est  parfaite- 
ment inoffensive.  Mais  une  quantité  de  cette  émulsion  correspondant  à 
O^^OOî  de  chlorhydate  de  strychnine,  étant  injectée  sous  la  peau  d'un 
Lapin,  ne  lui  donne  qu'après  quinze  minutes  des  accidents  sans  gra- 
vité ;  tandis  que  0^%0015  du  même  sel  suffisent  toujours  à  tuer  un  Lapin 
en  manifestant  leurs  effets  après  sept  ou  huit  minutes  au  plus. 

L'acide  phénique  ralentit  donc  l'absorption  de  certains  poisons,  soit 
par  son  action  directe  sur  les  tissus,  soit  par  l'état  j^rculier  sous  lequel 
il  les  met.  Peut-être  ce  dernier  fait  pourra-t-il  faciliter,  pour  les  chi- 
mistes, la  séparation  de  certains  principes  toxiques. 

II.  —  Anatomie. 

Atrophie  congéniale  de  l'ovaire  chez  une  poule  ;  principe  du  balancement 
DES  ORGANES  ;  par  M.  C.  Da vaine. 

Une  dame  qui  se  plaît  aux  soins  de  sa  basse-cour,  avait  remarqué 
que  l'une  de  ses  poules,  âgée  de  13  à  14  mois,  n'avait  jamais  pondu,  et 
qu'elle  n'avait  jamais  été  recherchée  par  le  coq;  d'un  autre  côté  cette 
])0ule  n'avait  jamais  chanté  le  coq  et  ne  cherchait  point  à  en  jouer  le 
rôle  à  l'égard  de  ses  compagnes.  Vivant  en  bonne  intelligence  avec  les 
volatiles  de  son  espèce,  elle  n'était  point  agressive,  ni  battue.  Ces  par- 


157 
ticularités  attirèrent  l'attention  du  fils  de  cette  dame,  homme  fort  in- 
struit, qui  voulut  bien  prendre  la  peine  d'en  constater  l'exactitude,  et 
qui  m'ofl'rit  de  rechercher  dans  les  organes  de  la  poule  la  raison  de  cette 
nullité  sexuelle  apparente. 

Cette  poule  était  grande  et  forte  pour  son  espèce;  elle  n'avait  rien  au 
premier  aspect  qui  ne  fût  en  rapport  avec  les  attributs  de  son  sexe; 
peut-être  les  plumes  du  col  étaient-elles  plus  longues  et  plus  soyeuses 
que  d'ordinaire,  rappelant  celles  du  chapon.  Les  ergots  étaient  très-dé- 
veloppés,  ayant  1  centim.  25  de  longueur  et  1  centimètre  d'épaisseur  à 
la  base. 

L'examen  des  organes  internes  montra  l'absence  complète  de  testi- 
cules. Dans  le  côté  gauche  de  l'abdomen,  à  la  place  correspondante  à 
l'ovaire,  existait,  sur  la  partie  antérieure  et  interne  du  rein,  un  petit 
corps  jaunâtre,  ayant  la  forme  d'une  languette  aplatie  et  triangulaire. 
11  avait  3  centimètres  de  longueur,  1  centimètre  de  largeur  à  la  base  et 
1  ou  2  millimètres  d'épaisseur.  La  surface  était  comme  chagrinée  et  ne 
ressemblait  nullement  à  la  grappe  ovarienne  des  gallinacés.  L'oviducte 
du  même  côté  était  peu  développé  et  ne  contenait  rien  qu'une  petite 
quantité  de  substance  muqueuse.  Je  ne  puis  dire  cependant  qu'il  fût 
atrophié  ;  peut-être  représentait-il  l'état  normal  hors  l'époque  du  rut. 
Malgré  des  recherches  multipliées,  je  ne  pus  trouver  son  orifice  dans  le 
cloaque. 

Suivant  l'état  naturel,  l'ovaire  droit  n'existait  pas,  et  l'oviducte  du 
même  côté  était  à  l'état  rudimentaire. 

L'examen  microscopique  du  corps  jaunâtre  situé  sur  le  rein  gauche 
ne  fit  découvrir  aucun  ovule,  aucune  vésicule  germinative.  Ce  corps  se 
composait  d'une  trame  de  tissu  cellulaire  infiltrée  de  granulations  mo- 
léculaires et  graisseuses,  qui  pouvaient  rappeler  jusqu'à  un  certain  point 
une  substance  vitelline  altérée. 

Par  sa  situation,  par  sa  couleur,  par  l'aspect  de  sa  surface  légèrement 
mamelonnée,  ce  corps  était  évidemment  l'ovaire,  mais  un  ovaire  atrophié 
et  incapable  de  remplir  les  fonctions  dévolues  à  cet  organe.  A  quelle 
époque  remontait  cette  atrophie?  Si  l'on  considère  le  jeune  âge  de  la 
poule,  l'absence  de  toute  lésion  des  organes  de  l'abdomen,  de  toute  trace 
d'inflammation  ou  d'une  altération  quelconque  récente  ou  ancienne,  ce 
dont  j'ai  fait  la  recherche  avec  soin,  il  sera  évident  que  celte  atrophie 
était  congéniale  ou  qu'elle  s'était  produite  à  une  époque  très-rapprochée 
de  la  naissance.  Cette  atrophie  de  l'ovaire  devait  donc  avoir  produit 
sur  le  développement  des  organes  de  la  poule  le  mC'me  effet  que  son 
absence  totale. 

L'absence  des  organes  sexuels  détermine  chez  le  mâle,  dans  les  ani- 
maux en  général,  des  modifications  connues  de  tout  le  monde  ;  chez  la 


■158 
femelle  ces  modifications  ne  sont  pas  moins  remarquables,  quoiqu'elles 
soient  moins  bien  connues.  Dans  le  premier  cas,  les  modifications  que 
ranimai  éprouve  le  rapprochent  du  type  de  la  femelle  ;  dans  le  second 
cas  elles  sont  empruntées  aux  caractères  du  mâle  :  «  C'est  surtout  chez 
«  les  femelles  des  oiseaux,  dit  Isid.  Geoffroy-Saint-IIilaire,  et  notam- 
«  ment  dans  quelques  genres  de  gallinacés,  que  ces  développements 
«  anormaux,  qui  tendent  à  rendre  les  femelles  plus  semblables  aux 
«  mâles,  se  présentent  portées  au  plus  haut  degré.  Lorsque  l'âge  amène 
«  la  cessation  des  pontes,  ou  lorsqu'une  maladie  de  l'organe  sexuel,  et 
«  spécialement  de  l'ovaire,  rend  une  femelle  stérile  avant  le  temps,  il 
«  arrive  fréquemment,  chez  les  poules  et  les  femelles  de  faisans,  que  le 
«  plumage  revête  peu  à  peu  les  couleurs  et  prenne  le  développement 
«  caractéristique  du  sexe  mâle.  En  même  temps,  il  n'est  pas  rare  que 
«  les  ^gots  se  produisent;  les  crêtes  ou  les  membranes  circumorbi- 
«  taires  se  développent.  Il  y  a  plus  :  la  voix  change  et  les  habitudes 
«  deviennent  plus  ou  moins  semblables  à  celles  des  mâles.  »  {Traité 
de  tératologie^  part.  III.  Hermaphrodisme.)  Nous  avons,  en  effet,  re- 
marqué dans  notre  poule,  quoique  jeune  encore,  un  grand  développe- 
ment des  ergots. 

Une  autre  circonstance  qui  mérite  d'être  remarquée  dans  notre  cas, 
c'est  l'indifférence  du  coq  à  l'égard  de  cette  poule.  On  connaît,  dans 
beaucoup  d'animaux,  l'influence  provocatrice  qu'a  sur  le  mâle  le  rut  de 
la  femelle,  et  le  rut  est  déterminé  par  une  condition  particulière  de 
l'ovaire  qui  porte  la  femelle  même  à  se  rapprocher  du  mâle.  Les  poules, 
au  contraire,  semblent  indifférentes  et  passives  dans  le  rapprochement 
sexuel,  rapprochement  qui  paraît  provoqué  par  l'ardeur  seule  du  coq. 
Mais  il  y  a  évidemment  chez  ces  oiseaux,  comme  chez  d'autres  ani- 
maux, un  appel  au  mâle  déterminé  par  l'évolution  naturelle  de  l'ovaire  ; 
c'est  ce  que  prouve  l'histoire  de  notre  poule. 

Je  terminerai  ces  remarques  par  quelques  considérations  d'un  ordre 
plus  élevé  en  rappelant  une  de  ces  théories  de  philosophie  anatomique 
qui  ont  eu  le  privilège  d'agiter  le  monde  scientifique  au  commencement 
de  notre  siècle.  Il  s'agit  du  principe  du  balancement  des  organes.  Ce 
principe,  mis  en  lumière  comme  celui  des  connexions,  celui  d'unité  de 
composition,  par  notre  illustre  naturaliste  Etienne  Geoffroy-Saint-Hi- 
laire,  a  été  résumé  d'une  manière  pittoresque  par  Goethe  dans  son  mé- 
moire sur  la  discussion  de  Geoifroy  Saint-Hilaire  et  de  Cuvier.  Voici 
comment  s'exprime  le  grand  poëte-naturaliste  :  «  La  nature,  comme 
doit  le  faire  un  bon  administrateur,  s'est  fixé  une  certaine  somme  à 
dépenser,  un  certain  budget;  elle  se  réserve  un  droit  absolu  de  vire- 
ment d'un  chapitre  à  un  autre,  mais  elle  ne  dépasse  jamais  dans  les  dé- 
penses le  total  fixé.  Si  elle  a  trop  dépensé  d'un  côté,  elle  fait  ailleurs 


159 

une  économie  égale,  et  toujours  elle  arrive  à  une  balance  en  équilibre 
parfait.  »  (Trad.  par  Ch.  Martins.) 

Il  y  a  là  une  grande  vue  qui  séduit  l'esprit  et  qu'on  s'empresse  d'ac- 
cueillir on  tant  qu'elle  considère  l'ensemble  des  organismes  animaux,  la 
série  zoologique  ;  mais  en  est-il  de  môme  lorsque  ce  principe  veut  s'ap- 
pliquer à  la  pathologie,  à  la  tératologie,  c'est-à-dire  lorsqu'il  descend 
des  grandes  catégories  de  la  nature  pour  s'introduire  dans  le  particulier, 
dans  l'individu?  En  effet,  les  cas  en  pathologie,  en  tératologie  même, 
sont  tous  plus  ou  moins  particuliers,  plus  ou  moins  spéciaux.  D'abord 
ce  balancement  entre  deux  organes  dont  l'un  est  augmenté  de  volume, 
l'autre  amoindri,  ne  s'observe  en  pathologie  que  sur  des  organes  simi- 
laires. Et  la  tératologie  n'est-elle  pas  le  plus  souvent  l'héritière  de  la 
pathologie?  Si  l'on  a  cité  des  cas  dans  lesquels  deux  organes  de  fonc- 
tions différentes  se  sont  trouvés,  l'un  diminué,  l'autre  augmenté  de  vo- 
lume, comme  le  rein  et  la  capsule  surrénale,  assurément  ce  sont  là  des 
cas  purement  accidentels  et  trop  rares  pour  qu'on  puisse  aujourd'hui 
en  tirer  des  arguments.  Il  n'en  est  pas  de  môme  des  organes  similaires; 
les  exemples  d'une  opposition  de  volume  entre  eux,  d'une  sorte  de  ba- 
lancement sont  très-communs.  Mais  lorsqu'un  organe  s'atrophie  patholo- 
giquement  et  que  son  congénère  acquiert  un  volume  plus  considérable, 
ce  n'est  point  par  l'action  de  cette  grande  loi  naturelle  des  balancements 
organiques  que  la  compensation  se  produit;  c'est  parce  que  l'organe 
resté  sain  est  appelé  à  une  activité  plus  grande,  à  un  travail  plus  consi- 
dérable :  le  poumon  qui  prend  de  l'amplitude  lorsque  son  congénère 
comprimé  a  perdu  ses  fonctions,   le  rein  qui  s'hypertrophie  dans  des 
conditions  analogues  sont  dans  le  cas  du  muscle  auquel  on  donne  un 
exercice  inaccoutumé  et  qui  devient  prédominant;  or  le  muscle  homo- 
logue ne  perct  rien  pour  cela  de  son  volume  et  de  sa  force.  C'est  donc 
une  loi  purement  physiologique  qui  intervient  ici;  en  effet,  lorsque  l'ac- 
tion de  l'organisme  de  l'individu  n'est  plus  en  jeu  et  n'impose  plus  un 
travail  nécessaire  à  sa  conservation,  l'organe  livré  à  lui-même,  c'est-à- 
dire  aux  seules  lois  de  la  nature,  reste  dans  une  indifférence  complète  à 
l'égard  de  celle  des  compensations. 

C'est  le  cas  des  organes  génitaux  qui  ne  sont  nullement  gouvernés 
par  l'individualité  qui  les  porte  et  ne  lui  sont  pas  nécessaires.  Dans  le 
jeune  âge,  en  effet,  dans  la  vieillesse  ils  sont  inactifs,  et  chez  beaucoup 
d'animaux,  hors  l'époque  du  rut,  ils  n'existent  point  même  rudimen- 
taires.  L'appareil  de  la  génération  se  développe  et  s'atrophie  suivant 
des  lois  indépendantes  de  l'organisme  auquel  il  est  annexé. 

D'après  ces  considérations,  j'ai  pensé  que  les  organes  génitaux  peuvent 
donner  le  moyen  de  vérifier  expérimentalement  la  loi  du  balancement 
des  organes  en  tant  que  cette  loi  s'applique  à  la  pathologie  ou  bien  à  la 


160 
tératologie.  On  sait  que  chez  beaucoup  d'oiseaux  adultes  l'ovaire  droit 
est  atrophié  ou  manque  complètement;  or  j'avais  eu  le  projet  d'enlever 
à  des  poules  très-jeunes  l'ovaire  gauche  afin  devoir  si  le  droit  prendrait 
du  développement.  Cette  expérience,  que  le  temps  et  les  circonstances 
ne  m'avaient  pas  encore  permis  de  faire,  se  trouve  réalisée  naturelle- 
ment chez  la  poule  dont  j'ai  rapporté  l'histoire. 

On  peut  dire  qu'un  fait  unique  n"a  pas  grande  valeur.  Je  ne  veux  pas 
le  contester;  mais  le  fait  dont  il  est  ici  question  se  trouvera  considéra- 
blement multiplié,  si  Ton  examine  au  même  point  de  vue  l'organisme  mâle. 

Assez  fréquemment  les  médecins  voient  l'un  des  testicules  profondé- 
ment altéré  ou  détruit,  ou  bien  atrophié,  les  chirurgiens  font  l'ablation 
de  cet  organe;  dans  l'un  et  l'autre  cas  on  n'observe  pas  consécutivement 
un  plus  grand  développement  de  l'organe  restant.  J'ai  fait,  pour  m'en 
assurer  d^ine  manière  positive,  des  recherches  dans  un  grand  nombre 
d'ouvrages  qui  traitent  des  affections  des  organes  de  la  génération;  or,  ni 
dans  les  considérations  générales  sur  ces  maladies,  ni  dans  les  observa- 
tions particulières,  il  n'est  question  d'une  augmentation  de  volume  de 
l'un  des  testicules  consécutive  à  l'atrophie,  à  la  destruction  ou  à  l'ablation 
de  l'autre.  Souvent,  il  est  vrai,  l'ablation  se  pratique  à  une  époque  de 
la  vie  dans  laquelle  ces  organes  ont  perdu  leur  activité,  mais  il  n'en  est 
pas  toujours  ainsi;  quant  à  l'atrophie,  quant  aux  affections  qui  entraî- 
nent la  perte  de  l'organe  sans  compromettre  la  vie  du  malade,  on  les 
observe  plus  communément  dans  le  jeune  âge. 

L'examen  de  certaines  anomalies  des  organes  de  la  génération  (lamo- 
norchidie,  la  cryptorchidie)  conduit  aux  mêmes  résultats  r  MM.  Follin 
et  Goubaux  ont  fait  une  étude  particulière  de  ces  anomalies  chez  les 
animaux  {Mém.  Soc.  biologie,  1855).  M.  Godard,  dont  la  science  et  no- 
tre Société  regrettent  la  perte  prématurée,  a  fait  un  travail  non  moins 
étendu  sur  ces  anomalies  chez  l'homme  {Mém.  Soc.  biologie,  18aC).  Dans 
ces  mémoires,  où  sont  consignés  un  grand  nombre  de  faits  particuliers, 
on  peut  voir  que  l'absence,  que  l'atrophie  ou  l'altération  profonde  de  l'un 
des  testicules  n'apporte  point  de  changement  dans  l'état  naturel  de  son 
congénère  (1). 

(1)  Sédillot  a  parlé  d'un  homme  qui  avait  un  seul  testicule,  dont  le 
volume  était  double  du  volume  ordinaire;  mais  il  y  avait,  suivant  cet 
observateur,  une  fusion  des  deux  testicules;  on  pouvait  y  reconnaître 
deux  épididymes  et  deux  cordons  spermatiques  (Dict.  des  se.  méd.,  art. 
Testicules).  Virey,  à  l'article  £M?u«/Me  du  même  dictionnaire,  dit  :  «Les 
«  individus  monorchides  ne  sont  pas  efféminés  pour  cela;  l'organe  exis- 
«  tant  se  trouve  alors  plus  gros  et  peut  faire  les  fonctions  de  deux.  » 
C'est  une  assertion  que  l'auteur  ne  justifie  par  aucun  fait. 


ICI 
D'après  tous  ces  faits,  auxquels  on  en  pourrait  ajouter  d'autres  si 
l'on  étudiait  la  mamelle  au  même  point  de  vue,  il  est  clair  que  pour 
l'appareil  de  la  génération,  la  loi  des  balancements  organiques  n'existe 
pas,  en  tant  qu'elle  s'appliquerait  à  la  pathologie  et  même  à  la  térato- 
logie. Si  cette  loi  semble  gouverner  les  autres  organes,  c'est  que,  sans 
doute,  la  condition  physiologique  dont  nous  avons  parlé  a  donné  lieu  à 
une  méprise. 

III.  —  ÂNATOMIE  PATHOLOGIQUE. 

1°  Membrane  MUQUEUSE  utérine  semblable  a  une  caduque  expulsée  pendant 
LA  menstruation;  par  M.  le  docteur  C.  Davaine. 

M.  Davaine  met  sous  les  yeux  de  la  Société  un  corps  charnu  expulsé 
de  la  matrice  d'une  femme,  lequel  par  sa  forme,  par  sa  couleur,  son 
apparence  et  sa  constitution,  pourrait  être  pris  pour  la  caduque  d'un 
œuf  abortif  ;  cependant  ce  corps  n'offre  dans  son  intérieur  aucune  trace 
d'un  produit  de  conception.  C'est  évidemment  une  de  ces  membranes 
qui  sont  quelquefois  expulsées  dans  la  dysménorrhée;  ce  qui  est  sur- 
tout remarquable  dans  celle  que  présente  M.  Davaine,  c'est  son  intégrité 
parfaite. 

Ce  corps  a  la  forme  de  la  cavité  utérine;  il  est  aplati,  triangulaire, 
long  de  5  centimètres  1/2,  et  large  de  5  centimètres  à  la  base.  L'angle 
opposé  à  cette  base,  et  qui  correspondait  au  col  de  la  matrice,  est  percé 
d'une  petite  ouverture  arrondie;  les  deux  autres  angles  sont  surmontés 
d'un  prolongement  tubuleux,  l'un  ayant  1  centimètre,  et  l'autre  5  mil- 
limètres emiron  de  longueur.  Ces  deux  prolongements  proviennent 
évidemment  des  trompes  utérines;  ils  sont  l'un  et  l'autre  percés  d'une 
petite  ouverture  à  leur  sommet.  Un  stylet  introduit  par  les  trois  ouver- 
tures arrive  facilement  dans  une  cavité  située  à  l'extérieur  du  corps 
charnu.  Ce  corps,  incisé  sur  l'une  de  ses  faces,  laisse  voir,  en  effet,  une 
cavité  centrale  triangulaire,  comme  celle  de  l'utérus,  et,  comme  elle, 
communiquant  avec  l'extérieur  par  ses  trois  angles.  La  surface  do  cette 
cavité  est  lisse,  tomenteuse  et  colorée  par  une  couche  très-mince  d'un 
sang  noirâtre;  elle  ne  renferme  aucun  rudiment  d'embryon,  aucune 
trace  de  membranes  embryonnaires.  Des  coupes  pratiquées  dans  l'é- 
paisseur des  parois  n'en  montrent  pas  davantage. 

Le  tissu  de  ce  corps,  dont  l'apparence  est  celle  d'une  caduque,  exa- 
miné au  microscope,  s'est  trouvé  constitué  par  les  éléments  de  la  mu- 
queuse utérine.  Le  résultat  de  cet  examen,  la  forme  du  corps  charnu, 
sa  cavité  centrale  et  les  ouvertures  de  ses  trois  angles,  ne  permettent 
pas  de  méconnaître  une  membrane  muqueuse  utérine  provenant,  comme 
une  caduque,  de  l'exfoliation  de  la  surface  interne  de  la  matrice. 
c.  R.  11 


162 

La  femme  qui  a  rendu  cette  sorte  de  caduque  est  mariée,  âgée  de 
25  ans  environ,  chlorotique,  et  sujette  à  des  irrégularités  fréquentes 
dans  ses  règles.  A  l'époque  menstruelle  du  mois  d'août,  celles-ci  ayant 
manqué,  il  survint  quelques  jours  après  du  malaise  et  des  douleurs  ab- 
dominales. Huit  jours  environ  avant  l'époque  menstruelle  de  septembre, 
ces  douleurs  devinrent  plus  vives,  principalement  du  côté  droit,  et  se 
propagèrent  dans  l'aine  et  à  la  cuisse  du  même  côté,  ayant  l'apparence 
de  névralgie.  Enfin,  le  corps  en  question  fut  expulsé  à  l'époque  des 
règles  avec  une  quantité  médiocre  de  sang  et  après  quelques  douleurs  de 
reins.  L'hémorrhagie  ne  fut  pas  beaucoup  plus  abondante  qu'elle  ne 
l'était  quelquefois  pour  des  menstrues  ordinaires,  et  au  bout  de  trois 
jours  tout  était  rentré  dans  l'ordre. 

M.  Davaine  rappelle  que  dans  les  premières  années  de  la  fondation 
de  la  Société  de  biologie,  plusieurs  de  ses  membres  s'occupèrent  de  la 
constitution  histologique  de  ces  membranes  caduques  qui  ne  parais- 
saient point  être  un  produit  de  la  conception,  mais  une  simple  exfolia-^ 
tion  de  la  muqueuse  utérine  en  rapport  avec  le  travail  menstruel. 

On  sait  qu'à  cette  époque  M.  Coste  venait  d'émettre  sur  la  formation 
de  la  caduque  une  théorie  qui  parut  singulière  d'abord,  mais  qui  fut 
bientôt  pleinement  confirmée,  à  savoir  que  la  caduque  est  la  mem- 
brane muqueuse  de  l'utérus  même  ;  d'un  autre  côté,  la  théorie  de  l'ovu- 
lation menstruelle  était  également  toute  nouvelle.  De  là  deux  questions 
que  se  posèrent  les  membres  de  la  Société  ;  ces  sortes  de  caduques 
sont-elles  le  produit  de  l'cxfoliation  de  la  membrane  muqueuse,  ou  ne 
sont-elles  que  des  pseudo-membranes?  Sont-elles  en  rapport  avec  l'acte 
de  la  menstruation,  et  se  reproduisent-elles  à  chaque  époque  comme 
cette  fonction  même? 

M.  Follin  ayant  fait  l'examen  histologique  d'une  membrane  presque 
de  tous  points  semblable  à  celle  qui  est  actuellement  sous  les  yeux  de 
la  Société,  put  y  constater  la  structure  de  la  muqueuse  utérine  et  dé- 
terminer ainsi  sa  nature  {Compt.  rend,  de  la  Soc.  de  bioL,  1. 1,  p.  191, 
1849).  M.  Lebert,  dans  un  autre  cas,  arriva  aux  mêmes  conclusions 
(recueil  cité,  t.  II,  p.  73, 1850).  Enfin  MM.  Dutard  et  Laboulbène,  obser- 
vèrentun  nouveau  fait  qui  paraît  en  rapport  avec  les  précédents  (recueil 
cité,  t.  II,  p.  161,  1850).  Quanta  la  reproduction  périodique  de  ces 
sortes  de  caduques,  dont  l'idée  première  appartient  à  M.  Pouchet,  l'ob- 
servation des  faits  ne  l'a  point  confirmée. 

M.  Blot  s'est  occupé  aussi  de  déterminer  la  nature  de  ces  membranes; 
on  sait  que  notre  savant  collègue  a  apporté  le  tribut  de  ses  recherches  à 
la  confirmation  de  la  découverte  de  M.  Coste,  et  qu'il  a  appliqué  l'in- 
sufflation par  les  trompes  à  la  démonstration  de  l'existence  constante 
d'une  communication  entre  ces  conduits  et  la  membrane  caduque. 


163 
M,  Blot  adopta  pleinement  l'opinion  de  l'exfoliation  de  la  muqueuse 
utérine  dans  certains  cas  de  dysménorrhée,  sans  fécondation  préalable. 
Il  appela  particulièrement  l'attention  sur  l'importance  d'une  détermina- 
tion exacte  de  la  nature  de  ces  sortes  de  caduques,  qui  pourraient  oc- 
casionner quelquefois  une  méprise  préjudiciable  à  la  considération  d'une 
jeune  fille  ou  d'une  femme. 

Des  corps  semblables  expulsés  avec  des  règles  difficiles  ou  irrégu- 
lières ont  été  observés  anciennement  ;  mais  jusque  dans  ces  derniers 
temps,  leur  nature  était  restée  inconnue.  Los  pathologistes  s'étaient  oc- 
cupés surtout  des  douleurs  ou  des  accidents  qui  accompagnent  leur 
expulsion,  et  le  nom  de  dysménorrhée  membraneuse  fut  donné  à  cet 
état  menstruel  douloureux  et  anormal.  Simpson,  le  premier,  émit  l'opi- 
nion que  les  membranes  rendues  dans  cette  forme  de  la  dysménorrhée 
ne  sont  point,  comme  on  le  croyait  alors,  des  pseudo-membranes  sem- 
blables à  celles  du  croup,  mais  qu'elles  sont  des  membranes  de  môme 
nature  que  la  caduque.  Cette  assertion  du  savant  accoucheur  d'Edim- 
bourg, appuyée  sur  des  raisons  plausibles,  fut  confirmée  par  les  recher- 
ches histologiques  des  membres  de  la  Société  de  biologie  cités  ci- 
dessus. 

Le  docteur  Semelaigne,  dans  sa  thèse  inaugurale  {De  La  dysménor- 
rhée membraneuse  et  de  la  membrane  dysménorrhéale^  Paris,  1851), 
a  recherché  dans  les  anciens  auteurs  les  cas  qui  peuvent  être  rapportés 
à  cette  affection  ;  il  a  donné  un  aperçu  des  travaux  les  plus  récents  faits, 
surtout  en  Angleterre,  sur  ce  sujet,  et  enfin  il  a  reproduit  in  extenso 
les  faits  présentés  à  la  Société  de  biologie  par  MM.  Follin  et  Lebert. 

2*  Lipome  des  gencives  ;  par  MM.  Thomas  et  Cornil. 

Un  homme  de  50  ans  environ,  et  d'une  bonne  constitution,  portait 
depuis  vingt  ans  une  tumeur  à  la  partie  antérieure  de  la  gencive,  au- 
dessous  de  la  seconde  incisive  inférieure  latérale.  Son  développement 
fut  très-lent  et  graduellement  elle  a  acquis  le  volume  d'un  oeuf  de  pi- 
geon qu'elle  présente  aujourd'hui.  Lorsque  j'examinai  cette  tumeur,  je 
la  trouvai  lisse,  molle,  très-fluctuante,  adhérente  à  la  gencive  et  tout  à 
fait  indolente.  Elle  était  recouverte  par  la  muqueuse  très-amincie,  mais 
non  adhérente  et  pouvant  facilement  glisser  sur  elle,  en  bas  et  en  avant. 
Elle  faisait  saillie  au-dessus  du  bord  lisse  de  la  lèvre  inférieure  et  la 
dépassait  d'un  demi  centimètre  environ.  Une  ponction  exploratrice  avait 
été  faite  par  le  médecin  ordinaire  du  malade  et  n'avait  donné  écoule- 
ment qu'à  un  peu  de  sang. 

L'ablation  de  cette  tumeur  ne  présenta  aucune  difficulté.  Ayant  fait 
une  incision  transversale,  il  me  fut  facile  d'en  détacher  la  muqueuse 


164 

jusqu'à  la  gencive  où  l'intervention  du  bistouri  fut  de  nouveau  néces- 
saire. 

Quelques  jours  après  le  malade  était  complètement  guéri. 

Pendant  la  vie  du  malade,  la  tumeur  avait  été  regardée  d'abord  comme 
un  lipome,  puis  comme  un  adénome. 

Son  volume  est  égal  à  celui  d'une  grosse  noix. 

Sa  forme  est  ronde. 

Sa  surface  de  section  est  mamelonnée  comme  la  surface  de  section 
des  lipomes. 

L'examen  microscopique  montre  partout  des  cloisons  de  tissu  con- 
jonctif  et  une  quantité  considérable  de  grosses  vésicules  adipeuses  ayant 
la  même  forme  et  la  même  disposition  que  dans  le  tissu  conjonctif  sous- 
cutané. 

3o  Sur  un  cas  de  pustule  maligne;  observation  communiquée  par  M.  le 

docteur  Féréol. 

Botas,  fort  à  la  viande,  aux  halles  de  Paris,  âgé  de  48  ans,  se  présente 
dans  mon  cabinet,  le  3  août  1865,  portant  à  la  joue  droite,  à  deux  cen- 
timètres au  devant  du  lobule  de  l'oreille,  une  pustule  maligne  des 
mieux  caractérisées. 

Cet  homme  raconte  que  le  1"  août,  dans  le  courant  de  la  journée,  il 
a  senti  une  légère  douleur  et  un  bouton  à  la  joue  ;  la  douleur,  sourde 
et  très-supportable,  siégeait  surtout  sous  l'angle  de  la  mâchoire.  Il  se 
souvint  que  la  veille,  pendant  son  travail,  un  de  ses  camarades  l'avait 
heurté  à  cette  place  avec  un  quartier  de  veau  qu'il  portait  sur  l'épaule. 
Et,  du  reste,  depuis  sept  ou  huit  jours  il  avait  un  petit  bouton,  précisé- 
ment à  la  place  où  s'est  développée  la  pustule  maligne,  bouton  que  le 
barbier  avait  écorché  en  le  rasant. 

Dans  la  soirée  du  1"  août  il  est  allé  à  l'Hôtel-Dieu,  où  l'interne  de 
garde  a  touché  le  bouton  avec  le  crayon  de  nitrate  d'argent. 

Il  a  dormi,  mangé  et  travaillé  comme  d'habitude  depuis  ce  moment; 
cependant  le  matin,  sentant  sa  tête  un  peu  lourde,  et  l'enflure  augmen- 
ter à  la  joue,  il  a  cessé  son  travail,  et  est  venu  à  ma  consultation  à  une 
heure. 

Voici  l'état  du  malade  à  ce  moment  : 

A  deux  centimètres  au  devant  du  lobule  de  l'oreille,  on  voit  une 
croûte  noire,  humide,  un  peu  déprimée  en  son  centre,  à  pourtour  irré- 
gulier, d'un  diamètre  très-peu  inférieur  à  celui  d'une  pièce  de  vingt 
centimes. 

Tout  autour  de  cette  croûte,  on  constate  un  cercle  d'un  blanc  jau- 


165 
nâtre,  formé  par  un  soulèvement  vésiculeux  dont  la  zone  a  un  diamètre 
de  deux  à  cinq  millimètres,  la  partie  déclive  étant  la  plus  large. 

Un  peu  au  dessous  de  cette  croûte  et  touchant  au  lobule  de  l'oreille, 
on  voit  une  grosse  phlyctène  de  teinte  jaune  ambré,  très-tendue,  et 
globuleuse,  du  diamètre  d'une  pièce  de  cinquante  centimes. 

La  croûte  et  la  phlyctène  reposent  sur  une  large  saillie  œdémato- 
phlegmoneuse,  d'une  teinte  violacée  sombre,  qui  envahit  la  région  sous- 
maxillaire  en  bas,  et  dépasse  fort  peu  en  haut  le  niveau  de  la  croûte 
noire  ;  le  gonflement  œdémateux,  comme  la  zone  vésiculeuse  est  plus 
développé  à  la  partie  déclive  qu'à  la  partie  supérieure,  en  sorte  que  le 
bouton,  qui  forme  la  lésion  principale,  occupe  le  haut  et  non  le  centre 
du  gonflement  qui  lui  sert  de  base. 

On  ne  sent  pas  de  ganglions  développés  sous  le  maxillaire;  il  y  a 
seulement  de  la  douleur  à  la  pression  dans  le  pli  maxillaire  ;  mais  pas 
d'élancements. 

L'état  général  est  excellent;  et  bien  que  très  au  fait  de  ce  qui  arrive 
assez  souvent  dans  sa  profession,  le  malade,  ne  sentant  qu'une  gêne 
douloureuse  très-légère,  ne  peut  pas  croire  qu'il  ait  le  charbon. 

Je  l'emmène  immédiatement  chez  lui,  et  à  deux  heures  et  demie  je 
l'opère.  Je  circonscris  la  pustule  principale  par  une  incision  circulaire 
placée  un  peu  au  delà  de  la  zone  vésiculeuse,  et  je  dissèque  le  bouton 
que  j'enlève  entièrement.  Je  laisse  couler  le  sang  pendant  une  ou  deux 
minutes  ;  puis  j'éteins  dans  la  plaie  un  bouton  de  fer  rougi  à  blanc. 

Je  néglige  la  phlyctène  qui  s'est  ouverte  pendant  l'opération,  bien  que 
je  constate  que  le  derme  sur  lequel  elle  reposait  présente  une  teinte 
violacée  et  un  aspect  ramolli  d'assez  mauvaise  apparence. 

A  trois  heures  et  demie  j'examinais  au  microscope  la  pustule  enle- 
vée avec  M.  Davaine,  qui  y  découvrait  des  bactéridies  en  grand 
nombre. 

La  nuit  qui  suit  l'opération  est  mauvaise  ;  pas  de  sommeil  ;  gêne  dans 
la  gorge  pour  avaler,  avec  besoins  de  cracher  incessants.  Malaise  géné- 
ral, avec  sentiment  de  froid,  et  petits  frissons  erratiques;  le  matin,  à 
cinq  heures,  il  y  a  un  vomissement  bilieux. 

A  sept  heures  et  demie  du  matin,  le  4  août,  je  constate  que  le  gon- 
flement œdémateux  a  beaucoup  augmenté  ;  il  s'est  étendu  sur  la  joue 
et  a  gagné  les  paupières  de  l'œil  droit  qui  sont  à  demi  fermées;  il  a 
descendu  sur  le  cou  et  tourne  vers  l'occiput.  Il  s'est  formé  une  nou- 
velle zone  vésiculeuse  à  la  demi-circonférence  inférieure  de  l'escarre, 
et  à  la  place  de  la  phlyctène  il  existe  une  escarre  allongée,  violacée, 
humide,  donnant  issue  au  suintement  d'une  sérosité  qui  semble  morti- 
fier les  points  où  elle  fuse. 


166 
La  déglutition  est  fort  gênée,  et  le  crachottement  est  incessant  (oe- 
dème de  la  luette  et  du  pharynx):  la  respiration  est  facile. 

le  me  décide  à  faire  une  seconde  cautérisation;  j'enlève  l'escarre 
nouvelle  développée  à  la  place  de  la  phlyctène  ;  j'enlève  également  la 
demi-zone  vésiculeuse  neuvellement  développée  au  pourtour  de  l'es- 
carre produite  par  le  fer  rouge;  je  fais  quelques  incisions  rayonnant  au- 
tour de  ces  plaies,  et  je  laisse  couler  le  sang  pendant  près  de  cinq  mi- 
nutes ;  puis  je  promène  sur  toutes  ces  surfaces  saignantes  un  pinceau 
d'amianlhe  imbibé  d'acide  sulfurique  monohydraté.  L'application  du 
caustique  détermine  un  petit  écoulement  sanguin  assez  abondant;  j'en- 
toure la  plaie  avec  de  la  charpie  et  j'essuie  le  sang  à  mesure  qu'il 
coule,  pour  éviter  les  fusées  de  caustique  ;  une  compresse  d'eau  froide 
alcoolisée  arrête  promptement  cette  petite  hémorrhagie. 

Je  prescris  à  l'intérieur:  macération  de  quinquina,  vin  de  Bordeaux, 
bouillons,  potages,  gargarisme  alunéet  une  purgation  avec  45  grammes 
de  magnésie  pour  le  lendemain  matin. 

Le  5  août  l'amélioration  est  manifeste  ;  l'œdème  des  paupières  a  di- 
minué, ainsi  que  la  gêne  de  la  déglutition  et  le  besoin  de  cracher.  Pas 
de  souffrance  vive  au  niveau  de  la  brûlure  ;  le  gonflement  œdémato- 
phlegmoneux  est  moins  dur.  La  rougeur  érythémateuse  n'a  pas  aug- 
menté. Il  s'est  fait  quelques  soulèvements  vésiculeux  à  la  demi-circon- 
férence supérieure  de  la  première  escarre  par  le  fer  rouge;  mais  la 
diminution  de  l'œdème  m'engage  à  ne  pas  pousser  plus  loin  les  cautéri- 
sations. 
Le  pouls  est  resté  à  68  depuis  le  commencement  de  la  maladie. 
A  partir  de  ce  moment,  la  convalescence  a  marché  sans  aucune  en- 
trave. 
Je  noterai  seulement  quelques  circonstances  intéressantes. 
D'abord  le  malade,  dont  l'état  général  était  resté  très-bon,  bien  qu'il 
fut  assez  inquiet  sur  l'issue  des  événements,  commença  à  présenter  quel- 
ques signes  d'adynamie  dès  le  6  août,  alors  que  très-évidemment  l'in- 
fection charbonneuse  était  déjà  éteinte  dans  son  foyer  initial.  Aussi  lui 
continuai-je  sa  macération  de  quinquina  et  son  vin  de  Bordeaux  pen- 
dant quinze  jours;  et  ce  ne  fut  que  vers  le  15  août  que  les  forces  com- 
mencèrent à  revenir,  et  le  moral,  toujours  très-inquiet,  à  se  relever. 

Ensuite  les  ganglions  sous-maxillaires  apparurent  au  toucher  gros, 
indurés  et  douloureux,  à  mesure  que  le  gonflement  sedémato-phlegmo- 
neux  diminua. 

Enfin,  à  mesure  que  les  escarres  artificielles  se  détachèrent  et  que 
la  plaie  qui  en  résulta  marcha  vers  la  cicatrisation,  le  malade  accusa 
une  douleur  extrêmement  vive  dans  le  conduit  auditif  externe,  douleur 
lancinante  qui  l'empêcha  de  dormir  plusieurs  nuits,  et  qu'on  peut  attri- 


167 
buer,  je  pense,  à  la  lésion  d'un  petit  filet  nerveux  de  la  cinquième  paire, 
qui  aura  été    atteint  consécutivement   par   le  travail  inflammatoire 
de  la  cicatrisation. 

Celle-ci  a  été  parfaite  ;  seulement  il  a  fallu  activer  sans  relâche  les 
bourgeons  charnus  avec  le  crayon  de  nitrate  d'argent  pour  éviter  un 
petit  décollement  de  la  peau  qui  tendait  à  se  faire  sous  le  lobule  de 
l'oreille.  La  cicatrice  est  très-peu  apparente  ;  elle  était  complète  le 
10  septembre. 

IV.  —  Pathologie  comparée. 
Note  sdr  un  cas  d'illusion  génésique,  observé  sur  deux  oiseaux  de  l'ordre 

DES  PASSEREAUX   (lINOT   MALE  ET  MULET  FEMELLE   PROVENANT  DE  l'uNION  d'un 
CHARDONNERET  AVEC  UNE  FEMELLE  DE  SERIN   DES  CANARIES  ;    par   0.    LarCHER, 

interne-lauréat  des  hôpitaux  (lue  à  la  Société  de  biologie  dans  la 
séance  du  30  septembre  1865). 

Nous  tenions  enfermés  dans  une  assez  grande  volière  plusieurs  pas- 
sereaux appartenant  à  des  espèces  et  à  des  genres  différents  :  parmi 
eux  se  trouvait  un  linot  {FringiUa  Cannabma,  Linn.),  mâle  adulte, 
offrant  un  bel  exemple  d'albinisme  limité  aux  plumes  de  la  tête  (1),  et 
un  mulet  femelle  produit  de  l'union  d'un  chardonneret  {Fr.  Carduelis, 
Linn.)  avec  une  femelle  de  serin  des  Canaries  (Fr.  Canaria,  Linn,).  Vers 
le  mois  de  juin,  nous  vîmes  s'établir  entre  ces  deux  oiseaux  une  intimité 
assez  grande,  de  la  nature  de  celle  qui  précède  ordinairement,  chez  les 
animaux  de  la  même  classe,  le  moment  des  amours;  peu  de  jours  plus 
tard,  nos  soupçons  se  confirmaient  et  nos  deux  passereaux  commen- 
çaient à  construire  leur  nid.  Dans  ce  travail,  chacun  prenait  une  part 
très-active,  et  cependant,  dans  leurs  allures  respectives,  onpouvaitvoir 
que  le  mulet  remplissait  les  fonctions  plus  spécialement  dévolues  à  la 
femelle  dans  l'édification  du  nid.  Quand  celui-ci  fut  achevé,  nous  vîmes 
loiseau  hybride  s'y  placer  pendant  plusieurs  heures,  le  linot  le  rempla- 
çant seulement  à  courts  intervalles.  Cette  incubation  illusoire  dura  quel- 
ques jours,  sans  qu'aucun  œuf  eût  été  pondu;  néanmoins  les  deux  oi- 
seaux paraissaient  prendre  un  grand  soin  do  leur  précieux  dépôts  et  le 
nid  ne  demeurait  jamais  abandonné  à  lui-même. 


(1)  C.  D.  Degland,  dans  son  Ornithologie  eur^opéenne,  1. 1,  Paris,  1849, 
avait  déjà  signalé  l'existence  de  linots  blancs  ou  tapirés  de  blanc;  mais 
personne  ne  paraît  avoir  noté,  chez  cet  oiseau,  l'albinisme  limité  à  la 
tète,  le  reste  du  plumage  conservant  la  coloration  régulière  la  plus 
belle. 


168 

Après  environ  cinq  ou  six  jours,  une  femelle  de  serin  des  Canaries  que 
nous  tenions  dans  une  cage  isolée,  ayant  pondu  un  œuf,  nous  hasar- 
dâmes de  le  glisser  dans  le  nid  de  nos  deux  oiseaux  sans  qu'ils  pussent 
s'en  apercevoir;  dès  lors  leurs  soins  redoublèrent,  et  après  quatorze 
jours  d'incubation,  avait  lieu  l'éclosion.  Aucun  autre  œuf  n'était  venu 
se  joindre  à  celui  que  nous-môme  avions  déposé  dans  le  nid;  les  deux 
oiseaux  qui  avaient  veillé  à  son  éclosion  se  chargèrent  d'élever  le  petit, 
lui  donnant  la  becquée  comme  auraient  fait  ses  parents,  et  ils  ne  l'aban- 
donnèrent à  ses  propres  forces  que  quand  il  fut  en  état  de  manger  et  de 
courir  seul. 

Alors  le  nid  fut  abandonné  à  son  tour,  et  les  deux  oiseaux  continuant 
à  vivre  dans  la  même  volière,  parurent  oublier  qu'ils  s'étaient  connus. 

Le  fait  que  je  viens  de  rapporter  dans  ses  principaux  détails  fut  ob- 
servé en  1862;  je  l'avais  recueilli  alors,  à  titre  de  simple  note,  sans  y 
attacher  d'autre  intérêt  que  celui  de  la  curiosité  qu'éveillent  toujours 
les  faits  peu  communs.  Or  récemment,  à  l'occasion  de  recherches  par- 
ticulières, je  lisais,  dans  le  Journ.  de  méd.  de  Corvisart,  quelques  obser- 
vations recueillies  par  Girard  et  relatives  à  des  cas  de  Gestations  appa- 
rentes suivies  de  faux  travail  chez  des  animaux  (1)  :  dans  un  premier 
cas,  il  s'agit  d'une  petite  chienne  qui  avait  déjà  mis  bas  plusieurs  por- 
tées. «  Elle  fut  couverte;  son  ventre  grossit,  ses  mamelles  devinrent 
«  plus  volumineuses,  et  l'on  voyait  dans  l'abdomen  des  mouvements 
«  prononcés.  Au  bout  de  quelques  mois  elle  fit  des  efforts  comme  pour 
«  accoucher.  Le  ventre  s'affaissa,  les  mamelles  se  remplirent  de  lait. 
<(  Cette  chienne  poussait  des  cris  pour  appeler  ses  petits.  Cet  état  dura 
<(  quatre  jours.  »  Dans  un  second  cas,  «  une  chatte,  déjà  plusieurs  fois 
«  mère,  éprouva  absolument  les  mêmes  symptômes  de  gestation  et  ne 
«  mit  bas  aucun  petit.  »  Enfin  le  troisième  fait  concerne  a  une  vache 
ic  qui  fut  saillie  par  un  taureau  et  qui  en  imposa  par  l'accroissement  de 
«  son  ventre  jusqu'au  huitième  mois  de  la  gestation.  Cette  prétendue 
«  gestation  disparut  du  soir  au  lendemain  ;  la  vache  semblait  demander 
«  son  veau.  On  en  trouva  dans  le  voisinage  un  qu'on  lui  donna  à  nour- 
«  rir.  » 

Dans  une  des  dernières  Etudes  médico-légales  qu'il  a  publiées,  M.  le 
professeur  A.  Tardieu  a  précisément  reproduit  les  trois  observations  que 
nous  venons  de  rapporter,  et  quoique  «  ces  faits  soient  incomplets  et 
«  aient  besoin  d'être  éclaircis  par  une  observation  moins  superficielle, 
«  néanmoins,  dit-il,  il  est  impossible  de  ne  pas  être  frappé  de  ce  qu'ils 

(1)  Observations  de  fausse  grossesse  dite  nerveuse,  par  le  citoyen 
Girard  —  Extrait  donné  par  J.  Husson,  dans  Jocrn.  de  méd.  de  Corvi- 
sart, 1. 1,  vendémiaire  an  IX,  p,  471.  —  Paris. 


160 
«  renferment  de  données  fécondes  pour  l'interprétation  des  grossesses 
«  illusoires.  C'est  ainsi  qu'à  chaque  pas,  à  travers  les  parties  les  plus 
«  obscures  de  l'histoire  des  maladies  de  notre  espèce,  on  sent  de  quel 
«  secours  seraient  les  lumières  nouvelles  de  la  pathologie  compa- 
rée (1).  n 

M.  A.  Tardieu,  dans  les  conclusions  placées  à  la  fin  de  son  Etude, 
pense  que  «  les  signes  qui  (2)  caractérisent  les  grossesses  apparentes  doi- 
«  vent  tous  se  rattacher,  comme  point  de  départ,  soit  à  une  affection 
«  organique,  soit  à  une  affection  nerveuse,  le  plus  souvent  hystérique, 
tt  soit  à  la  simulation,  soit  à  la  folie  (3).  »  A  laquelle  de  ces  causes  rat- 
tacherons-nous le  fait  que  nous  rapportons  aujourd'hui?  Evidemment 
nos  deux  oiseaux,  dans  l'accomplissement  de  la  tâche  qu'ils  se  sont  im- 
posée, ont  cédé  à  l'influence  d'une  illusion  génésique;  mais  où  cette  il- 
lusion a-t-elle  pu  trouver  sa  source?  Si  aux  détails  que  renferme  déjà 
notre  observation  nous  ajoutons  que,  dans  la  même  volière,  plusieurs 
couples  d'oiseaux  du  même  ordre  et  quelques-uns  du  même  genre,  sous 
l'empire  de  la  môme  influence  saisonnière,  travaillaient  à  la  même  épo- 
que à  la  nidification,  n'y  aurait-il  pas  lieu  de  faire  intervenir  comme 
cause  V imitation?  Quant  au  choix  singulier  qu'ont  fait  l'un  de  l'autre 
les  deux  artisans  du  nid,  doit-il  beaucoup  étonner,  si  l'on 'songe  à  cer- 
taines unions  quelquefois  immorales,  souvent  au  moins  bizarres,  que  l'on 
observe  trop  souvent  dans  notre  espèce?  Peut-être  pourrait-on  chercher 
à  l'expliquer  par  l'absence  d'individu  femelle  de  la  même  espèce,  en  ce 
qui  concerne  le  linot  renfermé  dans  notre  volière?  Quant  au  produit 
hybride,  résultat  de  l'union  d'un  serin  femelle  avec  un  chardonneret 
mâle,  son  choix  me  paraît  d'autant  plus  remarquable  qu'il  avait  porté 
sur  un  individu  appartenant  à  un  genre  différent  de  celui  de  ses  deux 
parents;  il  eût  pu,  en  effet,  s'unir  soit  à  un  serin,  soit  à  un  chardonne- 
ret. On  sait,  du  reste,  que  les  mulets  provenant  d'une  origine  pareille 
à  celle  du  nôtre,  s'apparient  facilement  soit  entre  eux,  soit  avec  des  se- 
rins; mais  il  en  résulte  rarement  des  œufs  féconds;  et  cette  fécondité, 
quand  elle  a  lieu,  se  perd  dès  la  seconde  génération  (4).  Je  ne -saurais 
dire  s'il  y  a  eu  ici,  entre  nos  deux  oiseaux,  d'autres  relations  que  celles 
destinées  à  la  construction  du  nid  ;  mais  j'insisterais  volontiers  sur  ce 
fait,  que  Yillusion  génésique  itenl  se  manifester  au  milieu  des  conditions 

(1)  A.  Tardieu,  Etude  sur  l'avortement  et  les  grossesses  fausses  et  si- 
mulées, p.  200.  -  Paris,  1864. 

(2)  Dans  notre  espèce. 
(3)Loc.  cit.,  p.  201. 

(4)  Duvernoy,  article  Propagation  dans  Dictionn.  univ.  d'hist.  nat. 
par  Ch.  d'Orbigny,  t.  X,  p.  547.  Paris,  1847. 


/ 


170 

d'organisation  où  l'on  songerait  le  moins  à  la  rencontrer.  A  cette  occa- 
sion, je  rappellerai  l'histoire  de  cette  fille  que  cite  M.  le  professeur  A. 
Tardieu  :  «  Elle  était  âgée  de  plus  de  60  ans  et  se  disait  mariée  secrète- 
«  ment  à  un  vieux  médecin.  Elle  se  mit  au  lit  un  matin  et  fit  toutes  ses 
«  dispositions  pour  accoucher  commodément.  Les  plaintes,  les  cris  se 
a  prolongèrent  jusqu'au  soir,  au  milieu  des  éclats  de  rire  des  autres 
«  aliénées  que  cette  scène  inattendue  égayait  singulièrement.  Vingt 
«  fois  cette  monomaniaque  avait  fait  part  de  son  état  de  grossesse,  dont 
«  à  présent  elle  évite  soigneusement  de  parler,  dans  la  crainte  qu'on  en 
«  fasse  un  sujet  de  plaisanterie.  » 

Après  la  lecture  attentive  des  faits  que  nous  venons  de  comparer,  il 
nous  semble  qu'on  peut,  une  fois  de  plus,  reconnaître  les  rapports  qui 
unissent  la  pathologie  de  l'iiomme  à  celle  des  animaux. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


DE 


f  r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 


PENDANT  LE  MOIS  d'OCTOBRE   1865;] 

Par  mm.  les  Docteurs  DUMONTPALLIER  et  BERGERON, 

secrétaires. 


PRESIDEME  DE  M.  RMËR. 


1.  —  Anatomie. 


Recherches  anatomiques  dans  un  cas  de  syphilis  viscérale  et  osseuse  ; 

par  L.  Ranvier. 

Voici  d'abord  l'observation  clinique  et  anatomique  telle  que  mon  ami 
M.  A,  Legroux,  interne  au  service  de  M.  Bernutz,  me  l'a  remise.  C'est 
à  l'obligeance  de  cet  excellent  collègue  que  je  dois  de  présenter  ce  fait 
à  la  Société  de  biologie. 

La  femme  Sibille,  âgée  de  28  ans,  entre  à  la  salle  Saint-Augustin  de 
la  Pitié  le  30  septembre  18G5,  pour  un  ulcère  à  la  jambe  gauche,  ulcère 
que  l'on  a  considéré  comme  variqueux. 

Cet  ulcère  était  survenu  à  la  suite  d'une  chute  et  d'une  contusion  du 
niveau  du  tibia. 

Lorsque  l'ulcère  fut  cicatrisé,  cette  femme  passa  à  la  salle  Saint- 


172 

Charles,  n"  21  bi»,  pour  une  douleur  névralgique  sus-orbitaire  gauche. 

J'avais  déjà  eu  occasion  de  voir  cette  femme  en  1863,  à  l'hôpital 
Saint-Antoine,  où  elle  était  au  n"  9,  salle  Sainte-Thérèse  (admission 
du  8  octobre),  mais  je  n'ai  plus  souvenir  de  ce  que  nous  avions  constaté 
à  cette  époque. 

Lorsque  le  2  octobre  cette  femme  passa  à  la  salle  Saint-Charles,  elle 
était  dans  l'état  suivant  : 

Prostration  causée  par  la  violence  de  douleurs  siégeant  au-dessus  de 
l'œil  gauche  et  au  niveau  de  la  troisième  pièce  du  sternum. 

Ces  douleurs  sont  continuelles,  peut-être  plus  fortes  la  nuit,  mais  la 
malade  ne  précise  pas  cette  exaspération  nocturne.  Elles  augmentent 
par  la  pression. 

La  douleur  sus-orbitaire  occupe  surtout  la  partie  externe  de  l'arcade 
ûrbitaire  et  ne  présente  pas  les  points  spéciaux  et  névralgiques  de  la 
névralgie  faciale  sus-orbitaire,  sous-orbitaire  et  dentaire.  La  douleur 
reste  limitée  à  l'angle  externe  de  l'orbite  et  s'irradie  un  peu  à  la  tempe, 
au  front  et  surtout  dans  la  profondeur  de  l'orbite. 

L'œil  était  normal. 

La  douleur  sternale  siégeant  au  niveau  de  la  troisième  pièce  sternale 
et  du  côté  de  l'insertion  du  cartilage  de  la  quatrième  côte  coïncidait 
avec  un  gonflement  peu  considérable,  mais  très-appréciable. 

A  ce  niveau  la  peau  avait  une  teinte  un  peu  violacée,  lilas,  et  la  pres- 
sion portait  la  douleur  à  son  summum. 

Ces  phénomènes  n'avaient  pas  altéré  les  fonctions,  l'appétit  était  con- 
servé, la  respiration  normale,  quoique  gênée  par  la  douleur  que  réveil- 
laient les  mouvements  respiratoires. 

Des  calmants  et  des  narcotiques  furent  ordonnés  intus  et  extra  pour 
procurer  à  cette  femme  un  peu  de  sommeil. 

Les  jours  suivants,  les  douleurs  augmentèrent  surtout  la  nuit,  et  arra  - 
chaient  des  cris  et  des  plaintes  incessantes  à  la  malade. 

Les  phénomènes  objectifs  changèrent  peu,  le  gonflement  sternal  ne 
s'accrut  pas;  l'œil  conservait  son  aspect,  mais  il  y  avait  un  peu  de  pho- 
tophobie. 

Puis,  vers  le  6  octobre,  il  survint  une  douleur  vive  du  côté  de  l'épaule 
gauche  en  même  temps  que  la  paroi  antérieure  de  la  poitrine  du  côté 
gauche  se  couvrait  d'un  réseau  veineux  très-marqué  et  partant  du  gon- 
flement sternal  vers  l'épaule.  Le  grand  pectoral  est  contracture  et  im- 
mobilise l'articulation  et  les  côtes. 

Du  côté  de  la  face  nous  remarquons  de  l'œdème  de  la  paupière  su- 
périeure, du  strabisme  interne,  une  vive  photophobie. 

En  même  temps  la  malade  perdit  un  peu  l'appétit,  eut  un  peu  de 
diarrhée  et  quelques  vomissements  bilieux. 


173 

Le  moindre  mouvement  réveillait  des  douleurs  violentes  et  la  malade, 
le  plus  souvent  pliue  en  deux  dans  son  lit,  poussait  des  gémissements 
continuels.  Des  vésicatoires,  de  la  morphine  avaient  été  appliqués,  mais 
sans  diminuer  beaucoup  la  douleur. 

C'est  dans  cet  état  que  cette  femme  est  passée  chez  M.  Marotte,  salle 
du  Rosaire. 

Là  on  eut  la  pensée  de  rattacher  ces  phénomènes  à  des  lésions  syphi- 
litiques, mais  l'interrogation  de  la  malade  ne  pouvait  fournir  que  peu 
de  renseignements. 

L'examen  de  la  vulve  démontra  la  présence  sur  la  grande  lèvre  du 
côté  gauche  vers  la  partie  supérieure,  d'un  gonflement  peu  consistant 
et  ressemblant  assez  bien  à  une  ancienne  plaque  muqueuse. 

Cette  femme  fut  prise  du  choléra  dans  la  salle  du  Rosaire  le  29  octo- 
bre pendant  la  nuit,  et  mourut  vingt-deux  heures  après  le  début,  dans 
la  période  algide. 

L'autopsie,  faite  vingt-quatre  heures  après,  démontra  les  lésions  sui- 
vantes : 

Cerveau.  —  Peu  d'injection  des  membranes  qui  partout  sont  saines; 
peu  dinjection  du' tissu  cérébral.  Le  cerveau,  tant  à  l'extérieur  que 
dans  les  ventricules  et  ses  autres  parties  profondes ,  ne  présente  ni 
tumeur,  ni  induration,  ni  aucune  autre  lésion  de  consistance  ou  de 
couleur. 

Les  poumons  sont  sains. 

Le  cœur  ne  présente  aucune  lésion  organique  ;  le  sang,  épais  et  noir, 
est  celui  du  choléra. 

Le  tube  digestif  ouvert  démontre  les  lésions  ordinaires  du  choléra. 

Le  foie  présente  sur  sa  face  convexe  de  petites  cicatrices  lisses, 
non  radiées,  légèrement  déprimées ,  ressemblant  à  l'empreinte  d'un 
corps  dur  sur  la  cire  molle.  Ces  dépressions  sont  noirâtres,  de  petites 
dimensions,  de  forme  ovalaire  ou  un  peu  arrondies. 

Au  nombre  de  quatre,  ces  cicatrices  reposent  sur  un  petit  noyau 
d'induration  qui,  à  la  coupe,  présente  un  aspect  plus  compacte,  moins 
vasculaire,  légèrement  jaunâtre. 

Dans  la  niasse  glandulaire  du  foie,  nous  avons  trouvé  deux  noyaux 
d'induration  beaucoup  plus  étendus,  d'un  volume  qu'on  peut  évaluer  à 
celui  d'une  châtaigne,  et  où  le  tissu  du  foie  présentait  à  peu  près  les 
mêmes  caractères  qu'au-dessous  des  cicatrices  et  de  la  surface. 

Les  reins  nont  pas  été  examinés. 

Le  col  utérin  présentait  des  inégalités,  il  était  déchiqueté,  ramolli, 
mais  nous  n'y  avons  vu  aucune  cicatrice  ancienne  ou  récente. 

La  voûte  orbitaire  était  enlevée,  nous  pûmes  constater  les  lésions 
suivantes: 


174 

Au  niveau  de  la  glande  lacrymale  qui  paraissait  un  peu  volumineuse, 
l'os  était  rougeâtre,  pointillé,  sa  surface  était  inégale. 

Le  sternum  ne  présente  à  l'extérieur  qu'un  gonflement  peu  considé- 
rable au  niveau  de  la  troisième  pièce  et  de  l'articulation  chondro-ster- 
nale  de  la  quatrième  côte. 

L'articulation  de  l'épaule  ouverte  ne  montre  aucune  lésion. 

Différentes  pièces  résultant  de  cette  autopsie  m'ont  été  remises:  une 
portioQ  du  sternum,  la  partie  orhitaire  gauche  de  l'os  frontal,  des  frag- 
ments du  foie  et  la  grande  lèvre  gauche.  Ce  sont  ces  parties  que  je 
mets  sous  les  yeux  des  membres  de  la  Société. 

Voici  d'abord  une  gomme  du  foie  du  volume  d'une  petite  noix;  elle 
fait  une  saillie  prononcée  à  la  surface  de  l'origine.  Sur  une  coupe  pra- 
tiquée dans  cette  tumeur  on  voit  qu'elle  est  formée  d'un  tissu  résistant, 
jaunâtre,  sillonné  de  nombreuses  arborisations  vasculaires.  Sa  limite 
n'est  pas  accusée  par  une  ligne  de  démarcation  bien  nette,  et  l'on  peut 
parfaitement  reconnaître  à  l'œil  nu  que  le  produit  pathologique  se  fond 
peu  à  peu  dans  le  parenchyme  du  foie.  Le  raclage  avec  le  scalpel  ne 
fait  sortir  aucun  suc.  La  dissociation  à  l'aide  des  aiguilles  se  fait  diffi- 
cilement; ce  procédé  ne  donne  que  de  petits  fragments  irréguliers.  A 
l'aide  du  microscope  on  distingue  dans  ces  fragments:  des  cellules  et 
des  noyaux  ronds  de  petites  dimensions,  0,003  à  0,006  (cytoblastions  de 
M.  Robin)  ;  des  noyaux  et  des  cellules  de  plus  grandes  dimensions, 
0,007  à  0,012,  éléments  ronds,  ovoïdesou  fusiformes(embryo-plastiques 
etfibro-plastiques  de  M.  Robin).  Ces  derniers  éléments  sont  en  faible 
quantité,  dans  certaines  portions,  dans  d'autres  ils  prédominent. 

Du  reste,  tous  ces  noyaux  et  cellules  ne  sont  pas  libres,  mais  bien 
unis  fortement  les  uns  aux  autres  par  une  substance  résistante  amorphe 
ou  fibrillaire,  selon  les  points  qu'on  examine. 

Sur  des  coupes  pratiquées  après  durcissement  dans  l'acide  chromique, 
on  reconnaît  les  éléments  dont  il  vient  d'être  question,  et  de  plus  on 
observe  leurs  rapports  entre  eux  avec  les  vaisseaux  et  avec  le  tissu 
du  foie.  Ils  ne  sont  pas  disposés  au  hasard;  on  remarque  en  effet,  à 
l'aide  d'un  faible  grossissement  (75  diamètres),  qu'un  certain  nombre  de 
nodules  entrent  dans  la  composition  de  la  petite  tumeur.  Ces  nodules 
se  fondent  les  unes  dans  les  autres  à  leur  périphérie,  mais  ils  se  recon- 
naissent au  microscope  par  une  différence  de  composition  à  leur  centre 
et  à  leur  limite.  C'est  à  leur  centre  que  sont  accumulés  les  noyaux  et 
les  cellules  les  plus  petits,  et  que  se  trouve  la  plus  grande  quantité  de 
matière  amorphe;  celle-ci  y  forme  même  de  petits  amas  irréguliers, 
ayant  jusqu'à  0,04  et  très-caractéristiques.  A  la  périphérie  des  lobules, 
les  éléments  cellulaires  du  tissu  connectif  acquièrent  peu  à  peu  de  plus 
grandes  dimensions,  et  la  substance  fondamentale  devient  fibrillaire, 


175 
de  telle  sorte  qu'à  la  limite  de  ces  lobules  on  remarque  un  tissu  tout  à 
fait  semblable  au  tissu  conjonctif  adulte. 

Celle  disposition  en  lobules  vaguement  indiqués  se  rencontre  habi- 
tuellement dans  les  gommes  et  peut  se  retrouver  encore  quand  bien 
même  elles  ont  subi  celte  transformation  caséeuse  lardacée,  si  carac- 
téristique. Seulement  alors  les  lobules  ne  sont  plus  marqués  que  par 
des  groupes  de  granulations  graisseuses  disposées  en  cercles.  Dans  le 
cas  qui  nous  occupe  maintenant,  la  transformation  caséeuse  n'est  pas 
encore  survenue ,  celle-ci  appartenant,  comme  Virchow  l'a  démontré, 
à  un  stade  plus  avancé  dans  l'évolution  des  gommes. 

Sur  des  coupes  comprenant  la  gomme  et  une  partie  du  parenchyme 
hépatique  circonvoisin,  on  remarque  que  le  tissu  pathologique  est  relié 
au  tissu  du  foie  par  des  traînées  de  tissu  connectif  embryonnaire 
(cellules  et  noyaux  embryo-plastiques  de  M.  Robin).  Ces  traînées  che- 
minent entre  les  lobules  de  Torgane  et  sont  traversées  par  des  ramifi- 
cations terminales  de  l'artère  hépatique,  de  la  veine  porte  et  du  canal 
hépatique,  ce  dont  on  juge  très-bien  sur  des  coupes  transversales  ou 
longitudinales  à  la  direction  de  ces  différents  conduits.  Mais  la  prolifé- 
ration ne  s'arrête  pas  à  la  portion  parenchymateuse  de  la  capsule 
de  Glisson  ;  les  éléments  cellulaires  de  nouvelle  formation  s'in- 
sinuent entre  les  cellules  hépatiques  et  les  séparent  les  unes  des 
autres ,  de  telle  sorte  qu'à  la  limite  de  la  tumeur  on  trouve  des  cellules 
du  foie  atrophiées,  globuleuses,  chargées  de  granulations  jaunâtres, 
dispersées  au  milieu  du  nouveau  tissu.  C'est  du  reste  ce  qu'il  advient 
des  cellules  hépatiques  dans  toutes  les  productions  gommeuses  du  foie. 
Et  lorsque  l'atrophie  des  cellules  devient  complète,  leur  place  reste 
quelquefois  marquée  par  des  groupes  globuleux  et  étoiles  de  cristaux 
d'acide  stéarique,  résultant  de  la  décomposition  des  matières  grasses 
contenues  primitivement  dans  ces  cellules. 

J'insiste  sur  ce  fait  parce  qu'au  premier  abord  on  pourrait  prendre 
ces  groupes  globuleux  pour  ces  corps  qu'on  désigne  en  anatomie  patho- 
logique sous  le  nom  de  corpuscules  granuleux. 

L'hyperplasie  du  tissu  connectif  n'est  pas  limitée  au  voisinage  des 
gommes  ;  en  effet,  dans  les  différentes  portions  de  foie  que  j'ai  exami- 
nées, j'ai  rencontré  les  altérations  décrites  par  Virchow  sous  le  nom 
d'hépatite  syphilitique  interstitielles,  c'est-à-dire  des  îlots  de  tissu 
connectif  embryonnaire  entre  les  lobules  hépatiques.  Il  y  a  même  dans 
certains  points  une  disposition  fort  curieuse  que  j'ai  étudiée  avec  soin, 
car  je  la  rencontrais  pour  la  première  fois  :  autour  de  la  veine  centrale 
s'est  formée  une  zone  régulière  de  tissu  connectif  embryonnaire  épaisse 
parfois  d'un  demi-millimètre  séparant  cette  veine  du  réseau  des  cellules 
hépatiques. 


176 

En  résumé,  on  rencontre  dans  ce  foie  des  gommes  et  de  Thépatite 
interstitielle.  Le  tissu  de  la  gomme  ne  diffère  de  celui  de  la  néoforma- 
tion qui  caractérise  l'hépatite  syphilitique  de  Virchow  que  par  les  di- 
mensions des  éléments  qui  dans  la  gomme  deviennent  par  place  extrê- 
mement petits.  En  effet,  tout  comme  la  tuberculose,  la  syphilis  imprime 
aux  éléments  qui  en  dérivent  un  caractère  de  misère  qui  se  traduit 
par  la  petitesse  des  noyaux  et  des  cellules  de  nouvelle  formation.  Aussi 
est-ce  au  centre  des  nodules  de  la  gomme  que  les  cellules  et  les 
noyaux  deviennent  de  plus  en  plus  petits  pour  tomber  enfin  en  détritus 
granuleux.  Seulement,  comme  ici  les  éléments  sont  enclos  dans  une 
substance  très-résistante,  il  ne  résulte  pas  habituellement  de  cette 
fonte  moléculaire  une  masse  caséeuse  dissociée  comme  celle  des  tu- 
bercules, mais  bien  un  tissu  lardacé  et  résistant.  Et  comme  d'autre 
part  les  vaisseaux  ne  sont  pas  aussi  rapidement  oblitérés  dans  les  pro- 
ductions syphilitiques  que  dans  les  produits  tuberculeux,  les  masses 
caséeuses  de  la  syphilis  peuvent  être  reprises  par  l'absorption,  tandis 
que  ce  fait  ne  s'observe  que  d'une  manière  tout  à  fait  exceptionnelle 
pour  le  tubercule. 

Le  frontal  et  le  sternum  présentent  une  altération  qui  a  été  bien  ra- 
rement observée.  Cette  altération  doit  être  désignée  sous  le  nom  d'os- 
téite gommeuse  ;  elle  est  caractérisée  par  un  agrandissement  des  espa- 
ces vasculaire  et  médullaire  des  os,  et  par  le  remplissage  de  ces  cavités 
agrandies  par  une  substance  gélatineuse  dans  quelques  points,  lardacée 
et  caséuse  dans  d'autres. 

Cette  variété  d'ostéite  qui,  comme  on  va  le  voir,  a  des  caractères 
histologiques  assez  précis,  n'est  pas  encore  bien  décrite  dans  la  science. 
L'observation  la  plus  ancienne  d'un  fait  de  cette  nature  a  été  publiée 
par  Dufour  dans  les  Bull,  de  la  Soc.  anat.  (1851,p.  139).  L'examen  mi- 
croscopique de  la  pièce  a  été  fait  par  Lebert;  cet  examen  est  très-in- 
suffisant et  ne  relate  que  la  présence  de  granules  de  0,005  et  de  cor- 
puscules plus  grands  paraissant  contenir  un  noyau  et  ayant  0,0075, 
L'auteur  ajoute  que  ses  études,  assez  nombreuses  sur  les  lésions  pro- 
duites par  la  syphilis  ne  l'autorisent  pas  à  admettre  l'existence  d'un 
type  syphilitique  spécial,  d'un  élément  cellulaire  propre  à  la  syphilis. 
Dittrich  avait  mentionné,  dans  un  cas  de  carie  de  la  voûte  crânienne, 
rinfiltration  de  l'os  malade  par  un  exsudât  blanc,  grisâtre  et  lardacé. 
(Prayer,  Vierleljahrsscerift,  1849.) 

Virchow,  qui  relate  ces  faits  dans  son  Traité  de  (a  syphilis  constitu- 
tionnelle, dit  n'avoir  jamais  observé  de  cas  analogues.  11  pense  néan- 
moins que  l'ostéite  gommeuse  doit  être  Torigine  de  la  nécrose  syphi- 
litique des  os  du  crâne;  s'il  en  est  ainsi  dans  quelques  cas,  ce  qui  est 
du  reste  à  démontrer,  dans  d'autres,  le  processus  de  la  nécrose  parait 


177 
ôtre  d'une  nature  bien  diftérenle.  En  effet,  dans  la  plupart  des  séques- 
tres syphilitiques,  et  j'en  mets  plusieurs  sous  les  yeux  des  membres 
de  la  Société,  l'os  nécrosé,  au  lieu  d'être  raréfié,  est,  au  contraire, 
éburné ,  et  sur  des  préparations  microscopiques,  on  constate  que  tous 
les  canaux  sont  devenus  petits,  et  que  quelques-uns  sont  complètement 
oblitérés  à  la  suite  d'une  production  osseuse  sous  forme  de  couches 
concentriques. 

Je  reviens  maintenant  aux  pièces  qui  font  l'objet  de  la  présente  coui- 
uuinication.  Le  frontal,  au  niveau  de  sa  partie  orbitaire,  est  creusé  de 
nombreuses  cavités  ayant  en  moyenne  2  millimètres  de  diamètre.  Ces 
cavités  sont  irrégulières  et  communiquent  les  unes  avec  les  autres  ; 
elles  sont  remplies  d'une  substance  gélatineuse  qui  ne  se  laisse  que  dif- 
ficilement enlever,  et  qui  ne  se  dissocie  pas  quand  on  l'agite  dans  l'eau. 
Examinée  au  microscope,  cette  substance  nous  paraît  formée  par  des 
éléments  cellulaires,  dont  quelques-uns  ont  un  diamètre  très-petit, 
0.0U3,  reliés  les  uns  aux  autres  par  une  matière  amorphe  ou  vaguement 
fibrillaire. 

Sous  le  périoste  orbitaire,  légèrement  épaissi,  se  rencontre  une  cou- 
che épaisse  de  1  millimètre,  formée  d'une  substance  analogue  corres- 
pondant à  la  face  orbitaire  de  l'os,  qui  est  devenue  inégale  et  rugueuse. 

Mais  c'est  dans  le  sternum  que  l'altération  est  bien  marquée,  et  sur 
cet  os  on  peut  suivre,  soit  à  l'œil  nu,  soit  au  microscope,  l'évolution  du 
produit  morbide.  Sur  une  section  de  l'os  rafraîchie  avec  le  rasoir,  on 
distingue  des  parties  rouges,  un  peu  lie  de  vin  (coloration  normale  de 
cet  os;,  d'autres  d'un  rouge  vif,  certaines  rosées  et  d'aspect  gélatineux, 
enfin  une  vaste  portion  est  d'un  blanc  mat,  et  se  montre  avec  tous  les 
caractères  que  M.  Nélaton  a  assignées  à  l'infiltration  tuberculeuse  des  os. 
Dans  ces  divers  endroits,  le  tissu  osseux  se  montre  sous  forme  de  fines 
trabécules,  et  les  aréoles  qu'elles  circonscrivent  ont  une  étendue  variable . 

Le  périoste  est  épaissi  aussi  bien  sur  la  face  postérieure  que  sur  la  face 
antérieure  du  sternum,  et  il  est  doublé  d'une  couche  d'épaisseur  varia- 
ble suivant  les  points,  ayant  un  aspect  et  une  coloration  semblables  à 
ceux  des  portions  osseuses  correspondantes. 

.l'arrivé  maintenant  aux  résultats  fournis  par  l'examen  microscopique. 
Cet  examen  est  d'un  grand  intérêt,  car,  dans  les  os,  les  phénomènes 
morbides  se  passent  dans  des  petites  boîtes  représentées  parles  espaces 
médullaires  et  vasculaires,  et  par  suite  on  peut  suivre  pas  à  pas  le  pro- 
cessus de  l'altération.  Seulement  il  est  quelquefois  difficile  d'enlever 
avec  l'extrémité  d'un  scalpel  la  moelle  contenue  dans  des  cavités  mé- 
dullaires étroites;  aussi  je  recommande  le  procédé  suivant  :  arracher  un 
petit  fragment  de  l'os  et  le  délayer  dans  une  goutte  d'eau  sur  le  porte- 
objet;  comme  le  fragment  osseux  entraine  avec  lui  la  moelle  qui  l'en- 
c.  R.  12 


178 
toure,  ou  arrive  à  isoler  facilement  ainsi  les  éléments  que  celle-ci  con- 
tient. C'est  d'abord  à  l'aide  de  ce  mode  de  préparation  que  j'ai  constaté 
que  dans  la  moelle  des  parties  rouges  lie  de  vin  se  rencontrent  les 
cellules  habituelles  de  la  moelle  (médullocelles  de  M.  Robin),  avec  quel- 
ques rares  cellules  adipeuses;  c'est  là  l'état  normal,  comme  on  le  sait, 
pour  le  sternum,  les  côtes  et  les  vertèbres. 

Dans  les  portions  d'un  rouge  vif,  les  médullocelles  deviennent  plus 
abondantes,  globuleuses,  et  leurs  noyaux  ne  sont  bien  apparents  qu'a- 
près l'action  de  l'acide  acétique  ou  de  l'eau  au  bout  de  quelques  in- 
stants; ce  caractère  se  rencontre  dans  les  cellules  embryonnaires  de  la 
moelle,  on  le  retrouveordinairement  aussi  dans  les  cellules  de  la  moelle, 
lorsque  les  os  sont  le  siège  d'une  irritation. 

Dans  les  parties  gélatineuses,  les  cellules  deviennent  petites,  0,003  à 
0,008;  elles  ne  sont  plus  libres,"  comme  dans  les  autres  portions,  mais 
sont  plongées  dans  une  substance  amorphe  ou  fibrillaire.  A  côté  des 
cellules  se  trouvent  beaucoup  de  noyaux.  Ces  éléments,  dont  M.  Robin 
fait  une  espèce  nouvelle  (cytoblastions),  se  rencontrent  dans  la  moelle 
des  os,  affectés  d'ostéite  tuberculeuse  ou  syphilitique,  et  sont  envahis 
bientôt  par  la  transformation  caséeuse.  Quand  celle-ci  survient,  leur  pe- 
titesse se  prononce  encore  davantage  ;  ils  finissent  par  tomber  en  un 
détritus  auquel  viennent  s'ajouter  des  granulations  graisseuses  en  quan- 
tité variable.  Ce  sont  là,  en  effet,  les  éléments  que  l'on  rencontre  dans 
les  parties  blanches  et  opaques  de  cette  pièce;  mais  on  y  observe  aussi 
des  masses  globuleuses,  obscures,  ayant  de  0,02  à  0,04,  formées  par  des 
cristaux  d'acide  stéarique  disposés  en  rayon. 

Si  maintenant  nous  avons  recours  à  la  macération  dans  l'acide  chro- 
mique  à  1  pour  100  et  que  nous  fassions  des  coupes  à  la  surface,  nous 
pourrons  voir  ces  divers  éléments  en  place  et  nous  jugerons  de  leurs 
rapports  avec  les  trabécules  osseuses.  De  plus  nous  apprécierons  les  al- 
térations de  ces  trabécules. 

Sur  les  préparations  obtenues  à  l'aide  de  ce  procédé,  on  remarque 
d'abord  que  le  tissu  osseux  se  résorbe  progressivement  pour  faire  place 
au  produit  pathologique;  que  cette  résorption  est  précédée  dans  quel- 
(jues  points  d'un  agrandissement  des  ostéoplastes;  certains  de  ces  os- 
téoplastes  agrandis  renferment  plusieurs  noyaux;  cet  agrandissement 
des  ostéoplastes  n'est  pas  nécessaire,  car  dans  beaucoup  d'endroits  ces 
éléments  ont  conservé  leurs  dimensions  habituelles  dans  les  trabécules 
en  état  de  résorption.  On  constate  aussi  que  la  disparition  de  la  substance 
osseuse  n'est  nullement  précédée  d'une  production  de  granulations 
graisseuses  ni  dans  cette  substance  ni  dans  les  ostéoplastes,  même  dans 
les  parties  où  la  moelle  a  été  envahie  par  la  transformation  caséeuse. 
A  mesure  que  le  tissu  osseux  se  résorbe,  les  éléments  cellulaires  des 


17'.' 
corpuscules  osseux  semblent  tomber  un  a  un  dans  l'espace  médullaire. 
Aussi  au  centre  de  cet  espace  trouve-t-on  des  noyaux  et  des  cellules 
de  petite  dimension  (cytoblastions),  tandis  qu'à  leur  périphérie  les 
noyaux  et  les  cellules  se  rapprochent  beaucoup  de  celles  qu'on  observe 
dans  la  moelle  embryonnaire. 

Le  processus  de  l'ostéite  gommeuse  peut  donc  être  divisé  en  deux 
phases.  La  première  correspondant  à  la  dissolution  de  l'os  et  aboutissant 
à  donner  des  cellules  embryonnaires;  cette  phase  se  rencontre  chaque 
fois  qu'un  produit  de  nouvelle  formation  et  de  n'importe  quelle  nature 
se  développe  dans  les  os;  son  but  est  de  fournir  des  éléments  aptes  à 
former  le  tissu  morbide.  La  seconde  appartenant  en  propre  à  la  syphilis, 
différant  peu  de  ce  qu'on  observe  dans  l'ostéite  tuberculeuse,  aboutis- 
sant à  la  production  d'un  tissu  constitué  par  des  éléments  cellulaires 
très-petits,  noyés  dans  une  substance  amorphe  ou  fibreuse  et  voués  à 
une  mort  prématurée.  La  manière  dont  se  fait  celle-ci  (nécrobiose  de 
Virchow)  donne  lieu  habituellement  dans  les  os  à  un  produit  caséeux 
qui  diffère  de  celui  de  la  tuberculose  en  ce  que  la  masse  caséeuse  se 
dissocie  difficilement.  On  a  vu  plus  haut,  à  propos  desgommes  du  foie, 
quelle  est  la  raison  de  cette  différence. 

Cette  plaque  muqueuse  forme  sur  la  grande  lèvre  gauche  un  relief 
marqué  et  étendu;  sa  surface,  qui  est  très-légèrement  chagrinée,  est 
recouverte  de  quelques  poils.  Sur  une  section  on  remarque  que  la  par- 
tie tuméfiée  est  recouverte  d'un  gris  rosé,  légèrement  translucide,  et 
qu'elle  est  parcourue  par  de  nombreux  vaisseaux.  Sur  des  coupes  pra- 
tiquées après  durcissement  dans  l'acide  chromique,  on  observe  à  l'aide 
du  microscope  que  l'épiderme  est  conservé,  que  les  papilles  n'ont  subi 
qu'une  augmentation  peu  notable,  et  que  la  tuméfaction  est  due  surtout 
à  une  production  abondante  de  cellules  et  de  noyaux  dans  le  chorionet 
même  dans  la  portion  aréolaire  du  derme.  Ces  éléments  cellulaires  ne 
sont  autres  que  des  cellules  embryonnaires  du  tissu  connectif  (embryo- 
plastiques  de  M.  Robin),  auxquelles  sont  mélangés  en  faible  proportion 
des  cellules  et  noyaux  plus  petits  (cytoblastions).  Sa  prolifération  n'est 
pas  également  répartie  et  les  éléments  de  nouvelle  formation  se  groupent 
en  îlots  de  forme  et  d'étendue  variables.  C'est  surtout  au  centre  de  ces 
îlots  que  se  rencontrent  les  éléments  les  plus  petits. 

Les  vaisseaux  ont  conservé  leurs  enveloppes  distinctes;  sur  quel- 
ques-uns la  membrane  moyenne  paraît  épaissie,  sur  beaucoup  la  tuni- 
que externe  se  confond  avec  le  tissu  de  nouvelle  formation. 

Les  graines  des  poils  se  montrent  avec  leur  aspect  normal;  certaines 
pourtant  ont  perdu  les  poils  qu'elles  contenaient  et  sont  alors  remplies 
et  même  distendues  par  des  cellules  épithéliales.  Les  glandes  sébacées 
n'ont  subi  aucune  altération. 


k,i-^  l  i  BH  A  R  Yi- 


ISO 

Quant  aux  glandes  sudoripares  logées  plus  prolondément  que  ces  der- 
nières, les  unes  se  montrent  avec  les  caractères  habituels  de  la  région, 
d'autres  ont  subi  des  modifications  importantes.  Leurs  canaux  sont  dis- 
tendus par  des  cellules  épithéliales  granuleuses  ayant  jusqu'à  0,04  de 
diamètre.  Dans  quelques  points  cette  distension  arrivée  à  sa  dernière 
limite  a  établi  de  larges  communications  entre  diverses  parties  d'un  tube 
enroulé,  de  telle  sorte  que  sur  une  coupe  comprenant  un  glomérule  de 
ces  glandes,  au  lieu  de  celte  belle  et  régulière  disposition,  on  ne  ren- 
contre plus  que  des  sortes  de  cavités  anfractueuses  remplies  de  cellules 
granuleuses  et  disposées  au  hasard.  Cet  état  explique  très-bien  comment 
se  fait  la  destruction  des  glandes  dans  les  tubercules  profonds  de  la 
peau.  Nous  devons  en  effet  considérer  cette  plaque  muqueuse  comme 
une  manifestation  tardive  de  la  syphilis  constitutionnelle,  et  non  comme 
un  de  ces  tubercules  muqueux  qui  surviennent  au  début  de  la  première 
période  de  la  syphilis  confirmée,  car  les  papilles  n'ont  pas  subi  une 
hypertrophie  notable  et  la  néoformation  cellulaire  a  surtout  pour  siège 
les  couches  profondes  du  derme. 

Si  nous  nous  appliquons  à  faire  ressortir  les  points  principaux  de 
cette  observation,  nous  remarquerons  que  malgré  l'absence  de  rensei- 
gnements étiologiques,  l'analomie  pathologique  seule  peut  établir  qu'il 
s'agit  ici  d"un  cas  de  syphilis  non  douteux.  Les  lésions  que  nous  avons 
rencontrées  dans  le  foie  et  du  côté  des  organes  génitaux  externes  ont 
des  caractères  à  l'œil  nu  et  au  microscope  qui  éloignent  toute  autre 
hypothèse.  La  nature  des  accidents  osseux  pourrait  peut-être  être  dis- 
cutée, puisque  nous  trouvons  dans  le  sternum  l'altération  que  M.  Né- 
laton  a  désignée  sous  le  nom  de  tubercule  infiltré  des  os.  Mais  selon 
nous,  il  faut  simplement  profiter  de  ce  fait  pour  établir  que  cette  dési- 
gnation est  mauvaise  et  la  remplacer  par  le  mot  d'ostéite  caséeuse  qui 
spécifie  la  forme  anatomique  et  ne  fait  rien  présumer  sur  la  nature  de 
l'affection  qui  la  produit.  En  effet,  notre  sujet  n'était  nullement  tuber- 
culeux, comme  le  montra  l'examen  du  poumon,  et  de  plus  l'ostéite  et  la 
périostite  du  frontal  ne  rappellent  en  rien  les  manifestations  de  la  tu- 
berculose dans  le  tissu  osseux. 

Si  nous  cherchons  maintenant  à  voir  une  différence  entre  l'ostéite 
caséeuse  tuberculeuse  et  syphilitique,  nous  noterons  que,  dans  ce  fait, 
la  masse  caséeuse  était  résistante,  tandis  qu'en  l'agitant  dans  l'eau  nous 
avons  obtenu  facilement  la  dissociation  de  substance  caséeuse  de  l'os- 
téite tuberculeuse  dans  plusieurs  cas  de  cette  maladie  que  nous  avons 
examinés  à  cet  effet.  Toutefois  ne  nous  hâtons  pas  de  conclure  à  des 
caractères  anatomiques  différentiels  basés  sur  un  aussi  petit  nombre 
d'observations. 


1.^1 
II.  -  Anatomie  pathologique. 

Note   sur  les  altérations  du  tissu   cellulo-adipeux  dans   la  dégén<» 
REscENCE  DITE  amyloïde  ;  par  M.  G.  Hayem,  interne  des  hôpitaux. 

Dans  les  cas  de  dégénérescence  dite  amyloïde,  plus  ou  moins  com- 
plètement généralisés,  le  tissu  cellulo-adipeux  lui-même  peut  présenter 
des  altérations  analogues  à  celles  qui  existent  alors  dans  un  grand  nom- 
bre d'organes. 

Ce  tissu  devient  plus  ferme,  plus  dur,  il  offre  un  aspect  blanchâtre  ; 
quelquefois  il  est  presque  comme  lardacé. 

Les  artérioles  visibles  à  l'œil  nu  présentent  un  épaississement  de 
leurs  parois  comme  dans  les  autres  organes  dégénérés.  On  peut  voir 
alors  au  microscope  que  la  matière  amyloïde  s'est  déposée  dans  les 
fibres-cellules  des  artérioles  et  à  la  face  interne  ou  dans  l'épaisseur  des 
vaisseaux  capillaires. 

Dans  un  certain  nombre  de  cas,  rares  à  la  vérité,  les  vésicules  adi- 
peuses elles-mêmes  sont  infiltrées  de  substance  amyloïde  qui  paraît  se 
déposer  dans  l'épaisseur  même  de  la  membrane  d'enveloppe,  autour  du 
noyau  qui  reste  habituellement  visible. 

La  graisse  contenue  dans  les  vésicules,  ou  les  cristaux  de  margarine 
sont  alors  refoulés  en  un  point  opposé  au  dépôt  de  matière  amyloïde, 
ou  bien  paraissent  comme  encadrés  par  la  matière  en  question. 

En  même  temps,  il  est  fréquent  de  trouver  dans  le  tissu  conjonctif 
une  multiplication  des  noyaux.  C'est  dans  le  tissu  cellulo-adipeux  abon- 
dant qui  enveloppe  les  reins  et  les  capsules  surrénales,  dans  celui  quj 
double  certains  replis  du  mésentère  et  dans  les  appendices  graisseux 
de  l'épiploon  j'ai  pu  constater  ces  altérations  des  vésicules  elles-mêmes. 
Il  existait  dans  ces  cas  une  dégénérescence  très-avancée  de  plusieurs 
organes  et  en  particulier  des  reins  et  des  capsules  surrénales  et  aussi 
du  tube  digestif. 

Ce  fait,  de  la  participation  du  tissu  cellulo-adipeux  à  la  dégénéres- 
cence amyloïde,   n'offre  aucune  importance  pratique;  il  prouve  seule 
ment  une  fois  de  plus  que  la  plupart  des  tissus  peuvent  être  le  siège  de 
cette  dégénérescence. 

III.—  Physiologie. 

Forme  des  battements  du  coeur  suivant  l'p'tat  de  la  fonction 
circulatoire  dans  la  série  animale;  par  M.  Marey. 

J'ai  eu  l'honneur  de  présenter  à  la  Société,  au  commencement  de 
cette  année,  des  tracés  obtenus  sur  l'homme  et  sur  les  animaux  et  re- 


182 
présentant  le  battement  du  cœur  dans  les  conditions  normales.  On  a  pu 
voir  que  la  plus  grande  variété  se  rencontre  dans  la  forme  des  batte- 
ments du  cœur  lorsqu'on  étudie  ceux-ci  sur  des  animaux  différents  et 
môme  que  la  forme  du  battement  diffère  sur  chaque  animal  suivant  les 
variations  physiologiques  de  sa  fonction  circulatoire. 

On  peut  résumer  ainsi  les  conclusions  de  mon  premier  travail: 

Le  tracé  du  battement  du  cœur  renferme  à  peu  près  les  mêmes  élé- 
ments chez  les  mammifères.  Ainsi  les  battements  du  cheval,  que  j'avais 
déjà  enregistrés  dans  mes  expériences  avec  Chauveau,  sont  à  peu  près 
identiques,  sauf  leur  fréquence  moins  grande,  aux  battements  du  cœur 
de  l'homme  à  l'état  physiologique.  Chez  le  chien,  le  chat,  le  lapin,  la 
principale  différence  consiste  dans  une  fréquence  plus  grande  et  une 
moindre  intensité  des  battements  comparés  à  ceux  des  plus  grands 
mammifères. 

Chez  la  tortue,  la  forme  du  battement  cardiaque  diffère  notablement: 
la  systole  est  plus  prolongée,  et  les  claquements  valvulaires  ne  sont 
pas  appréciables. 

La  grenouille  et  l'anguille  donnent  des  battements  très-analogues, 
mais  avec  une  systole  moins  prolongée.  La  forme  de  cette  systole  est 
toujours  arrondie. 

Enfin,  le  crabe  a  présenté,  comme  on  pouvait  s'y  attendre,  une  forme 
toute  particulière  caractérisée  par  l'absence  de  la  contraction  de  l'o- 
reillette. 

Depuis  cette  première  communication  à  la  Société,  j'ai  pu  continuer 
mes  expériences  et  les  étendre  à  un  plus  grand  nombre  d'espèces  ani- 
males, grâce  à  l'obligeance  de  M.  le  professeur  Coste,  qui  m'a  ouvert 
son  laboratoire  et  ses  aquariums  marins  de  Concarneau.  J'ai  pu  étudier 
le  battement  du  cœur  chez  un  grand  nombre  d'espèces  de  poissons  et 
de  crustacés,  et  j'ai  trouvé  que  tous  les  poissons  présentaient  sensible- 
ment la  même  forme  de  battements  que  l'anguille  que  je  connaissais 
déjà,  et  que  les  homards,  langoustes,  écrevisses  d'eau  douce,  etc.,  don- 
naient le  même  tracé  que  le  crabe  dont  j'avais  déjà  obtenu  le  tracé  car- 
diaque. 

Des  faits  nouveaux  et  qui  me  semblent  importants  se  sont  présentés 
à  moi  dans  mes  expériences  récentes.  C'est  d'abord  l'identité  presque 
absolue  de  forme  des  battements  du  cœur  chez  tous  les  animaux  lorsque 
le  cœur  détaché  de  l'animal  se  contracte  à  vide  au  lieu  de  fonctionner 
normalement.  Ainsi  j'ai  trouvé  que  les  mammifères,  les  oiseaux,  les 
chéloniens,  les  poissons,  les  crustacés  donnent  tous  des  tracés  sembla- 
bles lorsqu'ils  se  contractent  après  avoir  été  détachés  de  l'animal.  Cette 
forme  unique  consiste  dans  une  systole  brève  et  une  diastole  longue.  La 
systole  représente  à  peu  près  un  tiers  de  la  révolution  totale  et  la  dias- 


183 

tolo  deux  tiers.  Cette  forme  est,  dureste,  à  peu  près  celle  que  donnent, 
à  l'état  physiologique  les  poissons  assez  nombreux  que  j'ai  pu  étudier; 
toute  la  difliérence  consiste  dans  l'effet  de  la  contraction  de  l'oreillette 
qui  existe  dans  l'état  physiologique  et  qui  manque  sur  le  cœur  séparé 
de  l'animal.  J'ajoute  que  les  mollusques  donnent  physiologiqiiement  cette 
l'orme  pour  ainsi  dire  rudimentaire  du  battement  cardiaque,  tel  est  du 
moins  le  tracé  que  m'a  fourni  un  mollusque  acéphale,  seule  espèce  que 
j'aie  encore  pu  étudier. 

De  là  résulte  que  le  battement  du  cœur  semble  être  produit  par  une 
sorte  de  décharge  musculaire  intermiilente,  toujours  la  même  cliez  tous 
les  animaux,  mais  dont  les  résistances  passives  modifient  la  forme  dans 
les  conditions  physiologiques.  Cette  opinion  est  encore  confirmée  par 
la  possibilité  de  modifier  la  forme  du  battement  du  cœur  chez  un  ani- 
mal en  faisant  varier  les  résistances  que  cet  organe  éprouve  pour  pous- 
ser le  sang  dans  les  artères. 

Un  rapprochement  intéressant  à  faire,  c'est  celui  de  cette  forme  pri- 
mitive de  la  contraction  ventriculaire  avec  la  forme  la  plus  habituelle 
de  la  contractiou  diaphragmatique.  Ces  formes  sont  sensiblement  iden- 
tiques entre  elles,  et  par  cette  similitude  semblent  faire  prévoir  que 
toutes  les  contractions  rhythmiques  sont  produites  par  des  actes  mus- 
culaires semblables. 

IV.  —  Physiologie  expékimentale. 

1"Ql'eloue3  expériences  sur  la  physiologie  des  Tissrs  ÉRECTiLEs;  commu- 
niquées par  M.  Legros,  interne  des  hôpitaux. 

On  sait  très-bien  que  les  tissus  érectiles  gonflent  par  l'accumulation 
du  sang  dans  des  canaux  spéciaux,  mais  on  n'a  pas  encore  clairement 
démontré  comment  se  fait  cette  accumulation.  On  a  dit,  lorsqu'il  s'agis- 
saitdela  verge,  que  les  muscles  ischio  et  bulbo-caverneux,  en  compri- 
mant les  veines  et  les  corps  caverneux,  arrêtaient  le  cours  du  sang  et 
produisaient  la  turgescence;  cette  explication  est  sans  valeur  dès  qu'il 
s'agit  d'autres  organes  érectiles  (la  crête  des  coqs,  par  exemple). 

Et  du  reste  l'érection  n'est  pas  soumise  à  la  volonté;  j'ai  électrisé  les 
muscles  du  périnée  chez  un  chien  sans  produire  la  moindre  turgescence. 

On  a  dit  encore  qu'il  y  avait  contraction  des  fibres  musculaires  de  la 
vie  organique  que  l'on  rencontre  en  petite  quantité  autour  des  aréoles 
du  tissu  érectile;  on  s'explique  difficilement  dans  ce  cas  qu'il  y  ait  dila- 
tation de  ces  aréoles;  lorsqu'on  électrisé  directement  le  tissu  érectile, 
on  le  voit  revenir  sur  lui-môme  et  chasser  le  sang  qu'il  conlient. 

Des  auteurs  allemands  disent,  au  contraire,  qu'il  y  a  paralysie  de  ces 
Hbres  musculaires,  d'où  dilatation  des  aVéoles. 


184 

On  voit  combien  celle  question  soulève  de  contradictions. 

Enfin  les  belles  expériences  de  M.  Claude  Bernard  sur  l'action  des 
nerfs  vaso-moteurs  et  la  connaissance  exacte  de  la  texture  du  tissu  érec- 
tile  ont  donné  naissance  à  une  théorie  séduisante;  la  paralysie  momen- 
tanée des  nerfs  vaso-moteurs  produirait  une  dilatation  des  rameaux  ar- 
tériels et  raftluxdusang,  étant  plus  considérable,  produirait  l'érection. 

C'est  dans  le  but  de  prouver  l'exactitude  de  cette  ingénieuse  théorie 
que  j'ai  fait  mes  expériences. 

J'ai  obtenu  un  résultat  tout  à  fait  opposé  à  celui  que  j'attendais.  Non- 
seulement  la  section  des  filets  du  grand  sympathique  qui  se  rendent  dans 
les  tissus  érectiles  n'a  pas  produit  de  turgescence,  mais  elle  a  empêché 
l'érection. 

J'ai  d'abord  essayé  de  détruire  les  filets  du  grand  sympathique  qui  se 
rendent  au  tissu  érectile  de  la  verge,  sur  des  rats,  des  cochons  d'Inde, 
des  chats  et  des  chiens;  j'y  suis  parvenu  plusieurs  fois,  mais  la  verge 
est  toujours  restée  flasque. 

J'ai  ensuite  tenté  de  détruire  les  filets  du  grand  sympathique  qui  se 
rendent  à  la  crête  des  coqs  et  à  l'appareil  érectile  de  la  tête  des  din- 
dons; les  résultats  ont  été  très-nets;  après  l'extirpation  du  ganglion 
cervical  supérieur,  j'ai  vu  immédiatement  du  côté  opéré  le  tissu  érectile 
pâlir  et  s'affaisser. 

Sur  un  dindon  que  je  présente,  le  ganglion  cervical  supérieur  du  côté 
droit  est  enlevé  depuis  cinq  semaines;  la  moitié  correspondante  de  la 
tête  est  pâle  et  a  cessé  d'être  verruqueuse;  il  n'y  a  pas  élévation  de 
température;  on  trouve  un  peu  de  rétraction  du  globe  oculaire,  comme 
cela  arrive  toujours  après  la  section  du  grand  sympathique  au  cou. 

La  caroncule  est  pâle  et  flasque  du  côté  droit;  de  plus  elle  est  dé- 
viée à  gauche  par  la  paralysie  du  faisceau  de  fibres  musculaires  de  la 
vie  organique  qui  se  trouve  dans  cet  organe. 

Lorsque  l'animal  est  un  peu  excité,  il  a  la  moitié  gauche  de  la  tête 
d'un  rouge  intense  et  l'autre  moitié  reste  pâle. 

Avec  nos  connaissances  actuelles  en  physiologie,  il  est  bien  difficile 
d'expliquer  ce  fait. 

On  peut  dire  qu'à  la  suite  de  la  paralysie  des  fibres  musculaires  de 
la  vie  organique  situées  dans  les  cloisons  des  aréoles,  le  sang  n'est  plus 
retenu  et  s'écoule  librement  par  les  veines;  mais  nous  avons  vu  que  la 
contraction  de  ces  fibres  musculaires  chassait  le  sang  contenu  dans  les 
aréoles;  leur  contraction  ou  leur  paralysie  produiraient  donc  le  môme 
effet. 

Il  me  semble  qu'on  est  conduit  à  admettre  une  sorte  d'antagonisme 
entre  l'action  du  grand  sympathique  sur  les  dernières  ramifications  ar- 
térielles et  son  action  sur  les  veinules;  l'excitation  du  nerf  dilatant  les 


185 
artérioles  en  contractant  les  veinules  et  sa  section  ou  sa  paralysie  pro- 
duisant un  efl'et  contraire,  de  telle  sorte  que  dans  l'érection  il  y  aurait 
excitation  du  grand  sympathique  et  contraction  des  veinules  qui  émer- 
gent des  tissus  érectiles. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  constate  que  la  section  des  filets  du  grand  sym- 
pathique qui  se  rendent  dans  les  tissus  érectiles  empêche  complètement 
lérection  et  donne  un  résultat  tout  à  fait  opposé  à  celui  que  Ton  ob- 
tient pour  les  autres  tissus  qui  sont  congestionnés  par  une  semblable 
opération. 

2°  Abi.atiox  du  ganglion  cervical  supérieur  chez  les  oiseaux; 
par  M.  Joseph  Michon. 

Dans  la  dernière  séance  de  la  Société  de  biologie,  mon  ami  M.  Ar- 
mand Moreau  a  eu  l'obligeance  de  dire  quelques  mots  d'expériences 
que  j'ai  entreprises  sur  le  ganglion  cervical  supérieur  chez  les  oiseaux. 

Je  n'ai  pas  encore  communiqué  à  la  Société  mes  recherches,  à  cause 
du  résultat  négatif  que  j'ai  obtenu,  quoique  j'aie  fait  tous  mes  efforts 
pour  me  mettre  à  l'abri  des  causes  d'erreur. 

L'action  du  grand  sympathique  à  la  région  cervicale  supérieure 
devait  se  manifester  par  des  phénomènes  de  vascularisation,  des  phé- 
nomènes de  calorification  et  des  phénomènes  pupillaires.  Si  par  une 
cause  quelconque  un  de  ces  phénomènes  m'échappait,  j'espérais  consta- 
ter par  la  présence  d'un  des  deux  autres  l'action  du  ganglion  cervical. 

Or  lorsque  j'ai  enlevé  le  ganglion  cervical  supérieur,  je  n'ai  jamais 
observé  ni  changement  dans  la  vascularisation,  ni  augmentation  de  cha- 
leur du  côté  opéré,  ni  rétrécissement  de  la  pupille.  Les  animaux  ont 
pour  la  plupart  survécu  à  l'opération;  ils  ont  guéri  de  leurs  plaies;  je 
n'ai  constaté  aucun  des  trois  phénomènes  ni  immédiatement  ni  consé- 
cutivement. 

Je  dois  dire  que  j'ai  toujours  opéré  sur  des  coqs;  j'ai  choisi  cette 
espèce  à  cause  des  difficultés  opératoires  que  présentent  la  plupart  des 
autres  oiseaux,  difficultés  qui  n'auront  pas  échappé  aux  expérimenta- 
teurs. Pour  atteindre  le  ganglion,  il  faut  inciser  la  peau  dans  une  région 
très-vasculaire;  même  chez  le  coq  il  est  très-difficile  d'éviter  quelques 
hémorrhagies;  chez  le  dindon,  le  tissu  érectiie  se  prolonge  trop  avant 
sur  le  cou,  Ihémorrhagie  est  inévitable.  D'un  autre  côté,  le  coq  pré- 
sente cet  avantage,  qu'il  présente  une  crête  suffisamment  vasculaire 
pour  que  l'on  puisse  parfaitement  observer  un  changement  s'il  y  en  a 
un. 

Des  trois  phénomènes  qui  doivent  accompagner  la  section  du  grand 
sympathique,  celui  sur  lequel  l'erreur  est  le  plus  facile  est  le  phéno- 


186 
mène  de  vascularisalion,  car  aux  hémorrhagies  superficielles  que  je 
viens  de  signaler  se  joint  le  danger  presque  inévitable  de  blesser  le 
réseau  vasculaire  que  Ton  rencontre  plus  profondément  tout  autour  du 
ganglion.  On  comprend  que  le  moindre  trouble  dans  la  circulation  de 
ce  côté  doit  amener  une  différence  dans  la  vascularisalion  qui  serait 
attribuée  à  tort  à  l'ablation  du  ganglion. 

Je  ne  puis  m'expliquer  ce  manque  d'action  du  ganglion  cervical  su- 
périeur, et  je  pense  que  de  nouvelles  expériences  sont  nécessaires  ;  elles 
montreront  à  quelles  causes  il  faut  attribuer  cette  non-manifestation 
des  phénomènes.  Mais  pour  que  ces  expériences  soient  rigoureuses,  il 
faut  avant  tout  observer  l'action  sur  la  pupille,  et  c'est  seulement  lors- 
que cette  action  aura  été  constatée  que  l'on  pourra  ajouter  plus  de  con- 
fiance à  la  manifestation  des  autres  phénomènes. 

.l'ajouterai  que.  lorsqu'on  coupe  le  sympathique  dans  une  région  où 
Ton  ne  blesse  pas  les  vaisseaux,  les  phénomènes  de  vascularisation  et 
de  calorification  se  manifestent  chez  les  oiseaux  comme  chez  les  mam- 
mifères. Ainsi  la  section  du  sciatique  faite  chez  le  coq  amène  une  calo- 
rification et  une  coloration  immédiate  et  persistante  de  la  patte  du  côté 
opéré. 

V.  —  Pathologie  comparée. 

Maladie  ces  ovaires  avec  ascite  chez  la  dorade  de  la  Chine  [Cyprinus 

auratîis);  par  C.  Davaine. 

Le  savant  directeur  du  jardin  botanique  de  Montpellier,  M.  Ch.  Mar- 
lins,  observa  plusieurs  fois  une  maladie  particulière  sur  les  poissons 
qui  habitent  les  bassins  de  cet  établissement,  ces  poissons  sont  le  cyprin 
doré  ou  dorade  de  la  Chine. 

Dans  celte  maladie  le  ventre,  devenu  très-volumineux,  est  distendu 
par  des  vésicules  qui  rappellent,  jusqu'à  un  certain  point,  les  hyda- 
tides;  mais  les  vers  vésiculaires  étant  encore  inconnus  chez  les  pois- 
sons, M.  Martins  voulut  bien  soumettre  un  de  ces  animaux  malades  à 
mon  examen. 

Une  dorade  me  fut  envoyée  dans  de  l'alcool  le  23  juillet  1865;  elle 
avait  la  taille  qu'acquièrent  les  adultes  de  son  espèce;  son  ventre  était 
très-volumineux,  faisant  sur  le  reste  du  corps  une  saillie  bien  circon- 
scrite; les  écailles  de  celle  région,  écartées  les  unes  des  autres,  n'étaient 
point  régulièrement  imbriquées  partout.  A  l'ouverture  de  la  cavité  ab- 
dominale, il  s'écoula  une  assez  grande  quantité  de  liquide  trouble  et 
légèrement  rougeâtre  qui  ne  remplissait  qu'une  partie  de  cette  cavité, 
car  elle  contenait  en  outre  deux  corps  ayant  l'apparence  de  vésicules, 
oblones.  étendus  d'arrière  en  avant  et  adhérents  lonaitudinalement  de 


187 
chaque  côté  de  l'intestin  qu'ils  masquaient  complètement.  Le  péritoine, 
qui  revotait  ces  corps  et  le  reste  de  la  cavité  abdominale,  n "offrait  point 
d'altération  bien  appréciable. 

Les  corps  vésiculeux  ne  formaient  point  une  cavité  pleine  d'un  liquide 
libre;  ils  étaient  constitués  intérieurement  par  un  parenchyme  très- 
lâche,  consistant  en  tractus  fdamenteux,  infiltrés  d'une  grande  quantité 
de  sérosité  et  parsemés  çà  et  là  de  granulations  très-petites.  Ces  granu- 
lations, examinées  au  microscope,  étaient  des  amas  de  corpuscules 
généralement  sphériques,  d'un  volume  variable  entre  l  et  4  dixièmes 
de  millimètre  de  diamètre;  elles  étaient  renfermées  dans  les  tractus 
formés  de  tissu  cellulaire,  lesquels  prenaient,  dans  certains  points  pour 
les  contenir,  l'apparence  de  tubes  dilatés.  Les  corpuscules  sphériques 
étaient  composés  de  granulations  moléculaires  ou  graisseuses,  généra- 
lement plus  condensées  au  centre  de  la  sphère,  mais  non  régulièrement, 
et  donnant  en  ces  points  l'image  d'amas  pigmenlaires.  On  n'y  voyait 
point  de  vésicule  germinative.  Ces  corpuscules  sphériques  étaient  évi- 
demment des  ovules  rudimcntaires  fort  altérés  qui,  réunis  en  nombre 
plus  ou  moins  considérable,  formaient  les  granulations  visibles  à  l'œil 
ou. 

Le  liquide  de  la  cavité  du  péritoine  se  sépara  par  le  repos  en  deux 
portions,  l'une  liquide-citrine  et  transparente,  l'autre  formant  un  dépôt 
rougeâtre.  Le  liquide  était  incoagulable  par  la  chaleur  et  l'acide  ni- 
trique. (Il  esta  observer  que  la  dorade  ayant  séjourné  dans  l'alcool,  les 
substances  albumino'ides  pouvaient  s'être  précipitées  par  ce  fait.)  Le 
dépôt,  au  microscope,  était  constitué  par  une  substance  floconneuse, 
amorphe,  dans  laquelle  se  trouvaient  :  1°  des  cristaux  en  aiguilles  assez 
nombreux,  incolores,  ordinairement  réunis  en  faisceaux;  2°  des  prismes 
hexaédriques  jaunâtres,  rougeâtres  ou  d'un  rouge  violet,  les  plus  vo- 
lumineux ayant  2  centièmes  de  millimètre  de  diamètre.  Ces  cristaux 
disparaissaient  par  la  potasse  et  par  l'acide  sulfurique  concentré  ;  3"  des 
corpuscules  arrondis  ou  irréguliers,  d'un  volume  variable  jusqu'à  2  cen- 
tièmes de  millimètre  de  diamètre,  ayant  le  centre  coloré  en  rouge 
foncé  ou  noirâtre,  inaltérés  par  la  potasse,  l'acide  acétique  et  l'acide 
sulfurique.  Le  centre  de  plusieurs  de  ces  corpuscules  paraissait  consti- 
tué par  les  prismes  hexaédriques  qu'enveloppait  une  couche  d'une  autre 
nature. 

D'après  l'examen  anatomique  des  organes  malades,  il  est  clair  que 
les  deux  vésicules  de  la  cavité  abdominale  n'étaient  pas  des  hydatides; 
c'étaient  évidemment  les  ovaires  qui  avaient  subi  une  altération  pro- 
fonde. La  mnladie  de  ces  organes  était-elle  primitive  ou  consécutive  à 
l'hydropisie  du  péritoine?  C'est  ce  qu'on  ne  peut  dire  encore. 

M.  Marlins  m'a  donné  les  détails  suivants  sur  les  circonstances  dans 


1S8 
lesquelles  se  produit  cette  maladie  chez  les  dorades  :  «  Ces  poissons  se 
u  multiplient  dans  plusieurs  bassins  du  jardin.  La  maladie  n'affecte  ja- 
«  mais  que  les  gros  ;  une  fois  elle  a  pris  le  caractère  d'une  épizootie, 
«  j'ai  fait  nettoyer  le  bassin  où  elle  s'était  déclarée,  et  l'épizootie  a 
u  cessé.  Tous  les  poissons  qui  sont  atteints  ne  meurent  pas;  j'en  ai  vu 
«  guérir.  La  nature  de  l'eau  parait  sans  influence  sur  le  développement 
«  de  la  maladie;  quelques  bassins  sont  alimentés  par  de  l'eau  de  puits, 
<<  d'autres  par  de  l'eau  de  source,  et  cette  eau  se  renouvelle  souvent, 
«  surtout  pendant  l'été.  Il  y  a  beaucoup  de  fretin  dans  le  bassin  où  est 
M  mort  le  poisson  que  je  vous  ai  envoyé;  ce  qui  prouve  que  d'autres 
«  femelles  étaient  parfaitement  saines.  » 

L'ascite  et  les  maladies  de  l'ovaire  ont  été  observées  chez  les  pois- 
sons; toutefois  les  cas  en  ont  été  très-rarement  mentionnés. Les  auteurs 
qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  naturelle  de  ces  animaux  en  ont  seuls 
parlé.  M.  Rayer  a  donné,  dans  les  Archives  de  médecine  comparée,  le 
résumé  de  tout  ce  qu'on  en  sait;  mais  ces  maladies  n'ont  point  été 
observées  avec  assez  de  soin  pour  qu'on  ait  à  leur  sujet  des  connais- 
sances quelque  peu  précises. 

