COMPTES RENDUS DES SÉANCES
ET
MEMOIRES
LUS
A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDAI^T L'ANNEE 1865.
a
ïaris. — Imprimé par Ë. Thunot et G*, rue Racine. 2«.
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
ET
MÉMOIRES
DE IK
t r
SOCIETE DE BIOLOGIE.
TOME DEUXIÈME DE LA QUATRIÈME SÉRIE
ANNEE 1865
DIX-SEPTIÈME DE LA COLLECTION.
=»)— =>o«
PARIS
J.-B. BAILLIÈRE et FILS,
LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECINE
19, rue Haulefeuille.
LONDRES, I NEW-YORK,
Hippolyte Bailliére, 219, Regent-Street. 1 Baillière Brothers, 440, Broadway.
Madrid. C. BailIy.Baillière > plaza del Principe Alfonso, IS.
1866
o -^7^
LISTE
DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE,
EN 1865.
COMPOSITION DU BUREAU.
Président perpétuel. M. Rayer.
«. ...... (M. Jacquart.
TIce-presidents. ... < ,, ^
( M. Luys.
M. Dumontpallier.
secrétaires ) ^- Laborde.
M. Leven.
M. L. Vaillant.
Trésorier M. Gallois.
Archiviste M. Fournier (Eug.)
MEMBRES HONORAIRES.
MM. Andral.
Becquerel.
Bernard (Claude).
Bouillaud.
Chevreul.
Coste.
Dumas.
Flourens.
MM. Littré.
Milne Edwards.
De Quatrefages.
Serres.
Velpeau.
N...
N...
MEMBRES TITULAIRES-HONORAIRES (1865-66).
MM. Bernard (Charles).
Berthelot.
Blot.
Bouchut.
MM. Bouley (Henri).
Bourguignon.
Broca.
Charcot.
VI
MM. Davaine.
MM. LeBret.
Depaul.
Leconte.
FoUin.
Lorain.
Giraldès.
Lùys.
&oubaux.
Regnauld.
Houel.
Sappey.
Jacquart (Henri).
Verneuil.
Laboulbène.
Vulpian.
Leblanc (C).
MEMBRES TITULAIRES.
MM. Balbiani.
MM. Leven.
Bail.
Le Gendre.
Bastien.
Liégeois.
Bergeron.
Magitot.
Bert (Paul).
Marey.
Bouchard.
Martin-Magron.
Chatin.
Michon.
Cornil.
Milne Edwards (Alphonse).
Dumontpàllief.
Moreau (Armand).
Fournier (Eugène).
OUivier.
Gallois.
Ordonez.
Gubler.
Rayer.
Guillemin.
Robin (Charles).
Hardy.
Soubeiran (J. L.).
Hillairet.
Vaillant (Léon).
Laborde.
Vidal (E.).
Lancereaux.
•
Membres associés.
MM. Agassiz.
Baer (de).
Bennett (Hughes).
Ehrenberg.
Gurlt (Ernst-Friedrich).
Huss (Magnus).
Jones (Bence).
Lebert (H.).
Liebig (Justus).
Mohl (Hugo von).
MM. Owen (Richard).
Paget (James).
Panizza (Bartolomeo).
Pouchet père.
Purkinje.
Schwann.
Siebold.
Sédillot.
Valentin.
VII
MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX.
MM. Beylard ....;;.;;.■;...... à Paris.
Blondlot ,."..';..-.; à Nancy.
Brown Séquard à Londres.
Chaussât .....::.;;.;.... à Aubusson.
Chauveau. . .. .iiii:.i . .., à Lyon.
Coquerel (Chàrlèâ") à l'île Bourbon.
Courty à Montpellier.
Dareste à Lille.
Desgranges à Lyon.
Deslongchamps à Caen.
Dufour (Gustave), i à Rome.
Dugès aîné. ...;;.;.;..... au Mexique.
Duplay .;.... à Paris.
Ebrard nïiiïi à Bourg.
Faivre (E.)i . ; i ; i . s '. : . . ; . . à Lyon.
Germain dé Sàitlt-Pi'èrre.. à Nice.
Gosselin à Paris,
Guérin (Jules) à Paris.
Ehrmann à Strasbourg.
Huette . . . . : : .° .' ; . i . ; à Montargis.
Jobert (de LâiftBâife) à Paris.
Lecadre au Havre.
Leroy de Méricourt à Brest.
Leudet (Emile) à Rouen.
Martins (Charles) à Montpellier.
Ollier i à Lyon.
Rouget ; ; ; î .- ; à Montpellier.
Stoltz à Strasbourg.
MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS.
Grande - isrctagne .
MM. Berkeley (M. J.) à Kings-Cliff.
Bowman (W.) à Londres.
Carpenter (W. B.) à Londres.
Goodsir (John) à Edimbourg.
Grant (R. E.) à Londres.
Jacob (A.) à Dublin.
Jones (Wharton). ...;..;;. à Londres.
Maclise à Londres.
Marcel à Londres.
^V^
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L ! B ' ■ A H Y :
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VIII
MM, Nunneley à Leeds.
Qaekett à Londres.
Redfern à Aberdeen.
Sharpey à Londres.
Simon (John) à Londres.
Simpson à Edimbourg.
Thomson (Allen) à Glasgow.
Toynbee à Londres.
Waller à Londres.
Williamson à Londres.
Allemagne.
MM. Bischoff à Munich.
Briicke (Ernst) à Vienne.
Carus (V.) à Leipzig.
Dubois-Reymond à Berlin.
Henle à Gœttingue.
Hering à Stuttgardt.
Ilirschfeld (Ludovic) à Varsovie.
HofFmeisler. à Leipzig.
Hyrtl à Vienne.
Kœlliker à Wïirzbourg.
Ludwig à Vienne.
Mayer à Bonn.
Meckel (Albert) à Halle.
Rokitansky à Vienne.
Stannius à Rostock.
Stilling à Cassel.
Virchow à Berlin.
Weber (Wilhelm-Eduard).. à Leipzig.
Weber (Ernst-Heinrich).. . à Leipzig.
Belgique.
MM. Gluge à Bruxelles.
Spring à Liège.
Thiernesse à Bruxelles.
Danemark.
M. Hannover à Copenhague.
«uède.
M. Santesson . à Stockholm.
IX
Hollande.
MM. Donders à Utrecht,
Hartig à Utrecht.
Van der Hœven à Leyde.
Saisse.
MM. Duby à Genève.
Miescher à Bâle.
Italie.
MM. Martini à Naples.
Vella , , . . à Turin.
Portugal.
M. De Mello , . à Lisbonne.
États-Unis.
MM. Bigelow (Henry J.) à Boston.
Draper à New-York.
Leidy (Joseph). à Philadelphie.
Brésil.
M. Abbott à Bahia.
COMPTES RENDUS
DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE
PENDANT L'ANNEE 1865.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
pendant le mois de janvier 1865;
Par m. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire.
PRESIDMCE m M. RMEK.
I. — ANATOMIE et PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
Ramollissement du lobe antérieur droit, et notamment de toute la troi-
sième CIRCONVOLUTION FRONTALE DROITE SANS APHASIE; par M. BoiT.lIARD,
interne des hôpitaux.
Egris (Valentine-Tliérèse), âgée de 77 ans, entre à la Salpêtrière le
21 d^^cembre 1864, sortant de la Pitié, service de M. Marrotte, où elle
était restée trois mois.
VinteUigence et la mémoire paraissent remarquablement intactes.
La malade dit (ju'il y a trois mois environ elle a été frappée d'hémiplé-
gie complète gauche; elle est lombée sans connaissance et est restée
dans cet état pendant neuf heures. On l'a transportée à la Pitié, où elle
est restée depuis. La parole, gênée d abord, est bientôt revenue.
Pendant son séjour à la Pitié, ses membres inférieurs et son bras
C. R. 1
2
gauche se sont considérablement tuméfiés; ils présentent encore au-
jourd'hui une enflure œdémateuse. Ce symptôme a été précédé par une
diarrhée qui persiste encore.
Depuis un mois, la malade ne retient plus les garde-robes ni les
urines; elle a une plaque gangreneuse au niveau du sacrum.
Elle ne présente pas d'embarras de la parole, pas d oubli ni de
substitution de mots dans le discours.
La malade est prise, dans la salle, de pneumonie, et succombe le
3 janvier 1865 à trois heures de l'apres-midi.
A I'autopsie, on trouve les lésions suivantes :
Liquide sous-arachnoïdien en quantité considérable, ramollissement
jaune très-étendu de la face externe du lobe frontal du côté droit, avec
atrophie presque complète des circonvolutions. Ce ramollissement porte
sur la circonvolution marginale antérieure, sur la deuxième et la troi-
sième circonvolution frontale, qui sont complètement détruites, et sur
la partie supérieure du lobule de l'insula.
On trouve au microscope, dans les parties malades, de nombreux
corpuscules granuleux, une substance intercellulaire riche en granula-
tions graisseuses, et la plupart des vaisseaux athéromateux.
Rien dans l'hémisphère gauche ; pas de lésions des parties centrales;
rien dans les corps striés ni dans les couches optiques ; rien dans les
ventricules.
Les pédoncules cérébraux présentent une différence de volume et de
coloration d'un côté à l'autre. Le pédoncule droit est notablement plus
petit que celui du côté gauche, et offre une teinte grisâtre. On trouve
dans les interstices des éléments nerveux un certain nombre de corps
granuleux.
La protubérance annulaire est aplatie du même côté, ainsi que la
pyramide antérieure du bulbe qui diffère de la pyramide gauche autant
par sa pel'tesse que par sa teinte grisâtre, analogue à celle du pédon-
cule, et (il e également à la présence des corps granuleux.
La partie supérieure de la moelle, seule examinée, présente une di-
minution de volume de la partie latérale gauche portant spécialement
sur les faisceaux antéro-latéraux.
II. — Anatomie pathologique.
RUPTORE SPONTANÉE DES MUSCLES DROrfS DANS UN CAS DE FIÈVRE TYPHOÏDE;
par le docteur Benj. Ball.
Un homme âgé de 35 ans, exerçant la profession de tailleur de pierres,
est entré le 12 janvier 1865 dans le service de M. le professeur Piorry.
Après un espace de douze jours, ce malade, qui avait présenté lessymp-
3
tomes d'une fièvre typhoïde bien caractérisée (prostration, stupeur,
carpliolcgie, selles abondantes, jaunâtres et fétides, taches lenticu-
laires, etc.), a succombé aux progrès de cette maladie. Il est mort le
24 janvier, à sept heures du matin, sans avoir éprouvé d'accidents con-
vulsifs et sans avoir jamais accusé la moindre douleur au niveau des
muscles droits de l'abdomen.
L'autopsie eut lieu le lendemain, vingt-quatre heures après la mort,
par un temps froid et humide. Le cadavre ne présentait point de traces
de putréfaction.
En pratiquant une incision circulaire à la surface de l'abdomen pour
mettre à nu les viscères contenus dans cette cavité, je fus frappé de
l'apparence singulière que présentait, à sa face postérieure, le mu?cle
droit de l'abdomen, du côté gauche. Au-dessous du péritoine qui revêt
la surface musculaire, on apercevait très-nettement une perte de sub-
stance, offrant une étendue de deux travers de doigt, au beau milieu du
muscle. Cette particularité ayant attiré mon attention, la paroi anté-
rieure du ventre fut enlevée et disséquée avec soin.
Le muscle droit, du côté gauche, présentait vers le milieu de sa lon-
gueur une solution de continuité presque complète. Les faisceaux mus-
culaires rompus se terminaient par des prolongements mousses et ar-
rondis, placés les uns en regard des autres, mais d'une façon très-irré-
gulière. L'intervalle entre leurs extrémités était sur certains points de
2 centimètres environ; il en résultait une perte de substance qui
laissait un vide dans la g;iîne aponévrotique, dans laquelle le muscle
est contenu. A la partie antérieure et externe du muscle, la continuité
des faisceaux n'était pas interrompue : la rupture n'était donc pas com-
plète. Une ecchymose considérable existait sur ce point, et l'on trou-
vait même du sang librement épanché dans la gaîne musculaire.
Examinées au microscope, les extrémités des faisceaux interrompus
présentaient une structure granuleuse et se trouvaient infiltrées d'une
quantité considérable de globules graisseux. Les stries transversales
avaient cessé d'exisler dans une étendue de quelques millimètres. Plus
loin, le muscle reprenait sa structure normale.
Quelques déchirures analogues, mais beaucoup moins étendues, se
trouvaient sur le trajet du muscle opposé. Les mêmes lésions ont été
constatées au microscope.
Il me paraît inutile de rapporter ici les autres détails de l'autopsie,
qui d'ailleurs a confirmé le diagnostic porté pendant la vie.
Ce fait semble offrir quelque analogie avec les lésions musculaires
signalées par Walther dans la fièvre typho'i'de, et qui ont pour siège de
prédilection les muscles abdominalix. Notons toutefois que les lésions
signalées par Walther sont loin d'offrir itiie étendue aussi considérable
4
que celle que nous avons consLalée chez notre sujet. Ce sont plutôt des
ruptures fibrillaires que des ruptures musculaires. Ajoutons enfin que,
depuis cette époque, nous avons eu l'occasion de rencontrer, à diverses
reprises, cette même lésion chez des sujets qui avaient succombé à des
maladies complètement étrangères à l'affection typhoïde.
III. — Physiologie expérimentale.
Des phénomènes toxiques déterminés par l'injection directe des sels d ar-
gent DANS LE torrent CIRCULATOIRE; par le docteur Benj, Ball.
Dans le courant de l'année 1864 j'ai entrepris, à l'inspiration de
M. le docteur Charcot, quelques expériences physiologiques sur fac-
tion des sels d'argent. Il me serait impossible en ce moment de présenter
les conclusions de ce travail qui n'est point encore terminé. Je veux
seulement indiquer quelques-uns des résultats que j'ai obtenus par l'in-
jection directe des préparations d'argent dans les veines; ils diffèrent
à quelques égards de ceux qui ont été jusqu'à présent acceptés.
Les expériences d'Orfila, tentées exc'usivement sur des chiens, et
toujours à l'aide du nitrate d'argent, avaient conduit cet observateur
à la conclusion suivante « que le nitrate d'argent détruit immédiate-
« ment la vie en agissant sur les poumons et le système nerveux, lors-
« qu'il est injecté dans les veines des chiens à la dose d'un demi-grain
« ou de trois-quarts de grain. »
D'autres expérimentateurs, et en particulier Kramer (qui s'est servi
du nitrate d'argent et du chlorure ammoniacal pour pratiquer des in-
jections), ont admis que la mort est le résultat d'une asphyxie méca-
nique occasionnée par la sécrétion rapide d'une énorme quantité de
mucus bronchique.
Kramer ajoute que chez le cheval les choses ne se passent pas ainsi,
et que la mort paraît résulter, à la suite de ces injections, non d'une
asphyxie par écume bronchique, comme chez le chien, mais d'une dé-
composition toute spéciale du sang, ainsi que le démontrent les ecchy-
moses qu'on trouve à l'autopsie, à la surface interne du cœur, dans les
voies urinaires, et sur d'autres points. Au reste, ces animaux sont infi-
niment moins sensibles que la race canine, aux effets toxiques des sels
d'argent.
Mon but en pratiquant quelques expériences à cet égard a été de
mettre en lumière l'action toxique des sels d'argent directement mêlés
au sang, indépendamment de leur action coagulante ou chimique sur
ce liquide.
Je me suis donc servi en premier lieu, d'après les conseils de M. Char-
cot, dune disolution d'albuminate d'argent. Ce sel se dissout dans l'eau
5
dans la proportion d'un deux-centième. Il est donc facile de l'employer
en injections dans les veines. J"ai fait plus tard usage du phosphate d'ar-
gent, puis du chlorure d'argent dissous dans Ihyposulfite de soude, ce
qui donne de l'hyposulfite d'argent et du chlorure de sodium.
Voici les principaux résultats de ces diverses expériences :
Lalbuminate d'argent est de tous ces sels celui qui exerce l'action la
plus faible. Une injection de 60 grammes do la dissolution ci-dessus
indiquée, renfermant 30 centigrammes d'albuminate d'argent, pratiquée
chez un chien de moyenne taille, ne détermine la mort qu'au bout d'une
demi-heure; la mort a lieu par asphyxie grâce à une énorme sécrétion
d'un mucus bronchique écumeux, et sans accidents nerveux autres que
ceux de l'asphyxie.
L'action du phosphate et de l'hyposulfite d'argent est beaucoup plus
énergique. C'est surtout avec ce dernier agent que les effets toxiques
se manifestent promptement et avec des doses faibles. Une injection de
20 centigrammes d'hyposulfite d'argent, dissous dans 60 grammes d'eau,
amène la mort presque immédiate, sans autre phénomène que quelques
convulsions; il y a cessation brusque de la vie sans formation de ce
mucus bronchique auquel la mort a pu être attribuée dans le cas pré-
cédent.
5 centigrammes de cette même substance amènent la mort dans l'es-
pace de sept à huit minutes. On observe alors le phénomène sécrétoire
que nous venons d'indiquer; et l'auscultation fait constater des râles
humides dans toute la poitrine environ trois minutes après l'injection,
avant que le mucus se soit frayé un passage au dehors par les bronches
ou les naseaux.
Mais un phénomène constant qui se produit parallèlement avec l'as-
phyxie, et qui n'avait pas encore été signalé, est la paralysie du tronc
postérieur indiquée par l'affaiblissement rapide des pattes de derrière,
qui deviennent bientôt incapables de supporter le poids du corps ; l'a-
nimal se traîne alors avec les pattes de devant sans pouvoir agir avec
celles de derrière. La sensibilité paraît en môme temps abolie ou fort
diminuée ; on peut lui marcher sur les pattes ou sur la queue sans qu'il
manifeste aucune douleur. Bientôt l'asphyxie faisant des progrès ra-
pides, l'animal tombe sur le côté, rend des torrents de mucus par la
bouche, éprouve quelques secousses convulsives et meurt. L'expérience
a été répétée devant les membres de la Société, qui ont alors constaté
tous les phénomènes susénoncés.
A l'autopsie, je n'ai jamais trouvé d'autres lésions que l'infdtration
œdémateuse des poumons, et la présence d'un mucus écumeux et teinté
de sang dans les bronches. Point de coagulation de sang dans les cavi-
tés du cœur; point d'embolies capillaires du poumon; aucune lésion
6
appréciable de la moelle épinière. Conservation parfaite de l'irritabilité
musculaire. Au moment de l'ouverture de Tabdomen, on voit l'intestin
animé de mouvements péristaltiques très-évidents.
En affaiblissant les doses, on prolonge naturellement la durée de l'a-
gonie; enfin on peut injecter impunément de 5 milligrammes à 1 centi-
gramme d'hyposuifite d'argent dans les veines d'un chien do taille
moyenne.
L'animal, qui semble alors n'éprouver qu'un malaise passager, se
rétablit au bout de quelques heures, et ne manifeste aucun symptôme
spécial.
De l'ensemble de ces faits, qui méritent d'être confirmés et com-
plétés par des recherches ultérieures, nous croyons déjà pouvoir con-
clure :
1° Que les divers sels d'argent introduits directement dans le torrent
circulatoire ont des modes d'action fort différents.
2° Que si l'asphyxie par écume bronchique est la cause directe de la
mort, il n'en existe pas moins une action manifeste de l'agent toxique
sur le système nerveux.
3° Que l'hypersécrétion bronchique n'est elle-même qu''un phéno-
mène nerveux, probablement d'ordre réflexe; car l'analyse chimique ne
nous a point permis jusqu'ici de découvrir des traces d'argent dans le
liquide sécrété.
Ajoutons enfin, comme l'a fort bien vu Kramer, que l'action de ce
poison est loin d'être la môme dans les diverses espèces animales. Nos
expériences sur les lapins et les grenouilles nous ont donné des résul-
tats différents de ceux que nous avons obtenus chez les chiens. C'est là
ce que nous nous proposons d'exposer dans une communication ulté-
rieure.
IV. — Pathologie.
i" Aphome dès la xaissance; accès de suffocation; mort; autop.sie:
TUMEUR ÉPITDÉLIALE DANS LE LARYMX ; par M. DuFOUh.
Le 8 janvier 1864, le soir, on vint me chercher pour madame X..,.,
qui était en mal d'enfant. Lorsque j'arrivai la malade était accou-
chée depuis environ cinq minutes, l'enfant était sur le lit, et je n'avais
pas entendu par conséquent le cri qu'avait dû pousser le nouveau-né à
sa sortie du sein de sa mère.
Rien alors n'attira mon attention de ce côté, je me bornai seulement
à constater l'état de faiblesse de l'enfant qui, au dire de la mère, n'avait
que huit mois et demi. L'enfant prit le sein de sa mère qui avait déjà
nourri un premier enfant, et je perdis la petite fille de vue au mois de
février époque à laquelle je cessai mes visites.
Le 28 mars suivant, jo fus appelé de nouvoau. L'enfant présentait une
petite éruption eczémateuse autour du cou et derrière les oreilles ; elle
venait bien, était très gaie et sa santé ne m'inspira aucune crainte. Je
ne la vis ensuite que le 29 avril pour la vacciner ; sa vaccination ne
réussit pas, et elle partit à la campagne dans les environs de Paris.
Je n'avais plus entendu parler de cette petite fille depuis trois mois
lorsque son père vint me chercher pour la voir le 8 septembre 1864.
Elle avait, disait-il, un sifflement tel en respirant que depuis trois jours
il ne pouvait dormir dans la chambre qu'elle occupait.
A mon arrivée à la campagne, Tenfant se trouvait dans un jardin,
couchée dans une petite voiture; elle produisait en dormant un siffle-
ment très-fort, en même temps elle paraissait éprouver une grande
gêne en respirant. J'appris que ce sifflement persistait parfois huit ou
dix heures, qu'il était beaucoup plus fort lorsque l'enfant était contra-
riée et pleurait; malgré cette gêne énorme au moment où je la voyais,
et qui avait encore été augmentée par l'ennui que lui avait avait causé
un réveil provoqué , elle put prendre le sein et ne pas le quitter à tout
instant comme on aurait pu croire à cause de sa grande oppression. Son
visage, ses lèvres n'étaient nullement violacées, sa voix ne sortait pas
de sa poitrine, sa figure, tout en elle, faisait voir qu'elle voulait crier
et qu'elle ne le pouvait; sa bouche s'ouvrait très-largement.
L'examen de la poitrine ne révélait aucun râle, mais il y avait ceci
de très remarquable, c'est que le murmure vésiculaire était à peine
perçu, et que dans certains moments il paraissait complètement cesser.
Le cœur ne présentait rien de particulier. La percussion n offrait rien
de remarquable ; aucune matité en avant et en arrière n'était perçue de
manière à faire soupçonner l'existence de ganglions hypertrophiés pou-
vant comprimer les canaux respiratoires.
Depuis huit jours environ que le sifflement avait paru, l'enfant avait
beaucoup dépéri.
Etonné de tous ces symptômes et surtout du manque absolu de voix,
je questionnai la famille qui me raconta que la pauvre petite n'avait eu
au moment de sa naissance qu'un miaulement très-faible. Dans la suite,
pendant trois semaines elle n'avait eu que de petits cris plaintifs et
jamais de cris sonores et éclatants ; à partir de ce moment la voix avait
cessé complètement, la toux était sans timbre et cassée comme dans le
croup. Les parents ne m'en avaient pas parlé étant satisfaits du reste de
la croissance de l'enfant.
Ne sachant trop ce que pouvait avoir l'enfant, je voulus m'assurer de
l'action des antispasmodiques. Je prescrivis 25 centigrammes de tein-
ture de musc par jour dans du sirop, de l'huile de morue, vu le peu de
force des jambes et le dépérissement de l'enfant. Enfin, j'engageai la
8
mère, qui avait obtenu par des vomitifs un peu de diminution de l'op-
pression, à les continuer, tout en apportant à cette médication de grands
ménagements.
.le nentendais plus parler de l'enfant lorsque le 15 octobre on vint
me chercher pour la petite malade qui était encore à la campagne. Je
la trouvai dans une dyspnée excessive, elle se rejetait en arrière, ou-
vrait la bouche largement et donnait à craindre une asphysie imminente.
Les lèvres étaient un peu violacées, la voix toujours complètement
éteinte. L'auscultation laissait percevoir dans certains moments quelques
gros râles dans la partie supérieure de la poitrine ; mais ce qui attira
surtout mon attention, ce fut labsence presque complète du murmure
respiratoire.
La mère l'avait fait vomir la veille, et la petite fille avait rendu des
crachats filants ; je prescrivis encore des vomitifs matin et soir, et je
fis appliquer un vésicatoire camphré en arrière de la poitrine. J'appris
que l'enfant avait été pendant le mois qui venait de s'écouler de mieux
en mieux sous l'influence du musc et des vomitifs tous les trois ou
quatre jours. Le 8 octobre, l'oppression avait reparu et était arrivée
peu à peu au point où je la voyais; mais avec elle n'avait point re-
paru le sifflement laryngien aussi fort; il n'avait lieu que dans le som-
meil et encore était-il faible.
Le 16 octobre, l'enfant allait mieux, le musc en teinture avait été
repris à la dose de 25 centigrammes.
Le 20, l'état de l'enfant s'était encore un peu amélioré; mais cepen-
dant l'oppression était encore très-forte, l'auscultation présentait un
murmure vésiculaire très-affaibli que de temps en temps on n'enten-
dait pas.
Jusqu'au 30 octobre l'état de l'enfant ne s'améliorait pas, et pensant
que l'air vif de la campagne pouvait être un peu cause de la gène de
la respiration, j'engageai la famille à ramener la petite fille à Paris.
Je lui donnai alors, à partir de ce moment, du musc et du sirop de
quinquina. Je fis quelques badigeonnages de teinture de croton au de-
vant du larynx.
Le 5 novembre, la respiration s"'était améliorée, le murmure vésicu-
laire était plus fort et quelques accès de suffocation survenaient, mais
peu intenses; j'engageai à continuer ce traitement jusqu'au 12.
Ce jour-là on m'apprit que l'enfant depuis sept jours avait été gaie,
qu'elle avait eu une respiration calme, peu de dyspnée, et enfin que la
mère n'avait eu nullement besoin de la faire vomir. Le temps était beau
et sec.
Quatre jours après, le 16, par un temps brumeux, l'enfant était re-
devenue aussi malade qu'à la campagne, la dyspnée était très-grande.
9
La petite fille était agitée, et avait les lèvres légèrement violacées ; le
murmure véàicnlaire était à peine perçu.
J'engageai à faire vomir l'enfant, et je fis part aux parents de l'im-
minence du danger. Je leur conseillai de consulter M. Bergeron, qui
vint le lendemain 17 novembre.
Le 17, l'état de l'enfanl était on ne peut plus effrayant, les accès de
suffocation s'étaient répétés Irès-souvent dans la nuit.
A son arrivée, M. Bergeron fut frappé de l'extrême anxiété de l'en-
fant ; il constata un murmure vésiculaire excessivement faible, le cœur
lui parut normal tant dans son rhythme que dans ses bruits. La per-
cussion en avant et en arrière ne lui donna aucune indication pouvant
faire soupçonner la présence d'une tumeur soit ganglionnaire, soit
d'autre nature dans le thorax.
En voyant les lèvres violacées et l'état général aussi mauvais, il crut
que la malade ne passerait pas la journée et fit part de ses craintes aux
parents.
Cependant, à son grand étonnement, quelques instants plus tard
l'enfant prenait le sein et paraissait moins malade que lors de son ar-
rivée.
Dans la conversation que nous eûmes ensemble il me dit qu'il n'avait
vu aucun cas semblable, ni même analogue. L'aphonie de naissance lui
parut, avec les symptômes de suffocation, de nature à faire croire,
comme je l'avais supposé moi-même, à l'existence dune tumeur com-
primant les nerfs pneumogastriques.
Je ne partageai pas son pronostic, car j'avais vu l'enfant aussi malade
revenir à un mieux donnant beaucoup d'espérance.
M. Bergeron conseilla l'iodure de potassium à l'intérieur et les toni-
ques, me demandant de le tenir au courant d'une affection aussi inté-
ressante; et pour parer aux accidents qui paraissaient si terribles il
accepta l'application d'un vésicatoire que j'avais mis avec succès en
pareille situation.
Le lendemain 18, l'enfant était mieux. Les jours suivants, l'enfant
prit du musc, du sirop de quinquina, un peu de sirop iodo-ferré mais
tout cela en petite quantité à cause de légers vomissements survenant
après l'ingestion des sirops. La dyspnée était continuelle et devenait
beaucoup plus forte dans certains moments. L'enfant maigrissait de plus
en plus, le mieux ne venait pas. Les parents demandèrent une consul-
tation avec M. Barthez.
Le 25 novembre, M. Barthez vint voir l'enfant ; il constata par l'aus-
cultation et la percussion ce que M. Bergeron et moi avions constaté,
et il m'affirma aussi n'avoir rien vu d'exactement semblable ; il pencha
aussi pour l'existence d'une tumeur comprimant les nerfs pneumogas-
10
triques, et fut d'avis de persister dans l'emploi des antispasmodiques
unis au sirop iodo-ferré.
Il porta un pronostic très-grave, moins grave pourtant que celui de
M. Bergeroa, car l'enfant était moins malade, et le récit que je lui fis
lui fournit des indications qui lui permirent de tempérer un peu la ri-
gueur de son appréciation ; mais il conclut cependant à une mort pro-
chaine devant survenir à la suite dun accès de suffocation.
Du 27 novembre au 5 décembre, la médication fut suivie sans succès,
un vomitif fut administré et provoqua l'expulsion de matières glai-
reuses.
En même temps on percevait des râles muqueux dans les grosses
bronches.
Croyant trouver dans le soufre à l'intérieur un utile adjuvant pour la
guérison de ces râles humides, je fis cesser l'iode et je prescrivis à partir
du 6 décembre 10 centigrammes de soufre par jour; en même temps je
fis faire des fumigations de goudron dans la chambre de la malade.
L'enfant supporta facilement ce traitement.
Le 12, je m'apeiçus avec la mère de l'enfant d'un peu d'œdème aux
pieds, aux mains et à la figure. En même temps la dyspnée paraissait
diminuer.
Jusqu'au 29 décembre l'amélioration dans l'étal de l'enfant continua,
les accès de suffocation s'éloignèrent, la pénétration de l'air dans les
poumons redevint facile, l'œdème disparut complètement, la respiration
redevint calme, mais à partir de ce moment le mieux cessa, des accès
de suffocation reparurent et replongèrent l'enfant dans l'anxiété. La
dyspnée redevint presque continuelle quoique beaucoup plus forte en
certains moments.
Du 23 décembre au 8 janvier, l'enfant maigrit beaucoup, je la trou-
vai à cette dernière date considérablement affaiblie. J'engageai à conti-
nuer seulement le sirop de quinquina.
Le 15, l'enfant paraissait peut-être un peu moins oppressée que le 8,
cependant l'air pénétrait toujours bien difficilement dans les poumons,
mais rien ne faisait prévoir une fin prochaine. Dans la journée lenfant
parut très-fatiguée et mangea une petite semoule à dix heures du soir.
A deux heures du matin, le 16, elle fut prise par un accès de suffo-
cation très-intensB qui dura jusqu'à cinq heures du matin ; on lui fit
respirer de l'éther, elle têta un peu, s'endormit, et à six heures moins
un quart les parents s'aperçurent de sa mort.
Autopsie. M. Bergeron, à qui j'avais proposé de faire l'autopsie avec
moi, accepta, vu l'intérêt tout particulier de ce cas. A l'autopsie nous
constatons l'état d'amaigrissement extrême de l'enfant ; la peau est
doublée par un tissu cellulaire presque entièrement dépourvu de graisse.
11
Les poumons, le coeur, examinés avec soin ne présentent rien de patho-
logique.
Ayant enlevé le larynx et la trachée, nous introduisons une des lames
d'une paire de ciseaux dans le larynx de façon à couper par derrière le
cartilage cricoïde et à pénétrer par la partie supérieure dans la cavité
laryngienne; nous apercevons alors une masse molle dun blanc laiteux
qui ferme presque entièrement la partie supérieure du larynx, excepté
en arrière. Entre la muqueuse qui tapisse la face postérieure du carti-
lage cricoïde et la production morbide, il existe un petit permis d'un
millimètre de diamètre.
La tumeur est développée sur la place occupée par les cordes vocales
inférieures et supérieures qui ont été détruites entièrement. Elle pré-
sente une apparence mamelonnée et paraît formée à la loupe par une
masse de petits mamelons, analogues à des papilles, serrés les uns contre
les autres ; elle est molle, se laisse enlever par le manche dun scalpel ;
sa partie supérieure arrive au niveau des ligaments aryténo-épiglot-
tiques et ne dépas<e en bas la limite inférieure des cordes vocales que
d'un milimètre environ.
M. Robin a bien voulu examiner cette tumeur, il a constaté qu'elle est
entièrement formée de cellules épithéliales pavimenteuses et m'a fait
voir ces éléments histologiques; il m'a de plus assuré qu'il n'avait point
encore observé de semblable tumeur de la muqueuse laryngée.
2° Communication de m. hocel scr une tumeur du derme dite a tort mollus-
CUM, ET DONT l'aBLATION A ÉTÉ FAITE PAR M. LE PROFESSEUR ÎSÉLATON.
M. Houel expose devant la Société l'observation d'un homme de
30 ans qui a été opéré au commencement du mois de janvier 1865,
dans le service de M. le professeur Nélaton, d'une énorme tumeur dite
à tort moUuscum. Cette tumeur occupait une grande étendue des ré-
gions antérieure et postérieure du thorax. Elle passait en sautoir sur
l'épaule droite, et la base de son pédoncule mesurait 95 centimètres.
Cette observation a déjà été publiée dans plusieurs recueils scienti-
fiques, il est donc inutile d'insister sur la description extérieure de cette
tumeur, et sur les difficultés que devait présenter l'ablation d'une tu-
meur aussi volumineuse. M. le professeur Nélaton fit cette opération
avec une grande habileté.
Les suites immédiates de l'opération furent heureuses; mais le hui-
tième jour de l'opération la partie restante du pédicule devint le siège
d'un érysipèle qui fit succomber le malade. M. Houel fait remarquer
que depuis longtemps le malade avait, à peu près toutes les six semaines,
une poussée érysipélateuse dans sa tumeur.
L'énorme tumeur mise sous les yeux de la Société pèse 25 livres, elle
12
aune coloration blanc mat; elle présente à sa surface des éraillures
qui sont dues à l'extrême distension du derme. Avant l'ablation, la sur-
face de la tumeur était sillonnée de nombreux vaisseaux.
Une coupe de la tumeur démontre qu'elle était due à une hypertro-
phie du derme et du tissu celkUaire sous- cutané. Telle est l'opinion de
M. le professeur Robin.
Celte tumeur, par son poids, avait forcé le malade à prendre une at-
titude spéciale, et l'examen post mortem permet d'étudier une modifi-
cation remarquable de la colonne vertébrale. La portion cervicale du
rachis présente une courbure à convexité postérieure, tandis que la
portion supérieure de la région dorsale du rachis forme une incurvation
de saillie antérieure. Cette dernière saillie est telle que les premières
vertèbres dorsales viennent presque se mettre en contact avec le ster-
num. En effet, les corps vertébraux ne sont séparés du sternum que par
un espace de 1 centimètre 1/2.
La trachée et la crosse de l'aorte avaient subi des modifications de
rapport qui pouvaient rendre compte de la dyspnée habituelle éprouvée
par le malade, et d'un souffle vasculaire perçu par M. le professeur Né-
laton avant l'opération.
Plusieurs lames des vertèbres cervicales étaient usées et laissaient
voir la moelle entourée de ses méninges.
Cette observation offre donc un grand intérêt, non-seulement par
l'énorme volume de la tumeur hypertrophique du derme, mais encore
par les déformations du squelette et les modifications de rapports des
organes intra-thoraciques.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r *'
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
pendant le mois de février 1865;
Par m. le Docteur DUMONTPALLIER, secrétaire.
PRESIDENCE DE M. RAYER.
I. — Anatomie végétale.
Sur l'anatomie et la classification des crucifères;
par M. EuG. Fournier.
J'ai déjà exposé devant la Société, au mois de décembre dernier (1),
les résultats de mes observations sur le fruit des Crucifères. Je dois
aujourd'hui ajouter à cet exposé la mention de quelques faits nou-
veaux.
Dans le Psychine stylosa, Desf., la cloison très-transparente, et for-
mée par des cellules polyédriques à parois minces et peu a[iparentes,
offre de longs tubes rameux d'un calibre très-inégal, munis dune paroi
bien distincte, dont le contenu est granuleux et souvent verdâtre avant
(1) Comptes rendus des séances, 4* série, t. 1, p. 182.
^4
la maturité du fruit. Ces tubes suivent d'une manière générale une di-
rection ascendante et parallèle; ils s'ârtastomdeent sans ordre en for-
mant un réseau irrégulier. Ces vaisseaux se retrouvent encore dans les
funicules des Psychines, mais raccourcis dans leur longueur et consti-
tués par des cellules placées bout à bout. Ces cellules se distinguent
du tissu environnant par leur couleur verdâtre. Il est à remarquer que
les funicules du Psychine sont bordés par une couche de cellules à
parois très-épaisses, et comme de ilature épidermique. Ces formations
st! rapprochent encore bien plus d'un système laiicifère que celles que
j'ai décrites précédemment.
On me permettra de tirer des faits que j'ai signalés dans mes com-
munications précédentes quelques déductions sur la nature longtemps
contestée du fruit des Crucifères, et sur la constitution des fruits en
général.
Relativement à la structure de la silique des Crucifères, deux points
ont été l'objet de nombreuses discussions, lorigine de la cloison d'une
part, et d'autre part le nombre et l'arrangement des carpelles.
1° Quant à lorigine de la cloison, les auteurs sont divisés depuis les
travaux de de Candolle et de Lestiboudois. On sait que de Candolle
{Mémoire sur les Crucifères) la regardait comme formée par les bords
rentrants des carpelles, il sufiposait que chacun d'eux portait deux Iro-
phospermes qui se soudaient pour constituer les placentas, et que, lors de
ladéhiscence, les parois de chaque carpelle se rompaient naturellement à
la maturité en suivant une ligne longitudinale très-voisine du placenta.
Au contraire Lestiboudois (il7t;//'0«r5//r les fruilssiliquciix. dans llecueil
des travaux de la Société d\imalcurs des sciences, de C uyricuUure et
des arts, à Lille, années 1819-1822, p. 194), fondé sur l'étude qu'il
avait faite comparativement des Papavéracées et des Fumariacées, a
souteiui que les placentas sont inicrvalvaircs dans les Crucifères, et
que la cloison est formée par une expansion du tissu placentaire.
SchleidfU regarde également la cloison cOmme de nature axile [Grund-
zûge der Butunik, 3° édit., p. 499), ainsi que la plupart des auteurs,
Endlicher, Lindiey {Iniioduclion lo holany, 4' édit., t, 11, p. 21), etc.
Les observations que j"ai exposées plus haut donnent évidemment rai-
son à Lestiboudois et à Schleiden. En eflèt, les origines de la cloison
se confondent avec la couche herbacée qui circonscrit le placenta, et
sont séparées de la valve, qui dans les cas ordinaires est nettement
séparée du placenta j)ar son épiderme intérieur et par sa couche fi-
breuse. En outre, si l'on examine le déveleppemenl consécutif de la
cloison, on reconnaît que la structure des deux lames de la cloison est
généralement très-difiérente de celle de l'épiderme intérieur des valves.
et que les tissus qui se développent quelquefois entre ces deux lames
ir,
ont des analogies et des relations anatomiqiies directes avec les élé-
ments du tissu placentaire. Il faut donc reconnaître que la cloison ap-
partient anatomiquement au placenta, et non aux carpelles.
On peut tirer en faveur de la même conclusion des arguments remar-
quables d'un travail intéressant publié l'hiver dernier {)ar M. Godron
dans les Annales des sciences naturelles, 5* série, t. II, n" 5, p. 28 et
suiv. (1). Si l'on veut relire la partie dans laquelle le savant auteur de
Ja flore de Lorraine décrit les fruits anormaux à trois, quatre et six
valves qu'il a rencontrés, et surtout si l'on examine les coupes de ces
fruits qu'il a figurées, on reconnaîtra que ces exemples peuvent tou-
jours s'expliquer en admettant que la double origine de la cloison est
une excroissance placentaire, mais ne le peuvent pas toujours par l'hy-
pothèse opposée. Sans doute dans la figure 8 de la pi, 18 ùqs Annales
la cloison peut être considérée aussi bien comme une prolongation des
bords carpellaires qui se recourberaient en dedans pour se rejoindre;
mais dans la figure 3 de la même planche, et dans la figure 9, si l'on
dédouble ])ar la pensée les cloisons que l'auteur a représentées par un
simple trait, on verra que chaque lamelle, à chacune de ses extrémités,
ne peut appartenir au même bord carpellaire, tandis qu'en regardant,
conformément à l'anatomie, chaque lamelle comme émanée du pla-
centa, il est tout naturel qu'elle se soude avec une lamelle émanée de
n'importe quel placenta.
1" Sur le nombre et l'arrangement des carpelles des Crucifères, il a
été émis par les auteurs des idées assez bizarres, à cause de la diffi-
culté qui naît de la position occupée par les stigmates dans cette fa-
mille. Lindley {Veg. Kingdom) et Grifiith {loc. cit.. part. 1, p. 71. 106,
122, 250-252), ont cru à l'existence de quatre carpelles opposées par
paires, chaque cadre placentaire latéral représentant la nervure dor-
sale de deux carpelles juxtaposés par côté. Kunth {Veber die Biuellien
und Fruchtbildung ner Cruciferen) regarde également les carpelles
comme au nombre de quatre, deux placentaires et deux valvaires; il
pense en outre que la cloison est formée par la saillie rentrante de la
suture dorsale des carpelles {durch dus tlincinlreten der Ruckennuht).
Il compare à ce point de vue le fruit des Crucifères à celui des Astra-
gales. D'autres ont supposé seulement deux carpelles qui porteraient
intérieurement les placentas le long de leur ligne médiane (2). Les ob-
(1) Griffith avait observé des monstruosités analogues, mais n'avait
pas figuré les cloisons [Noiulœ ad plantas asiaticas, p, 109, pi. XXX,
fig. 2).
(2) Il est un fait qui favoriserait cette opinion, s'il était constant et
en harmonie avec toute l'organisation du fruit des Crucifères, c'est qlie
16
servations anatomiques que je viens d'exposer prouvent également l'er-
reur de ces différents observateurs. En effet, la structure des placentas
les différencie complètement de celle de la nervure dorsale des valves,
dont ils sont anatomiquement tout à fait distincts et séparés.
J'bI dit plus haut que l'on pouvait tirer des études précédentes quel-
ques conséquences sur la structure des fruits en général.
Remarquons d'abord quelle analogie la coupe du fruit nous montre
avec celle de la tige. Au dehors un épidémie, puis un parenchyme et
des faisceaux fibro-vasculaires contenant des fibres allongées que j'ai
rapprochées des cellules-de-transport, en signalant pourtant la plus
grande longueur de leurs éléments, puis intérieurement aux faisceaux
fibro-vasculaires, intérieurement aux trachées, des fibres de la môme
nature, qui les séparent de la moelle. Cette structure est d'autant plus
intéressante à constater que nous avons affaire à des ovaires supères
par excellence.
S'il s'agissait d'ovères infères, comme ceux des Prismatocarpus étu-
diés par M. Trécul (1), on trouverait toute naturelle l'existence d'un
tissu analogue au tissu de l'axe dans le péricarde. Mais il n'en est rien;
et cependant combien peu la structure d'une feuille ovarienne de Si-
symbr'ium ressemble-t-elle à celle d'une véritable feuille! On en peut
dire autant des carpelles des Légumineuses, des JNigella, etc. 11 existe
certainement dans cet ordre de faits de nombreuses transitions encore
peu étudiées, dont la feuille carpellaire du Reseda, pourvue de sto-
mates sur les deux faces, et Tovaire du Presucatocarpus, muni exté-
rieurement de feuilles et intérieurement d'un anneau ligneux complet,
nous offrent les deux termes extrêmes (2).
Allant un peu plus loin, nous demanderons si la cavité du fruit ne
peut pas être comparée à la cavité médullaire. Dans plusieurs des
plantes qui m'ont occupé, il existe au dessous de la fleur un rétrécisse-
ment circulaire. Ce rétrécissement marque de grands changements
dans la distribution des faisceaux fibro-vasculaires de l'axe ; les tra-
dans la tribu des Brassicées la valve de la silique est souvent échancrée
à son sommet sur la ligne médiane.
(1) Ce point de vue avait été longuement développé par M. Trécul
dans un mémoire manuscrit qu'il a bien voulu me mettre sous les yeux,
et dont le travail publié en 1843 dans les Annales des sciences natu-
relles n'est qu"un court extrait.
(2) Observations sur les fruits des Prismalocarpus , Spéculum et
Hybridus, et sur celui des Crucifères, in Ann. se nat., 2' série, 1843,
t. XX, p. 339.
17
€hées s'infléchissent et s'anastomosent à ce niveau pour se porter aux
pétales, aux étamines, au péricarpe ; la plupart des autres éléments des
faisceaux s'interrompent pour reparaître plus haut dans les parois ova-
riennes. Mais la moelle persiste et arrive jusqu'au fond de l'ovaire où
elle se trouve en contact avec les cellules inférieures de la cloison, dont
les deux lamelles s'écartent un peu à ce niveau pour recevoir dans l'é-
cartement la partie supérieure de la moelle.
Les cellules de la moelle et celles de la cloison ne diffèrent pas con-
sidérablement les unes des autres. Celles de la moelle sont souvent dans
leurs parois ponctuées et même épaissies.
La présence de fibres-de-transport, de vaisseaux utriculeux et de
vaisseaux cribreux, soit sur les parois de la cavité carpique, soit au
centre de la cloison, n'a rien qui doive gêner théoriquement dans l'hy-
pothèse que je cherche ici à justifier. M. Hanstein, qui a beaucoup
étudié ces formations, s'exprime ainsi {Die Milchsaftgefœsse, p. 57) :
« 11 y a un certain nombre de plantes dicotylées qui, si elles possèdent
des anneaux semblables et fermés de bois, de cambium et de liber, ont
cependant aussi, à l'intérieur de l'anneau ligneux, à la périphérie de
la moelle, un cercle de petits faisceaux qui se compose presque exclu-
sivement de tubes cribreux ou de parenchyme cribreux. J'ai observé
cela jusqu'à présent dans les Solanacées, les Apocynées, les Asclépia-
dées et les Chicoracées. Dans les Solanacées, on voit parfois s'associer
aux tubes cribreux des fibres libériennes isolées. Dans les autres fa-
milles citées, ces vaisseaux restent disséminés dans la moelle. Jamais
ces faisceaux internes ne contiennent de cambium. »
La cloison renfermant souvent des organes analogues à ceux qui ta-
pissent la cavité médullaire, ce que l'on dit des parois de cette cavité
lui est tout à fait applicable, et l'on peut voir dans chacune des cavités
du fruit une division de celle de la cavité médullaire.
Ces considérations ne seraient-elles pas mieux applicables encore à
ces Papavéracées dans la cavité carpique desquelles il se fait une pro-
duction de cellules considérable [Glmiciurn), qui englobe les graines et
remplit tous les intervalles. Ces cellules ne sont-elles pas, par leur si-
tuation au moins, fort analogues à celles de la moelle?
M. Trécul, dans le travail déjà cité, a comparé aux cellules de la
moelle celles qui tapissent l'intérieur de la paroi ovarienne des Pins-
matocarpus, en dedans de l'anneau ligneux, et d'où émane le tissu
utriculeux qui forme les cloisons de ces Campanulacées. 11 n'existe pas
de couche semblable en dedans de l'anneau qui constitue la partie in-
terne de l'ovaire des Crucifères; mais il serait facile de montrer com-
bien l'opinion que je soutiens ici se rapproche de celle de M. Trécul.
Les considérations que j'ai présentées dans mes communications an-
c. u 2
18
lérieures m'ont amené à concevoir pour la famille des Crucifères une
classification un peu différente de celle qui est généralement suivie. Je
dois en entretenir la Société :
On sait que jusqu'à présent les bases posées par de Candolle pour la
classification des Crucifères ont été généralement acceptées par les au-
teurs qui ont traité de cette famille depuis la publication du Systema.
SiKoch, dans son Synopsis florœ gennanicae, a cru devoir prendre la
forme du fruit pour caractère de première valeur dans le groupement
des genres de celte famille, il a seulement déplacé les tribus instituées
par de Candolle, sans les modifier en aucune façon. Sudlicher, dans son
Gênera^ n'a fait qu'intercaler dans le cadre tracé par l'illustre Gene-
vois, les genres décrits depuis la publication du Prodrovnis, en indi-
quant seulement par des astérisques ceux dont la position lui paraissent
incertaine dans la famille. Plusieurs auteurs ont cependant élevé des
objections plus ou moins graves contre la prédominance reconnue par
de Candolle aux caractères de l'embryon dans les Crucifères, notam-
ment MM. J. Gay, Monnard etBarnéoud. MM. Chatin et Cosson ont dé-
claré, devant la Société botanique (i) que les caractères tirés de la
forme de l'embryon ont, dans la famille des Crucifères, moins de stabi-
lité qu'on ne le croit généralement. M. Clialin avait lui-même présenté
à l'Académie des sciences, douze ans auparavant, une nouvelle classi-
fication des Crucifères, dans laquelle les caractères tirés du fruit se
trouvaient au premier rang, et ceux qu'offrent le style sont au second
rang seulement. M. Cosson a observé que la tribu des Erucanées pré-
sente des cotylédons plans, concaves ou condupliqués, transition qui
d'ailleurs est très-rare dans la famille des Crucifères, et dont j'ai étudié
un exemple frappant dans le genre Stroganowia (2).
Mais c'est surtout dans la situation de la radicule des embryons à
cotylédons plans que les variations ont été constatées {llulcliinsia,
Draba^ Pclrocallis, Cochlcaria^ Kernera, Myagrum, Alyssum mari-
timum). Koch fait remarquer que dans le genre Kernera la même loge
renferme des graines à cotylédons accombants, obliques et incombants.
M. Maly [Flora, 1845, n" 33, p. 353, 357) s'est fondé sur ces faits pour
déclarer que la division candollienne en Potorrhizées etPleurorrhizées
n'est pas soutenable. C'est au même sentiment qu'ont obéi MM. Decaisne
et le Maout, dans leur Flore des Jardins et des Champs, en créant le
sous-ordre des Platylobées, qui comprend à la fois les Pleurorrhizées
et les Potorrhizées du Systema. La courbure latérale des cotylédons
autour de la radicule, courbure qui caractérise la tribu des Orthoplo-
(1) Voyez Bull. Soc. bol. de France, t. YII, p. 252 253.
(2) Voyez Bull. Soc. bot. de France, t. IX, p. 535.
19
cées, est demeurée un bon caractère, malgré les variations que je rap-
pelais tout à Tlieure, et dont presque aucun caractère n'est exempt,
quelque naturel qu'il soit. Les autres tribus de de Candolle (Diplécolo-
bées et Spirolobées;, sont moins fixes dans le mode d'enroulement ou
de plicature des cotylédons; mais elles présentent un caractère com-
mun, c'est que les cotylédons y sont plus longs que la radicule, d'où
l'obligation où ils sont de s'enrouler ou de se replier, pour ne pas en
dépasser l'extrémité. Ces considérations font reconnaître trois groupes
principaux dans la famille. Pour les caractériser, on peut avoir recours
à la longueur relative de la radicule et des cotylédons, et à la courbure
latérale de ceux-ci atitour de la radicule; mais pour éviter la difficulté
que présenteraient encore certaines variations, notamment celles des
Strogonowia et celles des Schizopelalon^ il vaudrait mieux recourir à
la forme des cotylédons, qui me paraît plus fixe d'après les faits à moi
<;onnus. Dans lesPlatylobées, ces organes sont ovales, obtus et entiers;
dans les Orthoplocées, ovales-orbiculaires, échancrés au sommet, et
dans les Streplolobées (nom par lequel je propose de désigner les Di-
plécolobées et Spirolobées réunies), ils sont linéaires-allongés. Cette
diversité est frappante pour tout observateur quand on l«i montre une
série de Crucifères au moment de la germination.
Les divisions premières de la famille étant ainsi réduites à trois, les
divisions secondaires me paraissent devoir être établies sur les carac-
tères carpologiques auxquels Kocli a donné dans son Synopsis florae
-gennanicœ une valeur prinvordiale (Siliqueuses, Angustiseptées, Lati-
septées, NucumenLacées et Lomentariées); enfin je placerai au troisième
rang, dans les Platylobées et les Streplolobées, les divisions fondées
sur la relation de situation de la radicule et des cotylédons. Quant à la
considération sur laquelle de Candole a fondé la division des Anastati-
cées, je ne crois pas qu'elle soit suffisante pour constituer une tribu.
Tantôt parmi les siliqueuses, les valves se rapprochent de la cloison
dans l'intervalle des graines, et deviennent ainsi tortueuses, tantôt elles
émettent de leur face interne des petites cloisons plus ou moins pro-
noncées : on observe toutes les transitions, et il serait difficile d'établir
une limite tranchée entre la tribu des Arabidées et celle des Anaslati-
cées, que je réunis à la précédente.
Voici, sous forme de tableau, la classification proposée dans ce mé-
moire :
20
CRUCIFER.'E.
Subordo I. PLATVLOBE.E Decne et le Maoul FI. desjard.
et des champs.
Séries a. siliquos^..
Tribus i. Sisymlirieie DC. Syst. II, 438.
Tribus II. Aralïidese DC. Sijst. II, 161 (inclus. Anaslaliceis
DC. Syst. II, 424).
Séries b. latisept/E.
Tribus m. AByssiesese DC. Sijst. II, 280.
Tribus iv. Canicliuete DC. Sysl. II, 513.
Séries c. angustisept^.
Tribus v. TaîiBsjîîeSeîe DC, Syst. II, 372.
Tribus vi. l.eiiicSBEiieîe DC. Syst. II, 521.
Séries d. nucamentace.e.
Tribus vu. ICuclitliese DC. Syst. II, 420.
Tribus vin. Isatidese DC. Syst. II, 563.
Séries e. lomentarie^.
Tribus ix. CaS^Hinese DC. Syst. II, 427.
Tribus x. Anclionâeîe DC. Syst. II 76.
Subordo II. ORTHOPLOCEiE DC. Sîjsl. II, 581.
Séries a. siliquos^e.
Tribus xi. Brassieese DC. Syst. II, 581.
Séries b. latisept^.
Tribus xii. ^'elleie DC. Syst. II, 639.
Séries c. angustisept/E.
Tribus xiii. Psycliineœ DC. Sysl. II, 643.
Séries d. nucamentace.^.
Tribus xiv. Zilleie DC. Syst. II, 646.
Séries e. lomentarie^e.
Tribus xv. Fortuyniie Boiss. Ann. se. nat., 2' sér., XVII, 77.
Tribus XVI. KapBiaBieie DC. Syst. II, 649.
Subordo III. STREPTOLOBEiE.
Séries a. siuQwoSiE.
Tribus xvii. gcltizopetalese Barn. Ann. se. nat., 3* sér.,
m, 65.
Tribus xvui. MeBîffipBaâîeîe DC. Syst. II, 676.
2i
Série;? b. tATisEi'i-t,
Tribus xix. Stroganowîea;.
Tribus xx. Suliulariese DC. Syst, li, G97.
Séries g. angustisept.e.
Tribus XXI. Braeliycai'pcte DC. Syst. II, 698.
Séries d. nucamentace^.
Tribus xxii. Btiniadete DC. Syst. II, 670.
Séries e. lomentarie.'e.
Tribus xxiii. Erucariete DC. Syst. II, 673.
II. — Physiologie expérimentale.
De 1,'influence de la section du grand sympathique sur la composition
DE l'air de la vessie NATATOIRE ; par M. Armand Moreau.
L^air de la vessie natatoire est composé, comme on le sait, d'oxygène,
d'azote et d'une très-petite quantité d'acide carbonique.
Après avoir montré, dans diverses communications de l'année 1863,
que dans un poisson la proportion de l'oxygène augmente de plus en
plus à mesure que l'activité fonctionnelle de l'organe est plus prononcée,
je me suis proposé dans une nouvelle série d'études de chercher les
causes prochaines de ces variations.
Parmi les expériences que j'ai faites, je citerai la suivante, qui m'a
mis sur la voie du résultat nouveau que je communique aujourd'hui à
la Société de biologie.
J'avais lié le«conduit aérien sur une tanche (C. Tincà). Le poisson
survécut à l'opération et fut sacrifié au bout de quinze jours. L'analyse
de Pair contenu dans la vessie natatoire fournit une proportion d'oxy-
gène supérieure à la proportion qui existe normalement dans celte
espèce de poisson.
Je supposai que cette augmentation était due à la ligature des filets
nerveux qui accompagnent le conduit aérien et se portent à la vessio
natatoire ; mais comme ces filets ne proviennent pas d'une source uni-
que, il fallait trouver par des dissections un point où les nerfs allant à
la vessie natatoire pussent être distingués entre eux et soumis séparé-
ment à l'expérimentation.
Les rapports anatomiques utiles à connaître et les précautions à
prendre en employant les procédés opératoires qui m'ont réussi seront
exposés avec tout le détail nécessaire à la clarté dans un travail ulté-
rieur. Je me borne ici à ce qu'il est indispensable de savoir pour répé-
icr ces expériences.
L'artère copliaco-méscntcriquc qui fournit le sang à la vessie nata-
22
toire est enveloppée par un réseau nerveux formé par les anastomoses
inextricables du grand sympathique et du pneumo-gastrique. Le nerf
qui apporte à ce plexus les éléments du pneumo-gastrique est une di-
vision du rameau intestinal, division qui vient se jeter sur l'artère en
un point tel que l'opérateur qui l'atteint peut agir séparément sur lune
ou l'autre des origines nerveuses du plexus. Je vais indiquer la situa-
tion de ce point. Celui qui considère un squelette de cyprin voit une
grande apophyse partant de la colonne vertébrale, et formant avec la
première côte un angle aigu. Cette apophyse donne insertion à un
tendon s'élargissant aussitôt et formant un plan aponévrotique qui se
porte sur la face inférieure de la vessie natatoire. Ce tendon élargi est
le principal point de repère dans l'opération actuelle ; en effet, l'artère
cœliaco-mésentérique est perpendiculaire au plan de cette aponévrose
qu'elle traverse. Au-dessus de ce plan, elle est entourée par le ganglion
et les nerf sympathiques seuls. Au-dessous et à quelques millimètres du
même plan, elle reçoit les filets nerveux provenant du rameau intesti-
nal du pneumo-gastrique.
Voici comment jopère : au niveau de l'articulation des côtes à la
colonne vertébrale et parallèlement à l'axe du corps, j'incise, depuis la
première côte jusqu'à la ceinture osseuse, les téguments et les tissus
sous-jacents; puis, à l'aide de deux incisions menées parallèlement aux
côtes et partant des extrémités de la première incision, je forme un
lambeau que je rabats pour mettre à découvert les viscères situés en
avant de la vessie natatoire. Le rein est alors sous les yeux. J'incise le
lobe cachant l'aponévrose qui sert de point de repèr^. Tels sont les
premiers temps de l'opération.
Si je veux agir sur le sympathique, j'écarte un nouveau lobe du rein
placé au-dessus de cette aponévrose et qui cache l'artère ; celle-ci étant
mise à nu, j'enlève le ganglion qui est translucide et les filets sympa-
thiques qui l'accompagnent.
Si je veux agir sur le pneumo-gastrique, j'écarte la portion du rein
placé au-dessous de l'aponévrose, j'incise une lame fibreuse qui recou-
vre le foie, je soulève le foie avec précaution pour ne pas rompre un
sinus volumineux, et j'aperçois l'artère et les filets du pneumo-gastrique
qui viennent se jeter sur elle. Je résèque ces filets nerveux avant leur
accolement à l'artère.
Je remets ensuite les organes en place et recouds le lambeau avec
le plus grand soin. Ces opérations peuvent durer plus d'une heure sans
que la tanche soit en danger de périr.
J'ai opéré une tanche et j'ai coupé les filets sympathiques et le gan-
glion au lieu d'élection. Cinq jours après, celle tanche sacrifiée avait
iO p. 100 d'oxygène dans sa vessie natatoire.
Une autre, opérée de même et sacriliéo au bout de quinze jours, offrit
12 p. 100 d'oxygène.
Une autre au bout de dix-sept jours offrait 17 p. 100 d'oxygène.
Une autre au bout de vingt-six jours 11 p. 100 d'oxygène.
Ces expériences montrent que la section du nerf sympathique accolé
aux artères allant à la vessie natatoire détermine des modifications qui
amènent une augmentation de l'oxygène contenu dans la vessie nata-
toire. Cette conclusion me paraît mise hors de doute quand on consi-
dère que l'opération longue et grave nécessaire pour mettre à décou-
vert les filets et le ganglion sympathique ne produit rien si l'on ne
touche à ces organes, et que la section des filets du nerf pneumo-gas-
trique qui se portent sur la môme artère ne produit pas non plus l'aug-
mentation de l'oxygène. Voici en effet des expériences comparatives :
Une tanche qui n'avait subi aucune opération vécut dans le mémo
bassin que les tanches opérées. Sacrifiée au bout d'un mois elle offrit
4,5 p. 100 d'oxygène.
Une autre tanche, à laquelle je fis subir toute l'opération décrite pour
la section du sympathique en m'abstenant de couoer les nerfs et le
ganglion mis à découvert, fut sacrifiée au bout de dix jours et offrit
5 p. 100 d'oxygène.
L'opération par elle-même n'avait donc pas fait varier la proportion
de ce gaz d'une quantité supérieure à celle que peuvent donner les
variations individuelles.
J'ai pratiqué sur une tanche la section du rameau du nerf pneumo-
gastrique suivant le procédé décrit. L'air de la vessie natatoire offrait,
au bout de onze jours, 5 p. 100 d'oxygène.
Une autre tanche subit de la même manière la section du pneumo-
gastrique, et au bout de vingt-cinq jours elle offrait 2 p. 100 d'oxy-
gène.
On ne peut supposer que c'est par la diminution de l'azote qu'aug-
mente la proportion de l'oxygène; car, s'il en était ainsi, on trouverait
la vessie natatoire flasque et presque vidée, tandis qu'elle est toujours
pleine et tendue. C'est donc en quantité absolue que l'oxygène augmente
en même temps qu'en proportion relative.
Il est donc établi que la section du nerf sympathique amène l'aug-
mentation de l'oxygène contenu dans l'air delà vessie natatoire.
En terminant cette communication, je ferai remarquer que la chaleur
qui se développe dans l'oreille du lapin, d'après l'expérience célèbre
de M. Cl. Bernard, et le gaz oxygène qui arrive ici dans la vessie nata-
toire de la tanche, sont deux phénomènes déterminés par la même con-
dition physiologique, la section du nerf sympathique. Des recherches
analytiques nouvelles sont nécessaires pour expliquer comment des
phénomènes aussi différents peuvent dépendre d'une môme cause,
III. — Pathologie.
Thrombose artérielle dans la cachexie cancéreuse ; par le docteur
CeARcoT, médecin de Thospicc de la Salpêtrière.
On connaît de longue date les oblitérations fibrineuses des veines-
qui se présentent si communément dans les périodes avancées des affec-
tions cancéreuses en général, et, plus particulièrement, dans les cas de
carcinome utérin. On s'accorde à reconnaître aujourd'hui que ces obli-
térations fibrineuses reconnaissent pour cause principale une modifica-
tion particulière de la fibrine du sang, désignée par Vogel sous le nom
d'inopexic. J'ai recueilli, dans ces derniers temps, un certain nombre
d'observations qui me paraissent propres à établir que, dans ces mômes
circonstances, et vraisemblablement sous l'influence des mômes causes,
la thrombose artérielle peut se produire tout aussi bien que la throm-
bose veineuse, celle-là, à la vérité, bien plus rarement que celle-ci.
Chez quatre femmes atteintes de cancer utérin, l'oblitération absolue
de l'une des artères sylvienncs par un caillot fibrineux a produit le ra-
mollissement des parties correspondantes du cerveau. C'était un ramol-
lissement blanc occupant les parties des lobes antérieur et moyen qui
attiennent à la scissure de Sylvius. Les tubes nerveux, réduits en par-
celles ténues, étaient là variqueux; les cellules nerveuses ne présen-
taient pas d'altération appréciable. A ces éléments se trouvaient mêlés
des corps granuleux en assez grand nombre. Le thrombus était dense,
décoloré, formé de couches fibrineuses stratifiées. Il se prolongeait
dans les ramifications principales de l'artère; au delà et en deçà, la lu-
mière des vaisseaux était libre. Les tuniques vasculaires ne présentaient,
d'ailleurs aucune trace de dégénération athéromateuse, aucune altéra-
tion qu'on puisse rapporter à la préexistence d'une artérite. Le début
s'était d'ailleurs opéré brusquement, sans prodromes. Il y avait eu tout à
coup hémiplégie complète, absolue, avec flaccidité des membres et per-
sistance des mouvements réflexes ; la face était déviée, .lusqu'à l'époque
de la mort, qui avait eu lieu deux ou trois jours seulement après le
début, les malades étaient restées dans l'état comateux.
Encore chez un sujet atteint de cancer utérin, l'oblitération de l'une
des artères fémorales par un thrombus a produit une paralysie subite et
complète des mouvements, ainsi qu'une ancsthésie cutanée à peu près
absolue du membre correspondant. Les battements artériels étaient
tout à fait supprimés. Le membre était froid et couvert çà et là de ta-
ches livides, La mort survint avant que le sphacèlp se fût déclaré.
25
Dans ce cas, comme dans les précédents, les veines principales des
membres inférieurs étaient oblitérées par des caillots décolorés, et évi-
demment de date ancienne.
Jo rapporterai également à la thrombose artérielle deux cas de gan-
grène sèche de plusieurs doigts de la main, observés, le premier, chez
une femme atteinte de cancer gastrique ; le second, chez une autre
fcmnoe qui présentait un vaste cancer du sein, en cuirasse. L'autopsie
a fait reconnaître, dans ces deux cas, Texistence d'un thrombus qui
occupait l'extrémité inférieure de l'une des artères humérales et se pro-
longeait à une certaine distance, dans la cavité des artères cubitale et
radiale correspondantes.
Les cavités du cœur gauche, les veines pulmonaires, l'aorte, ont été
explorées avec soin chez tous les sujets dont il vient d'être question;
il n'y existait aucune trace de concrétions fibrineuses ayant pu donner
lieu à une embolie. D'un autre côté, les tuniques des artères oblitérées
par les caillots étaient tout à fait saines. Pour expliquer la production
de la thrombose dans tous ces cas, il ne reste plus guère, par consé-
quent, qu'à invoquer linfluence d'une altération particulière du sang
analogue à celle qui, lorsqu'il s'agit du sang veineux, permet de com-
prendre l'existence si fréquente des concrétions sanguines veineuses,
chez les sujets affaiblis par une maladie de longue durée.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
f r
LA SOCIËTË DE BIOLOGIE
pendant le mois de mars 1865;
Par m. le Docteur DUxMONTPALLIER, secrétaire.
PRESIDENCE DE M. RAYER.
I. — Anatomie pathologique.
Tu.MEUR I.NTRAPELVIENNE DE LA RÉGION SACRO-COCCYGIENNE FORMÉE PAR HYPER-
GE.NÈSE DE LA SUBSTANCE GRISE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE CHEZ UN NOUVEAU-NÉ ;
note de MM. les professeurs Depaul et Robin.
M. Depaul met sous les yeux de la Société le bassin dun enfant dont
la région coccygienne était le siège d'une tumeur assez volumineuse.
Cette tumeur de la grosseur d'un œuf de poule, lobulée, recouverte par
la peau saine, est située sur la ligne médiane et déborde également à
droite et à gauche sur les parties latérales de la région sacro-coccy-
gienne. L'anus faisait saillie et le doigt introduit dans le rectum con-
state que la cavité pelvienne est occupée par une tumeur dure qui
semble envelopper le rectum de toutes parts. Il était probable que ces
tumeurs intra et extropelvienne, avalent des rapports de continuité.
28
L'enfant succombait dans les premiers jours qui suivirent sa naissance
et Ton put reconnaître que les deux tumeurs se continuaient par les
échancrures sciatiques.
M. le professeur Robin, qui a fait l'examen histologique de cette tu-
meur, a reconnu l'existence des caractères des tumeurs à myélocytes,
fumeurs qui dérivent directement ou indirectement du cerveau ou de
la moelle épinière. Ces tumeurs peuvent être la conséquence dune hy-
pertrophie des éléments de la substance grise du système nerveux avec
lequel elles ont conservé des rapports immédiats de continuité; d'au-
tres fois de semblables tumeurs peuvent n'avoir aucun rapport de con-
tinuité avec le système nerveux : alors il y a hétérotopie. Mais dans le
cas présent, s'il n'est pas facile de démontrer la continuité de la tumeur
avec la substance grise de la moelle, il est permis de supposer que
cette continuité a existé antérieurement et qu'elle a été rompue à l'épo-
que de la réunion des lames vertébrales.
ÎI. — Pathologie.
l" Sur la pakaplégie douloureuse dans la cachexie cancéreuse; par le doc-
teur CuARcoT, médecin de l'hospice de la Salpétrière.
La présente communication a pour but d'appeler l'attention sur quel-
ques accidents qui surviennent dans le cours de l'évolution de certains
cancers, et qui, si je ne me trompe, n'ont pas encore été signalés d'une
manière particulière.
Je commencerai par ce qui a trait au cancer du sein. Mon ancien
maître, et mon prédécesseur à l'hospice de la Salpôirière, M. le doc-
teur Cazalis, avait l'habitude de faire remarquer à ses élèves que, chez
les sujets qui succombent par suite de l'affection dont il s'agit, on ren-
contre très-habituellement des dépôts secondaires, le plus souvent mul-
tiples, développés dans l'épaisseur du corps des vertèbres, surtout à la
région lombaire. Ce fait, intéressant à plusieurs égards, se trouve con-
firmé pleinement par les nombreuses observations nécroscopiques que
jai été à même de faire, pendant le cours des trois dernières années, à
la Salpétrière ; mais j'ai été conduit en outre à reconnaître que, si le
cancer vertébral secondaire reste le plus souvent latent, il s'annonce
cependant, quelquefois, pendant la vie, par un ensemble de symptômes
qui présente une physionomie assez particulière, et dont le nom de pa-
raplégie douloureuse donnerait, ce me semble, une assez bonne idée.
Voici, du reste, en quoi cela consiste : Les malades éprouvent des dou-
leurs dont le siège principal est la région lombaire et qui, de là, s'irra-
dient dans toute l'étendue des deux membres inférieurs: ils sont parfois
^.^
59
tourmentés par un sentiment de conslriction pénible qui, en outre,
étroint, comme le ferait une ceinture, la partie la plus inférieure de
l'abdomen. Dans les membres, on ne saurait localiser ces douleurs sur
le trajet d'un ou de plusieurs des troncs nerveux principaux ; il semble
qu'elles occupent tous les rameaux nerveux à la fois. Vives, surtout la
nuit, elles ont habituellement le caractère lancinant ou môme fulgurant;
parfois elles s'accompagnent dune sensation d'ailleurs purement sub-
jective de chaud ou de froid ; toujours il s'y joint des fourmillements
qui occupent surtout les extrémités; ces douleurs persistent d'une ma-
nière à peu près continue, mais elles s'exaspèrent, toutefois, par mo-
ments, et produisent ainsi des accès plus ou moins violents pendant
lesquels les malades sont privés de sommeil, ou même, dans les cas
d'une grande intensité, poussent des cris déchirants. — D'ailleurs, point
d'analgésie ou d'anesthésie; au contraire, les moindres pincements,
voire môme les moindres attouchements, sont très-nettement perçus,
et, de plus, ils sont foccasion de douleurs plus ou moins vives, princi-
palement pendant la durée des accès. On n'observe aucun désordre ap-
préciable de la conscience musculaire. — Certains troubles de la moti-
lité vont de pair avec ces symptômes d'hypéresthésie : la marche est
difficile, en partie sans doute en raison des douleurs des membres, mais
surtout à cause de l'affaiblissement musculaire ; d'ailleurs, à un degré
])Ius avancé, cet affaiblissement est tel, que les malades ne peuvent
plus marcher sans l'aide d'un bras ou d'une béquille; on les voit, lors-
qu'ils s'efforcent de faire quelques pas, détacher péniblement leurs pieds
du sol; il semble que ceux-ci soient devenus plus pesants. Plus tard
encore l'atrophie musculaire se met de la partie ; les membres infé-
rieurs s'amaigrissent en môme temps qu'ils safl'aiblissent encore, et un
jour, enfin, la marche et la station môme sont devenus tout à fait im-
possibles. Nous n'avons pas, jusqu'ici, observé, soit la paralysie des
sphincters, soit les altérations du produit de la sécrétion urinaire, soit
encore la rapide formation d'escarres au sacrum qu'on rencontre dans
certaines paraplégies, qui se rapprochent cependant par plus d'un trait
de celle qui nous occupe. Il m'a paru que, dans les cas où les douleurs
se sont montrées très-vives et très-persistantes, la vie des malades a été,
par cela même, très-notablement abrégée.
Les symptômes de paraplégie douloureuse ont été notés par moi dans
0 cas sur 35 cas de cancer du sein admis à la Salpêtrière, dans la divi-
sion des incurables, pendant les trois dernières années : à en juger par
là, cet accident ne serait pas rare. Il se manifeste d'ailleurs aux époques
les plus variées du cours de l'affection cancéreuse primitive; tantôt
quelques mois tout au plus après le début apparent, tantôt, au con-
traire, au bout de plusieurs années seulement. D'après ce que j'ai vu,
30
■c'est plus particulièrement, mais non exclusivement toutefois, aux di-
verses formes du cancer dur qu'il se rattache : on l'observe tout aussi
bien dans les cas où une opération a été pratiquée que dans ceux où la
maladie a été abandonnée à elle-môme.
Trois fois il a été permis de rechercher la raison analomique des
symptômes observés pendant la vie, et voici l'indication sommaire des
résultats obtenus : Dans tous les cas, l'altération cancéreuse du corps
des vertèbres lombaires était des plus prononcées. Deux fois c'étaient
des tumeurs multiples arrondies, parfaitement circonscrites, du volume
d'une noisette pour la plupart, ou même plus grosses encore, faciles à
énucléer, et développées au sein de la substance spongieuse qui se mon-
trait partout ramollie et friable. En quelques points la mince lamelle
de tissu compacte, qui limite de toutes parts le corps des vertèbres, avait
été détruite du côté delà cavité rachidienne, de telle sorte que plusieurs
tumeurs avaient fait issue dans cette cavité où elles s'étaient dévelop-
pées, comprimant d'avant en arrière la dure-mère. Dans le troisième
cas, les cléments cancéreux ne constituaient plus par leur réunion des
tumeurs circonscrites; ils étaient comme infiltrés dans les cellules agran-
dies du tissu spongienx, et conséquemment un examen microscopique
attentif permettait seul de déterminer le véritable caractère de l'altéra-
tion. Celle-ci portait presque exclusivement sur les quatre dernières
vertèbres lombaires. Leur tissu était ramolli, à tel point qu'on pouvait,
sans effort, les diviser à l'aide du couteau en minces lamelles; l'une de
ces vertèbres (la troisième) était aplatie, comme écrasée, et ne mesu-
rait guère plus d'un centimètre dans son diamètre vertical. Par suite, la
colonne lombaire s'était incurvée, de manière à rétrécir le canal rachi-
dien dans le sens antéro-postérieur; la dure-mère avait été refoulée
dans le môme sens, et les tissus nerveux, qui constituent la queue de
cheval, se trouvaient comprimés et tiraillés. C'est évidemment à la com-
pression et à l'irritation des racines spinales lombaires que doivent être
rattachés les symptômes observés pendant la vie.
Si, comme tout porte à le croire, la forme de paraplégie dont il s'a-
git n'est pas tout à fait rare, il n'est guère possible qu'elle soit restée
jusqu'ici complètement inaperçue. Je puis dire, dès à présent, que M. le
professeur Trousseau l'a quelquefois rencontrée, et je tiens de bonne
source que MM. les professeurs '\^elpeau et Nélaton ont, de leur côté,
observé plusieurs cns qui se rapportent évidemment à cet ordre de
faits.
31
2" Dk la niLUATION DES VEINES DE LA RÉTINE ET DE LIlÉMOUnUAClE DE LA
RÉTINE DANS LES CAS DE MÉNINGITE TUBERCULEUSE ET DE PlILÉUITE DES
SINUS DE LA DURE-MÈRE ; par M. BOUCIIUT.
Il y a quatre ans, M. Bouchut a déjà fait, connaître les lésions qu'il
avait observées dans la rétine chez des enfants alTectés de méningite tu-
berculeuse.
Aujourd'hui, M. Bouchut présente à la Société de biologie une pièce
anatomique qui démontre que, dans un cas do méningite tuberculeuse,
il y existait un état variqueux des veines de la rétine et une héniorrha-
gie de cette membrane.
Ces graves modifications de la circulation rétinienne peuvent être
produites toutes les fois qu'il y a vers le chiasme des nerfs optiques
une gène à la circulation de retour. Alors, l'oplitlialmoscopo permet de
constater une infiltration séreuse péripapillaire , quelques fois une
thrombos des veines de la rétine et consécutivement des hémorrhagies
sous-rétiniennes.
Dans un cas de carie du rocher, compliqué de méningite de la base
de l'encéphale, iM. Bouchut a constaté à l'autopsie une phlébite oblité-
rante des tissus de la dure-mère. Celte obstruction veineuse avait eu
pour conséquences, une gêne de la circulation des sinus caverneux,
un œdème de la papille du nerf optique, un état variqueux des veines
de la rétine et une hémorrhagie rétinienne.
L'ophthalmoscope ]iermettrait de reconnaître ces modifications de la
circulation de la rétine dans des cas analogues et d''étudier leur pro-
cessus.
Dans un cas de méningite tuberculeuse terminée par la guérison du
malade, M. Bouchut, après avoir constaté Thémorrhagie rétinienne, a
pu, à l'aide de l'ophthalmoscope, étudier la marche régressive du caillot
hémorrhagique de la rétine. Cette membrane dans la portion ecchy-
mosée devint le siège d'une transformation graisseuse et la papille du
nerf optique paraissait notablement atrophiée.
3° Diagnostic différentiel de l'hydrocéphalie chronique et du rachitisme
AU MOYEN DE LOPHTRALMOSCOPE, par M. BoUCHUT.
Le diagnostic de l'hydrocéphalie chronique, à ses débuts, n'est pas
toujours très-facile, et, chez les jeunes enfants encore à la mamelle ou
n'ayant pas dépassé trois ans, il est même d'une difficulté excessive.
En effet, tant que la tête n'a pas acquis un volume assez considérable
pour dissiper tous les doutes, les troubles de la motilité, de la sensibi-
lité et des organes des sens sont d'une appréciation quelquefois très-
embarrassante. De plus, il y a une autre maladie de l'enfance qui pro-
32
duitraugmenlalion de volume de la tête, et qui a clé souvent confondue
avec l'hydrocéphalie commençante; c'est le rachitisme limité au crâne
et accompagné de convulsions internes et d'éclampsie.
Un instant Fisher (de Boston) avait cru trouver dans la présence d'un
bruit de souffle au niveau de la fontanelle antérieure le moyen de re-
connaître l'hydrocéphalie, mais les recherches ultérieures de Rilliet et
de Wirlhgen ont établi que ce bruit de souffle existait également chez
les rachitiques et chez un grand nombre d'enfants bien portants,
^n présence de ces tentatives infructueuses faites pour éclairer le
diagnostic de l'hydrocéphalie chronique et du rachitisme, M. Bouchuta
pensé que la connaissance de nouveaux signes fournis par l'ophthal-
moscopie pourrait donner plus de précision au diagnostic de ces deux
maladies.
Dans l'hydrocéphalie chronique, dit-il, la circulation et la nutrition
du fond de l'œil subissent des modifications qu'explique très-bien la
compression intérieure ou extérieure du cerveau par la sérosité conte-
nue dans le crâne, et ce sont ces modifications, appréciées au moyen
de l'ophtlialmoscope, qui sont précisément des signes importants de
l'hydrocéphalie chronique.
A mesure que la sérosité s'accumule et que la compression du cer-
veau augmente, il se fait dans l'intérieur de l'œil : 1" une vascularisation
plus grande de la papille et de la rétine avec dilatation des veines qui
gardent leur couleur habituelle; 2° un accroissement du nombre des
veines de la rétine ; 3" une infiltration séreuse partielle ou complète de
la papille; 4° une atrophie de la rétine et de ses vaisseaux; 5° une atro-
phie plus ou moins prononcée, quelquefois complète du nerf optique.
Ces lésions varient avec l'ancienneté de la maladie et avec la quantité
de l'épanchement séreux. Elles résultent, soit de la compression des
sinus, ce qui empêche le sang de l'œil de rentrer dans le sinus caver-
neux et ce qui amène l'œdème de la rétine, soit de la compression des
nerfs optiques à l'intérieur du crâne. Elles n'ont pas une influence égale
sur l'exercice de la vision, car, sa'jf l'atrophie de la papille, les autres
permettent encore aux enfants de distinguer les objets. Enfin, ce qu'il y
a de plus important, c'est qu'elles n'existent pas dans le rachitisme.
Eneffet, sur vingt-deux enfants rachitiques queM.Bouchutaexaminés.
enfants de cinq ans à trois ans, dont le corps était peu déformé, et qui
offraient surtout un accroissement de volume de la tôte avec persistance
de la fontanelle antérieure, les uns ayant offert des convulsions internes
ou de l'éclampsie, et les autres n'ayant eu aucun accident nerveux, le
fond de l'œil conservait ses dispositions normales. Il n'y avait aucune
altération de la papille ni de désordre dans la circulation veineuse de
la rétine.
33
En conséquence, conclue-t-ii, l'ophtlialnioscope permet de distinguée
l'hydrocéplialie chronique du rachitisme produisant l'augmentation du
volume Û9 la tête ; car, dans le premier cas, on peut constater au fond
de l'œil des troubles de circulation et de nutrition qui n'existent pas
dans le rachitisme.
C. 15.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
OLOGIË
PENDANT LE MOIS d'aYRIL 1865;
Par iM. le Docteur DLÎMONTPALLIER, secrétaire.
PRESIDEKE B!î M RWER.
1. — Physique appliquée a la physiologie.
Propagation du courant électrique; par C. M. Guillemin.
Les recherches que j'ai entreprises, en 1849, sur la propagation du
courant, ont été récemment le sujet d'observations critiques de la part
de M. Gonnelle, inspecteur des lignes télégraphiques. M. Gonnelle est
mort peu de temps après la publication de son mémoire. Dans la ré-
poTise que j'ai l'honneur de présenter à la Société, réponse qu'il ne me
sera pas permis de développer ultérieurement, à cause de l'absence de
mon contradicteur, j'ai dû réfuter toutes les objections, sans en omettre
aucune. Bien que ce sujet semble étranger à la biologie, je demande la
permission d'en dire quelques mots, attendu que les phénomènes dont
il s'agit peuvent avoir des connexions avec la physiologie du système
nerveux.
36
Mon contradicteur'oppose, comme antérieures à mes travaux, des
expériences sur les câbles sous-marins. Cette question de priorité peut
être facilement jugée, quand on se rappelle que la propagation du cou-
rant dans un long câble est tellement lente qu'on peut Tétudier à l'aide
des instruments usuels ; tandis qu'au contraire, la propagation dans les
fils aériens est si rapide qu'il a fallu une nouvelle méthode expérimen-
tale pour la constater. C'est dans ce but que j"ai imaginé l'appareil
auquel j'ai donné le nom de périodomètre, et je démontre que le but
est atteint, malgré toutes les objections qui me sont adressées.
La plus forte de ces objections se réduit à dire que mon appareil ne
peut donner aucune indication utile parce que, dans le galvanomètre,
les déviations ne sont proportionnelles aux intensités des courants que
dans les vingt ou vingt-cinq premiers degrés. Ma réponse sur ce point
est bien simple : 1° les déviations de mes expériences ne dépassent
point cette limite ; 2" il suffit de graduer le galvanomètre pour qu'on
puisse se servir des déviations supérieures à vingt-cinq degrés, aussi
bien que de celles qui sont inférieures à ce nombre.
M. Gonnelle a dénaturé les résultats de mes expériences en les tra-
duisant graphiquement par des courbes pour la construction desquelles
il n'a jioint suivi les principes admis par tout le monde. Je fais voir en
quoi ce tracé est défectueux et que les courbes construites d'après les
véritables règles, démontrent une approximation de 1/40, très-suffisante
dans des expériences si difficiles, qu'il y a peu de temps encore, elles
paraissaient presque impossibles à réaliser.
On ne peut pas exprimer par un nombre simple la vitesse de l'élec-
tricité, comme on exprime celle du son, celle de la lumière. Ici les
phénomènes de propagation sont beaucoup plus complexes. Ainsi, par
exemple, le courant n'arrive pas tout d'un coup à l'extrémité d'un con-
ducteur, comme une onde sonore arrive à l'extrémité d'un tuyau.
Le courant acquiert graduellement son intensité finale. Faible d'abord
l'intensité augmente rapidement, pour atteindre une valeur maximum
qui ne varie plus, et qu'on appelle élat stable ou permanent du cou-
rant, par opposition à la marche primitivement croissante, qui constitue
Yèlat variable.
Si Ton compare des conducteurs de môme nature, de môme section,
mais de longueur différente, les temps qu'il faut à l'état stable pour se
produire à l'extrémité de ces conducteurs, croissent presque aussi ra-
pidement que les carrés des longueurs.
Cette loi doime la raison de ce fait pratique, que la difficulté de
transmettre des signaux télégraphiques sur des lignes très-longues croît
plus vite que la simple longueur de ces conducteurs.
M. Gonnelle a soulevé sur ce point et sur d'autres encore des ques-
37
lions de principes sur lesquelles il pensait me prendre en défaut. J'ai
fait voir que je n'ai négligé aucun des principes scientifiques qui peu-
vent guider l'expérimentation, et qu'il conviendrait mieux d'adresser un
reproche semblable aux observations critiques qu'au mémoire cri-
tiqué.
Toutes les autres objections très-nombreuses, que mon contradicteur
a formulées en termes assez vifs, n'ont pas de bases plus solides que
celles que je viens de rappeler. Je pourrais même regarder comme un
titre l'absence d'arguments plus sérieux si les faits de la pratique ne
venaient de temps en temps fournir à mes expériences des confirma-
lions précieuses.
Maintenant qu'on sait à peu près comment le courant électrique se
propage, il serait intéressant de savoir si ce qu'on a appelé le courant
nerveux se comporte de la même manière que le courant électrique.
Ainsi, par exemple' le temps qu'il faut au courant nerveux pour pro-
duire un effet déterminé, varie-t-il dans un rapport plus rapproché du
carré de la longueur des nerfs que de la simple longueur de ces or-
ganes ?
IL — Anatomie pathologique.
1" Cas d'atrophie des >erfs olfactifs et d'hypertrophie des racines des
NERES optiques; diminutio.n manifeste de l'odorat; par J. L. Prévost,
int(irne des hôpitaux.
Les fonctions des nerfs olfactifs ont été longtemps, on le sait, un sujet
de discussion entre les physiologistes qui ne sont même pas tous d'ac-
cord, de nos jours, sur ce point. Tandis que le plus grand nombre font
du nerf olfactif le but du sens de l'odorat, nous en voyons d'autres, se
fondant sur les expériences de ALigendie et sur des faits pathologiques,
attribuer les fonctions de l'olfaction au trijumeau.
Des observations où il y avait absence congénitale du nerf olfactif
ou lésions de ce même nerf ont été citées par divers auteurs, mais tantôt
avec conservation, tantôt, au contraire, avec perte du sens de l'olfac-
tion. Il me suffira de rappeler en particulier, pour les opposer, les cas
cités par Pussat et par M. Claude Bernard.
Malgré ces travaux, la question ne me paraît pas complètement réso-
lue, et comme j'ai eu l'occasion de rencontrer à la Salpêtrière, dans le
service de M. le docteur Vulpian, dont je suis l'interne, un cas d'atro-
phie considérable des nerfs olfactifs, j'ai pensé qu'il ne serait pas
inutile de prendre auprès des parents et des amis du sujet tous les ren-
seignements possibles. L'observation post morfeni n'est jamais, il faut
l'avouer, tout à fait concluante ; mais j'ai pu obtenir cependant des dé-
38
tails assez précis, et j'espère qu'ils ne seront pas inutiles à la question
du rôle physiologique de Toifactif, dans le sens de l'odorat,
Obs. — La nommée Bohm (Marguerite), 69 ans, veuve Peulier,
lingèro, entre le 22 avril 1865, salle Saint-Denis, n" 16, service de M. le
docteur Vulpian; elle était admise à la Salpêtrière depuis Tannée 1856.
Cette femme atteinte il y a déjà vingt ans d'une première attaque
d'hémiplégie droite qui ne lui laissa pas de trace, en subit une se-
conde il y a onze ans. Mais cette fois, l'hémiplégie du côté gauche laisse
des traces permanentes : embarras de la marche et difficulté de la pa-
role; cette gêne de langage tenait à la paralysie de la langue; la malade
trouvait bien ses mots, mais elle avait simplement de la peine à les pro-
noncer.
Depuis environ un an la marche était devenue plus difficile; la ma-
lade ne pouvait que difficilement sortir de son dortoir, et ne se rendait
plus en ville pour visiter ses parents.
Le 22 avril, nouvelle attaque apoplectiforme pour laquelle elle entre
à l'infirmerie.
La parole est fort difficile.
Face tirée à gauche et en haut; un peu de paralysie du buccinaleur
droit; langue non déviée; yeux non strabiques; pupilles égales.
Membres. Les mouvements sont presque complètement abolis dit
côté droit.
Cotte hémiplégie droite aila en augmentant les jours suivants. Le ma-
lade s'aflaiblit et succomba le 24 avril dans la soirée.
Autopsie, 26 avril 1865. Je regrette beaucoup de n'avoir pu obser-
ver avec soin la base du crâne, et en particulier m'assurer de l'état de
la lame criblée de l'ethmoïde ; mais le sujet devait être enterré, ce
n'est qu'en toute hâte que j'ai pu enlever le cerveau; et quand je m'a-
perçus des anomalies qu'il présentait, le corps était déjà enlevé.
A l'ouverture du crâne il s'écoula une assez forte quantité de liquide
encéphalo-rachidien, de couleur normale.
Pas de néo-membranes sur la face viscérale de la dure-mère.
L'examen de la base de l'encéphale me fait constater, avec M. le
docteur Vulpian, les particularités suivantes :
Au premier coup d'oeil nous sommes frappés de ne pas trouver bien
visible, comme en cas ordinaire, le pédoncule blanc nacré du nerf
olfactif; il paraît même manquer complètement, et le lobe frontal est
recouvert à sa face inférieure de l'arachnoïde, un peu épaissie à ce ni-
veau.
Un examen plus attentif de la pièce nous fait constater ce qui suit :
Au devant de l'espace perforé antérieur, on aperçoit le petit mnnir-
50
Ton, dont part habituellement le pcdoncule de rolfaclif. 1! est recou-
vert par une seule strie étroite, blanchâtre, se dirigeant de dedans eu
dehors et d'avant en arrière, et représentant une partie des racines ex
ternes du nerf olfactif.
En examinant avec soin le trajet ordinaire du nerf olfactif, on aper-
çoit au-dessous de l'arachnoïde, épaissie notablement à ce niveau, le
tronc du nerf très-grèlc atteignant à peine le diamètre de 1/3 de milli-
mètre. Ce tronc grêle est grisâtre et demi-transparent, au lieu d'être
blanc nacré comme dans l'état sain; il peut, pour sa couleur, se com-
parer aux nerfs qui ont su^^i une d-^générescence atrophique. Ce petit
pédoncule aboutit à un bulbe olfactif qui est aussi très-grêle. Toutes
ces parties sont si ténues et si transparentes que sans un examen mi-
nutieux on aurait pu méconnaître leur existence et conclure à une
absence complète du nerf; mais elles sont devenues beaucoup plus
évidentes à la suite de la macération de la pièce dans l'alcool.
Examen micrograpliique. J'ai fait plusieurs préparations microgra-
phiques de parcelles du pédoncule de l'olfactif; mais je n'ai pu, non
plus que M. le docteur Vulpian qui a bien voulu les examiner aussi, y
découvrir de fibres nerveuses. L'examen micrographique montre une
substance amorphe un peu grenue, dans laquelle on retrouve des petites
fibrilles très-ténues qui ne sont probablement que des débris de lagaîno
des tubes nerveux, gaîne qui, dans le nerf olfactif, est très-mince à l'é-
tat normal, ce qui rend compte de la ténuité de ces fibrilles.
En outre, on retrouve des vaisseaux capillaires qui n'ont pas subi de
dégénérescence athéromateuse.
De plus, disséminés dans la substance amorphe, une grande quantité
de noyaux et de corps amyloïdes, colorant en noir sous l'influence de
l'iode et de l'acide sulfurique. Mais la présence de ces corps amyloïdes
nombreux ne peut être regardée comme offrant un grand intérêt. On
retrouve, en effet, dans l'état normal, surtout dans un âge un peu avancé,
une grande quantité de corps amylo'ides dans le nerf olfactif. Ce matin
même, j'ai fait une préparation d'un nerf olfalctif qui était parfaitement
sain, blanc nacré, afin de le comparer à celui que je présente comme
atrophié, et j'ai retrouvé autant de corpuscules amylo'ides dans l'un
que dans l'autre. Le fait important, sur lequel j'attire l'attention, est
l'absence des fibres nerveuses, ou du moins leur rareté, puisque je n'ai
pu en retrouver dans les quatre ou cinq préparations que j'en ai faites,
tandis que dans le nerf sain que j'examinais comrrie étalon, il y en avait
un fort grand nombre.
On remarquait en outre sur la base de l'encéphale une remarquable
hypertrophie des racines du nerf optique. Elles représentent deux cor-
dons fusiformes très-épais au milieu, et s'élargissant dé nouveau à leur
40
origine. Au niveau des corps genouillés, j'ai constaté les dimensions
en diamètre, en les comparant à une racine optique normale.
RACINE DU NERF OPTIQUE NORMAL. RACINE HYPERTROrHIÉE.
millim. millim.
Diamètre au niveau de l'o- Diamètre au niveau de l'o-
rigine des corps rigine des corps
genouillés 5 genouillés 9
— un peu au-dessus 4 Avant le renflement fusi-
— au milieu 41/2 forme 51/2
Nerf optique, diamètre 4 Renflement (au milieu) 61/2
Nerf optique, diamètre.... 41/2
On peut voir par ces dimensions que la partie moyenne de la racine
du nerf optique formait une sorte de faisceau légèrement rétréci à son
origine, et offrant un nouveau rétrécissement au niveau du chiasma.
Le chiasma paraît sain et les nerfs optiques sont un peu plus volumi-
neux que dans l'état normal; l'hypertrophie siégeait uniquement sur la
racine qui offrait d'ailleurs la couleur et l'aspect de l'état normal, hors
sa grosseur.
Autres parties de l encéphale' Artères de la base très-alhéroma-
teuses.
Corps strié gauche. Lacune pouvant contenir une petite noisette à la
partie inférieure du noyau gris extra-ventriculaire; mais la plus grande
partie de ce noyau est saine. Rien dans la couche optique. Cette lacune
offre une paroi tapissée par une membrane très-mince d'aspect cireux,
parcourue par un petit nombre de vaisseaux.
Corps strié droit. Au moment où l'on ouvre le ventricule du côté
droit, on voit qu'au-dessous de la membrane ventriculaire qui recouvre
le corps strié de ce côté, il y a des lacunes dans la partie superficielle,
sous-membraneuse du corps strié. Une de ces lacunes est placée à la
partie moyenne du corps strié, et une autre vers la réunion du corps et
de la queue du corps strié. La lacune antérieure est très-peu étendue
en profondeur, et peu large d'ailleurs (moins d'un centimètre de dia-
mètre). Il n'y a qu'une petite quantité de la substance grise du noyau
caudé qui soit détruite en ce point.
La lacune postérieure est plus étendue, soit en profondeur, soit en
largeur. Elle pourrait contenir une noisette environ, et comprend toute
la hauteur de la substance grise du noyau caudé, et empiète môme un
peu sur les radiations blanches contenues dans le corps strié.
Rien dans le reste du corps strié ni dans la couche optique.
Tubercules (luadrijumcaux sains, volume normal. Légère altéra lion
4i
des parties tout à fait superficielles des lobes sphénoïdaux à la hase. La
pie-mère qui est un peu épaissie est adhérente à la substance grise, et
Ton enlève une petite partie de cette substance en môme temps que
Ion détache la pie-mère.
Les nei'fs trijumeaux sont sains.
Telle est celte observation intéressante, surtout au point de vue de
latrophie manifeste des nerfs olfactifs. Frappé de cette altération et
pensant que l'odorat pourrait être modifié, je me suis rendu d'abord dans
le dortoir de la femme Peulier; j'y appris de ses voisines qu'elles s'é-
taient souvent aperçues que cette femme n'avait pas d'odorat {sic), que
fréquemment elles l'avaient priée d'enlever sa chaufferette qui donnait
de lodeur, mais qu'elle répondait toujours qu'elle ne le sentait pas.
Elle ne s'apercevait pas en outre le matin de l'odeur du dortoir ni de
celle du poêle pendant l'hiver, et se refusait toujours à laisser ouvrir
les fenêtres. Ces faits me paraissaient peu concluants; on peut en effet
l'attribuer à la crainte du froid, et les voisines ni la surveillante du
dortoir ne purent me donner des détails plus précis.
Je me suis rendu alors chez le fils de madame Peulier, rue Montor-
gueil, et chez sa fille, madame Bertrand, rue Montmorency, qui revint
elle-même le lendemain à l'hôpital, et nous donna à M. Vulpian et à
moi des détails très -précis. Comme nous avons pris toutes les précau-
tions possibles pour ne pas influencer ses réponses, elles me paraissent
avoir quelque valeur.
Il résulte de ces informations que madame Peulier aurait eu ancien-
nement l'odorat très-développé ; elle craignait fort les mauvaises odeurs,
affectionnait les bonnes, et avait grand goût pour les parfums et les
aliments savoureux ; elle buvait avec grand plaisir du café, et aimait les
fleurs.
Depuis deux ou trois ans ses parents avaient remarqué que l'odorat et
le goût de madame Peulier diminuaient beaucoup ; elle ne s'apercevait
plus de l'odeur du charbon ni du bon ou du mauvais goût de ses ali-
ments. Sa fille nous rapporte plusieurs occasions, en les précisant, où
sa mère ne se serait pas aperçue de mauvaises ou de bonnes odeurs. La
malade s'en était aperçue elle-même, et en avait fait, à plusieurs reprises,
l'observation. On se plaignait en particulier un jour, auprès d'elle, de
ce que sa chaise percée répandait une mauvaise odeur. Quant à moi,
aurait-elle répondu, je ne sens rien, j'ai perdu l odorat.
.le pourrais citer encore d'autres détails que me donnèrent les parents
de madame Peulier. Ceux-ci suffisent, ce me semble, pour me prouver
que le sens de l'odorat et du goût avaient diminué et môme presque
complètement disparu depuis plusieurs années chez le sujet de celle
^'***. •& '^t^ Sri? "^ ■ /
42
observation. La disparition de Ce sens me paraît devoir ôtre rapprochée
de Tatrophie si considérable, si manifeste qu'avaient subie les nerfs ol-
factifs.
Certains auteurs, qui placent l'origine des nerfs olfactifs dans les corps
striés, pourraient peut-être attribuer l'atrophie de ces nerfs aux altéra-
tions déjà anciennes que nous avons retrouvées dans les corps striés.
Mais nous pourrions leur répondre que les lésions des corps striés sont
très-fréquentes; on a l'occasion d'en rencontrer dans la plupart des au-
topsies d'hémiplégies. Quoi de plus rare, au contraire, que l'atrophie du
nerf olfactif?
Aussi sans rechercher le point de départ de cette atrophie, contentons-
nous de la signaler et de la rapprocher de la perte de l'odorat, et en
partie du goût, qui a été constatée par les parents de la malade.
Quant aux fonctions de la vision, je n'ai rien appris de bien particu-
lier. La veuve Peulier voyait encore bien dans les dernières années do
sa vie, et continua même jusque dans les derniers mois à broder : travail
dans lequel elle excellait, parait-il.
in. — Physiologie expérimentale.
1° Nouvelles expériences sur la déglutition faites au moyen de l'auto-
LARYNGOscopiE par le docteur H. Guinier, agrégé à Montpellier.
Mes expériences d'auto-laryngoscopie ne datent pas précisément d'au-
jourd'hui; il y a déjà longtemps que j'en ai pour témoins les corps sa-
vants de Montpellier dont je m'honore de faire partie. Le compte rendu
de la séance du 19 novembre 1860 de notre Académie des sciences et
lettres le constaterait au besoin {Montpeilier médical^ t. VL p. 89, jan-
vier 1861).
Une grande habitude du laryngoscope, que je manie journellement
depuis son introduction en France par M. le professeur Czermak, m'a
fourni de nombreuses occasions de voir sur les autres comme de vérifier
quelquefois sur moi-môme, soit au point de vue physiologique, soit au
point de vue pathologique, bien des choses très-intéressantes et encore
très-peu étudiées.
Pour le moment, je me bornerai à faire connaître les expériences re-
latives à la note que la haute bienveillance de M. le professeur Claude
Bernard, à qui j'ai eu l'honneur de montrer directement les faits le
24 avril dernier, m'a permis de faire arriver jusqu'à l'Institut, et que la
plupart des journaux de médecine de Paris ont bien voulu reproduire.
Dans une première expérience, je démontre la facilité do maintenir,
pendant un temps illimité, le miroir laryngo-nasal ou de Liston dans
son lieu d'élection habituel, le fond du gosier; la facilité d'explorer, .
43
loisir et avec détail, la base do la langue et lï-pigloLte, dans leur lota-
lité, la totalité des gouttières latérales du pharynx et de la paroi mu-
(|ueuse sous-épliglotlique avec le bourrelet de Czermak et Torifice de
Tœsopliage, les replis aryténo-épiglottiques, avec les tubercules formés
par les cartilages de Wrisberg etdc Santorini, limitant l'ouverture ves-
tibulaire du larynx ; les ligaments thyro-aryténoïdiens supérieurs ou
fausses cordes vocales, l'ouverture des ventricules du larynx ou de
Morgagni, les deux ligaments vocaux inférieurs ou vraies cordes vocales
et l'ouverture de la glotte, dans leur totalité; une grande portion de la
trachée; le jeu des diverses parties constitutives de la glotte pendant
la phonation; enfin, en renversant le petit miroir, l'intérieur des fosses
nasales et notamment l'orifice de la trompe d'Eustaclie.
Ces diverses explorations sont faites sans aucune préparation médi-
camenteuse préalable, et sans autre instrument dans la bouche que le
miroir laryngo-nasal.
Dans une seconde expérience, je fais voir très-nettement le trajet que
suit le bol alimentaire dans l'acte de la déglutition.
L'habitude de lauto-laryngoscopie m'a rendu facile la déglutition d'un
bol alimentaire peu volumineux, avec le larygoscope en place, et elle
m'a permis d'en suivre ainsi le trajet jusqu'à sa disparition complète
dans l'œsophage.
L'expérience est faite avee un morceau de mie de pain blanc. Je le
mâche et je linsalive de manière à lui donner une consistance très-
molle et à rendre facile sa désagrégation. J'introduis alors le laryn-
goscope à sa place, et voici ce que j'observe et ce que je fais voir en
môme temps à plusieurs personnes à la fois.
Le bol alimentaire, dont la blancheur laiteuse contraste vivement
avec la rougeur sombre de la muqueuse bucco-pharyngée, suit la face
dorsale de la langue jusqu'à sa base, où il rencontre l'épiglotte contre
laquelle il s'arrête.
Par des mouvements incomplets de déglutition, consistant principale-
ment en des mouvements de reptation de la langue (mouvements qui
m'obligent à des efforts volontaires énergiques pour empêcher le con-
cours des muscles du pharynx tendant à fermer l'isthme du gosier et
dont je ne parviens qu'à retenir incomplètement les contractions syner-
giques), le bol alimentaire saute par-dessus l'épiglotte qui reste inerte
et à peu près immobile. Dans cette culbute par-dessus l'épiglotte, le
bol alimentaire passe par-dessus le bord libre de cet appendice mem-
braneux qui semble s'incliner vers la langue, à la manière d'une pelle,
pour le recevoir, et il chemine plus ou moins lentement sur la face pos-
térieure ou laryngée, lisse et creusée en demi-gouttière, de l'épiglotte.
De là. le bol alimentaire, paraissant entraîné par son propre poids.
44
Icmbc et se répand sur les bords et au centre même du vestibule de la
ji;lotte, de laquelle il réouvre ainsi l'ouverture; là il se trouve arrêté à
la fois par la contraction automatique des replis aryténo-épiglottiques
e.t des ligaments thyro-aryténoïdiens supérieurs, mais surtout par celle
des ligaments vocaux ou vraies cordes vocales, qui ferment par leur
contact absolu toute communication avec la trachée.
A ce moment je n'éprouve aucune sensation pénible, sinon que le
besoin de déglutition atteignant son plus haut degré, il faut d'assez
grands efforts pour ne pas opérer immédiatement le mouvement ordi-
naire de bascule ou d'ascension du larynx qui la termine. J'y parviens
cependant, et l'on voit alors le bol alimentaire, étalé sur l'espèce de
plancher formé par la glotte contractée, disparaître de là par fragments
dans l'œsophage que des essais contenus de déglutition entr'ouvrent
par saccades successives.
Cette expérience est des plus curieuses et des plus intéressantes;
elle prouve :
1" Que la déglutition complète est possible sans occlusion du pharynx,
par l'application de la base de la langue sur sa paroi postérieure, puis-
que, cette occlusion interposant une barrière entre le laryngoscope et
le bol alimentaire, celui-ci serait aussitôt perdu de vue ;
2° Que le renversement préalable de l'épiglotte, pour protéger le la-
rynx à la manière d'un couvercle, n'est pas nécessaire durant le pas-
sage du bol alimentaire du pharynx dans l'œsophage;
3" Que le bol alimentaire peut être sans inconvénient en contact di-
rect avec les replis muqueux de la glotte, et que la seule contraction
des cordes vocales suffit pour protéger les voies respiratoires contre
l'accès des corps étrangers venus du pharynx ;
4" Que la muqueuse de la base de la langue, de l'épiglotte et de l'in-
térieur du larynx paraît douée d'une sensibilité spéciale que l'on pour-
rait appeler sensibililé gustalivc ou de déglutition^ puisque le contact
de l'aliment n'y provoque aucune autre sensation que le besoin de dé-
glutition, tandis que le contact d'un corps étranger solide, tel qu'une
sonde, sur un point quelconque de cette muqueuse, produit à l'instant
une sensation des plus désagréables qui amène, par action réflexe, une
toux convulsive ou des efforts de vomissement.
Il reste cependant à déterminer pourquoi une sonde, portée franche-
ment et sans titillation préalable sur un point de la muqueuse pharyngo-
laryngienne produit une sensation désagréable, tandis qu'un fragment
de la môme sonde ou tout autre corps inerte, tel qu'un noyau de fruit,
peut être avalé, c'est-à-dire être mis en contact avec tous les points de
la même muqueuse sans produire aucune sensation analogue.
Je poursuis des expériences destinées à élucider cette question.
45
Dans une troisième expérience, je fais voir que le liquide des garga-
rismes peut facilement dépasser l'épiglolte et qu'il baigne alors la glotte
elle-même.
L'expérience est faite avec une petite quantité de liquide à peu près
calculée de manière qu'elle remplisse seulement la cavité sous-épi-
glottique.
Je prends donc une petite gorgée d'eau, et, renversant la tête en ar-
rière, je la fais s'introduire en vertu de son propre poids dans la cavité
sous-épiglottique; j'introduis le laryngoscope à sa place, et l'on voit
très-facilement le liquide sous-jacent à l'épiglotte qui est ou peut être
à sec, bouillonner dans la cavité du larynx sous l'influence des petites
bulles d'air que j'expire au travers de ma glotte.
Cette expérience très-facile ne fait, pas plus que les précédentes,
éprouver aucune sensation pénible, et elle peut également se prolonger
pendant tout le temps d'une longue expiration ou bien autant de temps
que l'on peut retenir sa respiration.
Elle prouve qu'il est possible de porter des liquides médicamenteu.x.
sous forme de gargarisme jusque sur la muqueuse du larynx.
2" Recherches expérimentales sur le siège des combustions respiratoires ;
par MM. A. Estor et C. Saintpierre.
M. Saintpierre résume les expériences principales qui ont donné lieu
à ce mémoire. L'opinion qui règne aujourd'hui dans la science veut que
les combustions respiratoires se passent dans les capillaires généraux,
ou plus spécialement dans les capillaires des muscles. Certains ont
même admis qu'elles avaient lieu dans la molécule des tissus. Les ex-
périences nouvelles que MM. Estor et Saintpierre présentent à la So-
ciété sont destinées à constater les opinions précédentes.
Des analyses nombreuses des gaz du sang ont permis aux auleurs de
conclure que Toxygène varie notablement dans les différents points du
torrent circulatoire. 100 volumes de sang contiennent en moyenne :
Artère carotide 21,06
Artère rénale 18,22
Artère splénique 14,38
Artère crurale 7,62
Veine crurale 2,50
Ces chiffres diminuent peu à mesure que le sang s'éloigne du cœur;
il perd rapidement une partie considérable de son oxygène, si bien que
du cœur aux membres, le sang s'appauvrit plus en oxygène qu'en
traversant les capillaires généraux. Il en est de môme s'il est retardé
L I B R A R Yj:."cl
dans sa marche par les courbures accentuées des vaisseaux, ainsi que
l'artère splénique nous en offre un exemple.