Quanta  l'hydropisie,  voici  ce  qu'en  dit  Bloch  dans  son  Histoire  na- 
turelle des  poissons  :  «  Lorsqu'il  survient  un  temps  froid  à  l'époque  du 
«  frai,  la  brème  se  retire  au  fond  de  l'eau;  lorifice  du  cloaque  des 
«  femelles  se  referme,  s'enflamme;  le  poisson  enfle,  dépérit  et  meurt 
«  hydropique.  On  m'a  apporté  une  brème  dont  le  corps  avait  dépéri  et 
«  dont  le  ventre  était  excessivement  enflé;  elle  pesait  3  livres  3/4;  vers 
«  l'enflure  les  écailles  paraissaient  aussi  grandes  que  celles  de  la  carpe, 
"  ce  qui  provenait,  sans  doute,  de  la  trop  grande  tension  de  la  peau  ; 
«  car  au  lieu  d'être  rangées  les  unes  sur  les  autres  comme  des  tuiles, 
u  elles  étaient  situées  les  unes  à  côté  des  autres  en  lignes  parallèles. 
(i  Ayant  ouvert  ce  poisson,  je  trouvai  dans  la  cavité  du  ventre  une  sub- 
«  stance  gluante  et  rougeâtre  qui  paraissait  granuleuse  comme  le  millet 
«  cuit.  J'en  fis  cuire  une  partie,  mais  au  lieu  de  devenir  rouge  ou  jaune 
«  comme  les  œufs  des  poissons,  elle  se  changea  en  une  bouillie  blanche.» 
{Histoire  naltirelle  générale  et  particulière  des  poissons,  in-fol.  Berlin, 
1785-1796.)  Bloch  rapporte  encore  un  exemple  d'hydropisie  abdominale 
observée  chez  une  carpe.  Le  fait  lui  avait  été  communiqué  par  le  pro- 
fesseur Schrank  à  Ingolstadt.  Cette  carpe,  achetée  au  marché,  pesait 
6  livres;  après  qu'on  en  eut  fait  l'ouverture,  on  trouva  dans  le  ventre, 
au  lieu  de  laitance,  une  si  grande  quantité  d'eau,  que  le  poisson  ne  pesa 
plus  que  3  livres. 

Quant  aux  maladies  des  ovaires,  les  observations  en  sont  plus  rares 
encore  :  de  Lacépède  en  fait  mention  ;  mais  le  savant  naturaliste  s'est 
inspiré  très-probablement  de  l'observation  de  Bloch  citée  ci-dessus  : 


iS'.t 

il  dit  en  cH'el  que,  lorsque  la  saison  devient  froide  avant  la  fan  du  frai, 
l'orifice,  des  organes  génitaux,  chez  la  femelle  des  poissons,  s'enflamme 
et  se  ferme;  le  ventre  se  gonfle,  les  œufs  s'altèrent,  se  changent  en  une 
substance  gluante  et  rougeâtre;  enfin  l'animal  dépérit  et  meurt.  {Hist. 
nat.  des  poissons.  Paris,  1798-1803.) 

Les  notions  que  nous  trouvons  dans  les  auteurs  sur  Tascite  et  les 
maladies  de  l'ovaire  chez  les  poissons,  se  réduisent  donc  à  la  mention 
qu'en  fait  Bloch  et  aux  deux  observations  qu'il  rapporte.  Le  premier  de 
ces  faits  est  très-probablement  une  maladie  semblable  à  celle  dont  nous 
avons  donné  Tobscrvation.  D'après  ce  que  Bloch  dit  de  l'influence  des 
circonstances  extérieures  sur  la  maladie  des  ovaires,  et  d'après  la  coïn- 
cidence de  l'altération  de  ces  organes  avec  l'ascite,  il  est  probable  que 
cette  dernière  affection  est  consécutive  à  la  première,  d'autant  plus  que 
la  maladie  qui  a  été  observée  à  Montpellier  par  M.  Martins  n'atteint 
que  le  poisson  adulU;. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


UË 


F    F 


LA  SOCIETE  iE 


PENDANT  LE  MOIS  DE  NOVEMBRE   1865; 

Par  .mm.  les  Docteurs  DUMONTPALLIER  et  RERGERON, 

SECRÉTAIRES. 


ÎSIDMCE  \M  W. 


1.  —  Anatomie  pathologique. 

s 

Note  sur  la  dégé.nerescknce  amïloïdedu  tube  digestif;  par  M.  G.  Hayem, 

interne   des   hôpitaux. 

Dans  une  communication  antérieure,  j'ai  déjà  eu  l'occasion  d'attirer 
l'attention  de  !a  Société  sur  la  dégénérescence  amyloïde  du  tube  digestif 
et  particulièrement  sur  celle  de  l'intestin.  Depuis,  j'ai  recueilli  à  l'hô- 
pital des  Enfants  malades,  dans  le  service  de  M.  Millard  et  dans  dif- 
rentes  autopsies  que  mes  collègues  ont  eu  l'obligeance  de  me  montrer, 
plusieurs  pièces  anatomiques  qui  m'ont  permis  de  faire  l'étude  des  di- 
verses phases  de  la  dégénérescence  amyloïde  du  tube  digestif. 

Les  derniers  travaux  de  MM.  Kïihn  et  Rudneif  (1)  ne  peuvent  laisser 
aucun  doute  à  cet  égard. 

'1)  Xrch.  fur  Tpalli.  an.,  van  Virchow,  mai  1865. 


11  osl  bion  clabli  maintenant  qu'il  ne  faut  pas  s'en  laisser  imposer 
par  le  nom  impropre  à^amyloïde,  et  que  dans  la  dégénérescence  ainsi 
désignée,  on  ne  doit  pas  s'attendre  à  trouver  dans  les  organes  des  ma- 
lières  ghjcogènes,  mais  bien  des  dépôts  multiples  d'une  matière  ayant 
une  ressemblance  presque  parfaite,  au  point  de  vue  de  la  composition 
élémentaire,  avec  l'albumine,  mais  possédant  des  caractères  distinclifs 
très-nets  (1). 

L'examen  chimique  et  l'étude  histologique  fournissent  des  caractères 
sûrs  et  importants  ;  mais  la  question  n'est  pas  renfermée  dans  des  li- 
mites aussi  étroites.  Au  point  de  vue  clinique,  il  faut  envisager  la  dé- 
générescence amyloïdc  dans  ses  conditions  étiologiques,  son  mode  par- 
ticulier d'envahissement  dans  les  organes,  suivre  enfm  sa  généralisation 
dans  tout  l'organisme,  se  traduisant  au  lit  du  malade  par  la  cachexie. 

C'est  en  procédant  de  cette  manière  qu'on  arrive  à  constater  que 
l'altération  qui  caractérise  la  dégénérescence  amyloïde  peut  se  ren- 
contrer dans  un  nombre  considérable  d'organes.  C'est  ainsi  qu'on  la  re- 
trouve non-seulement  dans  la  rate,  le  foie,  les  reins,  les  ganglions  lym- 
phatiques, où  elle  se  montre  à  la  vérité  avec  le  plus  de  constance,  mais 
aussi  dans  l'appareil  respiratoire  (bronches  et  parenchyme  pulmonaircj 
comme  j'ai  eu  l'occasion  de  vous  le  montrer  dernièrement;  dans  le 
pancréas,  les  capsules  surrénales,  le  corps  thyroïde,  les  amygdales,  le 
thymus,  dans  les  muscles,  dans  le  tissu  cellulo-adipeux,  enfin  dans  les 
diverses  parties  du  tube  digestif. 

C'est  ce  dernier  point  qui  forme  le  sujet  de  cette  communication. 

Dans  certains  cas  de  dégénérescence  amyloïde  plus  ou  moins  com- 
plètement généralisée,  on  voit  survenir  des  troubles  digestifs  variables. 
Le  plus  fréquemment  on  constate  une  diarrhée  chronique,  quelquefois 
des  hémorrhagies  intestinales.  C'est  alors  qu'on  trouve  à  l'autopsie  des 
lésions  particulières  du  tube  digestif  qui,  indiquées  déjà  dans  plusieurs 
autopsies,  n'ont  pas  encore  été,  que  nous  sachions,  l'objet  d'une  des- 
cription complète. 

La  fréquence  de  la  dégénérescence  amyloïde  du  tube  digestif  varie 
probablement  suivant  les  circonstances  étiologiques  qui  donnent  nais- 
sance à  cette  altération.  A  l'hôpital  des  Enfants  malades,  chez  des  su- 
jets scrofuleux  tous  atteints  de  suppuration  chronique  des  os,  avec  ou 
sans  tuberculisation,  elle  s'est  présentée  à  notre  observation  cinq  fois 
sur  quarante  autopsies. 

Les  causes  particulières  ou  prédisposantes  à  cette  dégénérescence  du 
tube  digestif  paraissent  jusqu'à  présent  échapper  à  l'observation;  mais, 

(1)  Etudes  sur  deux  cas  de  dégénérescence  dite  amyloïde  ou  cireuse. 
(Soc.  de  biologie,  1864.) 


dans  tous  les  ca?,  les  enfants  que  nous  avons  observés  présentaient,  en 
dehors  du  tube  digestif,  un  nombre  plus  ou  moins  considérable  d'organes 
dégénérés,  dont  Faltération  était  antérieure  à  l'apparition  des  troubles 
digestifs  et  de  la  diarrhée. 

Nous  n'avons  donc  observé  la  dégénérescence  nmyloïde  du  tube  di- 
gestif quo  dans  des  cas  de  généralisation  déjà  très-étendue,  et  à  une 
époque  où  l'affection  était  arrivée  à  une  phase  très-avancée. 

Le  siège  des  altérations  anatomiques  que  l'on  observe  est  variable  , 
mais  presque  toujours  le  début  s'observe  dans  la  dernière  portion  de  l'in- 
testin grêle  et  dans  le  gros  intestin  ;  et,  lorsque  d'autres  portions  du  tube 
digestif  sont  atteintes,  c'est  toujours  dans  celles-là  que  les  lésions  sont  le 
plus  avancées.  De  sorte  que  les  premières  portions  du  tube  digestif, 
l'estomac,  l'œsophage,  la  langue  et  les  amygdales  ne  participent  à  l'al- 
tération que  dans  la  minorité  des  cas. 

AUéralions  anatomiques.  —  Leur  siège,  leur  aspect  variable,  leur 
mode  de  développement  et  leurs  terminaisons  permettent  de  décrire 
deux  degrés  qui  répondent  aux  deux  phases  principales  de  l'affection. 

Le  premier  serait  caractérisé  par  la  dégénérescence  des  vaisseaux  de 
la  muqueuse  digestive  et  le  gonflement  des  follicules  sous-muqueux. 

Le  second  par  la  désagrégation  des  follicules  et  la  destruction  de  la 
muqueuse  à  leur  niveau. 

Chacun  d'eux  présenterait,  même  à  l'œil  nu,  un  aspect  particulier 
des  follicules  isolés  et  des  plaques  de  Peyer,  le  premier  offrant  une  al- 
tération qu'on  peut  désigner  sous  le  nom  de  psorentérie  amyloïde,  le 
second  une  transformation  des  plaques  de  Peyer  en  plaques  réliculèes 
et  celle  des  follicules  isolés  en  érosions  ou  ulcérations  amyloïdes.  On 
peut  suivre  quelquefois  sur  le  même  intestin  ces  deux  états  principaux 
de  la  dégénérescence  entre  lesquels  on  peut  distinguer  encore  quelques 
intermédiaires  et  qui  s'accompagnent  aussi  de  lésions  des  autres  parties 
du  tube  digestif  accessoires  et  plus  rares.  C'est  pourquoi  la  distinction 
de  ces  deux  degrés  qui  peut  s'établir  sur  des  caractères  faciles  à  dis- 
tinguer sans  le  secours  du  microscope,  ne  nous  a  paru  utile  que  pour 
rendre  la  description  plus  facile  et  plus  nette. 

Premier  degré.  —  L'intestin  est  rempli  de  matières  plus  ou  moins  li- 
quides, verdâtres,  quelquefois  un  peu  séreuses. 

La  muqueuse  de  l'intestin  est  pâle,  blanciiàtre,  recouverte  d'une 
couche  assez  épaisse  de  mucus  qui  s'enlève  par  le  lavage.  Ces  lésions 
sont  simplement  catarrhales,  les  suivantes  sont  seules  caractéristiques. 

Les  petites  artérioles  et  les  capillaires  sont  épaissis  particulièremert 

dans  le  voisinage  des  plaques  de  Peyer  et  autour  des  follicules  clos: 

Ceux-ci  sont  tuméfiés,  ils  soulèvent  la  muqueuse  et  forment  des  grains, 

des  nodules  saillants  dont  la  grosseur  varie  depuis  celle  d'un  grain  de 

t:.  R  13 


194 

înillet  jusqu'à  celle  d'un  grain  de  chènevis.  En  môme  temps  presque 
toujours  la  petite  dépression  de  la  muqueuse  que  l'on  observe  à  leur  ni- 
veau est  exagérée  et  forme  un  godet  plus  ou  moins  net.  La  coloration 
de  ces  grains  est  blanchâtre,  quelquefois  semi-transparente;  leur  con- 
sistance est  assez  considérable  et  une  piqûre  faite  à  leur  niveau  ne  dé- 
termine pas  leur  affaissement.  Les  follicules  et  les  plaques  de  Peyer 
offrent  alors  un  aspect  analogue  à  celui  qui  existe  dans  ia  psorentérie  ; 
c'est  pourquoi  on  peut  donner  à  cette  altération  le  nom  de  -psorenlérie 
amytoïde. 

Outre  les  circonstances  particulières  dans  lesquelles  celle-ci  se  dé- 
veloppe, elle  se  distingue  de  toutes  les  autres  variétés  de  psorentérie  par 
î'épaississement  des  vaisseaux  autour  des  follicules  et  par  les  réactions 
caractéristiques  de  la  dégénérescence  amyloïde.  Si  l'on  vient,  en  effet, 
à  verser  de  l'eau  iodée  sur  les  portions  malades  de  l'intestin,  on  voit 
apparaître  une  coloration  rouge  sombre  des  vaisseaux  épaissis  ;  en 
même  temps  une  foule  de  petites  ramifications  vasculaires  non  visibles 
à  l'œil  nu  semblent  naître  sous  l'influence  de  l'iode,  de  telle  sorte  que 
l'intestin  d'abord  pâle  prend  l'apparence  qu'il  offre  dans  une  hyperémie 
plus  ou  moins  intense.  L'eau  iodée  fait  encore  naître  dans  des  points 
plus  ou  moins  étendus  de  la  muqueuse  intestinale  des  lignes  rouges  et 
ramifiées  le  long  des  vaisseaux  qui  ne  sont  pas  en  rapport  avec  des  fol- 
licules isolés  ou  agminés  et  c'est  même  quelquefois  la  seule  lésion  qui 
existe  dans  les  cas  où  la  dégénérescence  est  peu  accusée,  et  dans  les- 
quels les  follicules  n'offrent  pas  encore  le  gonflement  qui  caractérise  la 
psorentérie. 

Lésions  microscopiques.  —  L'examen  hislologique  de  la  muqueuse 
intestinale  montre  que  les  dépôts  de  matière  amyloïde  se  font  dans  les 
fibres  cellules  des  artérioles  et  à  la  face  interne  des  capillaires,  comme 
cela  a  lieu  dans  les  autres  tissus. 

Si  l'on  fait  une  coupe  au  niveau  des  follicules  tuméfiés  et  perpendi- 
culairement à  leur  surface,  on  trouve  autour  d'eux  une  grande  quantité 
de  vaisseaux  capillaires  altérés.  Ceux-ci  donnent  naissance  à  de  petites 
branches  vasculaires  très-fines,  transparentes,  qui  pénètrent  dans  l'in- 
térieur du  follicule  et  qui  ne  se  voient  d'ordinaire  que  sur  des  injections 
capillaires  très-fines.  Ce  sont  les  petits  vaisseaux  de  l'intérieur  même 
des  follicules  qui  ont  subi  la  dégénérescence  amyloïde  et  qui  présen- 
tent aussi  la  réaction  iodo-sulfurique. 

Le  follicule  lui-môme  est  rempli  d'une  foule  de  petites  granulations 
et  quelquefois  dune  quantité  plus  ou  moins  considérable  de  concrétions 
amyloïdes.  Ces  altérations  sont  tout  à  fait  comparables  à  celles  des 
corpuscules  de  la  rate  dans  la  dégénérescence  amyloïde,  et  la  psoren- 
térie répond  ici  à  cet  aspect  particulier  de  l'organe  splénique  qu'on  a 


195 
.  désigné  sous  le  nom  de  rate  sagou.  Dans  ce  premier  degré  de  dégéné- 
rescence amyloïde  un  petit  nombre  seulement  des  vaisseaux  du  tissu 
sous-muqueux  sont  altérés,  et  dans  la  muqueuse  elle-même  etses  glandes 
on  ne  trouve  que  des  altérations  catarrhales. 

£n  résumé,  le  premier  degré  de  dégénérescence  amyloïde  de  l'in- 
testin est  caractérisé  :  1°  par  la  dégénérescence  des  artérioles  et  des 
capillaires  artériels  de  la  muqueuse,  particulièrement  autour  des  folli- 
cules, tant  isolés  qu'agminés  ;  2"  par  la  tuméfaction  avec  dégénéres- 
cence amyloïde  de  ces  follicules  :  psorenlérie  aimjloide. 

Quand  les  malades  succombent  à  celte  époque  de  la  dégénérescence 
(c'est  surtout  vers  la  fin  de  l'intestin  grêle  et  dans  le  gros  intestin  que 
l'on  rencontre  ces  lésions),  les  autres  parties  du  tube  digeslif  ne  sont 
pas  habituellement  le  siège  d'autres  altérations;  cependant  il  est  rare 
que  Ion  ne  trouve  pas,  en  examinant  toute  la  longueur  du  tube  diges- 
tif, plusieurs  points  où  les  vaisseaux  de  la  m.uqueuse  sont  dégénérés. 
On  rencontre  aus«îi  habituellement  une  tuméfaction  avec  dégénéres- 
cence de  même  nature  dans  les  ganglions  mésentériques. 

Deuxième  degré.  —  Celui-ci  n'est  que  le  résultat  de  la  transforma- 
tion des  follicules  dégénérés  et  l'extension  de  la  dégénérescence  quel- 
quefois à  toute  l'épaisseur  du  tube  digestif. 

Lésiotis  à  iœilnu.  —  Peu  de  temps  après  la  tuméfaction  des  follicules, 
la  dépression  centrale,  en  forme  de  petit  godet,  s'élargit  peu  à  peu  et 
s''entoure  d'un  cercle  jaunâtre.  Bientôt  le  follicule  n'offre  plus  la  môme 
saillie  ni  la  môme  consistance;  on  voit  à  son  niveau  un  petit  cercle 
blanchâtre  plus  ou  moins  saillant,  où  aboutissent  quelques  petits  vais- 
seaux épaissis,  et  au  centre  une  substance  jaunâtre  un  peu  pulpeuse. 
Enfin,  à  un  degré  plus  avancé,  celte  matière  jaune  a  disparu;  la  mu- 
queuse et  le  follicule  n'existent  plus;  l'ulcération  amyloïde  est  consti- 
tuée. 

Ces  transformations  se  font  aussi  bien  au  niveau  des  plaques  dePeyer 
que  des  follicules  clos;  c'est  pourquoi  l'on  arrive  peu  à  peu  à  deux  alté- 
rations anatomiques  caractéristiques  que  l'on  peut  désigner  sous  les 
noms  de  plaques  réticulées  et  d'érosions  ou  ulcératiom  ainyloules. 

Les  plaques  réliculces  umyloïdcs,  dues  à  la  transformation  des  pla- 
ques de  Peyer,  offrent  l'apparence  d'une  sorte  de  dentelle  plus  ou 
moins  fine,  au  lieu  et  place  où  existait  auparavant  une  plaque  de  Peyer, 
tuméfiée  par  un  premier  degré  de  dégénérescence. 

Les  lignes  blanchâtres  et  saillantes,  qui  circonscrivent  les  espaces 
déprimés  qui  donnent  à  l'ensemble  l'apparence  d'une  dentelle  plus  ou 
moins  fine,  ou  d'une  sorte  de  gâteau  de  miel,  représentent  exactement 
la  distribution  des  vaisseaux  de  la  plaque  de  Peyer,  s'anastomosant  et 
se  ramifiant  autour  des  follicules.  Les  madles,  actuellement  déprimées 


ou  vides,  sont  d'autant  plus  petites  que  la  dégénérescence  amyioïde 
est  étendue  aux  plus  fines  ramifications  vasculaires,  de  sorte  que  la  pla- 
que, dans  son  ensemble,  offre  une  élégance  et  une  délicatesse  variables, 
mais  toujours  une  grande  régularité.  A  la  périphérie  de  la  plaque,  on 
voit  un  certain  nombre  de  troncs  vasculaires  également  épaissis  :  ce 
sont  ceux  qui,  par  leurs  ramifications,  fournissent  les  vaisseaux  de  la 
plaque  de  Peyer.  Au  niveau  des  mailles,  les  follicules  détruits  ou  éli- 
minés laissent  à  leur  place  soit  une  ulcération,  soit  un  amincissement 
considérable  de  la  muqueuse.  Ces  altérations  ne  développent  aucune 
inflammation  au  niveau  de  la  plaque  ou  en  dehors  d'elle;  la  muqueuse 
de  Tinteslin  est  pâle,  anémiée,  recouverte  d'une  quantité  plus  ou  moins 
grande  de  mucus. 

Si  l'on  verse  de  l'eau  iodée  ou  iodo-iodurée  sur  la  plaque  réticulée, 
les  lignes  vasculaires  blanchâtres  se  colorent  immédiatement  en  rouge 
brunâtre,  et  cette  coloration  se  transforme  en  violet  bleuâtre  par  l'ad- 
dition d'une  petite  quantité  d'acide  sulfurique. 

Les  ulcérations  et  érosions  amyloïdcs  sont  le  résultat,  au  niveau  des 
follicules  isolés,  d'une  altération  analogue  à  celle  qui  vient  d'être  dé- 
crite au  sein  des  plaques  de  Peyer.  C'est  la  même  lésion  anatomique 
que  celle  que  représente  la  plaque  réticulée,  celle-ci  étant  due,  pour 
ainsi  dire,  à  la  réunion  d'un  certain  nombre  d'ulcérations  ou  érosions 
amyloïdes. 

Les  érosions  et  ulcérations  se  présentent  sous  l'aspect  de  petites  dé- 
pressions ou  de  véritables  pertes  de  substance  dont  le  bord  est  arrondi 
et  net.  On  dirait,  dans  certains  cas,  qu'une  rondelle  de  la  muqueuse  a 
été  enlevée  à  l'emporte-pièce.  Le  bord  légèrement  saillant  est  sillonné 
par  des  vaisseaux  blanchâtres,  dont  les  divisions  principales  sont  visi- 
blement épaissies.  Le  fond  est  lisse  ou  un  peu  grenu;  il  est  formé  par 
le  tissu  cellulaire  sous-muqueux  ;  il  reste  encore  quelquefois  des  débris 
un  peu  jaunâtres  de  la  muqueuse,  lorsque  l'érosion  ou  l'ulcération  ne 
sont  pas  complètes.  Dans  d'autres  cas,  au  contraire,  la  muqueuse  paraît 
seulement  amincie,  et  Ion  ne  voit  qu'une  simple  dépression  circulaire 
circonscrite  par  les  vaisseaux  épaissis. 

Si  l'on  emploie  les  réactifs,  on  peut  se  convaincre,  rien  qu'à  l'œil  nu, 
que  les  vaisseaux  qui  entourent  normalement  le  follicule  et  qui  envoient 
autour  de  lui  et  dans  son  épaisseur  des  ramifications,  sont  dégénérés. 
Ainsi  l'eau  iodée  fait  apparaître  autour  de  la  perte  de  substance  une 
sorte  de  couronne  d'un  brun  rougeâtre,  de  laquelle  parlent  des  ramifi- 
cations qui  représentent  exactement  la  distribution  vasculaire  normale. 

ExAMEiN  MICROSCOPIQUE.  L'étudo  dos  altéralious  qui  se  passent  au  niveau 
des  follicules  dégénérés  de  l'intestin  depuis  la  simple  tuméfaction  jus- 
qu'à la  formation  complète  des  plaques  réticulées  et  des  érosions  circu- 


197 

laires  montrent  que  ces  dernières  altérations  sont  dues  à  un  travail  de 
destruction  moléculaire.  On  voit  en  effet  se  développer  au  niveau  des 
follicules,  dansla  muqueuse  qui  les  recouvre,  une  métamorphose  grais- 
seuse des  éléments,  et  lorsque  l'érosion  ou  l'ulcération  se  montrent,  le 
follicule  a  disparu  ,  soit  par  désagrégation  granulo-graisseuse,  soit 
parce  qu'il  est  entraîné  au  dehors  après  la  désagrégation  de  la  mu- 
queuse. 

Si  l'un  pratique  une  coupe  au  niveau  d'une  plaque  réticulée  ou  d'une 
érosion,  perpendiculairement  à  la  surface,  on  voit:  1°  une  perte  de 
substance  de  la  muqueuse  dont  on  ne  retrouve  que  des  débris  granulo- 
graisseux;  2°  une  dégénérescence  amyloïde  très-avancée  des  vaisseaux, 
dont  un  certain  nombre  coupés  transversalement  dans  ces  sortes  de 
préparations  apparaissent  comme  un  cylindre  vitreux  offrant  au  centre 
une  ouverture  excessivement  petite  et  à  la  périphérie  un  certain  nombre 
de  noyaux. 

A  ce  degré  plus  avancé  de  la  dégénérescence  amyloïde,  on  peut  voir 
encore  des  altérations  dans  les  autres  tissus  qui  composent  le  canal  in- 
testinal. C'est  ainsi  qu'on  rencontre  une  dégénérescence  amyloïde  de  la 
plupart  des  vaisseaux  du  tissu  cellulaire  sous-muqueux  et  quelquefois 
d'un  certain  nombre  de  vésicules  adipeuses.  La  dégénérescence  amy- 
loïde des  fibres  lisses  n'est  pas  rare  non  plus. 

Quand  elle  existe,  la  paroi  du  tube  digestif  est  notablement  épaissie 
sa  consistance  est  plus  considérable,  et  l'on  voit  au  microscope  dans  un 
grand  nombre  de  fibres-cellules  des  dépôts  de  substance  homogène, 
semi-transparente,  d'aspect  cireux,  masquant  plus  ou  moins  le  noyau, 
augmentant  le  volume  de  l'élément  et  présentant  la  réaction  iodo-sul- 
furique  caractéristique.  C'est  aussi  à  la  description  de  cette  phase  avan- 
cée de  la  dégénérescence  amyloïde  du  lube  digestif  que  se  rapportent 
les  lésions  accessoires  que  Ton  trouve  dans  les  autres  portions  du  tube 
digestif  et  dans  les  replis  du  mésentère  et  du  péritoine. 

Ainsi,  on  peut  rencontrer  une  dégénérescence  des  vaisseaux  dans  un 
grand  nombre  de  portions  du  tube  digestif.  La  psorentérie,  limitée  or- 
dinairement aux  dernières  portions  du  tube  digestif,  remontait  une  fois 
très-haut  dans  l'intestin  grêle.  Dans  d'autres  cas,  nous  avons  pu  noter 
une  fois  la  dégénérescence  des  vaisseaux  de  la  muqueuse  gastrique  et 
de  celle  du  duodénum  ;  une  autre,  celle  des  vaisseaux  et  des  fibres  lisses 
de  l'œsophage;  chez  un  autre  sujet  encore,  une  dégénérescence  amyloïde 
des  vaisseaux  de  la  muqueuse  linguale,  particulièrement  autour  des 
glandules  de  la  base  de  la  langue.  Dans  ce  dernier  cas,  il  existait  une 
dégénérescence  très-avancée  et  générale  des  amygdales  et  des  vais- 
seaux du  pharynx. 

Nous  avons  déjà  indiqué  comme  lésion  presque  toujours  concomi- 


198 
tante  de  la  dégénérescence  du  tube  digestif,  celle  des  ganglions  mésen- 
tériques;  ajoutons  que  lorsque  raffeclion  est  très-avancée,  les  vaisseaux 
des  replis  du  mésentère  et  ceux  qui  doublent  le  péritoine  sont  altérés. 

Dans  une  de  nos  observations,  les  appendices  épiploïques  qui  nous 
paraissent  très-fermes  et  comme  sillonnés  à  la  coupe  de  tractus  fibreux,, 
étaient  aussi  le  siège  d'une  dégénérescence  amyloïde  très-manifeste. 

Nous  pouvons  maintenant  comprendre  facilement  Vévolution  et  la 
physiologie  palhoiogiqiie  de  la  dégénérescence  amyloïde  de  la  muqueuse 
digestive,  et  surtout  de  celle  des  follicules  de  l'intestin.  Comme  dans 
les  autres  organes  ou  tissus,  la  dégénérescence  commence  par  les  vais- 
seaux. Les  premiers  atteints  sont  ceux  de  la  muqueuse  et  du  tissu  cel- 
lulaire sous-muqueux,  en  particulier  ceux  qui  entourent  les  follicules. 
C'est  là  quelquefois  la  seule  altération  que  Ton  puisse  constater  au  dé- 
but. Vient  ensuite  le  gonflement  et  la  dégénérescence  des  follicules 
isolés  et  agminés.  L'altération  des  vaisseaux,  de  plus  en  plus  étendue, 
et  atteignant  les  fins  capillaires,  diminue  leur  calibre  à  un  tel  point  que, 
non-seulement  il  en  résulte  une  anémie  manifeste,  mais  que  la  nutrition 
des  parties  les  plus  altérées  ne  tarde  pas  à  être  profondément  troublée. 
C'est  alors  que  se  montre  le  travail  de  désagrégation  dont  le  résultat 
est  représenté  par  les  plaques  réticulées  et  les  érosions  ou  ulcérations 
amyloides.  Ce  dernier  processus  a  quelque  chose  d'analogue  à  ce  qui  a 
lieu  dans  toutes  les  altérations  des  vaisseaux,  et  Ton  peut  voir  dans  la 
désagrégation  amyloïde  une  lésion  semblable  à  celle  qui  résulte  de  la 
dégénérescence  graisseuse  et  athéromateuse  des  vaisseaux,  dans  le  ra- 
mollissement cérébral  par  exemple. 

D'ailleurs,  ce  travail  de  destruction  qui  accompagne  un  degré  avancé 
de  dégénérescence  amyloïde  n'est  pas  particulier  au  tube  digestif.  J'ai 
eu  l'occasiou  d'en  montrer  des  exemples  à  la  Société  dans  les  reins  et 
dans  les  poumons,  et  dans  ces  cas  les  organes  présentaient  de  véritables 
cavernes... Dans  l'intestin  où  la  désagrégation  a  lieu  sur  une  surface 
libre,  le  même  processus  donne  lieu  à  la  formation  d'une  perte  de  sub- 
stance, dont  on  peut  suivre  quelquefois  révolution  pas  à  pas  sur  le 
même  intestin. 

Symptômes.  Je  m'étendrai  peu  sur  les  symptômes.  Ils  n'ont  présenté 
que  deux  ordres  de  faits,  la  diarrhée^  les  hémorrhagies. 

La  diarrhée  est  habituelle  dès  le  premier  degré  de  la  dégénérescence, 
mais  elle  n'offre  par  elle-même  rien  qui  puisse  la  faire  distinguer  de  la 
diarrhée  chronique  que  Ton  rencontre  dans  toutes  les  cachexies.  Ce- 
pendant on  a  noté  quelques  particularités  accessoires  qui  peuvent  faire 
penser  au  lit  du  malade  à  une  dégénérescence  amyloïde  de  l'intestin 
quand  il  existe  d'autres  organes  dégénérés. 


199 

Ainsi  au'  début  les  selles  deviennent  habituellement  do  plus  en  plus 
liquides,  sans  au2;menter  beaucoup  en  nombre.  Les  malades  n'ont  qu'une 
ou  deux  garde-robes  par  jour,  mais  les  matières  rendues  sont  liquides, 
verdàti  es,  quelquefois  manifestement  séreuses  et  blanchâtres. 

La  diarrhée  une  fois  établie  présente  rarement  des  rémissions.  Elle 
ne  s'est  jamais  accompagnée  de  coliques  ni  de  sensibilité  notable  du 
ventre. 

Les  hémorrhagies  constituent,  quand  elles  existent,  un  symptôme 
plus  important.  Je  Fai  observé  deux  fois  dans  les  cas  où  j'ai  trouvé  à 
l'autopsie  le  second  degré  d'altération  de  la  muqueuse  intestinale; 
c'est-à-dire  les  plaques  réticulées,  les  érosions  et  ulcérations.  Il  est 
probable  que  le  sang  provenait  de  la  rupture  des  petits  vaisseaux  gui 
entourent  les  follicules  à  la  suite  du  travail  de  désagrégation  qui  carac- 
térise la  seconde  phase  de  l'altération. 

2'  Note  sur  un  cas  d'infarctus  calcifié;  par  MM.  Cotard  et  Prévost. 

Dans  la  dernière  séance,  mon  collègue  M.  Prévost  et  moi  nous  sommes 
venus  présenter  à  la  Société  un  infarctus  obtenu  artificiellement  chez 
un  chien,  et  qui  présentait  au  bout  de  dix  jours  une  incrustation  cal- 
caire remarquable. 

Par  une  heureuse  coïncidence ,  nous  avons  retrouvé  des  infarctus 
très-analogues  chez  deux  vieilles  femmes  dont  nous  avons  fait  l'autopsio 
cette  semaine. 

Nous  avons  pensé  que  cette  similitude  parfaite  entre  les  lésions  ana- 
tomo-pathologiques  et  les  altérations  que  nous  avions  obtenues  artifi- 
ciellement, pouvaient  présenter  quelque  intérêt;  c'est  ce  qui  nous  a 
décidés  à  présenter  un  de  ces  cas  à  la  Société. 

La  nommée  Perrard,  âgée  de  83  ans,  entrée  à  l'infirmerie  le  10  no 
vembre  avec  une  dyspnée  extrême,  succombe  aux  progrès  dime  affec- 
tion cardiaque  le  22  novembre;  elle  avait  présenté  à  plusieurs  reprises 
de  l'albuminurie. 

Le  cœur  offre  une  incrustation  calcaire  des  valvules  sigmoïdes  de 
l'aorte,  et  de  la  valvule  mitrale  qui  est  couverte  de  petits  tubercules 
calcaires. 

Une  altération  analogue  se  retrouve  dans  l'aorte  abdominale  qui  est 
complètement  ossifiée. 

Les  artères  rénales  sont  saines. 

Rein  gauche.  Une  vaste  cicatrice  blanchâtre  rétractée  existe  à  sa 
partie  moyenne  ;  si  l'on  fait  une  coupe  perpendiculaire  à  la  surface  du 
rein,  on  voit  que  cette  cicatrice  s'étend  jusqu'au  bassinet;  en  exami 
nant  à  la  loupe  la  coupe  de  cette  cicatrice,  on  aperçoit  à  sa  partie  la 


,^/^ 


\ 


plus  externe  des  grains  qui  représentent  les  glomérules,  et  du  côté  du 
bassinet  des  stries  jaunâtres  parallèles  qui  paraissent  être  les  vestiges 
de  la  substance  médullaire. 

L'artère  qui  correspond  à  l'infarctus  est  oblitérée  par  un  bouchon 
adhérent  aux  parois  de  l'artère,  et  formée  de  fibrine  en  voie  de  régres- 
sion. 

En  examinant  au  microscope  une  coupe  mince  dans  l'infarctus,  on 
observe  du  côté  de  la  surface  des  reins  des  grains  arrondis,  opaques, 
disposes  en  série  et  qui  paraissent  être  des  glomérules,  et  çà  et  là 
quelques  tubuli  contractés  pétréfiés,  et  ayant  subi  divers  degrés  d'a- 
trophie. 

Dans  la  partie  de  l'infarctus  correspondant  à  la  substance  tubuleuses 
les  tubes  incrustés  se  présentent  sous  forme  de  lignes  noires  et  opaques, 
interrompues  par  places. 
•^  Tous  ces  éléments  sont  séparés  par  une  trame  fibreuse  dont  on  aper- 

çoit facilement  les  noyaux  en  ajoutant  de  l'acide  acétique  à  la  prépara- 
tion. 

La  nature  calcaire  de  l'incrustation  est  démontrée  par  la  réaction  de 
l'acide  sulfurique  qui  détermine  une  légère  effervescence,  rend  les 
éléments  transparents,  et  donne  naissance  à  des  aiguilles  caractéris- 
tiques de  sulfatç  de  chaux, 

IL  —  Physiologie  pathologique. 
1*  Greffe  animale;  par  M.  Bert. 

M.  Bert  communique  quelques  faits  de  greffe  animale  ayant  trait  à  la 
résistance  des  propriétés  vitales  dans  les  éléments  anatomiques.  Il  a  vu 
des  queues  de  rat  séparées  depuis  soixante-douze  heures,  d'autres  sou- 
mises à  des  températures  de  4-5!;"  ou  de  —  16°,  d'autres  desséchées, 
puis  chauffées  à  +  100°,  continuer  de  vivre  et  se  greffer. 

Entrant  ensuite  dans  le  détail  des  modifications  histologiques  subies 
par  les  parties  greffées,  M.  Bert  montre' qu'elles  sont  en  rapport  avec 
toutes  les  évolutions  physiologiques  ou  .pathologiques  connues  :  ainsi, 
que  les  queues  greffées  continuent  à  grandir,  si  elles  sont  jeunes  en- 
core; qu'elles  subissent,  à  la  suite  de  certaines  influences,  les  altéra- 
tions, caractéristiques  de  l'ostéite  simple,  de  l'ostéite  raréfiante,  de  l'os- 
téomalacie,  etc.  Il  considère  que  ces  expériences  convenablement  variées 
peuvent  rendre  de  grands  services  à  la  physiologie  et  à  la  pathologie  : 

la  physiologie,  en  précisant  ce  qu'on  peut  appeler  les  limites  d'élas- 
ticité des  propriétés  vitales;  à  la  pathologie,  en  permettant  d'étudier 
les  conditions  d'altération  des  tissus  et  l'évolution  morbide  qui  mani- 
festé cette  altération. 


COMPTE  RENDU  DES  SÉANCES 


ut 


r r 


LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 


pendant  le  mois  de  decembre  1865; 

Par  mm.  les  Docteurs  DUMONTPALLIER  et  BERGERON, 

secrétaires. 


PRESIDENCE  DE  ^.  RAÏER. 


I.  —  Histologie. 
Contribution  a  l'étude  histologique  des  lésions  qu'on  rencontre  dans  l'ar- 

TnROPATHlE   ET    L'ENCÉPnALOPATHlE  RHUMATISMALES  AIGUËS  ;    par  leS  dOCteUFS 

A.  Olliviek  et  L.  Ranvier. 

On  a  peu  étudié  jusqu'ici  les  lésions  articulaires  du  rhumatisme  aigu. 
Cependant  les  accidents  cérébraux,  si  souvent  mortels,  qui  se  sont 
montrés  assez  souvent  depuis  plusieurs  années  dans  le  cours  de  cette 
maladie,  ont  fourni  de  nombreuses  occasions  de  poursuivre  une  pareille 
étude.  C'est  ainsi  que  nous  avons  pu,  à  diverses  reprises,  constater 
l'existence  et  la  fréquence  de  ces  altérations,  et  en  apprécier  l'impor- 
tance au  point  de  vue  de  la  question  si  controversée  de  la  nature  du 
rhumatisme  articulaire  aigu.  Ayant  récemment  recueilli  une  nouvelle 
observation,  nous  venons  la  présenter  à  la  Société  dans  Tespoir  qu'elle 


202 
pourra  l'intéresser.  Nous  rapprocherons  ensuite  de  cette  observation  les 
résultats  constants  de  nos  recherches  antérieures. 
Voici  l'histoire  de  notre  malade  : 

Obs.  —  Le  nommé  Hedon,  âgé  de  37  ans,  peintre  en  bâtiments,  est 
admis  dans  la  soirée  du  12  décembre  1865  à  rHôlel-Dieu,  salle  Sainte- 
Jeanne,  n"  3,  dans  le  service  de  M.  le  professeur  Grisolle. 

La  mère  de  cet  homme  vit  encore,  et  elle  est  fréquemment  sujette  à 
des  douleurs  rhumatismales  ;  son  père  est  mort  d'une  affection  cardiaque 
sur  l'origine  de  laquelle  on  ne  peut  obtenir  aucun  renseignement.  Quant 
à  lui,  sa  santé  a  toujours  été  bonne  jusqu'en  1848.  A  cette  époque,  il  eut 
une  première  attaque  de  rhumatisme  articulaire  aigu.  Trois  ans  après, 
il  contracta  une  blennorrhagie,  mais  jamais  il  n'eut  de  maladies  syphi- 
litiques proprement  dites.  Les  logements  qu'il  habita  furent  toujours  . 
salubres.  Enfin  disons  qu'il  se  livrait  quelquefois  à  des  excès  alcooli- 
ques. 

Hedon  a  été  pris,  le  9  janvier,  à  la  suite  d'un  refroidissement,  de 
douleurs  articulaires  occupant  les  membres  inférieurs;  avant-hier  il 
s'est  administré  lui-même  30  grammes  d'huile  de  ricin.  Les  membres 
supérieurs  n'ont  pas  tardé  à  être  envahis  à  leur  tour,  et  aujourd'hui 
presque  toutes  les  jointures  des  membres  sont  douloureuses  et  un  peu 
tuméfiées. 

Ce  qui  frappe  tout  d'abord  quand  on  s'approche  de  cet  homme,  c'est 
un  degré  prononcé  d'altération  des  traits;  les  yeux  sont  cernés  et  ha- 
gards; néanmoins  l'intelligence  est  nette  et  le  malade  répond  aux  ques- 
tions qu'on  lui  adresse.  Il  paraît  inquiet  sur  son  état  et  dit  à  plusieurs 
reprises  qu'il  est  perdu.  Indépendamment  des  douleurs  des  membres, 
il  se  plaint  d'une  roideur  de  l'articulation  temporo-maxillaire,  et  ne 
peut  ouvrir  largement  la  bouche.  Chaleur  vive  de  la  peau  qui  est  moite  ; 
pouls  petit,  108  pulsations. 

Les  battements  du  cœur  sont  un  peu  sourds;  ^ëts  la  base  et  le  bord 
droit  du  sternum  on  entend  par  moments  un  léger  bruit  de  souffle, 
mais  il  n'existe  pas  de  matitô  anormale.  Toux  sèche  depuis  hier;  la 
poitrine  est  partout  sonore,  et  l'auscultation  n'y  révèle  rien  de  particu- 
lier. Soif  vive,  langue  un  peu  sèche  et  blanche,  pas  de  diarrhée.  Céphal- 
algie assez  intense  depuis  deux  jours;  absence  complète  de  frissons 
aussi  bien  aujourd'hui  que  les  jours  précédents. 

Les  urines  sont  rares,  fortement  colorées,  et  ne  contiennent  pas  d'al- 
bumine. 

Prescription  :  six  ventouses  scarifiées  sur  la  région  précordiale,  tisane 
pectorale.  En  raison  de  la  prostration  des  forces,  M.  Grisolle  ne  veut 
pas  administrer  le  sulfate  de  qu.inine. 


203 

Le  lendemain  14,  la  pliysionomie  du  malade  est  meilleure;  le  pouls  a 
repris  de  la  force,  100  pulsations.  On  ne  retrouve  plus  de  soufile  à  la 
base  du  cœur.  iMèmes  signes  négatifs  du  côté  de  l'appareil  respiratoire. 
Les  douleurs  articulaires  n'ont  rien  perdu  de  leur  intensité. 

Prescription  :  1  gramme  de  sulfate  de  quinine. 

Le  15,  les  traits  ne  sont  plus  altérés,  mais  le  malade  ne  cesse  de  se 
plaindre;  il  répète  encore  qu'il  est  perdu,  et  qu'il  ne  se  rétablira  jamais. 
Un  vomissement  hier  quelques  heures  après  la  visite.  Sueurs  profuses, 
pouls  à  108;  respiration,  ';f5;  pas  de  matité  ni  de  râles  en  arrière.  {i^\bO 
de  sulfate  de  quinine,  eau  de  Seltz  pectorale,  vin  de  Bordeaux.) 

Le  soir,  le  malade  est  très-agité  il  parle  beaucoup;  c'est  de  l'exci- 
tation plutôt  que  du  délire.  Pouls  à  104,  fort,  plein;  respiration,  30. 

Rien  de  particulier  dans  les  plèvres  ni  dans  les  poumons. 

Les  douleurs  articulaires  sont  très-vives.  Pas  de  troubles  de  la  vue 
ni  de  l'ouïe. 

Le  16,  plaintes  incessantes;  un  peu  de  délire  pendant  la  nuit. 

Au  moment  de  la  visite,  le  malade  ne  délire  plus,  mais  il  est  très- 
excité,  il  persiste  à  se  croire  perdu;  pas  de  troubles  de  la  vue;  une 
garde-robe. 

Sonorité  normale  du  thorax;  pas  de  râles;  pas  de  bruits  anormaux 
au  cœur.  Respiration,  26,  pouls  à  92,  régulier,  plein.  Sueurs  abondantes. 
Toutes  les  jointures  des  membres  sont  prises,  ainsi  que  l'articulation 
temporo-maxillaire. 

En  raison  de  l'agitation  du  malade,  M.  Grisolle  supprime  le  sulfate 
de  quinine,  et  prescrit  5  centigrammes  d'extrait  thébaïque  en  deux  pi- 
lules. 

Le  soir,  mêmes  symptômes;  pas  de  céphalalgie;  pouls,  112;  sueurs 
profuses  ;  le  malade  se  plaint  toujours  de  ses  genoux. 

Le  17,  délire  calme,  les  genoux  semblent  libres,  mais  les  pieds  sont 
encore  très-douloureux. 

L'opium  est  supprimé  ;  20  grammes  d'huile  de  ricin. 

Le  soir,  le  malade  est  calme,  mais  il  divague  quand  on  lui  adresse  la 
parole  ;  il  dit  ne  presque  plus  souffrir  en  ce  moment.  Pas  de  céphalalgie, 
pas  de  troubles  de  la  vue;  pouls  à  115. 

Le  18,  agitation  et  délire  toute  la  nuit;  on  a  dû  recourir  à  la  camisole 
de  force.  Pouls  à  108.  Rien  au  cœur  ni  dans  les  plèvres.  Deux  garde- 
robes. 

Prescription  :  vésicatoires  aux  genoux  et  aux  pieds  ;  2  grammes  de 
musc. 

Le  malade  est  assez  calme  pendant  la  journée  ;  mais  il  redevient  agité 


204 

dans  la  soirée  et  divague  de  nouveau.  Mort  à  quatre  heures  du  ma- 
tin, au  milieu  d'une  grande  excitation. 

Autopsie  faite  trente-six  heures  après  la  mort. 

Nous  ouvrons  la  boîte  crânienne  avec  la  scie  et  nous  constatons  une 
réplétion  des  sinus  de  la  dure-mère.  Les  vaisseaux  superficiels  du  cer- 
veau sont  congestionnés.  Dessuiïusions  sanguines  sous  forme  de  plaques 
se  montrent  sur  les  bords  latéraux  et  sur  la  face  supérieure  des  hémi- 
sphères. Ces  plaques  sont  irrégulières,  plus  ou  moins  étendues  et  con- 
fluentes;  dans  quelques  points  elles  sont  d'un  rouge  intense.  Quand  on 
enlève  délicatement  les  méninges  à  leur  niveau,  il  reste  sur  la  surface 
dépouillée  du  cerveau  un  piqueté  qui  disparaît  presque  complètement 
par  le  lavage.  Mais  de  petits  pertuis  subsistent  et  indiquent  quel  a  été 
le  degré  de  la  réplétion  vasculaire. 

Etendues  sur  une  plaque  de  verre  et  examinées  à  un  grossissemeni 
de  75  diamètres,  les  portions  des  méninges  qui  sont  le  siège  de  celte  vas- 
cularisation  nous  laissent  voir  des  capillaires  nombreux,  gorgés  de  san:: 
et  présentant  des  dilations  fusiformes  et  variqueuses, 

Le  cerveau  a  sa  consistance  normale  et  ses  parties  profondes  sont  à 
peine  congestionnées. 

Nous  examinons  à  l'aide  du  microscope  ces  cellules  et  les  tubes  de 
la  périphérie  et  des  portions  centrales  sans  y  trouver  d'altérations  ap- 
préciables. 

Les  ventricules  contiennent  une  faible  quantité  de  liquide  clair  qui, 
au  microscope,  ne  présente  rien  de  particulier. 

Le  cœur  n'est  le  siège  d'aucune  altération  ;  un  caillot  rouge  et  mou, 
probablement  posl  mortem  se  voit  dans  le  ventricule  droit. 

Le  péricarde  est  normal,  le  liquide  péricardique  a  son  abondance  ha- 
bituelle et  contient  de  nombreuses  bactéridies.  C'est  en  efièt  un  lieu  de 
production  assez  constant  de  ces  êtres  microscopiques,  comme  nous 
l'avons  constaté  bien  des  fois. 

Aucune  trace  de  pleurésie  ni  récente  ni  ancienne. 

Congestion  des  lobes  inférieurs  des  deux  poumons. 

Rien  dans  le  péritoine,  congestion  du  foie,  de  la  rate  et  des  reins. 

Nous  arrivons  maintenant  à  la  partie  la  plus  importante  de  cette  note,  à 
savoir  l'examen  des  deux  genoux,  des  deux  articulations  tibio-tarsien- 
nes,  de  l'articulation  scapulo-humérale  gauche,  du  coude  et  du  poignet 
du  même  côté. 

Les  deux  genoux  renferment  une  proportion  de  liquide  qu'on  peut 
évaluer  à  15  grammes  pour  chacun  d'eux. 

Ce  liquide  est  jaunâtre,  légèrement  opalin  et  contient  quelques  flo- 


205 

cons  blancluMres.  Dans  les  autros  articulations  la  synovie  ne  semble 
différer  de  l'état  normal  ni  par  sa  qualité  ni  par  sa  quantité. 

Examiné  au  microscope  le  liquide  articulaire  présente  de  nombreuses 
cellules,  qui  se  montrent  avec  une  très-grande  variété  de  forme.  Les 
unes  sont  entièrement  semblables  aux  globules  purulents  et  possèdent 
les  mêmes  réactions,  d'autres  ont  des  dimensions  plus  considérables, 
0"'°',02  à  0""",04,  et  contiennent  un  ou  plusieurs  noyaux  ainsi  que  des 
granulations  qui  paraissent  de  nature  graisseuse. 

Les  flocons  sont  constitués  par  un  réseau  de  fibrilles  formées  par  de 
la  fibrine  et  des  filaments  de  mucus  dont  les  mailles  sont  occupées  par 
des  cellules  semblables  à  celles  qui  flottent  librement  dans  le  liquide 
articulaire. 

La  provenance  de  ces  cellules  paraît  avoir  deux  sources,  Fépithélium 
de  la  synoviale  et  les  cartilages  diartlirodiaux  eux-mêmes. 

La  fibrine  résulte  probablement  d'une  exsudation  de  la  séreuse. 

Quant  au  mucus,  on  sait  qu'il  existe  à  l'état  habituel  dans  la  synovie 
et  que  sa  présence  s'y  traduit  par  un  précipité  blanc  après  addition  d'a- 
cide acétique.  Dans  le  cas  de  rhumatisme  articulaire  aigu  le  liquide  sy- 
novial paraît  contenir  une  quantité  plus  grande  de  mucine,  si  l'on  en 
juge  par  le  précipité  abondant  qu'y  forme  l'acide  réactif. 

Les  franges  synoviales  sont  fortement  injectées,  des  arborisations 
vasculaires  s'y  distinguent  à  l'œil  nu.  Au  microscope  et  en  employant 
le  liquide  articulaire  pour  faire  l'examen,  on  remarque  que  tous  les 
vaisseaux  sont  gorgés  de  sang  et  que  les  capillaires  offrent  des  dilata- 
tions régulières,  fusiformes  ou  variqueuses,  telles  que  les  a  représen- 
tées et  décrites  Lebert  dans  son  grand  ouvrage  d'anatomie  pathologique. 
Les  franges  synoviales  n'ont  pas  perdu  leur  revêtement  épithélial;  dans 
quelques  points  même  celui-ci  paraît  plus  abondant,  et  les  cellules  qui 
le  constituent  sont  devenues  vésiculeuses,  et  contiennent  plusieurs 
noyaux. 

Des  articulations  que  nous  avons  ouvertes,  deux  seulement  présentent 
à  l'œil  nu  des  altérations  des  cartilages  :  ce  sont  les  fémoro-tibiales. 
Os  altérations  consistent  dans  de  légères  saillies  mamelonnées  sur  les 
condyles  du  fémur  et  du  tibia,  et  dans  un  état  villeux  des  rotules.  Le 
cartilage  a  perdu  dans  les  points  altérés  sa  résistance  au  doigt,  et  la 
pointe  d'un  scalpel  n'est  plus  repoussée  comme  elle  Testa  l'état  normal. 
Le  reste  des  surfaces  articulaires  n'offre  aucune  modification  appré- 
ciable. 

Sur  les  autres  articulations  on  ne  distingue  rien  dans  les  cartilages, 
mais  en  quelques  points  on  peut,  en  pressant  légèrement  leur  surface 
avec  le  doigt,  sentir  une  diminution  de  la  résistance  et  de  l'élasticité. 


206 

Les  altérations  que  le  microscope  permet  de  constater  sont  autrement 
importantes,  mais  pour  les  appri'>cier  il  faut  bien  connaître  l'état  nor- 
mal; aussi  nous  allons  le  rappeler  en  quelques  mots. 

Les  cartilages  diarlhrodiaux  offrent  une  structure  parfaitement  régu- 
lière ;  tous,  chez  l'adulte,  ont  trois  couches  distinctes. 

La  première  couche  superficielle  est  constituée  par  des  cavitésou  chon- 
droplastes  fusiformes,  allongés  dans  le  sens  de  la  surface  articulaire. 
Chaque  cavité  contient  une  seule  cellule,  corpuscule  ou  protoplasma. 
Ces  cavités,  qui  forment  plusieurs  couches  successives  en  nombre  va- 
riable suivant  les  cartilages,  sont  d'autant  plus  étroites  qu'elles  sont 
plus  superficielles. 

La  deuxième  couche  est  formée  par  des  chondroplastes  allongées  en 
sens  inverse  de  ceux  qui  composent  la  couche  précédente,  et  au  lieu 
de  contenir  une  seule  cellule,  ces  chondroplastes  renferment  deux,  trois 
et  un  plus  grand  nombre  de  capsules  placées  les  unes  à  la  suite  des 
autres,  et  non  des  cellules  comme  l'ont  avancé  quelques  auteurs.  Cha- 
cune des  capsules  est,  en  effet,  creusée  d'une  cavité  dans  laquelle  se 
trouve  une  masse  cellulaire  qui  se  colore  fortement  par  l'iode,  tandis 
que  la  substance  fondamentale  et  les  capsules  ne  sont  que  faiblement 
colorées. 

Tous  ces  chondroplastes  sont  disposés  en  séries  linéaires,  et  c'est  ce 
qui  explique  l'aspect  fascicule  des  cartilages  diarlhrodiaux. 

La  troisième  couche  qui  correspond  à  l'os  est  constituée  par  de  grosses 
capsules  infiltrées  de  sels  calcaires;  la  substance  fondamentale  inter- 
médiaire est  également  calcifiée. 

Quand  on  a  bien  présente  à  l'esprit  la  disposition  de  ces  diverses 
couches,  on  peut  juger  des  moindres  modifications  qui  surviennent  dans 
les  éléments  qui  entrent  dans  leur  composition.  C'est  ainsi  que  l'on  peut 
observer  dans  les  diverses  articulations  et  sur  les  fragments  de  carti- 
lage que  nous  mettons  sous  les  yeux  des  membres  de  la  Société,  des 
altérations  importantes  qui,  sans  le  secours  du  microscope,  eussent 
passé  complètement  inaperçues.  On  voit  sur  nos  dessins  qui  ont  été 
faits  d'après  des  préparations  de  ces  diiïerents  cartilages,  que  les  élé- 
ments cellulaires  de  la  surface  cellulaire  ont  subi  de  très-grandes  mo- 
difications. Seulement  ces  modifications  ne  sont  pas  également  pronon- 
cées sur  tous  les  points.  C'est,  en  effet,  un  des  caractères  des  affections 
articulaires  de  ne  pas  produire  sur  les  cartilages  des  altérations  uni- 
formes, mais  bien  des  altérations  inégalement  réparties.  Dans  le  rhuma- 
tisme articulaire  aigu,  cette  loi  se  montre  dans  toute  sa  force.  Aussi 
rencontrons- nous  à  côté  de  parties  profondément  atteintes  dans  leur 
structure,  d'autres  parties  restées  complètement  saines.  Cependant  au- 


■?()7 
cune  des  articulations  donlnous avons  enlevé  les  cartilages  n'était  tout 
à  fait  indemne  d'altération.  L'articulation  scapulo-humérale  gauche,  par 
exemple,  qui,  à  l'œii  nu,  n'offrait  rien  d'anormal  nous  a  fourni  des  pré- 
parations, dont  nous  avons  reproduit  le  dessin  dans  la  figure  1  de  la 
planche  V.  Les  chondroplastes  les  plus  superficiels  sont  devenus  globu- 
leux; la  cellule  contenue  dans  chacun  d'eux  s'est  divisée  de  manière  à 
donner  deux  ou  plusieurs  éléments  cellulaires.  Chacun  de  ces  éléments, 
en  vertu  de  sa  propriété  spéciale,  a  donné  naissance  autour  de  lui  à  de 
la  substance  cartilagineuse  sous  forme  de  capsule.  De  cette  manière, 
au  lieu  de  la  couche  de  chondroplastes  aplatis  qu'on  trouve  habituelle- 
ment à  la  surface  des  cartilages  diarthrodiaux,  nous  rencontrons  des 
cavités  cartilagineuses,  à  direction  toujours  parallèle  à  la  surface  articu- 
laire et  renfermant  deux  ou  trois  capsules  filles,  contenant  chacune  un 
corpuscule  cellulaire.  Il  y  a  donc,  même  dans  le  cas  le  plus  simple, 
une  néoformation  de  cellules  qui  n'est  pas  en  rapport  avec  un  simple 
mouvement  nutritif,  mais  avec  une  irritation  formative,  agissant  forte- 
ment sur  l'individualité  anatomique. 

Lafigure2dela  planche  Y  a  été  faite  d'après  une  préparation  résultant 
d'une  coupe  verticale  pratiquée  sur  le  condyle  externe  du  fémur  droit, 
on  y  remarque  le  même  mouvement  formateur  avec  segmentation 
transversale  de  la  substance  fondamentale  du  cartilage.  Cette  segmenta- 
tion, en  rapport  avec  la  direct'on  que  prennent  les  éléments  prolifères, 
aboutit  à  une  espèce  de  transformation  velvetique,  non  encore  décrite 
par  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  cette  question.  Ainsi  Weber  (1) 
qui,  comme  on  le  sait,  a  publié  dans  les  Archives  de  Virchow  un  ex- 
cellent mémoire  sur  ce  sujet,  considère  en  effet  la  transformation  vel- 
vetique comme  produite  par  l'abouchement  de  bas  en  haut  des  capsules 
les  unes  dans  les  autres.  Il  en  résulterait  ainsi  que  les  filaments  de  la 
surface  cartilagineuse  seraient  constitués  par  la  substance  fondamentale 
intercapsulaire,  soit  dépouillée  de  toute  espèce  de  cellules,  soit  en  en 
retenant  encore  quelques-unes  au  milieu  d'elles.  Mais  l'état  velvetique 
que  nous  avons  observé  dans  le  cas  actuel,  et  dans  quelques  autres  cas 
de  rhumatisme  articulaire,  a  un  tout  autre  processus.  Les  filaments,  au 
lieu  d'être  formés  dans  l'épaisseur  du  cartilage,  c'est-à-dire  dans  le  sens 
vertical,  doivent  être  considérés  comme  des  fragments  enlevés  horizon- 
talement de  la  surface  elle-même  On  peut,  de  la  sorte,  rencontrer  sur 
une  surface  articulaire  des  fils  d'une  grande  longueur,  un  centimètre 
par  exemple,  alors  que  le  cartilage  n'a  que  quelques  millimètres  d'é- 
paisseur. Du  reste,  on  trouve  souvent  des  filaments  assez  longs,  sans 

(1)  ViRCHow's  Arcdiv.,  t.  XIII,  1858,  p.  1  k,  Ueber  die  VeraenUerungen 
der  Knorpel  in  GeLenkrankliciten. 


208 
que  pour  cela  les  couches  sur  lesquelles  ils  reposent  aient  été  modifiées. 

Dans  la  figure  3  de  la  planche  V  nous  avons  représenté  les  altérations 
du  cartilage  de  la  rotule  droite  ;  on  y  remarque  une  segmentation  oblique 
avec  des  fentes  qui  pénètrent  dans  l'épaisseur  du  cartilage.  En  quelques 
points,  notamment  sur  le  condyle  du  tibia  du  même  côté,  on  retrouve 
de  ces  fentes  qui  s'engagent  profondément  et  qui  même  atteignent  la 
couciie  de  calcification.  On  voit  alors  sur  les  bords  de  la  fente,  quand 
la  coupe  est  perpendiculaire  à  sa  direction,  des  capsules  mères  ou 
chondroplastes  qui  viennent  s'y  ouvrir  et  déverser  leur  contenu.  Ce 
contenu  est  formé  de  capsules  filles  dues  aune  prolifération  active. 

Enfin,  à  côté  de  ces  points  si  profondément  modifiés,  il  s'en  trouve 
d'autres  où  le  cartilage  n'a  subi  que  l'altération  décrite  en  premier  lieu 
ou  ne  présente  même  aucune  modification  de  structure. 

Que  faut-il  conclure  de  tous  ces  faits  appartenant  à  la  même  observa- 
tion? En  premier  lieu,  que  le  rhumatisme  ne  se  manifeste  pas  seulement 
dans  les  articulations  par  de  simples  phénomènes  vasculaires  comme 
quelques  auteurs  ont  voulu  l'admettre,  maisbien  aussi  par  des  formations 
nouvelles  d'éléments  qu'on  doit  rattacher  à  une  irritation  plus  profonde. 
Ces  formations  nouvelles  s'arrêtent  quelquefois  à  la  production,  en 
grande  quantité,  de  cellules  et  capsules  cartilagineuses,  qui  restent 
telles  ou  disparaissent  ensuite  sur  place  par  un  mécanisme  que  nous 
n'avons  pas  encore  étudié;  d'autres  fois,  la  prolifération  étant  plus  in 
tense,  détermine  dans  le  cartilage  des  ulcérations  plus  ou  moins  pro- 
fondes; dans  ce  cas  il  y  a  une  production  abondante  d'un  liquide  pu- 
rulent dans  l'intérieur  de  l'articulation  accompagnée  d'une  exsudation 
sous  forme  de  flocons  ou  de  fausses  membranes  dans  la  constitution  des- 
quelles il  entre  des  cellules  pour  une  bonne  part.  Ces  différents  phéno- 
mènes se  produisent  avec  une  grande  rapidité;  en  effet,  notre  malade  a 
succombé  au  neuvième  jour  de  son  affection  articulaire,  et  plusieurs 
des  articulations  que  nous  avons  examinées,  avaient  été  envahies  posté- 
rieurement à  son  entrée  à  l'hôpital,  par  conséquent  quelques  jours  avant 
sa  mort. 

Nous  ajouterons  que  ce  n'est  pas  le  premier  fait  de  cette  nature  qu'il 
nous  a  été  donné  d'observer,  et,  nous  appuyant  sur  d'assez  nombreuses 
observations  antérieures,  nous  pouvons  annoncer  que  chaque  fois  qu'une 
articulation  aura  été  le  siège  d'une  arthropathie  rhumatismale,  môme 
d'intensité  moyenne,  on  rencontreraàl'autopsie,  si  le  malade  succombe, 
quelques-unes  des  altérations  cartilagineuses  que  nous  venons  de  dé- 
crire. 

Il  est  un  point  de  clinique  très-important  qui  se  rattache  directement 
à  cette  question  des  altérations  des  cartilages  dans  le  rhumatisme  arti 
culaire  aigu.  On  sait  que,  dans  les  cas  d'encéphalopathie  rhumatismale, 


•2(19 

la  disparition  des  douleurs  articulaires  au  moment  où  apparaissent  les 
accidents  cérébraux',  a  reçu  des  interprétations  fort  différentes.  Suivant 
nous,  il  faut  bien  distinguer  la  disparition  des  douleurs  seules  de  la  dis- 
parition des  douleurs,  du  gonflement  et  de  la  rougeur;  il  faut  voir  s'il  ne 
reste  pas  dans  les  articulations  des  lésions  importantes  avant  de  con- 
clure à  une  véritable  métastase  vers  le  cerveau.   En  effet,  si  dans  le 
cours  des  accidents  cérébraux  les  douleurs  disparaissent  souvent,  il 
n'en  est  pas  de  môme  des  lésions  articulaires;  par  exemple,  dans  notre 
observation  —  nous  pourrions  citer  bon  nombre  d'autres  cas  sembla- 
bles —  on  voit  que  les  douleurs  disparurent  peu  de  temps  après  le  début 
des  phénomènes  cérébraux,  et  pourtant  nous  avons  trouvé  à  l'autopsie 
une  congestion  de  la  synoviale  et  un  épanchement  articulaire  qui  au- 
raient dû  donner  lieu  à  de  véritables  douleurs.  C'est  donc  dans  le  sys- 
tème nerveux  qu'il  faut  aller  chercher  la  cause  de  cette  sorte  d'analgésie. 
Du  reste,  il  n'y  a  rien  là  qui  doive  surprendre,  si  nous  nous  rappelons 
ce  que  l'on  observe  quelquefois  dans  les  cas  de  délire  nerveux  trauma- 
tique.  Db  même  que,  dans  l'oncéphalopathie  rhumatismale,  nous  voyons 
des  malades  marcher  et  agiter  des  articulations  profondément  lésées, 
de  même  certains  individus  atteints  de  délire  nerveux  traumatique  sont 
parfois  capables  d'enlever  un  appareil  de  fracture  et  de  se  servir  de  leur 
membre  comme  s'il  ne  présentait  pas  de  solution  de  continuité. 

Les  altérations  que  subissent  les  méninges  dans  l'encéphalopathie 
rhumatismale  paraissent  être  de  même  nature  que  celles  des  articula- 
tions. En  effet,  dans  quelques  cas  très-rares,  on  trouve  dans  la  grande 
cavité  arachno'idienne  et  dans  les  mailles  de  la  pie-mère  un  liquide 
purulent;  dan»  d'autres,  qui  sont  de  beaucoup  plus  nombreux,  l'autop- 
sie ne  révèle  que  les  traces  d'une  congestion  intense  caractérisée, 
comme  dans  les  franges  synoviales,  par  des  dilatations  vasculaires. 

Faisons  remarquer,  en  terminant,  que  les  manifestations  anatomiques 
du  rhumatisme  aigu  n'ont  rien  de  spécifique,  pas  plus  dans  les  articu- 
lations que  dans  les  méninges  ou  les  différents  viscères.  Les  lésions  qui 
se  développent  ainsi  sous  l'influence  du  rhumatisme  sont  semblables  à 
celles  que  déterminerait  n'importe  quelle  cause  d'irritation  de  môme 
durée  et  de  môme  intensité;  ainsi  dans  les  articulations,  par  exemple, 
elles  ne  diffèrent  pas  dans  ce  qu'elles  ont  d'essentiel  de  celles  que  pro- 
duirait toute  cause  d'irritation  accidentelle. 


C.    R.  14 


210 
II.  —  Anatomie  pathologique» 

1*  Ascaride  lombricoïde  femelle  présentant  une  éventration  avec  issue  de 

LA    PLUS    GRANDE    PARTIE   DE    l'aPPAREIL    GÉNITAL  ET    d'uNE    PORTION    DE   l'iN- 

testin  ;  par  M.  H.  de  Lignerolle,  interne  à  la  Pitié. 

Cet  ascaride  femelle  a  été  trouvée  dans  les  vomissements  d'un  jeune 
homme  malade  depuis  longtemps  déjà,  mais  qui  n'en  avait  pas  encore 
rendu.  Il  présente  de  particulier  que  presque  la  totalité  des  organes 
génitaux  et  une  anse  membraneuse  sont  sortis  par  une  ouverture  de 
quelques  millimètres  de  diamètre  et  occupant  le  tiers  postérieur  du 
corps  de  l'animal.  L'orifice  vulvaire  est  intact  et  se  voit  sur  le  tiers  an- 
térieur. Parmi  les  organes  sortis,  on  remarque  deux  tubes  flexueux, 
longs  de  quelques  centimètres,  qui  représentent  les  trompes,  cornes,  ou 
oviductes.  Ils  contiennent  une  quantité  considérable  d'œufs,  faciles  à 
voir  à  un  grossissement  de  100  à  150  diamètres.  A  ces  deux  trompes 
font  suite  des  filaments  blanchâtres,  très-longs,  arrondis  sur  eux-mê- 
mes et  formant  comme  un  chevelu  autour  de  l'orifice  qui  leur  a  livré 
passage.  Ce  sont  les  ovaires  qui,  comme  on  le  sait,  entourent  le  tube  di- 
gestif de  cet  entozoaire. 

Quant  à  l'anse  membraneuse,  située  sur  ces  parties  latérales  des  trom- 
pes, elle  mesure  de  20  à  25  millimètres  ;  elle  est  légèrement  plissée, 
transparente  à  sa  partie  supérieure;  elle  présente  dans  sa  partie  déclive 
une  légère  opacité,  enfin  ces  deux  extrémités  se  touchent  au  niveau  des 
bords  de  l'ouverture.  Une  fenêtre  pratiquée  à  la  partie  opposée  à  rori- 
fice  de  sortie,  a  montré  de  la  façon  la  plus  nette  que  cette  anse  mem- 
braneuse était  formée  par  une  portion  du  canal  intestinal,  qui  aura  été 
entraînée  par  les  organes  génitaux.  On  voit  en  effet  les  deux  extrémités 
de  l'anse  se  continuer  sans  interruption  avec  l'intestin;  on  voitaussi,  en 
poursuivant  la  dissection,  les  trompes  se  réunir  à  l'utérus,  et  enfin  l'ori- 
fice vulvaire  apparaît  dans  son  état  normal.  Tous  ces  détails  ont  été  vus 
par  M.  Ranvier,  qui  a  bien  voulu  nous  aider  de  ses  conseils  dans  la 
dissection  de  cet  helminthe. 


2°  Observation  de  cirrhose  hypertrophique  du  foie  d'origine  alcoolique;  par 
M.  le  docteur  Auguste  Ollivier,  chef  de  clinique  de  la  Faculté. 

On  a  rarement  l'occasion  d'observer  la  cirrhose  dès  son  début,  et 
partant  d'observer  aussi  cette  forme,  ou  plutôt  cette  période  de  la  ma- 
ladie, caractérisée  par  l'augmentation  de  volume  du  foie,  et  que  Requin 


■211 

signala  le  premier  (!)•  C'est  à  ce  titre  que  nous  présentons  à  la  Société 
le  fait  suivant  qui,  du  reste,  est  également  intéressant  au  point  de  vue 
do  sa  cause  et  de  sa  marche. 

Obs.  —  La  nommée  S...,  couturière,  âgée  de  30  ans,  est  admise  le 
10  novembre  1845  à  THôtel-Dieu,  salie  Saint- Antoine,  n"  27,  service  de 
M.  le  professeur  Grisolle. 

Née  de  parents  bien  portants,  elle  a  presquo  toujours  elle-même  joui 
d'une  bonne  santé.  A  aucune  époque  elle  n'a  présenté  de  manifestations 
scrofuleuses  ou  rhumatismales.  Elle  eut  un  enfant  à  l'âge  de  19  ans,  et 
quitta  alors  sa  famille  pour  aller  vivre  à  Paris.  Depuis  cette  époque, 
elle  se  livra  fréquemment  à  des  excès  de  boissons  (vin,  eau-de-vie, 
bière).  A  la  suite  de  ces  excès  elle  éprouvait  un  peu  de  tremblement 
des  mains  pendant  vingt-quatre  ou  quarante-huit  heures;  elle  avait  aussi 
une  légère  pituite  qui  durait  quelques  jours,  mais  jamais  elle  n'eut  de 
véritable  attaque  de  delirium  tremens;  en  outre  son  sommeil  était  bon 
et  ne  s'accompagnait  point  de  ces  rêves  particuliers  aux  ivrognes.  Di- 
sons enfin  que  jamais  non  plus  elle  n'eut  d'accidents  syphilitiques;  un 
examen  attentif  ne  révéla  aucune  trace  d'accidents  de  ce  genre. 

Il  y  a  deux  mois  elle  éprouva  pour  la  première  fois  une  sensation  de 
pesanteur,  puis  une  douleur  dans  Thypocondre  droit  et  la  région  épi- 
gastrique;  son  ventre  devint  plus  dur  et  augmenta  graduellement  de 
volume,  au  point  de  rendre  la  marche  très-gênée.  Ce  fut  alors  qu'elle 
se  fit  conduire  à  l'Hôtel-Dieu,  et  voici  dans  quel  état  on  la  trouva  le  10 
novembre  au  soir. 

Embonpoint  considérable  dû  bien  plus  au  tissu  adipeux  qu'au  déve- 
loppement des  masses  musculaires;  coloration  blanchâtre,  comme  ci- 
reuse de  tout  le  tégument  externe  ;  pas  de  teinte  ictérique  des  conjonc- 
tives. 

Langue  humide  et  non  couverte  d'enduits,  soif  assez  vive,  perte  d'ap-^ 
petit,  mais  ni  nausées  ni  vomissements;  garde-robes  régulières.  Ventre 
très-développé,  ballonné,  sensation  de  pesanteur  dans  Ihypocondre 
droit  et  la  région  épigastrique.  La  malade  n'accuse  de  véritable  douleur 
que  lorsque  l'on  pratique  la  palpation  ou  la  percussion.  Le  bord  su- 
périeur du  foie  remonte  jusqu'à  1  centimètre  environ  au-dessous  du 
mamelon  ;  son  bord  inférieur  descend  jusqu'à  une  ligne  transversale  pas- 
sant à  trois  travers  de  doigt  au-dessous  de  l'ombilic.  En  déprimant  la 
paroi  abdominale,  on  peut  suivre  le  bord  du  foie  qui  se  prolonge  vers 
l'épigastre  et  môme  un  peu  vers  Ihypocondre  gauche.  La  palpation  ne 


(1)  Eléments  de  pathologie  médicale,  t.  II,  p.  744,  1846. 


212 

révèle  aucune  bosselure  sur  le  foie,  qui  donne  une  sensation  de  résis- 
tance très-accusée. 

Le  météorisme  permet  difficilement  de  mesurer  avec  exactitude  les 
dimensions  de  la  rate,  qui,  néanmoins,  ne  semblent  point  augmentées. 

L'urine  est  trouble,  mais  ne  contient  pas  d'albumine.  On  ne  recher- 
cha pas  s'il  y  avait  du  sucre.  Les  appétits  vénériens  sont  peu  déve- 
loppés. 

Pouls  à  100,  régulier;  rien  de  particulier  à  signaler  du  côté  du  cœur. 
Respiration,  44;  murmure  vésiculaire  un  peu  rude;  pas  de  toux;  pas 
d'épistaxis. 

Anesthésie  et  analgésie  presque  complète  à  la  face  interne  des  cuisses. 
Si  l'on  presse  fortement  les  masses  musculaires  en  ces  points,  la  ma- 
lade ressent  un  peu  de  douleur.  Il  existe  aussi,  mais  à  un  moindre  de- 
gré, de  l'anesthésie  et  de  l'analgésie  aux  parois  abdominales  et  au  devant 
du  sternum. 

La  vue,  l'ouïe,  l'odorat  et  le  goût  sont  intacts,  l'intelligence  nette,  lé- 
gère céphalalgie  frontale,  absence  complète  de  phénomènes  histériques. 

En  présence  d'une  pareille  augmentation  de  volume  du  foie,  qui  ne 
paraît  pas  ancienne,  M.  Grisolle  prescrit  des  douches  froides;  mais  au 
bout  de  cinq  à  six  jours,  la  malade  est  prise  d'un  moment  fébrile  et  pré- 
sente tous  les  signes  d'une  bronchite  assez  intense.  Les  douches  sont 
supprimées.  Les  râles  sibilants  et  ronflants  deviennent  plus  abondants 
et  la  dyspnée  plus  considérable. 

Le  25  novembre,  indépendamment  des  râles  de  bronchite,  on  con- 
state de  l'obscurité  du  son,  quelques  râles  crépitants,  et  un  peu  de 
souffle  en  arrière  et  à  droite.  Expectoration  muqueuse,  non  sanguino- 
lente. 

Le  29,  les  mêmes  phénomènes  locaux  persistent;  la  toux  est  quinteuse 
et  provoque  un  vomissement.  Pouls  à  130  pulsations;  respiration  très- 
accélérée.  On  applique  des  ventouses  scarifiées,  puis  un  vésicatoire  en 
arrière  et  à  droite  de  la  poitrine.  Emétique  en  lavage. 

Le  1"  décembre,  oppression  très-grande;  toux  fréquente,  crachats 
muqueux  et  aérés;  râles  sibilants  et  ronflants  disséminés  dans  toute  la 
hauteur  des  deux  poumons;  le  soufle  et  les  râles  crépitJuts  persistent  en 
arrière  et  à  droite,  mais  il  n'y  a  que  de  la  submatilé.  Une  garde-robe  non 
diarrhéique. 

Le  3,  la  gêne  de  la  respiration  est  encore  plus  grande  que  les  jours 
précédents;  mêmes  signes  à  l'auscultation  et  à  la  percussion.  La  face 
est  un  peu  cyanosée  et  les  extrémités  sont  refroidies.  La  malade  tousse 
beaucoup  et  prend  de  plus  en  plus  une  teinte  asphyxique. 

Mort  subite  à  quatre  heures  du  soir. 


213 

Autopsie.  —  Quarante  heures  après  la  mort  et  par  une  température 
froide. 

Le  crâne  n'est  pas  ouvert. 

Thorax.  Pas  de  liquide  dans  les  plèvres.  Les  poumons  sont  libres 
d'adhérences;  tous  les  deux  sont  le  siège  'd'une  forte  congestion  qui,  ce- 
pendant est  beaucoup  plus  prononcée  dans  le  lobe  moyen  du  poumon 
droit.  A  l'incision,  il  s'écoule  une  grande  quantité  d'un  liquide  sangui- 
nolent; on  ne  découvre  aucun  noyau  d'apoplexie  ni  aucune  trace  d'hé- 
patisation.  Du  reste,  le  tissu  pulmonaire  plongé  dans  l'eau  surnage 
facilement.  Les  bronches  sont  remplies  d'un  mucus  jaunâtre  et  sangui- 
nolent. Leur  muqueuse,  examinée  aussi  loin  que  possible,  présente  une 
coloration  rouge  presque  uniforme. 

Le  péricarde  ne  contient  pas  non  plus  de  liquide.  Le  cœur  a  son  vo- 
lume normal,  mais  il  est  entouré  d'une  couche  adipeuse  assez  épaisse, 
véritable  surcharge  graisseuse.  Le  tissu  propre  de  l'organe  a  sa  colora- 
tion habituelle,  et  l'examen  microscopique  ne  révèle  l'existence  que  de 
quelques  granulations  graisseuses  dans  la  fibre  musculaire. 

Les  orifices  artériels  et  auriculo-ventriculaires  ne  sont  point  altérés. 

Dans  le  ventricule  droit  existe  un  caillot  fibrineux,  blanc  jaunâtre, 
partant  des  colonnes  charnues  et  se  prolongeant  dans  l'artère  pulmo- 
naire dont  il  suit  la  bifurcation;  il  conserve  encore  le  caractère  fibri- 
neux dans  une  étendue  de  8  à  10  centimètres,  puis  devient  noirâtre; 
sa  consistance  n'est  pas  grande,  et  au  microscope  on  n'y  découvre  que 
des  granulations  fibrineuses. 

On  trouve  également  un  peu  de  sang  dans  le  ventricule  gauche,  mais 
ce  sang  est  fluide  et  noir. 

Abdomen.  Pas  de  liquide  ascitique.  Le  foie  occupe  la  plus  grande 
partie  de  l'abdomen  et  refoule  les  intestins  en  bas  et  à  gauche.  Il  pré- 
sente une  coloration  jaunâtre,  et  est  remarquable  par  une  consistance 
insolite. 

Son  poids  est  de  tJ^ois  kilogrammes  et  demi  ;  voici  ses  dimensions  : 

Longueur 35  centimètres. 

Largeur 28        — 

Epaisseur 19        — 

La  surface  du  lobe  droit  est  lisse,  mais  celle  du  lobe  gauche  est  in- 
égale et  offre  de  petites  sailbes  ayant  la  forme  de  granulations.  L'exa- 
men microscopique,  fait  avec  le  concours  de  mon  excellent  ami  le  doc- 
docteur  Ranvier,  nous  montre  à  un  faible  grossissement  les  lobules 
hépatiques  séparés  par  des  intervalles  assez  considérables.  Un  plus  fort 
grossissement  permet  de  constater  que  ces  intervalles  sont  remplis 


214 

par  du  tissu  conjonctif  proliféré  et  riche  en  noyaux  et  cellules  de  nou- 
velle formation. 

Les  cellules  hépatiques  ne  sont  pas  déformées,  mais  elles  renferment 
un  certain  nombre  de  gouttelettes  graisseuses.  Il  n'existe  pas  de  graisse 
libre  en  dehors  des  cellules  hépatiques. 

L'iode  et  l'acide  sulfurique  ne  donnent  point  la  réaction  caractéristi- 
que de  la  dégénération  amyloïde. 

La  vésicule  biliaire  est  assez  distendue;  la  bile  qu'elle  contient  pré- 
sente tous  ses  caractère  normaux.  Les  conduits  biliaires  sont  intacts. 

La  rate  est  congestionnée  et  de  consistance  assez  ferme;  ses  dimen- 
sions sont  : 

Hauteur. 16  centimètres 

Largeur.... 11  — 

Epaisseur 4  — 

Les  reins  ont  l'aspect  normal,  et  l'examen  microscopique  n'y  révèle 
aucune  altération.  Enfin  il  n'y  a  rien  à  signaler  du  côté  des  organes  gé- 
nito-ur  naires. 

Il  s'agit  évidemment  ici  d'un  cas  de  cirrhose  caractérisée  par  la  con- 
sistance insolite  du  foie,  l'aspect  granité  d'une  partie  de  cet  organe  et 
surtout  par  la  prolifération  du  tissu  connectif  entourant  les  acini  hépa- 
tiques. De  plus,  il  s'agit  d'une  cirrhose  de  date  récente,  comme  le  prou- 
vent à  la  fois  les  commémoratifs  et  l'examen  anatomicpie. 

La  malade  fut  prise  il  y  a  deux  mois,  pour  la  première  fois,  d'une 
sensation  de  pesanteur  dans  l'hypocondre  droit;  on  peut  donc  rap- 
porter à  ce  moment  le  début  de  l'affection  hépatique,  qui  ne  fit  ensuite 
que  progresser  avec  une  grande  rapidité.  D'une  autre  part,  l'examen 
microscopique  révéla  dans  les  interstices  des  acini  des  éléments  anato- 
miques  qui  n'étaient  encore  que  cellulaires  et  dont  le  développement, 
par  conséquent,  ne  remontait  pas  à  une  époque  éloignée. 

Signalons  encore  dans  cette  observation  l'augmentation  de  volume 
du  foie  qui  était  si  considérable  qu'à  un  examen  superficiel,  on 
pouvait  croire  tout  d'abord  à  une  simple  dégénération  graisseuse  sans 
cirrhose  concomitante.  Or  le  doute  n'était  pas  possible  ici,  comme  nous 
l'avons  vu  plus  haut.  Quant  aux  granulations  graisseuses  qui  infiltraient 
les  cellules  hépatiques,  leur  existence  n'a  rien  d'extraordinaire,  d'abord 
parce  que  la  malade  se  livrait  à  des  excès  alcooliques,  ensuite  parce 
que  la  coïncidence  des  deux  dégénérescences  n'est  point  un  fait  rare. 
«  Dans  près  de  la  moitié  des  cas  de  cirrhose  soumis  à  mon  observation, 
dit  Frerichs,  j'ai  reconnu  la  coïncidence  d'une  dégénérescence  grais- 
seuse des  plus  prononcées.  Cette  dégénérescence  peut,  la  plupart  du 


temps,  être  attribuée  aux  troubles  nutritifs  que  l'inflammation  chronique 
fait  subir  à  la  glande  (1).  » 

3° Observation  de  paralysie  infantile;  lésion  des  muscles  et  de  la  moelle. 
(Présentée  à  la  Société  de  biologie,  par  M.  J.  L.  Prévost,  interne 
des  hôpitaux.) 

Obs.  —  La  nommée  Laurent  (Marie-Joséphine),  âgée  de  78  ans,  meurt 
le  16  octobre  1865,  salle  Saint-Denis,  15,  infirmerie  de  la  Salpêtrière, 
service  de  M.  le  docteur  Vulpian. 

Cette  femme  est  entrée  à  plusieurs  reprises  à  l'infirmerie,  présentant 
surtout  de  l'hypocondrie;  elle  était  d'ailleurs  trop  démente  pour  qu'on 
pût  avoir  grande  confiance  aux  renseignements  qu'elle  fournissait.  Elle 
disait  n'avoir  pas  eu  de  convulsions  dans  son  enfance,  prétendait  que  la 
déformation  de  son  pied  gauche  ne  datait  que  de  la  ménopause.  Malgré 
cela  M.  Vulpian  considéra  toujours  cette  déformation  comme  datant  de 
l'enfance,  comme  un  exemple  de  paralysie  infantile.  Le  membre  infé- 
rieur gauche  off're  des  chairs  molles  et  flasques,  sans  contracture;  le 
pied  présente  une  déformation  assez  considérable,  il  est  excorié  sous  la 
plante,  un  peu  moins  volumineux  que  le  pied  droit;  la  malade  en  mar- 
chant appuie  à  terre  le  talon,  qui  présente  à  ce  niveau  un  fort  épaisis- 
sement  de  la  peau.  Elle  ne  peut  produire  que  de  très-légers  mouvements 
de  flexion  et  d'extension  des  orteils;  elle  marche  difficilement  avec 
claudication  et  en  se  servant  d'un  bâton,  mais  sans  chaussure  particu- 
lière. 

Rien  d'anormal  dans  les  autres  membres. 

A  sa  dernière  entrée  à  Tinfirmerie,  12  octobre  1865,  la  malade  est 
amenée  sur  un  brancard,  prétendant  qu'elle  a  eu  un  étourdissement; 
mais  le  lendemain  à  la  visite,  elle  est  bien,  mange  bien,  n'a  pas  de  fiè- 
vre et  ne  se  plaint  que  de  douleurs  dans  les  deux  côtés  de  la  région 
lombaire.  Dans  la  journée,  elle  se  lève  et  n'offre  pendant  quelques  heu- 
res rien  d'anormal;  mais  bientôt  on  s'aperçoit  que  ses  forces  diminuent, 
qu'elle  off're  un  affaiblissement  général,  sans  céphalalgie,  sans  vomisse- 
ments, et  l'on  est  forcé  de  la  recoucher. 

Le  soir,  à  la  visite,  adynamie,  prostration,  fièvre,  subdelirium. 

14  octobre.  L'état  adynamique  s'est  prononcé  davantage;  la  langue 
est  sèche,  la  peau  chaude  ;  la  malade  est  tombée  dans  un  véritable 
coma.  Pas  d'hémiplégie. 


(  1)  Traité  pratique  des  maladies  du  foie  et  des  voies  biliaires,  2'  édi- 
tion, 1866,  p.  295. 


216 

A  la  percussion,  matité  complète  des  deux  tiers  inférieurs  du  poumon 
droit.  L'auscultation  ne  donne  rien  de  précis,  car  la  malade  respire  fort 
mal. 

Le  soir  et  le  lendemain  l'état  s'aggrave;  pas  de  vomissements,  pas  de 
symptômes  normaux.  Rien  dans  les  symptômes  n'avait  fait  soupçonner 
une  méningite  cérébro-spinale  suppurée. 

Mort  le  16  octobre. 

AuTOPSTE.  —  Crâne  assez  épais. 

Dure-mère  revêtue  à  sa  surface  interne  et  dans  toute  son  étendue  de 
néo-membranes  très  vasculaires;  petite  tumeur  fibreuse  de  la  grosseur 
d'une  noisette,  sur  la  face  postérieure  du  rocher;  près  de  sa  base,  cette 
tumeur  est  ramollie. 

Cerveau.  Couche  purulente  irrégulière  peu  épaisse  sur  une  grande 
partie  de  la  base  de  l'encéphale  et  sur  les  parties  postérieures  des  deux 
hémisphères  cérébelleux  gauche,  dépression  assez  profonde  sur  l'hé- 
misphère cérébelleux  gauche,  correspondant  à  la  tumeur  dont  il  vient 
d'être  question.  A  ce  niveau,  le  pus  est  abondant. 

./artères  encéphaliques  très-athéromateuses,  surtout  les  gros  troncs. 
Pas  d'oblitérations. 

Pas  d'altération  superficielle  ni  profonde  de  la  substance  nerveuse 
encéphalique. 

Poumons.  Congestion;  un  peu  d'épanchement  dans  la  plèvre  droite, 

Cceur,  rate,  reins,  foie  sains. 

Membre  inférieur  gauche.  Les  muscles  de  la  jambe  gauche,  ceux  du 
pied,  ainsi  que  ceux  du  tiers  inférieur  de  la  cuisse,  sont  complètement 
réduits  en  graisse.  Ces  muscles  ont  conservé  leur  forme  particulière, 
mais  sont  tout  à  fait  blanc  jaunâtre,  friables  comme  le  tissu  adipeux. 
A  l'examen  microscopique,  il  est  impossible  d'y  découvrir  de  fibres 
striées;  on  trouve  une  accumulation  de  tissu  adipeux  aréolaire,  et  en 
certains  points  quelques  débris  de  sarcolemme. 

Dans  ces  muscles,  complètement  transformés  en  graisse,  on  a  re- 
trouvé des  fibres  nerveuses  très-évidentes;  ces  fibres  étaient  moins 
abondantes  et  peut-être  un  peu  plus  grêles  que  celles  du  côté  sain, 
mais  elles  n'étaient  nullement  granuleuses,  et  n'avaient  subi  aucune  al- 
tération. ^ 

La  jambe  gauche,  dont  les  muscles  sont  ainsi  réduits  en  graisse, 
n'offre  pas  un  volume  différent  de  celui  de  la  jambe  droite;  cependant 
les  artères  de  la  cuisse  gauche  ont  un  diamètre  notablement  moins  con- 
sidérable que  celle  de  la  droite. 


217 

Iliaque  primitive  droite.    Circonférence 30  millimètres. 

—  —  gauche.  —         20        — 

Fémorale droite.  —        25        — 

—  gauche.  —        19        — 

Iliaque  externe, .  droite.  —        27 

—  —  gauche.  —        17        — 

Moelle  épimère.  Outre  une  infiltration  purulente  de  la  pie-mère,  pro- 
noncée surtout  à  la  partie  postérieure  de  la  moelle  et  dans  les  régions 
dorsales  inférieures  et  lombaires,  la  moelle  présente  des  altérations  re- 
marquables sur  lesquelles  je  dois  insister. 

Depuis  le  niveau  de  la  partie  moyenne  environ  du  renflement  lom- 
baire, jusqu'à  l'extrémité  de  la  queue  de  cheval,  les  racines  antérieures 
gauches  sont  très-grêles  et  atrophiées  quand  on  les  compare  à  celles 
du  côté  opposé.  Elles  contiennent  cependant  des  tubes  nerveux. 

A  la  coupe,  on  voit  que  la  substance  grise  a  subi  une  atrophie  remar- 
quable du  côté  gauche.  La  corne  antérieure  gauche  est  en  effet  beau- 
coup moins  volumineuse  que  la  droite,  et  à  l'examen  microscopique,  on 
voit  que  toute  la  partie  externe  de  cette  corne  gauche  a  subi  une  alté-^i' 
ration;  la  substance  grise,  à  ce  niveau,  a  été  remplacée  par  un  tissu 
cellulaire  à  noyaux,  qui  se  colore  en  rouge  par  le  carmin,  et  qui  con- 
tient quelques  corps  amyloïdes.  On  n'aperçoit  plus  le  groupe  des  cel- 
lules externes  de  cette  corne;  cependant,  dans  quelques  préparations, 
on  en  retrouve  encore  deux  ou  trois  qui  sont  déformées,  et  qui  man- 
quaient dans  d'autres  préparations.  Le  groupe  interne  des  cellules  a 
subsisté  en  partie,  et  l'on  retrouve  à  ce  niveau  six  à  sept  cellules  envi- 
ron dans  chaque  préparation.  La  corne  droite  de  substance  grise  est, 
au  contraire  normale,  et  contraste  avec  la  gauche  par  l'abondance  et 
l'intégrité  de  ses  cellules. 

Cette  atrophie  de  la  corne  gauche  a  produit  dans  la  moelle  une  asy- 
métrie remarquable  qui  a  détruit  les  rapports  normaux  des  cordons  an- 
térieurs et  des  cordons  postérieurs. 

Le  cordon  antérieur  gauche,  plus  grêle  que  le  droit,  n'atteint  pas  la 
commissure  antérieure,  comme  le  cordon  antérieur  droit. 

Le  cordon  postérieur  gauche  est  plus  grêle  que  celui  du  côté  droit; 
il  atteint  la  commissure  postérieure,  ce  que  ne  fait  pas  le  droit  qui  en 
reste  distant  d'environ  1/5  de  millimètre. 

Cette  atrophie  est  surtout  remarquable  dans  le  tissu  inférieur  du  ren- 
flement lombaire  et  ne  dégage  pas  le  tiers  moyen. 

Le  reste  de  la  moelle  est  sain. 

Ces  lésions,  qui  accompagnent  une  déformation  du  pied  qui  peut  être 


■,-\ 


^     j 


218 
considérée  comme  le  vestige  d'une  paralysie  infantile,  sont  différentes 
de  celles  qui  ont  été  signalées  par  M.  Cornil  et  par  M.  Laborde  dans 
leurs  observations. 

L'atrophie  avec  prolifération  du  tissu  conjonctif,  portant  sur  la  sub- 
stance grise  de  la  moelle,  n'a  pas  été,  que  je  sache,  constatée  dans  des 
circonstances  analogues.  Je  dois  faire  remarquer,  en  outre,  l'intérêt  phy- 
siologique de  cette  observation  ;  il  restait,  en  effet,  des  tubes  nerveux, 
soit  dans  les  racines  antérieures,  soit  dans  les  muscles,  malgré  la  dispa- 
rition presque  complète  des  cellules  externes  de  la  corne  antérieure 
gauche  de  la  région  lombaire. 

Cette  observation  offre  en  outre  un  exemple  de  méningite  cérébro- 
spinale suppurée,  qui  n'a  pu  être  diagnostiquée  pendant  la  vie,  et  dont 
il  n'est  pas  possible  de  déterminer  la  cause. 

4*  Note  sur  la  structure  des  granulations  morveuses  du  cheval  ; 
par  MM.  Trasbot  et  Cornil. 

Les  altérations  anatomiques  de  la  morve  aiguë  ou  chronique  qui  con- 
sistent essentiellement  en  de  petites  nodosités  semi-transparentes  d'a- 
bord, plus  tard  opaques  et  jaunâtres,  situées  dans  les  poumons,  dans  le 
tissu  sous-muqueux  des  fosses  nasales,  du  larynx,  etc.,  ont  depuis 
longtemps  été  comparées  à  celles  des  tubercules.  Dupuy  (1)  (d'Alfort), 
regardait  la  morve  du  cheval  comme  l'analogue  de  la  tuberculisation 
de  l'homme  ;  dans  les  poumons  des  chevaux  on  n'observe  pas  en  effet 
d'autres  tubercules  que  ceux  de  nature  morveuse.  Cette  analogie,  qui 
se  fondait  uniquement  sur  l'apparence  à  l'œil  nu  des  productions  mor- 
bides, fut  battue  en  brèche  par  les  observations  de  morve  communiquée 
du  cheval  à  l'homme;  la  morve  humaine  montrait  en  effet  un  ensemble 
de  symptômes,  une  marche  analogue  à  celle  du  cheval  et  bien  diffé- 
rente de  la  tuberculisation.  Pendant  longtemps  on  ne  s'occupa  plus  de 
l'analogie  des  lésions  de  la  morve  et  du  tubercule  si  opposés  au  point 
de  vue  de  leur  nature  et  de  leur  symptomatologie.  Plus  tard  les  recher- 
ches d'anatomie  microscopique  faites  par  Virchow  (2),  Leisering  (3) 
rapprochèrent  de  nouveau  ces  deux  maladies  à  tel  point  que  Virchow 

(1)  Dupuy,  De  l'affection  tuberculeuse  vulgairement  appelée  morve. 
Paris,  1817. 

(2)  "Virchow,  Handbiich  der  speciellen  pattiol.  u.  Thérapie,  1*  vol., 
1"  partie,  p.  405,  1855.  Erlangen. 

(3)  Cité  par  P.  Gleisberg  in  Traité  de  Pathologie  comparée.  Leip- 
zig, 1865.  p.  113. 


219 

avouait  qu'entre  la  granulation  morveuse  et  le  véritable  tubercule  il  n'y 
a  pas  de  différence  histoiogique.  Pour  Virchow  et  son  école,  les  granu- 
lations morveuses  et  tuberculeuses  ont  cela  de  commun  qu'elles  nais- 
sent aux  dépens  d'une  prolifération  des  noyaux  du  tissu  conjonctif, 
qu'elles  sont  formées  par  une  agglomération  de  noyaux  et  de  petites 
cellules  identiques  comme  forme  et  comme  dimensions,  situées  au  mi- 
lieu des  fibres  élastiques  et  lamineuses  du  tissu  où  elles  ont  pris  nais- 
sance, et  que  ces  éléments  nouveaux  constituent  par  leur  aggloméra- 
tion un  nodule,  la  granulation.  Les  petites  tumeurs,  en  se  réunissant, 
en  constituent  de  plus  grosses,  les  éléments  de  leur  centre  s'infiltrent 
de  fines  granulations,  s'atrophient,  passent  à  la  dégénérescence  ca- 
séeuse  jaunâtre  qui  est  la  terminaison  commune  des  granulations  mor- 
veuses comme  des  tuberculeuses.  Les  produits  de  ces  deux  maladies  ne 
sont  pas  les  seuls  à  avoir  la  même  structure,  car  les  granulations  sy- 
philitiques ou  gommes  sont  à  peu  de  chose  près  les  mêmes  au  point  de 
vue  histologique. 

Cette  question  du  parallèle  de  ces  lésions  à  peu  près  identiques,  nées 
sous  l'influence  de  causes  diverses,  a  pris  de  nouveau  un  puissant  in- 
térêt depuis  que  M.  Villemin  a  fait  entrevoir  pour  la  tuberculose  la 
possibilité  de  son  inoculation,  ce  qui  la  rapprocherait  des  deux  autres 
maladies  virulentes. 

Aussi  avons-nous  pensé  qu'il  ne  serait  pas  inutile  de  publier  nos  re- 
cherches histologiques  sur  la  structure  des  lésions  delà  morve,  et  enfin 
de  tenter  leur  comparaison  avec  des  tubercules  et  des  gommes.  Mal- 
heureusement nous  n'avons  pas  entre  les  mains  les  matériaux  néces- 
saires pour  que  ce  rapprochement  soit  tout  à  fait  probant,  car  il  nous 
faudrait  mettre  en  parallèle  ou  bien  la  morve  du  cheval  avec  la  tuber- 
culose de  ce  même  animal,  ce  qui  est  impossible  vu  l'absence  chez  lui  de 
cette  dernière  maladie,  ou  bien  la  tuberculose  de  l'homme  avec  la 
morve  humaine  dont  nous  n'avons  par  devers  nous  aucune  observation 
personnelle.  Tout  ce  que  nous  pouvons  faire  en  ce  moment,  c'est  de 
décrire  la  granulation  morveuse  du  cheval  et  de  la  comparer  à  la  gra- 
nulation tuberculeuse  de  l'homme. 

Dans  le  poumon  du  cheval  la  nodosité  morveuse  se  présente  sous 
l'aspect  de  petits  nodules  durs,  superficiels  ou  profonds  dont  la  grosseur 
varie  entre  un  grain  de  millet  et  un  petit  pois.  Les  tumeurs  plus  grosses 
sont  en  général  ulcérées  à  leur  centre  ;  leur  couleur,  soit  à  la  surface, 
soit  sur  une  section,  est  grise;  elles  sont  transparentes  au  début,  tant 
qu'elles  sont  petites  et  jaunâtres,  opaques  quand  elles  vieillisent;  elles 
peuvent  offrir  la  même  dégénérescence  caséeuse  et  calcaire  que  les  tu- 
bercules. 


2Î0 

Habituellement,  quand  on  regarde  avec  attention  la  surface  de  sec- 
tion d'une  granulation  morveuse  de  la  grosseur  d'un  grain  de  chènevis 
à  un  petit  pois,  on  voit  à  son  centre  une  petite  cavité  qu'un  examen 
ultérieur,  à  l'œil  nu  et  au  microscope,  fait  reconnaître  pour  une  petite 
bronche.  La  lumière  de  cette  cavité  est  remplie  par  une  matière  adhé- 
rente, demi-transparente,  gélatineuse,  que  l'examen  microscopique 
montre  composée  de  corpuscules  de  pus  et  de  filaments  de  mucus  (les 
fibres  de  ces  mucus  ne  sont  pas  attaquées  par  l'acide  acétique).  La 
granulation  elle-même  qui  entoure  la  petite  bronche  examinée  après 
dilacération,  présente  des  noyaux  sphériques  lorsqu'ils  sont  petits  et 
qu'ils  ne  mesurent  que  0,004  à  0,005,  ovoïdes  lorsqu'ils  sont  un  peu 
plus  volumineux  et  atteignent  0,006  à  0,007  dans  leur  grand  diamètre; 
l'acide  acétique  ne  les  modifie  pas.  Parfois  alors  ils  montrent  aussi  un 
noyau.  Ils  sont  au  milieu  de  nombreuses  fibres  élastiques  et  lami- 
neuses. 

Lorsque  de  pareils  nodules  ont  été  durcis  dans  l'acide  chromique,  on 
peut  en  faire  des  coupes  complètes  qui  montrent  à  leur  milieu  le  bou- 
chon muco-purulent  qui  remplit  la  bronche  centrale;  celle-ci  tapissée 
d'une  couche  régulière  de  cellules  cylindriques  à  cils  vibratils  sous  les- 
quelles existe  sa  paroi  fibreuse;  enfin  tout  autour  de  la  bronche  le 
tissu  même  de  la  granulation  morveuse  qui  forme  à  la  bronche  un  an- 
neau complet  en  général  fort  régulier.  En  dehors  de  la  granulation,  les 
alvéoles  pulmonaires  apparaissent  normaux. 

Le  tissu  de  la  granulation  examiné  sur  ces  coupes  minces  offre  à  un 
faible  grossissement  un  aspect  finement  granuleux,  et  avec  le  n°  9  (à 
immersion)  de  Hartnach,  on  constate  la  disposition  suivante  :  les  nom- 
breuses fibres  de  tissu  lamineux  et  élastique  qui  entrent  dans  la  struc- 
ture de  ce  tissu,  forment  des  mailles  et  un  réseau  extrêmement  serré; 
dans  ces  mailles  se  voient  de  un  à  trois  ou  quatre  des  noyaux  précédem- 
ment indiqués;  quelques-uns  présentent  autour  d'eux  des  granulations 
protoplasmiques,  quelquefois  même  des  granulations  graisseuses  autour 
d'eux  et  dans  leur  intérieur;  dans  les  points  où  la  section  a  été  extrê- 
mement fine,  ces  petites  mailles  sont  quelquefois  vides,  leurs  éléments 
ayant  été  enlevés  par  le  rasoir. 

Le  tissu  de  la  granulation  ne  possède  pas  de  vaisseaux  nourriciers 
qui  lui  soient  propres;  c'est  une  particularité  qu'il  partnge  avec  le  tu- 
bercule et  qui  explique,  dans  les  deux  processus,  la  facilité  de  produc- 
tion de  l'état  caséeux  ou  mort  des  éléments  par  atrophie  et  infiltration 
granulo-graisseuse.  Dans  les  cavités  ulcéreuses  qui  se  forment  au  centre 
des  nodosités  nerveuses  plus  grosses  et  plus  anciennes,  cavités  qui  com- 
muniquent avec  les  bronches,  on  trouve  un  pus  jaunâtre,  épais,  qui  est 
formé  de  leucocytes  plus  ou  moins  granuleux. 


221 
'  Ce  qu'il  y  a  de  particulier  et  de  très- remarquable  dans  les  granula- 
tions que  nous  venons  de  décrire,  c'est  leur  situation  en  forme  d'anneau 
régulier  autour  des  petites  bronches,  c'est  la  structure  même  de  leur 
tissu  composé  de  mailles  étroites,  de  fibres  élastiques  et  lamineuses  en- 
tre-croisées, circonscrivant  de  petits  espaces  où  sont  logés  les  noyaux. 
Mais  les  granulations  ne  sont  pas  constamment  situées  autour  des 
bronches;  ainsi  nous  en  avons  rencontré  plusieurs  fois  autour  d'arté- 
rioles  et  dans  le  tissu  interlobulaire  ou  sous-pleural. 

Dans  la  cloison  des  fosses  nasales,  les  granulations  nerveuses  se 
présentent  entre  le  cartilage  et  la  muqueuse,  soit  comme  des  nodosités 
isolées,  soit  comme  des  plaques  irrégulières  possédant  une  coloration 
grise,  une  semi-transparence  et  une  dureté  particulières.  Elles  ont  la 
même  structure  que  celles  des  poumons.  La  muqueuse  est  le  plus  sou- 
vent en  même  temps  altérée,  elle  offre  des  exulcérations  très-super- 
ficielles, sur  lesquelles  Tépithélium  est  tombé.  Plus  tard,  de  véritables 
ulcérations  profondes  surviennent  au  niveau  des  granulations  et  des 
plaques,  qui  elles-mêmes  sont  détruites  par  la  suppuration. 

Si  nous  comparons  maintenant  ces  granulations  morveuses  du  cheval 
avec  le  tubercule  de  Ihomme,  nous  verrons  que  les  granulations  tuber- 
culeuses, bien  qu'elles  se  développent  le  plus  souvent  autour  des 
bronches,  des  vaisseaux,  et  dans  le  tissu  interlobulaire,  n'entourent 
jamais  d'une  façon  aussi  régulière  les  vaisseaux  sanguins  ou  bron- 
chiques; elles  sont  en  général  isolées  les  unes  des  autres  et  distinctes 
et  ne  forment  pas  une  zone  aussi  régulièrement  circulaire  :  de  plus, 
nous  n'avons  jamais  vu  dans  la  structure  du  tubercule  une  disposition 
réticulée  de  fibres  élastiques  et  lamineuses  comparable  à  celle  que  nous 
venons  de  décrire. 

Si  dans  cette  comparaison  nous  n'avons  plus  seulement  égard  à  la 
nature  histologique,  si  nous  faisons  intervenir  le  siège  de  ces  produc- 
tions, nous  verrons  que  les  granulations  morveuses  seules  peuvent 
envahir  la  muqueuse  des  fosses  nasales,  le  tissu  conjonctif  intermuscu- 
laire et  la  peau. 

Il  faut  reconnaître  en  outre  que  l'analyse  microscopique  des  tissus 
ne  peut  à  elle  seule  nous  rendre  compte  de  leurs  caractères  physiolo- 
giques et  de  leur  évolution  ;  c'est  un  des  éléments  du  problème,  capital 
ou  secondaire  suivant  les  cas,  mais  non  le  problème  entier:  une  pus- 
tule de  variole,  par  exemple,  ne  diffère  pas  au  point  de  vue  histologi- 
que de  certaines  pustules  d'ecthyma,  et  cependant  quel  abîme  entre 
ces  deux  lésions  d'aspect  analogue  !  L'une  s'inocule  et  recèle  un  virus; 
c'est  l'expérimentation  seule  qui  nous  révèle  ce  caractère  primordial. 
Nous  ne  connaissons  les  choses  que  par  leurs  caractères  objectifs, 


222 
mais  en  raison  même  de  ce  fait  que  leur  essence  nous  échappe,  nous 
serions  d'autant  plus  coupables  de  négliger  un  des  moyens  par  les- 
quels elles  se  manifestent  à  nous. 

III.  —  Tératologie. 
Un  cas  de  monstre  anidien  chez  l'domme;  par  MM.  Cornil  et  Causit* 

(Voy.  plauche  VI.) 

M.  le  docteur  Triboulet,  qui  a  rencontré  ce  fait  dans  sa  clientèle  pri- 
vée, a  eu  Tobligeance  de  nous  communiquer  les  renseignements  sui- 
vants :  Le  père  et  la  mère  de  ce  monstre  sont  peu  robustes,  quoique 
d'une  bonne  santé  habituelle;  la  mère  du  mari  est  atteinte  de  cancer. 
La  mère,  âgée  de  24  ans,  est  à  sa  première  grossesse;  celle-ci  s'est 
passée  régulièrement,  sauf  de  nombreuses  attaques  d'hystérie,  qui  ont 
eu  lieu  jusqu'au  dernier  mois  exclusivement. 

L'accouchement  s'est  fait  aisément  d'un  garçon  à  terme,  pesant  3,200 
grammes  et  bien  portant;  la  délivrance  s'est  faite  spontanément,  et 
c'est  alors  que  M.  Triboulet  a  aperçu  une  anomalie  du  délivre  dont  il 
donne  la  description  suivante  :  Le  délivre  est  bien  normal  et  ordinaire, 
mais  sur  la  face  externe  de  la  poche  des  eaux,  à  2  pouces  au  plus  du 
bord  du  gâteau  placentaire,  se  trouve  annexée  une  tumeur  en  forme  de 
gourde,  composée  de  deux  parties  bien  distinctes;  la  plus  petite  partie 
de  la  gourde  est  couleur  de  peau,  la  plus  grosse  a  la  forme  et  le  volume 
d'une  giosse  grenade,  une  couleur  violacée  brunâtre,  une  surface  lisse 
comme  séreuse,  une  consistance  molle  et  demi-fluctuante.  Cette  tumeur 
crevée  pendant  l'examen,  a  laissé  écouler  environ  un  bon  verre  de  li- 
quide séreux,  clair,  et  j'ai  reconnu  alors  que  c'était  une  poche  tapissée 
au  dedans  par  une  membrane  séreuse,  et  dont  les  parois  épaisses  d'un 
centimètre  au  moins  avaient  une  couleur  violacée  brunâtre,  et  sem- 
blaient formées  par  du  tissu  conjonctif  à  mailles  larges,  et  infiltrées 
d'une  sorte  de  gelée  brunâtre.  Cela  m'a  semblé  pouvoir  être  regardé 
comme  étant  un  placenta  libre  de  toute  adhérence  à  l'utérus,  et  seule- 
ment attaché  à  l'autre  tumeur  d'aspect  cutané  par  un  collet. 

Le  monstre  présente  une  forme  ovoïde  à  grosse  extrémité,  tournée 
au  point  opposé  à  l'insertion  du  placenta. 

Son  diamètre  longitudinal  est  de  G"", 05,  et  son  diamètre  transversal 
de  0'",045. 

La  consistance  de  ce  produit  fœtal  est  mollasse,  et  en  pressant  un 
peu,  on  sent  à  travers  la  masse  des  parties  inégales,  dures  et  résistantes. 
A  une  de  ses  extrémités  il  se  continue  directement  avec  le  placenta,  et 


223 
au  point  où  cette  continuation  s'effectue,  la  peau  se  confond  insensible- 
ment avec  le  placenta. 

Il  n'y  a  pas  trace  de  cordon  ombilical,  il  existe  seulement  une  inser- 
tion placentaire  sessile  qui  se  fait  par  une  base  large  ayant  environ 
2  centimètres  de  diamètre. 

La  surface  est  formée  par  de  la  peau  blanche  couverte  partout  de 
poils  follets,  excepté  en  deux  points  : 

1°  Au  niveau  de  l'union  de  la  peau  avec  le  placenta,  là  se  trouve  une 
houppe  de  cheveux  mesurant  de  2  à  3  centimètres  en  longueur,  de  cou- 
leur blonde,  et  dans  toute  la  circonférence  de  l'union  du  placenta  avec 
la  peau  les  poils  sont  plus  développés  que  partout  ailleurs. 

2°  Les  poils  manquent  dans  une  place  irrégulièrement  circulaire  si- 
tuée au-dessous  de  l'insertion  du  placenta,  et  occupant  une  étendue  de 
1  centimètre  1/2  de  diamètre.  Là  la  peau  du  monstre  se  continue  avec 
une  membrane  transparente,  mince  el  molle  qui  n'est  autre  que  l'am- 
nios  du  second  fœtus  né  à  terme  et  viable. 

Sur  la  partie  du  monstre  qui  donne  insertion  à  cette  membrane  et  qui 
est  privée  de  peau,  on  voit  apparaître  une  grosse  veine  située  sous  la 
membrane,  veine  qui  a  environ  1  millimètre  1/2  de  diamètre. 

La  structure  delà  peau  montre  un  revêtement  épidermique,  des  pa- 
pilles, des  glandes  sébacées  en  grande  quantité  annexées  aux  poils  fol- 
lets. Ceux-ci  présentent  exactement  la  même  structure  que  ceux  d'un 
fœtus  à  terme.  Les  cheveux  ci-dessus  mentionnés  montrent  aussi  leur 
structure  normale  et  leurs  rapports  habituels  avec  les  glandes  sébacées. 
En  un  point  situé  tout  près  de  l'insertion  placentaire,  on  trouve  une 
petite  masse  jaunâtre  qui  présente  tout  d'abord  une  apparence  analogue 
à  celle  des  glandes  de  Meibomius;  elle  est  constituée  histologiquement 
par  une  agglomération  de  glandes  sébacées  d'où  sortent  de  longs  poils. 

Après  avoir  ouvert  la  poche  cutanée,  il  s'écoule  de  la  sérosité  con- 
tenue dans  le  tissu  conjonctif  sous-cutané  (c'était  à  cette  sérosité  que  la 
tumeur  devait  une  grande  partie  de  son  volume  et  de  sa  consistance 
semi-fluctuante),  et  l'on  voit  à  son  centre  une  masse  dure  qui  paraît  au 
premier  abord  formée  par  des  rudiments  de  vertèbres. 

La  peau  est  doublée  par  une  couche  épaisse  de  tissu  conjonctif  œdé- 
matié  montrant  de  petits  pelotons  adipeux  assez  nombreux  pour  consti- 
tuer une  troisième  couche  que  le  scalpel  isole  assez  facilement.  Autour 
de  la  masse  osseuse  existent  des  couches  d'un  tissu  rougeâtre;  ce  tissu 
est  composé  de  fibres  musculaires  très-étroites,  mais  néanmoins  striées, 
mesurant  9  millièmes  de  millimètre  en  diamètre. 

En  disséquant  les  parties  qui  entourent  la  masse  osseuse,  on  voit  un 
petit  filament  blanchâtre  dont  l'examen  microscopique  montre  des  fibres 


224 
musculaires  et  un  nerf;  celui-ci  ost  composé  de  fibres  nerveuses  à  dou- 
ble contour.  Après  avoir  isolé  la  masse  osseuse  centrale  par  la  dissec- 
tion, on  reconnaît  la  forme  suivante  :  auprès  du  point  d'insertion  du 
placenta  existe  un  os  allongé  et  au  centre  même  du  petit  corps  une 
partie  ostéo-cartilagineuse  présentant  à  sa  surface  des  saillies  noueuses 
et  une  forme  recourbée  en  fer  à  cheval,  dont  les  deux  extrémités  libres 
sont  tournées  du  côté  de  l'insertion  du  placenta.  Au  milieu  des  deux 
branches  du  fer  à  cheval  et  les  dépassant  par  son  extrémité  supérieure 
existe  un  petit  corps  allongé,  cylindrique,  terminé  du  côté  de  l'insertion 
du  placenta  par  une  extrémité  renflée;  en  piquant  cette  extrémité  on 
en  fait  sortir  une  masse  mollasse  ayant  à  peu  près  la  grosseur  d'un  pe- 
tit pois;  cette  substance  esi  grise,  semi-transparente,  et  à  l'examen  mi- 
croscopique on  voit  des  fdets  nerveux  extrêmement  minces,  mesurant 
de  3  à  4  millièmes  de  millimètre,  variqueux,  exactement  semblables  à 
ceux  du  cerveau.   Des  gouttelettes  de  myéline,  réfringente,  à  double 
contour,  forment  une  grande  partie  de  cette  substance  qui  contient 
ainsi  une  grande  quantité  d'éléments  exactement  sphériques,  mesurant 
de  6  à  9  millièmes  de  millimètre,  et  en  général  granuleux;  il  y  a  même 
dans  ces  éléments,  qui  par  leur  forme  se  rapprochent  beaucoup  des 
myélocytes,  des  granulations  pigmentaires,  jaunes.   Cette  substance 
contenait  aussi  une  grande  quantité  de  vaisseaux  artériels  ou  capillaires 
disposés  comme  dans  le  cerveau,  présentant  autour  d'eux  une  enveloppe 
lymphatique  bien  nette. 

La  coupe  des  deux  os,  qui  sont  parfaitement  séparés  l'un  de  l'autre, 
montre  dans  l'os  allongé  et  supérieur  deux  parties  ossifiées  sans  trace 
de  cartilage;  dans  la  masse  osseuse  inférieure  existent  deux  centres 
osseux  constitués  par  de  l'os  spongieux  contenant  de  la  moelle  rouge, 
et  ressemblant  à  deux  corps  de  vertèbres.  A  ces  deux  centres  osseux 
se  rattachent  des  points  d'ossifications  secondaires  disposés  sur  les  côtés 
au  sein  de  petites  masses  cartilagineuses,  dont  quelques-unes  sont  légè- 
rement arquées,  et  qui  pourraient  peut-être  représenter  les  lames  et 
les  apophyses  tranverses. 

Ces  différentes  parties  osseuses  sont  situées  au  milieu  d'un  tissu  car- 
tilagineux assez  épais,  et  l'on  peut  assister  à  un  processus  d'ossification 
entièrement  normal,  prolifération  du  cartilage,  infiltration  calcaire, 
formation  des  premières  aréoles  remplies  de  cellules.  Ces  deux  os  dif- 
fèrent essentiellement  l'un  de  l'autre,  le  premier  étant  composé  d'une 
substance  compacte,  ressemblant  à  un  os  long  par  la  disposition  de  ses 
canaux  de  travers,  et  se  développant  au  milieu  et  aux  dépens  du  tissu 
conjonctif;  le  second,  au  contraire,  est  constitué  par  de  la  substance 
spongieuse.  La  membrane  qui  sert  d'enveloppe  à  la  masse  encéphalique 
est  constituée  uniquement  par  du  tissu  connectif  caractérisé  par  des 


225 
faisceaux  de  fibres  lamineuscs  entre-croisées  et  contenant  de  nombreuses 
cellules  plasmatiques.  Sur  aucun  point  de  cette  enveloppe  nous  n'avons 
trouvé  de  tissu  cartilagineux,  ce  qui  peut  faire  supposer  que  la  base  du 
crâne  est  absente  ici,  et  que  la  masse  cérébrale  est  protégée  par  la 
seule  portion  du  crâne  qui  correspond  aux  os  secondaires. 

Des  deux  masses  osseuses,  Tune  représentait  certainement  les  ver- 
tèbres, et  l'autre  par  son  développement  aux  dépens  du  tissu  conjonc- 
tif  répondait  à  la  mâchoire  inférieure  ou  à  la  clavicule. 

Si  nous  comparons  ce  fait  aux  exemples  d'anidiens  publiés  jusqu'ici, 
nous  voyons  une  seule  différence  qui  consiste  dans  la  composition  du 
cordon.  Habituellement  cet  organe  est  bien  défini,  et  ne  contient  que 
deux  vaisseaux,  une  artère  et  une  veine.  Pour  notre  cas,  le  placenta 
s'insérait  directement  sur  une  extrémité  du  monstre,  et  de  nombreux 
vaisseaux  pénétraient  de  l'un  dans  l'autre. 

Si  l'on  tient  compte,  dans  l'examen  des  monstruosités,  non  pas  seule- 
ment de  la  forme  générale,  mais  aussi  de  la  structure  histologique  des  divers 
tissus  qui  les  composent,  on  doit  modifier,  dans  une  certaine  limite,  les 
idées  générales  qui  ont  cours  en  tératologie.  Ainsi,  pour  les  anidiens, 
leur  forme  les  faisait  comparer  par  Isidore  Geoffroy-Saint-Hilaire  (1) 
aux  êtres  radiaires,  aux  acéphalocystes;  leur  apparence  extérieure  ne 
pouvait  faire  déterminer  ni  l'espèce  ni  la  famille  zoologique  à  laquelle 
ils  appartenaient.  Or  la  structure  des  os,  celle  du  tissu  nerveux,  du 
tissu  vasculaire  et  musculaire  ne  peut,  dans  ce  cas,  laisser  de  doute,  et 
il  est  certain  que  ce  monstre  appartient  à  la  classe  des  vertébrés  :  la 
structure  de  la  peau,  les  glandes,  les  poils  et  les  autres  éléments  de 
l'enveloppe  cutanée  indiquent  sûrement  qu'il  s'agit  ici  d'un  produit  do 
conception  appartenant  à  l'homme. 


(1)  Histoire  générale  et  particulière  des  anomalies,  t.  II,  p.  528, 
1836  ,  et  atlas,  pi.  XIII,  fig.  1  et  2. 


FIN  DES  COMPTES  RENDUS. 


C.    R.  15 


MÉMOIRES 


LUS 


F  r 


A  LA  SOCIETE  DE  BIOLOGIE 

PENDANT  L'ANNEE  1865. 


MEMOIRE 

SUR   LA  DÉMONSTRATION  EXPÉRIMENTALE 

DE    LA 

PRODUCTION  D'ÉLECTRICITÉ 

PROPRE  AUX  POISSONS  DU  GENRE  DES  RAIES 

lu  à  la  Société,  dans  sa  séance  du  8  juillet  1S65,  ;' 

PAR 

M.  LE  DOCTEUR  CHARLES  ROBIN,  • 

Professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 


Le  nombre  des  poissons  doués  d'organes  électriques  n  est  pas  con- 
sidérable. Les  sept  genres  composant  la  famille  des  torpilles,  com- 
prenant environ  vingt  espèces,  un  ou  deux  gymnotes,  deux  luor- 
myres  et  un  malaptérure,  tels  sont  les  seuls  poissons  chez  lesquels  on 
ait  démontré  l'existence  d'appareils  électro-moteurs;  aussi  la  décou- 
verte d'organes  producteurs  de  Télectricité  et  de  leurs  usages  dans 
les  espèces  oii  ils  sont  restés  inconnus  jusqu'à  présent  a-t-elle  tou- 
jours compté  parmi  les  faits  importants  qu'enregistre  la  science. 

Dans  un  mémoire  lu  à  l'Académie  des  sciences  le  13  mai  18iG, 
j'ai  fait  connaître  analomiquement  un  appareil  qui  existe  sur  les 


côtés  de  la  queue  des  nombreuses  espèces  qui  composent  le  genre 
raie,  tel  qu'il  a  été  délimité  par  Diunéril  et  par  Cuvier.  L'identité  de 
sa  structure  avec  celle  des  organes  électriques  des  torpilles  m'a  con- 
duit à  le  considérer  comme  un  véritable  appareil  électrique,  appa- 
reil dont  la  présence  resserre  les  liens  zoologiques  qui  font  considé- 
rer les  raies  et  les  torpilles  comme  appartenant  à  une  même  famille 
de  poissons  cartilagineux.  Mais  ces  déterminations,  concernant,  Tune 
un  problème  d'anatomie  et  de  physiologie  comparées,  l'autre  une 
question  de  zoologie,  manquaient  de  solidité  tant  que  Texpériencc 
n'avait  pas  prononcé  sur  elles.  Or  le  travail  que  je  demande  la  li- 
berté de  communiquer  à  rAcadéniie  a  pour  but  la  démonstration 
expérimentale  de  l'existence,  dans  l'appai'eil  électrique  des  laies, 
elune  fonction  analogue  à  celle  que  remplissent  les  organes  ayant  la 
même  structure  qui  existent  vers  la  tôle  des  torpilles  et  dans  la  queue 
du  gymnote.  En  outre,  jusqu'à  présent,  la  zoologie  ne  comptait  que 
les  torpilles  parnn  les  poissons  électriques  habitants  de  la  mer,  les 
autres  étant  tous  des  poissons  d'eau  douce.  Elle  devra  donc  désormais 
y  ajouter  le  grand  genre  des  raies  en  entier  qui  comprend  comme  on 
lésait  environ  37  espèces. 

ji  P'.  —  CO.NUniGNS  A   nKMl>lJil  DANS    LES   EXPElilE.NCES  ÉLECTHO- 
PHYSIOLOGIQUES  SUR  LES  RAIES. 

Un  sait  que  les  raies  sont  ordinairement  péchées  à  plus  d'une  heure 
de  navigation  des  côtes,  et  ne  vivent  pas  longtemps  hors  de  Teau.  Il 
est  aussi  plus  difficile  de  les  conserver  en  vie  dans  des  vases  que  les 
autres  poissons,  en  raison  de  leur  forme  et  de  leur  volume.  11  est 
impossible,  d'autre  part,  de  faire  en  mer  sur  des  bateaux  pécheurs 
les  expériences  délicates  qu'exigent  les  recherches  électro-physiolo- 
giques; aussi,  malgré  de  nouîbreuses  tentatives,  j'avais  jusqu'à  pré- 
sent vainement  tenté  de  réunir  toutes  les  conditions  nécessaires  à 
leur  exécution.  Mais  ces  conditions  se  trouvent  aujourd'hui  heureu- 
sement rassemblées  et  mises  libéralement  à  la  disposition  des  savants 
dans  les  viviers  à  expériences  construits  à  Concarneau,  d'après  des 
plans  et  des  indications  dus  à  l'initiative  de  M.  Coste.  Là,  dans  des 
bassins  et  des  aquariums  dont  l'eau  est  renouvelée  par  le  Ilux  et  le 
rcllux  de  la  mer,  vivent  et  se  reproduisent  des  poissons  et  des  inver- 
tébrés de  la  plupart  des  espèces  de  nos  côtes,  dont  les  mœurs  peu- 


veot  être  observ^'os  à  chaque  lieure.  Repêchés  selon  les  besoins  de 
l'expérimentateur,  ils  sont  eu  moins  d'une  minute  portés  sur  les 
tables  à  expériences  dans  un  vaste  laboratoire  attenant  aux  viviers. 

Dans  ces  recherches  un  ou  deux  aides  au  moins  sont  nécessaires, 
tant  pour  maintenir  l'animal  que  pour  lire  les  déviations  de  l'aiguille 
du  aalvanomètre  ou  surveiller  les  mouvements  de  grenouilles  calva- 
ûoscopiques. 

J'ai  eu  pour  aides  et  témoins  de  mes  expériences  M.  Olivier  Moquin- 
Tandon,  M.  Legros,  interne  des  hôpitaux  de  Paris,  et  M.  le  lieutenant 
de  vaisseau  Hautefeuille,  auxquels  j'adresse  ici  mes  remerciments 
pour  le  dévouement  quïls  ont  témoigné  à  la  science  dans  ces  longues 
et  minutieuses  études  (I).  Les  raies  étaient  transportées  des  viviers 
sur  la  table  à  expérience  dans  un  large  seau  ou  dans  un  lilet,  selon 
ce  que  permettait  leur  grandeur.  Quelles  que  soient  les  précautions 
prises,  l'animal  se  débat  violemment,  tant  au  sortir  de  l'eau  que 
dans  le  transport,  et  surtout  au  moment  où  il  est  placé  sur  la  table. 
Celle-ci  était  couverte  de  grandes  glaces;  elle  était  inclinée  du  côté 
où  était  placée  la  tète  de  l'animal,  de  manière  à  permettre  l'écoule- 
ment de  l'eau,  qu'un  aide  versait  de  temps  à  autre  dans  les  évents, 
afin  de  prolonger  le  plus  possible  la  vie  des  raies  ;  car  ces  poissons 
ne  vivent  que  de  quinze  à  vingt-cinq  minutes  hors  de  Teau,  et 
d'autant  moins  que  leur  taille  est  plus  considérable. 

Les  expériences  qui  font  le  sujet  de  ce  travail  ont  été  faites  sur 
dix-huit  raies,  comprenant  trois  raia  baiis  L,  larges  de  GO  à  70  cen- 
timètres ;  deux  raies  ronces  [i-aia  nibus  ou  raia  aslerias  Rondelet), 
l'une  large  de  55  centimètres,  l'autre  de  65  environ  ;  deux  raies  bou- 
clées {raia  davala  L.),  l'une  large  de  45  centimètres,  l'autre  de  GO  cen- 
timètres ;  et  onze  raies  blanches  [raia  alba  ou  mieux  iindiilata  Lacé- 
pède),  larges  seulement  de  45  à  50  centimètres.  Ces  dernières,  bien 
que  petites,  étaient  adultes,  comme  le  montrait  l'état  des  appendices 
des  organes  génitaux  des  mâles;  et  de  plus,  nous  avons  assisté  ii  la 
jionte  des  œufs  de  l'une  des  femelles  dans  les  viviers  réservés  où 

[\)  Les  expériences  électro-pliysiologiques  sont  plus  difficiles  à  faire 
sur  les  raies  que  sur  les  torpilles;  ces  difiicultés  ne  tiennent  pas  tant  au 
moindre  volume  de  l'appareil  qu'à  la  plus  grande  taille  des  premières, 
ainsi  qu'à  la  plus  grande  mobilité  et  à  la  plus  grande  énergie  des  mou- 
v(Mnents  de  leur  queue  dans  laquelle  siège  celui-ci. 


fi 
elles  étaient  gardées.  Cette  espèce,  qui  reste  petite,  ainsi  qu'on  le 
sait,  est  cependant  favorable  aux  expériences  physiologiques,  parce 
qu'elle  ne  s'asphyxie  pas  aussi  rapidement  que  les  autres.  L'asphyxie 
s'annonce  par  la  congestion  violacée  des  capillaires  et  des  petites 
veines  du  rostre  et  surtout  du  bord  transparent  des  ailes,  puis  par 
la  diminution  du  nombre  des  mouvements  de  l'opercule  des  évents. 
Ces  signes  se  présentent,  selon  les  espèces,  quinze  à  vingt  minutes 
après  que  l'animal  est  sorti  de  l'eau.  Lorsqu'ils  se  montrent,  on  peut 
conserver  vivantes  les  raies  en  expérience  en  les  replaçant  dans  les 
viviers,  où  elles  reviennent  bientôt  et  peuvent  servir  le  lendemain 
(le  nouveau. 

L'instrument  dont  je  me  suis  servi  est  un  excellent  galvanomètre 
de  (lourjon  appartenant  à  M.  Guillemin,  professeur  agrégé  à  la  Faculté 
de  médecine  de  Paris.  Les  aiguilles  avaient  été  rendues  asiatiques 
par  M.  Ruhmkorff,  qui  avait  exécuté  les  rhéophores  de  platine  à 
manche  isolant.  L'extrémité  terminale  des  deux  lames  de  platine, 
laissée  sans  vernis,  destinée  à  toucher  l'appareil,  était  large  de  6  mil- 
limètres seulement  dans  les  deux  sens.  Lors  de  mes  premiers  essais, 
j'employais  toute  la  longueur  du  fil  du  galvanomètre  (3000  tours);  mais 
après  un  petit  nombre  d'expériences,  j'ai  dû  profiter  delà  disposition 
de  cet  appareil  qui  permet  de  ne  faire  passer  le  courant  que  dans 
1500  tours  seulement.  L'impulsion  donnée  à  l'aiguille  était  en  effet 
tellement  forte,  que  frappant  sur  l'arrêt  contre  lequel  se  dirigeait  la 
pointe,  elle  revenait  en  vibrant  choquer  l'arrêt  du  côté  opposé,  et  le 
repos  était  long  à  s'établir.  C'est  donc  avec  un  galvanomètre  de 
1,500  tours  qu'ont  été  obtenus  les  résultats  dont  il  est  question  plus 
loin. 

Aucune  expérience  n'a  été  commencée  sans  que  l'appareil  conve- 
nablement orienté  et  protégé,  les  deux  lames  de  platine  terminant 
les  rhéophores  n'eussent  été  plongées  dans  Feau  douce  jusqu'à  im- 
mobilité de  Faiguille  au  0  degré,  et  jusqu'à  ce  que  l'immobilité  se 
maintînt  lorsque  les  lames  étaient  soulevées  et  replongées  à  plusieurs 
reprises  dans  le  liquide.  Chaque  fois  que,  Fanimal  ayant  donné  une 
décharge,  on  voulait  en  obtenir  une  seconde,  ces  mêmes  précautions 
ont  été  prises  pendant  les  quatre  à  six  minutes  de  repos  nécessaires 
pour  qu'un  nouvel  effet  électrique  put  être  produit.  Avant  de  re- 
chercher si  l'appareil  des  raies  donnait  réellement  des  décharges 
électriques,  les  plaques  de  platine  terminant  les  rhéophores  ont  été 


mises  pliisiours  fois  au  rontact  des  diverses  parties  de  raies  mortes 
depuis  quelques  heures,  telles  que  la  peau  couverte  de  mucus,  la 
peau  essuyée,  les  aponévroses,  les  muscles,  le  tissu  cérébral,  celui 
de  la  moelle  épinière,  celui  de  quelques  gros  nerfs  crâniens  et  celui 
de  l'appareil  électrique  séparé  de  l'animal  qui  le  portait.  En  laissant 
au  fil  de  l'appareil  la  possibilité  d'être  parcouru  dans  l'étendue  de  ses 
3,000  tours,  l'aiguille  a  donné,  de  l'une  à  l'autre  de  ces  parties,  une 
déviation  très-lente  de  3  à  6  degrés.  La  peau  couverte  de  mucus  a 
toujours  donné  la  déviation  la  plus  forte,  s'élevant  à  5  ou  6  degrés 
quelles  que  fussent  les  régions  du  corps  touchées  par  les  lames  de 
platine.  Cette  déviation  est  devenue  nulle  par  le  contact  t!e  ces  tissus 
morts,  lorsqu'on  n'a  plus  employé  que  1,500  tours  du  galvanomètre; 
elle  a  persisté  toutefois  sur  la  peau  couverte  de  mucus,  mais  réduite 
à  3  ou  ■'j  degrés,  et  elle  a  manqué  tout  à  fait  dans  un  certain  nombre 
de  ces  expériences.  Sur  les  raies  vivantes,  la  peau  des  différentes 
parties  du  corps,  couverte  de  mucus,  a  donné  aussi  ces  mêmes  dé- 
viations lentes  do  6  à  7  degrés  au  plus,  en  usant  des  3,000  tours 
du  galvanomètre,  et  de  3  à  4  degrés  lorsqu'on  n'a  utilisé  que 
1,500  tours. 

Pour  rendre  possible  l'application  des  lames  de  platine  qui  ter- 
minent les  rhéophores,  et  se  préserver  des  blessures  que  font  les 
piquants  de  la  queue  que  l'animal  agite  violemment  de  temps  à  autre, 
l'extrémité  de  celle-ci  est  fortement  maintenue;  en  même  temps  il 
faut  que  les  mouvements  du  corps  soient  empêchés  par  une  pression 
convenable  exercée  sur  le  dos,  à  l'aide  de  la  main  protégée  par  un 
linge  contre  les  aiguillons  de  cette  région.  Les  grenouilles  galvanos- 
copiques  sont  ensuite  disposées  sur  les  parties  du  corps  où  l'on  veut 
observer  les  phénomènes  électro-moteurs,  en  faisant  à  l'aide  de  ba- 
guettes de  verre,  former  au  nerf  uu  arc  dans  l'étendue  duquel  le  con- 
tact avec  le  poisson  est  interrompu.  Les  lames  de  platine  des  rhéo- 
phores sont  alors  appliquées  simultanément  l'une  en  haut,  l'autre  en 
bas  de  la  portion  sous-cutanée  de  l'appareil  électrique,  ou  sur  les 
extrémités  des  segments  de  celui-ci  quand  on  ne  veut  pas  expéri- 
menter sur  toute  son  étendue. 

l  11.  —  COMUTmNS   DANS    LESQUELLES  Oi\  OBSERVE   LES    DÉCHAnCES 
ÉLECTRIQUES  SUR  LES  RAIES. 

Les  choses  étant  disposées  de  manière  que  deux  ou  trois  gré- 


8 
nouilleiî  galvanoscopiquos  soient  en  rapport  convenable  avec  la  por- 
tion sous-outanép  de  l'un  des  organes  électriques,  de  manière  enfin 
que  l'une  des  lames  de  platine  soit  placée  au-dessus  de  l'appareil, 
tandis  que  l'autre  est  en  même  temps  appliquée  en  bas  vers  le  niveau 
des  nageoires  caudales,  on  observe  les  phénomènes  suivants. 

Parfois  la  raie  fait  de  violents  efforts  musculaires,  pour  se  dé- 
gager, agite  ou  cherche  à  agiter  fortement  ses  ailes  ou  nageoires 
pectorales,  ses  membres  postérieurs  et  sa  queue  qu'il  faut  maintenir, 
ainsi  que  les  muscles  dorsaux.  Dans  les  neuf  dixièmes  des  cas,  au- 
cune décharge  n'a  lieu  pendant  la  durée  de  ces  efforts  musculaires, 
fait  noté  depuis  longtemps  sur  les  torpilles  par  MM.  Becquerel  et 
Breschet  en  1835  (1);  aucun  mouvement  n'est  décelé  par  les  gre- 
nouilles galvanoscopiques,  et  l'aiguille  du  galvanomètre  ne  dévie 
pas.  Mais  alors,  après  quelques  secondes  du  repos  qui  suit  ces  efforts, 
survient  une  décharge  ou  une  succession  de  petites  décharges. 
D'autres  fois  l'animal  reste  tranquille,  exécute  de  réguliers  mouve- 
ments respiratoires  pendant  trois  ou  quatre  minutes,  puis  se  débat 
comme  dans  le  cas  précédent,  et  le  galvanomètre  aussi  bien  que  les 
grenouilles  galvanoscopiques  demeurent  immobiles;  puis,  après 
quelques  secondes  de  repos,  une  action  électro-motrice  a  lieu.  Quel- 
quefois aussi  pourtant,  après  trois  ou  quatre  minutes  de  tranquillité, 
le  poisson  au  lieu  de  s'agiter  donne  directement  et  volontairement 
une  décharge;  ou  bien  encore  il  fait  un  violent  efïort  de  dilatation 
puis  de  contraction  des  muscles  de  la  cavité  branchiale,  que  suivent 
aussitôt  les  actions  électriques. 

Ce  repos  ou  l'agitation  dont  il  vient  d'être  question  ne  sont  pas 
toujours  suivis  d'effets  électro-moteurs.  On  en  suscite  alors  la  mani- 
festation en  pinçant  les  bords  des  nageoires,  en  piquant  l'intérieur 


(1)  Il  Les  nageoires  tlioraciques  sont  agitées  convulsivement  et  le  plus 
souvent  redressées  en  haut  en  forme  de  crête.  Néanmoins,  comme 
d'autres  observateurs  l'avaient  déjà  remarqué,  les  mouvements  muscu- 
laires les  plus  violents  et  les  plus  spasmodiques  ne  sont  pas  toujours 
accompagnés  de  décharges  électriques.  Celles-ci  ne  doivent  donc  pas 
toujours  être  considérées  comme  la  conséquence  des  contractions  mus- 
culaires, mais  bien  comme  l'effet  d'un  acte  volontaire  de  l'animal.  » 
Becquerel,  Traité  expérimental  de  C électricité  et  du  magnétisme. 
Paris,  1836;  in-8,  t.  IV,  p.  266.) 


9 
(les  évent?,  en  toucliant  les  yeux  de  ki  raie,  ou  en  frictionnant  le 
dessus  de  la  tête. 

Ainsi,  l'acte  d'innervation  qui,  partant  des  centres  nerveux,  dé- 
termine la  production  d'une  décharge,  est  un  acte  volontaire,  comme 
celui  qui  suscite  les  contractions  musculaires,  et  il  est  indépendant 
de  l'action  motrice,  bien  que  les  nerfs  de  l'appareil  viennent,  comme 
ceux  des  muscles  soumis  à  la  volonté,  des  laisceaux  antérieurs  de  la 
moelle  épinièrc. 

jJ  m.  —  Phénomènes  de  la  décharge  électrique  de  l'appareil 

DES  raies. 

Quelles  que  soient  celles  de  ces  conditions  dans  lesquelles  a  lieu 
une  décharge  de  l'appareil  électrique,  celle-ci  est  décelée  aux  yeux 
attentifs,  soit  par  un  léger  mouvement  des  globes  oculaires  et  un 
peu  de  resserrement  de  la  cavité  branchiale,  soit  par  de  petites 
contractions  faisant  vibrer  et  onduler  le  bord  des  ailes;  ces  légères 
contractions  sont  presque  toujours  accompagnées  d'un  mouvement 
de  tremblotement  des  nageoires  caudales,  tremblotement  qui  parfois 
a  seul  lieu  lors  d'une  action  électro-motrice.  On  sait  que  quelques- 
uns  de  ces  phénomènes  s'observent  sur  les  torpilles  au  moment  où 
elles  donnent  une  décharge  électrique. 

Lorsque  les  doigts  sont  appliqués  sur  la  queue  pendant  la  durée 
de  ce  tremblotement,  on  sent  un  léger  frémissement  dans  toute  leur 
étendue. 

Quant  aux  phénomènes  électriques  proprement  dits,  ils  sont  rendus 
sensibles  par  les  grenouilles  galvanoscopiques  et  par  le  galvanomètre 
simultanément  ou  séparément,  sur  toute  l'étendue  de  la  moitié  pos- 
térieure de  la  queue  des  raies.  Cette  longueur  correspond  à  la  por- 
tion de  l'appareil  qui  est  sous-cutanée,  parce  qu'elle  cesse  d'être 
entourée  par  le  prolongement  caudal  du  muscle  sacro-lombaire. 
Aucune  de  ces  manifestations  n'a  lieu  quand  les  grenouilles  ou  le 
rhéophore  qui  ferme  le  circuit  du  côté  de  la  queue  touchent  la  peau, 
vers  le  niveau  de  la  portion  de  l'appareil  qui  est  entourée  de  muscles, 
à  moins  que  cette  portion  ne  soit  mise  à  découvert. 

Les  phénomènes  électriques  sont  rendus  sensibles  par  la  contrac- 
tion unique,  ou  répétée  rapidement  plusieurs  fois,  des  grenouilles 
galvanoscopiques,  coïncidant  toujours  avec  une  déviation  brusque 


10 
de  l'aiguille  du  galvanomètre  portée  à  90  degrés,  avec  choc  contre 
l'arrêt  quand  les  poissons  ne  sont  ni  blessés  ni  encore  épuisés. 

Cette  simultanéité  constante  de  ces  deux  modes  associés  de  dé- 
monstration des  actions  électro-motrices  est  un  fait  sur  lequel  on 
ne  saurait  trop  fixer  l'attention.  Jamais  les  phénomènes  extérieurs 
signalés  au  début  de  ce  paragraphe  ne  se  sont  montrés  sans  qu'il  y 
eût  en  même  temps  contraction  des  grenouilles  en  rapport  conve- 
nable avec  la  portion  sous-cutanée  de  l'appareil,  déviation  relative- 
ment brusque  et  rapide  de  l'aiguille  du  galvanomètre.  Quant  aux 
grenouilles  galvanoscopiques  placées  sur  les  autres  parties  du  corps, 
elles  restent  immobiles. 

Lors  de  l'emploi  isolé  et  alternatif  des  grenouilles  galvanoscopi- 
ques et  du  galvanomètre,  toujours  avec  ces  phénomènes  extérieurs, 
ou  avec  quelques-uns  d'entre  eux,  ont  coïncidé  la  contraction  des 
unes  dans  le  premier  cas  et  la  déviation  de  l'aiguille  dans  le  second. 

Ainsi  l'appareil  électrique  d£s  raies,  comme  celui  des  torpilles  et 
dès  gymnotes,  comme  les  piles  ou  batteries  se  rechargeant  d'elles- 
mêmes,  produit  des  effets  physiques  et  des  effets  physiologiques;  les 
effets  chimiques  que  j"ai  obtenus  ne  sont  pas  assez  prononcés  pour 
que  je  les  mentionne  ici.  Je  noterai  en  terminant  que  l'intensité  de  la 
décharge  est  proportionnelle  à  la  masse  du  tissu  de  l'appareil  qui  la 
produit  ;  car  lorsqu'à  l'aide  du  rhéophore  placé  du  côié  du  bout  in- 
férieur de  l'organe  électrique,  on  embrasse  dans  le  circuit  une  por- 
tion de  plus  en  plus  petite  de  son  étendue,  la  déviation  de  l'aiguille 
galvanométrique  devient  de  plus  en  plus  faible.  Elle  n'atteint  plus 
que  50  à  60  degrés  lorsque  le  circuit  n'embrasse  que  6  à  8  centimètres 
de  la  longueur  de  cet  organe. 

jjlV.  —  De  la  direction  dans  laquelle  a  lieu  la  décharge  de 
l'appareil  électrique  des  raies. 

Après  m'être  assuré  par  l'emploi  simultané  et  alternatif  des  moyens 
physiques  et  des  moyens  physiologiques  de  l'existence  de  décharges 
électriques,  produites  par  l'appareil  électrique  des  raies,  après  avoir 
ainsi  constaté  que  la  déviation  de  l'aiguille  du  galvanomètre  était 
bien  due  à  des  effets  électro-moteurs  de  l'ordre  de  ceux  qui  ont  été 
observés  sur  la  torpille,  le  gymnote  et  le  malaptérure  (Ranzi,  1855), 
je  me  suis  occupé  d'étudier  le  sens  dans  lequel  a  lieu  l'action  de  cet 


H 
apparoil,  qui  est  le  type  des  batteries  qui  se  rechargent  d'elles-mêmes, 
lorsqu'elles  sont  épuisées  par  chaque  décharge. 

L'appareil  étant  convenablement  orienté  et  l'aiguille  au  O",  et  après 
avoir  pris  les  précautions  indiquées  précédemment,  toutes  les  fois 
l'extrémité  du  rhéophore  A  a  été  placée  vers  le  bout  céphalique  d'un 
organe  électrique  ou  sur  une  partie  du  corps  située  plus  ou  moins 
loin  au-dessus,  et  l'extrémité  du  rhéophore  B  sur  la  peau  couvrant  la 
terminaison  caudale  de  l'organe,  tantôt  entre  les  deux  nageoires 
caudales,  tantôt  en  avant  de  la  première;  les  résultats  ont  été  les 
mêmes,  soit  que  cette  extrémité  touchât  la  face  supérieure,  la  face 
latérale  ou  la  face  inférieure  de  l'organe. 

Lorsque  la  décharge  a  eu  lieu,  le  courant  a  pénétré  par  B  ;  la  tête 
de  l'aiguille  s'est  portée  sur  B  au  cadran  galvanométrique,  et  la 
pointe  de  l'aiguille  a  marché  rapidement  du  nord  à  l'est  jusqu'à^ 
frapper  le  butoir  d'arrêt  à  90".  Transposant  ensuite  les  extrémités 
des  rhéophores  de  manière  à  les  placer  inversement,  j'ai  vu  toujours, 
lors  dune  nouvelle  décharge,  la  déviation  de  l'aiguille  avoir  lieu  dans 
le  sens  opposé  à  celui  de  la  décharge  précédente  ;  sa  tête  a  marché 
brusquement  sur  Â  et  sa  pointe  s'est  portée  du  nord  à  l'ouest 
jusqu'à  90  degrés. 

Ce  fait  s'est  reproduit  invariablement  sur  toutes  les  raies  soumises 
à  mes  expériences. 

Ainsi  dans  l'appareil  électrique  des  raies  le  courant  est  constam- 
ment dirigé  de  l'extrémité  céphalique  vers  son  extrémité  caudale; 
et  son  pôle  positif  est  toujours  vers  sa  partie  antérieure  et  son  pôle 
négatif  vers  sa  portion  postérieure  (1). 

La  décharge  s'est  manifestée  toujours  d'une  manière  d'autant  plus 
intense  par  l'énergie  de  la  contraction  des  grenouilles  et  par  la  rapi- 
dité et  l'étendue  de  la  déviation  de  l'aiguille,  que  les  extrémités  des 
rhéophores  comprenaient,  dans  le  circuit  qu'elles  formaient,  une 
portion  plus  considérable  de  la  longueur  de  l'organe;  ou  en  d'autres 
termes  qu'elles  étaient  parcourues  par  l'électricité  provenant  d'une 
portion  plus  étendue  de  l'appareil.  Ce  fait  prouve  déjà  qu'il  ne  s'agis- 
.sait  pas  là  de  courants  chimiques.  La  déviation  jusqu'au  90'  degré 

(l)  Ces  résultats  sont  analogues  à  ceux  que  MM.  Becquerel  el  Bres- 
chet  ont  observés  sur  les  torpilles.  (Becquerel,  Traité  expérimental 
de  l  électricité,  etc.  Paris,  1836,  in-8,  t.  IV,  p.  267.) 


(le  moD  galvanomètre  réduit  à  1,500  tours  ne  se  montrait,  dans  les 
décharges  ordinaires,  que  lorsque  les  rliéophores  comprenaient  une 
portion  de  l'organe  longue  de  12  centimètres  ou  au  delà. 

En  appliquant  les  lames  de  platine  à  une  distance  l'une  de  l'autre 
de  10  à  12  centimètres  environ,  en  haut  de  l'appareil  d'abord,  puis 
de  plus  en  plus  bas  à  chaque  nouvelle  décharge,  on  trouve  le  courant 
toujours  dirigé  de  lextrémité  antérieure  de  l'appareil  vers  son  extré- 
mité postérieure.  Le  point  où  était  le  pôle  négatif,  lorsqu'on  com- 
mence l'expérience  par  la  partie  antérieure,  devient  celui  où  est  le 
pôle  positif,  lorsqu'on  reporte  plus  bas  les  deux  rliéophores  en  même 
temps  pour  recueillir  l'électricité  d'une  nouvelle  décharge. 

Ainsi  chez  les  raies  comme  chez  le  gymnote  (d'après  les  observa- 
tions de  Faraday)  et  celle  du  malaptérure  (d'après  les  observations 
de  Ranzi,  1855),  on  trouve  que  le  même  point  peut  être  tantôt  positif, 
tantôt  négatif,  suivant  que  l'autre  point  touché  en  même  temps  est 
tantôt  plus  près  de  la  tète,  taiftôt  plus  près  du  bout  de  la  queue. 

J'ai  expérimenté  deux  fois  en  plaçant  l'une  des  lames  de  platine 
terminant  les  rhéophores  contre  la  face  interne  de  l'un  des  organes 
électriques  et  l'autre  contre  la  face  externe  au  même  niveau,  de  ma- 
nière à  ce  qu'elles  fussent  écartées  l'une  de  l'autre  par  la  plus  grande 
épaisseur  de  l'organe  qui  mesurait  15  millimètres  sur  le  premier  et 
18  sur  le  second. 

/V  chacune  des  décharges  indiquées  par  les  grenouilles  galvanosco- 
piques,  j'ai  obtenu  une  déviation  do  15  à  20"  au  maximum.  Le  galva- 
nomètre indiquait  que  dans  ces  conditions  le  courant  est  dirigé  de  la 
face  interne  vers  la  face  externe,  le  pôle  positif  étant  sur  la  pre- 
mière et  le  pôle  négatif  sur  la  seconde.  Ainsi  à  chaque  décharge  une 
petite  quantité  d'électricité  est  dirigée  de  dedans  en  dehors. 

Je  n'ai  obtenu  aucun  effet  en  plaçant  les  lames  de  platine  au  même 
niveau,  l'une  à  la  face  supérieure,  l'autre  à  la  face  inférieure  de 
l'appareil  électrique. 

{5  V.  —  Des  PHENOMENES    ORDINAUIEMENT    OBSERVÉS    LORS    DE    CHAQUE 
DÉCHARGE  ÉLECTRIQUE  EN  PARI  ICULIER. 

J'ai  indiqué  précédemment  qu'on  peut  obtenir  en  général  trois  dé- 
charges de  chaque  raie  et  rarement  quatre  dans  l'espace  de  dix-huit 
à  vnigt-cinq  minutes,  après  quoi  elle  commence  à  présenter  des 
signes  d'asphyxie  ;  c'est-à-dire  la  congestion  violacée  du  rostre  et  du 


13 
bord  des  ailes  ou  nageoires  pectorales.  8i   luu    replace  lanimal 
dans  l'eau  après  deux  ou  trois  décharges,  c'est-à-dire  au  bout  de 
quinze  à  dix-huit  minutes,  il  peut  servira  de  nouvelles  expériences 
deux  ou  trois  heures  plus  tard. 

Les  décharges  données  par  une  même  raie  ne  sont  pas  toutes  sem- 
blables, en  ce  sens  qu'elles  consistent  tantôt  en  une  seule  et  éner- 
gique décharge  proprement  dite,  tantôt  en  une  série  de  petites  dé- 
charges se  répétant  de  quarante  à  cinquante  lois  de  suite  au  nombre 
de  trois  à  quatre  environ  par  seconde. 

Les  décharges  proprement  dites  étaient  décelées  par  une  contrac- 
tion brusque  et  intense  des  muscles  de  la  jambe  de  la  grenouille  et 
une  flexion  très-prononcée  de  la  jambe  sur  la  cuisse  avec  extension 
de  la  patte.  Elles  étaient  dautrc  part  décelées  par  la  déviation  ra- 
l)ide  de  l'aiguille  du  galvanomètre  qui  allant  frapper  le  butoir  à  90° 
était  renvoyée  sur  celui  du  côté  opposé  et  rentrait  au  repos  par  des 
oscillations  d'une  durée  de  vingt-deux  secondes  environ. 

La  première  décharge  et  souvent  la  seconde  avaient  les  caractères 
que  je  viens  de  décrire  et  la  dernière  ou  les  dernières  oflVaient  ceux 
que  je  vais  indiquer.  Sur  quelques  individus  même  toutes  ont  eu  ces 
caractères. 

Le  galvanomètre  étant  revenu  au  repos  et  les  grenouilles  galvanos- 
copiques  remises  eu  place  ou  renouvelées,  tout  demeurant  immo- 
bile, pendant  quelques  instants  on  voyait  de  cinq  à  huit  minutes, 
après  les  phénomènes  précédents,  la  raie  donner  une  nouvelle  dé- 
charge, soit  spontanément,  soit  à  la  suite  de  stimulations. 

Les  décharges  consistant  en  une  série  de  petites  secousses  au 
nombre  de  deux  ou  trois  par  seconde  environ  ne  peuvent  être  bien 
décelées  que  par  les  grenouilles  galvanoscopiques.  Ces  petites  se- 
cousses conduisent  en  eflet  l'aiguille  assez  vite,  et  par  un  cours  uni- 
forme jusqu'à  90"  comme  était  une  seule  forte  décharge,  mais  sans 
manifester  leur  multiplicité  en  raison  du  trop  court  intervalle  qui 
les  sépare. 

Les  grenouilles  galvanoscopiques  décèlent  au  contraire  chaque  pe- 
tite décharge  par  autant  de  petites  contractions  des  muscles  de  la 
jambe  et  de  petites  flexions  de  celle-ci  sur  la  cuisse.  Ces  petits  mou- 
vements sont  sensibles  à  la  vue  comme  au  toucher,  et  ceux  qui  cor- 
respondent aux  trois  ou  quatre  dernières  décharges  se  réduisent  à 
un  simple  tremblement  des  gastro-cnémiens. 


14 

Lorsque  les  raies  donnent  ainsi  une  succession  de  petites  dé- 
charges pendant  une  demi-minute  ou  environ  on  peut  pendant  leur 
durée  traîner  ou  porter  sur  diverses  parties  du  corps  successivement 
une  grenouille  galvanoscopique  et  la  baguette  de  verre  à  l'aide  de  la- 
quelle on  fait  former  un  arc  à  son  nerf.  On  constate  alors  qu'elle  ne 
se  contracte  qu'autant  qu'on  touche  la  peau  de  la  queue  au  niveau 
du  point  où  les  organes  électriques,  cessant  d'être  entourés  de  muscles 
deviennent  immédiatement  sous-cutanés,  ou  sont  seulement  entourés 
de  quelques  feuillets  aponévrotiques.  A  partir  de  ce  niveau,  les  con- 
tractions se  montrent  quelles  que  soient  les  parties  touchées  de  la 
surface  de  la  queue  et  même  en  appliquant  la  grenouille  galvanosco- 
pique sur  les  nageoires. 

Du  reste  l'expérience  m'a  montré  que  toutes  les  particularités  que 
présentent  les  décharges  sont  reilétées  par  les  contractions  des  pattes 
de  grenouilles  galvanoscopiques  dont  le  nerf  forme  un  arc  touchant 
un  lil  métallique  planté  dans  un  organe  électrique,  aussi  nettement 
que  lorsqu'elles  sont  contigués  à  la  peau  qui  couvre  immédiatement 
ce  dernier. 

On  sait  que  plus  grande  est  la  tension  de  lélectricité,  plus  rapide 
est  le  mouvement  ou  courant  de  décharge  d'une  pile.  Riche  en  ten- 
sion, pauvre  en  quantité  produite,  en  un  temps  donné  la  pile  d'ordre 
organique  des  poissons,  s'épuise  d'autant  plus  vite  qu'elle  ne  ren- 
contre pas  de  cause  de  ralentissement,  tel  que  par  exemple  un 
corps  mauvais  conducteur  ou  un  fil  mince.  Elle  ne  rencontre  pas 
de  corps  mauvais  conducteur  dans  l'eau  de  mer,  ni  dans  le  corps 
des  poissons  qui  la  touchent.  U  est  donc  probable  que  là  les  décharges 
sont  habituellement  de  l'ordre  de  celles  qui  sont  uniques  et  intenses. 
Mais  dans  les  expériences  en  plein  air  à  l'aide  du  galvanomètre,  la 
recomposition  s'opérant  au  travers  d'un  fil  d'une  très-petite  section 
s'accomplit  plus  lentement;  il  est  probable  que  l'animal  en  a  sensa- 
tion et  que  c'est  là  ce  qui  fait  que,  pour  éviter  la  commotion  d'une 
recomposition  en  sens  inverse  au  travers  de  son  propre  corps,  il 
donne  alors  une  succession  de  petites  décharges  à  des  intervalles 
de  temps  très-rapprochés,  au  lieu  d'une  décharge  unique  et  intense 
comme  il  le  fait  parfois.  Il  est  probable  en  d'autres  termes  que  les 
décharges  uniques  et  intenses  sont  les  décharges  normales  tandis  que 
celles  qui  consistent  en  une  série  de  petites  décharges  sont  exception- 
nelles,  accidentelles  et  produites   seulement   lorsque  l'animal  se 


15 
trouve  placé  dans  les  conditions  anormales  où  le  met  l'expérimen- 
tateur. 

Si  les  raies  dont  le  bord  des  ailes  et  le  rostre  commencent  à  deve- 
nir violacés  ne  sont  pas  reportées  dans  l'eau,  elles  meurent  rapide- 
ment et  d'autant  plus  vite  qu'elles  sont  plus  volumineuses.  Alors 
l'animal  recourbe  en  bas  le  milieu  de  ses  ailes,  et  à  l'aide  de  ce 
point  d'appui  soulève  sa  tête  et  voûte  son  dos.  Bientôt  le  bord  même 
des  ailes  se  relève  un  peu,  tremblote  légèrement  en  môme  temps 
que  la  tête  et  que  les  nageoires  caudales.  Alors  survient  une  série  de 
petites  décharges  comme  celles  dont  il  vient  d'être  question.  D'au- 
tres fois  il  se  produit  quatre  ou  cinq  décharges  assez  intenses  qui  se 
suivent  de  près  sans  être  aussi  fortes  que  celles  qui  avaient  lieu  avant 
l'asphyxie,  la  première  pourtant  pousse  l'aiguille  jusqu'au  butoir  ou 
tout  près  de  90°,  et  l'aiguille  retournant  vers  0°  est  repoussée  vers 
le  butoir  avant  d'avoir  eu  le  temps  de  revenir  au  méridien.  La  der- 
nière ou  les  deux  dernières  de  ces  décharges  sont  plus  faibles  que 
les  premières  ;  elles  coïncident  avec  les  derniers  mouvements  respi- 
ratoires des  évents  et  de  la  poche  branchiale  et  avec  les  derniers 
mouvements  volontaires.  La  mort  est  alors  survenue;  le  cœur  seul 
continue  à  battre  encore  pendant  plusieurs  heures. 

On  peut  observer  les  décharges  de  l'appareil  électrique  des  raies 
dans  l'eau  comme  sur  une  table.  Seulement  la  difficulté  de  maintenir 
assez  longtemps  la  queue  immobile  dans  un  baquet  où  l'animal 
cherche  à  nager,  fait  que  l'emploi  des  grenouilles  galvanoscopiques 
est  à  peu  près  impossible.  En  outre,  le  contact  de  l'eau  de  mer  et  du 
mucus  de  la  peau  des  raies  fait  cesser  le  courant  propre  des  muscles 
et  du  nerf  de  la  patte  de  grenouille  en  huit  à  douze  minutes  environ; 
il  leur  fait  perdre  ainsi  leurs  propriétés  galvanoscopiques  et  oblige 
de  les  renouveler  à  peu  près  à  chaque  décharge  ou  série  de  décharge. 
Mais  dans  les  conditions  dont  il  s'agit  ici,  on  peut  constater  l'exis- 
tence des  phénomènes  extérieurs  indiquant  une  décharge  électrique 
en  même  temps  que  laiguille  du  galvanomètre  subit  une  déviation 
brusque  allant  à  90°,  comme  dans  les  circonstances  précédentes.  Ces 
conditions,  plus  difficiles  à  remplir,  n'ont  d'autre  avantage  sur  celles 
que  j  ai  adoptées  habituellement  que  de  permettre  d'obtenir  des  dé- 
charges d'égale  intensité  de  cinq  en  cinq  minutes  environ  pendant 
des  heures  et  non  plus  trois  ou  quatre  fois  seulement,  comme  lorsque 
l'animal  est  placé  sur  une  table  où  il  s'asphyxie  bientôt. 


16 


^  VI.  —  Influence  de  quelques  circonstances  spéciales  sur  la 

DÉCHARGE  DE  LAPPAREIL  ÉLECTRIQUE  DES  RAIES. 

Après  lu  mort,  caractérisée  par  la  cessation  des  mouvements  des 
poches  braiichiales  et  des  mouvements  volontaires;  on  peut,  au  bout 
de  dix  à  vingt  minutes,  enfoncer  une  aiguille  dans  les  faisceaux 
autérieurs  de  la  moelle  épinière  mise  à  nu  au  niveau  de  la  partie 
antérieure  de  l'appareil  électrique.  On  voit  alors  se  produire  une 
nouvelle  décharge  manifestée  par  la  contration  des  grenouilles  gal- 
vanoscopiques  et  par  une  déviation  de  laiguille  allant  jusqu'à  90'. 

Ces  mêmes  phénomènes  se  sont  manifestés  une  demi-heure  après 
la  mort  d'une  raie  dans  une  expérience  qui  a  consisté  à  galvaniser 
une  aiguille  métallique  de  haut  en  bas  dans  la  moelle  épinière  tho- 
racique  sur  une  longueur  de  quelques  centimètres. 

Ayant  coupé  la  queue  dune  grosse  raie  bouclée  vivante.,  j'ai  excité 
les  faisceaux  antérieurs  de  la  moelle  à  l'aide  d'une  aiguille  enfoncée 
dans  leur  épaisseur  cinq  minutes  environ  après  la  séparation  du 
membre.  Celui-ci  était  maintenu  pour  éviter  les  contractions  con- 
vulsives  des  muscles  coccygieus  que  suscite  la  stimulation  de  la 
moelle  épinière.  Or  cette  dernière  a  déterminé,  en  même  temps  que 
des  contractions  musculaires  une  décharge  électrique  manifestée  par 
une  déviation  de  l'aiguille  du  galvanomètre  jusqu'à  90°.  Dix  minutes 
plus  tard  l'expérience  recommencée  dans  les  mêmes  conditions  avec 
la  même  queue  de  raie  détachée  une  décharge  s'est  produite,  mais 
avec  une  déviation  de  35*  seulement;  une  troisième  tentative  est  de- 
meurée sans  effet  sur  le  galvanomètre. 

Cette  expérience  reproduite  quelques  jours  plus  tard  dans  les 
mêmes  circonstances  sur  la  queue  détachée  d'une  raia  alba,  Lac, 
plus  petite  que  la  précédente,  mais  très  vivace,  des  résultats  sem- 
blables ont  été  obtenus. 

Mais  il  faut  ici  noter  cette  particularité  que  les  pattes  d'une  gre- 
nouille galvanoscopique  employées  dans  ce  cas,  m'ont  montré  par 
leurs  constructions  répétées  que  chacune  des  deux  décharges  a  con- 
sisté en  une  série  de  petites  décharges  produites  au  nombre  de  deux 
ou  trois  par  seconde,  dont  la  première  a  conduit  rapidement  l'aiguille 
jusqu'au  butoir  à  90°  et  la  deuxième  jusqu'à  48°. 


17 

j5  VII.  —  Particularités  offertes  par  la  décharge  de  l'appareil 

ÉLECTRIQUE   DIVISÉ   EN    SEGMENTS  ET  PAR  UN   COURANT  QUI  LUI     EST 
PROPRE. 

Dans  une  autre  série  d'expériences  faites  en  utilisant  les  3,000 
tours  du  galvanomètre,  les  extrémités  des  rhéophores  ont  été  appli- 
quées directement  sur  le  tissu  de  segments  plus  ou  moins  longs  de 
l'un  ou  des  deux  organes  électriques  coupés  aux  deux  bouts;  seg- 
ments laissés  adhérents  à  l'animal  par  leur  surface  interne  qui  est 
celle  par  laquelle  pénètrent  les  vaisseaux  et  les  nerfs.  Dans  ces  expé- 
riences, je  me  suis  assuré  que  les  raies  ne  donnent  aucun  signe  de 
sensibilité  lorsqu'on  vient  à  toucher,  piquer,  couper  ou  déchirer  le 
tissu  de  leurs  organes  électriques. 

En  appliquant  simultanément  les  deux  lames  de  platine  sur  les 
deux  bouts  de  l'appareil  électrique,  sans  toucher  les  muscles  voisins, 
j'ai  toujours  vu  l'aiguille  galvanométrique  dévier  très-lentement  de 
7°  à  10°.  Elle  déviait  dans  une  direction  indiquant  que  le  courant  se 
dirige,  comme  celui  de  la  décharge  électrique,  de  son  extrémité  cé- 
phalique  à  son  extrémité  postérieure,  ou  en  d'autres  termes,  le  cou- 
rant a  toujours  pénétré  par  le  rhéophore  coutigu  à  la  section  posté- 
rieure de  l'organe.  Dans  ces  condilions,  l'aiguille  s'arrêtait  à  7,  8,  9 
ou  10°,  en  oscillant  parfois  là  de  un  à  deux  degrés  tant  que  la  raie  ne 
donnait  pas  de  décharge.  Mais  aussitôt  que  celle-ci  était  produite,  soit 
spontanément,  soit  après  le  contact  des  yeux  ou  des  évents,  l'aiguille 
partait  brusquement  de  ce  point  pour  continuer  à  se  porter  dans  le 
môme  sens  vers  90°.  Elle  atteignait  ce  nombre  et  frappait  contre  le 
butoir,  lorsque  la  longueur  des  segments  de  l'organe  était  de  12  à 
16  centimètres  ou  au-dessus.  En  plaçant  les  lames  de  platine  simul- 
tanément sur  la  section  interne  et  la  section  externe  de  faisceaux 
musculaires  de  la  nageoire  pectorale,  longs  de  8  et  10  centimètres, 
selon  le  volume  de  l'animal,  disposés  perpendiculairement  à  l'axe  du 
corps,  j'ai  obtenu  une  déviation  constante  de  laiguille  de  8  à  12°, in- 
diquant par  sa  direction  un  courant  musculaire  allant  de  l'extrémité 
interne  vers  l'extrémité  externe  du  muscle.  Chaque  fois  que  par  une 
stimulation  directe  des  nerfs  moteurs  de  la  nageoire,  à  l'aide  de  pinces 
à  griffes,  j'ai  fait  contracter  ces  muscles  pendant  plusieurs  secondes, 
j'ai  vu  l'aiguille  revenir  vers  le  0  aussi  lentement  qu'elle  s'en  était 
écartée  d'abord,  au  lieu  de  partir  de  là  pour  se  porter  brusquement 

MÉM.  2 


...   L  I  S  R  A  P  ^'^^    ' 


^f    O     :  , 


18 
plus  loin  dans  le  même  sens,  comme  dans  le  cas  où  il  s'agissait  de 
l'organe  électrique  donnant  une  décharge. 

Ces  faits  se  sont  renouvelés  sans  différences  notables  sur  plusieurs 
raies.  Ils  portent  à  penser  qu'il  existe  dans  les  organes  électriques 
de  ces  poissons  un  courant  propre  continu.  Il  se  dirige  de  la  par- 
tie antérieure  vers  la  partie  postérieure  de  l'appareil,  comme  ce- 
lui qui  est  produit  par  ce  dernier,  et  s'en  échappe  lors  de  chaque  dé- 
charge; mais  il  est  beaucoup  plus  faible,  et  il  semble  que  chaque  dé- 
charge est  due  à  ce  que  sous  l'influence  de  la  volonté  il  subit  une 
exacerbation  par  augmentation  de  la  quantité  d'électricité  produite, 
ce  qui  précisément  caractérise  la  décharge. 

3'ai  dit  plus  haut  que  lorsque  les  rhéophores  étaient  placés  contre 
les  extrémités  fraîchement  coupées  d'un  organe  électrique,  le  courant 
propre  dévie  lentement  l'aiguille  galvanométrique  et  la  maintient  à 
8  ou  10"  environ;  celle-ci  est  ensuite  poussée  brusquement  dans  le 
même  sens  vers  90%  lors  de  chaque  décharge  donnée  volontairement 
par  la  raie,  soit  spontanément  après  quelques  minutes  de  repos,  soit 
après  quelque  excitation. 

Sur  des  segments  de  l'appareil,  longs  de  14  à  16  centimètres,  l'ai- 
guille allait  frapper  le  butoir  à  90°  lors  de  chaque  décharge,  et  cette 
expérience  a  pu  être  répétée  jusqu'à  trois  fois  de  suite,  à  quatre  ou 
cinq  minutes  d'inter'valle,  sur  des  raies  très-vivaces.  Sur  quelques- 
unes,  une  quatrième  décharge  poussant  l'aiguille  jusqu'à  50  ou  60"  a 
pu  être  obtenue;  après  quoi  l'animal  épuisé  mourait  par  asphyxie  ou 
servait  à  quelqu'autre  expérience. 

En  expérimentant  avec  d'autres  raies  sur  des  segments  d'un  organe 
électrique,  long  de  9  à  10  centimètres  seulement,  la  décharge  ne 
chassait  l'aiguille  que  jusqu'à  50  ou  60"  lors  des  deux  premières  dé- 
charges, et  à  30  ou  40°  lors  de  la  dernière  ou  des  deux  dernières. 
Lorsque  les  conditions  précédentes  restant  les  mêmes,  des  courants 
musculaires  avaient  été  étudiés  avant  d'en  venir  à  observer  les  dé- 
charges de  l'organe  électrique  du  même  animal,  celles-ci  n'étaient 
plus  aussi  fortes.  Elles  ne  déviaient  l'aiguille  que  jusqu'à  40°,  puis 
jusqu'à  35,  30  et  25°  seulement,  en  raison  sans  aucun  doute  de  l'état 
daifaiblissement  de  l'animal,  consécutif  aux  blessures  et  aux  exci- 
tations subies  en  premier  heu. 

Des  segments  de  l'organe  électrique,  longs  de  5  à  6  centimètres 
sur  une  épaisseur  de  12  à  14  millimètres,  ont  encore  donné  des  dé- 


19 
charges  poussant  l'aiguille  jusqu'à  30  et  35°,  lorsque  l'animal  n'avait 
auparavant  été  l'objet  d'aucune  autre  expérience. 

Ainsi  les  essais  qui  précèdent  montrent,  comme  ceux  dont  il  a  été 
question  plus  haut,  que  l'intensité  de  chaque  décharge  est  propor- 
tionnelle à  la  masse  du  tissu  de  l'organe  électrique  comprise  dans  le 
circuit. 

Au  moment  où  s'achève  l'impression  de  ce  travail,  je  trouve  dans 
le  dernier  numéro  des  Compt.  rendus  des  séances  de  l'Acad.  des 
SCIENCES  (séance  du  16  octobre  1865,  t.  LXI),  une  importante  note  de 
M.  Ch.  Matteucci  Sur  l'électricité  de  la  Torpille.  Je  crois  devoir  en 
citer  ici  les  passages  suivants  qui  ont  trait  à  quelques-unes  des  ques- 
tions que  j'ai  abordées  dans  mon  mémoire. 

M.  Matteucci  s'exprime  ainsi  touchant  le  pouvoir  électromoteur  de 
l'organe  de  la  torpille  à  Cétat  de  repos  dont  je  viens  de  parler  sous  le 
nom  de  courant  propre  continu  : 

«  Il  n'y  a  aucune  difficulté  à  découvrir  le  pouvoir  électromoteur 
de  l'organe  de  la  torpille  indépendamment  de  la  décharge,  à  l'état  que 
j'ai  appelé  de  repos  :  il  faut  seulement  avoir  un  galvanomètre  sensible 
au  courant  musculaire  de  la  grenouille,  et  fermer  les  extrémités  de 
cet  instrument  avec  deux  lames  de  zinc  amalgamé  plongées  dans  le 
sulfate  de  zinc  et  communiquant  entre  elles  par  des  coussinets  de  fla- 
nelle ou  de  papier  à  filtre.  Le  galvanomètre  que  j'ai  employé  n'avait 
pas  un  bon  système  asiatique,  de  sorte  que  je  n'obtenais  avec  legas- 
trocnémien  dune  grenouille  peu  vivace  qu'une  déviation  de  40  à 
50  degrés.  Avec  cet  instrument,  un  morceau  d'organe  coupé  sur  une 
petite  torpille  qui  avait  déjà  cessé  de  donner  des  décharges  m'a 
donné  14  ou  15  degrés  de  déviation  dans  le  sens  même  du  courant 
qu'on  obtient  au  moment  de  la  décharge.  Ce  résultat  ne  manque  ja- 
mais de  se  vérifier.  Voici  les  résultats  principaux  auxquels  je  suis 
parvenu  et  qui  confirment  mes  anciennes  expériences. 

«  1°  Un  morceau  d'organe  électrique,  coupé  sur  une  torpille  qui  ne 
donnait  plus  de  décharge  sensible  à  la  grenouille  galvauoscopique  en 
l'irritant  sur  la  peau,  donne  un  courant  constant  entre  la  face  dorsale 
et  la  face  abdominale  dans  le  sens  même  de  la  décharge  qu'on  obtient 
en  tiraillant  ou  en  coupant  les  nerfs  de  ce  morceau.  Avec  un  galva- 
nomètre délicat,  l'aiguille  du  galvanomètre  se  fixe  à  40  ou  50  degrés 
et  persiste  ainsi  pour  longtemps.  J'ai  obtenu  une  déviation  persis- 
tante et  très-sensible  des  morceaux  d'organe  qui  étaient  restés  peu- 


,    Q^^^^     .... 


20 
dant  cinq  ou  six  jours  dans  une  cavité  pratiquée  dans  un  morceau 
de  glace.  On  a  cru,  je  pense,  que  c'est  en  Allemagne  que  ce  pouvoir 
électromoteur  de  l'organe  de  la  torpille  en  repos  était  analogue  à  celui 
des  muscles  vivants;  mais  l'expérience  ne  me  paraît  pas  appuyer 
cette  hypothèse. 
2°  En  effet,  le  pouvoir  électromoteur  de  l'organe  de  la  torpille  en 

repos  augmente  notahlement  après  avoir  obligé  le  morceau  de  l'organe 
à  donner  la  décharge  par  l'irritation  de  ses  nerfs.  Cette  augmentation 
persiste  aussi  pour  un  certain  temps  et  ne  diminue  que  très-lente- 
ment. Je  rappellerai,  à  ce  propos,  une  expérience  qui  ne  manque  ja- 
mais de  réussir  et  qui  consiste  à  opposer  deux  morceaux  d'organe 
coupés  sur  la  môme  torpille,  de  manière  à  n'obtenir  aucun  signe  du 
courant  différentiel.  Si  alors  on  irrite  les  nerfs  d'un  de  ces  morceaux, 
et  si  l'on  rétablit  le  circuit  du  galvanomètre,  onverra  immédiatement 
l'aiguille  dévier  d'un  fort  courant  différentiel  qui  persiste  et  qui  est 
dû  à  l'organe  irrité. 

«  On  sait  qu'en  répétant  la  même  expérience  avec  deux  morceaux 
de  muscle,  le  résultat  est  toui  à  fait  opposé. 

fi  VIII.  —Influence  de  l'éther,  de  la  strichnine  et  du  curare 

SUR  LES  décharges  ÉLECTRIQUES  DES  RAIES. 

Une  raie  ayant  été  placée  dans  un  baquet  plein  d'eau  de  mer  addi- 
tionnée d'une  certaine  quantité  d'éther  sulfurique,  elle  cessa  aubout 
de  quelques  minutes  de  se  mouvoir  et  de  fermer  ses  évents  ou  spi- 
racules. 

Retirée  de  ce  mélange,  placée  sur  une  table  et  arrosée  d'eau  de  mer 
pure  qu'on  versait  aussi  dans  ses  évents,  ses  mouvements  respiratoi- 
res ont  reparu  trois  ou  quatre  minutes  plus  tard;  bientôt  après  elle 
s'est  agitée  et  elle  a  pu  servir  à  nos  expériences  aussi  longtempsque 
les  autres. 

Tant  que  cette  raie  est  restée  soumise  à  l'influence  de  l'étber,  au- 
cune excitation  n'a  pu  lui  faire  produire  de  décharge  électrique.  Mais 
aussitôt  que  se  sont  montrés  de  nouveau  les  mouvements  des  spira- 
cules,  elle  a  donné  une  forte  décharge,  puis  après  s'être  débattue, 
elle  en  a  donné  une  seconde  qui  a  également  chassé  l'aiguille  galva- 
nométrique  jusqu'à  90°. 

Ainsi  létlier,  en  enlevant  aux  centres  nerveux  tout  pouvoir  d'in- 


21 
citation  motrice  volontaire,  priN'e  également  les  raies  de  toute  in- 
fluence sur  leur  appareil  électrique,  sans  faire  perdre  à  celui-ci  ses 
propriétés  électrogéniques. 

Ayant  introduit  environ  25  centigrammes  de  strichnine  cristallisée, 
tant  sous  la  peau  que  dans  une  des  cavités  branchiales  d'une  raie, 
elle  a  donné  au  bout  de  quelques  minutes  deux  fortes  décharges,  à 
deux  ou  trois  minutes  d'intervalle  l'une  de  l'autre.  Aussitôt  après 
sont  survenues  de  légères  contractions  convulsives  dans  les  muscles 
des  mâchoires,  du  dos  et  des  ailes.  Sans  qu'elles  se  soient  interrom- 
pues, quatre  décharges  électriques  se  sont  produites  de  demi-minute 
en  demi-minute,  toutes  moins  intenses  que  les  premières  et  d'énergie 
graduellement  décroissante. 

Les  convulsions  ont  alors  gagné  tous  les  muscles  soumis  à  la  vo- 
lonté et  ont  continué  pendant  près  de  quarante  minutes  en  se  mani- 
festant soit  spontanément,  soit  sous  l'influence  du  moindre  contact 
de  la  peau. 

Mais  ni  le  galvanomètre  ni  les  grenouilles  galvanoscopiques  n'ont 
décelé  de  nouvelles  décharges  électriques,  bien  que  les  nageoires  eau  : 
dales  présentassent  le  tremblotement  qui  annonce  ces  dernières. 

Ces  phénomènes  sont  analogues  à  ceux  qu'a  observés  M.  Matteucci 
après  avoir  introduit  15  centigrammes  de  strychnine  dans  l'estomac 
dune  grosse  torpille  (Traité  des  phénomènes  éLectro-fhysioiotjiqiies 
des  animaux,  Paris,  1844,  in-8'",  p.  161,  162). 

J'ai  injecté  dans  un  des  sinus  veineux  du  dos,  près  du  cœur  d'une 
raie  de  moyenne  taille,  une  solution  dans  l'eau  douce  de  3  centi- 
grammes environ  de  curare.  D'après  les  essais  de  M.  Claude  Bernard 
à  qui  je  le  dois,  1  centigramme  de  ce  curare  suffit  pour  tuer  un  lapin. 

Le  poisson  s'est  d'abord  débattu  énergiquement  sans  donner  de 
décharge  électrique.  L'action  des  muscles  soumis  à  la  volonté  s'est 
bientôt  affaiblie  sans  qu'il  survînt  de  changement  dans  ceux  du  cœur, 
et  au  bout  de  quelques  minutes,  il  a  été  impossible  de  déterminer 
des  contractions  par  la  piqûre,  le  pincement  ou  la  titillation  de  la 
peau  et  des  muqueuses.  Ces  mêmes  moyens  ont  amené  quelques  fré- 
missements des  nageoires  caudales,  mais  sans  que  le  galvanomètre 
ni  les  grenouilles  aient  décelé  une  quelconque  des  décharges  qu'ils 
annoncent  habituellement.  Au  contraire,  en  excitant  directement  la 
moelle  épinière  caudale  avec  une  aiguille  métallique,  après  toute  ces- 
sation des  mouvements  volontaires  et  des  muscles  respirateurs,  une 


n 

demi-heure  environ  après  l'injection,  une  décharge  moins  énergique 
qu'à  l'ordinaire  a  été  manifestée  sans  qu'il  ait  été  possible  d'en  obte- 
nir une  seconde  quatre  ou  cinq  minutes  plus  tard,  ni  par  le  même 
moyen  ni  par  l'excitation  galvanique  de  la  moelle. 

Ainsi  l'éthérisation  suspend  l'influence  qu'ont  les  centres  nerveux 
sur  la  production  des  décharges  électriques,  sans  influer  sur  les  pro- 
priétés électrogéniques  de  l' appareil. 

La  strychnine  détermine  la  production  convulsive  et  involontaire 
de  décharges  électriques,  aussitôt  que  débutent  les  contractions  invo- 
lontaires et  convulsives  des  muscles. 

Quant  au  curare,  il  paralyse  l'influence  du  système  nerveux  sur 
l'appareil  sans  qu'il  soit  possible  de  voir  si  la  diminution  d'énergie 
des  décharges  obtenues  en  excitant  la  moelle  tient  à  la  perte  des  pro- 
priétés des  nerfs  allant  de  la  moelle  à  l'organe  électrique  ou  à  l'ex- 
tinction des  propriétés  de  celui-ci.  Toutefois  le  premier  cas  est  le 
plus  probable. 

M.  Matteucci  s'exprime  ainsi  dans  sa  communication  du  16  octo- 
bre 1865,  touchant  la  question  qui  concerne  le  mode  de  production 
de  l'électricité  dans  les  appareils  électriques  : 

«  J'ai  rencontré,  surtout  dans  la  saison  très-chaude,  des  torpilles 
qui,  hors  de  l'eau,  perdaient  très-rapidement  la  fonction  électrique, 
et  dont  le  pouvoir  électromoteur  en  repos  était  nul  ou  presque  nul. 
En  irritant  les  nerfs  de  l'organe  de  ces  torpilles  ou  en  blessant  le  qua- 
trième lobe,  ce  pouvoir  électromoteur  reparaissait  tout  de  suite  et 
persistait  pour  un  certain  temps.  Je  suis  donc  plus  que  jamais  conduit 
à  croire  qu'au  lieu  de  faire  intervenir  les  actions  chimiques  de  la 
respiration  musculaire,  comme  on  le  fait  avec  fondement  pour  conce- 
voir le  pouvoir  électrique  des  muscles  vivants,  on  doit  attribuer  l'é- 
lectricité des  torpilles  et  des  autres  poissons  électriques  à  des  espèces 
de  piles  secondaires  qui  se  forment  dans  les  cellules  des  organes 
électriques  par  l'action  des  nerfs  :  de  même  que  l'action  nerveuse 
intervient  pour  déterminer  dans  les  organes  de  sécrétion  la  produc- 
tion de  liquides  de  nature  chimique  différente,  on  peut  concevoir 
dans  les  cellules  élémentaires  des  organes  électriques  des  effets  sem- 
blables. Nous  savons  que  l'organe  de  la  torpille,  en  repos  ou  en  acti- 
vité, n'exerce  sur  l'air  atmosphérique  aucune  action  analogue  à  celle 
qui  est  déterminée  par  le  muscle  en  repos  ou  en  contraction.  De  même 
l'influence  de  l'irritation  nerveuse  à  augmenter  d'une  manière  dura- 


ble  le  pouvoir  électromoteur  de  l'organe  delà  torpille  ne  peut  se  con- 
cevoir sans  imaginer  quelle  est  due  à  une  cause  qui  ne  cesse  jamais 
d'agir,  telle  que  serait  la  présence  de  deux  matières  capables  de  ré- 
agir chimiquement  l'une  sur  l'autre  et  constamment  reproduites  sous 
l'action  nerveuse. 

«  Je  ne  considère  cette  hypothèse  que  comme  une  voie  dans  laquelle 
on  peut  être  amené  à  tenter  de  nouvelles  expériences  avec  l'espoir 
de  quelque  succès.  »  (Voyez  sur  ce  sujet  Ch.  Robin  dans  Journ.  d'a- 
NAT.  ET  DE  PHYSiOLOG.  Paris,  1865,  in-8",  p,  602.) 

g  IX.  —  Discussion  de  quelques  données  historiques  touchant 

LES  PROPRIÉTÉS  ÉLECTRIQUES  DES  RAIES. 

En  1847,  quelques  mois  après  la  présentation  à  l'Académie  des 
sciences  du  mémoire  dans  lequel  j'ai  décrit  l'appareil  électrique  des 
raies  (1),  M.  Matteucci  communiqua  les  remarques  suivantes  à 
Arago  (2)  : 

«  M.  Millier,  dit-il,  m'écrit  de  Berlin  qu'il  a  fait  quelques  expé- 
riences sur  cet  organe  (l'appareil  électrique),  dans  la  raie  vivante, 
avec  le  galvanomètre,  et  que  n'ayant  trouvé  aucun  phénomène  élec- 
trique, il  m'engage  à  étudier  la  chose  avec  plus  de  soin;  j'ai  opéré  sur 
des  raies  vivantes  au  moyen  d'une  méthode  très-délicate,  et  qui  au- 
rait pu  faire  découvrir  le  moindre  signe  de  décharge  électrique  que 
la  raie  aurait  donnée  soit  volontairement,  soit  en  irritant  son  cerveau 
ou  sa  moelle  épinière.  Cette  méthode  très-simple  est  celle  de  la  gre- 
nouille galvanoscopique.  J'ai  pu  m'assurer  que  l'organe  trouvé  par 
M.  Robin  n'est  pas  un  appareil  électrique. 

Je  dois  ajouter  que  j'ai  pu  obtenir  de  cet  organe  tous  les  phéno- 


(1)  Recherches  sur  un  appareil  particulier  qui  se  trouve  sur  les 
poissons  du  genre  des  Raies  (Raia,  C).  Journal  I'Institut,  n°  645  du  31 
mai  1846,  t.  XIV,  p.  164.  Paris,  in-4".  —  Procès-verbaux  de  la  So- 
ciété philomatique.  Paris,  in-S",  1846,  p.  65.  —  Compt.  rend,  des  séa.nc. 
DE  l'Acad.  desscienc.  Pafis,  111-4",  1846,  t.  XXII. 

(2)  Matteucci,  Mémoire  sur  le  magnétisme  développé  par  le  courant 
électrique  et  sur  un  organe  particulier  de  la  Raie.  (Lettre  de  M.  Ch. 
Matteucci  à  M.  Arago.)  Compt.  rend,  des  séaxc.  de  l'Ac.\d.  des  scienc.  de 
Paris,  1847,  in-4°,  t.  XXIV,  p.  301. 


Vi 
mènes  du  courant  électrique  musculaire,  de  sorte  que  l'observation 
de  M.  Robin  m'en  semble  d'autant  plus  digne  d'attention  de  la  part 
des  anatomistes.  » 

Ayant  publié  mon  travail  en  entier  quelque  temps  après  la  commu- 
nication de  M.  Matteucci,  j'ai  reproduit  celle-ci  et  l'ai  accompagnée 
des  remarques  suivantes  (Annal,  des  scienc.  nat.,  avril  et  mai  1847, 
troisième  série,  vol.  VII,  p.  193,  avec  deux  planches.  Reeherches  sur 
un  appareil  qui  se  trouve  sur  les  poissons  du  genre  des  Iîai>5  (Raia, 
Cuv.),  et  qui  présente  les  caractères  analogiques  des  appareils  élec- 
triques. Thèse  de  zoologie  pour  le  doctorat  es  sciences,  avec  addition 
d'une  table  des  matières  et  de  quatre  pages  de  propositions,  soute- 
Due  le  19  juillet  1847.  Paris,  grand  in-8",  avec  deux  planches)  : 

«  I.  Il  est  difficile  de  se  résoudre  à  considérer  comme  non  électri- 
que un  organe  qui,  1°  reçoit  une  grande  quantité  de  nerfs  de  la  vie 
animale,  constitué  par  un  tissu  spécial,  semblable  à  celui  des  autres 
appareils  électriques  des  Poissons;  2"  qui  présente  un  arrangement 
de  ses  divers  éléments  identique,  pour  tous  les  points  essentiels,  à 
celui  des  appareils  précédents;  3°  qui  en  même  temps  diffère,  par  sa 
position  absolue  et  relative,  par  ses  vaisseaux,  nerfs,  etc.,  et  par  la 
distribution  de  ces  tissus  les  uns  relativement  aux  autres,  de  tous 
les  organes  actuellement  connus,  excepté  des  appareils  électriques  des 
torpilles,  gymnotes,  etc..  ;  4"  dont  le  tissu  propre  diffère  complète- 
ment de  celui  des  muscles,  des  glandes  avec  ou  sans  conduit  excré- 
teur, ainsi  que  des  appareils  érectiles. 

«  II.  L'organisation  de  cet  appareil  est  trop  complexe  et  trop  par- 
faite pour  qu'on  puisse  supposer  que  c'est  là  un  appareil  rudimen- 
taire,  ne  devant  avoir  aucune  fonction  spéciale.  Il  n'y  a  rien  de  ru- 
dimentaire  dans  cet  organe. 

«  III.  Dans  les  expériences  sur  cet  appareil,  il  faudra  tenir  grand 
compte  des  rapports  du  muscle  sacro-lombaire  qui  enveloppe  l'appa- 
reil électrique  sur  un  tiers  de  son  étendue,  ce  qui  peut-être  a  déjà 
été  cause  d'erreur.  »  (Loc  cit.,  1847,  p.  95,  96.) 

Enfin,  en  se  reportant  à  la  discussion  que  contiennent  ces  dernières 
pages,  le  lecteur  jugera  lui-môme  de  l'importance  de  celle-ci  et  des 
faits  que  M.  Matteucci  mentionne  en  ces  termes  dans  sa  communica- 
tion du  16  octobre  dernier  : 

«  J'ai  profité  de  cette  occasion  pour  essayer  sur  les  raies  les  belles 
expériences  faites  dernièrement  par  M.  Robin.  Il  y  a  déjà  bien  des 


années,  et  tout  de  suite  après  que  cetluibile  anatomiste  avait  annoDcô 
la  découverte  d'un  organe  dans  les  raies  analogue  à  celui  de  la  tor- 
pille, j'avais  essayé  inutilement  d'obtenir  des  signes  d'électricité  de 
l'organe  de  la  raie.  A  ce  propos  je  dois  avouer  que  je  n'avais  jamais 
pu  opérer  que  sur  des  raies  très-petites  et  peu  vivaces,  et  que  très- 
probablement  je  n'avais  pas  réussi  à  mettre  bien  à  découvert  l'organe 
trouvé  par  M.  Robin.  C'est  M.  Schifî  qui  m'a  aidé  dernièrement  dans 
cette  préparation,  et  qui  m'a  appris  à  reconnaître  l'organe  de  la  raie. 
En  opérant  sur  une  raie  bien  vivace  et  assez  grande,  et  en  obligeant 
ce  poisson  à  une  suite  de  contractions  très-fortes,  j'ai  obtenu  de  la 
grenouille  galvanoscopique,  dont  le  nerf  était  posé  sur  l'organe,  des 
signes  manifestes  de  décharges  électriques.  J'aurais  voulu  varier  cette 
expérience  et  la  répéter  sur  d'autres  raies  ;  mais  je  n'ai  pas  réussi  à 
me  les  procurer.  Gomme  il  y  a  beaucoup  de  substance  musculaire 
qui  enveloppe  l'organe  électrique  de  la  raie,  je  me  permets  d'engager 
M.  Robiû  à  vouloir  répéter  et  varier  sa  belle  expérience  en  opérant 
sur  l'organe  isolé  du  poisson,  pour  qu'il  ne  reste  plus  aucun  doute 
que  les  effets  électriques  obtenus  ne  puissent  être  attribués  à  la  fibre 
musculaire  (1).  La  différence  dans  les  dimensions  et  le  nombre  des 
cellules  élémentaires,  et  les  nerfs  de  l'organe  électrique  de  la  raie  et 
celui  des  autres  poissons  électriques,  donne  une  grande  importance 
à  l'étude  complète  de  cette  fonction  de  la  raie,  et  cette  étude  devrait 
expliquer  les  phénomènes  électriques  particuliers  découverts  par 
M.  Robin  dans  la  fonction  électrique  de  la  raie,  et  qui  ne  se  vérifient 
pas  dans  les  autres  poissons  électriques.  » 

Aujourd'hui  donc  la  question  est  résolue  touchant  les  rapproche- 
ments zoologiques  à  établir  entre  les  raies  et  les  torpilles  d'après  la 
présence  ou  l'absence  d'un  appareil  électrique.  Cette  question  a  de- 
puis longtemps  préoccupé  les  savants,  ainsi  que  le  montrent  les  do- 
cuments sur  ce  sujet  que  j'ai  rassemblés  dans  le  travail  cité  plus  haut 
et  les  remarques  publiées  peu  après  par  Duméril  père  (Comptes  ren- 
dus DES  SÉANCES  DE  l'Académie  DES  SCIENCES.  Paris,  1847,  in-4, 
t.  XXIV,  p.  303).  Après  les  avoir  discutés  au  point  de  vue  zoologique, 


(1)  Voyez  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  (sur  les  précautions  prises  à  cet 
égard)  à  la  fin  du  g  I,  dans  le  ^  III  et  dans  quelques-uns  des  paragraphes 
suivants. 


26 

M.  le  professeur  Auguste  Duméril  concluait  ainsi  il  y  a  déjà  plusieurs 
années  (l)  : 

«  Il  est  donc  prouvé  par  les  faits  qui  précèdent  qu'on  doit  rester 
dans  le  doute  sur  la  justesse  de  la  comparaison  à  faire  entre  les  tor- 
pilles et  les  raies,  relativement  à  l'appareil  électrique  dont  ces  der- 
nières seraient  douées  ;  et,  si  j'ai  autant  insisté  sur  les  faits  mis  en 
avant  par  les  anatomistes  qui  ont  voulu  établir  cette  analogie,  c'est 
que  les  traités  les  plus  récents  d'anatomie  comparée  parlent  à  peine 
de  ces  faits,  et  que  le  mémoire  de  M.  Robin  est  le  seul  travail  oii  la 
discussion  relative  à  ce  point  intéressant  de  physiologie  soit  exposée 
avec  quelques  détails.  » 

Les  faits  contenus  dans  ce  travail  lèvent  tous  ces  doutes  et  justi- 
fient l'importance  que  les  zoologistes  ont  de  tout  temps  attachée  à 
cette  discussion. 

CONCLUSION. 

L'ensemble  des  observations  dont  je  viens  d'exposer  les  résultats 
prouve  donc  que  l'appareil  électrique  des  raies  remplit  une  fonction 
de  même  ordre  que  celle  qui  est  dévolue  aux  organes  de  structure 
analogue  existant  chez  les  torpilles,  les  gymnotes,  les  malaptéru- 
res,  etc.  Les  diiférences  ne  portent  que  sur  l'intensité  des  manifesta- 
tions électriques,  intensité  qui,  étant  proportionnelle  à  la  masse  des 
organes  sur  toutes  les  espèces,  est,  sur  les  raies,  ce  que  faisait  pres- 
sentir le  moindre  volume  comparatif  de  l'appareil. 

Mais,  à  part  cette  différence  nécessaire  que,  dès  1846,  j'avais  an- 
noncée devoir  exister,  la  fonction  de  cet  appareil  n'oflTre  rien  de  faux 
ni  de  rudimen taire,  contrairement  aux  hypothèses  émises  depuis  par 
quelques  naturalistes.  Les  faits  contenus  dans  ce  travail  sont  en  rap- 
port, au  contraire,  avec  cette  particularité,  déterminée  dès  cette  épo- 
que également,  que  la  structure  intime  de  ces  organes  offre  la  plus 
grande  analogie  qu'on  puisse  voir  avec  celle  des  organes  électromo- 
teurs des  autres  poissons  électriques.  Rien  de  mieux  caractérisé,  en 
effet,  que  l'élément  sut  generis  qui  compose  leurs  disques  ;  rien  de 
plus  régulier  que  la  configuration  de  ceux-ci  et  que  leur  juxtaposi- 
tion en  piles  par  l'intermédiaire  de  cloisons  riches  en  vaisseaux  et  en 

(1)  A.  Dumeril,  Monographie  de  la  famille  des  Torpediniens  (Revue 
ET  MAGASIN  DE  ZOOLOGIE.  Paris,  1852,  in-S",  p.  181). 


27 
nerfs;  rien  de  plus  constant  que  la  distribution  des  nerfs  à  l'exclu- 
sion des  vaisseaux  (ainsi  que  je  l'ai  fait  connaître  le  premier  en  1846) 
sur  la  face  du  disque  qui  est  tournée  vers  le  pôle  positif  de  l'appa- 
reil, tandis  que  les  vaisseaux,  à  l'exclusion  des  nerfs,  se  Jettent  sur 
la  face  opposée  par  laquelle  s'échappe  le  courant  lors  de  chaque  dé- 
charge ;  rien,  enlin,  de  plus  net  que  le  mode  de  terminaison  des  nom- 
breux tubes  nerveux  régulateurs  des  actes  de  l'appareil  qui  abou- 
tissent à  chacun  de  ses  disques. 


OBSERVATION 


D'UN  MONSTRE 

DE  LA  FAMILLE 

DES  PSEUDENCÉPHALIENS 


lue  à  la  Société 

Par  m.   HOUEL, 

Conservateur  du  Musée  Dupuytren. 


Les  pseudencéphaliens  coTistituent  une  famille  bien  naturelle,  à 
caractères  définis;  elle  est  intermédiaire  aux  exencéplialiens  et  aux 
anencéphaliens;  cette  monstruosité,  qui  appartient  à  un  ordre  déjà 
assez  avancé,  a  encore  ceci  de  remarquable,  qu'à  l'inverse  des  au- 
tres familles,  elle  est  presque  exclusive  à  l'espèce  humaine.  Le  fœtus 
qui  fait  l'objet  de  ma  communication  a  déjà  été  présenté  à  l'Acadé- 
mie impériale  de  médecine  (1);  mais  la  description  qui  en  est  donnée 
dans  les  bulletins  de  cette  savante  compagnie  étant  incomplète,  l'im- 
portance de  ce  petit  monstre  m'a  paru  suffisamment  motiver  une  nou- 
nouvelle  présentation  dans  laquelle  toutes  les  parties  seront  mieux 
étudiées.  En  outre,  je  désire  les  faire  suivre  de  quelques  remarques 
critiques  qui  seront  plus  spécialement  relatives  à  certains  vices  de 
conformation. 

(1)  Bull,  de  l'Acap,  impér.  de  méd.,  t.  23,  p.  298. 


3a 

Obs.  (1)  —  La  femme  qui  a  donné  naissance  à  ce  fœtus  était  primi- 
pare, âgée  de  36  ans,  mariée  depuis  trois  ans  environ.  Son  enfance  avait 
été  maladive,  et  elle  avait  conservé  une  santé  délicate.  Elle  travaillait 
à  plier  du  coton,  par  conséquent  n'exerçait  point  une  profession  pénible. 
La  mère  affirme  n'avoir  jamais  éprouvé  de  vives  contrariétés  pendant  sa 
grossesse,  n'avoir  point  fait  de  chutes  ni  reçu  de  contusions  sur  le 
ventre,  comme  cela  paraît  avoir  eu  lieu  dans  un  certain  nombre  de 
cas  rapportés  par  M.  L  G.  Saint-Hilaire.  Seulement,  d'après  ce  qu'elle 
a  dit  à  M.  le  docteur  Arnault  qui  a  bien  voulu  me  remettre  le  fœtus 
pour  le  musée  Dupuytren,  elle  aurait  eu  une  perte  spontanée  très-abon- 
dante six  semaines  environ  avant  la  fausse  couche. 

Le  petit  monstre,  qui  est  du  sexe  féminin,  est  né  à  environ  sept  mois 
et  a  vécu  quelques  heures  seulement.  Les  nombreuses  anomalies  que 
présente  ce  fœtus  portent  sur  le  crâne,  la  face,  les  deux  membres  iii- 
férieurs;  quelques-unes  même  sont  propres  à  éclairer  des  points  encore 
fort  controversés  de  tératologie. 

DESCRIPTION    EXTÉRIEURE   DU   FOETUS. 

L'enfant  est  assez  bien  proportionné  ;  le  tronc  n'a  point  subi  cette 
exagération  de  volume  que  l'on  constate  assez  souvent  dans  les  monstres 
de  cette  famille,  et  qui  a  été  signalée  par  L  G.  Saint-  Hilaire.  Afin  de 
procéder  avec  ordre,  je  décrirai  successivement  les  vices  de  conforma- 
tion, 1°  du  crâne,  2°  de  la  face,  3°  des  membres  supérieurs,  4*  des 
membres  inférieurs. 

1'  Crâne.  —  Cette  portion  de  la  tête  est  moins  volumineuse,  moins 
développée  que  ne  le  comporte  l'âge  du  fœtus  ;  elle  est  recouverte 
de  cheveux  châtains,  qui  sous  le  rapport  du  nombre  et  du  déve- 
loppement, ne  présentent  rien  d'anormal.  On  remarque  sur  la  face  an- 
térieure et  supérieure  de  la  voûte  crânienne,  deux  tumeurs  formées 
par  le  prolongement  du  cuir  chevelu,  inégales  en  volume,  et  situées 
assez  régulièrement,  l'une  à  droite,  l'autre  à  gauche  ;  cette  dernière  est 
beaucoup  plus  volumineuse  que  celle  de  droite.  Elles  sont  toutes  deux 
molles,  pédiculées,  la  peau  qui  les  recouvre  est  normale,  excepté  à  leur 
extrémité  libre  où  existe  une  perforation  qui  se  continue  avec  une  ca- 
vité dont,  par  un  simple  examen  extérieur,  on  ne  peut  apprécier  la  pro- 
fondeur ni  les  communications.  L'intérieur,  d'un  rouge  assez  vif,  est 
tapissé  par  une  couche  de  réseaux  vasculaires  doublée  d'une  substance 
mollasse,  également  rougeâtre,  qui,  par  sa  consistance  et  son  aspect, 
rappelle  assez  bien  la  substance  cérébrale,  dont  elle  parait  une  dépen- 

(1)  Le  fœtus  est  déposé  au  musée  Dupuytren,  tératologie,  n"  82  a. 


31 

dance.  Ces  caractères  sont  surtout  très-marqués  pour  la  grosse  tumeur, 
et  il  paraît  probable  qu'elle  est  en  effet  une  émergence  de  la  substance 
cérébrale;  mais  ce  point  d'anatomie  ne  pourra  être  définitivement 
éclairé  que  par  une  dissection  complète  du  crâne,  comme  nous  le  ver- 
rons plus  loin. 

Les  deux  tumeurs  sont  séparées  sur  la  ligne  médiane  par  une  mem- 
brane lisse,  mince,  transparente,  au  niveau  dl  laquelle  la  peau  paraît 
manquer.  De  la  face  externe  de  cette  membrane  partent  sous  forme  de 
filaments  deux  petits  prolongements  filiformes  longs  de  5  à  6  centi- 
mètres et  qui  ressemblent  à  des  débris  de  fausses  membranes  organi- 
sés. Pendant  la  vie  de  ce  fœtus,  M.  Arnault  ayant  cherché  a  introduire 
son  doigt  dans  l'infundibulum  que  présente  la  grosse  tumeur,  l'enfant 
fut  immédiatement  pris  d'accidents  convulsifs  qui  durèrent  quelque 
temps,  et  il  poussa  des  cris  très-aigus  qui  attestaient  une  douleur  assez 
vive. 

En  palpant  le  crâne,  il  est  facile  de  constater  que  la  voûte  osseuse 
manque  dans  toute  sa  partie  antérieure  et  dans  la  plus  grande  partie 
de  sa  paroi  supérieure;  il  semble  ne  point  exister  de  trace  de  lécaille 
du  coronal,  du  temporal  ni  des  pariétaux  ;  mais  l'occipital  paraît  bien 
développé.  C'est  du  centre  de  cette  perforation  osseuse  que  naissent 
les  deux  tumeurs  molles  précédemment  décrites. 

2°  Face.  —  La  lèvre  supérieure  présente  sur  la  ligne  médiane  une 
division  entre  les  deux  bords  de  laquelle  existe  un  écartement  qui  est 
de  près  d'un  centimètre.  Le  bord  alvéolaire  et  la  voûte  palatine  sont 
également  divisés  dans  toute  leur  étendue,  et  la  solution  de  continuité 
arrive  même  jusqu'au  voile  du  palais  dont  le  bord  postérieur  est  res- 
pecté. Cette  division  n'est  cependant  point  tout  à  fait  médiane,  et  au- 
dessus  d'elle  se  trouve  un  tubercule  médian,  peu  volumineux,  mais  qui 
se  continue  manifestement  avec  le  vomer.  On  ne  trouve  donc  jusqu'à 
présent. dans  ce  cas  rien  qui  n'ait  été  souvent  constaté;  mais  ce  qu'il  y 
a  de  remarquable  chez  ce  fœius,  c'est  que  la  bifidité  s'étend  au  nez.  En 
effet,  la  solution  de  continuité  de  la  lèvre  supérieure  remonte  de  bas  en 
haut  jusqu'à  la  racine  du  nez,  et  ce  dernier  paraît  bifide  comme  la  lèvre. 
C'est  au  milieu  de  cette  énorme  perte  de  substance  que  se  trouve  comme 
suspendu  le  tubercule  médian  très-atrophié. 

La  partie  supérieure  de  cette  division  médiane  de  la  face  se  continue 
en  outre  du  côté  du  crâne  avec  la  membrane  pellucide  qui  sépare  les 
deux  prolongements  crâniens.  Du  côté  gauche,  l'orifice  des  narines 
n'existe  pas  avec  ses  caractères  normaux  ;  c'est  un  trou  irrégulier.  A 
droite,  il  en  est  autrement  :  l'orifice  de  la  narine  a  ses  contours  nor- 
maux, arrondis,  qui  semblent  avoir  seulement  été  déjetés  de  côté;  on 
retrouve  même  une  espèce  de  cloison  ou  bride  qui  paraît  être  la  trace 


'3Î 
des  contours  de  la  narine  du  côté  opposé  :  ce  qui  semblerait  établir  que, 
pour  le  nez,  la  bifidité  n'est  point  exactement  médiane.  Les  os  propres 
du  nez  paraissent  manquer  en  grande  partie,  ou  bien  s'ils  existent,  ils 
sont  notablement  atrophiés;  c'est  ce  que  la  dissection  nous  démontrera. 

Les  deux  yeux  sont  aussi  loin  d'être  identiques;  celui  de  droite  est 
bien  conformé  en  apparence,  seulement  il  paraît  plus  volumineux  que 
celui  d'un  enfant  de  cet  âge.  Celui  de  gauche  manque  en  grande  partie, 
et  à  sa  place  existe  une  dépression  au  fond  de  laquelle  se  remarque  à 
l'état  rudimentaire  la  fente  palpébrale  ;  mais  il  m'a  été  impossible  de 
constater  s'il  y  a  derrière  elle  un  globe  oculaire. 

3°  Membres  supérieurs.  —  Les  vices  de  conformation,  limités  aux 
doigts,  ne  se  ressemblent  pas  des  deux  côtés.  A  gauche  le  petit  doigt, 
l'annulaire  et  le  médius  sont  réduits  à  la  première  phalange;  la  seconde 
et  la  troisième  manquent.  A  droite  le  petit  doigt  seul  est  anormal  et 
réduit  également  à  sa  première  phalange.  Si  l'on  examine  avec  soin  la 
peau  à  ce  niveau,  on  constate  que,  pour  les  trois  doigts  de  la  main 
gauche,  il  existe  au  centre  de  la  perte  de  substance  de  petites  croûtes 
vers  lesquelles  la  peau  circonvoisine  est  attirée,  et  en  détachant  une 
de  ces  croûtes,  on  trouve  au-dessous  une  petite  membrane  mince, 
transparente,  qui  est  la  preuve  de  l'existence  d'un  tissu  cicatriciel  en 
voie  de  formation.  La  cicatrisation  de  l'extrémité  du  petit  doigt  de  la 
main  droite  est  plus  avancée,  plus  complète,  ce  qui  fait  qu'elle  est  plus 
difficile  à  reconnaître. 

4°  Membres  inférieurs.  —  Les  vices  de  développement  occupent  les 
deux  jambes,  avec  des  caractères  différents  à  gauche  et  à  droite.  A  gau- 
che, à  l'union  du  tiers  moyen  avec  le  tiers  inférieur,  les  deux  os  de  la 
jambe  sont  manifestement  interrompus  dans  leur  continuité,  ce  qui 
fait  que  le  pied  est  fortement  renversé  sur  son  bord  externe.  A  ce  ni- 
veau la  peau  présente  une  dépression  circulaire,  comme  si  le  membre 
eût  été  pendant  longtemps  étranglé  par  une  ligature.  Au  côté  interne 
existe  même  une  petite  perte  de  substance  dont  les  bords  déprimés 
sont  cicatrisés,  et  à  travers  laquelle  proémine  légèrement  l'extrémité 
inférieure  du  fragment  supérieur  du  tibia.  Le  pied  est  bien  conformé. 

La  jambe  droite  présente,  à  son  côté  interne,  au  niveau  du  mollet, 
une  excavation  au  centre  de  laquelle  se  trouve  une  perte  de  substance 
assez  considérable  (de  1  centimètre  sur  2),  à  bords  minces  et  lisses  ; 
excavation  dont  le  fond  est  formé  par  les  jumeaux  et  le  soléaire.  Lors- 
qu'on rapproche  l'une  de  l'autre  les  deux  jambes,  on  voit  que  la  con- 
vexité de  la  jambe  gauche  correspond  à  la  concavité  de  la  jambe  droite 
qui  semble  moulée  sur  la  convexité  de  la  première.  Comme  c'est  aussi 
à  ce  niveau  que  correspond  la  perte  de  substance,  on  est  en  droit  de  se 
demander  si  celle-çj  ce  résulte  pas  du  frottement  réciproque  des  deux 


meinbros.  Lepiod  droit  est  bien  conformé,  seulement  les  doux  doiiiicrs 
orteils  sont  palmés  et  paraissent  se  confondre  en  un  seul. 

Dissection.  —  Je  suivrai  dans  cet  examen  le  même  ordre  que  j  ai 
adopté  pour  la  description  extérieure  du  fœtus.  J'étudierai  d'abord  : 
J*  la  tête,  2*  les  membres  supérieurs,  3°  les  membres  inférieurs. 

1"  Tête.  —  La  dissection  du  crâne  a  démontré,  comme  l'avait  fait 
pressentir  l'étude  extérieure  de  ce  fœtus,  que  les  os  de  la  voûte  à  l'ex- 
ception de  l'occipital,  manquent,  et  que  c'est  à  travers  cette  large  perte 
de  substance  osseuse  que  s'est  établi,  dans  deux  points  distincts,  la 
hernie  du  cefveau.  Le  reste  de  la  voûte  crânienne  est  fermé  par  le  té- 
gument doublé  de  sa  couche  aponévrotique,  et  adhérent  aux  enveloppes 
des  centres  nerveux.  L'état  de  ramollissement  dans  lequel  se  trouvait 
le  cerveau  n'a  point  permis  d'étudier  avec  exactitude  les  rapports  des 
diverses  parties  de  l'encéphale.  J'ai  pu  néanmoins  constater  la  disposi- 
tion suivante  ;  la  cavité  crânienne  notablement  plus  petite  que  dans 
l'état  normal,  contenait  une  matière  pultacée,  très-ramollie,  rougeàtre. 
dans  laquelle  on  reconnaissait  la  substance  cérébrale  altérée.  Dans  le 
centre  de  cette  masse  existait  une  cavité  à  parois  mal  délimitées,  qui 
m'a  paru  devoir  être  rapportée  aux  ventricules  cérébraux  très-dilatés, 
communiquant  ensemble  par  suite  de  la  destruction  de  la  cloison.  Ce 
qui  me  paraît  encore  donner  plus  de  probabilité  à  cette  manière  de  voir, 
c'est  l'étude  des  rapports  de  cette  partie  centrale  avec  les  prolonge- 
ments crâniens  déjà  indiqués.  Le  crâne  étant  ouvert,  il  a  été  en  effet 
facile  de  constater,  en  introduisant  une  pince  par  l'ouverture  qui  existe 
à  la  base  de  chaque  tumeur,  que  cette  pince  communiquait  dans  la  ca- 
vité située  au  milieu  de  la  masse  cérébrale,  de  plus  les  parois  de  ces 
hernies  ofiraient  la  structure  suivante  :  la  couche  extérieure  cutanée 
était  doublée  des  membranes  du  cerveau  que  l'on  voyait  émerger  au 
niveau  de  la  perforation,  et  elles  étaient  tapissées  elles-mêmes  d'une 
couche  mince  d'environ  2  millimètres  de  substance  cérébrale,  dont  les 
caractères  anatomiques  à  l'œil  nu  ne  pouvaient  permettre  de  doute,  et 
qui  se  continuait  à  l'intérieur  du  crâne  avec  la  portion  pultacée  que  j'ai 
dit  exister  dans  cette  cavité.  Le  canal  rachidien  étant  fendu  dans  toute 
sa  longueur,  il  a  été  facile  de  constater,  comme  l'a  observé  Isidore 
Geoffroy-Saint-Hilaire,  dans  la  plupart  des  pseudencéphaliens,  que  la 
moelle  épinière  manquait  en  totalité,  quoique  les  enveloppes  fussent 
bien  développées. 

La  base  du  crâne  est  assez  bien  conformée.  La  cavité  orbitaire  gauche 
très-petite  (la  moitié  environ  de  ce  qu'elle  est  normalement),  renferme 
une  masse  informe  dans  laquelle  on  ne  pouvait  reconnaître  aucun  des 
éléments  constituants  du  globe  oculaire.  On  ne  distinguait  ni  sclérotique, 
ni  cornée,  ni  choro'ïde,  ni  humeur  vitrée,  ni  muscles  de  l'œil;  on  ne 
MEM.  3 


34 
trouvait  que  du  tissu  adipeux.  Les  os  maxillaires  supérieurs  sont  un 
peu  atrophiés,  principalement  celui  de  gauche,  et  leur  apophyse  mon- 
tante est  très-courte,  réduite  à  sa  base,  ce  qui  fait  que  la  partie  qui  re- 
présente le  nez  manque  entièrement,  ainsi  que  les  os  propres  du  nez. 
2°  Membres  supérieurs.  —  Je  n'ai  disséqué  que  celui  de  gauche  sur 
lequel  manquent  les  deux  dernières  phalanges  du  médius  et  de  l'annu- 
laire et  du  petit  doigt.  La  cicatrice  cutanée  mentionnée  plus  haut 
n'adhère  point  à  la  phalange  qui  se  termine  par  une  extrémité  arrondie 
et  que  recouvre  une  couche  de  tissu  cellulaire  lâche  ayant  l'aspect 
d'une  synoviale.  Les  muscles  extenseurs  et  fléchisseurs  sont  normaux 
quant  à  leur  volume  et  à  leur  disposition,  les  tendons  correspondants 
aux  phalanges  absentes,  se  terminent  insensiblement  au  niveau  de  l'ex- 
trémité inférieure  de  la  première  qu'ils  embrassent.  Quant  à  la  conti- 
nuité des  fléchisseurs  et  des  extenseurs,  il  m'a  été  impossible  de  la  dé- 
montrer. 

3"  Membres  inférieurs.  Je  décrirai  d'abord  le  gauche.  La  dissection 
a  confirmé  au  niveau  de  la  fistule  cutanée  une  solution  de  continuité 
du  tibia  dont  je  vais  indiquer  les  caractères.  Cette  solutfon  de  conti- 
nuité est  transversale,  les  deux  fragments  sont  rugueux,  inégaux,  den- 
telés, mais  sans  trace  de  nécrose  ou  de  carie,  mobiles  l'un  sur  l'autre, 
légèrement  renflés  par  l'addition  d'une  couche  extérieure,  comme  si  un 
travail  périphérique  de  réparation  avait  eu  lieu.  Le  péroné,  également 
divisé  mais  un  peu  plus  bas  que  le  tibia,  a  son  fragment  inférieur  très- 
court,  tandis  que  le  supérieur  dévié  en  arrière  et  en  dedans,  vient  se 
porter  vers  le  bord  interne  du  tibia  qu'il  croise  en  passant  sous  les 
muscles  de  la  région  postérieure  de  la  jambe. 

Les  parties  molles  de  la  jambe  présentent  un  grand  intérêt,  au  niveau 
du  sillon  cutané  le  tissu  cellulaire  fortement  induré  adhère  à  l'aponé- 
vrose épaissie.  Les  parties  musculaires  profondes  sont  également  in- 
durées. Le  tendon  d'Achille  est  filiforme,  rudimentaire,  représenté  par 
une  mince  lamelle  aponévrotique.  Les  tendons  des  deux  péroniers  laté- 
raux sont  atrophiés  et  englobés  dans  une  masse  considérable  de  tissu 
adipeux.  La  transformation  graisseuse  s'étend  aux  fibres  charnues  du 
muscle  long  péronier  latéral  et  aux  tendons  des  muscles  fléchisseurs 
des  orteils. 

A  droite,  au-dessous  de  la  plaie  de  la  jambe,  existe  aussi  une  dépres- 
sion circulaire,  analogue  à  celle  de  la  jambe  gauche,  et  qui  a  été  omise 
dans  la  description  de  l'aspect  extérieur  de  ce  fœtus.  Vers  ce  point 
existe  une  incurvation  latérale  externe  très-prononcée  des  deux  os,  et 
l'on  constate  une  atrophie  notable  de  leur  moitié  inférieure.  Comme 
pour  la  jambe  gauche,  il  existe  au  niveau  du  sillon  circulaire  un  état 
fibreux  du  tissu  cellulaire,  et  les  muscles  de  la  région  postérieure  et 


latérale  ont  aussi  leurs  tendons  plongés  dans  une  ;;aîne  i;raisseusè. 
Mais  celte  altération  est  moins  prononcée  que  du  côté  opposé,  de  sorte 
que,  en  enlevant  la  masse  graisseuse,  on  retrouve  dans  son  centre  les 
tendons  plus  petits,  rudimentaires. 

.Ig  n'examinerai  pas  les  caractères  de  iamilie  et  de  genre  de  ce 
niunstre;  ils  ne  présentent  rien  qui  n'ait  déjà  été  signalé.  Je  veux 
seulement  attirer  l'attention  de  la  Société  sur  les  trois  points  sui- 
vants :  1°  la  division  médiane  du  nez;  2°  les  absences  de  phalange  de 
plusieurs  doigts  de  la  main;  3°  la  fracture  de  la  jambe  droite  et  la 
plaie  de  la  jambe  gauche. 

["Division  médiane  du  nez.  —  S'il  existe  encore  pour  la  plupart 
des  chirurgiens  quelques  doutes  sur  la  réalité  du  bec-de-lièvre  mé- 
dian d€  la  lèvre  supérieure,  malgré  les  trois  faits  qui  semblent  en 
démontrer  Texisteuce,  à  «avoir  :  ceux  de  Gristophe  Séliger,  de  Nicati 
et  de  Blandin,  faits  généralement  connus,  ce  qui  me  dispense  de  les 
discuter,  ce  doute  est  changé  en  certitude  pour  la  division  médiane 
du  nez  dans  lespècc  humaine.  M.  Cruveilhier,  dans  son  remarquable 
Traité  Wanatoinie  pathologique,  t.  I,  p.  194,  n'admet  cette  biûdité 
que  chez  le  chien  qui  présente  en  même  temps  une  bifidité  de  la  lèvre 
supérieure.  Il  ajoute  cependant  qu'il  conçoit  pour  le  nez,  chez 
Ihomme,  la  possibilité  de  l'écartement  des  lames  cartilagineuses  qui 
forment  la  sous-cloison. 

Le  développement  des  organes,  et  en  particulier  celui  de  la  face  si 
bien  décrit  par  M.  Coste,  ne  peut  expliquer  comme  arrêt  de  dévelop- 
pement la  division  médiane  du  nez,  et  par  conséquent  la  supposi- 
tion si  ingénieuse  émise  par  M.  le  professeur  Cruveilhier. 

Voyons  à  cet  égard  ce  que  disent  les  faits  et  ce  que  nous  montre 
le  fœtus  que  j'ai  présenté  à  la  Société.  C'est  vainement  que  j'ai  cher- 
ché dans  les  auteurs  des  exemples  irrécusables  de  la  bilidité  médiane 
du  nez  ;  il  existe  cependant  dans  le  Traité  de  tératologie  de  M.  Isidore 
Geoffroy-Saint-Hilaire,  t.  II,  p.  343,  un  fait  rapporté  en  note  et  dû  à 
Dœveren  et  Sandifort;  c'était  également  un  nosencépliale.  Il  est  dit 
dans  cette  note,  je  cite  textuellement,  «  que  le  nez  était  divisé  sur  la 
«  ligne  médiane,  et  ses  deux  moitiés,  comprenant  chacune  une  aile 
«  et  une  narine,  laissaient  même  entre  elles  un  intervalle  assez  large 
«  dans  lequel  ou  voyait  en  haut  un  prolongement  de  la  tumeur  vas- 
«  culaire.  Les  yeux  étaient  écartés  l'un  de  l'autre  et  la  cavité  buccale 


36 
«  commuuiquait  avec  les  l'osses  nasales  ;  la  voûle  palatine  el  le  voile 
«  du  palais  étaient  largement  fendus.  » 

Comme  on  le  voit  par  cette  description,  ce  fœtus  avait  une  grande 
ressemblance  avec  celui  que  j'ai  présenté  à  la  Société  ;  mais  il  n'existe 
cependant  qu'une  simple  analogie  sur  laquelle  je  dois  m'expliquer, 
car  elle  établit  entre  ces  deux  observations  une  différence  radicale. 
En  effet,  dans  l'exemple  rapporté  par  Isidore  Geoffroy-Saint-Hilairc 
d'après  Dœveren  et  Sandifort,  la  division  était,  est-il  dit,  médiane,  el 
elle  me  parait  telle  que  M.  Cruveilliier  a  supposé  qu'elle  pouvait  se 
présenter.  Dans  le  fait  que  j'ai  montré  à  la  Société  de  biologie,  comme 
cela  résulte  de  ma  description,  ce  n'est  point  une  division  médiane 
du  nez  qui  existe,  mais  bien  une  absence  des  os  propres  du  nez,  avec 
division  de  la  peau,  écartement  des  deux  bords  de  la  plaie  congé- 
niale,  et  Técartement  est  comblé  par  un  tissu  particulier  qui -réunit 
les  bords  de  la  solution  de  continuité.  Les  apophyses  montants  de 
l'os  maxillaire  supérieur  bien  développés  en  épaisseur  sont  atrophiés 
en  hauteur. 

En  examinant  avec  soin  la  division  cutanée  du  nez,  j'ai  pu  ac- 
quérir la  certitude  que  la  bifidité  dans  ce  cas  particulier  n'était 
point  tout  à  fait  médiane,  mais  qu'elle  était  située  un  peu  sur  le 
côté  droit  de  ce  qui  représente  la  lobule  du  nez.  En  effet,  à  droite 
on  ne  retrouve  que  la  partie  externe  des  contours  du  nez,  tandis 
que  ces  contours  sont  complets  à  gauche;  et  même  de  ce  côté  il 
existe  un  petit  pont  qui,  par  sa  forme,  rappelle  la  moitié  qui  manque 
à  droite. 