Les expériences des auteurs les amènent à conclure que les capillai-
res, le tissu musculaire ne sont pas seuls aptes à absorber Toxygène ; le
lissu du rein fait de même; on ne saurait donc invoquer la nécessité de
l'action des capillaires musculaires pour l'accomplissement des com-
bustions respiratoires. De même encore la sérosité plus grande du sang
qui sort d'un muscle en contraction, est due exclusivement au ralen-
tissement de son cours et non pas à un acte physiologique corrélatif du
fonctionnement du muscle.
L'étude chimique des phénomènes de combustion respiratoire con-
duit les auteurs à classer dans des ordres différents les oxydations di-
rectes qui se passent dans le sang et les oxydations indirectes, suite de
dédoublements qui ont lieu dans les organes et les tissus. Ils admettent
que les oxydations respiratoires sont progressives et que le sang con-
tenant les matériaux les plus amples de l'organisme, il n'est paspos-
sible de considérer les glandes ou les tissus comme des appareils de
combustion proprement dits.
IV. —Epidémies.
L'épidémie de Saint-Pétersbourg; par M. J. M. Ciiarcot.
Il est permis de reconnaître aujourd'hui que cette maladie n'est pas
la peste, ainsi que le bruit en avait couru; elle n'est pas non plus,
comme on l'avait dit encore, le typhus exanthématique (typhus fever);
c'est une espèce morbide distincte, ne relevant que d'elle-même, qui
naguère a régné épidémiquenient en diverses contrées de l'Europe, en
Irlande surtout, ainsi qu'en Ecosse, et que les auteurs anglais ont les
premiers étudiée et décrite sous le nom de fièvre à rechute {relapsing
fever) .
M. le docteur îlerrmann a donné dernièrement une description de la
fièvre récurrente fondé* sur la comparaison de plus de 700 cas, et con-
forme, d'ailleurs, à celle que le professeur Botkin avait produite avant
lui.
La relation du docteur Herrmann est, du moins à notre connaissance,
le document le plus complet que nous possédions, quant à présent, sur
l'épidémie de Saint-Pétersbourg; à ce titre, elle nous a paru digne
d'être signalée à l'attention des médecins. Nous la reproduisons d'a-
près l'abrégé qui en a été donné par le docteur Leyden dans le Cen-
TRALELATT Fl'R DIE MEDICIMSCHEN WlSSENSCHAFTE>' (numérodu 25 maTS I 865'l,
l'article original n'étant pas parvenu jusqu'à nous.
47
u La lièvre à reclmle simple ou de forme bilieuse s'est montrée à
Saint-Pétersbourg, pour la première fois, pendant l'été de 1864. Les
premières observations, qui ont été recueillies par M. Herrmann à l'ijô-
pilal d'Obuclioff, datent du mois d'août 1804; depuis cette époque, les
faits analogues se sont multipliés de toutes parts. La maladie mérite
d'autant plus de fixer l'attention des médecins, que, dans sa forme bi-
lieuse, c'est une affection grave et qui fait de nombreuses victimes.
« Considérée dans son type d'entier développement, elle est con-
stituée par une série de deux, plus rarement de trois accès fébriles,
séparés par une période de rémission très-accusée. Le moment où se
termine chaque accès est marqué par un brusque.apaisement du mouve-
ment fébrile. Les localisations les plus constantes se font sur la rate,
qui acquiert des dimensions parfois considérables et sur l'appareil bi-
liaire.
« L'invasion est brusque ; elle s'annonce tantôt par un frisson violent
qui peut se répéter une deuxième fois, tantôt, et plus souvent, par des
frissons erratiques. La céphalalgie, une soif vive, l'anorexie, des vomis-
sements, une prostration plus ou moins profonde, se déclarent ensuite.
A ces symptômes il se joint tantôt de la diarrhée, tantôt de la consti-
jiation. Un sentiment de brisement des membres, des douleurs muscu-
laires ou articulaires simulant celles du rhumatisme, se manifestent
parfois dès cette période, et persistent ensuite pendant toute la durée du
cours de la maladie.
« Au bout d'environ vingt-quatre heures apparaissent les symptômes
de la maladie constituée. La face est rouge, la physionomie s'altère;
fréquemment il se manifeste dès le troisième ou le quatrième jour une
légère teinte ictériquc. Céphalalgie gravative; la peau est chaude et
sèche ; quelquefois cependant on observe une certaine tendance à la
moiteur. La température s'élève à 39, 40 ou même 41 degrés centi-
grades, et l'on compte de '20 à 22 inspirations à la minute. Fréquemment
il y a du météorisme ; le foie est légèrement tuméfié, et à peu près
constamment le volume de la rate s'accroît. Soif vive, anorexie com-
plète; selles habituellement molles, abondantes, et d'une coloration
jaune claire. L'urine rare présente une réaction fortement acide et con-
tient de temps à autre des traces d'albumine ; son poids spécifique est de
1,016 1,024 ; dans les rémissions il descend à 1,007, 1,009. Les douleurs
musculaires persistent sans discontinuer; il y a un sentiment de pros-
tration profonde et une sorte d'apathie. Le pouls, dès le premier jour,
bat de 100 à 120 fois par minute, plus tard il donne jusqu'à 100 ou
même 140 pulsations. Jactitation, insomnie et quelquefois délire. Cet
état dure sept jours en moyenne (quatre jours au moins, dix au plus) ;
puis, au moment où fous les symptômes paraissent avoir atteint leur
48
plus grande violence, ils s'amendent ou môme disparaissent tout à coup
le plus souvent à la suite de sueurs copieuses ; après quoi survient un
sentiment de bien-être. Le malade, faible encore et anémique, paraît
cependant entrer en convalescence. Mais ce n'est là toutefois qu'un
temps d'arrêt, du moins le plus souvent; car, en règle générale, de quatre
à dix jours après la cessation de ce qu'on pourrait appeler le premier
accès, il survient tout à coup, et sans cause apparente, une rechute
dans laquelle tous les symptômes caractéristiques se montrent de nou-
veau, mais généralement avec une intensité moindre. Ces deux accès
constituent habituellement toute la maladie ; on a vu cependant les
rechutes se reproduire une seconde et même une troisième fois.
« Dans les cas les plus graves, la mort peut avoir lieu dans le premier
accès. Une prostration profonde, l'état hydrémique, l'hydropisie géné-
rale, le délire suivi de coma, tels sont les symptômes qui annoncent
la terminaison fatale. Les convulsions n'ont été observées que dans un
seul cas.
« Telle est la forme simple de la fièvre à rechute; la forme bilieuse
[febris recurrens biliosa, biliosc typlwid) en diffère seulement par la
prédominance des symptômes hépatiques. Dès l'origine on observe des
vomissements bilieux presque incessants, l'ictère est plus prononcé ; il
s'y joint de bonne heure des accidents cérébraux ; un état de collapsus,
en même temps que des hémorrhagies, s'opèrent par diverses voies, et
ainsi se trouve reproduit le tableau symptomatique de l'ictère grave. Le
pronostic, en pareil cas, est des plus sérieux, mais il ne faut encore
désespérer de rien : alors même que le coma persiste depuis plusieurs
jours, on peut voir, sous l'influence des moyens irritants, et surtout des
affusions froides, la guérison survenir. Les cas les plus graves sont ceux
dans lesquels le malade rend desselles liquides, noirâtres, et vomit une
matière noire semblable à du marc de café ou du sang moins altéré.
La teinte iclérique est alors poussée à l'extrême ; le coma et l'état de
collapsus (algidité, cyanose des extrémités) sont aussi prononcés que
possible, et la terminaison fatale a lieu, en général, du dixième au dou-
zième jour de la maladie. Dans la forme bilieuse l'étude méthodique
des symptômes fébriles a donné des résultats qui méritent d'être si-
gnalés. Après la période prodromique, qui, en général, est de courte
durée, la température s'élève à 40, 41, ou même 42 degrés centigrades;
dans la matinée on observe habituellement une rémission marquée par
un abaissement d'un demi-degré à 1 degré centigrade. Pendant les in-
termissions, la température reprend le niveau normal ou môme descend
plus bas. Le pouls, durant l'accès, oscille entre 100 et 160 ; dans les in-
termissions il donne seulement de 45 à 72 battements à la minute ; il
est presque toujours petit, et sa fréquence s'accroît sous l'influence des
49
moindres excitations ; jamais il ne s'est montré dicrote. La durée de la
période d'intcrniission varie entre quatre et dix jours.
u !\laintes l'ois on a essayé, mais toujours sans succès, de prévenir par
l'administration du sulfate de quinine l'apparition des rechutes.
« L'accès se termine en général brusquement, et sa terminaison est
marquée par des phénomènes critiques, le plus souvent par des sueurs
profuses qui persistent pendant douze, vingt-quatre ou même trente-six
heures. Dans le même temps le pouls descend rapidement de 100, 120,
à GO ou iO pulsations. La température s'abaisse de 1°,5 à 3 ou 4 degrés
centigrades ; après cela l'apyrexie est complète. Rarement le retour à
l'état normal s''opère lentement, progressivement, par lysis, et cela n'a
lieu que dans les cas où il existe quelque complication.
« Parmi les symptômes les plus caractéristiques de la fièvre à rechute,
il faut citer l'état de collapsus (algidité, cyanose), les douleurs rhuma-
toïdes et surtout la tuméfaction de la rate; celle-ci est appréciable dès
le deuxième ou le troisième jour de la maladie. La détumescence de
l'organe s'opère au contraire très-lentement; les vomissements de sang
plus ou moins altéré appartieiinent surtout à la forme bilieuse.
« La durée totale de la maladie varie de vingt et un, vingt-trois jours à
trente, quarante ou même cinquante-deux jours. Elle dépasse, comme on
voit, la durée moyenne du typhus. La mortalité a été, pour les faits ob-
servés à l'hôpital d'Obuchoff, de 10,77 pour 100. La forme bilieuse est de
beaucoup la plus redoutable, surtout lorsqu'elle s'accompagne de symp-
tômes urémiques ou cholériformes, car alors les malades succombent
dans la proportion de 2 sur 3.
« Voici l'indication sommaire des faits nécroscopiques les plus im-
portants : La rate est à peu près toujours (toujours suivant le doc-
teur Ilerrmann) augmentée de volume; son poids peut s'élever jusqu'à
3 livres. Le parenchyme splénique est friable, remarquablement gra-
nulé ; les corpuscules de Malpighi présentent habituellement des dimen-
sions considérables. Le foie est tuméfié comme la rate, mais à un degré
bien moindre. Les cellules hépatiques ont perdu leur transparence et
renferment d'abondantes granulations graisseuses. Dans certains cas,
suivant le docteur Hermann, on trouve en outre, au milieu des acini,
des dépôts constitués par une matière grasse qui présente ce caractère
particulier, qu'elle ne se divise pas sous forme de gouttelettes et qu'elle
ne se dissout pas dans l'éther. La vésicule biliaire est distendue par une
bile épaisse. Jamais il n'existe d'obstruction dans le trajet du canal cho-
lédoque, mais l'orifice duodénalde ce conduit et la membrane muqueuse
du duodénum elle-même, ainsi que la muqueuse gastrique, portent ha-
bituellement les traces d'une inflammation catarrhalc intense, avec ac-
compagnement d'hémorrhogies capillaires dans certains cas; dans l'in-
c. a. 4
50
testin grôle, la membrane muqueuse est aussi parfois injectée, mais
d'î! illeurs on n'y rencontre aucune altération des glandes de Peyer ou
des follicules isolés.
« La dégénération graisseuse des cellules épithéliales du rein est chose
fréquente. — En général, les centres nerveux, ainsi que les nerfs péri-
phériques, ne présentent aucune altération appréciable. — Les fibres
musculaires du cœur sont, au contraire, souvent le siège de la dégéné-
ration granuleuse, et, en même temps les muscles de la vie animale,
ceux des bras et des mollets en particulier, présentent des traces évi-
dentes de dégénération graisseuse.
« En ce qui concerne l'étiologie, il faut signaler au premier rang le
caractère contagieux de la maladie : plusieurs médecins et plusieurs
personnes attachées au service des hôpitaux en ont été atteints. En gé-
néral, on compte peu de victimes dans les classes moyennes, et prin-
cipalement dans les hautes classes ; elles ont été au contraire surtout
nombreuses parmi les ouvriers jeunes et vigoureux. L'épidémie s'est dé-
veloppée pendant Tété de 1864 (juin et juillet), elle a continué à sévir
pendant l'automne et l'hiver de 1864-65; elle n'est pas encore éteinte
aujourd'hui. Parmi les circonstances qui paraissent avoir concouru à
son développement, il faut citer l'encombrement, l'usage des pommes
de terre malades et d'un pain altéré par la présence de Tergot de sei-
gle. L'abus des boissons spiritueuses prédispose à contracter la maladie.
a Suivant le professeur Botkin, il ne se serait présenté aucun cas de
typhus ou de fièvre typhoïde dans le service de la clinique depuis le
début do l'épidémie.
a La fièvre à rechute était, paraît-il, inconnue à Saint-Pétersbourg
avant le développement de Pépidémie actuelle, mais au rapport du
docteur Bernstein (d'Odessa), elle aurait régné dans cette dernière ville
pendant l'année 1863. » {Petersburgcr Medicinalbole, n° 29, Jahrg.
1864; citation du professeur Botkin.)
A en juger par la description qui précède, l'identité parait complète
entre la maladie de Saint-Pétersbourg et le relapsing fever des auteurs
anglais. Les seules différences qu'on pourrait relever seraient toutes
fondées sur des caractères de second ordre et telles qu'on doit s'atten
dre à les rencontrer, lorsqu'il s'agit d'épidémies diverses d'une même
maladie. C'est ainsi que la léthalité plus grande de l'épidémie russe pa-
raît devoir être rapportée surtout à la prédominance de la forme bi-
lieuse (syndrome ictère grave : — ictère intense, hémorrhagies gastro-
intestinales, dégénération graisseuse des éléments cellulaires du foie et
des reins, accidents cérébraux, etc., etc.), qui ne se trouve pour ainsi
dire qu'indiquée dans la plupart des épidémies d'Irlande et d'Ecosse.
L'existence concomitante, presque obligatoire, du typhus exanthéma-
51
tique dans un cas, son absence dans l'autre cas, — si toutefois elle est
bien établie, — pourraient encore être citées comme un trait distinctif.
V. — Pathologie.
Note sur vs cas d'endopéricardite ulcéreuse a. forme typhoïde ;
par MM. Î)uguet et Hayem, internes des hôpitaux.
En 1852, Senhouse Kirkes (1) attira l'attention sur les accidents
graves qui coïncident avec les ùlcéraitions de l'endocarde, t'était à
propos du transport dans le sang de particules fibrineuses qui avaient
eu pour point de départ une lésion de la séreuse cardiaque.
Bientôt d'autres observateurs furent frappés également de la forme
grave de l'affection ulcéreuse dé Téndocarde, et sous le nom à'ejiclo-
cardite ulcéreuse, cherchèrent à désigner une sorte de maladie typhoïde
s'accompagnant le plus ordinairement de foyers métastatiques. C'est
ainsi que se succédèrent les observations de MM. Charcot et Vulpian,
Virchow, Lancereaux, Beckmann, etc., dans lesquelles on remarque
surtout une préoccupation très-grande touchant l'explication des phé-
nomènes typhoïdes et pyohémiques, et un accord presque unanime de
ces auteurs pour rapporter ces phénomènes à l'intoxication du sang
par le transport des particules ramollies de l'endocarde.
La cause prenîiière de ces ulcérations, qui n'a peut-être pas assez pré-
occupé l'esprit de ces observateurs, est cependant très-variable, et il
suffit pour s'er assurer de jeter un coup d'oeil sur l'ensemble des cas
réunis par M. Vast dans sa thèse (2).
En effet, tantôt les malades frappés brusquement au milieu d'une
bonne santé apparente sont pris, sans cause appréciable, d'un état ty-
phoïde grave, et l'autopsie seule vient dévoiler la relation clinique des
symptômes observés avec l'ulcération de l'endocarde;
Tantôt une affection rhumatismale simple, ou grave dès le début,
donne lieu aux accidents;
Tantôt ceux-ci surviennent à la suite d'une fièvre puerpérale.
Mais une chose frappe, même dans les observations relatées avec le
moins de détails, c'est l'apparition de symptômes généraux graves dès
le début et une sorte d'état typhoïde persistant jusqu'à la mort du ma-
lade.
Aussi ceux mêmes qui se sont servis du terme eridocardîte ulcéreuse
(1) Archives générales de médecine^ 1853.
{Tj Thèses de Paris, 1864,
52
pour exprimer l'ensemble de la maladie, ont trouvé l'expression défec-
tueuse. Il ne s'agit pas d'une inflammation rhumatismale ou suppurative
de l'endocarde valvulaire ou cardiaque, mais d'une sorte de ramollis-
sement du tissu sous-endocardique, déterminant comme à l'emporte-
pièceuneulcérationdelaséreuse. Ilnes'agitpas non plus, dans la plupart
des observations prises en détail, d'un simple transport de végétations
fibrineuses ou de matières inertes ne déterminant que des oblitérations
vasculaires, suivies d'infarctus, mais bien d'une infection générale du
sang, d'une sorte de pyohémie.
Ce tableau résume les opinions partagées par MM. Senhouse Kirkes,
Virchov^', etc., et jusqu'ici celles qui, basées sur les faits les plus pro-
bants, méritent le plus d'être commentées.
Déjà M. Bouillaud, dans son Traité des maladies du cœur, avait re-
marqué la coïncidence d'un état typho'ide avec l'endocardite ; mais il
était loin de croire que cet état général fût sous la dépendance de la
lésion cardiaque.
Il n'avait certainement pas remarqué la formation des infarctus ; aussi
l'explication de Senhouse Kirkes, fondée en apparence sur des faits plus
complets, sembla satisfaire pleinement les exigences de la question.
Mais le simple mélange avec le sang de particules étrangères donne-
t-il l'explication complète de la maladie ?
Quand on envisage tous les cas d'ulcérations de l'endocarde, on voit
que bien des fois ces ulcérations produisent à leur suite le dépôt dans
le courant sanguin de particules étrangères et non solubles, mais qui ne
déterminent jamais, par leur arrêt dans le système circulatoire, les
symptômes de l'endocardite ulcéreuse.
Ne voyons-nous pas fréquemment chez les vieillards dans la dégé-
nérescence athéromateuse et calcaire, une source abondante de pro-
ductions qui, mélangées au sang, sont transportées avec lui ? Tantôt
c'est la matière ramollie d'un foyer athéromateux ; tantôt ce sont des
concrélions fibrineuses, sortes de végétations qui ont pris naissance sur
une ulcération chronique de l'endocarde.
Et dans tous ces cas, ces matériaux ne vont-ils pas déterminer des
lésions purement locales?
C'est ainsi que dans un grand nombre d'observations on a constaté
que la gangrène sénile par oblitération artérielle, et diverses formes
de ramollissement cérébral étaient dues souvent au transport de bou-
chons qui ne reconnaissaient pas d'autre point de départ que l'endo-
carde, et dans ces cas n'a-t-on pas vu aussi des infarctus du rein, de
la rate, du foie.
La science possède aussi des exemples d'endocardite rhumatismale
qui ont donné lieu à des infarctus viscéraux, à des foyers de ramollis-
53
sèment sans que lo rhumatisme ait présenté dans sa marche des phéno-
mènes généraux tels que ceux qui frappent dans l'endocardite ulcéreuse
proprement dite.
Quelques-uns de ces faits môme ont été confondus, particulièrement
dans les premières observations de M. Senhouse Kirkes, avec la véri-
table forme typhoïde de l'endocardite ulcéreuse. Aussi MM. Virchow,
Charcot, Vulpian et Lancereaux ont-ils cherché à démontrer que c'est
par le mélange du produit do ramollissement de l'endocarde avec le
sang que l'on voit survenir l'état typho'ïde ou la pyohémie.
Ils séparèrent les véritables abcès du simple ramollissement du tissu
sous-endocardique pour voir dans les ulcérations de l'endocarde un
processus particulier (processus diphlhéritique des Allemands) qui
donne naissance à un détritus puriforme plutôt que purulent, doué de
propriétés septiques et produisant par son mélange avec le sang, des
phénomènes d'infection générale.
Mais d'où proviennent ces foyers de ramollissement, cette matière
puriforme qui n'est pas du pus, cette propriété septique d'un détritus
qui tout à l'heure pouvait être transporté dans lo sang en no détermi-
nant que des manifestations locales, et qui maintenant possède des pro-
priétés infectieuses si intenses?
Evidemment, sans entrer ici dans la théorie générale de la pyohémie,
il était utile de signaler ces desiderata que l'on trouve à propos du
mode de formation des ulcérations du cœur, et surtout de ces ulcéra -
lions capables d'amener un état général aussi grave.
Plusieurs fois on a remarqué, dans la musculature du cœur, des alté-
rations notables; plusieurs fois on a vu dans les viscères, et notamment
dans une des observations de M. Lancereaux, des lésions qui auraient pu
mettre sur la trace de la cause première de l'affection; mais nous n'a-
vons pas trouvé un seul cas, où la mort arrivant rapidement, avec des
symptômes typho'ides graves dès le début, l'on ait décrit avec soin l'état
des différents viscères et recherché quels peuvent être les rapports de
leurs altérations avec la nature même de la maladie.
Nous avons eu l'occasion de faire ces recherches dans l'observation
suivante, et nous nous sommes surtout efforcé de remonter à la cause
même de l'ulcération de l'endocarde, cause qui nous paraissait dominer
toute la scène pathologique.
Phénomènes typhoïdes ; pneumonie double ; endo-péricardite ; éruptions
pÉTÉcniALER; adynamie; mort rapide; autopsie; myocardite; altérations du
roiE et des reins ; endo-péricardite ulcéreuse ; infarctus hémorriiagiques et
PBRIFORMES DANS LA PEAU , LE TISSU CELLULAIRE, LES REINS, LE CERVEAU ET LE
POUMON. — Le nommé X..., âgé de 13 ans, ramoneur, entre le vendredi
54
14 avril 1865 à l'hôpital des Enfants, salle Saint-Jean n' 25, dans le
service de M. Bouchut.
Cet enfant, d'une constitution forte, né à Paris, de parents bien por-
tants, n"avait jamais eu ni rhumatisme, ni aucune maladie sérieuse;
quand il fat pris, il y a trois jours, de perte d'appétit, d'affaiblissement
général, et enfin d'un point de côté violent à droite, ce qui détermina
son entrée à l'hôpital.
Il vint à pied, conduit par une voisine, et se plaignant de sa douleur
de côté ; mais il marchait péniblement. Ausculté au moment même de
son arrivée, à la visite du matin, on crut à une pleurésie droite au début,
et on lui appliqua deux sangsues. On ne remarqua rien sur les mains ni
sur le visage.
A la visite du soir, les sangsues avaient coulé assez abondamment.
L'enfant, couché dans le décubitus dorsal, répond bien aux questions
qu'on lui adresse, et n'accuse plus qu'un brisement général ; mais on
voit s'opérer sur tout le corps une éruption singulière.
Au visage, à la commissure droite des lèvres, sur la joue gauche,
existent des papules dont la grosseur varie d'une lentille à une tête
d'épingi'^ : elles sont groupées au nombre de quatre à cinq, çà et là,
sur le fiont et le reste du visage, on distingue encore de petites taches
rouges comme ecchymotiques.
Sur le cou, le tronc, les membres inférieurs et supérieurs, se voient
disséminées, comme dans une varioloïde très-discrète, des papules
rouges, ayant pour la plupart un sommet non déprimé, conique et ren-
fermant une gouttelette de matière puriforme ; mais ces pustules sont
petites comme des grains de miliaire.
Plusieurs doigts et orteils offrent à leur extrémité une sorte de tour-
niolc dont lo pus est mélangé de matière sanguinolente noirâtre, sans
qu'il y ail aucunement d'aréole inflammatoire au pourtour. Les faces
dorsales des pieds et des mains surtout, sont couvertes d'une quinzaine
do taches rouges, larges de 3 à 5 millimètres à contours irréguliers,
papuleusos au centre , quelques-unes même surmontées d'une petite
vésico-puslule non déprimée et ne s'effaçant pas sous la pression
du doigt. Les faces internes des mains et des pieds présentent d'ailleurÊ
des taches d'un rqugo sombre, sous-épidermiques, disséminées, entiè-
rement semblables à celles qui précèdent l'éruption variolique dans ces
parties, sans exlravasation sanguine bien manifeste, sans aspect puru-
lent bien marqué.
Avec coia, on ne note rien ni à la percussion ni à l'auscultation du
cœur, rien non plus à la percussion ni à l'auscultation des poumons,
bien que l'on soit en garde de ce côté.
La peap est niodérément chaude, les sueurs abondantes, principale-
55
menl au visage ; le pouls fréquent, déprcssible, les sens et rintclligence
en apparence intacts. H n'y a pas de vomissements, pas de diarrhée, la
langue est humide, un peu large, couverte d'un enduit blanchâtre peu
épais, sans fuliginosités, la soif fréquente, pas d'ictère.
La nuit se passe avec de Tagitalion et du délire.
Le lendemain, à la visite du matin, on constate un abattement consi-
dérable ; il y a eu épistaxis peu abondante.
L'éruption a augmenté sans mieux se caractériser, et d'ailleurs l'hy
pothèso d'une varioloïde discrète grave (le sujet était bien et dûment
yacciné) n'était pas admissible. Chaque orteil présente à rextrémité
unguéale une sorte de tourniole ressemblant plutôt à une petite plaque
ecthymato-gangréneuse, et au-dessus de la malléole droite existe un
foyer fluctuant gros comme une noisette, placé dans le tissu cellulaira
sous-cutané.
La langue est limoneuse, humide ; il n'y a pas eu de vomissements, la
soif est vive, le ventre ballonné, non douloureux, une garde-robe.
Les bruits du cœur sont un peu voilés sans matité exagérée; rien à
droite du thorax ; mais à gauche, submatité dans les deux tiers inférieurs
et postérieurs, souffle tubairo sous l'omoplate et à l'aisselle droite, et
bronchophonie très-prononcée. On ne retrouve pas ces phénomènes en
avant.
La peau est chaude, les sueurs abondantes, le pouls dépressible, à
140.
La connaissance est un peu moins nette, l'ataxie et l'adynamie plus
marquées.
Les urines, examinées parla chaleur et l'acide nitrique, précipitent
abondamment de l'albumine.
On pense à une pneumonie typhoïde ; mais en raison de cette érup-
tion ecthymato-gangréneuse, l'idée d'un empoisonnement par absorp-
tion d'aliments ou de matières septiques parait plus vraisemblable.
Le soir, 15 avril, l'état grave a augmenté considérablement; il faut
renoncer à voir une éruption caractéristique quelconque, on est dominé
par l'état général.
Le ventre est couvert do sudamina.
Le cœur mesure en matité 6 centimètres environ en tous sens ; la
voussure précordiale est assez marquée, la main appliquée sur cette
voussure perçoit un frémissement vibratoire intense qui correspond à
un frottement péricardique également intense entendu par l'oreille. Les
bruits propres du cœur disparaissent dans le lointain, et il devient im-
possible de les étudier.
De plus, le poumon droit offre lui-même do la submatité et du souffle
avec bronchophonie, comme le poumon gauche.
56
La soif est intense, l'état du pouls reste le môme. La nuit a été agitée,
moins que la précédente ; mais la perte de connaissance est complète,
les paroles incohérentes ; il y a des soubresauts de tendons.
Le lendemain, 16, à la visite du matin, aggravation considérable ; tous
les orteils et les doigts ont leur extrémité marquée d'une tache noire
verdâtre ; à la plante, à la paume existent des ecchymoses.
L'état du cœur et des poumons reste le même, mais à droite le souffle
est devenu voilé ; il est remplacé par du râle sous-crépitant à fines et
grosses bulles.
Le malade ne prend plus de nourriture, il meurt dans cet état à une
heure de l'après-midi.
Autopsie trente-quatre heures après la mort.
Le cadavre est en pleine putréfaction, au point que la chaleur s'y
trouve très-appréciable à la surface et dans les cavités intérieures. Les
papules de tout le corps ont pâli et en partie disparu. Le tissu cellu-
laire sous-cutané est distendu par des gaz putrides qui donnent au ca-
davre un aspect emphysémateux général.
En incisant la peau au niveau des taches ecchymotiques qu'elle pré-
sentait, et que l'on retrouve en cherchant au milieu des marbrures livides,
on trouve des capillaires gorgés d'un sang noir et distendus, quelque-
fois une extravasation sanguine, une pétéchie véritable, sous-épider-
mique ou intradermique. Plus profondément dans les aréoles de la face
profonde, des espèces de bourbillons faciles à énucléer en une masse
boueuse fortement teintée de sang. Au-dessus de la malléole externe
droite, c'est un foyer puriforme de cette sorte que l'on retrouve. De
mémo au pourtour de chaque extrémité unguéale, mais ici l'inflltration
sanguine est plus abondante encore. Les tissus qui environnent ces petits
foyers ne sont pas plus injectés que les points oh la peau est manifes-
tement saine.
Les poumons sont entièrement gorgés d'un sang noir abondant, re-
foulés par les anses intestinales dilatées, avec un commencement de
putréfaction, ils ne crépitent pas ; leur consistance est faible, sans être
cassante, ni leur coupe grenue.
Dans le sommet du poumon droit, se voit un petit noyau puriforme
gros comme un pois. A la base du môme côté, plaque de pleurésie
pseudo-membraneuse, large de 15 millimètres environ, recouvrant un
noyau métastatique diflluent constitué par une boue sanguinolente, et
gros comme une noisette.
Nulle part on ne trouve une hépatisation véritable, c'est une hémo-
pneumonie, comme on en trouve dans lafièrre typhoïde à forme pec-
torale .
57
Le péricarde, à son ouverture, reste très-dislendu; ou voit deux feuil-
lets de fausses membranes, une pariétale et une viscérale, faciles toutes
deux à séparer de la séreuse, mais reliées l'une à l'autre par de nom-
breux cordages fibrincux, entre lesquels existent quelques grammes
d'un liquide roussâtre. Le feuillet pariétal est très-injecté, mais sans ul-
cération, les fausses membranes ont une épaisseur de 1 à 3 millimè-
tres; elles sont aréolaires et un peu jaunâtres, et occupent toute la hau-
teur du péricarde. Le feuillet viscéral est un peu plus adhérent aux faus-
ses membranes que le feuillet pariétal ; près de la base du cœur gauche
elles affectent avec le cœur une adhérence tout à fait particulière ; à ce
niveau en effet, et en enlevant ces fausses membranes, on remarque
des pertes de substance, des espèces d'ulcérations du péricarde, au
nombre de 3 ou 4. larges de 4 à 6 millimètres, longues de 8 à 10, ayant
une base peu déprimée grenue, blanchâtre et mollasse sous la pulpe du
doigt et un pourtour un peu festonné formé par la séreuse qui est comme
rongée, sans qu'il y ait au voisinage une congestion plus intense que
dans les autres points du cœur.
On ne retrouve point ces ulcérations en aucun autre endroit de la
surface du cœur gauche ni du cœur droit.
Le tissu du cœur lui-môme est flasque, pâle, jaunâtre en général ; il
contient un sang difïluent, ressemblant à de la gelée de groseille, et
des caillots grumeleux peu cohérents, sans adhérence et d'un rougo
noirâtre uniforme.
A la face interne du ventricule gauche, à 2 centimètres environ des
valvules aortiques, sur la paroi interventriculaire, existe une plaque
crémeuse, large de 6 à 8 millimètres, à peu près circulaire, adhérente
à une ulcération superficielle do l'endocardequi paraît comme coupée à
l'emporte-pièce à ce niveau. Les bords de l'ulcération sont un peu
festonnés, mais les tissus n'offrent au pourtour rien de remarquable à
noter.
Sur l'extrémité libre de la face antérieure de la grosse colonne anté-
rieure, à la même hauteur, existe une ulcération analogue un peu moins
étendue, couverte de fibrine; cette ulcération contourne le sommet de
la colonne et se retrouve en arrière.
Un peu au-dessous des valvules aortiques se voient plusieurs petits
points semblables non encore ulcérés et gros comme une petite len-
tille ; de môme, sur la plupart des piliers et des colonnes du cœur gau-
che et dans leurs intervalles sur la paroi ventriculaire elle-même, on
trouve des points jaunâtres, miliaires, ici simplement épaissis, là arrivés
à un commencement d'ulcération. Les valvules aortiques et l'aorte pré-
sentent une simple imbibition sanguine. Il en est de môme pour la val-
vule mitrale; cependant la valve postérieure renferme vers son milieu
MH
58
et sur sa face auriculaire un point large comme une lentille, épaissi,
jaunâtre et en voie de s'ulcérer.
Le cœur droit, les oreillettes n'offrent rien à noter, non plus que leur
tissu; mais en incisant la paroi postérieure du cœur gauche et quelques-
unes de ses grosses colonnes, on trouve dans leur épaisseur des noyaux
mal limités, dont le volume v^arie depuis celui d'une tête d'épingle jus-
qu'à celui d'une noisette ; et en incisanl le cœur au sein des ulcérations
de ses deux faces, on tombe sur des foyers ramollis de ce genre qui ex-
pliquent suffisamment la destruction de la séreuse à leur niveau.
Ces foyers sont grisâtres, les plus avancés sont faciles 3 détacher;
les autres tiennent encore un peu aux fibres du cœur; leur couleur va-
rie du jaune au blanc verdâtre; on n'y trouve point de teinte sanguino-
lente, non plus qu'à leur pourtour, et à première vue, ils paraissent
formés par une sorte de mortification sur place du tissu même du cœur.
Le tube digestif ne présente guère que quelques follicules isolés de
l'intestin grêle, un peu plus marqués et épaissis, ainsi que quelques
plaques de Peyer, mais sans ulcération.
Les reins sont mous, tachetés à la surface d'une foule de grains d'un
rouge sombre, et à la coupe ces grains paraissent composés d'une
substance jaunâtre difïluente, rouillée ou môme teintée de sang pur; ils
sont disséminés en nombre considérable dans les deux substances ; leur
grosseur ne dépasse pas celle d'un pois, ils sont faciles a énucléer, et
le rein paraît au pourtour comme coupé à l 'emporte-pièce.
La rate difïluente d'une façon générale présente des points plus ra-
mollis, mais il est difficile de se prononcer sur l'existence d'une lésion
particulière.
Le foie est flasque, mais résistant, sa coupe est ferme, brunâtre, grais-
seuse, il ne renferme aucun infarctus.
Le cerveau offre à sa surface de petits noyaux sanguino-purulents
assez nombreux ; dans la substance grise, à la face inférieure gauche,
aux faces supérieures et inférieures droites, on voit sept à huit petits
noyaux que l'on soulève en enlevant la pie-mère et laissant une perte
de substance : ces noyaux lenticulaires sont rouges à la périphérie,
d'un blanc verdâtre au centre.
A la coupe, on rencontre également dans la substance blanche quel-
ques foyers, mais le cerveau ferme partout est criblé de points mi-
liaires rougeâtres, ressemblant à de petits infarctus sanguins.
Le corps strié droit renferme un foyer jaune verdâtre gros comme
une noisette dans son noyau extraventriculaire. La pyramide antérieure
droite du bulbe contient un foyer puriforme lenticulaire ; il en existe
également plusieurs dans le cervelet.
La moelle n'a pas été examinée.
59
Examen iiistologique. — Il a été fait sur les organes mous, en voie
de putréfaction, à l'état frais, et longtemps après, quand on eut essayé
de les faire durcir dans l'acide chromique, ce qui fut très-difficile.
Cœur. Le muscle frappe d'abord l'attention : il est mou, friable, dif-
ficile à dilacérer, d'une coloration plus pâle qu'à l'état normal; il pré-
sente dans son épaisseur et sur certains points de sa surface endocar-
dique ou péricardique de petites masses jaunâtres, disséminées, dont
la grosseur varie depuis celle d'une petite tête d'épingle jusqu'à celle
d'une noisette.
Une préparation des fibres musculaires du ventricule gauche et dans
un point quelconque fait voir par place des granulations graisseuses,
qui occupent une partie ou la totalité de l'épaissear des éléments mus-
culaires. De plus les noyaux du tissu interstitiel ont augmenté, et cer-
tains faisceaux sont séparés l'un de l'autre par une agglomération de
petits noyaux entourés de matière amorphe granuleuse.
Dans les points jaunes, on constate une véritable infiltration interfi-
brillaire par une agglomération considérable de noyaux et petites cel-
lules réunis par une substance amorphe très-granuleuse ou filamenteuse.
La coloration jaune paraît due à des granulations graisseuses fines et
abondantes.
Dans les points déjà ramollis et particulièrement dans les foyers sous-
péricardiques décrits, on extrait une sorte de détritus qui présente au
microscope des éléments nucléaires et cellulaires nombreux la plupart
granulo-graisseux, ayant les caractères de leucocythes altérés, débris
de tissu cellulo-fibreux sous-péricardique avec des vésicules adipeuses
contenant des cristaux de margarine, et des fragments de fibres mus-
culaires dans lesquels l'état granuleux a remplacé complètement la
striation. Les dissolvants de la graisse font apparaître un grand nombre
de gouttes de graisse dans la préparation.
Des coupes faites au niveau des ulcérations et perpendiculairement à
leur surface, permettent de voir les relations intimes qui existent entre
l'altération de l'endocarde ou du péricarde et celle des tissus sous-
jaccnts.
On voit que les foyers les plus voisins de ces séreuses ont déterminé
d'abord une tuméfaction diffuse avec état trouble de la séreuse, puis
une sorte de fonte gangreneuse du péricarde ou de l'endocarde, et com-
munication du foyer sous-péricardique ou sous-endocardique avec la
cavité cardiaque ou du péricarde.
On n'a pu constater ni pus bien lié ni membrane pyogénique, ce sont
des foyers de ramollissement puriforrae disséminés dans le cœur dont
les plus superficiels formaient la base des ulcérations de l'endocarde et
du péricarde.
60
Foie. Sur des coupes, on peut juger fd'abord de Tinégalilé dans le
volume des cellules hépatiques, dont les unes sont comme tuméfiées, les
autres au contraire déjà atrophiées.
La plupart sont remplies de granulations plus ou moins foncées et de
quelques granulations graisseuses jaunâtres, qui masquent le noyau ;
elles offrent, en un mot, les caractères d'une sorte d'inflammation pa-
renchymateuse. On ne trouve d'ailleurs dans le foie ni extravasation
sanguine, ni infarctus hémorrhagiques ou purulents.
Reins. Différentes coupes des deux reins montrent partout une alté-
ration commençante dans les canalicules.
Les cellules épithéliales sont remplies de granulations grisâtres mas-
quant le noyau. Dans un grand nombre de tubes, les cellules épithé-
liales centrales ne peuvent plus être distinguées.
La même lésion existe dans les glomérules de Malpighi qui présentent
sur les coupes un état trouble.
Quelques canalicules sont desquames en partie, et remplis seulement
de granulations graisseuses, jaunâtres ou brillantes.
Infarctus. Ils ont été étudiés dans le rein et dans, le cerveau.
Dans ces deux organes ils étaient innombrables, et la plupart d'un
très-petit diamètre.
Des coupes faites à leur niveau montrent leur délimitation très-
exacte d'avec les éléments voisins.
La pointe du scalpel permet d'enlever la matière de linfarctus et de
laisser à sa place au sein de la coupe, une ouverture faite comme à
l'emporte-pièce.
La plupart des infarctus sont fortement teintés de sang, d'autres ont
déjà une coloration jaunâtre. Ils sont formés par une masse foncée, fi-
brineuse, au sein de laquelle on voit une grande quantité de leucocy-
tes, quelques éléments du sang extravasés et des vaisseaux irréguliers,
foncés, se détachant en lignes presque noirâtres sur les préparations.
Dans le voisinage de ces infarctus, dans le cerveau principalement,
un certain nombre de capillaires sont remplis par une masse foncée
dans laquelle on distingue encore les globules du sang. Nous n'avons
pu parvenir, ni par les coupes, ni par la dilacération, à isoler d'une ma-
nière satisfaisante la matière contenue dans les vaisseaux capillaires,
dont l'oblitération a déterminé ces infarctus métastatiques.
Le diamètre très-petit des capillaires oblitérés prouve que l'embolie,
indubitable, a été causée par des particules d'une ténuité très-grande,
et il est probable que ces particules se sont entourées dans les petits
vaisseaux d'une coagulation secondaire par arrêt de la circulation.
En résumé, il s'agit d'un enfant âgé de 13 ans, tout à fait bien portant
61
jusque-là, venant lui-môme à l'hôpital, ne se plaignant que de cour-
bature, (l'un peu d'abattement, et présentant, quelques heures après
son arrivée, une éruption bâtarde d'apparence hémorrhagique sur tout
le corps ; une pneumonie gauche, et douze heures après une pneumo-
nie devenue double, avec endo-péricardite, épistaxis, adynamie profonde
et ataxie, et enfin, mort au quatrième jour de sa maladie ; par consé-
quent, phénomènes typhoïdes graves suivis rapidement d'une terminai-
son fatale.
En présence de ces faits si insolites, la clinique devait rester muette,
mais l'autopsie est venue nous montrer un nombre considérable de lé-
sions qui, par leur enchaînement, peuvent jeter un certain jour sur
l'interprétation générale des faits du môme genre.
Nous avons vu, en effet, dans les principaux viscères, des altérations
profondes et plus particulièrement dans le cœur, c'est-à-dire : des
foyers de ramollissement de la substance musculaire du cœur avec
destruction de l'endocarde et du péricarde endo-péricardite ulcéreuse) ;
dans le foie et dans les reins, une altération analogue à celle que l'on
rencontre dans la forme maligne de la fièvre typhoïde; une altération
évidente du sang; et enfin de nombreux foyers métastatiques viscéraux.
L'examen attentif du cœur nous a donné la conviction que les alté-
rations de l'endocarde et du péricarde étaient certainement consécutives
à l'altération du muscle. Et c'est là que nous avons cru devoir puiser
l'explication des lésions métastatiques.
Quelle est la cause de cette affection du cœur? Quelle est la cause
aussi de ces altérations des principaux organes qui tiennent si directe-
ment l'état du sang sous leur dépendance?
L'étude de ce fait nous donne à penser qu'il s'agit d'une maladie
maligne et grave d'emblée, caractérisée par des lésions viscérales mul-
tiples et particulièrement par des lésions du cœur. C'est ainsi que nous
pensons que la myocardite, l'hépatite, la pneumonie, la néphrite se
sont rapidement produites sous l'influence de la maladie générale, et
que le sang a été secondairement altéré ; ainsi pourrait s'expliquer l'état
typhoïde dès le début. Et si nous voyons survenir unnombre considérable
d'infarctus, ces lésions secondaires ne sont-elles pas assez légitimées
parles ulcérations de l'endocarde du ventricule gauche?
Cette interprétation tend à s'éloigner sous un certain rapport de celles
qui ont été proposées par les observateurs cités plus haut; mais non-
seulement la lecture des observations qui ressemblent le plus à la
nôtre, mais aussi les détails des autopsies, paraissent nous montrer que
l'interprétation des faits antérieurs n'a pas été tout à fait complète.
En effet, dans toutes les observations à forme typhoïde, avec ou sans
rhumatisme, l'état général prime tout; souvent môme l'affection car-
6^
diaque éveille à peine l'attention, et dans quelques cas, malgré les in-
farctus nombreux qu'on trouve à l'autopsie, il n'y a pas de symptômes
d'infection purulente.
Dans la deuxième observation, par exemple, publiée par MM. Char-
cot et Vulpian, ne voit-on pas la maladie revêtir la forme d'une fièvre
typhoïde, et ces habiles observateurs ne songer à une affection du
cœiir que quelques jours avant la mort du malade.
Dans les observations de Beckmann et de M. Lancereaux, mêmes
remarques à faire aussi au point de vue de l'état typhoïde; et d'une fa-
çon générale, quand on lit les faits recueillis dans la thèse de M. Vast,
on note surtout les phénomènes suivants :
Adynamie ou ataxo-adynamie, accidents dyssentériques, cholériformes,
hémorrhagies de la peau et des muqueuses, suppuration des parotides,
en un mot un ensemble de signes bien sufBsants pour caractériser l'é-
tat dit typhoïde.
Quelquefois on a noté un frisson violent succédant à l'état typhoïde,
ou survenant brusquement, et l'pn a cru devoir, pour cette raison, dis-
tinguer une forme pyohémique spéciale d'endocardite. Mais il est temps
de voir si les lésions anatomiques ont été suffisamment interprétées.
L'Ecole de Berlin a démontré que les infarctus sont des lésions em-
boliques, c'est-à-dire purement mécaniques, et que la fibrine transpor-
tée dans le sang ne donne lieu à une infection générale que lorsqu'elle
est de nature septique. Or si l'on admet que les accidents de l'endocar-
dite ulcéreuse sont tous causés par le mélange avec le sang de parti-
cules étrangères, on identifie cette affection avec la pyohémie; mais
nous venons de voir que la clinique nous montre un état typhoïde qui
ne ressemble en rien à l'infection purulente; et que dans les cas où
cette infection existe, il faut supposer que la fibrine ou les débris de
l'endocarde possèdent alors des propriétés septiques; et encore, si
l'on admet cette hypothèse, il restera à démontrer comment se font
les Ulcérations de l'endocarde, ulcérations qu'on a eu raison do ne
point confondre avec les formes réellement inflammatoires des affec-
tions de la séreuse.
Nous voyons donc :
Que nou-seulement dans notre cas, mais qu'aussi dans les autres ana-
logues, il s'est agi d'une maladie générale grave, d'un tréritable état
typhoïde, et que la formation secondaire des infarctus par l'ulcération
du cœur n'a pas donné une explication complète et satisfaisante de
l'ensemble de la maladie.
Comme on vient de le voir, c'est dans les altérations viscérales que
nous avons cherché les preuves de la maladie générale dominant tous
les autres accidents.
63
Déjà d'autres observateurs ont signalé ces lésions dans le cœur, dans
le foie et dans les reins, et nous n'avons pu nous empêcher de les com-
parer à celles qui ont été si bien décrites par M. Chédevergne dans les
fièvres typhoïdes à forme maligne. Nous avons cru voir que la môme
cause avait produit a la fois et le ramollissement du cœur, et les lésions
doubles du poumon, et celles du foie et des reins, s'évoluant dans l'es-
pace de quelques jours.
Cette forme maligne do la maladie qu'il nous a été donné d'obser-
ver, présente peut-être quelque chose de plus que les autres faits de Ce
genre, c'est-à-dire une lésion profonde des principaux organes, expliquant
parfaitement cette marche rapide, et pouvant jeter peut-être un certain
jour sur les cas moins accentués et moins rapidement mortels, en dé-
voilant la véritable nature de la maladie.
C'est pourquoi nous n'avons pas hésité, malgré l'altération avancée du
muscle cardiaque et la présence d'une péricardite intense, à placer ce
fait à côté de ceux d'endocardite ulcéreuse, et nous reconnaissons par
cela môme que la dénomination de cette maladie est défectueuse.
Il ne faut pas rapprocher, en effet, sous ce nom les cas dans lesquels
des lésions emboliques coïncident avec des ulcérations de l'endocarde ;
mais il faut rapprocher ceux dans lesquels des affections graves du cœur
et des autres viscères amènent la rtiort à la suite d'un état typhoïde,
avec productions secondaires d'infarctus métastati(^ues.
Cependant, nous n'oserions pas nous appuyer sur cette seule observa-
tion et celles qui peuvent en être rapprochées, pour proposer une déno •
mination nouvelle.
Nous avons voulu montrer que c'est surtout dans l'étude des lésions
initiales et dans la succession des altérations secondaires que l'on peut
reconnaître le genre particulier de cette affection encore obscure.
2° Recherches sur les troubles des neufs pÉRiPHÉRrQUEs , et surtout des
NERFS vaso-moteurs CONSÉCUTIFS A l'aSPRYXIE PAR LA VAPEUR DE CnARBON ;
par le docteur E. Leudet, directeur et professeur de clinique de
l'Ecole de médecine de Rouen.
L'asphyxie par la vapeur de charbon en combustion détermine, dans
certains cas, des troubles des nerfs périphériques. Les anciens auteurs,
et plus récemment M. Bourdon, ont décril des faits de paralysie locali-
sée survenue dans ces conditions. On n"a, jusqu'à présent, présenté ces
paralysies que comme des faits exceptionnels, curieux, sans indiquer
leur véritable signification. L'observation clinique m'a permis de suivre
les diverses formes et la marche de ces paralysies.
64
Les nerfs moteurs, sensitifs ou vaso-moteurs peuvent être lésés si-
multanément ou isolément.
Le trouble des nerfs moteurs et sensitifs se manifeste d'abord par des
troubles de la motilité ou de la sensibililé; paralysies motrices ou sen-
sitives, et par des accidents de nutrition locale, que l'on attribue à la
névrite ; tumeur locale, avec rougeur développée sur le trajet d'un nerf,
présentant des alternatives d'augment et de diminution, et bien décrite
dans ces derniers par Remak, J'ai constaté ces divers symptômes dans
un cas de névrite du nerf radial, et dans un autre du nerf sciatique,
survenus après l'asphyxie par la vapeur de charbon.
On sait depuis longtemps qu'il existe une relation de causalité entre
la maladie connue sous le nom de zona et une lésion des nerfs. Ce fait,
indiqué depuis longtemps par M. Rayer, est aujourd'hui démontré de
nouveau par les observations cliniques, et surtout par un fait présen-
tant toutes les garanties d'authenticité et publié par von Baeresprung.
Dans ce cas, le savant allemand a constaté une altération du ganglion
spinal et de la branche nerveuse rachidienne correspondante.
Chez les individus exposés à l'action délétère des gaz dégagés du
charbon en combustion, il se développe sur le trajet des nerfs des érup-
tions herpétiques identiques à celles du zona ; j'ai vu ces éruptions sur
le trajet du nerf trijumeau, du nerf sciatique, du nerf radial, c'est-à-dire
dans la direction de nerfs qui comprennent, outre les éléments moteurs
et sensitifs, des nerfs vaso-moteurs.
Les symptômes que je rattache à des lésions des nerfs périphériques,
apparaissent quelquefois presque immédiatement après la cessation des
phénomènes d'asphyxie, j'ai constaté ce fait pour des symptômes des
troubles des nerfs vaso-moteurs, plus rarement pour ceux des nerfs
moteurs. Le plus souvent, la paralysie des nerfs périphériques se ma-
nifeste quelques jours après la cessation de l'asphyxie.
Les éruptions herpétiques suivant le trajet des nerfs peuvent récidiver.
Dans quelques cas plus rares, il se manifeste des phlegmasies réelles
terminées par abcès,
La gangrène locale et surtout l'escarre de la peau de la région du
sacrum, survenant en vingt-quatre heures, témoigne d'un trouble pro-
fond de l'innervation, et peut aussi, suivant les savantes études de Sa-
muel sur les nerfs trophiques, être rattachée à une lésion des nerfs va-
so-moteurs.
L'ensemble des symptômes morbides signalés par moi et développés
à la suite de l'asphyxie par la vapeur du charbon en combustion, pré-
sente une analogie parfaite avec les symptômes constatés sur les nerfs
atteints de traumatisme. Je renvoie pour ce point au travail de M, Char-
cot.
05
Je n'ai pas cherché dans les expériences sur les animaux une consta-
tation expérimentale de ces propositions, basées sur l'analyse des cas
cliniques, par cette raison, que les expérimentations n'ont jamais pu
déterminer de paralysies localisées sur les animaux, au moyen de Ta-
cide carbonique ou du gaz oxyde de carbone.
L'auatomie pathologique m'a permis, dans un seul cas, de constater
une altération du tronc du nerf sciatique, caractérisée par une hyper-
genèse de l'élément cellulaire constituant la trame et la gaîne du nerf,
près de sa sortie du bassin, dans le point où s'étaient manifestés pen-
dant la vie les symptômes d'une névrite locale. Les tubes nerveux en-
tourés par cette hyperplasie celluleuse, étaient eux-mêmes altérés.
Les éruptions herpétiques, les accidents cutanés ont en général une
durée assez courte ; les paralysies motrices persistent beaucoup plus
longtemps. D'autres fois, au lieu de persister sur place, ces paralysies
s'étendent de proche en proche en suivant le trajet des nerfs, ainsi j'ai
vu une paralysie du nerf sciatique s'étendre à tout le corps, et présen-
ter les symptômes d'une paralysie ascendante aiguë terminée par la
mort.
3° Érythème papcleux et NOiîEtx ; observation présentée par M. Louis
Odier, interne des hôpitaux de Paris.
Mademoiselle F..., âgée do 18 ans, d'un tempérament lymphatique, a
été élevée en pension à la campagne et a toujours joui d'une bonne santé.
Elle est depuis un an élève sage-femme à la Maternité de Paris et n'a
pas été malade depuis son entrée dans cette maison. Ses parents sont
robustes; il paraîtrait cependant que son père a eu des douleurs rhu-
matismales pour lesquelles il n'a jamais été forcé de garder le lit.
Habituellement bien menstruée, elle a eu ses règles le 1" janvier
1865. Le 14 janvier, cette jeune personne entrait à l'infirmerie des
élèves, à la Maternité, pour une éruption cutanée de la face, accompagnée
de fièvre, et donnait à M. le docteur Hervieuxles renseignements sui-
vants sur les débuts de sa maladie :
Depuis une semaine elle se sentait indisposée, avait moins d'appétit,
se fatiguait vite et se trouvait comme brisée. Supposant que cet état
était dû à une indisposition passagère, elle n'en parla à personne et fit
même, à son tour, ses vingt-quatre heures de garde à la salle des accou-
chements.
Le 14 janvier, elle fut prise de fièvre avec céphalalgie, perte de l'ap-
pétit, nausées, soif, pouls fréquent, peau sèche et brûlante, en même
temps que ses forces diminuaient et qu'il lui devenait difHcile de rester
debout.
c. P.. . -y
cr.
Examinée le soir même par moi et par mon collègue M. Perruchot,
elle entrait à l'infirmerie des élèves.
Yoici ce qu'a constaté M. le docteur Hervieux, médecin de la Mater-
nité, pendant la maladie de cette jeune fille :
Le premier jour, l'éruption a consisté dans un certain nombre de vé-
sicules comme des têtes d'épingle, quelques-unes plus larges se rap-
prochant du diamètre d'une lentille, et siégeant, quelques-unes sur le
menton, d'autres sur les joues, une ou deux sur le dos du nez, quelques-
unes à la partie supérieure du front, entre les deux sourcils, et enfin une
dernière située sur la conjonctive oculaire droite, vers l'angle externe
de la paupière; cette saillie était rougeâtre, entourée d'un réseau vas-
culaire très-fin, formant la base sur laquelle elle reposait.
En outre de ces vésicules, on observait sur la région frontale des pla-
ques érythémateuses de forme irrégulière, situées assez symétriquement
sur les deux bosses frontales et d'un diamètre variant de 1 à 2 1/2 cen-
timètres.
Ces plaques, examinées de près, offraient un soulèvement de l'épi-
derme ; soulèvement parfaitement uniforme -dans toute l'étendue de la
plaque, de telle sorte que le centre n'était pas plus soulevé que les bords.
Entre l'épiderme et le derme s'interposait évidemment un liquide sé-
reux et limpide.
Il est à remarquer que les poussées éruptives ont eu lieu successive-
ment dans l'ordre suivant : d'abord les vésicules, puis les plaques éry^
thémateuses, puis le lendemain et les jours suivants, ces plaques, en
s'élevant davantage, ont présenté le soulèvement épidermique.
C'est le quatrième jour que nous avons vu apparaître sur les avant-
bras elles jambes des éruptions d'un genre différent.
Elles consistaient en une nodosité rénilente formant saillie sous le
doigt qui les explorait, d'un rose très-vif et off"rant un volume qui va-
riait de celui d'un grain de blé à celui d'un gros pois. Il en existait sur
l'avant-bras droit au niveau du bord moyen du cubitus, sur le deuxième
métacarpien gauche, nuis sur la face dorsale de l'avant-bras. Aux jam-
bes, cétait au voisinage de la crête des deux tibias, et surtout vers la
partie moyenne de ces os que régnaient ces noyaux d'érylhème
noueux.
Cette dernière variété d'érythème est apparue la dernière dans l'or-
dre de succession des poussées et a complété le diagnostic que nous
avons porté sur la nature de ces plaques.
Les symptômes locaux ont été accompagnés de symptômes généraux
très-marqués : malaise, chaleur à la peau, accélération du pouls, cour-
bature, décubitus dorsal, indifférence de la malade pour ce qui se passe
autour d'elle, céphalalgie intense, constipation: pas de toux ni d'expec-
loralion; insomnie sans agitation, pasde rêves, inappétence, n'a jamais
eu de douleurs arlîcidaires.
Ce qui a distingué cette nouvelle espèce de fièvre éruptive, c'est une
période très-accentuée de desquamation au fur et à mesure que les ac-
cidents généraux s'amendaient. Nous avons vu les plaques d'érythème
s'afTaisser, puis pâlir, les plaques du front devenir le siège d'une exfo-
liation épidermique, occupant la presque totalité de l'étendue de ces
plaques, les vésicules de la face disparaître à peu près de la même ma-
nière et les nodosités des membres s'effacer de manière à ne plus pré-
senter qu'une tache violacée, dernier indice de leur manifestation.
Cette période de desquamation a été suivie des phénomènes géné-
raux qui accompagnent les fièvres éruptives d'une certaine gravité :
abattement extrême, retour lent et progressif des forces, de l'appétit
et de l'activité des principales fonctions. La malade n'a recouvré que
difiicilementle sommeil; la langue est restée longtemps saburrale.
A l'auscultation du cœur, léger bruit de souffle au premier temps et
à la base, se prolongeant vers les vaisseaux du cou à gauche qui offrent
le bruit de diable très-prononcé avec souffle à double courant. A droite
souffle continu.
Jusqu'au 4 février la jeune malade n'a pu se lever tant elle était fati-
guée. L'appétit est revenu cependant, ainsi que le sommeil. L'éruption
n'a laissé que quelques taches violacées à la face qui sont encore le
siège d'une desquamation furfuracée. Le pouls marque toujours 104 pul-
sations, quoique la peau soit fraîche et qu'il n'y ait que 18 inspirations
par minute.
Le 6 février, la malade se sent plus forte et assiste à un cours; ce
qui nous frappe alors, c'est l'amaigrissement excessif de la malade. Le
14 février, mademoiselle F... quitte l'infirmerie.
C'est vers le 20 février seulement que notre malade s'est trouvée dans
le même état de santé qu'avant sa maladie et qu'elle a pu reprendre
complètement le cours de ses études.
'Réflexions. — En résumant cette observation, nous voyons apparaî-
tre : 1° une période prodromique durant un septénaire, caractérisée
par des malaises, de l'inappétence et de la fièvre les derniers jours
seulement; 2" une période d'' éruption caractérisée par des poussées suc-
cessives érythémateuses, vésiculeuses et papuleuses de la face et des
membres, avec état général fébrile et dépression; 3" une période de
desquaniiUion pendant laquelle s'amendent les symptômes généraux,
suivie d'une convalescence longue, comme à la suite des fièvres érup-
tives graves.
Cette affection présente tous les caractères d'une fièvre éruptive, et
()8
en parcourant les descriptions analogues qui ont été données par
MM. Hardy, Trousseau et Bazin, on ne tarde pas à se convaincre que
c'est à un érythème papuleux compliqué d'érythème noueux que Ton
a eu affaire.
Il reste nnaintenant à savoir si cette affection s'est développée sous
l'influence du rhumatisme. Les auteurs précédemment cités parlent
tous du rhumatisme. M. Hardy, comme d'une simple coïncidence,
MM. Trousseau et Bazin, comme dune manifestation de la diathèse
rhumatismale.
Ce qui plaide en faveur de l'arthritisme, ce sont :
1° Le tempérament lymphatique ;
2° Les conditions hygiéniques, le passage fréquent du chaud au froid,
par suite de la disposition de 1 Ecole d'accouchement; les salles de
malades et les salles d'études étant chaudes et séparées par des corri-
dors voûtés et froids;
3' La coexistence d'affections rhumatismales à l'infirmerie des élèves,
dans la maison, dans les autres hôpitaux et en ville.
L'apparition de l'érythème noueux, très-souvent rhumatismal, comme
l'a si bien domontré M. le professeur Trousseau dans les remarquables
cliniques de l'Hôtel-Dieu.
Ce qui plaide contre le rhumatisme, ce sont :
L'absence de rhumatismes et d'affections rhumatismales chez cette
jeune fdle pendant les premières années; l'absence de douleurs rhuma-
tismales articulaires et autres avant, pendant et après sa maladie;
Et enfin l'opinion de M. le docteur Hardy, qui ne voit dans le fait
du rhumatisme et des éruptions comme l'érythème noueux, la scarla-
tine, la chorée, qu'une simple coïncidence.
— M. Gubler a vu déjà un assez grand nombre de fois des cas ana-
logues à celui dont M. Odier vient de donner l'intéressante relation. H
a vu constamment des formes anatomiques différentes rester fidèles aux
régions qui leur paraissent respectivement dévolues. C'est ainsi que,
loin des sièges d'élection des nodosités de l'érythème noueux, à savoir
les régions tibiales et cubitales, on rencontre invariablement, soit des
papules érythémateuses, soit de l'érythème marginé ou de l'herpès iris.
En apercevant ces dernières formes sur le front, les joues ou la nuque,
M. Gubler a pu annoncer plus d'une fois l'existence de l'érythème
noueux sur les jambes ou les avant-bras. Ainsi le même état diathési-
que peut donner naissance à des lésions cutanées très-diverses et qu'il
convient cependant de réunir sous une dénomination commune au point
de vue nosologique.
Quelle est l'étiquette qu'il convient d'imposer au^ affections du genre
6'.)
de celle qui fait le sujet de ces remarques? L'érytlième noueux procède-
t-il du véritable rhumatisme, n'est-il en d'autres termes que l'une des
nombreuses manifestations cutanées de cette maladie générale? M. Ga-
bier hésite à accepter cette manière de voir, il incline même vers une
opinion différente. Sans doute les sujets afl'ectés d'érythème noueux ont
souvent do la fièvre et des douleurs articulaires; mais les jointures se
prennent dans une foule d'affections autres que le rhumatisme. Il existe
des arthrites dans la scarlatine et le purpura sans intervention de la
cause rhumatismale, et quant à l'état général fébrile, c'est le fond com-
mun de toutes les maladies aiguës. En somme M. Gubler ne considère
pas l'érythème noueux comme une modalité de la péliose rhumatismale,
mais bien comme la manifestation d'une affection générale analogue au
rhumatisme, bien qu'elle en diffère considérablement à plusieurs égards.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIi
pendant le mois de mai 1865;
Par m. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire.
PRESIDEES DE M. RAIER.
I. — Chimie appiquée aux engrais.
Sur un dépôt de gua>o de cdauve-souris ; par M. E. Hardy.
On sait l'importance du guano pour Famélioration des cultures euro-
péennes. Les bancs exploités proviennent surtout des îles de l'Amérique
du Sud, du littoral du Pérou et de quelques points de l'Afrique. Leur
nature est très-variable ; on y a trouvé des détritus de toutes espèces,
des débris d'oiseaux, d'animaux marins et de poissons, formant tantôt
un sol mou et facilement exploitable, tantôt des masses dures et résis-
tantes.
Quelle que soit leur origine, leur effet utile est toujours en rapport
avec leur composition chimique, et lié principalement à leur richesse
en phosphate et en azote. Ce dernier élément y existe à l'état d'acide
uriquç, de sel ammoniacal ou de nitrate.
Ces dépôts ne sont pas particuliers à quelques régions privilégiées.
72
Dans tous les lieux déserts et inhabités, fréquentés par de nombreux
animaux, on ti^uve en quantité variable des matières organiques qui
peuvent être utilisées pour Tagricullure. Le nom de guano a été donné
par -extension à ces substances de nature diverse qui se rapprochent
des véritables guanos d'Amérique par leur composition chimique et leur
action comme engrais.
Des amas de ce genre se rencontrent dans une grotte située dans la
commune de Chaux-lès-Porls, àl6 kilomètresdeVesoul, et appartenant
j M. de Beaufond. Cette grotte, appelée trou de la Beaume, s'ouvre sur
le versant boisé d'une colline qui borde la rive droite de la Saône. Elle
est située à environ 10 mètres au-dessus du niveau de la rivière, et à
535 mètres au-dessus du niveau de la mer. Son ouverture mesure 6 mè-
tres de haut et 5 mètres de large.
D'après la tradition et les anciens souvenirs des habitants, la longueur
praticable de cette grotte était autrefois de plusieurs kilomètres; un
éboulemcnt récent a fermé le passage primitif, et ne permet de parcou-
rir actuellement qu'une étendue de 381 mètres.
Sa largeur varie de 2 à 3 mètres. Sa hauteur moyenne est de 4 mè-
tres; elle s'élève souvent à 7'",08 allant même jusqu'à 15 mètres, dans
des crevasses verticales de la partie supérieure.
Les parois sont formées par des bancs abruptes de roches calcaires,
dont d'épaisses assises en se joignant constituent la voûte.
La direction de cette grotte est inclinée vers l'est, du bord perpendi-
^culaire à l'axe de la Saône, dans une longueur d'environ 70 mètres; elle
se replie bientôt à angle droit en inclinant vers le nord pendant 70 mè-
tres encore, puis paraît suivre des lignes brisées ou tortueuses.
A tous les changements de direction, la grotte présente de nombreu-
ses anfracluosités et des fissures qui conduisent dans des cavités de di-
mensions variables; une des plus remarquables ressemble à une vaste
chambre, profonde de plusieurs mètres et tapissée de blocs de pierres
polies comme par l'action des eaux.
Çà et là des infiltrations donnent naissance à des dépôts divers et à
des stalactites parfaitement cristallisées.
Cette grotte profondément obscure sert de retraite à d'innombrables
chauves-souris qui, pendant le jour, s'attachent à la voûte et à la par-
tie supérieure des parois, puis s'échappent, comme un nuage, dans la
campagne à la tombée de la nuit.
Le séjour incessant de ces animaux a recouvert le sol de matières or-
ganiques de toute nature, lesquelles se sont accumulées dans les parties
les plus reculées, et y ont acquis plusieurs mètres de puissance. Dans
la seule portion qu'il est aujourd'hui possible d'explorer, on évalue
cette masse à 700 ou 800 mètres cubes.
10
Ces guanos se présentent sous l'apparence de masse noire, sans odeur,
sans action sur le papier de tournesol. On y reconnaît des poils, des dé-
bris d'animaux morts, des excréments de chauve-souris, etc.
Sur quelques points, le sol de la grotte est entièrement imprégné
d'eau et recouvert d'une terre jaunâtre. Cette matière provient de la
décomposition des substances organiques par un lavage prolongé , l'a-
zote disparaît presque entièrement; mais les substances insolubles, et
particulièrement les phosphates, restent sans décomposition, ce qui
conserve encore à ces parties terreuses un intérêt véritable comme en-
grais.
Très-humides au moment de leur extraction, ces matières se dessè-
chent rapidement au contact de l'air. Elles ont donné ù l'analyse les
résultats suivants :
N° 1, échantillon de guano de bonne qualité analysé immédiatement
au sortir de la grotte.
N° 2, autre échantillon abandonné à l'air libre pendant vingt jours,
N° 3, échantillon de guano altéré par l'action des eaux.
N°l. N°2.
Matières organiques 22.8 23.0
Azote à l'état d'ammoniaque 5.01 8.7
Acide phosphorique 1.5
Silice 4.5
Alumine, peroxyde de fer, bases préci-
pitées avec l'acide phosphorique 3.4
Chaux 1.3
Magnésie traces ) 47.0
Nitrate de potasse 0.3
Acide carbonique, perte 2.5
Soude ) reconnues par l'analyse spec- ( traces
Lithinè j traie I traces
Eau 58.7 21.3
N'B.
10.83
0.87
2.4
'57.2
1.0
>7.7
100.0 100.0 100.0
Ces matières, desséchées à 100°, donnent les chiffres suivants :
Matières organiques non compris l'azote. 55.2 29.5 15.0
Azote à l'état d'ammoniaque 12.2 10.5 1.2
Phosphate de chaux ^'^ ) f 0 0 i "^'^
Matières minérale? 24.3 j ' | 7.5
100.0 100.0 lOn.n
'..'-^
74
Comparaison de la richesse du guano de cuauve-souris avec ceux du Pérou.
— Sans rapporter dans leur détail les analyses du guano des îles Chin-
chas, on peut remarquer que les matières utiles qu'ils renferment va-
rient dans des limites assez étendues. (Boussingault, Aimâtes clic Con-
servatoire, 1861. p. 476.) On y trouve depuis 0.5 jusqu'à 15 pour 100
d'azote, et depuis 0,5 jusqu'à 20 pour 100 de phosphate. Certains gua-
nos, qui ont été exposés à des lavages répétés par des causes diverses
se trouvent privés de matières organiques et contiennent seulement des
phosphates. L'acide phosphorique s'élève parfois jusqu'à 40 pour 100.
Le guano de chauve-souris correspond à la composition moyenne de
ceux d'Amérique. Son emploi comme engrais doit donc donner des ré-
rultats très-avantageux pour l'agriculture, déjà même quelques essais
tentés par M. de Beaufond sur des blés, avoines, prairies, confirment
pleinement ces prévisions. Si , dans la grotte de Chaux, les fouilles
sont poursuivies pour pénétrer jusque dans la partie aujourd'hui fermée
et dans laquelle on doit présumer des dépôts également riches, on ne
peut s'empêcher de reconnaître que l'exploitation de ces matières orga-
niques ne soit d'une véritable importance pour la région environnante
dont elle tendra à accroître la prospérité.
IL — Chimie médicale.
Sur un procédé d'analyse du glucose daxs l'urine; par M. G. Bergeron.
Ce procédé d'analyse quantitative est d'une exécution facile. On a,
dans une petite cuve à mercure, deux tubes gradués d'égal volume :
dans l'un on introduit 2 centimètres cubes d'une solution titrée de glu-
cose; dans l'autre, le même volume de l'urine à analyser. On met dans
chacun des deux tubes un fragment de levure fraîche, et on laisse fer-
menter.
On compte sur les divisions des deux tubes gradués les volumes dif-
férents des gaz provenant des deux fermentations, et par un calcul pro-
portionnel on arrive exactement à la quantité de sucre existant dans
l'urine à analyser. .
Supposons, par exemple, que le premier tube (renfermant 0^,05 de
glucose) donne un volume de gaz correspondant à vingt-quatre divisions
du tube. Le second donnantun volume correspondant à seize divisions,
on en déduira {les deux fermentations s'étant accomplies dans des con-
ditions de pression et de température identiques) que la quantité de
sucre contenue dans les deux centimètres cubes d'urine est de 0^033,
et que cette urine renferme pour 1,000 parties 16,5 de sucre.
75
Ul.— TÉRATOLOGIt:.
Note sur un foetus célosomie\, voisiiv du genre aspalasome; par M. Pelvet,
interne des hôpitaux.
Is. Geoffroy-Saint-Hilaire ( l) dit, en décrivant les fœtus aspalasomes (2) :
« Ce genre réalise chez l'homme des conditions organiques qui, dans
l'état normal, distinguent de tous les autres mammifères la taupe et
quelques autres insectivores remarquables comme elle par une multi-
tude d'exceptions au plan général de leur classe. L'appareil urinaire et
l'appareil sexuel, au lieu de se confondre comme à l'ordinaire à leur
terminaison et de s'ouvrir au dehors par un orifice commun, restent
partout séparés et se terminent à l'extérieur par des ouvertures dis-
tinctes, près desquelles se voit l'anus très-éloigné du Heu où il est nor-
malement situé. »
Ce genre de monstruosités fut décrit pour la première fois en 1825
par Et. Geoffroy-Saint-Hilaire (3). En général, il présente de nombreuses
complications dont la plus apparente est l'exstrophie de vessie ; et comme
cette difformité frappe davantage, c'est sous ce nom que la plupart des
cas ont été décrits.
Dans cet arrêt de développement qui atteint à la fois le tube digestif
dans sa partie inférieure et l'appareil génito-urinaire, on ne doit pas
accorder plus d'importance à l'une de ces anomalies qu'à l'autre. L'ou-
verture séparée des canaux à l'extérieur, que Geoffroy -Saint-Hilaiaire
regarde comme le fait distinctif et caractéristique, n'est que le résultat
de désordres plus profonds et plus généraux. Aussi l'embryologie a-t-
elle dissipé toutes les obscurités de ces altérations en faisant voir dans
les états primitifs du fœtus le lieu qui les reliait entre elles.
Voici un fait qui réunit la plupart des anomalies trouvées chez les
fœtus aspalasomes. C'est de cette classe qu'il se rapproche le plus ;
mais, en outre, il présente des lésions plus importantes et plus étendues
que le terme aspalasome ne saurait contenir. Aussi, est-ce seulement
en embrassant l'ensemble de toutes ces lésions, que nous pourrons ar-
river à saisir leur enchaînement, à reconnaître la valeur des organes
déplacés et à trouver l'époque de la vie utérine où le développement
de ces parties a été frappé d'arrêt.
Il y a en effet deux espèces d'anomalies qui caractérisent des degrés
plus ou moins avancés. Dans les unes, un seul organe a été arrêté dans
(1) Is. G.-S.-Hilaire. Traité de tératologie, 1. 1.
(2) A5Ta>va?. taupe, cjo)ixa, corps.
(3) Joi'R.NAL COMPLÉMEXTAIRE DES SCIENCES JIÉDICALES. t, XXI.
7 fi
son évolution; il n'y a besoin, pour se rendre compte du vice de con-
formation, que de recourir à l'histoire de son développement.
Dans les autres, la malformation porte sur tout un groupe d'organes
et la difformité, alors plus compliquée, a besoin pour être expliquée qu'on
remonte à une époque plus lointaine de la vie utérine à laquelle les
organes sont plus ou moins confondus et s'écartent par conséquent
davantage de leur forme définitive.
Obs. — Dans les premiers jours de mai 1865, il est né à l'Hôtel-Dieu,
dans le service de M. Vigla, un enfant à terme qui a vécu deux jours.
Au dire de la mère qui est forte et bien portante, il ne s'est rien passé
de particulier dans la conception ni dans le cours de la grossesse. Il
n'y a rien de notable non plus dans les antécédents héréditaires. L'ac-
couchement s'est terminé sans accident. Les membranes et le placenta
ont été jetés et n'ont pu malheureusement être examinés. On a su seu-
lement que le cordon ombilical était très-court.
Cet enfant est bien développé pour lensemble du corps comme
grandeur et comme poids. La tête, le thorax et les membres sont nor-
malement conformés.
Il n'en est pas ainsi de l'abdomen. Sa paroi antérieure, au lieu d'être
formée par le tissu cutané est transparente et comme gélatineuse, dans
un rayon de 5 à 7 centimètres autour de l'ombilic qui a conservé sa si-
tuation normale.
La transparence de cette membrane permet d'apercevoir en partie
les organes qui sont contenus dans la cavité abdominale, entre autres
le foie. Elle se continue d'une part avec les membranes du cordon dont
elle semble n'être que l'expansion, et de l'autre avec la peau des parties
latérales qui à ce niveau forme un bourrelet rouge nettement limité.
La partie inférieure de la paroi abdominale, celle qui correspond à
l'hypogastre, n'offre plus le même aspect. Elle forme de chaque côté de
la ligne médiane deux saillies d'un rouge vif et d'aspect tomenteux, entre
lesquelles on aperçoit un orifice elliptique dont le grand axe de 4 cen-
timètres de longueur environ est placé dans le sens vertical, au-dessus
de l'endroit où devrait se trouver la symphyse des pubis. Cet orifice
n'occupe pas précisément la ligne médiane; il est légèrement incliné
à gauche. De chaque côté, à 1 centimètre environ, se voit une petite
fente en forme de croissant, dont la concavité est tournée en dedans
et qui parait être l'orifice de quelque conduit interne. Les organes
extérieurs de la génération ne sont représentés que par deux replis
cutanés, scrotum ou grandes lèvres, surmontés chacun d'un manchon
rougeâtre représentant le corps caverneux. Ces replis cutanés ne con-
tiennent dans leur épaisseur (pic de la graisse et du tissu cellulaire.
1 1
Quoique les caractères sexuels distinctifs extérieurs manquent, néan-
moins les vestiges qu'on observe paraissent plutôt indiquer un individu
mâle.
Les fesses sont bien développées; mais à la place que doit occuper
l'anus, on ne trouve qu'un sillon sans aucune trace d'orifice.
Les membres inférieurs sont de grandeur normale; mais ils ont subi
un mouvement de rotation en dehors qui fait que les deux talons se
touchent.
Si l'on passe à l'examen des viscères abdominaux, voici ce qu'on ob-
serve:
L'estomac est bien développé ainsi que le duodénum et la première
portion du jéjunum; mais c'est là tout ce qu'on trouve de l'intestin.
A 40 centimètres du pilore environ, il se termine en un cul-de-sac qui est
uni à l'ombilic par de faibles adhérences celluleuses. La dernière portion
de l'intestin grêle, le colon en entier et le rectum manquent.
Les reins ainsi que les capsules surrénales sont situés à leur place
liabituelle.
L'uretère suit son trajet normal, mais vient s'ouvrir de chaque côté à
la paroi abdominale, dans la fente que nous avons mentionnée sur les
côtés de l'orifice médian.
Il n'y a aucune trace de poche vésicale dans le petit bassin, ni rien
qui ressemble à l'ouraque.
Au-dessous et un peu en dehors des reins se remarque, des deux cô-
tés, un petit corps de la forme et de la grosseur d'un haricot, et qui est
entouré de vaisseaux assez nombreux.
De la partie interne et supérieure de cet organe part un conduit très-
délié, dont la première portion présente de légères flexuosités, compa-
rables à celle du canal déférent. Ce conduit croise l'uretère en passant
au-devant de lui, se place à son côté interne et vient déboucher à la
paroi abdominale au fond de la môme fente, dont il occupe la partie in-
terne.
De l'extrémité inférieure de cet organe situé au-dessous du rein, des
traclus celluleux, formant une espèce de cordon, s'étendent jusqu'à la
fosse iliaque interne. Là ils s'insèrent au niveau du point où serait l'o-
rifice interne du canal inguinal.
Nous avons dit qu'il n'y avait point de vessie; mais à sa place est un
organe ressemblant assez pour la forme à un petit utérus. Cet organe,
de consistance charnue, creux à l'intérieur, s'ouvre en avant sur la pa-
roi antérieure de l'abdomen par cet orifice que nous avons signalé sur
la ligne médiane, au-dessus du pubis. Ses deux angles supérieurs, qu'on
pourrait comparer aux cornes utérines, se continuent en deux petits
appendices creux, également longs de 3 à 4 centimètres et terminés en
78
cul-de-sac. Ils sont recourbés sur eux-mêmes et pendent sur les côtés
de l'urgano.
De la paroi postérieure de cette poche part un autre appendice qui,
simple d'abord, ne tarde pas à se partager en deux espèces de cœcums,
terminés en cul-de-sac et accolés l'un à l'autre dans toute leur étendue.
Ils ont la structure de l'intestin, et remontent en arrière au-devant de
la colonne vertébrale, jusqu'au niveau du pancréas.
Ce ne sont pas, du reste, les seules anomalies que présente ce fœtus;
d'autres se remarquent du côté du foie, du système vasculaire et des os.
Le foie, volumineux comme il l'est à cet âge, est divisé par de nom-
breux sillons qui le partagent en plusieurs lobes et lobules. Sa face an-
téro-supéricure est intimement adhérente à la membrane qui ferme
l'abdomen en avant. Il y a absence complète de vésicule biliaire.
La veine ombilicale suit un trajet irrégulier. Elle pénètre le foie par
son côté gauche, et sa face supérieure le traverse de part en part pour
reparaître à sa face inférieure et se jeter définitivement dans la veine
cave inférieure.
L'aorte ne fournit qu'une mésentérique qui est la supérieure.
Il n'y a qu'une artère ombilicale, celle de droite, qui continue à elle
seule le tronc de l'aorte. Les artères des membres inférieurs qui en
naissent ne sont que de faibles branches qui sont loin d'avoir le vo-
lume des iliaques.
Les artères hypogastriques manquent également.
Le système osseux du bassin et du sacrum en particulier a subi d'im-
portantes modifications. Les pubis sont fortement écartés; d'une épine
iliaque à l'autre il y a bien 6 à 7 centimètres d'intervalle. On peut dire
que la cavité du bassin n'existe pas à proprement parier, par suite de
la projection en avant du sacrum et de l'écartement des pubis.
A la partie postérieure du dos se voit vers le bas des lombes et au
niveau du sacrum, une petite tumeur du volume d'un œuf de pigeon,
arrondie, molle et fluctuante. C'est un spina-bifida. A ce niveau, les
lames postérieures des dernières vertèbres manquent, et l'échancrure
qu'elles laissent est arrondie de manière à former une ceinture osseuse
à la tumeur.
Tel est l'ensemble des nombreuses malformations que nous avons
observées chez ce fœtus. Les autres organes nous ont paru normaux.
Il s'agit maintenant de savoir quelle est la valeur de chacun de ces
organes anormaux et quelles modifications ils ont subies.
L'appareil urinaire ne présente pas de difficultés pour son interpréta-
tion. La membrane rouge, tomenieuse, qui occupe la partie antérieure
et inférieure de l'abdomen, est bien la vessie exlrophiée; il n'y a aucun
doute à son égard. Les uretères viennent s'y aboucher tous les deux, et
79
pendant la vie, l'urine suintait des orifices latéraux qu'elle présente,
de plus, il n'y a pas d'ouraque.
Une question des plus importantes se présente ici, c'est la détermina-
tion du sexe, d'autant plus qu'au premier abord on pourrait penser que
les deux sont réunis et qu'il y a un véritable hermaphrodisme interne.
La conformation des organes externes n'apprend rien à cet égard ,
elle n'appartient pas plus à un seie qu'à l'autre, leur développement
ayant été frappé d'arrêt à cette période de la vie utérine, où la forme est
la même pour les deux. Quant aux organes internes, ils n'occupent pas
leur place habituelle, c'est-à-dire le scrotum ou le petit bassin. Mais si
on les cherche plus haut, au point même de leur développement, on
trouve au-dessous des reins les deux petits corps que nous avons déjà
décrits et qui sont évidemment l'organe sexuel principal. Ils ressem-
blent autant à un ovaire qu'à un testicule, et le conduit qui part de
leur extrémité supérieure est aussi bien un canal déférent qu'une trompe.
A ce degré du développement, il est difficile de dire si l'on a affaire à
un ovaire ou à un testicule. Valentin a signalé en effet, dans la struc-
ture de l'un et de l'autre, des tubes et des languettes ramifiées, dispo ■
ses en séries transversales; mais ces tubes, admis pour l'organe mâle,
n'ont pas été retrouvés par tous les anatomistes dans l'organe femelle.
Barry etBischoffne les ont pas rencontrés, et admettent que les ovaires
sont formés primitivement par des follicules; c'est aussi l'opinion de
KoUiker.
Pour décider la question dans ce cas, nous avons eu recours à l'exa-
men microscopique. Il nous a montré des tubes enroulés, remplis de
petites cellules à contenu granuleux. Cette structure nous paraîtindiquer
manifestement un organe mâle.
Le conduit qui s'en détache est aussi plutôt disposé comme un sper-
raiducte que comme une trompe. A son origine il présente de nombreu-
ses flexuosités et semble intimement lié au testicule. De l'extrémité in-
férieure de ce dernier partent des tractus celiuleux qui vont s'insérer
au niveau de l'orifice interne du canal inguinal. Ces tractus représen-
tent le gubernaculum testis encore en place et resté inutile par suite de
l'état stationnaire de l'organe.
Mais revenons au conduit qui semble représenter le spermiducte. Il
vient aboutir par son extrémité inférieure à la paroi abdominale, en con-
fondant presque son ouverture avec celle de l'uretère, en dedans de
laquelle elle est située. Il pourrait exister du doute sur la nature de ce
conduit. Est-ce bien un véritable canal déférent? est-ce le vestige du
conduit excréteur de Wolff? La persistance de ce dernier est chose peu
commune après le deuxième mois. En outre, il passe d'ordinaire en ar-
rière du spermiducte et vient déboucher dans le cloaque sur les parties
80
latérales el postérieures de cette cavité. Le spermiducte, lui, s'insère
plus en avant et a toujours une tendance à se porter au-devant de l'u-
retère. Nous verrons, du reste, tout à l'heure un organe qui pourra
peut-être en être considéré comme le représentant.
Vient ensuite cette singulière poche qui s'ouvre en avant sur la paroi
abdominale, représentée par le segment postérieur de la vessie, et qui
se présente munie de deux petites cornes comme un utérus et recevant
deux cœcums en arrière. Quelle est la signification de ces organes? Ap-
partiennent-ils à l'appareil génital ou au tube digestif? C'est là vérita-
blement la partie la plus difficile à expliquer de notre sujet, celle qui
semble le plus déjouer les lois du développement.
Aussi, avant d'entrer dans aucune appréciation, avons-nous besoin de
faire appel à l'embryologie d'une part, et de l'autre à tous les faits té-
ratologiques analogues; car si la science puise dans l'étude des faits
normaux la plupart de ses lois, les faits qui semblent s'écarter de la
règle commune servent aussi à les faire connaître, en montrant que les
exceptions ne sont qu'apparentes et disparaissent devant des lois plus
générales.
Afin de bien préciser les analogies, il est bon de rappeler brièvement
le développement de la partie terminale du tube digestif et ses rap-
ports avec l'appareil urinaire.
L'extrémité inférieure ou rectale de l'intestin se développe, comme
on le sait, en deux portions: l'une qui est le cul-de-sac inférieur du feuil-
let intestinal [adilus inferior ad inleslinum de Baer), l'autre l'ampoule
rectale, creusée de dehors en dedans par corrosion du feuillet tégumen-
taire externe. Ces deux portions vont l'une au-devant de l'autre, s'ac-
colent; puis le diaphragme qui résulte de cet accolement disparaît bien-
tôt par corrosion, et le rectum est ainsi définitivement constitué. Mais
bien avant ce temps déjà, du quinzième au vingt-cinquième jour, un
bourgeon charnu et creux naît sur la partie antérieure du cul-de-sac
intestinal : c'est l'allantoïde. Par son pédicule qui porte le nom d'oura-
que, elle conserve pendant un certain temps des rapports avec le
rectum.
Lorsque la vessie s'est formée par la dilatation de l'ouraque, il arrive
donc un moment où le rectum communique directement avec la vessie;
alors il y a une disposition analogue à celle que l'on remarque norma-
lement chez les oiseaux et les reptiles, il y a un véritable cloaque ; mais
un cloaque interne, différent de celui qui est formé à l'extérieur par la
réunion des orifices génito-urinaire et défécateur.
Dans cette poche commune à l'intestin et à la vessie, viennent en
effet déboucher les uretères, les spermiductes ou oviductes, les con-
duits excréteurs des corps de Wolff et l'ouraque. Bientôt l'appareil in-
testinal et l'appareil urinaire se séparent. Comment se fait cette sépara-
tion? C'est ce qui n'est pas encore établi dune manière bien nette, non
plus que la position exacte des divers conduits. Bathke veut qu'il se
développe dans le cloaque des plis qui se rapprochent peu à peu et fi-
nissent par oblitérer complètement le canal intestino-allantoïdien. Coste
pense qu'un éperon saillant s'avance entre le rectum et le pédicule de
l'allantoïde dilaté en vessie, et qu'ainsi ces deux cavités sont isolées.
Disons un mot, avant de terminer, du développement de la partie
moyenne de l'intestin. Elle forme une anse qui se continue dans le prin-
cipe avec le pédicule de la vésicule ombilicale. La partie supérieure de
cette anse forme l'intestin grêle, sa partie inférieure le gros intestin.
C'est au niveau du point de réunion de ces deux branches, un peu plus
sur la branche inférieure cependant, que se forme le cœcum et son ap-
pendice. Ce n'est d'abord qu'un petit diverticule annexé au gros intes-
tin; mais bientôt il s'allonge notablement, s'enroule et augmente de
calibre. Pour Oken, le cœcum et son appendice seraient le vestige du
canal de la vésicule ombilicale; mais Meckel, dont l'opinion a été de-
puis confirmée, a montré que le point d'attache du pédicule omphalo-
mésentérique est sur l'intestin grêle, à une certaine distance du cœcum
et au point le plus élevé de l'anse primitive.
On retrouve en effet quelquefois des vestiges du pédicule de la vé-
sicule ombilicale sur l'intestin grêle, surtout sur les sujets atteints d'ex-
trophiede vessie, et alors, par suite du développement, le point d'inser-
tion a été reporté assez loin du cœcum.
M. de Quatrefages (i) en cite un exemple observé chez un sujet qui
fut disséqué pas Lauth. « M. Lauth, dit-il, en ouvrant le cadavre de
Riel, a espéré trouvera l'intestin grêle un diverticulum semblable à
ceux qu'on observe quelquefois; ses recherches ont en effet confirmé
cette prévision. Ce diverticulum, long de 4 pouces, s'insérait dans l'iléon
à 25 pouces du cœcum. Les vaisseaux omphalo-mésentériques étaient
très-visibles à la surface, quoique la matière à injection n'y eût pas pé-
nétré. Non loin de son extrémité, on voyait un point blanchâtre, comme
cartilagineux, que Ton peut considérer comme la cicatrice du canal de
communication entre l'intestin et la vésicule ombilicale. »
Sur un fœtus présenté à la Société de la Faculté de médecine par
M. Marin et décrit par Dupuytren (2), l'intestin grêle offrait également
un appendice cœcal, naissant de la concavité de sa courbure.
On comprend qu'à chacune de ces périodes de développement puisse
— — - -- -
(1) De Quatrefages, Thèses de Strasbourg, 1832.
(2) Bulletins de (a Soc, de la Fac. de med., 1806, p. 58.
c. R. 6
82
correspondre une monstruosité qui sera d'autant plus compliquée que
les organes ont été arrêtés à une époque moins avancée, et à laquelle
ils devaient être par conséquent plus confondus entre eux.
Ces anomalies consistent en général dans la persistance des commu-
nications entre les diverses cavités, communications plus ou moins
étendues, et dont le type le plus avancé est la persistance du cloaque.
Il est curieux de voir comment on arrive insensiblement à cette der-
nière forme, chacun des degrés intermédiaires trouvant un certain
nombre de faits pour le représenter. A cette étude se rattache une
question de la plus haute importance au point de vue chirurgical, celle
de l'imperforation de l'anus ou de son embouchure anomale et des in-
dications qu'on en peut tirer pour l'opération. Aussi allons-nous entrer
dans quelques détails à ce sujet.
Nous ne décrirons pas les embouchures anomales du rectum ; nous
pensons seulement qu'au point de vue tératologique, il est bon d'établir
une distinction entre les différents orifices qu'on a regardés comme des
anus.
Tantôt, en effet, l'anus se trouve assez loin de son siège habituel ; il
est muni souvent alors d'un sphincter et porte les caractères d'un véri-
table anus. C'est là seulement une déviation qui tient à un vice dans le
développement de l'appareil externe de la défécation à la persistance
de la fente uro-génitale.
Tantôt, au contraire, il n'y a nulle trace d'anus à la place qu'il
doit occuper, ou si l'ampoule rectale existe, elle se termine en cul-de-
sac. Dans ce cas, le rectum se termine de même dans le petit bassin
et s'ouvre à l'extérieur ou dans les cavités voisines; c'est là une véri-
table persistance du cloaque. L'ouverture par laquelle se termine alors
l'intestin n'est jamais munie de sphincter; elle n'a de commun avec
l'anus que de donner passage aux matières fécales, et ne saurait les
retenir. Le mécanisme est, comme on le voit, bien différent dans les
deux cas.
Ainsi, dans le premier groupe se place l'embouchure de l'anus. A côté
de sa place habituelle (fistule congénitale), sur le raphé scrotal, ou à la
commissure postérieure de la vulve. Deux cas de ce genre ont été ob-
servés par M. Goyrand (d'Aix) (1), au-dessous de la verge (Gruveilhier)
pu dans le vagin.
Au contiaire, dans le deuxième groupe la terminaison du rectum a
lieu dans les cavités voisines ; il y a persistance du cloaque.
Cette communication peut avoir lieu avec l'urèlhre sur la vessie. Dans
le premier cas, cela dépend de ce que la partie antérieure de la vessie
(1) Goyrand, <taz. méd., 1856.
83
a pu s'allonger et le col vésical se former. Alors la plupart du temps il
y a un allongement du conduit vésico-rectal qui est plus ou moins étroit.
Des cas de ce genre ont été observés par Dumas (de Montpellier) (1),
Duret (2), Flajani (3). Ce dernier a publié une observation remarquable,
dans laquelle il est dit que l'enfant a vécu huit mois, et n'a succombé
qu'à la suite de l'occlusion de cet étroit canal par un noyau de cerise.
M. Goyrand (d'Aix) (4) a observé la disposition suivante sur un en-
fant opéré par lui :
« Le rectum, arrivé au-dessous de la vessie, se rétrécit en un cône
dont le sommet s'engage entre le col de la vessie et la prostate. En
introduisant un stylet dans le fond de ce cône, on le voit arriver dans
l'urètre, au devant du veru montanum. »
Quand l'ouverture a lieu dans la vessie, presque toujours celle-ci est
extrophiée, et l'on dit que c'est à la paroi abdominale que se fait l'em-
bouchure. Cette ouverture se fait en différents points. Le plus souvent
c'est au-dessus du pubis, quelquefois sur les parties latérales, même
dans l'aine, ainsi que Hutin (5) et Geoffroy-Saint-Hilaire (6) en citent des
exemples.
Tantôt l'ouverture est large; souvent, au contraire, le canal n'est
formé que par un petit cordon à peine perméable. Dans un cas observé
par Voisin (7), l'iléon se terminait en se rétrécissant par un prolonge-
ment de la forme et de l'étendue du cœcum.
Dans certains cas enfin, comme dans celui de Littre (8), on voit l'in-
testin se renfler en ampoule, avant de se rétrécir en un canal étroit qui
conduit à la vessie.
On voit comment les liaisons qui existent entre ces différentes parties
pendant leur développement, se retrouvent dans les anomalies qui les
déforment, et font qu'elle se reproduisent avec une certaine constance.
Cependant il est des monstruosités plus complexes qui envahissent
une plus grande étendue, et dans lesquelles on ne retrouve plus la
forme et la disposition primitive des organes. Il faut alors admettre,
entre l'arrêt de développement, des lésions survenant dans les pre-
(1) Dumas (de Montpellier), Journ. gén. deméd., t. IIL
(2) Duret, Journ. complém. du dict. des se. méd., t. XXL
(3) Flajani, Obs. de cliir., t. IV.
(4) Goyrand, Gaz. méd., 1856.
(5) Journ. gén. de méd., t. CXI.
(6) Geoffroy-Saint-Hilaire, loc. cit.
(7) Voisin, Journ. gén. de méd., t. XXI.
(8) Littre, Mém. de l'Acad. des se, 1709.
84
mières périodes de la vie utérine, et ayant déformé les viscères ou al-
téré leurs rapports.
Plusieurs cas, sous quelques rapports analogues aux nôtres, ont été
observés.
Petit (1) parle d'un fœtus dont la vessie était extrophiée et présentait
une fosse dans laquelle venaient s'ouvrir à droite l'intestin grêle, qui
était très-court, et à gauche un espèce de cœcum muni de deux appen-
dices vermiculaires.
Dans un cas plus compliqué encore, mais manquant de détails précis,
Méry (2) a vu une fosse ovale située au-dessus du pubis, et dans la-
quelle venaient aboutir l'intestin grêle, le cœcum, les deux uretères et
un canal qui aboutissait à la fesse.
Geoffroy-Saint-Hilaire (3) en décrivant son fœtus aspalasome, dit que
l'anus était placé dans l'aine droite, et que le gros intestin se trouvait
composé seulement du cœcum, de la première portion du colon, et de
deux appendices terminés en cul-de-sac. Ces appendices venaient s'ou-
vrir dans l'intestin à peu de distance de l'anus, à peu près comme les
deux cœcums chez les oiseaux.
Enfin, M. Houel (4) a présenté à la Société anatomique en 1850 un fœ-
tus ayant un véritable cloaque, dans lequel on voyait l'ouverture sé-
parée du cœcum de l'intestin et des deux uretères.
Nous sommes ramenés ainsi à parler de notre fœtus, et à donner l'ex-
plication du singulier organe qui vient aboutir à la vessie.
Voici l'interprétation que nous en proposons; ajoutons qu'elle nous a
été en partie suggérée par M. Gerbes, le savant préparateur du Collège
de France qui a examiné le sujet avec un soin tout particulier.
11 y a eu d'une part persistance de la communication du rectum avec
l'allantoïde, et absence complète du développement de l'ampoule rec-
tale ; d'autre part il s'est fait une scission entre les doux branches de
l'anse intestinale moyenne, au point même d'insertion du pédicule om-
phalo-mésentérique. L'anse supérieure ne s'est développée qu'imparfai-
tement, et a formé une courte portion d'intestin grêle. Quant à la
branche inférieure, après la scission elle s'est trouvée constituée par
l'appendice cœcal et le gros intestin qui s'est atrophié et soudé au pré-
cédent. Il en est résulté les deux prolongements en cœcum qui viennent
s'ouvrir dans la poche recto-vésicale.
(1) Petit, Hist. de CAcad. des sciences, 1716.
(2) Méry, idem, 1700.
(3) Geoffroy-Saint-Hilaire, loc. cit.
(4) Bull, de la Soc. anat., 1850,
85
Au-dessus de ces prolongements est le petit corps qui ressemble à un
utérus et qui est muni de deux appendices latéraux. Quelle est sa signi-
fication? Or si l'on remarque qu'il semble formé par la dilatation et la
réunion des deux petits appendices canaliculés qui sont sur ses côtés,
que ceux-ci n'ont aucun rapport avec les autres organes et semblent
les vestiges d'anciens canaux, qu'en outre on ne trouve pas trace des
conduits des corps de Wolff, on peut être amené à y voir les débris de
ces deux canaux.
Que deviennent en effet les conduits excréteurs lors de la dispari-
tion dès corps de Wolff? C'est un point qui n'est pas encore bien nette-
ment établi. On sait que leur partie supérieure forme chez l'homme
l'hydatide de Morgagni, et qu'on la retrouve quelquefois chezlafemme,
ainsi que M. FoUin (1) l'a montré dans les organes de Rosen-Miiller.
On sait également que le conduit de Garthner est leur représentant
chez certains animaux. Mais chez l'homme, que devient leur partie in-
rieure?
Ne pourrait-on pas admettre que c'est la réunion de ces deux canaux
dans leur portion terminale qui forme l'utricule prostatique?
En effet, il y a une certaine analogie de forme et de position entre elle
et le corps que nous avons décrit. Les conduits qui viennent s'y abou-
cher ne sont ni les uretères ni les spermiductes qui gagnent la paroi
abdominale.
Ce fait serait en opposition avec l'opinion allemande qui assimile l'u-
tricule prostatique à l'utérus, et qui veut qu'elle soit formée par la
réunion des spermiductes, comme l'utérus chez la femme l'est par celle
des oviductes. Aujourd'hui cette opinion n'est pas admise en France,
car on sait que les canaux déférents ne se réunissent pas à leur termi-
naison et s'insèrent séparément.
L'explication que nous proposons nous paraît être celle qui rend le
mieux compte de ce singulier corps, et si elle est vraie, elle confirme
cette idée que l'utricule prostatique est formée par la réunion de la
partie inférieure des conduits de Mijller. L'observation seul^peut, du
reste, éclaircir la question.
Voici, en résumé, ce qui a eu lieu chez notre fœtus.
Les parois abdominales ne se sont pas formées et par suite la commu-
nication entre l'ouraque et l'allantoïde a persisté; il en est résulté une
extrophie de vessie, avec abouchement des uretères et des spermiductes
à la paroi abdominale.
En outre la communication entre le rectum et l'ouraque s'est main-
tenue; en un mot la vessie ne s'est pas formée.
(1) Follin, Thèses de Paris, 1850.
86
D'autre part, il y a eu scission entre les deux branches de l'anse in-
testinale moyenne, au niveau de Tombilic intestinal. L'intestin grêle ne
s'est pas développé. Le gros intestin et le cœcum ont formé les deux
appendices que nous avons vus s'aboucher dans le cloaque.
Enfin les parties externes de l'appareil génital et défécateur ne se
sont pas développées.
Sous quelle influence ces malformations se sont-elles produites? La
cause prochaine vient probablement d'un vice de nutrition de ces or-
ganes.
Remarquons en effet qu'il y avait de graves désordres du côté des
systèmes vasculaires et nerveux.
L'artère mésentérique et les hypogastriques manquaient.
Une seule artère ombilicale continuait le tronc de l'aorte.
La vessie ombilicale passait au-dessus du foie.
Il y avait enfin un spinabifida à la région sacrée.
C'est une particularité remarquable que dans la plupart des faits ana-
logues, qui ont été accompagnés de quelques détails, toujours on ait re-
trouvé les mêmes anomalies vasculaires et nerveuses.
En effet G. Saint-Hilaire a signalé l'absence de mésentérique infé-
rieure, anomalie qu'il compare à Tétat normal chez les oiseaux.
Il ny avait qu'une seule artère ombilicale dans les cas de Dupuytren,
Littre, Petit et Breschet (1). Quant à la vessie, son passage au-dessus
du foie a été noté aussi par Petit, Houel et Littre. Dans le cas de ce
dernier, elle ne passait même pas par le foie et allait s'ouvrir dans la
veine cave supérieure.
Enfin le spina-bifida s'est montré dans presque tous les cas.
Il a môme été accompagné de dispositions osseuses assez curieuses.
L'écartement des pubis ou leur absence s'est rencontré très-souvent.
M. de Quatrefages dit que la symphyse des pubis qui manque ordinai-
rement est remplacée par un ligament très-fort, mais flexible. Vrolik l'a
révoqué en doute. Mais dans le cas étudié par M. Houel, les pubis
étaient uhis par un cordon fibreux transversal qui représentait bien l'un
des ligaments de la symphyse.
A cet écartement des pubis vient se joindre l'effacement du petit bas-
sin et la rotation des membres inférieurs en dehors. Dans le cas de
M. Houel, la rotation était même complète et s'était opérée isolément
pour chaque membre, de sorte qu'il y avait apparence de fesses à la ré-
gion antérieure.
Les membres inférieurs sont eux-mêmes souvent le siège de diffor-
(1) Breschet, Medico-chirurgical transactions of London, t. IX.
87
mités. Quelquefois ils n'acquièrent pas leur développement complet, bu
sont atteints de pied bot, comme dans le cas de M. Depaul (1).
Faut-il voir dans les altérations des vaisseaux et nerfs qui président
à la vie des organes, la cause réelle de ces arrêts de développement?
Sans doute il est probable que c'est la cause prochaine, mais ce n'est
pas la seule.
Il y a dans beaucoup de ces cas, surtout dans les monstruosités com-
pliquées, des particularités qu'on ne peut expliquer complètement par
ce qu'on connaît de leur développement.
Il faut admettre alors que la monstruosité n'est pas un simple arrêt
d'évolution, mais qu'elle se complique de lésions pathologiques qui amè-
nent la déformation des organes.
IV.— Physiologie expérimentale.
2° Recherches sur l'action de l'extrait ou de la teinture de fève du Ca-
LABAR SUR LES ANIMAUX; par lo doctcur Jeronimo J. de Mello, doyen
de la Faculté de médecine de Coïmbre.
M. Giraldès, au nom de M. le docteur Jeronimo J. de Mello, doyen
de la Faculté de médecine de Coïmbre, communique à la Société de
biologie le résultats de recherches sur l'action de l'extrait ou la tein-
ture de fève du Calabar chez les animaux. M. de Mello n'a point expé-
rimenté cette substance au point de vue de ses propriétés myocotiques
mais bien au point de vue de ses propriétés toxiques.
5 gouttes de teinture de fève de Calabar injectées dans la veine ju-
gulaire d'un lapin ont déterminé, peu de temps après l'opération, un en-
gourdissement des extrémités postérieures. Deux heures après l'action
produite par le médicament avait disparu ; l'animal est revenu à son
état normal. 15 gouttes du même agent injectées dans la jugulaire d'un
autre lapin, sont suivies de paralysie du train postérieur. L'animal suc-
combe quarante-trois heures après.
Dans le but de savoir si le calabar et la strychnine neutralisaient
leurs effets, 20 gouttes de teinture de fève du Calabar, 20 gouttes de
teinture et 10 gouttes de teinture de strychnine ont été introduites dans
l'estomac par l'œsophage. Aucun phénomène appréciable n'a été produit
par l'ingestion de ces deux agents. Deux mois après l'animal se portait
très-bien.
M. Mello a également essayé les injections hypodermiques : 5 gouttes
de teinture de Calabar injectées sous la peau d'un lapin ne donnent
(1) Dépaul, BuLLEt. DE la Soc. ANAT0MIQUE, 1842.
88
aucun résultat; 8 gouttes déterminent la paralysie des membres posté-
rieurs ; 15 à 20 gouttes tuent les animaux.
Les mêmes injections, essayées chez des reptiles amphibiens, ont
donné le même résultat. 5 gouttes injectées sous la peau du dos d'une
grenouille paralysent les extrémités postérieures. Celte paralysie cesse
au bout d'une heure.
10 gouttes déterminent un engourdissement complet; l'animal ne
donne aucun signe de vie. Cet état a cependant cessé et l'animal est
revenu à son état normal. La grenouille sujet de cette expérience, réta-
blie, a été placée dans un bocal contenant d'autres grenouilles. Le len-
demain tous les animaux étaient morts à l'exception de celui qui avait
été le sujet de l'expérience.
M. de Mello croit pouvoir conclure des expériences citées que la fève
du Calabar est moins toxique que le curare, la strychnine, même la
narcéine et la morphine et qu'elle pourrait être employée avec avan-
tage dans des affections du système nerveux, l'épilepsie et le tétanos.
V. — Pathologie.
Tumeur a myélocythes des nerfs de la queue de cheval ; altération
DE CES nerfs et DÉGÉNÉRATION SECONDAIRE DES CORDONS POSTÉRIEURS DE
LA MOELLE DANS TOUTE SA HAUTEUR; par MM. CoRNIL et MaRTINEAU.
Bonhomen (Paul), 53 ans, porteur aux halles, né à Montfort.
Il y a un an, il a été pris de douleurs le long du rachis ; peu à peu
elles sont devenues plus vives. Au bout de quatre mois le malade mar-
chait en fauchant, éprouvait de la difficulté à uriner, et allait rarement
à la selle.
Le 28 mars. Affaiblissement notable du côté droit.
Le 3 avril. Il était tout à fait paralysé de ce côté.
Le 10. Il peut remuer la jambe droite, il a des escarres au sacrum.
Autopsie. — Pas de rigidité cadavérique notable ni de putréfaction
avancée; escarre occupant le sacrum ; tubercules nombreux dans les
deux poumons; un grand nombre crétacés; quelques petites cavernes du
volume d'un pois. Au niveau de la dixième vertèbre dorsale et en dehors
de la dure-mère, on trouve une masse du volume d'un œuf de pigeon (face
antérieure du canal rachidien) ayant une couleur blanc jaunâtre, de
consistance caséeuse. A ce niveau l'os est dépouillé de l'opanévrose et
du périoste, sa couleur est blanchâtre, sa résistance est notable, un
scalpel ne peut le pénétrer, la moelle paraît saine quoique ramollie;
l'autopsie n'a été faite que trente heures après la mort, température
18 degrés.
Le canal rachidien est rempli au niveau de la colonne lombaire par
80
une tumcui diffuse qui entoure la dure-mère, se prolonge dans les trous
de conjugaison des vertèbres et englobe les nerfs qui émanent du ren-
flement lombaire. Cette tumeur siège à la partie antérieure du canal
rachidien. Après avoir séparé les nerfs de la queue de cheval, nous
pûmes nous assurer que la tumeur ne comprimait aucunement la partie
inférieure de la moelle elle-même, mais seulement les racines anté-
rieures émanées du plexus lombaire.
Nous n"avons pas eu à notre disposition les ganglions lombaires ni les
nerfs sciatiques. Nous avons examiné seulement la tumeur, les nerfs de
la queue de cheval, depuis leur origine médullaire jusqu'à leur entrée
dans les trous de conjugaison et la moelle dans toute sa hauteur. Voici
les résultats de cet examen :
La masse de nouvelle formation est constituée par un tissu grisâtre,
peu résistant, ne donnant pas de suc à la pression, possédant une cer-
taine semi-transparence, se rapprochant comme aspect de la surface de
section des ganglions lymphatiques. Au microscope, la tumeur présente
comme éléments prédominants des noyaux arrondis ou ovoïdes finement
granuleux, possédant parfois un nucléole ou de petites cellules; ses
noyaux mesurent 0,006 à 0,007 millimètres. Les cellules ne possèdent
pas de cavité distincte, la membrane de cellule n'est même pas tou-
jours distincte. On peut voir aussi des noyaux en train de se diviser et
des cellules contenant deux noyaux. L'acide acétique les pâlit et dissout
une partie des granulations en contractant les noyaux. Il existe, en
outre, des cellules allongées, fusiformes, possédant les mêmes noyaux
ovoïdes que nous venons de mentionner. Ces éléments sont situés dans
une trame vasculaire au milieu de fibres lamineuses extrêmement
fines.
Les nerfs de la queue de cheval englobés dans la tumeur précédente
sont altérés ; leurs fibres nerveuses présentent un état granulo-graisseux
de la substance médullaire.
La moelle épinière a été étudiée dans toute sa hauteur depuis son ex-
trémité terminale jusqu'au niveau des premières racines cervicales sur
des coupes transversales comprenant toute son épaisseur. Partout les
cordons postérieurs étaient altérés en totalité ou en partie. Dans la
partie inférieure jusqu'au milieu de la portion dorsale de la moelle, les
cordons postérieurs étaient altérés dans leur totalité. A partir de ce
point jusqu'à la partie supérieure de la moelle, la lésion se bornait aux
faisceaux médians et postérieurs des cordons postérieurs.
Les autres parties de la moelle, substance prise des cornes antérieures
et postérieures, cordons antéro-latéraux, étaient saines.