On  ne  peut  donc  dire  ici,  comme  dans  le  fait  rapporté  par  Isidore 
Geoffroy-Saint-Hilaire,  que  la  division  est  médiane;  mais  elle  est  ce-, 
pendant  assez  rapprochée  de  cette  ligne  pour  qu'elle  ne  puisse  s'ex- 
pliquer comme  arrêt  de  développement  par  une  scissure  existant 
normalement  dans  la  face  à  une  certaine  époque  delà  vie  intra-uté- 
rine. C'est  donc  là  un  de  ces  faits  rares  d'anomalie  dont  l'explication 
reste  encore  à  donner. 

2°  Absence  de  -phalanges  de  plusieurs  doigts  de  la  main.  —  Trois 
théories  ont  été  proposées  pour  expliquer  ces  faits  intéressants  ^am- 
puiadons  dites  spontanées.  Chaussier  les  regardait  comme  des  cas  de 
gangrène  spontanée  intra-utérine,  mais  c'est  une  simple  supposition 
qui,  aujourd'hui,  est  généralement  abandonnée.  Les  deux  autres 
théories  sont  les  suivantes  :  les  uns  rapportent  ces  amputations  à  des 


37 
arrêts  de  dévelopTpemeni,  les  autres  à  de  vérilables  sections  produites 
par  des  brides  ou  le  cordon  ombiLical\m-mèm^. 

Les  amputations  spontanées  produites  par  des  brides  ou  le  cordon 
ombilical  sont  aujourd'hui,  pour  un  certain  nombre  de  cas,  démon- 
trées sans  réplique;  M.  Montgomery  (Dublin  J.,  1. 1  et  II, p.  324),  arti- 
cle Fœtus,  a  publié  des  faits  dans  lesquels  la  section  avait  lieu  à  di- 
vers degrés  ;  depuis,  un  assez  bon  nombre  d'exemples  ont  été  présentés 
à  des  Sociétés  savantes;  M.  Hillairet  a  publié  dans  les  Mémoires  de 
la  Société  de  biologie,  1857,  p.  117,  un  exemple  d'amputation  spon- 
tanée incomplète  du  cou  par  enroulement  du  cordon  ombilical  chez 
un  fœtus  de  3  mois. 

Si  ces  cas  d'amputation  spontanée  par  des  brides  ou  le  cordon  om- 
bilical sont  incontestables,  il  ne  s'ensuit  pas  cependant  que  cette 
théorie  doive  être  appliquée  à  tous  les  cas  dans  lesquels  un  fœtus  est 
né  avec  une  absence  d'une  portion  d'un  ou  de  plusieurs  membres.  En 
effet,  s'il  est  facile  de  comprendre  et  si  même  les  faits  ont  démontré 
la  possibilité  de  l'amputation  d'un  membre  dans  le  sein  de  la  mère, 
on  s'explique  difficilement  par  un  tel  mode  d'action  ces  cas  dans  les- 
quels il  y  a  eu  de  nombreuses  sections  opérées  sur  divers  points  du 
corps,  comme  dans  le  fait  que  je  montre  à  la  Société.  Sur  ce  fœtus 
nous  trouvons  l'amputation  des  trois  derniers  doigts  de  la  main  gau- 
che au  niveau  de  la  première  phalange,  du  petit  doigt  de  la  main 
droite  à  ce  môme  niveau;  de  plus  à  l'union  du  tiers  inférieur  avec  le 
tiers  moyen  de  chaque  jambe,  il  existe  un  sillon  profond  circulaire 
qui  senjble  attester  qu'à  ce  point  une  bride  a  agi  assez  fortement. 

Gomment  expliquer  tous  ces  faits  sur  un  même  individu?  11  est  cer- 
tain que  pour  les  deux  jambes  il  est  difficile  de  rejeter  l'idée  qu'il  a 
existé  à  ce  niveau  une  striction  circulaire  ;  mais  par  quel  mécanisme 
s'est  faite  cette  striction,  c'est  ce  que  j'ignore,  car  au  moment  de 
l'accouchement,  M.  Ârnault  n'a  constaté  rien  d'anormal  dans  les  en- 
veloppes du  fœtus  et  du  cordon,  et  si  jusqu'à  un  certain  point  on  peut 
admettre  cette  striction  pour  les  deux  jambes,  il  faut  alors  admettre 
qu'elle  a  existé  aussi  au  niveau  des  phalanges  amputées.  Une  telle 
multiplicité  d'une  pareille  lésion  doit  toujours  laisser  quelques  doutes 
dans  l'esprit,  quoi  qu'on  puisse  admettre  que  celles  des  jambes  ont 
eu  lieu  par  le  cordon  et  celles  des  mains  par  des  brides,  brides  que 
j'ai  indiqué  être  rudimentaires  au  niveau  de  la  portion  de  tissu  mem- 
braneux qui  réunit  les  deux  bords  de  la  bifidité  nasale.  Mais  ce  qui 


38 
jette  peut-ôtre  encore  un  plus  grand  doute  sur  cette  manière  de  voir, 
c'est,  je  dirai,  la  fidélité  avec  laquelle  se  reproduisent  dans  ces  anoma- 
lies ces  amputations  multiples.  Ainsi  M.  le  professeur  P.  Dubois  a 
présenté  en  1847  à  l'Académie  {BuiL,  t.  XII,  p.  491)  un  fœtus  qui, 
sous  le  rapport  des  amputations  dites  spontanées,  avait  la  plus  grande 
analogie  avec  celui  que  j'ai  montré.  Il  était  bien  conformé,  mais  il 
existait  une  amputation  du  médius  et  de  l'annulaire  de  la  main  gau- 
che et  une  rainure  circulaire  au  niveau  des  deux  jambes.  La  cica- 
trice des  doigts  était  encore  incomplète  et  humide. 

Lorsque  l'on  réfléchit  avec  quelle  fidélité  la  nature  se  reproduit 
dans  les  monstruosités,  car  on  peut  dire  à  peu  d'exceptions  près 
qu'un  type  étant  connu,  on  connaît  tous  les  autres^  on  est  en  droit  de 
se  demander  si,  dans  ces  cas,  il  n'y  a  pas  une  autre  raison  encore  in- 
connue à  donner  de  ses  amputations  multiples.  C'est  un  sujet  philo- 
sophique très-intéressant  à  discuter,  mais  dont  je  laisse  la  solution 
ù  de  plus  compétents. 

Je  ne  veux  pas  cependant  quitter  ce  sujet  sans  examiner  le  rôle  de 
l'arrêt  de  développement  dans  les  cas  d'absence  d'une  partie  d'un  ou 
de  plusieurs  membres.  Cette  manière  de  voir  ne  me  parait  guère  ad- 
missible dans  le  fait  dont  je  rapporte  l'observation  ainsi  que  dans 
celui  de  M.  P.  Dubois;  en  effet,  il  existe  au  niveau  des  parties  am- 
putées une  cicatrice  non  contestable  et  encore  incomplètement  fermée, 
et  je  ne  pense  pas  que  cette  disposition  ait  jamais  été  observée  dans 
les  cas  d'arrêts  de  développement.  Cn  autre  point  très-intéressant  de 
cette  question  est  le  suivant  :  c'est  que  dans  les  cas  d'arrêt  de  déve- 
loppement d'un  membre,  presque  toujours  à  l'extrémité,  je  ne  dirai  pas 
du  moignon,  mais  de  la  partie  avortée,  on  trouve  un  petit  appendice 
qui  est  la  trace  des  parties  absentes.  Cet  appendice  cutané  m'a  tou- 
jours paru  manquer  dans  les  véritables  amputations  spontanées;  c'est 
un  caractère  qui  me  paraît  excellent  comme  diagnostic  dans  les  cas 
où  la  cicatrice  est  complète,  et  je  ne  crois  pas  que  l'on  doive  admettre, 
comme  M.  Simpson,  que  parfois  on  voit  se  reformer  sur  les  moignons 
d'amputation  intra-utérines  des  appendices  présentant  de  Panalogie 
avec  les  doigts. 

Cette  manière  de  voir  est  en  contradiction  avec  tout  ce  que  nous 
connaissons  sur  le  mode  de  développement  et  de  cicatrisation  dans 
l'espèce  humaine. 

Si  donc  on  conserve  aux  arrêts  de  développement  le  signe  diag- 


39 
nostic  que  je  viens  d'indiquer,  le  doute  entre  ces  arrêts  et  les  véri- 
tables amputations  congônitaies  ne  sera  plus  possible.  Mais  peut-être 
cependant  peut-il  se  faire  que  dans  certains  cas  d'arrêts  de  dévelop- 
pement ces  appendices  cutanés  manquent. 

Je  n'oserais  encore  me  prononcer  sur  leur  constance  absolue,  mais 
dans  tous  les  cas  leur  présence  me  paraît  avoir  une  grande  impor- 
tance, 

3"  Fracture  de  la  jambe  droite  cl  plaie  de  la  jambe  gauche.  —  C'est 
le  dernier  point  qui  me  reste  à  examiner;  que  de  questions  peut-il  en- 
core soulever  et  dont  la  solution  peut  être  diversement  donnée! 
Existe-t-il  à  ce  niveau  une  véritable  fracture  intra-utérine  ou  bien 
cette  solution  de  continuité  des  deux  os  de  la  jambe  est-elle  le  ré- 
sultat de  l'application  d'un  lien  circulaire  dont  l'existence  parait  en 
quelque  sorte  démontrée  par  la  présence  de  la  rainure  de  la  peau  que 
j'ai  décrite  avec  soin  dans  mon  observation?  A  laquelle  de  ces  deux 
opinions  doit  être  rapporté  le  cas  que  j'ai  eu  à  examiner  ? 

Les  fractures  intra-utérines  encore  douteuses,  contestées  même  par 
quelques  cbirurgiens,  me  paraissent  néanmoins  aujourd'hui  nette- 
ment, positivement  démontrées,  mais  ce  sont  des  faits  rares  ;  le  musée 
Dupuytren  renferme  une  pièce  donnée  par  M.  Nona,  n"  513,  où  les 
fractures  congénitales  me  paraissent  incontestables;  mais  il  est  vrai 
que  chez  ce  fœtus  il  existe  une  altération  profonde  du  système  os- 
seux qui  est  ramolli  et  a  perdu  de  sa  consistance,  condition  qui  me 
parait  indispensable  à  la  production  de  ces  fractures.  Cette  altération, 
que  je  ne  veux  pas  caractériser  ici,  ne  me  paraît  pas  devoir  être  ce- 
pendant rapportée  à  ces  défauts  d'ossification  invoqués  par  M.  Depaul 
pour  l'explication  du  fait  remarquable  de  Chaussier,  mais  une  discus- 
sion plus  approfondie  de  ce  point  important  m'entraînerait  au  delà 
des  limites  que  je  veux  donner  à  ce  travail.  Maintenant  le  fait  que 
j'ai  montré  à  la  Société  doit-il  être  rapporté  aux  fractures  congéni- 
tales? ,Ie  ne  le  pense  pas  ;  il  existe  bien  pour  le  tibia  et  le  péroné  une 
solution  de  continuité  transversale  dont  les  extrémités  sont  dentelées 
et  sans  travail  aucun  de  réparation  ;  mais  les  os  du  squelette  ne  pré- 
sentent aucune  de  ces  altérations  rachitiques  qui  ont  toujours  été 
rencontrées  dans  les  véritables  fractures  congénitales.  Je  pense  donc 
ici  que  cette  fracture  a  été  produite  par  le  cordon  ombilical  ou  la 
bride  qui  a  produit  la  striction  quoique  la  peau  n'ait  point  encore  été 
sectionnée.  Lafracture  qui  paraît  ancienneprésente  à  la  circonférence 


M) 
(le  l'extrémité  du  fragment,  et  surtout  pour  le  tibia,  un  gonflemeni 
qui  est  dû  à  l'ossification  du  périoste. 

Un  autre  point  intéressant  dans  cette  fracture,  c'est  l'état  graisseux 
de  certains  muscles  et  même  de  leurs  tendons,  à  savoir  :  despéroniers 
latéraux,  des  jambiers  postérieurs  et  fléchisseurs  des  orteils.  Dans 
les  théories  anciennes,  ces  muscles  auraient  dû  être  plutôt  fibreux  ; 
mais  des  recherches  modernes  ont  démontré,  comme  cela  existait  ici, 
que  si  un  muscle  devient  in  actif  et  non  tendu,  il  est  envahi  par  la 
graisse  qui  se  substitue  aux  fibres  musculaires,  et  cette  altération 
déjà  très-prononcée  indique  que  la  lésion  est  ancienne. 


SUR   UN   CAS 


DE 


ZONA  DU  COU 

AVEC  ALTÉRATION 

UFi-,  NFRFS  DU  PLEXUS  CERVICAL  ET  DES  GANGLFOXS  CORRESPONDANTS 
DES  RACINES  SPINALES  POSTÉRIEURES  ; 

Note  lue  à  la  Société  ds  Biologie , 


PAR 


.MM.  CHARCOT  et  COTARD. 


M.  Gharcot  a  appela  plusieurs  fois  l'attention  de  la  Société  sur  les 
dépôts  cancéreux  qui  se  forment  fréquemment  dans  l'épaisseur  du 
corps  des  vertèbres,  chez  les  sujets  atteints  de  cancer  du  sein.  Ces 
dépôts  secondaires,  dont  l'existence,  en  pareil  cas,  avait  été  signalée 
déjà  par  M.  Gazalis,  occupent,  comme  on  sait,  le  plus  communément 
la  région  lombaire.  Dans  les  cas  où  ils  déterminent  le  ramollissement 
et,  par  suite,  l'affaissement  d'un  certain  nombre  de  corps  vertébraux. 
il  se  produit  habituellement  des  symptômes  de  paraplégie  doulou- 
reuse, dus  principalement  à  l'irritation  ou  à  la  compression  que  su- 
bissent les  branches  nerveuses  lombaires,  soit  dans  la  cavité  rachi- 
dienne,  soit  au  moment  où  elles  traversent  les  trous  de  conjugaison. 
(Voir  une  communication  faite  sur  ce  sujet,  par  M.  Gharcot,  à  la  So- 
ciété médicale  des  hôpitaux,  le  22  mars  18G5.) 

La  présente  observation  est  un  nouvel  exemple  de  cancer  secon- 
daire de  la  colonne  vertébrale,  survenu  chez  une  femme  atteinte 


[^   LlSFîA«YJ^j 


42 
d'un  cancer  de  la  glande  mammaire  ;  mais  elle  dilTère  de  celles  qui 
ont  été  recueillies  jusqu'ici  par  plusieurs  particularités  intéressantes 
et  qui  méritent  d'être  signalées  : 

En  premier  lieu,  contrairement  à  ce  qui  se  voit  le  plus  générale- 
ment, dans  les  cas  de  ce  genre,  l'altération  (;ancéreuse  des  vertèbres, 
à  peine  accusée  à  la  région  lombaire,  portait  spécialement  sur  les 
vertèbres  du  cou  ;  plusieurs  de  celles-ci  étaient  ramollies,  aplaties, 
écrasées,  et  à  leur  niveau  la  colonne  cervicale  s'était  légèrement  in- 
fléchie vers  la  droite.  Consécutivement  les  branches  nerveuses  cer- 
vicales du  côté  droit  avaient  été  irritées  et  comprimées  dans  leur 
trajet  à  travers  les  trous  de  conjugaison  et,  à  l'autopsie,  elles  ont  été 
trouvées  en  ces  points-là  rouges,  tuméfiées,  évidemment  enflam- 
mées. Les  ganglions  intervertébraux  présentaient  des  altérations 
analogues.  Pendant  la  vie,  l'irritation  des  troncs  nerveux  s'était  ré- 
vélée par  d'atroces  douleurs  occupant  le  trajet  des  diverses  branches 
du  plexus  cervical  du  côté  droit. 

On  remarquera  surtout,  en  second  lieu,  l'éruption  de  zona  qui,  à 
une  certaine  époque,  s'est  produite  dans  les  régions  de  la  peau  aux- 
quelles se  distribuent  les  lilets  nerveux  émanant  de  ce  plexus,  évi- 
demment sous  l'influence  de  l'affection  des  nerfs  ou  des  ganglions 
spinaux. 

Obs.  I.  —  Il  s'agit  d'une  femme  âgée  de  78  ans  (Elisabeth  B.),  entrée 
à  la  Salpêtrière  le  16  janvier  1865  avec  un  cancer  non  ulcéré  du  sein 
droit.  Opérée  en  août,  elle  entre  à  l'infirmerie  générale  le  9  octobre  de 
la  même  année  se  plaignant  de  vives  douleurs  qui  occupent  l'épaule 
droite,  la  moitié  droite  du  cou  et  de  la  nuque,  la  région  sus-clavicu- 
laire  du  côté  droit.  Ces  douleurs,  qui  ont  paru  pour  la  première  fois 
dans  les  premiers  jours  d'octobre,  sont  continues,  mais  présentent  des 
exacerbations  pendant  lesquelles  la  malade  paraît  souffrir  atrocement 
et  pousse  des  cris.  La  pression  réveille  les  douleurs  et  les  rend  très- 
vives,  principalement  lorsqu'elle  porte  sur  les  apophyses  épineuses 
des  vertèbres  cervicales;  la  palpation  fait  percevoir  un  certain  degré 
d'empêchement  dans  la  partie  droite  du  cou,  en  arrière  du  muscle 
sterno-cléido-mastoïdien. 

Sur  la  cicatrice  du  sein  et  dans  son  voisinage  on  observe  quelques 
tubercules  cancéreux,  occupant  l'épaisseur  de  la  peau  et  qui  se  sont 
développés  tout  récemment,  au  dire  de  la  malade.  Plusieurs  ganglions 
volumineux  très-durs  se  recontrent  dans  l'aisselle.  Le  membre  supé- 
rieur droit  n'est  pas  tuméfié. 


A3 

Vers  le  15  décembre  une  éruption  de  zona  apparaît  sur  toute  la 
moitié  droite  du  cou,  en  arrière,  en  avant,  sur  les  parties  latérales  ne  dé- 
passant pas  soit  en  avant,  soit  en  arrière,  laligne  médiane.  Les  groupes  de 
vésicules  herpétiques  parfaitement  caractérisées,  sont  assez  unilormé- 
ment  répandus  et  très-rapprochés  sur  la  nuque  et  sur  la  région  susclavi- 
culaire;  quelques-uns  se  voient  disséminés  sur  le  moignon  delépaule, 
sur  la  partie  la  plus  inférieure  de  la  joue  et  la  région  mastoïdienne,  et 
enfin  sur  la  région  sous-claviculaire  même  au  delà  du  bord  supérieur 
du  grand  pectoral.  On  voit  que  cette  éruption  occupe  toutes  les  parties 
de  la  peau  auxquelles  se  distribuent  les  rameaux  du  plexus  cervical  du 
côté  droit. 

L'apparition  et  le  parfait  développement  de  l'éruption  n'ont  amené 
d'ailleurs  aucun  amendement  dans  l'intensité  des  douleurs,  que  des 
doses  élevées  d'opium  parviennent  à  peine  à  atténuer.  Il  se  développe 
enfin  une  fièvre  assez  vive,  de  l'oppression,  et  l'examen  du  thorax  fait 
reconnaître  la  présence  d'un  double  épanchement  pleural.  Dans  les 
derniers  temps  de  sa  vie  la  malade  tenait  sa  tête  fortement  inclinée  sur 
l'épaule  droite.  La  mort  a  lieu  le  26  décembre  1865. 

A  I'autopsie  on  trouve  de  nombreux  noyaux  cancéreux  siégeant  dans 
l'épaisseur  de  la  cicatrice  du  sein  et  de  la  peau  avoisinante  ;  les  deux 
plèvres  sont  couvertes  de  tubercules  cancéreux  d'un  petit  volume,  et 
renferment  une  certaine  quantité  de  liquide  séro-purulent;  à  droite  les 
ganglions  de  l'aisselle  ont  subi  la  dégénérescence  cancéreuse;  il  en  est 
de  même  des  côtes  dans  les  parties  qui  correspondent  au  sein  droit. 
Plusieurs  masses  cancéreuses  sont  disséminées  dans  le  foie. 

Les  corps  des  vertèbres  ont  subi  dans  diverses  régions  la  dégénération 
cancéreuse,  mais  l'altération  est  surtout  prononcée  à  la  région  cervi- 
cale. Ici  la  colonne  vertébrale  paraît  tuméfiée,  molle,  flexible,  fortement 
incurvée  du  côté  droit.  En  plusieurs  points  les  corps  vertébraux  ont  la 
consistance  du  cartilage  et  se  laissent  aisément  entamer  par  le  scalpel. 
Le  ramollissement  des  os  n'occupe  pas  seulement,  ainsi  que  cela  a 
lieu  en  général,  le  corps  des  vertèbres;  il  s'étend  aux  larmes  verté- 
brales et  aussi  aux  apophyses  verticales  épineuses  et  transverses.  La 
quatrième  vertèbre  cervicale  est  surtout  profondément  altérée;  son 
corps  est  pour  ainsi  dire  complètement  affaissé,  surtout  dans  sa  moitié 
droite,  où  il  n'est  plus  représenté  que  par  une  même  lamelle  de  tissus 
osseux  ramollis  :  c'est  en  grande  partie  à  l'affaissement  de  cette  ver- 
tèbre qu'est  due  l'incurvation  latérale  que  présente  la  colonne  verté- 
brale au  cou. 

La  moelle  épinière  et  les  racines  des  nerfs  ont  été  examinées  en  place 
dans  le  canal  rachidien  avec  le  plus  grand  soin,  surtout  à  la  région 
cervicale.  Les  racines  ainsi  que  la  moelle  n'ont  présenté  aucun  chan- 


44 
gement  de  coloration  ou  de  consistance  ;  la  moelle  ne  paraissait  pas 
avoir  subi  la  moindre  compression.  On  s'est  assuré  plus  tard  que  ces 
diverses  parties  ne  présentaient  aucune  altération  appréciable  dans  la 
structure,  soit  à  l'œil,  soit  au  microscope. 

Les  canaux  de  conjugaison  ont  ensuite  été  ouverts  à  la  région  cervi- 
cale, à  droite  et  à  gauche,  de  manière  à  permettre  l'examen  comparatif 
des  nerfs  cervicaux  encore  attachés  à  la  moelle  parleurs  racines.  Voici 
le  résultat  de  cet  examen  :  tandis  que  les  racines  tant  antérieures  que 
postérieures,  ont  conservé  elles-mêmes,  à  droite  comme  à  gauche,  leur 
volume  et  leur  coloration  normale  à  droite  les  ganglions  spinaux  ainsi 
que  les  troncs  nerveux  formés  par  la  réunion  des  racines  spinales 
présentent  une  légère  tuméfaction  et  une  injection  vasculaire  marquée 
par  une  coloration  d'un  rouge  vif.  Ces  particularités  sont  surtout  remar- 
quables lorsque  l'on  compare  les  ganglions  et  les  nerfs  cervicaux  du 
côté  droit  aux  mêmes  parties  du  côté  gauche,  celles-ci  ayant  conservé 
tous  les  caractères  de  l'état  normal.  En  dehors  des  troncs  de  conjugai- 
son la  coloration  rouge  des  troncs  nerveux  s'efface  peu  à  peu,  et  elle 
n'est  plus  guère  appréciable  sur  les  filets  nerveux  émanant  du  plexus 
cervical. 

L'examen  microscopique  des  ganglions  et  des  troncs  nerveux,  rouges 
et  tuméfiés,  a  démontré  ce  qui  suit  :  dans  les  ganglions,  les  cellules 
nerveuses  ne  présentaient  pas  d'altérations  appréciables  ;  elles  conte- 
naient une  grande  quantité  de  granulations  pigmentaires  très-foncées  ; 
mais  celles-ci  existaient  avec  les  mêmes  caractères,  et  à  peu  près  en 
même  quantité  dans  les  corpuscules  ganglionnaires  du  côté  gauche.  Le 
réseau  vasculaire  des  ganglions  était  vivement  injecté,  et  l'addition 
d'acide  acétique  faisait  apparaître  dans  la  trame  lamineuse  des  noyaux 
plus  nombreux  qu'à  l'état  normal.  Dans  les  troncs  nerveux,  le  névri- 
lème  présentait  également  une  injection  très-prononcée  des  vaisseaux 
capillaires,  et  sous  Tinfluence  de  l'acide  acétique  apparaissaient  des 
noyaux  très-nombreux.  Quant  aux  tubes  nerveux,  ils  avaient  conservé 
tous  les  caractères  de  l'état  physiologique. 

On  voit  qu'en  somme  les  altérations  appréciables  portaient  exclu- 
sivement sur  le  tissu  lamineux  des  ganglions  et  des  nerfs  et  consis- 
taient en  une  injection  vive  des  capillaires  qui  se  répandent  dans  ce 
tissu  avec  liypergénôse  des  éléments  conjonctifs.  II  y  avait  donc  là 
une  véritable  névrite,  sans  altération  concomitante  appréciable  des 
corpuscules  ganglionnaires  et  des  tubes  nerveux.  Les  circonstances 
de  l'observation  ne  permettent  guère  de  douter  que  l'éruption  de 
zona  s'était  produite  sous  l'influence  de  l'altération  du  tissu  nerveux, 


et  qu'eu  outre,  celle-ci  avait  étô  dôteriniiicc  par  lu  pression  qu'exer- 
çaient sur  les  ganglions  et  sur  les  troncs  nerveux,  au  niveau  des  trous 
(le  conjugaison,  les  apophyses  transverses  des  vertèbres  ramollies  et 
affaissées. 

L'observation  présentée  par  MM.  Gharcot  et  Cotard  doit  être  rappro- 
chée d'un  fait  publié  il  y  a  deux  ans  par  le  docteur  V.  Baerensprung 
[Beiiraege  zur  kenntniss  des  Zosles.  Arch.  F.  ANATOM.  L'ND  PHYSIOLOGIE, 
n'  4,  1865,  et  Caustâtts  Jahresb,  186i,  t.  IV,  p.  128),  et  dont  voici 
la  substance  : 

Obs.  II.  —  Un  enfant  âgé  d'un  an  et  demi  succomba  à  la  plitliisie 
pulmonaire,  peu  de  temps  après  avoir  souffert  d'un  zona  qui  siégeait 
sur  le  trajet  des  sixième,  septième  et  huitième  nerfs  intercostaux. 
M.  V.  Baerensprung  examina  avec  soin  ces  nerfs,  ainsi  que  leurs  racines 
et  les  ganglions  intervertébraux  correspondants.  Les  ganglions  des 
cinquième  et  neuvième  racines  dorsales  étaient  sains  ;  ceux  des 
sixième,  septième  et  huitième  racines  présentaient  au  contraire  des 
altérations  remarquables.  Ils  étaient  tuméfiés  et  vivement  injectés, 
surtout  le  septième.  Le  tissu  connectif  qui  enveloppe  les  corpuscules 
ganglionnaires  était  épaissi,  friable,  et  renfermait  des  granules  pigmen- 
taires  et  des  noyaux  plus  nombreux  qu'à  l'état  normal  ;  quant  aux 
cellules  nerveuses,  elles  n'offraient  aucune  altération  appréciable.  La 
rougeur  et  la  tuméfaction  inflammatoire  s'étendaient  vers  la  périphérie 
jusqu'au  lieu  d'entre-croisement  des  racines  antérieures  et  postérieures 
et  même,  dans  une  certaine  étendue,  aux  deux  branches  des  nerfs 
spinaux  ;  mais  dans  les  troncs  nerveux  comme  dans  les  ganglions,  les 
altérations  portaient  seulement  sur  les  éléments  conjonctifs,  et  consis- 
taient en  une  injection  vasculaire  très-prononcée,  avec  infiltration  de 
granulations  pigmentaires  et  multiplication  des  noyaux  embryoplasti- 
ques.  Les  tubes  nerveux  présentant  çà  et  là  des  varicosités,  mais  d'ail- 
leurs pas  d'autres  modifications  appréciables  dans  leur  structure.  Les 
racines  antérieures  et  aussi  les  racines  postérieures,  entre  les  ganglions 
spinaux  et  la  moelle,  n'étaient  nullement  altérés,  et  contrastaient  par 
leur  coloration  paie  avec  les  branches  nerveuses  spinales  et  les  gan- 
glions. 

A  ne  considérer  que  l'altération  des  nerfs  et  l'éruption  cutanée  qui 
l'a  suivie,  il  existe,  comme  on  voit,  la  plus  frappante  analogie  entre 
l'observation  qui  fait  l'objet  principal  de  la  présente  note  et  celle  qu'a 
publiée  le  docteur  V.  Baerensprung.  Seulement,  dans  ce  dernier  cas, 
l'affection  des  nerfs  parait  s'être  développée  spontanément,  tandis 


4t; 

que,  dans  lé  premier,  elle  sesl  produite  aous  l'influence  d'une  causé 
mécanique ,  à  savoir  la  compression  exercée  par  les  parties  osseuses 
sur  les  glanglions  interverticaux  et  sur  les  branches  nerveuses  dans 
leur  trajet  à  travers  les  trous  de  conjugaison.  Mais  dans  les  deux  cas 
—  et  c'est  là  le  fait  qu'il  importe  surtout  de  mettre  en  lumière  — 
l'injection  vasculaire  et  l'hypergenèse  du  tissu  lamineux,  sont  restées 
limitées  aux  ganglions  ainsi  qu'aux  nerfs  spinaux  et  à  leurs  divi- 
sions principales,  sans  s'étendre  soit  aux  racines  antérieures,  soit  aux 
racines  postérieures  entre  le  ganglion  et  la  moelle. 

Ces  dernières  circonstances  ont  été  relevées  par  M.  Baerenspruug, 
dans  son  observation,  comme  particulièrement  dignes  de  fixer  lat- 
Icntion  et,  à  ce  propos,  il  a  exprimé  l'opinion  que  c'est  surtout, 
sinon  exclusivement,  à  l'inflammation  des  ganglions  intervertébraux 
qu'il  faut  rapporter,  daus  les  cas  de  zona  consécutifs  à  une  aflection 
des  nerfs,  le  développement  de  l'éruption  cutanée.  Cette  éruption, 
conformément  à  l'hypothèse  émise  par  M.  Baerensprung,  se  produi- 
rait sous  l'influence  de  l'irritation  subie  par  les  corpuscules  gan- 
glionnaires et  les  tubes  nerveux  avec  lesquels  il  sont  en  connexion 
directe. 

Nos  connaissances  concernant  la  structure  des  ganglions  des 
racines  postérieures  des  neifs  rachidiens  et  leur  mode  de  con- 
nexion avec  ces  nerfs  peuvent  ,  jusqu'à  un  certain  point,  être 
invoquées  à  l'appui  de  l'hypothèse  soutenue  par  M.  Baerensprung. 
Les  recherches  de  MM.  Stannius,  Axmann,  Kemak,  Ecker,  Kolliker, 
Vulpian  ,  celles  plus  récentes  de  M.  Baerenspruug  lui-même,  tendent 
en  effet  à  démontrer  que,  chez  les  mammifères  et  chez  l'homme,  les 
ganglions  des  racines  postérieures  rachidiennes  sont  formés  à  peu 
près  exclusivement  de  cellules  unipolaires  ;  les  tubes  nerveux  venus 
de  la  moelle  épinière  ne  font  que  traverser  le  ganglion.  Le  rameau 
afférent  est  constitué  en  partie  par  les  tubes  du  rameau  alférent,  pro- 
venant de  la  moelle,  qui  ont  traversé  le  ganglion,  et  en  partie  par  des 
tubes  émanés  des  cellules  ganglionnaires.  «  Uy  a  donc,  »  dit  M.  Vul- 
pian [Journal  de  Brown-Séquard,  t.  V,  p.  32,  18G2)  «  dans  tous  les 
'<  nerfs  rachidiens  deux  catégories  de  tubes  nerveux  :  les  uns  sen- 
«  sitifs  ou  moteurs  qui  ont  des  connexions  directes  avec  la  moelle 
«  épinière;  les  autres  mohis  nombreux,  dont  l'extrémité  centrale  se 
«  trouve  dans  les  ganglions  spinaux.  »  Les  tubes  nerveux  émanés 
des  cellules  ganglionnaires  et  isolés  anatomiquemeut  de  la  moelle 


c'pinière,  soiil-ils,  après  cela,  doués  de  propriétés  spéciales,  soiil-ils 
destinés  à  constituer,  ainsi  que  le  suppose  M.  Ëaerensprung,  les 
nerfs  irophiques?  Un  comprendrait  facilement,  s'il  en  était  ainsi,  que 
l'irritation  des  cellules  ganglionnaires  et  des  tubes  nerveux  qui  eu 
émanent  ont  pour  conséquence  presque  obligée  une  altération  de 
nutrition  des  parties  où  ces  nerfs  se  répandent,  tandis  que  pareille 
chose  n'aurait  pas  lieu  lorsque  l'irritation  porte  seulement  sur  les 
tubes  nerveux  des  racines  antérieures  ou  sur  ceux  qui  constituent 
les  racines  postérieures  entre  le  ganglion  et  la  moelle.  Dans  les  cas 
pathologiques  qui  nous  occupent,  Téruption  d'herpès  serait  l'expres- 
sion sensible  des  troubles  nutritifs  survenus  dans  le  tégument 
externe  sous  l'influence  de  l'irritation  des  corpuscules  ganglionnaires 
et  des  tubes  nerveux  auxquels  ils  donnent  naissance. 

A  ces  vues  hypothétiques  on  peut  opposer  de  sérieuses  objections: 
entre  autres  il  est  incontestable,  d'un  côté,  que,  dans  certaines  cir- 
constances données,  la  moelle  épinière  influence,  dans  une  certaine 
mesure,  la  nutrition  de  la  peau  (voir  Brown-Séquard,  Journal  de 
physiologie,  t.  11,  p.  11-2,  1859);  d'un  autre  côté  il  est  certain  que  les 
tubes  nerveux  qui  ne  font  que  traverser  les  ganglions  et  qui  n'ont 
pas  de  communication  visible  avec  les  cellules,  sont  cependant  sou- 
mis, jusqu'à  un  certain  point,  à  l'influence  de  ces  cellules.  Autrement 
il  serait  impossible  de  se  rendre  compte  des  résultats  de  l'expérience 
dans  laquelle  M.  Aug.  Waller,  après  avoir  coupé  la  racine  postérieure 
d'un  nerf  rachidien  entre  la  moelle  épinière  et  le  ganglion,  voit  la 
partie  de  la  racine  qui  tient  à  la  moelle  s'altérer,  tandis  que  le  seg- 
ment, qui  demeure  en  rapport  avec  le  ganglion,  conserve  sa  struc- 
ture intacte.  (Vulpian,  loc.  cit.,  p.  33.) 

Mais  l'argument  le  plus  décisif  sera  tiré  de  l'ordre  pathologique.  II 
existe  aujourd'hui,  dans  la  science,  des  faits  assez  nombreux  qui 
démontrent  que  des  éruptions  cutanées,  au  moins  fort  analogues  au 
zona,  se  développent  quelquefois  sur  la  peau  des  extrémités,  consé- 
cutivement à  des  altérations  de  cause  mécanique  ou  traumatique, 
portant  sur  la  partie  périphérique  des  nerfs  des  membres,  loin  du 
lieu  d'origine  de  ces  nerfs.  Or  il  est  à  peine  admissible  que  les  gan- 
gUons  des  racines  postérieures  soient  affectés  en  pareil  cas.  Un  des 
faits  dont  il  s'agit  a  été  publié  par  M.  Charcot  dans  une  Note  sur 
quelques  cas  d" affeclion  de  la  peau  dépendant  d'une  influence  du  sys- 
tème nerveux.  {Journal  de  Brown-Séquard,  t.  11,  p.   111;  1859.)  11 


'i8 
îi'est  peut-être  pus  sans  utilité  de  reproduire  ici  cette  observatiuu. 

Obs.  III.  —  Un  homme  admis  dans  le  service  de  M.  Rayer,  en  1851, 
avait,  pendant  les  affaires  de  juin  1849,  reçu  une  balle  à  la  partie  infé- 
rieure et  postéro-externe  de  la  cuisse.  Quelque  temps  après  la  guérlson 
de  la  plaie,  surviennent  dans  la  jambe  de  vives  douleurs,  presque  con- 
tinues, mais  s'exaspérant  par  accès.  Ces  douleurs,  qui  semblent  partir 
de  la  cicatrice,  se  répandent  jusque  sur  le  dos  du  pied  et  suivent  évi- 
demment le  trajet  des  nerfs.  Cette  névralgie,  qui  a  résisté  à  tous  les 
moyens  employés,  s'est  accompagnée  à  plusieurs  reprises,  pendant  le 
séjour  du  malade  à  la  Charité,  d'une  éruption  de  vésicules  d'herpès, 
disposées  par  groupes,  tout  à  fait  semblables  à  celles  de  l'herpès  zoster 
et  siégeant  sur  la  peau  des  parties  douloureuses. 

Des  faits  analogues  au  précédent  ont  été  rapportés  par  MM.  Gh.  Rou- 
get {Journal  de  Bi-own-Séquard,  loc.  cit.,  p.  115),  Henle  (Handbuck 
dcr  ralionneil.  pathologie,  t.I,  [Siij),Sanme\{Die  ti'opliisclienne7'ven, 
Leipzig,  1860,  p.  148)  et  par  M.  Charcot  lui-même,  dans  le  travail 
cité  plus  haut.  Tout  récemment  M.  G.  Gehrardt  a  signalé  deux  cas 
d'éruption  vésiculeuse  du  menton  survenue  à  la  suite  de  l'applica- 
tion du  courant  constant  sur  le  nerf  mentonnier  au  point  où  il  sort 
du  canal  dentaire.  [Centralblatl  fiir  die  Mcdic.  Wisscnschaflen,  186G, 
27  janvier,  n"  4,  p.  61.) 

On  pourrait  aisément  multiplier  ces  exemples  ;  c'en  est  assez,  sans 
doute,  pour  établir  que  les  éruptions  vésiculeuses  consécutives  aux 
affections  de  certains  nerfs  peuvent  se  développer  par  le  seul  fait  de 
l'altération  de  ces  nerfs  et  sans  l'intervention  obligée  d'une  affection 
des  ganglions  des  racines  postérieures.  Mais  quelles  sont  les  condi- 
tions particulières  qui  font  que  certaines  affections  des  nerfs  déter- 
minent des  éruptions  de  la  peau,  tandis  que  d'autres  affections  de  ces 
mêmes  nerfs,  semblables  aux  premières,  du  moins  en  apparence,  ne 
sont  pas  suivies  du  même  résultat?  L'ensemble  des  faits  cliniques  et 
nécroscopiques  tend  à  faire  admettre  que  le  zona  symptomatique  se 
développe  de  préférence  dans  les  cas  où  l'affection  des  troncs  nerveux 
consiste  en  une  véritable  névrite;  mais  il  faut,  par  contre,  recon- 
naître immédiatement  que  les  cas  où  une  névrite  s'accompagne  d'une 
affection  de  la  peau  sont  relativement  peu  nombreux.  La  question, 
quant  à  présent,  est  donc  encore  enveloppée  d'obscurité  et  appelle 
de  nouvelles  études. 


ETUDES 

PHYSIOLOGIQUES    ET    PATHOLOGIQUES 


suu 


r  y 


LE  RAMOLLISSEMENT  CEREBRAL 


PAR 


MM.  J.-L,  PREVOST  et  J.  GOTARD, 

Internes  des  hôpitaux. 
(Voyez  planches  I,  II,  HT  et,  IV.) 


Ayant  eu  l'occasion  d'observer  un  assez  grand  nombre  de  ramollis- 
sements du  cerveau  pendant  notre  internat  à  la  Salpôtrièrc,  et  nos 
maîtres,  MM.  Gharcot  et  Vulpian,  ayant  bien  voulu  mettre  à  notre 
disposition  les  observations  recueillies  dans  leurs  services  pendant 
les  années  précédentes,  nous  avons  pensé  que  de  ce  nombre  considé- 
rable de  faits  observés  avec  soin,  nous  pourrions  peut-être  tirer  quel- 
ques résultats  intéressants  au  point  de  vue  de  la  nature  du  ramol- 
lissement cérébral,  de  ses  causes,  de  sa  symptomatologie,  de  ses 
relations  avec  d'autres  affections.  Grâce  aux  conseils  de  M.  le  doc- 
teur Vulpian,  nous  avons  pu  instituer  quelques  expériences  de  phy- 
siologie pathologique,  et  reproduire  artificiellement  sur  des  animaux 
quelques-uns  des  symptômes  du  ramoHissement  cérébral,  et  cet  en- 
semble de  lésions  multiples  qu'on  rencontre  si  souvent  chez  le  vieil- 
lard (ramollissement  cérébral,  infarctus  des  reins,  de  la  rate,  de 
l'intestin,  etc.). 

Nous  chercherons  à  rapprocher  de  ces  données  expérimentales  un 
certain  nombre  de  nos  observations,  et  à  montrer  l'importance  des 
troubles  ischémiques  des  centres  nerveux,  troubles  sur  lesquels 
MM.  Gharcot  et  Vulpian  ont  souvent  appelé  notre  attention. 

Personne  ne  nie  plus  aujourd'hui  le  rôle  des  oblitérations  vascu- 
laires  dans  la  production  du  ramollissement,  et  à  ce  point  de  vue  nos 

MÉM.  4 


50 
observations  ne  présentent  rien  qui  ne  soit  déjà  connu;  mais  quelle 
part  doit-on  faire  à-cette  cause?  Doit-on  lui  rapporter  tous  les  cas  de 
ramollissement?  Ëxiste-t-il  des  cas  de  ramollissement  indépendants 
de  toute  lésion  vasculaire?  C'est  ce  que  nous  chercherons  à  élucider. 
Dans  une  première  partie  nous  exposerons  les  expériences  qui  doi- 
vent servir  de  base  à  ce  travail.  La  seconde  partie  sera  consacrée  à 
l'analyse  et  à  la  discussion  des  observations. 

Qu'il  nous  soit  permis  de  remercier  nos  maîtres,  MM.  Charcot  et 
Vulpian,  qui  nous  ont  donné  l'idée  de  ce  travail  et  nous  ont  aidés  de 
leurs  conseils. 

PREMIÈRE  PARTIE. 

EXPÉRIENCES  PHYSIOLOGIQUES. 

II  y  a  longtemps  déjà  que  les  physiologistes  ont  insisté  sur  le  rôle 
important  de  la  circulation  du  sang  artériel  dans  les  fonctions  des 
tlilférents  organes,  et  ont  institué  de  nombreuses  expériences  pour 
prouver  ce  fait  fondamental  de  physiologie  qui  a  fait  naître  l'idée  de  la 
ti'ansfusion  du  sang.  Il  nous  suffira  de  rappeler  les  travaux  de  Morga- 
gni,  Cooper,  Ilaller,  Lorry,  Lecat,  Bichat,  ceux  de  MM.  Prévost  et  Du- 
mas, ouvrage  dans  lequel  ces  derniers  auteurs  insistent  sur  l'impor- 
tance du  sang  dans  les  fonctions  des  centres  nerveux. 

Plus  récemment,  cette  question  a  été  de  nouveau  étudiée  par 
MM.  Kussmaullet  Temier,  Brown-Séquard,  etc.,(l). 

(1)  Morgagni,  De  nat.  et  caus.  morb.,  epist.  11). 

Bichat,  Recherches  sur  la  vie  et  la  mort. 

Lorry,  Recueil  périod.  d'obs.,  etc.,  par  Vandermonde,  janv.  1757, 
t.  VI. 

Lecat,  Traité  du  fluide  des  nerfs  et  du  mouvement  musculaire, 
Berlin,  1765. 

Haller,  Mémoire  sur  le  mouvement  du  sang^  trad.,  Lausanne,  1756. 

Prévost  et  Dumas,  Examen  du  sang  et  de  son  action  dans  les  divers 
phéïiomènes  de  la  vie,  bibl.  univ.  de  Genève,  1821,  xvn. 

KussmauU  et  Tenner,  Vntersuchungen  ûber  Ursprung,  etc.,  Frank- 
furt,  1857. 

Voy.  Journal  de  physiologie  de  M.  Brown-Sequard,  1858. 

Brown-Sequard,  Journal  de  physiologie,  I  et  V. 


51 

Ces  travaux  avaient  plutôt  un  but  physiologique  que  médical  ;  mais 
quand  eurent  paru  les  reclierches  de  M.  Virchow  sur  Tembolie,  plu- 
sieurs auteurs  instituèrent  des  expériences  de  physiologie  pathologi- 
que; nous  pouvons  citer  en  particulier  la  thèse  de  M.  Ehrmann  (1),  le 
mémoiredeM.Panum  (2),  qui  nous  ont  fourni  des  indications  très-pré- 
cieuses. Enfin  il  vient  de  paraître  en  Allemagne  un  ouvrage  dans  lequel 
M.  0.  Weber  (3)  étudie  avec  un  grand  soin  la  question  de  l'embolie, 
et  nous  avons  eu  la  satisfaction  d  y  voir  confirmées  plusieurs  des 
opinions  auxquelles  nous  étions  arrivés  nous-mêmes. 

M.  Vulpian  qui  avait  déjà  étudié  dans  une  de  ses  publications  (4) 
l'influence  du  sang  sur  la  moelle  épinière,  insista  de  nouveau  cette 
année,  dans  le  cours  qu'il  ht  au  Muséum,  sur  l'importance  de  la  cir- 
culation du  sang  artériel  dans  l'axe  cérébro-spinal  ;  et  c'est  en  grande 
partie,  à  l'aide  des  expériences  qu'il  fit  devant  nous,  que  nous  avons 
pu  entreprendre  cette  partie  de  notre  mémoire. 

Le  moyen  le  plus  simple  d'étudier  l'influence  du  sang  sur  le  sys- 
tème nerveux  central,  est  certainement  de  suspendre  l'abord  du  sang 
dans  l'encéphale  ou  dans  la  moelle  épinière,  et  d'examiner  les  phé- 
nomènes qui  résultent  de  l'anémie  de  ces  organes. 

On  peut  arriver  à  ce  but  par  plusieurs  procédés  : 

r  Par  des  saignées  blanches  (moyen  peu  fidèle,  car  on  ne  peut  lo- 
caliser ainsi  lauémie ;  aussi  n'est-ce  pas  celui-ci  que  nous  examine- 
rons) ; 

2°  Par  la  ligature  des  artères  ; 

3°  Par  l'injection  dans  les  artères  d'un  liquide  (eau)  tenant  en  sus- 
pension des  corps  étrangers  ou  des  poudres  inertes. 


(1)  Ehrmann,  Des  effets  produits  sur  C encéphale  par  C oblitération 
des  vaisseaux  artériels  qui  s'y  distribuent.  Paris,  1860. 

(2)  Panum,  Èxperimehteile  Vntersuchungeh  zur  Physiologie  und 
Pathologie  der  Embolie,  Transfusion,  etc.,  Berlin,  1864. 

Ou  Virchow  s  Archiv.  t.  XXVII-XXIX. 

(3)  0.  "Weber,  Hàndbuch  der  allgemeinen  und  specieilen  Chirurgie^ 
redigirt.  v.  D'  Pitlia  und  D'  BiUroth.  Èrlangcn,  1865. 

(4)  "Vulpian,  Sur  la  durée  de  la  persistance  des  propriétés  des  mus- 
cles, des  nerfs  et  de  la  moelle  épinière  après  l'interruption  du  cours 
du  sang  dans  ces  organes.  Gaz.  hebd.  de  méd,  et  de  cnut.,  1861,  t.  VUI. 


m 


§  î.  —  Siigaturç  des  artères, 

La  ligature  des  artères  carotides  primitives  et  des  vertébrales, 
n'est  pas  difficile  à  exécuter  sur  un  animal  de  taille  moyenne,  tel  que 
le  chien  ou  le  lapin  par  exemple,  cette  expérience  déjà  faite  par 
Coopcr,  Kussmaull  et  Tenner,  Ehrmann  (1)  et  d'autres,  n'offre  pas 
chez  le  chien  des  résultats  toujours  les  mêmes,  la  circulation,  dans  le 
plus  grand  nombre  des  cas,  n'est  pas,  en  effet,  immédiatement  sus- 
pendue par  la  ligature  simultanée  des  quatre  gros  troncs  cervicaux, 
pris  même  à  leur  origine,  ce  qui  résulte  d'anastomoses  fréquentes 
que  Gooper  plaçait  dans  des  branches  œsophagiennes,  que  M.  Panum 
croit  exister  plutôt  dans  des  branches  spinales  volumineuses  fournies 
par  l'artère  vertébrale.  Chez  le  lapin,  au  contraire,  cette  opération 
amène,  dans  la  plus  grande  majorité  des  cas,  des  symptômes  immé- 
diats et  précis. 

Un  instant,  quelques  secondes  après  la  hgature  ou  la  simple  com- 
pression, au  moyen  de  serres-fines  des  quatre  troncs  cervicaux  (carot. 
prim.  et  vertébrales),  l'animal  est  pris  généralement  de  quelques 
symptômes  convulsifs,  quelquefois  peu  prononcés  ;  il  se  débat,  pres- 
que en  môme  temps  et  même  quelquefois  avant  les  convulsions,  on 
voit  la  respiration  et  les  battements  du  cœur  s'accélérer,  devenir 
même  très-  fréquents,  et  l'animal  tomber  dans  un  coma  apoplectique 
qui  le  rend  tout  à  fait  étranger  à  ce  qui  se  passe  autour  de  lui  :  les 
membres  tombent  inertes,  et  souvent  même  tout  phénomène  de  sen- 
sibiUté  cesse  (2). 

La  respiration  qui  s'était  accélérée,  devient  bientôt  plus  embarras- 
sée, quelquefois  stertoreusc;  les  narines  se  dilatent  à  chaque  inspi- 

(1)  Oiivr.  cit. 

(2)  Les  fonctions  de  la  moelle  se  conservent  cependant  quelquefois 
séparées  de  celles  du  cerveau,  et  peuvent  même  subsister  un  certain 
temps,  ce  qui  prolonge  dans  ces  cas  la  vie  ;  ce  phénomène  est  arrivé  une 
fois  devant  nous,  au  Muséum,  dans  une  expérience  que  M.  Vulpian  fit  à 
son  cours,  et  sur  la  rareté  et  l'intérêt  de  laquelle  il  attira  l'attention  de 
ses  auditeurs.  Le  lapin,  sujet  de  l'expérience,  était  plongé  dans  le  coma, 
tout  mouvement  réflexe  avait  cessé  dans  la  tête,  les  conjonctives  étaient 
insenaibles,  mais  les  mouvements  de  la  respiration  continuaient  presque 
intacts,  et  les  mouvements  réflexes  étaient  perceptibles  au  tronc  et  dans 
les  membres. 


53 
ration  ;  bientôt  ces  mouvements  deviennent  plus  rares,  les  battements 
du  cœur  se  ralentissent,  il  se  produit  des  déjections  alvines;  les  pu- 
pilles se  dilatent  ;  quelquefois  de  nouvelles  convulsions  se  produisent 
à  ce  moment  ultime,  et  l'animal  meurt,  tous  ces  phénomènes  sctaut 
succédé  dans  l'espace  de  quelques  minutes. 

Si  à  ce  moment  ultime,  au  moment  où  les  fonctions  de  la  respiration 
vont  cesser,  on  enlève  les  ligatures  ou  les  serres-fines  (ropération 
faite  avec  des  serres-fines  est  rendue  beaucoup  plus  simple),  si,  di- 
sons-nous, on  rend  au  sang  son  cours,  les  fonctions  encéphaliques  se 
rétablissent  peu  à  peu  dans  un  ordre  inverse  à  celui  dans  lequel  elles 
avaient  disparu.  Les  mouvements  respiratoires  deviennent  de  nou- 
veau fréquents,  se  régularisent,  de  même  que  les  battements  cardia- 
ques ;  le  coma  apoplectique  cesse  peu  à  peu,  l'animal  'exécute  quel- 
ques mouvements  volontaires,  bientôt  se  remet  sur  ses  pattes,  et  au 
bout  de  fort  peu  de  temps  (deux  minutes  environ)  tout  phénomène 
pathologique  a  cessé;  les  fonctions  cérébrales  se  sont  complètement 
rétabhes,  et  cet  animal,  qui  un  instant  avant  pouvait  presque  être 
considéré  comme  mort,  a  récupéré  ses  fonctions  encéphaliques  et 
est  pour  ainsi  dire  revenu  à  la  vie.  Notons  que  l'expérience  peut  être 
répétée  plusieurs  fois  de  suite. 

§  IX.  —Injection  de  poudres  fines. 

Un  procédé  plus  simple  encore  que  celui  de  la  ligature  est  lïn- 
jectiondans  les  artères  de  15  à  20  grammes  d'eau,  tenant  en  suspension 
des  poudres  inertes  telles,  par  exemple,  que  la  poudre  de  lycopode, 
procédé  déjà  employé  par  M.  Flourens  et  ensuite  par  M.  Vulpian  (1). 
Cette  poudre  impalpable  formée  de  sporules,  dont  le  diamètre  atteint 
environ  5  àG  fois  celui  des  globules  sanguins,  pénètre  facilement  dans 
les  artérioles  et  se  répand  dans  les  gros  capillaires  du  cerveau,  oppo- 
sant ainsi  un  obstacle  insurmontable  au  sang  dont  elle  produit  la  coa- 
gulation ;  le  lycopode  ofîre  en  outre  l'avantage  de  pouvoir  être  facile 
ment  reconnu,  vu  la  forme  très-caractéristique  de  ses  sporules.  En 
pénétrant  dans  larbre  circulatoire,  il  y  agit  uniquement  comme  une 
poudre  inerte,  car  toute  autre  poudre  inerte  joue  le  même  rôle  et 
jouit  de  la  propriété  remarquable  de  produire  la  coagulation  du 
sang  (2). 


(1)  Sur  la  durée ^  etc.,  ouvr.  cil. 

(2)  Plusieurs  auteurs  ont  fait  des  expériences  analogues  en  se  servant 


54 

Examinons  les  résultats  auxquels  donne  lieu  l'injection  dans  le 
bout  périphérique  d'une  carotide  de  10  à  20  grammes  d'eau  tenant 
en  suspension  une  petite  quantité  de  poudre  de  lycopode,  et  l'expé- 
rience peut  alors  s'exécuter  sur  le  chien  aussi  bien  que  sur  le  lapin, 
car  les  anastomoses  sont  ici  parfaitement  incapables  de  rétablir  la 
circulation  ;  les  sporules  sont  en  effet  répandues  immédiatement 
dans  tout  le  réseau  artériel  encéphalique,  comme  le  prouve  l'autopsie. 

Immédiatement  après  l'injection  l'animal  pousse  généralement  un 
gémissement,  est  pris  de  convulsions,  et  succombe  en  présentant  les 
mêmes  symptômes  que  dans  les  cas  de  ligature. 

A  l'autopsie  on  trouve  la  substance  cérébrale  sillonnée  de  lignes 
jaunâtres  visibles  à  l'œil  nu,  qui  proviennent  de  la  pénétration  du 
lycopode  dans  les  artérioles,  et  si  l'on  place  une  parcelle  de  substance 
cérébrale  sous  le  foyer  du  microscope,  on  peut  voir  que  les  sporules 
ont  pénétré  dans  les  petites  artérioles  et  les  ont  obstruées. 

Dans  quelques  cas  nous  avons  qbservé  çà  et  là  des  extravasations 
sanguines  provenant  probablement  d'une  rupture  vasculaire  produite 
par  une  trop  forte  pression  de  la  seringue. 

IXJECTION  d'eau  tenant  EN  SUSPENSION  DES  SPORES  DE  LYCOPODE  DANS  l'arTÈRE 
CAROTIDE  DROITE  DUN  LAPIN  (bOUT  PÉRIPHÉRIQUE)  ;  MORT  PAR  APOPLEXIE 
APRÈS    UN    QUART  d'rEURE. 

Exp.  I  (19  juillet  1865)  (1).  —  La  carotide  droite  d'un  lapin  étant  dé- 
nudée nous  injectons  dans  le  bout  périphérique  environ  20  grammes 
d'eau  tenant  en  suspension  de  la  poudre  de  lycopode.  L'animal  est  pris 
de  quelques  convulsions,  il  tombe  immédiatement  après  dans  le  coma  ; 

d'autres  corps  étrangers.  M.  Panum  {puvr.  cit.)  a  choisi  de  petites  boules 
de  cire,  dont  il  sera  mieux  de  parler  à  propos  de  nos  expériences  d'in- 
jections de  corps  plus  volumineux.  Cet  auteur  a  aussi  introduit  dans 
la  circulation  du  mercure,  de  l'air,  etc.,  et  est  arrivé  aux  mêmes  ré- 
sultats. M.  Bergmann,  et  après  lui  M.  Weber  {Handbuch  der  alg.  und 
sp.  Chu-.,  loc.  cit.,  p.  84  et  suiv.)  ont  étudié  l'effet  d'injections  d'air,  de 
pus  et  de  graisse,  qui  leur  ont  aussi  donné  des  résultats  plus  analogues 
à  ceux  de  notre  seconde  série  d'expériences;  aussi  en  parlerons-nous 
plus  tard. 

(I)  Cette  expérience  n'est  que  la  reproduction  de  celles  que  nous 
avions  vu  faire  par  M.  Vulpian  à  son  cours,  mais  elle  nous  est  person- 
nelle. 


55 
sa  respiration  s'arrête  d'abord,  mais  bientôt  après  elle  recommence  et 
devient  rapide  et  stertorense  ;  coma  complet,  membres  en  résolution. 
Cependiint  la  paralysie  n'est  pas  générale  ;  lanimal  exécute  quelques 
mouvements  quand  nous  recousons  sa  plaie,  la  sensibilité  n'est  pas 
complètement  abolie.  Bientôt,  un  quart  d'heure  environ  après  l'in- 
jection, la  respiration  s'arrête,  l'animal  exécute  quelques  mouvements 
convulsifs  légers  et  meurt.  On  a  constaté  au  début  de  l'expérience 
quelques  mouvements  réflexes  des  membres  inférieurs. 

L'oreille  gauche  présentait  avant  la  mort  un  vaisseau  dur  et  gorgé  de 
sang,  ce  qui  manquait  à  droite. 

Autopsie.  Cerveau.  —  Quelques  artères  de  la  base  paraissent  injec- 
tées, et  sur  les  parties  latérales  de  l'encéphale  (surtout  à  droite),  on 
constate  une  coloration  jaunâtre  légère  dans  quelques  points. 

Des  parcelles  de  ce  cerveau  portées  sous  le  champ  du  microscope 
montrent  des  sporules  de  lycopode  dans  les  petits  vaisseaux  capillaires, 
et  cela  dans  toutes  les  parties  du  cerveau.  On  fait  fort  peu  de  prépara- 
tions sans  en  retrouver  ;  on  en  trouve  surtout  à  la  surface  des  hémi- 
sphères et  à  leur  base,  dans  le  bulbe,  dans  la  moelle  au  tiers  supérieur, 
dans  les  tubercules  quadrijumeaux  (des  deux  côtés),  dans  les  corps  striés, 
dans  les  hémisphères,  dans  le  cervelet. 

Quelques-unes  de  ces  spores  occupent  des  vaisseaux  capillaires  de 
petit  calibre  dans  lesquels  elles  ont  pénétré  comme  par  pression  et 
dont  le  calibre  paraît  moindre  que  le  diamètre  de  ces  spores. 

Quelques-uns  des  vaisseaux  injectés  contiennent  au  delà  des  spores 
beaucoup  de  globules  sanguins  et  sont  gorgés  de  sang;  d'autres  sont 
vides. 

Les  phénomènes  observés  dans  cette  expérience  présentent  la 
plus  grande  analogie  avec  ceux  qui  résultent  de  la  ligature  des  quatre 
troncs  artériels,  et  nous  paraissent  aussi  devoir  être  attribués  à  une 
anémie  subite  et  complète  de  l'encéphale. 

Cette  expérience  nous  montre  encore  une  fois,  comme  M.  le  doc- 
teur Vulpian  le  faisait  remarquer  dans  son  cours,  le  rôle  du  ?ang  ar- 
tériel dans  l'exécution  dos  fonctions  de  la  vie.  L'encéphale,  comme 
tout  autre  organe,  meurt  dès  que  ses  éléments  anatomiques  ne  reçoi- 
vent jilus  un  courant  de  sang  artériel  constamment  renouvelé.  Les 
fonctions  de  relation  cessent  immédiatement  par  l'anémie  de  la  sub- 
stance grise,  et  bientôt  l'anémie  de  la  base  de  l'encéphale  produit  la 
gêne  de  la  respiration  qui  n'est  que  le  début  de  l'agonie  de  l'a- 
nimal. 

Il  ne  nous  paraît  pas  inutile  de  rapporter  ici  une  expérience  de 


56 
M,  Brown-Sequard  (1),  Lieu  propre  à  démontrer  l'action  du  sang  sur 
les  centres  nerveux. 

«  Je  décapitai  un  chien,  nous  dit  cet  auteur,  en  ayant  soin  de  faire 
«  la  section  au-dessous  de  l'endroit  où  les  artères  vertébrales  pénètrent 
«  dans  leur  canal  osseux.  Huit  minutes  après,  le  pincement  de  la  peau 
«  étant  sans  effet,  j'appliquai  un  courant  galvanique  d'une  intensité 
«  assez  considérable  à  la  moelle  allongée,  mise  à  nu,  en  ayant  soin 
«  d'éviter  le  passage  du  courant  par  les  parties  voisines.  Il  ne  se  mani- 
«  festa  aucun  mouvement.  Les  conducteurs  appliqués  à  la  protubérance 
«  ne  produisirent  aussi  aucun  effet.  Dix  minutes  après  la  cessation  des 
«  mouvements  respiratoires  des  narines,  des  lèvres  et  de  la  mâchoire 
a  inférieure,  j'adaptai,  aux  quatre  troncs  artériels  de  la  tête,  des  canules 
«  qui  étaient  en  rapport  par  des  tubes  de  caoutchouc  avec  un  cylindre 
tt  en  cuivre,  par  lequel  j'injectai  du  sang  chargé  d'oxygène,  àTaide  d'une 
«  seringue.  En  deux  ou  trois  minutes,  après  quelques  légers  mouve- 
«  ments  désordonnés,  je  vis  apparaître  des  mouvements  des  yeux  et  des 
«  muscles  de  la  face  qui  semblaient  être  dirigés  par  la  volonté.  Je  pro- 
«  longeai  l'expérience  un  (juart  d'iieure,  et  durant  toute  cette  période, 
«  ces  mouvements,  en  apparence,  volontaires,  continuèrent  d'avoir  lieu. 
«  Après  avoir  cessé  linjection,  ces  mouvementis  cessèrent  et  furent 
a  bientôt  remplacés  par  les  convulsions  des  yeux  et  de  la  face,  par  des 
«  mouvements  respiratoires  des  narines,  des  lèvres  et  des  mâchoires, 
(i  et  ensuite  par  les  tremblements  de  l'agonie.  La  pupille  se  resserra  et 
«  se  dilata  ensuite  comme  dans  la  mort  ordinaire. 

«  Cette  expérience  démontre  positivement  la  possibilité  du  retour 
«  des  propriétés  vitales  et  des  fonctions  de  Tencépliale  sous  l'inlUience 
«  du  sang  chargé  d'oxygène.  » 

Dans  la  moelle  comme  dans  le  cerveau,  l'anémie  consécutive  à  l'in- 
jection de  poudre  de  lycopode  par  le  bout  central  d'une  crurale  dé- 
termine la  suspension  immédiate  et  complète  de  l'innervation.  C'est 
ce  qui  ressort  avec  évidence  des  expériences  que  M.  Vulpian  (2)  avait 
décrites  dans  son  mémoire  sur  l'anémie  de  la  moelle  et  que  nous  lui 
avons  vu  répéter  à  son  cours,  expériences  qui  ont  été  faites  aussi 
par  M.  Panum  (3).  Nous  serons  plus  brefs  sur  ce  sujet,  qui  ne  regarde 
pas  directement  le  ramollissement  cérébral. 

(1)  Journal  de  physiologie,  t.  I,  p.  119. 

(2)  Ouvr.  cit. 

(3)  Ouvr,  cit. 


57 
Nous  rapportons  cependant  l'expérience  suivante  : 

Injection'  deau  tenant  ex  suspension  de  la  poudre  de  phosphate  de  cbaux 

DANS  LA  CAKOTIDE  (bout  PÉRIPHÉRIQUE)  SANS  SUCCÈS  ;  INJECTION  d'eAU  AVEC 
POUDRE  DE  LYCOPODE  DANS  UNE  CRURALE  (bOUT  CENTRAL) )  INFARCTUS  d'uN 
rein;  ANÉMIE  DE  LA  MOELLE;  PARAPLÉGIE. 

Exp.  II.  (10  et  21  juillet  1865).  —  Le  10  juillet  à  deux  heures,  nous 
injectons  dans  le  bout  périphérique  de  la  carotide  droite  d'un  lapin  de 
l'eau  tenant  en  suspension  du  phosphate  de  chaux  réduit  en  poudre. 
(Les  grains  de  cette  poudre  offrent  des  dimensions  variables  et  ont  l'in- 
convénient de  ne  pas  être  facilement  reconnaissables.)  L'injection  est 
faite  doucement  au  moyen  d'une  seringue  de  Pravaz  ;  nous  injectons 
8  à  10  gouttes,  aucun  accident  ne  survient  ;  l'animal  continue  à  être 
bien  portant  et  mange  bien. 

Le  21  juillet,  nous  injectons  dans  la  crurale  droite  (bout  central)  avec 
une  seringue  ordinaire  de  l'eau  (10  à  15  gr.)  tenant  en  suspension  de  la 
poudre  de  lycopode. 

Immédiatement  après  l'opération,  paraplégie  de  tout  le  train  posté- 
rieur avec  anesthésie  complète  ;  pas  de  mouvements  réflexes.  L"animal 
traîne  son  train  postérieur  qui  est  dans  une  flaccidité  complète  ,  il  agit 
bien  des  pattes  de  devant. 

Paralysie  de  la  vessie  ;  le  lapin  lâche  immédiatement  les  urines  que 
contenait  sa  vessie. 

L'état  général  est  bon,  quoique  la  respiration  semble  s'être  légèrement 
accélérée.  La  sensibilité  et  la  motilité  sont  conservées  dans  le  train  an- 
térieur. L'animal  prend  un  peu  de  nourriture. 

A  six  heures,  l'état  était  encore  le  même  quoiqu'il  semblât  y  avoir 
un  peu  d'affaiblissement  du  train  antérieur  et  de  la  gêne  de  la  respira- 
tion. Mais  l'animal  marche  encore  avec  ses  membres  antérieurs,  il 
semble  avoir  moins  de  force  du  côté  gauche  que  du  droit. 

A  sept  heures  et  demie,  mort.  L'animal  portait  sa  tête  en  arrière 
et  faisait  avec  peine  quelques  inspirations.  Au  bout  d'un  instant  il  suc- 
comba. 

Autopsie.  —  Cerveau.  Ne  présente  rien  d'appréciable.  Nous  avons  cru 
retrouver  dans  certain  points  quelques  parcelles  de  phosphate  de 
chaux,  mais  ce  corps  n'est  pas  assez  reconnaissable  pour  que  nous  en 
soyons  certains  ;  pas  de  poudre  de  lycopode,  pas  de  ramollissement. 

Moelle.  A  été  trop  altérée  par  l'ablation  pour  que  nous  sachions 
s'il  y  avait,  oui  ou  non,  un  ramollissement.  Les  méninges  rachidiennes 
et  les  parties  de  la  moelle  qui  y  correspondent  contiennent  de  nom- 
breuses spores  de  lycopode,  et  cela  surtout  dans  la  partie  inférieure  de 
la  moelle,  car  dans  la  moitié  supérieure  nous  n'en  retrouvons  pas. 


58 

Cœur.  Rien  d'appréciable  ;  pus  d'oblitération  des  artères  coronaires. 

Poimions.  L'un  d'eux  semble  offrir  un  point  fortement  congestionné. 

Aorte.  Remplie  ainsi  que  ses  branches  jusqu'à  l'union  du  tiers  su- 
périeur avec  les  deux  tiers  inférieurs  par  un  caillot  noirâtre,  un  peu 
blanchâtre  par  places,  et  contenant  une  quantité  énorme  de  sporules  de 
lycopode. 

Baie.  Les  artères  du  hile  semblent  légèrement  jaunâtres,  et  sont 
remplies  de  sporules  de  lycopode;  pas  dinfarctus  bien  net. 

Péritoine.  Les  artères  mésentériques  contiennent  dans  leurs  bran- 
ches beaucoup  de  poudre  de  lycopode,  pas  d'altération  manifeste  de 
l'intestin. 

foie.  Rien. 

Reins.  L'un  d'eux  présente  à  une  de  ses  extrémités  une  partie  ané- 
miée très-j)âle,  offrant  par  places  un  pointillé  qui  répond  à  certains 
corpuscules  de  Malpighi  gorgés  de  sang.  Cette  pâleur  tranche  très-mani- 
festement avec  la  coloration  du  reste  de  l'organe.  Sur  les  limites  de  cette 
partie  anémiée  qui  occupe  le  quart  environ  du  rein,  on  remarque  une 
tache  rouge  de  la  grosseur  d'une  lentille  occupant  la  grande  courbure 
à  sa  partie  moyenne.  Cette  tache  est  très-nette  quand  on  a  décortiqué  l'or- 
gane. Le  rein  offre  à  sa  coupe  une  congestion  presque  hémorrhagique  à 
ce  niveau.  Les  pyramides  paraissent  être  assez  généralement  congestion- 
nées, mais  la  congestion  devient  bien  plus  manifeste  au  niveau  du  point 
dont  nous  venons  de  parler  qui  a  tous  les  caractères  d'un  infarctus 
récent. 

Les  glomérules  à  ce  niveau  sont  rouge  foncé  de  même  que  les  vais- 
seaux qui  s'y  rendent.  On  retrouve  dans  plusieurs  capillaires  des  spo- 
rules de  lycopode. 

L'artère  rénale  est  oblitérée  par  un  caillot  rempli  de  lycopode.' 

Dans  l'autre  rein  l'oblitération  existe  aussi,  mais  on  y  retrouve  moins 
de  poudre  de  lycopode  et  il  n'y  a  pas  d'infarctus  type  comme  dans  ce- 
lui-là. 

On  retrouve  encore  de  la  poudre  de  lycopode  dans  les  artérioles  qui 
se  rendent  aux  muscles  des  cuisses,  qui  ne  paraissent  pas  d'ailleurs  al- 
térés. 

Doit-on  rapporter  la  paraplégie  observée  dans  ce  cas  à  l'anémie  de 
la  moelle  ou  à  l'anémie  des  membres  inférieurs  ?  On  sait  que  lorsque 
l'on  vient  à  anémier  seulement  les  membres  inférieurs  par  la  ligature 
de  l'aorte  abdominale  (expérience  de  Sténon),  on  n'abolit  pas  instan- 
tanément la  sensibilité  ni  les  mouvements  réflexes  ;  c'est  donc, 
comme  l'a  établi  M,  Vulpian,  à  l'anémie  de  la  moelle  qu'il  faut  attri- 


59 
huer  l'abolition  subite  et  complète  de  la  sensibilité  et  de  la  motilité. 

Dans  l'expérience  que  nous  venons  de  rapporter,  nous  avons  ob- 
servé de  plus  des  infarctus  des  reins  et  de  la  rate;  mais  nous  revien- 
drons plus  loin  sur  ces  lésions. 

L'injection  de  poudre  de  lycopode  amène,  comme  nous  venons  de 
le  voir,  une  mort  très-prompte.  A  Fauîopsie  on  ne  retrouve  pas  de 
lésion  bien  nette,  sauf  la  présence  de  sporules  de  lycopode  dans  les 
artérioles,  et  quelquefois  un  peu  de  stase  sanguine. 

Supposons  qu'au  lieu  de  lycopode,  nous  ayons  eu  de  la  graisse,  des 
corps  granuleux,  des  lamelles  de  cholestérine,  ou  quelque  corps  ana- 
logue, leur  présence  pourrait  peut-être  échapper  à  l'observateur,  et 
on  aurait  un  cas  de  mort  subite^  un  coup  de  sang,  une  apoplexie  sans 
lésion  appréciable;  cas  que  l'on  aurait  anciennement  désigné  sous  le 
nom  fï apoplexie  nerveuse. 

Dans  les  cas  d'embolies  capillaires,  la  mort  peut  survenir  trop 
promptement  pour  qu'il  se  produise  un  ramollissement  cérébral  qui 
n'est  jamais,  dans  le  cas  de  ramollissement  par  obstruction  vascu- 
laire,  qu'un  processus  secondaire. 

§  m.  — Injection  de  §:raines  de  tabac. 

Si  l'injection  de  substances  assez  Unes  pour  pénétrer  jusque  dans 
les  capillaires  du  cerveau  n'amène  généralement  pas  de  lésions  visi- 
bles, vu  la  promptitude  de  la  mort,  il  n'en  est  pas  de  même  de  l'intro- 
duction de  corps  plus  volumineux  dans  la  circulation.  Aussi  avons- 
nous  institué  quelques  expériences  sur  ce  sujet.  C'est  surtout  à  cette 
catégorie  de  faits  qu'appartiennent  les  expériences  de  M.  Panum  et 
celles  plus  anciennes  de  M.  Virchow  (1). 

M.  Panum  2)  rapporte  dans  son  travail  un  grand  nombre  de  faits. 
Cet  auteur  injecta  non-seulement  des  corps  inertes,  mais  encore  quel- 
ques matières  putrescibles,  et  il  crut  remarquer  que  dans  ce  dernier 
cas  les  résultats  n'étaient  partout  à  fait  identiques;  il  signala  en  par- 
ticulier la  fréquence  de  la  formation  d'infarctus  purulents.  Mais 
M.  Weber  (3)  croit  que  cette  opinion  est  un  peu  exagérée,  et  que  les 

(1)  Yirchow,  Archives. 

(2)  Panum,  ouvr.  cit. 

(3)  'Weber,  Chirurgie  de  Pitha  et  Biilroth,  1865,  toc.  cit.  p.  97, 
ï  107. 


60 

abcès  emboliques  peuvent  se  produire,  quelle  que  soit  la  nature  du 
corps  étranger  introduit  dans  la  circulation,  ces  abcès  dépendant  pour 
lui  plutôt  de  la  nature  du  tissu  et  du  rétablissement  plus  ou  moins 
complet  d'une  circulation  collatérale. 

Comme  corps  inertes,  M.  Panum  (1)  a  choisi  des  petites  boules  de 
cire  qu'il  teint  au  moyen  de  matières  colorantes.  M.  Yirchow,  on  le 
sait,  s'était  servi  de  parcelles  de  caoutchouc.  Quant  à  nous,  il  nous  a 
paru  plus  simple  de  prendre,  comme  nous  l'avions  vu  faire  par 
M.  Vulpian,  dans  une  expérience  dans  laquelle  il  obtint  sur  un  chien 
un  ramollissement  du  cervelet,  des  graines,  peu  volumineuses,  et  en 
particulier  de  la  graine  de  tabac  qui  peut,  comme  toute  graine,  vu 
l'épiderme  qui  la  couvre,  être  considérée  comme  un  corps  complète- 
ment inerte. 

M.  Panum,  qui  n'avait  pas  spécialement  en  vue  le  ramollissement 
cérébral,  fit  peu  d'injections  dans  les  carotides.  Pour  étudier  l'embo- 
lie de  la  grande  circulation,  il  opéra  surtout  sur  les  artères  crurales 
(bout  central),  et  il  obtint  des  infarctus  des  différents  viscères  (rate, 
reins,  foie,  pancréas)  et  quelquefois  un  ramollissement  de  la  moelle 
épinière  (2);  la  mort  de  l'animal  était  survenue,  dans  ces  cas,  de  cinq 
à  dix  heures  après  l'injection.  Mais  il  serait  trop  long  de  rapporter  en 
détail  ces  expériences  variées,  et  nous  renverrons  nos  lecteurs  au  livre 
de  M.  Panum. 

Dans  nos  expériences  nous  avons  cherché  à  obtenir  non-seulement 
des  ramollissements  cérébraux,  mais  encore  les  lésions  des  viscères 
désignées  sous  le  nom  d'infarctus.  Nous  sommes  même  arrivés  plu- 
sieurs fois  à  produire  ces  lésions  concurremment  avec  un  ramollis- 
sement cérébral  ;  et  comme  nous  pensons  qu'au  point  de  vue  de  la 
nature  et  de  la  genèse  du  ramollissement  cérébral,  il  est  important 
de  considérer  ces  altérations  simultanées  des  autres  organes,  dues 
à  une  même  cause,  nous  rapporterons  tout  au  long  nos  expériences 
en  les  analysant. 

PREMIÈRE  SÉRIE  D'EXPÉRIENCES. 

Dans  une  première  série  d'expériences  n'ayant  pour  but  que  d'ob- 
tenir des  ramollissements  cérébraux,  nous  avons  opéré  sur  le  bout 

(1)  Loc.  cit. 

(2)  Panum,  obs.  2,  3,  4,  p.  89  et  suiv. 


61 
pôriphôrique  d'une  des  carotides.  Voici  le  procédOi  que  nous  eni' 
ployons  : 

Nous  plaçons  une  certaine  quantité  de  graines  de  tabac  dans  de 
l'eau,  si  ces  graines  ne  se  précipitent  pas,  il  suffit  de  les  chaufTer 
jusqu'à  un  degré  voisin  de  l'ébuUition  pour  obtenir  ce  résultat,  et, 
dans  ces  cas,  nous  avons  la  précaution  de  changer  l'eau  pour  nous 
mettre  à  l'abri  de  tout  phénomène  qui  puisse  être  attribué  à  l'intoxi- 
cation par  le  tabac. 

L'injection  ainsi  préparée,  nous  mettons  à  nu  une  des  carotides  et 
nous  passons  au-dessous  d'elle  trois  fils  à  ligature. 

Nous  faisons  la  ligature  du  fil  inférieur,  c'est-à-dire  de  celui  qui 
est  le  plus  rapproché  du  cœur;  puis  ouvrant  l'artère,  nous  introdui- 
sons dans  son  intérieur  une  canule  aussi  grosse  que  possible,  canule 
que  nous  fixons  au  moyen  du  second  fil  d'attente.  Cette  canule  est 
munie  d'un  robinet  que  l'on  a  préalablement  fermé.  Si  elle  en  man- 
quait, on  pourrait  le  remplacer  par  l'application  d'une  serre-fine  sur 
la  partie  libre  de  l'artère;  précaution  qu'il  est  d'ailleurs  bon  de  pren- 
dre dans  tous  les  cas  pour  empêcher  le  sang  de  pénétrer  dans  l'ex- 
trémité de  la  canule  et  de  s'y  coaguler. 

Ce  premier  temps  de  l'opération  terminé,  l'un  de  nous  maintient 
en  place  la  canule,  tandis  que  l'autre  charge  une  seringue  de  l'injec- 
tion et  a  soin  de  remuer  souvent  cet  instrument  avant  de  l'introduire 
afin  que'la  graine  soit  bien  en  suspension  dans  l'eau  et  n'oblitère  pas 
la  canule. 

Le  bout  de  la  seringue  placé  dans  la  canule,  nous  poussons  avec  peu 
de  force  une  quantité  de  liquide  que  nous  évaluons  à  10  ou  20  grammes 
environ.  Immédiatement  la  ligature  du  bout  périphérique  de  l'artère 
est  exécutée,  le  fil  qui  maintient  la  canule  enlevé,  la  plaie  rapidement 
recousue  et  l'animal  délié. 

Voici  les  quatre  expériences  qui  ont  été  faites  par  ce  procédé  : 

INJECTION  DE  GRAINE?  DE  TABAC  DANS  LA  CAROTIDE  GAUCHE  (bOUT  PÉRIPHÉRI- 
QUE); UÉMIPLÉGIE  DROITE  INCOMPLÈTE;  MORT  EN  VINGT  ET  UNE  HEURES; 
RAMOLLISSEMENT    PULPEUX    DE    LHÉMISPHÈRE    GAUCHE. 

Exp.  III.  (31  juillet  ISG.'J)  —  Chien  épagneul  de  grande  taille. 
A  quatre  heures  une  injection  d'eau,  tenant  en  suspension  des  graines 
de  tabac,  est  poussée  dans  le  bout  périphérique  de  la  carotide  gauche. 
Au  moment  même,  cris,  accélération  des  mouvements  respiratoires, 


62 
grand  soupir.  La  plaie  est  recousue  et  le  chien  est  délié  ;  il  fait  alors 
quelques  pas  sans  que  l'on  constate  de  paralysie;  mais  six  minutes  en- 
viron après  l'injection  la  motilité  s'affaiblit  dans  les  membres  droits, 
surtout  dans  le  train  postérieur.  L'intelligence  subsiste,  le  chien  fait  des 
efforts  pour  venir  quand  on  l'appelle;  il  remue  la  queue  en  signe  de 
connaissance. 

La  motilité  s'éteint  de  plus  eti  plus  dans  le  côté  droit,  sur  lequel  le 
chien  retombe  constamment. 

Sensibilité  conservée. 

Mouvements  réflexes  quand  on  lui  marche  sur  la  patte  postérieure 
droite. 

Vingt  minutes  environ  après,  évacuation  d'urine  et  de  matières  fé- 
cales. 

Le  chien  est  plus  prostré,  mais  manifeste  cependant  son  intelligence. 

Rien  d'appréciable  à  la  face;  yeux  non  déviés;  pupilles  égales,  con- 
tractiles. 

A  cinq  heures  le  chien  est  laissé  très-abattu,  mais  ayant  encore  de 
l'intelligence. 

Le  lendemain  matin  le  chien  est  dans  l'agonie,  n'entend  point  quand 
on  l'appelle;  résolution  complète  des  membres,  coma,  respiration  ster- 
toreusc.  Mort  à  une  heure  et  demie  de  l'après  midi,  l"'  août  1865. 

Autopsie  à  deux  heures.  —  Artères.  Obstruction  de  la  cérébrale 
moyenne  gauche  par  plusieurs  graines  de  tabac;  quelques-unes  ont  aussi 
pénétré  dans  ses  branches  ;  on  peut  en  compter  une  dizaine  environ. 

Deux  ou  trois  graines  sont  disséminées  dans  la  cérébrale  moyenne 
droite. 

Rien  dans  les  autres  branches  du  cercle  de  Willis  ni  dans  les  verté- 
brales. 

Cerveau.  Ramollissement  pulpeux  blanc  rosé  occupant  une  grande 
partie  de  l'hémisphère  gauche  (partie  moyenne  surtout). 

Les  circonvolutions  à  ce  niveau  sont  comme  confondues  les  unes  avec 
les  autres. 

Ce  ramollissement  gagne  la  profondeur  et  atteint  le  corps  strié  et  la 
couche  optique.  Le  corps  strié  est  rouge  et  diftluent. 

Hémisphère  droit.  Pas  de  ramollissement,  non  plus  que  dans  les  au- 
tres parties  de  l'encéphale. 

L'examen  microscopique  montre  des  débris  de  tubes  nerveux  disso- 
ciés, des  globules  sanguins,  mais  pas  de  corps  granuleux. 


63 

INJECTION  DE  GRAINES  DE  TABAC  DANS  LA  CAROTIDE  GAUCHE  (bOUT  PÉRIPHÉRI- 
QUE] ;  lîOTATIO.N  DE  GAUCHE  A  DROITE;  DÉVIATION  DES  \'EIIX  A  DROITE;  RA- 
MOLLISSEMENT   DES    HÉMISPHÈRES,    SURTOUT    PRONONCÉ    A    DROITE. 

Exp.  IV  (16  octobre  1865;.  —  Jeune  chien  de  taille  moyenne. 

A  trois  heures  et  demie  nous  injectons  dans  la  carotide  gauche  (bout 
périphérique)  environ  15  grammes  d'eau  tenant  en  suspension  des  graines 
de  tabac.  Immédiatement  après  l'opération,  le  chien  est  délié  et  nous 
constatons  les  phénomènes  suivants': 

Rotation  de  gauche  à  droite,  l'animal  exécute  un  mouvement  de 
manège  dans  un  très-petit  cercle.  Ce  phénomène  est  passager  et 
dure  au  plus  trois  minutes,  après  lesquelles  l'animal  tombe  à  terre.  Les 
yeux  regardent  tous  les  deux  à  droite;  pupille  gauche  très-dilatée,  7  à 
8  millimètres;  pupille  droite  contractée,  2  à3  millimètres.  L'animal 
pousse  des  cris  plaintifs. 

Au  bout  de  cinq  minutes  environ,  le  chien  cherchant  à  se  relever, 
nous  croyons  remarquer  que  la  patte  droite  antérieure  est  plus  faible 
que  la  gauche  ;  mais  il  ne  se  manifeste  pas  de  symptômes  précis  d'hé- 
miplégie. 

Au  bout  d'un  quart  d'heure  l'animal  reste  étendu  à  terre,  et  ce  n'est 
que  quand  on  l'excite  et  qu'on  le  remet  sur  ses  pattes  qu'il  marche  en 
chancelant;  il  se  jette  alors  sur  les  objets  qu'il  rencontre  en  parais- 
sant ne  pas  les  voir. 

Oualre  heures.  Voraissemeiils  bilieux. 

L'animal  tombe  dans  un  demi-coma  dont  on  ne  peut  le  sortir  qu'en 
l'excitant;  il  fait  alors  quelques  pas  en  chancelant,  il  tombe  tantôt  d'un 
côté,  tantôt  de  l'autre  et  pousse  de  temps  en  temps  des  cris  de  souf- 
france. 

Battements  du  cœur  réguliers,  peut-être  un  peu  précipités. 

Cinq  heures.  L'animal  est  dans  le  môme  état;  nouveaux  vomissements 
bilieux  ;  il  continue  à  pousser  fréquemment  des  cris  ;  sa  démarche  est 
toujours  chancelante;  la  vue  paraît  toujours  abolie;  le  côté  gauche 
semble  plus  faible  ;  dans  sa  démarche  chancelante  l'animal  porte  la  tête 
basse,  le  museau  appliqué  contre  le  sol,  et  à  plusieurs  reprises  il  exé- 
cute une  culbute  complète  (ce  que  nous  avions  déjà  remarqué  au  com- 
mencement de  l'expérience.) 

Sensibilité  obtuse,  mais  conservée  des  deux  côtés. 

L'animal  est  laissé  dans  cet  état;  on  le  trouve  le  lendemain  mort  et 
en  état  de  rigidité  cadavérique. 

Autopsie.  —  Artères  de  la  base.  Accumulation  de  graines  de  tabac 
dans  les  deux  artères  sylviennes  également  des  deux  côtés,  environ  8  à 
10  grains  dans  chaque. 


64 

On  eu  retrouve  aussi  dans  la  communiquante  antérieure,  dans  la  cé- 
rébrale postérieure  droite,  qui  conlourne  les  pédoncules,  et  qui  est 
complètement  oblitérée.  L'artère  cérébrale  postérieure  gauche,  au 
contraire,  est  libre  et  ne  contient  aucune  graine. 

Lésions.  Le  lobe  moyen  de  chaque  hémisphère  présente  à  sa  surface 
une  coloration  rosée  et  une  diminution  de  consistance  manifeste  avec 
coloration  grisâtre  de  la  substance  cérébrale;  ce  ramollissement  devient 
plus  manifeste  au  niveau  de  la  scissure  interhémisphérique. 

Ramollissement  violacé  occupant  le  pilier  postérieur  droit  de  la 
voûte  à  trois  piliers;  ce  pilier  est  pulpeux  et  infiltré  de  sang. 

Les  tubercules  quadrijumeaux  droits  sont  recouverts  d'une  bouillie 
gris  rose,  composée  du  tissu  cérébral  ramolli,  adhérant  à  la  pie-mère,  et 
qui  n'est  probablement  qu'une  partie  du  pilier  réduite  en  bouillie  et  qui 
est  restée  adhérente  aux  tubercules  quadrijumeaux.  Cette  bouillie  est 
infiltrée  de  sang.  Après  son  ablation,  nous  constatons  que  les  tubercules 
quadrijumeaux  sont  sains. 

Corps  striés.  Ramollissement  rouge,  légèrement  pulpeux  à  la  surface, 
occupant  le  noyau  ventriculaire  des  deux  corps  striés,  mais  plus  ac- 
cusé du  côté  droit,  où  nous  trouvons  une  partie  pointillée  rouge  d'apo- 
plexie capillaire.  Couche  optique,  pédoncules,  cervelet,  pilier  posté- 
rieur gauche  sains. 

INJECTION     DE    GRAINES    DE     TABAC     (cAROTIDE     GAUCnE,     BOUT     PÉRIPHÉRIQUE); 
RAMOLLISSEMENTS    MULTIPLES    PORTANT    SURTOUT    SUR    l'hÉMISPHÈRE    GAUCHE. 

Exp.  V(17  octobre).  —  Jeune  chienne  de  taille  moyenne.  A  trois  heu- 
res cinq  minutes,  injection  dans  la  carotide  gauche,  bout  périphérique, 
dV-nviron  6  grammes  d'eau  tenant  en  suspension  des  graines  de  tabac; 
l'injection  est  poussée  assez  violemment. 

L'animal  délié  pousse  des  cris  et  même  des  hurlements  de  souffrance. 

Faiblesse  générale,  légère  tendance  à  tourner  de  droite  à  gauche 
autour  du  train  postérieur. 

Evacuation  de  selles  solides. 

L'animal  exécute  des  mouvements  locomoteurs  réguliers,  mais  ne 
peut  se  tenir  debout  si  on  le  soulève;  il  peut  cependant  se  soutenir  sur 
SCS  pattes  postérieures. 

Pas  d'hémiplégie  notable. 

Trois  heures  un  quart.  L'animal  continue  à  pousser  des  cris,  se  dirige 
toujours  vers  la  porte,  se  dresse  contre  elle  et  la  gratte  de  ses  pattes  an- 
térieures comme  pour  sortir  de  la  chambre;  éloigné  de  cette  porte, 
l'animal  y  retourne  et  exécute  les  mômes  mouvements.  Légère  tendance 
ù  tourner  de  gauche  à  droite,  brtLements  du  cœur  réguliers. 

Trois  heures  vingt-cinq  minutes.  L'animal  tombe  dans  le  coma;  la 


65 
sensibilité  tlo  la  jambe  postérieure  droite  paraît  un  peu  moindre  que 
celle  de  la  gauche  ;  quand  on  marche  dessus  il  ne  la  retire  pas  comme 
la  gauche. 

Cinq  heures.  Coma  profond  ;  battements  du  cœur  plus  faibles,  mais 
réguliers.  La  résolution  des  membres  est  presque  complète. 

Le  matin,  à  neuf  heures,  le  chien  est  trouvé  mort  et  encore  chaud. 
Mort  probablement  à  sept  heures  du  matin  environ. 

Autopsie.  —  L'artère  carotide  gauche  est  oblitérée  par  un  caillot  noi- 
râtre dans  lequel  on  retrouve  quelques  graines  de  tabac. 

Pie-mère  injectée. 

Artères  de  la  base.  La  plus  grande  partie  des  artères  du  cercle  de 
Willis  contiennent  des  graines  de  tabac,  mais  particulièrement  les  deux 
sylviennes  et  surtout  la  gauche,  où  Ion  retrouve  une  agglomération  de 
graines  au  niveau  de  la  bifurcation  de  l'artère. 

Oblitération  des  communiquantes  antérieures.  Caillots  dans  les  com- 
muniquantes postérieures,  surtout  dans  la  gauche  qui  est  distendue  par 
un  caillot  noirâtre. 

Les  deux  artères  cérébrales  antérieures  dans  la  partie  qui  longe  la 
face  supérieure  des  corps  calleux  sont  obstruées  par  des  graines  de  ta- 
bac rangées  en  série  à  la  suite  les  unes  des  autres. 

Lésions  de  C encéphale.  Ramollissement  rouge  de  la  partie  moyenne 
de  l'hémisphère  gauche,  s'enfonçant  dans  la  profondeur  jusqu'à  la  sur- 
face du  ventricule  ;  en  un  point  rapproché  de  la  surface,  le  ramollisse- 
ment devient  pulpeux,  piqueté  de  rouge  ,  ressemblant  à  l'apoplexie 
capillaire.  Pas  de  ramollissement  dans  la  partie  antérieure  de  l'hémi- 
sphère; en  arrière  l'altération  n'a  pas  une  limite  bien  tranchée,  et  l'on 
retrouve  à  la  partie  tout  à  fait  postérieure  du  lobe  occipital  un  foyer  de 
ramollissement  blanc  pulpeux  de  la  grosseur  d'une  petite  noisette,  dont 
la  substance  s'est  même  répandue  sur  les  corps  quadrijumeaux  auxquels 
elle  est  adhérente.  > 

Corps  striés,  couches  optiques,  tubercules,  voûte  à  trois  piliers  sains. 

Cervelet.  On  constate  que  le  vermis  inferior  est  rouge,  congestionné, 
un  peu  ramolli  jusqu  à  son  centre. 

Quelques  points  rouges  d'apoplexie  capillaire  sur  le  plancher  du 
quatrième  ventricule. 

\S examen  microscopique  des  parties  ramollies  ne  fait  voir  que  des 
fibres  nerveuses,  les  unes  saines,  les  autres  fragmentées  et  en  débris. 
Pas  de  leucocytes  ni  de  corps  granuleux. 


MÉM. 


66 


INJECTION  DE  GRAINES  DE  TABAC  DANS  LA  CAROTIDE  DROITE  (bOUT  PÉRIPHÉRIQUE); 
MOUVEMENT  DE  MANEGE  DE  GAUCDE  A  DROITE  ;  HÉMIPLÉGIE  GAUCHE  INCOM- 
PLÈTE;   RAMOLLISSEMENT    PURULENT    DE    l'hÉMISPHÈRE    DROIT. 

Exp.  VI  (19  octobre).  —  Chienne  jeune  de  taille  moyenne.  La  veille 
nous  avions  cherché  à  lui  introduire  dans  la  carotide  droite,  par  Tinter- 
médiaire  d'une  collatérale,  quelques  graines  de  tabac,  mais  sans  succès. 
Aucun  accident  ne  se  produisit;  les  graines  n'avaient  pas  pénétré. 

Le  19,  quatre  heures  un  quart.  La  plaie  est  rouverte  et  nous  injec- 
tons dans  le  bout  périphérique  de  la  carotide  droite  une  fort  minime 
proportion  d'eau  tenant  en  suspension  des  graines  de  tabac  un  peu  plus 
volumineuses  que  celles  qui  ont  servi  dans  les  expériences  précédentes. 
Immédiatement,  cris  de  l'animal  qui  se  débat.  Quand  il  est  délié,  nous 
remarquons  les  symptômes  suivants  :  la  chienne  retombe  sur  le  côté 
gauche  et  fait  de  violents  mouvements  de  ses  membres  gauches  pour  se 
relever,  puis  retombe. 

Remis  sur  ses  pattes,  l'animal  décrit  bientôt  un  mouvement  de  ma- 
nège de  gauche  à  droite  et  dans  un  petit  cercle,  la  tête  est  constamment 
tournée  à  droite,  les  yeux  regardent  aussi  de  ce  côté.  Pupilles  égales, 
contractiles. 

Ces  symptômes  deviennent  bientôt  encore  plus  manifestes,  et  en 
quittant  l'animal  à  cinq  heures,  nous  constatons  une  hémiplégie  incom- 
plète du  côté  gauche,  le  mouvement  de  manège  de  gauche  à  droite,  la 
déviation  des  yeux  et  de  la  tête  à  droite  persistent.  L'animal  retombe 
toujours  sur  son  côté  gauche,  le  mouvement  des  pattes  gauches  est  dif- 
ficile; très-souvent  il  les  traîne  à  demi,  et  ne  pouvant  alors  les  appli- 
quer sur  la  face  plantaire,  il  appuie  la  face  dorsale  des  pattes  gauches 
contre  le  sol  et  tombe;  souvent  alors  les  pattes  gauches  (surtout  l'anté- 
rieure) s'écartent  à  angle  droit  et  Tanimai  ne  peut  les  rapprocher  qu'a- 
vec difficullé.  Les  mocivements  du  côté  droit  paraissent  normaux. 

Intelligence  conservée  ;  l'animal  cherche  à  se  défendre  et  à  mordre 
quand  on  veut  le  saisir. 
On  le  muselle,  et  il  cherche  à  enlever  la  muselière  avec  ses  pattes. 
Sensibilité.  Moindre  à  gauche  qu'à  droite,  mais  pas  éteinte. 
Les  cris  continuent  de  temps  en  temps,  mais  beaucoup  moins  que 
dans  les  précédentes  expériences. 

20  octobre,  dix  heures  et  demie.  L'animal  est  à  peu  près  dans  le 
même  état  que  la  veille,  quoiqu'il  puisse  mieux  se  soutenir  sur  ses  pat- 
tes gauches.  Intelligence  nette.  Pas  de  coma.  Le  mouvement  de  manège, 
la  déviation  de  la  tête  et  des  yeux  à  droite  subsistent,  mais  le  cercle  du 
manège  paraît  plus  grand  qu'hier. 


67 

23  octobre.  L'animal  est  resté  dans  le  même  état  qui  est  décrit  ci- 
dessus,  marchant  avec  plus  de  facilité  cependant  que  les  jours  précé- 
dents, mais  conservant  toujours  une  tendance  à  la  rotation;  il  continue 
à  paraître  triste  et  malade,  son  poil  est  hérissé;  il  mange  cependant  un 
peu,  boit  beaucoup.  Pas  de  perte  de  rintelligence. 

24  octobre.  L'animal  tombe  dans  le  coma  et  meurt  à  quatre  heures. 
Autopsie.  —  Artères  cérébrales.  On  retrouve  trois  graines  de  tabac 

dans  l'artère  sylvienne  droite. 

Hémisphère  droit.  Paraît  tuméfié  et  s'étale  quand  on  place  le  cerveau 
sur  sa  base;  au  toucher  il  est  fluctuant  et  paraît  diflluent.  Une  tache 
rouge  pointillée  d'apoplexie  capillaire  au  niveau  de  la  partie  externe 
du  lobe  moyen.  A  la  coupe  on  trouve  toute  la  substance  blanche  du 
centre  ovale  ramollie  et  difîluente  jusqu'au  ventricule  latéral.  Ce  foyer 
de  ramollissement  est  rempli  d'une  substance  verdâtre,  un  peu  filante 
et  ayant  l'apparence  de  pus  mêlé  à  de  la  substance  cérébrale.  L'exa- 
men microscopique  y  fait  découvrir  des  débris  de  fibres  nerveuses, 
des  granulations  graisseuses  isolées  et  en  groupe,  et  un  grand  nombre 
de  corpuscules  pyoïdes  montrant  l'existence  d'une  encéphalite  qui  était 
déjà  évidente  à  l'œil  nu. 

Coips  strié.  Présente  à  sa  partie  moyenne  un  petit  foyer  de  ramollis- 
sement grisâtre,  diflluent.  gros  comme  une  lentille. 

Couche  optique  saine. 

Hémisphère  gauche  sain. 

Cervelet.  Ramollissement  rouge  avec  quelciues  points  d'apoplexie  ca- 
pillaire au  niveau  du  vermis  inférieur. 

Analyse  de  ces  expériences.  —  Le  premier  symptôme  de  péné- 
tration de  l'injection  dans  les  artères  cérébrales  est  la  douleur  :  l'ani- 
mal pousse  des  cris.  ;  phénomène  que  nous  avons  presque  toujours 
remarqué  et  qui  était  môme  pour  nous,  dans  nos  dernières  expé- 
riences, un  signe  de  la  pénétration  de  l'injection  dans  le  cerveau. 
(Voir  les  exp.  Ill,  IV,  V,  VI  et  l'exp.  VIII,  p.  26.) 

Quelquefois  l'animal  tomba  dans  la  prostration  et  dans  un  demi- 
coma,  sans  que  nous  puissions  voir  de  phénomènes  hémiplégiques. 
C'était  dans  tes  cas  où  l'oblitération  était  trop  générale,  cas  qui  se 
rapprochaient  des  effets  produits  par  la  poudre  de  lycopode  ;  c'est 
même  là  une  des  causes  qui  nous  ont  fait  choisir  un  autre  procédé 
expérimental,  comme  nous  le  dirons  plus  loin. 

Cependant  dans  trois  expériences  de  cette  première  sci-ie  (III,  IV, 
VI),  nous  avons  observé  des  phénomènes  qui  se  rapprochent  de  l'hé- 
miplégie. L'hémiplégie  par  lésion  cérébrale  est  up  symptôme  que 


m 

Ton  n'observe  jamais  que  d'une  manière  incomplète  chez  les  animaux. 
C'est  ce  que  fait  remarquer  M.  Vulpian  (1)  clans  son  cours,  quand 
il  dit  :  «  Chez  les  animaux  il  est  extrêmement  diflicile  de  produire 
«  une  hémiplégie  complète  par  une  lésion  de  l'encéphale,  et  l'on  peut 
«  môme  dire,  d'une  façon  générale,  que  l'on  ne  peut  y  arriver.  » 

Mais  si  l'on  n'observe  pas  l'hémiplégie  complète  avec  flaccidité,  on 
peut  observer  du  moins  des  phénomènes  qui  s'en  rapprochent ,  une 
faiblesse  d'un  côté  du  corps,  par  exemple,  une  diminution  de  la  sen- 
sibilité et  surtout  des  phénomènes  de  rotation.  Nous  avons  eu,  en 
particulier,  plusieurs  fois  l'occasion  d'observer  un  mouvement  de 
manège  (exp.  III,  IV,  YII).  Dans  ce  mouvement  l'animal  exécutait  un 
cercle  à  diamètre  plus  ou  moins  considérable,  en  tournant,  comme  il 
est  de  règle,  vers  son  côté  non  paralysé;  le  côté  paralysé  ou  affaibli 
étant  au  contraire  placé  en  dehors  du  cercle  ;  mouvement  de  gauche 
à  d7oUe,  par  exemple,  si  la  lésion  se  trouve  dans  l'hémisphère  droit, 
et  le  côté  affaibli  étant  par  conséquent  le  côté  gauche. 

Ce  mouvement  s'accompagne  généralement  d'une  déviation  de  la 
tête  et  des  yeux  du  côté  opposé  à  la  paralysie,  les  deux  yeux  étant 
tournés  du  côté  de  la  lésion  cérébrale.  Ces  phénomènes  de  déviation 
des  yeux  et  de  la  tête  s'observent  assez  fréquemment  chez  l'homme 
frappé  d'hémiplégie,  comme  l'un  de  nous  l'a  déjà  fait  remarquer  dans 
une  publication  précédente  (2).  Chez  les  animaux,  cette  déviation  des 
yeux  et  de  la  tète  accompagne  ou  précède  la  rotation;  chez  l'homme, 
ne  serait-elle  pas  une  ébauche  de  ce  mouvement? 

Puisque  nous  parlons  maintenant  des  yeux,  ajoutons  que  nous 
avons  observé  une  fois  une  inégalité  pupillaire  (exp.  IV)  et  deux  fois 
une  perte  évidente  de  la  vue,  sans  que  nous  ayons  trouvé  à  l'autopsie, 
dans  ce  dernier  cas,  la  raison  de  ce  symptôme  ;  mais  nous  devons 
dire  que  nous  n'avons  pas  fait  de  recherches  minutieuses  à  cet  égard. 
(Exp.  IV  et  VIII.) 

Les  animaux  que  nous  opérions  ainsi  n'ont  pas  survécu  longtemps, 
ils  mouraient  ordinairement  après  six  à  dix  heures  ;  cependant  l'un 
d'eux  (exp.  VI)  a  survécu  trois  jours  (cas  dans  lequel  nous  avions 
fait  une  très-faible  injection). 

Généralement  après  avoir  gardé  quelque  temps  (une  heuie  et  quel- 

•^  -  ■■  ■-■  — ,  —  .        ..■ 

(1)  Revue  des  cours  scientifiques,  1865,  n'  27,  p.  454. 

(2)  Gaz.  hcbdom.,  1865,  n°  41,  p.  649. 


69 
quefois  davantage)  sa  connaissance  et  son  intelligence,  car  l'intelli- 
gence a  toujours  subsisté  pendant  quelque  temps  d'une  manière  ma- 
nifeste, l'animal  tombe,  tantôt  dans  un  demi-coma,  tantôt  dans  un 
carus  complet,  la  respiration  devient  stertoreuse  (exp.  111)  et  il  meurt 
par  asphyxie  comme  les  apoplectiques. 

Malgré  le  peu  de  temps  de  survie,  nous  avons  toujours  trouvé  à 
l'autopsie  des  lésions  évidentes  du  cerveau. 

En  premier  lieu,  nous  pouvions  constater  l'oblitération  artérielle 
qui  dans  les  expériences  les  mieux  réussies  élait  plus  limitée  (ce 
que  nous  cherchions  à  obtenir).  L'oblitération  par  la  graine  de  tabac 
est  en  effet  très-facile  à  constater  dans  les  artères  cérébrales,  car  la 
couleur  noire  de  cette  graine  tranche  avec  la  couleur  de  la  substance 
nerveuse. 

Très-souvent  (comme  chez  l'homme)  l'oblitération  avait  lieu  dans 
l'artère  sylvienne  et  la  graine  s'arrêtait  sur  la  partie  externe  de  l'hé- 
misphère à  l'endroit  où  l'artère  se  subdivise.  L'oblitération  habi- 
tuelle de  l'artère  sylvienne  dans  nos  expériences  est  un  fait  curieux 
à  observer,  d'autant  plus  que  chez  l'homme  également,^  l'embolie  se 
produit  très  fréquemment  dans  cette  artère  ;  mais  ne  pouvant  donner 
l'explication  de  ce  phénomène,  nous  nous  contentons  de  la  signaler 
(exp.  111,  IV,  Y,  VI,  Vlll  et  IX).  Souvent  il  est  vrai  cette  oblitération 
existait  aussi  dans  d'autres  artères  cérébrales,  mais  nous  avons  re- 
marqué alors  une  plus  grande  quantité  de  graines  dans  l'une  des 
cérébrales  moyennes;  quelquefois  même  l'oblitération  a  été  limitée 
aux  artères  sylviennes  (exp.  III  et  VIj. 

Dans  un  seul  cas  (exp.  IX)  l'oblitération  de  l'artère  sylvienne  man- 
quait avec  un  ramollissement,  mais  nous  devons  dire  que  ce  ramol- 
lissement très-limité  n'a  été  découvert  qu'après  la  section  du  cer- 
veau et  nous  n'avons  pas  pu  déterminer  exactement  la  branche 
oblitérée  qui  était  peut-être  une  branche  de  la  sylviene.  Quoi  qu'il  en 
soit  la  fréquence  de  l'oblitération  des  sylviennes  est  manifeste  dans 
nos  expériences  et  c'est  là  un  fait  assez  remarquable. 

Dans  ces  cas  de  mort,  même  rapide,  nous  avons  toujours  trouve 
une  lésion  de  l'encéphale  (1);  c'était  ordinairement  la  partie  moyenne 

(1)  De  riclies  anastomoses,  poinrait-on  dire,  n'existont-clles  pas  à  la 
base  du  cerveau,  et  le  cercle  de  Willis  ne  permet-il  pas  une  communi- 
cation très-facile  entre  les  diverses  branches  qui  lui  donnent  naisr 


70 
d'un  hémisphère,  quelquefois  tout  un  hémisphère  qui  était  ramolli, 
ce  ramollissement  pénétrant  dans  la  profondeur  et  atteignant  même 
quelquefois  le  ventricule  et  un  des  corps  striés. 

L'aspect  que  présentait  la  substance  ramollie  était  tout  à  fait  ana- 
logue à  celui  du  ramollissement  récent  de  l'homme.  (Voy.  pi.  III,  fig.  5.) 

L'hémisphère  était  quelquefois  comme  tuméfié  à  sa  surface,  la 
substance  cérébrale  présentait  par  places  des  taches  rouges  comme 
ecchymotiques  et  souvent  un  pointillé  d'apoplexie  capillaire.  Nous 
insisterons  d'ailleurs  dans  un  paragraphe  spécial  de  ce  mémoire,  sur 
cette  congestion  tout  à  fait  analogue  à  celle  que  l'on  rencontre  dans 
les  infarctus  des  autres  viscères  et  nous  chercherons  à  nous  en  rendre 
compte. 

A  l'examen  microscopique,  ces  parties  frappées  de  ramollissement 
offrent  aussi  un  aspect  tout  à  fait  analogue  à  celui  que  présente  le 
ramollissement  récent  observé  chez  Tbomme  ;  on  voit  des  tubes  ner- 
veux dissociés,  comme  brisés,  dans  quelques  parties  de  la  moelle 
nerveuse  en  gouttelettes,  des  globules  sanguins  rassemblés  par  place; 
en  un  mot,  un  tissu  dissocié  et  comme  réduit  en  bouillie,  très-com- 
parable aux  infarctus  récents  des  viscères. 

Dans  une  de  nos  expériences  (exp.  VI),  nous  avons  observe  un  ra- 
mollissement qui  contenait  du  pus.  L'accumulation  de  pus  autour 
d'infarctus  du  rein  a  aussi  été  observée  par  nous  dans  les  expériences 
que  nous  rapporterons  plus  loin.  Cette  altération  qui  ne  se  rencontre 

sance?  Loin  de  repousser  ce  fait,  loin  de  le  regarder  comme  contraire  à 
1  opinion  que  nous  avançons,  nous  dirons  même  qu'il  en  est  une  confir- 
mation. En  effet  les  oblitérations  artérielles  qui  siègent  en  deçà  du  cercle 
de  Willis  sont  beaucoup  moins  graves  dans  leurs  conséquences  que 
celles  qui  sont  situées  au  delà  do  l'hexagone  artériel.  C'est  pour  cela 
que  la  ligature  d'une  carotide  et  môme  des  deux  carotides  a  pu  ne  pas 
produire  de  mortification  du  tissu  encéphalique,  la  circulation  s'étant 
rétablie  dans  le  cercle  de  Willis  par  l'intermédiaire  des  vertébrales. 
Mais  si  l'oblitération  dépasse  le  cercle  et  se  fait  dans  une  sylvienne,  par 
exemple,  le  segment  cérébral  qui  en  dépend  subit  bientôt  un  trouble 
de  nutrition  et  se  ramollit.  MM.  Lancereaux  {De  la  tlirombose  et  de 
Ccuibolie  cérébrales,  Paris,  18G2,  p.  28),  liasse  (p.  513)  insistent  tous 
deux  sur  ce  fait,  qui  avait  déjà  frappé  M.  Ehrmann  {puvr.  cit.,  p.  63) 
quand  il  dit  :  «  L'oblitération  qui  siège  au  delà  des  communicantes 
«  rendant  la  circulation  collatérale  très-difficile  devra  être  presque 
«  nécessairement  suivie  de  lésions  profondes  du  tissu  cérébral.  » 


71 

pas  généralement  chez  l'homme,  doit  attirer  notre  attention  et  peut 
être  un  exemple  de  l'inflammation  consécutive  et  éliminatrice  formée 
autour  de  parties  frappées  de  nécroMose. 

Cette  opinion,  qui  avait  déjà  été  émise  par  M.  Virchow,  a  été  de 
nouveau  soutenue  par  MM.  Hasse  (1),  Leuhuscher  (2),  Cohn  (3)  et 
Bcrgmann  (4),  par  M.  Wagner  (5)  qui  pense  de  plus  que  les  abcès 
métastiques  ont  pour  cause  une  embolie  graisseuse. 

Mais  M.  0.  Weber  (6)  qui  insiste  aussi  sur  la  possibilité  de  la  sup- 
puration de  certains  infarctus,  ne  croit  pas  que  l'opinion  de  M.  Wagner 
sur  les  abcès  métastatiques,  soit  aussi  certaine  que  l'avance  cet 
auteur. 

DEUXIÈME  SÉRIE  D'EXPÉRIENCES. 

Voyant  que  la  mort  des  chiens,  que  nous  opérions  de  la  façon  pré- 
cédente, était  trop  prompte,  nous  avons  cherché  à  nous  mettre  dans 
des  conditions  un  peu  diflërentes  en  pensant  que  nous  nous  servions 
peut-être  de  corps  étrangers  trop  fins,  et  que  nous  les  introduisions 
par  une  pression  trop  forte  dans  les  vaisseaux.  En  conséquence  nous 
avons  pris  des  graines  de  tabac  (recueillies  au  Jardin  des  plantes) 
dont  le  diamètre  était  un  peu  plus  considérable  que  celui  des  graines 
que  nous  avions  employées  jusqu'alors,  nous  avons  ensuite  cherché  à 
nous  mettre  à  l'abri  de  la  pression  causée  par  l'injection. 

Nous  avons  d'abord  essayé,  mais  sans  succès,  une  expérience  qui 
pourrait  peut-être  réussir  sur  un  animal  plus  grand  que  le  chien. 
Elle  consistait  à  introduire  directement  dans  une  carotide  un  certain 
nombre  de  graines,  par  l'intermédiaire  d'une  collatérale,  limitant 
par  deux  serres-fines  la  portion  de  l'artère  carotide  dans  laquelle 
nous  introduisions  les  graines.  Cette  opération  est,  ou  le  comprend, 

(1)  Handbuchder  speciellen Pathologie  uncl  T/ierapie.Erlangen,  1855, 
redigirl  von  Virchow.  Vol.  IV,  1'^  partie,  p.  516. 

(2)  Die  Pathologie  und  Thérapie  der  Gehirnkrankheiten,  Berlin,  1854, 
p. 301. 

[^)  Klinik  der  embolîschen  Gefàsskrankheiten.  Berlin,  1860. 

(4)  Die  Lehi'e  von  der  Fetten  embolie.  Dorpat  1863. 

(5)  Die  capilluren  Embolie  mit  flussigen  Fett.  eine  Ursache  der 
Pyaemie.  Archiv.  der  Hcilkiinde,  1862,  III. 

(6)  Handbuch  der  allgemeinen  und  spcciellen  Chirurgie^  red.  von 
Pitha  undBillroth.  Erlangen,  1865,  p.  98. 


n 

fort  délicate  et  fort  difficile  à  exécuter  sur  des  artères  aussi  peu  vo- 
lumineuses que  celles  du  chien.  Nous  espérions  que,  après  la  ligature 
de  la  collatérale  et  après  l'ablation  des  deux  serres-fines  d'attente, 
le  courant  sanguin  se  réiaLlissant  dans  la  carotide,  entraînerait  les 
graines  de  tabac  et  les  transporterait  dans  les  artères  du  cerveau; 
mais  cette  expérience  (exp.  VI)  ne  nous  donna  aucun  résultat. 

Nous  pensâmes  alors  à  faire  des  injections  dans  le  bout  central  de 
la  carotide,  poussant  l'injection  dans  une  direction  contraire  à  celle 
du  courant  circulatoire,  la  graine  pouvant  ainsi  être  portée  dans  les 
artères  cérébrales  par  l'intermédiaire  de  l'autre  carotide  et  des  artères 
vertébrales  (exp.  IX,  X,  Vlll).  Nous  avons  aussi  cherché  à  obtenir  le 
même  résultat  par  une  injection  poussée  dans  le  bout  central  de  l'ar- 
tère axillaire  (exp.  Vil),  puis  dans  le  bout  central  d'une  crurale  en 
poussant  avec  force  une  injection  d'eau  tenant  en  suspension  une 
faible  quantité  de  graines  qui  devaient  ainsi  monter  jusqu'à  la  crosse 
de  l'aorte  et  nous  donner  une  obstruction  des  artères  cérébrales 
(exp.  XI). 

Ce  procédé  d'expérimentation  avait,  en  outre,  le  grand  avantage  de 
pouvoir  nous  donner,  en  même  temps  qu'un  ramollissement  cérébral, 
des  infarctus  des  différents  viscères,  et  de  montrer  ainsi  la  similitude 
de  genèse  de  ces  différentes  lésions. 

Voici  ces  expériences  que  nous  analyserons  ensuite  : 

INJECTION  DE  GRAINES  DE  TABAC  DANS  l'aRTÈRE  AXILLAIRE  GAUCHE;  INFARCTUS 
DES  REINS  ET  DE  LA  RATE;  ARTÈRES  OBSTRUÉES  PAR  DES  GRAINES  DE  TABAC  ; 
URINE    ALBUMINEUSE  ;    MORT    EN    TROIS  JOURS. 

Exp.  VII  (2  novembre  1865).  —  Vieux  chien  de  chasse  (6  ans  envi- 
ron), grande  taille,  très-vigoureux. 

A  trois  heures,  injection,  dans  l'artère  axillaire  gauche  (bout  central), 
d'eau  (20  grammes  environ)  tenant  en  suspension  des  graines  de  tabac. 
Malgré  la  force  d'impulsion,  il  ne  semble  pas  être  pénétré  beaucoup  de 
graines,  car  il  en  reste  beaucoup  dans  la  seringue.  Tristesse  qui  peut 
tenir  à  la  plaie  ;  emphysème  des  environs  de  la  plaie. 

Pas  de  phénomènes  de  paralysie. 

Les  jours  suivants,  le  chien  ne  présente  aucun  symptôme  nouveau, 
mais  continue  cependant  à  être  triste  et  abattu;  il  se  soutient  mal  sur 
la  jambe  gauche  antérieure  qui  a  subi  l'opération. 

5  novembre,  mort. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Rien  d'appréciable  à  l'encéphale. 

Cavité  thoracique.  Poumons  sains. 


73 

Cœur.  Rempli  de  caillots  noirâtres  dans  lesquels  on  ne  retrouve  pas 
do  graines  de  tabac,  non  plus  que  dans  l'aorte  thoracique. 

Foie.  Paraît  sain. 

Intestin.  Pas  de  lésion. 

Rate.  A  une  do  ses  extrémités,  tache  rouge  brunâtre,  boursouflée, 
dans  laquelle  le  tissu  est  ramolli  (infarctus). 

L'examen  microscopique  y  montre  des  débris  du  tissu  splénique 
mêlé  de  leucocytes  de  la  rate;  les  éléments  spléniques  sont  dissociés. 

Reins.  Les  deux  reins  présentent  plusieurs  infarctus.  Après  la  décor- 
tication  de  ces  organes,  ces  infarctus  se  présentent  comme  des  taches 
jaunâtres  à  la  surface  de  l'organe,  tranchant  avec  la  couleur  rose  du 
rein;  ils  sont  bien  limités  et  leurs  bords  sont  formés  par  une  ligne  si- 
nueuse ;  on  en  distingue  plusieurs  sur  chaque  rein.  (Voy.  pi.  I,  fig.  2.) 

A  la  coupe,  ils  se  montrent  jaunes  dans  la  substance  corticale,  et  la 
lésion  se  prolonge  dans  la  substance  médullaire  sous  forme  de  cônes  dont 
la  base  est  à  la  périphérie  et  le  sommet  vers  le  bassinet.  Ces  cônes  sont 
rouge  foncé  et  occupent  surtout  les  prolongements  qui,  dans  le  rein  du 
chien,  font  saillie  dans  le  bassinet. 

Les  vaisseaux  qui  aboutissent  à  ces  infarctus  sont  trouvés  oblitérés 
très-manifestement  par  une  ou  plusieurs  graines  de  tabac. 

L'apparence  que  présentent  ces  infarctus  est  tout  à  fait  type  et  rap- 
pelle en  tous  points  ceux  que  l'on  rencontre  chez  l'homme. 

L'urine  que  contient  la  vessie  est  assez  fortement  albumineuse  et  se 
teint  en  verdàtre  par  l'acide  nitrique  (particularité  d'ailleurs  fréquente 
chez  le  chien,  selon  M.  Vulpian). 

La  plaie  contient  beaucoup  de  caillots,  mais  pas  de  pus. 

Vaortc  abdominale  contient  quelques  caillots  dans  lesquels  on  trouve 
quelques  graines  de  tabac. 

Membres  inférieurs  sains;  pas  de  trace  de  mortification.  On  ne  re- 
trouve pas  de  graines  de  tabac  dans  les  artères  crurales. 

L'examen  microscopique  des  infarctus  du  rein  montre  que  les  tubes 
sont  opaques;  l'épithélium  est  plus  foncé  et  granuleux.  L'un  de  ces  in- 
farctus a  subi  un  ramollissement  plus  considérable  que  les  autres,  et 
est  constitué  à  son  centrepar  une  cavité  qui  logerait  une  petite  noisette, 
et  qui  est  remplie  d'une  boue  rougeâtre.  L'examen  microscopique  de 
cette  boue  la  montre  composée  d'éléments  rénaux  dissociés.  On  trouve 
des  débri:de  tubes  fragmentés  etopaciues,  etune  foule  de  corps  ovoïdes 
un  peu  granuleux  qui  paraissaient  être  des  leucocytes;  mais  ils  sont 
peu  distincts  et  peuvent  aussi  être  des  noyaux  de  cellules  épithéliales. 
A  l'œil  nu,  la  boue  rougeâtre  n'avait  pas  l'apparence  du  pus. 


74 


INJECTION  DE  GRAINES  1)E  TABAC  ;  BOUT  CENTRAL  DE  LA  CAROTIDE  GAUCHE  ;  RAMOL- 
LISSEMENT Cérébral;  infarctus  des  reins,  de  la  rate,  du  cœur;  gangrène 
DE  l'intestin  ;  mort  rapide. 

Exp.  VIII  (13  novembre  1865).  —  Jeune  chienne  de  race  lévrier, 
noire,  taille  moyenne.  A  trois  heures  injection  dans  le  bout  central  de 
la  carotide  gauche  d'eau  tenant  en  suspension  des  graines  de  tabac. 
Quelques  secondes  après  l'animal  pousse  des  cris  et  se  débat;  détaché, 
il  tombe  d'abord  dans  un  grand  abattement  presque  comateux;  il  gé- 
mit. Mais  huit  à  dix  minutes  après  ces  gémissements  cessent,  Tarumal 
se  lève  et  marche;  il  paraît  être  d'abord  faible  du  train  postérieur,  mais 
ces  phénomènes  cessent  bientôt  et  l'animal  marche  librement.  Pas 
de  tendance  hémiplégique,  pas  de  tendance  à  la  rotation. 

On  s'aperçoit  bientôt  que  l'animal  a  perdu  la  vue  :  il  va  se  heurter 
contre  les  objets  qu'il  rencontre  sur  son  chemin  ;  il  n'évite  pas  les  corps 
que  l'on  fait  passer  vivement  devant  ses  yeux.  L'ouïe  est  conservée; 
l'animal  se  détourne  quand  on  fait  du  bruit,  qu'on  le  siffle  ou  quand  on 
l'appelle. 

Pupille  gauche  plus  dilatée  que  la  droite  (elles  sont  contractiles). 

L'animal  bave  beaucoup. 

Il  est  laissé  dans  cet  état  à  quatre  heures  un  quart. 

Le  lendemain  matin,  à  neuf  ou  dix  heures,  on  le  trouve  mort  et  déjà 
froid. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Il  sort  une  assez  grande  quantité  de 
sang  à  l'ouverture  du  crâne. 

Artères.  Plusieurs  graines  de  Labac  se  voient  sur  les  branches  qui 
sillonnent  les  parties  latérales  et  supérieures  des  hémisphères.  Les 
branches  des  sylviennes  en  contiennent.  La  sylvienne  gauche  est  obli- 
térée à  son  point  d'élection,  c'est-à-dire  à  la  partie  externe  de  l'hé- 
misphère à  l'endroit  où  elle  se  divise. 

A  la  base  oblitération  delà  communiquante  postérieure  gauche,  de  la 
cérébrale  postérieure  et  d'une  de  ses  branches.  En  tout  10  à  15  graines 
de  tabac.  A  la  surface  du  cerveau,  ramollissement  rosé  de  la  partie 
moyenne  et  d'une  portion  de  la  partie  postérieure  du  lobe  gauche  :  ce 
ramollissement  s'étend  un  peu  dans  la  substance  blanche,  mais  a  une 
consistance  assez  ferme  et  n'est  pas  encore  pulpeux.  Ramollissement 
moins  étendu  de  la  partie  moyenne  de  l'hémisphère  droit,  la  base  du 
cerveau  (corps  striés,  couches  optiques,  cervelet)  n'offre  pas  de  ra- 
mollissement. 

Cœur.  L'artère  coronaire  antérieure  est  oblitérée  par  plusieurs  grains. 
La  pointe  du  cœur  est  un  peu  pâle.  Sur  une  des  colonnes  de  premier 


ordre  du  ventricule  gauche,  partie  supérieure,  on  retrouve  une  tache 
pointillée  rouge  (infarctus  évident). 

Foie  congestionné. 

Rate.  Plusieurs  infarctus  rouges  brunâtres  et  comme  tuméfiés,  taches 
pâles  dans  certaines  places. 

Reins.  Dans  chacun  d'eu\  tache  pâle  de  la  substance  corticale  à  li- 
mite sincuse  et  correspondant  à  des  cônes  injectés  de  la  substance  mé- 
dullaire. L'un  de  ces  infarctus  est  ramolli  et  presque  diffluent. 

Péritoine.  Contient  une  assez  grande  quantité  de  sarig. 

Intestin  grêle.  Dans  une  étendue  assez  considérable,  l'intestin  est 
très-fortement  congestionné,  d'un  rouge  foncé,  ramolli  et  prêt  à  tomber 
en  gangrène;  en  un  point  il  y  a  môme  quelques  phlyctènes;  on  n'a  pas 
cependant  trouvé  de  perforation.  Cette  imbibition  de  sang  et  cette  perte 
de  consistance  comprennent  toute  l'épaisseur  de  l'intestin. 

Le  mésentère  adhérent  â  ces  parties  est  sillonné  de  vaisseaux  très- 
injectés  en  un  point  qui  correspond  à  l'anse  intestinale  la  plus  avancée 
dans  sa  mortification;  plusieurs  de  ces  vaisseaux  sont  rompus  et  ont 
laissé  échapper  le  sang  qui  s'est  répandu  dans  le  péritoine. 

On  retrouve  des  graines  de  tabac  dans  les  artères  qui  correspondent 
aux  parties  mortifiées.  Dans  une  artère  qui  correspond  à  un  point  non 
mortifié,  on  retrouve  des  grains  de  tabac;  mais  à  sa  circonférence  cette 
artère  est  richement  anastomosée  avec  les  branches  voisines,  l'oblité- 
ration n'avait  pas  pénétré  assez  loin  pour  amener  l'arrêt  de  la  circula- 
tion qui  s'est  rétablie  par  les  collatérales  et  a  empêché  la  gangrène. 

Membres.  Rien. 

Aorte.  Contient  quelques  graines  de  tabac,  mais  pas  de  caillots. 

INJECTION  DE  GRAINES  DE  TABAC  DANS  l' ARTÈRE  CAROTIDE  DROITE  (bOUT  CEN- 
TRAL); RAMOLLISSEMENT  DU  CERVEAU  {aVEC  CORPS  GRANULEUX);  INFARCTUS 
DE  LA  RATE,  DES  REINS  AVEC  INCRUSTATIONS  DE  CARBONATE  DE  CHAUX)  ;  RIEN 
A    LA    moelle;    ANIMAL    SACRIFIÉ    AU    BOUT    DE    DIX    JOURS. 

Exp.  IX  (31  octobre  1865).  —  Jeune  chien  lévrier,  taille  moyenne.  A 
trois  heures,  injection  dans  le  bout  central  de  la  carotide  droite,  d'envi- 
ron 20  grammes  d'eau  tenant  en  suspension  des  graines  de  tabac  (quan- 
tité peu  considérable).  Délié,  l'animal  ne  présente  pas  de  symptôme 
bien  précis,  sauf  un  peu  de  tristesse.  De  plus,  il  se  tient  un  peu  bossu, 
comme  s'il  souffrait  des  reins  ;  ce  symptôme  n'a  cependant  pas  de  du- 
rée, et  le  chien  marche  bien. 

A  trois  heures  vingt  minutes,  le  chien,  sans  cause  appréciable,  s'af- 
faisse sur  son  train  postérieur  et  tombe  à  terre,  puis  se  relève,  fait 
quelques  pas  dans  la  chambre  et  tombe  de  nouveau  comme  s'il  éprou- 
vait une  faiblesse  des  membres  postérieurs.  Ce  phénomène  est  passager, 


76 
et  bientôt  le  chien  semble  marcher  comme  avant  l'opération,  sans  pré- 
senter de  symptômes  de  paralysie  appréciable.  Aucun  symptôme  céré- 
bral. 

2  novembre.  L'animal  est  bien  portant,  marche  bien,  pas  de  tristesse  ; 
il  mange  et  boit  bien. 

9  novembre.  Pas  de  phénomène  appréciable;  le  chien  mange  bien  et 
est  fort  gai. 

Le  10  novembre,  l'animal  ne  présentant  aucun  trouble  nouveau  ap- 
préciable, nous  le  sacrifions. 

Autopsie.  — A^dome??.  Foie  sain. 

Inleslin.  Idem.  • 

Les  reins  présentent  chacun  à  leur  surface  plusieurs  taches  jau- 
nâtres tranchant  par  leur  couleur  avec  la  coloration  normale  du  rein. 
Ces  taches  sont  limitées  par  des  bords  très-irrégulièrement  sinueux.  La 
surface  du  rein  à  ce  niveau  présente  une  dépression  froncée  comme  un 
début  de  cicatrice.  La  substance  qui  constitue  ces  parties  jaunes  est  in- 
durée et  résiste  à  la  coupe.  Ces  parties  correspondent  à  des  artères  obli- 
térées par  des  graines  de  tabac.  La  partie  jaune  n'intéresse  que  la  sub- 
stance corticale,  et  sa  prolongation  dans  la  substance  médullaire  est 
formée  par  une  espèce  de  cône  rouge  foncé  qui  se  prolonge  jusqu'au 
bassinet  (dans  la  partie  qui  fait  saillie  dans  le  bassinet). 

La  substance  rénale  qui  entoure  l'un  de  ces  infarctus  qui  est  resté 
jaune  et  dur,  est  constituée  par  une  sorte  de  bouillie  jaunâtre  mêlée  par 
places  de  stries  rouges  et  de  taches  ecchymotiques,  et  qui  est  constituée 
en  grande  partie  par  du  véritable  pus,  situé  soit  dans  la  substance  cor- 
ticale, soit  dans  la  médullaire.  (Voy.  pi.  I,  fig.  1.) 

L'examen  microscopique  des  parties  jaunes  fait  découvrir  des  tubes 
épais,  noirâtres,  qui  contiennent  pour  la  plupart  à  leur  intérieur  des 
granulations  graisseuses.  Dans  quelques-uns  même  ces  granulations  ont 
atteint  un  très-grand  volume.  Les  glomérulea  qui  sont  à  ce  niveau  sont 
aussi  infiltrés  de  graisse.  En  outre,  ces  tubes  paraissent  être  d'un  dia- 
mètre moins  considérable  que  celui  des  tubes  sains,  et  ils  sont  séparés 
les  uns  des  autres  par  du  tissu  conjonctif  de  nouvelle  formation,  et  qu'on 
ne  retrouve  pas  dans  les  parties  saines  où  les  tubes  se  touchent  presque. 
(Voy.  pi.  I,  fig.  4  et  5.) 

Dans  la  substance  médullaire  injectée  on  retrouve  un  grand  nombre 
de  tubes  normaux  ;  d'autres  ont  subi  une  dégénérescence  graisseuse  ; 
d'autres  enfin  paraissent  être  imbibés  de  sang. 

La  portion  suppurée  contient  des  éléments  de  pus  manifestes  ;  leuco- 
cytes et  granulations  pyoïdes  et  graisseuses. 

La  rate  présente  deux  grandes  plaques,  situées  à  chaque  extrémité  de 
l'organe,  le  tissu  y  est  induré;  on  remarque  en  outre  à  la  surface  une 


77 
multitude  de  petits  points  pâles  jaunâtres,  disséminés  surtout  à  la  partie 
moyenne  de  l'organe  et  du  volume  de  grains  de  millet. 

Les  branches  terminales  de  l'artère  splénique  contiennent  des  grains 
de  tabac. 

Le  cerveau  présente  à  la  partie  interne  du  lobe  postérieur  gauche, 
près  de  la  scissure  interhémisphérique,  un  petit  foyer  de  ramollisse- 
ment rosé,  de  la  grandeur  d'un  gros  pois,  dans  lequel  on  retrouve  des 
corps  granuleux  (Voy.  pi.  III,  fjg.  6);  quelques  graines  de  tabac  sont 
disséminées  dans  les  artères  des  méninges,  mais  pas  dans  la  sylvienne. 
On  n'a  pas  bien  pu  déterminer  l'artère  qui  correspondait  au  ramollis- 
sement, le  cerveau  ayant  été  coupé. 

Moelle  cpiniére  saine. 

N.  B.  Un  examen  un  peu  plus  soigné  des  reins  nous  donne  les  par- 
ticularités suivantes  : 

Les  parties  jaunes  indurées  crient  un  peu  sous  le  scalpel,  et  au  micro- 
scope ces  tubes  sont  remplis  de  petites  granulations  en  masses  qui  sem- 
blent moins  réfringentes  que  les  granulations  graisseuses.  L'addition 
d'acide  sulfurique  les  fait  disparaître  complètement,  et  cela  se  fait  avec 
effervescence  ;  il  se  forme  alors  des  cristaux  de  sulfate  de  chaux.  (Voy. 
pi.  I,  fig.  3.)  L'addition  d'acide  tartrique  donne  aussi  de  l'effervescence 
et  des  cristaux  de  tartrate  de  chaux. 

Le  même  phénomène  de  cristallisation  se  produit  avec  l'acide  acé- 
tique, on  obtient  de  petits  cristaux  assez  analogues  à  ceux  de  sulfate 
de  chaux,  probablement  acétate  de  chaux. 

L'addition  de  la  soude  caustique  éclaircit  la  préparation,  mais  ne 
fait  pas  disparaître  les  granulations. 

Ces  granulations  sont  donc  des  dépôts  de  carbonate  de  chaux. 

Les  réactions  ne  se  produisent  point  sur  les  parties  saines  du  rein  ; 
ces  accumulations  calcaires  sont  donc  localisées  dans  les  infarctus. 

INJECTION     DE    GRAINES     DE     TABAC     DANS    LE     BOUT     CENTRAL     DE     LA     CAROTIDE  , 
INFARCTUS   DE    PLUSIEURS    VISCÈRES  ;    ANIMAL   SACRIFIÉ     APRÈS    SEPT    JOURS. 

Exp.  X.  —  Jeune  chien  de  taille  moyenne.  Le  16  octobre  nous  lui 
avions  fait  dans  la  carotide  gauche  (bout  périphérique)  une  injection 
d'eau  tenant  en  suspension  des  graines  de  tabac,  mais  la  canule  s'étant 
bouchée,  aucun  effet  n'avait  été  produit. 

Le  18  octobre  le  chien  est  bien  portant;  sa  plaie  est  rouverte  et  nous 
plaçons  dans  le  bout  central  de  la  carotide  gauche  une  canule.  Nous 
injectons  une  petite  quantité  d'eau  tenant  en  suspension  des  graines 
de  tabac.  Le  résultat  immédiat  que  nous  voulions  produire  (passage  des 
graines  dans  l'autre  carotide)  fut  nul,  aucun  symptôme  cérébral  ne  se 


78 
montra,  mais  l'animal  parut  souffrir;  il  n'étendait  pas  bien  son  corps  et 
fléchissait  volontiers  sa  colonne  vertébrale,  se  tenant  comme  bossu. 
Ces  symptômes  ne  durèrent  cei)Gndant  pas,  et  l'animal  n'offrit  pas  de 
phénomènes  bien  saillants,  si  ce  n'est  de  la  tristesse  et  une  apparence 
de  malaise  général  que  nous  attribuions  à  sa  plaie  ou  à  des  désordres 
viscéraux. 

Il  resta  dans  ce  même  état  de  maladie  vague,  sans  présenter  de  symp- 
tômes cérébraux  ni  médullaires  jusqu'au  23  octobre.  Ce  jour-là,  nous 
le  pendîmes  et  fîmes  immédiatement  l'autopsie. 

Cavité  crânienne.  Rien  de  particulier,  si  ce  n'est  Tinjection  due  à  la 
pendaison. 

Cerveau.  Rien. 

Poumons.  Collapsus  pulmonaire  du  poumon  gauche. 

Cœtir  sain. 

Rate  présente  à  chacune  de  ses  extrémités  un  infarctus  très-ma- 
nifeste, de  la  grosseur  d'une  petite  noisette  environ;  la  substance  à 
ce  niveau  est  plus  pâle  que  dans  le  reste  de  l'organe  et  fait  une  saillie. 
On  ne  trouve  pas  l'oblitération  artérielle. 

Foie.  En  plusieurs  endroits  taches  pâles  disséminées,  mal  limitées, 
et  présentant  à  leur  centre  un  pointillé  rouge  et  atteignant  la  dimension 
d'environ  1  franc  (infarctus  probables). 

Reins.  Sont  surtout  remarquables;  ils  présentent  plnsieurs  infarctus 
très-étendus,  rouges  au  centre  et  entourés  d'un  cercle  jaunâtre  ;  la  mor- 
tification s'étend  dans  la  profondeur  de  l'organe,  et  atteint  jusqu'à  la 
substance  médullaire  en  certains  points.  Les  artères  sont  ouvertes  avec 
soin,  et  l'on  trouve  trois  petites  branches  qui  se  rendent  à  des  portions 
de  l'organe  affectées  d'infarctus,  oblitérées  par  des  graines  de  tabac. 
Ces  branches  secondaires  ont  un  diamètre  d'environ  un  tiers  de  milli- 
mètre. 

L'examen  microscopique  montre  que  les  parties  jaunâtres  sont 
remplies  de  graisse,  les  tubes  obscurs  noirâtres  présentent  à  leur  inté- 
rieur de  nombreuses  granulations  graisseuses  volumineuses  qui  rem- 
plissent les  tubuli.  Les  tubuli  des  parties  saines  sont  aussi  examinés  et 
présentent  une  toute  autre  apparence,  on  y  retrouve  aussi,  il  est  vrai, 
de  fines  granulations  graisseuses,  qui  existent  souvent  chez  le  chien  à 
l'état  normal,  mais  ces  tubes  sont  transparents,  on  n'y  retrouve  pas  les 
grosses  granulations  que  contiennent  les  tubes  nialades  ;  ils  n'offrent  en 
un  mot  rien  d'analogue. 

Membres  n'offrent  pas  de  points  gangrenés. 

Intestin.  On  n'y  a  pas  retrouvé  d'infarctus. 


I.NJECTIOX  DE  GRAINES  DE  TABAC  DANS  LES  CRURALES  ;  INFARCTUS  DU  FOIE,  DE 
LA  RATE,  DES  REINS  ;  GANGRÈNE  DE  l'iNTESTIN  GRÊLE  ;  GRAINES  RETROUVÉES 
DANS    LES    BUANCHES    CORRESPONDANT    A    CES    LÉSIONS;    MOUT    RAI'IDE. 

Exp.  XI  (3  novembre  1865).—  Chienne  épagneule  de  taille  moyenne, 
âgée  d'environ  2  ans. 

Le  3  novembre,  à  trois  heures,  injection  dans  l'artère  crurale  droite 
(bout  central)  d'eau  tenant  on  suspension  une  minime  proportion  de 
graines  de  tabac,  dans  le  but  d'obtenir  des  infarctus  et  un  ramollisse- 
ment; mais  l'artère  se  rompit,  et  nous  crûmes  que  l'expérience  avait 
échoué. 

Nous  la  répétons  immédiatement  sur  la  crurale  gauche,  accident  ana- 
logue ;  la  canule  sort  de  l'artère  et  nous  avons  une  assez  forte  hémor- 
rhagie,  que  nous  arrêtons  bientôt  par  la  ligature  de  l'artère.  Les  plaies 
sont  recousues,  l'animal  ne  présente  pas  d'autres  phénomènes  que  de  la 
tristesse  et  de  l'abattement. 

Le  lendemain  (midi)  il  était  mort,  et  l'on  trouva  auprès  de  lui  du  li- 
quide sanguinolent  qui  prouvait  une  hémorrhagie. 

Autopsie.  —  Cerveau  et  moelle  épinière,  aucune  lésion. 

Cavité  thoracique.  Poumons  sains. 

Cœur.  Caillots  noirâtres  dans  lesquels  nous  ne  retrouvons  pas  de 
graines  de  tabac. 

L aorte  offre  aussi  quelques  caillots  peu  volumineux,  mais  nous  n'y 
voyons  pas  de  graines. 

Cavité  abdominale.  Foie.  Présente  en  plusieurs  endroits  des  taches 
blanchâtres,  pâles,  tranchant  avec  la  rougeur  du  reste  de  l'organe, 
mais  pas  de  désorganisation  bien  avancée  du  tissu  de  l'organe. 

Dans  une  des  branches  de  l'artère  hépatique  deux  ou  trois  graines  de 
tabac. 

Bâte.  Plaques  blanchâtres  par  places  et  taches  rougeâtres  comme  ec- 
chymotiques  dans  leur  voisinage. 

Dans  une  des  branches  de  la  splénique,  plusieurs  graines  de  tabac. 

Intestin.  Dans  la  cavité  péritonéale  on  aperçoit  immédiatement  une 
espèce  de  magma  de  matières  compactes,  sortes  de  caillots  mêlés  à 
d'autres  substances  (matières  intestinales  et  débris  de  sphacèle).  En 
nettoyant  ces  caillots,  il  est  facile  de  découvrir  une  anse  intestinale 
qui  est  complètement  réduite  en  bouillie  dans  une  étendue  de  4  à  5  cen- 
timètres, verdâtre  et  brunâtre,  mêlée  de  sang,  et  qui  offre  une  légère 
odeur  de  sphacèle.  L'intestin  est  enlevé,  et  l'on  trouve  en  d'autres 
places  des  altérations  analogues,  mais  pas  aussi  avancées  que  la  précé- 
dente, et  caractérisées  par  des  plaques  rougeâtres  de  l'intestin  qui  a 
perdu  à  ce  niveau  sa  consistance,  et  se  déchire  plus  facilement.  Ces 


go 

altérations  affectent  plusieurs  anses  de  l'intestin  grêle,  et  sont  séparées 
par  des  parties  intestinales  saines. 

Le  mésentère  qui  correspond  à  ces  lésions  est  très-injecté,  et  sillonné 
de  traînées  rouges  qui  suivent  le  trajet  des  vaisseaux.  A  ce  niveau  le 
tissu  est  notablement  épaissi. 

Plusieurs  petites  branches  de  la  mésentérique  sont  ouvertes  (celles 
qui  correspondent  à  ces  lésions  nécrobiotiques),  nous  retrouvons  dans 
presque  toutes  des  graines  de  tabac,  et  surtout  dans  celles  qui  se  trou- 
vent au  niveau  de  l'anse  intestinale  mortifiée. 

Beins.  Leur  surface  présente  des  taches  sales  et  des  portions  injec- 
tées et  ramollies.  A  l'extrémité  de  l'un  d'eux  en  particulier  on  retrouve 
une  partie  ramollie  et  presque  réduite  en  bouillie  brun  rougeâtre,  infiltrée 
de  sang.  Les  branches  de  l'artère  rénale  ouvertes  montrent  des  obstrue 
tions  par  des  graines  de  tabac  dans  les  branches  qui  correspondent  à 
ces  infarctus  hémorrhagiques.  Les  branches  qui  correspondent  aux  par- 
ties saines  du  rein  sont,  au  contraire,  parfaitement  libres  d'oblitération. 

ANALYSE   DE   CES  EXPÉRIENCES. 

Rarement,  comme  on  peut  le  voir  par  la  lecture  de  ces  expériences, 
nous  avons  pu  obtenir  l'oblitération  des  artères  cérébrales,  l'injec- 
tion se  portait  dans  l'aorte  descendante,  et  ne  donnait  lieu  qu'à  des 
infarctus  des  viscères  abdominaux.  Cependant  deux  fois  (exp.  VIII, 
IX)  nous  avons  été  assez  heureux  pour  obtenir  cette  simultanéité  de 
lésions.  Cette  preuve  nous  suffit  pleinement,  et  les  autres  expériences 
nous  ont  permis  d'étudier  la  formation  des  infarctus  viscéraux  et  de 
la  comparer  à  celle  du  ramollissement  cérébral  (1). 

Quand  l'injection  était  faible,  les  symptômes  immédiats  observés 
étaient  fort  peu  sensibles,  et  les  lésions  anatomiques  se  sont  bornées 
souvent  dans  ces  cas  à  des  infarctus  des  reins;  quelquefois  l'animal 
semblait  éprouver  dans  les  premières  heures  des  douleurs  dans  la 
région  lombaire;  deux  fois  nous  avons  remarqué  qu'il  se  tenait 
comme  bossu,  était  triste  et  semblait  souffrir  eu  marchant  (exp.  IX,  X). 
Pouvait-on  attribuer  cette  attitude  et  cette  tristesse  à  des  lésions 
viscérales,  ou  étaient-elles  le  résultat  de  l'opération  et  de  la  souf- 
france causée  par  les  liens  constricteurs  employés  pour  le  mainte- 
nir? C'est  ce  que  nous  ne  pouvons  décider. 

Dans  plusieurs  cas,  les  accidents  furent  plus  considérables,  l'ani- 

(1)  Voy.  dans  la  seconde  partie  de  ce  travail  des  expériences  analo- 
gues que  nous  avons  faites  depuis. 


81 
mal  so  débattit,  poussa  dos  rris,  tom])a  bientôt  dans  l'al)attGmGnt  et 
mourut;  il  existait  alors  des  lésions  viscérales  graves,  comme  nous 
le  vîmes  à  l'autopsie. 

L'albuminurie  a  été  signalée  comme  un  résultat  des  infarctus  des 
reins;  nous  n'avons  pas  fait  pendant  la  vie  des  recherches  à  cet 
égard  ;  mais  dans  une  autopsie  faite  (exp.  VU)  dix  heures  environ 
après  la  mort,  l'urine  contenue  dans  la  vessie  était  très-albumineuse. 
Il  est  vrai  que  la  constatation  post  inortcm  d'urines  albumineuses 
n'offre  pas  autant  de  valeur  que  si  ce  symptôme  avait  été  signalé 
pendant  la  vie. 

Quant  aux  lésions  que  nous  avons  trouvées  à  l'autopsie,  elles  sont 
variées,  mais  dans  tous  les  cas  nous  avons  retrouvé  des  infarctus  de 
la  rate  et  des  reins,  ce  qui  exphque  la  fréquence  de  cette  lésion 
chez  l'homme  par  rapport  aux  autres  organes. 

Passons  en  revue  ces  lésions  trouvées  dans  les  divers  organes. 

Cerveau.  —  Dans  les  cinq  expériences  de  cette  deuxième  série, 
deux  fois  seulement  des  graines  de  tabac  ont  pénétré  dans  les  artères 
cérébrales  et  ont  déterminé  le  ramollissement  du  cerveau.  Dans  l'ex- 
périence Vlll,  la  mort  a  été  rapide;  le  ramollissement  était  rosé,  la 
substance  cérébrale  encore  assez  consistante.  Les  lésions  présen- 
taient, en  un  mot,  une  parfaite  identité  avec  celles  que  nous  avons  ob- 
servées après  l'injection  de  graines  de  tabac  dans  le  bout  périphéri- 
que d'une  carotide  quand  la  mort  était  rapide.  Dans  l'expérience  IX, 
nous  avons  obtenu  ce  que  nous  recherchions;  l'animal  a  survécu 
à  l'expérience,  et  nous  Tavons  sacrifié  au  bout  de  dix  jours;  chez  cet 
animal  existait  un  foyer  de  ramollissement  rouge  framboise,  dans 
lequel  on  retrouvait  une  grande  quantité  de  granulations  graisseuses 
et  de  corps  granuleux. 

Cœur.  —  Dans  un  cas  (exp.  VIII)  nous  avons  trouvé  l'artère  coro- 
naire antérieure  oblitérée  par  des  graines  de  tabac,  et  sur  une  des 
colonnes  charnues  du  ventricule  gauche  se  trouvait  une  tache  rosée, 
comme  ecchymotique  (infarctus;.  Les  fibres  musculaires  ne  nous  ont 
pas  paru  altérées  à  ce  niveau,  la  lésion  était  d'ailleurs  très-légère.  La 
pointe  du  cœur  était  un  peu  pâle.  Des  altérations  analogues  ont  déjà 
été  signalées  par  M.  Panum  (1)  ainsi  que  par  M.  0.  Weber  (2)  à  la  suite 


(i)  Ouvr.  cit.,  p.  89  et  99,  exp.  I  et  V. 
(2)  Ouvr.  cil.,  p.  86  et  suiv. 

MÉM.  6 


82 
d'injections  de  pus  dans  les  veines.  Le  pus,  d'après  cet  auteur,  pour- 
rait passer  à  travers  les  capillaires  pulmonaires  dans  les  veines  pul- 
monaires, et  de  là  être  lancé  dans  la  circulation  artérielle  et  y  ame- 
ner des  coagulations  et  des  phénomènes  métastatiques;  opinion  qui 
a  déjà  été  avancée  par  A.  Schmidt  (1)  et  par  quelques  autres  auteurs. 

Foie.  —Nous  y  avons  rencontré  aussi  quelques  exemples  d'infarc- 
tus maisàun  degré  peu  avancé;  ils  étaient  caractérisés  par  des  taches 
pâles  présentant  par  places  et  à  leur  circonférence  un  pointillé  rouge. 
L  organe  était  dans  ces  cas  assez  généralement  congestionné.  Nous 
avons  retrouvé  des  oblitérations  dans  les  branches  de  l'artère  hépa- 
tique (exp.  X,  XI). 

Rate.  —  Dan  s  presque  toutes  nos  expériences  la  rate  nous  a  présenté 
un  ou  plusieurs  infarctus.  Quand  la  mort  était  survenue  prompte- 
nient  les  infarctus  étaient  formés  par  des  taches  de  coloration  rouge 
brunâtre,  faisant  saillie  à  la  surface  de  l'organe  et  présentant  des 
bords  nettement  limités  (Voy.  pi.  11,  lig.  9)  ;  à  la  coupe,  la  substance 
spléuique  offrait  un  ramollissement  manifeste  (exp.  VII,  VIIl,  X,  XI). 

Nous  avons  retrouvé  chaque  fois  que  nous  l'avons  recherché  les 
branches  des  artères  spléniques  correspondant  à  ces  parties  oblité- 
rées par  des  graines. 

L'examen  microscopique  des  lésions  de  la  rate  est  très-difficile  vu 
le  peu  de  consistance  de  l'organe  et  vu  la  forme  peu  déterminée  de 
ses  éléments ,  aussi  ne  nous  a-t-il  rien  fourni  d'intéressant  à  si- 
gnaler. 

Quand  la  lésion  était  plus  ancienne  (exp.  IX)  les  parties  frappées 
d'infarctus  étaient  plus  blanches,  plus  indurées,  et  présentaient  même 
une  certaine  rétraction. 

Intestin.  —  Deux  fois  nous  avons  pu  observer  une  gangrène  de 
l'intestin  grêle  très-étendue  dans  un  cas  (exp.  VIIl)  et  assez  avan- 
cée dans  un  autre  (exp.  XI)  pour  avoir  causé  la  perforation  de 
l'organe.  Dans  l'expérience  VIII  l'intestin  rouge  brunûli'e  olfrait  un 
tissu  mou,  facile  à  déchirer;  tout  indiquait  une  gangrène  imminente. 
Dans  ces  deux  cas  le  péritoine  contenait  du  sang  et  du  putrilage,  les 
vaisseaux  mésentériques  très-visibles  étaient  très-injectés  et  avaient 
même  laissé  transsuder  par  places  du  sang  qui  formait  des  caillots 
allongés  accumulés  le  long  de  ces  vaisseaux.  C'était  évidemment  là 


(1)  Dubois  und  Reicherl's,  Aucniv.,  18GI, 


83 
la  cause  de  l'hémorrhagie  péritonéale.  Cette  gangrène  a  été  très-pro- 
bablement la  cause  de  la  mort  dans  ces  deux  expériences. 

Membres.  —  Nous  n'avons  point  eu  de  cas  de  gangrène  des 
membres. 

Moelle  épinière.  —  Le  plus  souvent  aucun  symptôme  môdullaii-c 
ne  s'étant  manifesté  pendant  la  vie,  nous  avons  négligé  d'ouvrir  le: 
canal  rachidien,  opération  longue  et  difficile. 

Cependant  dans  un  cas  (exp.  IX)  où  l'animal  avait  présenté  au  début 
quelques  symptômes  de  paraplégie  peu  précis,  pouvant  peut-être 
se  rapprocher  de  la  claudication  intermittente,  nous  avons  examiné 
la  moelle  qui  était  parfaitement  saine.  En  se  reportant  à  l'observa- 
tion II,  on  verra  que  nous  avions  observé  chez  un  lapin  un  ramol- 
lissement peu  certain  il  est  vrai  de  la  moelle.  M.  Panum  en  cite  d'ail- 
leurs plusieurs  exemples,  et  M.  Vulpian  (1)  a  eu  l'occasion  d"eu  obser- 
ver un  chez  un  chien  mort  vingt  heures  après  une  injection  chargée 
de  poudre  de  lycopode  faite  dans  le  bout  central  de  l'artère  crurale. 

Reins.  —  Ce  sont  ces  organes  qui  nous  ont  donné  les  lésions  les 
plus  remarquables  et  les  plus  fréquentes  ;  car  dans  toutes  les  expé- 
riences de  cette  seconde  série  les  reins  présentaient  des  infarctus. 

Nous  devons  d'abord  dire  que  dans  tous  les  cas  nous  avons  trouvé 
une  oblitération  de  l'artériole  correspondant  à  l'infarctus.  Quand  la 
proportion  des  graines  qui  avaient  pénétré  dans  ces  artérioles  était 
peu  considérable,  nous  n'en  avons  pas  trouvé  dans  les  grosses  bran- 
ches de  l'artère  rénale,  mais  elles  avaient  été  se  loger  dans  les  petits 
rameaux  et  ordinairement  à  l'endroit  où  ces  rameaux  pénètrent  dans 
la  substance  corticale. 

Le  moyen  le  plus  simple  de  trouver  l'oblitération  est  de  faire  d'a- 
bord une  coupe  de  l'organe  de  manière  à  le  diviser  en  deux  moitiés 
et  à  couvrir  le  bassinet;  cela  fait,  la  portion  de  l'organe  qui  fait 
saillie  dans  le  bassinet  est  sectionnée,  ainsi  que  les  calices,  ce  qui 
permet  alors  de  découvrir  lartère,  de  suivre  son  trajet,  de  la  dissé- 
quer et  de  l'ouvrir. 

Les  graines  de  tabac  sont  quelquefois  visibles  par  transparence  ; 
mais  quand  elles  sont  logées  dans  de  petites  branches  il  faut  une  cer- 
taine habitude  pour  les  découvrir.  Au  début  de  nos  recherches  nous 
avions  quelquefois  une  assez  grande  difficulté  à  retrouver  l'oblitéra- 


(1)  Ouvr.  cit.,  p.  13. 


84 
tiof!,  mais  dans  nos  dornïères  expériences  en  suivant  le  procédé  que 
nous  indiquons  ci-dessus,  nous  y  arrivions  facilement.  C'est  là  un 
fait  sur  lequel  nous  devons  attirer  l'attention  et  qui  démontre  que  la 
recherche  d'une  oblitération  artérielle  n'est  pas  toujours  une  chose 
très-simple  et  que  souvent  l'oblitération  peut  échapper  si  la  recherche 
n'est  pas  minutieuse.  Bien  des  cas  pathologiques  doivent  donc  par 
analogie  être  rapprochés  de  ceux  dans  lesquels  l'oblitération  vascu- 
laire  a  été  démontrée,  lors  même  que  l'oblitération  n'y  a  pas  été 
trouvée,  car  elle  peut  quelquefois  échapper  même  à  un  œil  exercé. 

Les  infarctus  des  reins  sont  surtout  manifestes  quand  on  décorti- 
que l'organe.  Ce  soin  préalable  est  nécessaire,  quoique  la  lésion  ap- 
paraisse déjà  par  transparence  au  travers  de  la  capsule  de  Glisson. 

Quand  la  mort  de  l'animal  est  survenue  peu  de  temps  après  l'in- 
jection, nous  avons  trouvé  sur  l'organe  décortiqué  des  taches  pâles, 
présentant  des  bords  sinueux  el  entourées  de  parties  fortement  con- 
gestionnées. Quelquefois  au  centre  de  la  partie  se  trouvait  un  piqueté 
de  congestion.  A  la  coupe  la  substance  rénale  offrait  au  niveau  des 
infarctus  une  consistance  moindre  que  dans  les  autres  parties  de 
l'organe  et  môme  était  quelquefois  réduite  en  une  sorte  de  bouillie; 
on  voyait  en  outre  à  la  coupe  les  pyramides  correspondant  à  la  partie 
anémiée  de  la  substance  corticale,  très-fortement  injectées  et  formant 
des  cônes  rouges  dont  la  base  se  dirigeait  vers  la  surface  et  le  som- 
met vers  le  bassinet. 

L'examen  microscopique  de  ces  infarctus  récents  nous  y  fit  voir 
des  débris  de  tubes  rénaux  mélangés  de  globules  sanguins;  les  tubes 
ne  présentaient  pas  un  nombre  de  granulations  graisseuses  plus  con- 
sidérable que  ceux  du  reste  de  l'organe.  Nous  trouvions  quelquefois 
quelques  tubes  isolés  remplis  de  granulations  graisseuses;  mais  chez 
le  chien  cette  particularité  se  retrouve  même  à  l'état  sain  et  ces  tubes 
gras  isolés  se  retrouvaient  aussi  bien  dans  la  partie  saine  que  dans  la 
partie  malade  de  l'organe. 

Quand  l'animal  survécut  plus  d'un  jour,  les  altérations  rénales  de- 
venaientbien  plus  manifestes.  La  surface  de  l'infarctus,  au  lieu  d'être 
plutôt  saillante  comme  dans  le  premier  cas,  était  efTacée,  quelquefois 
môme  légèrement  excavée,  comme  si  l'organe  avait  subi  un  certain 
degré  de  rétraction  à  ce  niveau,  ce  qui  se  montra  surtout  évident 
chez  le  chien  que  nous  gardâmes  dix  jours  vivant  après  l'opération 
(exp.  IX).  La  surface  de  l'infarctus  était  alors  plus  pâle  encore  que 


85 
dans  les  premiers  cas  et  avait  pris  une  coloration  jaunâtre  qui  tran- 
chait avec  la  couleur  du  reste  de  l'organe.  A  la  coupe  on  retrouvait 
encore  les  cônes  injectés  entourant  l'artère  oblitérée. 

A  l'examen  microscopique  les  tubes  étaient  opaques,  souvent  dis- 
sociés et  remplis  de  granulations  (exp.  VII,  X).  Nous  les  avions  con- 
sidérées comme  graisseuses,  mais  nous  n'avions  pas,  il  est  vrai,  fait 
les  mêmes  recherches  que  pour  les  infarctus  rénaux  obtenus  dans 
l'expérience  IX,  en  sorte  que  ces  granulations  pourraient  bien  n'être 
pas  graisseuses,  mais  calcaires  comme  dans  rexpérience  IX.  Nous 
ne  pouvons  rien  dire  de  précis  à  cet  égard,  car  quand  nous  avons  dé- 
couvert rinci  ustation  des  tubes  de  Texpérience  IX,  les  reins  de  nos 
précédentes  expériences  avaient  macéié  dans  l'acide  chromique  et 
étaient  altérés,  ce  qui  ne  nous  a  pas  permis  d'en  faire  un  examen 
complet. 

L'expérience  IX  nous  a  présenté,  comme  nous  le  disons,  une  alté- 
ration assez  remarquable,  dont  nous  avons  entretenu  la  Société  de 
biologie  dans  une  précédente  communication.  La  surface  de  ces  in- 
farctus était  rétractée,  formée  d'un  tissu  dur,  criant  un  peu  sous  le 
scalpel  ;  cette  partie  indurée  ne  se  prolongeait  pas  en  profondeur  au 
delà  de  la  substance  corticale.  L'examen  microscopique  de  ces  par- 
ties montrait  que  les  taches  et  les  glomérules  étaient  remplis  de  gra- 
nulations moléculaires  demi-trans'parentes,  ou  quelquefois  de  masses 
amorphes  demi-ti'ansparentes  aussi,  dont  la  réfringence  était  moin- 
dre que  celle  de  la  graisse. 

En  les  traitant  par  la  soude  caustique,  elles  ne  subissaient  aucune 
modification,  ce  qui  prouvait  qu'il  ne  s'agissait  pas  de  fibrine  en  voie 
de  régression.  En  les  traitant  par  des  acides,  il  se  produisait  une 
effervescence,  les  granulations  disparaissaient  et  il  se  formait  ae 
nombreux  cristaux  de  5M//a^e,  de  tartrate,  d'acétate  de  chaux,  selon 
que  nous  avions  employé  deVacide  sulCurique,  de  Vacide  tartrique  ou 
de  Vacide  acéficiiic  pour  déplacer  l'acide  carbonique.  Ces  granulations 
étaient  donc  composées  par  du  carbonate  de  chaux. 

L'incrustation  de  sels  calcaires  dans  d'anciens  infarctus  a  déjà  été 
remarquée  et  nous  avons  nous-même  eu  deux  occasions  d'en  observer 
à  la  Salpètrière  depuis  notre  expérience  ;  nous  avons  d'ailleurs  pré- 
senté tout  dernièrement  à  la  Société  de  biologie  une  note  relative  à 
l'un  de  ces  deux  cas.  (Voy.  pi.  1,  fig.  6  et  7.)  Mais  d'habitude  celte 
altération  se  rencontre  dans  les  infarctus  déjà  anciens,  et  il  est 


86 
assez  remarquable  dans  notre  expérience  de  la  trouver  dix  jours 
après  la  production  de  l'infarctus. 

Nous  avons  trouvé  quelquefois  des  infarctus  dans  lesquels  le  tissu 
rénal  était  transformé  en  une  bouillie  rougeâtre  (exp.  VII,  VIII, 
XI),  on  retrouvait  à  l'examen  microscopique  dans  la  plupart  de  ces 
cas  des  débris  de  tubes,  des  globules  sanguins  et  des  globules 
pyoides.  Enfin,  dans  une  de  nos  expériences  ^IX),  dans  laquelle  le  chien 
avait  survécu  dix  jours,  le  foyer  contenait  du  véritable  pus.  Nous 
pouvons  rapprocher  ce  fait  de  l'expérience  VI  dans  laquelle  nous 
avons  eu  un  ramollissement  cérébral  purulent  et  nous  avons  insisté 
à  ce  sujet  sur  la  suppurPition  possible  des  infarctus,  signalée  par 
plusieurs  auteurs  dans  leurs  expériences,  et  que  l'on  a  si  rarement, 
si  ce  n'est  jamais,  l'occasion  d'observer  chez  l'homme. 

APPENDICE  A  LA  PARTIE  PHYSIOLOGIQUE. 

DE   LA   CONGESTION  QUI  ACCOMPAGNE  LES   INFARCTUS. 

Dans  les  expériences  que  nous  venons  de  rapporter,  notre  atten- 
tion a  été  vivement  appelée  sur  les  phénomènes  congestifs  qui  se 
l)roduisent  consécutivement  aux  oblitérations  artérielles,  et  qui  se 
sont  montrés  à  nous  avec  la  plus  grande  netteté. 

On  admet  généralement  que  lorsqu'une  branche  artérielle  vient  à 
èti'c  oblitérée,  la  partie  à  laquelle  elle  se  distribue  s'anémie  et  pré- 
sente par  places  un  piqueté  hémorrhagique  semblable  à  de  l'apoplexie 
capillaire,  tandis  que  tout  autour  s'établit  une  forte  congestion. 

Occupons-nous  d'abord  de  cette  congestion  péripbérique.  Elle  s'é- 
tablit en  très  peu  de  temps;  chez  des  chiens  qui  avaient  succombé 
quatre  ou  cinq  heures  après  l'opération,  elle  était  déjà  intense,  exis- 
tait dans  les  deux  substances  du  rein  (1),  et  s'accompagnait  de  tumé- 
faction. 

Lorsque  les  chiens  survivent  plus  longtemps,  cinq  ou  six  jours 

(1)  Nous  avons  pris  le  rem  comme  type  de  ces  phénomènes,  parce 
qu'ils  s'yprésontent  plus  nettomcntque  partout  ailleurs.  Il  nous  semble 
permis  de  penser  que  les  troubles  circulatoires  consécutifs  à  une  obli- 
tération artérielle  sont  analogues  dans  les  autres  organes  et  dans  le 
cerveau  en  particulier;  nous  croyons  donc  ne  pas  nous  être  trop  éloi- 
gnés de  notre  sujet. 


87 
par  exemple,  lu  congestion  disparaît  d'abord  dans  la  substance  cor- 
ticale; elle  persiste  plus  longtemps  dans  la  substance  médullaire,  où 
elle  se  présente  sous  la  forme  d'un  cône  vineux  qui  entoure  l'artère 
oblitérée. 

Dans  un  cas  seulement  (exp.  IX),  dix  jours  après  l'opération,  un 
infarctus  présentait  à  sa  périphérie  une  injection  considérable  avec 
tuméfaction  des  deux  substances  ;mais  il  s'était  formé  du  pus  autour 
de  l'infarctus,  et  cette  congestion  était  évidemment  inflammatoire. 

Doit-on  considirer  aussi  la  congestion  qui  se  fait  au  début  comme 
un  phénomène  intlainmatoire,  vital,  dépendant  d'une  action  vaso-mo- 
trice, ou  bien  n'est-ce  qu'un  résultat  mécanique  de  l'oblitération  ar- 
térielle? 

Telles  sont,  en  effet,  les  deux  théories  que  l'on  trouve  exposées  par 
les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  ce  sujet.  Ainsi  Rokitansky  attri- 
bue la  congestion  périphérique,  ainsi  que  l'injection  de  l'infarctus 
lui-même,  à  une  fluxion  collatérale,  tandis  qu'Oppolzery  voit  un  pro- 
cessus inflammatoire. 

Mais  ces  auteurs  n'ont  pas,  que  nous  sachions,  appuyé  leurs  asser- 
tions par  des  expériences  ni  par  des  observations  bien  concluantes. 
La  théorie  de  la  congestion  inflammatoire  est  fondée  sur  une  analo- 
gie entre  les  parties  frappées  de  nécrobiose  et  les  eschares,  et  la  con- 
gestion est  assimilée  à  l'inflammation  élimiuatrice. 

Rokitansky  et  les  auteurs  qui  admettent  la  théorie  mécanique  disent 
simplement  que  le  sang,  ne  pouvant  plus  passer  par  l'artère  obhté- 
rée,  fait  effort  contre  les  parois  de  l'artère,  dilate  les  collatérales  et 
se  distribue  en  plus  grande  abondance  au  réseau  capillaire  où  elles  se 
terminent,  d'où  la  congestion. 

Dans  un  ouvrage  récent,  où  les  phénomènes  de  la  circulation  sont 
étudiés  avec  soin,  M.  Weber  (t)  établit  :  1"  que  lorqu'une  artère  est 
oblitérée,  la  pression  au  niveau  de  la  ligature  augmente  et  devient 
égale  à  la  pression  qui  existe  à  l'origine  de  l'artère;  2"  que  lorsqu'un 
certain  nombre  de  capillaires  sont  oblitérés,  la  pression  augmente 
dans  l'artère  qui  s'y  distribue  et  dans  les  capillaires  qui  sont  restés 
perméables. 

Tels  sont  aussi  les  résultats  auxquels  nous  étions  arrivés;  mais 
M.  Weber  ne  cite  pas  d'expériences,  ne  donne  pas  d'explication  méca- 

■— ■  -  ■  »...^  .     l.^..■l—        m,       ■  — n».        i,       »      — _..  .,—  -■■,    -_...         -.... ^-iu.>^a4 

(1)  {Loc.  cit.) 


88 
nique  qui  nous  aient  paru  tout  à  fait  satisfaisantes.  Aussi  lalecture  de 
son  article  ne  nous  a  pas  erapôclié  de  publier  les  recherches  qui  nous 
avaient  conduit  aux  mêmes  conclusions. 

Rappelons  d'abord  deux  théorèmes  d'hydrodynamique  sur  lesquels 
repose  l'exphcation  des  faits  que  nous  allons  démontrer  expérimen- 
talement : 

1°  Lorsqu'un  tube  reçoit  à  l'une  de  ses  extrémités  un  liquide  aune 
certaine  pression  et  le  laisse  échapper  librement  par  l'autre  extré- 
mité, la  pression  diminue  d'un  bout  à  l'autre  du  tube,  suivant  une 
progression  arithmétique. 

Ce  théorème  est  applicable  assez  exactement  au  système  artériel; 
la  tension  du  sang  dans  les  veines  étant  relativement  très-faible,  on 
peut  considérer  que  tout  se  passe  comme  si  le  sang  s'échappait  libre- 
ment par  les  capillaires.  (Voy.  Marey,  Physiolog.  méd.  de  la  cire,  du 
sang,  p.  145,  Paris,  1863.) 

INous  insistons  sur  ce  théorème,  parce  que  nous  verrons  tout  à 
l'heure  que  si,  comme  l'avait  avancé  M.  Poiseuille  (1),  la  pression 
était  la  même  dans  toutes  les  parties  du  système  artériel,  on  devrait 
conclure  que  la  ligature  d'un  tronc  n'augmente  pas  la  pression  en 
amont  de  la  ligature. 

2°  Si  l'on  rétrécit,  dans  une  partie  de  son  trajet,  un  tube  dans  le- 
quel circule  un  liquide,  la  pression  augmente  en  amont  du  rétrécis- 
sement. 

Soit  maintenant  un  tube  élastique  en  caoutchouc  ÂB  divisé  en  B 
en  quatre  branches,  dont  deux  plus  volumineuses  BC  et  BD  qui  se 
bifurquent  toutes  deux  en  C  et  en  D. 

Un  liquide  est  poussé  en  A  au  moyen  d'un  irrigateur. 

Si  le  liquide  s'écoule  librement  par  toutes  les  branches,  la  pression 

(1)  Becherclies  sur  la  force  du  cœur  aor tique.  M.  Poiseuille  rapporte, 
entre  autres,  l'expérience  suivante  :  Si  l'on  adapte  un  manomètre  à  la 
carotide  près  de  son  origine,  et  un  autre  manomètre  dans  une  petite 
collatérale  de  l'artère  fémorale,  on  constate  une  tension  identique  des 
deux  côtés;  d'où  M.  Poiseuille  conclut  que  la  force  avec  laquelle  se 
meut  une  molécule  de  sang  dans  tout  le  trajet  du  système  artériel 
aortique  est  exactement  la  même  en  quelque  point  de  ce  trajet  qiCon 
la  considère.  Ce  résultat  était  inexact,  ainsi  qu'on  peut  s'en  assurer  au 
moyen  d'un  manomètre  différentiel  communiquant  avec  deux  artères 
inégalement  distantes  du  cœur.  (Voy.  Marey,  p.  H5.) 


89 
diminuera  progressivement  d'un  bout  à  l'autre  du  tube,  de  telle  sorte 
que  si  nous  représentons  la  pression  en  AparP,  la  pression  en  B  par 
P',  la  pression  en  D  et  en  G  par  P",  nous  aurons  P  >  P'  >  P".  Si  main- 


C3p; 


B    (P'j 


v> 


r 
ri 


j  w  i  B  R  A  R  Y  i  3ol 


tenant  nous  fermons  l'orifice  1,  la  pression  augmentera  dans  tout  le 
système,  comme  on  peut  le  voir  au  moyen  d'un  manomètre  placé  à 
l'une  quelconque  des  extrémités  FGH;  seulement  l'augmentation  sera 
beaucoup  plus  considérable  dans  la  branche  collatérale  DH. 

Notons  que  cette  augmentation  de  pression  n'est  pas  momentanée; 
elle  persiste  tant  qu'on  tient  fermé  l'orifice  I. 

Voici,  selon  nous,  quelle  en  est  l'explication  mécanique  : 

Un  manomètre  étant  placé  à  l'extrémité  H,  le  liquide  contenu  dans 
la  branche  DH  est  immobile  et  transmet  au  manomètre  une  pression 
égale  à  P".  Si  nous  fermons  l'orifice  I,  le  liquide  se  trouvera  immobi- 
lisé dans  toute  l'étendue  de  la  branche  BI;  la  pression  se  transmet- 
tra dans  tous  les  sens  également,  suivant  les  lois  de  l'hydrostatique. 

La  pression  en  D  sera  donc  égale  à  P';  elle  aura  donc  augmenté 
de  P'  -  P". 

On  peut  s'assurer,  au  moyen  d'un  manomètre  dilTéi'ontiel  forme 
d'un  tube  en  U  à  demi  rempli  de  mercure  et  adapté  par  ses  deux  ex- 
trémités aux  branches  DH  et  BL,  que  quand  roriliccl  est  ouvert,  la 


90 
pression  est  plus  considérable  en  B,  et  que  l'équilibre  se  rétablit 
quand  on  suspend  l'écoulement  du  liquide  en  I. 

Nous  avons  dit  tout  à  l'heure  que  quand  on  fermait  l'orifice  I,  la 
pression  en  D  devenait  égale  à  P'  ;  ce  n'est  pas  tout  à  fait  exact,  elle 
est  supérieure,  car  la  pression  a  augmenté  dans  tout  l'appareil;  la 
pression  en  B  est  devenue  plus  grande  que  P'. 

Cette  augmentation  s'explique  aisément  par  le  second  des  deux 
théorèmes  que  nous  avons  énoncés  plus  haut  :  qu'on  rétrécisse  un 
tube  ou  qu'on  oblitère  Tune  de  ses  divisions,  on  doit  produire  dans 
les  deux  cas  une  augmentation  de  pression  au-dessus  de  l'obstacle. 

Pour  rendre  l'expérience  plus  évidente,  nous  avons  adapté  en  ou- 
tre un  manomètre  diftërentiel  aux  extrémités  G  et  H;  si  l'on  ferme 
l'orifice  I,  le  manomètre  indique  un  excès  de  pression  en  H,  et  ré- 
ciproquement, si  l'on  ferme  l'orifice  F,  il  y  aura  excès  de  pression 
en  G. 

11  nous  semble  donc  résulter  de  tout  ce  qui  précède  que  lorsqu'une 
artère  est  oblitérée  et  le  sang  qu'elle  contient  à  peu  près  immobile, 
la  pression  doit  devenir  sensiblement  égale  dans  toute  la  partie  de 
l'artère  comprise  entre  son  origine  et  le  point  où  elle  est  oblitérée; 
il  y  a  donc,  relativement  à  l'état  normal,  une  augmentation  de  pres- 
sion d'autant  plus  grande  qu'on  se  rapproche  de  Poblité ration,  con- 
séquemment  il  doit  se  faire,  par  les  seules  lois  de  la  mécanique,  une 
fiuxion  collatérale,  dans  les  petites  branches  qui  naissent  au  voisi- 
nage de  l'oblitération.  Mais  cette  fluxion  est-elle  assez  énergique  pour 
qu'on  soit  en  droit  de  lui  attribuer  cette  congestion  intense  que  l'on 
observe  autour  des  infarctus?  Ce  qu'on  ne  peut  nier,  c'est  qu'elle  ait 
une  certaine  part  dans  la  production  de  ce  phénomène. 

D'autre  part  on  sait,  et  nous  en  avons  la  preuve  dans  deux  de  nos 
expériences  (Exp.  YI,  IX),  qu'une  inflammation  consécutive  peut  s'é- 
tablir autour  des  parties  frappées  de  nécrobiose;  nous  sommes  donc 
autorisés  à  conclure  que  chacune  des  théories  est  applicable  à  un  cer- 
tain nombre  de  faits;  nous  pensons  que  la  théorie  mécanique  doit 
expliquer  la  congestion  qui  s'établit  au  début  et  qui  disparait  quand 
les  voies  collatérales  sont  suffisamment  dilatées. 

Cette  dilatation  des  collatérales,  de  même  que  celle  qu'on  observe 
après  les  ligatures  artérielles,  nous  paraît  aussi  devoir  trouver  son 
explication  dans  l'augmentation  dépression  dont  nous  venons  d'indi- 
quer les  causes. 


91 

Nous  n'avons  que  peu  de  chose  à  ajouter  à  propos  de  la  congestion 
et  du  piqueté  hémorrhagique  qui  s'établit  dans  l'épaisseur  même  de 
l'infarctus;  phénomènes  qui  présentent  encore  une  grande  obscurité. 

Nous  sommes  disposés  à  adopter  les  opinions  que  M.  Lancereaux 
a  développées  dans  sa  thèse  (p.  21),  et  à  attribuer  à  l'altération 
du  tissu  les  dilatations  et  les  ruptures  des  capillaires  dont  les  parois 
malades  ne  peuvent  plus  résister  à  la  faible  pression  du  sang  contenu 
dans  les  veines,  et  qui  est  alors  animé  d'un  mouvement  rétrograde. 

Ce  sont  d'ailleurs  les  opinions  de  MM.  Virchow  et  Cohn  (1). 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  se  rencontre  dans  bien  des  cas  des  phéno- 
mènes fort  diflicilesà  interpréter.  Gomment  expliquer  la  tuméfaction 
qui  se  produit  dans  les  points  correspondants  aux  artères  oblitérées, 
tuméfaction  si  remarquable  dans  la  rate? 

Cette  tuméfaction  s'est  montrée  à  nous  avec  la  plus  grande  évidence 
dans  une  expérience  que  nous  avons  faite  dernièrement  ;  nous  avons 
ouvert  l'abdomen  d'un  chien,  de  façon  à  avoir  sous  les  yeux  les  vis- 
cères abdominaux,  puis  nous  avons  injecté  de  la  graine  de  tabac  par 
le  bout  central  d'une  crurale.  Au  bout  d'une  minute  environ,  une 
plaque  saillante  s'est  produite  à  la  surface  de  la  rate,  et  s'est  rapide- 
ment agrandie,  de  façon  à  présenter  l'étendue  d'une  pièce  de  deux 
francs;  ses  bords  étaient  saillants  comme  ceux  d'un  érysipèle. 

Cette  plaque  présentait  la  même  coloration  que  le  reste  de  l'organe. 
Nous  avons  pu  nous  assurer  que  la  branche  artérielle  correspondante 
était  oblitérée.  Sur  les  reins,  des  plaques  ecchymotiques  se  sont  pro- 
duites çà  et  là;  mais  il  nous  est  difficile  de  préciser  si  c'était  dans  les 
parties  alimentées  par  l'artère  oblitérée,  ou  dans  les  parties  immé- 
diatement voisines. 

Nous  avons  rapporté  ces  faits  qui  nous  paraissent  intéressants,  mais 
il  nous  semble  impossible  d'en  donner  une  explication  rationnelle 
dans  l'état  actuel  de  la  science. 


(1)  Tous  les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  la  fréquence  de  cette 
hyperémie.  Ainsi  Beckmann  (Arciuv.  von  Virchow,  XX,  p.  217)  avance 
que  dans  les  infarctus  viscéraux  il  se  produit  d'abord  de  la  pâleur  qui 
peut  être  remplacée  plus  tard  par  une  hyperémie  due  à  la  fluxion  colla- 
térale; tandis  que  Rokitansky  etCohn  établissent  que  l'infarctus  débute 
constamment  par  de  la  congestion. 


92 

CONCLUSIONS. 

L'étude  que  nous  venons  de  faire,  l'analyse  de  nos  expériences 
nous  amène  donc  à  dire  :  1°  que  l'injection  de  poudres  fines  telles, 
par  exemple,  que  la  poudre  de  lycopode,  amène  une  mort  prompte, 
une  apoplexie  subite  et  que  l'autopsie  ne  révèle  généralement  pas  de 
lésions  appréciables,  de  ramollissement,  voulons-nous  dire;  2°  que 
dans  le  cas  d'injection  de  corps  plus  volumineux,  au  contraire,  la 
mort  se  faisant  attendre  plus  longtemps,  on  peut  observer  des  lésions 
bien  nettes;  et  soit  dans  l'encéphale,  soit  dans  les  oi'ganes  abdo- 
minaux, ces  lésions  peuvent  se  rapprocher,  s'identifier  même  à  celles 
que  l'on  rencontre  chez  l'homme;  3°  que  consécutivement  aux  obli- 
térations artérielles  il  se  produit  habituellement  de  l'hyperémie  et 
de  la  tuméfaction,  phénomènes  qui  pourraient  être  pris  pour  un 
processus  inflammatoire,  et  qui  cependant  sont  d'une  toute  autre  na- 
ture quelle  qu'en  soit  l'explication  mécanique. 

DEUXIÈME  PAUTIE. 

Dans  cette  seconde  partie,  nous  nous  occuperons  de  l'analyse  de 
nos  observations.  Une  première  section  sera  consacrée  à  l'étude  des 
lésions  anatomiques  et  de  la  nature  du  ramoUissement  ;  dans  une 
seconde  section  nous  traiterons  de  quelques  symptômes  du  ramollis- 
sement sur  lesquels  nos  observations  et  nos  expériences  ont  paru  jeter 
quelque  lumière. 

SECTION  I.  -  ÂNATOMIE  PATHOLOGIQUE  ET  NATURE. 

CHAPITRE  I. 

RAMOLLISSEMENTS  PAR  OBLITÉRATION  ARTÉRIELLE  CONSTATÉE. 

Nous  pensons  que  le  meilleur  moyen  de  décrire  le  ramollissement 
cérébral  et  d'arriver  à  la  connaissance  de  sa  nature  est  de  commencer 
par  l'analyse  des  observations  dans  lesquelles  l'oblitération  artérielle 
a  été  constatée  à  l'autopsie,  faits  qui  peuvent  s'identifier  avec  les  ra- 
mollissements cérébraux  que  nous  avons  obtenus  expérimentalement 
sur  des  animaux. 

Ces  observations  nous  fourniront  une  base  certaine  sur  laquelle 


93 
nous  pourrons  nous  appuyer  pour  étudier  les  autres  faits  que  nous 
possédons. 

Ces  observations  sont  au  nombre  de  14  ;  elles  nous  fournissent  des 
exemples  de  ramollissements  cérébraux  par  obstruction  artérielle,  à 
des  degrés  d'ancienneté  fort  diiïérents;  aussi  nous  permettent-elles 
de  suivre  ce  processus  dans  tout  son  développement  :  souvent,  sur  le 
même  sujet,  se  trouvent  réunis  plusieurs  ramollissements  d'époques 
différentes,  qui  ne  sont,  comme  les  infarctus  des  viscères,  que  les 
preuves  de  la  persistance  d'une  même  cause  qui  a  pu  produire  ces  ra- 
mollissements successifs  et  ces  infarctus. 

§  I.  —  Ramollissements  récents. 

Dans  les  cas  où  la  mort  est  survenue  promptement,  nous  retrou- 
vons à  l'autopsie  un  ramollissement  qui  répond  à  la  description  que 
les  auteurs  ont  donnée  du  ramollissement  cérébral  récent.  L'hémi- 
sphère cérébral  où  siège  l'altération,  si  cette  altération  est  étendue, 
s'affaisse  sur  lui-même  et  présente  même  quelquefois  comme  une 
demi-fluctuation  ;  les  circonvolutions  sont  déprimées  et  les  anfrac- 
tuosités  moins  marquées  et  moins  profondes  qu'à  l'état  normal.  A  la 
coupe  les  portions  ramollies  offrent  généralement  l'aspect  d'une  pulpe 
diffluente,  facilement  entraînée  par  le  lavage  et  présentant  très-habi- 
tuellement une  coloration  rosée  et  môme  vineuse,  comme  ecchymo- 
tique  et  poiutillée  d'apoplexie  capillaire. 

Nous  avons  déjà  parlé  [ipremière  partie.  Appendice)  de  cette  colora- 
tion rouge  répandue  généralement  dans  le  ramollissement  cérébral 
comme  dans  les  infarctus  ;  aussi  n'insisterons-nous  pas  ici  sur  ce 
phénomène. 

A  l'examen  microscopique  on  aperçoit  seulement  une  dissociation 
des  éléments  nerveux  ;  on  retrouve  des  débris  de  tubes  nerveux,  du 
sang  extravasé,  de  la  moelle  nerveuse  en  gouttelettes,  mais  généra- 
lement pas  encore  de  corps  granuleux  bien  nets.  On  trouve,  déplus, 
certaines  altérations  des  capillaires  sur  lesquelles  nous  reviendrons 
plus  loin. 

Nous  pouvons  donner  comme  exemples  de  ces  ramollissements  ré- 
cents par  oblitération  certaine  les  observations  suivantes,  qui  offrent 
une  identité  remarquable  avec  nos  expériences  d'injection  de  graines 
de  tabac.  Deux  dentre  elles  présentent  des  infarctus  viscéraux,  ce 
qui  complète  encore  l'analogie. 


94 

ATTAQUE  APOPLECTIQUE  (mORT  APRÈS  DEUX  JOURS  ET  DEMl)  ;  HÉMIPLÉGIE  GAUCHE; 
DÉVIATION  DES  YEUX  A  DROITE;  RAMOLLISSEMENTS  RÉCENTS  (a  DROITe),  ANCIENS 
(a  gauche);  OBLITÉRATION  DE  LA  CÉRÉBRALE  MOYENNE  DROITE;  AORTE  ATHÉ- 
ROMATEUSE. 

Obs.  I.— F...  (Marie),  84  ans,  entre  le  31  décembre  1864,  salle  Saint- 
Mathieu,  10,  infirmerie  de  la  Salpôtrière,  service  de  M.  Vulpian.  Meurt 
le  17  février  1865. 

Cette  femme,  qui  est  déjà  venue  plusieurs  fois  à  Tinfirmerie  pour  des 
bronchites,  présente  un  emphysème  pulmonaire  très-considérable  avec 
complication  de  bronchite  aiguë.  Accès  violents  de  dyspnée. 

Cœur.  Rien;  pouls  petit,  fréquent,  100  pulsations.  Elle  ne  signale  au- 
cune hémiplégie  ancienne. 

Le  15  février  1865,  la  malade,  qui  avait  bien  dormi  pendant  toute  la 
nuit,  se  plaint  ce  matin,  à  huit  heures  et  demie,  de  ressentir  des  étour- 
dissements  ;  elle  dit  qu'elle  ne  voit  pas  clair  et  qu'elle  n'a  pas  de  raison. 
Elle  n'a  pu  manger  ce  matin.  On  ne  constate  rien  de  particulier;  pas 
de  paralysie. 

A  neuf  heures,  attaque  apoplectique.  Hémiplégie  gauche. 

Tête  penchée  du  côté  gauche. 

Face  déviée  à  droite.  Paralysie  du  buccinateur  gauche.  Langue  très- 
embarrassée.  On  comprend  à  peine  ce  qu'elle  dit.  Elle  ne  peut  tirer  la 
langue. 

Les  yeux  sont  tous  les  deux  portés  à  droite,  et  ce  n'est  qu'à  grand'- 
peine  qu'elle  les  tourne  un  peu  du  côté  gauche,  les  pupilles  ne  dépas- 
sant pas  le  milieu  des  ouvertures  palpébrales.  Pupilles  égales. 

Membres  gauches.  Molilité  presque  complètement  détruite  ;  le  bras 
soulevé  retombe  inerte.  Elle  remue  cependant  très-légèrement  quand 
on  la  pince  (peut-être  action  réflexe). 

Sensibilité  très-obtuse. 

Intelligence  diminuée  ;  la  malade  comprend  cependant  ce  qu'on  lui 
dit  et  cherche  à  y  répondre. 

Urines  non  alburaineuses. 

16  février.  L'état  s'aggrave,  la  déviation  oculaire  subsiste.  L'intelli- 
gence est  cependant  encore  conservée. 

17  février.  Résolution  générale.  Coma.  Les  yeux  ne  sont  plus  déviés. 
Pupilles  un  peu  contractées,  égales.  Urines  non  albumineuses.  Mouve- 
ments réflexes  des  deux  bras,  les  épaules  se  soulèvent  quand  on  pince 
la  peau  de  l'avant-bras  gauche.  Mort  à  dix  heures  du  matin. 

Autopsie.  —  18  février.  —  Cavité  crânienne.  Artères  cérébrales.  Ar- 
tère basilaire  saine,  à  peine  athéromateuse.  Terminaison  des  carotides 
internes  très-athéromateuse.  Artère  cérébrale  moyenne  droite  oblitérée 


95 

par  un  caillot  iirisâtre,  un  peu  grenu  et  adhérentà  la  paroi.  Rien  de  sem- 
blable dans  Tarière  cérébrale  moyenne  gauche. 

Hcmisphcre  droit.  Lobes  moyen  et  postérieur  ramollis  superficielle- 
ment au  niveau  de  leurs  faces  latérales,  A  la  coupe  on  constate  un  ra- 
mollissement pulpeux  du  tiers  postérieur  de  l'hémisphère.  Le  corps 
strié  offre  un  ranmllissement  récent  s'étendant  jusqu'à  la  partie  externe 
de  la  couche  optique  qui  est  saine,  et  passant  au-dessous  d'elle. 

Hémisphère  gauche  présente  aussi  un  ramollissement  superficiel  ré- 
cent siégeant  en  arrière  de  la  scissure  de  Sylvius.  Sur  le  lobe  postérieur 
à  l'union  des  trois  quarts  antérieurs  avec  le  quart  postérieur  de  cet  hé- 
misphère, on  trouve  quelques  circonvolutions  détruites  par  un  ancien 
ramollissement:  il  y  a  là  une  cavité  arrondie  de  3  centimètres  environ 
de  circonférence,  dont  les  parois  sont  revêtues  par  des  membranes  af- 
faissées de  teinte  grisâtre,  et  l'on  aperçoit  en  certains  points  au  fond  de 
la  cavité  la  substance  blanche  à  nu.  Au  niveau  de  la  partie  ramollie  ré- 
cemment, dans  ce  même  hémisphère  gauche,  existent  plusieurs  petits 
foyers  d'apoplexie  capillaire  siégeant  principalement  dans  la  substance 
grise  au  voisinage  de  la  substance  blanche. 

Corps  slrîé  gauche.  Pas  de  ramollissement.  Petite  lacune  dans  le 
noyau  lenticulaire.  Couche  optique  saine. 

Rien  dans  les  pédoncules,  les  tubercules  quadrijumeaux,  la  protu- 
bérance, le  bulbe  ni  le  cervelet. 

Cavité  thoraciqiie.  Poumons.  Emphysème  très-prononcé  des  deux 
poumons,  bronches  injectées  remplies  de  muco-pus. 

Cœur.  Valvules  sufïisan-tes  ;  un  peu  d'épaississement  de  la  valvule 
mitrale,  surtout  sur  ses  bords  libres.  Pas  de  rétrécissement  de  l'orifice. 
Un  peu  d'induration  de  la  base  des  valvules  sigmoïdes.  Pas  de  caillot 
ancien  dans  ses  cavités. 

Aorte.  Très-athéromateuse,  surtout  l'aorte  abdominale,  où  se  trouvent 
de  nombreuses  ulcérations  recouvertes  deboueathéromateuse. 

Carotides  à  peu  près  saines. 

Foie,  rofe,  reitis,  utérus.  Sains. 

Le  microscope  a  montré  de  nombreux  corps  granuleux  dans  le  tissu 
de  l'ancien  ramollissement.  Il  n'y  en  avait  pas,  au  contraire,  dans  le  ra- 
mollissement récent. 

On  a  examiné  aussi  le  caillot  de  l'artère  cérébrale  moyenne  du  côté 
droit.  Il  est  un  peu  adhérent  à  la  paroi,  se  prolonge  dans  les  branches 
de  la  cérébrale  moyenne.  Il  n'est  pas  ramolli  au  centre  et  par  consé- 
quent est  assez  récent.  11  est  constitué  par  de  la  fibrine  à  l'état  granu- 
leux, contenant  des  globules  rouges  et  des  globules  blancs  peu  nom- 
breux, dont  quelques-uns  sont  granuleux. 


II  nous  somble  permis  de  rattacher  le  ramollissement  récent  de 
l'hémisplière  droit  à  l'oblitération  de  la  sylvienne  de  ce  côté.  Cette 
oblitération  paraît  avoir  été  causée  par  une  coagulation  sur  place.  En 
effet,  on  ne  trouve  pas  de  point  de  départ  embolique  bien  net,  et  l'état 
fortement  athéromateux  des  carotides  à  leur  terminaison  devait  ra- 
lentir le  cours  du  sang  et  le  disposer  à  se  coaguler  spontanément. 

Il  existe  aussi  un  ramollissement  du  côté  gauche  où  l'oblitération 
artérielle  n'a  pas  été  constatée;  mais  nous  avons  déjà  insisté,  et  nous 
reviendrons  encore  sur  la  grande  difiiculté  qu'il  y  a  à  s'assurer  de 
l'intégrité  de  toutes  les  branches  artérielles,  en  sorte  que  le  résultat 
négatif  des  recherches  à  ce  sujet  ne  présente  pas  une  très-grande 
valeur. 

Attaque  apoplectique  (vort  rapide)  ;  ramollissement  d'une  partie  du  lobe 
cérébelleux  droit  ;  congestion  de  la  protubérance  annulaire  ;  obtu- 
RATION DE  l'artère  basilaire  PAR  UN  CAILLOT.  (Observatlon  due  à  M.  lo 
docteur  Vulpian.) 

Obs.  II.  —  M...  (Marie),  88  ans,  entre  le  8  décembre  1864,  salleSaint- 
Mathieu,  2,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  Vulpian;  meurt 
le  même  jour. 

Depuis  un  an  environ  cette  malade  avait  souvent  la  face  rouge;  elle 
était  prise  de  fréquents  étourdissements. 

Le  5  décembre  elle  se  plaignit  d'en  ressentir,  et  la  surveillante  s'a- 
perçut qu'elle  marchait  moins  facilement  que  d'habitude;  elle  put  ce- 
pendant travailler  jusqu'au  7  décembre  à  cinq  heures. 

Le  8  décembre,  à  trois  heures  du  matin,  elle  jette  un  cri;  on  se  rend 
près  d'elle,  et  la  trouvant  dans  le  coma  apoplectique,  on  la  fait  passera 
Tinfirmerie. 

Le  matin  à  la  visite,  la  malade  est  dans  une  résolution  presque  com- 
plète; cependant  le  bras  gauche  exécute  quelques  mouvements  sponta- 
nés; le  droit  retombe  comme  une  masse  inerte. 

Bouche  déviée;  commissure  gauche  légèrement  relevée.  Elle  ne  fume 
pas  la  pipe. 

Pupilles  resserrées,  surtout  la  gauche;  légère  divergence  des  axes 
optiques. 

La  sensibilité  est  conservée  dans  les  quatre  membres;  le  pincement 
provoque  une  agitation  momentanée  générale  et  une  expression  faciale 
très-nette  de  douleur;  mouvements  réflexes  manifestes  dans  les  quatre 
membres. 

De  temps  en  temps  quelques  mouvements  convulsifs. 


97 

Respiration  lente,  stcrioreuse. 

Le  soir,  résolulion  coinplèle,  agonie;  raorl  dans  la  soirée  du  8  dé- 
cembre. 

Autopsie.  —  Cavilc  crânienne.  Pas  de  néo-membranes  de  la  dure- 
mère. 

Artères  de  la  base  très-athéromateuses.  L'artère  basilaire,  qui  est 
athéromateuse  dans  presque  toute  son  étendue,  contient  un  caillot  qui 
parait  avoir  déjà  une  certaine  ancienneté;  il  est  adhérent  en  quelques 
points  qui  correspondent  à  une  plaque  athéromateuse;  grisâtre  à  sa 
surface,  il  est  noir  dans  sa  partie  centrale;  il  est  dur  et  rendait  l'artère 
résistante  sous  le  doigt  avant  qu'on  l'ait  ouverte.  Ce  caillot  obturait 
évidemment  l'artère  basilaire  ;  il  ne  se  prolongeait  pas  dans  les  artères 
collatérales. 

Les  vaisseaux  superficiels  du  cerveau,  ainsi  que  les  sinus  de  la  dure- 
mère,  sont  gorgés  de  sang. 

Cerveau.  Aucune  lésion  appréciable  de  la  substance  grise  ni  de  la 
substance  blanche  des  hémisphères,  non  plus  que  des  corps  striés  et 
des  couches  optiques  ;  mais  la  protubérance,  dans  sa  moitié  supérieure 
gauche,  offre  une  légère  diminution  de  consistance  et  une  teinte  rou- 
geâtre. 

Cerue/er.  Ramollissement  très-marqué  et  rougeâtre  dans  certainspoints, 
occupant  toute  la  moitié  supérieure  de  l'hémisphère  cérébelleux  droit, 
s'étendant  jusqu'au  sillon  médian.  Ce  ramollissement  ne  dépasse  guère 
la  substance  grise;  le  noyau  blanc  a  sa  coloration  et  sa  consistanG,e  nor- 
males. Les  petits  vaisseaux  de  la  partie  ramollie  ne  sont  pas  en  général 
altérés;  on  n'en  trouve  que  quelques-uns  qui  présentent  des  traînées 
de  granulations  graisseuses  dans  leurs  parois  ;  pas  de  caillots,  ni  de 
corps  granuleux,  ni  de  plaques  de  cholestérine  à  leur  intérieur. 

On  ne  retrouve  pas  de  corps  granuleux  dans  la  substance  cérébel- 
leuse dont  les  éléments  anatomiques  paraissent  sains. 

Pas  d'altération  du  bulbe  rachidien  des  pédoncules  cérébraux  ni  cé- 
rébelleux. 

Cavité  tlwracique.  Poumons  congestionnés  et  légèrement  emphysé- 
mateux. Noyaux  de  pneumonie  chronique  aux  deux  sommets;  pas  de 
tubercules. 

Cœur.  Insuffisance  légère  de  l'orifice  aortique;  plaques  athéroma- 
teuses  très-prononcées,  avec  épaississement  et  indurations  calcaires  des 
valvules  sia-moïdes. 

Quelques  petites  végétations  et  plaques  calcaires  sur  le  bord  adhé- 
rent de  la  valvule  mitrale. 

Aorte  fortement  athéromateuse  à  son  origine,  où  l'on  trouve  des  points 
MÉM.  7 


98 
ramollis  pulpeux;  on  retrouve  les  mêmes  altérations  dans  la  crosse  et 
dans  les  parties  thoraciques  et  abdominales. 
Autres  organes  sains.  Pas  d'infarctus. 

L'adhérence  existant  entre  le  caillot  et  les  parois  de  l'artère  basi- 
laire  pourrait  empêcher  d'attribuer  à  cette  oblitération  les  accidents 
rapides  qui  ont  déterminé  la  mort;  il  paraît,  en  effet,  impossible  que 
ces  adhérences  se  soient  établies  aussi  rapidement  ;  nous  pensons 
qu'un  thrombus  existaitlà  depuis  quelque  temps,  sans  oblitérer  com- 
plètement l'artère.  Les  derniers  accidents  seraient  alors  dus,  soit  à 
une  coagulation  sur  place  qui  aurait  achevé  d'oblitérer  iartère,  soit 
à  une  embolie,  dont  le  point  de  départ  se  trouverait  dans  les  athé- 
ronies  ulcérés  de  la  crosse. 

Nous  appelons,  en  outre,  l'attention  sur  l'hémiplégie,  qui  dépend 
probablement  du  ramollissement  de  l'hémisphère  cérébelleux  droit, 
et  qui  s'est  montrée  à  droite  du  même  côté  que  la  lésion. 

Ancienne  hémiplégie  faciale  droite  avec  apbasie  ;  apoplexie  mortelle 
(un  jour);  hémiplégie  gauche,  ramollissement  ancien  de  l'hémisphère 
gauche  (troisième  circonvolution  frontale  et  circonvolution  marginale); 
ramollissement  pulpeux  récent  de  l'hémisphère  droit  tout  entier  ; 
rétrécissement  mitral;  caillot  ancien  ramolli  dans  l'oreillette  gauche; 
athéromes  artériels;  infarctus  d  un   rein. 

Obs.  IIL  —  B...  (.leanne  Constance),  70  ans,  morte  le  17  juin  1865, 
salle  Saint-Vincent,  6,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  le 
docteur  Fournier  suppléant  M.  le  docteur  Vulpian. 

En  1864,  cette  malade  fut  prise  d'une  hémiplégie  faciale  droite  avec 
perte  presque  complète  de  la  parole,  mais  avec  conservation  de  la  con- 
naissance. La  mobilité  et  la  sensibilité  restèrent  intactes  dans  les  mem- 
bres. Elle  sortit  de  l'infirmerie  en  bon  état  le  27  décembre  1864,  mais 
ayant  toujours  conservé  ses  symptômes  d'aphasie. 

Le  13  juin  1865,  la  malade  est  prise  en  ville  d'une  attaque  apoplec- 
tique. 

Le  14,  à  la  visite,  coma  apoplectique.  Stertor  complet.  Sensibilité 
abolie  des  deux  côtés;  paralysie  des  deux  buccinateurs. 

Yeux  dirigés  tous  les  deux  à  droite;  pupilles  un  peu  dilatées,  égales. 
Arc  sénile  et  cataractes  peu  avancées. 

Hémiplégie  gauche,  paralysie  complète  avec  flaccidité. 

Respiration  précipitée,  ronflement  guttural  ;  52  respirations. 

Elle  meart  dans  la  nuit  du  15  au  16  juin,  sans  être  sortie  de  ce  coma 
apoplectique. 


99 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Pas  de  néo-membranes  de  la  dure- 
mère. 

Artères  de  la  base  athéromateuses;  pas  de  caillots  dans  les  grosses 
artères;  plusieurs  petites  branches  sont  oblitérées  par  des  bouchons 
formés  en  grande  partie  de  matière  granuleuse.  Ce  sont,  à  droite,  des 
branches  de  l'artère  cérébrale  postérieure  et  de  la  cérébrale  antérieure, 
et  à  gauche  des  branches  de  la  sylvienne.  Il  est  probable  qu'il  s'agit  de 
matière  athéromateuse,  mais  peut-être  de  fibrine  en  voie  de  régression. 

Cerveau.  —  Uémisphèrc  droit.  Ramollissement  pulpeux,  rouge  par 
places,  de  tout  cet  hémisphère;  la  pie-mère,  qui  ofTre  une  infdtration 
œdémateuse  considérable,  surtout  à  la  partie  postérieure  (probablement 
suite  du  décubitus),  est  adhérente  aux  parties  supérieures  et  antérieu- 
res; quand  on  l'enlève,  on  arrache  des  parcelles  de  la  substance  ramol- 
lie. Le  ramollissement  devient  très-considérable  dans  la  partie  posté- 
rieure du  lobe  occipital  et  le  foyer  communique  avec  le  ventricule. 

On  remarque,  en  outre,  un  pointillé  d'apoplexie  capillaire  situé  dans 
Tune  des  circonvolutions  frontales  et  dans  le  lobule  de  l'insula,  dont 
la  substance  est  aussi  ramollie. 

Le  ramollissement  de  eet  hémisphère  est  partout  récent;  il  présente, 
en  effet,  une  coloration  rouge,  et  l'on  n'a  pu  y  trouver  de  corps  granu- 
leux. 

Hémisphère  gauche.  Membranes  à  peine  adhérentes;  ancien  foyer  de 
ramollissement  jaune  qui  occupe  la  partie  la  plus  postérieure  de  la  troi- 
sième circonvolution  frontale,  mais  surtout  la  partie  inférieure  desdeux 
circonvolutions  marginales,  qui  sont  à  peu  près  détruites  à  ce  niveau. 
Ce  ramollissement  s'étend  aussi  sur  les  deux  circonvolutions  antérieures 
du  lobule  de  linsula,  ainsi  que  sur  la  partie  antérieure  du  lobe  sphé- 
noïdal.  On  retrouve  dans  ces  parties  une  quantité  énorme  de  corps  gra- 
nuleux et  un  tissu  comme  granuleux  contenant  de  rares  tubes  nerveux. 

Pas  d'atrophie  descendante  du  bulbe  ni  des  pédoncules.  (La  moelle  n'a 
pas  été  examinée.)  Le  cerveau  ayant  été  conservé  dans  l'alcool  à  cause 
des  symptômes  d'aphasie,  les  parties  profondes  n'ont  pu  être  examinées. 

Cavité  thoracique. —  Poumons  emphysémateux  et  congestionnés. 

Cœur.  Caillot  ancien,  gris  jaunâtre,  du  volume  d'un  œuf  de  poule, 
adhérant  aux  faces  postérieure  et  interne  de  l'oreillette  gauche;  les 
parties  sous-jacentes  sont  rugueuses  et  l'endocarde  épaissi,  mais  non 
ulcéré.  Ce  caillot,  entouré  de  caillots  récents,  est  un  peu  ramoi-  à  son 
centre  et  composé  de  fibrine  granuleuse  et  de  graisse  en  grana'ations. 
Sa  base  est  éloignée  de  2  à  3  centimètres  de  l'orifice  mitral. 

Orifice  ?nz7ra/ très-rétréci,  laisse  à  peine  pénétrer  l'extrémité  de  l'in- 
dex. Ses  bords  présentent,  surtout  à  la  partie  antérieure,  des  petites 
végétations. 


100 

Valvule niitrale  épaissie,  adhérence  des  cordages  tendineux  onlro  eux. 

Abdomen.  —  Reins.  L'un  d'eux  présente  deux  infarctus  anciens  qui 
forment  une  dépression  cicatricielle  à  sa  surface. 

Aorle  remarquablement  peu  athéromateuse  pour  l'âge  delà  malade; 
il  n'y  a  que  quelques  petites  taches  blanches  légères  près  de  sa  bifur- 
cation. 

Carotides  non  athéromateuses,  ne  contiennent  pas  de  caillots. 

Autres  organes  sains. 

Dans  cette  observation,  on  a  trouvé  des  oblitérations  dans  les  ar- 
tères cérébrales  correspondantes  aux  foyers  de  ramollissement  des 
deux  bémisphères.  Il  y  avait  en  outre  des  infarctus  rénaux.  L'aorte 
était  très-peu  athéromateuse,  et  un  caillot  ancien  existait  dans  l'o- 
reillette gauche;  c'était  sans  doute  là  le  point  de  départ  emboUque  de 
ces  différentes  lésions.  On  pourrait  cependant  attribuer  l'oblitération 
des  artères  cérébrales  à  des  thromboses  produites  par  l'état  athéro- 
mateux  de  leurs  parois. 

Plusieurs  attaques  d'hémiplégie,  la  dernière  a  droite;  mort  en  cinq  jours; 
coma  complet.    foyers   multiples    anciens   des   deux   hémispnères.  foyer 

RÉCENT  DANS  l' HÉMISPHÈRE  GAUCHE.  ARTÈRES  CAROTIDES  ET  LEURS  BRANCHES 
OBLITÉRÉES  PAR  UN  C/MLLOT  ANCIEN.   AORTE  ATHÉROMATEUSE  ET  CALCIFIÉE. 

(Observation  due  à  M.  le  docteur  Vulpian.) 

Obs.IV. — S...  (Anne),  84 ans,  morte  le  20  septembre  1865,  salle  Saint- 
Mathieu,  11  ,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  le  docteur  Vulpian. 

Les  parents  de  la  malade  et  la  surveillante  du  dortoir  apprennent 
qu'elle  a  eu  trois  attaques  d'hémiplégie  et  qu'elle  traînait  un  peu  la 
jambe  gauche;  elle  articulait  mal  les  mots. 

15  septembre  1865.  Hémiplégie  droite  subite  avec  perte  de  connais- 
sance. Flaccidité  du  membre  inférieur;  un  peu  de  contracture  du  mem- 
bre supérieur. 

Tête  tournée  à  gauche  et  difficilement  ramenée  à  droite.  Hémiplégie 
faciale  légère.  Sensibilité  conservée.  Quelques  mouvements  réflexes 
dans  le  membre  inférieur. 

La  malade  reste  dans  le  même  état,  ne  sort  pas  du  coma,  et  meurt  le 
20  septembre  1865. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Artères  de  la  base  athéromateuses, 
surtout  le  tronc  basilaire  et  les  carotides. 

Carotide  primitive  droite  oblitérée  par  un  caillot  grisâtre  adhérent, 
qui  ne  se  prolonge  pas  au  delà  de  la  bifurcation. 

Carotide  primitive  gauche  oblitérée  par  un  caillot  qui  se  prolonge 
dans  la  carotide  interne  jusque  dans  le  sinus  caverneux. 


101 

Cerveau.  Hémisphère  gauche.  Ramollissement  ancien  à  la  limile 
postérieure  du  lobe  frontal  empiétant  sur  la  marginale  antérieure  et  sur 
les  deuxième  et  troisième  circonvolutions  frontales.  La  substance  blanche 
est  mise  à  nu  dans  une  grande  partie  des  parois  de  ce  foyer. 

Ramollissement  récent  superficiel  de  la  circonvolution  marginale 
postérieure  et  d'une  partie  de  la  surface  du  lobe  postérieur. 

Ramollissement  récent*  d'une  grande  partie  de  noyau  blanc  du  lobe 
frontal. 

Ramollissement  ancien  ayant  détruit  la  substance  grise  à  la  partie  pos- 
térieure du  cor[)S  strié.  Le  noyau  lenticulaire  et  la  couche  optique 
sont  sains. 

Hémisphère  droit.  Ramollissement  ancien  ayant  détruit  plusieurs 
circonvolutions  du  lobe  occipital;  le  ventricule  latéral  n'est  plus  en  ce 
point  recouvert  que  par  une  mince  membrane. 

Ramollissement  ancien  étendu  de  2  à  3  centimètres  sur  la  circonvo- 
lution marginale  postérieure. 

Corps  strié,  couche  optique,  sains. 

Protubérance.  Deux  petits  ramollissements  dans  la  partie  inférieure, 
et  des  deux  côtés  de  la  ligne  médiane. 

Cervelet.  Deux  petits  foyers  de  ramollissement  gros  comme  un  pois. 

Cœur.  Valvules  suffisantes,  un  peu  épaissies. 

Aorte.  Athéromes  et  petites  plaques  calcaires  à  l'origine  des  artères 
coronaires.  Plaques  calcaires  dans  la  crosse,  devenant  très -nombreuses 
dans  l'aorle  abdominale,  près  de  sa  bifurcation. 

Rien  d'important  dans  les  autres  organes. 

Attaque  apoplectique;    ramollissement  cérébral;  obturation  de  l'artère 

CÉRÉBRALE  MOYENNE  CORRESPONDANTE;   PAS  d'aNCIENS  CAILLOTS  DANS  LE  CŒUR; 
ULCÉRATIONS    DE    l'aORTE  ;    ALTÉRATIONS    ISCIIÉMIQUES    DE    LA    RATE,    PEUT-ÊTRE 

AUSSI  d'un  rein;  mort  en  quatre  JOURS.  (Observation  due  à  M.  le  doc- 
teur VULPIAN.) 

Obs.  V.  —  D...  (Françoise),  81  ans,  entre  le  27  janvier  1864,  salle 
Saint-Denis,  13, infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.Vulpian  ;  meurt 
le  31  janvier  1864. 

Une  note  prise  sur  la  malade  en  1862  constatait  un  tremblement  géné- 
ral du  corps  de  date  ancienne,  et  d'ailleurs  une  bonne  santé  habituelle. 

Le  27  janvier  1864,  hémiplégie  gauche  subite. 

Perte  complète  de  la  mobilité  à  gauche. 

Conservation  de  la  sensibilité,  et  jusqu'à  un  certain  point  de  l'intelli- 
gence (la  malade  prononce  quelques  mots).  Le  tremblement  dont  il  est 
parlé  plus  haut  subsiste  dans  le  côté  droit. 


102 

L'étal  s'aggrave  progressivement,  et  la  malade  meurt  le  31  janvier, 
conservant  jusqu'à  sa  fin  le  tremblement  du  côté  droit. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Pie-tnère  assez  fortement  infiltrée  d'iin 
liquide  transparent. 

Artères  cérébrales.  Leurs  parois  présentent  de  distance  en  distance 
des  épaississementsathéromaleux  dont  quelques-uns  occupent  toute  la 
circonférence  de  l'artère.  L'artère  cérébrale  moyenne  du  côté  droit 
présente,  au  delà  d'un  dépôt  athéromateux,  un  caillot  noirâtre  assez 
ferme  qui  s'étend  jusqu'à  la  division  de  cette  artère  dans  une  étendue  de 
1  centimètre,  et  pénètre  même  dans  deux  des  branches  qu'elle  fournit 
en  se  divisant.  11  s'étend  à  plus  d'un  demi-centimètre  dans  chacune  de 
ces  branches.  Les  artères  qu'il  occupe  sont  complètement  oblitérées 
et  il  est  adhérent  à  leur  paroi.  Quoique  ferme,  il  offre  déjà  un  certairi 
degré  de  friabilité;  il  est  là  évidemment  depuis  plusieurs  jours. 

Cerveau.  Aucune  trace  d'altération  superficielle. 

Hémisphère  droit.  Foyer  de  ramollissement  du  volume  d'une  grosse 
noix,  occupant  toute  l'épaisseur  du  corps  strié,  sauf  une  petite  portion 
de  sa  partie  antérieure  ;  en  dehors,  ce  ramollissement  s'étend  jusqu'à 
la  substance  grise  des  circonvolutions  de  l'insula,  qui  est  intacte,  et 
en  arrière  il  dépasse  le  niveau  du  bord  antérieur  de  la  couche  optique 
qui  est  saine.  La  substance  cérébrale  n'est  pas  complètement  réduite 
en  pulpe  difîluente;  elle  a  conservé  une  certaine  consistance  et  elle 
offre  une  coloration  rougeâtre. 

Hémisphère  gauche  sain,  ainsi  que  les  autres  parties  de  l'encéphale. 

A  l'exaraeri  microscopique,  la  structure  des  parties  ramollies  se 
trouve  peu  modifiée.  Les  tubes  nerveux  y  sont  sains;  leur  matière  mé- 
dullaire a  conservé  une  transparence  parfaite,  et  l'on  ne  rencontre  pas 
de  fragments  de  tubes,  comme  dans  les  ramoliissemente  plus  avancés. 

La  substance  finement  grenue,  les  noyaux  et  les  cellules  appartenant 
à  la  substance  grise,  offrent  aussi  l'aspect  normal.  Seulement  une  assez 
grande  quantité  de  granulations  graisseuses,  peu  volumineuses,  sont  ré- 
pandues dans  ce  tissu.  Il  y  a  en  outre  quelques  corps  granuleux.  Un 
grand  nombre  de  vaisseaux  sont  tout  à  fait  sains,  mais  plusieurs  petits 
vaisseaux  ont  leurs  parois  couvertes  de  granulations  graisseuses.  On 
trouve,  de  plus,  quelques  rares  corps  amyloïdes. 

La  coloration  rouge  semble  due  principalement  à  la  congestion  san- 
guine vasculairc;  peut-être  y  a-t-il  déjà  extravasation  d'une  petite  quan- 
tité de  la  matière  colorante  du  sang. 

Cavité  thoracique.  —  Poumons.  Emphysème  et  congestion. 

Cœur  un  peu  hypertrophié,  très-chargé  de  graisse  à  sa  surface;  val- 
vules aortiques  suffisantes;  induration  athéromateuse  et  crétacée  de  ces 
valvules  sans  rétrécissement.  Induratiou  analogue  des  valves  de  la  val- 


m 

vulo  mitralc,  sans  rétrécissement.  Aucune  concrétion  fibrineuse  an- 
cienne dans  les  cavités  du  cœur. 

Cavité  abdominale.  — Foie  sain. 

Bâte.  Volume  un  peu  plus  considérable  qu'à  l'état  normal.  Deux  in- 
farctus fibrineux  de  coloration  gris  jaunâtre. 

Reins.  Le  gauche  est  sain,  le  droit  présente  sous  sa  capsule,  à  une  petite 
distance  du  bord  postérieur  et  vers  son  tiers  inférieur,  une  petite  tache 
rougeâtre.  Une  coupe  faite  au  milieu  de  cette  tache  fait  voir  qu'elle 
correspond  à  un  petit  foyer  de  la  grosseur  d'un  pois.  L'examen  micro- 
scopique n'y  montre  pas  d'autre  modification  qu'une  congestion  vascu- 
laife  et  une  grande  quantité  de  b;ranulations  graisseuses. 

Aorte  athéromateuse,  surtout  dans  sa  partie  inférieure,  où  elle  pré- 
sente des  plaques  calcaires  et  de  petites  ulcérations.  Quelques  plaques 
athéromatcuses  dans  l'aorte  ascendante.  Petite  ulcération  de  4  à  5  cen- 
timères  de  diamètre  au  niveau  de  la  naissance  du  tronc  brachio-cépha- 
lique.  Au-dessus  de  cette  ulcération  proémine  un  petit  amas  de  matière 
athéromateuse  tout  à  fait  ramollie. 

Cette  observation,  où  l'oblitération  est  probablement  le  résultat 
d'une  thrombose,  est  intéressante  en  ce  que  quelques  corps  granu- 
leux commençaient  à  se  montrer  après  quatre  jours  seulement;  elle 
peut  donc  servir  de  transition  entre  cette  première  série  d'observa- 
tions et  celles  oii  la  mort  a  été  moins  rapide,  et  où  le  tissu  nerveux 
est  plus  profondément  altéré. 

Dans  les  observations  qui  précèdent,  les  ramollissements  récents 
étaient  rouges  ou  rosés,  dans  d'autres  cas,  le  ramollissement  récent 
par  oblitération  n'oflVe  pas  cette  injection  rosée  analogue  à  celle  que 
nous  avons  toujours  rencontrée  dans  nos  expériences  ;  il  est  au  con- 
traire blanc  pulpeux.  L'existence  d'un  ramollissement  blanc  très- 
récent  n'a  pas  été  admise  par  tous  les  auteurs,  nous  voyons  en  parti- 
culier M.  Lancereaux  faire  du  ramollissement  blanc  une  altération 
toujours  ancienne  (Ij. 

Nous  ne  savons  pas  comment  nous  rendre  compte  de  cette  variété 
qui  est  certainement  plus  rare  que  la  précédente;  elle  dépend  peut- 
être  dans  quelques  cas  de  ce  que  l'oblitération  étant  plus  complète  et 
affectant  des  branches  artérielles  plus  volumineuses,  la  fluxion  colla- 
térale n'a  pu  se  produire.  C'est  peut-être  ainsi  que  l'on  doit  inter- 
préter l'observation  suivante  : 

(t)  Lancereaux,  ouvr.  cit.,  p,  20et2i, 


104 

Hémiplégie  droite  ancienne;  apoplexie  subite;  mort  en  trois  jours;  ra- 
mollissement ANCIEN  DE  l'hémisphère  GAUCHE  ;  RAMOLLISSEMENT  RÉCENT  DE 
l'hémisphère  DROIT,  PROBABLEMENT  PAR  EMBOLIE  ;  OBLITÉRATION  DE  LA  CARO- 
TIDE DROITE  ;  CAILLOTS  ANCIENS  DU  VENTRICULE  GAUCHE  ;  AORTE  ULCÉRÉE. 
INFARCTUS   d'un    REIN. 

Obs.  VI.  —  M...  (Anne),  86  ans,  entrée  à  la  Salpêtrière  le  18  octobre 
1862,  morte  le  23  août  1865  (salle  Saint-Alexandre,  n"  17),  service  de 
M.  le  docteur  Charcot. 

Six  mois  avant  son  admission  à  la  Salpêtrière,  cette  malade,  jusqu'alors 
très-bien  portante,  avait  été  subitement  frappée  d'hémiplégie  droite  avec 
perte  absolue  de  la  parole.  Admise  à  la  Salpêtrière,  elle  présente  les 
symptômes  suivants:  Confinement  absolu  au  lit;  gâteuse.  Perte  com- 
plète de  la  parole.  Elle  paraît  comprendre  ce  qu'on  lui  dit;  quand  on 
lui  demande  de  tirer  la  langue,  elle  ouvre  la  bouche,  mais  ne  peut  faire 
exécuter  à  sa  langue  aucun  mouvement.  Avale  sans  difficulté.  Le  mem- 
bre supérieur  droit  est  complètement  paralysé;  un  peu  de  roideur  dans 
l'épaule  et  dans  le  coude,  les  deux  derniers  doigts  sont  un  peu  fléchis 
en  crochet.  Le  membre  inférieur  droit  ne  présente  pas  de  roideur,  il  a 
conservé  quelques  mouvements  très-limités;  par  le  chatouillement  de 
la  plante  du  pied,  mouvements  réflexes.  La  sensibilité  paraît  un  peu 
obtuse  dans  le  membre  supérieur  droit,  et  la  température  semble  plus 
élevée  que  dans  le  membre  supérieur  gauche.  Quand  la  malade  fait  la 
grimace,  la  bouche  est  manifestement  déviée  en  haut  et  à  gauche. 

Le  19  août  1865,  vers  quatre  heures  du  soir,  perte  subite  de  connais- 
sance; on  l'amène  à  l'infirmerie.  Sensibilité  et  motilité  complètement 
abolies.  Il  y  a  toujours  un  pou  de  roideur  dans  le  membre  supérieur 
droit.  Mouvements  réflexes  conservés  dans  les  membres  inférieurs.  Pas 
de  différence  de  température  entre  les  deux  côtés  du  corps.  Pas  de  dé- 
viation des  traits.  Respiration  stertoreuse. 

Mort  le  23  août. 

Autopsie.  —  Cavilé  crânienne.  Pas  de  néomembrancs  de  la  dure- 
mère.  La  pie-mère  est  œdématiée  et  se  détache  facilement. 

Hémisphère  gauche.  Pas  de  lésion  appréciable  à  la  surface  des  cir- 
convolutions qui  ont  leur  consistance  normale.  (Pas  de  lésion  de  la  troi- 
sième frontale.)  En  dehors  du  corps  strié  qui  renferme  une  petite  la 
cune,  existe  une  cavité  allongée  dont  le  grand  diamètre  dirigé  d'avant 
en  arrière  mesure  3  à  4  centimètres  (ancien  foyer  de  ramollissement). 
La  surface  interne  de  cette  cavité  présente  une  coloration  jaune  gri- 
sâtre, des  tractus  cellulcux  vont  d'une  paroi  à  l'autre.  La  substance  cé- 
rébrale autour  du  foyer  présente  une  légère  diminution  de  consistance. 

Hémisphère  droit.   Vaste   ramollissement  blanc  occupant  la  plus 


105 

grande  partie  des  lobes  moyen  et  postérieur.  Pas  de  lacunes  dans  le 
corps  strié  ni  dans  la  couche  optique. 

Atrophie  du  pédoncule  cérébral  gauche,  surtout  do  son  plan  inférieur. 
Atrophie  de  la  pyramide  gauche. 

Les  artères  cérébrales  gauches  sont  légèrement  athéromateuses;  la 
carotide  interne  droite  est  complètement  oblitérée  par  un  caillot  déco- 
loré assez  consistant  qui  se  prolonge  en  bas  dans  la  portion  de  l'artère 
qui  traverse  le  rocher  et  se  termine  en  pointe  au  niveau  de  l'origine  de 
l'artère  sylvienne.  L'artère  cérébrale  antérieure  droite  est  oblitérée  par 
un  caillot  long  de  4  à  5  centimètres.  Les  artères  sylvienne  et  cérébrale 
postérieure  et  leurs  branches  ne  contiennent  pas  de  caillots,  mais  elles 
sont  rétrécies  et  même  oblitérées  en  quelques  points  par  des  athéromes. 

En  ouvrant  la  carotide  primitive  droite,  on  trouve  au  niveau  de  sa 
bifurcation  un  caillot  ancien  à  cheval  sur  l'éperon  qui  sépare  les  caro- 
tides interne  et  externe.  Ce  caillot  envoie  trois  prolongements,  un  in- 
férieur mince,  filiforme,  long  de  6  à  7  centimètres  dans  la  carotide 
primitive;  deux  supérieurs,  un  long  de  2  centimètres  seulement  dans 
la  carotide  externe,  l'autre  dans  la  carotide  interne,  se  prolongeant  jus- 
que dans  la  portion  de  cette  artère  qui  traverse  le  rocher.  11  est  pro- 
bable qu'il  se  continuait  avec  le  caillot  qui  oblitérait  la  portion  intra- 
cranienne  de  la  carotide. 

(Le  canal  carotidien  n'a  pas  été  ouvert.) 

Cœur.  Surcharge  graisseuse  considérable.  Le  ventricule  gauche  est 
rempli  de  caillots  noirs,  sur  sa  face  postérieure  on  trouve  un  caillot 
ancien,  du  volume  d'une  petite  noisette,  suspendu  à  un  pédicule  long 
de  3  centimètres  environ.  Ce  pédicule  est  situé  entre  les  cordages  ten- 
dineux de  la  valve  postérieure  de  la  valvule  mitrale  et  vient  s'implanter 
dans  une  des  petites  cavités  qui  séparent  les  colonnes  charnues  du 
cœur.  De  chaque  côté  de  ce  pédicule  on  trouve  dans  des  cavités  ana- 
logues quelques  petits  caillots  anciens. 

Le  ventricule  droit  contient  des  caillots  noirs  qui  se  prolongent  dans 
l'artère  pulmonaire. 

Caillot  assez  volumineux  à  demi  décoloré  dans  la  crosse  de  l'aorte. 
Vers  la  partie  inférieure  de  l'aorte  abdominale  existe  un  caillot  ancien 
libre  long  de  4  centimètres  environ.  A  son  extrémité  inférieure  adhère 
un  caillot  récent  qui  se  prolonge  dans  les  artères  iliaques. 