L'altération était visible à l'œil nu lorsque la pièce eut commencé à
macérer dans l'acide chromique, car alors les portions malades des co-
90
lonnes postérieures étaient plus opaques que le reste de la substance
blanche.
Dans les parties altérées, les coupes de la moelle, examinées même à
un grossissement de 12 diamètres, étaient faciles à reconnaître au mi-
croscope. Elles présentaient sur un fond plus clair que les parties saines
un fin pointillé avec un grossissement de 150 à 200 diamètres; on
reconnaissait que la lésion des faisceaux postérieurs consistait dans la
disparition de la substance médullaire des tubes nerveux et la formation
nouvelle d'un nombre considérable de corps granuleux de Gluge. Il n'y
avait pas d'augmentation d'épaisseur du tissu conjonctif ni de corpus-
cules amyloïdes en quantité plus considérable qu'à l'état normal.
Cette observation est pleinement confirmative des recherches de
Tiirck, qui a montré que les lésions ascendantes secondaires de la
moelle suivent constamment le trajet des cordons postérieurs.
En outre, elle établit ce fait auquel nous ne connaissons pas d'ana-
logue que, à la suite d'une altération par compression des nerfs de la
queue de cheval, les cordons postérieurs peuvent subir une dégénéra-
tion secondaire dans toute la hauteur de la moelle. Remarquons aussi
que dans ce cas la compression portait sur les racines antérieures des
nerfs lombaires, et n'en a pas moins causé secondairement la lésion des
cordons postérieurs.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS DE JUIN 1865;
Par m. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire.
PRESIDENCE DE M. RAYER.
I, — Histoire naturelle.
De la présence du cysticercus tenuicollis chez le phacochoerus
AFRicANUS ; par M. le docteur Léojt Vaillant.
Les helminthes que j'ai Thonneuf de présenter à la Société me pa-
raissent mériter attention, non quant à leur espèce, mais sous le rapport
de leur habitat et des conclusions qu'on en peut tirer au point de vue
de la distribution de ces êtres.
Ces vers sont des cysticerques trouvés dans les replis mésentériques
d'un phacochère {pliacocliœriis africanus , Fréd. Cuvier) récemment
envoyé du Sénégal à la ménagerie du Muséum par M. le général Fai-
dherbe. Cet animal faisait partie d'un envoi de quatorze individus de la
même espèce dont un seul est actuellement survivant ; celui-ci, qui est
le sujet de cette ^observation, a vécu environ une huitaine de jours en
France ; il était de petite taille et évidemment fort jeune.
92
Les cysticerques, au nombre d'environ une vingtaine sont réunis en
un seul groupe ; chacun d'eux est placé dans une poche membraneuse
distincte, transparente, qui semblerait être un repli de la séreuse péri-
tonéale.
L'animal se compose d'une vésicule dont le diamètre, peut être évalué
à 15°"" ou 20""", le tissu dont elle est formée présente des sortes de
ponctuations fines réunies en lignes assez distinctes pour qu'à un gros-
sissement de 25 à 50 diamètres elles forment des espèces de bandes dis-
posées sur la vésicule concentriquement au point d'attache du cou.
Celui-ci, autant que j'en ai pu juger, est long d'environ lO"", grossiè-
rement ridé et présentait un étranglement distinct au point de réunion
avec la portion céphalique. Suivant les individus, tantôt la tête était
invaginée, tantôt, au contraire, complètement développée ; dans ce
dernier cas les cysticerques m'ont paru plus altérés et avaient souvent
perdu leurs crochets. Sur les échantillons bien conservés, il est facile
de reconnaître la présence de quatre ventouses et d'une double cou-
ronne de trente-quatre crochets dont dix-sept plus grands sont exté-
rieurs, tandis que les autres placés plus en dedans alternent régulière-
ment avec les précédents. Les grands crochets ont les dimensions
suivantes :
Longueur totale 0°'°,20
Lame longue de 0 ,09
Manche long de 0 ,09
Manche large de 0 ,02
Garde saillant de G ,04
Ces dimensions pour les petits crochets sont :
Longueur totale 0""°,13
Lame longue de 0 ,06
Manche long de 0 ,05
Manche large à la base de 0 ,02
Garde saillant de 0 ,03
Le nombre et les dimensions de ces crochets, comparés à ceux qu'on
rencontre habituellement dans le cysticercus tenuicollis des ruminants
et du porc, les descriptions données par les auteurs (1), me conduisent
à assimiler ces helminthes du phacochère à cette espèce.
Comme il est évidemment impossible de croire que depuis son débar-
(1) Voy. Baillet, Expériences sur les cestoïdes du genre Tœnia.
Ann. se. nat,, 4* série, t. X, p. 192.
93
quement ce pachyderme ait pu gagner ces cysticerques, on est conduit
à admettre que c'est au Sénégal même qu'il les avait ingérés et qu'il
y a similitude d'espèce entre les vers cestoïdes de cette contrée et les
nôtres.
Les auteurs ne sont pas encore parfaitement d'accord sur l'état stro-
bilaire qui résulte du développement de ce scolex. D'après les dernières
recherches de M. Leuckart (1), il donnerait dans l'intestin de l'homme le
tœnta marginaia. Le mauvais état de la plupart des cysticerques
du phacochère que j'ai pu examiner ne laissent pas grand espoir de suc-
cès dans une expérience que j'ai instituée pour vérifier ce développe-
ment; j'aurai soin cependant d'entretenir la Société des faits ultérieurs
que j'aurai l'occasion de constater.
IL — Chimie végétale.
Do SUCRE DANS LÀ BETTERAVE ET LE TOPINAMBOUR ; par Ad. ChATIN.
Je détache d'un travail d'ensemble sur la proportion de sucre con-
tenue dans les végétaux de familles diverses et dans chacun de leurs
organes, les faits qui se rapportent aux racines des deux plantes à la
fois alimentaires et industrielles : la betterave et le topinambour ; à la
betterave qui tient une si grande place comme source de sucre et d'al-
cool ; au topinambour qui sera sans doute un jour comme plante à al-
cool, la providence des contrées dont les terres légères et maigres sont
impropres à la culture de la betterave.
Betterave. — Si l'on divise successivement en tranches la racine de
betterave, depuis le collet jusque vers son extrémité et qu'on dose le
sucre dans chacune des tranches, on met en évidence les faits suivants :
La proportion du sucre est au minimum dans la région du collet
(cette partie de la plante est ordinairement retranchée et rejetée dans
les usines à sucre) où elle ne dépasse pas la proportion de 3 pour cent
du poids de cette portion de l'organe ;
Le maximum de la proportion du sucre est dans la région moyenne
qu'on pourrait appeler le pian équalorial de la racine ;
La pointe du cône radiculaire est plus riche en sucre que le collet,
moins que la région moyenne ou équatoriale.
Voici quelques chiffres. Dans une racine les proportions du sucre
étaient : 2 pour cent au collet, 7 vers la pointe, 12 au milieu ; dans une
(1) Die Menschlichen Parasiten und die von ihnen herriisrenden
krankheiten, p. 312.
94
autre racine, on trouvait au collet 1 pour cent, à la pointe 5, dans le
plan moyen 10.
Toujours la pointe est plus sucrée que le collet, et moins que la zone
équatoriale.
Si l'on divise transversalement la racine par le milieu, on constate
que la proportion de sucre est constamment plus forte dans la moitié
inférieure que dans la moitié supérieure, ce qui pouvait se déduire des
faits précédents.
Au moment où les betteraves atteignent le maximum de leur richesse
saccharine, savoir vers le 15 octobre, les feuilles ne contiennent elles-
mêmes que peu de sucre, savoir de 8 15 millièmes; la proportion du
sucre est aussi très-faible dans la tige montée à fleurs.
Un fait qui ne doit pas être perdu de vue par les cultivateurs, c'est
que la quantité de sucre diminue très-notablement dans la racine, au
point d'y être réduite à 3 ou 4 centièmes de la masse, si l'on n'a pas le
soin de retrancher les tiges, toujours en assez grand nombre dans les
plantations, qui s'allongent pour produire des fleurs.
Topinambour. — Cette précieuse Synanthérée produit comme cha-
cun sait de nombreux et irréguliers tubercules utilisés pour Talimenta-
tion de l'homme, surtout pour celle des vaches et des oiseaux de basse-
cour qui en sont assez friands.
Le topinambour croit dans les terres maigres qu'il épuise peu, em-
pruntant, ainsi que l'a prouvé M. Boussiiiganlt, de l'azote à l'air, et pou-
vant même comme les Légumineuses, laisser la terre plus riche qu'elle
ne l'était auparavant.
Le topinambour ne contient que des traces de sucre et pas d'ami-
don ; mais il est riche en inuline, et comme d'après mes observations,
cette matière subit à merveille la fermentation (ce qui, soit dit en pas-
sant, devrait la faire classer parmi les sucres), si Ion ne peut avec le
topinambour faire du sucre, du moins, peut-on en retirer beaucoup
d'alcool.
D'après la moyenne des recherches que j'ai faites sur ce point, le
topinambour donne une quantité d'alcool équivalente de 1 4 à 15 centièmes
de sucre ; beaucoup plus que la betterave, surtout si l'on considère que
toutes les parties du tubercule participent à cette richesse, tandis que
dans la betterave ce n'est que la zone moyenne dont la richesse peut
dans les meilleures variétés et dans les années les plus favorables, at-
teindre à une richesse saccharine de 14 centièmes.
Déjà plusieurs distilleries se sont montées pour faire de l'alcool de
topinambour; et comme l'une des plus considérables appartient à notre
aimable et distingué collègue M. Joseph Michon, nous pouvons avoir
l'assurance d'être parfaitement tenus au courant des résultats agricole
et autres.
III. — Anatomie et physiologie végétales.
Développement, structure et fonctions des tissus ce l'anthère;
par Adolphe Chatin.
Je me propose d'entretenir aujourd'hui la Société de quelques-uns
des résultats de mes recherches sur le développement, la structure et
les fonctions des tissus de l'anthère,
§ I. — Premiers développements des tissus de l'anthère ; des logettes.
L'excellent travail de M. Mirbel sur le développement de l'anthère,
peut être ainsi résumé :
1. Le tissu de l'anthère est d'abord une masse utriculaire homo-
gène.
2. Plus tard les utricules situées vers le milieu de chacune des moi-
tiés des deux lobes de l'anthère grandissent et changent de forme : ce
sont les utricules polliniques (ou utricules mères du pollen) destinées à
être résorbées après qu'elles auront donné naissance, dans leur cavité, à
des grains de pollen généralement au nombre de quatre pour chaque
utricule mère.
3. Vers la maturation de l'anthère, la portion de la masse utriculaire
primitive qui avait persisté, séparant en deux logettes chacune des
deux demi-anthères, disparaît, et chacune des demi-anthères n'offre
alors qu'une seule loge.
4. Tout le tissu sous-épidermique se transforme vers l'époque de la
déhiscence en cellules à filets.
5. La transformation des utricules simples en utricules ou cellules à
filets est tellement brusque, qu'elle ne peut être surprise au moment
de son évolution.
Les propositions 1 et 2, confirmées par divers observateurs, notam-
ment par M.Duchartre (1), paraissent être hors de toute contestation,
j'ai eu très-souvent l'occasion d'en vérifier l'exactitude.
La proposition 3 est encore généralement vraie. Cependant j'ai con-
staté un assez grand nombre de cas dans lesquels la cloison de sépara-
tion persiste complète au milieu de chaque demi-anthère, celle-ci res-
tant ainsi jusqu'à la déhiscence coupée en deux logettes. Alors le plus
(1) Observ. anat, et phys. sur la Clandestine d'Europe, toc. cit. y
pi. VI, fig. 81 à 85.
9b
ordinairement {Lycopersîcon, Tradescantia, des Asclépiadées, Orchi-
dées, etc.) la déchirure a lieu, comme dans les cas où l'anthère est à
deux loges, en deux demi-valves. La seule différence est que celles-ci
reposent par leur bord jusqu'à l'instant de la déhiscence sur la cloison
deslogettes. Ce sont les deux ventaux d'une porte qui, au lieu de ré-
pondre tous deux dans une chambre unique, donnent entrée à deux
chambrettes contiguës l'une à l'autre. Habituellement, l'extrémité de la
cloison devenue libre à la déhiscence par le décollement des valves qui
jusque-là reposaient sur elle, se déjette, se coutracte ou se détruit di-
versement, et à ce moment l'on pourrait croire que la destruction de la
cloison a précédé la déhiscence elle-même au lieu de la suivre. Dans les
Passiflora, Scabiosa, etc., ce sont les valves réfléchies et adossées au
connectif qui, plus que la cloison proprement dite, forment les logettes.
Le nombre des plantes dans lesquelles la cloison de séparation des
logettes ne persiste pas jusqu'au moment même de la déhiscence, mais
ne se détruit qu'aux approches de ce moment, est considérable. L'un
des meilleurs exemples est celui observé par M. Duchartre dans la
Clandestine, qui présente une cloison encore épaisse après la produc-
tion des cellules fibreuses (1).
Mirbel avait d'abord professé que te nombre ordinaire des loges
des anthères est de quatre et non de deux selon l'opinion commune (2).
Plus tard, il crut pouvoir conclure de ses études organogéniques, limi-
tées à un trop petit nombre d'espèces, que le nombre quatre des lo-
gettes, constant dans le jeune âge, faisait toujours place à deux loges.
C'est entre les deux opinions successivement adoptées par le savant
anatomiste qu'est la vérité.
On vient de voir que les propositions 1 et 2, déduites du mémoire de
M. Mirbel, sont absolument admises, mais que la proposition 3 n'est
pas sans d'assez nombreuses exceptions. Mes observations établissent
que les propositions 4 et 5 doivent être presque complètement modi-
fiées.
Et d'abord, tout le tissu sous-épidermique se cliange-t-il en cellules
à filets? On est conduit à l'affirmation en se reportant, non au texte,
muet à cet égard, mais aux figures de Mirbel et de Meyen représentant
l'anthère dans son jeune âge, et plus tard lorsque les cellules à filets se
sont produites. Le contraire sera toutefois établi un peu plus loin. On
verra aussi que la transformation des cellules simples en cellules
fibreuses, quoique rapide, peut être suivie.
(1) Duchartre, loc. cit., pi. VI, fig. 86.
(2) Brisseau-Mirbel, Eléments de pliys. vég., I, p. 247 et pi. 33, fig»
6 D. (C'est par erreur que l'auteur renvoie à la pi. 31, fig. 9.)
97
§ II. — De la première membrane , ou de la membrane externe
des anthères.
Développement. — La membrane épidermique est dénommée {exothe-
rium) par Purkiuje; elle est figurée par Meyen et Mirbel. Ce dernier
ajoute qu'elle se présente sous la forme d'utricules relevées sur la face
externe en petits mamelons. Voilà tout ce qu'on sait de cette mem-
brane; mais son développement, sa disparition, parfois complète, les
variations profondes de structure qu'elle peut offrir, le rôle qu'elle
semble appelée à remplir dans certains cas de structure spéciale, et
surtout quand les cellules à filets viennent à manquer, n'ont aucune-
ment préoccupé ces savants anatomistes.
Aux premiers âges de l'anthère, lorsque les utricules poUiniques ne
se dessinent point encore au sein des masses cellulaires, et souvent,
longtemps encore après l'apparition de ces utricules, la première mem-
brane n'est pas distincte du tissu qu'elle recouvre; mais peu à peu ses
utricules prennent une forme spéciale, grandissent en des directions
variables et le plus fréquemment, comme l'a dit Mirbel , se relèvent
en petites ampoules, ce que j'ai vu être aussi le caractère habituel des
utricules épidermiques dans les pétales; chez quelques plantes le re-
lief des cellules épidermiques de l'anthère est même assez grand pour
que celles-ci constituent de véritables poils [Lycopersicoii, etc.).
C'est aux approches de la déhiscence que les cellules de la première
membrane éprouvent, soit dans toute l'étendue de l'anthère, soit en
particulier à certaines places nettement circonscrites vers la ligne de
déhiscence et le point d'attache des valves au connectif, les change-
ments les plus remarquables. On les voit alors tantôt prendre sur toute
la surface de l'organe [Pedîcularis, Chîronia, Octonieris, Lobelia,
Cassîa, Zaniia surtout) une épaisseur notable, tantôt formée par un
développement localisé excessif, une saillie dont la section verticale
représente une sorte de crête de coq, soit des deux côtés de la ligne de
déhiscence {Passiflorœspec.,Aponogelon,Big7ioma,Lycopersicon, etc.),
soit à la base des valves {Aechmea}^ soit sur le connectif lui-même
{Calenduia); quelquefois enfin (et ce cas doit d'autant plus fixer l'atten-
tion qu'alors l'anthère est réduite à une seule membrane) les utricules
épidermiques disparaissent complétement(l). Au point de vue des balan-
cements organiques, on ne manquera pas de remarquer que dans le
Canna cette destruction de la membrane épidermique sur les valves de
(1) Dans tous les cas oii Tépiderme des anthères se distingue bien des
autres tissus, je ne l'ai vu formé que d'une seule couche d'utricules.
C. R. 7
98
l'anthère correspond à un excès de développement de cette même mem-
brane sur le connectif.
Mais c'est principalement chez les espèces dont l'anthère manque de
cellules fibreuses que la membrane épidermique prend des développe-
ments inusités, ainsi qu'on le voit dans le Lycopersicon^ le Pyrola, la
Melastoma et VOctomeris. Du rapprochement de ces deux faits en coïn-
cidence : manque de cellules à filets, développement considérable de
la membrane épidermique, sort naturellement cette hypothèse : la pre-
mière membrane ne supplée-t-elle pas dans le phénomène de la déhis-
cence la seconde membrane, quand celle-ci ne se transforme pas
en cellules dites fibreuses? On se confirme en quelque sorte dans
cette hypothèse en considérant que le développement spécial de la
membrane épidermique s'opère, comme celui des cellules à filets, vers
le moment de la déhiscence, et est parfois localisé comme lui sur les
points où le rôle des tissus présumés actifs dans la déhiscence peut
s'exercer avec le plus d'efficacité.
Je reviendrai plus loin sur les fonctions de la première membrane.
Généralité d'existence. — La première membrane existe toujours (1).
Elle se distingue le plus ordinairement très-bien des tissus sous-jacents
par la forme de ses utricules ; parfois cependant, surtout dans les
premiers âges de l'anthère, elle ne peut être reconnue quoique son exis-
tence ne puisse être révoquée en doute. Celle-ci est démontrée dans
plusieurs des cas obscurs, soit par la transformation en cellules à filets
de tout ou partie [Glande stina) du tissu sous-jacent, soit par la colora-
tion de ce dernier, ou par celle des utricules épidermiques elles-mêmes.
Mais l'existence constante de la membrane externe n'est vraie que
pour la jeune anthère; car il peut arriver que cette membrane dispa-
raisse à peu près tout entière vers l'époque de la maturation {Calenduta,
Lauriis îiobitis, Malionia); parfois sa destruction n'a lieu que sur la li-
gne de déhiscence [Schauetna, etc.)
Formes. — La forme la plus habituelle des utricules est celle dans
laquelle elles se relèvent en petits mamelons [Meyenia, Aspidistra, etc.),
ou en papilles rappelant celles qui forment le velouté des pétales. Plus
de longueur aux mamelons ou aux papilles constitue les poils générale-
ment simples [Lycopersion), qui se montrent surtout aux extrémités
des anthères et sur le connectif. Le cas inverse du précédent, caracté-
risé par l'aplatissement des utricules, se présente dans le Balsamina,
le Canna, surtout dans les Synanthérées {Cosmos, Dafilia, etc.).
Le plus souvent à peu près la même sur toute la surface de l'anthère,
(1) Je ferai toutefois quelques réserves toiidiant Texisteace constant©
d'une membrane épidermique.
99
la forme des utricules de la première membrane peut différer beaucoup
(autrement que par leur allongement en poils) par places. C'est ainsi
que les utricules se relèvent considérablement, tout en restant soudées
entre elles, dans le voisinage de la ligne de déhiscence (1) chez le Ly-
copersicon, VAponogeton, VAeclimea, le Perislrophe, VErcmthemum,
plusieurs Passijlora, etc., sur le milieu même des valves dans le Sola-
num laciniatum, le long du connectif dans le Calendula (2).
Coloration. — La membrane externe se distingue souvent du tissu
placé au-dessous d'elle par une coloration propre ou par le manque de
toute couleur. Assez souvent de couleur verte ou incolore, elle est d'un
jaune vert dans ÏOctomeris, plusieurs Cassia, jaune dans le Trades-
cantia, des Solanwn, Raîiiincidus, etc., plus ou moins brune dans les
Erica, Rhododendron, plusieurs Cassia etc., d'un rouge violet dans le
Gyrlanlliera magnifica, des Anémone, Papaver, etc. Parfois, dans le
Tradescantia, par exemple, la coloration de la membrane épidermique
est semblable à celle de la troisième membrane.
Structure. — Les utricules composant la membrane épidermique des
anthères sont généralement d'une texture délicate. Cependant elles
peuvent prendre une épaisseur considérable. Déjà résistantes dans le
Pedicularis^VEpimedium, beaucoup d'Acanf/tflcéé'5, elc, les utricules
de la première membrane prennent une notable épaisseur dans les Erica,
Rhododendron, Pyrola, plus encore dans le Cliironia, le Cassia, et
surtout dans quelques Labéliacées, dont les utricules épidermiques rap-
pellent les cellules séléreuses qui forment les granulations pierreuses de
certaines poires.
La cuticule peut elle-même former sur l'utricule une croûte épaisse;
sa surface peut être comme chagrinée {Casssia, etc.)
La membrane épidermique est ordinairement constituée parune seule
assise d'utricules. Je n'ai vu d'exception à cette règle que dans un Cas-
sia (rapporté de Bahiapar Saltzmann, et conservé dans l'herbier Deles-
sert) qui présente de deux à trois assises d'utricules très-épaissies et
colorées sur les côtes ou crêtes qui bordent la suture. Ces utricules de
la première membrane ne peuvent ici être confondues avec celles,
aussi disposées en assises multiples, de la deuxième membrane, ces
(1) Jamais sur la ligne même de déhiscence, ovi la membrane s'amin-
cit et peut même disparaître,
(2) J'ai déjà fait remarquer que, par une sorte de balancement orga-
nique, le grand développement do la membrane épidermique du con-
nectif coïncide avec la destruction ou l'amincissenient extrême de celle-
ci sur les valves du Calendula.
100
dernières étant incolores et ponctuées. Peut-être observera t-on quel-
ques cas d'anthères à membrane épidermique, formée sur toute son
étendue de plusieurs couches d'utricules, ainsi que cela est connu dans
un certain nombre de feuilles, etc.
§ III. — £e la seconde membrane des anthères.
La seconde membrane des anthères, improprement dénommée endo-
thccium par Purkinge qui pensait, avec Mirbel etMeyen, qu'elle re-
présentait le tissu le plus interne, celui qui tapisse immédiatement et à
tous les âges la cavité des valves, est la partie la moins incomplète-
ment connue, on pourrait presque dire la seule un peu connue des
tissus qui composent ces organes. C'est elle seule que Purkinge a eue en
vue dans son grand travail, elle seule dont M. Mirbel s'est attaché à
suivre l'évolution. Comme la première membrane, la seconde membrane
des anthères peut être considérée dans la généralité de son existence,
la coloration, la forme, la structure et le nombre d'assises de ses
utricules; mais la formation des cellules fibreuses doit par-dessus tout
être étudiée.
Transformation des utricules simples Ex\ cellules fibreuses. — On a vu
comment Mirbel, pour s'être montré trop fidèle à cette pensée que l'é-
tude organogénique faite sur une seule espèce doit éclairer sur tous
les faits de même ordre, ne vit pas que la transformation des utricules
simples de la seconde membrane en cellules à filets est susceptible
d'être suivie tout aussi bien sur un certain nombre d'anthères que la
transformation de même genre qui a lieu habituellement dans le tissu
des feuilles des Orchidées épiphytes. C'est à tort aussi qu'il pensa que
cette transformation des utricules se produisait toujours à un moment
très-rapproché de la déhiscence.
En réalité, le passage des utricules simples en cellules à filets peut
être suivi avec assez de facilité dans un très-grand nombre de cas et
l'on voit alors que la transformation des tissus commence ou par l'atta-
che des valves au connectif, ou par un point rapproché de la ligne de
déhiscence, ou par ces deux points à la fois; que, dans tous les cas,
c'est le tissu bordant immédiatement la ligne de déhiscence qui se
transforme le dernier, et que, même dans un très-grand nombre de
plantes {Péristrophe, Schaneria, Cyrtanthera, Brillanteria, HelLc-
bora, etc.), un arrêt d'évolution aidant, les utricules marginales de
cette ligne de déhiscence ne subissent pas la transformation.
Relativement à ce point, que la transformation des utricules simples
en cellules à filets s'eflèctuerait toujours à un moment très-rapproché
de la déhiscence de lanthère , c'est au contraire presque la règle que
iOl
cette transformation commence, et souvent se complète à une époque
encore éloignée de la déhiscence (Hellehorus, Bellcperone, Bignonia.)
Mais je dois, sur ce sujet qui a tant préoccupé le savant Mirbcl, citer
ses propres paroles et ajouter quelques détails do mes observations.
« Ce fut alors (aux approches de la déhiscence) qu'un changement ex-
« traordinaire se manifesta dans une ou plusieurs couches d'uiricules
« placées immédiatement au-dessous de la membrane utriculaire super-
« ficielle. Les utricules s'agrandirent dans tous les sens et leurs parois
« se divisèrent en lanières ou en filets dont la position rappelait Irès-
« bien la forme première de Tutricule. La métamorphose ne se faisait
« pas, comme dans \e Marchantîa, par transitions appréciables; elle
« était si brusque que je ne pus jamais surprendre la nature à l'œu-
« vre (1). »
Ces paroles de Mirbel devaient inspirer le désir de rechercher si
peut-être en suivant le développement de l'anthère sur d'autres espèces
que le très-petit nombre de celles examinées par ce savant, on ne sai-
sirait pas le moment de la transformation qui lui avait échappé.
VjEc/imea fulgens^ la Cliironia frutescens, la Pedicidaris sylva-
tica, etc., se prêtèrent mal à mes recherches. Cependant il me parut
qu'en plusieurs circonstances j'avais entrevu dans la seconde mem-
brane de leurs anthères quelques états de transformation. Ces pre-
mières observations prirent plus de consistance dans le Canna nepalensis
et VAponogeton clislachyum où je vis apparaître les premiers linéa-
ments des filets dans les utricules d'abord simples de la seconde mem-
brane ; elles devinrentconcluantesdansleTra(^(?5ca?îiîat;j3mmn«, plante
dans les anthères de laquelle je vis la transformation commencer par
deux points de l'anthère, la ligne de déhiscence et le talon on attache
des valves au connectif, pour de là envahir rapidement sans doute, mais
toutefois successivement, le reste des parois.
Fort de ces données, je m'adressai aux plantes à très-grosses anthères
que Mirbel avait soumises à son observation.
Le Ciicurbita Pepo et le Passiflora brasiliensis, base du travail de
M. Mirbel, se prêtent en effet difficilement à l'étude du phénomène de
transformation; mais celui-ci est plus aisément saisissable sur d'autres
espèces de Cucurbitael de Passiflora. C'est même dans ces plantes que
j'ai pu suivre le moins difficilement et la transformation des cellules et
les points premiers de cette transformation, qui sont bien le voisinage
du connectif et de la ligne de déhiscence.
(1) Mirbel, Mém. de CAcad. de^ se, t. Xlîi. p. 394, pi. IX, fig. 93
et 94.
102
La transformation des utricules de l'anthère rayonnant alors de ces
deux points en quelques plantes, rappelle ce qui se passe chez les ani-
maux dans les os produits par divers centres d'ossification apparus sur
des points opposés, puis marchant à rencontre l'un de l'autre.
Concluons donc en disant :
1° La transformation des utricules simples en cellules à filets, quoique
rapide, peut être constatée dans son évolution.
2" La transformation commence sur des points divers, généralement
vers la ligne de déhiscence et l'attache des loges, pour de là envahir
successivement le reste des valves.
Gènérauté d'existence. — L'existence de la deuxième membrane peut
être admise comme à peu près constante. Je dirais comme absolument
constante, d'après mes observations, si je n'avais été conduit à douter
de la présence de cette membrane dans le Tliiinbergia alata. Cette
plante n'ayant, en effet, les valves de ses anthères formées que de deux
assises d'utricules, dont l'interne ne se transforme pas en cellules fi-
breuses, on est porté à penser que cette assise interne représente, non
la seconde, mais la troisième membrane, et l'on se confirme dans cette
opinion par cette considération que dans les autres genres d'Acantha-
cées, où les trois membranes existent, la seconde se change en cellules
à filets.
Je ne tairai pas cette objection que dans les Acanthacées la troisième
membrane se détruit après la production des cellules fibreuses, tandis
qu'elle persisterait chez le Tlninbet^gia; mais je ferai aussi remarquer
que l'objection perd beaucoup de sa valeur par ce fait que la troisième
membrane persiste habituellement dans les anthères privées, comme
celles du Thîinbei-gia, de cellules à filets.
Coloration. — Excepté dans les jeunes tissus, où elle est parfois plus
ou moins teintée de vert, la deuxième membrane est le plus souvent
incolore ; mais à côté de la règle se placent des exceptions diverses
pouvant être catégorisées sous deux chefs, comme il suit :
A. La seconde membrane présente la même couleur que l'épiderme ;
ainsi elle est jaunâtre dans le Liguslicum, jaune dans le Lycopersivon^
verte, puis jaune dans le Solanum Sisymbrium^ rose dans le Buto-
miis, bleue dans VErxjthronium dens canis et le Tulipa Gessneriana ;
B. La seconde membrane partage la coloration de la troisième mem-
brane, coloration qui est verdâtre dans le Rliamnus Alalernus (avant
la naturation), jaunâtre dans le Salvia splendens (première membane
d'un beau rouge), VAponogeton, le Gonolobus.
C. Les trois membranes sont uniformément colorées; exemple:
plusieurs Anémone^ dont toutes les cellules sont colorées en violet
foncé.
103
Je ne me souviens pas clairement d'avoir observé des anthères
ayant la seconde membrane colorée (autrement qu'en vert dans le
jeune âge, comme dans le Solanam Sisymbrium), les deux autres
étant incolores.
Forme des cellules. — Les cellules de la seconde membrane sont
fréquemment arrondies-elliptiques ou elliptiques, parfois polyédriques
(tabulaires, cuboïdes, etc.); dans un assez grand nombre de plantes
(Solanées, Scrofulacées, Primulacées, Polygalées, Papillionacées, Ro-
sacées, etc.), elles ont la forme générale d'une demi-sphère ou d'une
demi-ellipse à section appuyée contre la membrane épidermique, la
convexité tournée par conséquent vers la troisième membrane ou l'in-
térieur de la loge.
Nous reviendrons avec plus de détails sur la forme des cellules en
recherchant les rapports de cette forme avec les groupes naturels.
Structure. — Les cellules de la membrane moyenne offrent généra-
lement, il n'est pas besoin de le dire, cette structure spéciale, dite
fibreuse, avec filets développés dans les parois, de façons d'ailleurs
fort diverses, comme dans le velamen des racines et le parenchyme
des feuilles, de beaucoup d'Orchidées épidendres. On a même admis
jusqu'à présent que les cellules de la seconde membrane sont toujours
fibreuses, opinion que les présentes recherches démontrent être mal
fondées pour un assez grand nombre de végétaux, môme pour d'impor-
tantes familles tout entières (Ericacées, Mélastomées, etc.). Cette ab-
sence de cellules fibreuses chez des plantes variées, que j'établirai
plus loin avec détails, surprendra sans doute les botanistes, habitués à
admettre, avec Purkinje et Mirbel, que la membrane dénommée par le
premier endothecium est toujours fibreuse.
Quant aux cellules fibreuses elles-mêmes, elles diffèrent beaucoup
entre elles par les dispositions de leurs découpures, tantôt en anneaux,
en spirales simples ou croisées, en lanières isolées ou groupées, etc.
Une disposition remarquable et assez commune, bien qu'elle paraisse
ne pas avoir encore fixé l'attention des botanistes, est celle que j'ap-
pellerai disposition en griffes, et qu'on observe dans les cellules en
forme de calotte dans les Pohjgala, Pyrus, GerasuSy Cornus, Scabîosa,
Grevillea, Fœnkuhim, etc.
La structure des cellules fibreuses sera considérée plus loin avec tout
le soin que le sujet comporte.
Nous venons d'indiquer que dans une catégorie de végétaux la se-
conde membrane est formée de cellules sans filets ou non fibreuses;
que dans une autre catégorie, la plus nombreuse (et qu'on avait cru
être la seule) les cellules de cette membrane sont au contraire fibreuses.
Or il existe une troisième classe de membrane moyenne, caractérisée
c«>\
104
par ceci que les cellules iVy sont ni toutes fibreuses ni toutes sans
filets, mais participent des deux autres types. Dans cette troisième caté-
gorie les cellules à filets ne forment qu'une portion des valves, l'autre
portion restant constituée par des cellules à parois simples {Solanum,
Rliinantlms, etc.) ; nous y reviendrons plus loin à l'article « Cellules
fibreuses localisées. »
Il est encore une catégorie spéciale de cellules, ni fibreuses ni à pa-
rois unies, et semblables à elles-mêmes dans toute leur étendue, mais
très-épaisses du côté de la membrane externe, extrêmement amincies
ou manquant même de parois dans la membrane interne sur laquelle
une coupe de dehors en dedans les montre s'appuyant comme le ferait
un fer à cheval par l'extrémité de ses branches, le corps ou convexité
étant adossé à la membrane épidermique. Ces cellules, généralement
ponctuées dans les parties les plus épaisses ou les plus rapprochées
de la membrane interne, semblent être une forme de transition entre
les vraies cellules fibreuses ou à filets et les cellules ordinaires. Les
considérations suivantes viennent du moins à l'appui de cette hypo-
thèse.
Ces cellules manquent, avons-nous dit, de parois du côté de la mem-
brane interne, vers laquelle elles vont en s'amincissant à partir de leur
face adossée à la membrane externe {Cassiœ species); nous avons ob-
servé une structure et une disposition tout à fait semblables dans les ra-
cines de plusieurs Orchidées épidendres.
Dans les anthères de Cassia, comme dans les racines d'Orchidées,
ces cellules spéciales tiennent la place de cellules fibreuses ou spiralées
existant chez des espèces voisines;
Dans les anthères, les cellules fibreuses, dites en griff'e, manquent de
parois, ou n'en ont que de très-minces, du côté où elles s'appuient à la
membrane externe, comme les cellules ponctuées spéciales de quelques
Cassia là où elles reposent sur la membrane interne;
Les cellules fibreuses en griffe, comme les cellules spéciales du Cas-
sia, vont en s'atténuant de leur région dorsale, point le plus épais, vers
leurs extrémités appuyées à la membrane contiguë.
Il n'est pas douteux que dans les Orchidées les cellules épaissies du
côté extérieur n'occupent la place des cellules spiralées des genres
voisins ; il paraît évident aussi que dans quelques Cassia, ces cellules
épaissies tiennent la place des cellules spiralées du Cassia fislula.
Direction. — Donnée par celle de leur plus grand diamètre, la direc-
tion des cellules de la seconde membrane est importante à considérer
pour les cellules fibreuses, parce qu'elle est généralement constante
dans un même groupe naturel, et qu'elle parait avoir un rôle dans le
phénomène de la déhiscence des anthères.
105
11 importo de distinguer doux cas principaux dans la direction des
cellules, savoir :
a. La direction où le grand diamolre des cellules de la seconde mem-
brane est parallèle aux \:[\\cs (Erodium, Plantayo, Centropoijon, Brug-
mansia. Silène^ Commelina, EncycUa, Limodorum).
b. La direction des cellules est perpendiculaire auxvalves (Géranium,
Mirbelia, Kennedia, Pyrus, Tiarella, Lyclinis, Malaxis).
Lorsque les diamètres d'une cellule sont à peu près égaux, il n'y a
plus lieu de considérer la direction générale de la cellule fibreuse, mais
bien celle des filets que portent les cellules fibreuses, et ici encore on
distinguera ces deux cas ;
a. La direction des filets est parallèle aux valves {Salvia);
b. La direction des filets est perpendiculaire aux valves; c'est le cas
ordinaire (TropœoUini, Clielone, Ombrophyliim).
Nombre d'assises. — Il importe de considérer séparément, au point
de vue du nombre d'assises qui la forment, la membrane moyenne en
membrane fibreuse et en membrane non fibreuse.
Si la seconde membrane est constituée par des cellules sans filets,
ces cellules se présentent le plus souvent sur une seule assise. Toute-
fois quelques plantes ont des assises de cellules multiples (2 à 3 assises
dans le Pyrola, 4 dans le Soiamim macrocarpuvi, 3, 4, 5, 6 et jusqu'à
7 assises dans certains Cassia, jusqu'à 8 dans le Solanwn Sisymbî^itmi,
dans la portion des valves lacuneuse et à cellules simples.
Si , au contraire , la deuxième membrane est formée de cellules
fibreuses, le cas le plus ordinaire est bien encore que cette membrane
soit composée, au moins dans la plus grande partie de son étendue,
d'une seule rangée de cellules; mais ici les exceptions sont de beaucoup
plus fréquentes que lorsque les valves de l'anthère n'admettent pas de
cellules fibreuses. C'est ainsi qu'il existe deux assises de cellules dans
plusieurs Passiflora ^ Hyoscyanms , Tropœolimi, Jspidistra, Atropa,
Plantago, Crassula, Syringa, Clielone, Campanula, Cinclwna, 3, 4 et
plus chez les Cosmibuena, Sipliocampyios, Brugmansia, Eticyclia, Un-
cidium, Limodorum; de 6 à 10 dans l'Iris, VAgave, le R/iodea, etc.
Dans les anthères à cellules fibreuses localisées ou n'occupant qu'une
portion des valves, le nombre des assises peut être la môme partout;
c'est ce qu'on observe dans le Cassia Fislula, VHalesia et le Chironia,
dont les valves ne présentent qu'une assise de cellules sur les points
occupés par des cellules fibreuses aussi bien que sur ceux formés de
cellules sans filets. Mais il est d'autres cas où le nombre d'assises des
cellules varie ; nous donnons comme exemple le Solanum Sisymbrium,
qui pour une simple rangée de cellules fibreuses qu'il porte vers le
106
point de déhiscence, offre jusqu'à 9 ou 10 assises de cellules simples
dans les autres parties de l'anthère.
On peut prévoir que dans les anthères à cellules fibreuses localisées,
les unes vers la ligne suturale, les autres près du connectif, c'est la
forme de cellules la plus rapprochée du connectif qui comptera le plus
grand nombre d'assises. Ce point est une conséquence de la proposi-
tion suivante :
Dans une même valve, le nombre des assises cellulaires, que la
deuxième membrane soit fibreuse ou non, est toujours le plus grand
vers le connectif, le plus petit dans la région suturale, oîi il est à peu
près constant que ce nombre soit réduit à l'unité (1). C'est ainsi que
parmi les valves à cellules simples le Solanum Sisymbriiim n'a qu'une
assise vers la suture, et de 8 à 9 vers le connectif; que dans le Lyco-
persicon, la deuxième membrane n'a qu'une assise, ou même manque
sur la ligne de déhiscence, tandis qu'elle compte jusqu'à 8 assises de
cellules vers l'attache des valves inférieures (les valves supérieures ont
moins d'épaisseur).
Nous citerons, parmi les plantes à valves formées de cellules fibreu-
ses : le Muscari et le Bilbergia, qui ont une assise vers la suture, trois
assises près du connectif; Y Agave et la plupart des Jn'5, qui pour une
ou deux assises à la suture, en présentent de six à huit dans la région
moyenne, jusqu'à 10 à 12 vers la base des valves.
Lacunes. — Je consignerai ici, comme fait auquel d'autres viendront
sans doute se rattacher, l'existence de lacunes dans l'épaisseur de la
deuxième membrane du Solamim Sisymbrium. Ces lacunes, disposées
avec régularité comme dans le parenchyme des feuilles des plantes
aquatiques, se forment, comme dans celles-ci, dès le jeune âge de l'or-
gane, et ne tiennent aucunement la place de tissus détruits; une assise
des cellules de la seconde membrane les isole de la membrane épi-
dermique et de la troisième membrane (2).
§ IV. — Ziocalisation des cellules fibreuses.
Mirbel, Purkinge, Moyen et les anatomistes venus après eux ont ad-
mis, non-seulement que les valves des anthères étaient toujours pour-
(1) La deuxième membrane peut même manquer vers la suture que
forment alors seules la première et la troisième membrane, quelquefois
même une seule d'entre elles.
(2) J'ai figuré ces lacunes à divers âges, pi. V, fig. 3, 3', 3'' du tra-
vail complet, avec 36 planches, que je compte publier bientôt.
107
vues de cellules fibreuses, mais encore que ces cellules constituaient
une membrane recouvrant toute l'étendue des valves.
L'examen critique du premier de ces points (Pexistence constante de
cellules fibreuses! m'occupera dans l'article suivant ; je vais établir dans
celui-ci que les cellules fibreuses, quand elles existent, n'occupent pas
toujours l'étendue entière des valves.
Deux plantes voisines longtemps congénères, le Latlirœa Sqiiamaria
et le L. Clandestina, ne présentent en effet de cellules fibreuses que
sur la portion des valves voisine de la ligne de déhiscence (1).
C'est aussi vers la ligne suturale ou de déhiscence des anthères que
sont exclusivement placées les cellules fibreuses de plusieurs Orohan-
che (2) et Plielipœa, genres du môme ordre que les Latlirœa. Au même
type d'organisation appartient le Rhinanilms.
Un mode de localisation des cellules inverse de celui dont il vient
d'être rapporté des exemples, c'est-à-dire avec localisation des cellules
fibreuses, non plus vers l'extrémité suturale des valves, mais du côté
de l'attache de celles-ci au connectif, existe dans VHalesia, les Chlora
perfoliata et Cliironia Centaiirhim. Telle est à peu près aussi la struc-
ture des valves du Gassia Fistula.
Un autre mode de localisation est offert par le Solanum. On sait que
dans ce genre de plantes, la déhiscence des loges a lieu, non par une
fente occupant toute la longueur de l'anthère, mais par une courte fente
(sorte de pore) apicilaire. Or, si l'on fait de l'anthère des coupes trans-
versales diversement étagées, on constate que c'est uniquement à la hau-
teur du point de déhiscence qu'existent des cellules à filets, toute la
région inférieure de l'anthère en étant dépourvue. Si Purkinge a figuré
le Solanum comme privé de cellules fibreuses, c'est sans doute parce
que ses études avaient été limitées aux portions inférieure et moyenne
de l'organe.
Le Willieringîa, genre peu homogène de Solanées, présente dans l'an-
thère de ses diverses espèces desdiflerences anatomiques qui pourraient
être l'indice d'états morphologiques correspondants. Le W. rubra, d'un
intérêt spécial au point de vue de cet article par le type qu'il repré-
sente, porte des cellules fibreuses sur toute l'étendue de la valve interne
(1) On peut voir là un arrêt de développement indiquant que la trans-
formation des cellules simples en cellules fibreuses procède (dans l'es-
pèce) de la ligne de déhiscence vers la base des valves.
(2) J'ai vu les cellules fibreuses manquer complètement à l'Orofeanf/ie
Ei'yngii, dont les valves se trouvaient en outre réduites, par places, à
la membrane épidermique, çà et là même représentée seulement parla
paroi extérieure des cellules.
i08
ou supérieure, tandis qu'il est complètement privé de ces cellules à la
valve externe des loges. Le W. crassifolîa a des cellules fibreuses sur
les deux valves, et un W. de Minas-Geraes, recueilli par Clausen, en
est partout dépourvu.
Les Laurus offrent cette particularité de n'avoir de cellules fibreuses
que sur les châssis qui, on le sait, se relèvent pour donner issue au
pollen. Les Berberis, Mahonia, Epimedium, diffèrent en ce que leurs
anthères portent aussi des cellules à filets sur la portion des valves qui
ne se soulève pas.
Enfin, dans les 0///«rî/5 el Gymnadenia, etc., la production des filets
est éparse et fort incomplète.
En résumé, on voit que les cellules fibreuses peuvent n'exister que
sur une portion des valves des anthères, et que leur localisation se rat-
tache aux types suivants :
1" Les cellules fibreuses sont disposées vers la ligne de déhiscence
sur toute la longueur de l'anthère [PhcUpsea);
2° Elles occupent encore la longueur de l'anthère, mais seulement
vers l'attache des valves au connectif {CIdora) ;
3° Elles n'existent qu'à l'extrémité des loges, ou pourtour du point de
déhiscence {Solanum) ;
4° Elles ne sont portées que sur l'une des deux valves {Witheringia
rubra) ;
5° Elles sont localisées sur les châssis ou valvules de soulèvement
(Laurinées) ;
G" Elles s'étendent au delà des valvules de soulèvement [Berbéri-
dées) ;
7° La production des filets sur les parois des cellules est incomplète
et les cellules fibreuses dispersées (Ophrys, Orctiis mascula, etc.).
§ V. — Absence de cellules fibreuses.
Les livres avec lesquels j'ai appris la botanique m'avaient enseigné que
dans la paroi des anthères entre toujours une membrane composée de
cellules fibreuses; et les recherches des botanistes qui se sont occupés
en ces trente dernières années de l'étude du pollen n'avaient, on peut en
être surpris quand on considère le nom de ceux qui y prirent part, in-
troduit dans la science aucune donnée modifiant une opinion restée clas-
sique. Mais les observations auxquelles je dus me livrer pour le présent
travail m'apprirent bientôt que dans bon nombre de plantes, dans des
familles naturelles tout entières, ces cellules font au contraire complè-
tement défaut.
Il faut être prévenu que l'absence de cellules fibreuses peut quelque-
109
fois tenir à des circonstances accidentelles. C'est ainsi qu'à Paris j'ob-
serve depuis plusieurs années que les anthères de ÏHypoxis ereclael
du Pitlosponwi Tobira manquent de cellules à filets, en même temp:^
qu'elles ne contiennent pas de pollen parfait; ces anthères stériles ont
sans doute été frappées d'un arrêt de développement portant simulta-
nément sur la seconde membrane et sur le pollen.
Mais dans les cas qui méritent plus de nous occuper, parce qu'ils ré-
pondent à une constitution normale, les anthères, quoique contenant
un pollen fertile, ont leurs valves complètement dépourvues de cellules
fibreuses.
Les Ericacées furent les premières plantes dans lesquellesje constatai
l'absence de cellules fibreuses. Conjecturant alors que les autres grou-
pes de végétaux à anthères s'ouvrant, comme dans les Ericacées, par un
pore (apiclaire ou basilaire) pourraient offrir la même organisation, j'é-
tablis à ce point de vue une série de recherches dont les résultats répon-
dirent à mes prévisions. Les 'Vacciniées, les Rhododendrées, les Pyro-
iacées, les Monotropées, lesEpacridées, lesMélastomées sans exception
n'offrirent pas de trace de ces cellules fibreuses qu'on avait cru ne faire
jamais défaut dans les anthères.
Ces observations semblaient établir une relation constante entre le
manque de cellules fibreuses et la déhiscence des anthères par un pore
ordinairement apicilaire. Les Cassia (non le G. Fistula), qui ouvrent
leurs anthères par une courte fente apicilaire, et le Tetratheca confir-
mèrent ce rapport. Mais une exception inattendue fut offerte par le So-
[aniini, toujours pourvu de cellules fibreuses à la hauteur du pore ter-
minal des anthères.
Ainsi la règle qui veut que les anthères à déhiscence terminale soient
privées de cellules fibreuses, souffre une très-curieuse exception dans
le Solanum.
Par opposition à ce qui précède, on pouvait s'attendre à ce que, du
moins, les anthères à déhiscence longitudinale eussent toujours leur
seconde membrane constituée par des cellules fibreuses. C'est en etfet
la règle, mais une règle où les exceptions ne sont pas très-rares.
C'est ainsi que le Lycopersicon, genre bien voisin du Solanmii, a ses
anthères privées de cellules fibreuses, quoique s'ouvrant longitudinale-
ment. Et Ton ne peut s'empêcher de remarquer que deux genres si voi-
sins que longtemps ils furent réunis en un seul, forment respectivement
une remarquable exception aux rajsports généraux qui lient la structure
des valves aux types de déhiscence.
Mais les plantes qui, comme le Lycopersicon, manquent de cellules
fibreuses, quoique offrant la déhiscence longitudinale, ne sont d'ailleurs
pas tout à fait rares. Déjà mes observations permettent d'y comprendre
110
les suivantes, appartenant à des familles fort diverses : Badula, Dio-
spyros, Gonolobus, Thiinbcrgia, Balanophora, Cycas, Zamia, Loro-
glossum, Orcliis mascula, 0- sambucina, 0. fusca et diverses espèces
dOi'obanche.
Je ferai la remarque que les Orchidées et les Orobanchées comptent, à
côté des espèces privées tout à fait de cellules fibreuses, un assez grand
nombre d'espèces dans lesquelles ces cellules ne sont qu'ébauchées ou
localisées sur certains points des valves.
Fait à noter aussi dans les anthères privées de cellules fibreuses et
s'ouvrant cependant en long, les bords des valves, loin de se renverser,
restent toujours rapprochés : par ce caractère on peut remonter à la
structure.
Il est établi par ce qui précède :
1° Que les cellules fibreuses manquent en général dans les anthères
s'ouvrant par des pores terminaux ;
2" Que les cellules fibreuses font défaut à un certain nombre d'an-
thères ayant la déhiscence longitudinale;
3° Que dans quelques plantes dont les étamines paraissent avoir subi
un arrêt de développement, sinon morphologique, du moins histologi-
que, l'absence de cellules fibreuses coïncide avec la mauvaise confor*
mation du pollen.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETE m BIOLOGIE
pendant le mois de juillet 1865;
Par m. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire.
PïlESIDEME DE M. RAYER.
I. — Altération des fruits.
Remarques sur la, pourriture et la blétissure des fruits sucrés ;
par Ad. Gratin.
J'ai fait incidemment, à l'occasion d'un travail ayant pour objet la dé-
termination de la proportion de sucre dans les diverses parties des vé-
gétaux, quelques remarques sur les phénomènes qui accompagnent et,
on peut le dire, caractérisent la pourriture et la blétissure des fruits.
Ce sont ces remarques que je viens soumettre à la Société de biologie;
de leur comparaison ressortira un rapprochement, ou beaucoup plus
justement, une opposition de caractères bien propre à établir, entre la
pourriture et la blétissure, souvent confondues entre elles, une ligne
nette de démarcation. On verra aussi qu'il est possible de déduire des
faits observés d'utiles applications à la fabrication du cidre et à l'hy-
giène.
I. — Les fruits sont prédestinés, d'une façon sinon absolue, du moins
très-générale, à éprouver la pourriture ou la blétissure, suivant l'espèce
H2
botanique à laquelle ils appartiennent. Si l'on compare le pommier
{Malus) et le poirier [Pxjrus)^ que nous avons Ici spécialement en vue,
on est frappé de ce fait que les fruits du premier pourrissent, que ceux
du second blétissent.
Mais à quels signes certains distinguer les fruits blets des fruits pour-
ris? C'est ce que nous allons dire.
II. — Dans la pourriture, le ramollissement du fruit va de l'extérieur
à l'intérieur; dans la blétissure, ce ramollissement procède du dedans
au dehors.
J'ai vu de rares exceptions à la règle dans la marche de la pourri-
ture ; je n'en ai observé aucune dans le développement de la blétissure.
III. — La réaction varie notablement dans la pourriture et la blétis-
sure. Dans la première, la réaction est très-acide; elle est au contraire
à peine acidulé, neutre ou même alcaline dans la seconde.
IV. — La proportion de tannin que contiennent les fruits peut, jusqu'à
un certain point, faire prévoir le genre d'altération qu'ils éprouveront.
Riches en tannin, comme la nèfle, la sorbe et la plupart des poires à
cidre, ils subiront de préférence la blétissure; c'est au contraire à la
pourriture qu'ils passeront le plus souvent s"ils sont plus acides que tan-
niques, comme on l'observe dans la pomme, le raisin, etc.
Le tannin est d'ailleurs détruit lorsque les fruits blétissent (ou pour-
rissent), et sa destruction est accompagnée d'une production notable
de gaz carbonique, dont l'oxygène est pour la plus grande partie, mais
non en totalité, fourni par l'air ambiant.
Un fruit complètement blet ne contient le plus souvent aucune trace
de tannin, quelle que fût la quantité qu'il en contint avant son alté-
ration.
La destruction du tannin ne donne pas lieu à un accroissement de la
richesse saccharine des fruits. Comme d'autre part, d'après mes re-
cherches sur la proportion de sucre contenue dans les organes des vé-
gétaux soustraits à la lumière solaire, la production du sucre dans ces
parties n'est aucunement précédée par celle du tannin, on voit que la
théorie qui fait jouer à ce corps un rôle important dans la formation du
sucre n'est pas conciliable avec l'ensemble des faits observés,
VI. — 11 était bien important de savoir ce que devient le sucre au mi-
lieu des phénomènes de la pourriture et de la blétissure. Les dosages
multiples que j'en ai faits ne laissent à cet égard place à aucune incer-
titude.
Dans la pourriture, le sucre est détruit, et tel fruit dont la richesse
initiale en sucre était très-considérable peut arriver à ne plus contenir
que des traces de ce corps.
Dans la blétissure, le sucre n'est au contraire pas diminué; et lors-
il s
qu'on constate sa destruction partielle, déjà il est possible de recon-
naître que la pourriture a succédé à la blétissure.
VII. — La blétissure n'est jamais consécutive à la pourriture; celle-ci
succède au contraire généralement à la première.
VIII. — Un caractère de la pourriture des fruits est que ceux-ci por-
tent des macédinées; le contiairc s'observe dans les fruits blets. Et l'on
peut tenir pour constant que lorsque ces derniers se recouvrent de moi-
sissures, c'est que la pourriture s'en empare.
IX. — Ni la pourriture ni la blétissure ne donnent naissance, en gé-
néral, aux produits de la fermentation alcoolique. Peut-être quelques
exceptions devront-elles être admises dans la blétissure, mais toujours
dans des proportions infimes (blétissure des fruits du sorbier domes-
tique?).
X. — Comme applications des faits précédents à la fabrication du
cidre, et indirectement à l'hygiène, on ne doit pas perdre de vue :
1° Que la blétissure peut être avantageusement provoquée quand les
fruits sont si chargés de tannin (beaucoup de poires, la nèfle) qu'ils don-
neraient une boisson désagréable et très-astringente si au préalable une
grande proportion de ce principe n'était détruite. Il est d'ailleurs admis
qu'une certaine quantité de principes tanniques assure la conservation
du cidre ;
2° Que la pourriture, qui ne s'exerce que sur les fruits peu riches en
tannin, et qui amène la destruction du sucre, par suite l'abaissement du
titre alcoolique des cidres, ainsi que des vins, doit être évitée autant
que possible.
Il faut donc approuver la pratique des fermiers qui laissent les poires
en tas pour les rendre en partie blettes. Il faut éclairer au contraire ces
fermiers sur les inconvénients graves d'attendre que les pommes soient
pourries avant de les porter au pressoir ; car en ce dernier cas on prive
non-seulement les pommes de la petite quantité de tannin et dune por-
tion de l'alcool destinés à assurer la conservation du cidre et à dimi-
nuer son action laxative, mais on produit encore une notable quantité
d'acides qui ont une fâcheuse action sur l'économie et déterminent dans
un temps très-court des altérations plus profondes du cidre, telles que
la fermentation acétique et la coloration brune qui fait dire de lui qu il
est lue.
Pour être moins prononcées dans les vins que dans les cidres, ces
suites de la pourriture s'y manifestent cependant.
C. R.
114
II. — Zoologie.
Sur les affinités de la classe des Oiseaux avec celle des Reptiles vrais,
par M. Paul Bert.
Les analogies nombreuses que l'anatomie révèle entre la classe des
Oiseaux et celle des Reptiles vrais (Reptiles alloïdiens) ont été indi-
quées pour la première fois par J. Hunter, puis par de Blainville, qui
désignait ces derniers animaux sous le nom ù'Omithoïdes. Depuis
M. Guitton a fait de ces deux groupes, en apparence si éloignés, un em
branchement caractérisé par V incubation extérieure de C œuf complet
fécondé intérieurement. Mais c'est surtout à mon cher et bien regretté
maitre M. Gratiolet qu'on doit d'avoir étendu ces rapprochements, et
insisté sur leur importance; il a été ainsi conduit à la découverte du
système porte-rénal des Oiseaux et à la démonstration de l'hypothèse
de Jacobson, sur le système porte-rénal de ces mêmes Vertébrés; ce
qui établit entre leurs vaisseaux centripètes et ceux des Reptiles une si-
militude dont M. Gratiolet a parfaitemeet montré les conséquences
anatomiques et physiologiques. Personne, cependant, à ma con-
naissance, n'ayant tenté de réunir les faits épars qui se rapportent à
cette intéressante question taxonomique, et de les grouper de manière
à entraîner la conviction, je veux essayer dans la présente note de com-
bler cette lacune.
Disons tout d'abord qu'il ne s'agit en aucune façon de rompre avec
les idées reçues jusqu'à faire disparaître la classe des Oiseaux pour
l'identifier avec celle des Reptiles ; les Oiseaux se caractérisent très-
suffisamment par leur revêtement spécial, par l'organisation de leur
encéphale et par leurs manifestations intellectuelles, pour qu'on en
fasse une classe zoologique distincte et la plus facile à définir parmi les
Vertébrés. Mais j'espère démontrer que la constitution anatomique de
leurs principaux appareils établit manifestement des analogies non dou-
teuses et d'un intérêt capital avec l'immense groupe des Reptiles.
On sera moins étonné de cette assimilation contre laquelle on est
tenté au premier abord de protester, en considération de la forme ex-
térieure, si l'on remarque combien sont différents les uns des autres,
sous ce rapport, les êtres que les naturalistes désignent sous le nom de
Beptiles. On admettra, je pense, que la différence n'est pas plus grande
entre un Oiseau et une Tortue qu'entre une Tortue et un Ichthyosaure,
un Ptérodactyle et un Srepent.
La température, à peu près indépendante de celle des milieux ara-
115
biants à laquelle se maintiennent les Oiseaux, les a fait de tout temps
rapprocher par les naturalistes Ses animaux mammifères qui jouissent de
la même faculté, et désigner conjointement avec ceux-ci, sous le nom
d'animaux à sang chaud ou à température constante. Cette assimilation
physiologique n'a pas manqué d'être considérée par beaucoup de per-
sonnes comme entraînant un rapprochement zoologique, et dans leur
esprit les Oiseaux semblent plus voisins des Mammifères que des Rep-
tiles. Je ne veux pas insister ici sur cette vérité que les rapports zoo-
logiques doivent être établis, non d'après l'observation physiologique,
mais d'après l'analyse anatomique, car des résultats identiques peuvent
être obtenus par des organisations fort différentes, et on ne doit pas
prendre pour base les effets, mais les causes. La preuve peut s'en tirer
aisément, dans le cas particulier qui nous occupe, de la température
propre acquise par les Pythons en incubation, ou en sens inverse de
l'état d'hibernation de certains Mammifères qui deviennent alors de vé-
ritables animaux à sang froid. Laissant donc de côté cette objection
sans valeur, je vais indiquer brièvement, en passant en revue les prin-
cipaux appareils, les points les plus saillants de ressemblance entre
l'organisation des Oiseaux et celle des Reptiles.
Squelette. — En considérant d'abord le squelette, dont la constitu-
tion est d'une importance non douteuse pour la classification des êtres,
nous rencontrons entre les Oiseaux et les Reptiles vrais des analogies
de haute valeur.
1° L'arc vertébro-sternal des Oiseaux se compose, comme celui des
Reptiles qui en possèdent un complet (Crocodiliens, Sauriens) de deux
pièces médianes (vertèbre, sternèbre) et de trois pièces latérales (côtes
sternales, côtes vertébrales, pièce intermédiaire). Les recherches d'Ét.
Geoffroy Saint-Hilaire et de l'Herminier ont, en effet, montré que le
sternum des Oiseaux est primitivement formé d'une série de pièces
médianes (sternum vrai, bréchet) et de pièces latérales (côtes sternales),
qui se soudent de bonne heure ensemble. Chez certains Oiseaux même
les pièces médianes sont en nombre pair, ce qui établit une véritable
similitude avec la composition du plastron des Tortues. C'est une règle
générale dont les Tortues nous présentent un exemple, que les os mé-
dians et symétriques possèdent deux noyaux d'origine lorsque leur lar-
geur devient considérable.
Cette composition de l'arc vertébro-sternal ne se retrouve chez au-
cun Mammifère, sinon chez les Ornithodelphes.
2° Chez les Oiseaux, le système sternal, soudé en une seule pièce
avec les fausses côtes qui en dépendent, présente une analogie manifeste
avec le plastron immobile des Tortues, et de même la soudure des
vertèbres thoraciques et lombaires, qui a lieu chez beaucoup d'Oiseaux,
116
rappelle l'organisation de la carapace des Chéloniens. Du reste, l'Ap-
téryx présente un élargissement des côtes qui les fait s'imbriquer lune
sur l'autre et qui ajoute à cette similitude.
Celle-ci s'augmente encore par cette considération que les côtes, s'ap-
puyant sur les apophyses transverses, se terminent chez les Oiseaux,
comme chez les Tortues.
3° Dans les deux classes, la tête s'articule sur la colonne vertébrale
parwn seul condyle occipital, au lieu de deux que possèdent tous les
Mammifères.
4° Les Mammifères ont tous sept vertèbres cervicales. Au contraire,
Tortues et Oiseaux en présentent un bien plus grand nombre, dans des
conditions de mobilité qui les rendent un peu comparables.
L'existence de la vertèbre coccygienne en soc de charrue ne peut
être invoquée pour caractériser la colonne vertébrale des Oiseaux, car
on ne la retrouvepas chez lAptéryx, et l'étrange Oiseau fossile décou-
vert récemment dans les calcaires de Solenhofen, possédait une queue
allongée, composée d'une vingtaine de vertèbres à dimension décrois-
sante, qui portaient chacune une plume de chaque côté.
5° Vépaule des Oiseaux est constituée sur le même plan que celle
des Reptiles: omoplate, clavicule, os coracoïdien. Lorsqu'un de ces trois
os diminue ou manque, c'est toujours sur la clavicule que porte l'atro-
phie. Ainsi arrive-t-il pour beaucoup de Perroquets, et d'autre part pour
les Caméléons et les Crocodiles.
6° On sait qu'au pieti des Oiseaux, le pouce possède deux phalanges,
le doigt suivant trois, le troisième quatre, et le plus externe cinq; chez
les Mammifères, au contraire, le pouce seul a deux phalanges, les au-
tres orteils en ont tous trois. Or, chez les Sauriens, les cinq doigts du
pied nous montrent : pour le pouce, deux phalanges; pour les autres
doigts, trois, quatre, cinq phalanges, enfin quatre seulement pour le
doigt le plus externe. L'analogie est frappante entre le pied des Oiseaux
et celui de ces Reptiles. Ce fait montre de plus que le doigt qui dispa-
raît le premier dans le pied-type est le doigt externe; quand le pied se
réduit à trois doigts, c'est le i)Ouce. Chez les Oiseaux et les Reptiles,
la disposition des doigts, quand le pied se simplifie, a donc lieu suivant
une loi différente de celle qui préside à la simplification du pied des
Mammifères où le pouce disparaît le premier, le doigt externe ensuite.
7" La mobilité notable des os de la face sur le crâne est un carac-
tère des Oiseaux qui se retrouve chez les Sauriens et les Ophidiens.
Cette mobilité est due en grande partie à l'existence d'un os tympanal
distinct, séparé du crâne, qu'on ne constate que dans ces trois groupes
d'animaux.
De plus, l'arcade zygomatique a. chez les Oiseaux, une pièce supplé-
117
mentaire qu'on ne retrouve plus chez les Mammifères, mais que prér
sentent la plupart des Reptiles (Crocodiliens. ..)■
L'absence de l'os transverse n'établit pas de différence grande entre
les Oiseaux et le groupe des Reptiles, puisque ce point d'appui de la
mâchoire supérieure sur le pterygoïdien ne se rencontre pas non plus
chez les Chéloniens.
8" Tandis que la mâchoire inférieure des Mammifères n'est jamais
composée que d'une seule pièce de chaque côté, celle des Oiseaux est
constituée par un grand nombre d'os distincts dans le jeune âge, ainsi
qu'il arrive chez tous les Reptiles. Ce nombre est précisément celui de
onze, que présente aussi la mâchoire inférieure des Tortues.
Une similitude saillante et qui frappe tout le monde, se remarque en-
tre la forme des deux mâchoires chez les Oiseaux et chez les Tortues;
dans ces deux classes, en effet, elles sont dépourvues de dents et re-
vêtues d'une couche cornée tranchante : en un mot, elles constituent
un bec.
Une ancienne allégation d'Ét. Geoffroy-Saint-Hilaire, confirmée ré-
cemment par M. Blanchard, tendrait à prouver l'existence de dents
rudimentaires à une période peu avancée du développement du bec des
Oiseaux. Ces deux anatomistes comptent à la mâchoire supérieure
treize dents; et, chose remarquable, celte bizarrerie d'une dent im-
paire et médiane se retrouve comme l'a moniré M. Gratiolet dans la
mâchoire inférieure des Lézards.
Pe.\u. — La présence des plumes, qui a servi à Linné et à de Blain-
ville pour caractériser la classe des Oiseaux, isole en effet très-nettement
ces animaux parmi les autres Vertébrés. Mais si l'on examine les parties
du corps qui ne sont point ordinairement revêtues de plumes, je veux
parler des pattes, on ne peut s'empêcher d'être frappé de la similitude
de la peau qui la revêt avec la peau des Reptiles. Dans les deux cas,
en effet, le derme mamelonné est recouvert d'un épiderme épaissi qui
forme ces fausses écailles continues depuis longtemps considérées par
les zoologistes comme caractéristiques de la classe des Reptiles vérita-
bles. On peut dire que si l'on découvrait un Oiseau sans plumes, sa peau
serait absolument semblable à celle d'un Ophidien ou d'un Saurien.
Système NERVEUX. — C'est certainement par la constitution de l'encé-
phale que la classe des Oiseaux se sépare surtout de celle des Reptiles,
et marque son individualité. Il n'y a même guère d'analogie à établir
entre les appareils cérébraux dans ces deux groupes, bien que la diffé-
rence soit sous ce rapport beaucoup moindre entre les Reptiles et les
Oiseaux qu'entre ceux-ci et les Mammifères. Le reste du système ner-
veux présente à signaler une similitude qui n'est pas sans intérêt.
Tandis que chez les Mammifères la moelle épinière ne remplissant
118
jamais toute l'étendue du canal spinal, se termine toujours par une queue
de cheval, cette apparence ne se remarque jamais chez les Oiseaux ni
chez les Reptiles, dont la moelle se prolonge jusqu'à l'extrémité du ca-
nal vertébral.
Je me contente d'indiquer la grande ressemblance du nerf sympa-
thique des Oiseaux avec celui des Crocodiles à la région du cou, et avec
celui des Tortues dans la région thoracique, où djes branches anasto-
motiques passent dans le canal déterminé par les côtes et les apophyses
vertébrales transverses.
Organes des sens. — Les analogies fournies par les organes des sens
sont peu nombreuses et peu importantes.
Je rappellerai cependant l'existence chez les Oiseaux, comme chez les
Sauriens et les Chéloniens, d'un anneau osseux qui renfonce la scléro-
tique au pourtour de la cornée; de plus, les Lézards vrais possèdentun
peigne tout à fait comparable à celui qui traverse le corps hyaloïde des
Oiseaux. L'anneau ni le peigne ne se rencontrent chez aucun Mammi-
fère.
L'organe de l'ouïe desCrocodiliens est presque absolument semblable
à celui des Oiseaux, et assez notablement différent de celui des Mammi-
fères.
Sang. — Nous avons dit en commençant comment la température
du sang ne pouvait en rien servir à déterminer les affinités zoologiques
des animaux, puisque cette température dépend, non du type anatomi-
que, mais de Tactivité des fonctions. Aucun argument contraire à notre
thèse ne peut donc être tiré de la différence habituellement constante
entre la température du sang des Oiseaux et celle du sang des Reptiles,
ni, en sens inverse, du rapport qui existe à ce point de vue entre le
sang des Mammifères et celui des Oiseaux.
La composition intime chimique du sang étant aussi nécessairement
sous la dépendance immédiate de l'activité des différents actes physio-
logiques, ne peut non plus servir en aucune façon de critérium zoolo-
gique.
Mais le principal élément anatomique qui nage dans le sang, le glo-
bule rouge, présente une structure qui éloigne complètement les Oiseaux
des Mammifères, en même temps qu'il les rapproche remarquablement
des autres classes de Vertébrés. Chez les Mammifères, en effet, les glo-
bules, presque toujours circulaires et toujours biconcaves, ne possèdent
jamais de noyau central à Tâge adulte. L'existence de ce noyau est, au
contraire, constante chez les Oiseaux comme chez les Reptiles; en ou-
tre, les globules se présentent avec une forme biconvexe dans le sang
des animaux de ces deux dernières classes.
Appareil circdlatoire. — Cœur. La division du cœur en quatre cavi-
il9
tés a de tout temps servi à rapprocher les Mammifères et les Oiseaux^'
et à éloigner ceux-ci des Reptiles, dont la plupart n'ont qu'un seul ven-
tricule. iSIais chez les Serpents mêmes et les Tortues, ce ventricule est
incomplètement divisé, par un pilier charnu, en deux loges, dont l'une
communique avec Tune des crosses aortiques, tandis que partent de
l'autre, la seconde crosse aortique et l'artère pulmonaire. Ce bourrelet
devient une cloison perforée chez plusieurs Sauriens; enfin, chez les
Crocodiliens, la cloison est complète, et le cœur est partagé, comme ce-
lui des Oiseaux, en quatre cavités bien distinctes.
Système ARTÉRIEL, — Il n'en existe pas moins entre le système artériel
des Mammifères et des Oiseaux, d'une part, et celui desRepliles, d'autre
part, cette différence remarquable qu'une seule crosse aortique donne
naissance au premier, tandis que le second en possède deux.
Mais en se reportant aux périodes embryonnaires, on voit aisément
que cette différence tient seulement à un mode évolutionnel différent
et à la disparition, chez le Mammifère et l'Oiseau, d'une des deux crosses
aortiques primitivement existantes. Le Mammifère perd la crosse qui se
recourbait à droite, l'Oiseau celle qui se recourbait à gauche. Or chez
les Reptiles l'aorte qui occupe le côté gauche de la colonne vertébrale
ne donne naissance à aucune branche artérielle (1), et elle va se jeter
dans l'aorte de droite qui fournit toutes les artères du corps; c'est donc,
chez ces animaux l'aorte de droite qui joue un rôle prépondérant, et il
faut bien avouer qu'il y a là une relation remarquable avec la persis-
tance de cette seule racine artérielle dans le groupe des Oiseaux.
La division ultérieure du système artériel n'a aucune importance au
point de vue qui nous occupe, car le sang que contiennent ces vais-
seaux étant partout identique, il importe peu quel chemin il parcourt
pour arriver à sa destination.
Système veineux. — Il en est tout autrement pour le système veineux
qui contient du sang de composition différente selon les organes des-
quels il revient, et dont la distribution dans des organes épurateurs est
très-importante à étudier. Or, sous ce dernier point de vue, les analo-
gies sont très-grandes entre les systèmes veineux des Oiseaux et celui
des Reptiles.
Chez les uns comme chez les autres, en effet, le sang qui revient des
parties postérieures du corps, au lieu de retourner directement au cœur
comme il arrive chez les Mammifères, se rend d'abord dans des organes
qui modifient sa composition, pour de là se diriger vers le poumon; ces
organes sont les reins et les corps surrénaux. En d'autres termes, tan-
(1) Hormis chez les Crocodiliens, où elle fournit une grosse artère
viscérale.
dis que les Mammifères ne possèdent que deux systèmes porte, le sys-
tème hépatique et le syslùrae pulmonaire, les Oiseaux comme les Rep-
tiles ont en outre un système porte-rénal et un système porte-surrénal.
Notons cependant cette petite différence que chez les Oiseaux une très-
forte partie du sang veineux rejoint directement la veine cave inférieure
sans traverser le rein. Mais il n'en reste pas moins certain que la sé-
crétion urinaire est, chez les Mammifères, alimentée par du sang artériel,
tandis que chez les Reptiles et les Oiseaux, elle l'est par du sang vei-
neux; M. Gratiolet, à qui l'on doit la démonstration de ces faits déjà
entrevus par Jacobsen et depuis étudiés avec soin par M. Jourdain, a
insisté à ce propos sur l'analogie que présentent l'urine des Oiseaux et
celle des Reptiles, composées d'urates, tandis que celle des Mammifères
contient en très-forte proportion de l'urée, produit plus oxydé que l'a-
cide urique.
Enfin, tandis que le système porte-hépatique des Mammifères est à
peu près complètement isolé du reste de l'arbre veineux, une large
communication existe au contraire chez les Oiseaux et chez les Rep-
tiles entre le système porte du foie et celui des reins [arc liépato-né-
pkrétique de Gj'atiolet), communication toujours béante à cause de
l'absence de valvules et qui établit une solidarité complète entre ces
glandes importantes.
Système lymphatique. — Le système lymphatique des Oiseaux ne pos-
sède, au contraire de ce qui existe chez les Mammifères, qu'un très-
petit nombre de ganglions lymphatiques; ces organes sont encore plus
rares chez les Reptiles. Il se rapproche de celui de ces derniers animaux
par la présence dans la région pelvienne de deux petites poches con-
tractiles dites cœurs lymphatiques. Stannius a constaté leur présence
chez un bon nombre d'Oiseaux (Autruche, etc.); or les Mammifères .
n'en possèdent jamais.
APPAREIL RESPIRATOIRE. — La manière dont les poumons des Oiseaux
sont adhérents à la paroi dorsale de la cavité thoracique n'a d'analogue
que chez les Tortues.
La structure même de ces organes est très-différente chez les Mam-
mifères et les Oiseaux. Les premiers, en effet, possèdent un système
bronchique qui se ramifie par une dichotomie irrégulière, en s'épanouis-
sant du hile du poumon pour se rendre dans toutes les parties de l'or-
gane. Mais chez les Oiseaux, le mode de division est différent; il s'o-
père en effet, suivant des directions perpendiculaires les unes aux autres,
un grand nombre de bronches de second ordre prenant naissance sur
celles de premierordre, etainside suite, comme les barbes d'une plume
sur la tige de cette plume. Or cette conformation est dans un rapport
typique évident avec celle beaucoup plus simple des poumons des Tor-
IÎ1
tues et des Crocodiliens; les poumons dos Ser[)cnts, dans lesquels les
bronches sont étalées en lames au lieu d'être fermées en tubes, peuvent
être facilement rattachés au même système.
Enfin les poumons des Oiseaux communiquent avec de vastes cellules
aériennes, cellules dont les parois peu vasculaires reçoivent leur sang,
non de l'artère pulmonaire, mais du système aortique. Ces remarqua-
bles appendices, qui nont aucun analogue chez les Mammifères, sont
au contraire tout à fait comparables au vaste sac membraneux qui ter-
mine le poumon des Serpents et aux poches vésiculeuses qui, chez le
Caméléon, se prolongent très-loin dans l'abdomen.
ŒvT. — L'oviparité des Oiseaux et de la plupart des Reptiles, com-
parée à la viviparité des Mammifères, a de tout temps frappé les natura-
listes, et servi à établir un rapprochement entre les deux classes de Ver-
tébrés dont je m'occupe ici. Mais cette observation physiologique n'a
réellement aucune valeur zootaxique, puisqu'elle indique seulement un
degré plus ou moins avancé de développement et non une difterence
typique. 11 faut attacher une bien plus grande importance à ceci, que
les œufs des Reptiles et des Oiseaux n'ont pas la même structure que
ceux des Mammifères. Ils possèdent en effet, de plus qu'eux un vitellus
nutritif jaune surajouté au véritable vitellus, au germe que l'on désigne
ordinairement sous le nom de cicalricule. De plus, mais ceci est de
moindre intérêt, leur albumen est infiniment plus considérable, et il
est protégé par des membranes très-souvent incrustées de matières cal-
caires.
Cette structure différente de l'œuf est nécessairement en rapport avec
une disposition différente des organes génitaux femelles; car lovaire
chargé d'œufs présente une apparence de grappe qu"on ne retrouve pas
chez les Mammifères; et de plus loviducte est composé de régions fort
différentes, destinées chacune à la sécrétion des parties accessoires de
l'œuf (albumen j membrane coquillère, coquille).
11 résulte évidemment de cette revue rapide qu'un grand nombre de
caractères rapprochent la classe des Oiseaux de celle des Reptiles. Ce
n'est pas à dire, je le répète, qu'il faille opérer une fusion entre ces
deux groupes tellement distincts par la configuration générale, la phy-
sionomie, les mœurs, etc., que l'analyse anatomique fait une sorte de
violence au sentiment universel en révélant leurs rapports. J'ai voulu
seulement insister sur ce fait que les Oiseaux ne forment pas dans l'en-
semble des Vertébrés un groupe aussi isolé qu'on l'enseigne générale-
ment, et qu'il est une émanation du grand type des reptiles, émanation
très-particulière, il est vrai, et très-individualisée par son organisation
encéphalique ; on voit manifestement aussi qu'il faut renoncer à l'espèce
d'analogie que des considérations physiologiques étroites faisaient vo-
122
lontiers admettre entre les Mammifères et les Oiseaux, analogie qui ne
repose sur aucune base anatomique.
111. — Anatomie.
r Sur quelques points de l' anatomie du Fou de Bassan ; par M. Paul Bert.
Je dois à l'obligeance do M. Blaize (de Cayeux) d'avoir pu faire sur
un Fou de Bassan {Sula bassana, Briss.) quelques observations anato-
miquesdont je désire rendre compte à la Société.
Lorsqu'on insuffle avec soin cet oiseau par la trachée-artère, on s'a-
perçoit bientôt que l'air pénètre sousla peau et l'isole du corps. Ce sou-
lèvement a lieu par la région postérieure du cou jusqu'à la tête, et par
le tronc tout entier, sauf la partie du dos correspondante à l'os sacro-
lombaire, et la face externe des cuisses et des jambes, où la peau
adhère comme d'habitude aux parties sous-jacentes; pour la face interne
des membres postérieurs, l'air distend la peau jusqu'au niveau de l'ar-
ticulation tibio-tarsienne. En continuant l'insufflation, on voit les ailes
s'étendre et s'écarter du tronc, et il est facile de s'assurer que l'air
pénètre jusqu'à leur extrémité.
Ces espaces aériens sous-cutanés, découverts par Méry en 1686 chez
le Pélican {Hist. Acad. des se, t. Il, p. 144), ont été revus chez cet
oiseau et chez les Fous par beaucoup d'auteurs, parmi lesquels je citerai
J. Ilunter (1774), Daubenton jeune (Bufî"., art. Fou deBassan), R. Owen
{Zool. Soc. of London, 1830-31 et 1835), E. Deslongchamps (Me'm.
Soc. linnde Gaen, 1843-48 et 1854-55). Mais comme malgré ces témoi-
gnages, leur existence a été mise en doute par M. Sappey {Recherches
sur l'appareil respiratoire des Oiseaux, 1847), et comme des auteurs
très-importants ont cru pouvoir leur attribuer une origine pathologique,
il m"a paru intéressant de revenir sur leur description, qui n'a jamais
du reste été faite d'une façon claire et complète.
Lorsqu'on incise la peau de Foiseau, on voit qu'elle est séparée du
corps par un espace qui peut acquérir 0'",03 à 0",04 de dimension nor-
male ; les nerfs, les vaisseaux se rendent du corps à la peau, tantôt li-
bres, tantôt appuyés surdes cloisons minces, transparentes, qui séparent
cette vaste poche sous-cutanée en diverses loges incomplètement fer-
mées et communiquant toutes les unes avec les autres. Une de ces cloi-
sons s'étend en raphé médian sur toule la crête sternale jusqu'à 0'",01
environ en avant du pubis, et intercepte toute relation directe du côté
droit avec le côté gauche. Une autre suit le bord externe du muscle
grand pectoral et se continue dans cette direction jusqu'à ce qu'elle
rencontre la précédente. Entre elles deux se trouvent une dizaine de
123
loges secondaires déterminées par des cloisons à direction transversale,
et qui ont l'apparence d'alvéoles irrégulières auxquelles il manquerait
un côté.
Les plumes font saillie dans ces cavités aériennes; les grandes y pé-
nètrent parfois à plus de O^'iOl ; mais la paroi pariétale de ces sacs,
semblable à une séreuse, les tapisse et ne permet pas à l'air de s'échap-t
per ni, bien entendu, de pénétrer dans le tuyau des plumes. Entre
elles se trouvent de petits culs-de-sac dont l'ouverture mesure 2 à
3 millimètres de diamètre, et qui donnent à la face intérieure de la peau
une apparence comparable aux poumons des Vertébrés inférieurs.
Les muscles peaussiers ne semblent pas plus développés chez le Fou
de Bassan que chez les autres Oiseaux ; sur le sac aérien préclaviculaire
qui est, du reste, de dimensions médiocres, un muscle s'étale en éven-
tail ; mais ce muscle qui joue peut-être un rôle dans l'acte du plonger,
existe tout aussi vigoureux chez les Canards, les Grèbes, les Foul-
ques, etc.
J'arrive maintenant à la description des sacs aériens sous-cutanés.
Tous dépendent du grand réservoir que j1. Milne-Edwards désigne sous
le nom de claviculaire ; tous, sauf ceux qui s'étendent sous la peau du
cou, depuis la base jusqu'à la tête, et qui, interrompus par des cloisons
incomplètes, procèdent des réservoirs dits cervicaux.
On sait que, chez presque tous les Oiseaui^, le réservoir claviculaire
envoie un appendice intrathoracique qui sort de la poitrine entre le
muscle coraco-brachial et le muscle petit pectoral, pour s'étaler plus ou
moins loin sous l'aisselle et fournir de l'air à la cavité dont est creusée
l'humérus.
Or cet appendice prend chez le Fou des dimensions extraordinaires.
Il se prolonge d'abord en arrière sous le muscle grand pectoral qu'il
soulève, s'interpose entre la cuisse, la jambe et le corps, en disséquant
pour ainsi dire les muscles et surtout le peaussier de cette région, dé-
passe en avant le pubis de 0,01 environ, et s'étend en arrière jusqu'à la
région sacrée
Ce prolongement est limité en bas (l'oiseau étant supposé sur le ven-
tre) par une cloison dont j'ai déjà parlé, cloison qui suit le bord ex-
terne du grand pectoral et se prolonge jusqu'au voisinage de l'anus. En
haut, il laisse adhérente la peau qui recouvre l'os sacro-lombaire, et
de plus en avant il est séparé de celui du côté opposé par une cloison
médiane.
Ce n'est pas tout : ce prolongement contourne l'épaule d'arrière en
avant, en passant sous le muscle grand dorsal, isole l'omoplate, et s'ap-
puyant, sans communiquer avec eux, sur les sacs cervicaux et le grand
réservoir claviculaire, suit la fourchette et s'étale sur le muscle grand
124
pectoral; il soulève ainsi la peau d'une vaste région triangulaire indiquée
plus haut, dont la base est la clavicule, ou mieux le sac claviculaire; le
bord interne, la cloison médiane qui suit la crête du bréchet et se pro-
longe jusqu'à l'anus; le bord externe, la membrane, déjà plusieurs fois
indiquée, qui suit le bord externe du grand pectoral et rejoint la pre-
mière auprès de l'anus.
J'ai dit en débutant comment une dizaine de loges secondaires sub-
divisaient cette vaste étendue. Une seule de ces loges mérite une men-
tion spéciale; elle occupe la moitié externe du grand pectoral, et se
termine en cul-de-sac, sans communiquer avec les autres cellules au
niveau du milieu de ce muscle.
Il résulte de cette description que les sacs aériens sous-cutanés d'un
côté du corps ne communiquent pas avec ceux du côté opposé, aumoins
directement ; car il est clair qu'ils sont tous en rapport les uns avec les
autres par l'intermédiaire du grand sac claviculaire qui leur donne
naissance par sa portion intrathoracique.
Les sacs que je viens de décrire ne s'étendent guère, dans la région
de l'aile, que jusqu'au niveau de la moitié de l'humérus. L'air qui pé-
nètre dans le membre antérieur provient de cette dépendance de l'ap-
pendice entier thoracique qui en fournit à l'humérus chez l'immense
majorité des Oiseaux.
En effet, l'air passe entfe les muscles du bras, soulève la membrane
du col, s'étale sur la face postérieure et supérieure du bras, de l'avant-
bras et de la main, et entre non-seulement dans l'humérus, mais dans
le cubitus et le radius, dans les os du carpe, du métacarpe et des pre-
mières phalanges; de là la moelle reparaît dans les os.
Dans les membres inférieurs, la pneiimatisalion ne s'étend qu'au fé-
mur: la jambe et le pied sont pauvres de moelle, comme il arrive d'or-
dinaire.
Ainsi, en résumé : cellules du cou formées par le réservoir cervical ;
cellules de l'aile formées par le diverticulum qui ne donne ordinaire-
ment qu'à l'humérus; cellules du corps, formées par le prolongement
qui ordinairement s'arrête au creux de l'aisselle. Ces cellules du corps,
séparées d'un côté à l'autre par des replis médians, forment deux sys-
tèmes : un système que l'on peut appeler thoracique, dont le grand
pectoral forme le plancher; un système costo-abdominal, en dehors et
au-dessus du premier, ces deux systèmes communiquant l'un avec l'au-
tre par une sorte de canal qui contourne l'omoplate et l'os furculaire.
Il n'y a donc là rien d'essentiellement nouveau, mais seulement une
extension extraordinaire de réservoirs qui existent chez presque tous
les Oiseaux.
Cette diffusion de l'air sous la peau est en rapport avec cette habi-
125
tude, que les auteurs prêtent aux Oiseaux du genre Sula, de flotter en-
dormis à la surface des flaques, semblables à des bouées.
Narines extérieures. Je n'ai pu, malgré tous mes soins, trouver chez
le Fou de Bassan trace de narines externes. Je ne puis donc accepter
ce qu'ont dit à ce sujet Sclilegel etR. Owen. En introduisant un stylet
par les narines buccales, on acquiert la preuve que les fosses olfactives
sont des culs-de-sac qui n'ont point d'orifice externe.
Le nerf olfactif existe et présente un développement moyen.
2° Note sur la vessie préputiale du porc; par M. Raimond, élève
de quatrième année à l'Ecole vétérinaire d'Alfort.
Les organes génito-urinaires présentent chez le porc une particularité
anatomique remarquable. Il existe chez lui, comme partie complémen-
taire du fourreau, une poche dont on ne rencontre l'analogue dans au-
cun autre de nos animaux domestiques. Lacauchie, dans son Mémoire
sur Chydrothosnie publié en 1853, est le premier auteur qui ait signalé
cette disposition. Il a laissé sur l'anatomie de cette région des planches
qui sont l'expression fidèle de la vérité; ce qui implique qu'il a bien vu
et bien étudié ce point d'anatomie ; mais la description jointe à ses plan-
ches manque de détails, et il est difficile en la lisant de se rendre exac-
tement compte de la complication du fourreau. Frappé de ce fait, j'ai
cherché à voir sur le cadavre la disposition particulière de cette partie.
'Voici le résultat de mes recherches.
Je répète que la description de Lacauchie est exacte, mais trop
courte, et partant, à mon point de vue, insuffisante pour donner une
idée nette sur cette disposition.
Chez tous les animaux domestiques, la peau de l'abdomen vient for-
mer une cavité destinée à loger la verge; pour constituer cette cavité,
la peau se replie sur elle-même ; elle arrive jusqu'à la partie libre du
pénis en formant un cul-de-sac circulaire autour do lui, et en se conti-
nuant avec la muqueuse qui tapisse la tête de l'organe.
Chez le porc le fourreau, à son extrémité antérieure, au lieu de pré-
senter cette disposition, forme une dilatation bilobée, de capacité va-
riable. C'est à cette poche que Lacauchie a donné le nom de vessie
préputiale, en raison de sa situation et de ses usages.
SiTL'ATiox. — Elle se trouve située au-dessus du pénis, en avant de
celui-ci, et comprise entre la peau inférieurement et les muscles abdo-
minaux supérieurement. Sa position est donc bien délimitée.
Forme. — Considérée dans son ensemble, cette vessie préputiale est
de forme elliptique; elle est constituée par deux lobes latéraux ovoïdes.
Aplatie de dessus en dessous, on peut lui reconnaître, pour la précision
126
du langage, deux faces, Tune supérieure, l'autre inférieure. Elle pré-
sente à sa face supérieure un sillon médian longitudinal, plus prononcé
à ses extrémités antérieures et postérieures que dans le reste de son
étendue. La délimitation en deux lobes est établie par ce sillon que nous
retrouverons en relief à la face interne.
Rapports. — La vessie préputiale est en rapport par sa face supé-
rieure avec la tunique abdominale, dont elle est séparée parles muscles
protracteurs et rétracteurs du fourreau, ces muscles que l'on rencontre
avec un si grand développement chez le bœuf.
Par sa face inférieure, elle est en rapport avec la peau; entre elle et
cette dernière membrane, dans la moitié de l'étendue de la face infé-
rieure, et d'arrière en avant, se loge le pénis, dans les circonstances
habituelles.
Il résulte de cette disposition que la vessie préputiale est située à
l'extrémité antérieure du fourreau, au-dessus de celui-ci; on peut donc
la considérer comme un diverticulum de ce dernier.
Disposition intérieure. — La surface interne de la vessie préputiale
présente en relief ce sillon dont j'ai parlé en décrivant la face supé-
rieure. A chaque extrémité, ce relief est plus accusé; de là résulte que
dans ces points il forme, pour ainsi dire, deux piliers médians, l'un
antérieur, l'autre postérieur; ils décrivent une courbe à concavité op-
posée ; celle-ci est dirigée en arrière pour le pilier antérieur, et en avant
pour le pilier postérieur.
Moyens de communication. — Quels sont les moyens de communication
de la vessie préputiale avec le fourreau, d'une part, et avec le dehors,
d'autre part?
Ces moyens de communication sont établis de la manière suivante :
A l'extrémité antérieure du relief médian antéro-postérieur, qui di-
vise la vessie en deux lobes, se trouve une ouverture assez large, met-
tant en communication la vessie préputiale avec un canal qui vient
aboutir à la peau.
Au-dessous de cette ouverture, et sur la même ligne perpendiculaire,
en existe une seconde : c'est celle qui livre passage au pénis lors de
l'érection, quand celui-ci doit traverser le canal, qui s'étend de la vessie
préputiale à la peau, pour venir au dehors. Cette dernière fait donc
communiquer ce canal avec la cavité du fourreau, et en même temps
avec la vessie préputiale; c'est-à-dire que ce conduit qui, de l'extré-
mité antérieure de la vessie préputiale, va aboutir à la peau, est le ré-
ceptacle dans lequel, par les moyens de communication précédemment
décrits, viennent aboutir la vessie préputiale et le fourreau.
Remarquons que, dans les conditions ordinaires, lors de la miction,
jamais l'extrémité du pénis ne vient jusqu'à l'ouverture que l'organe
127
traverse lors de l'érection ; toujours il est placé en arrière, à une dis-
tance qui varie suivant les animaux. Sur plusieurs des pièces que j'ai
préparées, cette distance était de 0°',027.
Canal. — J'ai dit plus haut qu'il existait un canal dans lequel venaient
aboutir deux ouvertures, celle de la vessie prép utiale et celle du four-
reau. Il commence à l'extrémité antérieure de 1; i vessie préputiale et il
se dirige en avant.
Après un trajet de 0",051 environ, il vient s'oumr à la peau, toujours
sur la ligne médiane que du reste il a suivie dans son trajet. L'ouver-
ture est elliptique, à grand diamètre antéro-postérieur; la longueur de
celui-ci est de 0'",011. Les deux lèvres qui circonscrivent l'ouverture
sous-cutanée sont comme froncées, rapprochées l'une de l'autre ; elles
ne s'ouvrent que dans certaines conditions déterminées, comme je l'in-
diquerai plus loin.
Il est facile, en incisant le canal par sa paroi supérieure, de compren-
dre cette disposition. On voit, en pratiquant l'incision, que la face in-
terne du canal présente des poils assez rares, disséminés çà et là, plus
nombreux cependant à la face supérieure qu'à la face inférieure. Ces
poils sont d'une couleur blanchâtre ; ils ont une longueur d'environ 0,01
à 0,01 1/2.
Dimensions générales. — Les moyennes des mesures prises sur les
pièces que j'ai préparées sont :
Longueur du grand diamètre longitudinal 0'",055
Diamètre transverse de chaque lobe 0"\032
Longueur du fourreau O^jOTO
Structure. — Les parties composantes de la vessie préputiale sont
les suivantes: une couche musculaire recouvrant une couche muqueuse.
La couche musculaire présente deux muscles, un pour chaque lobe.
Ces muscles se répandent sur la ligne médiane; en arrière ils semblent
se confondre; dans le reste de leur étendue ils sont séparés par un léger
sillon. Postérieurement, à l'aide d'une aponévrose, ils s'attachent sur le
fourreau.
Les fibres entrant dans leur constitution sont divergentes en avant et
en dehors. Il en est de complètement transverses; dautres sont curvi-
lignes; un certain nombre de ces dernières décrivent un cercle complet
et viennent se confondre avec des fibres musculaires du prépuce.
Ces muscles sont en rapport, par leur face supérieure, avec les pro-
tracteurs qui, de chaque côté, semblent confondre leurs fibres avec
celles qui les constituent.
Leur face interne est en rapport avec la muqueuse. Entre elles deux,
128
existe une assez grande quantité de tissu cellulaire, disposition qui
permet de les séparer assez facilement.
La muqueuse n'offre rien de particulier si ce n'est un épithélium
très-épais, qui se détache quelques jours après la mort avec une grande
facilité.
Sur l'une des pièces que j'ai disséquées, j'ai rencontré sur la muqueuse
une assez grande quantité de petites tumeurs; celles présentant les
plus grandes dimensions étaient grosses environ comme une noisette.
Elles étaient molles, granulées, d'une couleur rouge jaunâtre, plus pro-
noncée dans les unes que dans les autres; quelques-unes paraissaient
ulcérées. Peut-être est-ce là une maladie éruptive ; je n'ai pu savoir si
la membrane tégumentaire présentait quelque chose de semblable.
Rôle de la vessie préputiale. — Le pénis n'arrivant pas jusqu'à cette
ouverture qui établit la communication du fourreau avec le canal
chargé de conduire l'urine au dehors, verse celle-ci dans la cavité
préputiale. De cette dernière l'urine s'écoule en partie dans le canal ;
celui-ci, qui n'est qu'une dépendance du fourreau, ne se contracte pas
assez énergiquement ; il en résulte que l'urine s'y accumule. Rencon-
trant béante l'ouverture de communication de la vessie préputiale, elle
passe par celle-ci, et alors arrive dans la poche bilobée ; elle la rem-
plit petit à petit. Lorsque celle-ci est pleine, ses parois musculaires
entrent en jeu. Sous l'influence de leurs contractions, l'urine repasse
par la môme ouverture, arrive dans le canal, et en raison de l'énergie
avec laquelle elle est poussée, elle franchit l'ouverture extérieure. Le
canal ne se contracte pas avec assez de force pour produire ce résul-
tat ; il parvient seulement à chasser l'urine dans la vessie préputiale.
11 résulte de cette disposition que lorsque le porc effectue la miction,
l'urine sort par jet saccadé; on voit pour ainsi dire les contractions de
la vessie préputiale qui déterminent ainsi la sortie du jet par saccade.
La disposition anatomique de la région permet de se rendre très-bien
compte de ce fait.
J'ai eu l'occasion de disséquer les organes génito-urinaires du san-
glier ; j'ai trouvé absolument la même disposition que chez le porc; fait
du reste qui n'est pas étonnant, puisque le sanglier est le type du genre
zoologique auquel appartient le porc.
Telles sont les considérations qui m'ont été inspirées par mes recher-
ches sur les organes génito-urinaires du porc.
129
IV. — Anatomie pathologique.
l"NoTE SUR UNE PIÈCE d'anatomie PATHOLOGIQUE, adressée puF le docteur H.
DuMo.NT (de la Havane), à M. le président de la Société de Biologie;
par M. E. Magitot,
La pièce anatomique qui fait l'objet de cette communication n'est
accompagnée, malheureusement, d'aucune note explicative; de sorte
que nous manquons absolument, pour l'apprécier dans sa signification
bien complète, des renseignements touchant les conditions diverses dans
lesquelles se trouvait le sujet, la nature des phénomènes observés pen-
dant la vie, etc.
La pièce consiste dans la moitié gauche d'un maxillaire inférieur ; sa
conformation extérieure, l'aspect très-prononcé des inserticjis muscu-
laires et des diverses saillies osseuses, permettent d'établir que la mâ-
choire est celle d'un homme parvenu au moins à l'âge adulte. Le tissu
osseux ne paraît avoir éprouvé aucune altération organique de sa sub-
stance ; il est toutefois utile de remarquer que l'angle du maxillaire
semble plus obtus qu'il n'est d'ordinaire. Circonstances qu'en raison de
l'absence de la moitié opposée de l'os et de la privation de renseigne-
ments, on ne saurait cependant attribuer exactement soit à un caractère
de race, soit à une déformation causée par la lésion dont il est le siège.
La face externe de l'os ne présente rien de particulier, si ce n'est
une légère saillie au niveau de la place ordinaire des grosses molaires.
Le bord supérieur ou alvéolaire est absolument privé de dents ; les in-
cisives et canines ayant été détachées, leurs alvéoles libres n'oflrent rien
d'anormal; les deux petites molaires sont brisées au niveau du collet;
au delà de ces dernières, le bord du maxillaire est libre et dépourvu
de toute trace de dents.
A la face interne, la portion d'os qui correspond à la place des trois
dernières molaires a été artificiellement enlevée, et a laissé à découvert
une cavité osseuse oblongue d'avant en arrière, mesurant 0'",035 de
longueur sur 0'",025 de hauteur; limitée antérieurement par l'alvéole
resté intact de la deuxième petite molaire , et répondant en arrière à la
base de l'apophyse corono'ïde; elle occupe en élévation toute la hauteur
du maxillaire lui-même, et a pour limite inférieure le canal dentaire
qui paraît un peu comprimé et refoulé.
Cette loge, qu'on peut regarder comme un véritable kyste creusé au
sei« même de l'os, contient trois dents, les trois grosses molaires im-
plantées par leurs racines dans la paroi inférieure, tandis que les cou-
ronnes libres font saillie dans la cavité. Ces trois dents présentent des
caractères normaux, à l'exception de racines qui sont évidemment fort
C. R. 9
130
courtes et atrophiées. La première grosse molaire est inclinée en arrière
et un peu en dedans, ses racines se dirigeant dans la portion d'ossous-
jacente à la deuxième petite molaire ; la deuxième grosse molaire placée
sur un plan un peu inférieur à la précédente, se dirige en avant et un
peu en dedans; la troisième molaire ou dent de sagesse est implantée
à la base même de Tapophyse coronoïde, et dirigée horizontalement
d'arrière en avant.
A la pièce que nous venons de décrire, étaient joints dans le même
envoi :
1° Un fragment du maxillaire supérieur gauche du même sujet. Dans
ce fragment était restée incluse une grosse molaire présentant une
incurvation bizarre des racines , mais sans caractère anormal bien
tranché ;
2° Deux dents ne présentant rien de particulier.
Co.NCLusioxs. — La pièce représente un exemple d'anomalies dentaires
portant sur les trois grosses molaires gauches d'un maxillaire inférieur,
anomalies consistant en une déviation double de siège (hétérotopie) et
de direction ; phénomènes qui ont occasionné au sein du maxillaire la
production d'un kyste où sont restées incluses les dents anomales.
Ajoutons que la cavité du kyste sur le contenu et la paroi duquel nous
sommes sans renseignements a bien pu être formée, ainsi que nous
l'avons plusieurs fois observé, par le développement d'un des trois fol-
licules, la membrane du kyste étant constituée par la paroi même du
follicule.
2° Productions polypeuses du péricarde chez une enfant de quatrk ans ;
par M. Bouchard, interne des hôpitaux.
J'ai trouvé à l'autopsie d'une petite fille de quatre ans, morte de
bronchite capillaire survenue dans le cours d'une coqueluche, une al-
tération du péricarde dont je n'ai retrouvé nulle part la description,
mais qui peut bien avoir été confondue jusqu'ici avec les néo-mem-
branes de cette séreuse, et qui d'ailleurs a peut-être comme elles une
origine inflammatoire. Toutes les personnes qui ont vu cette pièce que
je présente à la Société ont cru au premier abord avoir affaire à des
fausses membranes de péricardile ancienne. Cependant si l'on examine
de près ces productions qui siègent exclusivement à la partie supé-
rieure de la face antérieure du feuillet pariétal, on voit quelles sont
constituées par un nombre considérable de villosités grêles et allon-
gées, toutes indépendantes les unes des autres de longueur variable
comprise entre un millimètre et un centimètre et demi, légèrement
aplaties, d'une largeur de un quart de millimètre à deux millimètres,
131
adhérant à la lace interne du péricarde par un pédicule en général trcs-
grêle, ne dépassant jamais la largeur de la villosité et souvent beau-
coup plus étroit qu'elle. Quelques-uns de ces pédicules sont à peine
visibles et ne dépassent guère un à deux dixièmes de millimètre dans
leur dimension transversale. Quand on étale ces végétations et qu'on
les examine au microscope ou à la loupe, on voit que leurs bords sont
comme frangés, présentant de distance en distance de petits appen-
dices filiformes qui eux-mêmes peuvent porter d'autres prolongements
de second ordre.
Le tissu de ces petits polypes est d'un blanc mat, assez résistant, de-
venant transparent et se rétractant un peu par l'action de l'acide acé-
tique. Au microscope il se montre exclusivement constitué par du tissu
conjonctif, noyaux et corps fusiformes. Chacune de ces productions
polypeuses renferme à son centre, dirigés dans le sens de l'axe longi-
tudinal, deux ou quatre capillaires qui se continuent avec les vaisseaux
du péricarde. Ces polypes ne présentent aucun revêtement épithélial,
tandis que tout autour la séreuse, entre les points d'implantation des
pédicules, offre une couche normale d'épithélium et ne montre, à l'œil
nu, comme au microscope, aucune altération appréciable. Le cœur, dans
les points qui sont en rapport avec la production que je viens de dé-
crire, ne présente d'ailleurs aucune trace de péricardite ancienne ou
récente, ce qui rend peu probable cette hypothèse que nous aurions
eu affaire à des tractus pseudo-membraneux qui se seraient rompus. Je
dois dire toutefois que, vers la partie inférieure de sa face antérieure,
le péricarde viscéral présentait une petite plaque laiteuse de la largeur
d'une lentille.
L'altération anatomique qui a fait le sujet de cette note pouvait-elle
se révéler pendant la vie et a-t-ello donné lieu à quelque particularité
stéthoscopique? J'avoue que cette question me trouve complètement
indécis et que je serais tenté même de répondre par la négative. En
effet, lorsque cette enfant a été admise à Thôpital Sainte-Eugénie, elle
était déjà dans un état fort grave auquel elle a succombé deux jours
après. Des caillots fibrineux stratifiés très-volumineux révélés par l'au-
topsie obstruaient le cœur gauche et gênaient considérablement la cir-
culation et la respiration. Le pouls battait 152 fois par minute, et dans
le môme temps j"ai pu compter jusqu'à 120 mouvements respiratoires.
Des râles muqueux et sous-crépitants abondants ajoutaient encore à la
difficulté que présentait l'auscultation du cœur. J'ai cependant constaté
vers la base du cœur un double bruit analogue aux bruits de piaule-
ment qui, bien que différent par le timbre des souffles et des frotte-
ments péricardiques, m'a semblé co'incider avec les deux mouvements
du cœur. Mais même en admettant que ce fût là un bruit cardiaque.
ti'était-il pas plutôt le résultat de l'obstruction si considérable apportée
par les caillots à l'écoulement du sang par les orifices? En tout cas ce
bruit de piaulement avait complètement disparu vingt-quatre heures
après le premier examen; et cette circonstance me semble déposer en-
core en faveur de la dernière hypothèse, car dans cet intervalle de
temps les caillots avaient pu changer de forme, mais l'altération du pé-
ricarde n'avait certainement pas pu se modifier.
V, — ANATOMIE PATHOLOGIQUE COMPARÉE.
Etude sur les altérations axatomiques de la pneumonie chez le cheval
ET CHEZ LE CHIEN, COMPARÉES A CELLES DE LA PNEUMONIE CHEZ l'uOMME ;
par MM. Trasbot, chef de service à Alfort, et le docteur V. Cornil.
Les deux faits que nous rapportons ici, dont l'un a trait à une pneu-
monie spontanée du cheval, et l'autre à une pneumonie produite artifi-
ciellement chez un chien par une injection d'essence de térébenthine,
démontrent bien nettement l'identité de la première avec la pneumonie
fibrineuse de l'homme, et celle de la seconde avec la pneumonie lobu-
laire ou catarrhale. Dans les deux cas, l'altération siégeait dans l'inté-
rieur des alvéoles pulmonaires et était caractérisée par un épanchement
de fibrine et une production exagérée de leucocythes dans la pneumo-
nie du cheval, et par une formation exagérée de cellules épithéliales et
de leucocythes dans la pneumonie artificielle du chien.
Obs. L — Cheval entier, sous poil gris clair, de la taille de l'^jSO,
âgé de 9 ans, propre au gros trait; entré à l'Ecole le 19 mai pour être
traité d'une arthrite à la tempe droite; sacrifié le 14 juillet.
Le 9 juillet, ce cheval, qui, lesjours précédents, mangeait avec beau-
coup d'appétit, parut plus triste que d'habitude; il se tenait au bout de
sa longe, la tête inclinée sur le sol, les paupières à demi fermées; les
conjonctives étaient légèrement injectées, unjetage très-fiuide, de cou-
leur jaunâtre, tout à fait semblable à de la bile, s'écoulait par les deux
narines; une toux forte, quinteuse, se faisait entendre fréquemment;
l'appétit était diminué.
Après un traitement assez actif, qui consista en purgations au sulfate
de soude et une saignée, le cheval fut abandonné et tué le 14 juillet 1865.
A l'ouverture de la poitrine, le poumon droit était hépatisé dans pres-
que toute son étendue, le bord dorsal seul de ce lobe était sain. Sur une
coupe longitudinale, qui intéressait toute l'épaisseur du poumon droit,
la partie supérieure était saine dans une épaisseur de 4 ou 5 centimè-
tres environ; tout le reste était dur et hépatisé.
La trachée contenait en grande quantité de la sérosité en partie coa-
133
gulée ; un caillot jaunâtre, de 50 centimètres de long sur 4 environ d'é-
paisseur, s'échappa de son intérieur lors de son incision.
Examen microscopique fait le IG juillet. — Le poumon est hépatisé, as-
sez dense, plus lourd que l'eau, non crépitant. Sur une surface de sec-
tion il présente une coloration blanc grisâtre uniforme sur laquelle tran-
chent des îlots rouges. Dans ces dernières portions, on voit à l'œil nu,
ou mieux à la loupe, de très-fines granulations, ou plutôt une surface
granuleuse.
En raclant la surface de section des parties grises, on obtient un li-
quide puriforme qui, examiné au microscope, renferme : 1" des leuco-
cythes en quantité considérable qui sont beaucoup plus petits que chez
l'homme et mesurent 0'",005 à 0'",006. Ils sont finement granuleux et
présentent, après l'addition d'eau et d'acide acétique, deux, trois, ou
même un plus grand nombre de petits noyaux brillants ; 2° des globules
rouges qui sont également de moitié plus petits que ceux de l'homme
et mesurent 0",003 à 0'",0Û4 ; 3° des cellules cylindriques à cils vibra-
tiles très-longues possédant un seul noyau provenant des bronches.
Après que la pièce eut été durcie par une macération de quarante-
huit heures dans l'acide chromique, elle fut examinée sur des coupes
fines. Avec un grossissement de 80 diamètres, on vit les alvéoles pul-
monaires remplis par un contenu qui paraissait, à ce faible grossisse-
ment, formé de granulations. Les cloisons qui circonscrivaient les al-
véoles montraient partout des vaisseaux capillaires remplis de sang. Ces
cloisons étaient très-minces. Les alvéoles pulmonaires elles-mêmes, qui
avaient une forme sphérique ou polyédrique à angles mousses, mesu-
raient 0"',055 à O^jOOS. 11 y avait des lobules où les alvéoles étaient
plus remplis que les lobules voisins dont les alvéoles n'étaient pas aussi
distendus. Les portions rouges et très-hyperémiées à l'œil nu présen-
taient aussi des cellules aériennes remplies d'éléments ayant conservé
leur couleur jaune rouge.
Avec un plus fort grossissement (300 diamètres), les alvéoles dont
les parois minces sont formées de tissu élastique, sont remplis par des
leucocythes très-nombreux enfermés dans un mince réseau de fibrilles
extrêmement déliées qui sont composées par de la fibrine à l'état fibril-
laire. Dans les portions rouges on trouve des alvéoles qui sont remplis
de fibrine, de globules rouges du sang et de grandes cellules du pou-
mon devenues vésiculeuses.
Les petites bronches, observées soit sur des coupes longitudinales,
soit sur des coupes transversales dans les mêmes préparations, sont
également remplies de produits nouveaux. Elles sont tapissées par une
ou plusieurs couches de grandes cellules cylindriques à cils vibratils,
et leur canal est rempli par des leucocytes et de la fibrine.
134
La plèvre est très-épaissie et mesure près d'un millimètre en épais-
seur. Etudiée sur des coupes minces, on voit que sa limite à la surface
du poumon est conservée intacte et qu'elle renferme de très-nombreux
leucocytes et des noyaux dans l'épaisseur de son tissu.
Cette pneumonie du cheval ne différait donc de la pneumonie fibri-
neuse de l'homme que par le volume plus petit des leucocytes et des
alvéoles pulmonaires. Chez l'homme, en effet, les alvéoles mesurent
O^jlS à 0"',02, et lorsqu'ils sont remplis parla fibrine et les leucocytes,
ils paraissent à l'œil nu sous forme de granulations. Chez le cheval ces
granulations ne peuvent être bien vues qu'avec la loupe parce que les
alvéoles sont plus petits que O"",!.
Obs. II. — Expérience faite le 13 juillet 1865 sur un chien braque de
8 mois, de taille au-dessous de la moyenne; une incision fut faite à la
trachée, à la partie inférieure du cou, et l'on injecta par l'ouverture,
avec une seringue, 3 grammes d'essence de térébenthine dans le pou-
mon.
Aussitôt l'opération terminée, le patient pousse des cris plaintifs, se
débat et paraît suffoqué par la petite quantité du liquide irritant. Mis
en liberté dans le cabinet d'expériences, il cherche à fuir; mais la dys-
pnée qui l'accable l'arrête bientôt, il se roule, s'agite, ouvre la gueule
et paraît sur le point d'asphyxier. Après cette première crise il se relève,
cesse ses cris, se couche sur le train postérieur, l'antérieur étant main-
tenu debout, la tête fortement abaissée entre les deux pattes, le regard
morne et fixe.
La respiration est très-irrégulière, fortement accélérée, les battements
du cœur sont forts, le pouls est vite et plein. L'animal tremble et se
plaint beaucoup.
Placé dans un endroit frais du chenil où il reste jusqu'au 17 juillet,
le chien, durant le jour, se couche tantôt en cercle ou tantôt se main-
tient appuyé sur l'arrière-train. Il tremble continuellement, ouvre la
gueule, salive beaucoup et vomit par intervalles.
Vers le soir, toute la région costale de chaque côté, les épaules et la
partie inférieure du cou sont le siège d'un emphysème sous-cutané
considérable, conséquence de la trachéotomie. Cet accident ne permet
pas de se rendre compte de ce qui se passe dans la poitrine; l'ausculta-
tion ne donne aucun renseignement sur l'état du poumon, elle ne fait
entendre que la crépitation de l'air infiltré dans le tissu cellulaire si
abondant sous le tégument cutané du chien.
Le lendemain 14 et les jours suivants, même état de l'animal, à part
les vomissements qui ne se renouvellent plus et la respiration qui est
moins pénible.
135
Le 17 au matin, l'animal est tué par effusion de sang. A l'ouverture
de la poitrine, on trouve une portion du poumon droit hépatisée avec sa
teinte foncée noirâtre qui contraste avec le reste du poumon resté par-
faitement sain. Les plèvres, les membranes et les cavités du cœur n'of-
frent rien de particulier.
L'examen nécropsique, continué dans les autres cavités splanchni-
ques, n'a rien fait constater d'anormal.
Une partie du poumon ayant environ le volume d'une petite noix, était
liépatisée et privée d'air. Elle se montrait à la surface de la plèvre où
elle faisait saillie, et tranchait par sa couleur rouge tandis que le reste
du poumon était complètement sain, mou, et de couleur blanc rosé.
Sur une coupe de la partie malade, on voyait à sa périphérie une zone
d'un rouge sombre, et au centre plusieurs îlots réunis ou isolés de colo-
ration gris-jaunâtre et opaques. La zone périphérique donnait par le ra-
clage un liquide trouble et rouge; la partie centrale un liquide puriforme
de couleur gris jaunâtre.
Le premier, examiné au microscope, montrait une grande quantité de
corpuscules rouges, qui, plus petits que ceux de l'homme et plus grands
que ceux du cheval, mesuraient O^jOÛô, de grosses cellules sphériques et
distendues, colorées en rouge par l'hématine, et contenant du pigment
de 0'",012 à O^jOlB de diamètre, et des leucocytes en petit nombre.
Ces leucocytes, plus gros que ceux du cheval et moindres que ceux
de l'homme, mesurent O^jOOG à 0",007; ils présentent leur réaction ca-
ractéristique avec l'acide acétique. Us sont beaucoup plus nombreux
dans le liquide puriforme jaunâtre du centre du noyau hépatisé. Dans
ce liquide on trouve en outre une grande quantité de grosses cellules
sphériques distendues mesurant 0"',012 à 0"',015 qui contiennent des
granulations protéiques et graisseuses. Beaucoup de ces grosses cellules
contiennent deux, trois ou un plus grand nombre de noyaux ou même
des leucocytes qui sont parfois libres dans une cavité creusée au cen-
tre de la cellule devenue vésiculeuse.
La partie hépatisée durcie dans l'acide chromique fut examinée deux
jours après au moyen de coupes minces. Dans la zone périphérique les
alvéoles pulmonaires étaient incomplètement remplis par des grosses
cellules colorées par le pigment sanguin, mentionnées plus haut, des
leucocytes et des globules de sang. Les îlots iobulaires jaunes présen-
taient sur des coupes les alvéoles pulmonaires complètement remplis
et distendus par des leucocytes et les cellules distendues granuleuses,
ou contenant plusieurs noyaux et leucocytes (cellules mères). Les al-
véoles mesuraient 0",03 àO°',05; ils étaient par conséquent de beaucoup
plus petits que ceux du cheval et de l'homme. Leurs cloisons n'étaient
pas non plus épaissies.
136
Les bronches qu'a priori on aurait pu croire très-malades, puisque
l'agent irritant avait été introduit dans leur cavité, furent ouvertes; les
grosses bronches présentaient une surface hsse et blanche, sans vascu-
larisation. Dans la partie malade, on voyait sortir des petites bronches
qui s'y rendaient des coagulations qui les remplissaient complètement
et adhéraient à leur surface. Ces coagulations de couleur rouge étaient
composées des grosses cellules et des leucocytes déjà décrits situés au
milieu d'un coagulum fibrillaire qui n'était pas modifié par l'acide acé-
tique. Ce n'était donc pas de la fibrine, mais très-probablement de la
mucine.
Cette pneumonie artificielle représente exactement, sauf la grosseur
des leucocytes et des alvéoles pulmonaires, l'anatomie pathologique de
la pneumonie lobulaire de Ihomme. Le siège de la production morbide
était aussi l'intérieur des alvéoles pulmonaires.
VL — Physiologie expérimentale
Contributions a l'étude des venins; par M. Paul Bert.
{5 L — Venin de scorpion. —Les scorpions avec le venin desquels ont
été faites sur des grenouilles les expériences que je vais rapporter, ap-
partiennent à l'espèce Se. occitanus.
Je les dois à l'obligeance de mon ami M. le docteur Léon Vaillant,
qui les a pris en Egypte, à Suez, pendant l'hiver (janvier-avril) de 1864;
tués, puis desséchés immédiatement au soleil, ces animaux ont été en-
fermés dans un flacon bien bouché. Leur venin a ainsi gardé jusqu'à ce
jour des propriétés toxiques fort énergiques.
En effet, la vésicule caudale d'un scorpion de 0'",06 à 0"',07 contient
en moyenne assez de venin pour tuer rapidement deux ou trois gre-
nouilles. Le procédé employé dans les expériences est des plus simples ;
il consiste à introduire sous la peau de la grenouille une partie d'une
vésicule, qui s'humecte et dont la matière active, dissoute, est rapide-
ment absorbée.
L'action locale du venin paraît se réduire à une douleur assez faible ;
il n'y a du reste aucune enflure.
Au bout d'une heure environ, quelquefois plus, rarement moins, la
grenouille éprouve des convulsions cloniques très-comparables à celles
de la strychnine ; les jambes sont fortement tendues, les bras aussi,
avec prédominance de l'action du triceps sur les pectoraux ; le corps
se roidit jusqu'à présenter une concavité sur sa face dorsale. Ces con-
vulsions semblent douloureuses, car j'ai entendu une grenouille pousser
des cris quand elles se produisaient.
Ces convulsions se répètent à plusieurs reprises, par séries que se-
13
parent des intervalles de calme ; dans ces intervalles, il est mani-
feste que la sensibilité est conservée, mais déjà l'animal paraît beau-
coup moins dii^posé à fuir ou capable de fuir la douleur.
Pendant les périodes de calme, les excitations môme violentes, sont
incapables de ramener les convulsions; au contraire, on les obtient as-
sez facilement à volonté quand on agit au milieu d'une série. Il y a là
une différence notable avec les convulsions de la strychnine.
Ces convulsions peuvent être très-faibles, et quelquefois manquer
dans des conditions qui n'ont pas encore été déterminées ; probable-
ment, dans ces cas, la dose du poison a été trop considérable. C'est ce
qui arrive du reste dans les empoisonnements strychniques.
Quand elles se répètent par séries, ces séries sont de moins en moins
fortes, leurs intervalles de plus en plus courts, et l'animal meurt tantôt
dans l'extension, tantôt dans le relâchement.
Si l'on a mis le cœur à découvert, il est facile de constater qu'aux
premières convulsions de chaque série, il s'arrête en diastole, l'espace
de deux ou trois pulsations, quelquefois plus.
Au moment où tout signe de sensibilité a disparu, le cœur bat en-
core, et quand il s'arrête ensuite il peut être quelques instants ranimé
par l'excitation directe.
Le sang qu'il contient ne paraît nullement altéré ; il se coagule, ses
globules sont normaux. Dans un cas, je l'ai vu très-noir, mais rougis-
sant au contact de l'air.
Les cœurs lymphatiques cessent de battre à peu près au moment de
la paralysie générale. Cette paralysie est ascendante ; les muscles des
yeux témoignent les derniers de la sensibilité de l'animal que l'on
pince en quelque endroit du corps.
Tandis que le cœur bat encore, les muscles interrogés par l'électri-
cité, se contractent; mais leur contractilité est moindre qu'elle ne
l'était avant l'empoisonnement. Les nerfs moteurs, au contraire, restent
insensibles à de très-forts courants d'induction.
Si on lie tout un membre postérieur, en n'épargnant que les nerfs qui
s'y rendent, les convulsions y apparaissent comme dans l'autre membre ;
mais le sciatique de ce côté conserve ses propriétés motrices, tandis
qu'elles sont perdues du côté où le sang chargé de venin peut pénétrer
jusqu'aux extrémités nerveuses.
Inversement, si l'on coupe un des nerfs sciatiques tout étant inlact
du reste, les muscles auxquels se distribue ce nerf sont seuls épargnés
parles convulsions; mais les propriétés motrices disparaissent chez lui
comme chez les autres.
La section de la moelle épinière entre les deux paires de membres
n'empêche pas les convulsions des membres postérieurs; seulement
138
elles ne sont pas synclnones avec celles des membres antérieurs. L'ac-
tion du venin est donc portée sur toute l'étendue de la moelle épinière.
Il paraît donc résulter de ces expériences, que je varierai et multi-
plierai, que le venin de scorpion est un poison des nerfs et qu'il tue
spécialement le nerf moteur en portant son action sur son extrémité
périphérique, comme le fait le curare. Comme le curare encore, il sem-
ble qu'il laisse intacte la sensibilité; comme lui, il agit peu ou point
sur le sang, le cœur, les muscles. Mais il excite, au contraire du curare,
des convulsions violentes, comparables à celles de la strychnine, qui
sont dues à une action sur toute l'étendue de la moelle épinière. Il me
reste, entre autres questions à élucider, celle de savoir si ces convul-
sions sont dues à une excitation directe de la moelle épinière ou à une
exagération de la sensibilité, ce qui est peu probable, puisqu'elles ne
sont pas excitables à volonté.
§ II. — Venin d'abeille xylocope (Apis nolacea, Linn.) — Le venin
de Xylocope possède une action énergique ; les piqûres faites par deux
de ces insectes, et dans des conditions assez défavorables, à un jeune
moineau, suffisent pour le tuer en trois heures; mais les grenouilles,
même en la saison d'été, sont assez peu sensibles à ce venin ; une dou^
zaine de ces grosses abeilles piquant en plein muscle, la peau enlevée,
ne peuvent tuer une grenouille qu'en quatre heures et demie au moins.
Sur tous ces animaux, les symptômes sont identiques :
Douleur vive, ecchymoses et lividité locales, difficulté ou même im-
possibilité pour l'animal de se servir du muscle piqué;
Ralentissement lent et progressif des mouvements; pas de convul-
sions, pas d'agitations; l'animal peu à peu se paralyse et agit de moins
en moins lorsqu'on l'excite, tout en paraissant conserver jusqu'à son
dernier mouvement son intelligence et sa sensibilité. Les mouvements
respiratoires deviennent de très-bonne heure lents et difficiles.
Le cœur continue à battre; la respiration s'arrête, et l'animal meurt
dans la flaccidité la plus complète.
Les muscles interrogés par l'électricité se contractent encore, hormis
ceux qui ont été directement touchés par le venin; les nerfs moteurs
agissent encore sur eux, le pneumo-gastrique peut arrêter le cœur. On
ne peut obtenir de mouvements réflexes dans un membre en excitant le
sciatique du côté opposé ; mais on en obtient en touchant directement
les racines spinales postérieures.
Au reste, ces propriétés des muscles et des nerfs sont déjà fort afi'ai-
blies quand tout mouvement volontaire a cessé, mais elles existent
encore; si, en effet, au moment où lanimal peut à peine remuer, on
l'empoisonne avec de la strychnine, on obtient de violentes convul-
sions.
139
Il ne semble donc pas que ce venin agisse sur le système musculaire
et le système nerveux sensitif ou moteur. La cause prochaine de la mort
parait être l'asphyxie, car le sang est noir dans les vaisseaux. En rap-
prochant ce fait de la difficulté qu'éprouve de très-bonne heure l'ani-
mal à respirer, on pourrait être conduit à penser que le venin porte
son action sur cette partie des centres nerveux qui préside aux mouve-
ments respiratoires.
On pourrait encore croire que le venin de Xylocope est un poison du
sang, dont il altère les propriétés physico-chimiques ; notons cepen-
dant que le sang empoisonné se coagule, et d'autre part que ces glo-
bules examinés au microscope ne présentent rien d'anormal.
L'étude chimique de ce venin présente donc un grand intérêt. 11 est
malheureusement difficile de s'en procurer une quantité suffisante pour
en faire un examen satisfaisant. Voici cependant quelques résultats qui
me paraissent présenter un certain intérêt.
Mis en contact avec la pointe de la langue, sans blessure, le venin
de Xylocope présente une saveur spéciale, et fait éprouver une douleur
assez cuisante, impressions comparables, mais non identiques, à celles
que donne l'acide formique; la dessiccation ne lui enlève point ces pro-
priétés.
Au sortir de sa glande, c'est un liquide limpide qui rougit le papier
de tournesol à la manière des acides faibles et de certains sels à base
organique ; cette acidité tient à un acide fixe, et éloigne par conséquent
l'idée de l'acide formique.
M. Cloëz ayant eu la complaisance d'examiner une petite quantité
de cette substance, a constaté qu'en s'évaporant elle forme des cristaux
assez mal définis. De plus, l'ammoniaque en précipite une matière blan-
châtre soluble dans les acides, le tannin y forme aussi un précipité
blanc. De la solution acide du précipité ammoniacal, le chlorure de
platine précipite une matière jaunâtre.
Tous ces caractères semblent indiquer la présence d'une base orga-
nique unie à un acide inconnu, non volatil.
VII. — Pathologie.
Deux observations de cancer de la colonne vertébrale consécutif
A UN cancer du sein; par M. Cotard.
Obs. I. — Barbanton, âgée de 79 ans, entre à l'infirmerie le 15 mars
1865.
Point de renseignements, on sait seulement qu'elle a eu de vives
douleurs dans les reins et les membres inférieurs avec affaiblissement
de ces derniers.
140
Actuellement les douleurs ont disparu, la malade peut exécuter quel-
ques mouvements; elle ne peut se tenir debout, mais on n'en peut rien
conclure, vu l'état de profonde débilité de la malade.
Diarrhée incoercible. Mort.
Cancer colloïde de la mamelle constitué par une trame lamineuse
de la matière amorphe et un grand nombre de renflements pynformes,
analogues à des culs-de-sac glandulaires remplis de noyaux et atta-
chés par leur extrémité à des tractus de tissu lamineux.
Petites masses cancéreuses du poumon offrant la même structure que
le cancer de la mamelle.
Tumeur cancéreuse de la colonne lombaire développée sur le corps
de la troisième vertèbre lombaire. Cette tumeur, du volume d'une
grosse noix, s'est développée sur la partie latérale droite du corps de la
vertèbre, et faisait saillie dans la cavité abdominale.
Le corps de la vertèbre est lui-même cancéreux et affaissé. Quelques
tubercules cancéreux existent dans la quatrième vertèbre lombaire.
Ces tumeurs étaient constituées par une grande quantité de noyaux
sphériques finement granuleux et par du tissu lamineux. On n'y a pas
trouvé de cellules cancéreuses,
Obs. II. — Vincent (Séraphine), 69 ans, entrée le 22 mai 1865 à la
Salpêtrière, service de M. le docteur Charcot. Cancer ulcéré du sein
gauche qui a débuté il y a six ans.
Depuis un an, douleurs dans les seins et les membres inférieurs.
Il y a six mois, les douleurs ont remonté dans le dos et des douleurs
lancinantes ont apparu dans les membres inférieurs, avec engourdisse-
ment des doigts. En môme temps les douleurs des membres inférieurs
se sont calmées.
Diarrhée incoercible. Mort le 16 juin 1865.
La colonne vertébrale présente une déviation latérale considérable
avec affaissement des corps des vertèbres au niveau des douzième
dorsale, première et deuxième lombaires. La douzième dorsale et la
première lombaire sont affaissées. On observe des masses cancéreuses
dans toute l'étendue des régions dorsale et lombaire.
Le corps de la première dorsale est presque entièrement cancéreux.
Ces tumeurs présentent au microscope beaucoup de cellules à gros
noyaux et quelques cellules à noyaux multiples et de formes variées.
Pas d'altération notable de la moelle.
Atrophie avec hypergénèse de tissus conjonctifs des nerfs des plaies
lombaires. Pas d'altération appréciable des tubes nerveux.
Cancer secondaire des côtés du foie.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
m r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS D'AOUT 1865;
Par m. le Docteur DUMONTPALLIER, secrétaire.
PRESIDENCE DE M. RHYER.
I. — Anatomie pathologique.
Note sur un cas de dégénérescence cireuse ou amyloïde très -étendue
(foie, rate, cœuR, dure-mère, etc.), consécutif a une pleurésie chro-
nique tuberculeuse; par M. Duguet, interne des hôpitaux.
L'étude des altérations des tissus est poursuivie aujourd'hui dans
chaque maladie avec des succès variés. Mais, il faut le dire, elle conduit
bien souvent à des résultats intéressants; quelquefois même elle jette
un jour considérable sur des faits dont les éléments disparates auraient
pu, au premier abord, sembler entièrement différents les uns des autres
et incapables d'être rapprochés.
Tel est le cas de l'observation suivante, où nous trouvons : une pleu-
résie chronique, un caillot fibrineux du cœur gauche, une pachyménin-
gitc interne et externe, une altération des principaux viscères comme
le foie, la rate; lésions multiples, comme on le voit, entre lesquelles il
142
est certainement impossible, à première vue, de saisir le moindre
rapport.
Nous croyons cependant, d'après l'examen des organes et des tissus,
ainsi qu'on pourra s'en convaincre par la suite, qu'il existe entre ces
lésions un lien réel et même un lien très-étroit.
PLEURÉSIE GAUCUE PURULENTE; OPÉRATION DE l'eMPYÈME; MORT AU BOUT DE
PLUSIEURS MOIS ; A l'autopsie et a l'aide de l'examen histologique , dégé-
nérescence cireuse ou AMYL0ÏDE CONSIDÉRABLE DES REINS, DU FOIE, DE LA
rate, du cœur (avec CONCRÉTIONS POLYPIFORMES DU COEUR GAUCHE) ET DE LA
DURE-MÈRE (aVEC PACHYMÉNINGITE INTERNE ET EXTERNE.
Chemin (Désirée), âgée de 5 ans, est couchée depuis le 30 janvier 1865,
au n" 34, salle Sainte-Catherine, service de M. Racle, suppléé par
M. J. Simon, à l'hôpital des Enfants malades.
La santé de cette enfant a été jusqu'il y a deux mois à peu près bonne.
Son père est mort il y a quelques mois d"une maladie de poitrine de
longue durée. Tels sont les détails que l'on peut recueillir dans les
antécédents.
Deux mois avant son entrée à l'hôpital elle fut prise de toux avec
point de côté à gauche, perte d'appétit, et ce fut la persistance de ces
phénomènes jointe à l'amaigrissement progressif qui la fit amener aux
Enfants malades.
Le 5 février, les accidents continuant malgré l'emploi répété des vé-
sicatoires et des médicaments internes, le cœur étant refoulé sous le
sternum, le côlé gauche de la poitrine, rempli de liquide, M. J. Simon
fit la thoracentèse, ce qui donna issue à 500 grammes de pus.
Il s'ensuivit les jours suivants une amélioration notable : la sonorité
de la poitrine reparut avec des râles et un souftle doux.
Le 13 février, on constate la reproduction du liquide dans le tiers
inférieur du côlé gauche ; il y a pâleur et faiblesse excessives; le pouls
esta 112. Pas de diarrhée, un peu d'appétit, digestions bonnes. L'enfant
se couche sur le côté malade; le cœur reste toujours dévié à droite.
Le 14, le liquide remplit de nouveau toute la cavité pleurale gauche.
Le 16, on constate une certaine quantité d'air à la partie supérieure.
Succussion hippocratique, pas de tintement métallique, pas de souffle
amphorique.
Le 1" mars on refait la ponction; on retire 250 grammes de pus. In
jections d'eau tiède dans la poitrine. En arrière et en haut la respira-
tion est presque normale. On ne perçoit encore ni tintement métallique
ni souffle amphorique.
Le 10, l'enfant maigrit de plus en plus, la fièvre est intense, la respi-
143
ration des plus difficiles; le liquide existe toujours en aussi grande
quantité.
Le 20, l'oppression augmentant sans cesse, la malade est en immi-
nence de mort; alors on pratique Topération de lempyème dans le
point où avait été pratiquée antérieurement la thoracentèse, c'est-à-dire
dans le tiers antérieur du sixième espace intercostal gauche. Il s'échappe
par l'ouverture un liquide séro-purulent très-fétide, mélangé de gaz et
projeté avec force jusque sur le lit voisin. Il s'écoule environ 300 gram-
mes de liquide, mais pendant cet écoulement la malade pâlit et tombe
en syncope; le pouls devient imperceptible; peu à peu il revient. On
introduit dans la plaie une mèche à demeure.
Le 21, la malade sur son séant, sans oppression, présente une phy-
sionomie assez bonne; son pouls est bien développé. Il s'écoule par la
fistule thoracique une petite quantité de liquide purulent, fétide; on
pratique une injection de teinture d'iode étendue de neuf fois son vo-
lume d'eau environ.
Le 22, la nuit a été tranquille, le faciès est bon ; il y a peu d'oppres-
sion; pouls 120; appétit modéré; pas de diarrhée; mèche à demeure.
A l'auscultation, en arrière, on entend le murmure vésiculaire assez
rapproché de l'oreille. La sonorité à la percussion est exagérée dans
toute l'étendue de la poitrine. En avant il est facile de constater un
retrait de la poitrine du côté malade. Le cœur, un peu moins dévié à
droite, paraît en arrière du sternum.
Le 24 mars, l'enfant est prise de rougeole ; on continue les injections
d'eau tiède tous les jours dans la poitrine, avec une petite quantité de
teinture d'iode (1).
L'enfant, guérie de sa rougeole, reste jusqu'au mois d'août, époque à
laquelle M. Bouchut prend le service de la salle Sainte-Catherine, dans
un état qui change peu.
Son visage, à ce moment, est celui d'un vieillard, tant la maigreur
est grande; ses bras, ses jambes, tout le reste du corps présentent le
même degré d'émaciation. Le côté gauche du thorax sur lequel la ma-
lade reste toujours couchée et comme recoquevillée est très-dispro-
portionné par rapport au côté droit. Les côtes ne forment plus de vous-
sure en avant; elles présentent, au contraire, une surface presque
plane : les espaces intercostaux sont à peine reconnaissables au tou-
cher, sauf le premier et le deuxième qui existent encore ; dans le
sixième se trouve l'ouverture de l'empyème, longue de 2 centimètres
(1) Nous devons la plupart de ces détails à l'extrême obligeance de
M. le docteur J. Simon, médecin des hôpitaux.
144
environ, large de 1 à 2 millimètres et limitée dans ce sens par deux
bords costaux. Il en sort un liquide puriforme séro-caséeux, mélangé
de bulles de gaz fétide. Les lèvres de la plaie sont rougeâtres; d'ailleurs
la peau de la poitrine présente des veines développées sous forme de
cordon bleuâtre à droite et à gauche.
En arrière, le côté gauche est également très-déprimé; la gouttière
vertébrale est creusée profondément. Le plan postérieur est uni au
plan antérieur par un plan latéral très-court et angulaire, tandis qu'à
droite la courbe est plus étendue et régulière.
A la percussion, sonorité tympanique de tout le côté gauche ; sonorité
normale à droite. A l'auscultation, aucun bruit à gauche; murmure
vésiculaire normal à droite, au moins autant que permettent de le per-
cevoir l'indocilité et les cris de la malade.
Le cœur, sous le sternum, bat normalement; mais son choc est faible,
et ses bruits sont clairs et peu intenses. Le pouls est très-petit, assez
fréquent, régulier.
Le foie ne déborde pas les fausses côtes, non plus que la rate, qui
paraît au contraire profondément située. D'ailleurs le ventre est plutôt
rétracté que ballonné, sans taches.
Rien de notable du côté des sens ni du système nerveux; rien non
plus du côté musculaire, à part Témaciation indiquée ; l'appétit est
très-modéré, souvent nul ; la diarrhée assez rare. L'enfant prend de
l'eau vineuse, des bouillons et des potages, quelquefois un peu de
viande.
Chaque jour on répète les injections d'eau iodée; on introduit avec
une sonde en gomme élastique, environ 300 grammes de liquide conte-
nant un dixième de teinture d'iode. Quand la cavité est remplie, l'en-
fant tousse, d'une toux sèche, et se plaint, et quand on retire la canule,
les efforts de la malade font projeter jusque sur le parquet un liquide
purulent mêlé de grumeaux blancs comme du fromage et infects. Ajou-
tons que pour introduire facilement la canule il faut la pousser, non per-
pendiculairement à la paroi thoracique, mais très-obliquement en haut,
entre les deux feuillets de la plèvre, pour ne pas rencontrer la plèvre
viscérale qui empêcherait l'introduction comme cela est arrivé quel-
quefois.
Pendant quelques jours les phénomènes observés n'offrent point de
changement; mais vers le milieu du mois d'août l'appétit cesse, la diar-
rhée survient, la maigreur augmente encore ; le pouls devient dune
fréquence extrême; des sueurs visqueuses se montrent à plusieurs re-
prises ainsi que des frissons répétés; la fétidité du pus s'accroît en
même temps que sa quantité diminue. La malade s'éteint doucement
dans les derniers jours du mois d'août.
J45
Autopsie vingt-quatre heures après la mort.
Cavités thoraciqiies. La cavité droite est normale ; la cavité gauche
considérablement rétrécie est en grande partie libre. En dedans se
trouve une membrane d'un rouge bleuâtre un peu résistante, comme
muqueuse, légèrement convexe sur le milieu, et laissant apercevoir
sous elle et dans son épaisseur des noyaux jaunâtres. Vis-à-vis l'orifice
de la paroi externe, sa surface au lieu d'être lisse et à peu près régu-
lière, offre une plaque à granulations rouges très-volumineuses. Cette
plaque a une étendue d'environ 4 centimètres carrés, et répond exacte-
ment à l'obstacle que l'on rencontrait avec la sonde lorsqu'on faisait
pénétrer celle-ci perpendiculairement à la paroi thoracique. La paroi
externe formée par les côtes et une fausse membrane épaisse qui les
double à leur face interne, mérite une attention toute particulière. La
plèvre costale n'est plus en aucun point reconnaissable. A sa place se
trouve une membrane épaisse, résistante à la coupe, fibreuse d'aspect
et de structure vasculaire, intimement collée contre la face interne des
côtes et confondue dans les espaces intercostaux avec les muscles in-
tercostaux ; elle sert pour ainsi dire de gangue aux vaisseaux et nerfs de
la région. De plus, en certains points elle est mince, et laisse à nu dans
l'étendue de quelques millimètres en arrière et en haut surtout, les
côtes, à leur face interne; partout ailleurs, au contraire, cette mem-
brane a 3 à 5 millimètres d'épaisseur et se présente sous l'aspect de
cordes ou colonnes charnues de troisième ordre du cœur. C'est ainsi
qu'elle forme des bandelettes nombreuses spécialement dans la moitié
postérieure du thorax, allant obliquement de haut en bas et de dehors
en dedans, des côtes supérieures aux côtes inférieures; les colonnes sail-
lantes, représentant mieux encore l'aspect des vessies à colonnes qui
ont été le siège d'un catarrhe chronique, sont composées d'un tissu fi-
breux dur criant sous le scalpel et manifestement vasculaire. On ne trouve
en aucun point de cette paroi, qui menaçait de s'ouvrir en plusieurs en-
droits, des granulations rouges semblables à celles de la paroi interne
avec laquelle elle se continue.
Les côtes, du côté gauche, offrent surtout des particularités intéres-
santes. En effet, outre l'effacement complet des espaces intercostaux à
partir du deuxième, par suite de la rétraction produite par les fibres
fibreuses signalées plus haut; outre l'amoindrissement considérable du
premier et surtout du deuxième espace, les côtes présentent au plus haut
degré, le changement déforme qu'a signalé AL Parise (de Lille), à savoir :
Une forme prismatique, triangulaire dans les deux tiers postérieurs
de leur étendue, à base tournée en arrière, à face inférieure tournée
directement en bas et reposant sur la côte sous-jacente, séparée d'elle
seulement par les vaisseaux et nerfs intercostaux contenus dans une
c. p.. lu
46
gouttière à peine apparente, et d'un volume eux-mêmes peu considéra-
ble; à face supérieure tournée en haut et un peu en avant, et en rap-
port presque immédiat également avec la face inférieure de la côte sus-
jacente. Les angles supérieurs et inférieurs sont presque au contact,
considérés entre deux côtes voisines; à peine serait-il possible de glis-
ser entre eux une mince lame de couteau qui trancherait les faibles
restes des muscles intercostaux. L'angle antérieur à vive arête se perd
dans la paroi membraneuse décrite.
Le tiers antérieur des côtes, au lieu d'être prismatique, triangulaire,
est volumineux également, mais arrondi. Le périoste interne est con-
fondu avec la fausse membrane.
La paroi inférieure de la cavité gauche du thorax est bombée en
haut, et rorifice de l'empyème est à son niveau. Elle est formée par le
diaphragme, refoulé par le foie, la rate et les autres viscères abdominaux.
La cavité pectorale gauche, ainsi formée, pouvait contenir environ
250 grammes de liquide entre les trois parois maintenues ainsi considé-
rablement à distance, malgré une rétraction si notable et une modifica-
tion si profonde dans leurs diverses parties constituantes.
Le poumon droit, à part deux ou trois tubercules moitié jaunes, moi-
tié transparents, du volume d'une lentille et visibles à la surface, ne
mérite pas de fixer l'attention.
Quant au poumon gauche, il faut le chercher en disséquant par der-
rière les organes contenus dans le médiastin postérieur en suivant la
trachée, puis la bronche gauche. C'est alors qu'on aperçoit une masse
charnue d'un rouge un peu foncé, molle, et s'étendant des parties laté-
rales de la colonne vertébrale jusqu'à 2 centimètres environ en dehors
des articulations costo-vertébrales, dans toute l'étendue verticale de la
cavité pleurale gauche. En insufflant par la trachée et la bronche gau-
che, on parvient à soulever cette masse faiblement, mais assez pour se
convaincre de sa perméabilité. En faisant une coupe à la face interne de
la cavité gauche béante du thorax, on tombe également sur le tissu pul-
monaire; mais là, on voit que le tissu lui-même paraît exempt de tuber-
cules; il n'en est plus de même de sa membrane d'enveloppe. En effet,
on aperçoit alors des tubercules assez nombreux et à plusieurs pé-
riodes de développement, pénétrant ici dans le poumon, là dans la
plèvre épaissie; leur volume va jusqu'à celui d'une petite noisette; la
plupart sont gros comme une lentille, une tête d'épingle, et cernés. La
plèvre viscérale a, en moyenne, une épaisseur de 3 à 4 millimètres,
sauf au niveau de la plaque granuleuse que nous avons signalée, où son
épaisseur ne dépasse pas celle d'une pellicule d'oignon.
Les ganglions trachéaux et bronchiques sont développés, jaunes, et
quelques-uns môme remplis d'une matière caséo-calcaire.
147
Les bronches et la trachée n'offrent rien à noter, non plus que le larynx.
Cœur. Derrière le sternum se trouve le péricarde. A part le déplace-
ment qui persiste encore notablement, le péricarde et le cœur parais-
sent dans leur état normal. Les cavités droites contiennent quelques
caillots fibrino-globulaires d'agonie; les cavités gauches sont légèrement
dilatées. En ouvrant le ventricule gauche, au milieu de caillots cruori-
ques, se trouve un caillot adhérent, dioi blanc jaunâtre et entière-
ment fibrineux. Il s'étend depuis le voisinage de la pointe du ventri-
cule jusqu'à la naissance des valvules sigmoïdes de l'aorte, envoyant
d'ailleurs des prolongements analogues à des végétations jusque dans
les cordages de la valvule mitrale.
Lié d'une manière insensible sur la paroi interventriculaire, à laquelle
il adhère dans une étendue de 1 centimètre environ en hauteur à
2 centimètres de la pointe du ventricule, sous forme d'une plaque qui a
2 centimètres et demi de large, ce caillot se prolonge en haut en deve-
nant plus volumineux, moins aplati et libre d'adhérences, et quand il
atteint le niveau de la valvule mitrale, il semble se ramasser, subir un
léger étranglement et reparaître sous forme d'un caillot arrondi, gros
comme une noisette ordinaire, et reposant sur la base des valvules sig-
moïdes de l'aorte. Au niveau de la valvule mitrale, où il acquiert 3 à 4 mil-
limètres d'épaisseur, il projette en arrière des vaisseaux qui vont s'intri-
quer dans lescordages tendineux, etdes masses aplaties que l'on retrouve
sous le bord adhérent de la valvule, entre elle et les parois du cœur.
Il y a même une de ces masses, plus considérable que les autres, qui
fait hernie entre deux cordages et paraît former ainsi un nouveau po-
lype fibrineux d'un blanc grisâtre, pendant dans l'orifice mitral, de la
môme façon que le caillot principal se dresse dans l'orifice aortique. Il
se termine également par une extrémité renflée, grosse comme un pois.
De la base de ce dernier caillot se détache un autre prolongement qui
s'étend jusque dans l'oreillette gauche, et là se termine par un léger
renflement auquel on peut distinguer deux petites cornes.
Tous ces caillots ont la même structure; ils sont composés, comme
tous les caillots de thrombose un peu anciens, de fibrine grenue ; tous
sont ramollis au centre, principalement les deux renflements aortique
et mitral, et ce ramollissement se continuant dans le segment aplati du
ventricule, ce segment est facilement divisible en deux parois secondai-
res, ce qui rappelle assez bien l'aspect d'une capsule surrénale déchirée.
Les parois du cœur, à l'œil nu, ne paraissent point malades, à part
une certaine teinte jaune rougeâtre.
Cavité abdominale. Le tube digestif n a pas été l'objet d'un examen
détaillé ; mais les ganglions mésentériques offraient un volume assez
notable; ils ne paraissaient point tuberculeux.
148
Le foie est de volume à peu près normal; son aspect est jaunâtre,
surtout sous forme d'îlots nombreux mal délimités; on voit à sa surface
d'autres îlots plus petits et d'apparence vitreuse. Sa consistance est
bonne, contrairement à ce que l'on trouve dans les foies purement
gras qui sont mous et flasques. A la coupe cet aspect jaunâtre et vitreux
est bien plus manifeste, et il donne une odeur toute spéciale qu'il est
très-difFicile de comparer à une odeur connue; cette odeur rappelle un
peu celle de la levure de bière.
La vésicule contient une faible quantité de bile d'un vert peu foncé.
La 7-aîc, non augmentée de volume, a une consistance bien plus
ferme encore que le foie; elle a également un aspect tout particulier,
qui se révèle surtout sur une coupe fraîche. On ne saurait mieux la com-
parer qu'à un morceau de filet piqué de distance en distance. En
effet, sur le fond rouge foncé de la rate se détachent des îlots qui res-
semblent à du verre ou mieux à du lard; elle ressemble entièrement à
la raie sagou des Allemands; elle dégage la même odeur que le foie.
Le pancréas paraît sain.
Les reins, mous et jaunâtres, ont un aspect luisant tout particulier ;
ils semblent frappés d'une dégénérescence graisseuse avancée.
Cavité crânienne. Le cerveau, à part une congestion prononcée des
centres et de la surface, ne présente point de lésion remarquable; il
laisse écouler une quantité notable de liquide de ses ventricules, comme
il s'en était écoulé après l'incisien des membranes. La moelle allongée
ne paraît point malade. Il en est de môme de la pie-mère et de l'arach-
noïde, au moins pour son feuillet viscéral.
La dure-mère mérite une étude plus approfondie. En l'enlevant, il
semble que sa face externe se détache des os du crâne comme la sub-
stance charnue de la pêche se sépare du noyau. La face interne du
crâne est creusée de sillons très-profonds, intéressant toute la table in-
terne, et faisant de celle-ci des aiguilles osseuses; ces sillons sont dé-
veloppés sur toute la calotte du crâne; il n'en existe presque pas à la
base. Ils paraissent d'autant plus nombreux et profonds, que les vais-
seaux de la dure-mère sont eux-mêmes plus volumineux. Ainsi, c'est
sur les pariétaux, de chaque côté et symétriquement, qu'on les trouve
très-contluents, principalement sur les nervures dites de la feuille de
figuier. De son côté, la dure-mère présente à sa surface externe des
produits de nouvelle formation, gélatino-vasculaires, disposés sous
forme de saillies correspondant exactement aux sillons signalés plus
haut. Quelques-unes de ces saillies sont en grande partie déchirées,
parce que leurs arêtes sont restées au fond des sillons sous forme d'une
pulpe semi-transparente, rougeâtre et adhérente qu'on parvient facile-
ment à enlever avec une pointe d'aiguille promenée entre les engre-
140
nages osseux; on y distingue des vaisseaux à l'œil nu, Cello couche
externe, sous forme de nappes arborescentes, a de 1 à 2 millimètres
d'épaisseur; il est facile de la décoller de la dure-mère, à laquelle elle
est cependant unie par de légers tractus d'apparence fibreuse.
La face interne de la dure-mère montre les mêmes particularités ;
fausses membranes organisées développées symétriquement et parallè-
lement à celles de la face externe, avec celte différence qu'elles sont
lisses parce qu'elles sont en rapport avec la cavité arachnoïdienne.
La dure-mère ne semble pas épaissie, mais ses vaisseaux sont deve-
nus très-apparents.
Examen iiistologique, fait en collaboration avec mon collègue et ami
M. Hayem. — La rate^ dont la dégénérescence dite amyloïde était très-
avancée, n'a pas été soumise à l'examen microscopique; mais son ana-
lyse chimique, faite d'après le procédé deFriedreich etKékulé, a donné
5 p. 100 de substance amyloïde, soit 10 p. 100 de substance impure,
ressemblant assez bien à une farine un peu grossière.
Sur les coupes du foie, on constate une dégénérescence amyloïde de
la paroi de tous les capillaires; leur ensemble forme un système de tra-
bécules transparentes, séparant d'une façon qui rappelle bien les mailles
vasculaires du foie, les réseaux des cellules hépatiques. Le long de ces
vaisseaux, on peut voir les noyaux brillants des capillaires. Les cellules
sont pour la plupart tassées, plutôt atrophiées que grosses, et remplies
de granulations pigmentaires et graisseuses. L'emploi du réactif chloro-
iodé de Busk, en rendant les mailles des capillaires moins transparentes
par la coloration jaune rougeâtre que prend la matière amyloïde, donne
une idée beaucoup plus nette de la lésion. Quelques capillaires coupés
transversalement laissent voir la manière dont l'infiltration amyloïde se
fait dans l'épaisseur même de leur membrane interne. On voit en effet
un anneau amyloïde vitreux, circonscrit extérieurement par les noyaux
du capillaire et offrant à son centre une lumière très-rétrécie. Ces lé-
sions expliquent bien l'aspect particulier cireux et anémique que l'or-
gane offrait à l'œil nu.
La dégénérescence amyloïde des reins, qui, à la simple vue, pouvait
être douteuse, est parfaitement dévoilée par l'étude microscopique.
Elle porte, non-seulement sur les capillaires du rein, mais aussi sur les
canalicules urinifères eux-mêmes, et les préparations offrent l'aspect
représenté et décrit dans le mémoire de M. Hayem [Soc. de biologie,
26 mai 1865), mais à un degré un peu moins avancé.
Dans le tissu cellulaire interstitiel, on voit aussi sur les figures 1 et 2
du même Mémoire une augmentation des noyaux, et les cellules épi-
théliales sont pour la plupart comprimées, tassées et en dégénération
graisseuse.
150
D'ailleurs l'altération est générale, et porte aussi bien sur la sub-
stance corticale que sur les pyramides.
Dans le tissu musculaire du cœur, on constate également une dégé-
nérescence amyloïde très-avancée, surtout dans les points où le caillot
adhère à la paroi ventriculaire gauche. Dans les préparations où la dé-
générescence amyloïde est peu prononcée, le sarcolemme semble
épaissi et vitreux, mais il laisse voir par transparence la striation des
fibres musculaires. Après l'emploi du réactif iodé, la striation disparaît
complètement, et l'altération devient plus évidente; chaque fibre mus-
culaire, plus grosse qu'à l'état normal, apparaît comme une sorte de
cylindre vitreux, plein, fendillé, ou plutôt comme ondulé.
Dans les points où la dégénérescence est très-avancée, la substance
amyloïde semble siéger partout; les fibres musculaires sont deux ou
trois fois plus larges qu'à l'état normal, le sarcolemme semble rempli
par une matière vitreuse et comme nébuleuse qui masque la striation,
et le tissu conjonctif interfibrillaire présente aussi un aspect spécial dû
à des espèces de fentes ou fissures. Les vaisseaux ont subi aussi la dé-
générescence amyloïde.
Différentes préparations du tissu du cœur donnent la conviction que
les fibres musculaires de cet organe peuvent subir une dégénérescence
amyloïde plus ou moins avancée, que celle-ci siège non-seulement dans
les vaisseaux, le tissu conjonctif interfibrillaire, mais aussi dans la fibre
elle-même. Dans ce dernier élément, c'est à la surface interne du sar-
colemme, ou dans l'épaisseur même de celui-ci, que se fait l'infiltration
de substance amyloïde, et le processus pathologique est tout à fait ana-
logue à celui qui se passe dans les canalicules urinifères, dans la dégé-
nérescence amyloïde des reins. (Voir loco cilato.) La fibre musculaire
ainsi dégénérée se fend et se casse facilement; et la manière dont la
substance amyloïde est pour ainsi dire concrétée autour de l'élément
contractile du muscle, dans l'enveloppe propre de la fibre, doit faire
conclure à la perte de la contractilité dans les parties dégénérées. Les
séreuses du cœur, le péricarde et l'endocarde présentaient en certains
points la même altération et le même aspect que ceux que nous allons
décrire dans la dure-mère.
Celle-ci présente dans toute son épaisseurune infiltration amyloïde que
l'on constate très-bien sur des coupes perpendiculaires à la surface. La
substance amyloïde donne en effet à ces préparations un aspect vitreux
spécial, de telle sorte que les corpuscules de tissu conjonctif et les
bandelettes de tissu fibreux semblent comme gravés sur verre. Il est
évident que cette altération donne une explication très-satisfaisante de
la production des néo-membranes développées à la fois à la face interne
et à la face externe de la dure-mère.
151
L'os pariétal n'a pas ott'ert au microscope d'altération particulière.
On y trouve une simple disparition, en beaucoup de points, du tissu
compacte de la face interne, et en grattant dans le fond des sillons,
on en extrait des éléments de la moelle osseuse sans altération.
Quant aux fausses membranes externes ou internes, ce sont de vraies
néo-membranes. Elles sont composées d'éléments évidents d'organisa-
tion, tels que : noyaux embryoplastiques, corps fusiformes, vaisseaux
capillaires de dimensions considérables, et petits foyers d'extravasations
sanguines caractérisés par des globules de sang altérés, ou de la matière
colorante du sang, mais sans forme cristalline.
Le diaphragme et les muscles intercostaux du côté gauche avaient
subi la dégénérescence granulo-graisseuse.
En résumé, cette observation nous montre un enfant de 5 ans, suc-
combant par le fait d'une pleurésie purulente, et présentant dans un
grand nombre d'organes des altérations diverses, telles que caillot
fibrineux ancien du cœur gauche, néo-membranes externes et internes
de la dure-mère, avec altération des os, aspect particulier de la rate,
du foie, etc.
Ces lésions, au premier abord, paraissent difficiles à comprendre :
mais, à l'aide de l'étude histologique, il devient à peu près certain que
les actes morbides ont suivi la filiation suivante :
Pleurésie chronique; cachexie consécutive; dégénérescence amy-
loïde de la plupart des organes, consécutivement à cette cachexie ; for-
mation de néo-membranes sur la dure-mère, par suite de la dégéné-
rescence de la membrane, bien que, jusqu'ici, on n'ait pas démontré
nettement cette dégénérescence dans les tissus fibreux, mais ici elle
était évidente; formation enfin d'un caillot déjà ancien dans le ventri-
Èule gauche, par suite encore de la dégénérescence amyloïde des pa-
rois du cœur. Cette dernière opinion est d'autant plus admissible que
les coagulations du cœur gauche sont toujours liées à une altération de
l'endocarde, et en particulier à la dégénérescence athéromateuse et
calcaire. Ce fait, qui aurait pu au premier abord paraître singulier, entre
donc dans la loi générale du mode de formation des concrétions fibri-
neuses du cœur, et c'est sans doute pour la première fois que l'on in-
dique la dégénérescence amyloïde comme point de départ de cette
formation.
C'est donc un fait de plus à joindre à un grand nombre d'autres,
et l'on comprend l'importance qu'il faut attacher à de pareilles lésions
quand on les voit se développer simultanément sur un si grand nombre
d'organes à la fois ; quand on voit surtout, comme dans le cas précé-
dent, jusqu'à quel point il faut compter avec elles.
152
il. — Patholocie comparée.
1» Expériences sim une maladie septique de la yache regardée a tort comme
DE NATURE CnARBONNEUSE ; par M. C. DavAINE.
M. Davaine communique à la Société le résultat de plusieurs expé-
riences faites en vue d'élucider la question de la présence constante
des bactéridies dans les maladies charbonneuses. Cette question a été
soulevée par MM. les docteurs Leplatet Jaillard dans un mémoire qu'ils
ont présenté le 14 août à l'Académie des sciences. Ces expérimen-
tateurs s'appuyaient sur de nombreuses inoculations pratiquées à des
lapins avec le sang d'une vache morte, croyait-on, du charbon, pour
infirmer les résultats auxquels M. Davaine était arrivé par l'inoculation
de la maladie charbonneuse du mouton, maladie désignée sous le nom
de sa7ig de rate.
MM. .laillard et Leplat, en présence de MM. Pasteur et Claude Ber-
nard, ont mis sous les yeux de M. Davaine un lapin mort à la suite de
l'une de leurs inoculations. Un examen attentif et minutieux n'a pu
démontrer l'existence des bactéridies dans le sang de cet animal ; mais
cet examen a révélé à M. Davaine des différences très-notables entre
la maladie et l'état de certains organes dans ce cas, et la maladie et
l'état de ces organes dans le charbon. Ces différences l'ont porté à
croire que l'on avait affaire à une affection d'une autre nature que ne
l'avaient pensé MM. Leplat et Jaillard.
Le lapin dont il s'agit, inoculé de la veille, était mort depuis quelques
heures seulement, et déjà il était en pleine putréfaction. Or les lapins
auxquels a été inoculé le véritable sang de rate ne succombent en
moyenne qu'après quarante-trois heures; la putréfaction ne se déclare
chez eux habituellement, par une chaleur moyenne, qu'au bout de deux
jours. En second lieu, la rate de ce lapin n'était point volumineuse, et
ne présentait pas, en conséquence, le caractère physique essentiel qui
a suggéré la désignation de la maladie.
Le foie était également normal dans son aspect comme dans son vo-
lume.
Enfin le sang présentait sous le microscope des caractères essentiel-
lement différents de ceux qui appartiennent au sang véritablement char-
bonneux, et que nous avons décrits dès 1850. Dans ce dernier cas, en
effet, on voit les globules se séparer du sérum, s'agglutiner, et former
comme un archipel, dont les interstices sont remplis par des bactéri-
dies. Rien de semblable n'existait dans le cas présent; les globules
étaient indépendants les uns des autres, et entre eux n'étaient pas inter-
ceptés des espaces clairs.
M. Davaine ne s'en est pas tenu à ces observations résultant d'une
153
expérience qui n'était point de son propre iait: il a inoculé le sang pré-
cédemment examiné à des cobayes, à des lapins et à des rats. Or ces
animaux inoculés le matin avaient presque tous succombé à minuit,
c'est-à-dire en un espace de temps beaucoup moindre que celui dans le-
quel meurent les animaux inoculés avec le véritable sang de rate; ils
ont présenté en outre, avant de succomber, des symptômes différents
de ceux que l'on o^iserve chez ces derniers : tandis que les lapins qui
sont sous Tinfluence de Tinoculation charbonneuse mangent, marchent
et se comportent, en un mot, comme si leur santé et leur économie n'a-
vaient reçu aucune atteinte, presque jusqu'à la dernière heure ceux dont
il s'agit dans le cas actuel refusent en général tout aliment quelques
heures après avoir été inoculés, répugnent aux mouvements et restent
sur le ventre jusqu'à la mort. Enfin l'examen cadavérique chez tous ces
animaux a fourni des caractères identiques à ceux que nous avons déjà
signalés, savoir : putréfaction très-rapide ; rate et foie normaux ; sang
privé de bactéridies et ne présentant point dans ses éléments l'aspect
histologique caractéristique du vrai sang de rate, etc. Ajoutons à cela
qu"un lapin, qui vivait en compagnie des animaux inoculés avec le sang
septique, est mort quelques jours après sans avoir subi d'inoculation.
Une goutte de son sang insérée sous la peau d'un autre lapin a déter-
miné sa mort en quinze heures. L'état de la rate, du foie et du sang
chez ces deux lapins était identique à celui des autres.
Il résulte clairement de tout ce qui précède que la maladie provenant
do la vache et inoculée par MM. Jaillard et Leplat, diffère essentielle-
ment de la maladie du sang de rate : 1° par la durée de l'incubation ;
2° par les symptômes ; 3° par la rapidité de la putréfaction du cadavre;
4° par l'état du foie et delà rate; 5" parla constitution du sang; 6" par
la faculté de contagion plus grande.
Mais il existe encore un autre caractère distinctif qui tranche com-
plètement la question, c'est l'inoculation aux oiseaux de la maladie ori-
ginaire de la vache. M. Davaine a inoculé deux poulets et quatre moi-
neaux qui sont tous morts dans l'espace dune journée; or le sang de
rate ne se communique pas à ces animaux.
Les conclusions de MM. Jaillard et Leplat, relatives à l'absence des
bactéridies dans les maladies charbonneuses, au moins dans celles du
sang de rate et de la pustule maligne, ne sont donc pas fondées.
Nous ne pouvons que remercier ces messieurs, ajoute M. Davaine, de
nous avoir fourni l'occasion de montrer expérimentalement l'existence
chez la vache d'une maladie inconnue jusqu'ici dans sa nature et autre
que la maladie charbonneuse.
^o^^.
^c'^
■^
'Al *^ V
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
r r
LA SOCIETË DE BIOLOGIE
pendant le mois de septembre 1865;
Par m. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire.
PRESIDEKE DE M. RAIER.
^ I, — Chimie organique.
Action de l'acide phénique sur le curare et la strychnine
EN DISSOLUTION ; par M. Paul Bert.
Lorsque ron agite une dissolution aqueuse de curare avec quelques
gouttes d'acide phénique, elle se transforme en une espèce d'émulsion
d'apparence laiteuse et à globules très-fins. Si l'on injecte sous la peau
d'un Lapin une quantité de cette émulsion correspondant à une dose
toxique de curare, on n'obtient aucun effet, lors même que cette dose
eût été assez forte pour donner la mort.
Est-ce à dire que l'acide phénique ait détruit le curare? Non, car si
l'on traite cette émulsion par l'éther qui enlève l'acide phénique, la
liqueur limpide qu'on obtent reprend ses propriétés toxiques.
Est-ce que l'acide phénique introduit dans l'organisme en même temps
que le curare, neutralise l'effet do ce poison? Pas davantage, car si l'on
156
phénique un animal soit par la voie hypodermique, soit par l'estomac,
le curare avec lequel on l'empoisonne ensuite ne perd rien de son éner-
gie. Bien mieux, les effets de l'acide phénique et du curare se super-
posent et s'ajoutent pour produire la mort, si bien que sur l'animal pa-
ralysé parle curare s'observent encore les trépidations, les convulsions
locales d'origine probablement musculaire qui caractérisent l'empoi-
sonnement phénique.
Revenons à notre éraulsion ; si nous la filtrons dans un filtre très-fin,
nous obtenons une liqueur limpide : celle-ci, traitée par l'éther, ne
présente aucune propriété toxique. Mais il en est autrement de la par-
tie restée sur le filtre, car étant desséchée avec précaution, elle pré-
sente les réactions physiologiques caractéristiques du curare.
L'acide phénique met donc le curare d'une dissolution aqueuse en
suspension sous forme d'émulsion, sans le détruire. De plus, il s'oppose
à son absorption par le tissu cellulaire sous-cutané, ou du moins la
ralentit tellement qu'il ne se trouve jamais à la fois dans l'organisme
assez de poison pour que l'action en soit manifeste.
Ce n'est pas seulement sur le' curare que l'acide phénique agit de
cette manière. Si l'on prend une solution de chlorydrate de strychnine,
on obtient de même une émulsion dont la partie liquide séparée par le
filtre et débarassée de l'acide phénique à l'aide de l'éther, est parfaite-
ment inoffensive. Mais une quantité de cette émulsion correspondant à
O^^OOî de chlorhydate de strychnine, étant injectée sous la peau d'un
Lapin, ne lui donne qu'après quinze minutes des accidents sans gra-
vité ; tandis que 0^%0015 du même sel suffisent toujours à tuer un Lapin
en manifestant leurs effets après sept ou huit minutes au plus.
L'acide phénique ralentit donc l'absorption de certains poisons, soit
par son action directe sur les tissus, soit par l'état j^rculier sous lequel
il les met. Peut-être ce dernier fait pourra-t-il faciliter, pour les chi-
mistes, la séparation de certains principes toxiques.
II. — Anatomie.
Atrophie congéniale de l'ovaire chez une poule ; principe du balancement
DES ORGANES ; par M. C. Da vaine.
Une dame qui se plaît aux soins de sa basse-cour, avait remarqué
que l'une de ses poules, âgée de 13 à 14 mois, n'avait jamais pondu, et
qu'elle n'avait jamais été recherchée par le coq; d'un autre côté cette
])0ule n'avait jamais chanté le coq et ne cherchait point à en jouer le
rôle à l'égard de ses compagnes. Vivant en bonne intelligence avec les
volatiles de son espèce, elle n'était point agressive, ni battue. Ces par-
157
ticularités attirèrent l'attention du fils de cette dame, homme fort in-
struit, qui voulut bien prendre la peine d'en constater l'exactitude, et
qui m'ofl'rit de rechercher dans les organes de la poule la raison de cette
nullité sexuelle apparente.
Cette poule était grande et forte pour son espèce; elle n'avait rien au
premier aspect qui ne fût en rapport avec les attributs de son sexe;
peut-être les plumes du col étaient-elles plus longues et plus soyeuses
que d'ordinaire, rappelant celles du chapon. Les ergots étaient très-dé-
veloppés, ayant 1 centim. 25 de longueur et 1 centimètre d'épaisseur à
la base.
L'examen des organes internes montra l'absence complète de testi-
cules. Dans le côté gauche de l'abdomen, à la place correspondante à
l'ovaire, existait, sur la partie antérieure et interne du rein, un petit
corps jaunâtre, ayant la forme d'une languette aplatie et triangulaire.
11 avait 3 centimètres de longueur, 1 centimètre de largeur à la base et
1 ou 2 millimètres d'épaisseur. La surface était comme chagrinée et ne
ressemblait nullement à la grappe ovarienne des gallinacés. L'oviducte
du même côté était peu développé et ne contenait rien qu'une petite
quantité de substance muqueuse. Je ne puis dire cependant qu'il fût
atrophié ; peut-être représentait-il l'état normal hors l'époque du rut.
Malgré des recherches multipliées, je ne pus trouver son orifice dans le
cloaque.
Suivant l'état naturel, l'ovaire droit n'existait pas, et l'oviducte du
même côté était à l'état rudimentaire.
L'examen microscopique du corps jaunâtre situé sur le rein gauche
ne fit découvrir aucun ovule, aucune vésicule germinative. Ce corps se
composait d'une trame de tissu cellulaire infiltrée de granulations mo-
léculaires et graisseuses, qui pouvaient rappeler jusqu'à un certain point
une substance vitelline altérée.
Par sa situation, par sa couleur, par l'aspect de sa surface légèrement
mamelonnée, ce corps était évidemment l'ovaire, mais un ovaire atrophié
et incapable de remplir les fonctions dévolues à cet organe. A quelle
époque remontait cette atrophie? Si l'on considère le jeune âge de la
poule, l'absence de toute lésion des organes de l'abdomen, de toute trace
d'inflammation ou d'une altération quelconque récente ou ancienne, ce
dont j'ai fait la recherche avec soin, il sera évident que celte atrophie
était congéniale ou qu'elle s'était produite à une époque très-rapprochée
de la naissance. Cette atrophie de l'ovaire devait donc avoir produit
sur le développement des organes de la poule le mC'me effet que son
absence totale.
L'absence des organes sexuels détermine chez le mâle, dans les ani-
maux en général, des modifications connues de tout le monde ; chez la
■158
femelle ces modifications ne sont pas moins remarquables, quoiqu'elles
soient moins bien connues. Dans le premier cas, les modifications que
ranimai éprouve le rapprochent du type de la femelle ; dans le second
cas elles sont empruntées aux caractères du mâle : « C'est surtout chez
« les femelles des oiseaux, dit Isid. Geoffroy-Saint-IIilaire, et notam-
« ment dans quelques genres de gallinacés, que ces développements
« anormaux, qui tendent à rendre les femelles plus semblables aux
« mâles, se présentent portées au plus haut degré. Lorsque l'âge amène
« la cessation des pontes, ou lorsqu'une maladie de l'organe sexuel, et
« spécialement de l'ovaire, rend une femelle stérile avant le temps, il
« arrive fréquemment, chez les poules et les femelles de faisans, que le
« plumage revête peu à peu les couleurs et prenne le développement
« caractéristique du sexe mâle. En même temps, il n'est pas rare que
« les ^gots se produisent; les crêtes ou les membranes circumorbi-
« taires se développent. Il y a plus : la voix change et les habitudes
« deviennent plus ou moins semblables à celles des mâles. » {Traité
de tératologie^ part. III. Hermaphrodisme.) Nous avons, en effet, re-
marqué dans notre poule, quoique jeune encore, un grand développe-
ment des ergots.
Une autre circonstance qui mérite d'être remarquée dans notre cas,
c'est l'indifférence du coq à l'égard de cette poule. On connaît, dans
beaucoup d'animaux, l'influence provocatrice qu'a sur le mâle le rut de
la femelle, et le rut est déterminé par une condition particulière de
l'ovaire qui porte la femelle même à se rapprocher du mâle. Les poules,
au contraire, semblent indifférentes et passives dans le rapprochement
sexuel, rapprochement qui paraît provoqué par l'ardeur seule du coq.
Mais il y a évidemment chez ces oiseaux, comme chez d'autres ani-
maux, un appel au mâle déterminé par l'évolution naturelle de l'ovaire ;
c'est ce que prouve l'histoire de notre poule.
Je terminerai ces remarques par quelques considérations d'un ordre
plus élevé en rappelant une de ces théories de philosophie anatomique
qui ont eu le privilège d'agiter le monde scientifique au commencement
de notre siècle. Il s'agit du principe du balancement des organes. Ce
principe, mis en lumière comme celui des connexions, celui d'unité de
composition, par notre illustre naturaliste Etienne Geoffroy-Saint-Hi-
laire, a été résumé d'une manière pittoresque par Goethe dans son mé-
moire sur la discussion de Geoifroy Saint-Hilaire et de Cuvier. Voici
comment s'exprime le grand poëte-naturaliste : « La nature, comme
doit le faire un bon administrateur, s'est fixé une certaine somme à
dépenser, un certain budget; elle se réserve un droit absolu de vire-
ment d'un chapitre à un autre, mais elle ne dépasse jamais dans les dé-
penses le total fixé. Si elle a trop dépensé d'un côté, elle fait ailleurs
159
une économie égale, et toujours elle arrive à une balance en équilibre
parfait. » (Trad. par Ch. Martins.)
Il y a là une grande vue qui séduit l'esprit et qu'on s'empresse d'ac-
cueillir on tant qu'elle considère l'ensemble des organismes animaux, la
série zoologique ; mais en est-il de môme lorsque ce principe veut s'ap-
pliquer à la pathologie, à la tératologie, c'est-à-dire lorsqu'il descend
des grandes catégories de la nature pour s'introduire dans le particulier,
dans l'individu? En effet, les cas en pathologie, en tératologie même,
sont tous plus ou moins particuliers, plus ou moins spéciaux. D'abord
ce balancement entre deux organes dont l'un est augmenté de volume,
l'autre amoindri, ne s'observe en pathologie que sur des organes simi-
laires. Et la tératologie n'est-elle pas le plus souvent l'héritière de la
pathologie? Si l'on a cité des cas dans lesquels deux organes de fonc-
tions différentes se sont trouvés, l'un diminué, l'autre augmenté de vo-
lume, comme le rein et la capsule surrénale, assurément ce sont là des
cas purement accidentels et trop rares pour qu'on puisse aujourd'hui
en tirer des arguments. Il n'en est pas de môme des organes similaires;
les exemples d'une opposition de volume entre eux, d'une sorte de ba-
lancement sont très-communs. Mais lorsqu'un organe s'atrophie patholo-
giquement et que son congénère acquiert un volume plus considérable,
ce n'est point par l'action de cette grande loi naturelle des balancements
organiques que la compensation se produit; c'est parce que l'organe
resté sain est appelé à une activité plus grande, à un travail plus consi-
dérable : le poumon qui prend de l'amplitude lorsque son congénère
comprimé a perdu ses fonctions, le rein qui s'hypertrophie dans des
conditions analogues sont dans le cas du muscle auquel on donne un
exercice inaccoutumé et qui devient prédominant; or le muscle homo-
logue ne perct rien pour cela de son volume et de sa force. C'est donc
une loi purement physiologique qui intervient ici; en effet, lorsque l'ac-
tion de l'organisme de l'individu n'est plus en jeu et n'impose plus un
travail nécessaire à sa conservation, l'organe livré à lui-même, c'est-à-
dire aux seules lois de la nature, reste dans une indifférence complète à
l'égard de celle des compensations.
C'est le cas des organes génitaux qui ne sont nullement gouvernés
par l'individualité qui les porte et ne lui sont pas nécessaires. Dans le
jeune âge, en effet, dans la vieillesse ils sont inactifs, et chez beaucoup
d'animaux, hors l'époque du rut, ils n'existent point même rudimen-
taires. L'appareil de la génération se développe et s'atrophie suivant
des lois indépendantes de l'organisme auquel il est annexé.
D'après ces considérations, j'ai pensé que les organes génitaux peuvent
donner le moyen de vérifier expérimentalement la loi du balancement
des organes en tant que cette loi s'applique à la pathologie ou bien à la
160
tératologie. On sait que chez beaucoup d'oiseaux adultes l'ovaire droit
est atrophié ou manque complètement; or j'avais eu le projet d'enlever
à des poules très-jeunes l'ovaire gauche afin devoir si le droit prendrait
du développement. Cette expérience, que le temps et les circonstances
ne m'avaient pas encore permis de faire, se trouve réalisée naturelle-
ment chez la poule dont j'ai rapporté l'histoire.
On peut dire qu'un fait unique n"a pas grande valeur. Je ne veux pas
le contester; mais le fait dont il est ici question se trouvera considéra-
blement multiplié, si Ton examine au même point de vue l'organisme mâle.
Assez fréquemment les médecins voient l'un des testicules profondé-
ment altéré ou détruit, ou bien atrophié, les chirurgiens font l'ablation
de cet organe; dans l'un et l'autre cas on n'observe pas consécutivement
un plus grand développement de l'organe restant. J'ai fait, pour m'en
assurer d^ine manière positive, des recherches dans un grand nombre
d'ouvrages qui traitent des affections des organes de la génération; or, ni
dans les considérations générales sur ces maladies, ni dans les observa-
tions particulières, il n'est question d'une augmentation de volume de
l'un des testicules consécutive à l'atrophie, à la destruction ou à l'ablation
de l'autre. Souvent, il est vrai, l'ablation se pratique à une époque de
la vie dans laquelle ces organes ont perdu leur activité, mais il n'en est
pas toujours ainsi; quant à l'atrophie, quant aux affections qui entraî-
nent la perte de l'organe sans compromettre la vie du malade, on les
observe plus communément dans le jeune âge.
L'examen de certaines anomalies des organes de la génération (lamo-
norchidie, la cryptorchidie) conduit aux mêmes résultats r MM. Follin
et Goubaux ont fait une étude particulière de ces anomalies chez les
animaux {Mém. Soc. biologie, 1855). M. Godard, dont la science et no-
tre Société regrettent la perte prématurée, a fait un travail non moins
étendu sur ces anomalies chez l'homme {Mém. Soc. biologie, 18aC). Dans
ces mémoires, où sont consignés un grand nombre de faits particuliers,
on peut voir que l'absence, que l'atrophie ou l'altération profonde de l'un
des testicules n'apporte point de changement dans l'état naturel de son
congénère (1).
(1) Sédillot a parlé d'un homme qui avait un seul testicule, dont le
volume était double du volume ordinaire; mais il y avait, suivant cet
observateur, une fusion des deux testicules; on pouvait y reconnaître
deux épididymes et deux cordons spermatiques (Dict. des se. méd., art.
Testicules). Virey, à l'article £M?u«/Me du même dictionnaire, dit : «Les
« individus monorchides ne sont pas efféminés pour cela; l'organe exis-
« tant se trouve alors plus gros et peut faire les fonctions de deux. »
C'est une assertion que l'auteur ne justifie par aucun fait.
ICI
D'après tous ces faits, auxquels on en pourrait ajouter d'autres si
l'on étudiait la mamelle au même point de vue, il est clair que pour
l'appareil de la génération, la loi des balancements organiques n'existe
pas, en tant qu'elle s'appliquerait à la pathologie et même à la térato-
logie. Si cette loi semble gouverner les autres organes, c'est que, sans
doute, la condition physiologique dont nous avons parlé a donné lieu à
une méprise.
III. — ÂNATOMIE PATHOLOGIQUE.
1° Membrane MUQUEUSE utérine semblable a une caduque expulsée pendant
LA menstruation; par M. le docteur C. Davaine.
M. Davaine met sous les yeux de la Société un corps charnu expulsé
de la matrice d'une femme, lequel par sa forme, par sa couleur, son
apparence et sa constitution, pourrait être pris pour la caduque d'un
œuf abortif ; cependant ce corps n'offre dans son intérieur aucune trace
d'un produit de conception. C'est évidemment une de ces membranes
qui sont quelquefois expulsées dans la dysménorrhée; ce qui est sur-
tout remarquable dans celle que présente M. Davaine, c'est son intégrité
parfaite.
Ce corps a la forme de la cavité utérine; il est aplati, triangulaire,
long de 5 centimètres 1/2, et large de 5 centimètres à la base. L'angle
opposé à cette base, et qui correspondait au col de la matrice, est percé
d'une petite ouverture arrondie; les deux autres angles sont surmontés
d'un prolongement tubuleux, l'un ayant 1 centimètre, et l'autre 5 mil-
limètres emiron de longueur. Ces deux prolongements proviennent
évidemment des trompes utérines; ils sont l'un et l'autre percés d'une
petite ouverture à leur sommet. Un stylet introduit par les trois ouver-
tures arrive facilement dans une cavité située à l'extérieur du corps
charnu. Ce corps, incisé sur l'une de ses faces, laisse voir, en effet, une
cavité centrale triangulaire, comme celle de l'utérus, et, comme elle,
communiquant avec l'extérieur par ses trois angles. La surface do cette
cavité est lisse, tomenteuse et colorée par une couche très-mince d'un
sang noirâtre; elle ne renferme aucun rudiment d'embryon, aucune
trace de membranes embryonnaires. Des coupes pratiquées dans l'é-
paisseur des parois n'en montrent pas davantage.
Le tissu de ce corps, dont l'apparence est celle d'une caduque, exa-
miné au microscope, s'est trouvé constitué par les éléments de la mu-
queuse utérine. Le résultat de cet examen, la forme du corps charnu,
sa cavité centrale et les ouvertures de ses trois angles, ne permettent
pas de méconnaître une membrane muqueuse utérine provenant, comme
une caduque, de l'exfoliation de la surface interne de la matrice.
c. R. 11
162
La femme qui a rendu cette sorte de caduque est mariée, âgée de
25 ans environ, chlorotique, et sujette à des irrégularités fréquentes
dans ses règles. A l'époque menstruelle du mois d'août, celles-ci ayant
manqué, il survint quelques jours après du malaise et des douleurs ab-
dominales. Huit jours environ avant l'époque menstruelle de septembre,
ces douleurs devinrent plus vives, principalement du côté droit, et se
propagèrent dans l'aine et à la cuisse du même côté, ayant l'apparence
de névralgie. Enfin, le corps en question fut expulsé à l'époque des
règles avec une quantité médiocre de sang et après quelques douleurs de
reins. L'hémorrhagie ne fut pas beaucoup plus abondante qu'elle ne
l'était quelquefois pour des menstrues ordinaires, et au bout de trois
jours tout était rentré dans l'ordre.
M. Davaine rappelle que dans les premières années de la fondation
de la Société de biologie, plusieurs de ses membres s'occupèrent de la
constitution histologique de ces membranes caduques qui ne parais-
saient point être un produit de la conception, mais une simple exfolia-^
tion de la muqueuse utérine en rapport avec le travail menstruel.
On sait qu'à cette époque M. Coste venait d'émettre sur la formation
de la caduque une théorie qui parut singulière d'abord, mais qui fut
bientôt pleinement confirmée, à savoir que la caduque est la mem-
brane muqueuse de l'utérus même ; d'un autre côté, la théorie de l'ovu-
lation menstruelle était également toute nouvelle. De là deux questions
que se posèrent les membres de la Société ; ces sortes de caduques
sont-elles le produit de l'cxfoliation de la membrane muqueuse, ou ne
sont-elles que des pseudo-membranes? Sont-elles en rapport avec l'acte
de la menstruation, et se reproduisent-elles à chaque époque comme
cette fonction même?
M. Follin ayant fait l'examen histologique d'une membrane presque
de tous points semblable à celle qui est actuellement sous les yeux de
la Société, put y constater la structure de la muqueuse utérine et dé-
terminer ainsi sa nature {Compt. rend, de la Soc. de bioL, 1. 1, p. 191,
1849). M. Lebert, dans un autre cas, arriva aux mêmes conclusions
(recueil cité, t. II, p. 73, 1850). Enfin MM. Dutard et Laboulbène, obser-
vèrentun nouveau fait qui paraît en rapport avec les précédents (recueil
cité, t. II, p. 161, 1850). Quanta la reproduction périodique de ces
sortes de caduques, dont l'idée première appartient à M. Pouchet, l'ob-
servation des faits ne l'a point confirmée.
M. Blot s'est occupé aussi de déterminer la nature de ces membranes;
on sait que notre savant collègue a apporté le tribut de ses recherches à
la confirmation de la découverte de M. Coste, et qu'il a appliqué l'in-
sufflation par les trompes à la démonstration de l'existence constante
d'une communication entre ces conduits et la membrane caduque.
163
M, Blot adopta pleinement l'opinion de l'exfoliation de la muqueuse
utérine dans certains cas de dysménorrhée, sans fécondation préalable.
Il appela particulièrement l'attention sur l'importance d'une détermina-
tion exacte de la nature de ces sortes de caduques, qui pourraient oc-
casionner quelquefois une méprise préjudiciable à la considération d'une
jeune fille ou d'une femme.
Des corps semblables expulsés avec des règles difficiles ou irrégu-
lières ont été observés anciennement ; mais jusque dans ces derniers
temps, leur nature était restée inconnue. Los pathologistes s'étaient oc-
cupés surtout des douleurs ou des accidents qui accompagnent leur
expulsion, et le nom de dysménorrhée membraneuse fut donné à cet
état menstruel douloureux et anormal. Simpson, le premier, émit l'opi-
nion que les membranes rendues dans cette forme de la dysménorrhée
ne sont point, comme on le croyait alors, des pseudo-membranes sem-
blables à celles du croup, mais qu'elles sont des membranes de môme
nature que la caduque. Cette assertion du savant accoucheur d'Edim-
bourg, appuyée sur des raisons plausibles, fut confirmée par les recher-
ches histologiques des membres de la Société de biologie cités ci-
dessus.
Le docteur Semelaigne, dans sa thèse inaugurale {De La dysménor-
rhée membraneuse et de la membrane dysménorrhéale^ Paris, 1851),
a recherché dans les anciens auteurs les cas qui peuvent être rapportés
à cette affection ; il a donné un aperçu des travaux les plus récents faits,
surtout en Angleterre, sur ce sujet, et enfin il a reproduit in extenso
les faits présentés à la Société de biologie par MM. Follin et Lebert.
2* Lipome des gencives ; par MM. Thomas et Cornil.
Un homme de 50 ans environ, et d'une bonne constitution, portait
depuis vingt ans une tumeur à la partie antérieure de la gencive, au-
dessous de la seconde incisive inférieure latérale. Son développement
fut très-lent et graduellement elle a acquis le volume d'un oeuf de pi-
geon qu'elle présente aujourd'hui. Lorsque j'examinai cette tumeur, je
la trouvai lisse, molle, très-fluctuante, adhérente à la gencive et tout à
fait indolente. Elle était recouverte par la muqueuse très-amincie, mais
non adhérente et pouvant facilement glisser sur elle, en bas et en avant.
Elle faisait saillie au-dessus du bord lisse de la lèvre inférieure et la
dépassait d'un demi centimètre environ. Une ponction exploratrice avait
été faite par le médecin ordinaire du malade et n'avait donné écoule-
ment qu'à un peu de sang.
L'ablation de cette tumeur ne présenta aucune difficulté. Ayant fait
une incision transversale, il me fut facile d'en détacher la muqueuse
164
jusqu'à la gencive où l'intervention du bistouri fut de nouveau néces-
saire.
Quelques jours après le malade était complètement guéri.
Pendant la vie du malade, la tumeur avait été regardée d'abord comme
un lipome, puis comme un adénome.
Son volume est égal à celui d'une grosse noix.
Sa forme est ronde.
Sa surface de section est mamelonnée comme la surface de section
des lipomes.
L'examen microscopique montre partout des cloisons de tissu con-
jonctif et une quantité considérable de grosses vésicules adipeuses ayant
la même forme et la même disposition que dans le tissu conjonctif sous-
cutané.
3o Sur un cas de pustule maligne; observation communiquée par M. le
docteur Féréol.
Botas, fort à la viande, aux halles de Paris, âgé de 48 ans, se présente
dans mon cabinet, le 3 août 1865, portant à la joue droite, à deux cen-
timètres au devant du lobule de l'oreille, une pustule maligne des
mieux caractérisées.
Cet homme raconte que le 1" août, dans le courant de la journée, il
a senti une légère douleur et un bouton à la joue ; la douleur, sourde
et très-supportable, siégeait surtout sous l'angle de la mâchoire. Il se
souvint que la veille, pendant son travail, un de ses camarades l'avait
heurté à cette place avec un quartier de veau qu'il portait sur l'épaule.
Et, du reste, depuis sept ou huit jours il avait un petit bouton, précisé-
ment à la place où s'est développée la pustule maligne, bouton que le
barbier avait écorché en le rasant.
Dans la soirée du 1" août il est allé à l'Hôtel-Dieu, où l'interne de
garde a touché le bouton avec le crayon de nitrate d'argent.
Il a dormi, mangé et travaillé comme d'habitude depuis ce moment;
cependant le matin, sentant sa tête un peu lourde, et l'enflure augmen-
ter à la joue, il a cessé son travail, et est venu à ma consultation à une
heure.
Voici l'état du malade à ce moment :
A deux centimètres au devant du lobule de l'oreille, on voit une
croûte noire, humide, un peu déprimée en son centre, à pourtour irré-
gulier, d'un diamètre très-peu inférieur à celui d'une pièce de vingt
centimes.
Tout autour de cette croûte, on constate un cercle d'un blanc jau-
165
nâtre, formé par un soulèvement vésiculeux dont la zone a un diamètre
de deux à cinq millimètres, la partie déclive étant la plus large.
Un peu au dessous de cette croûte et touchant au lobule de l'oreille,
on voit une grosse phlyctène de teinte jaune ambré, très-tendue, et
globuleuse, du diamètre d'une pièce de cinquante centimes.
La croûte et la phlyctène reposent sur une large saillie œdémato-
phlegmoneuse, d'une teinte violacée sombre, qui envahit la région sous-
maxillaire en bas, et dépasse fort peu en haut le niveau de la croûte
noire ; le gonflement œdémateux, comme la zone vésiculeuse est plus
développé à la partie déclive qu'à la partie supérieure, en sorte que le
bouton, qui forme la lésion principale, occupe le haut et non le centre
du gonflement qui lui sert de base.
On ne sent pas de ganglions développés sous le maxillaire; il y a
seulement de la douleur à la pression dans le pli maxillaire ; mais pas
d'élancements.
L'état général est excellent; et bien que très au fait de ce qui arrive
assez souvent dans sa profession, le malade, ne sentant qu'une gêne
douloureuse très-légère, ne peut pas croire qu'il ait le charbon.
Je l'emmène immédiatement chez lui, et à deux heures et demie je
l'opère. Je circonscris la pustule principale par une incision circulaire
placée un peu au delà de la zone vésiculeuse, et je dissèque le bouton
que j'enlève entièrement. Je laisse couler le sang pendant une ou deux
minutes ; puis j'éteins dans la plaie un bouton de fer rougi à blanc.
Je néglige la phlyctène qui s'est ouverte pendant l'opération, bien que
je constate que le derme sur lequel elle reposait présente une teinte
violacée et un aspect ramolli d'assez mauvaise apparence.
A trois heures et demie j'examinais au microscope la pustule enle-
vée avec M. Davaine, qui y découvrait des bactéridies en grand
nombre.
La nuit qui suit l'opération est mauvaise ; pas de sommeil ; gêne dans
la gorge pour avaler, avec besoins de cracher incessants. Malaise géné-
ral, avec sentiment de froid, et petits frissons erratiques; le matin, à
cinq heures, il y a un vomissement bilieux.
A sept heures et demie du matin, le 4 août, je constate que le gon-
flement œdémateux a beaucoup augmenté ; il s'est étendu sur la joue
et a gagné les paupières de l'œil droit qui sont à demi fermées; il a
descendu sur le cou et tourne vers l'occiput. Il s'est formé une nou-
velle zone vésiculeuse à la demi-circonférence inférieure de l'escarre,
et à la place de la phlyctène il existe une escarre allongée, violacée,
humide, donnant issue au suintement d'une sérosité qui semble morti-
fier les points où elle fuse.
166
La déglutition est fort gênée, et le crachottement est incessant (oe-
dème de la luette et du pharynx): la respiration est facile.
le me décide à faire une seconde cautérisation; j'enlève l'escarre
nouvelle développée à la place de la phlyctène ; j'enlève également la
demi-zone vésiculeuse neuvellement développée au pourtour de l'es-
carre produite par le fer rouge; je fais quelques incisions rayonnant au-
tour de ces plaies, et je laisse couler le sang pendant près de cinq mi-
nutes ; puis je promène sur toutes ces surfaces saignantes un pinceau
d'amianlhe imbibé d'acide sulfurique monohydraté. L'application du
caustique détermine un petit écoulement sanguin assez abondant; j'en-
toure la plaie avec de la charpie et j'essuie le sang à mesure qu'il
coule, pour éviter les fusées de caustique ; une compresse d'eau froide
alcoolisée arrête promptement cette petite hémorrhagie.
Je prescris à l'intérieur: macération de quinquina, vin de Bordeaux,
bouillons, potages, gargarisme alunéet une purgation avec 45 grammes
de magnésie pour le lendemain matin.
Le 5 août l'amélioration est manifeste ; l'œdème des paupières a di-
minué, ainsi que la gêne de la déglutition et le besoin de cracher. Pas
de souffrance vive au niveau de la brûlure ; le gonflement œdémato-
phlegmoneux est moins dur. La rougeur érythémateuse n'a pas aug-
menté. Il s'est fait quelques soulèvements vésiculeux à la demi-circon-
férence supérieure de la première escarre par le fer rouge; mais la
diminution de l'œdème m'engage à ne pas pousser plus loin les cautéri-
sations.
Le pouls est resté à 68 depuis le commencement de la maladie.
A partir de ce moment, la convalescence a marché sans aucune en-
trave.
Je noterai seulement quelques circonstances intéressantes.
D'abord le malade, dont l'état général était resté très-bon, bien qu'il
fut assez inquiet sur l'issue des événements, commença à présenter quel-
ques signes d'adynamie dès le 6 août, alors que très-évidemment l'in-
fection charbonneuse était déjà éteinte dans son foyer initial. Aussi lui
continuai-je sa macération de quinquina et son vin de Bordeaux pen-
dant quinze jours; et ce ne fut que vers le 15 août que les forces com-
mencèrent à revenir, et le moral, toujours très-inquiet, à se relever.
Ensuite les ganglions sous-maxillaires apparurent au toucher gros,
indurés et douloureux, à mesure que le gonflement sedémato-phlegmo-
neux diminua.
Enfin, à mesure que les escarres artificielles se détachèrent et que
la plaie qui en résulta marcha vers la cicatrisation, le malade accusa
une douleur extrêmement vive dans le conduit auditif externe, douleur
lancinante qui l'empêcha de dormir plusieurs nuits, et qu'on peut attri-
167
buer, je pense, à la lésion d'un petit filet nerveux de la cinquième paire,
qui aura été atteint consécutivement par le travail inflammatoire
de la cicatrisation.
Celle-ci a été parfaite ; seulement il a fallu activer sans relâche les
bourgeons charnus avec le crayon de nitrate d'argent pour éviter un
petit décollement de la peau qui tendait à se faire sous le lobule de
l'oreille. La cicatrice est très-peu apparente ; elle était complète le
10 septembre.
IV. — Pathologie comparée.
Note sdr un cas d'illusion génésique, observé sur deux oiseaux de l'ordre
DES PASSEREAUX (lINOT MALE ET MULET FEMELLE PROVENANT DE l'uNION d'un
CHARDONNERET AVEC UNE FEMELLE DE SERIN DES CANARIES ; par 0. LarCHER,
interne-lauréat des hôpitaux (lue à la Société de biologie dans la
séance du 30 septembre 1865).
Nous tenions enfermés dans une assez grande volière plusieurs pas-
sereaux appartenant à des espèces et à des genres différents : parmi
eux se trouvait un linot {FringiUa Cannabma, Linn.), mâle adulte,
offrant un bel exemple d'albinisme limité aux plumes de la tête (1), et
un mulet femelle produit de l'union d'un chardonneret {Fr. Carduelis,
Linn.) avec une femelle de serin des Canaries (Fr. Canaria, Linn,). Vers
le mois de juin, nous vîmes s'établir entre ces deux oiseaux une intimité
assez grande, de la nature de celle qui précède ordinairement, chez les
animaux de la même classe, le moment des amours; peu de jours plus
tard, nos soupçons se confirmaient et nos deux passereaux commen-
çaient à construire leur nid. Dans ce travail, chacun prenait une part
très-active, et cependant, dans leurs allures respectives, onpouvaitvoir
que le mulet remplissait les fonctions plus spécialement dévolues à la
femelle dans l'édification du nid. Quand celui-ci fut achevé, nous vîmes
loiseau hybride s'y placer pendant plusieurs heures, le linot le rempla-
çant seulement à courts intervalles. Cette incubation illusoire dura quel-
ques jours, sans qu'aucun œuf eût été pondu; néanmoins les deux oi-
seaux paraissaient prendre un grand soin do leur précieux dépôts et le
nid ne demeurait jamais abandonné à lui-même.
(1) C. D. Degland, dans son Ornithologie eur^opéenne, 1. 1, Paris, 1849,
avait déjà signalé l'existence de linots blancs ou tapirés de blanc; mais
personne ne paraît avoir noté, chez cet oiseau, l'albinisme limité à la
tète, le reste du plumage conservant la coloration régulière la plus
belle.
168
Après environ cinq ou six jours, une femelle de serin des Canaries que
nous tenions dans une cage isolée, ayant pondu un œuf, nous hasar-
dâmes de le glisser dans le nid de nos deux oiseaux sans qu'ils pussent
s'en apercevoir; dès lors leurs soins redoublèrent, et après quatorze
jours d'incubation, avait lieu l'éclosion. Aucun autre œuf n'était venu
se joindre à celui que nous-môme avions déposé dans le nid; les deux
oiseaux qui avaient veillé à son éclosion se chargèrent d'élever le petit,
lui donnant la becquée comme auraient fait ses parents, et ils ne l'aban-
donnèrent à ses propres forces que quand il fut en état de manger et de
courir seul.
Alors le nid fut abandonné à son tour, et les deux oiseaux continuant
à vivre dans la même volière, parurent oublier qu'ils s'étaient connus.
Le fait que je viens de rapporter dans ses principaux détails fut ob-
servé en 1862; je l'avais recueilli alors, à titre de simple note, sans y
attacher d'autre intérêt que celui de la curiosité qu'éveillent toujours
les faits peu communs. Or récemment, à l'occasion de recherches par-
ticulières, je lisais, dans le Journ. de méd. de Corvisart, quelques obser-
vations recueillies par Girard et relatives à des cas de Gestations appa-
rentes suivies de faux travail chez des animaux (1) : dans un premier
cas, il s'agit d'une petite chienne qui avait déjà mis bas plusieurs por-
tées. « Elle fut couverte; son ventre grossit, ses mamelles devinrent
« plus volumineuses, et l'on voyait dans l'abdomen des mouvements
« prononcés. Au bout de quelques mois elle fit des efforts comme pour
« accoucher. Le ventre s'affaissa, les mamelles se remplirent de lait.
<( Cette chienne poussait des cris pour appeler ses petits. Cet état dura
<( quatre jours. » Dans un second cas, « une chatte, déjà plusieurs fois
« mère, éprouva absolument les mêmes symptômes de gestation et ne
« mit bas aucun petit. » Enfin le troisième fait concerne a une vache
ic qui fut saillie par un taureau et qui en imposa par l'accroissement de
« son ventre jusqu'au huitième mois de la gestation. Cette prétendue
« gestation disparut du soir au lendemain ; la vache semblait demander
« son veau. On en trouva dans le voisinage un qu'on lui donna à nour-
« rir. »
Dans une des dernières Etudes médico-légales qu'il a publiées, M. le
professeur A. Tardieu a précisément reproduit les trois observations que
nous venons de rapporter, et quoique « ces faits soient incomplets et
« aient besoin d'être éclaircis par une observation moins superficielle,
« néanmoins, dit-il, il est impossible de ne pas être frappé de ce qu'ils
(1) Observations de fausse grossesse dite nerveuse, par le citoyen
Girard — Extrait donné par J. Husson, dans Jocrn. de méd. de Corvi-
sart, 1. 1, vendémiaire an IX, p, 471. — Paris.
160
« renferment de données fécondes pour l'interprétation des grossesses
« illusoires. C'est ainsi qu'à chaque pas, à travers les parties les plus
« obscures de l'histoire des maladies de notre espèce, on sent de quel
« secours seraient les lumières nouvelles de la pathologie compa-
rée (1). n
M. A. Tardieu, dans les conclusions placées à la fin de son Etude,
pense que « les signes qui (2) caractérisent les grossesses apparentes doi-
« vent tous se rattacher, comme point de départ, soit à une affection
« organique, soit à une affection nerveuse, le plus souvent hystérique,
tt soit à la simulation, soit à la folie (3). » A laquelle de ces causes rat-
tacherons-nous le fait que nous rapportons aujourd'hui? Evidemment
nos deux oiseaux, dans l'accomplissement de la tâche qu'ils se sont im-
posée, ont cédé à l'influence d'une illusion génésique; mais où cette il-
lusion a-t-elle pu trouver sa source? Si aux détails que renferme déjà
notre observation nous ajoutons que, dans la même volière, plusieurs
couples d'oiseaux du même ordre et quelques-uns du même genre, sous
l'empire de la môme influence saisonnière, travaillaient à la même épo-
que à la nidification, n'y aurait-il pas lieu de faire intervenir comme
cause V imitation? Quant au choix singulier qu'ont fait l'un de l'autre
les deux artisans du nid, doit-il beaucoup étonner, si l'on 'songe à cer-
taines unions quelquefois immorales, souvent au moins bizarres, que l'on
observe trop souvent dans notre espèce? Peut-être pourrait-on chercher
à l'expliquer par l'absence d'individu femelle de la même espèce, en ce
qui concerne le linot renfermé dans notre volière? Quant au produit
hybride, résultat de l'union d'un serin femelle avec un chardonneret
mâle, son choix me paraît d'autant plus remarquable qu'il avait porté
sur un individu appartenant à un genre différent de celui de ses deux
parents; il eût pu, en effet, s'unir soit à un serin, soit à un chardonne-
ret. On sait, du reste, que les mulets provenant d'une origine pareille
à celle du nôtre, s'apparient facilement soit entre eux, soit avec des se-
rins; mais il en résulte rarement des œufs féconds; et cette fécondité,
quand elle a lieu, se perd dès la seconde génération (4). Je ne -saurais
dire s'il y a eu ici, entre nos deux oiseaux, d'autres relations que celles
destinées à la construction du nid ; mais j'insisterais volontiers sur ce
fait, que Yillusion génésique itenl se manifester au milieu des conditions
(1) A. Tardieu, Etude sur l'avortement et les grossesses fausses et si-
mulées, p. 200. - Paris, 1864.
(2) Dans notre espèce.
(3)Loc. cit., p. 201.
(4) Duvernoy, article Propagation dans Dictionn. univ. d'hist. nat.
par Ch. d'Orbigny, t. X, p. 547. Paris, 1847.
/
170
d'organisation où l'on songerait le moins à la rencontrer. A cette occa-
sion, je rappellerai l'histoire de cette fille que cite M. le professeur A.
Tardieu : « Elle était âgée de plus de 60 ans et se disait mariée secrète-
« ment à un vieux médecin. Elle se mit au lit un matin et fit toutes ses
« dispositions pour accoucher commodément. Les plaintes, les cris se
a prolongèrent jusqu'au soir, au milieu des éclats de rire des autres
« aliénées que cette scène inattendue égayait singulièrement. Vingt
« fois cette monomaniaque avait fait part de son état de grossesse, dont
« à présent elle évite soigneusement de parler, dans la crainte qu'on en
« fasse un sujet de plaisanterie. »
Après la lecture attentive des faits que nous venons de comparer, il
nous semble qu'on peut, une fois de plus, reconnaître les rapports qui
unissent la pathologie de l'iiomme à celle des animaux.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
DE
f r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT LE MOIS d'OCTOBRE 1865;]
Par mm. les Docteurs DUMONTPALLIER et BERGERON,
secrétaires.
PRESIDEME DE M. RMËR.
1. — Anatomie.
Recherches anatomiques dans un cas de syphilis viscérale et osseuse ;
par L. Ranvier.
Voici d'abord l'observation clinique et anatomique telle que mon ami
M. A, Legroux, interne au service de M. Bernutz, me l'a remise. C'est
à l'obligeance de cet excellent collègue que je dois de présenter ce fait
à la Société de biologie.
La femme Sibille, âgée de 28 ans, entre à la salle Saint-Augustin de
la Pitié le 30 septembre 18G5, pour un ulcère à la jambe gauche, ulcère
que l'on a considéré comme variqueux.
Cet ulcère était survenu à la suite d'une chute et d'une contusion du
niveau du tibia.
Lorsque l'ulcère fut cicatrisé, cette femme passa à la salle Saint-
172
Charles, n" 21 bi», pour une douleur névralgique sus-orbitaire gauche.
J'avais déjà eu occasion de voir cette femme en 1863, à l'hôpital
Saint-Antoine, où elle était au n" 9, salle Sainte-Thérèse (admission
du 8 octobre), mais je n'ai plus souvenir de ce que nous avions constaté
à cette époque.
Lorsque le 2 octobre cette femme passa à la salle Saint-Charles, elle
était dans l'état suivant :
Prostration causée par la violence de douleurs siégeant au-dessus de
l'œil gauche et au niveau de la troisième pièce du sternum.
Ces douleurs sont continuelles, peut-être plus fortes la nuit, mais la
malade ne précise pas cette exaspération nocturne. Elles augmentent
par la pression.
La douleur sus-orbitaire occupe surtout la partie externe de l'arcade
ûrbitaire et ne présente pas les points spéciaux et névralgiques de la
névralgie faciale sus-orbitaire, sous-orbitaire et dentaire. La douleur
reste limitée à l'angle externe de l'orbite et s'irradie un peu à la tempe,
au front et surtout dans la profondeur de l'orbite.
L'œil était normal.
La douleur sternale siégeant au niveau de la troisième pièce sternale
et du côté de l'insertion du cartilage de la quatrième côte coïncidait
avec un gonflement peu considérable, mais très-appréciable.
A ce niveau la peau avait une teinte un peu violacée, lilas, et la pres-
sion portait la douleur à son summum.
Ces phénomènes n'avaient pas altéré les fonctions, l'appétit était con-
servé, la respiration normale, quoique gênée par la douleur que réveil-
laient les mouvements respiratoires.
Des calmants et des narcotiques furent ordonnés intus et extra pour
procurer à cette femme un peu de sommeil.
Les jours suivants, les douleurs augmentèrent surtout la nuit, et arra -
chaient des cris et des plaintes incessantes à la malade.
Les phénomènes objectifs changèrent peu, le gonflement sternal ne
s'accrut pas; l'œil conservait son aspect, mais il y avait un peu de pho-
tophobie.
Puis, vers le 6 octobre, il survint une douleur vive du côté de l'épaule
gauche en même temps que la paroi antérieure de la poitrine du côté
gauche se couvrait d'un réseau veineux très-marqué et partant du gon-
flement sternal vers l'épaule. Le grand pectoral est contracture et im-
mobilise l'articulation et les côtes.
Du côté de la face nous remarquons de l'œdème de la paupière su-
périeure, du strabisme interne, une vive photophobie.
En même temps la malade perdit un peu l'appétit, eut un peu de
diarrhée et quelques vomissements bilieux.
173
Le moindre mouvement réveillait des douleurs violentes et la malade,
le plus souvent pliue en deux dans son lit, poussait des gémissements
continuels. Des vésicatoires, de la morphine avaient été appliqués, mais
sans diminuer beaucoup la douleur.
C'est dans cet état que cette femme est passée chez M. Marotte, salle
du Rosaire.
Là on eut la pensée de rattacher ces phénomènes à des lésions syphi-
litiques, mais l'interrogation de la malade ne pouvait fournir que peu
de renseignements.
L'examen de la vulve démontra la présence sur la grande lèvre du
côté gauche vers la partie supérieure, d'un gonflement peu consistant
et ressemblant assez bien à une ancienne plaque muqueuse.
Cette femme fut prise du choléra dans la salle du Rosaire le 29 octo-
bre pendant la nuit, et mourut vingt-deux heures après le début, dans
la période algide.
L'autopsie, faite vingt-quatre heures après, démontra les lésions sui-
vantes :
Cerveau. — Peu d'injection des membranes qui partout sont saines;
peu dinjection du' tissu cérébral. Le cerveau, tant à l'extérieur que
dans les ventricules et ses autres parties profondes , ne présente ni
tumeur, ni induration, ni aucune autre lésion de consistance ou de
couleur.
Les poumons sont sains.
Le cœur ne présente aucune lésion organique ; le sang, épais et noir,
est celui du choléra.
Le tube digestif ouvert démontre les lésions ordinaires du choléra.
Le foie présente sur sa face convexe de petites cicatrices lisses,
non radiées, légèrement déprimées , ressemblant à l'empreinte d'un
corps dur sur la cire molle. Ces dépressions sont noirâtres, de petites
dimensions, de forme ovalaire ou un peu arrondies.
Au nombre de quatre, ces cicatrices reposent sur un petit noyau
d'induration qui, à la coupe, présente un aspect plus compacte, moins
vasculaire, légèrement jaunâtre.
Dans la niasse glandulaire du foie, nous avons trouvé deux noyaux
d'induration beaucoup plus étendus, d'un volume qu'on peut évaluer à
celui d'une châtaigne, et où le tissu du foie présentait à peu près les
mêmes caractères qu'au-dessous des cicatrices et de la surface.
Les reins nont pas été examinés.
Le col utérin présentait des inégalités, il était déchiqueté, ramolli,
mais nous n'y avons vu aucune cicatrice ancienne ou récente.
La voûte orbitaire était enlevée, nous pûmes constater les lésions
suivantes:
174
Au niveau de la glande lacrymale qui paraissait un peu volumineuse,
l'os était rougeâtre, pointillé, sa surface était inégale.
Le sternum ne présente à l'extérieur qu'un gonflement peu considé-
rable au niveau de la troisième pièce et de l'articulation chondro-ster-
nale de la quatrième côte.
L'articulation de l'épaule ouverte ne montre aucune lésion.
Différentes pièces résultant de cette autopsie m'ont été remises: une
portioQ du sternum, la partie orhitaire gauche de l'os frontal, des frag-
ments du foie et la grande lèvre gauche. Ce sont ces parties que je
mets sous les yeux des membres de la Société.
Voici d'abord une gomme du foie du volume d'une petite noix; elle
fait une saillie prononcée à la surface de l'origine. Sur une coupe pra-
tiquée dans cette tumeur on voit qu'elle est formée d'un tissu résistant,
jaunâtre, sillonné de nombreuses arborisations vasculaires. Sa limite
n'est pas accusée par une ligne de démarcation bien nette, et l'on peut
parfaitement reconnaître à l'œil nu que le produit pathologique se fond
peu à peu dans le parenchyme du foie. Le raclage avec le scalpel ne
fait sortir aucun suc. La dissociation à l'aide des aiguilles se fait diffi-
cilement; ce procédé ne donne que de petits fragments irréguliers. A
l'aide du microscope on distingue dans ces fragments: des cellules et
des noyaux ronds de petites dimensions, 0,003 à 0,006 (cytoblastions de
M. Robin) ; des noyaux et des cellules de plus grandes dimensions,
0,007 à 0,012, éléments ronds, ovoïdesou fusiformes(embryo-plastiques
etfibro-plastiques de M. Robin). Ces derniers éléments sont en faible
quantité, dans certaines portions, dans d'autres ils prédominent.
Du reste, tous ces noyaux et cellules ne sont pas libres, mais bien
unis fortement les uns aux autres par une substance résistante amorphe
ou fibrillaire, selon les points qu'on examine.
Sur des coupes pratiquées après durcissement dans l'acide chromique,
on reconnaît les éléments dont il vient d'être question, et de plus on
observe leurs rapports entre eux avec les vaisseaux et avec le tissu
du foie. Ils ne sont pas disposés au hasard; on remarque en effet, à
l'aide d'un faible grossissement (75 diamètres), qu'un certain nombre de
nodules entrent dans la composition de la petite tumeur. Ces nodules
se fondent les unes dans les autres à leur périphérie, mais ils se recon-
naissent au microscope par une différence de composition à leur centre
et à leur limite. C'est à leur centre que sont accumulés les noyaux et
les cellules les plus petits, et que se trouve la plus grande quantité de
matière amorphe; celle-ci y forme même de petits amas irréguliers,
ayant jusqu'à 0,04 et très-caractéristiques. A la périphérie des lobules,
les éléments cellulaires du tissu connectif acquièrent peu à peu de plus
grandes dimensions, et la substance fondamentale devient fibrillaire,
175
de telle sorte qu'à la limite de ces lobules on remarque un tissu tout à
fait semblable au tissu conjonctif adulte.
Celle disposition en lobules vaguement indiqués se rencontre habi-
tuellement dans les gommes et peut se retrouver encore quand bien
même elles ont subi celte transformation caséeuse lardacée, si carac-
téristique. Seulement alors les lobules ne sont plus marqués que par
des groupes de granulations graisseuses disposées en cercles. Dans le
cas qui nous occupe maintenant, la transformation caséeuse n'est pas
encore survenue , celle-ci appartenant, comme Virchow l'a démontré,
à un stade plus avancé dans l'évolution des gommes.
Sur des coupes comprenant la gomme et une partie du parenchyme
hépatique circonvoisin, on remarque que le tissu pathologique est relié
au tissu du foie par des traînées de tissu connectif embryonnaire
(cellules et noyaux embryo-plastiques de M. Robin). Ces traînées che-
minent entre les lobules de Torgane et sont traversées par des ramifi-
cations terminales de l'artère hépatique, de la veine porte et du canal
hépatique, ce dont on juge très-bien sur des coupes transversales ou
longitudinales à la direction de ces différents conduits. Mais la prolifé-
ration ne s'arrête pas à la portion parenchymateuse de la capsule
de Glisson ; les éléments cellulaires de nouvelle formation s'in-
sinuent entre les cellules hépatiques et les séparent les unes des
autres , de telle sorte qu'à la limite de la tumeur on trouve des cellules
du foie atrophiées, globuleuses, chargées de granulations jaunâtres,
dispersées au milieu du nouveau tissu. C'est du reste ce qu'il advient
des cellules hépatiques dans toutes les productions gommeuses du foie.
Et lorsque l'atrophie des cellules devient complète, leur place reste
quelquefois marquée par des groupes globuleux et étoiles de cristaux
d'acide stéarique, résultant de la décomposition des matières grasses
contenues primitivement dans ces cellules.
J'insiste sur ce fait parce qu'au premier abord on pourrait prendre
ces groupes globuleux pour ces corps qu'on désigne en anatomie patho-
logique sous le nom de corpuscules granuleux.
L'hyperplasie du tissu connectif n'est pas limitée au voisinage des
gommes ; en effet, dans les différentes portions de foie que j'ai exami-
nées, j'ai rencontré les altérations décrites par Virchow sous le nom
d'hépatite syphilitique interstitielles, c'est-à-dire des îlots de tissu
connectif embryonnaire entre les lobules hépatiques. Il y a même dans
certains points une disposition fort curieuse que j'ai étudiée avec soin,
car je la rencontrais pour la première fois : autour de la veine centrale
s'est formée une zone régulière de tissu connectif embryonnaire épaisse
parfois d'un demi-millimètre séparant cette veine du réseau des cellules
hépatiques.
176
En résumé, on rencontre dans ce foie des gommes et de Thépatite
interstitielle. Le tissu de la gomme ne diffère de celui de la néoforma-
tion qui caractérise l'hépatite syphilitique de Virchow que par les di-
mensions des éléments qui dans la gomme deviennent par place extrê-
mement petits. En effet, tout comme la tuberculose, la syphilis imprime
aux éléments qui en dérivent un caractère de misère qui se traduit
par la petitesse des noyaux et des cellules de nouvelle formation. Aussi
est-ce au centre des nodules de la gomme que les cellules et les
noyaux deviennent de plus en plus petits pour tomber enfin en détritus
granuleux. Seulement, comme ici les éléments sont enclos dans une
substance très-résistante, il ne résulte pas habituellement de cette
fonte moléculaire une masse caséeuse dissociée comme celle des tu-
bercules, mais bien un tissu lardacé et résistant. Et comme d'autre
part les vaisseaux ne sont pas aussi rapidement oblitérés dans les pro-
ductions syphilitiques que dans les produits tuberculeux, les masses
caséeuses de la syphilis peuvent être reprises par l'absorption, tandis
que ce fait ne s'observe que d'une manière tout à fait exceptionnelle
pour le tubercule.
Le frontal et le sternum présentent une altération qui a été bien ra-
rement observée. Cette altération doit être désignée sous le nom d'os-
téite gommeuse ; elle est caractérisée par un agrandissement des espa-
ces vasculaire et médullaire des os, et par le remplissage de ces cavités
agrandies par une substance gélatineuse dans quelques points, lardacée
et caséuse dans d'autres.
Cette variété d'ostéite qui, comme on va le voir, a des caractères
histologiques assez précis, n'est pas encore bien décrite dans la science.
L'observation la plus ancienne d'un fait de cette nature a été publiée
par Dufour dans les Bull, de la Soc. anat. (1851,p. 139). L'examen mi-
croscopique de la pièce a été fait par Lebert; cet examen est très-in-
suffisant et ne relate que la présence de granules de 0,005 et de cor-
puscules plus grands paraissant contenir un noyau et ayant 0,0075,
L'auteur ajoute que ses études, assez nombreuses sur les lésions pro-
duites par la syphilis ne l'autorisent pas à admettre l'existence d'un
type syphilitique spécial, d'un élément cellulaire propre à la syphilis.
Dittrich avait mentionné, dans un cas de carie de la voûte crânienne,
rinfiltration de l'os malade par un exsudât blanc, grisâtre et lardacé.
(Prayer, Vierleljahrsscerift, 1849.)
Virchow, qui relate ces faits dans son Traité de (a syphilis constitu-
tionnelle, dit n'avoir jamais observé de cas analogues. 11 pense néan-
moins que l'ostéite gommeuse doit être Torigine de la nécrose syphi-
litique des os du crâne; s'il en est ainsi dans quelques cas, ce qui est
du reste à démontrer, dans d'autres, le processus de la nécrose parait
177
ôtre d'une nature bien diftérenle. En effet, dans la plupart des séques-
tres syphilitiques, et j'en mets plusieurs sous les yeux des membres
de la Société, l'os nécrosé, au lieu d'être raréfié, est, au contraire,
éburné , et sur des préparations microscopiques, on constate que tous
les canaux sont devenus petits, et que quelques-uns sont complètement
oblitérés à la suite d'une production osseuse sous forme de couches
concentriques.
Je reviens maintenant aux pièces qui font l'objet de la présente coui-
uuinication. Le frontal, au niveau de sa partie orbitaire, est creusé de
nombreuses cavités ayant en moyenne 2 millimètres de diamètre. Ces
cavités sont irrégulières et communiquent les unes avec les autres ;
elles sont remplies d'une substance gélatineuse qui ne se laisse que dif-
ficilement enlever, et qui ne se dissocie pas quand on l'agite dans l'eau.
Examinée au microscope, cette substance nous paraît formée par des
éléments cellulaires, dont quelques-uns ont un diamètre très-petit,
0.0U3, reliés les uns aux autres par une matière amorphe ou vaguement
fibrillaire.
Sous le périoste orbitaire, légèrement épaissi, se rencontre une cou-
che épaisse de 1 millimètre, formée d'une substance analogue corres-
pondant à la face orbitaire de l'os, qui est devenue inégale et rugueuse.
Mais c'est dans le sternum que l'altération est bien marquée, et sur
cet os on peut suivre, soit à l'œil nu, soit au microscope, l'évolution du
produit morbide. Sur une section de l'os rafraîchie avec le rasoir, on
distingue des parties rouges, un peu lie de vin (coloration normale de
cet os;, d'autres d'un rouge vif, certaines rosées et d'aspect gélatineux,
enfin une vaste portion est d'un blanc mat, et se montre avec tous les
caractères que M. Nélaton a assignées à l'infiltration tuberculeuse des os.
Dans ces divers endroits, le tissu osseux se montre sous forme de fines
trabécules, et les aréoles qu'elles circonscrivent ont une étendue variable .
Le périoste est épaissi aussi bien sur la face postérieure que sur la face
antérieure du sternum, et il est doublé d'une couche d'épaisseur varia-
ble suivant les points, ayant un aspect et une coloration semblables à
ceux des portions osseuses correspondantes.
.l'arrivé maintenant aux résultats fournis par l'examen microscopique.
Cet examen est d'un grand intérêt, car, dans les os, les phénomènes
morbides se passent dans des petites boîtes représentées parles espaces
médullaires et vasculaires, et par suite on peut suivre pas à pas le pro-
cessus de l'altération. Seulement il est quelquefois difficile d'enlever
avec l'extrémité d'un scalpel la moelle contenue dans des cavités mé-
dullaires étroites; aussi je recommande le procédé suivant : arracher un
petit fragment de l'os et le délayer dans une goutte d'eau sur le porte-
objet; comme le fragment osseux entraine avec lui la moelle qui l'en-
c. R. 12
178
toure, ou arrive à isoler facilement ainsi les éléments que celle-ci con-
tient. C'est d'abord à l'aide de ce mode de préparation que j'ai constaté
que dans la moelle des parties rouges lie de vin se rencontrent les
cellules habituelles de la moelle (médullocelles de M. Robin), avec quel-
ques rares cellules adipeuses; c'est là l'état normal, comme on le sait,
pour le sternum, les côtes et les vertèbres.
Dans les portions d'un rouge vif, les médullocelles deviennent plus
abondantes, globuleuses, et leurs noyaux ne sont bien apparents qu'a-
près l'action de l'acide acétique ou de l'eau au bout de quelques in-
stants; ce caractère se rencontre dans les cellules embryonnaires de la
moelle, on le retrouveordinairement aussi dans les cellules de la moelle,
lorsque les os sont le siège d'une irritation.