La  surface  interne  de  l'aorte  présente  quelques  athéromes  ulcérés. 

Foie,  rate  normaux.  Kystes  séreux  dans  le  rein  droit. 

Le  ?'em  gauche  présente  un  infarctus. 

Dans  d'autres  cas,  le  ramollissement  récent  est  blanc  sans  que  rien 
dans  l'observation  permette  d'expliquer  cette  particularité  : 


106 

Hémiplégie    gauche   (apoplectique)  ;    mort   en   trois  jours  ;   déviation   des 
YEUX  A  droite;  ramollissements  ancien   (circonvolutions),  récent  (corps 

STRIÉ)    de     l'hémisphère     DROIT  ;     CAILLOT     ANCIEN     DANS    l'aURICULE    GAUCDE  ; 

embolie  probable;  oblitération  de  l'artère  sylvienne  droite  ET  de  ses 
branches;  artères  non  atiiéromateuses,  sauf  l'aorte  abdominale.  (Ob- 
servation due  à  M.  le  docteur  Vulpian.) 

Obs.  VII.  —  D...  (Marie-Anne),  58  ans.  Morte  le  1"  avril  1864,  salle 
Saint-Mathieu,  n"  3,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.Vulpian. 

Celte  malade,  qui  était  déjà  entrée  plusieurs  fois  à  l'infirmerie  pour 
des  bronchites  compliquantun  emphysème  considérable  des  poumons,  y 
rentre  pour  les  mômes  accidents  le  2  mars  1864,  présentant  une  bron- 
chite intense  avec  forte  dyspnée,  cyanose  des  lèvres,  œdème  des  mem- 
bres inférieurs,  un  peu  d'albumine  dans  les  urines. 

Le  29  mars,  la  malade,  voulant  se  lever,  est  prise  d'un  étourdisse- 
ment,  tombe  à  terre,  et  quand  on  la  relève  on  constate  une  hémiplégie 
gauche. 

Face.  Commissure  labiale  tirée  à  droite. 

Langue  déviée  à  gauche.  Paralysie  du  buccinateur  gauche. 

Yeux  tournés  tous  deux  à  droite,  impossibilité  de  les  porter  de  droite 
à  gauche.  Pupilles  égales,  normales. 

Membres.  Paralysie  complète  du  mouvement  à  gauche.  Sensibilité 
très-émoussée  du  côté  gauche. 

Inlelligence  conservée.  La  malade  peut  parler,  quoique  indistincte- 
ment. 

Cet  état  s'aggrave  progressivement,  la  déviation  des  yeux  subsiste,  et 
la  malade  succombe  le  1"  avril,  à  six  heures  du  soir. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Pas  de  lésions  du  crâne  ni  de  la  dure- 
mère. 

Artères  de  la  base  non  athéromateuses. 

\J artère  sylvienne  droite  contient  un  caillot  noirâtre  adhérent  aux 
parois,  remplissant  complètement  le  calibre  de  cette  artère  et  se  pro- 
longeant dans  ses  branches,  formé  do  fibrine  commençant  à  devenir 
granuleuse. 

Rien  de  semblable  dans  l'artère  sylvienne  gauche. 

Cerveau.  Ramollissement  jaunâtre  superficiel,  avec  adhérence  de  la 
pie-mère,  de  la  partie  postérieure  et  externe  des  circonvolutions  orbi- 
taires  droites  et  des  deux  circonvolutions  antérieures  de  l'insula  de 
Reil.  La  substance  grise  à  ce  niveau  est  presque  uniquement  composée 
de  corps  granuleux  et  les  éléments  nerveux  ont  presque  complètement 
disparu.  Il  s'agit  évidemment  là  d'un  ancien  ramollissement  dont  les 
symptômes  n'ont  pas  été  mentionnés  par  la  malade* 


ib7 

Ramollissemctit  blanc  du  corps  strié  droit  siégeant  au  niveau  dû  noyau 
lenticulaire,  s'arrêtant  sur  la  limite  qui  sépare  le  corps  strié  de  la  cou- 
che optique  n'occupant  pas  le  noyau  caudé,  mais  se  prolongeant  dans 
la  substance  blanche  en  dehors  du  corps  strié  et  devenant  pultacé  à  ce 
niveau.  On  retrouve  dans  ce  ramollissement  blanc  un  petit  nombre  de 
corps  granuleux  et  des  granulations  graisseuses  disséminées,  La  partie 
ramollie  est  infdtrée  d'une  grande  quantité  de  liquide  iransparent. 

Pas  d'autre  altération  de  l'encéphale. 

Cavités  tlioracique  et  abdominale. 

Cœur.  Ni  insuffisance  ni  rétrécissement  des  orifices.  Dilatation  assez 
marquée  des  cavités. 

L'oreillette  gauche  contient  un  caillot  noiriÀtre,  ramolli,  adhérent  à  la 
paroi  et  évidemment  ancien. 

Poumons.  Emphysème  très-considérable  et  injection  avec  épaississe- 
ment  de  la  muqueuse  bronchique,  noyau  d'hépatisation  rouge  dans  le 
poumon  droit. 

Foie.  Volumineux.  Muscade. 

Beins  et  rate.  Pas  de  lésions  apparentes. 

Aorte  saine  dans  sa  portion  thoracique,  présentant  dans  sa  portion 
abdominale  quelques  dépôts  athéroraateux. 

Cancer  de  l'utérus;  hémiplégie  gaucoe  subite;  mort  en  trois  jours;  ra- 
mollissement BLANC  des  lobes  PARIÉTAL  ET  OCCIPITAL  DROITS;  ARTÈRES  NON 
ATOÉROMATEUSES;     artère     SYLVIENNE    DROITE     OBLITÉRÉE     PAR    UN    THROMBUS; 

INFARCTUS  DU  REIN  GAUCHE.  (Observatiou  due  à  M.  le  docteur  Charcot.) 

Obs.  VIIL  —  G...  (Suzanne),  62  ans.  Morte  le3  décembre  1864,  salle 
Sainte-Marthe,  n"  6,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  le  doc- 
teur Charcot. 

Cette  femme  était  entrée  à  la  Salpêtrière  pour  un  carcinome  utérin. 

Le  1"  décembre  on  s'aperçut  d'une  hémiplégie  gauche  qui  n'avait 
offert  aucun  prodrome. 

Face.  Tournée  du  côté  droit,  la  malade  regarde  fixement  de  ce  côté. 
Commissure  labiale  droite  tirée  un  peu  en  haut.  Langue  déviée  à  gauche. 
Embarras  de  la  prononciation.  Pas  d'aphasie. 

Membres.  Héiniplégie  gauche  complète  avec  résolution. 

Pas  de  mouvements  réflexes. 

Anesthésie  complète  (pincement,  chatouillement,  froid).  Température 
égale  des  deux  côtés.  Température  rectale  =  38°. 

2  décembre.  Tète  toujours  tournée  à  droite,  la  malade  peut  cepen- 
dant la  tourner  à  gauche.  Quelques  mouvements  réflexes  dans  le  côté 
paralysé  ;  un  peu  de  sensibilité  au  membre  inférieur, 


108 

3  décembre.  Mouvements  réflexes.  Coma.  Mort  à  six  heures  du  soir. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Artères  de  la  base  non  athéroma- 
teuses. 

Artère  sylvienne  droite  oblitérée  par  un  caillot  ancien,  décoloré,  situé 
au  niveau  de  la  bifurcation  de  l'artère  et  se  prolongeant  dans  ses  bran- 
ches (voy.  pi.  II,  fig.  8).  La  sylvienne  gauche  est  libre. 

Cerveau.  Ramollissement  blanc  pultacé  occupant  une  portion  des 
lobe  occipital  et  pariétal  droits  et  pénétrant  assez  profondément. 

Couche  optique  et  corps  strié  sains. 

Hémisphère  gauche  sain. 

On  retrouve  dans  les  parties  ramollies  des  tubes  nerveux  variqueux, 
des  cellules  nerveuses  réduites  à  l'état  de  granulations  fines,  des  vais- 
seaux remplis  de  granulations  et  un  petit  nombre  de  corps  granuleux. 

Poumons.  Gauche,  pneumonie  grise  de  la  base  ;  droit  congestionné. 

Cœur  sain,  petit,  dur,  résistant.  Pas  de  caillots  anciens. 

Reins.  Droit,  anémié,  mamelonné,  un  infarctus  fibreux,  très-ancien. 

Utérus.  Transformation  carcinomateuse  portant  principalement  sur 
le  col  qui  est  presque  entièrement  détruit. 

Aorte.  Non  athéromateuse. 

Dans  les  quelques  observations  que  nous  possédons  de  ramollisse- 
ment par  thrombose  artérielle  survenant  chez  des  cancéreuses,  le 
ramollissement  était  généralement  blanc,  ou  pour  mieux  dire  la  sub- 
stance cérébrale  ramollie  avait  conservé  sa  coloration  normale.  Sans 
vouloir  établir  de  rapport  nécessaire  entre  l'aspect  de  ces  ramollisse- 
ments et  la  nature  de  la  cause  qui  les  a  produits  (état  profondément 
cachectique,  inopexie),  nous  pensons  cependant  qu'il  y  a  lieu  d'ap- 
peler l'attention  sur  cette  coïncidence. 

Nous  rapprocherons  des  cas  précédents  les  trois  observations  sui- 
vantes dans  lesquelles  le  ramollissement  était  un  peu  plus  ancien 
et  les  corps  granuleux  déjà  abondants.  Nous  ferons  observer  que 
ces  deux  ramollissements  étaient  blancs,  à  peine  rosés  par  places,  et 
qu'ils  s'étaient  produits  chez  des  cancéreuses.  Dans  l'un  de  ces  cas, 
obs.  IX,  l'état  fortement  athéromateux  des  artères  cérébrales  ne 
permet  pas  de  déterminer  si  la  thrombose  dépendait  de  l'inopexie 
plutôt  que  de  l'altération  des  parois  artérielles. 

RAMOLLISSEMENT     DE     l'hÉMISPHÈRE    GAUCHE    (  NON    DIAGNOSTIQUÉ);    OBLITÉRATION 
DE    l'artère    sylvienne    GAUCHE  ;    CANCER    DU    FOIE    ET    DE    l'eSTOMAC. 

Obs.  IX.—  C...  (Marguerite),  83  ans,  morte  le  27  mai  1865,  salle 
Saint-Vincent,  n"  11,  service  de  M.  Vulpian. 


1U9 

Cette  femme,  qui  était  entrée  à  l'infirmerie  dan?;  un  état  cachectique 
prononcé,  présentait  une  afîection  carcinomateuse  du  foie  et  de  l'esto- 
mac sur  les  symptômes  de  laquelle  nous  n'insisterons  pas;  symptômes 
qui  permirent  de  diagnostiquer  l'affection  abdominale  ;  mais  on  ne  put 
signaler  aucun  symptôme  d'hémiplégie  qui  fit  soupçonner  le  ramollis- 
sement cérébral.  Cette  malade  s'affaiblit  peu  à  peu  et  tomba  dans  un 
état  de  prostration  qui  pouvait  être  attribué  à  sa  cachexie. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Néo-membranes  très-adhérentes  et 
très-épaisses  de  la  dure-mère,  surtout  au  niveau  de  l'occipital  et  se 
prolongeant  dans  les  fosses  pariétales. 

Artères  de  la  base  athéromateuses,  surtout  les  terminaisons  des  caro- 
tides. Artère  sylvienne  gauche  oblitérée  par  un  caillot  ancien  (trois 
semaines,  un  mois?).  Cette  artère  est  gonflée  par  le  caillot;  elle  est 
athéromateuse,  et  quand  on  l'ouvre  on  trouve  un  bouchon  formé  de 
flbrine  ancienne,  adhérent  aux  parois  athéromateuses;  il  se  termine 
ensuite  par  un  caillot  récent  rouge. 

Hémisphère  gauche.  Ramollissement  portant  sur  la  partie  externe 
des  circonvolutions  de  l'insula  de  Reil,  sur  les  deux  circonvolutions 
marginales  et  s'étendant  jusqu'au  milieu  de  la  face  supérieure  de  l'hémi- 
sphère. 

Le  sommet  du  lobe  sphéno'idal  présente  un  ramollissement  assez  pro- 
noncé qui  offre  en  un  certain  nombre  de  points  une  teinte  légèrement 
rosée.  Une  partie  reste  adhérente  à  la  pie-mère  quand  on  enlève  cette 
membrane. 

Ce  ramollissement  se  prolonge  dans  la  substance  blanche  presque 
jusqu'au  niveau  du  ventricule. 

On  trouve  dans  le  foyer  des  vaisseaux  et  des  cellules  granuleuses; 
les  fibres  nerveuses  sont  bien  distinctes  et  non  granuleuses.  En  un 
point  surtout  qui  n'a  pas  été  déterminé  exactement,  nombreux  corps 
granuleux. 

Pas  de  lésion  des  autres  parties  de  l'encéphale. 

Cœur.  Pas  de  caillots,  pas  de  lésions. 

Aorte  légèrement  athéromateuse  à  son  origine  ;  ne  l'est  presque  pas 
dans  le  reste  de  son  étendue. 

Pas  d'infarctus  des  organes. 

Foie  et  estomac^  tumeurs  cancéreuses  multiples. 

Hémiplégie  gauche  ;  attaque  épileptiforme  ;  cancer  utérin  ;  ramollisse- 
ment cérébral;  oblitération  par  thrombose  de  l'artère  sylvienne  du 
côté  droit.  (Observation  due  à  M.  le  docteur  Charcot.) 

Obs.  X.  —  D...  (Marie),  âgée  de  60  ans,  entrée  à  la  Salpôtrière  le 


110 

\  1  juin  1862,  morte  le  28  août  1862  (salle  Sainte-Cécile,  n"  10),  service 
de  M.  le  docteur  Charcot. 

Pertes  en  rouge  et  en  blanc  depuis  un  an. 

Depuis  le  mois  de  juillet  diarrhée  habituelle,  œdème  des  membres 
inférieurs. 

Dans  la  nuit  du  14  au  15  août,  mouvements  convulsifs  passagers  avec 
cris  et,  dit-on,  écume  à  la  bouche.  En  même  temps  hémiplégie  gauche 
constatée  dès  le  début,  sans  roideur  des  membres.  Il  n'y  aurait  pas  eu 
perte  complète  de  connaissance. 

Le  15  août,  on  constate  une  hémiplégie  gauche  complète  avec  flacci- 
dité des  membres.  La  malade  paraît  comprendre  ce  qu'on  lui  dit,  mais 
ne  peut  parler. 

Le  16  août  la  parole  et  l'intelligence  sont  revenues;  la  face  est  dé- 
viée à  droite,  la  langue  est  déviée  à  gauche.  La  paralysie  est  toujours 
complète  dans  les  membres  gauches,  mais  le  pincement  y  détermine 
queUiues  mouvements  réflexes.  La  sensibilité  est  conservée.  Pas  de 
différence  de  température  entre  les  deux  côtés.  Eschare  au  sacrum, 
mort  le  28  août. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Liquide  arachnoïdien  très-abondant. 
Aspect  blanchâtre  et  louche  de  l'arachnoïde  et  de  la  pie-mère. 

Dans  son  ensemble,  l'encéphale  est  ramolli  (par  macération?  cette 
femme  était  très-œdématiée). 

Lorsqu'on  enlève  la  pie-mère,  la  substance  corticale  est  entraînée 
par  places,  ce  qui  produit  des  sortes  d'ulcérations  qui  intéressent  toute 
l'épaisseur  de  la  substance  grise. 

Hémisphère  droit.  Dans  le  fond  de  la  scissure  de  Sylvius  existe  un 
ramollissement  superficiel,  mais  pénétrant  à  une  assez  grande  profon- 
deur, qui  occupe  la  partie  supérieure  du  lobe  sphénoïdal  et  s'étend  au 
pourtour  de  l'insula  qui  est  sain;  ce  ramollissement  est  blanc,  laiteux, 
légèrement  rosé  par  places.  Le  microscope  y  fait  découvrir  un  grand 
nombre  de  corps  granuleux.  Parties  centrales  saines. 

Hémisphère  gauche.  Symétriquement  à  gauche  une  plaque  de  ramol- 
lissement analogue  à  celle  du  côté  droit,  mais  beaucoup  moins  étendue. 
Parties  centrales  saines. 

Artères  cérébrales.  Ne  sont  pas  athéromateuses.  L'artère  sylvienne 
du  côté  droit  un  peu  avant  sa  bifurcation  est  oblitérée  par  un  caillot 
ovoïde  long  de  6  à  7  millimètres,  et  qui  la  distend  en  ampoule.  Ce  caillot 
non  adhérent,  blanc  jaunâtre,  envoie  dans  les  branches  de  l'artère  syl- 
vienne des  prolongements  formés  par  des  caillots  récents.  Examiné  au 
microscope,  il  présente  de  la  fibrine,  des  globules  blancs  et  une  grande 
quantité  de  granulations  graisseuses.  L'artère  sylvienne  n'est  pas  athé- 


m 

romateiise.  Ou  ne  rencontre  pas  d'autres  caillots  dans  les  artères  du 
cerveau. 

Cœur.  Flasque,  décoloré,  pas  de  lésions  valvulaires,  pas  de  végéta- 
tions. 

Aorte  non  athéromateuse. 

Reins.  Distension  rénale. à  droite.  Rein  gauche  sain. 

Foie  et  rate.  Rien  à  notej. 

Utérus.  Col  dans  un  état  de  détritus  fétide. 

Thromboses  dans  les  veines  iliaque  et  fémorale  des  deux  côtés. 

Hémiplégie  gauche  subite;  ramollissement  cérébral;  oblitération  de  la 
sYLviENNE  DROITE;  CANCER  UTÉRIN.  (Observation  due  à  M.  le  docteur 
Charcot.)  (1). 

Ors.  XI.  —  P.  (Lucie  Reine),  47  ans,  morte  le  22  janvier  18G6,  salle 
Sainte-Anne,  15,  service  de  M.  le  docteur  Charcot. 

Entrée  à  la  Salpôtrière  le  4  janvier  1861  pour  un  cancer  utérin.  Etat 
profondément  cachectique. 

Le  8  janvier,  à  onze  heures  du  soir,  on  s'est  aperçu  que  la  malade 
était  hémiplégique  à  gauche. 

Le  9  janvier,  on  constate  l'état  suivant  : 

Tête  tournée  à  droite;  hémiplégie  faciale  gauche;  membres  gauches 
flasques  et  inertes;  sensibilité  conservée;  .mouvements  réflexes.  L'in- 
telligence n"est  pas  complètement  abolie. 

Les  jours  suivants  la  malade  reste  dans  le  même  état.  Une  eschare  se 
développe  à  la  fesse  gauche  et  fait  des  progrès  rapides. 

La  sensibilité  et  les  mouvements  réflexes  disparaissent  dans  les  mem- 
bres paralysés,  la  malade  parle  assez  distinctement.  La  tête  et  les  yeux 
sont  toujours  tournés  à  droite. 

Meurt  le  22  janvier  après  avoir  présenté  plusieurs  frissons. 

La  température  rectale,  qui  a  été  examinée  tous  les  jours,  est  restée 
presque  constamment  entre  37°  et  38°;  elle  s'est  élevée  une  seule  fois 
à  39"  (le  1 4  janvier  au  soir) .  Il  y  avait  habituellement  une  augmentation 
notable  de  la  température  le  soir. 

Autopsie.  —  Artères  cérébrales  non  athéromateuses.  Sylvienne 
droite  oblitérée  par  un  caillot  blanc  qui  se  prolonge  dans  deux  de  ses 
branches. 

Cei'veau.  Ramollissement,  avec  conservation  de  la  couleur  normale 

(1)  Cette  observation,  dont  nous  ne  donnons  que  le  résumé,  a  été 
l'objet  d'une  récente  communication  de  M.  Charcot  à  la  Société  de 
biologie. 


il-2 
de  la  deuxième  circonvolution  frontale  et  de  la  deuxième  circonvolution 
sphénoïdale  de  l'hémisphère  droit.  Parties  centrales  saines. 

L'examen  microscopique  fait  découvrir  dans  les  parties  ramollies  des 
granulations  libres,  des  corps  granuleux,  des  capillaires  présentant  une 
apparence  athéromateuse  très-prononcée. 

Les  cellules  nerveuses  sont  très-granuleuses,  les  tubes  nerveux  pré- 
sentent une  transformation  graisseuse  évidente  de  la  myéline. 

Cœur.  Volume  normal,  parois  assez  fermes,  un  petit  groupe  de  végé- 
tations sur  la  valvule  mitrale. 

Aorlc  non  athéromateuse. 

Veine  fémorale  oblitérée  par  des  caillots. 

Poumons.  Foyer  gangreneux,  épanchement  purulent  dans  la  plèvre 
gauche. 

Rate.  Un  infarctus  jaune. 

Il  faut  certainement  ranger  dans  ce  groupe,  quoique  Foblitération 
artérielle  n'ait  pas  été  recherchée,  l'observation  suivante,  qui  confirme 
encore  ce  que  nous  avons  dit  sur  les  ramollissements  qui  surviennent 
chez  les  cachectiques. 

Cancer  utérin;  ramollissement  cérébral;  l'état  des  vaisseaux  n'est 
PAS  INDIQUÉ.  (Observation  due  à  M.  le  docteur  Charcot.) 

Obs.  XIL  —  D...,  âgée  de  58  ans,  entrée  à  la  Salpêtrière  le  29  dé- 
cembre 1861,  morte  le  25  avril  18G2  (salle  Sainte-Rosalie,  2),  service 
de  M.  le  docteur  Charcot. 

Depuis  un  an  pertes  rouges  peu  abondantes  et  pertes  blanches  fé- 
tides. 

Anémie  très-prononcée,  œdème  des  membres  inférieurs,  bouffissure 
générale. 

Vers  le  15  avril  1862,  on  s'aperçoit  que  le  côté  droit  est  paralysé.  Il 
y  a  un  peu  de  roideur  dans  les  articulations  du  membre  supérieur.  La 
sensibilité  est  conservée. 

Le  19  avril  on  observe  :  température  plus  élevée  du  côté  paralysé, 
surtout  pour  le  membre  supérieur;  bouche  déviée  à  gauche;  parle  très- 
difficilement,  paraît  comprendre  ce  qu'on  lui  dit. 

Les  jours  suivants  l'hémiplégie  devient  plus  complète,  le  membre 
supérieur  est  flasque,  absolument  immobile,  il  y  a  un  peu  de  roideur 
dans  le  membre  inférieur.  Par  le  chatouillement,  on  y  détermine  quel- 
ques mouvements  réflexes. 

Mort  le  25  avril. 

Autopsie.  —  Ramollissement  jaunâtre  et  superficiel  de  la  face  externe 
du  lobe  postérieur  de  l'hémisphère  gauche  du  cerveau. 


113 

Ramollissement  blanc  de  la  svibstance  blanche  sous-jacente,  ne  péné- 
trant pas  jusqu'au  ventricule.  Les  parties  ramollies  ont  conservé  une 
certaine  consistance,  quand  on  les  soumet  à  l'action  d'un  filet  d'eau; 
elles  présentent  un  aspect  finenient  lacunaire  comme  une  sorte  de  den- 
telle. 

L'état  des  vaisseaux  n'est  pas  indiqué. 

Cœu)'  petit  et  flasque.  Poumons  sains. 

PyélO'néphrile  bilatérale. 

§  II.  — '  Ramollissements  anciens. 

(Juaiul  le  ramollissement  est  uti  peu  plus  ancien,  quand  un  plus 
grand  nombre  de  jours  se  sont  passés  après  roblitération,  nous 
voyons  alors  apparaître  une  succession  de  phénomènes  secondaires 
qui  finissent  par  aboutir  à  ce  que  Ton  pourrait  considérer  avec  M.  Du- 
rand-Fardel  comme  une  guérison,  comme  une  cicatrisation  du  ra- 
mollissement. 

Le  premier  de  ces  phénomènes  est  la  régression  graisseuse;  ou 
voit  alors  les  cellules  nerveuses  devenir  granuleuses,  les  tubes  ner- 
veux dissociés  sont  réduits  en  fragments,  et  dans  quelques  cas  on  les 
voit  devenir  eux-mêmes  granuleux.  En  même  temps  il  se  produit  dans 
le  foyer,  probablement  aux  dépens  de  la  myéline,  une  foule  de  pe- 
tites granulations  graisseuses  disséminées  ou  réunies  en  groupes. 
C'est  à  ce  moment  que  commencent  à  apparaître  les  corps  granu- 
leux (1);  considérés  d'abord  par  Gluge  comme  le  résultat  dun  tra- 
vail inflammatoire,  puis  par  d'autres  auteurs  comme  des  leucocytes 
devenus  granuleux,  ces  éléments  nous  ont  paru  le  plus  souvent  for- 


(1)  «  Longtemps,  on  le  sait,  nous  dit  M.  Hasse  (ouvr.  cité,  ^  180),  les 
«  corps  granuleux  ou  corpuscules  de  Gluge  ont  été  considérés  comme 
«  des  résultats  d'une  inflannnalion  et  avaient  même  été  nommés  cor- 
«  pusculcs  iiijhaitinaloircs.  Mais  bientôt  les  recherches  de  Keichert  et 
«  de  "Virchow  vinrent  démontrer  que  ces  corpuscules  n'étaient  que  des 
a  éléments  normaux,  en  voie  de  régression,  qui  apparaissent  souvent 
«  il  est  vrai,  dans  les  foyers  innammaloircs;  mais  depuis  que  Turk  lésa 
w  retrouvés  dans  le  système  nerveux  central  cians  le  cas  de  simple  atro- 
u  phie  de  la  substance  nerveuse,  on  ne  peut  les  considérer  comme 
«  types  de  l'encéphalomalacie  plilegmasique,  on  ne  peut  tout  au  plus 
«  déterminer  par  eux  l'ancienneté  plus  ou  moins  grande  du  processus.  » 

M.  Lancereaux  fait  aussi  la  même  remarque  (ouvr.  cit.,  p.  23). 
MÉM.  g 


!]4 
mes  par  l'accumulatioD  en  niasse  des  uranulations  graisseuses  d'abord 
disséminées. 

Les  granules  graisseux  et  les  corps  granuleux  sont  répandus  çà  et 
là  dans  le  foyer  de  ramollissement;  mais  ils  se  groupent  de  préfé- 
rence le  long  des  parois  des  vaisseaux  qu'ils  entourent  en  leur  for- 
mant une  sorte  de  gaine,  sans  que,  pour  cela,  la  paroi  elle-même  soit 
toujours  granuleuse  ;  c'est  là  un  fait  que  notre  collègue  et  ami  M.  Bou- 
chard nous  a  dit  avoir  aussi  observé  plusieurs  fois. 

Dans  d'autres  cas,  les  parois  elles-mêmes  des  capillaires  deviennent 
granuleuses  au  niveau  du  foyer  de  ramollissement,  tout  en  restant 
saines  dans  le  reste  de  l'encéphale;  car  si  l'altération  granuleuse  des 
parois  des  vaisseaux  capillaires  est  quelquefois  primitive  au  ramol- 
lissement, elle  nous  a  dans  quelques  cas  paru  lui  être  consécutive  ; 
c'est  un  fait  sur  lequel  nous  reviendrons  d'ailleurs  plus  tard. 

L'époque  à  laquelle  peuvent  se  former  les  corps  granuleux  n'avait 
pas,  que  nous  sachions,  été  exactement  précisée;  dans  deux  de  nos 
observations  nous  voyons  celte  altération  signalée  dans  des  cas  où  la 
mort  ne  s'était  pas  fait  longtemps  attendre.  Telles  sont  les  observa- 
tions V  (mort  au  bout  de  cinq  jours),  VU  (mort  en  trois  jours)  et  VllI 
(mort  en  trois  jours)  où  quelques  rares  corps  granuleux  commen- 
çaient à  se  montrer. 

La  régression  graisseuse  et  la  formation  de  corps  granuleux 
est  donc  un  phénomène  qui  peut  apparaître  promplement  dans  le 
cerveau,  et  nous  rappellerons  à  ce  propos  notre  expéiience  X  dans 
laquelle  nous  avions  trouvé  des  corps  granuleux  abondants  dans  un 
petit  foyer  de  ramollissement  cérébral  datant  de  dix  jours;  dans  de 
nouvelles  expériences  que  nous  avons  instituées  depuis  lors,  nous 
avons  trouvé  des  corps  granuleux  dans  un  ramollissement  datant  de 
trois iours;  nous  reviendrons  sur  ces  expériences  à  propos  des  alté- 
rations des  capillaires. 

Cette  dégénérescence  graisseuse  continue  progressivement,  et  les 
éléments  nerveux  dissociés  et  dilacérés  disparaissent  plus  ou  moins 
complètement. 

A  une  période  ordinairement  assez  avancée  de  ce  travail  de  ré- 
gression, époque  que  nous  ne  pouvons  pas  préciser  exactement,  on 
voit  apparaître  du  tissu  conjouctif  de  nouvelle  formation,  dans  lequel 
on  retrouve  les  noyaux  et  les  cellules  caractéristiques  du  tissu  cellu- 
laire :  on  y  rencontre  aussi  quelquefois  des  corps  amyloïdes. 


115 

Cette  hypergénèse  do  tissu  conjoiictif  correspond  à  ce  que  M.  Du- 
rand-Fardel  a  considéré  comme  la  cicatrisation  du  ramollissement  et 
dont  il  a  fort  bien  décrit  les  caractères  anatoniiques  sous  le  nom  de 
plaques  jaunes  des  circonvolutions  et  (['infiltration  celluleuse;  on  en 
verra  nombre  d'exemples  dans  nos  observations. 

Le  foyer  de  ramollissement  ancien  se  présente  quelquefois  sous  la 
forme  d'une  sorte  de  kyste  (troisième  degré  de  M.  Lancereaux)  rem- 
pli de  liquide  laiteux,  décrit  par  tous  les  auteurs.  Quoique  nous  n'en 
ayons  pas  d'exemples  dans  cette  première  série  d "observations,  nous 
pouvons  supposer  que  les  ramollissements  récents  blancs  pulpeux, 
sans  hyperémie  ni  extravasation  sanguine,  auraient  pu,  si  les  malades 
avaient  survécu,  donner  lieu,  par  leur  régression  graisseuse,  à  ces 
kystes  remplis  d'une  véritable  émulsion  de  substance  nerveuse,  ré- 
duite à  l'état  graisseux. 

Que  devient  maintenant  le  sang  qui  imbibe,  dans  la  plupart  des 
cas,  la  substance  nerveuse  récemment  ramollie?  C'est  évidemment 
lui  qui  produit  les  cristaux  d'hématoïdineet  les  granulations  dhéma- 
tosine,  en  masses,  que  l'on  a  souvent  l'occasion  d'observer  dans  cette 
dernière  période  ;  c'est  lui  qui,  mêlé  à  la  graisse,  produit  la  coloration 
qu'on  observe,  soit  dans  les  plaques  jaunes  des  circonvolutions,  soit 
dans  les  foyers  jaunes  de  ramollissement  profond,  quoique  dans  cer- 
tains cas  cette  coloration  jaunâtre  paraisse  due  uniquement  à  la  pré- 
sence de  la  graisse. 

La  coloration  jaune  a,  il  est  vrai,  une  prédilection  pour  la  surface 
de  l'encéphale,  et  il  n'est  pas  rare  d'observer  des  ramollissements  qui, 
jaunes  à  la  superficie,  deviennent  blanchâtres  dans  la  profondeur. 
Cette  fréquence  de  la  coloration  jaune  dans  la  subtance  grise  du  cer- 
veau est  sans  doute  en  rapport  avec  l'hyperémie  habituelle  que  l'on 
rencontn;  dans  ces  mêmes  points,  dans  les  ramollissements  récents 
rouges. 

Enfin  il  est  possible  que  dans  certains  cas  la  matière  colorante  du 
sang  se  résorbant  complètement,  un  ramollissement  primitivement 
rouge  se  soit  transformé  peu  à  peu  en  un  foyer  grisâtre  ou  blanc. 

D'autres  processus  morbides  peuvent  donner  lieu  à  des  altérations 
analogues,  et  il  est  souvent  fort  diflicile  de  distinguer  ces  lésions  de 
celles  que  produisent  d'anciens  foyers  hémorrhagiques.  surtout  si 
elles  siègent  dans  le  voisinage  des  corps  striés,  lieu  d'élection  do 
l'hémorrhagie  cérébrale.  On  peut  dire,  il  est  vrai,  que  le  foyer  résul- 


116 
tant  d'une  ancienne  liéraoniiagie  présente  une  teinte  plus  ocrée, 
qu'il  renferme  une  plus  furie  proportion  d'iiéraatosine  et  d'hématoï- 
dinc,  que  ses  parois  sont  plus  dures,  plus  rétractées  sur  leurs  Lords, 
qu'il  y  a  une  moins  grande  quantité  de  tractus  celluieux  à  l'intérieur 
du  foyer;  mais  ces  caractères  dislinctifs  ne  sont  pas  suftisants,  dans 
certains  cas,  dans  lesquels  il  est  alors  difficile  de  déterminer  exacte- 
ment quelle  a  été  l'altération  primitive. 

Quant  aux  plaques  jaunes,  on  ne  peut  guère  supposer  qu'elles  pro- 
viennent d'une  hémorrhagie,  car  leur  siège  n'est  pas  celui  de  l'iié- 
morrhagie  cérébrale. 

Plusieurs  auteurs  ont  voulu  séparer  du  ramollissement  par  ob- 
struction aj'térielleles  plaques  jaunes;  nous  voyons,  en  particulier, 
M.  Lancereaux  (p.  33)  attribuer  leur  formation  à  un  exsudât  qui  se- 
rait le  résultat  dun  processus  inflammatoire  à  marche  chronique. 
Nous  sommes  disposés  à  admettre  qu'un  travail  iriitatif  secondaire 
joue  un  j'ôle  dans  leur  foj-mation,  et  il  se  ponrraitpeul-ètre  aussi  que 
dans  certains  cas  elles  soient  le  résultat  d'une  phlegmasie  chronique; 
nous  n'insistons  ici  que  sur  la  possibilité  de  leur  formation  à  la  suite 
d'une  obstruction  ai'térielle  (1),  et  nous  pouvons,  comme  exemples, 
citer  l'obs.  lll  et  les  obs.  suivantes  : 


(l)Nous  sommes  d'autant  plus  autorisés  à  dire  que  les  plaques  jaunes 
peuvent  être  le  résultat  d'une  obstruction  artérielle,  que  depuis  que 
nous  avons  écrit  ces  lignes,  nous  avons  fait  de  nouvelles  expériences, 
et  que  nous  avons  été  assez  heureux  pour  obtenir  expérimentalement 
une  plaque  jaune,  sur  un  chien  qui  avait  survécu  à  l'injection  de  grai- 
nes de  tabac  dans  la  carotide.  Nous  croyons  cette  expérience  assez  im- 
portante et  assez  intéressante  pour  la  publier  in  extenso  dans  cette 
note. 

INJECTION  DE  GRAINES  DE  TABAC  DANS  LA  CAROTIDE  CAIÎCHE  (eOCT  CENTRAL); 
CRIS,  tristesse;  pas  DE  VARALVSIE;  ANIMAL  SACRIFIÉ  AU  BOUT  DE  TRENTE- 
NEUF  jours;  ANCIEN  FOYER  DE  RAMOLLISSEMENT  (PLAQUE  JAUNe)  DES  CIRCON- 
VOLUTIONS   DE    L  nËMlSPHÈRE    DROIT. 

Exp.  XII.  —  Le  15  janvier  1866  nous  avons  injecté,  dans  le  bout 
central  de  la  carotide  gauche  d'un  chien  épagneul  adulte  de  grande 
taille,  de  l'eau  tenant  en  suspension  des  graines  de  tabac;  fort  peu  de 
graines  durent  pénétrer,  car  la  canule  de  la  seringue  fuloblitérée,  néan- 
moins l'animal  poussa  un  cri  au  moment  de  l'injection.  Il  ne  se  mani- 
festa pas  de  symptômes  de  paralysie,  mais  l'animal  resta  triste  et  abattu. 


117 

HIÎMIPLÉGIE  gauche;  PLAQUES  JAUNES  DANS  l'mÉJMSIMIÈRE  «liOll  ;  ARTÈRES  CÉRÉ- 
ItRAI.ES  TRÈS-ATHÉROMATEUSES;  OBLITÉRATION  DES  ARTÈRES  SYLVIENNE  ET  DU 
CORPS  CALLEUX  DROITES. 

Ors.  XIII.  —  F.  (Pauline-Stéplianie-Louise),  âgée  de  58  ans,  est  entrée 

La  plaie  se  cicniriso  :  le  cliicn  continua  à  être  triste,  il  était  ilifTicile  de 
le  faire  sortir  du  fond  de  son  chenil  :  Pas  d'albuminurie. 

23  février.  Aucun  symptôme  nouveau  ne  s'étant  manifesté;  nous  sa- 
crifions l'animal  par  décapitation. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Pas  d'altération  des  téguments,  des 
os  du  crâne  ni  delà  dure-mère. 

Cerveau.  A  la  partie  externe  du  lobe  moyen  droit  et  suivant  la  direc- 
tion de  la  scissure  de  Sylvius  en  remontant  jusqu'à  1/2  centimètre  en- 
viron de  la  scissure  interhém'sphérique,  existe  une  plaque   d'une  lon- 
gueur d'environ  3  à  4  centimètres,  et  d'une  largeur  variant  entre  2  et 
15  millimètres.  Cette  plaque  est  rétractée,  elle  forme  une  dépression  à 
la  surface  du  cerveau;  jaunâtre  par  places,  elle  offre  une  teinte  opaline 
dans  quelques  endroits.  Le  tissu  qui  la  constitue  est  plus  résistant  que 
les  parties  saines  du  cerveau;  on  aperçoit  à  l'œil  une  trame  vasculaire 
qui  la  recouvre.  Les  membranes  d'enveloppe  enlevées,  on  aperçoit  la 
substance  cérébrale,  dune  coloration  jaune  ocré,  qui  était  masquée  par 
l'état  opalin  des  membranes.  Cette  altération,  qui  rappelle  en  tous  points 
les  plaquas  jaunes  des  circonvolutions,  ne  s'étend  que  peu  en  profon- 
deur, ne  dépasse  que  dans  quelques  points  la  substance  grise.  (Voy. 
pi.  1II„  fig.  4.) 

L'artère  sylvienne  droite  est  oblitérée  par  quelques  graines  de  tabac 
qui  se  sont  accumulées  surtout  à  la  partie  inférieure  du  foyer;  on  re- 
trouve encore  quelques  graines  dans  la  cérébrale  antérieure  droite,  et 
une  dans  une  petite  branche  de  la  sylvienne,  qui  se  rend  au  foyer. 

Examen  microscopique.  On  constate  dans  le  tissu  qui  constitue  la  plaque 
jaune,  une  très-grande  accumulation  de  granulations  graisseuses  dissé- 
minées, un  grand  nombre  de  gros  corps  granuleux,  plus  abondants  dans 
le  voisinage  des  petits  vaisseaux;  quelques  granulationsjaunâtres  d'hé- 
matosine  et  des  débris  de  tubes  nerveux. 

Les  vaisseaux  sont  pour  la  plupart  chargés  de  granulations;  quelques 
petits  vaisseaux  offrent  aussi  des  granulations  accumulées  dans  leur 
tunique  même;  ils  sont  très-chargés  de  noyaux.  (  PI.  III,  fig.  1.) 

On  trouve  en  outre  entre  les  vaisseaux  une  trame  de  tissu  cellulaire, 
qui  devient  manifeste  par  l'addition  d'un  peu  d'acide  acétique.  (PI.  III, 
fig.  2.) 

En  somme,  on  peut  dire  que  la  substance  nerveuse  a  en  grande  par 


118 
à  la  Salpêtrière  le  23  mai  1863,  salle  Saint-Jacques,  n°  l'4,  service  de 
M.  Charcot;  elle  est  morte  le  9  septembre  1865. 

Hémiplégie  gauche  survenue  en  décembre  1862,  sans  perte  complète 
de  connaissance  et  ayant  été  précédée  par  des  étourdissements.  Un 
mois  après  l'attaque,  les  membres  paralysés  ont  commencé  à  se  contrac- 
turer. 

A  son  entrée  à  la  Salpêtrière,  on  observa  :  intelligence  parfaitement 
saine,  pas  de  troubles  de  la  parole,  pas  de  paralysie  faciale;  membre 
supérieur  gauche  roide,  doigts  fléchis  dans  la  paume  de  la  main  ;  mem- 
bre inférieur  flasque;  roideur  seulement  dans  le  pied  (pied  bot-équin). 
Les  différents  modes  de  la  sensibilité  sont  parfaitement  conservés. 

Mort  le  9  septembre  1865. 

Autopsie.—  Cavité  crânienne.  Méninges  infiltrées  de  sérosité.  La  pie- 
mère  se  détache  facilement.  Artères  de  la  base  du  cerveau  très-athé- 
romateuses.  L'artère  sylvienne  droite  et  Tartère  du  corps  calleux  droite 
sont  oblitérées  en  quelques  points  par  une  matière  jaunâtre. 

Hémisphère  gauche  sain  ;  seulement  quelques  lacunes  dans  la  couche 
optique. 

Hémisphère  droit.  Deux  plaques  de  ramollissement  jaune,  situées 
vers  l'extrémité  supérieure  du  sillon  de  Rolando. 

Atrophie  de  la  pyramide  droite. 

Cœwr.  Valvule  mitrale  légèrement  alhéromateuse  ;  pas  de  végétations. 
Valvules  aortiques  saines. 

Aorte  très-peu  athéromateuse. 

Pas  d'infarctus  dans  les  viscères. 

ancienne  hémiplégie  droite;  ramollissement  cérébral  ancien;  thrombose  de 
l'artère  sylvienne;  cancer  du  foie. 

Ors.  XIV.  — H,  (Marie-Rosalie),  âgée  de  67  ans,  est  entrée  à  la  Sal- 

tie  disjiaru,  et  qu'il  reste  surtout  des  vaisseaux  nombreux  chargés  de 
noyaux  unis  par  une  trame  de  tissu  cellulaire  à  noyaux,  et  entremêlé 
de  granulations  graisseuses  et  de  gros  corps  granuleux. 

Les  parties  blanches  voisines  du  foyer  offraient  aussi  quelques  corps 
granuleux  moins  abondants  et  réunis  surtout  au  voisinage  des  vais- 
seaux. 

Rien  dans  les  autres  parties  de  l'encéphale. 

Moelle.  On  n'y  a  pas  constaté  d'atrophie  descendante,  non  plus  que 
dans  la  pyramide  antérieure  droite,  soit  à  l'examen  à  l'œil  nu,  soit  à 
l'examen  microscopique. 

Autres  organes  sains;  pas  d'infarctus. 


JIO 

pêtrière  le  18  avril  1863,  salle  Saint-Paul,  n"  11,  service  de  M.  le  doc- 
leur  Charcot;  morte  le  9  avril  1865. 

Il  paraît  que  six  mois  environ  avant  son  admission  à  la  Salpêtrière, 
elle  a  été  frappée  d'héminlégie  droite  avec  perte  de  la  parole.  Actuelle- 
ment les  membres  du  côté  droit  sont  complètement  paralysés  et  flas- 
ques; les  doigts  sont  seulement  fléchis  en  crochet.  Aphasie.  La  malade 
répète  quelques  mots,  sait  son  nom;  l'intelligence  paraît  assez  conser- 
vée ;  elle  cherche  à  se  faire  comprendre  par  des  gestes.  CEdème  consi- 
dérable des  membres  inférieurs,  gagnant  peu  à  peu  les  flancs,  les  lombes 
et  toute  la  moitié  inférieure  du  tronc.  Mort  le  9  avril  1865. 

Urines.  Albuminurie  (16  mai  1863);  pas  d'albuminurie  (mars  1865). 

Autopsie.  —  Cerveau.  Vaste  foyer  de  ramollissement  ancien,  situé  au 
fond  de  la  scissure  de  Sylvius  du  côté  gauche;  en  arrière  de  l'insula, 
la  partie  postérieure  de  la  circonvolution  marginale  inférieure  est  en- 
tièrement détruite.  Le  ramollissement  s'étend  jusque  dans  la  partie 
postérieure  du  corps  strié,  dont  la  capsule  interne  est  en  partie  détruite. 
Troisième  circonvolution  frontale  saine.  Atrophie  descendante  du  pé 
doncule  cérébral  et  de  la  pyramide  gauches. 

Les  artères  de  la  base  du  cerveau  sont  peu  athéromateuses,  à  l'ex- 
ception de  la  sylvienne  gauche,  dont  le  calibre  est  considérablement 
rétréci  par  des  plaques  athéromateuses. 

Au  delà  de  ce  rétrécissement  et  immédiatement  avant  sa  bifurcation, 
cette  artère  est  complètement  oblitérée  par  un  caillot  ancien,  légère- 
ment adhérent,  qui  envoie  des  prolongements  dans  les  branches  de 
l'artère  sylvienne.  (PI.  Il,  fig.  7.) 

Cœur  petit;  pas  d'altération  valvulaire;  pas  d'endocardite  ancienne. 

Aorlc  à  peine  athéromateuse. 

Raie  et  reins  sains  ;  pas  d'infarctus» 

Foie  cancéreux  dans  presque  toute  son  étendue. 

Nous  rapprocherons  des  cas  précédents  l'observation  suivante  'dans 
laquelle  l'oblitération  artérielle  n'a  pas  été  recherchée,  mais  où  elle 
était  infiniment  probable)  qui  offre  un  exemple  de  ramollissement 
avec  infarctus  consécutifs  à  une  endocardite  avec  productions  poly- 
piforraes  de  la  valvule  mitrale. 


120 
Ancienne  hémiplégie  GAtcnE;  ramollissement  jaune  de  L'nÉr.iispnÈRE  droit; 

INFARCTUS    DE    LA    RATE  :     ENDOCARDITE    AVEC     PRODUCTIONS     POLYPIFORMES    DE 

LA  VALVULE  mitrale;  MORTE  DE  DYSsENTÉRiE.  (Obscrvation  duB  à  M.  VUL- 

PIAN.) 

Ors.  XV.  —  M...  (Marie),  26  ans.  Morte  le  8  octobre  1863,  à  la 
Salpêtrière,  salle  Saint-Nicolas,  6,  service  de  M.  Vulpian. 

Il  y  a  environ  un  an,  attaque  subite  d'hémiplégie  gauche,  avec  perle 
de  connaissance.  A  son  entrée  à  l'infirmerie,  cette  malade  présente  une 
paralysie  complète  du  côté  gauche  avec  atrophie;  diminution  de  la  sen- 
sibilité; contracture  légère  du  bras  et  de  la  main;  pas  d'aphémie.  Af- 
fection cardiaque  ;  bruit  de  souffle  à  la  pointe,  couvrant  le  petit  si- 
lence. 

La  malade  entre  pour  une  diarrhée  dyssentérique  et  meurt  le  8  octo- 
bre 1863. 

Autopsie.  —  Cavité  cravienne.  Néomembranes  minces,  rouges,  plus 
étendues  à  droite  qu'à  gauche,  siégeant  dans  les  fosses  pariétales. 

Artères  de  la  base  nonathéromateuses.  N'ont  pas  été  examinées  avec 
soin  au  point  de  vue  de  leur  obstruction. 

Ramollissement  jaune  ocré  formant  une  dépression  à  la  surface  de 
rhémisphère  droit  et  occupant  la  partie  antérieure  de  la  circonvolution 
marginale  antérieure,  la.  partie  postérieure  des  trois  circonvolutions 
frontales,  la  partie  externe  du  lobule  de  l'insula;  la  teinte  jaunâtre  se 
prolonge  en  outre  sans  dépression  jusqu'au  voisinage  de  la  scissure  in- 
terhémisphérique.  Cette  altération  est  limitée  à  la  substance  grise,  si  ce 
n'est  au  niveau  de  la  partie  postérieure  de  la  deuxième  circonvolution 
frontale  et  d'une  portion  de  la  première,  où  l'altération  se  prolonge  dans 
l'hémisphère  jusqu'à  une  petite  distance  de  la  surface  supérieure  du 
ventricule  latéral. 

Cette  substance  jaune  est  formée  d'une  très-grande  accumulation  de 
corps  granuleux. 

Corps  strié  sain. 

Atrophie  descendante  du  pédoncule  cérébral  droit  et  du  faisceau  la- 
téral gauche  de  la  moelle  épinière. 

Cœur.  Volume  normal,  tissu  sain.  Valvules  aortiques  saines.  Valvule 
mitrale.  Sur  le  bord  libre  de  la  valve  interne  près  du  point  d'inser- 
tion des  tendons  des  colonnes  charnues,  dans  un  espace  de  1/2  cen- 
timètre ;  état  végétant  du  tissu  ;  sorte  de  végétation  à  base  assez  ferme, 
mais  de  moindre  consistance  que  la  valvule  et  qui,  à  son  sommet,  est 
déchiquetée,  ramollie,  rougeâtre  comme  de  la  fibrine  en  voie  de  ré- 
gression. 


121 

Poumons.  Sains. 

Intestin  grêle.  Psorontéric  manifestp. 

Gros  intestin.  Nombreuses  ulcérations  dyssentériques. 

Foie  légèrement  gras. 

Bdte  très-grosse.  Pèse  710  grammes.  A  sa  surface  quelques  taches 
jaunâtres  de  2  à  3  centimètres  de  diamètre  à  contours  irrégulièrement 
arrondis;  sur  des  coupes  ces  parties  ont  une  teinte  blanc  jaunâtre,  nuan- 
cée de  gris  et  çà  et  là  de  rouge.  Le  tissu  est  plus  compacte,  plus  homo- 
gène et  plus  résistant  que  le  tissu  sain.  Tous  ces  points  sont  entourés 
d'un  tissu  un  peu  congestionné  ou  bien  noirâtre,  montrant  dans  ce  der- 
nier cas  les  traces  d'une  ancienne  congestion. 

L'examen  microscopique  de  ces  points  d'infarctus  fibrineux  a  montré 
un  petit  nombre  de  cellules  très-granuleuses  et  une  augmentation  de 
tissu  conjonctif  (fibrillaire  à  noyaux  allongés);  on  n"a  pas  pu  y  trouver 
manifestement  les  éléments  normaux  de  la  rate. 

Des  adhérences  péritonéales  delà  rate  au  pancréas  et  au  rein  restaient 
comme  vestiges  dun  travail  de  péritonite  localisée  ancienne. 

Reins.  Sains. 

Aorte.  Saine  dans  toute  son  étendue. 

Dans  les  cas  précédents  de  ramollissements  anciens  (plaques 
jaunes;  consécutifs  à  une  oblitération  artérielle,  la  lésion  cérébrale 
nous  paraît  pouvoir  être  rapprochée  des  anciens  infarctus  formant 
des  plaques  rétractées  et  quelquefois  jaunâtres  à  la  surface  de  la  rate 
et  des  reins. 

Quelquefois  une  hémorrbagie  peut  se  faire  dans  un  ancien  foyer 
de  ramollissement;  nous  en  avons  plusieurs  exemples;  mais  nous 
avons  cru  devoir  placer  ici  l'observation  suivante,  le  ramollissement 
étant  dli  à  une  obstruction  artérielle.  Ces  cas  pourraient  se  rappro- 
cher des  ramollissements  hémorrhagipares  de  Rochoux. 

PLUSIEURS  ATTAQUES  APOPLECTIQUES;  ATTAQUE  RÉCENTE  AVEC  CONVULSIONS  ÉPl- 
LEPTIFORMES  ;  PLUSIEURS  FOYERS  DE  RAMOLLISSEMENT  ;  HÉMORRHAGIE  DANS  UN 
DE  CES  FOYERS  AVEC  ISSUE    DU    SANG    DANS  LA   CAVITÉ  ARACUNOÏDIENNE  ;   ARTÈRES 

DE  LA  BASE  ATHÉROMATEusEs  ET  OBSTRuÉiiS.  (Obscrvation  duB  à  M.  Ic  doc- 
teur  CuARcoT.) 

Obs.  XVI.  —  H...  (Marie-Victoire),  âgée  de  50  ans,  est  entrée  à  l'infir- 
mcrie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  Charcot,  le  30  mars  1862;  elle  est 
morte  le  26  avril  1862. 


122 

A  son  entrée  celte  malade  ne  peut  donner  aucun  renseignement;  on 
apprend  de  ses  parents  qu'il  y  a  deux  ans  elle  eut  une  attaque  apoplec- 
tique suivie  de  guérison  ;  treize  mois  plus  tard  on  la  trouva  sans  con- 
naissance dans  son  lit.  Depuis  cette  époque  elle  est  restée  paralysée 
dans  Tétat  où  elle  se  trouve  aujourd'hui. 

Air  hébété,  fréquentes  congestions  passagères  de  la  face;  station  im- 
possible; membres  dans  la  demi-flexion,  roideur  dans  les  membres 
droits. 

Parle  d'une  manière  incohérente  ;  gâteuse. 

Sensibilité  conservée,  mais  lente,  surtout  à  droite. 

Le  26  avril,  à  huit  heures  du  matin,  la  malade  est  prise  subitement  de 
convulsions  épileptiformes  avec  perte  complète  de  connaissance;  colo- 
ration violacée  de  la  face  et  stertor.  Les  convulsions  sont  plus  pronon- 
cées dans  les  membres  droits  et  surtout  dans  le  bras  contracture.  Les 
convulsions  se  succèdent  presque  sans  relâche  jusqu'à  six  heures  du 
soir.  Mort  le  même  jour. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Les  artères  de  la  base  sont  athéroma- 
teuses;  l'artère  basilaire  est  trois  ou  quatre  fois  plus  volumineuse  qu'à 
l'état  normal,  tortueuse  et  indurée;  les  artères  enlevées  en  même  temps 
que  la  pie-mère  et  examinées  ensuite,  ont  présenté  dans  plusieurs  points 
des  thrombus  ayant  environ  un  centimètre  de  long,  durs,  en  grande 
partie  décolorés,  adhérant  aux  parois  d'une  manière  assez  intime  et  dis- 
tendant le  vaisseau.  On  ne  peut  déterminer  exactement  le  siège  de  ces 
thrombus,  les  artères  ayant  été  enlevées  avec  les  membranes. 

HcmisTplièrc  gauche.  Dans  la  cavité  gauche  arachnoïdienne  existait  un 
caillot  noir  arrondi  qui  comprimait  manifestement  la  surface  du  lobe  pos- 
térieur ;  ce  caillot  pénétrait  à  l'intérieur  d'une  vaste  cavité  occupant 
presque  tout  le  centre  du  lobe  postérieur.  La  substance  grise  présente 
une  perforation  déchiquetée  de  l'étendue  d'une  pièce  d'un  franc  par 
laquelle  le  caillot  intra-cérébra!  se  continue  avec  le  caillot  arachnoï- 
dien.  L'arachnoïde  pariétale  et  viscérale  ne  présente  aucune  trace  de 
fausses  membranes  au  niveau  du  foyer.  Les  parois  du  foyer  sont  ramol- 
lies (détritus  pultacé  blanc)  dans  toute  leur  épaisseur,  en  sorte  que  le 
lobe  postérieur  peut  être  considéré  comme  ramolli  en  totalité;  sa  sur- 
face présente  une  coloration  jaunâtre  évidente.  Le  foyer  ne  paraît  pas 
communiquer  avec  le  ventricule.  Le  corps  strié  et  la  couche  optique 
ainsi  que  le  corps  calleux  et  la  voûte  à  trois  piliers  sont  mous,  mais 
ne  présentent  pas  de  ramollissement  véritable. 

Le  lobe  antérieur  gauche  présente  une  teinte  hortensia  foncée  et 
quelques  points  de  ramollissement  superficiel  rouge. 

Hénii&pliére  droit.  Plusieurs  points  de  ramollissement  jaune  ou 
blanc  soit  dans  l'épaisseur  soit  à  la  surface  du  lobe  postérieur.  CJca- 


123 
trice  dure  et  ocrée  entourée  de  substance  cérébrale  ramollie  siégeant 
à  l'union  du  tiers  antérieur  et  dos    deux  tiers   postérieurs  du  corps 
strié  (ancien  foyer  liémorrhagique). 

Mollesse  générale  des  autres  parties  de  l'encéphale. 

Cœur.  Volume  à  [)eu  près  normal,  induration  des  valvules  du  cœur 
gauche  sans  lésion  proprement  dite  des  orifices. 

Aorte  peu  athéromateuse,  non  ossifiée. 

Autres  organes  non  examinés. 

IXI.  —  Be  l'oblitération  artérielle. 

Dans  toutes  les  observatioos  que  nous  venons  de  rapporter,  nous 
avons  vu  que  le  ramollissement  pouvait  être  attribué  à  l'oblitération 
artérielle;  il  nous  reste  maintenant  à  rechercher  quelles  peuvent  être 
la  nature  et  les  causes  de  cette  oblitération. 

Oq  divise  habituellement  en  deux  espèces  principales  les  caillots 
oblitérateurs,  selon  qu'ils  se  sont  formés  sur  place,  ou  qu'ils  sont 
venus  d'un  point  plus  ou  moins  éloigné  du  système  circulatoire  d'où 
ils  ont  été  entraînés  par  le  courant  sanguin.  Nous  verrons  tout  a 
l'heure  qu'il  est  souvent  difficile  de  déterminer  à  laquelle  de  ces  deux 
espèces  apartient  le  caillot. 

De  la  thrombose.  —  La  thrombose  artérielle  peut  reconnaître  dif- 
férentes causes  : 

r  L'altération  des  parois  de  l'artère.  Il  est  probable  que  la  dégéné- 
rescence athéromateuse  des  artères,  l'état  dépoli  et  rugueux  de  leur 
membrane  interne  qui  en  est  la  conséquence,  entraîne  souvent  la 
coagulation  du  sang  sur  place,  d'autant  plus  qu'à  cette  altération  de 
la  paroi  vient  s'ajouter  le  rétrécissement  de  calibre  du  vaisseau.  (Voy. 
obs.  II,  IV,  XVI.)* 

2"  Le  ralentissement  du  cours  du  sang  qui,  comme  on  le  sait,  le 
dispose  à  se  coaguler  spontanément;  ce  ralentissement  peut  être  pro- 
duit par  diliërentes  causes  : 

a.  Les  aliections  du  cœur,  et  principalement  la  dégénérescence 
graisseuse  (1)  de  ses  parois,  fréquente  chez  les  vieillards,  qui  doit  di- 
minuer considérablement  l'énergie  de  ses  contractions. 

b.  Le  rétrécissement  du  calibre  des  artères,  ordinairement  par  des 
dépôts  athéromaleux;  il  n'est  pas  rare,  en  effet,  de  rencontrer  des 

(l)  Voy.  Geist  (Ku.mk  der  GaEisENKRANKUErrEN,  p.  75),  Erlangen,  18(30. 


1^.4 
tlirombus  qui  se  sont  formés  immédiatement  après  un  rétrécissement 
du  vaisseau,  là  où  le  cours  du  sang  était  nécessairement  ralenti  (1). 
(Voy.  ol)s.  I,  V,X1V.) 

c.  La  perte  de  l'élasticité  des  parois  artérielles  par  suite  de  leur 
dégénérescence  athéromateuse.  M.  Marey  a  démontré  que  l'élasticité 
des  parois  artérielles  augmente  la  vitesse  du  courant  sanguin,  nous 
sommes  donc  en  droit  de  mettre  la  perte  de  cette  élasticité  parmi  les 
causes  qui  disposent  le  sang  à  se  coaguler  (2). 

3°  Enfin  une  cause  fréquente  de  thrombose  est  une  altération  spé- 
ciale de  la  crase  du  sang  qui  le  dispose  à  se  coaguler  spontanément, 
indépendamment  de  toute  lésion  appréciable  du  système  artériel; 
cette  altération  du  sang  (inopexie  de  Vogel)  s'observe  dans  les  ca- 
chexies, etnous  l'avons  particulièrement  renconti'ée  dans  la  cachexie 
cancéreuse  (3).  On  voit  alors  se  produire  simultanément  des  throm- 
boses artérielles  et  veineuses  qui  révèlent  cet  état  du  sang. 

Dans  une  récente  communication  à  la  Société  de  biologie  où  il  a  ap- 
pelé l'attention  sur  les  ramoUisements  qui  surviennent  chez  les  can- 
céreux, M.  le  docteur  Charcol  a  dit  avoir  vu  la  gangrène  d'un  membre 
survenir  à  la  suite  d'une  thrombose  de  cette  nature.  Peut-être  à  cette 
altération  du  sang  faut-il  ajouter  la  faiblesse  des  contractions  du  cœur 
qui  nous  a  ordinairement  paru  llasque,  mou  et  atteint  de  dégénéres- 
cence graisseuse  chez  les  sujets  cachectiques.  Nous  regrettons  seule- 
ment de  n'avoir  pas  de  renseignements  plus  positifs  à  cet  égard. 
C'est  dans  cette  classe  qu'il  faut  ranger  les  oblitérations  mentionnées 
dans  les  obs.  Vlll,  X,  XI. 

Du  reste,  ces  diverses  conditions  qui  disposent  à  la  thrombose,  se 
trouvent  souvent  réunies  sur  le  même  sujet,  et  l'on  comprend  quelle 
doit  être  sa  fréquence  chez  les  vieillards. 

De  l'emiîolie.  —  Le  point  de  départ  des  embolies  artérielles  se 


(1)  L'épaississementalhéromateux  des  parois  de  l'artère  est  quelque- 
fois assez  considérable  pour  oblitérer  presque  complètement  ou  môme 
complètement  la  lumière  du  vaisseau,  comme  on  peut  s'en  assurer  par 
une  section  transversale;  dans  ces  cas  l'athérome  peut  produire  les 
mêmes  effets  que  la  thrombose  ou  l'embolie. 

(2)  Voyez  aussi  Geist,  ouvrage  cité,  p.  634. 

(3)  Voyez  Charcot,  Sur  lu  thrombose  artérielle  qui  survient  dans 
certains  cas  de  cancer.  (Soc.  méd.  des  hôpitaux,  22  mars  1865.) 


12;) 


trouve  habituellement  dans  le  cœur  (végétations  fibrineuses  des  val- 
vules, caillots  anciens  des  cavités  gauches  :  Voyez  les  obs.  VI,  VII, 
XV),  ou  dans  l'aorte  et  les  gros  vaisseaux  (athéromcs  ulcérés,  cail- 
lots anciens  formés  sur  ces  ulcérations);  nous  reviendrons  d'ailleurs 
sur  ces  cas  de  kystes  librincux  et  d'abcès  alhéromateux  qui  se  rap- 
portent plutôt  à  celles  de  nos  observations  oii  le  ramollissement  nous 
a  paru  pouvoir  être  attribué  à  l'embolie  capillaire. 

On  a  signalé,  comme  point  de  départ  embolique,  des  coagulations 
formées  dans  les  veines  pulmonaires  (I).  Nous  n'avons  pas  été  assez 
heureux  pour  rencontrer  de  pareils  cas.  Nous  devons  dire  qu'en  géné- 
ral, dans  les  observations  dont  nous  avons  pu  disposer,  l'examen  des 
veines  pulmonaires  n'a  pas  été  fait  sullisaminent. 

Quelle  que  soit  la  cause  qui  lui  a  donné  lieu,  le  bouchon  qui,  dans 
nos  observations  a  été  considéré  comme  pouvant  avoir  ])roduit  le 
ramollissement,  était  grenu,  grisâtre,  ou  très-légèrement  rosé,  et 
présentait  à  l'examen  microscopique  le  même  aspect  que  la  fibrine  en 
voie  de  régression  graisseuse,  souvent  il  était  adhérent  aux  parois 
de  l'artère  au  moyen  d'un  tissu  cellulaire  de  nouvelle  formation. 
Quant  aux  caillots  récents,  rosés  et  ne  remplissant  souvent  pas  tout 
le  calibre  de  l'artère,  ils  doivent  être  considérés  comme  formés  pen- 
dant l'agonie,  et  ne  peuvent  avoir  aucune  importance  dans  la  genèse 
du  ramollissement. 

Quelques  auteurs,  avec  M.  Durand-Fardel,  avaient  pensé  que  les 
caillots  étaient  consécutifs  au  ramollissement;  il  nous  suffira  de 
faire  remarquer,  comme  l'a  fait  M.  Lancereaux  (2),  que  le  siège  des 
oblitérations  artérielles  est  généralement  éloigné  de  la  partie  ramol- 
lie, ce  qui  n'aurait  pas  lieu  si  la  coagulation  était  le  résultat  dune 
artérite  de  voisinage.  Nous  allons  donner  sous  forme  de  tableau  le 
siège  des  oblitèiations  qui  sont  signalées  dans  nos  observations  eu 
le  comparant  aux  lésions  de  l'encéphale. 


(1)  Voy.  Lancereaux,  ouvr.  cité,  p  46. 

(2)  Lancereaux,  ouvrage  cité,  p.  27. 


ARTÈRES    OBMTÉRÉF.S.  LÉSIONS    ENCÉPHALIQUES. 

Obs  I.  —  Sylvieniie  droite.  ....  Ramollissement  de  j'hémisplière  droit  (1/5  postérieur 

et  du  corps  strié. 

Obs.  V.  —  Sylvieniie  droite R.  du  corps  strié  droit. 

Obs.  "VII.  —  Syivienne  droite.  ...  R.  Circonvolutions    orbitaires  ;     insula  ;    corps   strié 

droit. 

Obs.  VIII. —  Syivienne  droite.  ...  R.  d'une  portion  des  lobes  occipital  et  pariétal  droits. 

Obs.  X. —  Syivienne  droite R.  Lobe  sphénoïdal  droit. 

Obs.  XI.  —  Syivienne  droite R.  Parties  des  lobes  frontal  et  sphénoïdal  droits. 

il»  Syivienne    droite 
2"  Art.  du  c.  calleux 

droite Plaque  jaune  à  l'extrémité  sup.  du  sillon  de  Rolando. 

I  1"  Syivienne  gauche.  R.  S™'  frontale,  insula,  lobe  sphénoïdal  gauche. 
Obs.  III.   —     I  2"  Cérébrales    antér. 

(         et  post.  droites.  R.  récent  de  tout  l'hémisphère  droit. 

Obs.  IX. —  Syivienne  gauche R.  Face  externe  de  l'hémisphère  gauche  et  du  centre 

ovale. 
Obs.  XIV.  —  Syivienne  gauche.  .   .  R.  Scissure  de  Sylviuset  corps  strié  gauches. 
Obs.  IV.  —  Carotides  et  branches.  .  R.  multiples. 
Obs.  VI.  —  Carotide  interne  jusqu'à 
la  syivienne  ei  céré- 
brale antér.  droites.  .  R.  des  lobes  moyen  et  postérieur  droits. 

Obs.  II.  —  Basiliiire R.  Hémisphère  cérébelleux  droit. 

Obs.   XVI.    —    Oblitérations    mul- 
tiples   R.  multiples. 

En  K'sumé,  Tartère  syivienne  droite  a  étc  oblitérée  7  fois,  la 
syivienne  gauche  3  fois,  la  cérébrale  antérieure  droite  2  fois,  la  cé- 
rébrale postérieure  droite  2  fois,  le  tronc  basilaire  1  fois,  la  carotide 
interne  droite  2  fois,  la  carotide  interne  gauche  1  fois. 

On  voit  donc  que  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas  l'oblitération 
siégeait  dans  une  des  artères  sylviennes,  ce  qui  est  assez  conforme 
au  résultat  des  recherches  de  M.  Lancereaux  (1),  qui  a  trouvé  l'artère 
cérébrale  moyenne  oblitérée  24  fois  sur  44  cas. 

Dans  le  résumé  statistique  qu'a  publié  M.  Meissner  (2),  cet  auteur 
arrive  par  l'examen  de  32  cas  aux  résultats  suivants,  qui  sont  un  peu 
différents  : 

Le  plus  fréquemment  Toblitération  siégeait  dans  la  terminaison  de 
la  carotide  (7  fois  dans  lune,  2  fois  dans  les  deux),  ensuite  par  ordre 
de  fréquence  dans  la  cérébrale  postérieure  (8  fois),  dans  l'artère  syi- 
vienne (7  fois),  dans  la  basilaire  (4  fois),  dans  la  vertébrale  (1  fois 
dans  l'une  et  i  fois  dans  les  deux),  dans  l'artère  du  corps  calleux 
(2  fois). 

(1)  Lancereaux,  ouvr.  cit.,  p.  19. 

(2)  Meissner,  Zio'  Lehrc  von  der  Thrombose  iind  Embolie,  Schmidt's 
Jahrhûcher,  1861 ,  t.  CIX,  p.  89. 


|->7 
Nous  devons  rapprocher  de  ces  données  statistiques  les  résultats 
que  nous  ont  fournis  nos  expériences;  comme  nous  l'avons  déjà  in- 
diqué c'était  presque  toujours  dans  la  sylvienne  que  venaient  s'accu- 
muler de  préférence  les  graines  de  tabac.  Dans  nos  observations,  il 
est  vrai,  les  oblitérations  des  sylviennes  s'étaient  formées  par  coa- 
gulation sur  place;  il  est  intéressant  de  voir  la  thrombose  se  pro- 
duire le  plus  fréquemment  dans  le  même  siège  que  l'embolie. 

CHAPITRE    II. 

RAMOLLISSEMENTS  QUI   PEUVENT  ÊTRE   ATTRIBUÉS  A   L'ÉTAT 
ATHÉROMATEUX  DES  ARTÈRES   CÉRÉBRALES. 

Nous  pensons  que  dans  un  certain  nombre  de  cas  où  l'on  n'a  trouvé 
ni  thrombose  ni  embolie,  le  ramollissement  a  pu  dépendre  des  trou- 
bles circulatoires  que  produit  la  seule  dégénérescence  athéromateuse 
des  artères  cérébrales  quand  elle  est  avancée  et  surtout  quand  les 
artères  sont  tortueuses,  ossifiées  par  places,  et  que  leur  calibre  est 
plus  ou  moins  rétréci.  Les  vieillards  chez  lesquels  on  trouve  cette 
altération  des  artères  cérébrales  présentaient  habituellement  pendant 
leur  vie  des  signes  évidents  d'ischémie  encéphalique  (vertiges,  étour- 
dissements,  etc.),  et  au  bout  d'un  certain  temps  avaient  eu  une  ou  plu- 
sieurs attaques  d  hémiplégie  annonçant  un  ramollissement  qu'il  nous 
parait  bien  dilïicile  d'attribuer  à  une  autre  cause  qu'à  lïschémie  cé- 
rébrale qui  s'était  déjà  manifestée  aux  yeux  de  l'observateur.  Dans 
ces  cas  on  n'a  point  trouvé  de  point  de  départ  embolique  ni  d'oblité- 
ration des  artères  cérébrales,  il  nous  semble  donc  que  Ton  est  en 
droit,  jusqu'à  un  certain  point,  d'attribuer  les  accidents  observés  à 
la  seule  altération  des  parois  artérielles;  on  peut  objecter,  il  est  vrai, 
qu'il  est  bien  difficile  d'affirmer  d'une  manière  certaine  la  non-exis- 
tence des  oblitérations  artérielles;  que  des  thromboses  peuvent  s'être 
produites  dans  les  fines  ramihcalions  artérielles  (particulièrement 
dans  les  cas  où  les  artères  sont  athéromateuses  jusque  dans  leurs 
dernières  divisions),  où  leur  recherche  est  extrêmement  dilhcile. 
Peut-être  aussi  dans  ces  cas  les  lésions  des  capillaires  jouent-elles  un 
rôle  dans  la  production  du  ramollissement,  mais  nous  n'avons  pas  de 
faits  appartenant  à  cette  série  d'observations  qui  nous  permettent  de 
déterminer  si  cette  altération  des  capillaires  est  plutôt  primitive  que 


m 

consécutive;  nous  verrons  plus  tard  que  bien  souvent  elle  est  (consé- 
cutive. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  observations  que  nous  plaçons  clans  cette 
série  présentent  clans  leurs  lésions  anatomiques  quelques  particula- 
rités qui  permettent  de  les  rapprocher  les  unes  des  autres.  Un  y 
observe  généralement  des  foyers  de  ramollissements  multiples,  des 
lacunes  (1),  souvent  un  état  comme  atrophique  de  la  substance  des 
hémisphères  (état  feutré),  bref  un  ensemble  d'altérations  de  l'encé- 
phale qui  indiquent  un  trouble  général  de  la  nutrition  de  cet  organe. 
iNous  devons  dire  que,  vu  l'âge  avancé  des  malades  de  la  Salpêtrière 
et  la  très-grande  fréquence  des  altérations  athéromateuses  des  ar- 
tères, beaucoup  d'observations  que  nous  ne  plaçons  pas  dans  ce 
groupe,  pourraient  en  èti'e  rapprochées;  mais  la  présence  d'une  em- 
bolie, d'une  thrombose,  ou  d'autres  lésions  importantes  nous  les  a 
fait  classer  ailleurs. 


(1)  Ces  lacunes  sont,  comme  on  le  sait,  de  petites  pertes  de  sub- 
stance de  la  grosseur  d'ime  tête  d'épingle  à  un  pois,  contenant  un  li- 
quide séreux,  et  qu'on  rencontre  le  plus  souvent  dans  les  corps  striés 
et  les  couches  optiques,  quelquefois  dans  la  protubérance  et  dans  le 
centre  ovale  de  Vieussens.  Il  nous  semble  que  c'est  celte  altération  que 
M.  Durand-Fardel  a  voulu  décrire  sous  le  nom  d'élat  criblé  du  cerveau 
lorsqu'il  dit  {Traité  des  maladies  des  vieillards,  p.  52)  :  «  C'est  dans 
«  les  corps  striés  surtout  qu'il  est  facile  d'étudier  les  effets  de  l'âge  sur 
«  la  dilatation  des  vaisseaux  et  les  effets  de  cette  dernière  sur  la  sub- 
it stance  cérébrale.  Chez  les  vieillards,  on  trouve  souvent  les  corps 
«  striés  creusés  de  canaux  ayant  3  millimètres  de  diamètre,  et  conte- 
M  nant  tous  un  vaisseau  qui,  vide  de  sang,  paraît  toujours  d'une  petitesse 
u  hors  de  proportion  avec  le  canal  qui  le  contient.  Ces  canaux  suivent 
«  presque  toujours  une  direction  sinueuse,  de  sorte  que,  au  premier 
«  abord,  il  semble  à  la  coupe  du  corps  strié  voir  de  petites  cavités  à 
«  parois  lisses  et  incolores,  etc.  » 

M.  Durand-Fardel  attribue  donc  cette  lésion  à  la  dilatation  des  vais- 
seaux résultant  des  congestions  cérébrales  répétées;  il  nous  paraît  bien 
plus  probable  que  ces  lacunes  résultent  du  trouble  nutritif  de  la  sub- 
stance cérébrale,  car  elles  coïncident  habituellement  avec  un  état  athé- 
romateux  prononcé  des  artères  cérébrales  et  de  véritables  foyers  de 
ramollissement;  il  est  d'ailleurs  bien  difficile  de  distinguer  une  grande 
lacune  d'un  petit  foyer  de  ramollissement  ancien,  car  ces  lacunes  sont 
aussi  remplies  de  corps  granuleux. 


Troubles  vagues;  ai-faiblissement  de  l'intelligence  et  de  la  motilitê,  un 
PEU  d'hémiplégie  droite;  ramollissement  de  l'oémisprère  gauche;  lacunes 
nombreuses;  état  athéromateux  des  artères.  (Observation  duc  à  M.  le 
docteur  Vulpiak.) 

Obs.  XVII.  —  P...  (Marie-Victoire),  66  ans,  meurt  le  28  février 
1864,  salle  Saint-Philippe,  n"  20,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service 
de  M.  Vulpian. 

Cette  femme  a  eu  de  fréquents  étourdissements;  elle  entre  plusieurs 
fois  à  l'infirmerie  présentant  des  troubles  assez  vagues  de  l'intelligence 
et  de  la  motililé.  De  temps  en  temps  elle  devient  gâteuse,  ne  parle  que 
fort  imparfaitement.  Dans  l'intervalle  de  ses  séjours  à  l'infirmerie,  elle 
marche  assez  difiîcilement  en  se  soutenant  avec  un  bâton.  On  constate 
un  faible  degré  de  paralysie  du  côté  droit,  la  bouche  est  un  peu  déviée 
à  gauche. 

Lors  de  sa  dernière  entrée  à  l'infirmerie  (19  février  1864)  son  état 
s'était  aggravé,  elle  ne  parlait  plus;  l'intelligence  était  presque  nulle, 
elle  comprenait  à  peine  ce  qu'on  lui  disait,  elle  était  gâteuse  ;  la  para- 
lysie du  côté  droit  existait  toujours  à  un  certain  degré,  après  avoir  pré- 
senté des  alternatives  d'aggravation  et  d'amélioration,  il  y  avait  de  l'œ- 
dème des  extrémités  et  quelques  taches  huileuses  de  gangrène  sur  les 
membres  inférieurs.  Cet  état  s'aggrave  encore,  la  respiration  devient 
stertoreuse;  les  extrémités  retombent  inertes  quand  on  les  soulève, 
elles  se  refroidissent,  et  la  malade  succombe  le  28  février. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Artères  de  la  base  athéromateuses; 
le  calibre  de  l'artère  sylvienne  gauche  est  très-rétréci  par  des  dépôts 
athéromateux.  Une  des  branches  a  son  calibre  réduit  environ  à  la  moi- 
tié du  calibre  normal. 

Du  côté  droit,  l'état  des  artères  est  à  peu  près  le  même,  mais  l'artère 
sylvienne  est  moins  rétrécie. 

Cerveau.  Ramollissement  superficiel  des  circonvolutions  occipitales 
gauches  le  long  de  la  scissure  interhémisphérique,  et  des  circonvolu- 
tions inférieures  du  lobe  sphénoïdal  gauche,  dont  la  pie-mère  ne  peut 
se  détacher  sans  y  produire  des  érosions;  la  couleur  de  ces  parues  est 
jaune,  terreuse.  Plusieurs  de  ces  circonvolutions  sont  détruites  dans 
toute  leur  épaisseur,  et  remplacées  par  un  tissu  cellulaire  lâche,  affaissé 
et  infiltré  de  liquide  séreux. 

Profondément  le  ramollissement  atteint  presque  la  paroi  supérieure 
du  ventricule  latéral,  mais  dans  les  parties  profondes  la  substance  cé- 
rébrale est  conservée,  bien  que  raréfiée. 

MÉM.  9 


130 

Dans  ces  parties,  nombreux  corps  granuleux  ;  capillaires  légèrement 
athéromateux  ;  quelques  corps  amyloïdes. 

Coi^s  strié  gauche.  Ramollissement  peu  marqué  de  la  partie  super- 
ficielle et  externe  de  la  tète.  Plusieurs  petites  lacunes  dans  les  noyaux 
gris. 

Couche  optique  gauche.  Quelques  lacunes. 

Co7ys  strié  droit  et  couche  optique  droite.  Quelques  lacunes. 

Protubérance.  Deux  petites  lacunes,  une  de  chaque  côté  de  la  ligne 
médiane  antéro-postérieure. 

Rien  dans  les  autres  parties  de  l'encéphale. 

Poumons.  Emphysémateux,  congestionnés. 

Cœur,  Foie  sains. 

Rate.  Noyau  d'infarctus  ?). 

Eschare  du  sacrum  pénétrant  jusqu'aux  os. 

Attaque  apoplectique  (mort  ex  huit  jours);  hémiplégie  mal  définie;  plu- 
sieurs LACUNES  et  plusieurs  FOYERS  DE  RAMOLLISSEMENT  DANS  DIVERSES 
parties    DE    L'ENCÉi-IIALE  ;    ARTÈRES    DE    LA    BASE    TRÈS-ATHÉROMATEUSES.   (Ob- 

servation  due  à  M.  le  docteur  Vulpian.) 

Obs.  XVIII.  —  T...  (Rose),  73  ans,  entre  le  29  mars  1864  à  l'infirme- 
rie de  la  Salpôtrière,  salle  Saint-Jean,  2,  service  de  M.  Vulpian. 

D'après  ce  qu'apprennent  les  parents  de  la  malade,  elle  aurait  eu  en 
1863  une  attaque  apoplectiforme  avec  hémiplégie  droite  à  la  suite  de 
laquelle  elle  aurait  conservé  un  peu  d'affaiblissement  du  côté  droit  et 
d'embarras  de  la  parole;  elle  marchait  cependant  encore  le  28  mars. 

Le  29  mars,  attaque  apoplectique,  demi-coma.  Le  côté  droit  est  plus 
faible  que  le  gauche  ;  commissure  labiale  tirée  à  gauche,  sensibilité 
obtuse. 

Le  4  avril,  résolution  complète;  respiration  stertoreuse. 

Le  6,  mort. 

Autopsie.  —  Cavité  cromenne.  Pas  de  néo-membranes  de  la  dure- 
mère. 

Artères  de  la  base  très-fortement  athéromateuses,  jusque  dans  les 
petites  branches,  le  calibre  en  est  considérablement  réduit  dans  plu- 
sieurs points.  Pas  de  caillots  anciens. 

Encéphale.  Plusieurs  petits  foyers  de  ramollissement,  les  uns  récents, 
les  autres  plus  anciens,  dans  les  noyaux  blancs  des  deux  hémisphères. 
Plusieurs  lacunes  dans  les  corps  striés.  Dans  le  corps  strié  droit  foyer 
de  ramollissement  récent,  rougeàtre,  du  volume  d'une  noisette. 

Une  petite  lacune  dans  la  couche  optique  gauche,  rien  dans  la  droite; 
la  protubérance  présente  plusieurs  lacunes  de  chaque  côté  de  la  ligne 
médiane. 


131 
Poumons.  Emphysème  et  congestion. 

Cœur.  Dépôts  athéromateux  légers  dans  l'épaisseur  des  valvules. 
Pas  de  lésions  viscérales. 

Attaque  apoplectique;  hémiplégie  droite;  ramollissement  superficiel  du 
cerveau;  artères  cérébrales  et  aorte  athéromateuses;  nïPERTROPniE 
DU  coeur  et  lésions  valvulaires.    (Observation  due  à  M.  le   docteur 

VULPIAN.) 

Obs.  XIX.  —  T...  (Marie),  67  ans,  meurt  le  2  mai  1864,  salle  Saint- 
Nicolas,  3,  hospice  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  Vulpian. 

Cette  femme  est  entrée  plusieurs  fois  a  l'infirmerie,  pour  des  acci- 
dents de  congestion  pulmonaire  compliquant  une  affection  cardiaque  ;  elle 
est  très-sujette  aux  étourdissements  accompagnés  même  quelquefois  de 
perte  passagère  de  connaissance.  C'est  cet  accident  qui  l'amène  le  4 
avril  à  l'infirmerie.  On  constate  de  plus  :  congestion  pulmonaire,  affec- 
tion cardiaque  (un  peu  d'hypertrophie;  souffle  au  premier  temps  et  à  la 
pointe,  extrémités  inférieures  œdématiées,  albuminurie).  Elle  a  déjà 
eu  plusieurs  fois  de  l'albumine  dans  les  urines.  Pas  de  paralysie. 

25  avril.  Depuis  quelques  jours  la  malade  divaguait  de  temps  en 
temps  et  était  fréquemment  agitée.  Cette  nuit,  attaque  d'hémiplégie 
droite  incomplète;  commissure  labiale  gauche  tirée  en  haut;  sensibi- 
lité émoussée,  intelligence  abolie:  la  malade  ne  répond  point  aux  ques- 
tions qu'on  lui  fait.  Elle  s'affaiblit  peu  à  peu  et  meurt  le  2  mai  1864. 

Autopsie.  —  Artères  de  la  base  très  athéromateuses,  jusque  dans 
leurs  divisions  secondaires;  les  athéromesse  prolongent  aussi  dans  les 
artères  du  corps  calleux. 

Cerveau.  Ramollissement  superficiel  offrant  des  points  d'apoplexie 
capillaire,  jaune  dans  certains  points  et  occupant  la  circonvolution 
postérieure  de  la  scissure  de  Sylvius  du  côté  droit  (l).  La  pie-mère  ad- 
hère en  ces  points  à  la  substance  cérébrale  ;  pas  d'autres  altérations 
de  l'encéphale. 

Poumons  congestionnés  à  la  base,  légèrement  emphysémateux  aux 
sommets. 

Cœur  très-volumineux,  parois  hypertrophiées;  dilatation  des  cavités; 
un  peu  d'insuffisance  aortique.  Les  valvules  sigmoïdes  présentent  des 
indurations  athéromateuses  et  sont  déformées.  La  valvule  mitrale  est 
épaissie,  petite  ;  végétations  sur  ses  valves;  pas  de  caillots  anciens  dans 
les  cavités  du  cœur. 


(1)  Il  est  probable  que  l'on  se  sera  trompé  sur  le  côté  ou  do  l'hé- 
miplégie ou  du  ramollissement. 


J32 

Aorte  athéromateuse  à  son  origine.  Pas  de  lésions  dans  les  autres 
organes,  sauf  une  tumeur  fibreuse  de  l'utérus. 

Hémiplégie  droite  (mort  en  neuf  jours);  ramollissements  multiples  de 
l'hémisphère  gauche  ;  aorte  athéromateuse ;  artères  de  la  base  impar- 
faitement examinées.  (Observation  due  à  M.  le  docteur  Vulpia.n.) 

Obs.  XX.  —  F...  (Marie-Louise),  88  ans,  entre  le  19  décembre  1862, 
salle  Saint-Thomas,  5,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  Vul- 
pian. 

Cette  malade,  qui  avait  fréquemment  des  étourdissements  et  qui  n"a- 
vait  jamais  été  paralysée,  se  plaignait  depuis  trois  semaines  environ  de 
fourmillements  et  d'engourdissements  du  membre  supérieur  droit.  La 
veille  de  son  entrée  à  l'infirmerie,  elle  est  prise  de  vomissements,  tombe 
dans  un  état  d'affaissement  considérable  et  ne  parle  plus  depuis  lors. 
A  son  entrée  on  constate  :  hémiplégie  droite  complète  ;  quelques  mou- 
vements réflexes  du  membre  inférieur  ;  sensibilité  conservée,  intelli- 
gence obtuse,  parole  abolie,  température  plus  élevée  à  droite  qu'à 
gauche. 

Les  jours  suivants,  même  état;  cependant  elle  a  pu  un  jour  pronon- 
cer quelques  mots;  la  paralysie  est  toujours  complète;  il  n'y  a  jamais 
eu  de  mouvements  réflexes  du  membre  supérieur,  et  ils  ont  toujours  été 
très-peu  accusés  dans  le  membre  inférieur. 

Mort  le  28  décembre  1862. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Artères  de  la  base  athéromateuses; 
n'ont  pas  été  ouvertes  avec  soin;  plénitude  et  gonflement  considérables 
des  vaisseaux  de  la  pie-mère  et  de  tous  les  rameaux  qui  se  rendent  au 
sinus  longitudinal  supérieur;  sérosité  abondante,  citrine  du  côté  droit, 
teinte  de  sang  du  côté  gauche.  Pas  de  caillot  dans  la  cavité  de  l'arach- 
noïde. 

Cerveau.  —  1°  Au  voisinage  du  sillon  de  Rolando  gauche,  ramollis- 
sement superficiel,  s'étendant  cependant  dans  une  petite  portion  de  la 
substanceblanche,  grisjaunâtre,  ayant  la  consistance  de  crème  épaisse. 

2°  Dans  la  partie  latérale  du  lobe  postérieur,  autre  foyer  de  ramollisse- 
ment plus  étendu,  se  prolongeant  jusqu'à  la  corne  postérieure  du  ven- 
tricule latéral.  11  est  de  même  apparence  que  le  précédent,  mais  offre 
une  coloration  rougeâtre  en  un  point  voisin  du  ventricule. 

3°  Ramollissement  rouge,  d'une  épaisseur  d'un  demi-centimètre,  sié- 
geant à  la  surface  du  corps  strié  gauche.  Cesparties  contiennent  un  grand 
nombre  de  corps  granuleux  ;  les  vaisseaux  semblent  dilatés  etsontrem- 
l)lis  de  sang  au  niveau  des  parties  rouges  du  ramollissement. 

Cmir  sain. 


133 

Aorte.  Nombreuses  plaques  athéromateuses  et  calcaires. 

Poumons.  Congestion  presque  pneumonique  du  lobe  inférieur  droit. 

Rien  dans  les  autres  organes. 

IIk.MIPLÉGIK    gauche    subite    (datant    de    dix    mois    avant    la    mort)  ;    RAMOLLIS- 
SEMEXT    jaune   DU  LOBE    POSTÉRIEUR   ET  DU  CORPS    STRIÉ    DROIT;    INFARCTUS  DES 

reins;  athéromes  ulcérés  de  l'aorte;  ossification  et  athéromes  de  l'ar- 
tère BAsiLAiRE.  (Observation  due  à  M.  le  docteur  Charcot.) 

Obs.  XXI.  —  P...  (Rosalie),  63  ans,  morte  le  26  août  1863,  salle 
Sainte-Rosalie,  n"  1,  hospice  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  Charcot. 

Cette  femme  entre  le  28  février  1863  à  l'infirmerie;  elle  est  démente, 
gâteuse.  On  apprend  de  ses  parents  qu'elle  eut,  quatre  mois  aupara- 
vant, une  attaque  subite  d'hémiplégie  qui  la  plongea  dans  l'état  où  elle 
se  trouve  actuellement. 

Hémiplégie  gauche  complète  avec  résolution.  Mouvements  réflexes 
du  membre  inférieur.  Pas  de  différence  de  température  des  deux  côtés. 
Bouche  déviée  en  dehors  et  en  haut.  Sensibilité  conservée  partout. 

Intelligence  très-faible;  perte  de  la  mémoire.  Embarras  de  la  langue, 
mais  la  malade  peut  former  des  phrases.  (Pas  d'aphémie.)  Urines  non 
albumineuscs. 

Elle  s'affaiblit  progressivement  et  meurt  le  26  août. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Artères  de  la  base.  Artère  basilairc 
tortueuse,  ossifiée  et  presque  oblitérée  en  un  point  par  un  dépôt  athé- 
romateux  qui,  sans  s'être  ouvert,  fait  saillie  dans  la  lumière  du  vais- 
seau. 

Cerveau.  Hémisphère  droit.  Ramollissement  jaune  à  la  surface,  de 
consistance  caséeuse  à  la  profondeur  occupant  dans  presque  toute  leur 
étendue  les  lobes  postérieur  et  moyen;  cependant  la  circonvolution 
Iransverse  postérieure  n'est  pas  atteinte  et  marque  la  limite  entre  les 
parties  ramollies  et  les  parties  saines. 

Corps  strié  ramolli,  presque  détruit;  couche  optique  altérée,  mais 
moins  cependant. 

Insula  de  Reil  et  circonvolutions  frontales  saines. 

Hémisphère  gauche  sain. 

Poumons.  Emphysémateux. 

Reins.  Nombreuses  dépressions  cicatricielles  noires  a  la  surface,  cor- 
respondant à  des  infarctus  qui,  en  pénétrant  dans  la  substance  corticale, 
conservent  l'état  induré  et  la  coloration  noire.  Mais  au  centre  ils  offrent 
çà  et  là  des  noyaux  d'une  teinte  chamois. 

Cœur,  mou,  flasque,  friable,  couleur  feuille-morte. 


134 

Aorte.  Collections  athéromaleuses  dont  plusieurs  sont  ouvertes.  L'une 
d'elles  siège  au  niveau  de  l'origine  des  vaisseaux  du  cou. 

Dans  l'aorte  inférieure  plusieurs  dépressions,  dont  deux  atteignant  la 
grosseur  d'une  amande,  sont  remplies  de  matière  athéromateuse  et  re- 
couvertes d'un  kyste  fibrineux  ovoïde,  présentant  à  son  centre  un  ra- 
mollissement pseudo-purulent. 

Nous  rapprochons  des  faits  précédents  robservation  suivante  dans 
laquelle  on  n'a  pas  trouvé  de  lésions  manifestes  de  la  substance  cé- 
rébrale, mais  qui  nous  parait  un  type  de  ces  accidents  cérébraux  dus 
aux  troubles  circulatoires  dépendant  de  la  seule  dégénérescence  athé- 
romateuse des  artères  cérébrales. 

Accidents  ischémiques  vagues;  artères  de  la  base  TRÈs-ATnÉROJiATEUsEs; 
PAS  DE  LÉSION  APPRÉCIARLE  DANS  l'encéphale.  (Obsorvation  due  à  M.  le 
docteur  Vulpian.) 

Obs.  XXII.  —  L...  (Elisabeth),  66  ans,  morte  le  18  décembre  1862, 
salle  Saint-Denis,  9,  hospice  delà  Salpêtrière,  service  de  M.  le  docteur 
Vulpian. 

Cette  femme,  qui  était  sujette  aux  étourdissements  et  aux  pectes  de 
connaissance,  entra  à  plusieurs  reprises  à  l'infirmerie. 

Le  jour  de  sa  dernière  entrée,  21  septembre  1862,  elle  eut  une  atta- 
que épileptiforme  et  resta  dans  un  état  d'hébétude  assez  prononcé,  com- 
prenant avec  peine  ce  qu'on  lui  disait,  et  y  répondant  d'une  façon  inin- 
telligible. Sensibilité  très-émoussée. 

Les  mouvements  sont  lents  et  difficiles;  elle  serre  très-faiblement  des 
deux  mains;  on  croit  remarquer  un  peu  plus  de  faiblesse  du  côté  droit; 
il  n'y  a  pas  de  déviation  de  la  face. 

Cet  état  de  faiblesse  générale  et  de  vague  de  l'intelligence  présenta 
quelques  alternatives  d'amélioration  et  d'aggravation.  Un  jour  elle  eut 
plusieurs  lipothymies  incomplètes;  bientôt  elle  tomba  dans  une  prostra- 
tion extrême  et  succomba  le  18  décembre  sans  présenter  d'hémiplé- 
gie bien  déterminée. 

Autopsie.  — Cavité  crânienne.  Artères  de  la  base  très-athéromateuses  ; 
plaques  athéromaleuses  irrégulières  très-épaisses  et  devant  sans  nul 
doute  obstruer  en  plusieurs  points,  d'une  manière  incomplète  il  est 
vrai,  un  grand  nombre  de  ces  artères. 

L'encéphale  a  été  examiné  avec  soin  et  l'on  n'y  a  point  trouvé  de  lé- 
sion. Pas  de  dilatation  des  ventricules. 

Caïur  sain. 


135 

Pas  de  lésion  importante  dans  les  viscères. 

{Note  de  M.  Vulpian.  Il  est  probable  que  les  accidents  cérébraux  ob- 
servés pendant  la  vie  ont  été  dus  seulement  aux  embarras  de  la  circu- 
lation cérébrale,  causés  par  l'état  des  artères  et  augmentant  par  mo- 
ments.) 

CHAPITRE  III. 
SI.  —  Ramollissements  pouvant  être  rapportés  à  l'embolie  capillaire. 

Dans  les  observations  que  nous  venons  d'analyser,  le  ramollisse- 
ment pouvait  être  rapporté  soit  à  une  oblitération  constatée,  soit  k 
la  dégénérescence  athôromateuse  des  artères  cérébrales.  Dans  la 
nouvelle  série  d'observations  que  nous  abordons,  on  n'a  pas  retrouvé 
d'oblitération  artérielle;  dans  la  plupart,  il  est  vrai,  existe  une  alté- 
ration athéromateuso  des  artères  cérébrales  analogue  à  celle  que 
nous  avons  indiquée  dans  notre  seconde  série  d'observations,  mais  il 
vient  s'y  ajouter  un  nouvel  élément  pathogéuique  (ulcérations  de  la 
crosse  aortique,  caillots  ramollis  des  cavités  du  cœur)  qui  souvent 
parait  avoir  produit  des  accidents  graves  et  même  quelquefois  des 
morts  subites. 

En  raison  de  l'âge  avancé  des  malades  de  la  Salpétrière,  dans 
presque  toutes  nos  observations,  l'aorte  et  ses  branches  étaient  plus 
ou  moins  altérées.  Lorsqu'il  n'y  a  que  des  plaques  jaunes  athéroma- 
teuses,  ou  même  quelques  plaques  calcaires,  sans  ulcérations  de  la 
membrane  interne,  ces  altérations  n'entraînent  pas  d'autres  troubles 
que  ceux  qui  peuvent  résulter  de  la  rigidité  et  de  la  perte  d'élasticité 
des  parois  artérielles;  mais  si  l'altération  est  plus  avancée,  s'il  s'est 
formé  des  abcès  athéromateux,  des  ulcérations  de  la  tunique  interne 
laissant  à  nu  des  plaques  calcaires  saillantes,  il  n'en  sera  plus  de 
môme;  le  contenu  des  abcès  formé  en  grande  partie  de  corps  granu- 
leux et  de  lamelles,  de  cholestérine,  des  débris  détachés  des  ulcéra- 
tions, pourront  se  mêler  au  sang;  des  kystes  fibrineux  pourront  se  for- 
mer sur  les  ulcérations  et  sur  les  plaques  calcaires  et  devenir  autant 
de  causes  d'embolie. 

Au  point  de  vue  du  ramollissement  cérébral,  l'athérome  ulcéré  de 
l'aorte  ne  peut  avoir  de  valeur  que  s'il  siège  dans  la  partie  de  la  crosse 
qui  est  antérieure  à  la  naissance  des  artères  du  cou  (qui  peuvent 
aussi,  quoique  plus  rarement,  présenter  la  même  lésion).  Or  l'altéra- 
tion athéromatcuse  de  l'aorte,  ainsi  que  sa  calcincatioii,  n  plutôt  pour 


136 
siège  de  prédilection  l'aorte  abdominale,  où  elle  peut  devenir  la  cause 
d'infarctus  des  reins  ou  des  autres  viscères,  mais  où  elle  ne  peut  pas 
produire  le  ramollissement  cérébral. 

Ces  ulcérations,  les  caillots  qui  se  fermenta  leur  niveau,  et  la  boue 
athéromateuse  peuvent,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  produire  des 
embolies  des  artères  cérébrales,  lorsqu'il  se  détache  des  fragments 
suffisamment  volumineux  ;  dans  les  observations  qui  suivent,  il  pa- 
raît plutôt  que  la  matière  athéromateuse  ait  pénétré  jusque  dans  les 
fines  ramifications  artérielles,  puisque  les  gros  troncs  ont  été  trouvés 
libres,  peut-être  aussi  dans  les  cas  où  les  artères  cérébrales  étaient 
très-athéromateuses,  a-t-il  suffi  pour  les  oblitérer  de  minces  parcelles 
qui  ont  échappé  a  l'examen  cadavérique. 

Attaque  apoplectique;  hémiplégie  droite  (mort  en  trois  jours);  ramollis- 
sement CONSIDÉRABLE  DE  l'hÉMISPHÈRE  GAUCHE;  ULCÉRATIONS  ATHÉR0MATEU- 
SES   DE   LA   CROSSE   DE   l' AORTE    ET   DES   VAISSEAUX   QUI   EN   NAISSENT.  (Obsei- 

vation  due  à  M.  Vulpian.) 

Obs.  XXni.  —  m...  (Adélaïde),  âgée  de  74  ans,  morte  le  23  no- 
rembre  1864,  à  l'infirmerie  de  la  Salpêtrière,  salle  Saint-Denis  11,  ser- 
yice  de  M.  Vulpian. 

Cette  malade  entre  à  l'infirmerie  pour  de  l'embarras  gastrique  et  des 
palpitations.  On  constate  un  double  bruit  de  souffle  à  la  base  du  cœur. 

Le  20  novembre,  attaque  apoplectique;  hémiplégie  droite  complète; 
légers  mouvements  réflexes;  sensibihlé  obtuse.  La  malade  ne  peut 
point  parler  et  ne  semble  pas  comprendre  ce  qu'on  lui  dit;  pouls  fort, 
rebondissant,  fréquent. 

Les  jours  suivants,  l'état  s'aggrave;  elle  n'a  pas  prononcé  un  mot 
depuis  son  attaque. 

Morte  le  23  novembre. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Pas  de  néo-membranes  de  la  dure 
mère. 

Artères  de  la  base  athéromateuses,  surtout  celles  du  côté  droit.  Au- 
cun caillot  à  leur  intérieur.  L'examen  a  été  cependant  fait  avec  soin.  On 
n'a  pas  trouvé  d'obstruction  des  petites  artères,  qui  étaient  athéroma- 
teuses en  un  grand  nombre  de  points. 

Cerveau.  H émisp Itère  gauche,  ramollissement  blanc,  rosé  par  places, 
avec  un  abondant  piqueté  rouge  d'apoplexie  capillaire  disséminé.  Ce  ra- 
mollissement est  très-étendu,  occupe  tout  l'hémisphère,  sauf  le  quart 
antérieur  et  le  quart  postérieur;  il  s'étend  à  la  partie  la  plus  externe 


137 
du  noyau  extraventriculaire  du  corps  slrié  et  à  l'insula  de  Reil.   Il 
occupe  surtout  la  substance  blanclie.  La  substance  grise  des  circonvo- 
lutions n'est  atteinte  que  par  places. 

Rien  dans  l'hémisphère  droit. 

Poîimons.  Un  peu  d'œdème  et  d'emphysème. 

Cœur.  Insuffisance  aortique;  rétraction  des  valvules  sigmoïdes  alhé- 
romateuses;  pas  de  caillots  anciens  dans  aucune  des  cavités. 

Aorte.  Altération  athéromateuse  très-prononcée  de  la  crosse,  surtout 
au  niveau  de  la  naissance  de  la  sous-clavière  gauche;  ulcérations  des 
parois  de  ce  vaisseau  à  son  embouchure,  recouvertes  de  boue  athéro- 
mateuse; cette  altération  se  retrouve  aussi  à  l'origine  de  la  vertébrale. 
Altération  analogue,  mais  moindre  du  tronc  brachio-céphalique.  Aorte 
descendante  très-athéromateuse,  surtout  au  niveau  du  tronc  cœliaque, 
des  mésentériques  et  à  sa  bifurcation. 

Pas  d'altération  des  autres  organes. 

Hémiplégie  gauche  subite;  ramollissement  du  lobe  postérieur  droit  (jaune 
ET  blanc);  gangrène  pulmonaire;  abcès  athéromateux  de  l'aorte;  pas 
d'infarctus,  (Observation  due  à  M.  Cuarcot.) 

Obs,  XXIV.  —  M...  (Jeanne),  âgée  de  62  ans,  morte  le  16  avril  1862, 
à  l'hospice  de  la  Salpêtrière,  salle  Saint-Alexandre,  12,  service  de 
M.  le  docteur  Charcot, 

Renseignements  très-vagues;  grande  faiblesse  intellectuelle.  On  pré- 
tend dans  son  dortoir  qu'elle  a  déjà  eu  des  étourdissements  et  une  fai- 
blesse du  bras  gauche. 

Le  16  mars,  hémiplégie  gauche  incomplète,  sans  perte  de  connais- 
sance; tendance  de  la  malade  à  tourner  la  tête  à  droite;  sensibilité  un 
peu  diminuée  du  côté  gauche;  température  un  peu  plus  élevée  à  gauche 
qu'à  droite;  elle  répond  à  peine  aux  questions  qu'on  lui  fait;  l'intelli- 
gence est  très-faible. 

Les  jours  suivants  la  paralysie  du  côté  gauche  devient  plus  complète  ; 
on  remarque  toujours  une  température  plus  élevée  du  côté  gauche.  Il 
y  a  un  peu  de  contracture  dans  le  côté  paralysé. 

La  malade  s'affaiblit,  tombe  dans  l'adynamie  et  succombe  le  11  avril. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Artères  de  la  base  remarquablement 
peu  athéromateuses,  ne  contiennent  pas  de  caillots. 

Cerveau.  Ramollissement  jaune  à  la  surface,  occupant  tout  le  lobe 
postérieur  droit;  blanc  pultacé  dans  la  profondeur,  et  ne  s'étendant  pas 
jusqu'à  la  cavité  du  ventricule. 

Ces  parties  contiennent  de  nombreux  corps  granuleux;  les  vaisseaux 


138 
n'y  paraissent  pas  très-altérés.  Les  couches  optiques  sont  ramollies,  à 
surface  irrégulière,  et  paraissent  diminuées  de  volume.  Les  deux  corps 
striés  paraissent  également  atrophiés  ;  on  y  remarque  des  lacunes  sié- 
geant dans  les  parties  ventriculaires,  et  formées  d'une  substance  molle 
celluleuse  infiltrée  de  liquide. 

Poumons.  Dans  le  lobe  inférieur  gauche,  foyer  gangreneux  assez 
considérable.  Les  branches  des  artères  pulmonaires  répondant  à  ce 
foyer  contiennent  des  caillots. 

Cœur.  Pas  d'altération,  pas  de  caillots  anciens. 

Aorte.  A  5  où  G  centimètres  au-dessus  des  valvules  aortiques  (qui 
ne  présentent  qu'un  peu  d'opacité)  commence  un  état  athéromateux  re- 
marquable qui  de  là  s'étend  à  toute  Vaorle  tlioraciqiie.  Boue  athéro- 
mateuse  en  plusieurs  points;  dans  d'autres,  plusieurs  abcès  athéroma- 
teux non  rompus  se  trouvent  sur  les  parois;  d'autres  ouverts  sont 
couverts  de  masses  fibrineuses,  pultacées. 

Rien  d'important  dans  les  autres  organes;  pas  d'infarctus. 

Attaque  apoplectique  (mort    en    neuf   .iours)  ;    hémiplégie    drotte;    con- 
tracture au  début  ;    RAMOLLISSEMENT   DE   l'hÉMISPHÈRE   GAUCHE;  ULCÉRATIONS 

athéromateuses  de   la   crosse  aortique.  (Observation  due  à  M.  Via- 

PIAN.) 

Obs.  XXV.  —  N...  (Marie-Louise),  âgée  de  82  ans,  morte  le  24  mai 
1865,  à  l'infirmerie  de  la  Salpôtrière,  salle  Saint-Mathieu,  5,  service  de 
M.  Yulpian. 

Depuis  plusieurs  années  déjà  cette  malade  ne  marchait  pas,  elle  était 
gâteuse,  mais  ne  présentait  pas  d'hémiplégie  accusée. 

Le  15  mai,  attaque  apoplectique;  les  deux  globes  oculaires  sont  por- 
tés à  gauche;  on  ne  peut  pas  les  lui  faire  tourner  à  droite,;  membres 
roidcs,  surtout  du  côté  droit.  Sensibilité  très-obtuse,  intelligence  pres- 
que nulle,  parole  abolie. 

Les  jours  suivants,  la  nialade  ne  sort  pas  de  sa  stupeur  apoplectique. 
L'hémiplégie  droite  se  dessine  bien,  et  succède  à  la  roideur  qui  avait  sub- 
sisté pendant  deux  jours. 

Le  17  mai,  l'hémiplégie  droite  est  complète,  avec  déviation  de  la 
face  à  gauche;  paralysie  du  buccinateur  droit;  température  plus  élevée 
à  droite  qu'à  gauche  ;  sensibilité  conservée. 

La  stupeur  apoplectique  augmente.  Mort,  le  24  mai. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Pas  de  néo-membranes  de  la  dure 
mère. 

Artères  de  la  base  très-athéromateuses  ;  pas  de  caillots  anciens 
dans  les  grosses  branches. 


139 

Cerveau.  Ramollissemenl  de  la  partie  postérieure  du  lobe  antérieur 
gauche,  situé  immédiatement  en  avant  du  sillon  de  Rolando.  Ce  ramol- 
lissement a  détruit  surtout  les  parties  postérieures  des  deuxième  et  troi- 
sième circonvolutions  frontales  gauches.  Il  se  prolonge  en  dedans  jus- 
qu'à une  petite  distance  du  corps  strié  qui  est  sain.  On  y  retrouve  une 
Ibule  de  corps  granuleux;  plusieurs  vaisseaux  (surtout  les  capillaires 
volumineux) sont  très-granuleux;  on  n'y  a  pas  retrouvé  d'oblitération 
manifeste  ;  on  observe  on  outre,  des  détritus  de  tubes  nerveux  et  quel- 
ques tubes  nerveux  intacts;  pas  d'autre  lésion  de  l'encéphale. 

Poumons.  Congestion  apoplectique  de  la  partie  postérieure  d'un  des 
poumons.  Emphysème. 

Cœur  sain. 

Aorte.  Un  peu  avant  que  la  crosse  ne  devienne  horizontale,  l'aorte 
est  très-athéromateuse,  calcifiée  par  places,  ulcérée  en  d'autres  points  et 
présentant  une  boue  athéromateuse  contenant  beaucoup  de  graisse  et 
de  cholestérine  en  plaques.  A  l'origine  des  vaisseaux  du  cou,  et  surtout 
du  tronc  brachio-céphalique,  existent  de  profondes  ulcérations,  avec 
boue  athéromateuse.  La  lésion  se  continue  dans  l'aorte  thoracique,  puis 
cesse  dans  une  petite  étendue  pour  reparaître  un  peu  au-dessus  de  la 
bifurcation. 

Reins,  rate,  etc.,  sains;  pas  d'infarctus. 

Hémiplégie  gauche;  pas   de    troubles  de  l'intelligence  ni  de  la  parole; 
ramollissement  du    lobe    moyen    droit  ;   artères  athéftomateuses  ;    abcès 

ATHÉROMATEUX    DE    LA    CRCSSE    AORTiQUE.    (ObSCrVatiOU   due  à  M.   CliARCOT.j 

Obs.  XXVI.  —  Y...  (Marie-Catherine),  âgée  de  83  ans,  morte  le 
13  septembre  1863,  à  lliospice  de  la  Salpêtrière,  salle  Saint-Alexan- 
dre, n°  22,  service  de  M.  le  docteur  Charcot. 

Cette  malade,  qui  est  entrée  fréquemment  à  l'infirmerie  pour  un  ca- 
tarrhe de  la  vessie,  dit  avoir  eu  une  hémiplégie  gauche,  sans  perte  de 
connaissance,  en  1849.  Au  bout  d'un  certain  temps  elle  put  marcher. 
Depuis  trois  semaines,  anorexie,  constipation,  fréquents  étourdissements. 

Le  19  août,  attaque  d'hémiplégie  gauche,  sans  perte  de  connaissance; 
elle  s'aperçoit  qu'elle  ne  peut  pas  se  servir  du  bras  gauche,  et  entre  à 
l'infirmerie,  où  Ton  constate  l'état  suivant  : 

Pas  d'aphasie  ni  d'embarras  de  la  parole;  mémoire  bien  conservée, 
membre  supérieur  gauclie  contracture,  avant-bras  légèrement  fléchi  sur 
le  bras,  membre  inférieur  gauche  faible  ;  la  malade  ne  peut  se  tenir  de- 
bout. Sensibilité  obtuse  à  gauche,  urine  albumineuse,  température  plus 
élevée  dans  la  main  gauche  que  dans  la  droite  ;  au  thermomètre  on 
trouve  ;  main  droite,  36"  2/5;  gauche,  3G°  4/5;  rectum, 37°  3/5. 


140 

Bientôt  une  eschare  se  forme  au  sacrum,  la  malade  est  prise  de  fris- 
sons. Le  12  septembre,  température,  39"  1/5;  l'intelligence  subsiste. 

Mort,  le  13  septembre. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Membranes  adhércnles,  surtout  à 
droite,  s'enlevant  assez  difficilement  et  entraînant  par  places  de  petites 
portions  de  substance  cérébrale. 

Artères  de  la  base  très-athéromateuses,  pas  de  caillots. 

Cerveau.  Uémisphcrc  droit.  Plaques  jaunes,  situées  sur  les  pre- 
mière ot  deuxième  circonvolutions,  et  un  peu  sur  la  troisième  du  lobe 
antérieur,  sur  plusieurs  circonvolutions  du  lobe  postérieur,  et  au  fond 
de  la  scissure  de  llolando.  Ces  plaques  jaunes  s'étendent  en  profon- 
deur ;  mais  dans  ces  parties  profondes  le  ramollissement  devient  blanc 
pultacé,  et  s'étend  jusqu'au  corps  strié  et  à  la  couche  optique  qui  sont 
sains. 

Hémisphère  gauche.  Quelques  plaques  non  circonscrites,  sur  les- 
quelles la  substance  grise  a  une  coloration  hortensia  avec  pointillé  rouge. 
Lésion  d'ailleurs  superficielle. 

Poumons.  Double  pleurésie  purulente,  nombreux  abcès  métastati- 
ques  à  la  surface  des  deux  poumons. 

Cœur.  Parois  très-pâles,  pas  de  lésions;  le  cœur  droit  présente  des 
caillots  décolorés  et  tenaces;  valvules  sigmoïdes  indurées. 

Foie^  rate.,  sains. 

Reins.  Couche  corticale  atrophiée. 

Vessie.  Cystite  folliculeuse. 

Aorte  athéromateuse  ;  au  niveau  du  tronc  brachio-céphalique,  abcès 
athéromateux  ouverts,  et  dont  la  substance  est  à  nu  dans  l'artère. 

Pas  d'hémiplégie  diagnostiquée;  ramollissement  jaune  (superficie),  blanc 

(profondeur)    du    lobe    postérieur    de    L'HÉMISPnÈRE  droit;   aorte    TIIORACI- 
QUE     TRÈS-ATHÉROMATEUSE  ;     DÉBRIS     ATHÉROMATEUX    DANS     l' ARTÈRE    CRURALE 

(non  athéromateuse).  (Observation  due  à  M.  Charcot.) 

Obs.  XXVII.  —  B...  (veuve  T...),  âgée  de  79  ans,  morte  le  20  avril 
1862,  à  l'hospice  de  la  Salpôtrière,  salle  Saint-Luc,  n"  1,  service  de 
M.  le  docteur  Charcot. 

Cette  femme  se  rend  à  pied  à  l'infirmerie  le  18  avril;  elle  ne  présente 
aucun  signe  d'hémiplégie,  au  moins  rien  d'assez  évident  pour  appeler 
l'attention;  aucun  embarras  de  la  parole,  aucune  déviation  des  com- 
missures labiales.  Elle  se  plaint  d'un  point  de  côté;  elle  a  l'aspect  d'une 
femme  débilitée  et  atteinte  d'une  affection  thoracique  ancienne.  Œ- 
dème  des  membres  inférieurs,  cyanose  de  la  face;  pas  d'albuminurie; 
râles  sous-crépitants  nombreux  des  deux  côtés;  pas  de  soufile. 


141 

Elle  meurt  le  20  avril. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Artères  de  la  base  légèrement  athé- 
romateuses,  ne  contiennent  pas  de  caillots. 

Cerveau.  Ramollissement  jaune  à  la  surface,  blanc  pultacé  dans  la 
profondeur  occupant  presque  toute  l'étendue  du  lobe  postérieur  droit, 
mais  ne  s'étendant  pas  jusqu'au  ventricule  latéral.  Dans  la  couche  optique 
droite,  lacune  assez  considérable.  Les  parties  ramollies  contiennent 
beaucoup  de  corps  granuleux  accumulés  autour  des  vaisseaux  qui  sont 
eux-mêmes  atteints  de  dégénérescence  graisseuse. 

Cœur.  Pas  de  lésion,  si  ce  n'est  une  légère  hypertrophie  du  cœur 
gauche. 

Foie  muscade. 

Reins,  rate,  pas  d'infarctus. 

Poumons.  Pneumonie  granuleuse  double. 

Aorte.  A  2  à  3  centimètres  au-dessus  des  valvules  sigmoïdes,  com- 
mence une  vaste  ulcération  recouverte  d'une  boue  rougeâtre,  grenue, 
qui  fait  saillie  dans  le  calibre  du  vaisseau,  composée  de  fibrine  et  de  dé 
bris  athéromateux  (contenant  de  la  graisse,  des  corps  granuleux,  des 
lamelles  de  cholestérine);  en  plusieurs  points,  plaques  calcaires.  Cette 
altération  s'étend  dans  toute  l'aorte  thoracique,  mai.s  devient  moins 
considérable  dans  l'aorte  abdominale. 

On  a  examiné  le  sang  extrait  de  l'extrémité  inférieure  de  Vartère 
crurale  droite.  Cette  artère  n'était  pas  athéromateuse  et  le  sang  conte- 
nait des  éléments  identiques  à  ceux  de  l'athérome  aortique;  il  n'y  man- 
quait que  des  cristaux  de  cholestérine.  (Voy.  PI.  II,  fig.  1,  2.) 

L'embolie  capillaire  peut  encore  avoir  pour  point  de  départ  les 
caillots  anciens  du  cœur  dont  la  surface  peut  se  désagréger,  ou  dont 
la  partie  centrale,  devenue  puriforme,  peut  s'échapper  par  déchirure. 
Nous  ne  répéterons  pas  ici  la  description  de  ces  caillots,  qui  a  été  faite 
de  façon  à  ne  rien  laisser  à  désirer  (1). 

Nous  devons  mentionner  aussi  l'endocardite  ulcéreuse  dont  nous  ne 
possédons  pas  d'observations.  Nous  rapporterons  seulement  ici  trois 
cas  dans  lesquels  le  mélange  au  sang  de  matière  granuleuse  prove- 
nantde  caillots  anciens  du  cœur  a  pu  jouer  un  rôle  dans  la  production 
des  accidents.  Dans  un  de  ces  cas,  l'examen  du  sang  contenu  dans  le 
ventricule  y  a  révélé  la  présence  de  corps  granuleux. 

(1)  Voy.  rharcot,  Mém.  de  la  Soc.  de  biol.,  passim;  "Vulpian,  Union 
MÉDICALE.,  1865, 1. 1,  n"  18. 


142 

Attaque  apoplectiforme  (mort  en  quatre  jours);  hémiplégie  droite  légère; 
ramollissements  multiples  dans  les  deux  hémisphères  ;  infarctus  o'un 
rein;  aorte  CALCIFIÉE  ET  atdéromateuse.  (Observatioii  due  à  M.  le  doc- 
teur VULPIAN.) 

Obs.  XXVIII.  -  P...  (Marie),  73  ans,  morte  le  ^26  juin  1862,  salie 
Saint-Thomas,  n»  3,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M,  Vulpian, 

Cette  femme  a  eu  à  plusieurs  reprises  de  très-violents  étourdisse- 
ments  avec  pertes  non  complètes  de  la  connaissance  ;  mais  pas  de  pa- 
ralysie, dit-elle. 

Elle  rentre  le  22  juin  présentant  une  faiblesse  considérable,  avec 
prostration  et  perte  de  la  parole  ;  tête  penchée  à  droite.  Ces  symptômes 
disparaissent  presque  complètement,  puis  se  reproduisent  à  plusieurs 
reprises.  11  survient  alors  (ce  qui  n'existait  pas  avant)  une  paralysie 
incomplète  du  côté  droit.  La  sensibilité  est  conservée.  L'état  s'aggrave 
peu  à  peu;  elle  tombe  dans  le  coma,  et  meurt  le  26  juin  1862. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Pas  de  néo-membranes  de  la  dure- 
mère;  artères  de  la  base  athéromateuse,  en  plusieurs  points  dans  toute 
leur  circonférence;  pas  de  caillot  dans  les  grosses  artères. 

Cerveau.  Ramollissement  ancien  jaune,  occupant  la  partie  la  plus 
reculée  des  deux  lobes  occipitaux. 

Du  côté  gauche  le  ramollissement  jaune  superficiel  repose  sur  un  ra- 
mollissement blanc  qui  s'étend  aune  assez  grande  profondeur;  lacune 
ancienne  du  corps  strié  gauche. 

Hémisphère  cérébelleux  droit.  Ramollissement  de  sa  partie  posté- 
rieure; jaune  à  sa  surface,  mais  présentant  une  coloration  blanche  et 
un  aspect  pulpeux  dans  sa  profondeur. 

On  retrouve  dans  ces  parties  des  corps  granuleux  nombreux. 

Poumons  congestionnés. 

Cœur  graisseux  ;  pas  de  lésion  des  orifices  ;  fibrine  ramollie,  brunâtre, 
d'aspect  ancien  dans  le  ventricule  gauche,  l'examen  microscopique 
montre  qu'elle  est  en  voie  de  régression,  et  fait  découvrir  des  corps 
granuleux  nombreux  dans  le  sang  recueilli  dans  le  ventricule  gauche. 

Aorte.  Nombreuses  plaques  calcaires  et  athéromateuses. 

Foie.,  raie  sains. 

Reins.   Un  infarctus  très-limité. 

L'état  fortement  athéromateux  des  artères  cérébrales  a  pu  être  ici 
la  cause  des  accidents,  et  nous  ne  pouvons  affirmer  que  le  ramollis- 
sement ait  été  produit  par  les  caillots  du  cœur;  cependant  la  pré- 
sence de  corps  granuleux  dans  le  sang  ne  permet  guère  de  douter 


143 
qu'ils  n'aient  contribué,  au  moins  pour  une  certaine  part,  à  la  pro- 
duction des  accidents  cérébraux  et  en  particulier  de  l'attaque  apo- 

plecliforme. 

Hémiplégie  droite;  gangrène  des  membres  droits;  ramollissement  du  corps 

STRIÉ    GAUCHE  ;    kystes    FIBRINEUX  A  CONTENU    PURIFORME    DANS    LES    DEUX    AU- 

ricules;  APOPLEXIE  PULMONAIRE.  (Observation  due  à  M.  le  docteur  Vul- 
pian). 

Obs.  XXIX. —  C...  (Marguerite),  75  ans,  morte  le  15  mai  1863,  salle 
Saint-Jean,  n°  25,  infirmerie  de  la  Salpôtrière,  service  de  M.  le  doc- 
teur Vulpian. 

Cette  femme  était  déjà  entrée  à  l'infirmerie  en  1862  pour  de  la  bron- 
chite et  de  l'albuminurie.  Elle  en  était  sortie  en  bon  état  le  27  fé- 
vrier 1863. 

Le  24  mars  18G3,  elle  rentra  pour  de  la  bronchite  et  présentait  encore 
un  peu  d'albuminurie. 

Le  4  avril,  attaque  d'Iiémiplégie  droite,  face  déviée  à  gauche.  Yeux 
portés  tous  les  deux  à  gauche;  elle  ne  peut  que  fort  imparfaitement  les 
diriger  à  droite  ;  langue  déviée  du  côté  paralysé. 

Paralysie  complète  des  membres  du  côté  droit;  le  bras  et  la  jambe 
retombent  inertes;  légers  mouvements  réflexes  du  membre  inférieur. 

Scnsibililc  conservée. 

Inleltigence  conservée;  la  malade  répond,  indistinctement  il  est 
vrai,  aux  questions  qu'on  lui  adresse  ;  il  n'y  a  pas  eu  de  perte  de  con- 
naissance. 

Les  jours  suivants  la  paralysie  sembla  un  peu  diminuer,  de  même  que 
la  déviation  des  yeux. 

Le  23  avril.  Teinte  cyanosée  et  refroidissement  du  pied  droit  et  de 
la  main  droite;  on  ne  peut  y  constater  de  battements  artériels;  la  ma- 
lade y  ressent  des  douleurs  assez  vives. 

Les  jours  suivants  la  teinte  des  deux  membres  devint  plus  foncée,  et 
il  s'établit  bientôt  une  vraie  gangrène  sèche  du  membre  inférieur  droit 
remontant  jusqu'au  genou ,  tandis  que  dans  le  membre  supérieur  la 
morlificalion  saccompagna  d'oedème  Ces  parties  répandirent  bientôt 
lodeur  caractéristique  de  la  gangrène,  il  survint  du  délire  et  la  malade 
succomba  le  14  mai  1863. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne,  l'as  de  néo-membranes  de  la  dure- 
mère. 

Vaisseaux  de  la  base  athéromateux  par  place;  dans  quelques  points 

Tépaississement  est  assez  considérable  pour  rétrécir  notablement  la 


144 

lumière  du  vaisseau;  la  terminaison  de  la  carotide  est  surtout  athéro- 
mateuse. 
Encéphale.  Pas  de  lésions  superficielles;  pas  de  congestion. 

Goi'ps  strié  gauche.  Ramollissement  blanc  sans  trace  de  congestion, 
contenant  un  liquide  laiteux.  Ce  ramollissement  semble  formé  par  la 
réunion  d'une  foule  de  petites  lacunes;  il  occupe  la  moitié  postérieure 
du  corps  strié  et  siège  exclusivement  dans  le  noyau  extraventriculaire 
(lenticulaire)  et  la  capsule  interne  ;  il  n'atteint  pas  le  prolongement 
caudiforme  du  noyau  caudé  (intraventriculaire)  ni  la  capsule  externe. 
La  portion  la  plus  interne  du  corps  strié  était  seule  atteinte.  On  y  re- 
trouve une  foule  de  corps  granuleux. 

Pas  de  lésions  des  autres  parties  de  l'encéphale. 

Appareil  circulatoire.  —  Cœur.  Un  peu  hypertrophié  et  dilaté  ;  une 
plaque  laiteuse  du  péricarde;  pas  de  lésion  du  tissu  du  cœur,  sauf  un 
léger  épaississement  des  valvules.  Dans  chaque  auricule  on  retrouve 
un  caillot  grisâtre  décoloré,  mou,  de  la  grosseur  d'une  aveline.  Ces 
caillots  contiennent  une  matière  puriforme,  trouble,  blanc  grisâtre, 
dans  laquelle  on  retrouve  de  la  fibrine  réduite  à  l'état  granulaire,  des 
granulations  graisseuses,  quelques  rares  éléments  fusiformes ,  et  un 
grand  nombre  de  leucocytes  dont  plusieurs  sont  remplis  de  granulations 
graisseuses. 

Artère  pulmonaire.  On  n'y  a  trouvé  que  des  caillots  récents. 

Aorte  athéromateuse,  surtout  dans  sa  partie  inférieure,  et  au  niveau 
des  artères  rénales  qui  sont  très-athéromateuses;  ne  contient  pas  de 
caillots. 

Artère  iliaque  primitive  et  iliaque  externe  droites.  Caillots  récents, 
à  peine  adhérents  aux  parois,  mais  subissant  déjà  un  commencement 
de  décoloration. 

Artère  fémorale  droite.  A  2  centimètres  environ  de  l'arcade  crurale 
commence  le  caillot  ancien  adhérent  à  la  paroi  qui  paraît  saine,  quoi- 
que ses  vasa  vasorum  soient  congestionnés.  Le  caillot  est  gris  rou- 
geâtre,  ramolli  et  friable  à  son  centre,  et  se  prolonge  dans  les  diverses 
branches  de  lartère  fémorale.  Il  est  formé  de  fibrine  en  partie  à  l'état 
granulaire  dans  laquelle  on  retrouve  des  granulations  graisseuses  et 
des  leucocytes  en  partie  granuleux. 

Veine  fémorale.,  renferme  du  sang  récemment  coagulé. 

Les  vaisseaux  du  membre  inférieur  gauche  étaient  parfaitement  in- 
tacts. 

Artères  carotides  saines,  pas  de  caillots. 

Membre  supérieur  droit.   Caillot  ancien  long  de  3  à  4  centimètres 


145 
siégeant  dans  l'artère  axillaire  à  2  ou  3  centimètres  au-dessous  de  la 
clavicule.  Ce  caillot  adiièro  à  la  face  postéro-externe  du  vaisseau  qu'il 
n'oblitère  pas  d'une  façon  absolue.  Caillots  récents  dans  les  branches 
et  les  terminaisons  de  lartère  axillaire. 

Veines  oblitérées  par  des  caillots  relativement  récents;  le  caillot 
paraît  plus  ancien,  et  l'oblitération  plus  complète  dans  la  veine  basi- 
lique. 

Poumons.  Œdème  des  deux  poumons,  surtout  dans  la  partie  posté- 
rieure. Noyau  d'apoplexie  pulmonaire  dans  le  poumon  droit,  au  centre 
duquel  on  trouve  un  petit  noyau  d'hépalisation  granuleuse. 

Foie  et  rate  sains. 

Reins  dans  une  étendue  de  3  à  4  centimètres.  Atrophie  du  tissu  avec 
dépôt  de  pigment  (peut-être  résultat  d'une  ancienne  apoplexie  rénale). 

M.  Vulpian  fait  remarquer  au  sujet  de  cette  observatiou  que  l'ap- 
parition de  gaugrèoes  des  membres  a  pu  faire  connaître  pendant  la 
vie  un  ramollissement  cérébral  de  nature  embolique.  La  soudaineté 
des  accidents  cérébraux  avait  d'abord  fait  penser  à  une  hémorrhagie 
cérébrale. 

§  H.  —  Accidents  ischémiques  sans  ramollissement. 

Il  arrive  quelquefois,  et  plusieurs  de  nos  observations  nous  en 
offrent  des  exemples,  que  des  attaques  apoplectiques  accompagnées 
de  coma,  de  convulsions  épileptiformes,  de  vomissements,  etc.,  et 
souvent  même  d'une  mort  rapide,  se  rencontrent  soit  chez  d'anciens 
hémiplégiques,  soit  chez  des  sujets  tombés  dans  la  démence,  soit 
même  chez  des  individus  bien  portants.  Ces  symptômes,  sur  lesquels 
nous  insisterons  dans  la  partie  sémiologique,  ne  se  traduisent 
quelquefois  par  aucune  lésion  appréciable,  ou  du  moins  par  aucune 
lésion  récente  de  l'encéphale.  Gomment  doit-on  interpréter  ces  cas 
que  les  anciens  avaient  nommés  apoplexies  nerveuses,  et  que  M.  Du- 
rand Fardel  attribue,  avec  beaucoup  d'auteurs,  à  une  congestion  ac- 
tive du  cerveau,  qu'il  divise  en  formes  apoplectique  (coup  de  sang) , 
suhapoplectique,  délirante,  convulsive? 

Nous  pouvons  d'abord  remarquer  que  tous  les  auteurs,  et  M.  Du- 
rand Fardel  le  premier,  qui  adoptent  l'opinion  d'une  congestion  aiguë 
dn  cerveau  comme  cause  de  ces  accidents,  insistent  sur  ce  que  ce 
phénomène  est  passager  et  sur  ce  qu'on  ne  le  retrouve  pas  toujours 

MF,M.  10 


146 
à  l'autopsie.  «  Les  congestions  les  pins  considérables,  »  nous  dit-il 
(Durand  Fardel,  Mal.  des  vieillards,  p.  9),  «  se  dissipent  eu  général 
«  avec  une  extrême  facilité,  soit  spontanément,  soit  en  raison  des 
«  phénomènes  variés  dont  l'organisme  peut  être  le  siège ,  de  telle 
«  sorte  qu'après  la  mort  on  cherche  en  vain  quelquefois  à  quoi  rap- 
«  porter  des  désordres  fonctionnels  considérables  observés  pendant 
«  la  vie.  » 

Et  plus  loin  : 

«  Aussi  attachons-nous  beaucoup  plus  d'importance  à  la  détermi- 
«  nation  des  formes  symptomatiques  qu'il  paraît  raisonnable  dattri- 
«  buer  à  la  congestion  cérébrale  qu'à  une  description  anatomique 
«  à  laquelle  nous  n'aurons  à  ajouter  que  sur  un  point  tout  spécial  à 
«  ce  que  l'on  trouve  dans  tous  les  auteurs.  » 

Il  nous  paraît  peu  probable  qu'une  congestion  sanguine  prononcée, 
capable  de  donner  lieu  à  des  phénomènes  de  coma,  capable  môme 
d'amener  la  mort,  disparaisse  avant  que  l'on  fasse  l'autopsie.  Il  est 
d'ailleurs  des  cas  où  une  congestion  se  montre  évidente  à  l'examen 
cadavérique  ;  pourquoi  disparaîtrait-elle  dans  le  plus  grand  nombre 
des  soi-disant  coups  de  sang?  Ajoutons  qu'il  est  fréquent  de  trouver 
un  cerveau  très-congestionné  quand  aucun  des  phénomènes  que  l'on 
attribue  généralement  à  la  congestion  cérébrale  ne  s  est  montré  pen- 
dant la  vie.  C'est  en  particulier  ce  qui  arrive  dans  la  mort  par  as- 
phyxie et  dans  les  cas  où  la  circulation  pulmonaire  est  gênée  ;  pour- 
quoi la  congestion  cérébrale  aurait-elle  le  privilège  de  disparaître 
dans  quelques  cas  avant  la  mort,  quand  nous  voyons  les  congestions 
d'autres  organes,  les  congestions  pulmonaires,  par  exemple,  diagnos- 
tiquées pendant  la  vie,  se  montrer  très-manifestes  à  l'autopsie? 

Si  la  congestion  ne  paraît  pas  capable  de  donner  l'explication  des 
symptômes  dont  nous  parlons,  une  anémie  plus  ou  moins  généralisée 
de  l'encéphale  peut,  dans  la  plupart  des  cas,  en  être  considérée  comme 
la  cause;  c'est  pour  cela  que  M.  Virchow  et,  à  son  exemple,  la  plu- 
part des  auteurs  allemands,  ont  donné  à  ces  symptômes  le  nom  de 
ischémie  cérébrale  (1  ).  MM.  Gharcot  et  Vulpian  ont  souvent  attiré  notre 


(1)  Ce  mot  d'iscliétriie ,  qui  indique  simplement  un  arrêt  de  la  circu- 
lation, nous  paraît  préiérable  au  terme  d'anémie  cérébrale;  en  effet, 
comme  nous  l'avons  dit  (appendice  à  la  partie  physiologique),  il  se  pro- 
duit consécutivement  aux  oblitérations  artérielles  de  l'hyperémie  aussi 
souvent  que  de  l'anémie  dans  la  partie  alimentée  par  l'artère. 


147 
attontion  sur  ce  point  en  nous  montrant  combien  cette  opinon  était 
plus  rationnelle.  C'est  ce  qui  semble  d'ailleurs  ressortir  de  l'analyse 
de  nos  observations;  en  effet,  dans  les  cas  d'étourdissements,  dans 
les  cas  d'attaques  apoplectiques  mortelles  non  accompagnées  de  lé- 
sions récentes  du  cerveau,  nous  avons  trouvé,  soit  des  artères  céré- 
brales très-athéromateuses  devant  amener  des  troubles  de  la  circu- 
lation de  l'encéphale  (voy.  obs.  XXII),  soit  une  cause  d'embolie 
capillaire. 

L'analogie  de  nos  expériences  d'injection  de  poudre  de  lycopode 
avec  les  attaques  apoplectilbrmes,  tant  au  point  de  vue  des  symp- 
tômes que  de  l'absence  de  lésion  pathologique,  est  encore  un  argu- 
ment en  faveur  de  l'embolie  capillaire  (1). 

Des  symptômes  de  délire,  des  symptômes  typhoïdes  ont  pu  aussi 
trouver  leur  explication  dans  la  rupture  de  kystes  puriformes  du 
cœur  ou  de  l'aorte.  Nous  renverrons  à  ce  sujet  à  l'observation  que 
M.  Vulpian  a  présentée  à  la  Société  médicale  des  hôpitaux.  (Voy.  Union 
MÉD  ,  1865,  p.  276,  n"  18.) 

Pour  être  en  droit  d'aflirmer  que  dans  nos  observations  les  acci- 
dents étaient  dus  à  l'embolie  capillaire,  il  aurait  fallu  retrouver  les 
capillaires  oblitérés,  comme  disent  l'avoir  observé  MM.  Virchow  (2), 
Bergmann  (3)  et  M.  Lancereaux  (4)  qui  en  rapporte  des  observations. 
Nous  avons  plusieurs  fois  cherché,  sans  y  réussir,  à  trouver  des 
corps  granuleux  dans  les  vaisseaux  capillaires  de  l'encéphale; 
MM.  Charcot  et  Vulpian  nous  ont  dit  avoir  déjà  fait  plusieurs  fois  la 
même  recherche  sans  plus  de  succès  ;  M.  Charcot,  qui  a  plusieurs  fois 
pratiqué  l'artériotomie  temporale  dans  les  cas  de  ce  genre,  n'a  jamais 
pu  constater  la  présence  de  la  matière  athéromateuse  ou  de  corps 
granuleux  dans  le  sang  artériel.  Mais  il  est  vrai  de  dire  que  ces  re- 
cherches sont  très-difficiles,  que  des  débris  granuleux  répandus  dans 
la  masse  sanguine  peuvent  échapper  à  l'observation,  et  que  la  pous- 

(1)  Il  va  sans  dire  que  si  nous  attribuons  à  l'ischémie  cérébrale  la  plu- 
part des  accidents  apoplectiformes  des  vieillards,  nous  n'entendons  pas 
nier  la  congestion  cérébrale  d'une  manière  absolue,  et  nous  ne  pouvons 
la  rejeter  dans  nombre  de  cas,  notamment  chez  l'adulte. 

(2)  Virchow,  PcUltologie  cell.  et  Virchow  s  Archiv.,  passi7n. 

(3)  Bergmann,  Virchow's  Arckiv.,  XII,  59. 

(4)  Lancereaux,  ouv.  cit. 


148 
sée  emboUque  qui  a  donné  lieu  aux  symptômes  apoplectiques  peut 
avoir  gagné  les  extrémités  capillaires  au  moment  où  Ton  pratique 
l'artériotomie. 

Le  mélange  de  la  matière  athéromateuse  dans  le  sang  n'en  est  pas 
moins  démontré.  MM.  Gharcot  et  Vulpian  et  nous-mêmes  avons  plu- 
sieurs fois  trouvé  dans  le  sang  d'une  artère  périphérique  (crurale, 
pédieuse,  branches  de  la  carotide,  etc.),  dont  les  parois  étaient  saines, 
des  débris  athéromateux.  provenant,  selon  toute  probabilité,  des  athé- 
romes  ulcérés  de  l'aorte. 

Nous  rapporterons  les  deux  observations  suivantes  qui  nous  pa- 
raissent confirmatives. 

attaque  apoplectique  (r.iop.t  en  vingt-deux  iieljres)  ;  pas  de  ramollissement 
récent;  aorte  troracique  très-athéromateuse,  calcifiée;  corps  grani;- 
leux  dans  les  petites  artères. 

Obs.  XXX.  —  G...  (Eiilalie-Louise),  73  ans,  morte  le  22  mai  1865, 
salle  Sainl-Matliieii,  10,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  Vul- 
pian. 

Celte  femme  est  restée  vingt  jours  à  l'infirmerie  pendant  le  mois  de 
mars  1865,  olïrant  des  symptômes  de  bronchite  chronique  et  des  trou- 
bles de  la  circulation  cardiaque,  bruits  du  cœur  tumultueux,  fréquem- 
ment dédoublés,  œdème  des  extrémités. 

Elle  dit  avoir  eu  il  y  a  deux  ans  une  attaque  d'hémiplégie  droite  (?) 
incomplète,  dont  elle  se  serait  ressentie  pendant  quatre  mois;,  elle  au- 
rait toujours  pu  continuer  à  marcher  pendant  ce  temps,  en  traînant 
la  jambe.  Il  n'en  reste  pas  trace  actuellement. 

Le  21  mai  1865  à  huit  heures  du  malin,  attaque  apoplectique  subite; 
on  la  ramène  à  l'infirmerie. 

Résolution  générale;  les  deux  membres  supérieurs  retombent  comme 
des  masses  inertes.  Bouche  légèrement  tirée  à  droite,  paralysie  du 
buccinateur  gauche.  Yeux  non  déviés;  pupille  gauche  dilatée,  pupille 
droite  normale.  Arrêt  de  la  respiration  de  temps  à  autre;  pendant  plus 
d'un  quart  de  minute.  Expiration  brusque;  pouls  lent,  faible.  Perte 
complète  de  connaissance.  Sensibilité  conservée  des  deux  côtés  (gri- 
mace faciale  quand  on  la  pince). 

Elle  meurt  le  22  mai  à  six  heures  du  matin,  sans  avoir  présenté  de 
nouveaux  phénomènes. 

Autopsie.  —  Cerx^eau.  Pas  de  lésion  de  la  dure-mère,  pas  de  conges- 
tion des  membranes  encéphaliques.  Artères  de  la  base  athéromateuses 


119 
ne  contenant  pas  de  caillots,  non  plus  que  les  vertébrales,  les  caro- 
tides et  les  sinus  de  la  dure-mère.  A  la  palpation  l'iicmisphère  droit 
paraît  un  peu  moins  résistant  que  le  gauche;  on  y  constate  un  ramollis- 
sement ancien  situé  sur  le  bord  postérieur  de  la  circonvolution  margi- 
nale postérieure.  Lacune  du  volume  d'un  pois  à  la  partie  inférieure  du 
noyau  extra-venlriculaire  du  corps  strié  droit.  (La  malade  se  sera  sans 
doute  trompée  en  indiquant  une  ancienne  bémiplégie  droite.) 

On  ne  retrouve  pas  de  ramollissement  récent  bien  net,  probablement 
à  cause  de  la  rapidité  de  la  mort. 

Cœur  sain,  léger épaississement  delà  valvule  mitrale. 

Aorte  thoraciqne  ascendante  et  descendante  complètement  calcifiée, 
ses  parois  se  brisent  sous  le  doigt.  A  l'ouverture  du  vaisseau  on  trouve 
des  plaques  calcaires  incrustant  les  parois  dans  tout  le  calibre  du  vais- 
seau. Dans  certains  points,  ramollissement  et  boue  athéromateuse  con- 
tenant des  amas  de  corps  granuleux,  des  lamelles  de  cholestérine  et 
beaucoup  de  graisse. 

Aorte  abdominale  n'est  presque  pas  altérée  depuis  la  naissance  des 
artères  rénales. 

Le  sang  des  vaisseaux  a  été  examiné;  on  a  retrouvé  dans  une  caro- 
tide dont  les  parois  étaient  relativement  saines  (il  n'y  avait  pas  de  pla- 
ques calcaires,  mais  simplement  quelques  athéromes  dans  ses  parois) 
ainsi  que  dans  les  vaisseaux  de  la  pie-mère,  du  sang  contenant  des 
débris  granuleux  ayant  le  plus  grand  rapport  avec  ceux  que  l'on  ren- 
contrait dans  l'aorte. 

Ces  débris  provenaient-ils  de  l'aorte  ou  des  parois  de  l'artère  dans 
laquelle  on  avait  pris  le  sang?  La  première  hypothèse  semble  plus  pro- 
bable, quoique  non  certaine. 

Autres  organes  sains.  Les  poumons  présentent  une  congestion  œdé- 
mateuse prononcée. 

Pas  à'infarctus  des  viscères. 

Convulsions  épileptiformes  ;  mort  subite;  athéromes  ulcérés  dans  la  croise 
aortique;  ancien  ramollissement  cérébral.  (Observation  due  à  M.  Vul- 

PIAN.) 

Obs.  XXXL  —  L...  'Marie-Louise),  63  ans,  morte  le  16  mai  1863, 
salle  Saint-Denis,  9,  service  de  M.  le  docteur  Vulpian. 

Cette  malade  qui  avait  eu  anciennement  des  rhumatismes,  est  entrée 
plusieurs  fois  à  l'infirmerie  pour  des  accidents  cardiaques.  Dans  les 
derniers  temps  on  pouvait  constater  un  double  bruit  de  souffle  à  la  base 
du  cœur,  qui  a  augmenté  progressivement  d'intensité  jusqu'à  la  mort. 


150 

Depuis  le  6  mai  1863  quelques  troubles  de  l'intelligence;  à  deux  re- 
prises, délire. 

Le  16  mai,  la  malade  est  prise  subitement  d'une  attaque  épileptiforme 
et  meurt  subitement;  elle  n'avait  jamais  présenté  de  paralysie. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Aucune  lésion  du  crâne  ni  do  la  dure- 
mère. 

Artères  cérébrales.  L'oblitération  a  été  recherchée  avec  soin  jusque 
dans  les  fines  ramifications  de  ces  artères,  et  n'a  pas  été  trouvée,  non 
plus  que  des  corps  granuleux  ni  des  paillettes  de  cholestérine  dans  les 
capillaires. 

Cerveau.  Sur  la  face  externe  du  lobe  pariétal  gauche,  foyer  de  ra- 
mollissement du  volume  d'une  noix,  brun  jaunâtre  à  la  surface  et  blanc 
dans  la  profondeur.  Ce  ramollissement  contient  un  grand  nombre  de 
corps  granuleux,  on  retrouve  de  plus  de  Thématosine  dans  la  partie  jau- 
nâtre superficielle. 

Cœur.  Néo-membranes  et  sérosité  sanguinolente  dans  le  péricarde. 
Hypertrophie  du  ventricule  gauche.  Rétrécissement  et  insuflisance  peu 
prononcés  de  l'orifice  aortique;  valvules  athéromateuses  racornies.  Pas 
d'ulcérations  ni  de  végétations  fibrineuses  sur  ces  valvules. 

Aorte  très-athéromateuse,  calcifiée  à  son  origine,  ulcérations  athéro- 
mateuses dans  sa  partie  ascendante,  boue  athéromateuse  à  nu  dans  la- 
quelle on  reconnaît  à  l'œil  nu  des  paillettes  chatoyantes  de  cholesté- 
rine. 

Rétrécissement  Irès-considérable  des  grosses  artères  du  cou,  à  leur 
origine  dans  l'aorte,  par  épaississemeut  alhéromateux. 

La  partie  inférieure  de  l'aorte  thoracique  est  presque  saine;  des  abcès 
athéromaleux  et  des  plac^ues  calcaires  existent  dans  Vaorte  abdomi- 
nale. 

Du  sang  pris  daiis  le?  deux  artères  fémorales  a  présenté  un  grand 
nombre  de  graniihitions  graisseuses,  <le  gouttelettes  hu!leu,«es.  des 
corps  granuleux  et  quelques  plaques  de  cholestérine. 

Rien  de  particulier  à  noter  dans  les  autres  organes,  pas  d'infarctus. 

CHAPITRE  IV. 
§  I.  —  Ramollissements  sans  lésions  vasculaires  évidentes. 

Il  existe  un  certain  nombre  de  cas  dans  lesquels  l'état  des  vais- 
seaux a  été  examiné  avec  soin  et  où  l'on  n'a  rencontré  ni  oblitéra- 
tion, ni  dégénérescence  atliéroniateuse,  ni  point  de  départ  embolique 
qui  permit  de  les  ranger  dans  l'un  des  groupes  précédents. 


151 

Telles  sont  les  ojjservatioiis  suivantes  : 

HÉMIPLÉGIE     GAUCHE     APOPLECTIQUE.     RAMOLLISSEMENT     ROUGE      liE    LHÉMISPHÈRE 
DROIT.    PETIT    FOYER  ANCIEN   (jAUNE)   DANS    LE    MÊME  HÉMISPHÈRE;    PAS  DATHÉ- 

ROMES  NI  d'oblitérations  VASCULAIRES. 

Obs.  XXXII.  —  D...  (Victoire-Honorine)  72  ans,  entre  le  5  juillet  1865, 
salle  Saint-Jean,  9,  infirmerie  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  Fournier, 
suppléant  M.  Yulpian. 

En  1864,  première  attaipie  d'hémiplégie  gaucho  qui  la  laissa  infirme; 
elle  pouvait  cependant  marcher  en  traînant  un  peu  la  jambe. 

Etourdissements  assez  fréquents  depuis  lors. 

Le  2  juillet  1865,  cette  femme  se  rendit  seule,  sans  bâton,  à  la  halle 
et  y  fut  prise  d'une  nouvelle  attaque  d'hémiplégie  gauche,  sans  perte 
de  connaissance,  on  la  ramena  à  la  Salpêtrière  sur  un  brancard.  A  son 
entrée  à  l'infirmerie  on  constate  :  commissure  labiale  tirée  à  droite,  pa- 
ralysie légère  du  buccinateur  gauche.  Yeux  dirigés  constamment  tous 
deux  du  côté  droit,  elle  peut  les  porter  à  gauche,  mais  le  bord  de  l'iris 
n'atteint  pas  de  ce  côté  la  commissure  palpébrale;  pas  d'inégalité  pu- 
pillaire;  langue  déviée  à  gauche. 

Bras  et  jambe  gauche  incomplètement  paralysés;  pas  de  mouvements 
réflexes. 

Sensibilité  obtuse  à  gauche,  surtout  dans  le  membre  inférieur. 

Intelligence  conservée,  parole  assez  nette;  depuis  son  attaque  elle 
est  devenue  gâteuse. 

La  paralysie  augmente  les  jours  suivants,  elle  devient  complète  du 
côté  gauche  le  7  juillet.  Il  se  produit  bientôt  de  gros  râles  trachéaux, 
et  la  malade  succombe  le  8  juillet. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Vaste  ecchymose  des  téguments  de  la 
région  frontale  gauche  (provenant  évidemment  de  la  chute  au  momenf 
de  l'attaque).  Les  os  sont  sains,  pas  de  fracture  du  crâne;  pas  de  néo- 
membranes de  la  dure-mère;  méninges  normales,  non  congestionnées. 

Artères  de  la  base  non  athéromateuses,  sauf  la  terminaison  des  ca- 
rotides qui  présente  un  aspect  légèrement  blanchâtre.  Mais  les  petites 
artères  sont  remarquablement  saines,  et  ne  présentent  d'épaississe- 
ment  athéromateux  en  aucun  point.  Ces  artères  ont  été  ouvertes  avec 
soin,  et  l'on  n'y  a  pas  retrouvé  d'oblitération. 

Cerveau.  On  remarque  à  la  surface  de  l'hémisphère  droit  un  ramol- 
lissement superficiel  à  teinte  rosée  des  circonvolutions;  s'étendant 
comme  une  traînée  depuis  le  lobe  frontal  jusqu'au  lobe  occipital,  occu- 
pant la  partie  supérieure  de  l'hémisphère,  et  n'attaquant  pas  toutes  les 


152 

circonvolutions;  la  substance  des  circonvolutions  est  comme  déchique- 
tée par  places,  à  la  suite  de  l'ablation  de  la  pie-mère. 

L'examen  micrographique  y  montre,  en  certains  points  surtout,  de 
nombreux  corps  granuleux,  des  cellules  granuleuses,  de  la  graisse  dis- 
séminée en  gouttelettes,  et  de  petits  vaisseaux  granuleux. 

Dans  le  centre  ovale  de  Vieussens  droit,  ramollissement  blanchâtre 
de  2  à  3  centimètres  de  diamètre,  dans  lequel  les  vaisseaux  ne  sont  pas 
granuleux. 

A  une  certaine  distance,  autre  foyer  de  ramollissement  de  1  à  2  cen- 
timètres de  diamètre,  de  couleur  jaunâtre  et  présentant  une  masse 
énorme  de  graisse  en  gouttelettes,  des  corps  granuleux  et  une  destruc- 
tion presque  complète  des  tubes  nerveux. 

En  arrière  de  ce  foyer,  le  centre  ovale  offre  un  aspect  criblé  remar- 
quable et  une  teinte  hortensia  qui  n'existent  point  dans  l'autre  hémi- 
sphère. Les  vaisseaux  qui  apparaissent  comme  des  filaments  dans  la  sub- 
stance blanche  sont  fort  peu  altérés  et  l'on  n'en  retrouve  que  fort  peu 
de  graisseux. 

Rien  dans  les  corps  striés,  les  couches  optiques  ni  dans  les  autres  par- 
ties de  l'encéphale. 

Moelle  épinière  saine. 

Cavité  llwracique.  Hépatisation  rouge  un  peu  granuleuse  par  places 
des  deux  bases  des  poumons,  emphysème  des  lobes  supérieurs. 

Cœur  sain;  ne  contient  pas  de  caillots. 

Aorte  remarquablement  peu  athéromateuse;  elle  a  l'aspect  d'une 
aorte  d'adulte.  Au  niveau  de  sa  bifurcation,  on  remarque  simplement 
une  petite  tache  blanchâtre. 

Artères  carotides  primitives  et  tronc  brachio-céphalique  nullement 
athéromateux,  ne  contiennent  pas  de  caillots. 

Autres  organes  sains,  pas  d'infarctus. 

ANCIENNE     HÉMIPLÉGIE    DROITE;    RAMOLLISSEMENT    BLANC  DE  LA    TOTALITÉ  DU  LOBE 
ANTÉRIEUR    GAUCHE  ;     PAS    d'aTHÉROMES. 

Obs.  XXXIIL  —  D...  (Sophie-Joséphine),  47  ans,  entrée  à  la  Salpê- 
trière  le  28  janvier  1865,  morte  le  14  mars  1865  (salle  Sainte-Rosalie, 
n°  15),  service  de  M.  le  docteur  Charcot. 

La  maladie  actuelle  aurait  débuté  le  6  octobre  1864. 

Déjà  depuis  deux  ans  la  malade  souffrait  d'engourdissements  dans  le 
bras  droit. 

Le  6  octobre  1864,  son  mari  s'est  aperçu  qu'elle  parlait  par  mono- 
syllabes et  qu'elle  se  servait  de   la  main  gauche  pour  manger;  peu 


153 

d'instants  après,  elle  a  perdu  connaissance  et  est  devenue  hémiplégique 
à  droite.  Transportée  à  la  Cliarilé,  puis  à  la  Salpêtrière,  la  malade  n"a 
jamais  parlé  depuis  son  attaque,  elle  n'est  nullement  intelligente  et  ne 
se  fait  pas  comprendre  par  signes. 

Meurt  d'une  eschare  au  sacrum. 

Autopsie.  —  Cerveau.  Artères  de  la  base  non  athéromateuses;  le  lobe 
antérieur  de  Thémisphère  gauche,  jusqu'au  sillon  de  Rolando,  est  en- 
tièrement ramolli  et  transformé  en  un  kyste  rempli  d'un  liquide  laiteux 
dans  lequel  on  trouve,  au  microscope,  une  grande  quantité  de  gros 
corps  granuleux. 

Coloration  bleu  ardoisé  de  la  base  du  cerveau  et  de  la  moelle.  (L'es- 
chare  pénètre  dans  le  canal  rachidien.) 

C(VU7'  petit,  décoloré;  pas  d'altérations  valvulaires. 

Jorte  non  athéromateuse. 

Rien  à  noter  dans  les  autres  organes. 

Pas  d'infarctus. 

RAMOLLISSEMENT     VIOLACÉ    DU     CERVEAU     (APOPLEXIE    CAPILLAIRE)  ;     INFARCTUS 
d'un    rein;    PAS    DE     POINT    DE    DÉPART    EMBOLIQUE. 

Obs.  XXXIV.  —  D...  (Anne-Dauphine),  âgée  de  82  ans.  Entrée 
à  la  Salpêtrière  le  25  mai  1863,  morte  le  1"  juillet  1865  (salle  Saint- 
Alexandre,  n»  17;,  service  de  M.  le  docteur  Charcol. 

Habituellement  bien  portante. 

Le  27  juin  1865,  perte  subite  de  connaissance,  hémiplégie  gauche;  au 
bout  d'une  heure  la  malade  reprend  un  peu  de  connaissance.  Flacci- 
dité complète  des  membres  gauches.  Face  déviée  à  droite,  langue  dé- 
viée à  gauche,  yeux  tournés  à  droite.  Sensibilité  intacte;  mouvements 
réflexes  dans  le  membre  inférieur  gauche. 

Les  jours  suivants  la  malade  tombe  dans  un  coma  profond.  Râle  la- 
ryngo-lrachéal  ;  mouvements  spontanés  dans  tous  les  membres,  le  su- 
périeur gauche  excepté.  La  main  gauche  est  beaucoup  plus  chaude  que 
la  droite. 

Mort  le  1"  juillet. 

Température  rectale  aussitôt  après  l'attaque 37  4/5 

id.              id.     28  juin 38  3/5 

Id.             id.    29    - 39  1/5 

id.             id.     30    —(la  veille  de  sa  mort)  39  2/5 

Autopsie.  —  Les  téguments  du  crâne  sont  fortement  congestionnés. 
Ecchymoses  sous  le  péricrâne.  A  l'ouverture  de  la  cavité  crânienne,  il 


•w.\ 


154 
s'écoule  une  grande  quantité  de  sang.  La  pie-mère  n'est  pas  très-con- 
gestionnée. 

Hémisphère  droit.  Ramollissement  violacé  occupant  le  lobule  de  l'iu- 
sula,  la  partie  postérieure  des  deuxième  et  troisième  circonvolutions 
frontales,  une  portion  de  la  marginale  inférieure,  et  le  corps  strié  dans 
sa  plus  grande  partie. 

Le  corps  strié  et  toute  la  partie  centrale  du  ramollissement  présentent 
un  poin-tillé  hémorrhagicpic  très-abondant  ou  apoplexie  capillaire;  la 
périphéiie  du  foyer  est  constituée  par  du  ramollissement  blanc.  Dans 
le  lobe  panélal,  petit  foyer  analogue.  Ramollissement  blanc  et  apoplexie 
capillaire  au  centre. 

En  ouvrant  le  ventricule  latéral,  on  voit  la  tète  du  corps  strié  trans- 
formée en  une  boue  sanguinolente. 

Hémisphère  gauche.  Plaque  jaune  très-superficielle,  occupant  l'insula 
et  une  petiie  partie  de  la  troisième  circonvolution  frontale,  s'élendant 
en  profondeur  seulement  jusqu'à  la  capsule  externe  du  corps  strié. 

Pas  d'altération  des  autres  parties  de  l'encéphale;  pas  d'atrophie  des- 
cendante. 

Artères  de  la  base  du  cerveau  non  athéromateuses;  on  n'a  pas  trouvé 
d'oblitération  de  l'artère  sylvienne  droite  ni  de  ses  branches. 

Examen  microscopique.  —  Les  capillaires,  examinés  dans  le  ramollisse- 
ment, sont  en  général  peu  athéromateux,  un  grand  nombre  sont  remplis 
de  sang,  d'autres  sont  vides,  mais  le  sang  paraîtinfitré  dans  leur  paroi,  ou 
plutôt  entre  leur  paroi  et  la  tunique  adventice  décrite  par  l\i.  Robin,  de 
façon  à  formerune  sorte  d'anévrysme  disséquant.  (PI.  II,  fig.  4,5,  6.)  D'au- 
tres capillaires  présentent  un  épaississement  considérable  de  leurs  pa- 
rois, au  point  que  celles-ci  égalent  le  calibre  du  vaisseau. 

îl  existe  fort  peu  de  corps  granuleux,  et  seulement  le  long  des  vais- 
seaux; on  trouve  aussi  desgrams  d'héniiatosine  près  des  vaisseaux. 

Les  éléments  nerveux  uc  présentent  pas  d'altération  considérable: 
dans  quelques  points  on  rencontre  un  grand  nombre  de  corps  amyloïdes. 

Gœur  vohnmneas.;  pas  d'altération  valvulaire,  pas  de  végétations. 
Les  auricules  sont  libres. 

Aorle  athéromateuse  ;  plaques  jaunes  dans  la  crosse,  athéromes  ul- 
cérés dans  la  portion  abdominale. 

Poumons  congestionnés,  noyaux  d'hépatisation  rouge  dans  le  lube 
inférieur  droit. 

Rate.  Pas  d'infarctus. 

Reins;  le  droit  est  sain,  \v  .gauche  présente  [)lusieurs  infarctus  récents, 
l'un  très-vulumineu\  corics[)ond  à  une  branche  de  Tarière  rénale  obli- 
térée par  un  caillot  lUjriueu.\  ancien. 


155 
Hémiplégie  gauche  subite  ;    mort  en  trois  jours  ;  plaques  jaunes  de  l'hé- 

MISPUÈRE  droit;  KA510LLISSE5IENT  RÉCENT  DU  CORPS  STRIÉ;  INFARCTUS  DE  LA 
RATE,  DES  REINS,  DE  LINTESTIN  ;  ARTÈRES  PEU  ATHÉROMATEUSES  ;  PAS  d'oBLI- 
TÉRAïlOiN    MANIFESTE,    SAUF    DANS    LE    REIN. 

Obs.  XXXV.  —  F...  (Marie-Nicole),  77  ans.  Merle  le  6  décembre 
1865,  salle  Saint-Vincent,  8,  hospice  de  la  Salpêtrière,  service  de 
M.  le  docteur  Vulpian. 

Cette  malade  était  déjà  entrée  à  Tinfirmerie  en  avril  1865,  fort  agitée 
et  offrant  un  peu  de  délire  de  persécution  sans  hallucinations.  Pas  d'état 
organopathique  appréciable. 

Rentre  le  4  décembre  1865.  Elle  marchait  bien  la  veille,  et  le  matin 
elle  est  prise  d'une  attaque  subite  d'hémiplégie  gauche  sans  perle  de 
connaissance. 

Etal  de  La  maladf .  Hémiplégie  gauche  complète,  avec  flaccidité; 
hémiplégie  faciale  gauche,  langue  non  déviée.  Déviation  de  la  tète  et 
des  deux  yeux  à  droite;  Tiris  ne  dépasse  pas  la  ligne  médiane  quand 
elle  regarde  à  gauche. 

Sensibilité  très-affaiblie,  ne  sent  pas  le  chatouillement  de  la  plante 
du  pied  gauche.  Pas  de  mouvements  réflexes. 

Intelligence  très-faible;  connaissance  conservée;  elle  parle  en  bre- 
douillant. 

5  décembre.  Même  état  général.  La  sensibilité  est  revenue  du  côté 
gauche,  de  même  que  les  mouvements  réflexes.  Déviation  des  yeux. 
Pas  d'albuminurie. 

6  décembre.  A  neuf  heures  et  demie  du  matin,  demi-coma  ;  cepen- 
dant la  malade  a  conservé  assez  de  connaissance  pour  tirer  la  langue 
quand  on  le  lui  demande;  sensibilité  conservée;  gros  râles  d'agonie. 
Elle  meurt  à  onze  heures  et  demie.  Elle  a  conservé  jusqu'à  la  fin  la 
tendance  à  la  déviation  oculaire  du  côté  droit  et  la  demi-rotation  de  la 
tête  à  droite,  quoiqu'à  un  degré  moins  prononcé  qu'au  début. 

Température  rectale. 

4  décembre  (huit  heures  environ  après  l'attaque).,     "37"  2/5. 

5  décembre  matin 38"  1/5. 

soir 38-4/5. 

6  décembre  à  dix  heures  du  matin 39"  2/5. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Pas  de  néo-membranes  de  la  dure- 
mère. 


1Ô6 

Un  peu  d'œdème  de  la  pie-mère;  liquide  céphalo-rachidien  abondant. 

Pas  d'oblitération  des  sinus. 

Artères  de  la  base.  Ne  présentent  presque  pas  d'athéromes,  sauf  en 
quelques  points  disséminés,  surtoutsur  la  cérébrale  postérieure. 

Pas  d'oblitération  manifeste  des  gros  vaisseaux;  on  trouve  cependant 
dans  une  des  branches  de  la  sylvienne  droite,  au  niveau  de  l'insula,  une 
artère  contenant  un  petit  caillot  rosé  assez  résistant,  mais  qui  paraît 
récent  et  s'est  peut-être  formé  pendant  l'agonie. 

Cerveau.  Hémisphère  droit.  Au  niveau  de  la  partie  postérieure  de 
la  troisième  circonvolution  frontale,  tache  d'apoplexie  capillaire  d'un 
diamètre  d'environ  2  centimètres,  mais  ne  s'enfonçant  pas  en  profon- 
deur. 

Plaques  jaunes  des  circonvolutions  siégeant  l'une  à  la  partie  posté- 
rieure et  supérieure  de  l'insula  de  Rcil  s'étendant  un  peu  sur  les  circon- 
volutions marginales  et  acquérant  à  peu  près  la  dimension  d'un  sou. 
Autre  plaque  jaune,  mais  plus  molle,  sur  la  circonvolution  sphénoïdale 
inférieure. 

Ramollissement  pulpeux  récent  imbibé  de  sang,  formant  une  bouillie 
rouge  qui  occupe  le  corps  strié  (partie  postérieure  et  intraventriculaire) 
et  qui  se  prolonge  en  dehors  jusqu'à  la  partie  postérieure  de  l'insula  at- 
teignant ainsi  la  plaque  jaune  qui  y  a  été  signalée  plus  haut. 

Examen  Tnicroscopique.  Dans  les  plaques  jaunes  formées  de  sub- 
stance assez  résistante,  on  trouve  du  tissu  cellulaire,  quelques  rares 
débris  de  tubes  nerveux,  une  foule  de  corps  granuleux,  des  granula- 
tions et  des  cristaux  hématiques  ;  dans  ces  parties  récemment  ramollies  : 
de  la  substance  nerveuse  dilacérée  et  en  débris  et  des  extravasations 
sanguines,  enfin  des  capillaires  présentant  en  grand  nombre  des  dila- 
tation? anévrysmales.  On  n'y  découvre  pas  d'oblitération.  Les  parois 
de  ces  petits  vaisseaux  sont  pour  la  plupart  saines  (sauf  leur  dilatation), 
cependant,  dans  l'hémisphère  sain,  on  retrouve  quelques  capillaires 
très-légèrement  granuleux;  le  nombre  de  ces  capillaires  granuleux  est 
faible,  et  dans  les  parties  saines  ils  ne  sont  pas  anévrysmatiques. 

L'hémisphère  gauche  et  les  autres  parties  de  l'encéphale  ne  présen- 
tent pas  d'altération. 

Cavité  thoracique.  Poumons  très-congestionnés,  presque  apoplecti- 
ques, surtout  à  leur  partie  postérieure. 

Cœur.  Ne  présente  pas  de  lésions  valvulaires.  Pas  de  caillots  anciens 
ni  récents;   toutes  les   cavités  et  les  auricules  ont  été  ouvertes. 

Cavité  abdominale.  Rate.  Présente  une  partie  très-pâle,  anémiée, 
tranchant  avec  la  couleur  du  reste  de  l'organe.  Cet  infarctus  paraît  à  la 
coupe  formé  de  substance  plus  compacte  que  le  reste  de  l'organe  et  ne 


157 

laisse  échapper  presque  pas  de  sang.  Pas  de  rétraction  de  cet  infarctus, 
qui  doit  être  assez  récent.  L'oblitération  n'a  pas  été  découverte. 

Reiiis.  Plusieurs  infarctus  anciens  ;  l'un  d'eux,  de  la  dimension  d'une 
pièce  de  50  centimes  au  moins,  est  très-rélracté.  Le  tissu  rénal  a  pres- 
que disparu  à  ce  niveau.  Sa  coupe  est  dure  et  crie  un  peu  sous  le  scal- 
pel. L'artère  qui  correspondait  à  cette  partie  était  perméable  jusqu'à 
sa  partie  moyenne,  mais  toute  l'autre  moitié  (périphérique)  était  réduite 
en  un  cordon  comparable  au  cordon  de  l'artère  ombilicale  de  l'adulte. 

A  l'examen  microscopique  ces  parties  étaient  formées  d'un  tissu  atro- 
phié, les  glomérules  plus  petits  et  plus  rapprochés  les  uns  des  autres 
qu'à  l'état  normal,  les  tubuli  très-rares.  Quelques-uns  de  ces  glomérules 
et  de  ces  tubes  offraient  à  l'intérieur  des  granulations  assez  peu  trans- 
parentes qui  se  sont  éclaircies  par  l'addition  d'acide  sulfurique  ;  il  s'est 
produit  quelques  bulles,  mais  pas  de  cristaux  de  sulfate  de  chaux.  11  est 
possible  cependant  qu'il  y  eût  un  peu  d'incrustation  calcaire. 

Intestin.  Une  anse  de  l'intestin  grêle  présentait  en  un  point  un  as- 
pect d'injection  et  de  ramollissement  rouge  grisâtre  (assez  analogue  à  de 
la  gangrène);  en  l'ouvrant  et  en  versant  de  l'eau  dessus,  il  se  produisit 
une  perforation  ovalaire  qui  prouvait  le  degré  de  ramollissement  de 
l'organe. 

Cette  altération  s'étendait  sur  une  étendue  d'environ  2  à  3  centi- 
mètres. 

En  un  autre  point,  tache  rouge  assez  analogue. 

L'oblitération  artérielle  n'a  pas  été  recherchée  avec  soin.  Il  s'agissait 
très-probablement  d'un  infarctus. 

Aorte  thoraciqiie  alhéromaieuse;  quelques  plaques  calcaires;  l'une 
d'elles,  assez  épaisse,  siège  un  peu  avant  la  naissance  du  tronc  bra- 
cliio-céphalique  qui  présente  aussi  quelques  athéromes;  les  artères  ca- 
rotides ne  sont  que  fort  peu  alhéromateuses  (en  un  ou  deux  points  seule- 
ment). 

L'aorte  descendante,  dans  sa  partie  moyenne,  présente  aussi  des 
athéromes  et  quelques  plaques  calcaires;  on  ne  trouve  pas  d'ulcéra- 
tions ni  d'abcès  athéromaleux. 

La  bifurcation  de  l'aorte  n'est  pas  athéromaleuse. 

Les  deux  dernières  de  ces  observations  (obs.  XXXIV  et  XXXY)  qui 
présentent  en  même  temps  que  le  foyer  de  ramollissement  des  in- 
farctus des  viscères,  offrent  une  si  grande  analogie  avec  les  cas  d'em- 
bolies multiples  qu'il  est  bien  difficile  de  ne  pas  les  rapporter  à  la 
même  cause,  quoique  l'examen  cadavérique  fait  avec  soin  n'ait  rien 
fait  déconviii-,  cl!e.T  sont  un  nouvel  exemple  de  la  difficulté  de  ces 


158 
recherches.  11  est  à  regretter  seulement  que  les  veines  pulmonaires 
n'aient  point  été  suffisamment  e-xaminées;  dans  l'observation  XXXY, 
les  poumons  étaient  fortement  congestionnés  et  peut-être  aurait-on 
trouvé  là  un  point  de  départ  d'embolie,  comme  cela  a  été  indiqué 
par  plusieurs  auteurs  (1). 

Dans  les  deux  autres  observations,  il  est  plus  difficile  de  se  rendre 
(;ompte  de  la  cause  du  ramollissement,  et  nous  devons  les  considérer 
comme  des  cas  douteux  et  difficiles  à  interpréter. 

L'encéphalite  à  laquelle  on  a  pendant  longtemps  attribué  une  si 
large  part  dans  la  nature  du  ramollissement  ne  nous  semble  pas  non 
plus  pouvoir  donner  l'explication  de  ces  cas  douteux. 

L'encéphalite  spontanée  et  primitive  (2),  si  elle  existe,  nous  paraît 
tout  au  moins  devoir  être  très-rare  :  en  effet  une  terminaison  fré- 
quente des  phlegmasies  est  la  formation  du  pus,  c'est  d'ailleurs  ce 
que  nous  voyons  survenir  dans  les  encéphalites  traumatiques  par 
exemple,  ou  dans  les  cas  d'encéphalites  de  voisinage  (méningo-en- 
céphalites,  encéphalites  entourant  des  tubercules,  etc.)  dans  lesquels 
on  retrouve  du  pus  manifeste  et  souvent  de  véritables  abcès;  la  sub- 
stance cérébrale  est  donc  susceptible  de  s'enflammer  et  de  suppurer, 
et  cependant  dans  les  cas  de  ramollissement  que  nous  avons  eus  en 
vue,  nous  n'avons  jamais  retrouvé  de  pus,  et  MM.  Charcot  etVulpian 
ont  souvent  fait  la  même  recherche  sans  plus  de  succès,  M.  Durand-- 
Fardel(3)  le  reconnaît  lui-même  quand  il  dit  :  «  Nous  croyons  que  Ion 
«  rencontrera  fort  rarement  la  suppuration  du  cerveau,  »  phrase 
qu'il  objecte  au  reproche  que  lui  fait  M.  Grisolle  (4)  «  d'avoir  admis 
«  une  encéphalite  dans  laquelle  on  ne  rencontre  jamais  de  pus,  bien 
«  que  le  cerveau  soit  un  des  organes  où  la  suppuration  se  développe 
«  le  plus  facilement.  » 

(1)  Voy.  Lancereaux,  ouvr.  cit.,  p.  46,  et  Bail,  Des  embolies  pulmo- 
naires, Paris,  1862,  p.  55. 

(2)  Nous  ne  nous  sommes  point  occupés  dans  ce  travail  de  certains 
cas  à  symptômes  assez  vagues,  dans  lesquels  on  a  trouvé  à  l'autopsie 
des  traînées  rouges  des  circonvolutions  avec  adhérences  de  la  pie-mère. 
Cette  lésion  a  été  citée  dans  plusieurs  de  nos  observations,  mais  comme 
il  ne  nous  est  pas  possible  den  déterminer  la  nature,  nous  ne  nous  y 
arrêterons  pas. 

(3)  Durand-Fardel,  Trailé  des  mal.  des  vieillards,  p.  174. 

(4)  Grisolle,  PatlioL  interne,  1852,  t.  II,  p.  216. 


Rien  no  nous  engage  donc  i^i  lulniettre  une  enréphalile  primitive 
comme  cause  de  ramollissement;  les  symptômes  semblent  d'ailleurs, 
comme  nous  le  dirons,  contraires  à  cette  opinion,  car  au  d^but  du 
ramollissement  cérôliral  il  n'y  a  pas  d'élévation  de  la  température. 

Mais  il  est  possible,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  qu'une  irritation 
consécutive  se  développe  à  la  suite  du  ramollissement,  encéphalite 
comme  éliminatrice  d'une  eschare  représentée  par  le  foyer  de  ramol- 
lissement; cette  encéphalite  consécutive  acceptée  par  M.  Hasse  (1) 
s'est  montrée  bien  évidente  dans  une  de  nos  expériences.  Mais  chez 
l'homme  on  ne  Fa  pas  vue  donner  lieu  à  un  foyer  purulent,  peut-être 
joue-t-elle  un  rôle  dans  les  phénomènes  consécutifs  au  ramoUis- 
sement. 

Une  altération  qui  est  assez  fréquemment  en  coïncidence  avec  les 
anciens  foyers  est  le  développement  de  membranes  vasculaires  sur  la 
dure-mère.  Ces  néo-membranes  existent,  il  est  vrai,  fréquemment 
sans  lésion  encéphalique,  mais  leur  coïncidence  avec  d'anciens  ra- 
mollissements et  leur  développement  souvent  plus  considérable  au 
niveau  du  foyer  est  peut-être  la  trace  d'un  travail  irritatif  de  voisi- 
nage que  l'on  pourrait  rapprocher  de  l'encéphalite  consécutive.  Nous 
renvoyons  à  l'observation  XV,  et  nous  croyons  ce  fait  assez  nouveau 
pour  publier  les  deux  observations  suivantes  : 

Hémiplégie  droite   ancienne;    aphasie;   ramollissement   étendu,   jaune   de 

LnÉMISPHÈRE     gauche  ;     INFARCTUS     DE    LA     RATE  ;     CANCER     STOMACAL  ;     ATHÉ- 

ROMEs  ARTÉRIELS.  (Observatlôn  due  à  M.  Charcot.) 

Obs.  XXXVl.  —  V...  (Marguerite),  61  ans.  Morte  le  16  janvier 
1863,  salle  Saint-Paul,  n°  6,  hospice  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  le 
docteur  Charcot. 

En  février  1862,  attaque  subite  d'hémiplégie  droite,  sans  perle  de 
connaissance. 

Etat  actuel  (octobre  1862).  Membre  supérieur  droit  flasque.  Contrac- 
ture de  la  main  qui  est  fléchie  en  crochet.  ÏMembre  inférieur  droit  ri- 
gide en  demi-flexion.  Légère  diminution  de  la  température  du  coté  pa- 


(1)  Hasse,  oiwr.  n7.,j{213. 


16U 
ralysé.  Sensibilité  diminuée.  Mouvements  réflexes.  Bouche  déviée  à 
gauche  et  en  bas;  langue  tirée  à  droite.  Fréquemment  la  malade  ne 
peut  s'exprimer  et  ne  prononce  que  des  monosyllabes  à  peine  intelligi- 
bles; d'autres  fois  elle  parle  assez  correctement.  La  malade  devient 
cachectique,  présente  de  l'œdème,  une  grande  pâleur  et  meurt  le 
16  janvier  1863. 

XvjopsiK.  —  Cavité  crânienne.  Néo-membranes  minces  sur  la  face  in- 
terne de  la  dure-mère  du  côté  gauche.  Pie-mère  œdématiée. 

Artères  de  la  base  athéromateuses. 

Cerveau.  Ramollissement  jaune  étendu  de  l'hémisphère  gauche,  por- 
tant surtout  sur  les  circonvolutions  marginales  antérieure  et  postérieure, 
sur  les  circonvolutions  qui  limitent  la  scissure  de  Sylvius,  sur  les  deux 
circonvolutions  postérieures  de  la  pyramide  de  Reil.  La  troisième  cir- 
convolution frontale  est  légèrement  atteinte  à  sa  base  et  en  arrière.  La 
lésion  s'étend  jusqu'au  corps  strié  qui  est  sain. 

Atrophie  descendante,  de  la  pyramide  antérieure  gauche,  du  côté 
gauche  de  la  protubérance,  et  du  pédoncule  cérébral  gauche,  rien  dans 
]  hémisphère  droit. 

Poumons.  Hépatisation  grise  du  lobe  supérieur  gauche.  Œdème  et 
bronchite  purulente  du  poumon  droit. 

Cœur.  Hypertrophie  concentrique  légère.  Valvules  un  peu  épaissies. 

J\ate  mamelonnée,  présente  un  point  jaune  fluctuant  (infarctus),  ar- 
tère splénique  athéromateuse. 

Reins.  Mamelonnés.  Pas  d'infarctus. 

Foie  gras. 

Estomac.  "Végétation  cancéreuse  au  niveau  de  la  petite  courbure. 

Aorte  à  peine  athéromateuse  à  son  origine,  mais  alhéromes  ulcérés 
dans  l'aorte  abdominale.  Concrétions  athéromateuses  molles  dans  les 
artères  carotides. 

Muscles  du  bras  gauche  atrophiés. 

Nerfs  des  deux  côtés  égaux  en  volume. 

Ancienne  héjiiplégie  droite;  ramollissement  de  tout  le  lobe  antérieur 
gaucbe,  du  corps  strié  et  de  la  couche  optique;  athér0mes  artériels. 
(Observation  due  à  M.  Cdarcot.) 

Obs.  XXXVII.  —  H...  (Marguerite),  56  ans.  Morte  le  14  septembre 
1863,  salle  Sainte-Rosalie,  15,  hospice  de  la  Salpêlrière,  service  de 
M.  le  docteur  Charcot. 

Transportée  de  la  Pitié  le  l"  septembre  1863  sans  renseignements; 
cette  malade  est  dans  un  état  d'hébétude  absolue,  ne  prononce,  quand 


161 

OQ  la  pince,  que  des  paroles  inarticulées.  Elle  parait  ne  rien  comprendre. 
Gâteuse.  Arc  sénile  prononcé. 

Tête  et  regard  constamment  tournés  à  gauche,  sans  qu'il  paraisse  y 
avoir  conlraclure  des  muscles  du  cou. 

Hémiplégie  faciale  droite,  bouche  déviée  à  gauche  et  en  haut,  sillon 
naso-labial  profond  à  gauche. 

Hémiplégie  droite  avec  flaccidité  parfaite.  • 

Sensibilité  conservée. 

Mouvements  réflexes  dans  le  membre  inférieur  droit. 

Urines  non  albumineuses. 

Le  lendemain  de  son  entrée,  la  malade,  en  prenant  un  bain,  se  fait 
une  brûlure  au  genou  droit;  la  plaie  prend  bientôt  un  mauvais  aspect; 
la  malade  tombe  dans  le  coma  et  succombe  le  14  septembre. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Néo-membranes  épaisses  sur  la  partie 
de  la  dure-mère  qui  correspond  au  ramollissement. 

Artères  de  la  base.  Artères  basilaires  et  artères  sylviennes  des  deux 
côtés  légèrement  athéromateuses. 

Cerveau.  Vaste  ramollissement  jaune  à  la  surface  occupant  le  lobe 
antérieur  gauche  dans  toute  son  étendue  s'étendant  jusqu'au  sillon  de 
Roiando  qu'il  dépasse,  comprenant  en  arrière  de  ce  sillon  deux  groupes 
de  circonvolutions.  Le  lobe  ramolli  est  flasque  et  atrophié;  la  surface 
du  cerveau  est  transformée  en  une  membrane  plissée,  formant  une  sorte 
de  sac  dans  lequel  ou  trouve  la  substance  cérébrale  blanche  et  ramol- 
lie, comme  caséeuse. 

Corps  strié,  ramolli  dans  presque  toute  son  étendue. 

La  couche  optique  l'est  beaucoup  moins. 

HiUiisplière  droit  sain. 

Sur  la  surface  des  circonvolutions  ramollies,  vaisseaux  de  couleur 
jaunâtre,  opaques,  complètement  athéromateux. 

Ces  parties  sont  formées  d'un  tissu  cellulaire  à  noyaux,  on  trouve 
dans  les  parties  blanches  de  nombreux  corps  granuleux  et  des  débris  de 
tubes  nerveux  qui  manquent  dans  les  parties  jaunes. 

Pas  d'atrophie  descendante  des  pédoncules  ni  du  bulbe. 

Cœur.  Les  parois  des  ventricules  sont  jaunâtres  et  flasques.  Valvules 
un  peu  indurées. 

Poumons.  Dilatations  bronchiques.  Quelques  tubercules  miliaires  dis- 
séminés. 

Reins.  Plaques  déprimées  brunâtres  qui  se  continuent  en  forme  de 
coins  dans  l'organe  (vestiges  d'infarctus). 

Aorte  légèrement  athéromateuse  à  son  origine."] 

MEM.  11 


162 

Nous  devons  faire  remarguer  au  sujet  de  cette  observation  une 
particularité  qui  s'observe  assez  souvent  dans  les  foyers  de  ramol- 
lissement ancien  :  le  ramollissement  est  jaune  à  la  surface  et  blanc 
dans  la  profondeur;  nous  avons  déjà  indiqué  que  la  coloration  jaune 
est  principalement  dueàl'hématosine  qui  se  dépose  là  où  il  y  a  eu  une 
forte  hyperémie,  ou  des  points  d'apoplexie  capillaire;  il  n'est  donc 
pas  étonnant  que  cette  coloration  jaune  puisse  être  limitée  à  la  sub- 
stance corticale,  puisque  c'est  là  surtout  que  l'on  observe  l'hyperé- 
mie.  La  même  particularité  se  retrouve  aussi  dans  les  observations 
XII,  XXIV,  XXVI. 

Nous  pensons  donc  qu'on  ne  peut  guère  avancer  que,  dans  ces  cas, 
les  parties  jaunes  et  les  parties  blanches  remontent  à  des  époques  de 
formation  différentes.  Il  est  possible  cependant  qu'il  se  forme  autour 
de  la  plaque  jaune  un  ramollissement  de  voisinage  et  qui  pourrait 
expliquer  quelques  symptômes  observés  chez  d'anciens  hémiplégi- 
ques. 

§  II.  —  Altérations  des  capiUaires. 

Dans  les  cas  où  le  ramollissement  n'a  pu  être  expliqué  par  une  lé- 
sion artérielle  ou  veineuse  évidente,  on  peut  se  demander  si  le  point 
de  départ  de  la  maladie  ne  se  trouve  point  dans  les  capillaires.  En 
effet,  il  existe  dans  les  foyers  de  ramollissement  des  lésions  bien  ca- 
ractérisées de  ces  vaisseaux  consistant  soit  dans  leur  dégénérescence 
graisseuse,  soit  dans  leur  dilatation  anévrysmatique  (1).  Dans  le  pre- 
mier cas  on  voit  des  auiasde  granulations  graisseuses,  des  corps  gra- 
nuleux, soit  dans  la  paroi  môme  du  capillaire,  soit  le  long  de  cette 
paroi,  qui  parait  alors  très-épaisse  et  d'un  diamètre  supérieur  au  ca- 
libre du  vaisseau.  (Voy.  les  obs.  XI,  XXV,  XXVU.)  11  semble  évident 
à  priori  que  dans  de  pareilles  conditions  les  échanges  endosmo- 


(1)  M.  le  professeur  Robin  a  déjà  appelé  l'attention  sur  l'altération 
granule-graisseuse  des  capillaires  cérébraux  chez  les  individus  âgés 
{Mém.  Acad.  de  méd.,  1856).  M.  Paget  a  insisté  sur  la  coïncidence  de 
ces  akéralions  avec  le  ramollissement  et  l'hémorrhagie  [on  ihe  fally 
degeneralion  of  smaUblood-ves5els,elc.,  London  médical  Gazette,  1850). 
Enfin  M.  Laborde  a  décrit  certaines  dilatations  (étatmoniliforme)  et  des 
ruptures  des  capillaires,  altérations  qu'il  considère  dans  certains  cas 
comme  paihogéniques  du  ramollissement. 


163 
cxosmutiques  nécessaires  a  la  nuintioa  doivent  être  fort  imparfaits 
et  que  la  substance  cérébrale  doive  s'altérer  consécutivement. 

Nous  sommes  loin  de  nier  qu'il  en  puisse  être  ainsi  dans  certains 
cas;  mais  nos  recherches  nous  portent  à  croire  que  souvent  l'altéra- 
tion des  capillaires  et  l'altération  du  tissu  nerveux  se  produisent  si- 
multanément et  dépendent  d'une  même  cause,  d'une  oblitération 
artérielle  par  exemple.  On  voit  en  efFet  dans  les  ramollissements  par 
thrombose  ou  par  embolie  l'altération  des  capillaires  exactement 
limitée  au  foyer  de  ramollissement  où  elle  existe  à  un  degré  très- 
avancé.  (Voy.  obs.  XI.) 

D'ailleurs,  quelle  que  soit  la  cause  productrice  de  la  nécrobiose  du 
tissu  nerveux,  l'altération  des  capillaires  paraît  pouvoir  se  produire 
secondairement.  Ainsi  dans  les  atrophies  descendantes  du  pédoncule 
et  de  la  moelle,  marquées  par  une  traînée  grise  visible  à  l'œil  nu,  on 
trouve,  quand  l'altération  n'est  pas  trop  avancée,  des  corps  granuleux 
dans  la  substance  nerveuse  et  des  capillaires  présentant  la  dégéné- 
rescence graisseuse  à  un  degré  très-avancé. 

Les  dilatations  anévrysmatiques  des  capillaires  ne  se  rencontrent 
guère  que  dans  les  cas  de  ramollissement  rouge  ou  d'apoplexie  capil- 
laire. (Voy.  obs.  XXXIV,  XXXV.) 

Tantôt  le  capillaire  est  dilaté  en  totalité,  tantôt  la  dilatation  est  la- 
térale, tantôt,  enfin,  le  sang  s'infiltre  entre  la  tunique  propre  du 
capillaire  et  la  tunique  lymphatique  décrite  par  M.  Robin  de  façon  à 
produire  une  sorte  d'anévrysme  disséquant,  altération  sur  laquelle 
M.  Gharcot  a  plusieurs  fois  appelé  notre  attention. 

Cette  altération  s'est  montrée  à  nous  dans  plusieurs  cas  où  l'oblité- 
ration artérielle  n'a  pu  être  retrouvée  et  où  la  cause  du  ramollisse- 
ment restait  inconnue.  Dans  de  pareils  cas  on  peut  se  demander 
aussi  si  la  lésion  des  capillaires  n'est  pas  protopathique;  nous  dirons, 
comme  tout  à  l'heure,  qu'il  peut  en  être  ainsi  dans  quelques  cas,  mais 
que  certainement  cette  lésion  est  souvent  secondaire,  car  nous  l'avons 
trouvée  dans  des  cas  où  le  ramollissement  devait  être  attribué  à  une 
oblitération  artérielle. 

Nous  ferons  observer  de  plus  que  cette  dilation  anévrysmatique  ne 
coùicide  pas  habituellement  avec  l'altération  atbéromateuse  des  ca- 
pillaires dilatés;  leur  paroi  est  saine;  on  ne  voit,  en  un  mot,  d'autre 
lésion  que  la  dilatation.  N'est-il  pas  plus  naturel  d'admettre  que  la 
cause  de  cette  dilatation  est  dans  la  tension  du  liquide  sanguin,  qui 


164 
peut,  comme  nous  Javous  dit  plus  haut  (voy.  première  partie,  Appen- 
dice], être  augmentée  à  la  suite  des  oblitérations  artérielles  ou  même 
dans  la  diminution  de  consistance  du  tissu  cérébral,  qui  n'offre  plus 
un  soutien  suffisant  aux  parois  des  capillaires? 

Nous  sommes  d'autant  plus  disposés  à  adopter  cette  manière  de 
voir  que  les  dilatations  vasculaires  de  ce  genre  ne  se  rencontrent 
que  dans  le  ramollissement  récent,  rouge,  à  marche  rapide,  et  qu'elles 
paraissent  être  passagères  comme  les  phénomènes  hyperémiques  aux- 
quels nous  les  rattachons  ;  à  une  période  plus  avancée,  on  en  retrouve 
les  traces  dans  ces  amas  d'hématosine  rangés  le  long  des  capillaires 
et  accumulés  souvent  dans  l'intérieur  de  la  tunique  adventice. 

De  récentes  expériences  sont  venues  encore  confirmer  nos  opinions 
sur  les  lésions  granuleuses  et  anévrysmatiques  des  capillaires,  nous 
avons  été  assez  heureux  pour  observer  ces  altérations  dans  un  ra- 
mollissem?nt  produit  chez  un  chien  qui  succomba  au  bout  de  trois 
jours.  Cette  expérience  nous  parait  présenter  assez  d'intérêt  pour  que 
nous  la  rapportions  ici  en  détail;  elle  offre  aussi  un  exemple  remar- 
quable de  rapide  formation  de  corps  granuleux. 

Injection  de  graines  de  tabac  dans  la  carotide  droite  (bout  périphérique); 

MÉNINGITE  SUPPURÉE  ;  RAMOLLISSEMENT  ROUGE  DU  CORPS  STRIÉ  DROIT  AVEC  CORPS 
granuleux;  capillaires  granuleux  et  ANÉVRYSMATIQUES.  MORT  AU  BOUT  DE 
TROIS  JOURS. 

Exp.  XIII  (8  janvier  1866).  —  Chien  de  grande  taille,  déjà  vieux. 

Le  8  janvier  nous  poussons  dans  le  bout  périphérique  de  la  carotide 
droite  une  injection  d'eau  chargée  de  graines  de  tabac.  Au  moment  de 
l'injection,  l'animal  pousse  un  cri.  Pas  d'autres  symptômes;  pas  de 
paralysie  appréciable. 

Les  jours  suivants,  le  chien  est  triste,  abattu,  mais  n'offre  aucun 
symptôme  de  paralysie. 

Le  11  janvier.  Coma.  Mort  dans  la  soirée. 

Autopsie.  Au  niveau  de  la  plaie,  collection  purulente  considérable, 
avec  fusée  purulente  du  côté  de  la  tête. 

Cavité  crânienne.  La  moitié  droite  de  la  dure  mère  étant  ouverte  on 
trouve  une  Eccumulation  de  pus  tapissant  la  face  convexe  de  l'hémi- 
sphère et  s'étendant  jusque  dans  le  canal  rachidien.  Cette  méningite  était 
sans  doute  due  à  une  inflammation  de  voisinage  produite  par  l'abcès  du 
cou. 

Cerveau.  Pas  de  ramollissement  manifeste  à  la  périphérie,  les  artères 


165 

contionnent  des  graines  de  tabac  répandues  çà  et  là  :  on  en  trouve  en 
particulier  une  forte  accumulation  dans  la  sylvienne  droite. 

Le  corps  strié  droit  présente  dans  son  noyau  intra-ventriculaire,  un 
petit  foyer  de  ramollissement  rouge  atteignant  les  dimensions  d'un  pois. 

L'examen  microscopique,  y  fait  découvrir  une  grande  quantité  de 
corps  granuleux  et  de  granulations  graisseuses  libres  ;  ainsi  que  des 
débiis  d'éléments  nerveux. 

La  plupart  des  capillaires  sont  notablement  altérés  ;  les  uns  présen- 
tent une  accumulation  considérable  de  corps  granuleux  et  de  granu- 
lations graisseuses  le  long  de  leurs  parois  (PL  III,  fig.  7),  dans  quelques- 
uns  on  peut  apercevoir  que  la  paroi  elle-même  est  granuleuse  (PL  III, 
fig.  8);  d'autres  capillaires  moins  nombreux  sont  gorgés  de  sang  et  pré- 
sentent par  places  une  infiltration  sanguine  de  leurs  parois,  tout  à  fait 
semblable  à  l'anévrysme  disséquant  que  l'on  observe  dans  le  ramollis- 
sement rouge  de  l'homme  (PL  III,  fig.  3). 

Ces  altérations  sont  nettement  limitées  au  foyer  du  corps  strié  droit, 
le  reste  de  l'encéphale  et  notamment  le  corps  strié  gauche  ont  été 
soigneusement  examinés  :  on  n'y  a  trouvé  aucune  altération;  les  capil- 
laires étaient  remarquablement  sains. 

CHAPITRE    V. 

RAMOLLISSEMENTS  PAR    OBLITÉRATION  VEINEUSE. 

La  thrombose  des  sinus  de  la  dure-mère  et  des  veines  cérébrales  a 
été  indiquée  par  plusieurs  auteurs  comme  causes  du  ramollissement 
cérébral  (1). 

Dans  ces  cas  le  ramollissement  présente  des  caractères  spéciaux  ; 
il  est  généralement  superficiel,  s'accompagne  d'une  forte  congestion, 
d'apoplexie  capillaire,  ou  même  d'extravasations  sanguines  plus  ou 
moins  considérables  souvent  étendues  en  nappes  sur  la  convexité 
des  hémisphères  (2). 

(1  )  Voy.  pour  la  bibliographie  et  pour  la  description  des  lésions  la 
thèse  de  M.  Lancereaux. 

(2)  Nous  avions  pensé  que  l'œdème  de  la  pie-mère  que  l'on  observe 
si  souvent  pouvait  peut-être  se  rapporter  à  une  oblitération  des  sinus. 
Depuis  nous  avons  eu  plusieurs  occasions  de  pratiquer  des  autopsies 
dans  lesquelles  cet  œdème  était  très-prononcé,  sans  que  les  sinus  fus- 
sent oblitérés.  Nous  sommes  portés  à  croire  que  cet  œdème  est  le  plu^ 
souvent  un  phénomène  d'agonie. 


166 

L  examen  microscopique  des  parties  ramollies  permet  d'y  découvrir 
des  capillaires  gorgés  de  sang  et  présentant  des  anévrysmes  dissé- 
quants (obs.  XXXVIII)  identiques  à  ceux  que  l'on  observe  dans  les 
ramollissements  rouges  par  obstruction  artérielle;  en  sorte  qu'on 
peut  considérer  cette  altération  comme  propre  aux  foyers  de  ramol- 
lissement rouge  et  d'apoplexie  capillaire,  quelle  qu'en  soit  la  cause 
pathogénique.  La  présence  de  ces  lésions  des  capillaires  dans  les  ra- 
mollissements par  oblitération  veineuse,  où  se  produit  mécanique- 
ment une  stase  et  une  augmentation  de  tension  du  liquide  sanguin, 
nous  parait  être  encore  un  argument  à  ajouter  à  ceux  qui  nous  enga- 
geaient plus  haut  à  considérer  ces  anévrysmes  comme  un  phénomène 
passif  et  secondaire. 

Dans  les  deux  observations  que  nous  possédons  de  ramollissement 
par  oblitération  veineuse,  la  mort  est  survenue  dans  la  première  pé- 
riode de  la  maladie,  ainsi  que  cela  arrive  d'ailleurs  le  plus  souvent 
en  pareil  cas,  en  sorte  que  nous  ne  pouvons  rien  dire  de  précis  sur 
les  transformations  ultérieures  de  cette  espèce  de  ramollissement. 

Les  deux  observations  suivantes  se  rapportent  à  cet  ordre  de  faits  : 

RAMOLLISSEMENT    HE    DE    VIN  ;    HÉMORRHAGIE    SOUS-MÉNINGÉE  ;     THROMBOSES 
MULTIPLES    DES    VEINES    CÉRÉBRALES. 

Obs.  XXXVin.  —  L...  (Marie-Catherine),  âgée  de  68  ans.  Entrée  à 
la  Salpêtrière  le  29  avril  1854,  morte  le  23  août  1865  (salle  St-.Tacques, 
n"  9),  service  de  M.  le  docteur  Charcot. 

Entrée  à  l'infirmerie,  le  26  juin  1865,  pour  des  douleurs  de  ventre; 
et  présentant  un  peu  d'ascite. 

Le  21  août,  hémiplégie  droite  subite.  La  commissure  des  lèvres  est 
tirée  en  haut  et  à  gauche;  la  langue  déviée  à  droite. 

Flaccidité  complète  des  membres  droits;  la  sensibilité  y  parait  di- 
minuée. 

L'intelligence  semble  conservée  à  un  certain  degré  ;  la  malade  repond 
aux  questions,  mais  la  parole  est  un  peu  embarrassée. 

22  août,  température  rectale  :  38  2/5. 

Dans  la  nuit  du  22  au  23  août  elle  tombe  dans  le  coma  ;  respiration 
stertoreuse,  peau  couverte  de  sueur,  résolution  des  membres  droits  et 
gauches;  la  malade  reste  insensible  à  toutes  les  excitations. 

Mort  le  23  août. 

Autopsie.  —  Cavité  craniertnr.  Pa?  de  néomombranes  de  la  dur?- 
mére. 


i67 

Hémorrhagie  sous-arachnoïdienne  occupant  presque  toute  la  surfacw 
des  deux  hémisphères,  plus  abondante  cependant  à  droite  qu'à  gauche. 

Les  deux  ventricules  sont  remplis  de  caillots  noirs. 

Hémisphère  gauche.  En  arrière  de  la  circonvolution  marginale  pos- 
térieure, plaque  de  ramollissement  rouge,  la  substance  grise  présente 
une  coloration  lie  de  vin ,  la  substance  blanche  sous-jaccnte  est  ra- 
mollie et  jaunâtre  ;  tout  le  plancher  du  ventricule  latéral  est  ramolli  ; 
la  couche  optique  présente  à  sa  surface  une  bouillie  rougeâtre  formée 
d'un  mélange  de  sang  et  de  substance  cérébrale  ramollie. 

Hémisphère  droit.  Plaque  de  ramollissement  rouge  située  en  arrière 
du  sillon  de  Rolando,  un  peu  moins  étendue  que  celle  de  l'hémisphère 
gauche.  Artères  de  la  base  du  cerveau  non  athéromateuses.  Sur  la  sur- 
face des  caillots  qui  tapissaient  la  face  externe  des  hémisphères,  on 
voyait  se  dessiner  des  veines  se  rendant  au  sinus  longitudinal  supérieur; 
elles  présentaient  une  coloration  jaunâtre  et  renfermaient  des  caillots 
anciens. 

Cœur.  Surcharge  graisseuse.  Pas  de  lésion  des  orifices. 

Poumons.  Le  droit  fortement  congestionné,  le  gauche  sain. 

Cavité  abdominale.  Quantité  considérable  de  sérosité  dans  le  péri- 
toine. 

Foie  petit,  d'aspect  granuleux  et  jaunâtre. 

Rate  et  reins  ne  présentant  rien  d'anormal. 

Apoplexie  musculaire  dans  le  muscle  grand  droit  de  l'abdomen  du 
côté  droit. 

Examen  microscopique.  Les  parties  du  cerveau  ramollies  ne  pré- 
sentent pas  de  corps  granuleux.  On  y  retrouve  les  éléments  nerveux; 
les  cellules  sont  jaunâtres,  fortement  granuleuses. 

Dans  les  parties  de  la  substance  grise  qui  présentent  la  coloration  lie 
de  vin,  un  certain  nombre  de  capillaires  présentent  cette  sorte  d'ané- 
vrysme  disséquant  formé  par  un  épanchement  sanguin  entre  leur  paroi 
et  la  tunique  adventice.  (PI.  II,  fig.  3.) 

D'ailleurs  les  vaisseaux  sont  partout  à  peu  près  sains. 

Au  niveau  de  l'apoplexie  musculaire,  les  fibres  musculaires  sont  très- 
granuleuses,  et  leur  striation  a  complètement  disparu. 

Carcinome  de  la  face;  peu  de  symptômes  oémiplégiques  ;  thrombose  des 
SINUS  DU  CÔTÉ  gauche;  ramollissement  superficiel  qui  y  correspond. 
(Observation  due  à  M.  Charcot.) 

Obs.  XXXIX.—  F.. .  (Constance),  55  ans,  meurt  le  20  septembre  1862. 
salle  Sainte-Cécile,  12,  hospice  de  la  Salpêtrière,  service  de  M.  le  doc- 
teur Charcot. 


168 

Cette  fomme,  qui  présentait  une  vaste  ulcération  cancéreuse  occu- 
pant toute  la  moitié  droite  de  la  face,  se  levait  et  marchait  dans  son 
dortoir;  elle  devient  agitée  trois  jours  avant  sa  mort,  tombe  plusieurs 
fois,  probablement  par  suite  d'élourdissements;  puis  surviennent  delà 
somnolence,  du  délire  tranquille,  sans  paralysie  manifeste,  et  elle  meurt 
le  20  septembre. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  Le  sinus  latéral  gauche  est  occupé 
dans  les  deux  tiers  de  son  étendue  par  un  caillot  ancien  qui  le  distend  ; 
ce  caillot  non  adhérent  aux  parois,  ramolli  au  centre,  contient  de  nom- 
breux globules  blancs;  il  se  prolonge  dans  deux  veines  qui  se  rendent 
sur  la  partie  externe  du  lobe  moyen. 

Cerveau.  Plaque  rouge  recouvrant  la  face  externe  et  inférieure  du 
lobe  moyen  gauche.  Au  centre  de  cette  plaque  rouge  comme  ecchymo- 
tique  aboutit  une  veine  contenant  du  sang  coagulé  ancien,  et  quelques 
autres  contenant  du  sang  coagulé  récemment. 

La  pie-mère  à  ce  niveau  est  infiltrée  de  sang  et  très-friable. 

Au-dessous,  la  substance  grise  injectée,  de  couleur  hortensia,  est  ma- 
nifestement ramollie,  la  substance  blanche  contient  quelques  points 
d'apoplexie  capillaire. 

Les  poumons  présentent  des  noyaux  de  pneumonie  lobulaire  dissé- 
minée sur  quelques  points  qui  paraissent  être  des  abcès  méiastatiques. 

Rien  d'important  dans  les  autres  organes. 

La  thrombose  était  probablement  due  à  l  état  cachectique  de  la 
malade;  on  ne  peut  en  effet  l'attribuer  à  une  inflammation  produite 
par  le  voisinage  de  l'ulcère  cancéreux  de  la  face ,  puisqu'elle  s'était 
produite  dans  le  sinus  latéral. 

CHAPITRE  TI. 

LÉSIONS  VISCÉRALES  QUI  ACCOMPAGNENT  LE  RAMOLLISSEMENT. 

On  trouve  fréquemment,  coïncidant  avec  le  ramollissement  céré- 
bral, des  lésions  viscérales  auxquelles  il  faut  ajouter  des  gangrènes 
des  membres,  et  qui  se  produisent  par  le  même  mécanisme.  Elles 
sont  dues  en  effet,  soità  l'altération  athéromateuse  des  petites  artères, 
soit  aux  lésions  du  cœur  et  de  l'aorte,  et  peuvent  être  rapportées  à 
l'obstruction  artérielle,  ou  peut-être  à  la  simple  gêne  de  la  circula- 
tion. Très-fréquentes  dans  les  reins  et  dans  la  rate,  ces  altérations 
étaient  déjà  connues  avant  d'être  rapportées  à  l'embolie.  Nous  voyons 


169 
en  effet  M.  Rayer  (1)  leur  consacrer  un  article  dans  son  livre  sur  les 
maladies  des  reins,  et  signaler  la  fréquente  coïncidence  de  la  néphrite 
partielle  avec  le  rhumatisme  et  les  maladies  du  cœur.  Cette  même 
coïncidence  indiquée  aussi  par  M.  le  docteur  Charcot  (2),  et  consta- 
tée uniquement  par  l'observation  clinique  el  anatomo- pathologique, 
devait  trouver  son  explication  pathogénique  dans  la  découverte  de 
l'embolie.  Depuis  lors  plusieurs  auteurs  se  sont  occupés  assez  lon- 
guement des  infarctus,  et  l'on  peut  trouver  des  détails  très-complets 
sur  ce  sujet  dans  les  ouvrages  de  MM.  Cohn  (3),  Schutzemberger  (4), 
Beckmann  (5),  Bergmann  (6),  etc.,  ainsi  que  dans  le  résumé  qui  se 
trouve  dans  la  thèse  de  M.  Lancereaux.  Nous  n'entreprendrons  pas  la 
description  de  ces  lésions  qui  nous  entraînerait  trop  loin  de  notre 
sujet;  et  si  nous  nous  sommes  un  peu  étendus  sur  les  infarctus  dans 
notrepartie  physiologique,  c'est  que  ces  altérations  s'étaient  produites 
simultanément  avec  un  ramollissement  cérébral  et  qu'elles  nous  per- 
mettaient d'étudier  quelques  particularités  de  la  genèse  de  ce  pro- 
cessus dans  des  organes  (les  reins,  par  exemple)  où  l'observation 
était  plus  facile  que  dans  le  cerveau. 

La  marche  de  ces  lésions  est  très-analogue,  comme  nous  l'avons 
dit,  à  celle  du  ramollissement  cérébral;  elles  débutent  comme  lui  par 
une  partie  tantôt  anémiée,  tantôt liyperémiée  et  surtout  entourée  de 
congestion  ;  plus  tard  elles  finissent  par  se  rétracter  et  forment  des 
cicatrices  jaunâtres  comparables  aux  plaques  jaunes  de  l'encéphale. 

Nos  observations  nous  donnent  un  certain  nombre  d'exemples  de 
ces  lésions  (infarctus  des  reins  (7),  de  la  rate  (8),  de  l'intestin  (9), 
gangrènes  des  membres  (10),  en  outre  M.  Vulpian  nous  a  montré,  de- 


(1)  Voy.  Rayer,  Mal.  des  reins,  t.  Il,  Néphrite  rhumatismale,  et  les 
planches  qui  se  rapportent  à  cet  article. 

(2)  Charcot,  Mém.  de  la  Soc.  de  biol.,  1851 . 

(3)  Cohn,  Klinik  der  emboliscficn  Gcfdsskrank'ieiten,  Berlin,  1860. 

(4)  Schiilzemberger,  Gaz.  méd.  de  Strasbourg,  1856. 

(5)  Beckmann,  'Vircbow  s  Arcdiv.,  XX,  p.  217,  1860. 

(6)  Die  Lehre  von  devi  Fettemembolie,  Dorpat,  1863. 

(7)  Obs.  III,  V,  VI,  VIII,  XXI,  XXVIII,  XXXIV,  XXXV,  XXXVII. 

(8)  Obs.  V,  XI,  XV,  XVII,  XXV,  XXXVI. 

(9)  Obs.  XXXV. 

(10)  Obs.  XXIX. 


170 
puis  notre  départ  de  la  Salpêtrière,  un  infarctus  du  cœur  qui  avait 
amené  la  rupture  de  cet  organe,  qui  coïncidait  avec  une  oblitération 
de  l'artère  coronaire  et  qui  était  comparable  à  celui  que  nous  avons 
obtenu  sur  un  chien  (exp.  VIII). 

Si  toutes  ces  lésions  sont  évidemment  identiques  et  résultent  d'une 
altération  vasculaire,  quelle  valeur  faut-il  leur  donner  dans  le  diag- 
nostic de  la  nature  du  ramollissement  cérébral? 

Ces  lésions  ont  une  grande  valeur  quand  avec  des  artères  saines  et 
un  cœur  contenant  des  caillots  elles  se  rencontrent  dans  les  diffé- 
rents viscères  et  accompagnent  un  ramollissement  cérébral;  elles 
sont  la  preuve  de  l'existence  d'embolies,  même  si  l'oblitération  des 
artères  cérébrales  a  échappé  à  l'autopsie  (1)  ;  mais  chez  le  vieillard  il 
n'en  est  pas  toujours  de  même  ;  en  effet,  l'altération  nutritive  des  or- 
ganes peut  résulter  de  la  dégénérescence  athéromateuse  des  petites 
artères  et  de  la  formation  de  coagulum  sur  place,  de  plus,  comme 
nous  l'avons  dit,  l'aorte  est  plus  fréquemment  ulcérée  dans  sa  partie 
abdominale  que  danssa  portion  thoracique,  etces  ulcérations  peuvent 
donner  lieu  à  des  iufarctusdes  viscères  sans  qu'on  puisse  leur  attri- 
buer le  ramollissement  cérébral,  en  sorte  que  dans  ces  cas  la  question 
est  plus  complexe. 

Nous  ne  serons  pas  plus  longs  sur  ce  sujet  ;  nous  tenions  simple- 
pleraent  à  montrer  que  dans  plusieurs  de  nos  observations  (qui  sont 
très-comparables  à  nos  expériences),  des  infarctus  viscéraux  ont  pu 
aider  à  déteroiiner  la  nature  du  ramollissement,  qui  peut  alors  être 
considéré  comme  un  véritable  infarctus  cérébral  (2). 


(1)  Voy.  Fritz,  Gaz.  hebd.,  1856. 

(2)  Nous  ne  nous  sommes  pas  occupés  dans  ce  mémoire  des  lésions 
consécutives  au  ramollissement  cérébral,  telles  que  les  atrophies  des- 
cendantes de  la  moelle  épinière,  les  altérations  des  nerfs,  des  muscles, 
des  os,  etc.  Ce  sujet  très-vaste,  comme  on  le  voit,  pourrait  remplir,  à 
lui  seul,  un  long  mémoire,  et  d'ailleurs  notre  collègue  M.  Bouchard  a 
entrepris  sur  ces  lésions  secondaires  des  recherches  qu'il  doit  publier 
prochainement. 


ni 


SECTION  II.  -  SYMPTOMES. 

Nous  ne  nous  occuperons  ici  que  des  points  qui  nous  paraissent 
avoir  été  quelque  peu  éclaircis,  soit  par  nos  expériences  de  physio- 
logie pathologique,  soit  par  l'analyse  de  nos  observations.  En  pre- 
mière ligne,  nous  parlerons  de  ce  symptôme  si  fréquent  chez  le  vieil- 
lard et  qui  précède  si  souvent  le  ramollissement,  en  un  mot  de 
Vécoiirdissement. 

De  Cétourdissement.  —  Ce  phénomène,  rapporté  habituellement  à 
la  congestion  cérébrale,  présente  la  plus  grande  analogie  avec  les 
troubles  qui  accompagnent  l'ischémie,  la  suspension  de  la  circulation 
cérébrale.  M.  Durand-Fardel  lui-même,  comme  nous  Favons  déjà  dit, 
avoue  que  l'anémie  cérébrale  produit  des  symptômes  analogues  à 
ceux  de  la  congestion.  Aujourd'hui  un  certain  nombre  de  médecins 
attribuent  la  plupart  des  accidents  apoplectiformes  des  vieillards  à 
l'anémie  du  cerveau.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  que  tel  est  l'avis  de 
nos  maîtres,  MM.  Vulpian  et  Gharcot,  qui  ont  souvent  appelé  notre 
attention  sur  ce  point;  c'est  aussi  l'opinion  que  M.  Lancereaux  dé- 
veloppe dans  sa  thèse.  (Voyez  page  60.) 

Pendant  notre  séjour  à  la  Salpêtrière,  nous  avons  été  frappés  de 
l'extrême  fréquence  de  Tétourdissement  chez  les  vieillards  ;  malheu- 
reusement nous  possédons  peu  de  renseignements  écrits  à  ce  sujet. 
Dans  un  grand  nombre  de  nos  observations,  même  de  celles  que  nous 
avons  recueillies  nous-mêmes  au  commencement  de  cette  année,  les 
étourdissements  ne  sont  pas  indiqués,  notre  attention  n'ayant  pas  en- 
core été  suffisamment  appelée  sur  ce  point  de  la  sémiologie  du  vieil- 
lard. On  ne  s'étonnera  donc  pas  qu'après  avoir  insisté  sur  la  fréquence 
de  l'étourdissement,  nous  n'ayons  que  11  observations  sur  39  où  il 
en  soit  fait  mention.  (Voy.  obs.  I,  II,  XUI,  XVII,  XIX,  XX,  XXII,  XXIV, 
XXVI.  XXVIII,  XXXII.) 

L'étourdissement  consiste,  à  son  plus  faible  degré,  en  un  simple 
vertige  avec  obnubilation  de  la  vue  :  le  malade  chancelle ,  mais  il  dp 
tombe  pas,  ne  perd  pas  connaissance,  et  tout  se  dissipe  au  bout  de 
quelques  instants.  (Voy.  obs.  II,  XVII,  XX,  XXIV,  XXVI,  XXXII.) 


172 

Ces  légers  étourdissemenls  se  répètent  quelquefois  à  de  très-courts 
intervalles,  et  il  arrive  même  qu'il  se  produise  uu  état  vertigineux 
presque  continuel,  en  sorte  que  le  malade,  sans  avoir  de  paralysie 
appréciable,  est  obligé  de  donner  le  bras  à  une  personne  pour  mar- 
cher. A  un  degré  plus  avancé,  le  malade  tombe,  perd  connaissance, 
puis  revient  à  lui  sans  présenter  de  paralysie  appréciable.  (Voy. 
obs.  XIX,  XXII,  XXVIII.) 

Au  degré  le  plus  grave,  le  malade  tombe  presque  foudroyé,  pré- 
sente quelquefois  des  convulsions  épileptiformes  et  reste  dans  un 
état  comateux;  la  respiration  est  stertoreuse,  les  membres  sont  en 
résolution,  il  y  a  des  déjections  involontaires,  quelquefois  des  vomis- 
sements, et  la  mort  survient  au  bout  de  quelques  heures.  (Voy. 
obs.  XXII,  XXX,  XXXI.) 

En  un  mot,  ce  que  nous  venons  de  décrire  sous  le  nom  d'étourdis- 
sement  représente  exactement  la  congestion  cérébrale  des  auteurs  à 
ses  différents  degrés.  Nous  verrons  bientôt  s'il  y  a  lieu  d'attribuer 
aussi  à  l'ischémie  les  formes  délirante  et  convulsive  de  la  congestion 
cérébrale. 

A  leur  degré  le  plus  léger,  les  étourdissements  coexistent  souvent 
avec  une  santé  parfaite  :  c'est  en  quelque  sorte  le  premier  trouble 
fonctionnel  par  lequel  se  manifeste  la  sénilité  chez  le  vieillard  jus- 
que-là bien  portant;  cependant,  l'œil  attentif  de  l'observateur  peut 
découvrir  tout  un  ensemble  d'altérations  organiques  qui  précèdent 
ou  accompagnent  à  peu  près  constamment  les  étourdissements;  ce 
sont  :  l'arc  sénile,  l'induration  des  artères  qui  se  présentent  sous  le 
doigt  comme  des  tubes  rigides;  des  troubles  dans  les  mouvements  du 
cœur  (irrégularité,  intermittences,  faiblesse  de  l'impulsion,  timbre 
obscur  des  bruits,  etc.)  qui  nous  paraissent  être  souvent  en  rapport 
avec  l'état  graisseux  de  ses  parois;  l'emphysème  sénile  avec  atrophie 
du  poumon ,  un  certain  degré  d'amaigrissement  ou  plutôt  d'atrophie 
de  tout  le  corps,  enfin  cet  ensemble  de  phénomènes  que  l'on  désigne 
habituellement  sous  le  nom  de  cachexie  sénile  (1). 


(1)  A  ces  symptômes  viennent  s'ajouter  plus  rarement  des  urines  san- 
glantes et  albumineuses  indiquant  la  production  d'un  infarctus  rénal,  des 
douleurs  spléniques  avec  tuméfaction  de  la  rate  qui  ont  pu  faire  diagnos- 
tiquer des  infarctus  de  cet  organe,  comme  M.  Charcot  nous  a  dit  en 
avoir  observé  quelques  exemples,  enfin  des  gangrènes  des  membres. 


173 
Cette  imperfection  de  la  nutrition  dans  tout  l'organisme  se  mani- 
feste dans  le  cerveau  par  son  atrophie  souvent  bien  marquée  cheii 
les  sujets  de  70  à  80  ans.  L'intelligence  s'affaiblit  en  proportion,  les 
sens  deviennent  plus  obtus,  la  mémoire  est  affaiblie,  la  parole  lente, 
les  malades  ont  peine  à  comprendre  les  questions  les  plus  simples, 
ils  finissent  par  tomber  dans  un  état  de  démence  complète.  Comme 
cet  affaiblissement  progressif  des  fonctions  cérébrales  accompagne 
babitucllement  les  étourdissements,  les  auteurs  qui  admettent  la  con- 
gestion l'ont  souvent  considéré  comme  consécutif  aux  byperémies 
répétées  du  cerveau,  qui,  troubkint  profondément  les  fonctions  et 
altérant  même  la  structure  de  cet  organe  (état  criblé),  Unirait  par 
produire  la  démence. 

Il  nous  parait  probablcque  le  plus  souvent  l'affaiblissementde  l'intel- 
ligence et  létourdissementse  montrent  simultanément  et  dépendent 
l'un  et  l'autre  d'une  même  cause,  à  savoir  :  les  troubles  de  la  circu- 
lation et  de  la  nutrition  du  cerveau.  L'affaiblissement  de  l'intelli- 
gence, qui  est  un  phénomène  pathologique  à  marche  lente,  serait  en 
rapport  avec  l'imperfection  progressive  de  la  circulation  encépha- 
lique qui  s'aggrave  à  mesure  que  les  athéromes  rétrécissent  les  vais- 
seaux, abolissent  leur  élasticité,  si  nécessaire  à  la  circulation  (1),  et 
que  l'impulsion  sanguine  devient  moins  énergique ,  par  suite  de 
l'atrophie  graisseuse  du  cœur  (2). 

L'étourdissement,  accident  brusque  et  passager,  devrait  au  con- 
'  traire  être  en  rapport  avec  un  trouble  subit  de  la  circulation  encé- 
phalique; c'est  en  effet  ce  qui  existe  dans  les  cas  d'embolie,  soit  qu'il 
y  ait  embolie  d'une  artère  volumineuse,  soit  que  le  contenu  d'un 
kyste  hbrineux  du  cœur  ou  d'un  abcès  athéromateux  de  la  crosse  de 
l'aorte  ait  pénétré  jusque  dans  les  capillaires  des  différentes  parties 
du  cerveau.  Ces  deux  phénomènes  pathologiques  se  manifestent  seu- 
lement par  des  symptômes  d'intensité  différente. 


(1)  M.  le  docteur  Marey  a  démontré  que  si  l'on  fait  passer  un  courant 
de  liquide  saccadé,  comme  le  courant  sanguin,  dans  deux  tubes  de 
même  diamètre,  l'un  rigide,  l'autre  élastique,  le  tube  rigide  fournira  un 
écoulement  moins  considérable  que  le  tube  élastique.  (Marey,  ouvr. 
cit.,  p.  130.) 

(2)  Voy.  Geist.,  loc.  cit. 


174 
Dangles  cas  d'embolie  capillaire  géuéralisée,  on  observe  habituel- 
lement une  attaque  apoplectiforme  intense  avec  résolution  générale, 
stertor,  etc.,  et  souvent  mort  rapide.  Dans  les  cas  d'oblitération  d'une 
des  artères  du  cerveau  par  embolie ,  la  perte  de  connaissance 
manque  souvent  ;  mais  fréquemment  la  circulation  collatérale  ne 
suffit  pas  pour  nourrir  la  partie  dans  laquelle  la  circulation  a  été 
suspendue,  et  au  lieu  d'un  simple  étourdissement  on  a  affaire  à  une 
véritable  attaque  de  ramollissement  (1),  comme  nous  le  verrons  plus 
loin  en  analysant  nos  observations  à  propos  des  symptômes  du  ra- 
mollissement confirmé. 

Il  nous  est  impossible  de  ne  pas  rapprocher  ces  phénomènes  de 
ceux  que  nous  avons  pu  observer  chez  les  animaux  :  si  l'on  injecte 
de  la  poudre  de  lycopode  (voy.  1"  partie),  l'animal  pousse  aussitôt 
quelques  cris,  se  débat,  puis  tombe  dans  un  état  comateux  qui  se 
termine  par  la  mort.  Si  l'on  injecte,  au  contraire,  quelques  corps 
plus  volumineux  ("graines  de  tabac,  par  exemple)  et  en  petit  nombre, 
l'animal  pousse  un  cri  et  se  débat  comme  tout  à  l'heure,  mais  le  plus 
souvent  il  ne  perd  pas  connaissance,  et  dans  quelques  cas  il  pré- 
sente des  signes  d  hémiplégie. 

La  thrombose  peut-elle  produire  l'étourdissement?  Nous  avons  dit 
tout  à  l'heure  que  l'embolie  pouvait  peut-être  déterminer  le  simple 
étourdissement  lorsque  la  circulation  se  rétablit  assez  vite  pour  que 
le  cerveau  ne  se  ramollisse  pas.  Nous  croyons  qu'il  en  est  de  même 
de  la  thrombose  ;  il  est  vrai  que  la  plupart  des  auteurs  admettent  que 
la  thrombose  produit  plutôt  des  accidents  à  marche  lente  et  chroni- 
que, mais  il  nous  parait  résulter  évidemment  de  nos  observations 
que  la  thrombose  peut  produire  des  accidents  subits  exactement 
semblables  à  ceux  de  l'embolie. 

Ce  fait  se  montre  dans  toute  son  évidence  dans  les  observations  de 
thromboses  cachectiques  survenues  chez  des  cancéreuses  (voy. 
obs.  VUI,  X,  XI).  Dans  ce  cas  il  y  a  eu  perte  subite  de  connais- 
sance; cependant  la  cause  des  accidents  était  certainement  une  coa- 
gulation sur  place,  car  il  n'y  avait  pas  de  point  de  départ  embolique  ; 

(1)  D'après  certains  auteurs  même,  roblitération  d'une  des  artères 
située  au  delà  du  cercle  de  "Willis  serait  presque  toujours  suivie  de 
ramollissement,  la  circulation  collatérale  étant  alors  insuffisante.  (Yoy. 
Ehrmann,  loc.  cit.) 


i75 
il  uousaparu  d'ailleurs  que  les  différeutes  parties  dun  thrombus  que 
uous  avons  examinées  étaient  constituées  par  de  la  fibrine  au  même 
degré  de  régression,  et  s'étaient  par  conséquent  formées  à  la  même 
époque.  Nous  nous  croyons  donc  autorisés  à  conclure  que  la  throm- 
«  base  peut,  comme  l'embolie,  produire  l'attaque  apoplectiforme  sui- 
vie de  paralysie,  ou  le  simple  étourdissement  si  la  circulation  se  ré- 
tablit assez  vite. 

Dirons-nous  maintenant  que  tous  les  étourdissements  ischémiques 
sont  dus  à  l'embolie  ou  à  la  thrombose?  Telle  n'est  point  notre  pensée  ; 
nous  croyons  même  que  dans  la  plupart  des  cas,  chez  les  vieillards 
dont  le  système  artériel  est  altéré,  de  simples  troubles  dynamiques 
de  la  circulation  peuvent  produire  ce  symptôme.  Chez  un  vieillard, 
dont  les  artères  cérébrales,  considérablement  rétrécies,  et  indurées  ne 
laissent  arriver  au  cerveau  que  la  quantité  de  sang  strictement  né- 
cessaire à  l'exercice  de  ses  fonctions,  et  dont  le  cœur  graisseux  ne 
peut  fournir  qu'un  effort  impuissant  à  compenser  ces  conditions 
défavorables,  n'est-il  pas  naturel  que  l'anémie  cérébrale  se  produise 
avec  la  plus  grande  facilité  et  sous  l'influence  des  moindres  troubles 
fortuits  dans  les  mouvements  du  cœur?  (Voy.  obs.  XVII,  XIX,  XX, 
XXII.)  N'est-ce  pas  à  cet  ensemble  de  conditians  défavorables  au  jeu 
régulier  de  la  circulation  qu'il  faut  attribuer  ces  étourdissements 
légers,  mais  presque  continuels,  se  transformant  en  cet  état  vertigi- 
neux continu  dont  nous  avons  parlé  plus  haut? 

Chez  les  vieillards  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer,  outre  les  étour- 
dissements, d'autres  phénomènes  qu'il  serait  peut-être  permis  d'at- 
tribuer aussi  à  l'ischémie  cérébrale.  Ainsi  l'on  voit  quelquefois, 
surtout  à  la  suite  d'étourdissements,  les  malades  tomber  dans  un  état 
de  torpeur  :  ils  gâtent,  restent  hébétés,  parfois  ils  présentent  un  peu 
de  délire,  de  la  carphologie,  puis  tout  se  dissipe  au  bout  de  peu  de 
temps  sans  qu'il  y  ait  eu  de  paralysie  bien  déterminée.  (Voy.  obs.  XVII, 
XXVIII.) 

Ces  accidents  peuvent  se  reproduire  à  plusieurs  reprises,  et  en 
prenant  des  renseignements  sur  les  vieilles  femmes  de  la  Salpêtrière, 
on  apprend  souvent  quelles  ont  été  gâteuses  à  plusieurs  reprises  et 
que  dans  les  intervalles  elles  revenaient  à  un  état  de  santé  satisfai- 
sant. 

En  résumé,  nous  pensons  que  la  plupart  des  étourdissements  que 
l'on  observe  chez  les  vieillards  doivent  être  attribués  à  l'ischémie. 


176 

Quelquefois  ils  peuvent  être  dus  à  l'interruption  subite  du  retour 
du  sang  dans  les  veines;  nous  avons  eu  occasion  d'observer  derniè- 
rement chez  une  femme  atteinte  de  cancer  du  sein  droit,  des 
étourdissements  accompagnés  d'engourdissements  dans  le  bras  gau- 
che, qui  trouvèrent  leur  explication  dans  des  thromboses  multiples 
du  sinus  de  la  dure  mère  et  des  veines  cérébrales,  surtout  à  droite. 
Il  n'y  avait  pas  de  ramollissement  du  cerveau. 