Dans les parties gélatineuses, les cellules deviennent petites, 0,003 à
0,008; elles ne sont plus libres," comme dans les autres portions, mais
sont plongées dans une substance amorphe ou fibrillaire. A côté des
cellules se trouvent beaucoup de noyaux. Ces éléments, dont M. Robin
fait une espèce nouvelle (cytoblastions), se rencontrent dans la moelle
des os, affectés d'ostéite tuberculeuse ou syphilitique, et sont envahis
bientôt par la transformation caséeuse. Quand celle-ci survient, leur pe-
titesse se prononce encore davantage ; ils finissent par tomber en un
détritus auquel viennent s'ajouter des granulations graisseuses en quan-
tité variable. Ce sont là, en effet, les éléments que l'on rencontre dans
les parties blanches et opaques de cette pièce; mais on y observe aussi
des masses globuleuses, obscures, ayant de 0,02 à 0,04, formées par des
cristaux d'acide stéarique disposés en rayon.
Si maintenant nous avons recours à la macération dans l'acide chro-
mique à 1 pour 100 et que nous fassions des coupes à la surface, nous
pourrons voir ces divers éléments en place et nous jugerons de leurs
rapports avec les trabécules osseuses. De plus nous apprécierons les al-
térations de ces trabécules.
Sur les préparations obtenues à l'aide de ce procédé, on remarque
d'abord que le tissu osseux se résorbe progressivement pour faire place
au produit pathologique; que cette résorption est précédée dans quel-
(jues points d'un agrandissement des ostéoplastes; certains de ces os-
téoplastes agrandis renferment plusieurs noyaux; cet agrandissement
des ostéoplastes n'est pas nécessaire, car dans beaucoup d'endroits ces
éléments ont conservé leurs dimensions habituelles dans les trabécules
en état de résorption. On constate aussi que la disparition de la substance
osseuse n'est nullement précédée d'une production de granulations
graisseuses ni dans cette substance ni dans les ostéoplastes, même dans
les parties où la moelle a été envahie par la transformation caséeuse.
A mesure que le tissu osseux se résorbe, les éléments cellulaires des
17'.'
corpuscules osseux semblent tomber un a un dans l'espace médullaire.
Aussi au centre de cet espace trouve-t-on des noyaux et des cellules
de petite dimension (cytoblastions), tandis qu'à leur périphérie les
noyaux et les cellules se rapprochent beaucoup de celles qu'on observe
dans la moelle embryonnaire.
Le processus de l'ostéite gommeuse peut donc être divisé en deux
phases. La première correspondant à la dissolution de l'os et aboutissant
à donner des cellules embryonnaires; cette phase se rencontre chaque
fois qu'un produit de nouvelle formation et de n'importe quelle nature
se développe dans les os; son but est de fournir des éléments aptes à
former le tissu morbide. La seconde appartenant en propre à la syphilis,
différant peu de ce qu'on observe dans l'ostéite tuberculeuse, aboutis-
sant à la production d'un tissu constitué par des éléments cellulaires
très-petits, noyés dans une substance amorphe ou fibreuse et voués à
une mort prématurée. La manière dont se fait celle-ci (nécrobiose de
Virchow) donne lieu habituellement dans les os à un produit caséeux
qui diffère de celui de la tuberculose en ce que la masse caséeuse se
dissocie difficilement. On a vu plus haut, à propos desgommes du foie,
quelle est la raison de cette différence.
Cette plaque muqueuse forme sur la grande lèvre gauche un relief
marqué et étendu; sa surface, qui est très-légèrement chagrinée, est
recouverte de quelques poils. Sur une section on remarque que la par-
tie tuméfiée est recouverte d'un gris rosé, légèrement translucide, et
qu'elle est parcourue par de nombreux vaisseaux. Sur des coupes pra-
tiquées après durcissement dans l'acide chromique, on observe à l'aide
du microscope que l'épiderme est conservé, que les papilles n'ont subi
qu'une augmentation peu notable, et que la tuméfaction est due surtout
à une production abondante de cellules et de noyaux dans le chorionet
même dans la portion aréolaire du derme. Ces éléments cellulaires ne
sont autres que des cellules embryonnaires du tissu connectif (embryo-
plastiques de M. Robin), auxquelles sont mélangés en faible proportion
des cellules et noyaux plus petits (cytoblastions). Sa prolifération n'est
pas également répartie et les éléments de nouvelle formation se groupent
en îlots de forme et d'étendue variables. C'est surtout au centre de ces
îlots que se rencontrent les éléments les plus petits.
Les vaisseaux ont conservé leurs enveloppes distinctes; sur quel-
ques-uns la membrane moyenne paraît épaissie, sur beaucoup la tuni-
que externe se confond avec le tissu de nouvelle formation.
Les graines des poils se montrent avec leur aspect normal; certaines
pourtant ont perdu les poils qu'elles contenaient et sont alors remplies
et même distendues par des cellules épithéliales. Les glandes sébacées
n'ont subi aucune altération.
k,i-^ l i BH A R Yi-
ISO
Quant aux glandes sudoripares logées plus prolondément que ces der-
nières, les unes se montrent avec les caractères habituels de la région,
d'autres ont subi des modifications importantes. Leurs canaux sont dis-
tendus par des cellules épithéliales granuleuses ayant jusqu'à 0,04 de
diamètre. Dans quelques points cette distension arrivée à sa dernière
limite a établi de larges communications entre diverses parties d'un tube
enroulé, de telle sorte que sur une coupe comprenant un glomérule de
ces glandes, au lieu de celte belle et régulière disposition, on ne ren-
contre plus que des sortes de cavités anfractueuses remplies de cellules
granuleuses et disposées au hasard. Cet état explique très-bien comment
se fait la destruction des glandes dans les tubercules profonds de la
peau. Nous devons en effet considérer cette plaque muqueuse comme
une manifestation tardive de la syphilis constitutionnelle, et non comme
un de ces tubercules muqueux qui surviennent au début de la première
période de la syphilis confirmée, car les papilles n'ont pas subi une
hypertrophie notable et la néoformation cellulaire a surtout pour siège
les couches profondes du derme.
Si nous nous appliquons à faire ressortir les points principaux de
cette observation, nous remarquerons que malgré l'absence de rensei-
gnements étiologiques, l'analomie pathologique seule peut établir qu'il
s'agit ici d"un cas de syphilis non douteux. Les lésions que nous avons
rencontrées dans le foie et du côté des organes génitaux externes ont
des caractères à l'œil nu et au microscope qui éloignent toute autre
hypothèse. La nature des accidents osseux pourrait peut-être être dis-
cutée, puisque nous trouvons dans le sternum l'altération que M. Né-
laton a désignée sous le nom de tubercule infiltré des os. Mais selon
nous, il faut simplement profiter de ce fait pour établir que cette dési-
gnation est mauvaise et la remplacer par le mot d'ostéite caséeuse qui
spécifie la forme anatomique et ne fait rien présumer sur la nature de
l'affection qui la produit. En effet, notre sujet n'était nullement tuber-
culeux, comme le montra l'examen du poumon, et de plus l'ostéite et la
périostite du frontal ne rappellent en rien les manifestations de la tu-
berculose dans le tissu osseux.
Si nous cherchons maintenant à voir une différence entre l'ostéite
caséeuse tuberculeuse et syphilitique, nous noterons que, dans ce fait,
la masse caséeuse était résistante, tandis qu'en l'agitant dans l'eau nous
avons obtenu facilement la dissociation de substance caséeuse de l'os-
téite tuberculeuse dans plusieurs cas de cette maladie que nous avons
examinés à cet effet. Toutefois ne nous hâtons pas de conclure à des
caractères anatomiques différentiels basés sur un aussi petit nombre
d'observations.
1.^1
II. - Anatomie pathologique.
Note sur les altérations du tissu cellulo-adipeux dans la dégén<»
REscENCE DITE amyloïde ; par M. G. Hayem, interne des hôpitaux.
Dans les cas de dégénérescence dite amyloïde, plus ou moins com-
plètement généralisés, le tissu cellulo-adipeux lui-même peut présenter
des altérations analogues à celles qui existent alors dans un grand nom-
bre d'organes.
Ce tissu devient plus ferme, plus dur, il offre un aspect blanchâtre ;
quelquefois il est presque comme lardacé.
Les artérioles visibles à l'œil nu présentent un épaississement de
leurs parois comme dans les autres organes dégénérés. On peut voir
alors au microscope que la matière amyloïde s'est déposée dans les
fibres-cellules des artérioles et à la face interne ou dans l'épaisseur des
vaisseaux capillaires.
Dans un certain nombre de cas, rares à la vérité, les vésicules adi-
peuses elles-mêmes sont infiltrées de substance amyloïde qui paraît se
déposer dans l'épaisseur même de la membrane d'enveloppe, autour du
noyau qui reste habituellement visible.
La graisse contenue dans les vésicules, ou les cristaux de margarine
sont alors refoulés en un point opposé au dépôt de matière amyloïde,
ou bien paraissent comme encadrés par la matière en question.
En même temps, il est fréquent de trouver dans le tissu conjonctif
une multiplication des noyaux. C'est dans le tissu cellulo-adipeux abon-
dant qui enveloppe les reins et les capsules surrénales, dans celui quj
double certains replis du mésentère et dans les appendices graisseux
de l'épiploon j'ai pu constater ces altérations des vésicules elles-mêmes.
Il existait dans ces cas une dégénérescence très-avancée de plusieurs
organes et en particulier des reins et des capsules surrénales et aussi
du tube digestif.
Ce fait, de la participation du tissu cellulo-adipeux à la dégénéres-
cence amyloïde, n'offre aucune importance pratique; il prouve seule
ment une fois de plus que la plupart des tissus peuvent être le siège de
cette dégénérescence.
III.— Physiologie.
Forme des battements du coeur suivant l'p'tat de la fonction
circulatoire dans la série animale; par M. Marey.
J'ai eu l'honneur de présenter à la Société, au commencement de
cette année, des tracés obtenus sur l'homme et sur les animaux et re-
182
présentant le battement du cœur dans les conditions normales. On a pu
voir que la plus grande variété se rencontre dans la forme des batte-
ments du cœur lorsqu'on étudie ceux-ci sur des animaux différents et
môme que la forme du battement diffère sur chaque animal suivant les
variations physiologiques de sa fonction circulatoire.
On peut résumer ainsi les conclusions de mon premier travail:
Le tracé du battement du cœur renferme à peu près les mêmes élé-
ments chez les mammifères. Ainsi les battements du cheval, que j'avais
déjà enregistrés dans mes expériences avec Chauveau, sont à peu près
identiques, sauf leur fréquence moins grande, aux battements du cœur
de l'homme à l'état physiologique. Chez le chien, le chat, le lapin, la
principale différence consiste dans une fréquence plus grande et une
moindre intensité des battements comparés à ceux des plus grands
mammifères.
Chez la tortue, la forme du battement cardiaque diffère notablement:
la systole est plus prolongée, et les claquements valvulaires ne sont
pas appréciables.
La grenouille et l'anguille donnent des battements très-analogues,
mais avec une systole moins prolongée. La forme de cette systole est
toujours arrondie.
Enfin, le crabe a présenté, comme on pouvait s'y attendre, une forme
toute particulière caractérisée par l'absence de la contraction de l'o-
reillette.
Depuis cette première communication à la Société, j'ai pu continuer
mes expériences et les étendre à un plus grand nombre d'espèces ani-
males, grâce à l'obligeance de M. le professeur Coste, qui m'a ouvert
son laboratoire et ses aquariums marins de Concarneau. J'ai pu étudier
le battement du cœur chez un grand nombre d'espèces de poissons et
de crustacés, et j'ai trouvé que tous les poissons présentaient sensible-
ment la même forme de battements que l'anguille que je connaissais
déjà, et que les homards, langoustes, écrevisses d'eau douce, etc., don-
naient le même tracé que le crabe dont j'avais déjà obtenu le tracé car-
diaque.
Des faits nouveaux et qui me semblent importants se sont présentés
à moi dans mes expériences récentes. C'est d'abord l'identité presque
absolue de forme des battements du cœur chez tous les animaux lorsque
le cœur détaché de l'animal se contracte à vide au lieu de fonctionner
normalement. Ainsi j'ai trouvé que les mammifères, les oiseaux, les
chéloniens, les poissons, les crustacés donnent tous des tracés sembla-
bles lorsqu'ils se contractent après avoir été détachés de l'animal. Cette
forme unique consiste dans une systole brève et une diastole longue. La
systole représente à peu près un tiers de la révolution totale et la dias-
183
tolo deux tiers. Cette forme est, dureste, à peu près celle que donnent,
à l'état physiologique les poissons assez nombreux que j'ai pu étudier;
toute la difliérence consiste dans l'effet de la contraction de l'oreillette
qui existe dans l'état physiologique et qui manque sur le cœur séparé
de l'animal. J'ajoute que les mollusques donnent physiologiqiiement cette
l'orme pour ainsi dire rudimentaire du battement cardiaque, tel est du
moins le tracé que m'a fourni un mollusque acéphale, seule espèce que
j'aie encore pu étudier.
De là résulte que le battement du cœur semble être produit par une
sorte de décharge musculaire intermiilente, toujours la même cliez tous
les animaux, mais dont les résistances passives modifient la forme dans
les conditions physiologiques. Cette opinion est encore confirmée par
la possibilité de modifier la forme du battement du cœur chez un ani-
mal en faisant varier les résistances que cet organe éprouve pour pous-
ser le sang dans les artères.
Un rapprochement intéressant à faire, c'est celui de cette forme pri-
mitive de la contraction ventriculaire avec la forme la plus habituelle
de la contractiou diaphragmatique. Ces formes sont sensiblement iden-
tiques entre elles, et par cette similitude semblent faire prévoir que
toutes les contractions rhythmiques sont produites par des actes mus-
culaires semblables.
IV. — Physiologie expékimentale.
1"Ql'eloue3 expériences sur la physiologie des Tissrs ÉRECTiLEs; commu-
niquées par M. Legros, interne des hôpitaux.
On sait très-bien que les tissus érectiles gonflent par l'accumulation
du sang dans des canaux spéciaux, mais on n'a pas encore clairement
démontré comment se fait cette accumulation. On a dit, lorsqu'il s'agis-
saitdela verge, que les muscles ischio et bulbo-caverneux, en compri-
mant les veines et les corps caverneux, arrêtaient le cours du sang et
produisaient la turgescence; cette explication est sans valeur dès qu'il
s'agit d'autres organes érectiles (la crête des coqs, par exemple).
Et du reste l'érection n'est pas soumise à la volonté; j'ai électrisé les
muscles du périnée chez un chien sans produire la moindre turgescence.
On a dit encore qu'il y avait contraction des fibres musculaires de la
vie organique que l'on rencontre en petite quantité autour des aréoles
du tissu érectile; on s'explique difficilement dans ce cas qu'il y ait dila-
tation de ces aréoles; lorsqu'on électrisé directement le tissu érectile,
on le voit revenir sur lui-môme et chasser le sang qu'il conlient.
Des auteurs allemands disent, au contraire, qu'il y a paralysie de ces
Hbres musculaires, d'où dilatation des aVéoles.
184
On voit combien celle question soulève de contradictions.
Enfin les belles expériences de M. Claude Bernard sur l'action des
nerfs vaso-moteurs et la connaissance exacte de la texture du tissu érec-
tile ont donné naissance à une théorie séduisante; la paralysie momen-
tanée des nerfs vaso-moteurs produirait une dilatation des rameaux ar-
tériels et raftluxdusang, étant plus considérable, produirait l'érection.
C'est dans le but de prouver l'exactitude de cette ingénieuse théorie
que j'ai fait mes expériences.
J'ai obtenu un résultat tout à fait opposé à celui que j'attendais. Non-
seulement la section des filets du grand sympathique qui se rendent dans
les tissus érectiles n'a pas produit de turgescence, mais elle a empêché
l'érection.
J'ai d'abord essayé de détruire les filets du grand sympathique qui se
rendent au tissu érectile de la verge, sur des rats, des cochons d'Inde,
des chats et des chiens; j'y suis parvenu plusieurs fois, mais la verge
est toujours restée flasque.
J'ai ensuite tenté de détruire les filets du grand sympathique qui se
rendent à la crête des coqs et à l'appareil érectile de la tête des din-
dons; les résultats ont été très-nets; après l'extirpation du ganglion
cervical supérieur, j'ai vu immédiatement du côté opéré le tissu érectile
pâlir et s'affaisser.
Sur un dindon que je présente, le ganglion cervical supérieur du côté
droit est enlevé depuis cinq semaines; la moitié correspondante de la
tête est pâle et a cessé d'être verruqueuse; il n'y a pas élévation de
température; on trouve un peu de rétraction du globe oculaire, comme
cela arrive toujours après la section du grand sympathique au cou.
La caroncule est pâle et flasque du côté droit; de plus elle est dé-
viée à gauche par la paralysie du faisceau de fibres musculaires de la
vie organique qui se trouve dans cet organe.
Lorsque l'animal est un peu excité, il a la moitié gauche de la tête
d'un rouge intense et l'autre moitié reste pâle.
Avec nos connaissances actuelles en physiologie, il est bien difficile
d'expliquer ce fait.
On peut dire qu'à la suite de la paralysie des fibres musculaires de
la vie organique situées dans les cloisons des aréoles, le sang n'est plus
retenu et s'écoule librement par les veines; mais nous avons vu que la
contraction de ces fibres musculaires chassait le sang contenu dans les
aréoles; leur contraction ou leur paralysie produiraient donc le môme
effet.
Il me semble qu'on est conduit à admettre une sorte d'antagonisme
entre l'action du grand sympathique sur les dernières ramifications ar-
térielles et son action sur les veinules; l'excitation du nerf dilatant les
185
artérioles en contractant les veinules et sa section ou sa paralysie pro-
duisant un efl'et contraire, de telle sorte que dans l'érection il y aurait
excitation du grand sympathique et contraction des veinules qui émer-
gent des tissus érectiles.
Quoi qu'il en soit, je constate que la section des filets du grand sym-
pathique qui se rendent dans les tissus érectiles empêche complètement
lérection et donne un résultat tout à fait opposé à celui que Ton ob-
tient pour les autres tissus qui sont congestionnés par une semblable
opération.
2° Abi.atiox du ganglion cervical supérieur chez les oiseaux;
par M. Joseph Michon.
Dans la dernière séance de la Société de biologie, mon ami M. Ar-
mand Moreau a eu l'obligeance de dire quelques mots d'expériences
que j'ai entreprises sur le ganglion cervical supérieur chez les oiseaux.
Je n'ai pas encore communiqué à la Société mes recherches, à cause
du résultat négatif que j'ai obtenu, quoique j'aie fait tous mes efforts
pour me mettre à l'abri des causes d'erreur.
L'action du grand sympathique à la région cervicale supérieure
devait se manifester par des phénomènes de vascularisation, des phé-
nomènes de calorification et des phénomènes pupillaires. Si par une
cause quelconque un de ces phénomènes m'échappait, j'espérais consta-
ter par la présence d'un des deux autres l'action du ganglion cervical.
Or lorsque j'ai enlevé le ganglion cervical supérieur, je n'ai jamais
observé ni changement dans la vascularisation, ni augmentation de cha-
leur du côté opéré, ni rétrécissement de la pupille. Les animaux ont
pour la plupart survécu à l'opération; ils ont guéri de leurs plaies; je
n'ai constaté aucun des trois phénomènes ni immédiatement ni consé-
cutivement.
Je dois dire que j'ai toujours opéré sur des coqs; j'ai choisi cette
espèce à cause des difficultés opératoires que présentent la plupart des
autres oiseaux, difficultés qui n'auront pas échappé aux expérimenta-
teurs. Pour atteindre le ganglion, il faut inciser la peau dans une région
très-vasculaire; même chez le coq il est très-difficile d'éviter quelques
hémorrhagies; chez le dindon, le tissu érectiie se prolonge trop avant
sur le cou, Ihémorrhagie est inévitable. D'un autre côté, le coq pré-
sente cet avantage, qu'il présente une crête suffisamment vasculaire
pour que l'on puisse parfaitement observer un changement s'il y en a
un.
Des trois phénomènes qui doivent accompagner la section du grand
sympathique, celui sur lequel l'erreur est le plus facile est le phéno-
186
mène de vascularisalion, car aux hémorrhagies superficielles que je
viens de signaler se joint le danger presque inévitable de blesser le
réseau vasculaire que Ton rencontre plus profondément tout autour du
ganglion. On comprend que le moindre trouble dans la circulation de
ce côté doit amener une différence dans la vascularisalion qui serait
attribuée à tort à l'ablation du ganglion.
Je ne puis m'expliquer ce manque d'action du ganglion cervical su-
périeur, et je pense que de nouvelles expériences sont nécessaires ; elles
montreront à quelles causes il faut attribuer cette non-manifestation
des phénomènes. Mais pour que ces expériences soient rigoureuses, il
faut avant tout observer l'action sur la pupille, et c'est seulement lors-
que cette action aura été constatée que l'on pourra ajouter plus de con-
fiance à la manifestation des autres phénomènes.
.l'ajouterai que. lorsqu'on coupe le sympathique dans une région où
Ton ne blesse pas les vaisseaux, les phénomènes de vascularisation et
de calorification se manifestent chez les oiseaux comme chez les mam-
mifères. Ainsi la section du sciatique faite chez le coq amène une calo-
rification et une coloration immédiate et persistante de la patte du côté
opéré.
V. — Pathologie comparée.
Maladie ces ovaires avec ascite chez la dorade de la Chine [Cyprinus
auratîis); par C. Davaine.
Le savant directeur du jardin botanique de Montpellier, M. Ch. Mar-
lins, observa plusieurs fois une maladie particulière sur les poissons
qui habitent les bassins de cet établissement, ces poissons sont le cyprin
doré ou dorade de la Chine.
Dans celte maladie le ventre, devenu très-volumineux, est distendu
par des vésicules qui rappellent, jusqu'à un certain point, les hyda-
tides; mais les vers vésiculaires étant encore inconnus chez les pois-
sons, M. Martins voulut bien soumettre un de ces animaux malades à
mon examen.
Une dorade me fut envoyée dans de l'alcool le 23 juillet 1865; elle
avait la taille qu'acquièrent les adultes de son espèce; son ventre était
très-volumineux, faisant sur le reste du corps une saillie bien circon-
scrite; les écailles de celle région, écartées les unes des autres, n'étaient
point régulièrement imbriquées partout. A l'ouverture de la cavité ab-
dominale, il s'écoula une assez grande quantité de liquide trouble et
légèrement rougeâtre qui ne remplissait qu'une partie de cette cavité,
car elle contenait en outre deux corps ayant l'apparence de vésicules,
oblones. étendus d'arrière en avant et adhérents lonaitudinalement de
187
chaque côté de l'intestin qu'ils masquaient complètement. Le péritoine,
qui revotait ces corps et le reste de la cavité abdominale, n "offrait point
d'altération bien appréciable.
Les corps vésiculeux ne formaient point une cavité pleine d'un liquide
libre; ils étaient constitués intérieurement par un parenchyme très-
lâche, consistant en tractus fdamenteux, infiltrés d'une grande quantité
de sérosité et parsemés çà et là de granulations très-petites. Ces granu-
lations, examinées au microscope, étaient des amas de corpuscules
généralement sphériques, d'un volume variable entre l et 4 dixièmes
de millimètre de diamètre; elles étaient renfermées dans les tractus
formés de tissu cellulaire, lesquels prenaient, dans certains points pour
les contenir, l'apparence de tubes dilatés. Les corpuscules sphériques
étaient composés de granulations moléculaires ou graisseuses, généra-
lement plus condensées au centre de la sphère, mais non régulièrement,
et donnant en ces points l'image d'amas pigmenlaires. On n'y voyait
point de vésicule germinative. Ces corpuscules sphériques étaient évi-
demment des ovules rudimcntaires fort altérés qui, réunis en nombre
plus ou moins considérable, formaient les granulations visibles à l'œil
ou.
Le liquide de la cavité du péritoine se sépara par le repos en deux
portions, l'une liquide-citrine et transparente, l'autre formant un dépôt
rougeâtre. Le liquide était incoagulable par la chaleur et l'acide ni-
trique. (Il esta observer que la dorade ayant séjourné dans l'alcool, les
substances albumino'ides pouvaient s'être précipitées par ce fait.) Le
dépôt, au microscope, était constitué par une substance floconneuse,
amorphe, dans laquelle se trouvaient : 1° des cristaux en aiguilles assez
nombreux, incolores, ordinairement réunis en faisceaux; 2° des prismes
hexaédriques jaunâtres, rougeâtres ou d'un rouge violet, les plus vo-
lumineux ayant 2 centièmes de millimètre de diamètre. Ces cristaux
disparaissaient par la potasse et par l'acide sulfurique concentré ; 3" des
corpuscules arrondis ou irréguliers, d'un volume variable jusqu'à 2 cen-
tièmes de millimètre de diamètre, ayant le centre coloré en rouge
foncé ou noirâtre, inaltérés par la potasse, l'acide acétique et l'acide
sulfurique. Le centre de plusieurs de ces corpuscules paraissait consti-
tué par les prismes hexaédriques qu'enveloppait une couche d'une autre
nature.
D'après l'examen anatomique des organes malades, il est clair que
les deux vésicules de la cavité abdominale n'étaient pas des hydatides;
c'étaient évidemment les ovaires qui avaient subi une altération pro-
fonde. La mnladie de ces organes était-elle primitive ou consécutive à
l'hydropisie du péritoine? C'est ce qu'on ne peut dire encore.
M. Marlins m'a donné les détails suivants sur les circonstances dans
1S8
lesquelles se produit cette maladie chez les dorades : « Ces poissons se
u multiplient dans plusieurs bassins du jardin. La maladie n'affecte ja-
« mais que les gros ; une fois elle a pris le caractère d'une épizootie,
« j'ai fait nettoyer le bassin où elle s'était déclarée, et l'épizootie a
u cessé. Tous les poissons qui sont atteints ne meurent pas; j'en ai vu
« guérir. La nature de l'eau parait sans influence sur le développement
« de la maladie; quelques bassins sont alimentés par de l'eau de puits,
<< d'autres par de l'eau de source, et cette eau se renouvelle souvent,
« surtout pendant l'été. Il y a beaucoup de fretin dans le bassin où est
M mort le poisson que je vous ai envoyé; ce qui prouve que d'autres
« femelles étaient parfaitement saines. »
L'ascite et les maladies de l'ovaire ont été observées chez les pois-
sons; toutefois les cas en ont été très-rarement mentionnés. Les auteurs
qui se sont occupés de l'histoire naturelle de ces animaux en ont seuls
parlé. M. Rayer a donné, dans les Archives de médecine comparée, le
résumé de tout ce qu'on en sait; mais ces maladies n'ont point été
observées avec assez de soin pour qu'on ait à leur sujet des connais-
sances quelque peu précises.
Quanta l'hydropisie, voici ce qu'en dit Bloch dans son Histoire na-
turelle des poissons : « Lorsqu'il survient un temps froid à l'époque du
« frai, la brème se retire au fond de l'eau; lorifice du cloaque des
« femelles se referme, s'enflamme; le poisson enfle, dépérit et meurt
« hydropique. On m'a apporté une brème dont le corps avait dépéri et
« dont le ventre était excessivement enflé; elle pesait 3 livres 3/4; vers
« l'enflure les écailles paraissaient aussi grandes que celles de la carpe,
" ce qui provenait, sans doute, de la trop grande tension de la peau ;
« car au lieu d'être rangées les unes sur les autres comme des tuiles,
u elles étaient situées les unes à côté des autres en lignes parallèles.
(i Ayant ouvert ce poisson, je trouvai dans la cavité du ventre une sub-
« stance gluante et rougeâtre qui paraissait granuleuse comme le millet
« cuit. J'en fis cuire une partie, mais au lieu de devenir rouge ou jaune
« comme les œufs des poissons, elle se changea en une bouillie blanche.»
{Histoire naltirelle générale et particulière des poissons, in-fol. Berlin,
1785-1796.) Bloch rapporte encore un exemple d'hydropisie abdominale
observée chez une carpe. Le fait lui avait été communiqué par le pro-
fesseur Schrank à Ingolstadt. Cette carpe, achetée au marché, pesait
6 livres; après qu'on en eut fait l'ouverture, on trouva dans le ventre,
au lieu de laitance, une si grande quantité d'eau, que le poisson ne pesa
plus que 3 livres.
Quant aux maladies des ovaires, les observations en sont plus rares
encore : de Lacépède en fait mention ; mais le savant naturaliste s'est
inspiré très-probablement de l'observation de Bloch citée ci-dessus :
iS'.t
il dit en cH'el que, lorsque la saison devient froide avant la fan du frai,
l'orifice, des organes génitaux, chez la femelle des poissons, s'enflamme
et se ferme; le ventre se gonfle, les œufs s'altèrent, se changent en une
substance gluante et rougeâtre; enfin l'animal dépérit et meurt. {Hist.
nat. des poissons. Paris, 1798-1803.)
Les notions que nous trouvons dans les auteurs sur Tascite et les
maladies de l'ovaire chez les poissons, se réduisent donc à la mention
qu'en fait Bloch et aux deux observations qu'il rapporte. Le premier de
ces faits est très-probablement une maladie semblable à celle dont nous
avons donné Tobscrvation. D'après ce que Bloch dit de l'influence des
circonstances extérieures sur la maladie des ovaires, et d'après la coïn-
cidence de l'altération de ces organes avec l'ascite, il est probable que
cette dernière affection est consécutive à la première, d'autant plus que
la maladie qui a été observée à Montpellier par M. Martins n'atteint
que le poisson adulU;.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
UË
F F
LA SOCIETE iE
PENDANT LE MOIS DE NOVEMBRE 1865;
Par .mm. les Docteurs DUMONTPALLIER et RERGERON,
SECRÉTAIRES.
ÎSIDMCE \M W.
1. — Anatomie pathologique.
s
Note sur la dégé.nerescknce amïloïdedu tube digestif; par M. G. Hayem,
interne des hôpitaux.
Dans une communication antérieure, j'ai déjà eu l'occasion d'attirer
l'attention de !a Société sur la dégénérescence amyloïde du tube digestif
et particulièrement sur celle de l'intestin. Depuis, j'ai recueilli à l'hô-
pital des Enfants malades, dans le service de M. Millard et dans dif-
rentes autopsies que mes collègues ont eu l'obligeance de me montrer,
plusieurs pièces anatomiques qui m'ont permis de faire l'étude des di-
verses phases de la dégénérescence amyloïde du tube digestif.
Les derniers travaux de MM. Kïihn et Rudneif (1) ne peuvent laisser
aucun doute à cet égard.
'1) Xrch. fur Tpalli. an., van Virchow, mai 1865.
11 osl bion clabli maintenant qu'il ne faut pas s'en laisser imposer
par le nom impropre à^amyloïde, et que dans la dégénérescence ainsi
désignée, on ne doit pas s'attendre à trouver dans les organes des ma-
lières ghjcogènes, mais bien des dépôts multiples d'une matière ayant
une ressemblance presque parfaite, au point de vue de la composition
élémentaire, avec l'albumine, mais possédant des caractères distinclifs
très-nets (1).
L'examen chimique et l'étude histologique fournissent des caractères
sûrs et importants ; mais la question n'est pas renfermée dans des li-
mites aussi étroites. Au point de vue clinique, il faut envisager la dé-
générescence amyloïdc dans ses conditions étiologiques, son mode par-
ticulier d'envahissement dans les organes, suivre enfm sa généralisation
dans tout l'organisme, se traduisant au lit du malade par la cachexie.
C'est en procédant de cette manière qu'on arrive à constater que
l'altération qui caractérise la dégénérescence amyloïde peut se ren-
contrer dans un nombre considérable d'organes. C'est ainsi qu'on la re-
trouve non-seulement dans la rate, le foie, les reins, les ganglions lym-
phatiques, où elle se montre à la vérité avec le plus de constance, mais
aussi dans l'appareil respiratoire (bronches et parenchyme pulmonaircj
comme j'ai eu l'occasion de vous le montrer dernièrement; dans le
pancréas, les capsules surrénales, le corps thyroïde, les amygdales, le
thymus, dans les muscles, dans le tissu cellulo-adipeux, enfin dans les
diverses parties du tube digestif.
C'est ce dernier point qui forme le sujet de cette communication.
Dans certains cas de dégénérescence amyloïde plus ou moins com-
plètement généralisée, on voit survenir des troubles digestifs variables.
Le plus fréquemment on constate une diarrhée chronique, quelquefois
des hémorrhagies intestinales. C'est alors qu'on trouve à l'autopsie des
lésions particulières du tube digestif qui, indiquées déjà dans plusieurs
autopsies, n'ont pas encore été, que nous sachions, l'objet d'une des-
cription complète.
La fréquence de la dégénérescence amyloïde du tube digestif varie
probablement suivant les circonstances étiologiques qui donnent nais-
sance à cette altération. A l'hôpital des Enfants malades, chez des su-
jets scrofuleux tous atteints de suppuration chronique des os, avec ou
sans tuberculisation, elle s'est présentée à notre observation cinq fois
sur quarante autopsies.
Les causes particulières ou prédisposantes à cette dégénérescence du
tube digestif paraissent jusqu'à présent échapper à l'observation; mais,
(1) Etudes sur deux cas de dégénérescence dite amyloïde ou cireuse.
(Soc. de biologie, 1864.)
dans tous les ca?, les enfants que nous avons observés présentaient, en
dehors du tube digestif, un nombre plus ou moins considérable d'organes
dégénérés, dont Faltération était antérieure à l'apparition des troubles
digestifs et de la diarrhée.
Nous n'avons donc observé la dégénérescence nmyloïde du tube di-
gestif quo dans des cas de généralisation déjà très-étendue, et à une
époque où l'affection était arrivée à une phase très-avancée.
Le siège des altérations anatomiques que l'on observe est variable ,
mais presque toujours le début s'observe dans la dernière portion de l'in-
testin grêle et dans le gros intestin ; et, lorsque d'autres portions du tube
digestif sont atteintes, c'est toujours dans celles-là que les lésions sont le
plus avancées. De sorte que les premières portions du tube digestif,
l'estomac, l'œsophage, la langue et les amygdales ne participent à l'al-
tération que dans la minorité des cas.
AUéralions anatomiques. — Leur siège, leur aspect variable, leur
mode de développement et leurs terminaisons permettent de décrire
deux degrés qui répondent aux deux phases principales de l'affection.
Le premier serait caractérisé par la dégénérescence des vaisseaux de
la muqueuse digestive et le gonflement des follicules sous-muqueux.
Le second par la désagrégation des follicules et la destruction de la
muqueuse à leur niveau.
Chacun d'eux présenterait, même à l'œil nu, un aspect particulier
des follicules isolés et des plaques de Peyer, le premier offrant une al-
tération qu'on peut désigner sous le nom de psorentérie amyloïde, le
second une transformation des plaques de Peyer en plaques réliculèes
et celle des follicules isolés en érosions ou ulcérations amyloïdes. On
peut suivre quelquefois sur le même intestin ces deux états principaux
de la dégénérescence entre lesquels on peut distinguer encore quelques
intermédiaires et qui s'accompagnent aussi de lésions des autres parties
du tube digestif accessoires et plus rares. C'est pourquoi la distinction
de ces deux degrés qui peut s'établir sur des caractères faciles à dis-
tinguer sans le secours du microscope, ne nous a paru utile que pour
rendre la description plus facile et plus nette.
Premier degré. — L'intestin est rempli de matières plus ou moins li-
quides, verdâtres, quelquefois un peu séreuses.
La muqueuse de l'intestin est pâle, blanciiàtre, recouverte d'une
couche assez épaisse de mucus qui s'enlève par le lavage. Ces lésions
sont simplement catarrhales, les suivantes sont seules caractéristiques.
Les petites artérioles et les capillaires sont épaissis particulièremert
dans le voisinage des plaques de Peyer et autour des follicules clos:
Ceux-ci sont tuméfiés, ils soulèvent la muqueuse et forment des grains,
des nodules saillants dont la grosseur varie depuis celle d'un grain de
t:. R 13
194
înillet jusqu'à celle d'un grain de chènevis. En môme temps presque
toujours la petite dépression de la muqueuse que l'on observe à leur ni-
veau est exagérée et forme un godet plus ou moins net. La coloration
de ces grains est blanchâtre, quelquefois semi-transparente; leur con-
sistance est assez considérable et une piqûre faite à leur niveau ne dé-
termine pas leur affaissement. Les follicules et les plaques de Peyer
offrent alors un aspect analogue à celui qui existe dans ia psorentérie ;
c'est pourquoi on peut donner à cette altération le nom de -psorenlérie
amytoïde.
Outre les circonstances particulières dans lesquelles celle-ci se dé-
veloppe, elle se distingue de toutes les autres variétés de psorentérie par
î'épaississement des vaisseaux autour des follicules et par les réactions
caractéristiques de la dégénérescence amyloïde. Si l'on vient, en effet,
à verser de l'eau iodée sur les portions malades de l'intestin, on voit
apparaître une coloration rouge sombre des vaisseaux épaissis ; en
même temps une foule de petites ramifications vasculaires non visibles
à l'œil nu semblent naître sous l'influence de l'iode, de telle sorte que
l'intestin d'abord pâle prend l'apparence qu'il offre dans une hyperémie
plus ou moins intense. L'eau iodée fait encore naître dans des points
plus ou moins étendus de la muqueuse intestinale des lignes rouges et
ramifiées le long des vaisseaux qui ne sont pas en rapport avec des fol-
licules isolés ou agminés et c'est même quelquefois la seule lésion qui
existe dans les cas où la dégénérescence est peu accusée, et dans les-
quels les follicules n'offrent pas encore le gonflement qui caractérise la
psorentérie.
Lésions microscopiques. — L'examen hislologique de la muqueuse
intestinale montre que les dépôts de matière amyloïde se font dans les
fibres cellules des artérioles et à la face interne des capillaires, comme
cela a lieu dans les autres tissus.
Si l'on fait une coupe au niveau des follicules tuméfiés et perpendi-
culairement à leur surface, on trouve autour d'eux une grande quantité
de vaisseaux capillaires altérés. Ceux-ci donnent naissance à de petites
branches vasculaires très-fines, transparentes, qui pénètrent dans l'in-
térieur du follicule et qui ne se voient d'ordinaire que sur des injections
capillaires très-fines. Ce sont les petits vaisseaux de l'intérieur même
des follicules qui ont subi la dégénérescence amyloïde et qui présen-
tent aussi la réaction iodo-sulfurique.
Le follicule lui-môme est rempli d'une foule de petites granulations
et quelquefois dune quantité plus ou moins considérable de concrétions
amyloïdes. Ces altérations sont tout à fait comparables à celles des
corpuscules de la rate dans la dégénérescence amyloïde, et la psoren-
térie répond ici à cet aspect particulier de l'organe splénique qu'on a
195
. désigné sous le nom de rate sagou. Dans ce premier degré de dégéné-
rescence amyloïde un petit nombre seulement des vaisseaux du tissu
sous-muqueux sont altérés, et dans la muqueuse elle-même etses glandes
on ne trouve que des altérations catarrhales.
£n résumé, le premier degré de dégénérescence amyloïde de l'in-
testin est caractérisé : 1° par la dégénérescence des artérioles et des
capillaires artériels de la muqueuse, particulièrement autour des folli-
cules, tant isolés qu'agminés ; 2" par la tuméfaction avec dégénéres-
cence amyloïde de ces follicules : psorenlérie aimjloide.
Quand les malades succombent à celte époque de la dégénérescence
(c'est surtout vers la fin de l'intestin grêle et dans le gros intestin que
l'on rencontre ces lésions), les autres parties du tube digeslif ne sont
pas habituellement le siège d'autres altérations; cependant il est rare
que Ion ne trouve pas, en examinant toute la longueur du tube diges-
tif, plusieurs points où les vaisseaux de la m.uqueuse sont dégénérés.
On rencontre aus«îi habituellement une tuméfaction avec dégénéres-
cence de même nature dans les ganglions mésentériques.
Deuxième degré. — Celui-ci n'est que le résultat de la transforma-
tion des follicules dégénérés et l'extension de la dégénérescence quel-
quefois à toute l'épaisseur du tube digestif.
Lésiotis à iœilnu. — Peu de temps après la tuméfaction des follicules,
la dépression centrale, en forme de petit godet, s'élargit peu à peu et
s''entoure d'un cercle jaunâtre. Bientôt le follicule n'offre plus la môme
saillie ni la môme consistance; on voit à son niveau un petit cercle
blanchâtre plus ou moins saillant, où aboutissent quelques petits vais-
seaux épaissis, et au centre une substance jaunâtre un peu pulpeuse.
Enfin, à un degré plus avancé, celte matière jaune a disparu; la mu-
queuse et le follicule n'existent plus; l'ulcération amyloïde est consti-
tuée.
Ces transformations se font aussi bien au niveau des plaques dePeyer
que des follicules clos; c'est pourquoi l'on arrive peu à peu à deux alté-
rations anatomiques caractéristiques que l'on peut désigner sous les
noms de plaques réticulées et d'érosions ou ulcératiom ainyloules.
Les plaques réliculces umyloïdcs, dues à la transformation des pla-
ques de Peyer, offrent l'apparence d'une sorte de dentelle plus ou
moins fine, au lieu et place où existait auparavant une plaque de Peyer,
tuméfiée par un premier degré de dégénérescence.
Les lignes blanchâtres et saillantes, qui circonscrivent les espaces
déprimés qui donnent à l'ensemble l'apparence d'une dentelle plus ou
moins fine, ou d'une sorte de gâteau de miel, représentent exactement
la distribution des vaisseaux de la plaque de Peyer, s'anastomosant et
se ramifiant autour des follicules. Les madles, actuellement déprimées
ou vides, sont d'autant plus petites que la dégénérescence amyioïde
est étendue aux plus fines ramifications vasculaires, de sorte que la pla-
que, dans son ensemble, offre une élégance et une délicatesse variables,
mais toujours une grande régularité. A la périphérie de la plaque, on
voit un certain nombre de troncs vasculaires également épaissis : ce
sont ceux qui, par leurs ramifications, fournissent les vaisseaux de la
plaque de Peyer. Au niveau des mailles, les follicules détruits ou éli-
minés laissent à leur place soit une ulcération, soit un amincissement
considérable de la muqueuse. Ces altérations ne développent aucune
inflammation au niveau de la plaque ou en dehors d'elle; la muqueuse
de Tinteslin est pâle, anémiée, recouverte d'une quantité plus ou moins
grande de mucus.
Si l'on verse de l'eau iodée ou iodo-iodurée sur la plaque réticulée,
les lignes vasculaires blanchâtres se colorent immédiatement en rouge
brunâtre, et cette coloration se transforme en violet bleuâtre par l'ad-
dition d'une petite quantité d'acide sulfurique.
Les ulcérations et érosions amyloïdcs sont le résultat, au niveau des
follicules isolés, d'une altération analogue à celle qui vient d'être dé-
crite au sein des plaques de Peyer. C'est la même lésion anatomique
que celle que représente la plaque réticulée, celle-ci étant due, pour
ainsi dire, à la réunion d'un certain nombre d'ulcérations ou érosions
amyloïdes.
Les érosions et ulcérations se présentent sous l'aspect de petites dé-
pressions ou de véritables pertes de substance dont le bord est arrondi
et net. On dirait, dans certains cas, qu'une rondelle de la muqueuse a
été enlevée à l'emporte-pièce. Le bord légèrement saillant est sillonné
par des vaisseaux blanchâtres, dont les divisions principales sont visi-
blement épaissies. Le fond est lisse ou un peu grenu; il est formé par
le tissu cellulaire sous-muqueux ; il reste encore quelquefois des débris
un peu jaunâtres de la muqueuse, lorsque l'érosion ou l'ulcération ne
sont pas complètes. Dans d'autres cas, au contraire, la muqueuse paraît
seulement amincie, et Ion ne voit qu'une simple dépression circulaire
circonscrite par les vaisseaux épaissis.
Si l'on emploie les réactifs, on peut se convaincre, rien qu'à l'œil nu,
que les vaisseaux qui entourent normalement le follicule et qui envoient
autour de lui et dans son épaisseur des ramifications, sont dégénérés.
Ainsi l'eau iodée fait apparaître autour de la perte de substance une
sorte de couronne d'un brun rougeâtre, de laquelle parlent des ramifi-
cations qui représentent exactement la distribution vasculaire normale.
ExAMEiN MICROSCOPIQUE. L'étudo dos altéralious qui se passent au niveau
des follicules dégénérés de l'intestin depuis la simple tuméfaction jus-
qu'à la formation complète des plaques réticulées et des érosions circu-
197
laires montrent que ces dernières altérations sont dues à un travail de
destruction moléculaire. On voit en effet se développer au niveau des
follicules, dansla muqueuse qui les recouvre, une métamorphose grais-
seuse des éléments, et lorsque l'érosion ou l'ulcération se montrent, le
follicule a disparu , soit par désagrégation granulo-graisseuse, soit
parce qu'il est entraîné au dehors après la désagrégation de la mu-
queuse.
Si l'un pratique une coupe au niveau d'une plaque réticulée ou d'une
érosion, perpendiculairement à la surface, on voit: 1° une perte de
substance de la muqueuse dont on ne retrouve que des débris granulo-
graisseux; 2° une dégénérescence amyloïde très-avancée des vaisseaux,
dont un certain nombre coupés transversalement dans ces sortes de
préparations apparaissent comme un cylindre vitreux offrant au centre
une ouverture excessivement petite et à la périphérie un certain nombre
de noyaux.
A ce degré plus avancé de la dégénérescence amyloïde, on peut voir
encore des altérations dans les autres tissus qui composent le canal in-
testinal. C'est ainsi qu'on rencontre une dégénérescence amyloïde de la
plupart des vaisseaux du tissu cellulaire sous-muqueux et quelquefois
d'un certain nombre de vésicules adipeuses. La dégénérescence amy-
loïde des fibres lisses n'est pas rare non plus.
Quand elle existe, la paroi du tube digestif est notablement épaissie
sa consistance est plus considérable, et l'on voit au microscope dans un
grand nombre de fibres-cellules des dépôts de substance homogène,
semi-transparente, d'aspect cireux, masquant plus ou moins le noyau,
augmentant le volume de l'élément et présentant la réaction iodo-sul-
furique caractéristique. C'est aussi à la description de cette phase avan-
cée de la dégénérescence amyloïde du lube digestif que se rapportent
les lésions accessoires que Ton trouve dans les autres portions du tube
digestif et dans les replis du mésentère et du péritoine.
Ainsi, on peut rencontrer une dégénérescence des vaisseaux dans un
grand nombre de portions du tube digestif. La psorentérie, limitée or-
dinairement aux dernières portions du tube digestif, remontait une fois
très-haut dans l'intestin grêle. Dans d'autres cas, nous avons pu noter
une fois la dégénérescence des vaisseaux de la muqueuse gastrique et
de celle du duodénum ; une autre, celle des vaisseaux et des fibres lisses
de l'œsophage; chez un autre sujet encore, une dégénérescence amyloïde
des vaisseaux de la muqueuse linguale, particulièrement autour des
glandules de la base de la langue. Dans ce dernier cas, il existait une
dégénérescence très-avancée et générale des amygdales et des vais-
seaux du pharynx.
Nous avons déjà indiqué comme lésion presque toujours concomi-
198
tante de la dégénérescence du tube digestif, celle des ganglions mésen-
tériques; ajoutons que lorsque raffeclion est très-avancée, les vaisseaux
des replis du mésentère et ceux qui doublent le péritoine sont altérés.
Dans une de nos observations, les appendices épiploïques qui nous
paraissent très-fermes et comme sillonnés à la coupe de tractus fibreux,,
étaient aussi le siège d'une dégénérescence amyloïde très-manifeste.
Nous pouvons maintenant comprendre facilement Vévolution et la
physiologie palhoiogiqiie de la dégénérescence amyloïde de la muqueuse
digestive, et surtout de celle des follicules de l'intestin. Comme dans
les autres organes ou tissus, la dégénérescence commence par les vais-
seaux. Les premiers atteints sont ceux de la muqueuse et du tissu cel-
lulaire sous-muqueux, en particulier ceux qui entourent les follicules.
C'est là quelquefois la seule altération que Ton puisse constater au dé-
but. Vient ensuite le gonflement et la dégénérescence des follicules
isolés et agminés. L'altération des vaisseaux, de plus en plus étendue,
et atteignant les fins capillaires, diminue leur calibre à un tel point que,
non-seulement il en résulte une anémie manifeste, mais que la nutrition
des parties les plus altérées ne tarde pas à être profondément troublée.
C'est alors que se montre le travail de désagrégation dont le résultat
est représenté par les plaques réticulées et les érosions ou ulcérations
amyloides. Ce dernier processus a quelque chose d'analogue à ce qui a
lieu dans toutes les altérations des vaisseaux, et Ton peut voir dans la
désagrégation amyloïde une lésion semblable à celle qui résulte de la
dégénérescence graisseuse et athéromateuse des vaisseaux, dans le ra-
mollissement cérébral par exemple.
D'ailleurs, ce travail de destruction qui accompagne un degré avancé
de dégénérescence amyloïde n'est pas particulier au tube digestif. J'ai
eu l'occasiou d'en montrer des exemples à la Société dans les reins et
dans les poumons, et dans ces cas les organes présentaient de véritables
cavernes... Dans l'intestin où la désagrégation a lieu sur une surface
libre, le même processus donne lieu à la formation d'une perte de sub-
stance, dont on peut suivre quelquefois révolution pas à pas sur le
même intestin.
Symptômes. Je m'étendrai peu sur les symptômes. Ils n'ont présenté
que deux ordres de faits, la diarrhée^ les hémorrhagies.
La diarrhée est habituelle dès le premier degré de la dégénérescence,
mais elle n'offre par elle-même rien qui puisse la faire distinguer de la
diarrhée chronique que Ton rencontre dans toutes les cachexies. Ce-
pendant on a noté quelques particularités accessoires qui peuvent faire
penser au lit du malade à une dégénérescence amyloïde de l'intestin
quand il existe d'autres organes dégénérés.
199
Ainsi au' début les selles deviennent habituellement do plus en plus
liquides, sans au2;menter beaucoup en nombre. Les malades n'ont qu'une
ou deux garde-robes par jour, mais les matières rendues sont liquides,
verdàti es, quelquefois manifestement séreuses et blanchâtres.
La diarrhée une fois établie présente rarement des rémissions. Elle
ne s'est jamais accompagnée de coliques ni de sensibilité notable du
ventre.
Les hémorrhagies constituent, quand elles existent, un symptôme
plus important. Je Fai observé deux fois dans les cas où j'ai trouvé à
l'autopsie le second degré d'altération de la muqueuse intestinale;
c'est-à-dire les plaques réticulées, les érosions et ulcérations. Il est
probable que le sang provenait de la rupture des petits vaisseaux gui
entourent les follicules à la suite du travail de désagrégation qui carac-
térise la seconde phase de l'altération.
2' Note sur un cas d'infarctus calcifié; par MM. Cotard et Prévost.
Dans la dernière séance, mon collègue M. Prévost et moi nous sommes
venus présenter à la Société un infarctus obtenu artificiellement chez
un chien, et qui présentait au bout de dix jours une incrustation cal-
caire remarquable.
Par une heureuse coïncidence , nous avons retrouvé des infarctus
très-analogues chez deux vieilles femmes dont nous avons fait l'autopsio
cette semaine.
Nous avons pensé que cette similitude parfaite entre les lésions ana-
tomo-pathologiques et les altérations que nous avions obtenues artifi-
ciellement, pouvaient présenter quelque intérêt; c'est ce qui nous a
décidés à présenter un de ces cas à la Société.
La nommée Perrard, âgée de 83 ans, entrée à l'infirmerie le 10 no
vembre avec une dyspnée extrême, succombe aux progrès dime affec-
tion cardiaque le 22 novembre; elle avait présenté à plusieurs reprises
de l'albuminurie.
Le cœur offre une incrustation calcaire des valvules sigmoïdes de
l'aorte, et de la valvule mitrale qui est couverte de petits tubercules
calcaires.
Une altération analogue se retrouve dans l'aorte abdominale qui est
complètement ossifiée.
Les artères rénales sont saines.
Rein gauche. Une vaste cicatrice blanchâtre rétractée existe à sa
partie moyenne ; si l'on fait une coupe perpendiculaire à la surface du
rein, on voit que cette cicatrice s'étend jusqu'au bassinet; en exami
nant à la loupe la coupe de cette cicatrice, on aperçoit à sa partie la
,^/^
\
plus externe des grains qui représentent les glomérules, et du côté du
bassinet des stries jaunâtres parallèles qui paraissent être les vestiges
de la substance médullaire.
L'artère qui correspond à l'infarctus est oblitérée par un bouchon
adhérent aux parois de l'artère, et formée de fibrine en voie de régres-
sion.
En examinant au microscope une coupe mince dans l'infarctus, on
observe du côté de la surface des reins des grains arrondis, opaques,
disposes en série et qui paraissent être des glomérules, et çà et là
quelques tubuli contractés pétréfiés, et ayant subi divers degrés d'a-
trophie.
Dans la partie de l'infarctus correspondant à la substance tubuleuses
les tubes incrustés se présentent sous forme de lignes noires et opaques,
interrompues par places.
•^ Tous ces éléments sont séparés par une trame fibreuse dont on aper-
çoit facilement les noyaux en ajoutant de l'acide acétique à la prépara-
tion.
La nature calcaire de l'incrustation est démontrée par la réaction de
l'acide sulfurique qui détermine une légère effervescence, rend les
éléments transparents, et donne naissance à des aiguilles caractéris-
tiques de sulfatç de chaux,
IL — Physiologie pathologique.
1* Greffe animale; par M. Bert.
M. Bert communique quelques faits de greffe animale ayant trait à la
résistance des propriétés vitales dans les éléments anatomiques. Il a vu
des queues de rat séparées depuis soixante-douze heures, d'autres sou-
mises à des températures de 4-5!;" ou de — 16°, d'autres desséchées,
puis chauffées à + 100°, continuer de vivre et se greffer.
Entrant ensuite dans le détail des modifications histologiques subies
par les parties greffées, M. Bert montre' qu'elles sont en rapport avec
toutes les évolutions physiologiques ou .pathologiques connues : ainsi,
que les queues greffées continuent à grandir, si elles sont jeunes en-
core; qu'elles subissent, à la suite de certaines influences, les altéra-
tions, caractéristiques de l'ostéite simple, de l'ostéite raréfiante, de l'os-
téomalacie, etc. Il considère que ces expériences convenablement variées
peuvent rendre de grands services à la physiologie et à la pathologie :
la physiologie, en précisant ce qu'on peut appeler les limites d'élas-
ticité des propriétés vitales; à la pathologie, en permettant d'étudier
les conditions d'altération des tissus et l'évolution morbide qui mani-
festé cette altération.
COMPTE RENDU DES SÉANCES
ut
r r
LA SOCIETE DE BIOLOGIE
pendant le mois de decembre 1865;
Par mm. les Docteurs DUMONTPALLIER et BERGERON,
secrétaires.
PRESIDENCE DE ^. RAÏER.
I. — Histologie.
Contribution a l'étude histologique des lésions qu'on rencontre dans l'ar-
TnROPATHlE ET L'ENCÉPnALOPATHlE RHUMATISMALES AIGUËS ; par leS dOCteUFS
A. Olliviek et L. Ranvier.
On a peu étudié jusqu'ici les lésions articulaires du rhumatisme aigu.
Cependant les accidents cérébraux, si souvent mortels, qui se sont
montrés assez souvent depuis plusieurs années dans le cours de cette
maladie, ont fourni de nombreuses occasions de poursuivre une pareille
étude. C'est ainsi que nous avons pu, à diverses reprises, constater
l'existence et la fréquence de ces altérations, et en apprécier l'impor-
tance au point de vue de la question si controversée de la nature du
rhumatisme articulaire aigu. Ayant récemment recueilli une nouvelle
observation, nous venons la présenter à la Société dans Tespoir qu'elle
202
pourra l'intéresser. Nous rapprocherons ensuite de cette observation les
résultats constants de nos recherches antérieures.
Voici l'histoire de notre malade :
Obs. — Le nommé Hedon, âgé de 37 ans, peintre en bâtiments, est
admis dans la soirée du 12 décembre 1865 à rHôlel-Dieu, salle Sainte-
Jeanne, n" 3, dans le service de M. le professeur Grisolle.
La mère de cet homme vit encore, et elle est fréquemment sujette à
des douleurs rhumatismales ; son père est mort d'une affection cardiaque
sur l'origine de laquelle on ne peut obtenir aucun renseignement. Quant
à lui, sa santé a toujours été bonne jusqu'en 1848. A cette époque, il eut
une première attaque de rhumatisme articulaire aigu. Trois ans après,
il contracta une blennorrhagie, mais jamais il n'eut de maladies syphi-
litiques proprement dites. Les logements qu'il habita furent toujours .
salubres. Enfin disons qu'il se livrait quelquefois à des excès alcooli-
ques.
Hedon a été pris, le 9 janvier, à la suite d'un refroidissement, de
douleurs articulaires occupant les membres inférieurs; avant-hier il
s'est administré lui-même 30 grammes d'huile de ricin. Les membres
supérieurs n'ont pas tardé à être envahis à leur tour, et aujourd'hui
presque toutes les jointures des membres sont douloureuses et un peu
tuméfiées.
Ce qui frappe tout d'abord quand on s'approche de cet homme, c'est
un degré prononcé d'altération des traits; les yeux sont cernés et ha-
gards; néanmoins l'intelligence est nette et le malade répond aux ques-
tions qu'on lui adresse. Il paraît inquiet sur son état et dit à plusieurs
reprises qu'il est perdu. Indépendamment des douleurs des membres,
il se plaint d'une roideur de l'articulation temporo-maxillaire, et ne
peut ouvrir largement la bouche. Chaleur vive de la peau qui est moite ;
pouls petit, 108 pulsations.
Les battements du cœur sont un peu sourds; ^ëts la base et le bord
droit du sternum on entend par moments un léger bruit de souffle,
mais il n'existe pas de matitô anormale. Toux sèche depuis hier; la
poitrine est partout sonore, et l'auscultation n'y révèle rien de particu-
lier. Soif vive, langue un peu sèche et blanche, pas de diarrhée. Céphal-
algie assez intense depuis deux jours; absence complète de frissons
aussi bien aujourd'hui que les jours précédents.
Les urines sont rares, fortement colorées, et ne contiennent pas d'al-
bumine.
Prescription : six ventouses scarifiées sur la région précordiale, tisane
pectorale. En raison de la prostration des forces, M. Grisolle ne veut
pas administrer le sulfate de qu.inine.
203
Le lendemain 14, la pliysionomie du malade est meilleure; le pouls a
repris de la force, 100 pulsations. On ne retrouve plus de soufile à la
base du cœur. iMèmes signes négatifs du côté de l'appareil respiratoire.
Les douleurs articulaires n'ont rien perdu de leur intensité.
Prescription : 1 gramme de sulfate de quinine.
Le 15, les traits ne sont plus altérés, mais le malade ne cesse de se
plaindre; il répète encore qu'il est perdu, et qu'il ne se rétablira jamais.
Un vomissement hier quelques heures après la visite. Sueurs profuses,
pouls à 108; respiration, ';f5; pas de matité ni de râles en arrière. {i^\bO
de sulfate de quinine, eau de Seltz pectorale, vin de Bordeaux.)
Le soir, le malade est très-agité il parle beaucoup; c'est de l'exci-
tation plutôt que du délire. Pouls à 104, fort, plein; respiration, 30.
Rien de particulier dans les plèvres ni dans les poumons.
Les douleurs articulaires sont très-vives. Pas de troubles de la vue
ni de l'ouïe.
Le 16, plaintes incessantes; un peu de délire pendant la nuit.
Au moment de la visite, le malade ne délire plus, mais il est très-
excité, il persiste à se croire perdu; pas de troubles de la vue; une
garde-robe.
Sonorité normale du thorax; pas de râles; pas de bruits anormaux
au cœur. Respiration, 26, pouls à 92, régulier, plein. Sueurs abondantes.
Toutes les jointures des membres sont prises, ainsi que l'articulation
temporo-maxillaire.
En raison de l'agitation du malade, M. Grisolle supprime le sulfate
de quinine, et prescrit 5 centigrammes d'extrait thébaïque en deux pi-
lules.
Le soir, mêmes symptômes; pas de céphalalgie; pouls, 112; sueurs
profuses ; le malade se plaint toujours de ses genoux.
Le 17, délire calme, les genoux semblent libres, mais les pieds sont
encore très-douloureux.
L'opium est supprimé ; 20 grammes d'huile de ricin.
Le soir, le malade est calme, mais il divague quand on lui adresse la
parole ; il dit ne presque plus souffrir en ce moment. Pas de céphalalgie,
pas de troubles de la vue; pouls à 115.
Le 18, agitation et délire toute la nuit; on a dû recourir à la camisole
de force. Pouls à 108. Rien au cœur ni dans les plèvres. Deux garde-
robes.
Prescription : vésicatoires aux genoux et aux pieds ; 2 grammes de
musc.
Le malade est assez calme pendant la journée ; mais il redevient agité
204
dans la soirée et divague de nouveau. Mort à quatre heures du ma-
tin, au milieu d'une grande excitation.
Autopsie faite trente-six heures après la mort.
Nous ouvrons la boîte crânienne avec la scie et nous constatons une
réplétion des sinus de la dure-mère. Les vaisseaux superficiels du cer-
veau sont congestionnés. Dessuiïusions sanguines sous forme de plaques
se montrent sur les bords latéraux et sur la face supérieure des hémi-
sphères. Ces plaques sont irrégulières, plus ou moins étendues et con-
fluentes; dans quelques points elles sont d'un rouge intense. Quand on
enlève délicatement les méninges à leur niveau, il reste sur la surface
dépouillée du cerveau un piqueté qui disparaît presque complètement
par le lavage. Mais de petits pertuis subsistent et indiquent quel a été
le degré de la réplétion vasculaire.
Etendues sur une plaque de verre et examinées à un grossissemeni
de 75 diamètres, les portions des méninges qui sont le siège de celte vas-
cularisation nous laissent voir des capillaires nombreux, gorgés de san::
et présentant des dilations fusiformes et variqueuses,
Le cerveau a sa consistance normale et ses parties profondes sont à
peine congestionnées.
Nous examinons à l'aide du microscope ces cellules et les tubes de
la périphérie et des portions centrales sans y trouver d'altérations ap-
préciables.
Les ventricules contiennent une faible quantité de liquide clair qui,
au microscope, ne présente rien de particulier.
Le cœur n'est le siège d'aucune altération ; un caillot rouge et mou,
probablement posl mortem se voit dans le ventricule droit.
Le péricarde est normal, le liquide péricardique a son abondance ha-
bituelle et contient de nombreuses bactéridies. C'est en efièt un lieu de
production assez constant de ces êtres microscopiques, comme nous
l'avons constaté bien des fois.
Aucune trace de pleurésie ni récente ni ancienne.
Congestion des lobes inférieurs des deux poumons.
Rien dans le péritoine, congestion du foie, de la rate et des reins.
Nous arrivons maintenant à la partie la plus importante de cette note, à
savoir l'examen des deux genoux, des deux articulations tibio-tarsien-
nes, de l'articulation scapulo-humérale gauche, du coude et du poignet
du même côté.
Les deux genoux renferment une proportion de liquide qu'on peut
évaluer à 15 grammes pour chacun d'eux.
Ce liquide est jaunâtre, légèrement opalin et contient quelques flo-
205
cons blancluMres. Dans les autros articulations la synovie ne semble
différer de l'état normal ni par sa qualité ni par sa quantité.
Examiné au microscope le liquide articulaire présente de nombreuses
cellules, qui se montrent avec une très-grande variété de forme. Les
unes sont entièrement semblables aux globules purulents et possèdent
les mêmes réactions, d'autres ont des dimensions plus considérables,
0"'°',02 à 0""",04, et contiennent un ou plusieurs noyaux ainsi que des
granulations qui paraissent de nature graisseuse.
Les flocons sont constitués par un réseau de fibrilles formées par de
la fibrine et des filaments de mucus dont les mailles sont occupées par
des cellules semblables à celles qui flottent librement dans le liquide
articulaire.
La provenance de ces cellules paraît avoir deux sources, Fépithélium
de la synoviale et les cartilages diartlirodiaux eux-mêmes.
La fibrine résulte probablement d'une exsudation de la séreuse.
Quant au mucus, on sait qu'il existe à l'état habituel dans la synovie
et que sa présence s'y traduit par un précipité blanc après addition d'a-
cide acétique. Dans le cas de rhumatisme articulaire aigu le liquide sy-
novial paraît contenir une quantité plus grande de mucine, si l'on en
juge par le précipité abondant qu'y forme l'acide réactif.
Les franges synoviales sont fortement injectées, des arborisations
vasculaires s'y distinguent à l'œil nu. Au microscope et en employant
le liquide articulaire pour faire l'examen, on remarque que tous les
vaisseaux sont gorgés de sang et que les capillaires offrent des dilata-
tions régulières, fusiformes ou variqueuses, telles que les a représen-
tées et décrites Lebert dans son grand ouvrage d'anatomie pathologique.
Les franges synoviales n'ont pas perdu leur revêtement épithélial; dans
quelques points même celui-ci paraît plus abondant, et les cellules qui
le constituent sont devenues vésiculeuses, et contiennent plusieurs
noyaux.
Des articulations que nous avons ouvertes, deux seulement présentent
à l'œil nu des altérations des cartilages : ce sont les fémoro-tibiales.
Os altérations consistent dans de légères saillies mamelonnées sur les
condyles du fémur et du tibia, et dans un état villeux des rotules. Le
cartilage a perdu dans les points altérés sa résistance au doigt, et la
pointe d'un scalpel n'est plus repoussée comme elle Testa l'état normal.
Le reste des surfaces articulaires n'offre aucune modification appré-
ciable.
Sur les autres articulations on ne distingue rien dans les cartilages,
mais en quelques points on peut, en pressant légèrement leur surface
avec le doigt, sentir une diminution de la résistance et de l'élasticité.
206
Les altérations que le microscope permet de constater sont autrement
importantes, mais pour les appri'>cier il faut bien connaître l'état nor-
mal; aussi nous allons le rappeler en quelques mots.
Les cartilages diarlhrodiaux offrent une structure parfaitement régu-
lière ; tous, chez l'adulte, ont trois couches distinctes.
La première couche superficielle est constituée par des cavitésou chon-
droplastes fusiformes, allongés dans le sens de la surface articulaire.
Chaque cavité contient une seule cellule, corpuscule ou protoplasma.
Ces cavités, qui forment plusieurs couches successives en nombre va-
riable suivant les cartilages, sont d'autant plus étroites qu'elles sont
plus superficielles.
La deuxième couche est formée par des chondroplastes allongées en
sens inverse de ceux qui composent la couche précédente, et au lieu
de contenir une seule cellule, ces chondroplastes renferment deux, trois
et un plus grand nombre de capsules placées les unes à la suite des
autres, et non des cellules comme l'ont avancé quelques auteurs. Cha-
cune des capsules est, en effet, creusée d'une cavité dans laquelle se
trouve une masse cellulaire qui se colore fortement par l'iode, tandis
que la substance fondamentale et les capsules ne sont que faiblement
colorées.
Tous ces chondroplastes sont disposés en séries linéaires, et c'est ce
qui explique l'aspect fascicule des cartilages diarlhrodiaux.
La troisième couche qui correspond à l'os est constituée par de grosses
capsules infiltrées de sels calcaires; la substance fondamentale inter-
médiaire est également calcifiée.
Quand on a bien présente à l'esprit la disposition de ces diverses
couches, on peut juger des moindres modifications qui surviennent dans
les éléments qui entrent dans leur composition. C'est ainsi que l'on peut
observer dans les diverses articulations et sur les fragments de carti-
lage que nous mettons sous les yeux des membres de la Société, des
altérations importantes qui, sans le secours du microscope, eussent
passé complètement inaperçues. On voit sur nos dessins qui ont été
faits d'après des préparations de ces diiïerents cartilages, que les élé-
ments cellulaires de la surface cellulaire ont subi de très-grandes mo-
difications. Seulement ces modifications ne sont pas également pronon-
cées sur tous les points. C'est, en effet, un des caractères des affections
articulaires de ne pas produire sur les cartilages des altérations uni-
formes, mais bien des altérations inégalement réparties. Dans le rhuma-
tisme articulaire aigu, cette loi se montre dans toute sa force. Aussi
rencontrons- nous à côté de parties profondément atteintes dans leur
structure, d'autres parties restées complètement saines. Cependant au-
■?()7
cune des articulations donlnous avons enlevé les cartilages n'était tout
à fait indemne d'altération. L'articulation scapulo-humérale gauche, par
exemple, qui, à l'œii nu, n'offrait rien d'anormal nous a fourni des pré-
parations, dont nous avons reproduit le dessin dans la figure 1 de la
planche V. Les chondroplastes les plus superficiels sont devenus globu-
leux; la cellule contenue dans chacun d'eux s'est divisée de manière à
donner deux ou plusieurs éléments cellulaires. Chacun de ces éléments,
en vertu de sa propriété spéciale, a donné naissance autour de lui à de
la substance cartilagineuse sous forme de capsule. De cette manière,
au lieu de la couche de chondroplastes aplatis qu'on trouve habituelle-
ment à la surface des cartilages diarthrodiaux, nous rencontrons des
cavités cartilagineuses, à direction toujours parallèle à la surface articu-
laire et renfermant deux ou trois capsules filles, contenant chacune un
corpuscule cellulaire. Il y a donc, même dans le cas le plus simple,
une néoformation de cellules qui n'est pas en rapport avec un simple
mouvement nutritif, mais avec une irritation formative, agissant forte-
ment sur l'individualité anatomique.
Lafigure2dela planche Y a été faite d'après une préparation résultant
d'une coupe verticale pratiquée sur le condyle externe du fémur droit,
on y remarque le même mouvement formateur avec segmentation
transversale de la substance fondamentale du cartilage. Cette segmenta-
tion, en rapport avec la direct'on que prennent les éléments prolifères,
aboutit à une espèce de transformation velvetique, non encore décrite
par les auteurs qui se sont occupés de cette question. Ainsi Weber (1)
qui, comme on le sait, a publié dans les Archives de Virchow un ex-
cellent mémoire sur ce sujet, considère en effet la transformation vel-
vetique comme produite par l'abouchement de bas en haut des capsules
les unes dans les autres. Il en résulterait ainsi que les filaments de la
surface cartilagineuse seraient constitués par la substance fondamentale
intercapsulaire, soit dépouillée de toute espèce de cellules, soit en en
retenant encore quelques-unes au milieu d'elles. Mais l'état velvetique
que nous avons observé dans le cas actuel, et dans quelques autres cas
de rhumatisme articulaire, a un tout autre processus. Les filaments, au
lieu d'être formés dans l'épaisseur du cartilage, c'est-à-dire dans le sens
vertical, doivent être considérés comme des fragments enlevés horizon-
talement de la surface elle-même On peut, de la sorte, rencontrer sur
une surface articulaire des fils d'une grande longueur, un centimètre
par exemple, alors que le cartilage n'a que quelques millimètres d'é-
paisseur. Du reste, on trouve souvent des filaments assez longs, sans
(1) ViRCHow's Arcdiv., t. XIII, 1858, p. 1 k, Ueber die VeraenUerungen
der Knorpel in GeLenkrankliciten.
208
que pour cela les couches sur lesquelles ils reposent aient été modifiées.
Dans la figure 3 de la planche V nous avons représenté les altérations
du cartilage de la rotule droite ; on y remarque une segmentation oblique
avec des fentes qui pénètrent dans l'épaisseur du cartilage. En quelques
points, notamment sur le condyle du tibia du même côté, on retrouve
de ces fentes qui s'engagent profondément et qui même atteignent la
couciie de calcification. On voit alors sur les bords de la fente, quand
la coupe est perpendiculaire à sa direction, des capsules mères ou
chondroplastes qui viennent s'y ouvrir et déverser leur contenu. Ce
contenu est formé de capsules filles dues aune prolifération active.
Enfin, à côté de ces points si profondément modifiés, il s'en trouve
d'autres où le cartilage n'a subi que l'altération décrite en premier lieu
ou ne présente même aucune modification de structure.
Que faut-il conclure de tous ces faits appartenant à la même observa-
tion? En premier lieu, que le rhumatisme ne se manifeste pas seulement
dans les articulations par de simples phénomènes vasculaires comme
quelques auteurs ont voulu l'admettre, maisbien aussi par des formations
nouvelles d'éléments qu'on doit rattacher à une irritation plus profonde.
Ces formations nouvelles s'arrêtent quelquefois à la production, en
grande quantité, de cellules et capsules cartilagineuses, qui restent
telles ou disparaissent ensuite sur place par un mécanisme que nous
n'avons pas encore étudié; d'autres fois, la prolifération étant plus in
tense, détermine dans le cartilage des ulcérations plus ou moins pro-
fondes; dans ce cas il y a une production abondante d'un liquide pu-
rulent dans l'intérieur de l'articulation accompagnée d'une exsudation
sous forme de flocons ou de fausses membranes dans la constitution des-
quelles il entre des cellules pour une bonne part. Ces différents phéno-
mènes se produisent avec une grande rapidité; en effet, notre malade a
succombé au neuvième jour de son affection articulaire, et plusieurs
des articulations que nous avons examinées, avaient été envahies posté-
rieurement à son entrée à l'hôpital, par conséquent quelques jours avant
sa mort.
Nous ajouterons que ce n'est pas le premier fait de cette nature qu'il
nous a été donné d'observer, et, nous appuyant sur d'assez nombreuses
observations antérieures, nous pouvons annoncer que chaque fois qu'une
articulation aura été le siège d'une arthropathie rhumatismale, môme
d'intensité moyenne, on rencontreraàl'autopsie, si le malade succombe,
quelques-unes des altérations cartilagineuses que nous venons de dé-
crire.
Il est un point de clinique très-important qui se rattache directement
à cette question des altérations des cartilages dans le rhumatisme arti
culaire aigu. On sait que, dans les cas d'encéphalopathie rhumatismale,
•2(19
la disparition des douleurs articulaires au moment où apparaissent les
accidents cérébraux', a reçu des interprétations fort différentes. Suivant
nous, il faut bien distinguer la disparition des douleurs seules de la dis-
parition des douleurs, du gonflement et de la rougeur; il faut voir s'il ne
reste pas dans les articulations des lésions importantes avant de con-
clure à une véritable métastase vers le cerveau. En effet, si dans le
cours des accidents cérébraux les douleurs disparaissent souvent, il
n'en est pas de môme des lésions articulaires; par exemple, dans notre
observation — nous pourrions citer bon nombre d'autres cas sembla-
bles — on voit que les douleurs disparurent peu de temps après le début
des phénomènes cérébraux, et pourtant nous avons trouvé à l'autopsie
une congestion de la synoviale et un épanchement articulaire qui au-
raient dû donner lieu à de véritables douleurs. C'est donc dans le sys-
tème nerveux qu'il faut aller chercher la cause de cette sorte d'analgésie.
Du reste, il n'y a rien là qui doive surprendre, si nous nous rappelons
ce que l'on observe quelquefois dans les cas de délire nerveux trauma-
tique. Db même que, dans l'oncéphalopathie rhumatismale, nous voyons
des malades marcher et agiter des articulations profondément lésées,
de même certains individus atteints de délire nerveux traumatique sont
parfois capables d'enlever un appareil de fracture et de se servir de leur
membre comme s'il ne présentait pas de solution de continuité.
Les altérations que subissent les méninges dans l'encéphalopathie
rhumatismale paraissent être de même nature que celles des articula-
tions. En effet, dans quelques cas très-rares, on trouve dans la grande
cavité arachno'idienne et dans les mailles de la pie-mère un liquide
purulent; dan» d'autres, qui sont de beaucoup plus nombreux, l'autop-
sie ne révèle que les traces d'une congestion intense caractérisée,
comme dans les franges synoviales, par des dilatations vasculaires.
Faisons remarquer, en terminant, que les manifestations anatomiques
du rhumatisme aigu n'ont rien de spécifique, pas plus dans les articu-
lations que dans les méninges ou les différents viscères. Les lésions qui
se développent ainsi sous l'influence du rhumatisme sont semblables à
celles que déterminerait n'importe quelle cause d'irritation de môme
durée et de môme intensité; ainsi dans les articulations, par exemple,
elles ne diffèrent pas dans ce qu'elles ont d'essentiel de celles que pro-
duirait toute cause d'irritation accidentelle.
C. R. 14
210
II. — Anatomie pathologique»
1* Ascaride lombricoïde femelle présentant une éventration avec issue de
LA PLUS GRANDE PARTIE DE l'aPPAREIL GÉNITAL ET d'uNE PORTION DE l'iN-
testin ; par M. H. de Lignerolle, interne à la Pitié.
Cet ascaride femelle a été trouvée dans les vomissements d'un jeune
homme malade depuis longtemps déjà, mais qui n'en avait pas encore
rendu. Il présente de particulier que presque la totalité des organes
génitaux et une anse membraneuse sont sortis par une ouverture de
quelques millimètres de diamètre et occupant le tiers postérieur du
corps de l'animal. L'orifice vulvaire est intact et se voit sur le tiers an-
térieur. Parmi les organes sortis, on remarque deux tubes flexueux,
longs de quelques centimètres, qui représentent les trompes, cornes, ou
oviductes. Ils contiennent une quantité considérable d'œufs, faciles à
voir à un grossissement de 100 à 150 diamètres. A ces deux trompes
font suite des filaments blanchâtres, très-longs, arrondis sur eux-mê-
mes et formant comme un chevelu autour de l'orifice qui leur a livré
passage. Ce sont les ovaires qui, comme on le sait, entourent le tube di-
gestif de cet entozoaire.
Quant à l'anse membraneuse, située sur ces parties latérales des trom-
pes, elle mesure de 20 à 25 millimètres ; elle est légèrement plissée,
transparente à sa partie supérieure; elle présente dans sa partie déclive
une légère opacité, enfin ces deux extrémités se touchent au niveau des
bords de l'ouverture. Une fenêtre pratiquée à la partie opposée à rori-
fice de sortie, a montré de la façon la plus nette que cette anse mem-
braneuse était formée par une portion du canal intestinal, qui aura été
entraînée par les organes génitaux. On voit en effet les deux extrémités
de l'anse se continuer sans interruption avec l'intestin; on voitaussi, en
poursuivant la dissection, les trompes se réunir à l'utérus, et enfin l'ori-
fice vulvaire apparaît dans son état normal. Tous ces détails ont été vus
par M. Ranvier, qui a bien voulu nous aider de ses conseils dans la
dissection de cet helminthe.
2° Observation de cirrhose hypertrophique du foie d'origine alcoolique; par
M. le docteur Auguste Ollivier, chef de clinique de la Faculté.
On a rarement l'occasion d'observer la cirrhose dès son début, et
partant d'observer aussi cette forme, ou plutôt cette période de la ma-
ladie, caractérisée par l'augmentation de volume du foie, et que Requin
■211
signala le premier (!)• C'est à ce titre que nous présentons à la Société
le fait suivant qui, du reste, est également intéressant au point de vue
do sa cause et de sa marche.
Obs. — La nommée S..., couturière, âgée de 30 ans, est admise le
10 novembre 1845 à THôtel-Dieu, salie Saint- Antoine, n" 27, service de
M. le professeur Grisolle.
Née de parents bien portants, elle a presquo toujours elle-même joui
d'une bonne santé. A aucune époque elle n'a présenté de manifestations
scrofuleuses ou rhumatismales. Elle eut un enfant à l'âge de 19 ans, et
quitta alors sa famille pour aller vivre à Paris. Depuis cette époque,
elle se livra fréquemment à des excès de boissons (vin, eau-de-vie,
bière). A la suite de ces excès elle éprouvait un peu de tremblement
des mains pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures; elle avait aussi
une légère pituite qui durait quelques jours, mais jamais elle n'eut de
véritable attaque de delirium tremens; en outre son sommeil était bon
et ne s'accompagnait point de ces rêves particuliers aux ivrognes. Di-
sons enfin que jamais non plus elle n'eut d'accidents syphilitiques; un
examen attentif ne révéla aucune trace d'accidents de ce genre.
Il y a deux mois elle éprouva pour la première fois une sensation de
pesanteur, puis une douleur dans Thypocondre droit et la région épi-
gastrique; son ventre devint plus dur et augmenta graduellement de
volume, au point de rendre la marche très-gênée. Ce fut alors qu'elle
se fit conduire à l'Hôtel-Dieu, et voici dans quel état on la trouva le 10
novembre au soir.
Embonpoint considérable dû bien plus au tissu adipeux qu'au déve-
loppement des masses musculaires; coloration blanchâtre, comme ci-
reuse de tout le tégument externe ; pas de teinte ictérique des conjonc-
tives.
Langue humide et non couverte d'enduits, soif assez vive, perte d'ap-^
petit, mais ni nausées ni vomissements; garde-robes régulières. Ventre
très-développé, ballonné, sensation de pesanteur dans Ihypocondre
droit et la région épigastrique. La malade n'accuse de véritable douleur
que lorsque l'on pratique la palpation ou la percussion. Le bord su-
périeur du foie remonte jusqu'à 1 centimètre environ au-dessous du
mamelon ; son bord inférieur descend jusqu'à une ligne transversale pas-
sant à trois travers de doigt au-dessous de l'ombilic. En déprimant la
paroi abdominale, on peut suivre le bord du foie qui se prolonge vers
l'épigastre et môme un peu vers Ihypocondre gauche. La palpation ne
(1) Eléments de pathologie médicale, t. II, p. 744, 1846.
212
révèle aucune bosselure sur le foie, qui donne une sensation de résis-
tance très-accusée.
Le météorisme permet difficilement de mesurer avec exactitude les
dimensions de la rate, qui, néanmoins, ne semblent point augmentées.
L'urine est trouble, mais ne contient pas d'albumine. On ne recher-
cha pas s'il y avait du sucre. Les appétits vénériens sont peu déve-
loppés.
Pouls à 100, régulier; rien de particulier à signaler du côté du cœur.
Respiration, 44; murmure vésiculaire un peu rude; pas de toux; pas
d'épistaxis.
Anesthésie et analgésie presque complète à la face interne des cuisses.
Si l'on presse fortement les masses musculaires en ces points, la ma-
lade ressent un peu de douleur. Il existe aussi, mais à un moindre de-
gré, de l'anesthésie et de l'analgésie aux parois abdominales et au devant
du sternum.
La vue, l'ouïe, l'odorat et le goût sont intacts, l'intelligence nette, lé-
gère céphalalgie frontale, absence complète de phénomènes histériques.
En présence d'une pareille augmentation de volume du foie, qui ne
paraît pas ancienne, M. Grisolle prescrit des douches froides; mais au
bout de cinq à six jours, la malade est prise d'un moment fébrile et pré-
sente tous les signes d'une bronchite assez intense. Les douches sont
supprimées. Les râles sibilants et ronflants deviennent plus abondants
et la dyspnée plus considérable.
Le 25 novembre, indépendamment des râles de bronchite, on con-
state de l'obscurité du son, quelques râles crépitants, et un peu de
souffle en arrière et à droite. Expectoration muqueuse, non sanguino-
lente.
Le 29, les mêmes phénomènes locaux persistent; la toux est quinteuse
et provoque un vomissement. Pouls à 130 pulsations; respiration très-
accélérée. On applique des ventouses scarifiées, puis un vésicatoire en
arrière et à droite de la poitrine. Emétique en lavage.
Le 1" décembre, oppression très-grande; toux fréquente, crachats
muqueux et aérés; râles sibilants et ronflants disséminés dans toute la
hauteur des deux poumons; le soufle et les râles crépitJuts persistent en
arrière et à droite, mais il n'y a que de la submatilé. Une garde-robe non
diarrhéique.
Le 3, la gêne de la respiration est encore plus grande que les jours
précédents; mêmes signes à l'auscultation et à la percussion. La face
est un peu cyanosée et les extrémités sont refroidies. La malade tousse
beaucoup et prend de plus en plus une teinte asphyxique.
Mort subite à quatre heures du soir.
213
Autopsie. — Quarante heures après la mort et par une température
froide.
Le crâne n'est pas ouvert.
Thorax. Pas de liquide dans les plèvres. Les poumons sont libres
d'adhérences; tous les deux sont le siège 'd'une forte congestion qui, ce-
pendant est beaucoup plus prononcée dans le lobe moyen du poumon
droit. A l'incision, il s'écoule une grande quantité d'un liquide sangui-
nolent; on ne découvre aucun noyau d'apoplexie ni aucune trace d'hé-
patisation. Du reste, le tissu pulmonaire plongé dans l'eau surnage
facilement. Les bronches sont remplies d'un mucus jaunâtre et sangui-
nolent. Leur muqueuse, examinée aussi loin que possible, présente une
coloration rouge presque uniforme.
Le péricarde ne contient pas non plus de liquide. Le cœur a son vo-
lume normal, mais il est entouré d'une couche adipeuse assez épaisse,
véritable surcharge graisseuse. Le tissu propre de l'organe a sa colora-
tion habituelle, et l'examen microscopique ne révèle l'existence que de
quelques granulations graisseuses dans la fibre musculaire.
Les orifices artériels et auriculo-ventriculaires ne sont point altérés.
Dans le ventricule droit existe un caillot fibrineux, blanc jaunâtre,
partant des colonnes charnues et se prolongeant dans l'artère pulmo-
naire dont il suit la bifurcation; il conserve encore le caractère fibri-
neux dans une étendue de 8 à 10 centimètres, puis devient noirâtre;
sa consistance n'est pas grande, et au microscope on n'y découvre que
des granulations fibrineuses.
On trouve également un peu de sang dans le ventricule gauche, mais
ce sang est fluide et noir.
Abdomen. Pas de liquide ascitique. Le foie occupe la plus grande
partie de l'abdomen et refoule les intestins en bas et à gauche. Il pré-
sente une coloration jaunâtre, et est remarquable par une consistance
insolite.
Son poids est de tJ^ois kilogrammes et demi ; voici ses dimensions :
Longueur 35 centimètres.
Largeur 28 —
Epaisseur 19 —
La surface du lobe droit est lisse, mais celle du lobe gauche est in-
égale et offre de petites sailbes ayant la forme de granulations. L'exa-
men microscopique, fait avec le concours de mon excellent ami le doc-
docteur Ranvier, nous montre à un faible grossissement les lobules
hépatiques séparés par des intervalles assez considérables. Un plus fort
grossissement permet de constater que ces intervalles sont remplis
214
par du tissu conjonctif proliféré et riche en noyaux et cellules de nou-
velle formation.
Les cellules hépatiques ne sont pas déformées, mais elles renferment
un certain nombre de gouttelettes graisseuses. Il n'existe pas de graisse
libre en dehors des cellules hépatiques.
L'iode et l'acide sulfurique ne donnent point la réaction caractéristi-
que de la dégénération amyloïde.
La vésicule biliaire est assez distendue; la bile qu'elle contient pré-
sente tous ses caractère normaux. Les conduits biliaires sont intacts.
La rate est congestionnée et de consistance assez ferme; ses dimen-
sions sont :
Hauteur. 16 centimètres
Largeur.... 11 —
Epaisseur 4 —
Les reins ont l'aspect normal, et l'examen microscopique n'y révèle
aucune altération. Enfin il n'y a rien à signaler du côté des organes gé-
nito-ur naires.
Il s'agit évidemment ici d'un cas de cirrhose caractérisée par la con-
sistance insolite du foie, l'aspect granité d'une partie de cet organe et
surtout par la prolifération du tissu connectif entourant les acini hépa-
tiques. De plus, il s'agit d'une cirrhose de date récente, comme le prou-
vent à la fois les commémoratifs et l'examen anatomicpie.
La malade fut prise il y a deux mois, pour la première fois, d'une
sensation de pesanteur dans l'hypocondre droit; on peut donc rap-
porter à ce moment le début de l'affection hépatique, qui ne fit ensuite
que progresser avec une grande rapidité. D'une autre part, l'examen
microscopique révéla dans les interstices des acini des éléments anato-
miques qui n'étaient encore que cellulaires et dont le développement,
par conséquent, ne remontait pas à une époque éloignée.
Signalons encore dans cette observation l'augmentation de volume
du foie qui était si considérable qu'à un examen superficiel, on
pouvait croire tout d'abord à une simple dégénération graisseuse sans
cirrhose concomitante. Or le doute n'était pas possible ici, comme nous
l'avons vu plus haut. Quant aux granulations graisseuses qui infiltraient
les cellules hépatiques, leur existence n'a rien d'extraordinaire, d'abord
parce que la malade se livrait à des excès alcooliques, ensuite parce
que la coïncidence des deux dégénérescences n'est point un fait rare.
« Dans près de la moitié des cas de cirrhose soumis à mon observation,
dit Frerichs, j'ai reconnu la coïncidence d'une dégénérescence grais-
seuse des plus prononcées. Cette dégénérescence peut, la plupart du
temps, être attribuée aux troubles nutritifs que l'inflammation chronique
fait subir à la glande (1). »
3° Observation de paralysie infantile; lésion des muscles et de la moelle.
(Présentée à la Société de biologie, par M. J. L. Prévost, interne
des hôpitaux.)
Obs. — La nommée Laurent (Marie-Joséphine), âgée de 78 ans, meurt
le 16 octobre 1865, salle Saint-Denis, 15, infirmerie de la Salpêtrière,
service de M. le docteur Vulpian.
Cette femme est entrée à plusieurs reprises à l'infirmerie, présentant
surtout de l'hypocondrie; elle était d'ailleurs trop démente pour qu'on
pût avoir grande confiance aux renseignements qu'elle fournissait. Elle
disait n'avoir pas eu de convulsions dans son enfance, prétendait que la
déformation de son pied gauche ne datait que de la ménopause. Malgré
cela M. Vulpian considéra toujours cette déformation comme datant de
l'enfance, comme un exemple de paralysie infantile. Le membre infé-
rieur gauche off're des chairs molles et flasques, sans contracture; le
pied présente une déformation assez considérable, il est excorié sous la
plante, un peu moins volumineux que le pied droit; la malade en mar-
chant appuie à terre le talon, qui présente à ce niveau un fort épaisis-
sement de la peau. Elle ne peut produire que de très-légers mouvements
de flexion et d'extension des orteils; elle marche difficilement avec
claudication et en se servant d'un bâton, mais sans chaussure particu-
lière.
Rien d'anormal dans les autres membres.
A sa dernière entrée à Tinfirmerie, 12 octobre 1865, la malade est
amenée sur un brancard, prétendant qu'elle a eu un étourdissement;
mais le lendemain à la visite, elle est bien, mange bien, n'a pas de fiè-
vre et ne se plaint que de douleurs dans les deux côtés de la région
lombaire. Dans la journée, elle se lève et n'offre pendant quelques heu-
res rien d'anormal; mais bientôt on s'aperçoit que ses forces diminuent,
qu'elle off're un affaiblissement général, sans céphalalgie, sans vomisse-
ments, et l'on est forcé de la recoucher.
Le soir, à la visite, adynamie, prostration, fièvre, subdelirium.
14 octobre. L'état adynamique s'est prononcé davantage; la langue
est sèche, la peau chaude ; la malade est tombée dans un véritable
coma. Pas d'hémiplégie.
( 1) Traité pratique des maladies du foie et des voies biliaires, 2' édi-
tion, 1866, p. 295.
216
A la percussion, matité complète des deux tiers inférieurs du poumon
droit. L'auscultation ne donne rien de précis, car la malade respire fort
mal.
Le soir et le lendemain l'état s'aggrave; pas de vomissements, pas de
symptômes normaux. Rien dans les symptômes n'avait fait soupçonner
une méningite cérébro-spinale suppurée.
Mort le 16 octobre.
AuTOPSTE. — Crâne assez épais.
Dure-mère revêtue à sa surface interne et dans toute son étendue de
néo-membranes très vasculaires; petite tumeur fibreuse de la grosseur
d'une noisette, sur la face postérieure du rocher; près de sa base, cette
tumeur est ramollie.
Cerveau. Couche purulente irrégulière peu épaisse sur une grande
partie de la base de l'encéphale et sur les parties postérieures des deux
hémisphères cérébelleux gauche, dépression assez profonde sur l'hé-
misphère cérébelleux gauche, correspondant à la tumeur dont il vient
d'être question. A ce niveau, le pus est abondant.
./artères encéphaliques très-athéromateuses, surtout les gros troncs.
Pas d'oblitérations.
Pas d'altération superficielle ni profonde de la substance nerveuse
encéphalique.
Poumons. Congestion; un peu d'épanchement dans la plèvre droite,
Cceur, rate, reins, foie sains.
Membre inférieur gauche. Les muscles de la jambe gauche, ceux du
pied, ainsi que ceux du tiers inférieur de la cuisse, sont complètement
réduits en graisse. Ces muscles ont conservé leur forme particulière,
mais sont tout à fait blanc jaunâtre, friables comme le tissu adipeux.
A l'examen microscopique, il est impossible d'y découvrir de fibres
striées; on trouve une accumulation de tissu adipeux aréolaire, et en
certains points quelques débris de sarcolemme.
Dans ces muscles, complètement transformés en graisse, on a re-
trouvé des fibres nerveuses très-évidentes; ces fibres étaient moins
abondantes et peut-être un peu plus grêles que celles du côté sain,
mais elles n'étaient nullement granuleuses, et n'avaient subi aucune al-
tération. ^
La jambe gauche, dont les muscles sont ainsi réduits en graisse,
n'offre pas un volume différent de celui de la jambe droite; cependant
les artères de la cuisse gauche ont un diamètre notablement moins con-
sidérable que celle de la droite.
217
Iliaque primitive droite. Circonférence 30 millimètres.
— — gauche. — 20 —
Fémorale droite. — 25 —
— gauche. — 19 —
Iliaque externe, . droite. — 27
— — gauche. — 17 —
Moelle épimère. Outre une infiltration purulente de la pie-mère, pro-
noncée surtout à la partie postérieure de la moelle et dans les régions
dorsales inférieures et lombaires, la moelle présente des altérations re-
marquables sur lesquelles je dois insister.
Depuis le niveau de la partie moyenne environ du renflement lom-
baire, jusqu'à l'extrémité de la queue de cheval, les racines antérieures
gauches sont très-grêles et atrophiées quand on les compare à celles
du côté opposé. Elles contiennent cependant des tubes nerveux.
A la coupe, on voit que la substance grise a subi une atrophie remar-
quable du côté gauche. La corne antérieure gauche est en effet beau-
coup moins volumineuse que la droite, et à l'examen microscopique, on
voit que toute la partie externe de cette corne gauche a subi une alté-^i'
ration; la substance grise, à ce niveau, a été remplacée par un tissu
cellulaire à noyaux, qui se colore en rouge par le carmin, et qui con-
tient quelques corps amyloïdes. On n'aperçoit plus le groupe des cel-
lules externes de cette corne; cependant, dans quelques préparations,
on en retrouve encore deux ou trois qui sont déformées, et qui man-
quaient dans d'autres préparations. Le groupe interne des cellules a
subsisté en partie, et l'on retrouve à ce niveau six à sept cellules envi-
ron dans chaque préparation. La corne droite de substance grise est,
au contraire normale, et contraste avec la gauche par l'abondance et
l'intégrité de ses cellules.
Cette atrophie de la corne gauche a produit dans la moelle une asy-
métrie remarquable qui a détruit les rapports normaux des cordons an-
térieurs et des cordons postérieurs.
Le cordon antérieur gauche, plus grêle que le droit, n'atteint pas la
commissure antérieure, comme le cordon antérieur droit.
Le cordon postérieur gauche est plus grêle que celui du côté droit;
il atteint la commissure postérieure, ce que ne fait pas le droit qui en
reste distant d'environ 1/5 de millimètre.
Cette atrophie est surtout remarquable dans le tissu inférieur du ren-
flement lombaire et ne dégage pas le tiers moyen.
Le reste de la moelle est sain.
Ces lésions, qui accompagnent une déformation du pied qui peut être
■,-\
^ j
218
considérée comme le vestige d'une paralysie infantile, sont différentes
de celles qui ont été signalées par M. Cornil et par M. Laborde dans
leurs observations.
L'atrophie avec prolifération du tissu conjonctif, portant sur la sub-
stance grise de la moelle, n'a pas été, que je sache, constatée dans des
circonstances analogues. Je dois faire remarquer, en outre, l'intérêt phy-
siologique de cette observation ; il restait, en effet, des tubes nerveux,
soit dans les racines antérieures, soit dans les muscles, malgré la dispa-
rition presque complète des cellules externes de la corne antérieure
gauche de la région lombaire.
Cette observation offre en outre un exemple de méningite cérébro-
spinale suppurée, qui n'a pu être diagnostiquée pendant la vie, et dont
il n'est pas possible de déterminer la cause.
4* Note sur la structure des granulations morveuses du cheval ;
par MM. Trasbot et Cornil.
Les altérations anatomiques de la morve aiguë ou chronique qui con-
sistent essentiellement en de petites nodosités semi-transparentes d'a-
bord, plus tard opaques et jaunâtres, situées dans les poumons, dans le
tissu sous-muqueux des fosses nasales, du larynx, etc., ont depuis
longtemps été comparées à celles des tubercules. Dupuy (1) (d'Alfort),
regardait la morve du cheval comme l'analogue de la tuberculisation
de l'homme ; dans les poumons des chevaux on n'observe pas en effet
d'autres tubercules que ceux de nature morveuse. Cette analogie, qui
se fondait uniquement sur l'apparence à l'œil nu des productions mor-
bides, fut battue en brèche par les observations de morve communiquée
du cheval à l'homme; la morve humaine montrait en effet un ensemble
de symptômes, une marche analogue à celle du cheval et bien diffé-
rente de la tuberculisation. Pendant longtemps on ne s'occupa plus de
l'analogie des lésions de la morve et du tubercule si opposés au point
de vue de leur nature et de leur symptomatologie. Plus tard les recher-
ches d'anatomie microscopique faites par Virchow (2), Leisering (3)
rapprochèrent de nouveau ces deux maladies à tel point que Virchow
(1) Dupuy, De l'affection tuberculeuse vulgairement appelée morve.
Paris, 1817.
(2) "Virchow, Handbiich der speciellen pattiol. u. Thérapie, 1* vol.,
1" partie, p. 405, 1855. Erlangen.
(3) Cité par P. Gleisberg in Traité de Pathologie comparée. Leip-
zig, 1865. p. 113.
219
avouait qu'entre la granulation morveuse et le véritable tubercule il n'y
a pas de différence histoiogique. Pour Virchow et son école, les granu-
lations morveuses et tuberculeuses ont cela de commun qu'elles nais-
sent aux dépens d'une prolifération des noyaux du tissu conjonctif,
qu'elles sont formées par une agglomération de noyaux et de petites
cellules identiques comme forme et comme dimensions, situées au mi-
lieu des fibres élastiques et lamineuses du tissu où elles ont pris nais-
sance, et que ces éléments nouveaux constituent par leur aggloméra-
tion un nodule, la granulation. Les petites tumeurs, en se réunissant,
en constituent de plus grosses, les éléments de leur centre s'infiltrent
de fines granulations, s'atrophient, passent à la dégénérescence ca-
séeuse jaunâtre qui est la terminaison commune des granulations mor-
veuses comme des tuberculeuses. Les produits de ces deux maladies ne
sont pas les seuls à avoir la même structure, car les granulations sy-
philitiques ou gommes sont à peu de chose près les mêmes au point de
vue histologique.
Cette question du parallèle de ces lésions à peu près identiques, nées
sous l'influence de causes diverses, a pris de nouveau un puissant in-
térêt depuis que M. Villemin a fait entrevoir pour la tuberculose la
possibilité de son inoculation, ce qui la rapprocherait des deux autres
maladies virulentes.
Aussi avons-nous pensé qu'il ne serait pas inutile de publier nos re-
cherches histologiques sur la structure des lésions delà morve, et enfin
de tenter leur comparaison avec des tubercules et des gommes. Mal-
heureusement nous n'avons pas entre les mains les matériaux néces-
saires pour que ce rapprochement soit tout à fait probant, car il nous
faudrait mettre en parallèle ou bien la morve du cheval avec la tuber-
culose de ce même animal, ce qui est impossible vu l'absence chez lui de
cette dernière maladie, ou bien la tuberculose de l'homme avec la
morve humaine dont nous n'avons par devers nous aucune observation
personnelle. Tout ce que nous pouvons faire en ce moment, c'est de
décrire la granulation morveuse du cheval et de la comparer à la gra-
nulation tuberculeuse de l'homme.
Dans le poumon du cheval la nodosité morveuse se présente sous
l'aspect de petits nodules durs, superficiels ou profonds dont la grosseur
varie entre un grain de millet et un petit pois. Les tumeurs plus grosses
sont en général ulcérées à leur centre ; leur couleur, soit à la surface,
soit sur une section, est grise; elles sont transparentes au début, tant
qu'elles sont petites et jaunâtres, opaques quand elles vieillisent; elles
peuvent offrir la même dégénérescence caséeuse et calcaire que les tu-
bercules.
2Î0
Habituellement, quand on regarde avec attention la surface de sec-
tion d'une granulation morveuse de la grosseur d'un grain de chènevis
à un petit pois, on voit à son centre une petite cavité qu'un examen
ultérieur, à l'œil nu et au microscope, fait reconnaître pour une petite
bronche. La lumière de cette cavité est remplie par une matière adhé-
rente, demi-transparente, gélatineuse, que l'examen microscopique
montre composée de corpuscules de pus et de filaments de mucus (les
fibres de ces mucus ne sont pas attaquées par l'acide acétique). La
granulation elle-même qui entoure la petite bronche examinée après
dilacération, présente des noyaux sphériques lorsqu'ils sont petits et
qu'ils ne mesurent que 0,004 à 0,005, ovoïdes lorsqu'ils sont un peu
plus volumineux et atteignent 0,006 à 0,007 dans leur grand diamètre;
l'acide acétique ne les modifie pas. Parfois alors ils montrent aussi un
noyau. Ils sont au milieu de nombreuses fibres élastiques et lami-
neuses.
Lorsque de pareils nodules ont été durcis dans l'acide chromique, on
peut en faire des coupes complètes qui montrent à leur milieu le bou-
chon muco-purulent qui remplit la bronche centrale; celle-ci tapissée
d'une couche régulière de cellules cylindriques à cils vibratils sous les-
quelles existe sa paroi fibreuse; enfin tout autour de la bronche le
tissu même de la granulation morveuse qui forme à la bronche un an-
neau complet en général fort régulier. En dehors de la granulation, les
alvéoles pulmonaires apparaissent normaux.
Le tissu de la granulation examiné sur ces coupes minces offre à un
faible grossissement un aspect finement granuleux, et avec le n° 9 (à
immersion) de Hartnach, on constate la disposition suivante : les nom-
breuses fibres de tissu lamineux et élastique qui entrent dans la struc-
ture de ce tissu, forment des mailles et un réseau extrêmement serré;
dans ces mailles se voient de un à trois ou quatre des noyaux précédem-
ment indiqués; quelques-uns présentent autour d'eux des granulations
protoplasmiques, quelquefois même des granulations graisseuses autour
d'eux et dans leur intérieur; dans les points où la section a été extrê-
mement fine, ces petites mailles sont quelquefois vides, leurs éléments
ayant été enlevés par le rasoir.
Le tissu de la granulation ne possède pas de vaisseaux nourriciers
qui lui soient propres; c'est une particularité qu'il partnge avec le tu-
bercule et qui explique, dans les deux processus, la facilité de produc-
tion de l'état caséeux ou mort des éléments par atrophie et infiltration
granulo-graisseuse. Dans les cavités ulcéreuses qui se forment au centre
des nodosités nerveuses plus grosses et plus anciennes, cavités qui com-
muniquent avec les bronches, on trouve un pus jaunâtre, épais, qui est
formé de leucocytes plus ou moins granuleux.
221
' Ce qu'il y a de particulier et de très- remarquable dans les granula-
tions que nous venons de décrire, c'est leur situation en forme d'anneau
régulier autour des petites bronches, c'est la structure même de leur
tissu composé de mailles étroites, de fibres élastiques et lamineuses en-
tre-croisées, circonscrivant de petits espaces où sont logés les noyaux.
Mais les granulations ne sont pas constamment situées autour des
bronches; ainsi nous en avons rencontré plusieurs fois autour d'arté-
rioles et dans le tissu interlobulaire ou sous-pleural.
Dans la cloison des fosses nasales, les granulations nerveuses se
présentent entre le cartilage et la muqueuse, soit comme des nodosités
isolées, soit comme des plaques irrégulières possédant une coloration
grise, une semi-transparence et une dureté particulières. Elles ont la
même structure que celles des poumons. La muqueuse est le plus sou-
vent en même temps altérée, elle offre des exulcérations très-super-
ficielles, sur lesquelles Tépithélium est tombé. Plus tard, de véritables
ulcérations profondes surviennent au niveau des granulations et des
plaques, qui elles-mêmes sont détruites par la suppuration.
Si nous comparons maintenant ces granulations morveuses du cheval
avec le tubercule de Ihomme, nous verrons que les granulations tuber-
culeuses, bien qu'elles se développent le plus souvent autour des
bronches, des vaisseaux, et dans le tissu interlobulaire, n'entourent
jamais d'une façon aussi régulière les vaisseaux sanguins ou bron-
chiques; elles sont en général isolées les unes des autres et distinctes
et ne forment pas une zone aussi régulièrement circulaire : de plus,
nous n'avons jamais vu dans la structure du tubercule une disposition
réticulée de fibres élastiques et lamineuses comparable à celle que nous
venons de décrire.
Si dans cette comparaison nous n'avons plus seulement égard à la
nature histologique, si nous faisons intervenir le siège de ces produc-
tions, nous verrons que les granulations morveuses seules peuvent
envahir la muqueuse des fosses nasales, le tissu conjonctif intermuscu-
laire et la peau.
Il faut reconnaître en outre que l'analyse microscopique des tissus
ne peut à elle seule nous rendre compte de leurs caractères physiolo-
giques et de leur évolution ; c'est un des éléments du problème, capital
ou secondaire suivant les cas, mais non le problème entier: une pus-
tule de variole, par exemple, ne diffère pas au point de vue histologi-
que de certaines pustules d'ecthyma, et cependant quel abîme entre
ces deux lésions d'aspect analogue ! L'une s'inocule et recèle un virus;
c'est l'expérimentation seule qui nous révèle ce caractère primordial.
Nous ne connaissons les choses que par leurs caractères objectifs,
222
mais en raison même de ce fait que leur essence nous échappe, nous
serions d'autant plus coupables de négliger un des moyens par les-
quels elles se manifestent à nous.
III. — Tératologie.
Un cas de monstre anidien chez l'domme; par MM. Cornil et Causit*
(Voy. plauche VI.)
M. le docteur Triboulet, qui a rencontré ce fait dans sa clientèle pri-
vée, a eu Tobligeance de nous communiquer les renseignements sui-
vants : Le père et la mère de ce monstre sont peu robustes, quoique
d'une bonne santé habituelle; la mère du mari est atteinte de cancer.
La mère, âgée de 24 ans, est à sa première grossesse; celle-ci s'est
passée régulièrement, sauf de nombreuses attaques d'hystérie, qui ont
eu lieu jusqu'au dernier mois exclusivement.
L'accouchement s'est fait aisément d'un garçon à terme, pesant 3,200
grammes et bien portant; la délivrance s'est faite spontanément, et
c'est alors que M. Triboulet a aperçu une anomalie du délivre dont il
donne la description suivante : Le délivre est bien normal et ordinaire,
mais sur la face externe de la poche des eaux, à 2 pouces au plus du
bord du gâteau placentaire, se trouve annexée une tumeur en forme de
gourde, composée de deux parties bien distinctes; la plus petite partie
de la gourde est couleur de peau, la plus grosse a la forme et le volume
d'une giosse grenade, une couleur violacée brunâtre, une surface lisse
comme séreuse, une consistance molle et demi-fluctuante. Cette tumeur
crevée pendant l'examen, a laissé écouler environ un bon verre de li-
quide séreux, clair, et j'ai reconnu alors que c'était une poche tapissée
au dedans par une membrane séreuse, et dont les parois épaisses d'un
centimètre au moins avaient une couleur violacée brunâtre, et sem-
blaient formées par du tissu conjonctif à mailles larges, et infiltrées
d'une sorte de gelée brunâtre. Cela m'a semblé pouvoir être regardé
comme étant un placenta libre de toute adhérence à l'utérus, et seule-
ment attaché à l'autre tumeur d'aspect cutané par un collet.
Le monstre présente une forme ovoïde à grosse extrémité, tournée
au point opposé à l'insertion du placenta.
Son diamètre longitudinal est de G"", 05, et son diamètre transversal
de 0'",045.
La consistance de ce produit fœtal est mollasse, et en pressant un
peu, on sent à travers la masse des parties inégales, dures et résistantes.
A une de ses extrémités il se continue directement avec le placenta, et
223
au point où cette continuation s'effectue, la peau se confond insensible-
ment avec le placenta.
Il n'y a pas trace de cordon ombilical, il existe seulement une inser-
tion placentaire sessile qui se fait par une base large ayant environ
2 centimètres de diamètre.
La surface est formée par de la peau blanche couverte partout de
poils follets, excepté en deux points :
1° Au niveau de l'union de la peau avec le placenta, là se trouve une
houppe de cheveux mesurant de 2 à 3 centimètres en longueur, de cou-
leur blonde, et dans toute la circonférence de l'union du placenta avec
la peau les poils sont plus développés que partout ailleurs.
2° Les poils manquent dans une place irrégulièrement circulaire si-
tuée au-dessous de l'insertion du placenta, et occupant une étendue de
1 centimètre 1/2 de diamètre. Là la peau du monstre se continue avec
une membrane transparente, mince el molle qui n'est autre que l'am-
nios du second fœtus né à terme et viable.
Sur la partie du monstre qui donne insertion à cette membrane et qui
est privée de peau, on voit apparaître une grosse veine située sous la
membrane, veine qui a environ 1 millimètre 1/2 de diamètre.
La structure delà peau montre un revêtement épidermique, des pa-
pilles, des glandes sébacées en grande quantité annexées aux poils fol-
lets. Ceux-ci présentent exactement la même structure que ceux d'un
fœtus à terme. Les cheveux ci-dessus mentionnés montrent aussi leur
structure normale et leurs rapports habituels avec les glandes sébacées.
En un point situé tout près de l'insertion placentaire, on trouve une
petite masse jaunâtre qui présente tout d'abord une apparence analogue
à celle des glandes de Meibomius; elle est constituée histologiquement
par une agglomération de glandes sébacées d'où sortent de longs poils.
Après avoir ouvert la poche cutanée, il s'écoule de la sérosité con-
tenue dans le tissu conjonctif sous-cutané (c'était à cette sérosité que la
tumeur devait une grande partie de son volume et de sa consistance
semi-fluctuante), et l'on voit à son centre une masse dure qui paraît au
premier abord formée par des rudiments de vertèbres.
La peau est doublée par une couche épaisse de tissu conjonctif œdé-
matié montrant de petits pelotons adipeux assez nombreux pour consti-
tuer une troisième couche que le scalpel isole assez facilement. Autour
de la masse osseuse existent des couches d'un tissu rougeâtre; ce tissu
est composé de fibres musculaires très-étroites, mais néanmoins striées,
mesurant 9 millièmes de millimètre en diamètre.
En disséquant les parties qui entourent la masse osseuse, on voit un
petit filament blanchâtre dont l'examen microscopique montre des fibres
224
musculaires et un nerf; celui-ci ost composé de fibres nerveuses à dou-
ble contour. Après avoir isolé la masse osseuse centrale par la dissec-
tion, on reconnaît la forme suivante : auprès du point d'insertion du
placenta existe un os allongé et au centre même du petit corps une
partie ostéo-cartilagineuse présentant à sa surface des saillies noueuses
et une forme recourbée en fer à cheval, dont les deux extrémités libres
sont tournées du côté de l'insertion du placenta. Au milieu des deux
branches du fer à cheval et les dépassant par son extrémité supérieure
existe un petit corps allongé, cylindrique, terminé du côté de l'insertion
du placenta par une extrémité renflée; en piquant cette extrémité on
en fait sortir une masse mollasse ayant à peu près la grosseur d'un pe-
tit pois; cette substance esi grise, semi-transparente, et à l'examen mi-
croscopique on voit des fdets nerveux extrêmement minces, mesurant
de 3 à 4 millièmes de millimètre, variqueux, exactement semblables à
ceux du cerveau. Des gouttelettes de myéline, réfringente, à double
contour, forment une grande partie de cette substance qui contient
ainsi une grande quantité d'éléments exactement sphériques, mesurant
de 6 à 9 millièmes de millimètre, et en général granuleux; il y a même
dans ces éléments, qui par leur forme se rapprochent beaucoup des
myélocytes, des granulations pigmentaires, jaunes. Cette substance
contenait aussi une grande quantité de vaisseaux artériels ou capillaires
disposés comme dans le cerveau, présentant autour d'eux une enveloppe
lymphatique bien nette.
La coupe des deux os, qui sont parfaitement séparés l'un de l'autre,
montre dans l'os allongé et supérieur deux parties ossifiées sans trace
de cartilage; dans la masse osseuse inférieure existent deux centres
osseux constitués par de l'os spongieux contenant de la moelle rouge,
et ressemblant à deux corps de vertèbres. A ces deux centres osseux
se rattachent des points d'ossifications secondaires disposés sur les côtés
au sein de petites masses cartilagineuses, dont quelques-unes sont légè-
rement arquées, et qui pourraient peut-être représenter les lames et
les apophyses tranverses.
Ces différentes parties osseuses sont situées au milieu d'un tissu car-
tilagineux assez épais, et l'on peut assister à un processus d'ossification
entièrement normal, prolifération du cartilage, infiltration calcaire,
formation des premières aréoles remplies de cellules. Ces deux os dif-
fèrent essentiellement l'un de l'autre, le premier étant composé d'une
substance compacte, ressemblant à un os long par la disposition de ses
canaux de travers, et se développant au milieu et aux dépens du tissu
conjonctif; le second, au contraire, est constitué par de la substance
spongieuse. La membrane qui sert d'enveloppe à la masse encéphalique
est constituée uniquement par du tissu connectif caractérisé par des
225
faisceaux de fibres lamineuscs entre-croisées et contenant de nombreuses
cellules plasmatiques. Sur aucun point de cette enveloppe nous n'avons
trouvé de tissu cartilagineux, ce qui peut faire supposer que la base du
crâne est absente ici, et que la masse cérébrale est protégée par la
seule portion du crâne qui correspond aux os secondaires.
Des deux masses osseuses, Tune représentait certainement les ver-
tèbres, et l'autre par son développement aux dépens du tissu conjonc-
tif répondait à la mâchoire inférieure ou à la clavicule.
Si nous comparons ce fait aux exemples d'anidiens publiés jusqu'ici,
nous voyons une seule différence qui consiste dans la composition du
cordon. Habituellement cet organe est bien défini, et ne contient que
deux vaisseaux, une artère et une veine. Pour notre cas, le placenta
s'insérait directement sur une extrémité du monstre, et de nombreux
vaisseaux pénétraient de l'un dans l'autre.
Si l'on tient compte, dans l'examen des monstruosités, non pas seule-
ment de la forme générale, mais aussi de la structure histologique des divers
tissus qui les composent, on doit modifier, dans une certaine limite, les
idées générales qui ont cours en tératologie. Ainsi, pour les anidiens,
leur forme les faisait comparer par Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire (1)
aux êtres radiaires, aux acéphalocystes; leur apparence extérieure ne
pouvait faire déterminer ni l'espèce ni la famille zoologique à laquelle
ils appartenaient. Or la structure des os, celle du tissu nerveux, du
tissu vasculaire et musculaire ne peut, dans ce cas, laisser de doute, et
il est certain que ce monstre appartient à la classe des vertébrés : la
structure de la peau, les glandes, les poils et les autres éléments de
l'enveloppe cutanée indiquent sûrement qu'il s'agit ici d'un produit do
conception appartenant à l'homme.
(1) Histoire générale et particulière des anomalies, t. II, p. 528,
1836 , et atlas, pi. XIII, fig. 1 et 2.
FIN DES COMPTES RENDUS.
C. R. 15
MÉMOIRES
LUS
F r
A LA SOCIETE DE BIOLOGIE
PENDANT L'ANNEE 1865.
MEMOIRE
SUR LA DÉMONSTRATION EXPÉRIMENTALE
DE LA
PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ
PROPRE AUX POISSONS DU GENRE DES RAIES
lu à la Société, dans sa séance du 8 juillet 1S65, ;'
PAR
M. LE DOCTEUR CHARLES ROBIN, •
Professeur à la Faculté de médecine de Paris.
Le nombre des poissons doués d'organes électriques n est pas con-
sidérable. Les sept genres composant la famille des torpilles, com-
prenant environ vingt espèces, un ou deux gymnotes, deux luor-
myres et un malaptérure, tels sont les seuls poissons chez lesquels on
ait démontré l'existence d'appareils électro-moteurs; aussi la décou-
verte d'organes producteurs de Télectricité et de leurs usages dans
les espèces oii ils sont restés inconnus jusqu'à présent a-t-elle tou-
jours compté parmi les faits importants qu'enregistre la science.
Dans un mémoire lu à l'Académie des sciences le 13 mai 18iG,
j'ai fait connaître analomiquement un appareil qui existe sur les
côtés de la queue des nombreuses espèces qui composent le genre
raie, tel qu'il a été délimité par Diunéril et par Cuvier. L'identité de
sa structure avec celle des organes électriques des torpilles m'a con-
duit à le considérer comme un véritable appareil électrique, appa-
reil dont la présence resserre les liens zoologiques qui font considé-
rer les raies et les torpilles comme appartenant à une même famille
de poissons cartilagineux. Mais ces déterminations, concernant, Tune
un problème d'anatomie et de physiologie comparées, l'autre une
question de zoologie, manquaient de solidité tant que Texpériencc
n'avait pas prononcé sur elles. Or le travail que je demande la li-
berté de communiquer à rAcadéniie a pour but la démonstration
expérimentale de l'existence, dans l'appai'eil électrique des laies,
elune fonction analogue à celle que remplissent les organes ayant la
même structure qui existent vers la tôle des torpilles et dans la queue
du gymnote. En outre, jusqu'à présent, la zoologie ne comptait que
les torpilles parnn les poissons électriques habitants de la mer, les
autres étant tous des poissons d'eau douce. Elle devra donc désormais
y ajouter le grand genre des raies en entier qui comprend comme on
lésait environ 37 espèces.
ji P'. — CO.NUniGNS A nKMl>lJil DANS LES EXPElilE.NCES ÉLECTHO-
PHYSIOLOGIQUES SUR LES RAIES.
Un sait que les raies sont ordinairement péchées à plus d'une heure
de navigation des côtes, et ne vivent pas longtemps hors de Teau. Il
est aussi plus difficile de les conserver en vie dans des vases que les
autres poissons, en raison de leur forme et de leur volume. 11 est
impossible, d'autre part, de faire en mer sur des bateaux pécheurs
les expériences délicates qu'exigent les recherches électro-physiolo-
giques; aussi, malgré de nouîbreuses tentatives, j'avais jusqu'à pré-
sent vainement tenté de réunir toutes les conditions nécessaires à
leur exécution. Mais ces conditions se trouvent aujourd'hui heureu-
sement rassemblées et mises libéralement à la disposition des savants
dans les viviers à expériences construits à Concarneau, d'après des
plans et des indications dus à l'initiative de M. Coste. Là, dans des
bassins et des aquariums dont l'eau est renouvelée par le Ilux et le
rcllux de la mer, vivent et se reproduisent des poissons et des inver-
tébrés de la plupart des espèces de nos côtes, dont les mœurs peu-
veot être observ^'os à chaque lieure. Repêchés selon les besoins de
l'expérimentateur, ils sont eu moins d'une minute portés sur les
tables à expériences dans un vaste laboratoire attenant aux viviers.
Dans ces recherches un ou deux aides au moins sont nécessaires,
tant pour maintenir l'animal que pour lire les déviations de l'aiguille
du aalvanomètre ou surveiller les mouvements de grenouilles calva-
ûoscopiques.
J'ai eu pour aides et témoins de mes expériences M. Olivier Moquin-
Tandon, M. Legros, interne des hôpitaux de Paris, et M. le lieutenant
de vaisseau Hautefeuille, auxquels j'adresse ici mes remerciments
pour le dévouement quïls ont témoigné à la science dans ces longues
et minutieuses études (I). Les raies étaient transportées des viviers
sur la table à expérience dans un large seau ou dans un lilet, selon
ce que permettait leur grandeur. Quelles que soient les précautions
prises, l'animal se débat violemment, tant au sortir de l'eau que
dans le transport, et surtout au moment où il est placé sur la table.
Celle-ci était couverte de grandes glaces; elle était inclinée du côté
où était placée la tète de l'animal, de manière à permettre l'écoule-
ment de l'eau, qu'un aide versait de temps à autre dans les évents,
afin de prolonger le plus possible la vie des raies ; car ces poissons
ne vivent que de quinze à vingt-cinq minutes hors de Teau, et
d'autant moins que leur taille est plus considérable.
Les expériences qui font le sujet de ce travail ont été faites sur
dix-huit raies, comprenant trois raia baiis L, larges de GO à 70 cen-
timètres ; deux raies ronces [i-aia nibus ou raia aslerias Rondelet),
l'une large de 55 centimètres, l'autre de 65 environ ; deux raies bou-
clées {raia davala L.), l'une large de 45 centimètres, l'autre de GO cen-
timètres ; et onze raies blanches [raia alba ou mieux iindiilata Lacé-
pède), larges seulement de 45 à 50 centimètres. Ces dernières, bien
que petites, étaient adultes, comme le montrait l'état des appendices
des organes génitaux des mâles; et de plus, nous avons assisté ii la
jionte des œufs de l'une des femelles dans les viviers réservés où
[\) Les expériences électro-pliysiologiques sont plus difficiles à faire
sur les raies que sur les torpilles; ces difiicultés ne tiennent pas tant au
moindre volume de l'appareil qu'à la plus grande taille des premières,
ainsi qu'à la plus grande mobilité et à la plus grande énergie des mou-
v(Mnents de leur queue dans laquelle siège celui-ci.
fi
elles étaient gardées. Cette espèce, qui reste petite, ainsi qu'on le
sait, est cependant favorable aux expériences physiologiques, parce
qu'elle ne s'asphyxie pas aussi rapidement que les autres. L'asphyxie
s'annonce par la congestion violacée des capillaires et des petites
veines du rostre et surtout du bord transparent des ailes, puis par
la diminution du nombre des mouvements de l'opercule des évents.
Ces signes se présentent, selon les espèces, quinze à vingt minutes
après que l'animal est sorti de l'eau. Lorsqu'ils se montrent, on peut
conserver vivantes les raies en expérience en les replaçant dans les
viviers, où elles reviennent bientôt et peuvent servir le lendemain
(le nouveau.
L'instrument dont je me suis servi est un excellent galvanomètre
de (lourjon appartenant à M. Guillemin, professeur agrégé à la Faculté
de médecine de Paris. Les aiguilles avaient été rendues asiatiques
par M. Ruhmkorff, qui avait exécuté les rhéophores de platine à
manche isolant. L'extrémité terminale des deux lames de platine,
laissée sans vernis, destinée à toucher l'appareil, était large de 6 mil-
limètres seulement dans les deux sens. Lors de mes premiers essais,
j'employais toute la longueur du fil du galvanomètre (3000 tours); mais
après un petit nombre d'expériences, j'ai dû profiter delà disposition
de cet appareil qui permet de ne faire passer le courant que dans
1500 tours seulement. L'impulsion donnée à l'aiguille était en effet
tellement forte, que frappant sur l'arrêt contre lequel se dirigeait la
pointe, elle revenait en vibrant choquer l'arrêt du côté opposé, et le
repos était long à s'établir. C'est donc avec un galvanomètre de
1,500 tours qu'ont été obtenus les résultats dont il est question plus
loin.
Aucune expérience n'a été commencée sans que l'appareil conve-
nablement orienté et protégé, les deux lames de platine terminant
les rhéophores n'eussent été plongées dans Feau douce jusqu'à im-
mobilité de Faiguille au 0 degré, et jusqu'à ce que l'immobilité se
maintînt lorsque les lames étaient soulevées et replongées à plusieurs
reprises dans le liquide. Chaque fois que, Fanimal ayant donné une
décharge, on voulait en obtenir une seconde, ces mêmes précautions
ont été prises pendant les quatre à six minutes de repos nécessaires
pour qu'un nouvel effet électrique put être produit. Avant de re-
chercher si l'appareil des raies donnait réellement des décharges
électriques, les plaques de platine terminant les rhéophores ont été
mises pliisiours fois au rontact des diverses parties de raies mortes
depuis quelques heures, telles que la peau couverte de mucus, la
peau essuyée, les aponévroses, les muscles, le tissu cérébral, celui
de la moelle épinière, celui de quelques gros nerfs crâniens et celui
de l'appareil électrique séparé de l'animal qui le portait. En laissant
au fil de l'appareil la possibilité d'être parcouru dans l'étendue de ses
3,000 tours, l'aiguille a donné, de l'une à l'autre de ces parties, une
déviation très-lente de 3 à 6 degrés. La peau couverte de mucus a
toujours donné la déviation la plus forte, s'élevant à 5 ou 6 degrés
quelles que fussent les régions du corps touchées par les lames de
platine. Cette déviation est devenue nulle par le contact t!e ces tissus
morts, lorsqu'on n'a plus employé que 1,500 tours du galvanomètre;
elle a persisté toutefois sur la peau couverte de mucus, mais réduite
à 3 ou ■'j degrés, et elle a manqué tout à fait dans un certain nombre
de ces expériences. Sur les raies vivantes, la peau des différentes
parties du corps, couverte de mucus, a donné aussi ces mêmes dé-
viations lentes do 6 à 7 degrés au plus, en usant des 3,000 tours
du galvanomètre, et de 3 à 4 degrés lorsqu'on n'a utilisé que
1,500 tours.
Pour rendre possible l'application des lames de platine qui ter-
minent les rhéophores, et se préserver des blessures que font les
piquants de la queue que l'animal agite violemment de temps à autre,
l'extrémité de celle-ci est fortement maintenue; en même temps il
faut que les mouvements du corps soient empêchés par une pression
convenable exercée sur le dos, à l'aide de la main protégée par un
linge contre les aiguillons de cette région. Les grenouilles galvanos-
copiques sont ensuite disposées sur les parties du corps où l'on veut
observer les phénomènes électro-moteurs, en faisant à l'aide de ba-
guettes de verre, former au nerf uu arc dans l'étendue duquel le con-
tact avec le poisson est interrompu. Les lames de platine des rhéo-
phores sont alors appliquées simultanément l'une en haut, l'autre en
bas de la portion sous-cutanée de l'appareil électrique, ou sur les
extrémités des segments de celui-ci quand on ne veut pas expéri-
menter sur toute son étendue.
l 11. — COMUTmNS DANS LESQUELLES Oi\ OBSERVE LES DÉCHAnCES
ÉLECTRIQUES SUR LES RAIES.
Les choses étant disposées de manière que deux ou trois gré-
8
nouilleiî galvanoscopiquos soient en rapport convenable avec la por-
tion sous-outanép de l'un des organes électriques, de manière enfin
que l'une des lames de platine soit placée au-dessus de l'appareil,
tandis que l'autre est en même temps appliquée en bas vers le niveau
des nageoires caudales, on observe les phénomènes suivants.
Parfois la raie fait de violents efforts musculaires, pour se dé-
gager, agite ou cherche à agiter fortement ses ailes ou nageoires
pectorales, ses membres postérieurs et sa queue qu'il faut maintenir,
ainsi que les muscles dorsaux. Dans les neuf dixièmes des cas, au-
cune décharge n'a lieu pendant la durée de ces efforts musculaires,
fait noté depuis longtemps sur les torpilles par MM. Becquerel et
Breschet en 1835 (1); aucun mouvement n'est décelé par les gre-
nouilles galvanoscopiques, et l'aiguille du galvanomètre ne dévie
pas. Mais alors, après quelques secondes du repos qui suit ces efforts,
survient une décharge ou une succession de petites décharges.
D'autres fois l'animal reste tranquille, exécute de réguliers mouve-
ments respiratoires pendant trois ou quatre minutes, puis se débat
comme dans le cas précédent, et le galvanomètre aussi bien que les
grenouilles galvanoscopiques demeurent immobiles; puis, après
quelques secondes de repos, une action électro-motrice a lieu. Quel-
quefois aussi pourtant, après trois ou quatre minutes de tranquillité,
le poisson au lieu de s'agiter donne directement et volontairement
une décharge; ou bien encore il fait un violent efïort de dilatation
puis de contraction des muscles de la cavité branchiale, que suivent
aussitôt les actions électriques.
Ce repos ou l'agitation dont il vient d'être question ne sont pas
toujours suivis d'effets électro-moteurs. On en suscite alors la mani-
festation en pinçant les bords des nageoires, en piquant l'intérieur
(1) Il Les nageoires tlioraciques sont agitées convulsivement et le plus
souvent redressées en haut en forme de crête. Néanmoins, comme
d'autres observateurs l'avaient déjà remarqué, les mouvements muscu-
laires les plus violents et les plus spasmodiques ne sont pas toujours
accompagnés de décharges électriques. Celles-ci ne doivent donc pas
toujours être considérées comme la conséquence des contractions mus-
culaires, mais bien comme l'effet d'un acte volontaire de l'animal. »
Becquerel, Traité expérimental de C électricité et du magnétisme.
Paris, 1836; in-8, t. IV, p. 266.)
9
(les évent?, en toucliant les yeux de ki raie, ou en frictionnant le
dessus de la tête.
Ainsi, l'acte d'innervation qui, partant des centres nerveux, dé-
termine la production d'une décharge, est un acte volontaire, comme
celui qui suscite les contractions musculaires, et il est indépendant
de l'action motrice, bien que les nerfs de l'appareil viennent, comme
ceux des muscles soumis à la volonté, des laisceaux antérieurs de la
moelle épinièrc.
jJ m. — Phénomènes de la décharge électrique de l'appareil
DES raies.
Quelles que soient celles de ces conditions dans lesquelles a lieu
une décharge de l'appareil électrique, celle-ci est décelée aux yeux
attentifs, soit par un léger mouvement des globes oculaires et un
peu de resserrement de la cavité branchiale, soit par de petites
contractions faisant vibrer et onduler le bord des ailes; ces légères
contractions sont presque toujours accompagnées d'un mouvement
de tremblotement des nageoires caudales, tremblotement qui parfois
a seul lieu lors d'une action électro-motrice. On sait que quelques-
uns de ces phénomènes s'observent sur les torpilles au moment où
elles donnent une décharge électrique.
Lorsque les doigts sont appliqués sur la queue pendant la durée
de ce tremblotement, on sent un léger frémissement dans toute leur
étendue.
Quant aux phénomènes électriques proprement dits, ils sont rendus
sensibles par les grenouilles galvanoscopiques et par le galvanomètre
simultanément ou séparément, sur toute l'étendue de la moitié pos-
térieure de la queue des raies. Cette longueur correspond à la por-
tion de l'appareil qui est sous-cutanée, parce qu'elle cesse d'être
entourée par le prolongement caudal du muscle sacro-lombaire.
Aucune de ces manifestations n'a lieu quand les grenouilles ou le
rhéophore qui ferme le circuit du côté de la queue touchent la peau,
vers le niveau de la portion de l'appareil qui est entourée de muscles,
à moins que cette portion ne soit mise à découvert.
Les phénomènes électriques sont rendus sensibles par la contrac-
tion unique, ou répétée rapidement plusieurs fois, des grenouilles
galvanoscopiques, coïncidant toujours avec une déviation brusque
10
de l'aiguille du galvanomètre portée à 90 degrés, avec choc contre
l'arrêt quand les poissons ne sont ni blessés ni encore épuisés.
Cette simultanéité constante de ces deux modes associés de dé-
monstration des actions électro-motrices est un fait sur lequel on
ne saurait trop fixer l'attention. Jamais les phénomènes extérieurs
signalés au début de ce paragraphe ne se sont montrés sans qu'il y
eût en même temps contraction des grenouilles en rapport conve-
nable avec la portion sous-cutanée de l'appareil, déviation relative-
ment brusque et rapide de l'aiguille du galvanomètre. Quant aux
grenouilles galvanoscopiques placées sur les autres parties du corps,
elles restent immobiles.
Lors de l'emploi isolé et alternatif des grenouilles galvanoscopi-
ques et du galvanomètre, toujours avec ces phénomènes extérieurs,
ou avec quelques-uns d'entre eux, ont coïncidé la contraction des
unes dans le premier cas et la déviation de l'aiguille dans le second.
Ainsi l'appareil électrique d£s raies, comme celui des torpilles et
dès gymnotes, comme les piles ou batteries se rechargeant d'elles-
mêmes, produit des effets physiques et des effets physiologiques; les
effets chimiques que j"ai obtenus ne sont pas assez prononcés pour
que je les mentionne ici. Je noterai en terminant que l'intensité de la
décharge est proportionnelle à la masse du tissu de l'appareil qui la
produit ; car lorsqu'à l'aide du rhéophore placé du côié du bout in-
férieur de l'organe électrique, on embrasse dans le circuit une por-
tion de plus en plus petite de son étendue, la déviation de l'aiguille
galvanométrique devient de plus en plus faible. Elle n'atteint plus
que 50 à 60 degrés lorsque le circuit n'embrasse que 6 à 8 centimètres
de la longueur de cet organe.
jjlV. — De la direction dans laquelle a lieu la décharge de
l'appareil électrique des raies.
Après m'être assuré par l'emploi simultané et alternatif des moyens
physiques et des moyens physiologiques de l'existence de décharges
électriques, produites par l'appareil électrique des raies, après avoir
ainsi constaté que la déviation de l'aiguille du galvanomètre était
bien due à des effets électro-moteurs de l'ordre de ceux qui ont été
observés sur la torpille, le gymnote et le malaptérure (Ranzi, 1855),
je me suis occupé d'étudier le sens dans lequel a lieu l'action de cet
H
apparoil, qui est le type des batteries qui se rechargent d'elles-mêmes,
lorsqu'elles sont épuisées par chaque décharge.
L'appareil étant convenablement orienté et l'aiguille au O", et après
avoir pris les précautions indiquées précédemment, toutes les fois
l'extrémité du rhéophore A a été placée vers le bout céphalique d'un
organe électrique ou sur une partie du corps située plus ou moins
loin au-dessus, et l'extrémité du rhéophore B sur la peau couvrant la
terminaison caudale de l'organe, tantôt entre les deux nageoires
caudales, tantôt en avant de la première; les résultats ont été les
mêmes, soit que cette extrémité touchât la face supérieure, la face
latérale ou la face inférieure de l'organe.
Lorsque la décharge a eu lieu, le courant a pénétré par B ; la tête
de l'aiguille s'est portée sur B au cadran galvanométrique, et la
pointe de l'aiguille a marché rapidement du nord à l'est jusqu'à^
frapper le butoir d'arrêt à 90". Transposant ensuite les extrémités
des rhéophores de manière à les placer inversement, j'ai vu toujours,
lors dune nouvelle décharge, la déviation de l'aiguille avoir lieu dans
le sens opposé à celui de la décharge précédente ; sa tête a marché
brusquement sur  et sa pointe s'est portée du nord à l'ouest
jusqu'à 90 degrés.
Ce fait s'est reproduit invariablement sur toutes les raies soumises
à mes expériences.
Ainsi dans l'appareil électrique des raies le courant est constam-
ment dirigé de l'extrémité céphalique vers son extrémité caudale;
et son pôle positif est toujours vers sa partie antérieure et son pôle
négatif vers sa portion postérieure (1).
La décharge s'est manifestée toujours d'une manière d'autant plus
intense par l'énergie de la contraction des grenouilles et par la rapi-
dité et l'étendue de la déviation de l'aiguille, que les extrémités des
rhéophores comprenaient, dans le circuit qu'elles formaient, une
portion plus considérable de la longueur de l'organe; ou en d'autres
termes qu'elles étaient parcourues par l'électricité provenant d'une
portion plus étendue de l'appareil. Ce fait prouve déjà qu'il ne s'agis-
.sait pas là de courants chimiques. La déviation jusqu'au 90' degré
(l) Ces résultats sont analogues à ceux que MM. Becquerel el Bres-
chet ont observés sur les torpilles. (Becquerel, Traité expérimental
de l électricité, etc. Paris, 1836, in-8, t. IV, p. 267.)
(le moD galvanomètre réduit à 1,500 tours ne se montrait, dans les
décharges ordinaires, que lorsque les rliéophores comprenaient une
portion de l'organe longue de 12 centimètres ou au delà.
En appliquant les lames de platine à une distance l'une de l'autre
de 10 à 12 centimètres environ, en haut de l'appareil d'abord, puis
de plus en plus bas à chaque nouvelle décharge, on trouve le courant
toujours dirigé de lextrémité antérieure de l'appareil vers son extré-
mité postérieure. Le point où était le pôle négatif, lorsqu'on com-
mence l'expérience par la partie antérieure, devient celui où est le
pôle positif, lorsqu'on reporte plus bas les deux rliéophores en même
temps pour recueillir l'électricité d'une nouvelle décharge.
Ainsi chez les raies comme chez le gymnote (d'après les observa-
tions de Faraday) et celle du malaptérure (d'après les observations
de Ranzi, 1855), on trouve que le même point peut être tantôt positif,
tantôt négatif, suivant que l'autre point touché en même temps est
tantôt plus près de la tète, taiftôt plus près du bout de la queue.
J'ai expérimenté deux fois en plaçant l'une des lames de platine
terminant les rhéophores contre la face interne de l'un des organes
électriques et l'autre contre la face externe au même niveau, de ma-
nière à ce qu'elles fussent écartées l'une de l'autre par la plus grande
épaisseur de l'organe qui mesurait 15 millimètres sur le premier et
18 sur le second.
/V chacune des décharges indiquées par les grenouilles galvanosco-
piques, j'ai obtenu une déviation do 15 à 20" au maximum. Le galva-
nomètre indiquait que dans ces conditions le courant est dirigé de la
face interne vers la face externe, le pôle positif étant sur la pre-
mière et le pôle négatif sur la seconde. Ainsi à chaque décharge une
petite quantité d'électricité est dirigée de dedans en dehors.
Je n'ai obtenu aucun effet en plaçant les lames de platine au même
niveau, l'une à la face supérieure, l'autre à la face inférieure de
l'appareil électrique.
{5 V. — Des PHENOMENES ORDINAUIEMENT OBSERVÉS LORS DE CHAQUE
DÉCHARGE ÉLECTRIQUE EN PARI ICULIER.
J'ai indiqué précédemment qu'on peut obtenir en général trois dé-
charges de chaque raie et rarement quatre dans l'espace de dix-huit
à vnigt-cinq minutes, après quoi elle commence à présenter des
signes d'asphyxie ; c'est-à-dire la congestion violacée du rostre et du
13
bord des ailes ou nageoires pectorales. 8i luu replace lanimal
dans l'eau après deux ou trois décharges, c'est-à-dire au bout de
quinze à dix-huit minutes, il peut servira de nouvelles expériences
deux ou trois heures plus tard.
Les décharges données par une même raie ne sont pas toutes sem-
blables, en ce sens qu'elles consistent tantôt en une seule et éner-
gique décharge proprement dite, tantôt en une série de petites dé-
charges se répétant de quarante à cinquante lois de suite au nombre
de trois à quatre environ par seconde.
Les décharges proprement dites étaient décelées par une contrac-
tion brusque et intense des muscles de la jambe de la grenouille et
une flexion très-prononcée de la jambe sur la cuisse avec extension
de la patte. Elles étaient dautrc part décelées par la déviation ra-
l)ide de l'aiguille du galvanomètre qui allant frapper le butoir à 90°
était renvoyée sur celui du côté opposé et rentrait au repos par des
oscillations d'une durée de vingt-deux secondes environ.
La première décharge et souvent la seconde avaient les caractères
que je viens de décrire et la dernière ou les dernières oflVaient ceux
que je vais indiquer. Sur quelques individus même toutes ont eu ces
caractères.
Le galvanomètre étant revenu au repos et les grenouilles galvanos-
copiques remises eu place ou renouvelées, tout demeurant immo-
bile, pendant quelques instants on voyait de cinq à huit minutes,
après les phénomènes précédents, la raie donner une nouvelle dé-
charge, soit spontanément, soit à la suite de stimulations.
Les décharges consistant en une série de petites secousses au
nombre de deux ou trois par seconde environ ne peuvent être bien
décelées que par les grenouilles galvanoscopiques. Ces petites se-
cousses conduisent en eflet l'aiguille assez vite, et par un cours uni-
forme jusqu'à 90" comme était une seule forte décharge, mais sans
manifester leur multiplicité en raison du trop court intervalle qui
les sépare.
Les grenouilles galvanoscopiques décèlent au contraire chaque pe-
tite décharge par autant de petites contractions des muscles de la
jambe et de petites flexions de celle-ci sur la cuisse. Ces petits mou-
vements sont sensibles à la vue comme au toucher, et ceux qui cor-
respondent aux trois ou quatre dernières décharges se réduisent à
un simple tremblement des gastro-cnémiens.
14
Lorsque les raies donnent ainsi une succession de petites dé-
charges pendant une demi-minute ou environ on peut pendant leur
durée traîner ou porter sur diverses parties du corps successivement
une grenouille galvanoscopique et la baguette de verre à l'aide de la-
quelle on fait former un arc à son nerf. On constate alors qu'elle ne
se contracte qu'autant qu'on touche la peau de la queue au niveau
du point où les organes électriques, cessant d'être entourés de muscles
deviennent immédiatement sous-cutanés, ou sont seulement entourés
de quelques feuillets aponévrotiques. A partir de ce niveau, les con-
tractions se montrent quelles que soient les parties touchées de la
surface de la queue et même en appliquant la grenouille galvanosco-
pique sur les nageoires.
Du reste l'expérience m'a montré que toutes les particularités que
présentent les décharges sont reilétées par les contractions des pattes
de grenouilles galvanoscopiques dont le nerf forme un arc touchant
un lil métallique planté dans un organe électrique, aussi nettement
que lorsqu'elles sont contigués à la peau qui couvre immédiatement
ce dernier.
On sait que plus grande est la tension de lélectricité, plus rapide
est le mouvement ou courant de décharge d'une pile. Riche en ten-
sion, pauvre en quantité produite, en un temps donné la pile d'ordre
organique des poissons, s'épuise d'autant plus vite qu'elle ne ren-
contre pas de cause de ralentissement, tel que par exemple un
corps mauvais conducteur ou un fil mince. Elle ne rencontre pas
de corps mauvais conducteur dans l'eau de mer, ni dans le corps
des poissons qui la touchent. U est donc probable que là les décharges
sont habituellement de l'ordre de celles qui sont uniques et intenses.
Mais dans les expériences en plein air à l'aide du galvanomètre, la
recomposition s'opérant au travers d'un fil d'une très-petite section
s'accomplit plus lentement; il est probable que l'animal en a sensa-
tion et que c'est là ce qui fait que, pour éviter la commotion d'une
recomposition en sens inverse au travers de son propre corps, il
donne alors une succession de petites décharges à des intervalles
de temps très-rapprochés, au lieu d'une décharge unique et intense
comme il le fait parfois. Il est probable en d'autres termes que les
décharges uniques et intenses sont les décharges normales tandis que
celles qui consistent en une série de petites décharges sont exception-
nelles, accidentelles et produites seulement lorsque l'animal se
15
trouve placé dans les conditions anormales où le met l'expérimen-
tateur.
Si les raies dont le bord des ailes et le rostre commencent à deve-
nir violacés ne sont pas reportées dans l'eau, elles meurent rapide-
ment et d'autant plus vite qu'elles sont plus volumineuses. Alors
l'animal recourbe en bas le milieu de ses ailes, et à l'aide de ce
point d'appui soulève sa tête et voûte son dos. Bientôt le bord même
des ailes se relève un peu, tremblote légèrement en môme temps
que la tête et que les nageoires caudales. Alors survient une série de
petites décharges comme celles dont il vient d'être question. D'au-
tres fois il se produit quatre ou cinq décharges assez intenses qui se
suivent de près sans être aussi fortes que celles qui avaient lieu avant
l'asphyxie, la première pourtant pousse l'aiguille jusqu'au butoir ou
tout près de 90°, et l'aiguille retournant vers 0° est repoussée vers
le butoir avant d'avoir eu le temps de revenir au méridien. La der-
nière ou les deux dernières de ces décharges sont plus faibles que
les premières ; elles coïncident avec les derniers mouvements respi-
ratoires des évents et de la poche branchiale et avec les derniers
mouvements volontaires. La mort est alors survenue; le cœur seul
continue à battre encore pendant plusieurs heures.
On peut observer les décharges de l'appareil électrique des raies
dans l'eau comme sur une table. Seulement la difficulté de maintenir
assez longtemps la queue immobile dans un baquet où l'animal
cherche à nager, fait que l'emploi des grenouilles galvanoscopiques
est à peu près impossible. En outre, le contact de l'eau de mer et du
mucus de la peau des raies fait cesser le courant propre des muscles
et du nerf de la patte de grenouille en huit à douze minutes environ;
il leur fait perdre ainsi leurs propriétés galvanoscopiques et oblige
de les renouveler à peu près à chaque décharge ou série de décharge.
Mais dans les conditions dont il s'agit ici, on peut constater l'exis-
tence des phénomènes extérieurs indiquant une décharge électrique
en même temps que laiguille du galvanomètre subit une déviation
brusque allant à 90°, comme dans les circonstances précédentes. Ces
conditions, plus difficiles à remplir, n'ont d'autre avantage sur celles
que j ai adoptées habituellement que de permettre d'obtenir des dé-
charges d'égale intensité de cinq en cinq minutes environ pendant
des heures et non plus trois ou quatre fois seulement, comme lorsque
l'animal est placé sur une table où il s'asphyxie bientôt.
16
^ VI. — Influence de quelques circonstances spéciales sur la
DÉCHARGE DE LAPPAREIL ÉLECTRIQUE DES RAIES.
Après lu mort, caractérisée par la cessation des mouvements des
poches braiichiales et des mouvements volontaires; on peut, au bout
de dix à vingt minutes, enfoncer une aiguille dans les faisceaux
autérieurs de la moelle épinière mise à nu au niveau de la partie
antérieure de l'appareil électrique. On voit alors se produire une
nouvelle décharge manifestée par la contration des grenouilles gal-
vanoscopiques et par une déviation de laiguille allant jusqu'à 90'.
Ces mêmes phénomènes se sont manifestés une demi-heure après
la mort d'une raie dans une expérience qui a consisté à galvaniser
une aiguille métallique de haut en bas dans la moelle épinière tho-
racique sur une longueur de quelques centimètres.
Ayant coupé la queue dune grosse raie bouclée vivante., j'ai excité
les faisceaux antérieurs de la moelle à l'aide d'une aiguille enfoncée
dans leur épaisseur cinq minutes environ après la séparation du
membre. Celui-ci était maintenu pour éviter les contractions con-
vulsives des muscles coccygieus que suscite la stimulation de la
moelle épinière. Or cette dernière a déterminé, en même temps que
des contractions musculaires une décharge électrique manifestée par
une déviation de l'aiguille du galvanomètre jusqu'à 90°. Dix minutes
plus tard l'expérience recommencée dans les mêmes conditions avec
la même queue de raie détachée une décharge s'est produite, mais
avec une déviation de 35* seulement; une troisième tentative est de-
meurée sans effet sur le galvanomètre.
Cette expérience reproduite quelques jours plus tard dans les
mêmes circonstances sur la queue détachée d'une raia alba, Lac,
plus petite que la précédente, mais très vivace, des résultats sem-
blables ont été obtenus.
Mais il faut ici noter cette particularité que les pattes d'une gre-
nouille galvanoscopique employées dans ce cas, m'ont montré par
leurs constructions répétées que chacune des deux décharges a con-
sisté en une série de petites décharges produites au nombre de deux
ou trois par seconde, dont la première a conduit rapidement l'aiguille
jusqu'au butoir à 90° et la deuxième jusqu'à 48°.
17
j5 VII. — Particularités offertes par la décharge de l'appareil
ÉLECTRIQUE DIVISÉ EN SEGMENTS ET PAR UN COURANT QUI LUI EST
PROPRE.
Dans une autre série d'expériences faites en utilisant les 3,000
tours du galvanomètre, les extrémités des rhéophores ont été appli-
quées directement sur le tissu de segments plus ou moins longs de
l'un ou des deux organes électriques coupés aux deux bouts; seg-
ments laissés adhérents à l'animal par leur surface interne qui est
celle par laquelle pénètrent les vaisseaux et les nerfs. Dans ces expé-
riences, je me suis assuré que les raies ne donnent aucun signe de
sensibilité lorsqu'on vient à toucher, piquer, couper ou déchirer le
tissu de leurs organes électriques.
En appliquant simultanément les deux lames de platine sur les
deux bouts de l'appareil électrique, sans toucher les muscles voisins,
j'ai toujours vu l'aiguille galvanométrique dévier très-lentement de
7° à 10°. Elle déviait dans une direction indiquant que le courant se
dirige, comme celui de la décharge électrique, de son extrémité cé-
phalique à son extrémité postérieure, ou en d'autres termes, le cou-
rant a toujours pénétré par le rhéophore coutigu à la section posté-
rieure de l'organe. Dans ces condilions, l'aiguille s'arrêtait à 7, 8, 9
ou 10°, en oscillant parfois là de un à deux degrés tant que la raie ne
donnait pas de décharge. Mais aussitôt que celle-ci était produite, soit
spontanément, soit après le contact des yeux ou des évents, l'aiguille
partait brusquement de ce point pour continuer à se porter dans le
môme sens vers 90°. Elle atteignait ce nombre et frappait contre le
butoir, lorsque la longueur des segments de l'organe était de 12 à
16 centimètres ou au-dessus. En plaçant les lames de platine simul-
tanément sur la section interne et la section externe de faisceaux
musculaires de la nageoire pectorale, longs de 8 et 10 centimètres,
selon le volume de l'animal, disposés perpendiculairement à l'axe du
corps, j'ai obtenu une déviation constante de laiguille de 8 à 12°, in-
diquant par sa direction un courant musculaire allant de l'extrémité
interne vers l'extrémité externe du muscle. Chaque fois que par une
stimulation directe des nerfs moteurs de la nageoire, à l'aide de pinces
à griffes, j'ai fait contracter ces muscles pendant plusieurs secondes,
j'ai vu l'aiguille revenir vers le 0 aussi lentement qu'elle s'en était
écartée d'abord, au lieu de partir de là pour se porter brusquement
MÉM. 2
... L I S R A P ^'^^ '
^f O : ,
18
plus loin dans le même sens, comme dans le cas où il s'agissait de
l'organe électrique donnant une décharge.
Ces faits se sont renouvelés sans différences notables sur plusieurs
raies. Ils portent à penser qu'il existe dans les organes électriques
de ces poissons un courant propre continu. Il se dirige de la par-
tie antérieure vers la partie postérieure de l'appareil, comme ce-
lui qui est produit par ce dernier, et s'en échappe lors de chaque dé-
charge; mais il est beaucoup plus faible, et il semble que chaque dé-
charge est due à ce que sous l'influence de la volonté il subit une
exacerbation par augmentation de la quantité d'électricité produite,
ce qui précisément caractérise la décharge.
3'ai dit plus haut que lorsque les rhéophores étaient placés contre
les extrémités fraîchement coupées d'un organe électrique, le courant
propre dévie lentement l'aiguille galvanométrique et la maintient à
8 ou 10" environ; celle-ci est ensuite poussée brusquement dans le
même sens vers 90% lors de chaque décharge donnée volontairement
par la raie, soit spontanément après quelques minutes de repos, soit
après quelque excitation.
Sur des segments de l'appareil, longs de 14 à 16 centimètres, l'ai-
guille allait frapper le butoir à 90° lors de chaque décharge, et cette
expérience a pu être répétée jusqu'à trois fois de suite, à quatre ou
cinq minutes d'inter'valle, sur des raies très-vivaces. Sur quelques-
unes, une quatrième décharge poussant l'aiguille jusqu'à 50 ou 60" a
pu être obtenue; après quoi l'animal épuisé mourait par asphyxie ou
servait à quelqu'autre expérience.
En expérimentant avec d'autres raies sur des segments d'un organe
électrique, long de 9 à 10 centimètres seulement, la décharge ne
chassait l'aiguille que jusqu'à 50 ou 60" lors des deux premières dé-
charges, et à 30 ou 40° lors de la dernière ou des deux dernières.
Lorsque les conditions précédentes restant les mêmes, des courants
musculaires avaient été étudiés avant d'en venir à observer les dé-
charges de l'organe électrique du même animal, celles-ci n'étaient
plus aussi fortes. Elles ne déviaient l'aiguille que jusqu'à 40°, puis
jusqu'à 35, 30 et 25° seulement, en raison sans aucun doute de l'état
daifaiblissement de l'animal, consécutif aux blessures et aux exci-
tations subies en premier heu.
Des segments de l'organe électrique, longs de 5 à 6 centimètres
sur une épaisseur de 12 à 14 millimètres, ont encore donné des dé-
19
charges poussant l'aiguille jusqu'à 30 et 35°, lorsque l'animal n'avait
auparavant été l'objet d'aucune autre expérience.
Ainsi les essais qui précèdent montrent, comme ceux dont il a été
question plus haut, que l'intensité de chaque décharge est propor-
tionnelle à la masse du tissu de l'organe électrique comprise dans le
circuit.
Au moment où s'achève l'impression de ce travail, je trouve dans
le dernier numéro des Compt. rendus des séances de l'Acad. des
SCIENCES (séance du 16 octobre 1865, t. LXI), une importante note de
M. Ch. Matteucci Sur l'électricité de la Torpille. Je crois devoir en
citer ici les passages suivants qui ont trait à quelques-unes des ques-
tions que j'ai abordées dans mon mémoire.
M. Matteucci s'exprime ainsi touchant le pouvoir électromoteur de
l'organe de la torpille à Cétat de repos dont je viens de parler sous le
nom de courant propre continu :
« Il n'y a aucune difficulté à découvrir le pouvoir électromoteur
de l'organe de la torpille indépendamment de la décharge, à l'état que
j'ai appelé de repos : il faut seulement avoir un galvanomètre sensible
au courant musculaire de la grenouille, et fermer les extrémités de
cet instrument avec deux lames de zinc amalgamé plongées dans le
sulfate de zinc et communiquant entre elles par des coussinets de fla-
nelle ou de papier à filtre. Le galvanomètre que j'ai employé n'avait
pas un bon système asiatique, de sorte que je n'obtenais avec legas-
trocnémien dune grenouille peu vivace qu'une déviation de 40 à
50 degrés. Avec cet instrument, un morceau d'organe coupé sur une
petite torpille qui avait déjà cessé de donner des décharges m'a
donné 14 ou 15 degrés de déviation dans le sens même du courant
qu'on obtient au moment de la décharge. Ce résultat ne manque ja-
mais de se vérifier. Voici les résultats principaux auxquels je suis
parvenu et qui confirment mes anciennes expériences.
« 1° Un morceau d'organe électrique, coupé sur une torpille qui ne
donnait plus de décharge sensible à la grenouille galvauoscopique en
l'irritant sur la peau, donne un courant constant entre la face dorsale
et la face abdominale dans le sens même de la décharge qu'on obtient
en tiraillant ou en coupant les nerfs de ce morceau. Avec un galva-
nomètre délicat, l'aiguille du galvanomètre se fixe à 40 ou 50 degrés
et persiste ainsi pour longtemps. J'ai obtenu une déviation persis-
tante et très-sensible des morceaux d'organe qui étaient restés peu-
, Q^^^^ ....
20
dant cinq ou six jours dans une cavité pratiquée dans un morceau
de glace. On a cru, je pense, que c'est en Allemagne que ce pouvoir
électromoteur de l'organe de la torpille en repos était analogue à celui
des muscles vivants; mais l'expérience ne me paraît pas appuyer
cette hypothèse.
2° En effet, le pouvoir électromoteur de l'organe de la torpille en
repos augmente notahlement après avoir obligé le morceau de l'organe
à donner la décharge par l'irritation de ses nerfs. Cette augmentation
persiste aussi pour un certain temps et ne diminue que très-lente-
ment. Je rappellerai, à ce propos, une expérience qui ne manque ja-
mais de réussir et qui consiste à opposer deux morceaux d'organe
coupés sur la môme torpille, de manière à n'obtenir aucun signe du
courant différentiel. Si alors on irrite les nerfs d'un de ces morceaux,
et si l'on rétablit le circuit du galvanomètre, onverra immédiatement
l'aiguille dévier d'un fort courant différentiel qui persiste et qui est
dû à l'organe irrité.
« On sait qu'en répétant la même expérience avec deux morceaux
de muscle, le résultat est toui à fait opposé.
fi VIII. —Influence de l'éther, de la strichnine et du curare
SUR LES décharges ÉLECTRIQUES DES RAIES.
Une raie ayant été placée dans un baquet plein d'eau de mer addi-
tionnée d'une certaine quantité d'éther sulfurique, elle cessa aubout
de quelques minutes de se mouvoir et de fermer ses évents ou spi-
racules.
Retirée de ce mélange, placée sur une table et arrosée d'eau de mer
pure qu'on versait aussi dans ses évents, ses mouvements respiratoi-
res ont reparu trois ou quatre minutes plus tard; bientôt après elle
s'est agitée et elle a pu servir à nos expériences aussi longtempsque
les autres.
Tant que cette raie est restée soumise à l'influence de l'étber, au-
cune excitation n'a pu lui faire produire de décharge électrique. Mais
aussitôt que se sont montrés de nouveau les mouvements des spira-
cules, elle a donné une forte décharge, puis après s'être débattue,
elle en a donné une seconde qui a également chassé l'aiguille galva-
nométrique jusqu'à 90°.
Ainsi létlier, en enlevant aux centres nerveux tout pouvoir d'in-
21
citation motrice volontaire, priN'e également les raies de toute in-
fluence sur leur appareil électrique, sans faire perdre à celui-ci ses
propriétés électrogéniques.
Ayant introduit environ 25 centigrammes de strichnine cristallisée,
tant sous la peau que dans une des cavités branchiales d'une raie,
elle a donné au bout de quelques minutes deux fortes décharges, à
deux ou trois minutes d'intervalle l'une de l'autre. Aussitôt après
sont survenues de légères contractions convulsives dans les muscles
des mâchoires, du dos et des ailes. Sans qu'elles se soient interrom-
pues, quatre décharges électriques se sont produites de demi-minute
en demi-minute, toutes moins intenses que les premières et d'énergie
graduellement décroissante.
Les convulsions ont alors gagné tous les muscles soumis à la vo-
lonté et ont continué pendant près de quarante minutes en se mani-
festant soit spontanément, soit sous l'influence du moindre contact
de la peau.
Mais ni le galvanomètre ni les grenouilles galvanoscopiques n'ont
décelé de nouvelles décharges électriques, bien que les nageoires eau :
dales présentassent le tremblotement qui annonce ces dernières.
Ces phénomènes sont analogues à ceux qu'a observés M. Matteucci
après avoir introduit 15 centigrammes de strychnine dans l'estomac
dune grosse torpille (Traité des phénomènes éLectro-fhysioiotjiqiies
des animaux, Paris, 1844, in-8'", p. 161, 162).
J'ai injecté dans un des sinus veineux du dos, près du cœur d'une
raie de moyenne taille, une solution dans l'eau douce de 3 centi-
grammes environ de curare. D'après les essais de M. Claude Bernard
à qui je le dois, 1 centigramme de ce curare suffit pour tuer un lapin.
Le poisson s'est d'abord débattu énergiquement sans donner de
décharge électrique. L'action des muscles soumis à la volonté s'est
bientôt affaiblie sans qu'il survînt de changement dans ceux du cœur,
et au bout de quelques minutes, il a été impossible de déterminer
des contractions par la piqûre, le pincement ou la titillation de la
peau et des muqueuses. Ces mêmes moyens ont amené quelques fré-
missements des nageoires caudales, mais sans que le galvanomètre
ni les grenouilles aient décelé une quelconque des décharges qu'ils
annoncent habituellement. Au contraire, en excitant directement la
moelle épinière caudale avec une aiguille métallique, après toute ces-
sation des mouvements volontaires et des muscles respirateurs, une
n
demi-heure environ après l'injection, une décharge moins énergique
qu'à l'ordinaire a été manifestée sans qu'il ait été possible d'en obte-
nir une seconde quatre ou cinq minutes plus tard, ni par le même
moyen ni par l'excitation galvanique de la moelle.
Ainsi l'éthérisation suspend l'influence qu'ont les centres nerveux
sur la production des décharges électriques, sans influer sur les pro-
priétés électrogéniques de l' appareil.
La strychnine détermine la production convulsive et involontaire
de décharges électriques, aussitôt que débutent les contractions invo-
lontaires et convulsives des muscles.
Quant au curare, il paralyse l'influence du système nerveux sur
l'appareil sans qu'il soit possible de voir si la diminution d'énergie
des décharges obtenues en excitant la moelle tient à la perte des pro-
priétés des nerfs allant de la moelle à l'organe électrique ou à l'ex-
tinction des propriétés de celui-ci. Toutefois le premier cas est le
plus probable.
M. Matteucci s'exprime ainsi dans sa communication du 16 octo-
bre 1865, touchant la question qui concerne le mode de production
de l'électricité dans les appareils électriques :
« J'ai rencontré, surtout dans la saison très-chaude, des torpilles
qui, hors de l'eau, perdaient très-rapidement la fonction électrique,
et dont le pouvoir électromoteur en repos était nul ou presque nul.
En irritant les nerfs de l'organe de ces torpilles ou en blessant le qua-
trième lobe, ce pouvoir électromoteur reparaissait tout de suite et
persistait pour un certain temps. Je suis donc plus que jamais conduit
à croire qu'au lieu de faire intervenir les actions chimiques de la
respiration musculaire, comme on le fait avec fondement pour conce-
voir le pouvoir électrique des muscles vivants, on doit attribuer l'é-
lectricité des torpilles et des autres poissons électriques à des espèces
de piles secondaires qui se forment dans les cellules des organes
électriques par l'action des nerfs : de même que l'action nerveuse
intervient pour déterminer dans les organes de sécrétion la produc-
tion de liquides de nature chimique différente, on peut concevoir
dans les cellules élémentaires des organes électriques des effets sem-
blables. Nous savons que l'organe de la torpille, en repos ou en acti-
vité, n'exerce sur l'air atmosphérique aucune action analogue à celle
qui est déterminée par le muscle en repos ou en contraction. De même
l'influence de l'irritation nerveuse à augmenter d'une manière dura-
ble le pouvoir électromoteur de l'organe delà torpille ne peut se con-
cevoir sans imaginer quelle est due à une cause qui ne cesse jamais
d'agir, telle que serait la présence de deux matières capables de ré-
agir chimiquement l'une sur l'autre et constamment reproduites sous
l'action nerveuse.
« Je ne considère cette hypothèse que comme une voie dans laquelle
on peut être amené à tenter de nouvelles expériences avec l'espoir
de quelque succès. » (Voyez sur ce sujet Ch. Robin dans Journ. d'a-
NAT. ET DE PHYSiOLOG. Paris, 1865, in-8", p, 602.)
g IX. — Discussion de quelques données historiques touchant
LES PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES DES RAIES.
En 1847, quelques mois après la présentation à l'Académie des
sciences du mémoire dans lequel j'ai décrit l'appareil électrique des
raies (1), M. Matteucci communiqua les remarques suivantes à
Arago (2) :
« M. Millier, dit-il, m'écrit de Berlin qu'il a fait quelques expé-
riences sur cet organe (l'appareil électrique), dans la raie vivante,
avec le galvanomètre, et que n'ayant trouvé aucun phénomène élec-
trique, il m'engage à étudier la chose avec plus de soin; j'ai opéré sur
des raies vivantes au moyen d'une méthode très-délicate, et qui au-
rait pu faire découvrir le moindre signe de décharge électrique que
la raie aurait donnée soit volontairement, soit en irritant son cerveau
ou sa moelle épinière. Cette méthode très-simple est celle de la gre-
nouille galvanoscopique. J'ai pu m'assurer que l'organe trouvé par
M. Robin n'est pas un appareil électrique.
Je dois ajouter que j'ai pu obtenir de cet organe tous les phéno-
(1) Recherches sur un appareil particulier qui se trouve sur les
poissons du genre des Raies (Raia, C). Journal I'Institut, n° 645 du 31
mai 1846, t. XIV, p. 164. Paris, in-4". — Procès-verbaux de la So-
ciété philomatique. Paris, in-S", 1846, p. 65. — Compt. rend, des séa.nc.
DE l'Acad. desscienc. Pafis, 111-4", 1846, t. XXII.
(2) Matteucci, Mémoire sur le magnétisme développé par le courant
électrique et sur un organe particulier de la Raie. (Lettre de M. Ch.
Matteucci à M. Arago.) Compt. rend, des séaxc. de l'Ac.\d. des scienc. de
Paris, 1847, in-4°, t. XXIV, p. 301.
Vi
mènes du courant électrique musculaire, de sorte que l'observation
de M. Robin m'en semble d'autant plus digne d'attention de la part
des anatomistes. »
Ayant publié mon travail en entier quelque temps après la commu-
nication de M. Matteucci, j'ai reproduit celle-ci et l'ai accompagnée
des remarques suivantes (Annal, des scienc. nat., avril et mai 1847,
troisième série, vol. VII, p. 193, avec deux planches. Reeherches sur
un appareil qui se trouve sur les poissons du genre des Iîai>5 (Raia,
Cuv.), et qui présente les caractères analogiques des appareils élec-
triques. Thèse de zoologie pour le doctorat es sciences, avec addition
d'une table des matières et de quatre pages de propositions, soute-
Due le 19 juillet 1847. Paris, grand in-8", avec deux planches) :
« I. Il est difficile de se résoudre à considérer comme non électri-
que un organe qui, 1° reçoit une grande quantité de nerfs de la vie
animale, constitué par un tissu spécial, semblable à celui des autres
appareils électriques des Poissons; 2" qui présente un arrangement
de ses divers éléments identique, pour tous les points essentiels, à
celui des appareils précédents; 3° qui en même temps diffère, par sa
position absolue et relative, par ses vaisseaux, nerfs, etc., et par la
distribution de ces tissus les uns relativement aux autres, de tous
les organes actuellement connus, excepté des appareils électriques des
torpilles, gymnotes, etc.. ; 4" dont le tissu propre diffère complète-
ment de celui des muscles, des glandes avec ou sans conduit excré-
teur, ainsi que des appareils érectiles.
« II. L'organisation de cet appareil est trop complexe et trop par-
faite pour qu'on puisse supposer que c'est là un appareil rudimen-
taire, ne devant avoir aucune fonction spéciale. Il n'y a rien de ru-
dimentaire dans cet organe.
« III. Dans les expériences sur cet appareil, il faudra tenir grand
compte des rapports du muscle sacro-lombaire qui enveloppe l'appa-
reil électrique sur un tiers de son étendue, ce qui peut-être a déjà
été cause d'erreur. » (Loc cit., 1847, p. 95, 96.)
Enfin, en se reportant à la discussion que contiennent ces dernières
pages, le lecteur jugera lui-môme de l'importance de celle-ci et des
faits que M. Matteucci mentionne en ces termes dans sa communica-
tion du 16 octobre dernier :
« J'ai profité de cette occasion pour essayer sur les raies les belles
expériences faites dernièrement par M. Robin. Il y a déjà bien des
années, et tout de suite après que cetluibile anatomiste avait annoDcô
la découverte d'un organe dans les raies analogue à celui de la tor-
pille, j'avais essayé inutilement d'obtenir des signes d'électricité de
l'organe de la raie. A ce propos je dois avouer que je n'avais jamais
pu opérer que sur des raies très-petites et peu vivaces, et que très-
probablement je n'avais pas réussi à mettre bien à découvert l'organe
trouvé par M. Robin. C'est M. Schifî qui m'a aidé dernièrement dans
cette préparation, et qui m'a appris à reconnaître l'organe de la raie.
En opérant sur une raie bien vivace et assez grande, et en obligeant
ce poisson à une suite de contractions très-fortes, j'ai obtenu de la
grenouille galvanoscopique, dont le nerf était posé sur l'organe, des
signes manifestes de décharges électriques. J'aurais voulu varier cette
expérience et la répéter sur d'autres raies ; mais je n'ai pas réussi à
me les procurer. Gomme il y a beaucoup de substance musculaire
qui enveloppe l'organe électrique de la raie, je me permets d'engager
M. Robiû à vouloir répéter et varier sa belle expérience en opérant
sur l'organe isolé du poisson, pour qu'il ne reste plus aucun doute
que les effets électriques obtenus ne puissent être attribués à la fibre
musculaire (1). La différence dans les dimensions et le nombre des
cellules élémentaires, et les nerfs de l'organe électrique de la raie et
celui des autres poissons électriques, donne une grande importance
à l'étude complète de cette fonction de la raie, et cette étude devrait
expliquer les phénomènes électriques particuliers découverts par
M. Robin dans la fonction électrique de la raie, et qui ne se vérifient
pas dans les autres poissons électriques. »
Aujourd'hui donc la question est résolue touchant les rapproche-
ments zoologiques à établir entre les raies et les torpilles d'après la
présence ou l'absence d'un appareil électrique. Cette question a de-
puis longtemps préoccupé les savants, ainsi que le montrent les do-
cuments sur ce sujet que j'ai rassemblés dans le travail cité plus haut
et les remarques publiées peu après par Duméril père (Comptes ren-
dus DES SÉANCES DE l'Académie DES SCIENCES. Paris, 1847, in-4,
t. XXIV, p. 303). Après les avoir discutés au point de vue zoologique,
(1) Voyez ce que j'ai dit plus haut (sur les précautions prises à cet
égard) à la fin du g I, dans le ^ III et dans quelques-uns des paragraphes
suivants.
26
M. le professeur Auguste Duméril concluait ainsi il y a déjà plusieurs
années (l) :
« Il est donc prouvé par les faits qui précèdent qu'on doit rester
dans le doute sur la justesse de la comparaison à faire entre les tor-
pilles et les raies, relativement à l'appareil électrique dont ces der-
nières seraient douées ; et, si j'ai autant insisté sur les faits mis en
avant par les anatomistes qui ont voulu établir cette analogie, c'est
que les traités les plus récents d'anatomie comparée parlent à peine
de ces faits, et que le mémoire de M. Robin est le seul travail oii la
discussion relative à ce point intéressant de physiologie soit exposée
avec quelques détails. »
Les faits contenus dans ce travail lèvent tous ces doutes et justi-
fient l'importance que les zoologistes ont de tout temps attachée à
cette discussion.
CONCLUSION.
L'ensemble des observations dont je viens d'exposer les résultats
prouve donc que l'appareil électrique des raies remplit une fonction
de même ordre que celle qui est dévolue aux organes de structure
analogue existant chez les torpilles, les gymnotes, les malaptéru-
res, etc. Les diiférences ne portent que sur l'intensité des manifesta-
tions électriques, intensité qui, étant proportionnelle à la masse des
organes sur toutes les espèces, est, sur les raies, ce que faisait pres-
sentir le moindre volume comparatif de l'appareil.
Mais, à part cette différence nécessaire que, dès 1846, j'avais an-
noncée devoir exister, la fonction de cet appareil n'oflTre rien de faux
ni de rudimen taire, contrairement aux hypothèses émises depuis par
quelques naturalistes. Les faits contenus dans ce travail sont en rap-
port, au contraire, avec cette particularité, déterminée dès cette épo-
que également, que la structure intime de ces organes offre la plus
grande analogie qu'on puisse voir avec celle des organes électromo-
teurs des autres poissons électriques. Rien de mieux caractérisé, en
effet, que l'élément sut generis qui compose leurs disques ; rien de
plus régulier que la configuration de ceux-ci et que leur juxtaposi-
tion en piles par l'intermédiaire de cloisons riches en vaisseaux et en
(1) A. Dumeril, Monographie de la famille des Torpediniens (Revue
ET MAGASIN DE ZOOLOGIE. Paris, 1852, in-S", p. 181).
27
nerfs; rien de plus constant que la distribution des nerfs à l'exclu-
sion des vaisseaux (ainsi que je l'ai fait connaître le premier en 1846)
sur la face du disque qui est tournée vers le pôle positif de l'appa-
reil, tandis que les vaisseaux, à l'exclusion des nerfs, se Jettent sur
la face opposée par laquelle s'échappe le courant lors de chaque dé-
charge ; rien, enlin, de plus net que le mode de terminaison des nom-
breux tubes nerveux régulateurs des actes de l'appareil qui abou-
tissent à chacun de ses disques.
OBSERVATION
D'UN MONSTRE
DE LA FAMILLE
DES PSEUDENCÉPHALIENS
lue à la Société
Par m. HOUEL,
Conservateur du Musée Dupuytren.
Les pseudencéphaliens coTistituent une famille bien naturelle, à
caractères définis; elle est intermédiaire aux exencéplialiens et aux
anencéphaliens; cette monstruosité, qui appartient à un ordre déjà
assez avancé, a encore ceci de remarquable, qu'à l'inverse des au-
tres familles, elle est presque exclusive à l'espèce humaine. Le fœtus
qui fait l'objet de ma communication a déjà été présenté à l'Acadé-
mie impériale de médecine (1); mais la description qui en est donnée
dans les bulletins de cette savante compagnie étant incomplète, l'im-
portance de ce petit monstre m'a paru suffisamment motiver une nou-
nouvelle présentation dans laquelle toutes les parties seront mieux
étudiées. En outre, je désire les faire suivre de quelques remarques
critiques qui seront plus spécialement relatives à certains vices de
conformation.
(1) Bull, de l'Acap, impér. de méd., t. 23, p. 298.
3a
Obs. (1) — La femme qui a donné naissance à ce fœtus était primi-
pare, âgée de 36 ans, mariée depuis trois ans environ. Son enfance avait
été maladive, et elle avait conservé une santé délicate. Elle travaillait
à plier du coton, par conséquent n'exerçait point une profession pénible.
La mère affirme n'avoir jamais éprouvé de vives contrariétés pendant sa
grossesse, n'avoir point fait de chutes ni reçu de contusions sur le
ventre, comme cela paraît avoir eu lieu dans un certain nombre de
cas rapportés par M. L G. Saint-Hilaire. Seulement, d'après ce qu'elle
a dit à M. le docteur Arnault qui a bien voulu me remettre le fœtus
pour le musée Dupuytren, elle aurait eu une perte spontanée très-abon-
dante six semaines environ avant la fausse couche.
Le petit monstre, qui est du sexe féminin, est né à environ sept mois
et a vécu quelques heures seulement. Les nombreuses anomalies que
présente ce fœtus portent sur le crâne, la face, les deux membres iii-
férieurs; quelques-unes même sont propres à éclairer des points encore
fort controversés de tératologie.
DESCRIPTION EXTÉRIEURE DU FOETUS.
L'enfant est assez bien proportionné ; le tronc n'a point subi cette
exagération de volume que l'on constate assez souvent dans les monstres
de cette famille, et qui a été signalée par L G. Saint- Hilaire. Afin de
procéder avec ordre, je décrirai successivement les vices de conforma-
tion, 1° du crâne, 2° de la face, 3° des membres supérieurs, 4* des
membres inférieurs.
1' Crâne. — Cette portion de la tête est moins volumineuse, moins
développée que ne le comporte l'âge du fœtus ; elle est recouverte
de cheveux châtains, qui sous le rapport du nombre et du déve-
loppement, ne présentent rien d'anormal. On remarque sur la face an-
térieure et supérieure de la voûte crânienne, deux tumeurs formées
par le prolongement du cuir chevelu, inégales en volume, et situées
assez régulièrement, l'une à droite, l'autre à gauche ; cette dernière est
beaucoup plus volumineuse que celle de droite. Elles sont toutes deux
molles, pédiculées, la peau qui les recouvre est normale, excepté à leur
extrémité libre où existe une perforation qui se continue avec une ca-
vité dont, par un simple examen extérieur, on ne peut apprécier la pro-
fondeur ni les communications. L'intérieur, d'un rouge assez vif, est
tapissé par une couche de réseaux vasculaires doublée d'une substance
mollasse, également rougeâtre, qui, par sa consistance et son aspect,
rappelle assez bien la substance cérébrale, dont elle parait une dépen-
(1) Le fœtus est déposé au musée Dupuytren, tératologie, n" 82 a.
31
dance. Ces caractères sont surtout très-marqués pour la grosse tumeur,
et il paraît probable qu'elle est en effet une émergence de la substance
cérébrale; mais ce point d'anatomie ne pourra être définitivement
éclairé que par une dissection complète du crâne, comme nous le ver-
rons plus loin.
Les deux tumeurs sont séparées sur la ligne médiane par une mem-
brane lisse, mince, transparente, au niveau dl laquelle la peau paraît
manquer. De la face externe de cette membrane partent sous forme de
filaments deux petits prolongements filiformes longs de 5 à 6 centi-
mètres et qui ressemblent à des débris de fausses membranes organi-
sés. Pendant la vie de ce fœtus, M. Arnault ayant cherché a introduire
son doigt dans l'infundibulum que présente la grosse tumeur, l'enfant
fut immédiatement pris d'accidents convulsifs qui durèrent quelque
temps, et il poussa des cris très-aigus qui attestaient une douleur assez
vive.
En palpant le crâne, il est facile de constater que la voûte osseuse
manque dans toute sa partie antérieure et dans la plus grande partie
de sa paroi supérieure; il semble ne point exister de trace de lécaille
du coronal, du temporal ni des pariétaux ; mais l'occipital paraît bien
développé. C'est du centre de cette perforation osseuse que naissent
les deux tumeurs molles précédemment décrites.
2° Face. — La lèvre supérieure présente sur la ligne médiane une
division entre les deux bords de laquelle existe un écartement qui est
de près d'un centimètre. Le bord alvéolaire et la voûte palatine sont
également divisés dans toute leur étendue, et la solution de continuité
arrive même jusqu'au voile du palais dont le bord postérieur est res-
pecté. Cette division n'est cependant point tout à fait médiane, et au-
dessus d'elle se trouve un tubercule médian, peu volumineux, mais qui
se continue manifestement avec le vomer. On ne trouve donc jusqu'à
présent. dans ce cas rien qui n'ait été souvent constaté; mais ce qu'il y
a de remarquable chez ce fœius, c'est que la bifidité s'étend au nez. En
effet, la solution de continuité de la lèvre supérieure remonte de bas en
haut jusqu'à la racine du nez, et ce dernier paraît bifide comme la lèvre.
C'est au milieu de cette énorme perte de substance que se trouve comme
suspendu le tubercule médian très-atrophié.
La partie supérieure de cette division médiane de la face se continue
en outre du côté du crâne avec la membrane pellucide qui sépare les
deux prolongements crâniens. Du côté gauche, l'orifice des narines
n'existe pas avec ses caractères normaux ; c'est un trou irrégulier. A
droite, il en est autrement : l'orifice de la narine a ses contours nor-
maux, arrondis, qui semblent avoir seulement été déjetés de côté; on
retrouve même une espèce de cloison ou bride qui paraît être la trace
'3Î
des contours de la narine du côté opposé : ce qui semblerait établir que,
pour le nez, la bifidité n'est point exactement médiane. Les os propres
du nez paraissent manquer en grande partie, ou bien s'ils existent, ils
sont notablement atrophiés; c'est ce que la dissection nous démontrera.
Les deux yeux sont aussi loin d'être identiques; celui de droite est
bien conformé en apparence, seulement il paraît plus volumineux que
celui d'un enfant de cet âge. Celui de gauche manque en grande partie,
et à sa place existe une dépression au fond de laquelle se remarque à
l'état rudimentaire la fente palpébrale ; mais il m'a été impossible de
constater s'il y a derrière elle un globe oculaire.
3° Membres supérieurs. — Les vices de conformation, limités aux
doigts, ne se ressemblent pas des deux côtés. A gauche le petit doigt,
l'annulaire et le médius sont réduits à la première phalange; la seconde
et la troisième manquent. A droite le petit doigt seul est anormal et
réduit également à sa première phalange. Si l'on examine avec soin la
peau à ce niveau, on constate que, pour les trois doigts de la main
gauche, il existe au centre de la perte de substance de petites croûtes
vers lesquelles la peau circonvoisine est attirée, et en détachant une
de ces croûtes, on trouve au-dessous une petite membrane mince,
transparente, qui est la preuve de l'existence d'un tissu cicatriciel en
voie de formation. La cicatrisation de l'extrémité du petit doigt de la
main droite est plus avancée, plus complète, ce qui fait qu'elle est plus
difficile à reconnaître.
4° Membres inférieurs. — Les vices de développement occupent les
deux jambes, avec des caractères différents à gauche et à droite. A gau-
che, à l'union du tiers moyen avec le tiers inférieur, les deux os de la
jambe sont manifestement interrompus dans leur continuité, ce qui
fait que le pied est fortement renversé sur son bord externe. A ce ni-
veau la peau présente une dépression circulaire, comme si le membre
eût été pendant longtemps étranglé par une ligature. Au côté interne
existe même une petite perte de substance dont les bords déprimés
sont cicatrisés, et à travers laquelle proémine légèrement l'extrémité
inférieure du fragment supérieur du tibia. Le pied est bien conformé.
La jambe droite présente, à son côté interne, au niveau du mollet,
une excavation au centre de laquelle se trouve une perte de substance
assez considérable (de 1 centimètre sur 2), à bords minces et lisses ;
excavation dont le fond est formé par les jumeaux et le soléaire. Lors-
qu'on rapproche l'une de l'autre les deux jambes, on voit que la con-
vexité de la jambe gauche correspond à la concavité de la jambe droite
qui semble moulée sur la convexité de la première. Comme c'est aussi
à ce niveau que correspond la perte de substance, on est en droit de se
demander si celle-çj ce résulte pas du frottement réciproque des deux
meinbros. Lepiod droit est bien conformé, seulement les doux doiiiicrs
orteils sont palmés et paraissent se confondre en un seul.
Dissection. — Je suivrai dans cet examen le même ordre que j ai
adopté pour la description extérieure du fœtus. J'étudierai d'abord :
J* la tête, 2* les membres supérieurs, 3° les membres inférieurs.
1" Tête. — La dissection du crâne a démontré, comme l'avait fait
pressentir l'étude extérieure de ce fœtus, que les os de la voûte à l'ex-
ception de l'occipital, manquent, et que c'est à travers cette large perte
de substance osseuse que s'est établi, dans deux points distincts, la
hernie du cefveau. Le reste de la voûte crânienne est fermé par le té-
gument doublé de sa couche aponévrotique, et adhérent aux enveloppes
des centres nerveux. L'état de ramollissement dans lequel se trouvait
le cerveau n'a point permis d'étudier avec exactitude les rapports des
diverses parties de l'encéphale. J'ai pu néanmoins constater la disposi-
tion suivante ; la cavité crânienne notablement plus petite que dans
l'état normal, contenait une matière pultacée, très-ramollie, rougeàtre.
dans laquelle on reconnaissait la substance cérébrale altérée. Dans le
centre de cette masse existait une cavité à parois mal délimitées, qui
m'a paru devoir être rapportée aux ventricules cérébraux très-dilatés,
communiquant ensemble par suite de la destruction de la cloison. Ce
qui me paraît encore donner plus de probabilité à cette manière de voir,
c'est l'étude des rapports de cette partie centrale avec les prolonge-
ments crâniens déjà indiqués. Le crâne étant ouvert, il a été en effet
facile de constater, en introduisant une pince par l'ouverture qui existe
à la base de chaque tumeur, que cette pince communiquait dans la ca-
vité située au milieu de la masse cérébrale, de plus les parois de ces
hernies ofiraient la structure suivante : la couche extérieure cutanée
était doublée des membranes du cerveau que l'on voyait émerger au
niveau de la perforation, et elles étaient tapissées elles-mêmes d'une
couche mince d'environ 2 millimètres de substance cérébrale, dont les
caractères anatomiques à l'œil nu ne pouvaient permettre de doute, et
qui se continuait à l'intérieur du crâne avec la portion pultacée que j'ai
dit exister dans cette cavité. Le canal rachidien étant fendu dans toute
sa longueur, il a été facile de constater, comme l'a observé Isidore
Geoffroy-Saint-Hilaire, dans la plupart des pseudencéphaliens, que la
moelle épinière manquait en totalité, quoique les enveloppes fussent
bien développées.
La base du crâne est assez bien conformée. La cavité orbitaire gauche
très-petite (la moitié environ de ce qu'elle est normalement), renferme
une masse informe dans laquelle on ne pouvait reconnaître aucun des
éléments constituants du globe oculaire. On ne distinguait ni sclérotique,
ni cornée, ni choro'ïde, ni humeur vitrée, ni muscles de l'œil; on ne
MEM. 3
34
trouvait que du tissu adipeux. Les os maxillaires supérieurs sont un
peu atrophiés, principalement celui de gauche, et leur apophyse mon-
tante est très-courte, réduite à sa base, ce qui fait que la partie qui re-
présente le nez manque entièrement, ainsi que les os propres du nez.
2° Membres supérieurs. — Je n'ai disséqué que celui de gauche sur
lequel manquent les deux dernières phalanges du médius et de l'annu-
laire et du petit doigt. La cicatrice cutanée mentionnée plus haut
n'adhère point à la phalange qui se termine par une extrémité arrondie
et que recouvre une couche de tissu cellulaire lâche ayant l'aspect
d'une synoviale. Les muscles extenseurs et fléchisseurs sont normaux
quant à leur volume et à leur disposition, les tendons correspondants
aux phalanges absentes, se terminent insensiblement au niveau de l'ex-
trémité inférieure de la première qu'ils embrassent. Quant à la conti-
nuité des fléchisseurs et des extenseurs, il m'a été impossible de la dé-
montrer.
3" Membres inférieurs. Je décrirai d'abord le gauche. La dissection
a confirmé au niveau de la fistule cutanée une solution de continuité
du tibia dont je vais indiquer les caractères. Cette solutfon de conti-
nuité est transversale, les deux fragments sont rugueux, inégaux, den-
telés, mais sans trace de nécrose ou de carie, mobiles l'un sur l'autre,
légèrement renflés par l'addition d'une couche extérieure, comme si un
travail périphérique de réparation avait eu lieu. Le péroné, également
divisé mais un peu plus bas que le tibia, a son fragment inférieur très-
court, tandis que le supérieur dévié en arrière et en dedans, vient se
porter vers le bord interne du tibia qu'il croise en passant sous les
muscles de la région postérieure de la jambe.
Les parties molles de la jambe présentent un grand intérêt, au niveau
du sillon cutané le tissu cellulaire fortement induré adhère à l'aponé-
vrose épaissie. Les parties musculaires profondes sont également in-
durées. Le tendon d'Achille est filiforme, rudimentaire, représenté par
une mince lamelle aponévrotique. Les tendons des deux péroniers laté-
raux sont atrophiés et englobés dans une masse considérable de tissu
adipeux. La transformation graisseuse s'étend aux fibres charnues du
muscle long péronier latéral et aux tendons des muscles fléchisseurs
des orteils.
A droite, au-dessous de la plaie de la jambe, existe aussi une dépres-
sion circulaire, analogue à celle de la jambe gauche, et qui a été omise
dans la description de l'aspect extérieur de ce fœtus. Vers ce point
existe une incurvation latérale externe très-prononcée des deux os, et
l'on constate une atrophie notable de leur moitié inférieure. Comme
pour la jambe gauche, il existe au niveau du sillon circulaire un état
fibreux du tissu cellulaire, et les muscles de la région postérieure et
latérale ont aussi leurs tendons plongés dans une ;;aîne i;raisseusè.
Mais celte altération est moins prononcée que du côté opposé, de sorte
que, en enlevant la masse graisseuse, on retrouve dans son centre les
tendons plus petits, rudimentaires.
.Ig n'examinerai pas les caractères de iamilie et de genre de ce
niunstre; ils ne présentent rien qui n'ait déjà été signalé. Je veux
seulement attirer l'attention de la Société sur les trois points sui-
vants : 1° la division médiane du nez; 2° les absences de phalange de
plusieurs doigts de la main; 3° la fracture de la jambe droite et la
plaie de la jambe gauche.
["Division médiane du nez. — S'il existe encore pour la plupart
des chirurgiens quelques doutes sur la réalité du bec-de-lièvre mé-
dian d€ la lèvre supérieure, malgré les trois faits qui semblent en
démontrer Texisteuce, à «avoir : ceux de Gristophe Séliger, de Nicati
et de Blandin, faits généralement connus, ce qui me dispense de les
discuter, ce doute est changé en certitude pour la division médiane
du nez dans lespècc humaine. M. Cruveilhier, dans son remarquable
Traité Wanatoinie pathologique, t. I, p. 194, n'admet cette biûdité
que chez le chien qui présente en même temps une bifidité de la lèvre
supérieure. Il ajoute cependant qu'il conçoit pour le nez, chez
Ihomme, la possibilité de l'écartement des lames cartilagineuses qui
forment la sous-cloison.
Le développement des organes, et en particulier celui de la face si
bien décrit par M. Coste, ne peut expliquer comme arrêt de dévelop-
pement la division médiane du nez, et par conséquent la supposi-
tion si ingénieuse émise par M. le professeur Cruveilhier.
Voyons à cet égard ce que disent les faits et ce que nous montre
le fœtus que j'ai présenté à la Société. C'est vainement que j'ai cher-
ché dans les auteurs des exemples irrécusables de la bilidité médiane
du nez ; il existe cependant dans le Traité de tératologie de M. Isidore
Geoffroy-Saint-Hilaire, t. II, p. 343, un fait rapporté en note et dû à
Dœveren et Sandifort; c'était également un nosencépliale. Il est dit
dans cette note, je cite textuellement, « que le nez était divisé sur la
« ligne médiane, et ses deux moitiés, comprenant chacune une aile
« et une narine, laissaient même entre elles un intervalle assez large
« dans lequel ou voyait en haut un prolongement de la tumeur vas-
« culaire. Les yeux étaient écartés l'un de l'autre et la cavité buccale
36
« commuuiquait avec les l'osses nasales ; la voûle palatine el le voile
« du palais étaient largement fendus. »
Comme on le voit par cette description, ce fœtus avait une grande
ressemblance avec celui que j'ai présenté à la Société ; mais il n'existe
cependant qu'une simple analogie sur laquelle je dois m'expliquer,
car elle établit entre ces deux observations une différence radicale.
En effet, dans l'exemple rapporté par Isidore Geoffroy-Saint-Hilairc
d'après Dœveren et Sandifort, la division était, est-il dit, médiane, el
elle me parait telle que M. Cruveilliier a supposé qu'elle pouvait se
présenter. Dans le fait que j'ai montré à la Société de biologie, comme
cela résulte de ma description, ce n'est point une division médiane
du nez qui existe, mais bien une absence des os propres du nez, avec
division de la peau, écartement des deux bords de la plaie congé-
niale, et Técartement est comblé par un tissu particulier qui -réunit
les bords de la solution de continuité. Les apophyses montants de
l'os maxillaire supérieur bien développés en épaisseur sont atrophiés
en hauteur.
En examinant avec soin la division cutanée du nez, j'ai pu ac-
quérir la certitude que la bifidité dans ce cas particulier n'était
point tout à fait médiane, mais qu'elle était située un peu sur le
côté droit de ce qui représente la lobule du nez. En effet, à droite
on ne retrouve que la partie externe des contours du nez, tandis
que ces contours sont complets à gauche; et même de ce côté il
existe un petit pont qui, par sa forme, rappelle la moitié qui manque
à droite.
On ne peut donc dire ici, comme dans le fait rapporté par Isidore
Geoffroy-Saint-Hilaire, que la division est médiane; mais elle est ce-,
pendant assez rapprochée de cette ligne pour qu'elle ne puisse s'ex-
pliquer comme arrêt de développement par une scissure existant
normalement dans la face à une certaine époque delà vie intra-uté-
rine. C'est donc là un de ces faits rares d'anomalie dont l'explication
reste encore à donner.
2° Absence de -phalanges de plusieurs doigts de la main. — Trois
théories ont été proposées pour expliquer ces faits intéressants ^am-
puiadons dites spontanées. Chaussier les regardait comme des cas de
gangrène spontanée intra-utérine, mais c'est une simple supposition
qui, aujourd'hui, est généralement abandonnée. Les deux autres
théories sont les suivantes : les uns rapportent ces amputations à des
37
arrêts de dévelopTpemeni, les autres à de vérilables sections produites
par des brides ou le cordon ombiLical\m-mèm^.
Les amputations spontanées produites par des brides ou le cordon
ombilical sont aujourd'hui, pour un certain nombre de cas, démon-
trées sans réplique; M. Montgomery (Dublin J., 1. 1 et II, p. 324), arti-
cle Fœtus, a publié des faits dans lesquels la section avait lieu à di-
vers degrés ; depuis, un assez bon nombre d'exemples ont été présentés
à des Sociétés savantes; M. Hillairet a publié dans les Mémoires de
la Société de biologie, 1857, p. 117, un exemple d'amputation spon-
tanée incomplète du cou par enroulement du cordon ombilical chez
un fœtus de 3 mois.
Si ces cas d'amputation spontanée par des brides ou le cordon om-
bilical sont incontestables, il ne s'ensuit pas cependant que cette
théorie doive être appliquée à tous les cas dans lesquels un fœtus est
né avec une absence d'une portion d'un ou de plusieurs membres. En
effet, s'il est facile de comprendre et si même les faits ont démontré
la possibilité de l'amputation d'un membre dans le sein de la mère,
on s'explique difficilement par un tel mode d'action ces cas dans les-
quels il y a eu de nombreuses sections opérées sur divers points du
corps, comme dans le fait que je montre à la Société. Sur ce fœtus
nous trouvons l'amputation des trois derniers doigts de la main gau-
che au niveau de la première phalange, du petit doigt de la main
droite à ce môme niveau; de plus à l'union du tiers inférieur avec le
tiers moyen de chaque jambe, il existe un sillon profond circulaire
qui senjble attester qu'à ce point une bride a agi assez fortement.
Gomment expliquer tous ces faits sur un même individu? 11 est cer-
tain que pour les deux jambes il est difficile de rejeter l'idée qu'il a
existé à ce niveau une striction circulaire ; mais par quel mécanisme
s'est faite cette striction, c'est ce que j'ignore, car au moment de
l'accouchement, M. Ârnault n'a constaté rien d'anormal dans les en-
veloppes du fœtus et du cordon, et si jusqu'à un certain point on peut
admettre cette striction pour les deux jambes, il faut alors admettre
qu'elle a existé aussi au niveau des phalanges amputées. Une telle
multiplicité d'une pareille lésion doit toujours laisser quelques doutes
dans l'esprit, quoi qu'on puisse admettre que celles des jambes ont
eu lieu par le cordon et celles des mains par des brides, brides que
j'ai indiqué être rudimentaires au niveau de la portion de tissu mem-
braneux qui réunit les deux bords de la bifidité nasale. Mais ce qui
38
jette peut-ôtre encore un plus grand doute sur cette manière de voir,
c'est, je dirai, la fidélité avec laquelle se reproduisent dans ces anoma-
lies ces amputations multiples. Ainsi M. le professeur P. Dubois a
présenté en 1847 à l'Académie {BuiL, t. XII, p. 491) un fœtus qui,
sous le rapport des amputations dites spontanées, avait la plus grande
analogie avec celui que j'ai montré. Il était bien conformé, mais il
existait une amputation du médius et de l'annulaire de la main gau-
che et une rainure circulaire au niveau des deux jambes. La cica-
trice des doigts était encore incomplète et humide.
Lorsque l'on réfléchit avec quelle fidélité la nature se reproduit
dans les monstruosités, car on peut dire à peu d'exceptions près
qu'un type étant connu, on connaît tous les autres^ on est en droit de
se demander si, dans ces cas, il n'y a pas une autre raison encore in-
connue à donner de ses amputations multiples. C'est un sujet philo-
sophique très-intéressant à discuter, mais dont je laisse la solution
ù de plus compétents.
Je ne veux pas cependant quitter ce sujet sans examiner le rôle de
l'arrêt de développement dans les cas d'absence d'une partie d'un ou
de plusieurs membres. Cette manière de voir ne me parait guère ad-
missible dans le fait dont je rapporte l'observation ainsi que dans
celui de M. P. Dubois; en effet, il existe au niveau des parties am-
putées une cicatrice non contestable et encore incomplètement fermée,
et je ne pense pas que cette disposition ait jamais été observée dans
les cas d'arrêts de développement. Cn autre point très-intéressant de
cette question est le suivant : c'est que dans les cas d'arrêt de déve-
loppement d'un membre, presque toujours à l'extrémité, je ne dirai pas
du moignon, mais de la partie avortée, on trouve un petit appendice
qui est la trace des parties absentes. Cet appendice cutané m'a tou-
jours paru manquer dans les véritables amputations spontanées; c'est
un caractère qui me paraît excellent comme diagnostic dans les cas
où la cicatrice est complète, et je ne crois pas que l'on doive admettre,
comme M. Simpson, que parfois on voit se reformer sur les moignons
d'amputation intra-utérines des appendices présentant de Panalogie
avec les doigts.
Cette manière de voir est en contradiction avec tout ce que nous
connaissons sur le mode de développement et de cicatrisation dans
l'espèce humaine.
Si donc on conserve aux arrêts de développement le signe diag-
39
nostic que je viens d'indiquer, le doute entre ces arrêts et les véri-
tables amputations congônitaies ne sera plus possible. Mais peut-être
cependant peut-il se faire que dans certains cas d'arrêts de dévelop-
pement ces appendices cutanés manquent.
Je n'oserais encore me prononcer sur leur constance absolue, mais
dans tous les cas leur présence me paraît avoir une grande impor-
tance,
3" Fracture de la jambe droite cl plaie de la jambe gauche. — C'est
le dernier point qui me reste à examiner; que de questions peut-il en-
core soulever et dont la solution peut être diversement donnée!
Existe-t-il à ce niveau une véritable fracture intra-utérine ou bien
cette solution de continuité des deux os de la jambe est-elle le ré-
sultat de l'application d'un lien circulaire dont l'existence parait en
quelque sorte démontrée par la présence de la rainure de la peau que
j'ai décrite avec soin dans mon observation? A laquelle de ces deux
opinions doit être rapporté le cas que j'ai eu à examiner ?
Les fractures intra-utérines encore douteuses, contestées même par
quelques cbirurgiens, me paraissent néanmoins aujourd'hui nette-
ment, positivement démontrées, mais ce sont des faits rares ; le musée
Dupuytren renferme une pièce donnée par M. Nona, n" 513, où les
fractures congénitales me paraissent incontestables; mais il est vrai
que chez ce fœtus il existe une altération profonde du système os-
seux qui est ramolli et a perdu de sa consistance, condition qui me
parait indispensable à la production de ces fractures. Cette altération,
que je ne veux pas caractériser ici, ne me paraît pas devoir être ce-
pendant rapportée à ces défauts d'ossification invoqués par M. Depaul
pour l'explication du fait remarquable de Chaussier, mais une discus-
sion plus approfondie de ce point important m'entraînerait au delà
des limites que je veux donner à ce travail. Maintenant le fait que
j'ai montré à la Société doit-il être rapporté aux fractures congéni-
tales? ,Ie ne le pense pas ; il existe bien pour le tibia et le péroné une
solution de continuité transversale dont les extrémités sont dentelées
et sans travail aucun de réparation ; mais les os du squelette ne pré-
sentent aucune de ces altérations rachitiques qui ont toujours été
rencontrées dans les véritables fractures congénitales. Je pense donc
ici que cette fracture a été produite par le cordon ombilical ou la
bride qui a produit la striction quoique la peau n'ait point encore été
sectionnée. Lafracture qui paraît ancienneprésente à la circonférence
M)
(le l'extrémité du fragment, et surtout pour le tibia, un gonflemeni
qui est dû à l'ossification du périoste.
Un autre point intéressant dans cette fracture, c'est l'état graisseux
de certains muscles et même de leurs tendons, à savoir : despéroniers
latéraux, des jambiers postérieurs et fléchisseurs des orteils. Dans
les théories anciennes, ces muscles auraient dû être plutôt fibreux ;
mais des recherches modernes ont démontré, comme cela existait ici,
que si un muscle devient in actif et non tendu, il est envahi par la
graisse qui se substitue aux fibres musculaires, et cette altération
déjà très-prononcée indique que la lésion est ancienne.
SUR UN CAS
DE
ZONA DU COU
AVEC ALTÉRATION
UFi-, NFRFS DU PLEXUS CERVICAL ET DES GANGLFOXS CORRESPONDANTS
DES RACINES SPINALES POSTÉRIEURES ;
Note lue à la Société ds Biologie ,
PAR
.MM. CHARCOT et COTARD.
M. Gharcot a appela plusieurs fois l'attention de la Société sur les
dépôts cancéreux qui se forment fréquemment dans l'épaisseur du
corps des vertèbres, chez les sujets atteints de cancer du sein. Ces
dépôts secondaires, dont l'existence, en pareil cas, avait été signalée
déjà par M. Gazalis, occupent, comme on sait, le plus communément
la région lombaire. Dans les cas où ils déterminent le ramollissement
et, par suite, l'affaissement d'un certain nombre de corps vertébraux.
il se produit habituellement des symptômes de paraplégie doulou-
reuse, dus principalement à l'irritation ou à la compression que su-
bissent les branches nerveuses lombaires, soit dans la cavité rachi-
dienne, soit au moment où elles traversent les trous de conjugaison.
(Voir une communication faite sur ce sujet, par M. Gharcot, à la So-
ciété médicale des hôpitaux, le 22 mars 18G5.)
La présente observation est un nouvel exemple de cancer secon-
daire de la colonne vertébrale, survenu chez une femme atteinte
[^ LlSFîA«YJ^j
42
d'un cancer de la glande mammaire ; mais elle dilTère de celles qui
ont été recueillies jusqu'ici par plusieurs particularités intéressantes
et qui méritent d'être signalées :
En premier lieu, contrairement à ce qui se voit le plus générale-
ment, dans les cas de ce genre, l'altération (;ancéreuse des vertèbres,
à peine accusée à la région lombaire, portait spécialement sur les
vertèbres du cou ; plusieurs de celles-ci étaient ramollies, aplaties,
écrasées, et à leur niveau la colonne cervicale s'était légèrement in-
fléchie vers la droite. Consécutivement les branches nerveuses cer-
vicales du côté droit avaient été irritées et comprimées dans leur
trajet à travers les trous de conjugaison et, à l'autopsie, elles ont été
trouvées en ces points-là rouges, tuméfiées, évidemment enflam-
mées. Les ganglions intervertébraux présentaient des altérations
analogues. Pendant la vie, l'irritation des troncs nerveux s'était ré-
vélée par d'atroces douleurs occupant le trajet des diverses branches
du plexus cervical du côté droit.
On remarquera surtout, en second lieu, l'éruption de zona qui, à
une certaine époque, s'est produite dans les régions de la peau aux-
quelles se distribuent les lilets nerveux émanant de ce plexus, évi-
demment sous l'influence de l'affection des nerfs ou des ganglions
spinaux.
Obs. I. — Il s'agit d'une femme âgée de 78 ans (Elisabeth B.), entrée
à la Salpêtrière le 16 janvier 1865 avec un cancer non ulcéré du sein
droit. Opérée en août, elle entre à l'infirmerie générale le 9 octobre de
la même année se plaignant de vives douleurs qui occupent l'épaule
droite, la moitié droite du cou et de la nuque, la région sus-clavicu-
laire du côté droit. Ces douleurs, qui ont paru pour la première fois
dans les premiers jours d'octobre, sont continues, mais présentent des
exacerbations pendant lesquelles la malade paraît souffrir atrocement
et pousse des cris. La pression réveille les douleurs et les rend très-
vives, principalement lorsqu'elle porte sur les apophyses épineuses
des vertèbres cervicales; la palpation fait percevoir un certain degré
d'empêchement dans la partie droite du cou, en arrière du muscle
sterno-cléido-mastoïdien.
Sur la cicatrice du sein et dans son voisinage on observe quelques
tubercules cancéreux, occupant l'épaisseur de la peau et qui se sont
développés tout récemment, au dire de la malade. Plusieurs ganglions
volumineux très-durs se recontrent dans l'aisselle. Le membre supé-
rieur droit n'est pas tuméfié.
A3
Vers le 15 décembre une éruption de zona apparaît sur toute la
moitié droite du cou, en arrière, en avant, sur les parties latérales ne dé-
passant pas soit en avant, soit en arrière, laligne médiane. Les groupes de
vésicules herpétiques parfaitement caractérisées, sont assez unilormé-
ment répandus et très-rapprochés sur la nuque et sur la région susclavi-
culaire; quelques-uns se voient disséminés sur le moignon delépaule,
sur la partie la plus inférieure de la joue et la région mastoïdienne, et
enfin sur la région sous-claviculaire même au delà du bord supérieur
du grand pectoral. On voit que cette éruption occupe toutes les parties
de la peau auxquelles se distribuent les rameaux du plexus cervical du
côté droit.
L'apparition et le parfait développement de l'éruption n'ont amené
d'ailleurs aucun amendement dans l'intensité des douleurs, que des
doses élevées d'opium parviennent à peine à atténuer. Il se développe
enfin une fièvre assez vive, de l'oppression, et l'examen du thorax fait
reconnaître la présence d'un double épanchement pleural. Dans les
derniers temps de sa vie la malade tenait sa tête fortement inclinée sur
l'épaule droite. La mort a lieu le 26 décembre 1865.
A I'autopsie on trouve de nombreux noyaux cancéreux siégeant dans
l'épaisseur de la cicatrice du sein et de la peau avoisinante ; les deux
plèvres sont couvertes de tubercules cancéreux d'un petit volume, et
renferment une certaine quantité de liquide séro-purulent; à droite les
ganglions de l'aisselle ont subi la dégénérescence cancéreuse; il en est
de même des côtes dans les parties qui correspondent au sein droit.
Plusieurs masses cancéreuses sont disséminées dans le foie.
Les corps des vertèbres ont subi dans diverses régions la dégénération
cancéreuse, mais l'altération est surtout prononcée à la région cervi-
cale. Ici la colonne vertébrale paraît tuméfiée, molle, flexible, fortement
incurvée du côté droit. En plusieurs points les corps vertébraux ont la
consistance du cartilage et se laissent aisément entamer par le scalpel.
Le ramollissement des os n'occupe pas seulement, ainsi que cela a
lieu en général, le corps des vertèbres; il s'étend aux larmes verté-
brales et aussi aux apophyses verticales épineuses et transverses. La
quatrième vertèbre cervicale est surtout profondément altérée; son
corps est pour ainsi dire complètement affaissé, surtout dans sa moitié
droite, où il n'est plus représenté que par une même lamelle de tissus
osseux ramollis : c'est en grande partie à l'affaissement de cette ver-
tèbre qu'est due l'incurvation latérale que présente la colonne verté-
brale au cou.
La moelle épinière et les racines des nerfs ont été examinées en place
dans le canal rachidien avec le plus grand soin, surtout à la région
cervicale. Les racines ainsi que la moelle n'ont présenté aucun chan-
44
gement de coloration ou de consistance ; la moelle ne paraissait pas
avoir subi la moindre compression. On s'est assuré plus tard que ces
diverses parties ne présentaient aucune altération appréciable dans la
structure, soit à l'œil, soit au microscope.
Les canaux de conjugaison ont ensuite été ouverts à la région cervi-
cale, à droite et à gauche, de manière à permettre l'examen comparatif
des nerfs cervicaux encore attachés à la moelle parleurs racines. Voici
le résultat de cet examen : tandis que les racines tant antérieures que
postérieures, ont conservé elles-mêmes, à droite comme à gauche, leur
volume et leur coloration normale à droite les ganglions spinaux ainsi
que les troncs nerveux formés par la réunion des racines spinales
présentent une légère tuméfaction et une injection vasculaire marquée
par une coloration d'un rouge vif. Ces particularités sont surtout remar-
quables lorsque l'on compare les ganglions et les nerfs cervicaux du
côté droit aux mêmes parties du côté gauche, celles-ci ayant conservé
tous les caractères de l'état normal. En dehors des troncs de conjugai-
son la coloration rouge des troncs nerveux s'efface peu à peu, et elle
n'est plus guère appréciable sur les filets nerveux émanant du plexus
cervical.
L'examen microscopique des ganglions et des troncs nerveux, rouges
et tuméfiés, a démontré ce qui suit : dans les ganglions, les cellules
nerveuses ne présentaient pas d'altérations appréciables ; elles conte-
naient une grande quantité de granulations pigmentaires très-foncées ;
mais celles-ci existaient avec les mêmes caractères, et à peu près en
même quantité dans les corpuscules ganglionnaires du côté gauche. Le
réseau vasculaire des ganglions était vivement injecté, et l'addition
d'acide acétique faisait apparaître dans la trame lamineuse des noyaux
plus nombreux qu'à l'état normal. Dans les troncs nerveux, le névri-
lème présentait également une injection très-prononcée des vaisseaux
capillaires, et sous Tinfluence de l'acide acétique apparaissaient des
noyaux très-nombreux. Quant aux tubes nerveux, ils avaient conservé
tous les caractères de l'état physiologique.
On voit qu'en somme les altérations appréciables portaient exclu-
sivement sur le tissu lamineux des ganglions et des nerfs et consis-
taient en une injection vive des capillaires qui se répandent dans ce
tissu avec liypergénôse des éléments conjonctifs. II y avait donc là
une véritable névrite, sans altération concomitante appréciable des
corpuscules ganglionnaires et des tubes nerveux. Les circonstances
de l'observation ne permettent guère de douter que l'éruption de
zona s'était produite sous l'influence de l'altération du tissu nerveux,
et qu'eu outre, celle-ci avait étô dôteriniiicc par lu pression qu'exer-
çaient sur les ganglions et sur les troncs nerveux, au niveau des trous
(le conjugaison, les apophyses transverses des vertèbres ramollies et
affaissées.
L'observation présentée par MM. Gharcot et Cotard doit être rappro-
chée d'un fait publié il y a deux ans par le docteur V. Baerensprung
[Beiiraege zur kenntniss des Zosles. Arch. F. ANATOM. L'ND PHYSIOLOGIE,
n' 4, 1865, et Caustâtts Jahresb, 186i, t. IV, p. 128), et dont voici
la substance :
Obs. II. — Un enfant âgé d'un an et demi succomba à la plitliisie
pulmonaire, peu de temps après avoir souffert d'un zona qui siégeait
sur le trajet des sixième, septième et huitième nerfs intercostaux.
M. V. Baerensprung examina avec soin ces nerfs, ainsi que leurs racines
et les ganglions intervertébraux correspondants. Les ganglions des
cinquième et neuvième racines dorsales étaient sains ; ceux des
sixième, septième et huitième racines présentaient au contraire des
altérations remarquables. Ils étaient tuméfiés et vivement injectés,
surtout le septième. Le tissu connectif qui enveloppe les corpuscules
ganglionnaires était épaissi, friable, et renfermait des granules pigmen-
taires et des noyaux plus nombreux qu'à l'état normal ; quant aux
cellules nerveuses, elles n'offraient aucune altération appréciable. La
rougeur et la tuméfaction inflammatoire s'étendaient vers la périphérie
jusqu'au lieu d'entre-croisement des racines antérieures et postérieures
et même, dans une certaine étendue, aux deux branches des nerfs
spinaux ; mais dans les troncs nerveux comme dans les ganglions, les
altérations portaient seulement sur les éléments conjonctifs, et consis-
taient en une injection vasculaire très-prononcée, avec infiltration de
granulations pigmentaires et multiplication des noyaux embryoplasti-
ques. Les tubes nerveux présentant çà et là des varicosités, mais d'ail-
leurs pas d'autres modifications appréciables dans leur structure. Les
racines antérieures et aussi les racines postérieures, entre les ganglions
spinaux et la moelle, n'étaient nullement altérés, et contrastaient par
leur coloration paie avec les branches nerveuses spinales et les gan-
glions.
A ne considérer que l'altération des nerfs et l'éruption cutanée qui
l'a suivie, il existe, comme on voit, la plus frappante analogie entre
l'observation qui fait l'objet principal de la présente note et celle qu'a
publiée le docteur V. Baerensprung. Seulement, dans ce dernier cas,
l'affection des nerfs parait s'être développée spontanément, tandis
4t;
que, dans lé premier, elle sesl produite aous l'influence d'une causé
mécanique , à savoir la compression exercée par les parties osseuses
sur les glanglions interverticaux et sur les branches nerveuses dans
leur trajet à travers les trous de conjugaison. Mais dans les deux cas
— et c'est là le fait qu'il importe surtout de mettre en lumière —
l'injection vasculaire et l'hypergenèse du tissu lamineux, sont restées
limitées aux ganglions ainsi qu'aux nerfs spinaux et à leurs divi-
sions principales, sans s'étendre soit aux racines antérieures, soit aux
racines postérieures entre le ganglion et la moelle.
Ces dernières circonstances ont été relevées par M. Baerenspruug,
dans son observation, comme particulièrement dignes de fixer lat-
Icntion et, à ce propos, il a exprimé l'opinion que c'est surtout,
sinon exclusivement, à l'inflammation des ganglions intervertébraux
qu'il faut rapporter, daus les cas de zona consécutifs à une aflection
des nerfs, le développement de l'éruption cutanée. Cette éruption,
conformément à l'hypothèse émise par M. Baerensprung, se produi-
rait sous l'influence de l'irritation subie par les corpuscules gan-
glionnaires et les tubes nerveux avec lesquels il sont en connexion
directe.
Nos connaissances concernant la structure des ganglions des
racines postérieures des neifs rachidiens et leur mode de con-
nexion avec ces nerfs peuvent , jusqu'à un certain point, être
invoquées à l'appui de l'hypothèse soutenue par M. Baerensprung.
Les recherches de MM. Stannius, Axmann, Kemak, Ecker, Kolliker,
Vulpian , celles plus récentes de M. Baerenspruug lui-même, tendent
en effet à démontrer que, chez les mammifères et chez l'homme, les
ganglions des racines postérieures rachidiennes sont formés à peu
près exclusivement de cellules unipolaires ; les tubes nerveux venus
de la moelle épinière ne font que traverser le ganglion. Le rameau
afférent est constitué en partie par les tubes du rameau alférent, pro-
venant de la moelle, qui ont traversé le ganglion, et en partie par des
tubes émanés des cellules ganglionnaires. « Uy a donc, » dit M. Vul-
pian [Journal de Brown-Séquard, t. V, p. 32, 18G2) « dans tous les
'< nerfs rachidiens deux catégories de tubes nerveux : les uns sen-
« sitifs ou moteurs qui ont des connexions directes avec la moelle
« épinière; les autres mohis nombreux, dont l'extrémité centrale se
« trouve dans les ganglions spinaux. » Les tubes nerveux émanés
des cellules ganglionnaires et isolés anatomiquemeut de la moelle
c'pinière, soiil-ils, après cela, doués de propriétés spéciales, soiil-ils
destinés à constituer, ainsi que le suppose M. Ëaerensprung, les
nerfs irophiques? Un comprendrait facilement, s'il en était ainsi, que
l'irritation des cellules ganglionnaires et des tubes nerveux qui eu
émanent ont pour conséquence presque obligée une altération de
nutrition des parties où ces nerfs se répandent, tandis que pareille
chose n'aurait pas lieu lorsque l'irritation porte seulement sur les
tubes nerveux des racines antérieures ou sur ceux qui constituent
les racines postérieures entre le ganglion et la moelle. Dans les cas
pathologiques qui nous occupent, Téruption d'herpès serait l'expres-
sion sensible des troubles nutritifs survenus dans le tégument
externe sous l'influence de l'irritation des corpuscules ganglionnaires
et des tubes nerveux auxquels ils donnent naissance.
A ces vues hypothétiques on peut opposer de sérieuses objections:
entre autres il est incontestable, d'un côté, que, dans certaines cir-
constances données, la moelle épinière influence, dans une certaine
mesure, la nutrition de la peau (voir Brown-Séquard, Journal de
physiologie, t. 11, p. 11-2, 1859); d'un autre côté il est certain que les
tubes nerveux qui ne font que traverser les ganglions et qui n'ont
pas de communication visible avec les cellules, sont cependant sou-
mis, jusqu'à un certain point, à l'influence de ces cellules. Autrement
il serait impossible de se rendre compte des résultats de l'expérience
dans laquelle M. Aug. Waller, après avoir coupé la racine postérieure
d'un nerf rachidien entre la moelle épinière et le ganglion, voit la
partie de la racine qui tient à la moelle s'altérer, tandis que le seg-
ment, qui demeure en rapport avec le ganglion, conserve sa struc-
ture intacte. (Vulpian, loc. cit., p. 33.)
Mais l'argument le plus décisif sera tiré de l'ordre pathologique. II
existe aujourd'hui, dans la science, des faits assez nombreux qui
démontrent que des éruptions cutanées, au moins fort analogues au
zona, se développent quelquefois sur la peau des extrémités, consé-
cutivement à des altérations de cause mécanique ou traumatique,
portant sur la partie périphérique des nerfs des membres, loin du
lieu d'origine de ces nerfs. Or il est à peine admissible que les gan-
gUons des racines postérieures soient affectés en pareil cas. Un des
faits dont il s'agit a été publié par M. Charcot dans une Note sur
quelques cas d" affeclion de la peau dépendant d'une influence du sys-
tème nerveux. {Journal de Brown-Séquard, t. 11, p. 111; 1859.) 11
'i8
îi'est peut-être pus sans utilité de reproduire ici cette observatiuu.
Obs. III. — Un homme admis dans le service de M. Rayer, en 1851,
avait, pendant les affaires de juin 1849, reçu une balle à la partie infé-
rieure et postéro-externe de la cuisse. Quelque temps après la guérlson
de la plaie, surviennent dans la jambe de vives douleurs, presque con-
tinues, mais s'exaspérant par accès. Ces douleurs, qui semblent partir
de la cicatrice, se répandent jusque sur le dos du pied et suivent évi-
demment le trajet des nerfs. Cette névralgie, qui a résisté à tous les
moyens employés, s'est accompagnée à plusieurs reprises, pendant le
séjour du malade à la Charité, d'une éruption de vésicules d'herpès,
disposées par groupes, tout à fait semblables à celles de l'herpès zoster
et siégeant sur la peau des parties douloureuses.
Des faits analogues au précédent ont été rapportés par MM. Gh. Rou-
get {Journal de Bi-own-Séquard, loc. cit., p. 115), Henle (Handbuck
dcr ralionneil. pathologie, t.I, [Siij),Sanme\{Die ti'opliisclienne7'ven,
Leipzig, 1860, p. 148) et par M. Charcot lui-même, dans le travail
cité plus haut. Tout récemment M. G. Gehrardt a signalé deux cas
d'éruption vésiculeuse du menton survenue à la suite de l'applica-
tion du courant constant sur le nerf mentonnier au point où il sort
du canal dentaire. [Centralblatl fiir die Mcdic. Wisscnschaflen, 186G,
27 janvier, n" 4, p. 61.)
On pourrait aisément multiplier ces exemples ; c'en est assez, sans
doute, pour établir que les éruptions vésiculeuses consécutives aux
affections de certains nerfs peuvent se développer par le seul fait de
l'altération de ces nerfs et sans l'intervention obligée d'une affection
des ganglions des racines postérieures. Mais quelles sont les condi-
tions particulières qui font que certaines affections des nerfs déter-
minent des éruptions de la peau, tandis que d'autres affections de ces
mêmes nerfs, semblables aux premières, du moins en apparence, ne
sont pas suivies du même résultat? L'ensemble des faits cliniques et
nécroscopiques tend à faire admettre que le zona symptomatique se
développe de préférence dans les cas où l'affection des troncs nerveux
consiste en une véritable névrite; mais il faut, par contre, recon-
naître immédiatement que les cas où une névrite s'accompagne d'une
affection de la peau sont relativement peu nombreux. La question,
quant à présent, est donc encore enveloppée d'obscurité et appelle
de nouvelles études.
ETUDES
PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES
suu
r y
LE RAMOLLISSEMENT CEREBRAL
PAR
MM. J.-L, PREVOST et J. GOTARD,
Internes des hôpitaux.
(Voyez planches I, II, HT et, IV.)