En  parlant  des  étourdissements,  nous  avons  traité  la  partie  la  plus 
importante  des  prodromes  de  ramollissement  :  ces  étourdissements 
annoncent,  en  effet,  Texistence  de  troubles  ischémiquesqui  peuvent 
un  jour  devenir  suflisants  pour  amener  un  ramollissement;  nous  de 
vons  ajouter  que  dansquelques  cas  les  étourdissements  appartiennent 
à  la  période  qui  précède  immédiatement  l'attaque  :  on  voit  les  mala- 
des être  pris  de  forts  étourdissements  auxquels  succède,  au  bout  de 
peu  de  temps,  une  attaque  d'hémiplégie.  (Obs.  1, 11,  XIII.) 

Il  nous  reste  à  noter  les  engourdissements  que  certains  malades 
éprouvent  dans  les  membres  qui  doivent  être  frappés  de  paralysie. 
Sur  ce  point,  comme  sur  bien  d'autres,  vu  l'état  intellectuel  des  ma- 
lades de  la  Salpêtrière,  les  renseignements  nous  font  défaut  le  plus 
souvent,  et  nous  ne  pouvons  guère  nous  faire  une  idée  exacte  de  la 
fréquence  de  ce  symptôme.  Il  n'est  pas  rare  cependant  d'entendre 
dire  aux  malades  qu'elles  souffraient  depuis  quelque  temps  de  rhu- 
matismes dans  les  membres  actuellement  paralysés.  Cette  lacune  de 
nos  observations  est  d'autant  plus  regrettable  que  ce  prodrome  pour- 
rait peut-être  aider,  dansquelques  cas,  àdi'terininer  la  nature  du  ra- 
mollissement. Il  est  bien  évident  que  le  ramollissement  dû  à  une  in- 
terruption subite  de  la  circulation  doit  avoir  un  début  subit;  les 
douleurs  prémonitoires  appartiendraient  donc  au  ramollissement  à 
marche  lente,  dont  le  point  de  départ  est  dans  l'altération  athéroma- 
teuse  des  artères  cérébrales.  (Voy.  obs  XX.),  ou  aux  ramollissements 
dont  la  nature  nous  reste  inconnue  (voy.  obs.  XXXIII.) 

Quoi  qu'il  en  soit  des  douleurs  prémonitoires  et  de  la  nature  du 
processus  pathologique,  c'est  presque  toujours  par  une  attaque  brus- 
que que  la  paralysie  s'établit;  nous  avons  cependant  quelques  exem- 
ples de  ramoUissements  que  rien  n'avait  annoncés  pendant  la  vie,  et 
qui  n'avaient  même  pas  été  diagnostiqués.  (Ramollissement  latent  de 
M.  Durand- Fardel.)  Les  malades  s'étaient  affaiblies  progressivement 
et  étaient  mortes  sans  avoir  présenté  ni  attaque  ni  paralysie  déter- 


177 
minée.  (Yoy.  obs.  IX,  XXVll.)  Il  est  vrai  de  dire  que  dans  quelques 
cas,  chez  des  vieillards  profondément  cachectiques,  continés  au  lit  et 
en  démence,  une  attaque  de  ramollissement  peut  passer  inaperçue. 

De  Catlaque.  —  L'attaque  présente  la  plus  grande  analogie  avec 
l'étourdissement;  pour  mieux  dire,  elle  u'en  diiïère  que  par  la  para- 
lysie qui  l'accompagne  habituellement.  Comme  l'étourdissement,  elle 
présente  une  intensité  très-variable  :  tantôt  ce  n'est  qu'un  simple 
éblouissement,  un  simple  vertige,  sans  perte  de  connaissance,  mais 
suivi  de  paralysie,  tantôt  il  y  a  perte  de  connaissance  et  coma. 

Ces  différences  profondes  peuvent-elles  trouver  une  explication 
dans  les  altérations  anatomiques?  Examinons. 

Dans  22  de  nos  observations  il  est  mentionné  s'il  y  a  eu  ou  non 
perte  de  connaissance,  et  il  est  permis  de  rattacher  les  accidents  soit 
à  une  oblitération  artérielle,  soit  au  mélange  dans  le  sang  de  matière 
granuleuse  provenant  d'ulcères  athéromateux  de  la  crosse  de  l'aorte 
ou  de  caillots  anciens  des  cavités  gauches  du  cœur. 

De  ces  22  observations,  il  en  est  10  où  il  y  a  eu  perte  de  connais- 
sance. D'après  les  lésions  anatomiques,  ces  10  cas  se  répartissent 
ainsi  :  5  présentent  des  athéromes  ulcérés  de  la  crosse  avec  boue 
athéromateuse  en  contact  avec  le  sang.  (Obs.  Il,  XXIII,  XXV,  XXX, 
XXXI.) 

Un  cas  présente  un  caillot  ancien  en  voie  de  régression  dans  le 
ventricule  gauche  (le  sang  recueilli  dans  le  ventricule  contenait  des 
corps  granuleux)  (obs.  XXVIII). 

Deux  autres  présentent  des  oblitérations  artérielles,  Tune  (obs.  VI) 
d'une  carotide,  l'autre  (obs.  IV)  des  deux  carotides. 

Enfin,  dans  les  deux  dernières  observations (XV, XVI),  les  accidents 
pouvaient  être  attribués  à  des  oblitérations  des  artères  qui  naissent 
du  cercle  de  Willis  ou  de  leurs  branches. 

Sur  ces  10  observations,  il  en  est  donc  G  qui  peuvent  se  rapporter 
à  l'embolie  capillaire;  dans  2  autres,  des  troncs  artériels  très-im- 
portants (carotides)  étaient  obbtérés,  et  il  avait  dû  en  résulter  une 
anémie  très-étendue,  sinon  générale,  de  l'encéphale. 

Nous  ne  voulons  certes  pas  déduire  des  conclusions  trop  absolues 
de  faits  aussi  peu  nombreux  et  dans  lesquels  tant  de  conditions  com- 
plexes doivent  être  considérées;  mais  nous  ne  pouvons  nous  empê- 
cher de  signaler  cette  concordance  entre  les  faits  d'observation  pa- 

MÉM.  12 


178 
ihologique  et  les  inductions  que  nous  avons  tirées  de  nos  expé- 
riences. 

Les  observations  où  il  est  indiqué  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  perte  de 
connaissance  sont  au  nombre  de  douze. 

Dansneuf  deces  observations (obs.  1,  III,  VII,  VIII,1X,  X,  XI1I,XXIX, 
XXXV),  il  existait  une  oblitération,  constatée  dans  les  sept  premières 
et  très-probable  dans  les  deux  dernières,  d'une  des  artères  qui  nais- 
sentducercledeWillis. Dans  trois seulement(ob3. XXIV, XXVL XXVII), 
le  ramollissement  pouvait  être  attribué  à  des  athéromes  ulcérés  de  la 
crosse  aortique;  ces  trois  observations  paraissent  donc  être  en  con- 
tradiction avec  la  théorie  que  nous  avançons  ;  mais  il  faut  considérer 
que  l'embolie  capillaire  n'est  qu'une  probabilité  dans  ces  trois  cas, 
les  accidents  pouvant  être  dus  aux  atbéi'omes  des  artères  cérébrales, 
et  qu'enfin,  si  elle  s'est  produite,  elle  a  pun'être  pas  généraliséedans 
tout  l'encéphale. 

i\ous  sommes  donc  disposés  à  conclure  :  qu'une  attaque  subite  avec 
perte  de  connaissance  et  coma  profond  correspond  le  plus  souvent  à 
une  anémie  très-étendue  de  l'encéphale,  soit  par  embolie  capillaire, 
soit  par  oblitération  de  gros  troncs  artériels  (oblitération  des  carotides 
par  des  caillots  qui  se  prolongent  jusque  dans  leurs  branches),  et 
qu'une  attaque  légère,  sans  perte  de  connaissance  et  suivie  d'hémi- 
plégie, dépend  habituellement  de  l'oblitération  d'une  des  artères  qui 
naissent  du  cercle  de  Willis. 

Dans  les  cas  où  le  ramollissement  était  dû  au  simple  état  athéroma- 
teux  des  artères  cérébrales,  nous  avons  observé  tantôt  perte  de  con- 
naissance (obs.  XVIII,  XIX,  XXll),  tantôt  conservation  plus  ou  moins 
complète  de  l'intelligence.  (Obs.  XVII,  XX.) 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  nous  avions  observé  des  thromboses 
multiples  des  sinus  de  la  dure-mère  et  des  veines  cérébrales  ayant 
donné  lieu  à  des  étourdissements  légers;  nous  avons  deux  observa- 
tions de  ramollissement  consécutif  à  des  thromboses  veineuses;  dans 
un  de  ces  cas,  il  y  a  eu  une  attaque  d'hémiplégie  subite,  dans  l'autre 
on  a  observé  de  la  somnolence,  un  délire  tranquille,  puis  du  coma 
sans  qu'il  y  ait  eu  de  véritable  attaciue;  il  faut  ajouter  que  la  malade 
était  déjà  nrofondément  affaiblie  par  un  vaste  ulcère  cancéreux  de  la 
face.  lObs.  XXXIX). 

Dans  les  cas  ou  la  cause  du  ramollissement  est  restée  douteuse, 
l'attaque  était  lantôt  légère  et  sans  perte  de  connaissance  (obs.XXXll), 


1711 
tantôt  intense  avecperlu  de  connaissance  et  coniii  (oi)S.XXXlII,XXlV). 
Mais  nous  n'insisterons  pas  sur  ces  c;is,  puisque  nous  ignorons  com- 
plètement le  mécanisme  par  lequel  se  sont  produits  l'attaque  et  le 
ramollissement. 

Dans  quelques  cas,  l'attaque  est  accompagnée  de  cris  (obs.  II,  X) 
et  de  mouvements  convulsifs  épileptil'ormes  (obs.  II,  X,  XYI,  XXII, 
XXXI),  de  sorte  qu'elle  offre  la  plus  parfaite  ressemblance  avec  les 
symptômes  que  nous  avons  observés  sur  les  animaux  au  moment  où 
les  corps  étrangers  emboliques  arrivent  dans  les  centres  nerveux  et  y 
interrompent  le  cours  du  sang.  Dans  les  cinq  cas  où  l'on  a  observé 
des  convulsions  épileptiformes,  cet  accident  a  pu  être  rattaché  à 
quatre  causes  diilërentes  :  1"  la  thrombose  d'une  artère  cérébrale 
(obs.  X);  2°  rembolic  capillaire  (obs.  II  (1),  XXXI);  3°  l'état  athéroma- 
teux  des  artères  cérébrales  (obs.  XXII);  4"  la  déchirure  de  la  couche 
corticale  par  un  ramollissement  hémorrhagique  (obs.  XVI,.  M.  le  doc- 
teur Gharcot  nous  a  dit  avoir  plusieurs  fois  observé  cette  coïncidence 
des  convulsions  épileptiformes  avec  les  déchirures  de  la  substance 
grise  des  circonvolutions  par  un  foyer  hémorrhagique. 

A  ces  phénomènes  peuvent  s'ajouter  parfois  des  troubles  intellec- 
tuels tels  que  du  délire,  et  nous  en  avons  parlé  à  propos  de  l'étour- 
dissement  pour  les  rattacher  à  l'ischémie  cérébrale.  Mais,  en  résumé, 
le  délire  est  un  symptôme  rare,  il  n'est  qu'un  bien  petit  nombre 
de  nos  observations  ,'obs.  XIX)  où  il  ait  été  mentionné  d'une  façon  bien 
nette;  les  troubles  intellectuels  qu'on  observe  le  plus  souvent  con^ 
sistent  dans  un  état  de  stupeur  ou  d'affaiblissement  progressif  des 
fonctions  cérébrales,  lorsque  le  début  du  ramollissement  s'est  fait 
d'une  façon  graduelle. 

De  la  paralysie.  —  Maintenant  que  nous  avons  étudié  les  prin- 
cipaux symptômes  qui  précèdent  et  accompagnent  l'attaque  apoplec- 
tique, nous  aurions  à  décrire  l'hémiplégie  qui  se  manifeste  dans  le  plus 
grand  nombre  des  cas.  On  comprend  que  nous  ne  nous  étendions  pas 
longuement  sur  un  sujet  qui  a  été  traité  d'une  manière  fort  complète 
par  ia  plupart  des  auteurs  et  sur  lequel  nos  observations  ne  nous 


(1)  Comme  dans  cette  observation  il  y  avait  à  la  fois  une  oblitération 
de  l'artère  basilaire  et  desathéromes  ulcérés  de  la  crosse  aortique,  les 
accidents  convulsifs  peuvent  être  attribués  soit  à  l'une,  soit  à  l'autre  de 
ces  deux  cau.ses. 


180 
fournissent  que  peu  de  dunnées  nouvelles  ;  cependant  nous  devons 
insister  sur  quelques  particularités  qui  nous  ont  frappés  dans  nos 
observations. 

Nous  avons  eu  l'occasion  d'observer  quelques  cas  dans  lesquels 
rbémiplégie  siégeait  du  même  côté  que  la  lésion  encéphalique  qui  se 
trouvait  alors  dans  un  hémisphère  cérébelleux  (telle  est  Tobs.  II)  ;  ce 
fait  indique  une  action  croisée  du  cerveau  et  du  cervelet,  et  peut 
être  rapproché  des  atrophies  d'un  hémisphère  cérébelleux  qui  sur- 
viennent consécutivement  à  une  lésion  de  l'hémisphère  cérébral  du 
côté  opposé. 

L'hémiplégie  peut  présenter  des  degrés  variables  dans  son  inten- 
sité :  tantôt  elle  est  complète,  les  membres  sont  flasques,  retombent 
inertes,  rarement  ils  présentent  un  peu  de  roideur;  tantôt  elle  est 
plus  ou  moins  incomplète,  annoncée  quelquefois  par  une  simple 
déviation  des  traits  de  la  face  (obs.  III)  ou  un  léger  affaiblissement 
des  membres  d'un  côté  du  corps;  tantôt  enfin  elle  peut  manquer  com- 
plètement (ramollissement  latent). 

L'hémiplégie  complète  peut  correspondi'e  aux  lésions  anatomiques 
les  plus  variées  quant  au  siège  et  quant  à  l'étendue.  En  effet,  dans 
certains  cas,  une  hémiplégie  avec  abolition  complète  des  mouvements 
est  en  rapport  avec  un  vaste  ramoUissement  occupant  une  grande  partie 
d'un  hémisphère  (obs.  I,  III,  VI,  XXI,  XXXIIl,  XXXVII);  dans  d'au- 
tres, avec  un  ramollissement  moins  étendu  occupant  soit  les  parties 
centrales  (obs.  V,  VIll,  XXXV,  etc.),  soit  les  circonvolutions  (obs.  X, 
XI,  XIII,  etc.). 

Dans  quelques  cas  relativement  rares  (obs.  XII,  XXIV,  XXV,  XXXII), 
la  paralysie  n'est  devenue  complète  que  quelques  jours  après  l'atta- 
que; cette  marche  progressive  de  la  paralysie  dans  les  premiers  jours 
de  la  maladie  a  été  considérée  comme  un  signe  propre  à  faire  distin- 
guer le  ramollissement  d'avec  l'hémorrhagie;  nos  observations  ne 
nous  permettent  pas  d'adopter  cette  manière  de  voir,  puisque  sur  un 
grand  nombre  d'observations  où  s'est  montrée  une  attaque  d'hémi- 
plégie nous  n'en  avons  que  quatre  dans  lesquelles  la  paralysie  ne 
s'est  pas  établie  d'emblée  avec  toute  son  intensité. 

Comme  l'hémiplégie  complète,  rhèmiplégie  avec  un  certain  degré 
de  conservation  des  mouvements  correspond  à  des  lésions  fort  va- 
riables, et  dans  quelques  cas  à  des  ramollissements  étendus  (obs.  III, 
XVII,  XIX),  mais  parfois  des  attaques  successives  d'hémiplégie  in- 


i81 
complèlo  nous  ont  paru  en  rapport  avec  ces  foyers  multiples,  et  les 
lacunes  que  l'on  rencontre  chez  les  vieillards  présentant  cette  dégéné- 
rescence atlîéromateuse  très-avancée  des  artères  sur  laquelle  nous 
avons  insisté  plus  haut  (obs.  XVII,  XXIV,  XXV,  XXX). 

Enfin,  nous  avons  quelques  exemples  rares  d'un  ramollissement 
étendu,  constaté  à  l'autopsie,  sans  qu'il  y  ait  eu  de  paralysie  appré- 
ciable (ramollissement  latent  de  M.  Durand-Fardel).  Telles  sont  les 
observations  IX,  XXVII,  auxquelles  nous  pouvons  ajouter  les  obser- 
vations VII,  XXXI,  XXXIV,  XXXV,  dans  lesquelles  les  malades  avaient 
succombé  à  un  ramollissement  récent,  mais  qui  présentait  de  plus 
des  plaques  jaunes  ou  d'anciens  foyers  des  parties  centrales  sans  que 
rien  dans  les  renseignements  fournis  ait  pu  faire  supposer  une  hémi- 
plégie ancienne. 

De  la  contracture.  —  On  a  signalé  la  contracture  dans  la  première 
période  du  ramollissement  comme  fréquente  et  pouvant  servir  à 
distinguer  cette  maladie  de  l'Iiémorrliagie  cérébrale.  Déjà  M.  Durand- 
Fardel  a  démontré  que  si  la  contracture  est  fréquente  dans  le  ramol- 
lissement, c'est  dans  ses  périodes  ultérieures,  et  qu'elle  est  tout  à  fait 
exceptionnelle  au  début.  Nos  observations  confirment  parfaitement 
la  manière  de  voir  de  cet  auteur;  en  effet,  dans  presque  toutes  nos 
observations  de  ramollissement  récent,  les  membres  paralysés  étaient 
complètement  flasques  (obs.  I,  II,  III,  V,  VI,  VII,  VIII,  X,  XI,  XVIII, 
XXI,  XXIII,  XXIX,  XXX,  XXXII,  XXXIV,  XXXV,  XXXVII,  XXXVIII); 
dans  trois  cas  seulement  (obs.  IV,  XII,  XXV)  il  s'était  manilusie  dans 
les  premiers  jours  de  la  maladie  un  peu  de  roideur  passagère  des 
membres  paralysés. 

Dans  les  ramollissements  anciens,  au  contraire,  une  contracture 
plus  ou  moins  prononcée  est  la  règle;  les  malades  présentent  alors 
une  attitude  spéciale  (1  ),  surtout  lorsqu'il  existe  une  vaste  destruction 
de  la  substance  encéphalique  ;  dans  une  communication  que  l'un  do 
nous  a  faite  à  la  Société  de  biologie,  il  a  attiré  l'attention  sur  l'atti- 
tude spéciale  que  présentaient  alors  les  malades,  et  il  a  pu  la  rap- 
procher de  celle  que  l'on  rencontre  chez  les  individus  atteints  d'agé- 
nésie  cérébrale. 

(t)  Voy.  à  ce  sujet  :  Note  sur  les  lésions  des  nerfs  et  des  vmscles 
liées  à  la  contracture  tardive  et  permanente  des  membres  dans  Ché- 
miplégie,   par  M.  Cornil.  (Mémoires  de  la  Société  de  biologie,  1863.) 


182 
Ce  symptôme  d'ailleurs  nous  a  paru  souvent  en  rapport  avec  la 
période  de  prolifération  de  tissu   conjonctif   (fausse   sclérose  de 
M.  Bouchard)  qui  se  produit  dans  les  atrophies  descendantes  (obs. 
VI,  XHl,  XIV,  XV,  XVI,  XXVI,  XXXVI). 

De  la  déviation  des  yeux  et  de  la  tête.  —  Un  symptôme  sur  lequel 
M.  Vulpian  a  souvent  attiré  notre  attention  et  qui  a  été  l'objet  d'une 
note  publiée  par  l'un  de  nous  dans  la  Gazette  hebdomadaire  (1865, 
p.  649),  est  la  déviation  des  yeux  et  quelquefois  de  la  tête  qui  sont 
tournés  du  côté  opposé  à  la  paralysie  vers  le  foyer  encéphalique; 
cette  déviation,  qui  semble  être  une  ébauche  du  mouvement  de  rota- 
tion observé  dans  plusieurs  de  nos  expériences,  a  été  signalée  dans 
un  grand  nombre  de  nos  observations  (obs.  I,  III,  IV,  VU,  VIII,  XI, 
XXIV,  XXV,  XXIX,  XXXII,  XXXIV,  XXXV,  XXXVIl). 

Ce  signe,  qui  est  ordinairement  passager  et  ne  dure  que  quelques 
jours,  peut  servir  dans  quelques  cas  à  faire  reconnaître  une  affection 
cérébrale  récente  ;  c'est  ce  qui  arrive  par  exemple  quand  le  malade 
est  plongé  dans  le  coma  avec  résolution  générale  et  que  les  rensei- 
gnements font  défaut. 

Il  nous  a  été  une  fois  d'une  grande  utilité  pour  diagnostiquer  une 
attaque  récente  survenue  chez  une  ancienne  hémiplégique  tombée 
dans  le  coma  pendant  qu'elle  mangeait  ;  la  face  était  violacée,  la  ma- 
lade était  prise  de  suffocation.  Ces  symptômes  semblaient  si  bien  indi- 
quer l'existence  d'un  corps  étranger  dans  le  pharynx  que  nous  pra- 
tiquâmes le  caihétérisme  de  l'œsophage  par  les  fosses  nasales  (il  était 
impossible  d'ouvrir  la  bouche  de  la  malade)  ;  c'est  alors  que  nous 
aperçûmes  la  déviation  synergique  des  deux  yeux  qui  nous  lit  recon- 
naître à  coup  sûr  une  lésion  cérébrale  récente  :  il  s'agissait  en  effet 
d'une  vaste  hémorrhagie  ventriculairc,  comme  le  montra  l'autopsie. 

La  confusion  entre  une  attaque  apoplectique  et  un  corps  étranger 
du  pharynx  peut  paraître  extraordinaire  au  premier  abord  ;  mais  nous 
devons  dire  que  trois  fois,  dans  l'année  que  nous  avons  passée  à  la  Sal- 
pêtrière,  nos  collègues  ou  nous-mêmes  avons  été  embarrassés  dans 
ce  diagnostic  différentiel;  dans  un  des  cas,  les  symptômes  de  réso- 
lution générale  ressemblaient  si  bien  à  ceux  du  cas  précédent  que 
l'on  crut  à  une  hémorrhagie  cérébrale  ou  à  une  ischémie  généralisée. 
L'autopsie  lit  constater  la  présence  dans  le  pharynx  d'un  bol  alimen- 
taire volumineux  qui  avait  produit  des  symptômes  de  suffocation, 
et  à  leur  suite  la  résolution  apoplectique. 


183 

De  la  sensibilité.  Nous  avons  mentionné  plus  haut  les  engourdisse- 
ments et  les  douleurs  qui  peuvent  précéder  l'attaque  de  paralysie.  Après 
l'attaque,  la  sensibilité  est  quelquefois  conservée  intacte  dansles  mem- 
bres paralysés,  comme  cela  est  mentionné  dans  1 1  de  nos  observations , 
dans  14  de  nos  observations,  la  sensibilité  était  obtuse;  enfin,  beau- 
coup plus  rarement  elle  était  complètement  abolie.  (Obs.  111,  Yl,  VIll.) 
Ces  résultats  se  rapprochent,  comme  on  le  voit,  de  ce  qui  a  été  in- 
diqué par  les  auteurs,  et  ea  particulier  par  M.  Durand-Fardel. 

Dans  les  hémiplégies  anciennes  il  se  produit  assez  fréquemment, 
en  même  temps  que  la  contracture  des  membres  paralysés,  des  trou- 
bles de  la  sensibilité  qui  consistent  surtout  en  des  douleurs  plus  ou 
moins  vives,  et  qui  paraissent  être  en  rapport  avec  la  prolifération 
conjonctive  qui  se  fait  à  cette  époque  dans  les  nerfs  (1). 

Quant  aux  mouvements  réflexes,  ils  ont  été  souvent  signalés  dans 
nos  observations;  généralement  plus  prononcés  dans  le  membre  in- 
férieur, quelquefois  ils  étaient  abolis  au  moment  de  l'attaque  et  n'ap- 
paraissaient qu'au  bout  d'un  ou  plusieurs  jours. 

De  l'intelligence.  Nous  avons  cherché  plus  haut  à  établir  un  rapport 
entre  l'abolition  plus  ou  moins  complète  de  l'intelligence  qui  se  pro- 
duit au  moment  de  l'attaque  et  la  plus  ou  moins  grande  généralisation 
des  troubles  ischémiques  de  l'encéphale. 

Nous  pensons  que  c'est  aussi  dans  des  lésions  généralisées  des  cen- 
tres nerveux  quïl  faut  souvent  trouver  l'explication  de  l'abolition 
complète  de  lïntelligence.  Presque  constamment  chez  les  mdividus 
atteints  de  ramollissement  ancien,  l'intelligence  est  notablement  di- 
minuée, et  il  s'est  établi,  à  la  suite  de  l'attaque,  un  certain  degré  de 
démence;  il  n'est  pas  rare  cependant  de  trouver  les  fonctions  intel- 
lectuelles conservées  à  un  certain  degré  :  c'est  en  particulier  ce  qui 
arrive  dans  les  cas  d'emboUe  ou  de  thrombose  d'une  artère  cérébrale, 
lorsqu'un  foyer  limité  se  trouve  dans  un  encéphale  sain  d'ailleurs 
(obs.  XUl,  XIV),  on  sait  que  chez  les  aphasiques  l'intelligence  n'est  le 
plus  souvent  pas  complètement  abolie.  Les  ramollissements  par  athé- 
romes  avec  foyers  multiples  et  lacunes  disséminées,  dans  lesquels 
tout  l'encéphale  parait  avoir  subi  des  troubles  nutritifs,  nous  sem- 
blent au  contraire  presque  constamment  en  rapport  avec  un  état  de 
démence  beaucoup  plus  prononcé  ;  les  malades  gâtent,  restent  liébé- 

(1)  Voy.  à  ce  sujet  le  mémoire  déjà  cité  de  M.  Cornil. 


184 
tés  dans  un  état  de  stupeur  complète,  et  ne  prononcent  que  quelques 
paroles  incohérentes.  (Obs.  XVI,  XVII,  XXIV,  etc.) 

Enfin,  il  en  est  de  même  des  vastes  ramollissements  occupant  une 
grande  partie  d'un  hémisphère,  tout  le  lobe  antérieur  par  exemple, 
et  qui  s'accompagnent  habituellement  de  démence  complète.  (Obs. 
XXXIII,  XXXVII.) 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  sur  l'aphasie  ;  le  plus  grand  nombre 
de  nos  observations  ayant  servi  à  faire  le  tableau  que  MM.  Charcot  et 
Vulpian  ont  remis  à  M.  le  professeur  Trousseau  lors  de  la  discussion 
sur  l'aphasie  et  qu'il  a  présenté  à  l'Académie  de  médecine. 

De  la  température.  —  L'absence  de  l'appareil  fébrile  dans  le  ramol- 
lissement cérébral  a  été  généralement  signalée,  mais  nous  devons 
indiquer  les  résultats  de  l'examen  thermométrique  de  la  température 
rectale  que  M.  le  docteur  Charcot  a  souvent  pratiqué  dans  son  ser- 
vice. Il  résulte,  en  effet,  de  cet  examen  que  dans  le  ramollissement 
cérébral  on  ne  rencontre  jamais  cette  élévation  de  température  con- 
sidérable qui  caractérise  les  maladies  inflammatoires.  Ainsi,  tandis 
que  dans  la  pneumonie  on  voit  le  thermomètre  s'élever  chez  les 
vieillards  de  37  degrés  1/5  (température  normale)  à  40  et  même  41  de- 
grés, dans  ie  ramollissement  il  s'élève  tout  au  plus  à  38  degrés,  si 
ce  n'est  dans  les  derniers  moments  de  la  vie;  mais  à  ce  moment  l'élé- 
vation thermométrique  n  est  due  en  rien  au  ramollissement,  elle  se 
produit  par  le  fait  même  de  l'agonie. 

Nous  n'avons  que  peu  d'observations  où  la  température  rectale 
soit  indiquée  et  que  nous  puissions  citer  comme  exemple  (voy.  obs. 
XXVI,  XXXIV,  XXXV,  XXXVllI);  mais  M.  le  docteur  Charcot  nous  a  dit 
avoir  souvent  fait  cette  recherche  et  n'avoir  jamais  constaté  d'élé- 
vation notable  de  température  dans  le  ramollissement. 

On  peut  considérer  ce  résultat  comme  un  argument  de  plus  en 
faveur  de  la  nature  non  phlegmasique  du  processus  qui  constitue  le 
ramollissement. 

RÉSUMÉ  ET  CONCLUSIONS. 

Gomme  on  le  voit  nous  sommes  loin  d'avoir  étudié  tous  les  points 
de  l'histoire  du  ramollissement  cérébral  ;  tel  n'était  point  d'ailleurs 
notre  but  :  comme  nous  l'avons  dit  au  commencement  de  ce  travail, 
nous  n'avons  eu  d'autre  intention  que  de  présenter  quelques  consi- 
dérations nouvelles,  et  de  chercher  à  élucider  quelques  points  encore 


185 
obscurs  de  cette  maladie.  Nous  avons  complètement  laissé  de  côté  l'é- 
tude des  différentes  espèces  de  ramollissement  inflammatoire,  et  nous 
ne  sommes  pas  sortis  du  cadre  que  nous  avaient  tracé  les  observations 
prises  à  la  Salpétriôre. 

En  terminant  nous  allons  rappeler  brièvement  les  principales  con- 
clusions auxquelles  nous  sommes  arrivés  : 

L'expérimentation  sur  les  animaux  nous  a  permis  de  produire,  au 
moyen  d'embolies  artificielles,  des  ramollissements  identiques  à  ceux 
que  l'on  observe  chez  l'homme,  et  d'en  suivre  le  processus  à  ses  di- 
verses périodes.  Nous  avons  pu  ainsi  étudier  l'hyperémie  du  début, 
la  dégénération  nécrobiotique  qui  lui  succède;  enfin  la  production 
du  tissu  conjonctif  et  la  formation  des  plaques  jaunes  qui  appartien- 
nent à  la  troisième  période  du  ramollissement. 

Des  expériences  analogues  avaient  été  faites  en  Allemagne  par 
MM.  Virchow,  Cobn,  Panum,  etc.  Mais  les  procédés  employés  par  ces 
expérimentateurs  produisant  une  mort  trop  rapide  ne  leur  avait  pas 
permis  d'étudier  dans  ses  diverses  phases  le  processus  qui  constitue 
le  ramollissement  cérébral. 

D'après  les  conseils  de  M.  le  docteur  Vulpian,  qui  avait  déjà  produit 
sur  un  chien  un  ramollissement  bien  caractérisé  du  cervelet,  nous 
avons  pu  instituer  des  expériences  qui,  n'entraînant  pas  la  mort  im- 
médiate de  l'animal,  nous  permirent  de  suivre  le  processus  morbide 
dans  tout  son  développement,  et  de  lui  assimiler  les  infarctus  qui 
dans  plusieurs  de  nos  expériences  se  sont  produits  simultanément 
dans  les  viscères. 

Nous  avons  pu  établir  :  qu'une  congestion  manifeste  se  produit  ha- 
bituellement dans  les  points  où  se  distribue  l'artère  oblitérée,  et  nous 
avons  montré  qu'il  est  difficile  de  se  rendre  compte  de  la  cause  de 
cette  hyperémie  dans  l'état  actuel  de  la  science.  Quelle  qu'en  soit 
l'explication  mécanique,  ce  fait  nous  a  suffi  pour  établir  que  l'hype- 
rémie des  ramollissements  rouges,  sur  laquelle  on  s'était  fondé  pour 
les  assimiler  aux  phlegmasies,  doit  être  considérée  comme  d'une  toute 
autre  nature. 

Nous  avons  pu  saisir  sur  le  fait  le  début  du  travail  nécrobiotique  et 
démontrer  que  dès  le  troisième  jour  il  existe  des  corps  granuleux 
bien  nets  et  un  grandnombre  de  granulations  graisseuses  non  encore 
agglomérées  et  qui  se  rassemblent  surtout  autour  des  capillaires  en 
leur  formant  comme  une  gaine.  Les  parois  mêmes  des  capillaires  nous 


/oQf- 


186 

ont  quelquefois  présenté  une  dégénérescence  granulo- graisseuse 
consécutive,  et,  dans  un  cas,  des  anévrysmes  disséquants. 

Enfin,  sur  un  chien  qui  avait  survécu  cinq  semaines  à  l'opération, 
nous  avons  vu  le  processus  nécrobiotique  aboutira  la  formation  dune 
véritable  plaque  jaune  des  circonvolutions. 

L'analyse  de  nos  observations  nous  a  permis  d'y  retrouver  c'es  ra- 
mollissements constitués  par  un  processus  morbide  très-analogue  à 
celui  que  nous  avons  pu  étudier  sur  le  chien. 

Cette  altération  nécrobiotique  du  tissu  cérébral  nous  a  paru  pres- 
que constamment  expliquée  par  des  troubles  ischémiques,  dont  le 
point  de  départ  était  variable  selon  les  cas,  et  nous  avons  pu  établir 
une  certaine  relation  entre  ces  diflérentes  espèces  de  troubles  isché- 
miques et  les  caractères  du  ramollissement  cérébral;  le  point  de  dé- 
part de  ces  troubles  ischémiques  se  trouvait  tantôt  dans  une  oblité- 
ration artérielle  par  thrombose  ou  par  embolie,  tantôt  dans  la  seule 
dégénérescence  athéromateuso  des  artères  cérébrales,  tantôt,  peut- 
être,  dans  une  embolie  capillaire  plus  ou  moins  généralisée.  Dans 
deux  cas  seulement  on  n'a  pu  saisir  aucune  cause  de  troubles  circu- 
latoires; mais  il  se  peut  que  l'oblitération  artérielle  ait  échappé,  la 
recherche  en  étant  fort  minutieuse. 

Aucune  de  nos  observations  ne  nous  a  permis  d'attribuer  à  coup 
sûr  le  ramollissement  à  la  dégénérescence  athéromateuse  des  capil- 
laires, et  nous  avons  vu  que  cette  dégénérescence  peut  être  consécu- 
tive ;  nous  ne  pouvons  donc  rien  avancer  de  précis  à  cet  égard. 

Au  processus  nécrobiotique,  qui  constitue  essentiellement  le  ramol- 
lissement cérébral,  viennent  quelquefois  s'ajouter  des  phénomènes 
irritatifs.  Nous  avons  vu  dans  quelques  cas  se  produire  de  l'inflam- 
mation et  de  la  suppuration  autour  des  infarctus  que  nous  avons 
produits  chez  les  chiens;  nous  avons  cherché  à  rapprocher  de  ces 
phénomènes  la  production  de  néo-niembranes  de  la  dure-mère  au 
niveau  des  anciens  foyers  de  ramollissement. 

Dans  la  partie  sémiologique,  nous  avons  insisté  sur  les  symptômes 
de  l'ischémie  cérébrale,  nous  avons  attribué  à  cette  cause  les  étour- 
dissements  et  les  attaques  apoplectiformes  suivies  de  mort  rapide 
sans  lésion  des  centres  nerveux,  et  que  la  plupart  des  auteurs  ont 
rapportés  à  la  congestion  cérébrale.  Nous  avons  essayé  d'établir  un 
rapport  entre  l'intensité  plus  ou  moins  grande  de  l'attaque  et  lapins 


187 
ou  moins  grande  généralisation  de  ri?chémie  cérébrale;  enfin  nous 
avons  montré  que  la  thrombose  peut,  comme  l'embolie,  donner  lieu 
à  des  accidents  subits. 

Relativement  à  la  paralysie,  à  la  contracture  et  aux  autres  symp- 
tômes du  ramollissement,  nous  n'avons  eu  que  peu  de  chose  à  ajou- 
ter aux  descriptions  que  l'on  trouve  dans  les  auteurs.  L'analyse  de 
nos  observations  a  montré  que  la  paralysie  s'établit  le  plus  souvent 
d'emblée  et  suit  rarement  une  marcbe  progressive,  en  sorte  quïlest 
impossible  de  fonder  sur  cette  marche  un  signe  diagnostique  de  quel- 
que valeur. 

Enfin,  l'examen  de  la  température  rectale  dans  quelques-unes  de 
nos  observations,  et  les  renseignements  que  M.  le  docteur  Charcot  a 
bien  voulu  nous  donner  à  ce  sujet,  nous  ont  permis  de  dire  que,  con- 
trairement à  ce  qui  se  passe  dans  les  maladies  inflammatoires,  la 
température  du  corps  ne  s'élève  pas  notablement  dans  le  ramollisse- 
ment cérébral;  en  sorte  que  si  Tinflammation  joue  un  rôle  dans  cette 
maladie,  ce  rôle  est  certainement  très-secondaire,  et  le  processus  qui  la 
constitue  essentiellement  est  de  toute  autre  nature.  Il  serait  intéres- 
sant de  faire  les  mêmes  recherches  thermométriques  dans  les  cas  de 
ramollissement  inflammatoire. 


Nous  ajoutons  à  ce  mémoire,  le  résumé  d'une  expérience  récente 
dans  laquelle  l'hyperémie  consécutive  aux  oblitérations  artérielles, 
s'est  montrée  avec  une  netteté  encore  plus  grande  que  dans  les  ex- 
périences publiées  plus  haut.  Voici  cette  expérience  : 

INJECTION  DE  GRAINES  DE  TABAC  DANS  LE  BOUT  CENTRAL  DE  LA  CAROTIDE  GAU- 
CHE ;  RAMOLLISSEMENT  CÉRÉBRAL  ;  INFARCTUS  MULTIPLES  DE  LA  RATE,  DES 
REINS,    DE    l'intestin,    DES    POUMONS. 

Exp.  XIV.—  Chien  adulte  de  taille  moyenne. 

Le  22  mars  18G6,  à  trois  heures  de  l'après-midi,  nous  injectons  dans 
le  bout  central  de  la  carotide  i;auçhe  environ  2(J  grammes  d'eau  tenant 


188 

en  suspension  des  graines  de  tabac.  L'animal  se  débat  et  pousse  un  cri  ; 
on  constate  qu'il  ne  peut  plus  se  tenir  debout;  il  remue  cependant  les 
pattes  qui  ne  peuvent  le  soutenir.  La  faiblesse  est  surtout  prononcée 
dans  le  train  postérieur.  Mouvements  réflexes  quand  on  marche  sur  les 
pattes  postérieures.  Pas  de  symptômes  nets  d'hémiplégie,  pas  de  phé- 
nomènes de  rotation. 

L'animal  reste  triste  et  abattu;  le  lendemain  23  mars,  nous  le  trou- 
vons dans  le  coma  de  l'agonie  et  il  meurt  dans  la  soirée. 

Autopsie.  —  Cavité  crânienne.  L'artère  sylvienne  droite  contient  une 
forte  accumulation  de  graines  de  tabac.  Il  en  est  de  même  du  tronc  ba- 
silaire,  surtout  dans  la  portion  qui  précède  sa  bifurcation. 

Cerveau.  L'hémisphère  droit  présente  une  mollesse  remarquable;  il 
s'affaisse  sur  sa  base;  sa  surface  présente  une  assez  forte  injection.  A  la 
coupe  le  tissu  est  mou,  un  peu  diffluenl,  rosé  par  places,  blanchâtre 
dans  d'autres.  Ce  ramollissement  s'étend  dans  le  centre  blanc,  mais 
n'atteint  pas  le  ventricule  latéral.  Les  parties  profondes  (corps  striés, 
couches  optiques)  sont  saines. 

L'examen  microscopique  montre  des  débris  de  tubes  nerveux,  non 
granuleux,  et  une  foule  de  granulations  graisseuses  disséminées,  mais 
pas  encore  de  corps  granuleux.  Les  vaisseaux  capillaires  sont  gorgés  de 
sang,  mais  on  n'y  a  pas  trouvé  d'anévrysme  disséquant;  en  quelques 
points  ils  présentent  des  dilatations  manifestes. 

Moelle.  Non  examinée. 

Poumons.  Quelques  taches  apoplectiques  sont  disséminées  à  la  sur- 
face des  poumons.  L'oblitération  des  artères  bronchiques  n'a  pu  être 
suffisamment  recherchée. 

Foie.  Très-congestionné.  Pas  d'infarctus  bien  limité. 

Rate.  Présente  quatre  ou  cinq  infarctus  séparés  les  uns  des  autres  par 
des  parties  saines,  se  présentant  sous  l'aspect  de  plaques  saillantes, 
molles,  de  coloration  violacée,  tranchant  sur  les  parties  saines  qui  sont 
d'une  teinte  plus  claire  et  plus  rose.  Ces  infarctus,  qui  rappellent  exac- 
tement ceux  que  nous  avons  vus  se  produire  sous  nos  yeux  dans  une 
précédente  expérience  où  nous  avions  préalablement  ouvert  le  ventre 
de  l'animal,  correspondent  à  des  branches  de  l'artère  splénique  oblité- 
rées par  des  graines  de  tabac.  Les  branches  artérielles  qui  se  rendent 
aux  parties  saines  ne  sont  pas  oblitérées.  (PI.  II,  fig.  9.) 

Reins.  Présentent  tous  les  deux  des  infarctus  ramollis  correspondant 
à  des  oblitérations  artérielles. 

Intestin.  Deux  anses  intestinales  sont  fortement  injectées  de  colora- 


180 
lion  brunâtre  et  violacée;  leurs  parois  sont  friables  et  manifestement 
ramollies  par  places.  Les  artères  correspondantes  sont  oblitérées. 

Plusieurs  ganglions  mésentériques  sont  rouges  et  tuméfiés;  l'un  d'eux 
présente  un  peu  de  ramollissement. 

Cette  expérience  nous  a  paru  intéressante  en  ce  qu'elle  a  montré 
avec  la  plus  grande  netteté  dans  le  cerveau,  dans  la  rate,  dans  l'in- 
testin, cette  hyperémie  qui  se  produit  au  début  dans  les  infarctus  et 
consécutivement  à  roblitération  artérielle.  Cette  liyperémie  nous 
parait  difficile  à  expliquer,  mais  nous  croyons  que  la  constatation  du 
fait  n'est  pas  sans  importance;  car  nous  sommes  en  droit  d'en  con- 
clure que,  consécutivement  aux  oblitérations  artérielles,  il  peut  se 
produire  secondairement  de  l'hyperémie  avec  tuméfaction  du  tissu, 
altérations  que  l'on  rattachait  habituellement  à  un  processus  inflam- 
matoire (ramollissement  rouge  du  cerveau),  et  qui  cependant  n'a 
rien  de  commun  avec  les  phénomènes  phlegmasiqucs. 


NOTE 

SUR  LEXAMEN   MICROSCOPIQUE 

DES  LESIONS  QUE  L0.\  OBSERVE  DANS  L'AFFECTION  CONNUE  SOL'S  LKS  NOMS 

DE 

PÉRIGAL,  PIED  DE  MADURA 

lue  à  la  Société  de  Biologiu 
CAR 

M.  le  Docteur  GH.  GOQUËREL. 


L'affection  connue  sous  le  nom  de  Pérical  ou  de  Pied  de  Madura  (1) 
parait  être  endémique  dans  une  partie  très-restreiute  de  l'Inde  an- 
glaise. Jamais  on  ne  l'avait  rencontrée,  d'une  manière  authentique  à 
Bourbon,  où  arrivent  cependant  chaque  année  des  centaines  d'In- 
diens. J'ai  eu  pourtant  la  bonne  fortune  de  l'observer  dernièrement 
dans  notre  colonie  de  la  Réunion. 

Le  sujet  soumis  à  mon  examen  était  un  jeune  Indien  de  20  à  22  ans, 
provenant  de  Pondichéry,  qui  fut  reçu  au  mois  de  juin  dernier  à  l'/fo- 
pitaL  colonial  de  la  Réunion. 

(1)  Madura  est  une  ville  de  Tlnde  anglaise  située  dans  la  présidence 
de  Madras  à  13u  kilomètres  de  Trichnapoli. 


192 

Il  est  fort  difficile  d'obtenir  des  renseignements  exacts  de  la  part 
des  indiens  qui,  toujours  défiants,  ne  répondent  jamais  que  d'une 
manière  évasive  aux  questions  qu'on  leur  adresse.  Il  pai'ait  cependant 
que  chez  ce  malade  l'affection  n'était  pas  très-ancienne;  elle  ne  re- 
montait probablement  qu'à  deux  ou  trois  ans,  tandis  que  l'on  rencon- 
tre souvent  dans  l'Inde  des  hommes  porteurs,  depuis  huit  ou  dix 
ans,  d'un  pied  de  Madura,  couvert  de  noyaux  indurés  ou  en  pleine 
suppuration.  Dans  ces  cas  extrêmes,  les  tumeurs  qui  se  dessinent  sous 
la  peau  du  membre,  devenu  énorme,  peuvent  acquérir  le  volume 
d'une  noisette  et  même  d'une  petite  noix.  Lamaladie  ne  se  voit  jamais 
en  même  temps  sur  les  deux  membres.  M.  le  docteur  Collas,  médecin 
en  chef  de  la  marine,  qui  a  eu  l'occasion  d'observer  dans  l'Inde  un 
grand  nombre  de  naturels  atteints  de  cette  curieuse  affection,  nous  a 
assuré  qu'il  n'avait  jamais  vu  les  deux  pieds  atteints  et  que  la  maladie 
n'attaquait  jamais  une  autre  région  du  corps.  Le  seul  remède  efficace 
est  l'amputation  et  jamais  la  récidive  n'est  à  craindre. 

Le  poids  considérable  du  membre  lésé  devient  pour  le  malade  une 
gêne  constante,  la  marche  est  des  plus  pénible,  les  tumeurs  qui  cou- 
vrent le  pied  sont  le  siège  d'une  suppuration  incessante  et  les  dou- 
leurs sont  tellement  vives  que  le  patient  réclame  lui-même  l'opéra- 
tion. Le  mal  est  d'ailleurs  tout  à  fait  local  et  la  sauté  générale  ne 
souffre  que  peu  ou  point  d'atteintes. 

Notre  malade,  quoique  son  affection  ne  fût  point  ancienne,  deman- 
dait à  être  opéré.  Il  prétendait  que  les  douleurs  qu'il  éprouvait  étaient 
tellement  constantes  qu'il  ne  pouvait  plus  ni  manger  ni  dormir.  L'am- 
putation fut  donc  décidée  et  pratiquée  sous  mes  yeux  par  M.  le  doc- 
teur Bery,  un  de  mes  confrères  à  l'hôpital  civil  de  la  Réunion.  Les 
suites  de  l'opération  furent  des  plus  heureuses  :  en  dix  jours  la  ci- 
catrisation était  complète,  le  malade  avait  retrouvé  l'appétit  ainsi  que 
le  sommeil  et  se  consolait  facilement  de  la  perte  de  sa  jambe. 

Dès  que  le  membre  fut  enlevé,  je  l'examinai  à  l'aide  d'un  microscope 
de  Nachet;  c'est  le  résultat  de  cette  observation  que  je  présente  au- 
jourd'hui à  la  Société  de  biologie. 

Examen  extérieur  du  pied  et  de  la  jambe.  —  Les  dimensions  du 
pied  sont  considérables  :  au  cou- de-pied  elles  sont  de  U'°,3t,  au  ni- 
veau de  l'articulation  tibio-tarsienne  de  0'",27.  Le  tiers  inférieur  de 
la  jambe  présente  un  gonflement  assez  marqué,  mais  la  peau  n'est 
altérée  qu'à  la  partie  postérieure  et  inférieure.  Comme  on  peut  le 


193 
voir  dans  la  photographip  ci-jointe  (pi.  A),  la  peau  est  lisse  et  ten- 
due; à  la  partie  supérieure,  sur  les  côtés,  les  plis  cutanés  sont 
encore  visibles;  elle  est  décolorée  par  places  et  présente  une  teinte 
blanchâtre  qui  contraste  avec  la  couleur  brune  du  sujet.  La  peau  de 
la  plante  du  pied  et  de  la  partie  postérieure  du  talon  est  saine.  Sur  la 
surface  du  pied  et  la  face  postérieure  de  la  jambe,  on  compte  qua- 
rafite-huit  petites  tumeurs  de  grandeurs  différentes.  Ces  tumeurs 
sont  d'une  consistance  assez  dure,  ne  se  laissent  pas  déprimer  pour 
la  plupart  ;  quelques-unes  sont  fluctuentes,  d'autres,  en  petit  nombre, 
sont  ramollies,  déprimées,  perforées  et  laissent  écouler  un  liquide 
séro-purulent. 

Examen  microscopiqîie.—lmméùiaiemcnt  après  l'opération,  une  des 
petites  tumeurs  qui  occupent  le  dos  du  pied  est  incisée.  Elle  se  pré- 
sente sous  l'aspect  d"uu  petit  kyste,  à  parois  parfaitement  limitées,  qui 
renferme,  au  milieu  d'un  liquide  séreux  dans  lequel  nagent  de  nom- 
breux globules  de  pus  et  de  sang,  un  amas  d'une  matière  jaunâtre 
d'apparence  mamelonnée  et  de  consistance  caséeuse.  11  est  des  kystes 
qui  renferment  deux  ou  trois  de  ces  petites  masses. 

Cette  matière  caséeuse  est  formée  d'une  multitude  de  corpuscules  de 
forme  assez  irrégulière  (pi.  B,  fig.  2,  a),  plus  ou  moins  polyédriques; 
ces  corpuscules,  que  je  crois  composés  de  pus  concret,  sont  finement 
granulés  et  souvent  agglomérés  entre  eux  par  une  substance  vis- 
queuse. Leur  diamètre  varie  entre  3  et  5  centièmes  de  millimètre. 

Le  tissu  cellulaire  sous-cutané  est  farci  d'un  très-grand  nombre  de 
kystes  d'un  môme  aspect  que  ceux  de  la  peau,  présentant  le  même 
contenu  et  offrant  un  diamètre  souvent  plus  considérable.  Ils  sont 
entourés  d'une  membrane  formée  de  fibres  conjouctifs  à  noyaux  très- 
allongés  (pi.  B,  fig.  3). 

Une  incision  faite  sur  le  cou-de-pied,  entre  le  troisième  et  le  qua- 
trième métatarsien,  donne  issue  à  un  kyste  allongé  ayant  près  d'un 
centimètre  de  diamètre,  renfermant  un  grand  nombre  de  corpuscules 
d'aspect  caséeux,  répandus  en  abondance  au  milieu  d'un  liquide  sé- 
reux de  couleur  rougeâtre.  Ces  corpuscules,  évidemment  de  même 
nature  que  les  précédents,  sont  d'un  blanc  jaunâtre,  de  forme  polyé- 
drique, se  laissant  écraser  sous  la  moindre  pression.  Ils  atteignent 
jusqu'à  1  millimètre  de  diamètre  (pi.  B,  fig.  1,  a).  On  remarque  très- 
.  bien  les  surfaces  déprimées  par  lesquelles  ils  se  juxtaposent, 
.     Au  niveau  de  ce  kyste  on  voit  le  tendon  de  l'extenseur  commua 
MÉM.  13 


194 
qui  se  rend  au  troisième  orteil,  il  est  sain,  mais  les  fibres  muscu- 
laires sont  ramollies  et  presque  incolores.  Au  niveau  du  second  mé- 
tatarsien on  ne  rencontre  plus  qu'un  tissu  blanc  jaunâtre,  lardacé, 
criant  sous  le  scalpel,  dans  lequel  viennent  se  perdre  et  se  confondre 
tissu  cellulaire  ou  graisseux,  muscles  et  tendons.  Le  second  méta- 
tarsien lui-même  est  ramolli  et  laisse  pénétrer  très-facilement  dans 
son  intérieur  la  pointe  du  scalpel.  L'artère  pédieuse,  que  découvre 
l'incision,  est  saine.  Tout  le  tissu  lardacé  dont  je  viens  de  parler  est 
criblé  d'un  nombre  infini  de  petits  kystes  semblables  aux  kystes 
sous-cutanés  que  nous  avons  décrits  plus  haut  et  renfermant  le  même 
contenu. 

Le  liquide  qui  s'écoule  de  ces  différentes  incisions  se  présente  sous 
l'aspect  d'une  sérosité  abondante,  onctueuse,  blanchâtre,  dans  la- 
quelle nagent  un  grand  nombre  de  plaques  épithéliales  à  forme  polyé- 
drique (pi.  B,  fig.  4)  entremêlées  de  cellules  graisseuses. 

Examiné  au  microscope,  le  tissu  lardacé  est  formé  d'un  réseau  de 
fibres  très-serrées,  s'anastomosant  fréquemment  les  unes  avec  les 
autres  (pi.  B,  fig.  5),  au  milieu  desquelles  on  trouve  des  plaques  épi- 
théliales et  des  globules  graisseux. 

Dans  un  kyste  à  parois  très-épaisses,  de  contexture  fibreuse,  situé 
immédiatement  sous  la  peau,  au  niveau  supérieur  du  cou-de-pied, 
j'ai  trouvé  un  élément  différent  des  précédents.  Ce  sont  de  grandes 
plaques,  ayant  de  8  à  10  dixièmes  de  millimètre,  présentant  quelque 
indice  de  noyau  central  et  complètement  envahies  par  de  petites  gra- 
nulations arrondies,  très-fines,  très-serrées,  à  bords  parfaitement 
nets  et  d'un  vert  jaunâtre  plus  ou  moins  foncé  (pi.  B,  fig.  6). 

Quelques-unes  de  ces  plaques  à  forme  polyédrique  très-remarquable 
se  juxtaposent  par  un  ou  plusieurs  de  leurs  côtés  (pi.  B,  fig.  6,  a). 
D'autres,  tout  à  fait  circulaires  et  entièrement  couvertes  par  les  gra- 
nulations, présentent  des  masses  sphériques  d'un  vert  presque  brun 
(pi.  B,  fig.  6,  b). 

Sur  les  parois  du  kyste  et  le  long  des  fibres  qui  le  limitent,  on 
aperçoit  des  granulations  détachées  des  plaques  épithéliales  et  dis- 
posées en  forme  de  chapelet  (pi.  B,  fig.  7). 

Nota.  —  Il  est  très-probable  que  ce  sont  ces  granulations  et  surtout 
les  masses  sphériques  qu'elles  constituent  par  leur  réunion  qui  ont 
fait  penser  aux  médecins  anglais  que  le  Vied  de  Madura  était  une  ma- 
ladie occasionnée  par  la  présence,  au  sein  des  tissus,  de  parasites  vé- 


195 
gôtaux.  Ces  granulations,  sur  la  nature  desquelles  je  n'ai  d'ailleurs 
aucune  opinion  à  présenter,  ont  été  prises  pour  les  spores  d'un  cryp- 
togame inférieur.  Il  m'est  impossible  d'admettre  une  pareille  manière 
die  voir.  Ce  qui  constitue  essentiellement  la  maladie  qui  nous  occupe, 
c'est  la  présence  au  sein  du  tissu  du  pied  d'un  nombre  incalculable  dd 
kystes  renfermant  les  corpuscules  particuliers  dont^'ai  donné  la  des- 
cription etque  je  regarde  comme  formés  par  des  amas  de  pus  concret. 
Il  est  à  noter  que  ces  corpuscules  sont  d'autant  plus  grands  et  plus 
durs  que  le  kyste  semble  plus  ancien  et  qu'il  est  muni  de  parois  plus 
épaisses.  Quant  aux  kystes  contenant  les  petits  corps  arrondis,  d'un 
vert  jaunâtre,  ils  sont  infiniment  plus  rares,  puisque  jen'en  ai  trouvé 
qu'un  seul. 

Devant  les  kystes  et  à  mesure  qu'ils  se  développent,  les  tissus  sem- 
blent disparaître  et  se  confondre  en  une  masse  lardacée  d'aspect  uni- 
forme. Les  os  mêmes  s'éliminent  peu  à  peu.  Nous  mettons  sous  les 
yeux  de  la  Société  quatre  métatarsiens  et  le  scaphoïde  de  notre  opéré 
(pi.  C,  fig.  1,  2,  3,  4).  Ces  os  sont  remarquables  par  leur  légèreté; 
leur  partie  spongieuse  tend  à  disparaître;  elle  est  criblée  de  cavités 
qui  renfermaient  des  kystes  semblables  à  ceux  des  parties  molles.  Il 
paraît  que  dans  les  affections  anciennes,  le  corps  de  l'os  est  envahi 
delà  même  manière;  l'os  lui-même  finit  par  se  perdre  au  sein  du  tissu 
lardacé  qui  forme  la  gangue  des  kystes,  et  il  suffit  alors  d'une  simple 
incision,  faite  avec  un  scalpel,  pour  diviser  par  tranches  le  pied  tout 
entier  ;  il  se  trouve  transformé  en  une  masse  uniforme  de  tissu  lardacé 
où  sont  confondus  os,  tendons  et  muscles. 

M.  le  docteur  Collas  avait  rapporté ,  il  y  a  quelque  temps ,  un  Pied 
de  Madura  conservé  dans  l'alcool.  Cette  pièce  fut  remise  par  lui  à 
mon  ami  M.  Ch.  Robin.  M.  Robin  a  bien  voulu  me  communiquer  une 
note  qu'il  a  rédigée  à  ce  sujet.  Les  observations  du  savant  professeur 
ne  s'accordent  pas  entièrement  avec  les  miennes;  mais  ce  fait  s'ex- 
plique, si  Ton  réfléchit  que  la  pièce  remise  par  M.  le  docteur  Collas 
séjournait  dans  l'alcool  depuis  huit  ou  neuf  mois,  tandis  que  j'ai  ré- 
digé mes  observations  au  moment  môme  où  le  membre  malade  venait 
d'être  enlevé.  M.  Robin  a  parfaitement  reconnu  les  kystes  et  les  a  dé- 
crits avec  une  parfaite  exactitude;  mais  je  crois  que  l'importance  des 
corpuscules  caséeux,  que  je  regarde  comme  formés  de  pus  concret,  lui 
a  échappé.  Il  a  été  frappé  surtout  par  la  présence  des  nombreuses 
cellules  épithéliales  qui,  d'après  lui,  disposées  en  couches  concentri- 


196 
quee,  rempliraient  les  kystes.  Il  est  très-certain  que  tous  les  liquides 
qui  baignent  les  tissus  malades  renferment  de  nombreuses  cellules 
que  j'ai  figurées  dans  mon  dessin  ;  mais,  pour  moi,  ce  ne  sont  pas  ces 
cellules  qui  remplissent  la  cavité  des  kystes,  ce  sont  les  corpuscules 
caséeux  dont  le  nombre,  dans  le  cas  qui  nous  occupe,  est  réellement 
prodigieux. 

Je  ne  publie  d'ailleurs  ces  observations  que  dans  le  but  de  contri- 
buer, autant  qu'il  m'est  possible,  à  l'histoire  de  la  curieuse  affection 
encore  si  mal  connue,  et  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  Pied  de 
Madura.  Tout  est  à  faire  encore  dans  ce  champ  à  peine  exploré.  Aussi 
faut-il  espérer  que  M.  le  docteur  Collas  fera  bientôt  connaître  un  tra- 
vail important  qu'il  prépare  sur  cette  maladie  singulière. 


SUR  LA  TEMPÉRATURE  DU  RECTUM 

DANS  LE 

CHOLÉEA  ASIATIQUE 

Note  lue  à  la  Société  de  Biolocrie 


PAR 


M.  LE  DOCTEUR  CHARCOT. 


M.  Charcot  fait  connaître  les  résultats  de  quelques  recherches  ther- 
mométriques qu'il  a  entreprises  à  l'hospice  de  la  Salpètrière,  pen- 
dant le  cours  de  la  dernière  épidémie,  dans  le  but  de  déterminer  la 
température  des  parties  centrales  chez  les  cholériques  aux  diverses 
époques  de  la  maladie.  Le  thermomètre  était  introduit  dans  le  rectum 
et  il  y  était  maintenu,  chaque  fois,  pendant  cinq  ou  six  minutes  au 
moins.  Quelquefois,  en  outre,  on  déterminait  comparativement  la 
température  de  l'aisselle  et  celle  de  la  paume  des  mains.  Ces  re- 
cherches ont  été  faites  chez  sept  femmes  âgées  de  69  à  84  ans,  et 
chez  trois  autres  femmes  âgées  de  30,  59  et  47  ans.  Voici  l'analyse 
très-sommaire  de  ces  dix  observations. 


f-' 

o 


■< 

CL 

•w 
ce 

1/3 

■< 


OJ 

o 

■4-^ 

s^ 

ï^ 

t-f 

rJP 

CJ 

rP 

W           O 

a 

s 

£ 

a 

H    a 

,0 

-Q 

^  ^ 

o 

o 
■*-= 

o 

o 
o 
o 

o 
o 

c 

br 

1-!^ 

J« 

o 

o 

^ 

Bi 

OO 

©a 

OO 

(^ 

CO          •«S' 

-^ 

*^- 

, 

co 

O                o 

CO          OO 

r-       CO 

CO 

ÛO 

t~-" 

C 

co 

-*        ^ 

CO           OO 

CO        ro 

CO 

CO 

OO 

imati 

soir. 

0    •      vi    • 

^      'i' 

<n                      r^ 

S        «               t-        . 

oj        a^ 

rt         .              ^ 

.Î2       wi 

•              «        • 

*G,     *S 

VI       . 

(3.       P. 

ë  .    £  . 

.1      1 

en,        rt 

^1    §a 

«         a;. 

U3             VJ 

G        & 

J=l       Xi 

O         c 

^ 

à 

s       M 

S    «i 

s 

wî 

s 

^   "" 

p; 

tf         PS 

pi    rt 

p3     PS 

PS 

(35 

P3 

H 

H          H 

H      H 

H      H 

H 

H 

H 

3 

1 

o 

w 

& 

'2 

«û       « 

<u        OJ 

<v 

o 

VQJ 

■*J 

»CU           ^QJ 

'03       *a> 

KQJ 

vO) 

O         o 

o       o 

o 

o 

B:S.S 
o  s  9 

'3 

'05 

CI      a 

o       o 

o       o 

0 

o 

O 

'5o 

';§ 

!3          P 

13        et 

13 

« 

O          O 

o       o 

O 

p 

£^  rt 

ct3 

'bo 

!h           t< 

f-.       t^ 

^ 

f^ 

.*. 

9J 

&         Çh 

çu      a. 

o* 

eu 

^   tv   <v 

:3      ,cD 

W3 

•ti-a  tS 

O    o 

^-3  -O) 

ai  o 

<1^      -^ 

^ 

Fh 

ûJ  <D  a> 

fû  a 

d 

t^  t-  t. 

o  o 

-!:>        vq:. 

.(U         -(U 

VQ3 

«.Q3 

=3    E    3 

'A  C3 

."^        ."t^ 

-*-»        -^ 

."t^ 

-»-> 

Tempérât 
Tempérât 
Tempérât 

■^  o 

§2 

'Ed     '5b 

-3     '3 

S'  S' 
5    5 

'S 
'Sd 

< 

t4 

2 

cj 

pi^iS 

-5 

Q3 

•g 

o 

1 

HHH 

5 

o 
o 

o 

o 
o 

O 

o 
o 

o 
B 

o 

> 

O 

« 

Ci 

m 

Cl 

an 

r- 

OO 

&» 

G4 

G^ 

-*-» 

n 

?* 

c:> 

oj 

OJ 

o 

^.2  ^ 

r-     O     W" 

t^ 

t^ 

fi-« 

1 

o 

.a 
o 

O)   rt  ^^ 

o 

o 

o 

C 

Si-,    o 

-* 

■* 

Oï 

an 

a-s" 

(M 

»> 

G^ 

■w 

1    -V- 

, 

.-   o 

.i,     OJ 

cl 

^ 

^ 

2    =^    Si 

^1 

o 

■s 

£2'S 

q5  &, 

V3 

TS 

;L4 

C3    O    O 

t-  g 

rt3 

"K 

AGE. 
érienr 

o 

1       ÏH     "^ 

o 

eu 

SI 

.2  S 
«^  g. 

<% 

QJ    3 

O 
ni 

pp  a 

ri    ^ 

S 

p5  a 

CO  .,—1 

S 

-^ 

(-1 

CO 

05 

e^ 

C-i 

l>. 

O 

art 

CO 

^ 

e>J 

W 

j 

1 

c 

o 

o 

o 

II 

a 

È^ 

S 

s 

ce 
o 


es 
< 
fri 


1/3 

u 

a 


-A 


o    o 


S=i.S 


-  ^   3 

-^  -^  *!» 

e^  rt  rt 

t^  f-"  t.. 

a  a  a 

ai  o  o 
HHH 

HHH 


5CJ 


•a 


ri 

•S 


I 


H  33 

^  d 

-cl  o 

2  » 

5  a 


.a 

a 


o 


'S,  S 


w- 


o 


a 

h-]     . 

•S 
.2  5 

2  ^ 


HHH 


•a 


'iJ  rt 


•^  > 

bCo 

rt  « 

>-] 

a> 

^ 

ja 

^ 

a 

a 

•D 

o 

> 

>■ 

o 

o 

a 

rï 

rt     <î     s 
^    i^    iA 


.a 


W3 

ri  w 

'3    "' 


°3 
1 


a 


H     H 


a 
o 


Z 


"2 


-1 


o 


"2 


'jO 

c 

r3 

Oi 

-Q   O) 

il 

■Sa 

ïCJ    CJ 

s '-s 

3  3 

M'3 

-Û      ^ 

«S. 

^x- 

t-- 

1 


K 


vl,       O) 


o 
S 

•M 


ce 

■< 

•w 

55 


^ 

T) 

OJ 

■cj-a 

"^ 

S 

« 

ï-4 

;r 

:=- 

t^ 

'O) 

r. 

s 

i- 

HHH 

tf  < 

s 

^^b^ 

^ 

d 

-o 

2 

O) 

Trï 

o 

•g 

c^ 

r; 

o 

e^ 

^ 

u 

W 

w 


T3 


W     W 


■«-a 

Xi 

^ 

â 

«3 

S 

3 

Xi 

(^ 

tj 

OJ 

C3 

<D 

-^ 

<: 

M 

^ 

3    w 


pi    PS 

H      H 


li 

ts  o 


o 


Ut  *a> 
—  o 

""  5 


'tb 


S 


2Ul 
A  propos  de  ces  observations,  M.  Charcol  présente  les  remarques 
suivantes  :  «  Si  Ton  prend  37", 2  pour  type  de  l'état  physiologique,  ou 
remarquera  que  dans  tous  les  cas,  sauf  un  seul,  le  septième,  et  dans 
toutes  les  expériences  la  clialeur  centrale  mesurée  par  l'introduction 
du  thermomètre  dans  le  rectum,  était  sensiblement  augmentée,  ou 
tout  au  moins  ne  descendait  pas  au-dessous  du  taux  normal.  Le 
chiffre  36°,2  observé  dans  le  cas  exceptionnel  n*  7,  est  un  chiffre 
minimum  qui  peut  se  rencontrer—  bien  qu'assez  rarement  toutefois, 
—  chez  les  vieillards  dans  les  conditions  physiologiques. 

«  On  voit  par  les  observations  3,  4,  6,  que  des  chiffres  assez  élevés, 
tels  que  37°, 8,  38°,  38", 4,  ont  été  obtenus  dans  le  temps  même  où  les 
symptômes  d'algidité  et  la  cyanose  cholériques  étaient  le  plus  pro- 
noncés. Il  est  bon  de  noter  que  les  cas  dont  il  s'agit  étaient  des  plus 
graves,  et  se  sont  rapidement  terminés  par  la  mort. 

«  L'observation  n"  2  doit  être  considérée  à  part.  Un  chiffre  très-élevé 
40°, 8  a  été  noté  dans  une  expérience  faite  cinq  heures  avant  la  mort. 
Une  heure  après  la  mort  la  température  rectale  était  descendue  à  40". 
L'examen  nécroscopique  a  démontré  qu'il  n'existait  chez  ce  sujet 
aucune  complication  inflammatoire  pouvant  expliquer  l'élévation  de 
la  température.  Ce  fait  peut  être  rapproché  de  ceux  qu'a  signalés 
M.  Doyère  lors  de  l'épidémie  de  1854  {Mémoires  des  savants  élrangcrs 
à  Clnsiilui).  Il  démontre  comme  ceux-ci  que  dans  le  choléra,  —  et 
pareille  chose  s'observe  également  dans  des  affections  d'un  tout  autre 
ordre,  —  la  température  s'élève  quelquefois  d'une  manière  très-re- 
marquable aux  approches  de  la  terminaison  fatale. 

«  Les  observations  1,  8,  9  sont  relatives  à  des  malades  dont  la 
température  a  été  examinée  pendant  la  période  de  réaction  (réaction 
typhoïde).  L'algidité  était  à  peine  prononcée  ou  même  la  peau  était 
chaude.  Le  chiffre  maximum  a  été  39°, 6  (obs.  9,  et  dans  ce  cas  la 
maladie  s'est  terminée  par  la  guérison),  le  chiffre  minimum  37°, 6. 

«  Dans  les  cas  5,  6,  8,  la  température  de  l'aisselle  et  celle  du  rec- 
tum ont  été  prises  comparativement.  Celle-ci  a  été  de  37°,  37*, 8  (cas 
n*  5),  37°, 8  (cas  n°  6),  37°, 6  (cas  n°  8),  tandis  que  les  chiffres  corres- 
pondants fournis  par  l'examen  du  rectum  étaient  38", 6,  37", 8  (diffé- 
rence d'un  degré,  cas  n"  5),  36°,2  (différence  de  plus  d'un  degré  cas 
n°  6),  35°,8  (différence  de  près  de  2  degrés,  cas  n"  8).  Il  résulte  de 
tout  cela  que  la  thermométrie  rectale  doit  être,  dans  ce  genre  de 
recherches,  préférée  de  beaucoup  à  la  thermométrie  de  l'aisselle, 


202 
puisqu'elle  accuse  plus  exactement  que  celle-ci  la  température  des 
parties  centrales.  Plusieurs  auteurs  avaient  remarqué  déjà  que,  dans 
le  choléra,  l'examen  thermométrique  du  rectum  peut  fournir  une 
température  élevée,  alors  que  chez  le  même  individu  l'examen  de 
l'aisselle  donne  au  contraire  un  chiffre  très-inférieur  au  taux  nor- 
mal. Le  docteur  Zimmermann,  entre  autres,  a  vu  la  température  du 
rectum  s'élever,  pendant  l'algidité,  à  39°,2,  tandis  que  la  température 
de  la  bouche  était  de  33°, 4,  et  celle  de  l'aisselle  seulement  de  32°, 4 
(Deutsche  klinik,  1855). 

«  Par  suite  de  la  prompte  cessation  de  l'épidémie  à  l'hospice  de  la 
Salpêtrière,  mes  recherches  ont  dû  être  interrompues  avant  d'avoir 
été  suffisamment  multipliées.  Néanmoins  les  résultats  que  j'ai  obte- 
nus tendent  évidemment  à  confirmer  l'opinion  émise  par  plusieurs 
observateurs,  à  savoir  que  chez  les  cholériques  dans  la  période  al- 
gide  le  refroidissement  reste  superficiel  et  ne  s'étend  pas  aux  parties 
centrales. 

«Il  n'échappera  à  personne  que  d'un  autre  côté  ces  résultats  four- 
nissent un  appui  à  l'ingénieuse  Théorie  physiologique  du  choléra  pré- 
sentée par  notre  collègue  le  docteur  Marey  dans  un  des  derniers  nu- 
méros de  la  Gazette  hebdomadaire.  » 


FIN  des   MEMOIRES. 


PLANCHES. 


EXPLICATION  DES  PLANCHES. 


PLANCHE  L 


ÉTUDES    PHYSIOLOGIQUES    ET    PATHOLOGIQUES    SUR  LE    RAMOLLISSEMENT 

CÉRÉBRAL. 

(Mémoires,  page  49.) 


Fia.  I .  Reiii  de  chien  présentant  deus  infarctus  calcifiés  dont  l'un  est  entouré  par  une  col- 
lection purulente  (exp.  IX,  p.  76). 

2.  Rein  de  chien  présentant  plusieurs  infarctus  (exp.  VII,  p.  73). 

3.  Cristaux  de  sulfate  de  chaux  obtenus  en  traitant  une  préparation  de  l'infarctus  cal- 

cifié par  l'acide  sulfuriijue  (exp.  IX,  p.  77). 

4  et  5.  Coupe  faite  au  centre  de  l'infarctus  représenté  flg.  i.  La  préparation  représentée 
dans  la  6g.  4,  vue  avec  un  grossissement  plus  considérable,  a  été  traitée  par  l'acide 
acétique  :  les  tubes  sont  pilis  par  la  dissolution  du  carbonate  de  chaui  et  les  noyaux 
du  tissu  conjontti  de  nouvelle  formation  sont  devenus  plus  apparents  (eip.  IX, 
p.  76). 

6.  Rein  de  vieillard  présentant  un  ancien  infarctus  calcifié  {voy.  p.  85). 

7    Coupe  de  ce  même  infarctus. 


PI. .  I 


% 


Fié.  7. 


X 


K^.S. 


'^.^îî!'"/*'??^-. 


Pi^.4 


F14.2 


-tard  adnat  del. 


HZackerlauer  Chromolith. 


PLANCHE  II. 

RAMOLLISSEMENT  CÉRÉBRAL. 

(Mémoires,  page  49.) 


PiG.  1.  Lamelles  de  ctolestérine,  corps  granuleiiï,  granulations  graisseuses  et  gouttes  d'huile 
provenant  d'un  ulcère  athéromatenx  de  la  crosse  de  l'aorte  (obs.  XXVII,  p.  141). 

2.  Corps  granuleux  et  goiittes  d'huile  trouvés  dans  le  sang  de  l'artère  crurale  (même 

obs.). 

3.  Anévrysme  disséquant  des  capillaires  d'un  ramollissement  rouge  par  oblitération  vei- 

neuse (obs.  XXXVIII,  p.  167). 

4.  b,  6.  Anévrysmes  disséquants  des  capillaires  d'un  ramollissement  rouge  violacé 

(obs.  XXIV,  p.  137). 

7.  Artère  sylvienne,  très-athéromatense,  rétrécie  par  places  et  oblitérée  par  un  thrombus 

(obs.  XIV,  p.  119). 

8.  Artère  sylvienne  (représentée  un  peu  trop  grosse)  oblitérée  par  un  thrombus  qui  se 

prolonge  dans  ses  branches  (obs.  VIII,  p.  lOS). 

9.  Infarctus  récents  de  la  rate  d'un  chien  :  les  parties  tuméfiées  et  bleuâtres  correspon- 

dant à  des  artères  oblitérées  (eip.  XIV,  p.  188). 


^^' 


^Ȕ 


Fid.2. 


C)*',-^^ 


^^  S  é^ 


Tié.l 


TL.  II, 


si      » 


OO 


,  > 


.m 


J 


'  % 


J16.5 

0 


F13. 


yiô.4. 

0 


F16.8. 

û 


Ah 


r 


Fié. 3. 


r 


ircot  et  Cotardadnatdel. 


}jnp  .Becquet . 


■  P.LsLckerhâuer  Chromolith. 


PLANCHE  ra. 

RAMOLLISSEMENT  CÉRÉBRAL. 
(Mémoires,  page  49.) 


FiG.  1 .  Coupe  faite  dans  la  plaque  jaune  représentée  fig.  4. 

2.  Autre  préparation  traitée  par  l'acide  acétique. 

3.  Anévrysme  disséquant  des  capillaires  dans  un  ramollissement  rouge  obtenu  chez  un 

chien  (eip.  XIII,  p.  165). 

4.  Plaque  jaune  du  cerveau  obtenue  expérimentalement  chez  un  chien  (exp.  XII,  p.  116). 

5.  Ramollissement  récent  rouge,  obtenu  expérimentalement  chez  un  chien,  mort  un  jour 

après  l'injection  de  graines  de  tabac  dans  une  carotide  (bout  périphérique).  L'hémi- 
sphère malade  est  incisé  longitudinalement. 

6.  Corps  granuleux  et  granulations  graisseuses  provenant  d'un  petit  foyer  de  ramollisse- 

ment rouge  obtenu  chez  un  chien  (exp.  IX,  p.  77). 

7  et  8.  Altérations  secondaires  des  capillaires  dans  un  ramollissement  rouge  obtenu  chez 
un  chien  (exp.  XIII.  p.  165). 


0 


•*i-kF)«;'7*cir 


'ard  ad  n.\t.  del. 


Imp  Becaiiet. 


F.Lackerb&uer  ChromoJith. 


MEM. 


14 


PLANCHE  IV. 

RAMOLLISSEMENT   CÉRÉBRAL. 

(Mémoires,  page  49.) 

m.  I    Plaque  jaune  du  cerveau  d'un  vieillard,  figure  due  à  M.  le  docteur  Charcot. 

t,  3  et  4.  Altérations  des  capillaires  dans  un  ancien  loyer  de  ramollissement  observé 
chez  un  vieillard. 


/ 


•OO 


'V 


.^'■■7 


■■Vf- 


PL. IV. 

I 
I 


I 


.'9. 

?' 

1 

c 

,-^as 

"•Ht^ 


'■.;sf 


îrcot  et  Cof.ardadnai.iel. 


P.I,a.ckeThaaer  Chromolitk. 


PLANCHE  V. 

CONTRIBUTION  A  L'ÉTUDE  HISTOLOGIQUE  DES  LÉSIONS  QU'ON  RENCONTRE 
DANS  l'ARTHROPATHIE  ET  l'eNCÉPHALOPATHIE  RHUMATISMALES  AI- 
GUËS. 

(Comptes  rendus,  page  201.) 

Altérations  qui  surviennent  dans  les  cartilages  diarthrodiaui  sous  l'influence  du  rhumatisme 
articulaire  aigu. 

FiG.  I.  Premières  modifications.  —  1.  Cavité  cartilagineuse  de  la  surface  du  cartilage  à 
l'état  normal;  elle  contient  une  seule  masse  cellulaire  ou  protoplasma.— 2.  Cavité 
cartilagineuse  de  la  surface  contenant  deux  capsules  secondaires.  —  3.  Cavité 
cartilagineuse  primitive  contenant  quatre  capsules  secondaires.  —  4.  Substance 
fondamentale  segmentée.  (200  diamètres.) 

FiG.  II.  Modifications  plus  avancées  du  cartilage.  —  1.  Cavité  contenant  plusieurs  capsules 
secondaires.  —  2.  Fragment  de  la  substance  fondamentale  enlevé  horizontalement 
de  la  surface.  —  3.  Substance  fondamentale  segmentée.  (200  diamètres.) 

FiG.  III.  Altération  encore  plus  avancée  ;  la  segmentation  de  la  substance  fondamentale  est 
plus  complète.  —  i .  Lambeau  enlevé  à  la  surface  et  contenant  une  cavité  primi- 
tive dans  l'intérieur  de  laquelle  on  remarque  plusieurs  capsules  secondaires. 
(200  diamètres.) 


SYPHILIS  VISCÉRALE   ET   OSSEU.SE. 

(Comptes  rendus,  page  171.) 

FiG.  IV.  Ostéite  syphilitique  caséeuse.  —  1.  Tissu  osseux  dont  les  lamelles  sont  coupées 
d'une  manière  irrégulière  sous  l'influence  de  la  néoformation  pathologique  dans 
les  espaces  médirllaires.  —  2.  Cavité  osseuse  agrandie  contenant  trois  noyaux  ou 
cellules.  —  3.  Ostéoplaste  venant  s'ouvrir  dans  un  espace  médullaii'e.  —  4.  Cel- 
lules embryonnaires  de  la  moelle  (méduUocelles  de  Robin).  —  4'.  Ces  cellules 
deviennent  de  plus  en  plus  petites,  et  donnent  finalement  des  corpuscules  (cyto- 
blastions  de  Robin).  Séparés  les  uns  des  autres  par  une  substance  fondamentale 
dense  et  légèrement  fibrillaire.  —  5.  Vaisseaux  sanguins  perméables.  (230  dia- 
mètres.) 

FiG.  V.  Nécrose  syphilitique.  —  Canal  de  Havers  oblitéré  par  des  couches  successives 
d'oâtéoplastes,  et  de  substance  fondamentale  disposée  en  lamelles  régulières.  — 

1.  Ostéoplastes.  —  2.  Centre  du  canal  de  Havers.  (300  diamètres.) 

Fitt.  VI.  Plaque  muqueuse  de  la  vulve,  survenue  à  la  période  secondaire  ou  tertiaire,  sans 
excoriation  ni  hypertrophie  notable  des  papilles.  —  La  figure  représente  un  glo- 
mérule  de  glande  sudoripare  compris  dans  la  tumeur.  —  1.  Canal  du  glomérulo 
ayant  à  peu  près  son  diamètre  normal,  et  courbé  par  des  cellules  épithéliales.  — 

2.  Grande  cavité  irrégulière  résultant  de  l'agrandissement  de  quelques  portions 
du  tube  enroulé  et  de  la  conamunication  de  ces  portions  les  unes  avec  les  autres  ; 
les  cellules  épithéliales  sont  hypertrophiées  et  ont  subi  la  dégénérescence  grais- 
seuse. (40  diamètres.) 


PL.  Y. 


1 


Fié.l 


FiP .  2 


Fia. 3. 


1 


Fip .  5 . 


Pig.*. 


fio .  6 


-bo 


^ 


4- 


ili 


JRâTivïer  del. 


lum  Becqaet. 


P. La ckerh  suer  Mb . 


PLANCHE  VI. 

SUR  UN  CAS  DE   MONSTRE  ANIDIEN   CHEZ   L'HOMME. 

(Comptes  rendus,  page  222.) 

FiG.  1.  Représente  le  monstre  entier  avec  la  portion  du  placenta  qui  lui  est  adhérente.— En 
haut  se  voit  le  placenta  avec  ses  branches  vasculaires  ;  le  cordon  ombilical  man- 
que, de  telle  sorte  qne  le  placenta  s'insère  directement  sur  le  monstre  au  niveau 
de  cette  insertion  existent  des  poils. 

FiG.  2.  Face  opposée  du  monstre  sur  laquelle  on  remarque  une  membrane  transparente 
appliquée  par  une  de  ses  faces.  Cette  membrane  est  une  portion  de  la  membrane 
amniotique  d'un  second  fœtus. 

FiG.  3.  Le  monstre  divisé  et  disséqué  ;  au  centre  se  trouve  une  vessie  allongée  formée  par  du 
tissu  fibreux  et  contenant  une  masse  nerveuse;  autour  on  remarque  des  pièces 
osseuses  disposées  en  fer  à  cheval;  le  reste  de  la  masse  est  constitué  par  du 
tissu  connectif,  des  faisceaux  musculaires  striés  et  des  vaisseaux. 

FiG.  4.  Portion  osseuse  divisée,  dans  laquelle  on  remarque  en  haut  un  os  mince  noyé  dans 
du  tissu  fibreux;  en  bas,  une  masse  cartilagineuse  avec  deux  points  d'ossiflca- 
tion. 


PL,  VI 


\ 


tn 


%: 


Pt^.l 


Tiû.2. 


j^-'-~' 


:â 


mf" 


d^' 


Fig.3 


i 


Cormî  del. 


Imp  Becquet. 


T.Iackerha.ueT  7i'iè . 


PLANCHE  VII. 

NOTE  SUR  l'examen  MICROSCOPIQUE  DES  LÉSIONS  QUE  L'ON  OBSERVE 
DANS  l'affection  CONNUE  SOUS  LES  NOMS  DE  PÉRICAL ,  PIED  DE 
MADURA. 

(Mémoires,  page  191.) 

A.  Pied  de  Madura,  avant  l'amputation,  d'après  une  photographie  faite  à  Saint-Denis  (ile  de 

la  Réunion),  par  M.  Suiclei. 

B.  Anatomie  microscopique  du  pied  de  Madura. 

FiG.  1.  Corpuscules  d'un  blanc  jaunâtre,  polyédriques,  formés  de  pus  concret,  ayant 
jusqu'à  un  miUimètre  dans  leur  plus  grand  diamètre  qui  remplissent  les  kystes 
les  plus  volumineux  dont  est  farci  le  pied  de  Madura. 

FiG.  2.  Corpuscules  de  même  nature  que  les  précédents,  mais  plus  petits,  qui,  réunis  en 
masses  et  adhérents  par  une  ou  plusieurs  de  leurs  faces,  se  rencontrent  dans 
le  plus  grand  nombre  des  kystes. 

FiG.  3.  Fibres  à  noyaux  très-allongés  que  l'on  observe  dans  la  membrane  qui  forme  les 
parois  des  kystes. 

FiG.  4.  Plaques  épithéliales  qui  se  trouvent  en  très-grande  abondance  dans  les  liquides 
dont  les  tissus  sont  imprégnés.  Entre  ces  plaques  on  remarque  des  globules 
graisseux  qui  sont  également  très-abondants. 

FiG.  5.  Fibres  très-serrées,  s'anostomosant  souvent  entre  elles,  composant  le  tissu  lardacé 
qui  finit  par  envahir  toutes  les  parties  molles. 

FiG.  6.  a.  Plaques  épithéliales  observées  dans  un  kyste  unique  remarquable  par  son  déve- 
loppement et  l'épaisseur  de  ses  parois.  Ces  plaques  sont  plus  ou  moins  entiè- 
rement couvertes  de  petits  corpuscules  arrondis,  à  bords  très-nets,  d'un  vert 
jaunâtre.— J.  Minces  corpuscules  réunis  et  formant  de  petites  masses  arron- 
dies d'un  vert  presque  brun. 

FiG.  7.  Corpuscules  analogues  aux  précédents,  détachés  des  plaques  et  disposés  en  cha- 
pelet le  long  des  parois  fibreuses  du  kyste. 

C.  Os.  —  Scaphoïde  et  métatarsiens  provenant  du  pied  de  Madura  opéré  à  Saint-Denis.  Ces 

os  sont  remarquables  par  leur  extrême  légère  té. Comme  l'afi'ection  n'est  pas  très-ancienne, 
l'extrémité  antérieure  des  métatarsiens  est  presque  saine,  mais  on  remarque  que  les 
extrémités  postérieures  sont  creusées  de  cavités  nombreuses  qui  renfermaient  des  kystes 
tout  à  fait  semblables  à  ceux  des  parties  molles. 


PL.  VII 


"ISÊr 


.^ 


^        *^ 


A.^ 
^  '-/o^?^^ 


6 


^^  Wi^' 


'S&^.S:: 


f 


CofuereJ  deJ ,  J-èvei/Ié  Jilh 


Imp  lemercicr  S  C^ Psru 


TABLE  DES  MÉMOIRES 

DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE. 


1.  Mémoire  sur  la  démonstration  expérimentale  de  la  production  d'électricité 
propre  aux  poissons  du  genre  des  raies;  par  M.  le  docteur  Charles 
Robin 3 

a.  Observation    d'un    monstre    de    la   famille   des    pseudencéphaliens;  par 

M.  Houel 29 

3.  Sur  un  cas  de  zona  du  cou,  avec  altération  des  nerfs  du  plexus  cervical  et 

des  ganglions   correspondants    des  racines   spinales  postérieures  ;    par 
MM.  Charcot  et  Cotard 4i 

4.  Etudes  physiologiques  et  pathologiques    sur   le  ramollissement  cérébral 

(avec  quatre  planches  coloriées);  par  MM.  J.  L.  Prévost  et  J.  Cotard.    .        49 

5.  Note  sur  l'examen  microscopique  des  lésions  que  l'on  observe  dans  l'affec- 

tion connue  sous  les  noms  de  pérical,  pied  de  Madura;    par  le  docteur 

Ch.  Coquerel  (avec  une  planche) i9i 

6.  Sur  la  température  du  rectum  dans  le  choléra  asiatique;  par  M.  le  docteur 

Charcot 197 


l'IN  DE  LA  TAULE  DES  MEMOIRES. 


TABLE  ANALYTIQUE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES 


DANS  LES  COMPTES  RENDUS  ET  LES  MÉMOIRES 

DE  I.A  ISOCIÉTÉ  DE   BlOLOCilE 

POUR  l'année  1865  (1). 


A 

C.    R  M 

Affinités  de  la  classe  des  oiseaux  avec  celle  des  reptiles  vrais;  par  M.  P. 

Bert 114 

Altérations  anatomiques  de  la  pneumonie  comparées  chez  l'homme,  le 

cheval  et  le  chien;  par  MM  Cornil  et  Trasbot 132         » 

Amyloïde  (Dégénérescence)  du  tissu  cellulo-adipeux;  par  M.  Hayem.    .  I8i          » 

— Idem  du  tube  digestif;  par  M.  Hayem 191          n 

Analyse  du  glucose  dans  l'urine;  par  M.  G.  Bergeron 74          » 

Anatomie  et  classification  des  crucifères;  par  M.  Eug.  Fournier.         .13  " 

—  (Queli|ues  points  d')  du /"om  de  Bossan;  par  P.  Bert I2î          " 

Aphonie  dès  la  naissance  avec  accès  de  suffocation;  tumeur  épithéliale 

du  larynx;  par  M.  Dufoiir 6         " 

Arthropathie  et  Encépbalopathie  rhumatismales  aiguës  (Contribu- 
tion à  l'étude  histologique  del');  par  MM.  Ollivier  et  Ranvier.     .  201          » 
Ascaride  lomhricoïde  (Eventration  chez   un);  par  M.  de  Lignerolle.     .  2i9         » 
Atrophie  des  nerfs  olfactifs  et  hypertrophie  des  racines  des  nerfs  opti- 
ques; diminution  de  l'odorat;    par  M.  Prévost 37         » 

B 

Battements  du  cœur  (Forme  des)  suivant  l'état  de  la  fonction  circula- 
toire dans  la  série  animale;  par  M.  Marey I8i  » 

Blétissure  et  pourriture  des  fruits  sucrés;  par  M.  Chatin m  > 

(l)Les  pages  indiqiiées  à  la  margi»  sont  relies  des  comptes  rendus  (C.R.  etdes  mémoire  (M.i 

ir 


9  0 


a  ?  9  I 

cJ    h^*    S.J    _â 


220 
C 

C.    R.  M. 

Cachexie  cancéreuse  (Paraplégie  douloureuse  dans  la);  parM.  Charcot.  28  .. 

—idem,  thrombose  artérielle;  par  M.  Charcot 24  » 

Cancer  de  la  colonne  vertébrale  consécutif  au  cancer  du  sein  ;  par  M.  Co- 

tard i39  » 

Célotomien  voisin  du  genre  aspalasorae;  par  M.  Pelvet 7S  » 

Choléra  asiatique  (Sur  la  température  du  rectum  dans  le);  par  M.  Char- 
cot   r,  197 

Cirrhose  hypertrophique  de  cause  alcoolique  ;  par  M.  Aug.  Ollivier.    .  2to  » 
Combustions  respiratoires  (Recherches    expérimentales  sur   le   siège 

des);  par  MM.  Estor  et  Saintpierre 45  » 

Crucifères.  Anatomie  etclassification;  parM.  Eug.  Fournier 13  » 

Cysticercus  tenuicollis  chez  le  phacophorus  africanus;  par  M.  L.  Vail- 
lant   91  I) 


o 

Dégénérescence   cireuse  ou  amyloïde  généralisée,  consécutive  à   une 

pleurésie  chronique  tuberculeuse;  par  M.  Duguet i4i 

Déglution  (Nouvelles  expériences  sur  la)  au  moyen  de  l'autolaryngo- 

scope;  par  M.  Guinier. 42 

Développement.  Structure  et  fonctions  de  l'anthère;  par  M.  Chatin.  .  95 
Diagnostic  de  l'hydrocéphalie  chronique  et  du  rachitisme  au  moyen  de 

l'ophlhalmoscope;  par  M.  Bouchut 3i 

Dilatation   des   veines  el  hémorrhagie  de  la  rétine  dans  la  méningite 

tuberculeuse  et  la  phlébite  de  la  dure-mére;  par  M.  Bouchut.    .    .       3t 

E 

Encéphalopathie    el   Artbropathie  rhumatismales  aiguës  (note  his- 

tologique);  par  MM.  Ollivier  el  Ranvier 201 

Sndopéricardite   ulcéreuse  à  forme    typhoïde;    par  MM.    Duguet    et 

Hayem 5i 

Epidémie  de  Saint-Pétersbourg  1863-64;  par  Charcot 46 

Erectiles  (Expériences  sur  la  physiologie  des  tissus);  par  M.  Legros.    .  183 

Brythème  papuleux  et  noueux;  par  M.  L.  Odier 65 

—idem  (Remarques  suri');  parM.  Gubler 65 


Fève  du  Calabar  (Action  de  l'extrait  de  la)  sur  les  animaux  ;  par  M.  Jero- 

nimo  de  Mello 87 

Fou  de  Bassan  (Anatomie);  parM.  P. Bert 122 

G 

Ganglion  cervical  supérieur  (Ablation  du)  chez  les  oiseaux;  par  M.  Mi- 

chon 185 

Greffe  animale;  par  Paul  Bert 200 

Guano  de  chauve-souris;  parM.  E.   Hardy 7i 


221 
H 

C.    11.  M 

Hémorrhagie  Je  la  rétine  dans   la  méningile  tuberculeuse  et  dans  la 

phlébite  de  la  dure-mère;  par  M.  Bouchut 31         „ 

I 

Illusion  génésique  observée  sur  deux  oiseaux  de  l'ordre  des  passereaux; 

par  M.O.Larcher 167         „ 

Infarctus  calcifiés  (Note  sur  un  cas  d');  par  MM.  Cotard  et  Prévost.    .      igy         1, 

L 

Lipome  des  gencives;  par  MM.  Thomas  et  Cornil 163         » 

M 

Madura  (Pied  de);  par  M.  Coquerel „  192 

Maladie  septique  de  la  vache,  non  charbonneuse  ;  par  M.  Davaine.    .  152  » 

Molluscum  (fumeur  dite);   par  M.  Houel 11  „ 

ÏWonstre  anidien  chez  l'homme  ;  par  MM.  Cornil  et  Causit 222  » 

Morve.  Structure  des  granulations  morveuses  du  cheval;  parMM.Tras- 

botetCornil 21 8  » 

N 

Note  sur  une  pièce  d'anatomie  pathologique  du  maxillaire  inférieur; 

par  MM.  H.  Duraont  et  Magitot 129         „ 

o 

Olfactifs  (Atrophie  des)  avec  diminution  de  l'odorat;  par  M.  Prévost.    .        37         » 
Ovaire  (Atrophie  congénitale  de  !')  chez  une  poule;  principe  du  balan- 
cement des  organes;  par  Davaine 156         » 

Ovaires  (Maladies  des)  avec   ascite  chez  la  dorade  de  la  Chine;  par 

M.  Davaine 186         » 

P 

Paralysie  infantile,  lésion  des  muscles  et  de  la  moelle;  par  M.  Prévost.  215  « 

Paraplégie  douloureuse  dans  la  cachexie  cancéreuse;  par  M.  Charcot.  28  » 
Pérical  ou  pied  de  Madura  (Note  sur  l'examen  microscopique  des  lé- 
sions que  l'on  observe  dans  l'afTeclion  connue  sous  les  noms  de); 

par  Coquerel >,  192 

Péricarde  (Productions  polypeuses  du)  chez  un  enfant  de  4  ans;   par 

M.Bouchard 130  » 

Phènique  (Acidej,  son  action  sur  le  curare  et  la  strychnine;  par  Paul 

Bert 155  » 

Polypeuses  (Productions)  du  péricarde  chez  un  enfant  de  4  ans;  par 

M.Bouchard 130  » 

— d'électricité  propre  aux  poissons  du  genre  des  raies;  par  M.  Robin.     .  »  1 

Propagation  du  courant  électrique;  par  M.  Guillemin 35  » 

Pseudencéphalien  (Observation  d'un  monstre);  par  M.  Ilouel.     ...  »  29 

Pustule  maligne  (Observation  de);  par  M.  Féréol 1G4  « 


222 
R 

e.  R.  tu. 
Ramollissement  cérébral  (Eludes  physiologiques  et  pathologiques  sur 

le);  par  MM.  Prévost  et  Cotard »         49 

— du  lobe  antérieur   droit  du  cerveau  et  de  la  troisième  circonvolution 

frontale  correspondante  sans  aphasie;  par  M.  Bouchard i  » 

Rupture  spontanée  des  muscles  droits  de  l'abdomen  dans  un  cas  de 

fièvre  typhoïde;  par  le  docteur  Benj.  Bail 2         » 

S 

Sels  d'argent  (Phénomènes  toxiques  déterminés  par  l'injection  des)  dans 

le  torrent  circulatoire;    par  M.   Benj.   Bail 4         » 

Sucre  dans  la  betterave  et  le  topinambour;  par  M.  Chatin 93         » 

Syphilis  viscérale  et  osseuse;  recherches  anatomiques;  par  M.  L.  Ban- 

vier , 171         » 


Température  du  rectum  dans  le  choléra  asiatique;  par  M.  Charcot.    .     .  »  I97 

Thrombose  artérielle  dans  la  cachexie  cancéreuse;  par  M.  Charcot.    .    .  24  • 

Tumeur  épithéliale  du  larynx;  par  M.  Dufour 6  » 

— intrapelvienne  par  h^  .lergenése  de  la  substance  grise  de  la  moelle  épi- 

nière  chez  un  nouveau-né;  par  MM.  Depaul  et  Robin 27  u 

—à  myélocytes  de  la  queue  de  cheval  et  dégénération   secondaire   des 

cordons  postérieurs  de  la  moelle;  par  MM.  Cornil  et  Martineau     .    .  »8  » 

U 

Utérine  (Membrnne  muqueuse)  semblable  à  une  caduque  menstruelle; 

par  M.  Davaine 161         » 

V 

Venins  (Etude  des);   par  P.  Bert 132  » 

Vessie  natatoire  (Influence  de  la  section  du   grand  sympathique  sur  la 

composition  de  l'air  delà);  par  M.  Armand  Moreau >  .  21  « 

— préputiale  du  porc;  par  Raimond 125  » 

Z 

7ona  du  cou;  par  MM.  Charcot  et  Cotard »         4i 


FIN  DE  LA  TABLE  ANALYTIQUE. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

PAR  NOMS  L'AIJTEURS. 


B 

e.  R        n. 

Benj.    Ball Phénomènes  toxiques  déterminés  par  l'injection  di- 

directe  des  sels  d'argent  dans  le  torrent  circula- 
toire          4         » 

—  Rupture  des  muscles  droits  de  l'abdomen  dans  un 

cas  de  fièvre  typhoïde .    .  2  » 

Bergeron  (G.)-  •  ■  Procédé  d'analyse  du  glycose  dans  l'urine 74  » 

Bert    (Paul).  .  .  .  Sur  les  affinités  delà  classe  des  oiseaux  avec  celle 

des  reptiles  vrais m  » 

—  Contribution  à  l'étude  des  venins.    ......  i36  » 

—  Greffe   animale 200  » 

—  Sur  quelques  points  de  l'analomie  du  fou  de  Bassan.  122  » 

—  Action  de  l'acide  phénique  sur  le  curare  et  la  strych- 

nine  15S         » 

Bouchard Ramollissement  du  lobe  antérieur  droit  du  cerveau 

el  notamment  de  la  troisième  circonvolution  fron- 
tale correspondante  sans  aphasie 1         » 

—  Productions  polypeusesdu  péricarde  chez  un  enfant 

de  4  ans i3u         » 

BoucHi'T Delà  dilatation  des  veines  de  la  rétine  et  de  l'hémor- 

rhagie  de  la  rétine  dans  les  cas  de  méningite  tu- 
berculeuse et  de  phlébite  des  sinus  de  la  dure- 
mère 31         »> 

—  Diagnostic  différentiel  de  l'hydrocéphalie  chronique 

et  du  rachitisme  au  moyen  de  l'ophlbalmoscope.    .       3i         » 


Causit Yoy.  Cornil. 

Charcot Epidémie  de  Saint-Pétersbourg  1863-1864 46  « 

—  Paraplégie  douloureuse  dans  la  cachexie  cancéreuse.  28  » 

—  Thrombose  artérielle  dans  la  cachexie  cancéreuse.    .  24  » 

—  Température  du  rectttm  dans  le  choléra  asiatique.    .  >>  197 
—  el  COTARD.  .  .  .  Zona  du  cou »  4i 


224 

C.   R.  M. 

Chatin Blélissure  et  pourriture  des  fruits  sucrés m         » 

—  Développement,  structure  et  fonctions  des  tissus  de   * 

l'antbére 95  » 

—  Du  sucre  dans  la  betterave  et  le  topinambour.    .    .  93  » 

CoQDEREL Pérical  ou  pied  de  Madura »  192 

CORNiL  et  Causit.  .  Monstre  anidien  chez  l'homme  (Observation  d'un)    .  222  » 

—  et  Martineac.  .  Tumeur  à  myélocytes  des  nerfs  de  la  queue  de  che- 

val; dégénération  secondaire  des  cordons  posté- 
rieurs de  la  moelle  épinière 88         « 

—  et  Thomas.    .  .  .  Lipome  des  gencives 163         » 

—  et  Trasbot.  .  .  .  Etudes  sur  les  altérations  anatomiques  de  la  pneu- 

monie chez  le  cheval  et  chez  le  chien,  comparées  à 

celles  de  la  pneumonie  chez  l'homme i32         » 

—  Morve;  note  sur  la  structure  des  granulations  mor- 

veuses du  cheval 2i8         » 

CoTARD Cancer  (Observation  de)  de  la   colonne   vertébrale 

consécutif  au  cancer  du  sein J39         » 

—  et  Prévost.  .  .  .  Infarctus  calcifiés 199         • 

—  To?/.  Charcot. 

D 

Davaine Atrophie   congénitale  de  l'ovaire  chez  une   poule; 

principe  du  balancement  des  organes 156         » 

—  Expériences  sur  une  maladie  septique  de  la  vache 

regardée  à  tort  comme  étant  de  nature  charbon- 
neuse  152         8 

—  Maladie  des  ovaires  avec  ascite  chez  la  dorade  de  la 

Chine 186         » 

—  Membrane  muqueuse  utérine  semblable  à  une  cadu- 

que expulsée  pendant  la  menstruation lei  » 

Depaul  et  Robin  .  .  Tumeurintrapelviennedela  région  sacro-coccygienne 

formée  par  hypergenése  de  la  substance  grise  de  la 

moelle  épinière  chez  un  nouveau-né 27  > 

DuFOUR Aphonie  dès  la  naissance  avec  accès  de  sufTocation  ; 

tumeur   épithéliale  du    larynx 6  » 

DuGUET  et  Hayem.  .  Endopéricardile  ulcéreuse  à  forme  typhoïde.    ...  51  » 

—  Dégénérescence  amyloïde  généralisée 141  » 

DuMONT  (H.)  ....  Note  sur  une  pièce  d'anatomie  pathologique  du  maxil-  129  « 

laire  inférieur 129  » 

E 

EsTOR  et  Saintpierre.  Recherches  expérimentales  sur  le  siège  des  com- 
bustions respiratoires.    .    , 45         » 

F 

Féréol Pustule  maligne  (Observation  de) 164         ■ 

F0URNIER  (Eug.).  .  Anatoniie  et  classification  des  crucifères 13         » 

G 

GuBLBR Remarques  sur  l'érythéme  papuleux  et  noueux  dans 


22f) 

le  rhumatisme 68  » 

GuiLLEMiN Propaiîalion  du  courant  électrique 35  « 

GuiNiEK Nouvelles  expériences  sur  la  déglutition  au  moyen  de 

l'autolaryngoscopie 42  » 

H 

Hardy  (E.) Guano  de  chauve-souris 71  » 

HAYiiU Ainyloïde  (Dégénérescence)  du  tissu  cellulo-adipeux.  i8i  » 

—  Dégénérescence  amyloïde;  examen  microscopique.    .  i49  « 

—  Dégénérescence  amyloïde  du  tube  digestif.    ...  i9i  » 
HouEL Pseudencéphalien  (Observation   d'un  monstre).    .    .  »  29 

—  Tumeur  du  derme  dite  à  tort  molluscum a  » 


Jeronimo  de  Mello.  Action  de  l'extrait  de  la  fève  de  Calabar  sur  les  ani- 
maux         87 


Larcher  (0.).  .  .  .  Illusion  génésique  (Note  sur  un  cas  d')  observée  sur 

deux  oiseaux  de  l'ordre  des  passereaux.    ....  167 

Legros Expériences  sur  la  physiologie  des  tissus  érectiles.    .  183 

LiGNEROLLE  (de).  .  Eveniration  chez  un  ascaride  lombricoïde 210 

M 

Marey Forme  des    battements  du  cœur   suivant   l'état  de 

fonction  circulatoire  dans  la  série  animale.     .     .      18I 

Martineau Voy.  Cornil. 

.MicHON ,  Ablation  du  ganglion  cervical  supérieur  chez  les  oi- 
seaux  185 

MOREAU  (Armand).  Influence  de  la  section  du  grand  sympathique  sur  la 

composition  de  l'air  de  la  vessie  natatoire.    ...        2i 

o 

Odier  (Louis).  .  .  .  Erylhème  papuleux  et  noueux 65 

Ollivier  et  Ranvier.  Cirrhose  hypertrophique 210 

—  Contribution  à  l'étude  histologique  des  lésions  de 
larthropathie  et  de  l'encéphalopathie  rhumatisma- 
les aiguës 201 


Pelvet Note  sur  un  fœtus  célosomien,  voisin  du  genre  aspa- 

lasome. 75         » 

Prévost Atrophie  des  nerfs  olfactifs  et  hypertrophie  des  nerfs 

optiques  avec  diminution  manifeste  de  l'odorat.     .        37  » 

-  Paralysie  infantile   avec  lésion  de  la  moelle  et  des 

muscles 215         » 

—  et  Cota  1.0.    .  .  .  Etudes  physiologiques  et  anatomiques  sur  le  ramol- 
lissement cérébral »        4y 

—  Voy.  Cotard, 

MÉM.  15 


226 

C.    I 

R 

Raimond Note  sur  la  vessie  prépuliale  du  porc 125 

Ranvier  (L.).  ■     .  Recherches  analomiques  dans  un  cas  de  syphilis  vis- 
cérale et  osseuse m 

Robin  (Charles).  .  .  Production  d'e7ec<r«ci7é  propre  aux  poissons  du  genre 

des  raies » 


Saintpierre Voy.  Ester. 


Thomas Voy.  Cornil. 

Trasboi Voy.  Cornil 


Vaillant  (Léon).  .  Du  cysticercus  tenuicollis  chez  le  phacophorus  afri- 

canus ,       91 


l'IN   DES   TABLES. 


LISTE  DES  OUVRAGES 

OFFESiTS  A  liA  SOCIÉTÉ  DE  BIOLOGIE. 

1865. 


A 

Annuaire  de  l'Académie  royale  de  médecine  de  Belgique.  1864. 

6 

Bulletin  de  l'Académie  royale  de  médecine  de  Belgique.  1864. 

Bulletin  de  l'Académie  des  sciences  de  Paris. 

Bulletin  de  la  Société  anatomique  de  Paris.  1864. 

Bulletin  de  la  Société  de  chirurgie  de  Paris. 

Bulletin  de  l'Académie  des  sciences  d'Amsterdam. 

Bulletin  de  la  Société  médicale  de  l'Aube. 

Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris. 

Bulletin  de  la  Société  médicale  d'Angers. 

Bulletin  de  l'Institut  national  genevois. 

Bulletin  de  la  Société  impériale  des  naturalistes  de  Moscou. 

Bulletin  de  la  Société  botanique  de  France. 

Bulletin  de  la  Société  médicale  d'émulation,  envoyé  par  M.  le  ministre 

de  l'Instruction  publique. 
Bulletin  de  la  Société  impériale  de  médecine  de  Marseille,  envoyé  par 

M.  le  ministre  de  l'Instruction  publique. 
Bulletin  médical  du  nord  de  la  France. 
Bulletin  de  la  Société  médicale  de  Paris. 

C 

Caron Des  causes  de  la  mortalité  des  enfants   dans 

les  villes  de  fabrique  et  des  moyens  d'y  re- 
médier. Brochure. 
id.  Introduction  à  la  puériculture.  Brochure. 

CnRNiL Lésions  anatomiques  du    rein  dans  lalbumi 

nurie.  Brochure. 
id.  Anatomie  pathologique  des  diverses  espèces 

de  pneumonie  aiguë  et  chronique.  Brochure. 


228 

D 

Delmas De  la  pulvérisation,  examen  des  débals  de  la 

méthode  de  M.  Sales-Girons.  Brochure. 
id.  Six  observations  d'ataxie  locomotrice.  Bro- 

chure. 

E 

EsTOR Des  lésions  diffuses.  Brochure. 

ici.  De  la  diurèse.  Brochure. 

id.  Physiologie     pathologique  de   l'inflammation 

diffuse  et  de  l'infection  purulente. 
id.  Sur  la  nature  de  l'héméralopie. 

F 

FouRNiER Recherches  anatomiques  et  taxonomiques  sur 

la  famille  des  crucifères  et  sur  le  genre  Si- 
symbrium  en  particulier. 

G 

Gazette  médicale  de  Paris  (1865). 

GuiLLEMix Recherches  expérimentales  sur  la  transmission 

des  signaux  télégraphiques. 
id.  Réponse  aux  observations  de  M.  Gonnelle. 

GuiLLON Sur  l'eau  de  la  Banche.  Brochure. 

H 

HiRscHFELD Traité  d'Anatomie  du  système  nerveux.  Nou- 
velle édition. 

J 

Jacquart Mémoire  sur  les  muscles  de  la  déglutition  chez 

les  ophidiens. 
id.  De  la  valeur  de  l'os  épactal  ou  partie  supé- 

rieure de  l'écaillé  occipitale  restée  distincte, 
comme  caractère  de  race  en  anthropologie. 
Brochure. 

L 

Lambron Etudes  expérimentales  sur  le  dégagement  d'é- 
lectricité dans  les  eaux  sulfureuses  de  Ba- 
iinères  de  Luchon. 


229 

Lebret Mémoire  sur  l'emploi  et  la  contre-indication 

des  eaux  sulfureuses  dans  le  traitement  des 
ulcères  et  des  plaies  anciennes.  Brochure. 

l.EUDET Etude  clinique  des  troubles  nerveux  périphé- 
riques vaso-moteurs  dans  le  cours  des  ma- 
ladies chroniques. 
id.  Recherches  sur  les  troubles  nerveux  périphé- 

riques, et  surtout  des  nerfs  vaso-moteurs 
consécutifs  à  l'asphyxie  par  la  vapeur  do 
charbon. 

M 

Magitot Note  sur  deux  cas  de  réimplantation  des  dents, 

Marey.  .<, Etudes  physiologiques  sur  les  caractères  gra- 
phiques des  battements  du  cœur  et  des 
mouvements  respiratoires,  et  sur  les  diffé- 
rentes influences  qui  les  modifient. 

R 

Ranvier Sur  quelques  points  du  développement  et  les 

altérations  élémentaires  du  tissu  osseux. 
Robert Note  sur  les  eaux  thermales  de  Schinznach. 

S 

Saintpierre Recherches  expérimentales  sur  les  causes  de 

la  coloration  rouge  des  tissus  enflammés. 
id.  Sur  un  appareil  propre  aux  analyses  des  gaz 

du  sang. 
id.  Expériences  propres  à  faire  connaître  le  mo- 

ment où  fonctionne  la  rate. 
id.  Sur  le  siège  des  combustions  respiratoires. 

Sandras Etudes  sur  la  digestion  et  l'alimentation. 


FliN. 

I 

/ 


ERRATA. 

1°  Comptes  rendus,  p.  171.  Recherches  analomiques  sur  un  cas  de 
syphilis  viscérale  et  osseuse.  Voyez  planche  V. 

2*  Comptes  rendus,  p.  192,  ligne  37;  au  lieu  de  quarante  autopsies, 
lisez  vingt. 


'f^ 


ViMit; 


lii;!u 


'U 


:!;m;1'  h; 


::;:N';:i'.;.';ii'ii;ii-:!!;;Mi'i;;!i|'ii 


1 
1 

■ 

■ 

■'i' 


':-:'!'! 


;;(Mi;;!i!' 


1  ■  ;  i  : 


0■•-';'^:;:l.';^^;:':'':^-!■Ui^;i:!:;;h^i::iï;iijiHi 


UhMMilM' 


;i^';'^i•■^4:^:/:■iii■^^^iM;|;i;i:,i'■;):■ 

^    1    ^   t  j^^^^^^l 

^^^^1 

^H 

Tifl^^^^l 

^^^1 

^M 

/  j  '  , 

'ni 

i.vt 

liiii 

^^1 

H 

^'>  i:';':;M';M::;.;:;,;'i:l';'ïM;i!;'i:;;^i; 


I     >      ■     i 


'  i.  !■  '  î  ;  '  ' 


•  M  :  !