Ayant eu l'occasion d'observer un assez grand nombre de ramollis-
sements du cerveau pendant notre internat à la Salpôtrièrc, et nos
maîtres, MM. Gharcot et Vulpian, ayant bien voulu mettre à notre
disposition les observations recueillies dans leurs services pendant
les années précédentes, nous avons pensé que de ce nombre considé-
rable de faits observés avec soin, nous pourrions peut-être tirer quel-
ques résultats intéressants au point de vue de la nature du ramol-
lissement cérébral, de ses causes, de sa symptomatologie, de ses
relations avec d'autres affections. Grâce aux conseils de M. le doc-
teur Vulpian, nous avons pu instituer quelques expériences de phy-
siologie pathologique, et reproduire artificiellement sur des animaux
quelques-uns des symptômes du ramoHissement cérébral, et cet en-
semble de lésions multiples qu'on rencontre si souvent chez le vieil-
lard (ramollissement cérébral, infarctus des reins, de la rate, de
l'intestin, etc.).
Nous chercherons à rapprocher de ces données expérimentales un
certain nombre de nos observations, et à montrer l'importance des
troubles ischémiques des centres nerveux, troubles sur lesquels
MM. Gharcot et Vulpian ont souvent appelé notre attention.
Personne ne nie plus aujourd'hui le rôle des oblitérations vascu-
laires dans la production du ramollissement, et à ce point de vue nos
MÉM. 4
50
observations ne présentent rien qui ne soit déjà connu; mais quelle
part doit-on faire à-cette cause? Doit-on lui rapporter tous les cas de
ramollissement? Ëxiste-t-il des cas de ramollissement indépendants
de toute lésion vasculaire? C'est ce que nous chercherons à élucider.
Dans une première partie nous exposerons les expériences qui doi-
vent servir de base à ce travail. La seconde partie sera consacrée à
l'analyse et à la discussion des observations.
Qu'il nous soit permis de remercier nos maîtres, MM. Charcot et
Vulpian, qui nous ont donné l'idée de ce travail et nous ont aidés de
leurs conseils.
PREMIÈRE PARTIE.
EXPÉRIENCES PHYSIOLOGIQUES.
II y a longtemps déjà que les physiologistes ont insisté sur le rôle
important de la circulation du sang artériel dans les fonctions des
tlilférents organes, et ont institué de nombreuses expériences pour
prouver ce fait fondamental de physiologie qui a fait naître l'idée de la
ti'ansfusion du sang. Il nous suffira de rappeler les travaux de Morga-
gni, Cooper, Ilaller, Lorry, Lecat, Bichat, ceux de MM. Prévost et Du-
mas, ouvrage dans lequel ces derniers auteurs insistent sur l'impor-
tance du sang dans les fonctions des centres nerveux.
Plus récemment, cette question a été de nouveau étudiée par
MM. Kussmaullet Temier, Brown-Séquard, etc.,(l).
(1) Morgagni, De nat. et caus. morb., epist. 11).
Bichat, Recherches sur la vie et la mort.
Lorry, Recueil périod. d'obs., etc., par Vandermonde, janv. 1757,
t. VI.
Lecat, Traité du fluide des nerfs et du mouvement musculaire,
Berlin, 1765.
Haller, Mémoire sur le mouvement du sang^ trad., Lausanne, 1756.
Prévost et Dumas, Examen du sang et de son action dans les divers
phéïiomènes de la vie, bibl. univ. de Genève, 1821, xvn.
KussmauU et Tenner, Vntersuchungen ûber Ursprung, etc., Frank-
furt, 1857.
Voy. Journal de physiologie de M. Brown-Sequard, 1858.
Brown-Sequard, Journal de physiologie, I et V.
51
Ces travaux avaient plutôt un but physiologique que médical ; mais
quand eurent paru les reclierches de M. Virchow sur Tembolie, plu-
sieurs auteurs instituèrent des expériences de physiologie pathologi-
que; nous pouvons citer en particulier la thèse de M. Ehrmann (1), le
mémoiredeM.Panum (2), qui nous ont fourni des indications très-pré-
cieuses. Enfin il vient de paraître en Allemagne un ouvrage dans lequel
M. 0. Weber (3) étudie avec un grand soin la question de l'embolie,
et nous avons eu la satisfaction d y voir confirmées plusieurs des
opinions auxquelles nous étions arrivés nous-mêmes.
M. Vulpian qui avait déjà étudié dans une de ses publications (4)
l'influence du sang sur la moelle épinière, insista de nouveau cette
année, dans le cours qu'il ht au Muséum, sur l'importance de la cir-
culation du sang artériel dans l'axe cérébro-spinal ; et c'est en grande
partie, à l'aide des expériences qu'il fit devant nous, que nous avons
pu entreprendre cette partie de notre mémoire.
Le moyen le plus simple d'étudier l'influence du sang sur le sys-
tème nerveux central, est certainement de suspendre l'abord du sang
dans l'encéphale ou dans la moelle épinière, et d'examiner les phé-
nomènes qui résultent de l'anémie de ces organes.
On peut arriver à ce but par plusieurs procédés :
r Par des saignées blanches (moyen peu fidèle, car on ne peut lo-
caliser ainsi lauémie ; aussi n'est-ce pas celui-ci que nous examine-
rons) ;
2° Par la ligature des artères ;
3° Par l'injection dans les artères d'un liquide (eau) tenant en sus-
pension des corps étrangers ou des poudres inertes.
(1) Ehrmann, Des effets produits sur C encéphale par C oblitération
des vaisseaux artériels qui s'y distribuent. Paris, 1860.
(2) Panum, Èxperimehteile Vntersuchungeh zur Physiologie und
Pathologie der Embolie, Transfusion, etc., Berlin, 1864.
Ou Virchow s Archiv. t. XXVII-XXIX.
(3) 0. "Weber, Hàndbuch der allgemeinen und specieilen Chirurgie^
redigirt. v. D' Pitlia und D' BiUroth. Èrlangcn, 1865.
(4) "Vulpian, Sur la durée de la persistance des propriétés des mus-
cles, des nerfs et de la moelle épinière après l'interruption du cours
du sang dans ces organes. Gaz. hebd. de méd, et de cnut., 1861, t. VUI.
m
§ î. — Siigaturç des artères,
La ligature des artères carotides primitives et des vertébrales,
n'est pas difficile à exécuter sur un animal de taille moyenne, tel que
le chien ou le lapin par exemple, cette expérience déjà faite par
Coopcr, Kussmaull et Tenner, Ehrmann (1) et d'autres, n'offre pas
chez le chien des résultats toujours les mêmes, la circulation, dans le
plus grand nombre des cas, n'est pas, en effet, immédiatement sus-
pendue par la ligature simultanée des quatre gros troncs cervicaux,
pris même à leur origine, ce qui résulte d'anastomoses fréquentes
que Gooper plaçait dans des branches œsophagiennes, que M. Panum
croit exister plutôt dans des branches spinales volumineuses fournies
par l'artère vertébrale. Chez le lapin, au contraire, cette opération
amène, dans la plus grande majorité des cas, des symptômes immé-
diats et précis.
Un instant, quelques secondes après la hgature ou la simple com-
pression, au moyen de serres-fines des quatre troncs cervicaux (carot.
prim. et vertébrales), l'animal est pris généralement de quelques
symptômes convulsifs, quelquefois peu prononcés ; il se débat, pres-
que en môme temps et même quelquefois avant les convulsions, on
voit la respiration et les battements du cœur s'accélérer, devenir
même très- fréquents, et l'animal tomber dans un coma apoplectique
qui le rend tout à fait étranger à ce qui se passe autour de lui : les
membres tombent inertes, et souvent même tout phénomène de sen-
sibiUté cesse (2).
La respiration qui s'était accélérée, devient bientôt plus embarras-
sée, quelquefois stertoreusc; les narines se dilatent à chaque inspi-
(1) Oiivr. cit.
(2) Les fonctions de la moelle se conservent cependant quelquefois
séparées de celles du cerveau, et peuvent même subsister un certain
temps, ce qui prolonge dans ces cas la vie ; ce phénomène est arrivé une
fois devant nous, au Muséum, dans une expérience que M. Vulpian fit à
son cours, et sur la rareté et l'intérêt de laquelle il attira l'attention de
ses auditeurs. Le lapin, sujet de l'expérience, était plongé dans le coma,
tout mouvement réflexe avait cessé dans la tête, les conjonctives étaient
insenaibles, mais les mouvements de la respiration continuaient presque
intacts, et les mouvements réflexes étaient perceptibles au tronc et dans
les membres.
53
ration ; bientôt ces mouvements deviennent plus rares, les battements
du cœur se ralentissent, il se produit des déjections alvines; les pu-
pilles se dilatent ; quelquefois de nouvelles convulsions se produisent
à ce moment ultime, et l'animal meurt, tous ces phénomènes sctaut
succédé dans l'espace de quelques minutes.
Si à ce moment ultime, au moment où les fonctions de la respiration
vont cesser, on enlève les ligatures ou les serres-fines (ropération
faite avec des serres-fines est rendue beaucoup plus simple), si, di-
sons-nous, on rend au sang son cours, les fonctions encéphaliques se
rétablissent peu à peu dans un ordre inverse à celui dans lequel elles
avaient disparu. Les mouvements respiratoires deviennent de nou-
veau fréquents, se régularisent, de même que les battements cardia-
ques ; le coma apoplectique cesse peu à peu, l'animal 'exécute quel-
ques mouvements volontaires, bientôt se remet sur ses pattes, et au
bout de fort peu de temps (deux minutes environ) tout phénomène
pathologique a cessé; les fonctions cérébrales se sont complètement
rétabhes, et cet animal, qui un instant avant pouvait presque être
considéré comme mort, a récupéré ses fonctions encéphaliques et
est pour ainsi dire revenu à la vie. Notons que l'expérience peut être
répétée plusieurs fois de suite.
§ IX. —Injection de poudres fines.
Un procédé plus simple encore que celui de la ligature est lïn-
jectiondans les artères de 15 à 20 grammes d'eau, tenant en suspension
des poudres inertes telles, par exemple, que la poudre de lycopode,
procédé déjà employé par M. Flourens et ensuite par M. Vulpian (1).
Cette poudre impalpable formée de sporules, dont le diamètre atteint
environ 5 àG fois celui des globules sanguins, pénètre facilement dans
les artérioles et se répand dans les gros capillaires du cerveau, oppo-
sant ainsi un obstacle insurmontable au sang dont elle produit la coa-
gulation ; le lycopode ofîre en outre l'avantage de pouvoir être facile
ment reconnu, vu la forme très-caractéristique de ses sporules. En
pénétrant dans larbre circulatoire, il y agit uniquement comme une
poudre inerte, car toute autre poudre inerte joue le même rôle et
jouit de la propriété remarquable de produire la coagulation du
sang (2).
(1) Sur la durée ^ etc., ouvr. cil.
(2) Plusieurs auteurs ont fait des expériences analogues en se servant
54
Examinons les résultats auxquels donne lieu l'injection dans le
bout périphérique d'une carotide de 10 à 20 grammes d'eau tenant
en suspension une petite quantité de poudre de lycopode, et l'expé-
rience peut alors s'exécuter sur le chien aussi bien que sur le lapin,
car les anastomoses sont ici parfaitement incapables de rétablir la
circulation ; les sporules sont en effet répandues immédiatement
dans tout le réseau artériel encéphalique, comme le prouve l'autopsie.
Immédiatement après l'injection l'animal pousse généralement un
gémissement, est pris de convulsions, et succombe en présentant les
mêmes symptômes que dans les cas de ligature.
A l'autopsie on trouve la substance cérébrale sillonnée de lignes
jaunâtres visibles à l'œil nu, qui proviennent de la pénétration du
lycopode dans les artérioles, et si l'on place une parcelle de substance
cérébrale sous le foyer du microscope, on peut voir que les sporules
ont pénétré dans les petites artérioles et les ont obstruées.
Dans quelques cas nous avons qbservé çà et là des extravasations
sanguines provenant probablement d'une rupture vasculaire produite
par une trop forte pression de la seringue.
IXJECTION d'eau tenant EN SUSPENSION DES SPORES DE LYCOPODE DANS l'arTÈRE
CAROTIDE DROITE DUN LAPIN (bOUT PÉRIPHÉRIQUE) ; MORT PAR APOPLEXIE
APRÈS UN QUART d'rEURE.
Exp. I (19 juillet 1865) (1). — La carotide droite d'un lapin étant dé-
nudée nous injectons dans le bout périphérique environ 20 grammes
d'eau tenant en suspension de la poudre de lycopode. L'animal est pris
de quelques convulsions, il tombe immédiatement après dans le coma ;
d'autres corps étrangers. M. Panum {puvr. cit.) a choisi de petites boules
de cire, dont il sera mieux de parler à propos de nos expériences d'in-
jections de corps plus volumineux. Cet auteur a aussi introduit dans
la circulation du mercure, de l'air, etc., et est arrivé aux mêmes ré-
sultats. M. Bergmann, et après lui M. Weber {Handbuch der alg. und
sp. Chu-., loc. cit., p. 84 et suiv.) ont étudié l'effet d'injections d'air, de
pus et de graisse, qui leur ont aussi donné des résultats plus analogues
à ceux de notre seconde série d'expériences; aussi en parlerons-nous
plus tard.
(I) Cette expérience n'est que la reproduction de celles que nous
avions vu faire par M. Vulpian à son cours, mais elle nous est person-
nelle.
55
sa respiration s'arrête d'abord, mais bientôt après elle recommence et
devient rapide et stertorense ; coma complet, membres en résolution.
Cependiint la paralysie n'est pas générale ; lanimal exécute quelques
mouvements quand nous recousons sa plaie, la sensibilité n'est pas
complètement abolie. Bientôt, un quart d'heure environ après l'in-
jection, la respiration s'arrête, l'animal exécute quelques mouvements
convulsifs légers et meurt. On a constaté au début de l'expérience
quelques mouvements réflexes des membres inférieurs.
L'oreille gauche présentait avant la mort un vaisseau dur et gorgé de
sang, ce qui manquait à droite.
Autopsie. Cerveau. — Quelques artères de la base paraissent injec-
tées, et sur les parties latérales de l'encéphale (surtout à droite), on
constate une coloration jaunâtre légère dans quelques points.
Des parcelles de ce cerveau portées sous le champ du microscope
montrent des sporules de lycopode dans les petits vaisseaux capillaires,
et cela dans toutes les parties du cerveau. On fait fort peu de prépara-
tions sans en retrouver ; on en trouve surtout à la surface des hémi-
sphères et à leur base, dans le bulbe, dans la moelle au tiers supérieur,
dans les tubercules quadrijumeaux (des deux côtés), dans les corps striés,
dans les hémisphères, dans le cervelet.
Quelques-unes de ces spores occupent des vaisseaux capillaires de
petit calibre dans lesquels elles ont pénétré comme par pression et
dont le calibre paraît moindre que le diamètre de ces spores.
Quelques-uns des vaisseaux injectés contiennent au delà des spores
beaucoup de globules sanguins et sont gorgés de sang; d'autres sont
vides.
Les phénomènes observés dans cette expérience présentent la
plus grande analogie avec ceux qui résultent de la ligature des quatre
troncs artériels, et nous paraissent aussi devoir être attribués à une
anémie subite et complète de l'encéphale.
Cette expérience nous montre encore une fois, comme M. le doc-
teur Vulpian le faisait remarquer dans son cours, le rôle du ?ang ar-
tériel dans l'exécution dos fonctions de la vie. L'encéphale, comme
tout autre organe, meurt dès que ses éléments anatomiques ne reçoi-
vent jilus un courant de sang artériel constamment renouvelé. Les
fonctions de relation cessent immédiatement par l'anémie de la sub-
stance grise, et bientôt l'anémie de la base de l'encéphale produit la
gêne de la respiration qui n'est que le début de l'agonie de l'a-
nimal.
Il ne nous paraît pas inutile de rapporter ici une expérience de
56
M, Brown-Sequard (1), Lieu propre à démontrer l'action du sang sur
les centres nerveux.
« Je décapitai un chien, nous dit cet auteur, en ayant soin de faire
« la section au-dessous de l'endroit où les artères vertébrales pénètrent
« dans leur canal osseux. Huit minutes après, le pincement de la peau
« étant sans effet, j'appliquai un courant galvanique d'une intensité
« assez considérable à la moelle allongée, mise à nu, en ayant soin
« d'éviter le passage du courant par les parties voisines. Il ne se mani-
« festa aucun mouvement. Les conducteurs appliqués à la protubérance
« ne produisirent aussi aucun effet. Dix minutes après la cessation des
« mouvements respiratoires des narines, des lèvres et de la mâchoire
a inférieure, j'adaptai, aux quatre troncs artériels de la tête, des canules
« qui étaient en rapport par des tubes de caoutchouc avec un cylindre
tt en cuivre, par lequel j'injectai du sang chargé d'oxygène, àTaide d'une
« seringue. En deux ou trois minutes, après quelques légers mouve-
« ments désordonnés, je vis apparaître des mouvements des yeux et des
« muscles de la face qui semblaient être dirigés par la volonté. Je pro-
« longeai l'expérience un (juart d'iieure, et durant toute cette période,
« ces mouvements, en apparence, volontaires, continuèrent d'avoir lieu.
« Après avoir cessé linjection, ces mouvementis cessèrent et furent
a bientôt remplacés par les convulsions des yeux et de la face, par des
« mouvements respiratoires des narines, des lèvres et des mâchoires,
(i et ensuite par les tremblements de l'agonie. La pupille se resserra et
« se dilata ensuite comme dans la mort ordinaire.
« Cette expérience démontre positivement la possibilité du retour
« des propriétés vitales et des fonctions de Tencépliale sous l'inlUience
« du sang chargé d'oxygène. »
Dans la moelle comme dans le cerveau, l'anémie consécutive à l'in-
jection de poudre de lycopode par le bout central d'une crurale dé-
termine la suspension immédiate et complète de l'innervation. C'est
ce qui ressort avec évidence des expériences que M. Vulpian (2) avait
décrites dans son mémoire sur l'anémie de la moelle et que nous lui
avons vu répéter à son cours, expériences qui ont été faites aussi
par M. Panum (3). Nous serons plus brefs sur ce sujet, qui ne regarde
pas directement le ramollissement cérébral.
(1) Journal de physiologie, t. I, p. 119.
(2) Ouvr. cit.
(3) Ouvr, cit.
57
Nous rapportons cependant l'expérience suivante :
Injection' deau tenant ex suspension de la poudre de phosphate de cbaux
DANS LA CAKOTIDE (bout PÉRIPHÉRIQUE) SANS SUCCÈS ; INJECTION d'eAU AVEC
POUDRE DE LYCOPODE DANS UNE CRURALE (bOUT CENTRAL) ) INFARCTUS d'uN
rein; ANÉMIE DE LA MOELLE; PARAPLÉGIE.
Exp. II. (10 et 21 juillet 1865). — Le 10 juillet à deux heures, nous
injectons dans le bout périphérique de la carotide droite d'un lapin de
l'eau tenant en suspension du phosphate de chaux réduit en poudre.
(Les grains de cette poudre offrent des dimensions variables et ont l'in-
convénient de ne pas être facilement reconnaissables.) L'injection est
faite doucement au moyen d'une seringue de Pravaz ; nous injectons
8 à 10 gouttes, aucun accident ne survient ; l'animal continue à être
bien portant et mange bien.
Le 21 juillet, nous injectons dans la crurale droite (bout central) avec
une seringue ordinaire de l'eau (10 à 15 gr.) tenant en suspension de la
poudre de lycopode.
Immédiatement après l'opération, paraplégie de tout le train posté-
rieur avec anesthésie complète ; pas de mouvements réflexes. L"animal
traîne son train postérieur qui est dans une flaccidité complète , il agit
bien des pattes de devant.
Paralysie de la vessie ; le lapin lâche immédiatement les urines que
contenait sa vessie.
L'état général est bon, quoique la respiration semble s'être légèrement
accélérée. La sensibilité et la motilité sont conservées dans le train an-
térieur. L'animal prend un peu de nourriture.
A six heures, l'état était encore le même quoiqu'il semblât y avoir
un peu d'affaiblissement du train antérieur et de la gêne de la respira-
tion. Mais l'animal marche encore avec ses membres antérieurs, il
semble avoir moins de force du côté gauche que du droit.
A sept heures et demie, mort. L'animal portait sa tête en arrière
et faisait avec peine quelques inspirations. Au bout d'un instant il suc-
comba.
Autopsie. — Cerveau. Ne présente rien d'appréciable. Nous avons cru
retrouver dans certain points quelques parcelles de phosphate de
chaux, mais ce corps n'est pas assez reconnaissable pour que nous en
soyons certains ; pas de poudre de lycopode, pas de ramollissement.
Moelle. A été trop altérée par l'ablation pour que nous sachions
s'il y avait, oui ou non, un ramollissement. Les méninges rachidiennes
et les parties de la moelle qui y correspondent contiennent de nom-
breuses spores de lycopode, et cela surtout dans la partie inférieure de
la moelle, car dans la moitié supérieure nous n'en retrouvons pas.
58
Cœur. Rien d'appréciable ; pus d'oblitération des artères coronaires.
Poimions. L'un d'eux semble offrir un point fortement congestionné.
Aorte. Remplie ainsi que ses branches jusqu'à l'union du tiers su-
périeur avec les deux tiers inférieurs par un caillot noirâtre, un peu
blanchâtre par places, et contenant une quantité énorme de sporules de
lycopode.
Baie. Les artères du hile semblent légèrement jaunâtres, et sont
remplies de sporules de lycopode; pas dinfarctus bien net.
Péritoine. Les artères mésentériques contiennent dans leurs bran-
ches beaucoup de poudre de lycopode, pas d'altération manifeste de
l'intestin.
foie. Rien.
Reins. L'un d'eux présente à une de ses extrémités une partie ané-
miée très-j)âle, offrant par places un pointillé qui répond à certains
corpuscules de Malpighi gorgés de sang. Cette pâleur tranche très-mani-
festement avec la coloration du reste de l'organe. Sur les limites de cette
partie anémiée qui occupe le quart environ du rein, on remarque une
tache rouge de la grosseur d'une lentille occupant la grande courbure
à sa partie moyenne. Cette tache est très-nette quand on a décortiqué l'or-
gane. Le rein offre à sa coupe une congestion presque hémorrhagique à
ce niveau. Les pyramides paraissent être assez généralement congestion-
nées, mais la congestion devient bien plus manifeste au niveau du point
dont nous venons de parler qui a tous les caractères d'un infarctus
récent.
Les glomérules à ce niveau sont rouge foncé de même que les vais-
seaux qui s'y rendent. On retrouve dans plusieurs capillaires des spo-
rules de lycopode.
L'artère rénale est oblitérée par un caillot rempli de lycopode.'
Dans l'autre rein l'oblitération existe aussi, mais on y retrouve moins
de poudre de lycopode et il n'y a pas d'infarctus type comme dans ce-
lui-là.
On retrouve encore de la poudre de lycopode dans les artérioles qui
se rendent aux muscles des cuisses, qui ne paraissent pas d'ailleurs al-
térés.
Doit-on rapporter la paraplégie observée dans ce cas à l'anémie de
la moelle ou à l'anémie des membres inférieurs ? On sait que lorsque
l'on vient à anémier seulement les membres inférieurs par la ligature
de l'aorte abdominale (expérience de Sténon), on n'abolit pas instan-
tanément la sensibilité ni les mouvements réflexes ; c'est donc,
comme l'a établi M, Vulpian, à l'anémie de la moelle qu'il faut attri-
59
huer l'abolition subite et complète de la sensibilité et de la motilité.
Dans l'expérience que nous venons de rapporter, nous avons ob-
servé de plus des infarctus des reins et de la rate; mais nous revien-
drons plus loin sur ces lésions.
L'injection de poudre de lycopode amène, comme nous venons de
le voir, une mort très-prompte. A Fauîopsie on ne retrouve pas de
lésion bien nette, sauf la présence de sporules de lycopode dans les
artérioles, et quelquefois un peu de stase sanguine.
Supposons qu'au lieu de lycopode, nous ayons eu de la graisse, des
corps granuleux, des lamelles de cholestérine, ou quelque corps ana-
logue, leur présence pourrait peut-être échapper à l'observateur, et
on aurait un cas de mort subite^ un coup de sang, une apoplexie sans
lésion appréciable; cas que l'on aurait anciennement désigné sous le
nom fï apoplexie nerveuse.
Dans les cas d'embolies capillaires, la mort peut survenir trop
promptement pour qu'il se produise un ramollissement cérébral qui
n'est jamais, dans le cas de ramollissement par obstruction vascu-
laire, qu'un processus secondaire.
§ m. — Injection de §:raines de tabac.
Si l'injection de substances assez Unes pour pénétrer jusque dans
les capillaires du cerveau n'amène généralement pas de lésions visi-
bles, vu la promptitude de la mort, il n'en est pas de même de l'intro-
duction de corps plus volumineux dans la circulation. Aussi avons-
nous institué quelques expériences sur ce sujet. C'est surtout à cette
catégorie de faits qu'appartiennent les expériences de M. Panum et
celles plus anciennes de M. Virchow (1).
M. Panum 2) rapporte dans son travail un grand nombre de faits.
Cet auteur injecta non-seulement des corps inertes, mais encore quel-
ques matières putrescibles, et il crut remarquer que dans ce dernier
cas les résultats n'étaient partout à fait identiques; il signala en par-
ticulier la fréquence de la formation d'infarctus purulents. Mais
M. Weber (3) croit que cette opinion est un peu exagérée, et que les
(1) Yirchow, Archives.
(2) Panum, ouvr. cit.
(3) 'Weber, Chirurgie de Pitha et Biilroth, 1865, toc. cit. p. 97,
ï 107.
60
abcès emboliques peuvent se produire, quelle que soit la nature du
corps étranger introduit dans la circulation, ces abcès dépendant pour
lui plutôt de la nature du tissu et du rétablissement plus ou moins
complet d'une circulation collatérale.
Comme corps inertes, M. Panum (1) a choisi des petites boules de
cire qu'il teint au moyen de matières colorantes. M. Yirchow, on le
sait, s'était servi de parcelles de caoutchouc. Quant à nous, il nous a
paru plus simple de prendre, comme nous l'avions vu faire par
M. Vulpian, dans une expérience dans laquelle il obtint sur un chien
un ramollissement du cervelet, des graines, peu volumineuses, et en
particulier de la graine de tabac qui peut, comme toute graine, vu
l'épiderme qui la couvre, être considérée comme un corps complète-
ment inerte.
M. Panum, qui n'avait pas spécialement en vue le ramollissement
cérébral, fit peu d'injections dans les carotides. Pour étudier l'embo-
lie de la grande circulation, il opéra surtout sur les artères crurales
(bout central), et il obtint des infarctus des différents viscères (rate,
reins, foie, pancréas) et quelquefois un ramollissement de la moelle
épinière (2); la mort de l'animal était survenue, dans ces cas, de cinq
à dix heures après l'injection. Mais il serait trop long de rapporter en
détail ces expériences variées, et nous renverrons nos lecteurs au livre
de M. Panum.
Dans nos expériences nous avons cherché à obtenir non-seulement
des ramollissements cérébraux, mais encore les lésions des viscères
désignées sous le nom d'infarctus. Nous sommes même arrivés plu-
sieurs fois à produire ces lésions concurremment avec un ramollis-
sement cérébral ; et comme nous pensons qu'au point de vue de la
nature et de la genèse du ramollissement cérébral, il est important
de considérer ces altérations simultanées des autres organes, dues
à une même cause, nous rapporterons tout au long nos expériences
en les analysant.
PREMIÈRE SÉRIE D'EXPÉRIENCES.
Dans une première série d'expériences n'ayant pour but que d'ob-
tenir des ramollissements cérébraux, nous avons opéré sur le bout
(1) Loc. cit.
(2) Panum, obs. 2, 3, 4, p. 89 et suiv.
61
pôriphôrique d'une des carotides. Voici le procédOi que nous eni'
ployons :
Nous plaçons une certaine quantité de graines de tabac dans de
l'eau, si ces graines ne se précipitent pas, il suffit de les chaufTer
jusqu'à un degré voisin de l'ébuUition pour obtenir ce résultat, et,
dans ces cas, nous avons la précaution de changer l'eau pour nous
mettre à l'abri de tout phénomène qui puisse être attribué à l'intoxi-
cation par le tabac.
L'injection ainsi préparée, nous mettons à nu une des carotides et
nous passons au-dessous d'elle trois fils à ligature.
Nous faisons la ligature du fil inférieur, c'est-à-dire de celui qui
est le plus rapproché du cœur; puis ouvrant l'artère, nous introdui-
sons dans son intérieur une canule aussi grosse que possible, canule
que nous fixons au moyen du second fil d'attente. Cette canule est
munie d'un robinet que l'on a préalablement fermé. Si elle en man-
quait, on pourrait le remplacer par l'application d'une serre-fine sur
la partie libre de l'artère; précaution qu'il est d'ailleurs bon de pren-
dre dans tous les cas pour empêcher le sang de pénétrer dans l'ex-
trémité de la canule et de s'y coaguler.
Ce premier temps de l'opération terminé, l'un de nous maintient
en place la canule, tandis que l'autre charge une seringue de l'injec-
tion et a soin de remuer souvent cet instrument avant de l'introduire
afin que'la graine soit bien en suspension dans l'eau et n'oblitère pas
la canule.
Le bout de la seringue placé dans la canule, nous poussons avec peu
de force une quantité de liquide que nous évaluons à 10 ou 20 grammes
environ. Immédiatement la ligature du bout périphérique de l'artère
est exécutée, le fil qui maintient la canule enlevé, la plaie rapidement
recousue et l'animal délié.
Voici les quatre expériences qui ont été faites par ce procédé :
INJECTION DE GRAINE? DE TABAC DANS LA CAROTIDE GAUCHE (bOUT PÉRIPHÉRI-
QUE); UÉMIPLÉGIE DROITE INCOMPLÈTE; MORT EN VINGT ET UNE HEURES;
RAMOLLISSEMENT PULPEUX DE LHÉMISPHÈRE GAUCHE.
Exp. III. (31 juillet ISG.'J) — Chien épagneul de grande taille.
A quatre heures une injection d'eau, tenant en suspension des graines
de tabac, est poussée dans le bout périphérique de la carotide gauche.
Au moment même, cris, accélération des mouvements respiratoires,
62
grand soupir. La plaie est recousue et le chien est délié ; il fait alors
quelques pas sans que l'on constate de paralysie; mais six minutes en-
viron après l'injection la motilité s'affaiblit dans les membres droits,
surtout dans le train postérieur. L'intelligence subsiste, le chien fait des
efforts pour venir quand on l'appelle; il remue la queue en signe de
connaissance.
La motilité s'éteint de plus eti plus dans le côté droit, sur lequel le
chien retombe constamment.
Sensibilité conservée.
Mouvements réflexes quand on lui marche sur la patte postérieure
droite.
Vingt minutes environ après, évacuation d'urine et de matières fé-
cales.
Le chien est plus prostré, mais manifeste cependant son intelligence.
Rien d'appréciable à la face; yeux non déviés; pupilles égales, con-
tractiles.
A cinq heures le chien est laissé très-abattu, mais ayant encore de
l'intelligence.
Le lendemain matin le chien est dans l'agonie, n'entend point quand
on l'appelle; résolution complète des membres, coma, respiration ster-
toreusc. Mort à une heure et demie de l'après midi, l"' août 1865.
Autopsie à deux heures. — Artères. Obstruction de la cérébrale
moyenne gauche par plusieurs graines de tabac; quelques-unes ont aussi
pénétré dans ses branches ; on peut en compter une dizaine environ.
Deux ou trois graines sont disséminées dans la cérébrale moyenne
droite.
Rien dans les autres branches du cercle de Willis ni dans les verté-
brales.
Cerveau. Ramollissement pulpeux blanc rosé occupant une grande
partie de l'hémisphère gauche (partie moyenne surtout).
Les circonvolutions à ce niveau sont comme confondues les unes avec
les autres.
Ce ramollissement gagne la profondeur et atteint le corps strié et la
couche optique. Le corps strié est rouge et diftluent.
Hémisphère droit. Pas de ramollissement, non plus que dans les au-
tres parties de l'encéphale.
L'examen microscopique montre des débris de tubes nerveux disso-
ciés, des globules sanguins, mais pas de corps granuleux.
63
INJECTION DE GRAINES DE TABAC DANS LA CAROTIDE GAUCHE (bOUT PÉRIPHÉRI-
QUE] ; lîOTATIO.N DE GAUCHE A DROITE; DÉVIATION DES \'EIIX A DROITE; RA-
MOLLISSEMENT DES HÉMISPHÈRES, SURTOUT PRONONCÉ A DROITE.
Exp. IV (16 octobre 1865;. — Jeune chien de taille moyenne.
A trois heures et demie nous injectons dans la carotide gauche (bout
périphérique) environ 15 grammes d'eau tenant en suspension des graines
de tabac. Immédiatement après l'opération, le chien est délié et nous
constatons les phénomènes suivants':
Rotation de gauche à droite, l'animal exécute un mouvement de
manège dans un très-petit cercle. Ce phénomène est passager et
dure au plus trois minutes, après lesquelles l'animal tombe à terre. Les
yeux regardent tous les deux à droite; pupille gauche très-dilatée, 7 à
8 millimètres; pupille droite contractée, 2 à3 millimètres. L'animal
pousse des cris plaintifs.
Au bout de cinq minutes environ, le chien cherchant à se relever,
nous croyons remarquer que la patte droite antérieure est plus faible
que la gauche ; mais il ne se manifeste pas de symptômes précis d'hé-
miplégie.
Au bout d'un quart d'heure l'animal reste étendu à terre, et ce n'est
que quand on l'excite et qu'on le remet sur ses pattes qu'il marche en
chancelant; il se jette alors sur les objets qu'il rencontre en parais-
sant ne pas les voir.
Oualre heures. Voraissemeiils bilieux.
L'animal tombe dans un demi-coma dont on ne peut le sortir qu'en
l'excitant; il fait alors quelques pas en chancelant, il tombe tantôt d'un
côté, tantôt de l'autre et pousse de temps en temps des cris de souf-
france.
Battements du cœur réguliers, peut-être un peu précipités.
Cinq heures. L'animal est dans le môme état; nouveaux vomissements
bilieux ; il continue à pousser fréquemment des cris ; sa démarche est
toujours chancelante; la vue paraît toujours abolie; le côté gauche
semble plus faible ; dans sa démarche chancelante l'animal porte la tête
basse, le museau appliqué contre le sol, et à plusieurs reprises il exé-
cute une culbute complète (ce que nous avions déjà remarqué au com-
mencement de l'expérience.)
Sensibilité obtuse, mais conservée des deux côtés.
L'animal est laissé dans cet état; on le trouve le lendemain mort et
en état de rigidité cadavérique.
Autopsie. — Artères de la base. Accumulation de graines de tabac
dans les deux artères sylviennes également des deux côtés, environ 8 à
10 grains dans chaque.
64
On eu retrouve aussi dans la communiquante antérieure, dans la cé-
rébrale postérieure droite, qui conlourne les pédoncules, et qui est
complètement oblitérée. L'artère cérébrale postérieure gauche, au
contraire, est libre et ne contient aucune graine.
Lésions. Le lobe moyen de chaque hémisphère présente à sa surface
une coloration rosée et une diminution de consistance manifeste avec
coloration grisâtre de la substance cérébrale; ce ramollissement devient
plus manifeste au niveau de la scissure interhémisphérique.
Ramollissement violacé occupant le pilier postérieur droit de la
voûte à trois piliers; ce pilier est pulpeux et infiltré de sang.
Les tubercules quadrijumeaux droits sont recouverts d'une bouillie
gris rose, composée du tissu cérébral ramolli, adhérant à la pie-mère, et
qui n'est probablement qu'une partie du pilier réduite en bouillie et qui
est restée adhérente aux tubercules quadrijumeaux. Cette bouillie est
infiltrée de sang. Après son ablation, nous constatons que les tubercules
quadrijumeaux sont sains.
Corps striés. Ramollissement rouge, légèrement pulpeux à la surface,
occupant le noyau ventriculaire des deux corps striés, mais plus ac-
cusé du côté droit, où nous trouvons une partie pointillée rouge d'apo-
plexie capillaire. Couche optique, pédoncules, cervelet, pilier posté-
rieur gauche sains.
INJECTION DE GRAINES DE TABAC (cAROTIDE GAUCnE, BOUT PÉRIPHÉRIQUE);
RAMOLLISSEMENTS MULTIPLES PORTANT SURTOUT SUR l'hÉMISPHÈRE GAUCHE.
Exp. V(17 octobre). — Jeune chienne de taille moyenne. A trois heu-
res cinq minutes, injection dans la carotide gauche, bout périphérique,
dV-nviron 6 grammes d'eau tenant en suspension des graines de tabac;
l'injection est poussée assez violemment.
L'animal délié pousse des cris et même des hurlements de souffrance.
Faiblesse générale, légère tendance à tourner de droite à gauche
autour du train postérieur.
Evacuation de selles solides.
L'animal exécute des mouvements locomoteurs réguliers, mais ne
peut se tenir debout si on le soulève; il peut cependant se soutenir sur
SCS pattes postérieures.
Pas d'hémiplégie notable.
Trois heures un quart. L'animal continue à pousser des cris, se dirige
toujours vers la porte, se dresse contre elle et la gratte de ses pattes an-
térieures comme pour sortir de la chambre; éloigné de cette porte,
l'animal y retourne et exécute les mômes mouvements. Légère tendance
ù tourner de gauche à droite, brtLements du cœur réguliers.
Trois heures vingt-cinq minutes. L'animal tombe dans le coma; la
65
sensibilité tlo la jambe postérieure droite paraît un peu moindre que
celle de la gauche ; quand on marche dessus il ne la retire pas comme
la gauche.
Cinq heures. Coma profond ; battements du cœur plus faibles, mais
réguliers. La résolution des membres est presque complète.
Le matin, à neuf heures, le chien est trouvé mort et encore chaud.
Mort probablement à sept heures du matin environ.
Autopsie. — L'artère carotide gauche est oblitérée par un caillot noi-
râtre dans lequel on retrouve quelques graines de tabac.
Pie-mère injectée.
Artères de la base. La plus grande partie des artères du cercle de
Willis contiennent des graines de tabac, mais particulièrement les deux
sylviennes et surtout la gauche, où Ion retrouve une agglomération de
graines au niveau de la bifurcation de l'artère.
Oblitération des communiquantes antérieures. Caillots dans les com-
muniquantes postérieures, surtout dans la gauche qui est distendue par
un caillot noirâtre.
Les deux artères cérébrales antérieures dans la partie qui longe la
face supérieure des corps calleux sont obstruées par des graines de ta-
bac rangées en série à la suite les unes des autres.
Lésions de C encéphale. Ramollissement rouge de la partie moyenne
de l'hémisphère gauche, s'enfonçant dans la profondeur jusqu'à la sur-
face du ventricule ; en un point rapproché de la surface, le ramollisse-
ment devient pulpeux, piqueté de rouge , ressemblant à l'apoplexie
capillaire. Pas de ramollissement dans la partie antérieure de l'hémi-
sphère; en arrière l'altération n'a pas une limite bien tranchée, et l'on
retrouve à la partie tout à fait postérieure du lobe occipital un foyer de
ramollissement blanc pulpeux de la grosseur d'une petite noisette, dont
la substance s'est même répandue sur les corps quadrijumeaux auxquels
elle est adhérente. >
Corps striés, couches optiques, tubercules, voûte à trois piliers sains.
Cervelet. On constate que le vermis inferior est rouge, congestionné,
un peu ramolli jusqu à son centre.
Quelques points rouges d'apoplexie capillaire sur le plancher du
quatrième ventricule.
\S examen microscopique des parties ramollies ne fait voir que des
fibres nerveuses, les unes saines, les autres fragmentées et en débris.
Pas de leucocytes ni de corps granuleux.
MÉM.
66
INJECTION DE GRAINES DE TABAC DANS LA CAROTIDE DROITE (bOUT PÉRIPHÉRIQUE);
MOUVEMENT DE MANEGE DE GAUCDE A DROITE ; HÉMIPLÉGIE GAUCHE INCOM-
PLÈTE; RAMOLLISSEMENT PURULENT DE l'hÉMISPHÈRE DROIT.
Exp. VI (19 octobre). — Chienne jeune de taille moyenne. La veille
nous avions cherché à lui introduire dans la carotide droite, par Tinter-
médiaire d'une collatérale, quelques graines de tabac, mais sans succès.
Aucun accident ne se produisit; les graines n'avaient pas pénétré.
Le 19, quatre heures un quart. La plaie est rouverte et nous injec-
tons dans le bout périphérique de la carotide droite une fort minime
proportion d'eau tenant en suspension des graines de tabac un peu plus
volumineuses que celles qui ont servi dans les expériences précédentes.
Immédiatement, cris de l'animal qui se débat. Quand il est délié, nous
remarquons les symptômes suivants : la chienne retombe sur le côté
gauche et fait de violents mouvements de ses membres gauches pour se
relever, puis retombe.
Remis sur ses pattes, l'animal décrit bientôt un mouvement de ma-
nège de gauche à droite et dans un petit cercle, la tête est constamment
tournée à droite, les yeux regardent aussi de ce côté. Pupilles égales,
contractiles.
Ces symptômes deviennent bientôt encore plus manifestes, et en
quittant l'animal à cinq heures, nous constatons une hémiplégie incom-
plète du côté gauche, le mouvement de manège de gauche à droite, la
déviation des yeux et de la tête à droite persistent. L'animal retombe
toujours sur son côté gauche, le mouvement des pattes gauches est dif-
ficile; très-souvent il les traîne à demi, et ne pouvant alors les appli-
quer sur la face plantaire, il appuie la face dorsale des pattes gauches
contre le sol et tombe; souvent alors les pattes gauches (surtout l'anté-
rieure) s'écartent à angle droit et Tanimai ne peut les rapprocher qu'a-
vec difficullé. Les mocivements du côté droit paraissent normaux.
Intelligence conservée ; l'animal cherche à se défendre et à mordre
quand on veut le saisir.
On le muselle, et il cherche à enlever la muselière avec ses pattes.
Sensibilité. Moindre à gauche qu'à droite, mais pas éteinte.
Les cris continuent de temps en temps, mais beaucoup moins que
dans les précédentes expériences.
20 octobre, dix heures et demie. L'animal est à peu près dans le
même état que la veille, quoiqu'il puisse mieux se soutenir sur ses pat-
tes gauches. Intelligence nette. Pas de coma. Le mouvement de manège,
la déviation de la tête et des yeux à droite subsistent, mais le cercle du
manège paraît plus grand qu'hier.
67
23 octobre. L'animal est resté dans le même état qui est décrit ci-
dessus, marchant avec plus de facilité cependant que les jours précé-
dents, mais conservant toujours une tendance à la rotation; il continue
à paraître triste et malade, son poil est hérissé; il mange cependant un
peu, boit beaucoup. Pas de perte de rintelligence.
24 octobre. L'animal tombe dans le coma et meurt à quatre heures.
Autopsie. — Artères cérébrales. On retrouve trois graines de tabac
dans l'artère sylvienne droite.
Hémisphère droit. Paraît tuméfié et s'étale quand on place le cerveau
sur sa base; au toucher il est fluctuant et paraît diflluent. Une tache
rouge pointillée d'apoplexie capillaire au niveau de la partie externe
du lobe moyen. A la coupe on trouve toute la substance blanche du
centre ovale ramollie et difîluente jusqu'au ventricule latéral. Ce foyer
de ramollissement est rempli d'une substance verdâtre, un peu filante
et ayant l'apparence de pus mêlé à de la substance cérébrale. L'exa-
men microscopique y fait découvrir des débris de fibres nerveuses,
des granulations graisseuses isolées et en groupe, et un grand nombre
de corpuscules pyoïdes montrant l'existence d'une encéphalite qui était
déjà évidente à l'œil nu.
Coips strié. Présente à sa partie moyenne un petit foyer de ramollis-
sement grisâtre, diflluent. gros comme une lentille.
Couche optique saine.
Hémisphère gauche sain.
Cervelet. Ramollissement rouge avec quelciues points d'apoplexie ca-
pillaire au niveau du vermis inférieur.
Analyse de ces expériences. — Le premier symptôme de péné-
tration de l'injection dans les artères cérébrales est la douleur : l'ani-
mal pousse des cris. ; phénomène que nous avons presque toujours
remarqué et qui était môme pour nous, dans nos dernières expé-
riences, un signe de la pénétration de l'injection dans le cerveau.
(Voir les exp. Ill, IV, V, VI et l'exp. VIII, p. 26.)
Quelquefois l'animal tomba dans la prostration et dans un demi-
coma, sans que nous puissions voir de phénomènes hémiplégiques.
C'était dans tes cas où l'oblitération était trop générale, cas qui se
rapprochaient des effets produits par la poudre de lycopode ; c'est
même là une des causes qui nous ont fait choisir un autre procédé
expérimental, comme nous le dirons plus loin.
Cependant dans trois expériences de cette première sci-ie (III, IV,
VI), nous avons observé des phénomènes qui se rapprochent de l'hé-
miplégie. L'hémiplégie par lésion cérébrale est up symptôme que
m
Ton n'observe jamais que d'une manière incomplète chez les animaux.
C'est ce que fait remarquer M. Vulpian (1) clans son cours, quand
il dit : « Chez les animaux il est extrêmement diflicile de produire
« une hémiplégie complète par une lésion de l'encéphale, et l'on peut
« môme dire, d'une façon générale, que l'on ne peut y arriver. »
Mais si l'on n'observe pas l'hémiplégie complète avec flaccidité, on
peut observer du moins des phénomènes qui s'en rapprochent , une
faiblesse d'un côté du corps, par exemple, une diminution de la sen-
sibilité et surtout des phénomènes de rotation. Nous avons eu, en
particulier, plusieurs fois l'occasion d'observer un mouvement de
manège (exp. III, IV, YII). Dans ce mouvement l'animal exécutait un
cercle à diamètre plus ou moins considérable, en tournant, comme il
est de règle, vers son côté non paralysé; le côté paralysé ou affaibli
étant au contraire placé en dehors du cercle ; mouvement de gauche
à d7oUe, par exemple, si la lésion se trouve dans l'hémisphère droit,
et le côté affaibli étant par conséquent le côté gauche.
Ce mouvement s'accompagne généralement d'une déviation de la
tête et des yeux du côté opposé à la paralysie, les deux yeux étant
tournés du côté de la lésion cérébrale. Ces phénomènes de déviation
des yeux et de la tête s'observent assez fréquemment chez l'homme
frappé d'hémiplégie, comme l'un de nous l'a déjà fait remarquer dans
une publication précédente (2). Chez les animaux, cette déviation des
yeux et de la tète accompagne ou précède la rotation; chez l'homme,
ne serait-elle pas une ébauche de ce mouvement?
Puisque nous parlons maintenant des yeux, ajoutons que nous
avons observé une fois une inégalité pupillaire (exp. IV) et deux fois
une perte évidente de la vue, sans que nous ayons trouvé à l'autopsie,
dans ce dernier cas, la raison de ce symptôme ; mais nous devons
dire que nous n'avons pas fait de recherches minutieuses à cet égard.
(Exp. IV et VIII.)
Les animaux que nous opérions ainsi n'ont pas survécu longtemps,
ils mouraient ordinairement après six à dix heures ; cependant l'un
d'eux (exp. VI) a survécu trois jours (cas dans lequel nous avions
fait une très-faible injection).
Généralement après avoir gardé quelque temps (une heuie et quel-
•^ - ■■ ■-■ — , — . ..■
(1) Revue des cours scientifiques, 1865, n' 27, p. 454.
(2) Gaz. hcbdom., 1865, n° 41, p. 649.
69
quefois davantage) sa connaissance et son intelligence, car l'intelli-
gence a toujours subsisté pendant quelque temps d'une manière ma-
nifeste, l'animal tombe, tantôt dans un demi-coma, tantôt dans un
carus complet, la respiration devient stertoreuse (exp. 111) et il meurt
par asphyxie comme les apoplectiques.
Malgré le peu de temps de survie, nous avons toujours trouvé à
l'autopsie des lésions évidentes du cerveau.
En premier lieu, nous pouvions constater l'oblitération artérielle
qui dans les expériences les mieux réussies élait plus limitée (ce
que nous cherchions à obtenir). L'oblitération par la graine de tabac
est en effet très-facile à constater dans les artères cérébrales, car la
couleur noire de cette graine tranche avec la couleur de la substance
nerveuse.
Très-souvent (comme chez l'homme) l'oblitération avait lieu dans
l'artère sylvienne et la graine s'arrêtait sur la partie externe de l'hé-
misphère à l'endroit où l'artère se subdivise. L'oblitération habi-
tuelle de l'artère sylvienne dans nos expériences est un fait curieux
à observer, d'autant plus que chez l'homme également,^ l'embolie se
produit très fréquemment dans cette artère ; mais ne pouvant donner
l'explication de ce phénomène, nous nous contentons de la signaler
(exp. 111, IV, Y, VI, Vlll et IX). Souvent il est vrai cette oblitération
existait aussi dans d'autres artères cérébrales, mais nous avons re-
marqué alors une plus grande quantité de graines dans l'une des
cérébrales moyennes; quelquefois même l'oblitération a été limitée
aux artères sylviennes (exp. III et VIj.
Dans un seul cas (exp. IX) l'oblitération de l'artère sylvienne man-
quait avec un ramollissement, mais nous devons dire que ce ramol-
lissement très-limité n'a été découvert qu'après la section du cer-
veau et nous n'avons pas pu déterminer exactement la branche
oblitérée qui était peut-être une branche de la sylviene. Quoi qu'il en
soit la fréquence de l'oblitération des sylviennes est manifeste dans
nos expériences et c'est là un fait assez remarquable.
Dans ces cas de mort, même rapide, nous avons toujours trouve
une lésion de l'encéphale (1); c'était ordinairement la partie moyenne
(1) De riclies anastomoses, poinrait-on dire, n'existont-clles pas à la
base du cerveau, et le cercle de Willis ne permet-il pas une communi-
cation très-facile entre les diverses branches qui lui donnent naisr
70
d'un hémisphère, quelquefois tout un hémisphère qui était ramolli,
ce ramollissement pénétrant dans la profondeur et atteignant même
quelquefois le ventricule et un des corps striés.
L'aspect que présentait la substance ramollie était tout à fait ana-
logue à celui du ramollissement récent de l'homme. (Voy. pi. III, fig. 5.)
L'hémisphère était quelquefois comme tuméfié à sa surface, la
substance cérébrale présentait par places des taches rouges comme
ecchymotiques et souvent un pointillé d'apoplexie capillaire. Nous
insisterons d'ailleurs dans un paragraphe spécial de ce mémoire, sur
cette congestion tout à fait analogue à celle que l'on rencontre dans
les infarctus des autres viscères et nous chercherons à nous en rendre
compte.
A l'examen microscopique, ces parties frappées de ramollissement
offrent aussi un aspect tout à fait analogue à celui que présente le
ramollissement récent observé chez Tbomme ; on voit des tubes ner-
veux dissociés, comme brisés, dans quelques parties de la moelle
nerveuse en gouttelettes, des globules sanguins rassemblés par place;
en un mot, un tissu dissocié et comme réduit en bouillie, très-com-
parable aux infarctus récents des viscères.
Dans une de nos expériences (exp. VI), nous avons observe un ra-
mollissement qui contenait du pus. L'accumulation de pus autour
d'infarctus du rein a aussi été observée par nous dans les expériences
que nous rapporterons plus loin. Cette altération qui ne se rencontre
sance? Loin de repousser ce fait, loin de le regarder comme contraire à
1 opinion que nous avançons, nous dirons même qu'il en est une confir-
mation. En effet les oblitérations artérielles qui siègent en deçà du cercle
de Willis sont beaucoup moins graves dans leurs conséquences que
celles qui sont situées au delà do l'hexagone artériel. C'est pour cela
que la ligature d'une carotide et môme des deux carotides a pu ne pas
produire de mortification du tissu encéphalique, la circulation s'étant
rétablie dans le cercle de Willis par l'intermédiaire des vertébrales.
Mais si l'oblitération dépasse le cercle et se fait dans une sylvienne, par
exemple, le segment cérébral qui en dépend subit bientôt un trouble
de nutrition et se ramollit. MM. Lancereaux {De la tlirombose et de
Ccuibolie cérébrales, Paris, 18G2, p. 28), liasse (p. 513) insistent tous
deux sur ce fait, qui avait déjà frappé M. Ehrmann {puvr. cit., p. 63)
quand il dit : « L'oblitération qui siège au delà des communicantes
« rendant la circulation collatérale très-difficile devra être presque
« nécessairement suivie de lésions profondes du tissu cérébral. »
71
pas généralement chez l'homme, doit attirer notre attention et peut
être un exemple de l'inflammation consécutive et éliminatrice formée
autour de parties frappées de nécroMose.
Cette opinion, qui avait déjà été émise par M. Virchow, a été de
nouveau soutenue par MM. Hasse (1), Leuhuscher (2), Cohn (3) et
Bcrgmann (4), par M. Wagner (5) qui pense de plus que les abcès
métastiques ont pour cause une embolie graisseuse.
Mais M. 0. Weber (6) qui insiste aussi sur la possibilité de la sup-
puration de certains infarctus, ne croit pas que l'opinion de M. Wagner
sur les abcès métastatiques, soit aussi certaine que l'avance cet
auteur.
DEUXIÈME SÉRIE D'EXPÉRIENCES.
Voyant que la mort des chiens, que nous opérions de la façon pré-
cédente, était trop prompte, nous avons cherché à nous mettre dans
des conditions un peu diflërentes en pensant que nous nous servions
peut-être de corps étrangers trop fins, et que nous les introduisions
par une pression trop forte dans les vaisseaux. En conséquence nous
avons pris des graines de tabac (recueillies au Jardin des plantes)
dont le diamètre était un peu plus considérable que celui des graines
que nous avions employées jusqu'alors, nous avons ensuite cherché à
nous mettre à l'abri de la pression causée par l'injection.
Nous avons d'abord essayé, mais sans succès, une expérience qui
pourrait peut-être réussir sur un animal plus grand que le chien.
Elle consistait à introduire directement dans une carotide un certain
nombre de graines, par l'intermédiaire d'une collatérale, limitant
par deux serres-fines la portion de l'artère carotide dans laquelle
nous introduisions les graines. Cette opération est, ou le comprend,
(1) Handbuchder speciellen Pathologie uncl T/ierapie.Erlangen, 1855,
redigirl von Virchow. Vol. IV, 1'^ partie, p. 516.
(2) Die Pathologie und Thérapie der Gehirnkrankheiten, Berlin, 1854,
p. 301.
[^) Klinik der embolîschen Gefàsskrankheiten. Berlin, 1860.
(4) Die Lehi'e von der Fetten embolie. Dorpat 1863.
(5) Die capilluren Embolie mit flussigen Fett. eine Ursache der
Pyaemie. Archiv. der Hcilkiinde, 1862, III.
(6) Handbuch der allgemeinen und spcciellen Chirurgie^ red. von
Pitha undBillroth. Erlangen, 1865, p. 98.
n
fort délicate et fort difficile à exécuter sur des artères aussi peu vo-
lumineuses que celles du chien. Nous espérions que, après la ligature
de la collatérale et après l'ablation des deux serres-fines d'attente,
le courant sanguin se réiaLlissant dans la carotide, entraînerait les
graines de tabac et les transporterait dans les artères du cerveau;
mais cette expérience (exp. VI) ne nous donna aucun résultat.
Nous pensâmes alors à faire des injections dans le bout central de
la carotide, poussant l'injection dans une direction contraire à celle
du courant circulatoire, la graine pouvant ainsi être portée dans les
artères cérébrales par l'intermédiaire de l'autre carotide et des artères
vertébrales (exp. IX, X, Vlll). Nous avons aussi cherché à obtenir le
même résultat par une injection poussée dans le bout central de l'ar-
tère axillaire (exp. Vil), puis dans le bout central d'une crurale en
poussant avec force une injection d'eau tenant en suspension une
faible quantité de graines qui devaient ainsi monter jusqu'à la crosse
de l'aorte et nous donner une obstruction des artères cérébrales
(exp. XI).
Ce procédé d'expérimentation avait, en outre, le grand avantage de
pouvoir nous donner, en même temps qu'un ramollissement cérébral,
des infarctus des différents viscères, et de montrer ainsi la similitude
de genèse de ces différentes lésions.
Voici ces expériences que nous analyserons ensuite :
INJECTION DE GRAINES DE TABAC DANS l'aRTÈRE AXILLAIRE GAUCHE; INFARCTUS
DES REINS ET DE LA RATE; ARTÈRES OBSTRUÉES PAR DES GRAINES DE TABAC ;
URINE ALBUMINEUSE ; MORT EN TROIS JOURS.
Exp. VII (2 novembre 1865). — Vieux chien de chasse (6 ans envi-
ron), grande taille, très-vigoureux.
A trois heures, injection, dans l'artère axillaire gauche (bout central),
d'eau (20 grammes environ) tenant en suspension des graines de tabac.
Malgré la force d'impulsion, il ne semble pas être pénétré beaucoup de
graines, car il en reste beaucoup dans la seringue. Tristesse qui peut
tenir à la plaie ; emphysème des environs de la plaie.
Pas de phénomènes de paralysie.
Les jours suivants, le chien ne présente aucun symptôme nouveau,
mais continue cependant à être triste et abattu; il se soutient mal sur
la jambe gauche antérieure qui a subi l'opération.
5 novembre, mort.
Autopsie. — Cavité crânienne. Rien d'appréciable à l'encéphale.
Cavité thoracique. Poumons sains.
73
Cœur. Rempli de caillots noirâtres dans lesquels on ne retrouve pas
do graines de tabac, non plus que dans l'aorte thoracique.
Foie. Paraît sain.
Intestin. Pas de lésion.
Rate. A une do ses extrémités, tache rouge brunâtre, boursouflée,
dans laquelle le tissu est ramolli (infarctus).
L'examen microscopique y montre des débris du tissu splénique
mêlé de leucocytes de la rate; les éléments spléniques sont dissociés.
Reins. Les deux reins présentent plusieurs infarctus. Après la décor-
tication de ces organes, ces infarctus se présentent comme des taches
jaunâtres à la surface de l'organe, tranchant avec la couleur rose du
rein; ils sont bien limités et leurs bords sont formés par une ligne si-
nueuse ; on en distingue plusieurs sur chaque rein. (Voy. pi. I, fig. 2.)
A la coupe, ils se montrent jaunes dans la substance corticale, et la
lésion se prolonge dans la substance médullaire sous forme de cônes dont
la base est à la périphérie et le sommet vers le bassinet. Ces cônes sont
rouge foncé et occupent surtout les prolongements qui, dans le rein du
chien, font saillie dans le bassinet.
Les vaisseaux qui aboutissent à ces infarctus sont trouvés oblitérés
très-manifestement par une ou plusieurs graines de tabac.
L'apparence que présentent ces infarctus est tout à fait type et rap-
pelle en tous points ceux que l'on rencontre chez l'homme.
L'urine que contient la vessie est assez fortement albumineuse et se
teint en verdàtre par l'acide nitrique (particularité d'ailleurs fréquente
chez le chien, selon M. Vulpian).
La plaie contient beaucoup de caillots, mais pas de pus.
Vaortc abdominale contient quelques caillots dans lesquels on trouve
quelques graines de tabac.
Membres inférieurs sains; pas de trace de mortification. On ne re-
trouve pas de graines de tabac dans les artères crurales.
L'examen microscopique des infarctus du rein montre que les tubes
sont opaques; l'épithélium est plus foncé et granuleux. L'un de ces in-
farctus a subi un ramollissement plus considérable que les autres, et
est constitué à son centrepar une cavité qui logerait une petite noisette,
et qui est remplie d'une boue rougeâtre. L'examen microscopique de
cette boue la montre composée d'éléments rénaux dissociés. On trouve
des débri:de tubes fragmentés etopaciues, etune foule de corps ovoïdes
un peu granuleux qui paraissaient être des leucocytes; mais ils sont
peu distincts et peuvent aussi être des noyaux de cellules épithéliales.
A l'œil nu, la boue rougeâtre n'avait pas l'apparence du pus.
74
INJECTION DE GRAINES 1)E TABAC ; BOUT CENTRAL DE LA CAROTIDE GAUCHE ; RAMOL-
LISSEMENT Cérébral; infarctus des reins, de la rate, du cœur; gangrène
DE l'intestin ; mort rapide.
Exp. VIII (13 novembre 1865). — Jeune chienne de race lévrier,
noire, taille moyenne. A trois heures injection dans le bout central de
la carotide gauche d'eau tenant en suspension des graines de tabac.
Quelques secondes après l'animal pousse des cris et se débat; détaché,
il tombe d'abord dans un grand abattement presque comateux; il gé-
mit. Mais huit à dix minutes après ces gémissements cessent, Tarumal
se lève et marche; il paraît être d'abord faible du train postérieur, mais
ces phénomènes cessent bientôt et l'animal marche librement. Pas
de tendance hémiplégique, pas de tendance à la rotation.
On s'aperçoit bientôt que l'animal a perdu la vue : il va se heurter
contre les objets qu'il rencontre sur son chemin ; il n'évite pas les corps
que l'on fait passer vivement devant ses yeux. L'ouïe est conservée;
l'animal se détourne quand on fait du bruit, qu'on le siffle ou quand on
l'appelle.
Pupille gauche plus dilatée que la droite (elles sont contractiles).
L'animal bave beaucoup.
Il est laissé dans cet état à quatre heures un quart.
Le lendemain matin, à neuf ou dix heures, on le trouve mort et déjà
froid.
Autopsie. — Cavité crânienne. Il sort une assez grande quantité de
sang à l'ouverture du crâne.
Artères. Plusieurs graines de Labac se voient sur les branches qui
sillonnent les parties latérales et supérieures des hémisphères. Les
branches des sylviennes en contiennent. La sylvienne gauche est obli-
térée à son point d'élection, c'est-à-dire à la partie externe de l'hé-
misphère à l'endroit où elle se divise.
A la base oblitération delà communiquante postérieure gauche, de la
cérébrale postérieure et d'une de ses branches. En tout 10 à 15 graines
de tabac. A la surface du cerveau, ramollissement rosé de la partie
moyenne et d'une portion de la partie postérieure du lobe gauche : ce
ramollissement s'étend un peu dans la substance blanche, mais a une
consistance assez ferme et n'est pas encore pulpeux. Ramollissement
moins étendu de la partie moyenne de l'hémisphère droit, la base du
cerveau (corps striés, couches optiques, cervelet) n'offre pas de ra-
mollissement.
Cœur. L'artère coronaire antérieure est oblitérée par plusieurs grains.
La pointe du cœur est un peu pâle. Sur une des colonnes de premier
ordre du ventricule gauche, partie supérieure, on retrouve une tache
pointillée rouge (infarctus évident).
Foie congestionné.
Rate. Plusieurs infarctus rouges brunâtres et comme tuméfiés, taches
pâles dans certaines places.
Reins. Dans chacun d'eu\ tache pâle de la substance corticale à li-
mite sincuse et correspondant à des cônes injectés de la substance mé-
dullaire. L'un de ces infarctus est ramolli et presque diffluent.
Péritoine. Contient une assez grande quantité de sarig.
Intestin grêle. Dans une étendue assez considérable, l'intestin est
très-fortement congestionné, d'un rouge foncé, ramolli et prêt à tomber
en gangrène; en un point il y a môme quelques phlyctènes; on n'a pas
cependant trouvé de perforation. Cette imbibition de sang et cette perte
de consistance comprennent toute l'épaisseur de l'intestin.
Le mésentère adhérent â ces parties est sillonné de vaisseaux très-
injectés en un point qui correspond à l'anse intestinale la plus avancée
dans sa mortification; plusieurs de ces vaisseaux sont rompus et ont
laissé échapper le sang qui s'est répandu dans le péritoine.
On retrouve des graines de tabac dans les artères qui correspondent
aux parties mortifiées. Dans une artère qui correspond à un point non
mortifié, on retrouve des grains de tabac; mais à sa circonférence cette
artère est richement anastomosée avec les branches voisines, l'oblité-
ration n'avait pas pénétré assez loin pour amener l'arrêt de la circula-
tion qui s'est rétablie par les collatérales et a empêché la gangrène.
Membres. Rien.
Aorte. Contient quelques graines de tabac, mais pas de caillots.
INJECTION DE GRAINES DE TABAC DANS l' ARTÈRE CAROTIDE DROITE (bOUT CEN-
TRAL); RAMOLLISSEMENT DU CERVEAU {aVEC CORPS GRANULEUX); INFARCTUS
DE LA RATE, DES REINS AVEC INCRUSTATIONS DE CARBONATE DE CHAUX) ; RIEN
A LA moelle; ANIMAL SACRIFIÉ AU BOUT DE DIX JOURS.
Exp. IX (31 octobre 1865). — Jeune chien lévrier, taille moyenne. A
trois heures, injection dans le bout central de la carotide droite, d'envi-
ron 20 grammes d'eau tenant en suspension des graines de tabac (quan-
tité peu considérable). Délié, l'animal ne présente pas de symptôme
bien précis, sauf un peu de tristesse. De plus, il se tient un peu bossu,
comme s'il souffrait des reins ; ce symptôme n'a cependant pas de du-
rée, et le chien marche bien.
A trois heures vingt minutes, le chien, sans cause appréciable, s'af-
faisse sur son train postérieur et tombe à terre, puis se relève, fait
quelques pas dans la chambre et tombe de nouveau comme s'il éprou-
vait une faiblesse des membres postérieurs. Ce phénomène est passager,
76
et bientôt le chien semble marcher comme avant l'opération, sans pré-
senter de symptômes de paralysie appréciable. Aucun symptôme céré-
bral.
2 novembre. L'animal est bien portant, marche bien, pas de tristesse ;
il mange et boit bien.
9 novembre. Pas de phénomène appréciable; le chien mange bien et
est fort gai.
Le 10 novembre, l'animal ne présentant aucun trouble nouveau ap-
préciable, nous le sacrifions.
Autopsie. — A^dome??. Foie sain.
Inleslin. Idem. •
Les reins présentent chacun à leur surface plusieurs taches jau-
nâtres tranchant par leur couleur avec la coloration normale du rein.
Ces taches sont limitées par des bords très-irrégulièrement sinueux. La
surface du rein à ce niveau présente une dépression froncée comme un
début de cicatrice. La substance qui constitue ces parties jaunes est in-
durée et résiste à la coupe. Ces parties correspondent à des artères obli-
térées par des graines de tabac. La partie jaune n'intéresse que la sub-
stance corticale, et sa prolongation dans la substance médullaire est
formée par une espèce de cône rouge foncé qui se prolonge jusqu'au
bassinet (dans la partie qui fait saillie dans le bassinet).
La substance rénale qui entoure l'un de ces infarctus qui est resté
jaune et dur, est constituée par une sorte de bouillie jaunâtre mêlée par
places de stries rouges et de taches ecchymotiques, et qui est constituée
en grande partie par du véritable pus, situé soit dans la substance cor-
ticale, soit dans la médullaire. (Voy. pi. I, fig. 1.)
L'examen microscopique des parties jaunes fait découvrir des tubes
épais, noirâtres, qui contiennent pour la plupart à leur intérieur des
granulations graisseuses. Dans quelques-uns même ces granulations ont
atteint un très-grand volume. Les glomérulea qui sont à ce niveau sont
aussi infiltrés de graisse. En outre, ces tubes paraissent être d'un dia-
mètre moins considérable que celui des tubes sains, et ils sont séparés
les uns des autres par du tissu conjonctif de nouvelle formation, et qu'on
ne retrouve pas dans les parties saines où les tubes se touchent presque.
(Voy. pi. I, fig. 4 et 5.)
Dans la substance médullaire injectée on retrouve un grand nombre
de tubes normaux ; d'autres ont subi une dégénérescence graisseuse ;
d'autres enfin paraissent être imbibés de sang.
La portion suppurée contient des éléments de pus manifestes ; leuco-
cytes et granulations pyoïdes et graisseuses.
La rate présente deux grandes plaques, situées à chaque extrémité de
l'organe, le tissu y est induré; on remarque en outre à la surface une
77
multitude de petits points pâles jaunâtres, disséminés surtout à la partie
moyenne de l'organe et du volume de grains de millet.
Les branches terminales de l'artère splénique contiennent des grains
de tabac.
Le cerveau présente à la partie interne du lobe postérieur gauche,
près de la scissure interhémisphérique, un petit foyer de ramollisse-
ment rosé, de la grandeur d'un gros pois, dans lequel on retrouve des
corps granuleux (Voy. pi. III, fjg. 6); quelques graines de tabac sont
disséminées dans les artères des méninges, mais pas dans la sylvienne.
On n'a pas bien pu déterminer l'artère qui correspondait au ramollis-
sement, le cerveau ayant été coupé.
Moelle cpiniére saine.
N. B. Un examen un peu plus soigné des reins nous donne les par-
ticularités suivantes :
Les parties jaunes indurées crient un peu sous le scalpel, et au micro-
scope ces tubes sont remplis de petites granulations en masses qui sem-
blent moins réfringentes que les granulations graisseuses. L'addition
d'acide sulfurique les fait disparaître complètement, et cela se fait avec
effervescence ; il se forme alors des cristaux de sulfate de chaux. (Voy.
pi. I, fig. 3.) L'addition d'acide tartrique donne aussi de l'effervescence
et des cristaux de tartrate de chaux.
Le même phénomène de cristallisation se produit avec l'acide acé-
tique, on obtient de petits cristaux assez analogues à ceux de sulfate
de chaux, probablement acétate de chaux.
L'addition de la soude caustique éclaircit la préparation, mais ne
fait pas disparaître les granulations.
Ces granulations sont donc des dépôts de carbonate de chaux.
Les réactions ne se produisent point sur les parties saines du rein ;
ces accumulations calcaires sont donc localisées dans les infarctus.
INJECTION DE GRAINES DE TABAC DANS LE BOUT CENTRAL DE LA CAROTIDE ,
INFARCTUS DE PLUSIEURS VISCÈRES ; ANIMAL SACRIFIÉ APRÈS SEPT JOURS.
Exp. X. — Jeune chien de taille moyenne. Le 16 octobre nous lui
avions fait dans la carotide gauche (bout périphérique) une injection
d'eau tenant en suspension des graines de tabac, mais la canule s'étant
bouchée, aucun effet n'avait été produit.
Le 18 octobre le chien est bien portant; sa plaie est rouverte et nous
plaçons dans le bout central de la carotide gauche une canule. Nous
injectons une petite quantité d'eau tenant en suspension des graines
de tabac. Le résultat immédiat que nous voulions produire (passage des
graines dans l'autre carotide) fut nul, aucun symptôme cérébral ne se
78
montra, mais l'animal parut souffrir; il n'étendait pas bien son corps et
fléchissait volontiers sa colonne vertébrale, se tenant comme bossu.
Ces symptômes ne durèrent cei)Gndant pas, et l'animal n'offrit pas de
phénomènes bien saillants, si ce n'est de la tristesse et une apparence
de malaise général que nous attribuions à sa plaie ou à des désordres
viscéraux.
Il resta dans ce même état de maladie vague, sans présenter de symp-
tômes cérébraux ni médullaires jusqu'au 23 octobre. Ce jour-là, nous
le pendîmes et fîmes immédiatement l'autopsie.
Cavité crânienne. Rien de particulier, si ce n'est Tinjection due à la
pendaison.
Cerveau. Rien.
Poumons. Collapsus pulmonaire du poumon gauche.
Cœtir sain.
Rate présente à chacune de ses extrémités un infarctus très-ma-
nifeste, de la grosseur d'une petite noisette environ; la substance à
ce niveau est plus pâle que dans le reste de l'organe et fait une saillie.
On ne trouve pas l'oblitération artérielle.
Foie. En plusieurs endroits taches pâles disséminées, mal limitées,
et présentant à leur centre un pointillé rouge et atteignant la dimension
d'environ 1 franc (infarctus probables).
Reins. Sont surtout remarquables; ils présentent plnsieurs infarctus
très-étendus, rouges au centre et entourés d'un cercle jaunâtre ; la mor-
tification s'étend dans la profondeur de l'organe, et atteint jusqu'à la
substance médullaire en certains points. Les artères sont ouvertes avec
soin, et l'on trouve trois petites branches qui se rendent à des portions
de l'organe affectées d'infarctus, oblitérées par des graines de tabac.
Ces branches secondaires ont un diamètre d'environ un tiers de milli-
mètre.
L'examen microscopique montre que les parties jaunâtres sont
remplies de graisse, les tubes obscurs noirâtres présentent à leur inté-
rieur de nombreuses granulations graisseuses volumineuses qui rem-
plissent les tubuli. Les tubuli des parties saines sont aussi examinés et
présentent une toute autre apparence, on y retrouve aussi, il est vrai,
de fines granulations graisseuses, qui existent souvent chez le chien à
l'état normal, mais ces tubes sont transparents, on n'y retrouve pas les
grosses granulations que contiennent les tubes nialades ; ils n'offrent en
un mot rien d'analogue.
Membres n'offrent pas de points gangrenés.
Intestin. On n'y a pas retrouvé d'infarctus.
I.NJECTIOX DE GRAINES DE TABAC DANS LES CRURALES ; INFARCTUS DU FOIE, DE
LA RATE, DES REINS ; GANGRÈNE DE l'iNTESTIN GRÊLE ; GRAINES RETROUVÉES
DANS LES BUANCHES CORRESPONDANT A CES LÉSIONS; MOUT RAI'IDE.
Exp. XI (3 novembre 1865).— Chienne épagneule de taille moyenne,
âgée d'environ 2 ans.
Le 3 novembre, à trois heures, injection dans l'artère crurale droite
(bout central) d'eau tenant on suspension une minime proportion de
graines de tabac, dans le but d'obtenir des infarctus et un ramollisse-
ment; mais l'artère se rompit, et nous crûmes que l'expérience avait
échoué.
Nous la répétons immédiatement sur la crurale gauche, accident ana-
logue ; la canule sort de l'artère et nous avons une assez forte hémor-
rhagie, que nous arrêtons bientôt par la ligature de l'artère. Les plaies
sont recousues, l'animal ne présente pas d'autres phénomènes que de la
tristesse et de l'abattement.
Le lendemain (midi) il était mort, et l'on trouva auprès de lui du li-
quide sanguinolent qui prouvait une hémorrhagie.
Autopsie. — Cerveau et moelle épinière, aucune lésion.
Cavité thoracique. Poumons sains.
Cœur. Caillots noirâtres dans lesquels nous ne retrouvons pas de
graines de tabac.
L aorte offre aussi quelques caillots peu volumineux, mais nous n'y
voyons pas de graines.
Cavité abdominale. Foie. Présente en plusieurs endroits des taches
blanchâtres, pâles, tranchant avec la rougeur du reste de l'organe,
mais pas de désorganisation bien avancée du tissu de l'organe.
Dans une des branches de l'artère hépatique deux ou trois graines de
tabac.
Bâte. Plaques blanchâtres par places et taches rougeâtres comme ec-
chymotiques dans leur voisinage.
Dans une des branches de la splénique, plusieurs graines de tabac.
Intestin. Dans la cavité péritonéale on aperçoit immédiatement une
espèce de magma de matières compactes, sortes de caillots mêlés à
d'autres substances (matières intestinales et débris de sphacèle). En
nettoyant ces caillots, il est facile de découvrir une anse intestinale
qui est complètement réduite en bouillie dans une étendue de 4 à 5 cen-
timètres, verdâtre et brunâtre, mêlée de sang, et qui offre une légère
odeur de sphacèle. L'intestin est enlevé, et l'on trouve en d'autres
places des altérations analogues, mais pas aussi avancées que la précé-
dente, et caractérisées par des plaques rougeâtres de l'intestin qui a
perdu à ce niveau sa consistance, et se déchire plus facilement. Ces
go
altérations affectent plusieurs anses de l'intestin grêle, et sont séparées
par des parties intestinales saines.
Le mésentère qui correspond à ces lésions est très-injecté, et sillonné
de traînées rouges qui suivent le trajet des vaisseaux. A ce niveau le
tissu est notablement épaissi.
Plusieurs petites branches de la mésentérique sont ouvertes (celles
qui correspondent à ces lésions nécrobiotiques), nous retrouvons dans
presque toutes des graines de tabac, et surtout dans celles qui se trou-
vent au niveau de l'anse intestinale mortifiée.
Beins. Leur surface présente des taches sales et des portions injec-
tées et ramollies. A l'extrémité de l'un d'eux en particulier on retrouve
une partie ramollie et presque réduite en bouillie brun rougeâtre, infiltrée
de sang. Les branches de l'artère rénale ouvertes montrent des obstrue
tions par des graines de tabac dans les branches qui correspondent à
ces infarctus hémorrhagiques. Les branches qui correspondent aux par-
ties saines du rein sont, au contraire, parfaitement libres d'oblitération.
ANALYSE DE CES EXPÉRIENCES.
Rarement, comme on peut le voir par la lecture de ces expériences,
nous avons pu obtenir l'oblitération des artères cérébrales, l'injec-
tion se portait dans l'aorte descendante, et ne donnait lieu qu'à des
infarctus des viscères abdominaux. Cependant deux fois (exp. VIII,
IX) nous avons été assez heureux pour obtenir cette simultanéité de
lésions. Cette preuve nous suffit pleinement, et les autres expériences
nous ont permis d'étudier la formation des infarctus viscéraux et de
la comparer à celle du ramollissement cérébral (1).
Quand l'injection était faible, les symptômes immédiats observés
étaient fort peu sensibles, et les lésions anatomiques se sont bornées
souvent dans ces cas à des infarctus des reins; quelquefois l'animal
semblait éprouver dans les premières heures des douleurs dans la
région lombaire; deux fois nous avons remarqué qu'il se tenait
comme bossu, était triste et semblait souffrir eu marchant (exp. IX, X).
Pouvait-on attribuer cette attitude et cette tristesse à des lésions
viscérales, ou étaient-elles le résultat de l'opération et de la souf-
france causée par les liens constricteurs employés pour le mainte-
nir? C'est ce que nous ne pouvons décider.
Dans plusieurs cas, les accidents furent plus considérables, l'ani-
(1) Voy. dans la seconde partie de ce travail des expériences analo-
gues que nous avons faites depuis.
81
mal so débattit, poussa dos rris, tom])a bientôt dans l'al)attGmGnt et
mourut; il existait alors des lésions viscérales graves, comme nous
le vîmes à l'autopsie.
L'albuminurie a été signalée comme un résultat des infarctus des
reins; nous n'avons pas fait pendant la vie des recherches à cet
égard ; mais dans une autopsie faite (exp. VU) dix heures environ
après la mort, l'urine contenue dans la vessie était très-albumineuse.
Il est vrai que la constatation post inortcm d'urines albumineuses
n'offre pas autant de valeur que si ce symptôme avait été signalé
pendant la vie.
Quant aux lésions que nous avons trouvées à l'autopsie, elles sont
variées, mais dans tous les cas nous avons retrouvé des infarctus de
la rate et des reins, ce qui exphque la fréquence de cette lésion
chez l'homme par rapport aux autres organes.
Passons en revue ces lésions trouvées dans les divers organes.
Cerveau. — Dans les cinq expériences de cette deuxième série,
deux fois seulement des graines de tabac ont pénétré dans les artères
cérébrales et ont déterminé le ramollissement du cerveau. Dans l'ex-
périence Vlll, la mort a été rapide; le ramollissement était rosé, la
substance cérébrale encore assez consistante. Les lésions présen-
taient, en un mot, une parfaite identité avec celles que nous avons ob-
servées après l'injection de graines de tabac dans le bout périphéri-
que d'une carotide quand la mort était rapide. Dans l'expérience IX,
nous avons obtenu ce que nous recherchions; l'animal a survécu
à l'expérience, et nous Tavons sacrifié au bout de dix jours; chez cet
animal existait un foyer de ramollissement rouge framboise, dans
lequel on retrouvait une grande quantité de granulations graisseuses
et de corps granuleux.
Cœur. — Dans un cas (exp. VIII) nous avons trouvé l'artère coro-
naire antérieure oblitérée par des graines de tabac, et sur une des
colonnes charnues du ventricule gauche se trouvait une tache rosée,
comme ecchymotique (infarctus;. Les fibres musculaires ne nous ont
pas paru altérées à ce niveau, la lésion était d'ailleurs très-légère. La
pointe du cœur était un peu pâle. Des altérations analogues ont déjà
été signalées par M. Panum (1) ainsi que par M. 0. Weber (2) à la suite
(i) Ouvr. cit., p. 89 et 99, exp. I et V.
(2) Ouvr. cil., p. 86 et suiv.
MÉM. 6
82
d'injections de pus dans les veines. Le pus, d'après cet auteur, pour-
rait passer à travers les capillaires pulmonaires dans les veines pul-
monaires, et de là être lancé dans la circulation artérielle et y ame-
ner des coagulations et des phénomènes métastatiques; opinion qui
a déjà été avancée par A. Schmidt (1) et par quelques autres auteurs.
Foie. —Nous y avons rencontré aussi quelques exemples d'infarc-
tus maisàun degré peu avancé; ils étaient caractérisés par des taches
pâles présentant par places et à leur circonférence un pointillé rouge.
L organe était dans ces cas assez généralement congestionné. Nous
avons retrouvé des oblitérations dans les branches de l'artère hépa-
tique (exp. X, XI).
Rate. — Dan s presque toutes nos expériences la rate nous a présenté
un ou plusieurs infarctus. Quand la mort était survenue prompte-
nient les infarctus étaient formés par des taches de coloration rouge
brunâtre, faisant saillie à la surface de l'organe et présentant des
bords nettement limités (Voy. pi. 11, lig. 9) ; à la coupe, la substance
spléuique offrait un ramollissement manifeste (exp. VII, VIIl, X, XI).
Nous avons retrouvé chaque fois que nous l'avons recherché les
branches des artères spléniques correspondant à ces parties oblité-
rées par des graines.
L'examen microscopique des lésions de la rate est très-difficile vu
le peu de consistance de l'organe et vu la forme peu déterminée de
ses éléments , aussi ne nous a-t-il rien fourni d'intéressant à si-
gnaler.
Quand la lésion était plus ancienne (exp. IX) les parties frappées
d'infarctus étaient plus blanches, plus indurées, et présentaient même
une certaine rétraction.
Intestin. — Deux fois nous avons pu observer une gangrène de
l'intestin grêle très-étendue dans un cas (exp. VIIl) et assez avan-
cée dans un autre (exp. XI) pour avoir causé la perforation de
l'organe. Dans l'expérience VIII l'intestin rouge brunûli'e olfrait un
tissu mou, facile à déchirer; tout indiquait une gangrène imminente.
Dans ces deux cas le péritoine contenait du sang et du putrilage, les
vaisseaux mésentériques très-visibles étaient très-injectés et avaient
même laissé transsuder par places du sang qui formait des caillots
allongés accumulés le long de ces vaisseaux. C'était évidemment là
(1) Dubois und Reicherl's, Aucniv., 18GI,
83
la cause de l'hémorrhagie péritonéale. Cette gangrène a été très-pro-
bablement la cause de la mort dans ces deux expériences.
Membres. — Nous n'avons point eu de cas de gangrène des
membres.
Moelle épinière. — Le plus souvent aucun symptôme môdullaii-c
ne s'étant manifesté pendant la vie, nous avons négligé d'ouvrir le:
canal rachidien, opération longue et difficile.
Cependant dans un cas (exp. IX) où l'animal avait présenté au début
quelques symptômes de paraplégie peu précis, pouvant peut-être
se rapprocher de la claudication intermittente, nous avons examiné
la moelle qui était parfaitement saine. En se reportant à l'observa-
tion II, on verra que nous avions observé chez un lapin un ramol-
lissement peu certain il est vrai de la moelle. M. Panum en cite d'ail-
leurs plusieurs exemples, et M. Vulpian (1) a eu l'occasion d"eu obser-
ver un chez un chien mort vingt heures après une injection chargée
de poudre de lycopode faite dans le bout central de l'artère crurale.
Reins. — Ce sont ces organes qui nous ont donné les lésions les
plus remarquables et les plus fréquentes ; car dans toutes les expé-
riences de cette seconde série les reins présentaient des infarctus.
Nous devons d'abord dire que dans tous les cas nous avons trouvé
une oblitération de l'artériole correspondant à l'infarctus. Quand la
proportion des graines qui avaient pénétré dans ces artérioles était
peu considérable, nous n'en avons pas trouvé dans les grosses bran-
ches de l'artère rénale, mais elles avaient été se loger dans les petits
rameaux et ordinairement à l'endroit où ces rameaux pénètrent dans
la substance corticale.
Le moyen le plus simple de trouver l'oblitération est de faire d'a-
bord une coupe de l'organe de manière à le diviser en deux moitiés
et à couvrir le bassinet; cela fait, la portion de l'organe qui fait
saillie dans le bassinet est sectionnée, ainsi que les calices, ce qui
permet alors de découvrir lartère, de suivre son trajet, de la dissé-
quer et de l'ouvrir.
Les graines de tabac sont quelquefois visibles par transparence ;
mais quand elles sont logées dans de petites branches il faut une cer-
taine habitude pour les découvrir. Au début de nos recherches nous
avions quelquefois une assez grande difficulté à retrouver l'oblitéra-
(1) Ouvr. cit., p. 13.
84
tiof!, mais dans nos dornïères expériences en suivant le procédé que
nous indiquons ci-dessus, nous y arrivions facilement. C'est là un
fait sur lequel nous devons attirer l'attention et qui démontre que la
recherche d'une oblitération artérielle n'est pas toujours une chose
très-simple et que souvent l'oblitération peut échapper si la recherche
n'est pas minutieuse. Bien des cas pathologiques doivent donc par
analogie être rapprochés de ceux dans lesquels l'oblitération vascu-
laire a été démontrée, lors même que l'oblitération n'y a pas été
trouvée, car elle peut quelquefois échapper même à un œil exercé.
Les infarctus des reins sont surtout manifestes quand on décorti-
que l'organe. Ce soin préalable est nécessaire, quoique la lésion ap-
paraisse déjà par transparence au travers de la capsule de Glisson.
Quand la mort de l'animal est survenue peu de temps après l'in-
jection, nous avons trouvé sur l'organe décortiqué des taches pâles,
présentant des bords sinueux el entourées de parties fortement con-
gestionnées. Quelquefois au centre de la partie se trouvait un piqueté
de congestion. A la coupe la substance rénale offrait au niveau des
infarctus une consistance moindre que dans les autres parties de
l'organe et môme était quelquefois réduite en une sorte de bouillie;
on voyait en outre à la coupe les pyramides correspondant à la partie
anémiée de la substance corticale, très-fortement injectées et formant
des cônes rouges dont la base se dirigeait vers la surface et le som-
met vers le bassinet.
L'examen microscopique de ces infarctus récents nous y fit voir
des débris de tubes rénaux mélangés de globules sanguins; les tubes
ne présentaient pas un nombre de granulations graisseuses plus con-
sidérable que ceux du reste de l'organe. Nous trouvions quelquefois
quelques tubes isolés remplis de granulations graisseuses; mais chez
le chien cette particularité se retrouve même à l'état sain et ces tubes
gras isolés se retrouvaient aussi bien dans la partie saine que dans la
partie malade de l'organe.
Quand l'animal survécut plus d'un jour, les altérations rénales de-
venaientbien plus manifestes. La surface de l'infarctus, au lieu d'être
plutôt saillante comme dans le premier cas, était efTacée, quelquefois
môme légèrement excavée, comme si l'organe avait subi un certain
degré de rétraction à ce niveau, ce qui se montra surtout évident
chez le chien que nous gardâmes dix jours vivant après l'opération
(exp. IX). La surface de l'infarctus était alors plus pâle encore que
85
dans les premiers cas et avait pris une coloration jaunâtre qui tran-
chait avec la couleur du reste de l'organe. A la coupe on retrouvait
encore les cônes injectés entourant l'artère oblitérée.
A l'examen microscopique les tubes étaient opaques, souvent dis-
sociés et remplis de granulations (exp. VII, X). Nous les avions con-
sidérées comme graisseuses, mais nous n'avions pas, il est vrai, fait
les mêmes recherches que pour les infarctus rénaux obtenus dans
l'expérience IX, en sorte que ces granulations pourraient bien n'être
pas graisseuses, mais calcaires comme dans rexpérience IX. Nous
ne pouvons rien dire de précis à cet égard, car quand nous avons dé-
couvert rinci ustation des tubes de Texpérience IX, les reins de nos
précédentes expériences avaient macéié dans l'acide chromique et
étaient altérés, ce qui ne nous a pas permis d'en faire un examen
complet.
L'expérience IX nous a présenté, comme nous le disons, une alté-
ration assez remarquable, dont nous avons entretenu la Société de
biologie dans une précédente communication. La surface de ces in-
farctus était rétractée, formée d'un tissu dur, criant un peu sous le
scalpel ; cette partie indurée ne se prolongeait pas en profondeur au
delà de la substance corticale. L'examen microscopique de ces par-
ties montrait que les taches et les glomérules étaient remplis de gra-
nulations moléculaires demi-trans'parentes, ou quelquefois de masses
amorphes demi-ti'ansparentes aussi, dont la réfringence était moin-
dre que celle de la graisse.
En les traitant par la soude caustique, elles ne subissaient aucune
modification, ce qui prouvait qu'il ne s'agissait pas de fibrine en voie
de régression. En les traitant par des acides, il se produisait une
effervescence, les granulations disparaissaient et il se formait ae
nombreux cristaux de 5M//a^e, de tartrate, d'acétate de chaux, selon
que nous avions employé deVacide sulCurique, de Vacide tartrique ou
de Vacide acéficiiic pour déplacer l'acide carbonique. Ces granulations
étaient donc composées par du carbonate de chaux.
L'incrustation de sels calcaires dans d'anciens infarctus a déjà été
remarquée et nous avons nous-même eu deux occasions d'en observer
à la Salpètrière depuis notre expérience ; nous avons d'ailleurs pré-
senté tout dernièrement à la Société de biologie une note relative à
l'un de ces deux cas. (Voy. pi. 1, fig. 6 et 7.) Mais d'habitude celte
altération se rencontre dans les infarctus déjà anciens, et il est
86
assez remarquable dans notre expérience de la trouver dix jours
après la production de l'infarctus.
Nous avons trouvé quelquefois des infarctus dans lesquels le tissu
rénal était transformé en une bouillie rougeâtre (exp. VII, VIII,
XI), on retrouvait à l'examen microscopique dans la plupart de ces
cas des débris de tubes, des globules sanguins et des globules
pyoides. Enfin, dans une de nos expériences ^IX), dans laquelle le chien
avait survécu dix jours, le foyer contenait du véritable pus. Nous
pouvons rapprocher ce fait de l'expérience VI dans laquelle nous
avons eu un ramollissement cérébral purulent et nous avons insisté
à ce sujet sur la suppurPition possible des infarctus, signalée par
plusieurs auteurs dans leurs expériences, et que l'on a si rarement,
si ce n'est jamais, l'occasion d'observer chez l'homme.
APPENDICE A LA PARTIE PHYSIOLOGIQUE.
DE LA CONGESTION QUI ACCOMPAGNE LES INFARCTUS.
Dans les expériences que nous venons de rapporter, notre atten-
tion a été vivement appelée sur les phénomènes congestifs qui se
l)roduisent consécutivement aux oblitérations artérielles, et qui se
sont montrés à nous avec la plus grande netteté.
On admet généralement que lorsqu'une branche artérielle vient à
èti'c oblitérée, la partie à laquelle elle se distribue s'anémie et pré-
sente par places un piqueté hémorrhagique semblable à de l'apoplexie
capillaire, tandis que tout autour s'établit une forte congestion.
Occupons-nous d'abord de cette congestion péripbérique. Elle s'é-
tablit en très peu de temps; chez des chiens qui avaient succombé
quatre ou cinq heures après l'opération, elle était déjà intense, exis-
tait dans les deux substances du rein (1), et s'accompagnait de tumé-
faction.
Lorsque les chiens survivent plus longtemps, cinq ou six jours
(1) Nous avons pris le rem comme type de ces phénomènes, parce
qu'ils s'yprésontent plus nettomcntque partout ailleurs. Il nous semble
permis de penser que les troubles circulatoires consécutifs à une obli-
tération artérielle sont analogues dans les autres organes et dans le
cerveau en particulier; nous croyons donc ne pas nous être trop éloi-
gnés de notre sujet.
87
par exemple, lu congestion disparaît d'abord dans la substance cor-
ticale; elle persiste plus longtemps dans la substance médullaire, où
elle se présente sous la forme d'un cône vineux qui entoure l'artère
oblitérée.
Dans un cas seulement (exp. IX), dix jours après l'opération, un
infarctus présentait à sa périphérie une injection considérable avec
tuméfaction des deux substances ;mais il s'était formé du pus autour
de l'infarctus, et cette congestion était évidemment inflammatoire.
Doit-on considirer aussi la congestion qui se fait au début comme
un phénomène intlainmatoire, vital, dépendant d'une action vaso-mo-
trice, ou bien n'est-ce qu'un résultat mécanique de l'oblitération ar-
térielle?
Telles sont, en effet, les deux théories que l'on trouve exposées par
les auteurs qui se sont occupés de ce sujet. Ainsi Rokitansky attri-
bue la congestion périphérique, ainsi que l'injection de l'infarctus
lui-même, à une fluxion collatérale, tandis qu'Oppolzery voit un pro-
cessus inflammatoire.
Mais ces auteurs n'ont pas, que nous sachions, appuyé leurs asser-
tions par des expériences ni par des observations bien concluantes.
La théorie de la congestion inflammatoire est fondée sur une analo-
gie entre les parties frappées de nécrobiose et les eschares, et la con-
gestion est assimilée à l'inflammation élimiuatrice.
Rokitansky et les auteurs qui admettent la théorie mécanique disent
simplement que le sang, ne pouvant plus passer par l'artère obhté-
rée, fait effort contre les parois de l'artère, dilate les collatérales et
se distribue en plus grande abondance au réseau capillaire où elles se
terminent, d'où la congestion.
Dans un ouvrage récent, où les phénomènes de la circulation sont
étudiés avec soin, M. Weber (t) établit : 1" que lorqu'une artère est
oblitérée, la pression au niveau de la ligature augmente et devient
égale à la pression qui existe à l'origine de l'artère; 2" que lorsqu'un
certain nombre de capillaires sont oblitérés, la pression augmente
dans l'artère qui s'y distribue et dans les capillaires qui sont restés
perméables.
Tels sont aussi les résultats auxquels nous étions arrivés; mais
M. Weber ne cite pas d'expériences, ne donne pas d'explication méca-
■— ■ - ■ »...^ . l.^..■l— m, ■ — n». i, » — _.. .,— -■■, -_... -.... ^-iu.>^a4
(1) {Loc. cit.)
88
nique qui nous aient paru tout à fait satisfaisantes. Aussi lalecture de
son article ne nous a pas erapôclié de publier les recherches qui nous
avaient conduit aux mêmes conclusions.
Rappelons d'abord deux théorèmes d'hydrodynamique sur lesquels
repose l'exphcation des faits que nous allons démontrer expérimen-
talement :
1° Lorsqu'un tube reçoit à l'une de ses extrémités un liquide aune
certaine pression et le laisse échapper librement par l'autre extré-
mité, la pression diminue d'un bout à l'autre du tube, suivant une
progression arithmétique.
Ce théorème est applicable assez exactement au système artériel;
la tension du sang dans les veines étant relativement très-faible, on
peut considérer que tout se passe comme si le sang s'échappait libre-
ment par les capillaires. (Voy. Marey, Physiolog. méd. de la cire, du
sang, p. 145, Paris, 1863.)
INous insistons sur ce théorème, parce que nous verrons tout à
l'heure que si, comme l'avait avancé M. Poiseuille (1), la pression
était la même dans toutes les parties du système artériel, on devrait
conclure que la ligature d'un tronc n'augmente pas la pression en
amont de la ligature.
2° Si l'on rétrécit, dans une partie de son trajet, un tube dans le-
quel circule un liquide, la pression augmente en amont du rétrécis-
sement.
Soit maintenant un tube élastique en caoutchouc ÂB divisé en B
en quatre branches, dont deux plus volumineuses BC et BD qui se
bifurquent toutes deux en C et en D.
Un liquide est poussé en A au moyen d'un irrigateur.
Si le liquide s'écoule librement par toutes les branches, la pression
(1) Becherclies sur la force du cœur aor tique. M. Poiseuille rapporte,
entre autres, l'expérience suivante : Si l'on adapte un manomètre à la
carotide près de son origine, et un autre manomètre dans une petite
collatérale de l'artère fémorale, on constate une tension identique des
deux côtés; d'où M. Poiseuille conclut que la force avec laquelle se
meut une molécule de sang dans tout le trajet du système artériel
aortique est exactement la même en quelque point de ce trajet qiCon
la considère. Ce résultat était inexact, ainsi qu'on peut s'en assurer au
moyen d'un manomètre différentiel communiquant avec deux artères
inégalement distantes du cœur. (Voy. Marey, p. H5.)
89
diminuera progressivement d'un bout à l'autre du tube, de telle sorte
que si nous représentons la pression en AparP, la pression en B par
P', la pression en D et en G par P", nous aurons P > P' > P". Si main-
C3p;
B (P'j
v>
r
ri
j w i B R A R Y i 3ol
tenant nous fermons l'orifice 1, la pression augmentera dans tout le
système, comme on peut le voir au moyen d'un manomètre placé à
l'une quelconque des extrémités FGH; seulement l'augmentation sera
beaucoup plus considérable dans la branche collatérale DH.
Notons que cette augmentation de pression n'est pas momentanée;
elle persiste tant qu'on tient fermé l'orifice I.
Voici, selon nous, quelle en est l'explication mécanique :
Un manomètre étant placé à l'extrémité H, le liquide contenu dans
la branche DH est immobile et transmet au manomètre une pression
égale à P". Si nous fermons l'orifice I, le liquide se trouvera immobi-
lisé dans toute l'étendue de la branche BI; la pression se transmet-
tra dans tous les sens également, suivant les lois de l'hydrostatique.
La pression en D sera donc égale à P'; elle aura donc augmenté
de P' - P".
On peut s'assurer, au moyen d'un manomètre dilTéi'ontiel forme
d'un tube en U à demi rempli de mercure et adapté par ses deux ex-
trémités aux branches DH et BL, que quand roriliccl est ouvert, la
90
pression est plus considérable en B, et que l'équilibre se rétablit
quand on suspend l'écoulement du liquide en I.
Nous avons dit tout à l'heure que quand on fermait l'orifice I, la
pression en D devenait égale à P' ; ce n'est pas tout à fait exact, elle
est supérieure, car la pression a augmenté dans tout l'appareil; la
pression en B est devenue plus grande que P'.
Cette augmentation s'explique aisément par le second des deux
théorèmes que nous avons énoncés plus haut : qu'on rétrécisse un
tube ou qu'on oblitère Tune de ses divisions, on doit produire dans
les deux cas une augmentation de pression au-dessus de l'obstacle.
Pour rendre l'expérience plus évidente, nous avons adapté en ou-
tre un manomètre diftërentiel aux extrémités G et H; si l'on ferme
l'orifice I, le manomètre indique un excès de pression en H, et ré-
ciproquement, si l'on ferme l'orifice F, il y aura excès de pression
en G.
11 nous semble donc résulter de tout ce qui précède que lorsqu'une
artère est oblitérée et le sang qu'elle contient à peu près immobile,
la pression doit devenir sensiblement égale dans toute la partie de
l'artère comprise entre son origine et le point où elle est oblitérée;
il y a donc, relativement à l'état normal, une augmentation de pres-
sion d'autant plus grande qu'on se rapproche de Poblité ration, con-
séquemment il doit se faire, par les seules lois de la mécanique, une
fiuxion collatérale, dans les petites branches qui naissent au voisi-
nage de l'oblitération. Mais cette fluxion est-elle assez énergique pour
qu'on soit en droit de lui attribuer cette congestion intense que l'on
observe autour des infarctus? Ce qu'on ne peut nier, c'est qu'elle ait
une certaine part dans la production de ce phénomène.
D'autre part on sait, et nous en avons la preuve dans deux de nos
expériences (Exp. YI, IX), qu'une inflammation consécutive peut s'é-
tablir autour des parties frappées de nécrobiose; nous sommes donc
autorisés à conclure que chacune des théories est applicable à un cer-
tain nombre de faits; nous pensons que la théorie mécanique doit
expliquer la congestion qui s'établit au début et qui disparait quand
les voies collatérales sont suffisamment dilatées.
Cette dilatation des collatérales, de même que celle qu'on observe
après les ligatures artérielles, nous paraît aussi devoir trouver son
explication dans l'augmentation dépression dont nous venons d'indi-
quer les causes.
91
Nous n'avons que peu de chose à ajouter à propos de la congestion
et du piqueté hémorrhagique qui s'établit dans l'épaisseur même de
l'infarctus; phénomènes qui présentent encore une grande obscurité.
Nous sommes disposés à adopter les opinions que M. Lancereaux
a développées dans sa thèse (p. 21), et à attribuer à l'altération
du tissu les dilatations et les ruptures des capillaires dont les parois
malades ne peuvent plus résister à la faible pression du sang contenu
dans les veines, et qui est alors animé d'un mouvement rétrograde.
Ce sont d'ailleurs les opinions de MM. Virchow et Cohn (1).
Quoi qu'il en soit, il se rencontre dans bien des cas des phéno-
mènes fort diflicilesà interpréter. Gomment expliquer la tuméfaction
qui se produit dans les points correspondants aux artères oblitérées,
tuméfaction si remarquable dans la rate?
Cette tuméfaction s'est montrée à nous avec la plus grande évidence
dans une expérience que nous avons faite dernièrement ; nous avons
ouvert l'abdomen d'un chien, de façon à avoir sous les yeux les vis-
cères abdominaux, puis nous avons injecté de la graine de tabac par
le bout central d'une crurale. Au bout d'une minute environ, une
plaque saillante s'est produite à la surface de la rate, et s'est rapide-
ment agrandie, de façon à présenter l'étendue d'une pièce de deux
francs; ses bords étaient saillants comme ceux d'un érysipèle.
Cette plaque présentait la même coloration que le reste de l'organe.
Nous avons pu nous assurer que la branche artérielle correspondante
était oblitérée. Sur les reins, des plaques ecchymotiques se sont pro-
duites çà et là; mais il nous est difficile de préciser si c'était dans les
parties alimentées par l'artère oblitérée, ou dans les parties immé-
diatement voisines.
Nous avons rapporté ces faits qui nous paraissent intéressants, mais
il nous semble impossible d'en donner une explication rationnelle
dans l'état actuel de la science.
(1) Tous les auteurs ne sont pas d'accord sur la fréquence de cette
hyperémie. Ainsi Beckmann (Arciuv. von Virchow, XX, p. 217) avance
que dans les infarctus viscéraux il se produit d'abord de la pâleur qui
peut être remplacée plus tard par une hyperémie due à la fluxion colla-
térale; tandis que Rokitansky etCohn établissent que l'infarctus débute
constamment par de la congestion.
92
CONCLUSIONS.
L'étude que nous venons de faire, l'analyse de nos expériences
nous amène donc à dire : 1° que l'injection de poudres fines telles,
par exemple, que la poudre de lycopode, amène une mort prompte,
une apoplexie subite et que l'autopsie ne révèle généralement pas de
lésions appréciables, de ramollissement, voulons-nous dire; 2° que
dans le cas d'injection de corps plus volumineux, au contraire, la
mort se faisant attendre plus longtemps, on peut observer des lésions
bien nettes; et soit dans l'encéphale, soit dans les oi'ganes abdo-
minaux, ces lésions peuvent se rapprocher, s'identifier même à celles
que l'on rencontre chez l'homme; 3° que consécutivement aux obli-
térations artérielles il se produit habituellement de l'hyperémie et
de la tuméfaction, phénomènes qui pourraient être pris pour un
processus inflammatoire, et qui cependant sont d'une toute autre na-
ture quelle qu'en soit l'explication mécanique.
DEUXIÈME PAUTIE.
Dans cette seconde partie, nous nous occuperons de l'analyse de
nos observations. Une première section sera consacrée à l'étude des
lésions anatomiques et de la nature du ramoUissement ; dans une
seconde section nous traiterons de quelques symptômes du ramollis-
sement sur lesquels nos observations et nos expériences ont paru jeter
quelque lumière.
SECTION I. - ÂNATOMIE PATHOLOGIQUE ET NATURE.
CHAPITRE I.
RAMOLLISSEMENTS PAR OBLITÉRATION ARTÉRIELLE CONSTATÉE.
Nous pensons que le meilleur moyen de décrire le ramollissement
cérébral et d'arriver à la connaissance de sa nature est de commencer
par l'analyse des observations dans lesquelles l'oblitération artérielle
a été constatée à l'autopsie, faits qui peuvent s'identifier avec les ra-
mollissements cérébraux que nous avons obtenus expérimentalement
sur des animaux.
Ces observations nous fourniront une base certaine sur laquelle
93
nous pourrons nous appuyer pour étudier les autres faits que nous
possédons.
Ces observations sont au nombre de 14 ; elles nous fournissent des
exemples de ramollissements cérébraux par obstruction artérielle, à
des degrés d'ancienneté fort diiïérents; aussi nous permettent-elles
de suivre ce processus dans tout son développement : souvent, sur le
même sujet, se trouvent réunis plusieurs ramollissements d'époques
différentes, qui ne sont, comme les infarctus des viscères, que les
preuves de la persistance d'une même cause qui a pu produire ces ra-
mollissements successifs et ces infarctus.
§ I. — Ramollissements récents.
Dans les cas où la mort est survenue promptement, nous retrou-
vons à l'autopsie un ramollissement qui répond à la description que
les auteurs ont donnée du ramollissement cérébral récent. L'hémi-
sphère cérébral où siège l'altération, si cette altération est étendue,
s'affaisse sur lui-même et présente même quelquefois comme une
demi-fluctuation ; les circonvolutions sont déprimées et les anfrac-
tuosités moins marquées et moins profondes qu'à l'état normal. A la
coupe les portions ramollies offrent généralement l'aspect d'une pulpe
diffluente, facilement entraînée par le lavage et présentant très-habi-
tuellement une coloration rosée et môme vineuse, comme ecchymo-
tique et poiutillée d'apoplexie capillaire.
Nous avons déjà parlé [ipremière partie. Appendice) de cette colora-
tion rouge répandue généralement dans le ramollissement cérébral
comme dans les infarctus ; aussi n'insisterons-nous pas ici sur ce
phénomène.
A l'examen microscopique on aperçoit seulement une dissociation
des éléments nerveux ; on retrouve des débris de tubes nerveux, du
sang extravasé, de la moelle nerveuse en gouttelettes, mais généra-
lement pas encore de corps granuleux bien nets. On trouve, déplus,
certaines altérations des capillaires sur lesquelles nous reviendrons
plus loin.
Nous pouvons donner comme exemples de ces ramollissements ré-
cents par oblitération certaine les observations suivantes, qui offrent
une identité remarquable avec nos expériences d'injection de graines
de tabac. Deux dentre elles présentent des infarctus viscéraux, ce
qui complète encore l'analogie.
94
ATTAQUE APOPLECTIQUE (mORT APRÈS DEUX JOURS ET DEMl) ; HÉMIPLÉGIE GAUCHE;
DÉVIATION DES YEUX A DROITE; RAMOLLISSEMENTS RÉCENTS (a DROITe), ANCIENS
(a gauche); OBLITÉRATION DE LA CÉRÉBRALE MOYENNE DROITE; AORTE ATHÉ-
ROMATEUSE.
Obs. I.— F... (Marie), 84 ans, entre le 31 décembre 1864, salle Saint-
Mathieu, 10, infirmerie de la Salpôtrière, service de M. Vulpian. Meurt
le 17 février 1865.
Cette femme, qui est déjà venue plusieurs fois à Tinfirmerie pour des
bronchites, présente un emphysème pulmonaire très-considérable avec
complication de bronchite aiguë. Accès violents de dyspnée.
Cœur. Rien; pouls petit, fréquent, 100 pulsations. Elle ne signale au-
cune hémiplégie ancienne.
Le 15 février 1865, la malade, qui avait bien dormi pendant toute la
nuit, se plaint ce matin, à huit heures et demie, de ressentir des étour-
dissements ; elle dit qu'elle ne voit pas clair et qu'elle n'a pas de raison.
Elle n'a pu manger ce matin. On ne constate rien de particulier; pas
de paralysie.
A neuf heures, attaque apoplectique. Hémiplégie gauche.
Tête penchée du côté gauche.
Face déviée à droite. Paralysie du buccinateur gauche. Langue très-
embarrassée. On comprend à peine ce qu'elle dit. Elle ne peut tirer la
langue.
Les yeux sont tous les deux portés à droite, et ce n'est qu'à grand'-
peine qu'elle les tourne un peu du côté gauche, les pupilles ne dépas-
sant pas le milieu des ouvertures palpébrales. Pupilles égales.
Membres gauches. Molilité presque complètement détruite ; le bras
soulevé retombe inerte. Elle remue cependant très-légèrement quand
on la pince (peut-être action réflexe).
Sensibilité très-obtuse.
Intelligence diminuée ; la malade comprend cependant ce qu'on lui
dit et cherche à y répondre.
Urines non alburaineuses.
16 février. L'état s'aggrave, la déviation oculaire subsiste. L'intelli-
gence est cependant encore conservée.
17 février. Résolution générale. Coma. Les yeux ne sont plus déviés.
Pupilles un peu contractées, égales. Urines non albumineuses. Mouve-
ments réflexes des deux bras, les épaules se soulèvent quand on pince
la peau de l'avant-bras gauche. Mort à dix heures du matin.
Autopsie. — 18 février. — Cavité crânienne. Artères cérébrales. Ar-
tère basilaire saine, à peine athéromateuse. Terminaison des carotides
internes très-athéromateuse. Artère cérébrale moyenne droite oblitérée
95
par un caillot iirisâtre, un peu grenu et adhérentà la paroi. Rien de sem-
blable dans Tarière cérébrale moyenne gauche.
Hcmisphcre droit. Lobes moyen et postérieur ramollis superficielle-
ment au niveau de leurs faces latérales, A la coupe on constate un ra-
mollissement pulpeux du tiers postérieur de l'hémisphère. Le corps
strié offre un ranmllissement récent s'étendant jusqu'à la partie externe
de la couche optique qui est saine, et passant au-dessous d'elle.
Hémisphère gauche présente aussi un ramollissement superficiel ré-
cent siégeant en arrière de la scissure de Sylvius. Sur le lobe postérieur
à l'union des trois quarts antérieurs avec le quart postérieur de cet hé-
misphère, on trouve quelques circonvolutions détruites par un ancien
ramollissement: il y a là une cavité arrondie de 3 centimètres environ
de circonférence, dont les parois sont revêtues par des membranes af-
faissées de teinte grisâtre, et l'on aperçoit en certains points au fond de
la cavité la substance blanche à nu. Au niveau de la partie ramollie ré-
cemment, dans ce même hémisphère gauche, existent plusieurs petits
foyers d'apoplexie capillaire siégeant principalement dans la substance
grise au voisinage de la substance blanche.
Corps slrîé gauche. Pas de ramollissement. Petite lacune dans le
noyau lenticulaire. Couche optique saine.
Rien dans les pédoncules, les tubercules quadrijumeaux, la protu-
bérance, le bulbe ni le cervelet.
Cavité thoraciqiie. Poumons. Emphysème très-prononcé des deux
poumons, bronches injectées remplies de muco-pus.
Cœur. Valvules sufïisan-tes ; un peu d'épaississement de la valvule
mitrale, surtout sur ses bords libres. Pas de rétrécissement de l'orifice.
Un peu d'induration de la base des valvules sigmoïdes. Pas de caillot
ancien dans ses cavités.
Aorte. Très-athéromateuse, surtout l'aorte abdominale, où se trouvent
de nombreuses ulcérations recouvertes deboueathéromateuse.
Carotides à peu près saines.
Foie, rofe, reitis, utérus. Sains.
Le microscope a montré de nombreux corps granuleux dans le tissu
de l'ancien ramollissement. Il n'y en avait pas, au contraire, dans le ra-
mollissement récent.
On a examiné aussi le caillot de l'artère cérébrale moyenne du côté
droit. Il est un peu adhérent à la paroi, se prolonge dans les branches
de la cérébrale moyenne. Il n'est pas ramolli au centre et par consé-
quent est assez récent. 11 est constitué par de la fibrine à l'état granu-
leux, contenant des globules rouges et des globules blancs peu nom-
breux, dont quelques-uns sont granuleux.
II nous somble permis de rattacher le ramollissement récent de
l'hémisplière droit à l'oblitération de la sylvienne de ce côté. Cette
oblitération paraît avoir été causée par une coagulation sur place. En
effet, on ne trouve pas de point de départ embolique bien net, et l'état
fortement athéromateux des carotides à leur terminaison devait ra-
lentir le cours du sang et le disposer à se coaguler spontanément.
Il existe aussi un ramollissement du côté gauche où l'oblitération
artérielle n'a pas été constatée; mais nous avons déjà insisté, et nous
reviendrons encore sur la grande difiiculté qu'il y a à s'assurer de
l'intégrité de toutes les branches artérielles, en sorte que le résultat
négatif des recherches à ce sujet ne présente pas une très-grande
valeur.
Attaque apoplectique (vort rapide) ; ramollissement d'une partie du lobe
cérébelleux droit ; congestion de la protubérance annulaire ; obtu-
RATION DE l'artère basilaire PAR UN CAILLOT. (Observatlon due à M. lo
docteur Vulpian.)
Obs. II. — M... (Marie), 88 ans, entre le 8 décembre 1864, salleSaint-
Mathieu, 2, infirmerie de la Salpêtrière, service de M. Vulpian; meurt
le même jour.
Depuis un an environ cette malade avait souvent la face rouge; elle
était prise de fréquents étourdissements.
Le 5 décembre elle se plaignit d'en ressentir, et la surveillante s'a-
perçut qu'elle marchait moins facilement que d'habitude; elle put ce-
pendant travailler jusqu'au 7 décembre à cinq heures.
Le 8 décembre, à trois heures du matin, elle jette un cri; on se rend
près d'elle, et la trouvant dans le coma apoplectique, on la fait passera
Tinfirmerie.
Le matin à la visite, la malade est dans une résolution presque com-
plète; cependant le bras gauche exécute quelques mouvements sponta-
nés; le droit retombe comme une masse inerte.
Bouche déviée; commissure gauche légèrement relevée. Elle ne fume
pas la pipe.
Pupilles resserrées, surtout la gauche; légère divergence des axes
optiques.
La sensibilité est conservée dans les quatre membres; le pincement
provoque une agitation momentanée générale et une expression faciale
très-nette de douleur; mouvements réflexes manifestes dans les quatre
membres.
De temps en temps quelques mouvements convulsifs.
97
Respiration lente, stcrioreuse.
Le soir, résolulion coinplèle, agonie; raorl dans la soirée du 8 dé-
cembre.
Autopsie. — Cavilc crânienne. Pas de néo-membranes de la dure-
mère.
Artères de la base très-athéromateuses. L'artère basilaire, qui est
athéromateuse dans presque toute son étendue, contient un caillot qui
parait avoir déjà une certaine ancienneté; il est adhérent en quelques
points qui correspondent à une plaque athéromateuse; grisâtre à sa
surface, il est noir dans sa partie centrale; il est dur et rendait l'artère
résistante sous le doigt avant qu'on l'ait ouverte. Ce caillot obturait
évidemment l'artère basilaire ; il ne se prolongeait pas dans les artères
collatérales.
Les vaisseaux superficiels du cerveau, ainsi que les sinus de la dure-
mère, sont gorgés de sang.
Cerveau. Aucune lésion appréciable de la substance grise ni de la
substance blanche des hémisphères, non plus que des corps striés et
des couches optiques ; mais la protubérance, dans sa moitié supérieure
gauche, offre une légère diminution de consistance et une teinte rou-
geâtre.
Cerue/er. Ramollissement très-marqué et rougeâtre dans certainspoints,
occupant toute la moitié supérieure de l'hémisphère cérébelleux droit,
s'étendant jusqu'au sillon médian. Ce ramollissement ne dépasse guère
la substance grise; le noyau blanc a sa coloration et sa consistanG,e nor-
males. Les petits vaisseaux de la partie ramollie ne sont pas en général
altérés; on n'en trouve que quelques-uns qui présentent des traînées
de granulations graisseuses dans leurs parois ; pas de caillots, ni de
corps granuleux, ni de plaques de cholestérine à leur intérieur.
On ne retrouve pas de corps granuleux dans la substance cérébel-
leuse dont les éléments anatomiques paraissent sains.
Pas d'altération du bulbe rachidien des pédoncules cérébraux ni cé-
rébelleux.
Cavité tlwracique. Poumons congestionnés et légèrement emphysé-
mateux. Noyaux de pneumonie chronique aux deux sommets; pas de
tubercules.
Cœur. Insuffisance légère de l'orifice aortique; plaques athéroma-
teuses très-prononcées, avec épaississement et indurations calcaires des
valvules sia-moïdes.
Quelques petites végétations et plaques calcaires sur le bord adhé-
rent de la valvule mitrale.
Aorte fortement athéromateuse à son origine, où l'on trouve des points
MÉM. 7
98
ramollis pulpeux; on retrouve les mêmes altérations dans la crosse et
dans les parties thoraciques et abdominales.
Autres organes sains. Pas d'infarctus.
L'adhérence existant entre le caillot et les parois de l'artère basi-
laire pourrait empêcher d'attribuer à cette oblitération les accidents
rapides qui ont déterminé la mort; il paraît, en effet, impossible que
ces adhérences se soient établies aussi rapidement ; nous pensons
qu'un thrombus existaitlà depuis quelque temps, sans oblitérer com-
plètement l'artère. Les derniers accidents seraient alors dus, soit à
une coagulation sur place qui aurait achevé d'oblitérer iartère, soit
à une embolie, dont le point de départ se trouverait dans les athé-
ronies ulcérés de la crosse.
Nous appelons, en outre, l'attention sur l'hémiplégie, qui dépend
probablement du ramollissement de l'hémisphère cérébelleux droit,
et qui s'est montrée à droite du même côté que la lésion.
Ancienne hémiplégie faciale droite avec apbasie ; apoplexie mortelle
(un jour); hémiplégie gauche, ramollissement ancien de l'hémisphère
gauche (troisième circonvolution frontale et circonvolution marginale);
ramollissement pulpeux récent de l'hémisphère droit tout entier ;
rétrécissement mitral; caillot ancien ramolli dans l'oreillette gauche;
athéromes artériels; infarctus d un rein.
Obs. IIL — B... (.leanne Constance), 70 ans, morte le 17 juin 1865,
salle Saint-Vincent, 6, infirmerie de la Salpêtrière, service de M. le
docteur Fournier suppléant M. le docteur Vulpian.
En 1864, cette malade fut prise d'une hémiplégie faciale droite avec
perte presque complète de la parole, mais avec conservation de la con-
naissance. La mobilité et la sensibilité restèrent intactes dans les mem-
bres. Elle sortit de l'infirmerie en bon état le 27 décembre 1864, mais
ayant toujours conservé ses symptômes d'aphasie.
Le 13 juin 1865, la malade est prise en ville d'une attaque apoplec-
tique.
Le 14, à la visite, coma apoplectique. Stertor complet. Sensibilité
abolie des deux côtés; paralysie des deux buccinateurs.
Yeux dirigés tous les deux à droite; pupilles un peu dilatées, égales.
Arc sénile et cataractes peu avancées.
Hémiplégie gauche, paralysie complète avec flaccidité.
Respiration précipitée, ronflement guttural ; 52 respirations.
Elle meart dans la nuit du 15 au 16 juin, sans être sortie de ce coma
apoplectique.
99
Autopsie. — Cavité crânienne. Pas de néo-membranes de la dure-
mère.
Artères de la base athéromateuses; pas de caillots dans les grosses
artères; plusieurs petites branches sont oblitérées par des bouchons
formés en grande partie de matière granuleuse. Ce sont, à droite, des
branches de l'artère cérébrale postérieure et de la cérébrale antérieure,
et à gauche des branches de la sylvienne. Il est probable qu'il s'agit de
matière athéromateuse, mais peut-être de fibrine en voie de régression.
Cerveau. — Uémisphèrc droit. Ramollissement pulpeux, rouge par
places, de tout cet hémisphère; la pie-mère, qui ofTre une infdtration
œdémateuse considérable, surtout à la partie postérieure (probablement
suite du décubitus), est adhérente aux parties supérieures et antérieu-
res; quand on l'enlève, on arrache des parcelles de la substance ramol-
lie. Le ramollissement devient très-considérable dans la partie posté-
rieure du lobe occipital et le foyer communique avec le ventricule.
On remarque, en outre, un pointillé d'apoplexie capillaire situé dans
Tune des circonvolutions frontales et dans le lobule de l'insula, dont
la substance est aussi ramollie.
Le ramollissement de eet hémisphère est partout récent; il présente,
en effet, une coloration rouge, et l'on n'a pu y trouver de corps granu-
leux.
Hémisphère gauche. Membranes à peine adhérentes; ancien foyer de
ramollissement jaune qui occupe la partie la plus postérieure de la troi-
sième circonvolution frontale, mais surtout la partie inférieure desdeux
circonvolutions marginales, qui sont à peu près détruites à ce niveau.
Ce ramollissement s'étend aussi sur les deux circonvolutions antérieures
du lobule de linsula, ainsi que sur la partie antérieure du lobe sphé-
noïdal. On retrouve dans ces parties une quantité énorme de corps gra-
nuleux et un tissu comme granuleux contenant de rares tubes nerveux.
Pas d'atrophie descendante du bulbe ni des pédoncules. (La moelle n'a
pas été examinée.) Le cerveau ayant été conservé dans l'alcool à cause
des symptômes d'aphasie, les parties profondes n'ont pu être examinées.
Cavité thoracique. — Poumons emphysémateux et congestionnés.
Cœur. Caillot ancien, gris jaunâtre, du volume d'un œuf de poule,
adhérant aux faces postérieure et interne de l'oreillette gauche; les
parties sous-jacentes sont rugueuses et l'endocarde épaissi, mais non
ulcéré. Ce caillot, entouré de caillots récents, est un peu ramoi- à son
centre et composé de fibrine granuleuse et de graisse en grana'ations.
Sa base est éloignée de 2 à 3 centimètres de l'orifice mitral.
Orifice ?nz7ra/ très-rétréci, laisse à peine pénétrer l'extrémité de l'in-
dex. Ses bords présentent, surtout à la partie antérieure, des petites
végétations.
100
Valvule niitrale épaissie, adhérence des cordages tendineux onlro eux.
Abdomen. — Reins. L'un d'eux présente deux infarctus anciens qui
forment une dépression cicatricielle à sa surface.
Aorle remarquablement peu athéromateuse pour l'âge delà malade;
il n'y a que quelques petites taches blanches légères près de sa bifur-
cation.
Carotides non athéromateuses, ne contiennent pas de caillots.
Autres organes sains.
Dans cette observation, on a trouvé des oblitérations dans les ar-
tères cérébrales correspondantes aux foyers de ramollissement des
deux bémisphères. Il y avait en outre des infarctus rénaux. L'aorte
était très-peu athéromateuse, et un caillot ancien existait dans l'o-
reillette gauche; c'était sans doute là le point de départ emboUque de
ces différentes lésions. On pourrait cependant attribuer l'oblitération
des artères cérébrales à des thromboses produites par l'état athéro-
mateux de leurs parois.
Plusieurs attaques d'hémiplégie, la dernière a droite; mort en cinq jours;
coma complet. foyers multiples anciens des deux hémispnères. foyer
RÉCENT DANS l' HÉMISPHÈRE GAUCHE. ARTÈRES CAROTIDES ET LEURS BRANCHES
OBLITÉRÉES PAR UN C/MLLOT ANCIEN. AORTE ATHÉROMATEUSE ET CALCIFIÉE.
(Observation due à M. le docteur Vulpian.)
Obs.IV. — S... (Anne), 84 ans, morte le 20 septembre 1865, salle Saint-
Mathieu, 11 , infirmerie de la Salpêtrière, service de M. le docteur Vulpian.
Les parents de la malade et la surveillante du dortoir apprennent
qu'elle a eu trois attaques d'hémiplégie et qu'elle traînait un peu la
jambe gauche; elle articulait mal les mots.
15 septembre 1865. Hémiplégie droite subite avec perte de connais-
sance. Flaccidité du membre inférieur; un peu de contracture du mem-
bre supérieur.
Tête tournée à gauche et difficilement ramenée à droite. Hémiplégie
faciale légère. Sensibilité conservée. Quelques mouvements réflexes
dans le membre inférieur.
La malade reste dans le même état, ne sort pas du coma, et meurt le
20 septembre 1865.
Autopsie. — Cavité crânienne. Artères de la base athéromateuses,
surtout le tronc basilaire et les carotides.
Carotide primitive droite oblitérée par un caillot grisâtre adhérent,
qui ne se prolonge pas au delà de la bifurcation.
Carotide primitive gauche oblitérée par un caillot qui se prolonge
dans la carotide interne jusque dans le sinus caverneux.
101
Cerveau. Hémisphère gauche. Ramollissement ancien à la limile
postérieure du lobe frontal empiétant sur la marginale antérieure et sur
les deuxième et troisième circonvolutions frontales. La substance blanche
est mise à nu dans une grande partie des parois de ce foyer.
Ramollissement récent superficiel de la circonvolution marginale
postérieure et d'une partie de la surface du lobe postérieur.
Ramollissement récent* d'une grande partie de noyau blanc du lobe
frontal.
Ramollissement ancien ayant détruit la substance grise à la partie pos-
térieure du cor[)S strié. Le noyau lenticulaire et la couche optique
sont sains.
Hémisphère droit. Ramollissement ancien ayant détruit plusieurs
circonvolutions du lobe occipital; le ventricule latéral n'est plus en ce
point recouvert que par une mince membrane.
Ramollissement ancien étendu de 2 à 3 centimètres sur la circonvo-
lution marginale postérieure.
Corps strié, couche optique, sains.
Protubérance. Deux petits ramollissements dans la partie inférieure,
et des deux côtés de la ligne médiane.
Cervelet. Deux petits foyers de ramollissement gros comme un pois.
Cœur. Valvules suffisantes, un peu épaissies.
Aorte. Athéromes et petites plaques calcaires à l'origine des artères
coronaires. Plaques calcaires dans la crosse, devenant très -nombreuses
dans l'aorle abdominale, près de sa bifurcation.
Rien d'important dans les autres organes.
Attaque apoplectique; ramollissement cérébral; obturation de l'artère
CÉRÉBRALE MOYENNE CORRESPONDANTE; PAS d'aNCIENS CAILLOTS DANS LE CŒUR;
ULCÉRATIONS DE l'aORTE ; ALTÉRATIONS ISCIIÉMIQUES DE LA RATE, PEUT-ÊTRE
AUSSI d'un rein; mort en quatre JOURS. (Observation due à M. le doc-
teur VULPIAN.)
Obs. V. — D... (Françoise), 81 ans, entre le 27 janvier 1864, salle
Saint-Denis, 13, infirmerie de la Salpêtrière, service de M.Vulpian ; meurt
le 31 janvier 1864.
Une note prise sur la malade en 1862 constatait un tremblement géné-
ral du corps de date ancienne, et d'ailleurs une bonne santé habituelle.
Le 27 janvier 1864, hémiplégie gauche subite.
Perte complète de la mobilité à gauche.
Conservation de la sensibilité, et jusqu'à un certain point de l'intelli-
gence (la malade prononce quelques mots). Le tremblement dont il est
parlé plus haut subsiste dans le côté droit.
102
L'étal s'aggrave progressivement, et la malade meurt le 31 janvier,
conservant jusqu'à sa fin le tremblement du côté droit.
Autopsie. — Cavité crânienne. Pie-tnère assez fortement infiltrée d'iin
liquide transparent.
Artères cérébrales. Leurs parois présentent de distance en distance
des épaississementsathéromaleux dont quelques-uns occupent toute la
circonférence de l'artère. L'artère cérébrale moyenne du côté droit
présente, au delà d'un dépôt athéromateux, un caillot noirâtre assez
ferme qui s'étend jusqu'à la division de cette artère dans une étendue de
1 centimètre, et pénètre même dans deux des branches qu'elle fournit
en se divisant. 11 s'étend à plus d'un demi-centimètre dans chacune de
ces branches. Les artères qu'il occupe sont complètement oblitérées
et il est adhérent à leur paroi. Quoique ferme, il offre déjà un certairi
degré de friabilité; il est là évidemment depuis plusieurs jours.
Cerveau. Aucune trace d'altération superficielle.
Hémisphère droit. Foyer de ramollissement du volume d'une grosse
noix, occupant toute l'épaisseur du corps strié, sauf une petite portion
de sa partie antérieure ; en dehors, ce ramollissement s'étend jusqu'à
la substance grise des circonvolutions de l'insula, qui est intacte, et
en arrière il dépasse le niveau du bord antérieur de la couche optique
qui est saine. La substance cérébrale n'est pas complètement réduite
en pulpe difîluente; elle a conservé une certaine consistance et elle
offre une coloration rougeâtre.
Hémisphère gauche sain, ainsi que les autres parties de l'encéphale.
A l'exaraeri microscopique, la structure des parties ramollies se
trouve peu modifiée. Les tubes nerveux y sont sains; leur matière mé-
dullaire a conservé une transparence parfaite, et l'on ne rencontre pas
de fragments de tubes, comme dans les ramoliissemente plus avancés.
La substance finement grenue, les noyaux et les cellules appartenant
à la substance grise, offrent aussi l'aspect normal. Seulement une assez
grande quantité de granulations graisseuses, peu volumineuses, sont ré-
pandues dans ce tissu. Il y a en outre quelques corps granuleux. Un
grand nombre de vaisseaux sont tout à fait sains, mais plusieurs petits
vaisseaux ont leurs parois couvertes de granulations graisseuses. On
trouve, de plus, quelques rares corps amyloïdes.
La coloration rouge semble due principalement à la congestion san-
guine vasculairc; peut-être y a-t-il déjà extravasation d'une petite quan-
tité de la matière colorante du sang.
Cavité thoracique. — Poumons. Emphysème et congestion.
Cœur un peu hypertrophié, très-chargé de graisse à sa surface; val-
vules aortiques suffisantes; induration athéromateuse et crétacée de ces
valvules sans rétrécissement. Induratiou analogue des valves de la val-
m
vulo mitralc, sans rétrécissement. Aucune concrétion fibrineuse an-
cienne dans les cavités du cœur.
Cavité abdominale. — Foie sain.
Bâte. Volume un peu plus considérable qu'à l'état normal. Deux in-
farctus fibrineux de coloration gris jaunâtre.
Reins. Le gauche est sain, le droit présente sous sa capsule, à une petite
distance du bord postérieur et vers son tiers inférieur, une petite tache
rougeâtre. Une coupe faite au milieu de cette tache fait voir qu'elle
correspond à un petit foyer de la grosseur d'un pois. L'examen micro-
scopique n'y montre pas d'autre modification qu'une congestion vascu-
laife et une grande quantité de b;ranulations graisseuses.
Aorte athéromateuse, surtout dans sa partie inférieure, où elle pré-
sente des plaques calcaires et de petites ulcérations. Quelques plaques
athéromatcuses dans l'aorte ascendante. Petite ulcération de 4 à 5 cen-
timères de diamètre au niveau de la naissance du tronc brachio-cépha-
lique. Au-dessus de cette ulcération proémine un petit amas de matière
athéromateuse tout à fait ramollie.
Cette observation, où l'oblitération est probablement le résultat
d'une thrombose, est intéressante en ce que quelques corps granu-
leux commençaient à se montrer après quatre jours seulement; elle
peut donc servir de transition entre cette première série d'observa-
tions et celles oii la mort a été moins rapide, et où le tissu nerveux
est plus profondément altéré.
Dans les observations qui précèdent, les ramollissements récents
étaient rouges ou rosés, dans d'autres cas, le ramollissement récent
par oblitération n'oflVe pas cette injection rosée analogue à celle que
nous avons toujours rencontrée dans nos expériences ; il est au con-
traire blanc pulpeux. L'existence d'un ramollissement blanc très-
récent n'a pas été admise par tous les auteurs, nous voyons en parti-
culier M. Lancereaux faire du ramollissement blanc une altération
toujours ancienne (Ij.
Nous ne savons pas comment nous rendre compte de cette variété
qui est certainement plus rare que la précédente; elle dépend peut-
être dans quelques cas de ce que l'oblitération étant plus complète et
affectant des branches artérielles plus volumineuses, la fluxion colla-
térale n'a pu se produire. C'est peut-être ainsi que l'on doit inter-
préter l'observation suivante :
(t) Lancereaux, ouvr. cit., p, 20et2i,
104
Hémiplégie droite ancienne; apoplexie subite; mort en trois jours; ra-
mollissement ANCIEN DE l'hémisphère GAUCHE ; RAMOLLISSEMENT RÉCENT DE
l'hémisphère DROIT, PROBABLEMENT PAR EMBOLIE ; OBLITÉRATION DE LA CARO-
TIDE DROITE ; CAILLOTS ANCIENS DU VENTRICULE GAUCHE ; AORTE ULCÉRÉE.
INFARCTUS d'un REIN.
Obs. VI. — M... (Anne), 86 ans, entrée à la Salpêtrière le 18 octobre
1862, morte le 23 août 1865 (salle Saint-Alexandre, n" 17), service de
M. le docteur Charcot.
Six mois avant son admission à la Salpêtrière, cette malade, jusqu'alors
très-bien portante, avait été subitement frappée d'hémiplégie droite avec
perte absolue de la parole. Admise à la Salpêtrière, elle présente les
symptômes suivants: Confinement absolu au lit; gâteuse. Perte com-
plète de la parole. Elle paraît comprendre ce qu'on lui dit; quand on
lui demande de tirer la langue, elle ouvre la bouche, mais ne peut faire
exécuter à sa langue aucun mouvement. Avale sans difficulté. Le mem-
bre supérieur droit est complètement paralysé; un peu de roideur dans
l'épaule et dans le coude, les deux derniers doigts sont un peu fléchis
en crochet. Le membre inférieur droit ne présente pas de roideur, il a
conservé quelques mouvements très-limités; par le chatouillement de
la plante du pied, mouvements réflexes. La sensibilité paraît un peu
obtuse dans le membre supérieur droit, et la température semble plus
élevée que dans le membre supérieur gauche. Quand la malade fait la
grimace, la bouche est manifestement déviée en haut et à gauche.
Le 19 août 1865, vers quatre heures du soir, perte subite de connais-
sance; on l'amène à l'infirmerie. Sensibilité et motilité complètement
abolies. Il y a toujours un pou de roideur dans le membre supérieur
droit. Mouvements réflexes conservés dans les membres inférieurs. Pas
de différence de température entre les deux côtés du corps. Pas de dé-
viation des traits. Respiration stertoreuse.
Mort le 23 août.
Autopsie. — Cavilé crânienne. Pas de néomembrancs de la dure-
mère. La pie-mère est œdématiée et se détache facilement.
Hémisphère gauche. Pas de lésion appréciable à la surface des cir-
convolutions qui ont leur consistance normale. (Pas de lésion de la troi-
sième frontale.) En dehors du corps strié qui renferme une petite la
cune, existe une cavité allongée dont le grand diamètre dirigé d'avant
en arrière mesure 3 à 4 centimètres (ancien foyer de ramollissement).
La surface interne de cette cavité présente une coloration jaune gri-
sâtre, des tractus cellulcux vont d'une paroi à l'autre. La substance cé-
rébrale autour du foyer présente une légère diminution de consistance.
Hémisphère droit. Vaste ramollissement blanc occupant la plus
105
grande partie des lobes moyen et postérieur. Pas de lacunes dans le
corps strié ni dans la couche optique.
Atrophie du pédoncule cérébral gauche, surtout do son plan inférieur.
Atrophie de la pyramide gauche.
Les artères cérébrales gauches sont légèrement athéromateuses; la
carotide interne droite est complètement oblitérée par un caillot déco-
loré assez consistant qui se prolonge en bas dans la portion de l'artère
qui traverse le rocher et se termine en pointe au niveau de l'origine de
l'artère sylvienne. L'artère cérébrale antérieure droite est oblitérée par
un caillot long de 4 à 5 centimètres. Les artères sylvienne et cérébrale
postérieure et leurs branches ne contiennent pas de caillots, mais elles
sont rétrécies et même oblitérées en quelques points par des athéromes.
En ouvrant la carotide primitive droite, on trouve au niveau de sa
bifurcation un caillot ancien à cheval sur l'éperon qui sépare les caro-
tides interne et externe. Ce caillot envoie trois prolongements, un in-
férieur mince, filiforme, long de 6 à 7 centimètres dans la carotide
primitive; deux supérieurs, un long de 2 centimètres seulement dans
la carotide externe, l'autre dans la carotide interne, se prolongeant jus-
que dans la portion de cette artère qui traverse le rocher. 11 est pro-
bable qu'il se continuait avec le caillot qui oblitérait la portion intra-
cranienne de la carotide.
(Le canal carotidien n'a pas été ouvert.)
Cœur. Surcharge graisseuse considérable. Le ventricule gauche est
rempli de caillots noirs, sur sa face postérieure on trouve un caillot
ancien, du volume d'une petite noisette, suspendu à un pédicule long
de 3 centimètres environ. Ce pédicule est situé entre les cordages ten-
dineux de la valve postérieure de la valvule mitrale et vient s'implanter
dans une des petites cavités qui séparent les colonnes charnues du
cœur. De chaque côté de ce pédicule on trouve dans des cavités ana-
logues quelques petits caillots anciens.
Le ventricule droit contient des caillots noirs qui se prolongent dans
l'artère pulmonaire.
Caillot assez volumineux à demi décoloré dans la crosse de l'aorte.
Vers la partie inférieure de l'aorte abdominale existe un caillot ancien
libre long de 4 centimètres environ. A son extrémité inférieure adhère
un caillot récent qui se prolonge dans les artères iliaques.
La surface interne de l'aorte présente quelques athéromes ulcérés.
Foie, rate normaux. Kystes séreux dans le rein droit.
Le ?'em gauche présente un infarctus.
Dans d'autres cas, le ramollissement récent est blanc sans que rien
dans l'observation permette d'expliquer cette particularité :
106
Hémiplégie gauche (apoplectique) ; mort en trois jours ; déviation des
YEUX A droite; ramollissements ancien (circonvolutions), récent (corps
STRIÉ) de l'hémisphère DROIT ; CAILLOT ANCIEN DANS l'aURICULE GAUCDE ;
embolie probable; oblitération de l'artère sylvienne droite ET de ses
branches; artères non atiiéromateuses, sauf l'aorte abdominale. (Ob-
servation due à M. le docteur Vulpian.)
Obs. VII. — D... (Marie-Anne), 58 ans. Morte le 1" avril 1864, salle
Saint-Mathieu, n" 3, infirmerie de la Salpêtrière, service de M.Vulpian.
Celte malade, qui était déjà entrée plusieurs fois à l'infirmerie pour
des bronchites compliquantun emphysème considérable des poumons, y
rentre pour les mômes accidents le 2 mars 1864, présentant une bron-
chite intense avec forte dyspnée, cyanose des lèvres, œdème des mem-
bres inférieurs, un peu d'albumine dans les urines.
Le 29 mars, la malade, voulant se lever, est prise d'un étourdisse-
ment, tombe à terre, et quand on la relève on constate une hémiplégie
gauche.
Face. Commissure labiale tirée à droite.
Langue déviée à gauche. Paralysie du buccinateur gauche.
Yeux tournés tous deux à droite, impossibilité de les porter de droite
à gauche. Pupilles égales, normales.
Membres. Paralysie complète du mouvement à gauche. Sensibilité
très-émoussée du côté gauche.
Inlelligence conservée. La malade peut parler, quoique indistincte-
ment.
Cet état s'aggrave progressivement, la déviation des yeux subsiste, et
la malade succombe le 1" avril, à six heures du soir.
Autopsie. — Cavité crânienne. Pas de lésions du crâne ni de la dure-
mère.
Artères de la base non athéromateuses.
\J artère sylvienne droite contient un caillot noirâtre adhérent aux
parois, remplissant complètement le calibre de cette artère et se pro-
longeant dans ses branches, formé do fibrine commençant à devenir
granuleuse.
Rien de semblable dans l'artère sylvienne gauche.
Cerveau. Ramollissement jaunâtre superficiel, avec adhérence de la
pie-mère, de la partie postérieure et externe des circonvolutions orbi-
taires droites et des deux circonvolutions antérieures de l'insula de
Reil. La substance grise à ce niveau est presque uniquement composée
de corps granuleux et les éléments nerveux ont presque complètement
disparu. Il s'agit évidemment là d'un ancien ramollissement dont les
symptômes n'ont pas été mentionnés par la malade*
ib7
Ramollissemctit blanc du corps strié droit siégeant au niveau dû noyau
lenticulaire, s'arrêtant sur la limite qui sépare le corps strié de la cou-
che optique n'occupant pas le noyau caudé, mais se prolongeant dans
la substance blanche en dehors du corps strié et devenant pultacé à ce
niveau. On retrouve dans ce ramollissement blanc un petit nombre de
corps granuleux et des granulations graisseuses disséminées, La partie
ramollie est infdtrée d'une grande quantité de liquide iransparent.
Pas d'autre altération de l'encéphale.
Cavités tlioracique et abdominale.
Cœur. Ni insuffisance ni rétrécissement des orifices. Dilatation assez
marquée des cavités.
L'oreillette gauche contient un caillot noiriÀtre, ramolli, adhérent à la
paroi et évidemment ancien.
Poumons. Emphysème très-considérable et injection avec épaississe-
ment de la muqueuse bronchique, noyau d'hépatisation rouge dans le
poumon droit.
Foie. Volumineux. Muscade.
Beins et rate. Pas de lésions apparentes.
Aorte saine dans sa portion thoracique, présentant dans sa portion
abdominale quelques dépôts athéroraateux.
Cancer de l'utérus; hémiplégie gaucoe subite; mort en trois jours; ra-
mollissement BLANC des lobes PARIÉTAL ET OCCIPITAL DROITS; ARTÈRES NON
ATOÉROMATEUSES; artère SYLVIENNE DROITE OBLITÉRÉE PAR UN THROMBUS;
INFARCTUS DU REIN GAUCHE. (Observatiou due à M. le docteur Charcot.)
Obs. VIIL — G... (Suzanne), 62 ans. Morte le3 décembre 1864, salle
Sainte-Marthe, n" 6, infirmerie de la Salpêtrière, service de M. le doc-
teur Charcot.
Cette femme était entrée à la Salpêtrière pour un carcinome utérin.
Le 1" décembre on s'aperçut d'une hémiplégie gauche qui n'avait
offert aucun prodrome.
Face. Tournée du côté droit, la malade regarde fixement de ce côté.
Commissure labiale droite tirée un peu en haut. Langue déviée à gauche.
Embarras de la prononciation. Pas d'aphasie.
Membres. Héiniplégie gauche complète avec résolution.
Pas de mouvements réflexes.
Anesthésie complète (pincement, chatouillement, froid). Température
égale des deux côtés. Température rectale = 38°.
2 décembre. Tète toujours tournée à droite, la malade peut cepen-
dant la tourner à gauche. Quelques mouvements réflexes dans le côté
paralysé ; un peu de sensibilité au membre inférieur,
108
3 décembre. Mouvements réflexes. Coma. Mort à six heures du soir.
Autopsie. — Cavité crânienne. Artères de la base non athéroma-
teuses.
Artère sylvienne droite oblitérée par un caillot ancien, décoloré, situé
au niveau de la bifurcation de l'artère et se prolongeant dans ses bran-
ches (voy. pi. II, fig. 8). La sylvienne gauche est libre.
Cerveau. Ramollissement blanc pultacé occupant une portion des
lobe occipital et pariétal droits et pénétrant assez profondément.
Couche optique et corps strié sains.
Hémisphère gauche sain.
On retrouve dans les parties ramollies des tubes nerveux variqueux,
des cellules nerveuses réduites à l'état de granulations fines, des vais-
seaux remplis de granulations et un petit nombre de corps granuleux.
Poumons. Gauche, pneumonie grise de la base ; droit congestionné.
Cœur sain, petit, dur, résistant. Pas de caillots anciens.
Reins. Droit, anémié, mamelonné, un infarctus fibreux, très-ancien.
Utérus. Transformation carcinomateuse portant principalement sur
le col qui est presque entièrement détruit.
Aorte. Non athéromateuse.
Dans les quelques observations que nous possédons de ramollisse-
ment par thrombose artérielle survenant chez des cancéreuses, le
ramollissement était généralement blanc, ou pour mieux dire la sub-
stance cérébrale ramollie avait conservé sa coloration normale. Sans
vouloir établir de rapport nécessaire entre l'aspect de ces ramollisse-
ments et la nature de la cause qui les a produits (état profondément
cachectique, inopexie), nous pensons cependant qu'il y a lieu d'ap-
peler l'attention sur cette coïncidence.
Nous rapprocherons des cas précédents les trois observations sui-
vantes dans lesquelles le ramollissement était un peu plus ancien
et les corps granuleux déjà abondants. Nous ferons observer que
ces deux ramollissements étaient blancs, à peine rosés par places, et
qu'ils s'étaient produits chez des cancéreuses. Dans l'un de ces cas,
obs. IX, l'état fortement athéromateux des artères cérébrales ne
permet pas de déterminer si la thrombose dépendait de l'inopexie
plutôt que de l'altération des parois artérielles.
RAMOLLISSEMENT DE l'hÉMISPHÈRE GAUCHE ( NON DIAGNOSTIQUÉ); OBLITÉRATION
DE l'artère sylvienne GAUCHE ; CANCER DU FOIE ET DE l'eSTOMAC.
Obs. IX.— C... (Marguerite), 83 ans, morte le 27 mai 1865, salle
Saint-Vincent, n" 11, service de M. Vulpian.
1U9
Cette femme, qui était entrée à l'infirmerie dan?; un état cachectique
prononcé, présentait une afîection carcinomateuse du foie et de l'esto-
mac sur les symptômes de laquelle nous n'insisterons pas; symptômes
qui permirent de diagnostiquer l'affection abdominale ; mais on ne put
signaler aucun symptôme d'hémiplégie qui fit soupçonner le ramollis-
sement cérébral. Cette malade s'affaiblit peu à peu et tomba dans un
état de prostration qui pouvait être attribué à sa cachexie.
Autopsie. — Cavité crânienne. Néo-membranes très-adhérentes et
très-épaisses de la dure-mère, surtout au niveau de l'occipital et se
prolongeant dans les fosses pariétales.
Artères de la base athéromateuses, surtout les terminaisons des caro-
tides. Artère sylvienne gauche oblitérée par un caillot ancien (trois
semaines, un mois?). Cette artère est gonflée par le caillot; elle est
athéromateuse, et quand on l'ouvre on trouve un bouchon formé de
flbrine ancienne, adhérent aux parois athéromateuses; il se termine
ensuite par un caillot récent rouge.
Hémisphère gauche. Ramollissement portant sur la partie externe
des circonvolutions de l'insula de Reil, sur les deux circonvolutions
marginales et s'étendant jusqu'au milieu de la face supérieure de l'hémi-
sphère.
Le sommet du lobe sphéno'idal présente un ramollissement assez pro-
noncé qui offre en un certain nombre de points une teinte légèrement
rosée. Une partie reste adhérente à la pie-mère quand on enlève cette
membrane.
Ce ramollissement se prolonge dans la substance blanche presque
jusqu'au niveau du ventricule.
On trouve dans le foyer des vaisseaux et des cellules granuleuses;
les fibres nerveuses sont bien distinctes et non granuleuses. En un
point surtout qui n'a pas été déterminé exactement, nombreux corps
granuleux.
Pas de lésion des autres parties de l'encéphale.
Cœur. Pas de caillots, pas de lésions.
Aorte légèrement athéromateuse à son origine ; ne l'est presque pas
dans le reste de son étendue.
Pas d'infarctus des organes.
Foie et estomac^ tumeurs cancéreuses multiples.
Hémiplégie gauche ; attaque épileptiforme ; cancer utérin ; ramollisse-
ment cérébral; oblitération par thrombose de l'artère sylvienne du
côté droit. (Observation due à M. le docteur Charcot.)
Obs. X. — D... (Marie), âgée de 60 ans, entrée à la Salpôtrière le
110
\ 1 juin 1862, morte le 28 août 1862 (salle Sainte-Cécile, n" 10), service
de M. le docteur Charcot.
Pertes en rouge et en blanc depuis un an.
Depuis le mois de juillet diarrhée habituelle, œdème des membres
inférieurs.
Dans la nuit du 14 au 15 août, mouvements convulsifs passagers avec
cris et, dit-on, écume à la bouche. En même temps hémiplégie gauche
constatée dès le début, sans roideur des membres. Il n'y aurait pas eu
perte complète de connaissance.
Le 15 août, on constate une hémiplégie gauche complète avec flacci-
dité des membres. La malade paraît comprendre ce qu'on lui dit, mais
ne peut parler.
Le 16 août la parole et l'intelligence sont revenues; la face est dé-
viée à droite, la langue est déviée à gauche. La paralysie est toujours
complète dans les membres gauches, mais le pincement y détermine
queUiues mouvements réflexes. La sensibilité est conservée. Pas de
différence de température entre les deux côtés. Eschare au sacrum,
mort le 28 août.
Autopsie. — Cavité crânienne. Liquide arachnoïdien très-abondant.
Aspect blanchâtre et louche de l'arachnoïde et de la pie-mère.
Dans son ensemble, l'encéphale est ramolli (par macération? cette
femme était très-œdématiée).
Lorsqu'on enlève la pie-mère, la substance corticale est entraînée
par places, ce qui produit des sortes d'ulcérations qui intéressent toute
l'épaisseur de la substance grise.
Hémisphère droit. Dans le fond de la scissure de Sylvius existe un
ramollissement superficiel, mais pénétrant à une assez grande profon-
deur, qui occupe la partie supérieure du lobe sphénoïdal et s'étend au
pourtour de l'insula qui est sain; ce ramollissement est blanc, laiteux,
légèrement rosé par places. Le microscope y fait découvrir un grand
nombre de corps granuleux. Parties centrales saines.
Hémisphère gauche. Symétriquement à gauche une plaque de ramol-
lissement analogue à celle du côté droit, mais beaucoup moins étendue.
Parties centrales saines.
Artères cérébrales. Ne sont pas athéromateuses. L'artère sylvienne
du côté droit un peu avant sa bifurcation est oblitérée par un caillot
ovoïde long de 6 à 7 millimètres, et qui la distend en ampoule. Ce caillot
non adhérent, blanc jaunâtre, envoie dans les branches de l'artère syl-
vienne des prolongements formés par des caillots récents. Examiné au
microscope, il présente de la fibrine, des globules blancs et une grande
quantité de granulations graisseuses. L'artère sylvienne n'est pas athé-
m
romateiise. Ou ne rencontre pas d'autres caillots dans les artères du
cerveau.
Cœur. Flasque, décoloré, pas de lésions valvulaires, pas de végéta-
tions.
Aorte non athéromateuse.
Reins. Distension rénale. à droite. Rein gauche sain.
Foie et rate. Rien à notej.
Utérus. Col dans un état de détritus fétide.
Thromboses dans les veines iliaque et fémorale des deux côtés.
Hémiplégie gauche subite; ramollissement cérébral; oblitération de la
sYLviENNE DROITE; CANCER UTÉRIN. (Observation due à M. le docteur
Charcot.) (1).
Ors. XI. — P. (Lucie Reine), 47 ans, morte le 22 janvier 18G6, salle
Sainte-Anne, 15, service de M. le docteur Charcot.
Entrée à la Salpôtrière le 4 janvier 1861 pour un cancer utérin. Etat
profondément cachectique.
Le 8 janvier, à onze heures du soir, on s'est aperçu que la malade
était hémiplégique à gauche.
Le 9 janvier, on constate l'état suivant :
Tête tournée à droite; hémiplégie faciale gauche; membres gauches
flasques et inertes; sensibilité conservée; .mouvements réflexes. L'in-
telligence n"est pas complètement abolie.
Les jours suivants la malade reste dans le même état. Une eschare se
développe à la fesse gauche et fait des progrès rapides.
La sensibilité et les mouvements réflexes disparaissent dans les mem-
bres paralysés, la malade parle assez distinctement. La tête et les yeux
sont toujours tournés à droite.
Meurt le 22 janvier après avoir présenté plusieurs frissons.
La température rectale, qui a été examinée tous les jours, est restée
presque constamment entre 37° et 38°; elle s'est élevée une seule fois
à 39" (le 1 4 janvier au soir) . Il y avait habituellement une augmentation
notable de la température le soir.
Autopsie. — Artères cérébrales non athéromateuses. Sylvienne
droite oblitérée par un caillot blanc qui se prolonge dans deux de ses
branches.
Cei'veau. Ramollissement, avec conservation de la couleur normale
(1) Cette observation, dont nous ne donnons que le résumé, a été
l'objet d'une récente communication de M. Charcot à la Société de
biologie.
il-2
de la deuxième circonvolution frontale et de la deuxième circonvolution
sphénoïdale de l'hémisphère droit. Parties centrales saines.
L'examen microscopique fait découvrir dans les parties ramollies des
granulations libres, des corps granuleux, des capillaires présentant une
apparence athéromateuse très-prononcée.
Les cellules nerveuses sont très-granuleuses, les tubes nerveux pré-
sentent une transformation graisseuse évidente de la myéline.
Cœur. Volume normal, parois assez fermes, un petit groupe de végé-
tations sur la valvule mitrale.
Aorlc non athéromateuse.
Veine fémorale oblitérée par des caillots.
Poumons. Foyer gangreneux, épanchement purulent dans la plèvre
gauche.
Rate. Un infarctus jaune.
Il faut certainement ranger dans ce groupe, quoique Foblitération
artérielle n'ait pas été recherchée, l'observation suivante, qui confirme
encore ce que nous avons dit sur les ramollissements qui surviennent
chez les cachectiques.
Cancer utérin; ramollissement cérébral; l'état des vaisseaux n'est
PAS INDIQUÉ. (Observation due à M. le docteur Charcot.)
Obs. XIL — D..., âgée de 58 ans, entrée à la Salpêtrière le 29 dé-
cembre 1861, morte le 25 avril 18G2 (salle Sainte-Rosalie, 2), service
de M. le docteur Charcot.
Depuis un an pertes rouges peu abondantes et pertes blanches fé-
tides.
Anémie très-prononcée, œdème des membres inférieurs, bouffissure
générale.
Vers le 15 avril 1862, on s'aperçoit que le côté droit est paralysé. Il
y a un peu de roideur dans les articulations du membre supérieur. La
sensibilité est conservée.
Le 19 avril on observe : température plus élevée du côté paralysé,
surtout pour le membre supérieur; bouche déviée à gauche; parle très-
difficilement, paraît comprendre ce qu'on lui dit.
Les jours suivants l'hémiplégie devient plus complète, le membre
supérieur est flasque, absolument immobile, il y a un peu de roideur
dans le membre inférieur. Par le chatouillement, on y détermine quel-
ques mouvements réflexes.
Mort le 25 avril.
Autopsie. — Ramollissement jaunâtre et superficiel de la face externe
du lobe postérieur de l'hémisphère gauche du cerveau.
113
Ramollissement blanc de la svibstance blanche sous-jacente, ne péné-
trant pas jusqu'au ventricule. Les parties ramollies ont conservé une
certaine consistance, quand on les soumet à l'action d'un filet d'eau;
elles présentent un aspect finenient lacunaire comme une sorte de den-
telle.
L'état des vaisseaux n'est pas indiqué.
Cœu)' petit et flasque. Poumons sains.
PyélO'néphrile bilatérale.
§ II. — ' Ramollissements anciens.
(Juaiul le ramollissement est uti peu plus ancien, quand un plus
grand nombre de jours se sont passés après roblitération, nous
voyons alors apparaître une succession de phénomènes secondaires
qui finissent par aboutir à ce que Ton pourrait considérer avec M. Du-
rand-Fardel comme une guérison, comme une cicatrisation du ra-
mollissement.
Le premier de ces phénomènes est la régression graisseuse; ou
voit alors les cellules nerveuses devenir granuleuses, les tubes ner-
veux dissociés sont réduits en fragments, et dans quelques cas on les
voit devenir eux-mêmes granuleux. En même temps il se produit dans
le foyer, probablement aux dépens de la myéline, une foule de pe-
tites granulations graisseuses disséminées ou réunies en groupes.
C'est à ce moment que commencent à apparaître les corps granu-
leux (1); considérés d'abord par Gluge comme le résultat dun tra-
vail inflammatoire, puis par d'autres auteurs comme des leucocytes
devenus granuleux, ces éléments nous ont paru le plus souvent for-
(1) « Longtemps, on le sait, nous dit M. Hasse (ouvr. cité, ^ 180), les
« corps granuleux ou corpuscules de Gluge ont été considérés comme
« des résultats d'une inflannnalion et avaient même été nommés cor-
« pusculcs iiijhaitinaloircs. Mais bientôt les recherches de Keichert et
« de "Virchow vinrent démontrer que ces corpuscules n'étaient que des
a éléments normaux, en voie de régression, qui apparaissent souvent
« il est vrai, dans les foyers innammaloircs; mais depuis que Turk lésa
w retrouvés dans le système nerveux central cians le cas de simple atro-
u phie de la substance nerveuse, on ne peut les considérer comme
« types de l'encéphalomalacie plilegmasique, on ne peut tout au plus
« déterminer par eux l'ancienneté plus ou moins grande du processus. »
M. Lancereaux fait aussi la même remarque (ouvr. cit., p. 23).
MÉM. g
!]4
mes par l'accumulatioD en niasse des uranulations graisseuses d'abord
disséminées.
Les granules graisseux et les corps granuleux sont répandus çà et
là dans le foyer de ramollissement; mais ils se groupent de préfé-
rence le long des parois des vaisseaux qu'ils entourent en leur for-
mant une sorte de gaine, sans que, pour cela, la paroi elle-même soit
toujours granuleuse ; c'est là un fait que notre collègue et ami M. Bou-
chard nous a dit avoir aussi observé plusieurs fois.
Dans d'autres cas, les parois elles-mêmes des capillaires deviennent
granuleuses au niveau du foyer de ramollissement, tout en restant
saines dans le reste de l'encéphale; car si l'altération granuleuse des
parois des vaisseaux capillaires est quelquefois primitive au ramol-
lissement, elle nous a dans quelques cas paru lui être consécutive ;
c'est un fait sur lequel nous reviendrons d'ailleurs plus tard.
L'époque à laquelle peuvent se former les corps granuleux n'avait
pas, que nous sachions, été exactement précisée; dans deux de nos
observations nous voyons celte altération signalée dans des cas où la
mort ne s'était pas fait longtemps attendre. Telles sont les observa-
tions V (mort au bout de cinq jours), VU (mort en trois jours) et VllI
(mort en trois jours) où quelques rares corps granuleux commen-
çaient à se montrer.
La régression graisseuse et la formation de corps granuleux
est donc un phénomène qui peut apparaître promplement dans le
cerveau, et nous rappellerons à ce propos notre expéiience X dans
laquelle nous avions trouvé des corps granuleux abondants dans un
petit foyer de ramollissement cérébral datant de dix jours; dans de
nouvelles expériences que nous avons instituées depuis lors, nous
avons trouvé des corps granuleux dans un ramollissement datant de
trois iours; nous reviendrons sur ces expériences à propos des alté-
rations des capillaires.
Cette dégénérescence graisseuse continue progressivement, et les
éléments nerveux dissociés et dilacérés disparaissent plus ou moins
complètement.
A une période ordinairement assez avancée de ce travail de ré-
gression, époque que nous ne pouvons pas préciser exactement, on
voit apparaître du tissu conjouctif de nouvelle formation, dans lequel
on retrouve les noyaux et les cellules caractéristiques du tissu cellu-
laire : on y rencontre aussi quelquefois des corps amyloïdes.
115
Cette hypergénèse do tissu conjoiictif correspond à ce que M. Du-
rand-Fardel a considéré comme la cicatrisation du ramollissement et
dont il a fort bien décrit les caractères anatoniiques sous le nom de
plaques jaunes des circonvolutions et (['infiltration celluleuse; on en
verra nombre d'exemples dans nos observations.
Le foyer de ramollissement ancien se présente quelquefois sous la
forme d'une sorte de kyste (troisième degré de M. Lancereaux) rem-
pli de liquide laiteux, décrit par tous les auteurs. Quoique nous n'en
ayons pas d'exemples dans cette première série d "observations, nous
pouvons supposer que les ramollissements récents blancs pulpeux,
sans hyperémie ni extravasation sanguine, auraient pu, si les malades
avaient survécu, donner lieu, par leur régression graisseuse, à ces
kystes remplis d'une véritable émulsion de substance nerveuse, ré-
duite à l'état graisseux.
Que devient maintenant le sang qui imbibe, dans la plupart des
cas, la substance nerveuse récemment ramollie? C'est évidemment
lui qui produit les cristaux d'hématoïdineet les granulations dhéma-
tosine, en masses, que l'on a souvent l'occasion d'observer dans cette
dernière période ; c'est lui qui, mêlé à la graisse, produit la coloration
qu'on observe, soit dans les plaques jaunes des circonvolutions, soit
dans les foyers jaunes de ramollissement profond, quoique dans cer-
tains cas cette coloration jaunâtre paraisse due uniquement à la pré-
sence de la graisse.
La coloration jaune a, il est vrai, une prédilection pour la surface
de l'encéphale, et il n'est pas rare d'observer des ramollissements qui,
jaunes à la superficie, deviennent blanchâtres dans la profondeur.
Cette fréquence de la coloration jaune dans la subtance grise du cer-
veau est sans doute en rapport avec l'hyperémie habituelle que l'on
rencontn; dans ces mêmes points, dans les ramollissements récents
rouges.
Enfin il est possible que dans certains cas la matière colorante du
sang se résorbant complètement, un ramollissement primitivement
rouge se soit transformé peu à peu en un foyer grisâtre ou blanc.
D'autres processus morbides peuvent donner lieu à des altérations
analogues, et il est souvent fort diflicile de distinguer ces lésions de
celles que produisent d'anciens foyers hémorrhagiques. surtout si
elles siègent dans le voisinage des corps striés, lieu d'élection do
l'hémorrhagie cérébrale. On peut dire, il est vrai, que le foyer résul-
116
tant d'une ancienne liéraoniiagie présente une teinte plus ocrée,
qu'il renferme une plus furie proportion d'iiéraatosine et d'hématoï-
dinc, que ses parois sont plus dures, plus rétractées sur leurs Lords,
qu'il y a une moins grande quantité de tractus celluieux à l'intérieur
du foyer; mais ces caractères dislinctifs ne sont pas suftisants, dans
certains cas, dans lesquels il est alors difficile de déterminer exacte-
ment quelle a été l'altération primitive.
Quant aux plaques jaunes, on ne peut guère supposer qu'elles pro-
viennent d'une hémorrhagie, car leur siège n'est pas celui de l'iié-
morrhagie cérébrale.
Plusieurs auteurs ont voulu séparer du ramollissement par ob-
struction aj'térielleles plaques jaunes; nous voyons, en particulier,
M. Lancereaux (p. 33) attribuer leur formation à un exsudât qui se-
rait le résultat dun processus inflammatoire à marche chronique.
Nous sommes disposés à admettre qu'un travail iriitatif secondaire
joue un j'ôle dans leur foj-mation, et il se ponrraitpeul-ètre aussi que
dans certains cas elles soient le résultat d'une phlegmasie chronique;
nous n'insistons ici que sur la possibilité de leur formation à la suite
d'une obstruction ai'térielle (1), et nous pouvons, comme exemples,
citer l'obs. lll et les obs. suivantes :
(l)Nous sommes d'autant plus autorisés à dire que les plaques jaunes
peuvent être le résultat d'une obstruction artérielle, que depuis que
nous avons écrit ces lignes, nous avons fait de nouvelles expériences,
et que nous avons été assez heureux pour obtenir expérimentalement
une plaque jaune, sur un chien qui avait survécu à l'injection de grai-
nes de tabac dans la carotide. Nous croyons cette expérience assez im-
portante et assez intéressante pour la publier in extenso dans cette
note.
INJECTION DE GRAINES DE TABAC DANS LA CAROTIDE CAIÎCHE (eOCT CENTRAL);
CRIS, tristesse; pas DE VARALVSIE; ANIMAL SACRIFIÉ AU BOUT DE TRENTE-
NEUF jours; ANCIEN FOYER DE RAMOLLISSEMENT (PLAQUE JAUNe) DES CIRCON-
VOLUTIONS DE L nËMlSPHÈRE DROIT.
Exp. XII. — Le 15 janvier 1866 nous avons injecté, dans le bout
central de la carotide gauche d'un chien épagneul adulte de grande
taille, de l'eau tenant en suspension des graines de tabac; fort peu de
graines durent pénétrer, car la canule de la seringue fuloblitérée, néan-
moins l'animal poussa un cri au moment de l'injection. Il ne se mani-
festa pas de symptômes de paralysie, mais l'animal resta triste et abattu.
117
HIÎMIPLÉGIE gauche; PLAQUES JAUNES DANS l'mÉJMSIMIÈRE «liOll ; ARTÈRES CÉRÉ-
ItRAI.ES TRÈS-ATHÉROMATEUSES; OBLITÉRATION DES ARTÈRES SYLVIENNE ET DU
CORPS CALLEUX DROITES.
Ors. XIII. — F. (Pauline-Stéplianie-Louise), âgée de 58 ans, est entrée
La plaie se cicniriso : le cliicn continua à être triste, il était ilifTicile de
le faire sortir du fond de son chenil : Pas d'albuminurie.
23 février. Aucun symptôme nouveau ne s'étant manifesté; nous sa-
crifions l'animal par décapitation.
Autopsie. — Cavité crânienne. Pas d'altération des téguments, des
os du crâne ni delà dure-mère.
Cerveau. A la partie externe du lobe moyen droit et suivant la direc-
tion de la scissure de Sylvius en remontant jusqu'à 1/2 centimètre en-
viron de la scissure interhém'sphérique, existe une plaque d'une lon-
gueur d'environ 3 à 4 centimètres, et d'une largeur variant entre 2 et
15 millimètres. Cette plaque est rétractée, elle forme une dépression à
la surface du cerveau; jaunâtre par places, elle offre une teinte opaline
dans quelques endroits. Le tissu qui la constitue est plus résistant que
les parties saines du cerveau; on aperçoit à l'œil une trame vasculaire
qui la recouvre. Les membranes d'enveloppe enlevées, on aperçoit la
substance cérébrale, dune coloration jaune ocré, qui était masquée par
l'état opalin des membranes. Cette altération, qui rappelle en tous points
les plaquas jaunes des circonvolutions, ne s'étend que peu en profon-
deur, ne dépasse que dans quelques points la substance grise. (Voy.
pi. 1II„ fig. 4.)
L'artère sylvienne droite est oblitérée par quelques graines de tabac
qui se sont accumulées surtout à la partie inférieure du foyer; on re-
trouve encore quelques graines dans la cérébrale antérieure droite, et
une dans une petite branche de la sylvienne, qui se rend au foyer.
Examen microscopique. On constate dans le tissu qui constitue la plaque
jaune, une très-grande accumulation de granulations graisseuses dissé-
minées, un grand nombre de gros corps granuleux, plus abondants dans
le voisinage des petits vaisseaux; quelques granulationsjaunâtres d'hé-
matosine et des débris de tubes nerveux.
Les vaisseaux sont pour la plupart chargés de granulations; quelques
petits vaisseaux offrent aussi des granulations accumulées dans leur
tunique même; ils sont très-chargés de noyaux. ( PI. III, fig. 1.)
On trouve en outre entre les vaisseaux une trame de tissu cellulaire,
qui devient manifeste par l'addition d'un peu d'acide acétique. (PI. III,
fig. 2.)
En somme, on peut dire que la substance nerveuse a en grande par
118
à la Salpêtrière le 23 mai 1863, salle Saint-Jacques, n° l'4, service de
M. Charcot; elle est morte le 9 septembre 1865.
Hémiplégie gauche survenue en décembre 1862, sans perte complète
de connaissance et ayant été précédée par des étourdissements. Un
mois après l'attaque, les membres paralysés ont commencé à se contrac-
turer.
A son entrée à la Salpêtrière, on observa : intelligence parfaitement
saine, pas de troubles de la parole, pas de paralysie faciale; membre
supérieur gauche roide, doigts fléchis dans la paume de la main ; mem-
bre inférieur flasque; roideur seulement dans le pied (pied bot-équin).
Les différents modes de la sensibilité sont parfaitement conservés.
Mort le 9 septembre 1865.
Autopsie.— Cavité crânienne. Méninges infiltrées de sérosité. La pie-
mère se détache facilement. Artères de la base du cerveau très-athé-
romateuses. L'artère sylvienne droite et Tartère du corps calleux droite
sont oblitérées en quelques points par une matière jaunâtre.
Hémisphère gauche sain ; seulement quelques lacunes dans la couche
optique.
Hémisphère droit. Deux plaques de ramollissement jaune, situées
vers l'extrémité supérieure du sillon de Rolando.
Atrophie de la pyramide droite.
Cœwr. Valvule mitrale légèrement alhéromateuse ; pas de végétations.
Valvules aortiques saines.
Aorte très-peu athéromateuse.
Pas d'infarctus dans les viscères.
ancienne hémiplégie droite; ramollissement cérébral ancien; thrombose de
l'artère sylvienne; cancer du foie.
Ors. XIV. — H, (Marie-Rosalie), âgée de 67 ans, est entrée à la Sal-
tie disjiaru, et qu'il reste surtout des vaisseaux nombreux chargés de
noyaux unis par une trame de tissu cellulaire à noyaux, et entremêlé
de granulations graisseuses et de gros corps granuleux.
Les parties blanches voisines du foyer offraient aussi quelques corps
granuleux moins abondants et réunis surtout au voisinage des vais-
seaux.
Rien dans les autres parties de l'encéphale.
Moelle. On n'y a pas constaté d'atrophie descendante, non plus que
dans la pyramide antérieure droite, soit à l'examen à l'œil nu, soit à
l'examen microscopique.
Autres organes sains; pas d'infarctus.
JIO
pêtrière le 18 avril 1863, salle Saint-Paul, n" 11, service de M. le doc-
leur Charcot; morte le 9 avril 1865.
Il paraît que six mois environ avant son admission à la Salpêtrière,
elle a été frappée d'héminlégie droite avec perte de la parole. Actuelle-
ment les membres du côté droit sont complètement paralysés et flas-
ques; les doigts sont seulement fléchis en crochet. Aphasie. La malade
répète quelques mots, sait son nom; l'intelligence paraît assez conser-
vée ; elle cherche à se faire comprendre par des gestes. CEdème consi-
dérable des membres inférieurs, gagnant peu à peu les flancs, les lombes
et toute la moitié inférieure du tronc. Mort le 9 avril 1865.
Urines. Albuminurie (16 mai 1863); pas d'albuminurie (mars 1865).
Autopsie. — Cerveau. Vaste foyer de ramollissement ancien, situé au
fond de la scissure de Sylvius du côté gauche; en arrière de l'insula,
la partie postérieure de la circonvolution marginale inférieure est en-
tièrement détruite. Le ramollissement s'étend jusque dans la partie
postérieure du corps strié, dont la capsule interne est en partie détruite.
Troisième circonvolution frontale saine. Atrophie descendante du pé
doncule cérébral et de la pyramide gauches.
Les artères de la base du cerveau sont peu athéromateuses, à l'ex-
ception de la sylvienne gauche, dont le calibre est considérablement
rétréci par des plaques athéromateuses.
Au delà de ce rétrécissement et immédiatement avant sa bifurcation,
cette artère est complètement oblitérée par un caillot ancien, légère-
ment adhérent, qui envoie des prolongements dans les branches de
l'artère sylvienne. (PI. Il, fig. 7.)
Cœur petit; pas d'altération valvulaire; pas d'endocardite ancienne.
Aorlc à peine athéromateuse.
Raie et reins sains ; pas d'infarctus»
Foie cancéreux dans presque toute son étendue.
Nous rapprocherons des cas précédents l'observation suivante 'dans
laquelle l'oblitération artérielle n'a pas été recherchée, mais où elle
était infiniment probable) qui offre un exemple de ramollissement
avec infarctus consécutifs à une endocardite avec productions poly-
piforraes de la valvule mitrale.
120
Ancienne hémiplégie GAtcnE; ramollissement jaune de L'nÉr.iispnÈRE droit;
INFARCTUS DE LA RATE : ENDOCARDITE AVEC PRODUCTIONS POLYPIFORMES DE
LA VALVULE mitrale; MORTE DE DYSsENTÉRiE. (Obscrvation duB à M. VUL-
PIAN.)
Ors. XV. — M... (Marie), 26 ans. Morte le 8 octobre 1863, à la
Salpêtrière, salle Saint-Nicolas, 6, service de M. Vulpian.
Il y a environ un an, attaque subite d'hémiplégie gauche, avec perle
de connaissance. A son entrée à l'infirmerie, cette malade présente une
paralysie complète du côté gauche avec atrophie; diminution de la sen-
sibilité; contracture légère du bras et de la main; pas d'aphémie. Af-
fection cardiaque ; bruit de souffle à la pointe, couvrant le petit si-
lence.
La malade entre pour une diarrhée dyssentérique et meurt le 8 octo-
bre 1863.
Autopsie. — Cavité cravienne. Néomembranes minces, rouges, plus
étendues à droite qu'à gauche, siégeant dans les fosses pariétales.
Artères de la base nonathéromateuses. N'ont pas été examinées avec
soin au point de vue de leur obstruction.
Ramollissement jaune ocré formant une dépression à la surface de
rhémisphère droit et occupant la partie antérieure de la circonvolution
marginale antérieure, la. partie postérieure des trois circonvolutions
frontales, la partie externe du lobule de l'insula; la teinte jaunâtre se
prolonge en outre sans dépression jusqu'au voisinage de la scissure in-
terhémisphérique. Cette altération est limitée à la substance grise, si ce
n'est au niveau de la partie postérieure de la deuxième circonvolution
frontale et d'une portion de la première, où l'altération se prolonge dans
l'hémisphère jusqu'à une petite distance de la surface supérieure du
ventricule latéral.
Cette substance jaune est formée d'une très-grande accumulation de
corps granuleux.
Corps strié sain.
Atrophie descendante du pédoncule cérébral droit et du faisceau la-
téral gauche de la moelle épinière.
Cœur. Volume normal, tissu sain. Valvules aortiques saines. Valvule
mitrale. Sur le bord libre de la valve interne près du point d'inser-
tion des tendons des colonnes charnues, dans un espace de 1/2 cen-
timètre ; état végétant du tissu ; sorte de végétation à base assez ferme,
mais de moindre consistance que la valvule et qui, à son sommet, est
déchiquetée, ramollie, rougeâtre comme de la fibrine en voie de ré-
gression.
121
Poumons. Sains.
Intestin grêle. Psorontéric manifestp.
Gros intestin. Nombreuses ulcérations dyssentériques.
Foie légèrement gras.
Bdte très-grosse. Pèse 710 grammes. A sa surface quelques taches
jaunâtres de 2 à 3 centimètres de diamètre à contours irrégulièrement
arrondis; sur des coupes ces parties ont une teinte blanc jaunâtre, nuan-
cée de gris et çà et là de rouge. Le tissu est plus compacte, plus homo-
gène et plus résistant que le tissu sain. Tous ces points sont entourés
d'un tissu un peu congestionné ou bien noirâtre, montrant dans ce der-
nier cas les traces d'une ancienne congestion.
L'examen microscopique de ces points d'infarctus fibrineux a montré
un petit nombre de cellules très-granuleuses et une augmentation de
tissu conjonctif (fibrillaire à noyaux allongés); on n"a pas pu y trouver
manifestement les éléments normaux de la rate.
Des adhérences péritonéales delà rate au pancréas et au rein restaient
comme vestiges dun travail de péritonite localisée ancienne.
Reins. Sains.
Aorte. Saine dans toute son étendue.
Dans les cas précédents de ramollissements anciens (plaques
jaunes; consécutifs à une oblitération artérielle, la lésion cérébrale
nous paraît pouvoir être rapprochée des anciens infarctus formant
des plaques rétractées et quelquefois jaunâtres à la surface de la rate
et des reins.
Quelquefois une hémorrbagie peut se faire dans un ancien foyer
de ramollissement; nous en avons plusieurs exemples; mais nous
avons cru devoir placer ici l'observation suivante, le ramollissement
étant dli à une obstruction artérielle. Ces cas pourraient se rappro-
cher des ramollissements hémorrhagipares de Rochoux.
PLUSIEURS ATTAQUES APOPLECTIQUES; ATTAQUE RÉCENTE AVEC CONVULSIONS ÉPl-
LEPTIFORMES ; PLUSIEURS FOYERS DE RAMOLLISSEMENT ; HÉMORRHAGIE DANS UN
DE CES FOYERS AVEC ISSUE DU SANG DANS LA CAVITÉ ARACUNOÏDIENNE ; ARTÈRES
DE LA BASE ATHÉROMATEusEs ET OBSTRuÉiiS. (Obscrvation duB à M. Ic doc-
teur CuARcoT.)
Obs. XVI. — H... (Marie-Victoire), âgée de 50 ans, est entrée à l'infir-
mcrie de la Salpêtrière, service de M. Charcot, le 30 mars 1862; elle est
morte le 26 avril 1862.
122
A son entrée celte malade ne peut donner aucun renseignement; on
apprend de ses parents qu'il y a deux ans elle eut une attaque apoplec-
tique suivie de guérison ; treize mois plus tard on la trouva sans con-
naissance dans son lit. Depuis cette époque elle est restée paralysée
dans Tétat où elle se trouve aujourd'hui.
Air hébété, fréquentes congestions passagères de la face; station im-
possible; membres dans la demi-flexion, roideur dans les membres
droits.
Parle d'une manière incohérente ; gâteuse.
Sensibilité conservée, mais lente, surtout à droite.
Le 26 avril, à huit heures du matin, la malade est prise subitement de
convulsions épileptiformes avec perte complète de connaissance; colo-
ration violacée de la face et stertor. Les convulsions sont plus pronon-
cées dans les membres droits et surtout dans le bras contracture. Les
convulsions se succèdent presque sans relâche jusqu'à six heures du
soir. Mort le même jour.
Autopsie. — Cavité crânienne. Les artères de la base sont athéroma-
teuses; l'artère basilaire est trois ou quatre fois plus volumineuse qu'à
l'état normal, tortueuse et indurée; les artères enlevées en même temps
que la pie-mère et examinées ensuite, ont présenté dans plusieurs points
des thrombus ayant environ un centimètre de long, durs, en grande
partie décolorés, adhérant aux parois d'une manière assez intime et dis-
tendant le vaisseau. On ne peut déterminer exactement le siège de ces
thrombus, les artères ayant été enlevées avec les membranes.
HcmisTplièrc gauche. Dans la cavité gauche arachnoïdienne existait un
caillot noir arrondi qui comprimait manifestement la surface du lobe pos-
térieur ; ce caillot pénétrait à l'intérieur d'une vaste cavité occupant
presque tout le centre du lobe postérieur. La substance grise présente
une perforation déchiquetée de l'étendue d'une pièce d'un franc par
laquelle le caillot intra-cérébra! se continue avec le caillot arachnoï-
dien. L'arachnoïde pariétale et viscérale ne présente aucune trace de
fausses membranes au niveau du foyer. Les parois du foyer sont ramol-
lies (détritus pultacé blanc) dans toute leur épaisseur, en sorte que le
lobe postérieur peut être considéré comme ramolli en totalité; sa sur-
face présente une coloration jaunâtre évidente. Le foyer ne paraît pas
communiquer avec le ventricule. Le corps strié et la couche optique
ainsi que le corps calleux et la voûte à trois piliers sont mous, mais
ne présentent pas de ramollissement véritable.
Le lobe antérieur gauche présente une teinte hortensia foncée et
quelques points de ramollissement superficiel rouge.
Hénii&pliére droit. Plusieurs points de ramollissement jaune ou
blanc soit dans l'épaisseur soit à la surface du lobe postérieur. CJca-
123
trice dure et ocrée entourée de substance cérébrale ramollie siégeant
à l'union du tiers antérieur et dos deux tiers postérieurs du corps
strié (ancien foyer liémorrhagique).
Mollesse générale des autres parties de l'encéphale.
Cœur. Volume à [)eu près normal, induration des valvules du cœur
gauche sans lésion proprement dite des orifices.
Aorte peu athéromateuse, non ossifiée.
Autres organes non examinés.
IXI. — Be l'oblitération artérielle.
Dans toutes les observatioos que nous venons de rapporter, nous
avons vu que le ramollissement pouvait être attribué à l'oblitération
artérielle; il nous reste maintenant à rechercher quelles peuvent être
la nature et les causes de cette oblitération.
Oq divise habituellement en deux espèces principales les caillots
oblitérateurs, selon qu'ils se sont formés sur place, ou qu'ils sont
venus d'un point plus ou moins éloigné du système circulatoire d'où
ils ont été entraînés par le courant sanguin. Nous verrons tout a
l'heure qu'il est souvent difficile de déterminer à laquelle de ces deux
espèces apartient le caillot.
De la thrombose. — La thrombose artérielle peut reconnaître dif-
férentes causes :
r L'altération des parois de l'artère. Il est probable que la dégéné-
rescence athéromateuse des artères, l'état dépoli et rugueux de leur
membrane interne qui en est la conséquence, entraîne souvent la
coagulation du sang sur place, d'autant plus qu'à cette altération de
la paroi vient s'ajouter le rétrécissement de calibre du vaisseau. (Voy.
obs. II, IV, XVI.)*
2" Le ralentissement du cours du sang qui, comme on le sait, le
dispose à se coaguler spontanément; ce ralentissement peut être pro-
duit par diliërentes causes :
a. Les aliections du cœur, et principalement la dégénérescence
graisseuse (1) de ses parois, fréquente chez les vieillards, qui doit di-
minuer considérablement l'énergie de ses contractions.
b. Le rétrécissement du calibre des artères, ordinairement par des
dépôts athéromaleux; il n'est pas rare, en effet, de rencontrer des
(l) Voy. Geist (Ku.mk der GaEisENKRANKUErrEN, p. 75), Erlangen, 18(30.
1^.4
tlirombus qui se sont formés immédiatement après un rétrécissement
du vaisseau, là où le cours du sang était nécessairement ralenti (1).
(Voy. ol)s. I, V,X1V.)
c. La perte de l'élasticité des parois artérielles par suite de leur
dégénérescence athéromateuse. M. Marey a démontré que l'élasticité
des parois artérielles augmente la vitesse du courant sanguin, nous
sommes donc en droit de mettre la perte de cette élasticité parmi les
causes qui disposent le sang à se coaguler (2).
3° Enfin une cause fréquente de thrombose est une altération spé-
ciale de la crase du sang qui le dispose à se coaguler spontanément,
indépendamment de toute lésion appréciable du système artériel;
cette altération du sang (inopexie de Vogel) s'observe dans les ca-
chexies, etnous l'avons particulièrement renconti'ée dans la cachexie
cancéreuse (3). On voit alors se produire simultanément des throm-
boses artérielles et veineuses qui révèlent cet état du sang.
Dans une récente communication à la Société de biologie où il a ap-
pelé l'attention sur les ramoUisements qui surviennent chez les can-
céreux, M. le docteur Charcol a dit avoir vu la gangrène d'un membre
survenir à la suite d'une thrombose de cette nature. Peut-être à cette
altération du sang faut-il ajouter la faiblesse des contractions du cœur
qui nous a ordinairement paru llasque, mou et atteint de dégénéres-
cence graisseuse chez les sujets cachectiques. Nous regrettons seule-
ment de n'avoir pas de renseignements plus positifs à cet égard.
C'est dans cette classe qu'il faut ranger les oblitérations mentionnées
dans les obs. Vlll, X, XI.
Du reste, ces diverses conditions qui disposent à la thrombose, se
trouvent souvent réunies sur le même sujet, et l'on comprend quelle
doit être sa fréquence chez les vieillards.
De l'emiîolie. — Le point de départ des embolies artérielles se
(1) L'épaississementalhéromateux des parois de l'artère est quelque-
fois assez considérable pour oblitérer presque complètement ou môme
complètement la lumière du vaisseau, comme on peut s'en assurer par
une section transversale; dans ces cas l'athérome peut produire les
mêmes effets que la thrombose ou l'embolie.
(2) Voyez aussi Geist, ouvrage cité, p. 634.
(3) Voyez Charcot, Sur lu thrombose artérielle qui survient dans
certains cas de cancer. (Soc. méd. des hôpitaux, 22 mars 1865.)
12;)
trouve habituellement dans le cœur (végétations fibrineuses des val-
vules, caillots anciens des cavités gauches : Voyez les obs. VI, VII,
XV), ou dans l'aorte et les gros vaisseaux (athéromcs ulcérés, cail-
lots anciens formés sur ces ulcérations); nous reviendrons d'ailleurs
sur ces cas de kystes librincux et d'abcès alhéromateux qui se rap-
portent plutôt à celles de nos observations oii le ramollissement nous
a paru pouvoir être attribué à l'embolie capillaire.
On a signalé, comme point de départ embolique, des coagulations
formées dans les veines pulmonaires (I). Nous n'avons pas été assez
heureux pour rencontrer de pareils cas. Nous devons dire qu'en géné-
ral, dans les observations dont nous avons pu disposer, l'examen des
veines pulmonaires n'a pas été fait sullisaminent.
Quelle que soit la cause qui lui a donné lieu, le bouchon qui, dans
nos observations a été considéré comme pouvant avoir ])roduit le
ramollissement, était grenu, grisâtre, ou très-légèrement rosé, et
présentait à l'examen microscopique le même aspect que la fibrine en
voie de régression graisseuse, souvent il était adhérent aux parois
de l'artère au moyen d'un tissu cellulaire de nouvelle formation.
Quant aux caillots récents, rosés et ne remplissant souvent pas tout
le calibre de l'artère, ils doivent être considérés comme formés pen-
dant l'agonie, et ne peuvent avoir aucune importance dans la genèse
du ramollissement.
Quelques auteurs, avec M. Durand-Fardel, avaient pensé que les
caillots étaient consécutifs au ramollissement; il nous suffira de
faire remarquer, comme l'a fait M. Lancereaux (2), que le siège des
oblitérations artérielles est généralement éloigné de la partie ramol-
lie, ce qui n'aurait pas lieu si la coagulation était le résultat dune
artérite de voisinage. Nous allons donner sous forme de tableau le
siège des oblitèiations qui sont signalées dans nos observations eu
le comparant aux lésions de l'encéphale.
(1) Voy. Lancereaux, ouvr. cité, p 46.
(2) Lancereaux, ouvrage cité, p. 27.
ARTÈRES OBMTÉRÉF.S. LÉSIONS ENCÉPHALIQUES.
Obs I. — Sylvieniie droite. .... Ramollissement de j'hémisplière droit (1/5 postérieur
et du corps strié.
Obs. V. — Sylvieniie droite R. du corps strié droit.
Obs. "VII. — Syivienne droite. ... R. Circonvolutions orbitaires ; insula ; corps strié
droit.
Obs. VIII. — Syivienne droite. ... R. d'une portion des lobes occipital et pariétal droits.
Obs. X. — Syivienne droite R. Lobe sphénoïdal droit.
Obs. XI. — Syivienne droite R. Parties des lobes frontal et sphénoïdal droits.
il» Syivienne droite
2" Art. du c. calleux
droite Plaque jaune à l'extrémité sup. du sillon de Rolando.
I 1" Syivienne gauche. R. S™' frontale, insula, lobe sphénoïdal gauche.
Obs. III. — I 2" Cérébrales antér.
( et post. droites. R. récent de tout l'hémisphère droit.
Obs. IX. — Syivienne gauche R. Face externe de l'hémisphère gauche et du centre
ovale.
Obs. XIV. — Syivienne gauche. . . R. Scissure de Sylviuset corps strié gauches.
Obs. IV. — Carotides et branches. . R. multiples.
Obs. VI. — Carotide interne jusqu'à
la syivienne ei céré-
brale antér. droites. . R. des lobes moyen et postérieur droits.
Obs. II. — Basiliiire R. Hémisphère cérébelleux droit.
Obs. XVI. — Oblitérations mul-
tiples R. multiples.
En K'sumé, Tartère syivienne droite a étc oblitérée 7 fois, la
syivienne gauche 3 fois, la cérébrale antérieure droite 2 fois, la cé-
rébrale postérieure droite 2 fois, le tronc basilaire 1 fois, la carotide
interne droite 2 fois, la carotide interne gauche 1 fois.
On voit donc que dans le plus grand nombre des cas l'oblitération
siégeait dans une des artères sylviennes, ce qui est assez conforme
au résultat des recherches de M. Lancereaux (1), qui a trouvé l'artère
cérébrale moyenne oblitérée 24 fois sur 44 cas.
Dans le résumé statistique qu'a publié M. Meissner (2), cet auteur
arrive par l'examen de 32 cas aux résultats suivants, qui sont un peu
différents :
Le plus fréquemment Toblitération siégeait dans la terminaison de
la carotide (7 fois dans lune, 2 fois dans les deux), ensuite par ordre
de fréquence dans la cérébrale postérieure (8 fois), dans l'artère syi-
vienne (7 fois), dans la basilaire (4 fois), dans la vertébrale (1 fois
dans l'une et i fois dans les deux), dans l'artère du corps calleux
(2 fois).
(1) Lancereaux, ouvr. cit., p. 19.
(2) Meissner, Zio' Lehrc von der Thrombose iind Embolie, Schmidt's
Jahrhûcher, 1861 , t. CIX, p. 89.
|->7
Nous devons rapprocher de ces données statistiques les résultats
que nous ont fournis nos expériences; comme nous l'avons déjà in-
diqué c'était presque toujours dans la sylvienne que venaient s'accu-
muler de préférence les graines de tabac. Dans nos observations, il
est vrai, les oblitérations des sylviennes s'étaient formées par coa-
gulation sur place; il est intéressant de voir la thrombose se pro-
duire le plus fréquemment dans le même siège que l'embolie.
CHAPITRE II.
RAMOLLISSEMENTS QUI PEUVENT ÊTRE ATTRIBUÉS A L'ÉTAT
ATHÉROMATEUX DES ARTÈRES CÉRÉBRALES.
Nous pensons que dans un certain nombre de cas où l'on n'a trouvé
ni thrombose ni embolie, le ramollissement a pu dépendre des trou-
bles circulatoires que produit la seule dégénérescence athéromateuse
des artères cérébrales quand elle est avancée et surtout quand les
artères sont tortueuses, ossifiées par places, et que leur calibre est
plus ou moins rétréci. Les vieillards chez lesquels on trouve cette
altération des artères cérébrales présentaient habituellement pendant
leur vie des signes évidents d'ischémie encéphalique (vertiges, étour-
dissements, etc.), et au bout d'un certain temps avaient eu une ou plu-
sieurs attaques d hémiplégie annonçant un ramollissement qu'il nous
parait bien dilïicile d'attribuer à une autre cause qu'à lïschémie cé-
rébrale qui s'était déjà manifestée aux yeux de l'observateur. Dans
ces cas on n'a point trouvé de point de départ embolique ni d'oblité-
ration des artères cérébrales, il nous semble donc que Ton est en
droit, jusqu'à un certain point, d'attribuer les accidents observés à
la seule altération des parois artérielles; on peut objecter, il est vrai,
qu'il est bien difficile d'affirmer d'une manière certaine la non-exis-
tence des oblitérations artérielles; que des thromboses peuvent s'être
produites dans les fines ramihcalions artérielles (particulièrement
dans les cas où les artères sont athéromateuses jusque dans leurs
dernières divisions), où leur recherche est extrêmement dilhcile.
Peut-être aussi dans ces cas les lésions des capillaires jouent-elles un
rôle dans la production du ramollissement, mais nous n'avons pas de
faits appartenant à cette série d'observations qui nous permettent de
déterminer si cette altération des capillaires est plutôt primitive que
m
consécutive; nous verrons plus tard que bien souvent elle est (consé-
cutive.
Quoi qu'il en soit, les observations que nous plaçons clans cette
série présentent clans leurs lésions anatomiques quelques particula-
rités qui permettent de les rapprocher les unes des autres. Un y
observe généralement des foyers de ramollissements multiples, des
lacunes (1), souvent un état comme atrophique de la substance des
hémisphères (état feutré), bref un ensemble d'altérations de l'encé-
phale qui indiquent un trouble général de la nutrition de cet organe.
iNous devons dire que, vu l'âge avancé des malades de la Salpêtrière
et la très-grande fréquence des altérations athéromateuses des ar-
tères, beaucoup d'observations que nous ne plaçons pas dans ce
groupe, pourraient en èti'e rapprochées; mais la présence d'une em-
bolie, d'une thrombose, ou d'autres lésions importantes nous les a
fait classer ailleurs.
(1) Ces lacunes sont, comme on le sait, de petites pertes de sub-
stance de la grosseur d'ime tête d'épingle à un pois, contenant un li-
quide séreux, et qu'on rencontre le plus souvent dans les corps striés
et les couches optiques, quelquefois dans la protubérance et dans le
centre ovale de Vieussens. Il nous semble que c'est celte altération que
M. Durand-Fardel a voulu décrire sous le nom d'élat criblé du cerveau
lorsqu'il dit {Traité des maladies des vieillards, p. 52) : « C'est dans
« les corps striés surtout qu'il est facile d'étudier les effets de l'âge sur
« la dilatation des vaisseaux et les effets de cette dernière sur la sub-
it stance cérébrale. Chez les vieillards, on trouve souvent les corps
« striés creusés de canaux ayant 3 millimètres de diamètre, et conte-
M nant tous un vaisseau qui, vide de sang, paraît toujours d'une petitesse
u hors de proportion avec le canal qui le contient. Ces canaux suivent
« presque toujours une direction sinueuse, de sorte que, au premier
« abord, il semble à la coupe du corps strié voir de petites cavités à
« parois lisses et incolores, etc. »
M. Durand-Fardel attribue donc cette lésion à la dilatation des vais-
seaux résultant des congestions cérébrales répétées; il nous paraît bien
plus probable que ces lacunes résultent du trouble nutritif de la sub-
stance cérébrale, car elles coïncident habituellement avec un état athé-
romateux prononcé des artères cérébrales et de véritables foyers de
ramollissement; il est d'ailleurs bien difficile de distinguer une grande
lacune d'un petit foyer de ramollissement ancien, car ces lacunes sont
aussi remplies de corps granuleux.
Troubles vagues; ai-faiblissement de l'intelligence et de la motilitê, un
PEU d'hémiplégie droite; ramollissement de l'oémisprère gauche; lacunes
nombreuses; état athéromateux des artères. (Observation duc à M. le
docteur Vulpiak.)
Obs. XVII. — P... (Marie-Victoire), 66 ans, meurt le 28 février
1864, salle Saint-Philippe, n" 20, infirmerie de la Salpêtrière, service
de M. Vulpian.
Cette femme a eu de fréquents étourdissements; elle entre plusieurs
fois à l'infirmerie présentant des troubles assez vagues de l'intelligence
et de la motililé. De temps en temps elle devient gâteuse, ne parle que
fort imparfaitement. Dans l'intervalle de ses séjours à l'infirmerie, elle
marche assez difiîcilement en se soutenant avec un bâton. On constate
un faible degré de paralysie du côté droit, la bouche est un peu déviée
à gauche.
Lors de sa dernière entrée à l'infirmerie (19 février 1864) son état
s'était aggravé, elle ne parlait plus; l'intelligence était presque nulle,
elle comprenait à peine ce qu'on lui disait, elle était gâteuse ; la para-
lysie du côté droit existait toujours à un certain degré, après avoir pré-
senté des alternatives d'aggravation et d'amélioration, il y avait de l'œ-
dème des extrémités et quelques taches huileuses de gangrène sur les
membres inférieurs. Cet état s'aggrave encore, la respiration devient
stertoreuse; les extrémités retombent inertes quand on les soulève,
elles se refroidissent, et la malade succombe le 28 février.
Autopsie. — Cavité crânienne. Artères de la base athéromateuses;
le calibre de l'artère sylvienne gauche est très-rétréci par des dépôts
athéromateux. Une des branches a son calibre réduit environ à la moi-
tié du calibre normal.
Du côté droit, l'état des artères est à peu près le même, mais l'artère
sylvienne est moins rétrécie.
Cerveau. Ramollissement superficiel des circonvolutions occipitales
gauches le long de la scissure interhémisphérique, et des circonvolu-
tions inférieures du lobe sphénoïdal gauche, dont la pie-mère ne peut
se détacher sans y produire des érosions; la couleur de ces parues est
jaune, terreuse. Plusieurs de ces circonvolutions sont détruites dans
toute leur épaisseur, et remplacées par un tissu cellulaire lâche, affaissé
et infiltré de liquide séreux.
Profondément le ramollissement atteint presque la paroi supérieure
du ventricule latéral, mais dans les parties profondes la substance cé-
rébrale est conservée, bien que raréfiée.
MÉM. 9
130
Dans ces parties, nombreux corps granuleux ; capillaires légèrement
athéromateux ; quelques corps amyloïdes.
Coi^s strié gauche. Ramollissement peu marqué de la partie super-
ficielle et externe de la tète. Plusieurs petites lacunes dans les noyaux
gris.
Couche optique gauche. Quelques lacunes.
Co7ys strié droit et couche optique droite. Quelques lacunes.
Protubérance. Deux petites lacunes, une de chaque côté de la ligne
médiane antéro-postérieure.
Rien dans les autres parties de l'encéphale.
Poumons. Emphysémateux, congestionnés.
Cœur, Foie sains.
Rate. Noyau d'infarctus ?).
Eschare du sacrum pénétrant jusqu'aux os.
Attaque apoplectique (mort ex huit jours); hémiplégie mal définie; plu-
sieurs LACUNES et plusieurs FOYERS DE RAMOLLISSEMENT DANS DIVERSES
parties DE L'ENCÉi-IIALE ; ARTÈRES DE LA BASE TRÈS-ATHÉROMATEUSES. (Ob-
servation due à M. le docteur Vulpian.)
Obs. XVIII. — T... (Rose), 73 ans, entre le 29 mars 1864 à l'infirme-
rie de la Salpôtrière, salle Saint-Jean, 2, service de M. Vulpian.
D'après ce qu'apprennent les parents de la malade, elle aurait eu en
1863 une attaque apoplectiforme avec hémiplégie droite à la suite de
laquelle elle aurait conservé un peu d'affaiblissement du côté droit et
d'embarras de la parole; elle marchait cependant encore le 28 mars.
Le 29 mars, attaque apoplectique, demi-coma. Le côté droit est plus
faible que le gauche ; commissure labiale tirée à gauche, sensibilité
obtuse.
Le 4 avril, résolution complète; respiration stertoreuse.
Le 6, mort.
Autopsie. — Cavité cromenne. Pas de néo-membranes de la dure-
mère.
Artères de la base très-fortement athéromateuses, jusque dans les
petites branches, le calibre en est considérablement réduit dans plu-
sieurs points. Pas de caillots anciens.
Encéphale. Plusieurs petits foyers de ramollissement, les uns récents,
les autres plus anciens, dans les noyaux blancs des deux hémisphères.
Plusieurs lacunes dans les corps striés. Dans le corps strié droit foyer
de ramollissement récent, rougeàtre, du volume d'une noisette.
Une petite lacune dans la couche optique gauche, rien dans la droite;
la protubérance présente plusieurs lacunes de chaque côté de la ligne
médiane.
131
Poumons. Emphysème et congestion.
Cœur. Dépôts athéromateux légers dans l'épaisseur des valvules.
Pas de lésions viscérales.
Attaque apoplectique; hémiplégie droite; ramollissement superficiel du
cerveau; artères cérébrales et aorte athéromateuses; nïPERTROPniE
DU coeur et lésions valvulaires. (Observation due à M. le docteur
VULPIAN.)
Obs. XIX. — T... (Marie), 67 ans, meurt le 2 mai 1864, salle Saint-
Nicolas, 3, hospice de la Salpêtrière, service de M. Vulpian.
Cette femme est entrée plusieurs fois a l'infirmerie, pour des acci-
dents de congestion pulmonaire compliquant une affection cardiaque ; elle
est très-sujette aux étourdissements accompagnés même quelquefois de
perte passagère de connaissance. C'est cet accident qui l'amène le 4
avril à l'infirmerie. On constate de plus : congestion pulmonaire, affec-
tion cardiaque (un peu d'hypertrophie; souffle au premier temps et à la
pointe, extrémités inférieures œdématiées, albuminurie). Elle a déjà
eu plusieurs fois de l'albumine dans les urines. Pas de paralysie.
25 avril. Depuis quelques jours la malade divaguait de temps en
temps et était fréquemment agitée. Cette nuit, attaque d'hémiplégie
droite incomplète; commissure labiale gauche tirée en haut; sensibi-
lité émoussée, intelligence abolie: la malade ne répond point aux ques-
tions qu'on lui fait. Elle s'affaiblit peu à peu et meurt le 2 mai 1864.
Autopsie. — Artères de la base très athéromateuses, jusque dans
leurs divisions secondaires; les athéromesse prolongent aussi dans les
artères du corps calleux.
Cerveau. Ramollissement superficiel offrant des points d'apoplexie
capillaire, jaune dans certains points et occupant la circonvolution
postérieure de la scissure de Sylvius du côté droit (l). La pie-mère ad-
hère en ces points à la substance cérébrale ; pas d'autres altérations
de l'encéphale.
Poumons congestionnés à la base, légèrement emphysémateux aux
sommets.
Cœur très-volumineux, parois hypertrophiées; dilatation des cavités;
un peu d'insuffisance aortique. Les valvules sigmoïdes présentent des
indurations athéromateuses et sont déformées. La valvule mitrale est
épaissie, petite ; végétations sur ses valves; pas de caillots anciens dans
les cavités du cœur.
(1) Il est probable que l'on se sera trompé sur le côté ou do l'hé-
miplégie ou du ramollissement.
J32
Aorte athéromateuse à son origine. Pas de lésions dans les autres
organes, sauf une tumeur fibreuse de l'utérus.
Hémiplégie droite (mort en neuf jours); ramollissements multiples de
l'hémisphère gauche ; aorte athéromateuse ; artères de la base impar-
faitement examinées. (Observation due à M. le docteur Vulpia.n.)
Obs. XX. — F... (Marie-Louise), 88 ans, entre le 19 décembre 1862,
salle Saint-Thomas, 5, infirmerie de la Salpêtrière, service de M. Vul-
pian.
Cette malade, qui avait fréquemment des étourdissements et qui n"a-
vait jamais été paralysée, se plaignait depuis trois semaines environ de
fourmillements et d'engourdissements du membre supérieur droit. La
veille de son entrée à l'infirmerie, elle est prise de vomissements, tombe
dans un état d'affaissement considérable et ne parle plus depuis lors.
A son entrée on constate : hémiplégie droite complète ; quelques mou-
vements réflexes du membre inférieur ; sensibilité conservée, intelli-
gence obtuse, parole abolie, température plus élevée à droite qu'à
gauche.
Les jours suivants, même état; cependant elle a pu un jour pronon-
cer quelques mots; la paralysie est toujours complète; il n'y a jamais
eu de mouvements réflexes du membre supérieur, et ils ont toujours été
très-peu accusés dans le membre inférieur.
Mort le 28 décembre 1862.
Autopsie. — Cavité crânienne. Artères de la base athéromateuses;
n'ont pas été ouvertes avec soin; plénitude et gonflement considérables
des vaisseaux de la pie-mère et de tous les rameaux qui se rendent au
sinus longitudinal supérieur; sérosité abondante, citrine du côté droit,
teinte de sang du côté gauche. Pas de caillot dans la cavité de l'arach-
noïde.
Cerveau. — 1° Au voisinage du sillon de Rolando gauche, ramollis-
sement superficiel, s'étendant cependant dans une petite portion de la
substanceblanche, grisjaunâtre, ayant la consistance de crème épaisse.
2° Dans la partie latérale du lobe postérieur, autre foyer de ramollisse-
ment plus étendu, se prolongeant jusqu'à la corne postérieure du ven-
tricule latéral. 11 est de même apparence que le précédent, mais offre
une coloration rougeâtre en un point voisin du ventricule.
3° Ramollissement rouge, d'une épaisseur d'un demi-centimètre, sié-
geant à la surface du corps strié gauche. Cesparties contiennent un grand
nombre de corps granuleux ; les vaisseaux semblent dilatés etsontrem-
l)lis de sang au niveau des parties rouges du ramollissement.
Cmir sain.
133
Aorte. Nombreuses plaques athéromateuses et calcaires.
Poumons. Congestion presque pneumonique du lobe inférieur droit.
Rien dans les autres organes.
IIk.MIPLÉGIK gauche subite (datant de dix mois avant la mort) ; RAMOLLIS-
SEMEXT jaune DU LOBE POSTÉRIEUR ET DU CORPS STRIÉ DROIT; INFARCTUS DES
reins; athéromes ulcérés de l'aorte; ossification et athéromes de l'ar-
tère BAsiLAiRE. (Observation due à M. le docteur Charcot.)
Obs. XXI. — P... (Rosalie), 63 ans, morte le 26 août 1863, salle
Sainte-Rosalie, n" 1, hospice de la Salpêtrière, service de M. Charcot.
Cette femme entre le 28 février 1863 à l'infirmerie; elle est démente,
gâteuse. On apprend de ses parents qu'elle eut, quatre mois aupara-
vant, une attaque subite d'hémiplégie qui la plongea dans l'état où elle
se trouve actuellement.
Hémiplégie gauche complète avec résolution. Mouvements réflexes
du membre inférieur. Pas de différence de température des deux côtés.
Bouche déviée en dehors et en haut. Sensibilité conservée partout.
Intelligence très-faible; perte de la mémoire. Embarras de la langue,
mais la malade peut former des phrases. (Pas d'aphémie.) Urines non
albumineuscs.
Elle s'affaiblit progressivement et meurt le 26 août.
Autopsie. — Cavité crânienne. Artères de la base. Artère basilairc
tortueuse, ossifiée et presque oblitérée en un point par un dépôt athé-
romateux qui, sans s'être ouvert, fait saillie dans la lumière du vais-
seau.
Cerveau. Hémisphère droit. Ramollissement jaune à la surface, de
consistance caséeuse à la profondeur occupant dans presque toute leur
étendue les lobes postérieur et moyen; cependant la circonvolution
Iransverse postérieure n'est pas atteinte et marque la limite entre les
parties ramollies et les parties saines.
Corps strié ramolli, presque détruit; couche optique altérée, mais
moins cependant.
Insula de Reil et circonvolutions frontales saines.
Hémisphère gauche sain.
Poumons. Emphysémateux.
Reins. Nombreuses dépressions cicatricielles noires a la surface, cor-
respondant à des infarctus qui, en pénétrant dans la substance corticale,
conservent l'état induré et la coloration noire. Mais au centre ils offrent
çà et là des noyaux d'une teinte chamois.
Cœur, mou, flasque, friable, couleur feuille-morte.
134
Aorte. Collections athéromaleuses dont plusieurs sont ouvertes. L'une
d'elles siège au niveau de l'origine des vaisseaux du cou.
Dans l'aorte inférieure plusieurs dépressions, dont deux atteignant la
grosseur d'une amande, sont remplies de matière athéromateuse et re-
couvertes d'un kyste fibrineux ovoïde, présentant à son centre un ra-
mollissement pseudo-purulent.
Nous rapprochons des faits précédents robservation suivante dans
laquelle on n'a pas trouvé de lésions manifestes de la substance cé-
rébrale, mais qui nous parait un type de ces accidents cérébraux dus
aux troubles circulatoires dépendant de la seule dégénérescence athé-
romateuse des artères cérébrales.
Accidents ischémiques vagues; artères de la base TRÈs-ATnÉROJiATEUsEs;
PAS DE LÉSION APPRÉCIARLE DANS l'encéphale. (Obsorvation due à M. le
docteur Vulpian.)
Obs. XXII. — L... (Elisabeth), 66 ans, morte le 18 décembre 1862,
salle Saint-Denis, 9, hospice delà Salpêtrière, service de M. le docteur
Vulpian.
Cette femme, qui était sujette aux étourdissements et aux pectes de
connaissance, entra à plusieurs reprises à l'infirmerie.
Le jour de sa dernière entrée, 21 septembre 1862, elle eut une atta-
que épileptiforme et resta dans un état d'hébétude assez prononcé, com-
prenant avec peine ce qu'on lui disait, et y répondant d'une façon inin-
telligible. Sensibilité très-émoussée.
Les mouvements sont lents et difficiles; elle serre très-faiblement des
deux mains; on croit remarquer un peu plus de faiblesse du côté droit;
il n'y a pas de déviation de la face.
Cet état de faiblesse générale et de vague de l'intelligence présenta
quelques alternatives d'amélioration et d'aggravation. Un jour elle eut
plusieurs lipothymies incomplètes; bientôt elle tomba dans une prostra-
tion extrême et succomba le 18 décembre sans présenter d'hémiplé-
gie bien déterminée.
Autopsie. — Cavité crânienne. Artères de la base très-athéromateuses ;
plaques athéromaleuses irrégulières très-épaisses et devant sans nul
doute obstruer en plusieurs points, d'une manière incomplète il est
vrai, un grand nombre de ces artères.
L'encéphale a été examiné avec soin et l'on n'y a point trouvé de lé-
sion. Pas de dilatation des ventricules.
Caïur sain.
135
Pas de lésion importante dans les viscères.
{Note de M. Vulpian. Il est probable que les accidents cérébraux ob-
servés pendant la vie ont été dus seulement aux embarras de la circu-
lation cérébrale, causés par l'état des artères et augmentant par mo-
ments.)
CHAPITRE III.
SI. — Ramollissements pouvant être rapportés à l'embolie capillaire.
Dans les observations que nous venons d'analyser, le ramollisse-
ment pouvait être rapporté soit à une oblitération constatée, soit k
la dégénérescence athôromateuse des artères cérébrales. Dans la
nouvelle série d'observations que nous abordons, on n'a pas retrouvé
d'oblitération artérielle; dans la plupart, il est vrai, existe une alté-
ration athéromateuso des artères cérébrales analogue à celle que
nous avons indiquée dans notre seconde série d'observations, mais il
vient s'y ajouter un nouvel élément pathogéuique (ulcérations de la
crosse aortique, caillots ramollis des cavités du cœur) qui souvent
parait avoir produit des accidents graves et même quelquefois des
morts subites.
En raison de l'âge avancé des malades de la Salpétrière, dans
presque toutes nos observations, l'aorte et ses branches étaient plus
ou moins altérées. Lorsqu'il n'y a que des plaques jaunes athéroma-
teuses, ou même quelques plaques calcaires, sans ulcérations de la
membrane interne, ces altérations n'entraînent pas d'autres troubles
que ceux qui peuvent résulter de la rigidité et de la perte d'élasticité
des parois artérielles; mais si l'altération est plus avancée, s'il s'est
formé des abcès athéromateux, des ulcérations de la tunique interne
laissant à nu des plaques calcaires saillantes, il n'en sera plus de
môme; le contenu des abcès formé en grande partie de corps granu-
leux et de lamelles, de cholestérine, des débris détachés des ulcéra-
tions, pourront se mêler au sang; des kystes fibrineux pourront se for-
mer sur les ulcérations et sur les plaques calcaires et devenir autant
de causes d'embolie.
Au point de vue du ramollissement cérébral, l'athérome ulcéré de
l'aorte ne peut avoir de valeur que s'il siège dans la partie de la crosse
qui est antérieure à la naissance des artères du cou (qui peuvent
aussi, quoique plus rarement, présenter la même lésion). Or l'altéra-
tion athéromatcuse de l'aorte, ainsi que sa calcincatioii, n plutôt pour
136
siège de prédilection l'aorte abdominale, où elle peut devenir la cause
d'infarctus des reins ou des autres viscères, mais où elle ne peut pas
produire le ramollissement cérébral.
Ces ulcérations, les caillots qui se fermenta leur niveau, et la boue
athéromateuse peuvent, comme nous l'avons déjà dit, produire des
embolies des artères cérébrales, lorsqu'il se détache des fragments
suffisamment volumineux ; dans les observations qui suivent, il pa-
raît plutôt que la matière athéromateuse ait pénétré jusque dans les
fines ramifications artérielles, puisque les gros troncs ont été trouvés
libres, peut-être aussi dans les cas où les artères cérébrales étaient
très-athéromateuses, a-t-il suffi pour les oblitérer de minces parcelles
qui ont échappé a l'examen cadavérique.
Attaque apoplectique; hémiplégie droite (mort en trois jours); ramollis-
sement CONSIDÉRABLE DE l'hÉMISPHÈRE GAUCHE; ULCÉRATIONS ATHÉR0MATEU-
SES DE LA CROSSE DE l' AORTE ET DES VAISSEAUX QUI EN NAISSENT. (Obsei-
vation due à M. Vulpian.)
Obs. XXni. — m... (Adélaïde), âgée de 74 ans, morte le 23 no-
rembre 1864, à l'infirmerie de la Salpêtrière, salle Saint-Denis 11, ser-
yice de M. Vulpian.
Cette malade entre à l'infirmerie pour de l'embarras gastrique et des
palpitations. On constate un double bruit de souffle à la base du cœur.
Le 20 novembre, attaque apoplectique; hémiplégie droite complète;
légers mouvements réflexes; sensibihlé obtuse. La malade ne peut
point parler et ne semble pas comprendre ce qu'on lui dit; pouls fort,
rebondissant, fréquent.
Les jours suivants, l'état s'aggrave; elle n'a pas prononcé un mot
depuis son attaque.
Morte le 23 novembre.
Autopsie. — Cavité crânienne. Pas de néo-membranes de la dure
mère.
Artères de la base athéromateuses, surtout celles du côté droit. Au-
cun caillot à leur intérieur. L'examen a été cependant fait avec soin. On
n'a pas trouvé d'obstruction des petites artères, qui étaient athéroma-
teuses en un grand nombre de points.
Cerveau. H émisp Itère gauche, ramollissement blanc, rosé par places,
avec un abondant piqueté rouge d'apoplexie capillaire disséminé. Ce ra-
mollissement est très-étendu, occupe tout l'hémisphère, sauf le quart
antérieur et le quart postérieur; il s'étend à la partie la plus externe
137
du noyau extraventriculaire du corps slrié et à l'insula de Reil. Il
occupe surtout la substance blanclie. La substance grise des circonvo-
lutions n'est atteinte que par places.
Rien dans l'hémisphère droit.
Poîimons. Un peu d'œdème et d'emphysème.
Cœur. Insuffisance aortique; rétraction des valvules sigmoïdes alhé-
romateuses; pas de caillots anciens dans aucune des cavités.
Aorte. Altération athéromateuse très-prononcée de la crosse, surtout
au niveau de la naissance de la sous-clavière gauche; ulcérations des
parois de ce vaisseau à son embouchure, recouvertes de boue athéro-
mateuse; cette altération se retrouve aussi à l'origine de la vertébrale.
Altération analogue, mais moindre du tronc brachio-céphalique. Aorte
descendante très-athéromateuse, surtout au niveau du tronc cœliaque,
des mésentériques et à sa bifurcation.
Pas d'altération des autres organes.
Hémiplégie gauche subite; ramollissement du lobe postérieur droit (jaune
ET blanc); gangrène pulmonaire; abcès athéromateux de l'aorte; pas
d'infarctus, (Observation due à M. Cuarcot.)
Obs, XXIV. — M... (Jeanne), âgée de 62 ans, morte le 16 avril 1862,
à l'hospice de la Salpêtrière, salle Saint-Alexandre, 12, service de
M. le docteur Charcot,
Renseignements très-vagues; grande faiblesse intellectuelle. On pré-
tend dans son dortoir qu'elle a déjà eu des étourdissements et une fai-
blesse du bras gauche.
Le 16 mars, hémiplégie gauche incomplète, sans perte de connais-
sance; tendance de la malade à tourner la tête à droite; sensibilité un
peu diminuée du côté gauche; température un peu plus élevée à gauche
qu'à droite; elle répond à peine aux questions qu'on lui fait; l'intelli-
gence est très-faible.
Les jours suivants la paralysie du côté gauche devient plus complète ;
on remarque toujours une température plus élevée du côté gauche. Il
y a un peu de contracture dans le côté paralysé.
La malade s'affaiblit, tombe dans l'adynamie et succombe le 11 avril.
Autopsie. — Cavité crânienne. Artères de la base remarquablement
peu athéromateuses, ne contiennent pas de caillots.
Cerveau. Ramollissement jaune à la surface, occupant tout le lobe
postérieur droit; blanc pultacé dans la profondeur, et ne s'étendant pas
jusqu'à la cavité du ventricule.
Ces parties contiennent de nombreux corps granuleux; les vaisseaux
138
n'y paraissent pas très-altérés. Les couches optiques sont ramollies, à
surface irrégulière, et paraissent diminuées de volume. Les deux corps
striés paraissent également atrophiés ; on y remarque des lacunes sié-
geant dans les parties ventriculaires, et formées d'une substance molle
celluleuse infiltrée de liquide.
Poumons. Dans le lobe inférieur gauche, foyer gangreneux assez
considérable. Les branches des artères pulmonaires répondant à ce
foyer contiennent des caillots.
Cœur. Pas d'altération, pas de caillots anciens.
Aorte. A 5 où G centimètres au-dessus des valvules aortiques (qui
ne présentent qu'un peu d'opacité) commence un état athéromateux re-
marquable qui de là s'étend à toute Vaorle tlioraciqiie. Boue athéro-
mateuse en plusieurs points; dans d'autres, plusieurs abcès athéroma-
teux non rompus se trouvent sur les parois; d'autres ouverts sont
couverts de masses fibrineuses, pultacées.
Rien d'important dans les autres organes; pas d'infarctus.
Attaque apoplectique (mort en neuf .iours) ; hémiplégie drotte; con-
tracture au début ; RAMOLLISSEMENT DE l'hÉMISPHÈRE GAUCHE; ULCÉRATIONS
athéromateuses de la crosse aortique. (Observation due à M. Via-
PIAN.)
Obs. XXV. — N... (Marie-Louise), âgée de 82 ans, morte le 24 mai
1865, à l'infirmerie de la Salpôtrière, salle Saint-Mathieu, 5, service de
M. Yulpian.
Depuis plusieurs années déjà cette malade ne marchait pas, elle était
gâteuse, mais ne présentait pas d'hémiplégie accusée.
Le 15 mai, attaque apoplectique; les deux globes oculaires sont por-
tés à gauche; on ne peut pas les lui faire tourner à droite,; membres
roidcs, surtout du côté droit. Sensibilité très-obtuse, intelligence pres-
que nulle, parole abolie.
Les jours suivants, la nialade ne sort pas de sa stupeur apoplectique.
L'hémiplégie droite se dessine bien, et succède à la roideur qui avait sub-
sisté pendant deux jours.
Le 17 mai, l'hémiplégie droite est complète, avec déviation de la
face à gauche; paralysie du buccinateur droit; température plus élevée
à droite qu'à gauche ; sensibilité conservée.
La stupeur apoplectique augmente. Mort, le 24 mai.
Autopsie. — Cavité crânienne. Pas de néo-membranes de la dure
mère.
Artères de la base très-athéromateuses ; pas de caillots anciens
dans les grosses branches.
139
Cerveau. Ramollissemenl de la partie postérieure du lobe antérieur
gauche, situé immédiatement en avant du sillon de Rolando. Ce ramol-
lissement a détruit surtout les parties postérieures des deuxième et troi-
sième circonvolutions frontales gauches. Il se prolonge en dedans jus-
qu'à une petite distance du corps strié qui est sain. On y retrouve une
Ibule de corps granuleux; plusieurs vaisseaux (surtout les capillaires
volumineux) sont très-granuleux; on n'y a pas retrouvé d'oblitération
manifeste ; on observe on outre, des détritus de tubes nerveux et quel-
ques tubes nerveux intacts; pas d'autre lésion de l'encéphale.
Poumons. Congestion apoplectique de la partie postérieure d'un des
poumons. Emphysème.
Cœur sain.
Aorte. Un peu avant que la crosse ne devienne horizontale, l'aorte
est très-athéromateuse, calcifiée par places, ulcérée en d'autres points et
présentant une boue athéromateuse contenant beaucoup de graisse et
de cholestérine en plaques. A l'origine des vaisseaux du cou, et surtout
du tronc brachio-céphalique, existent de profondes ulcérations, avec
boue athéromateuse. La lésion se continue dans l'aorte thoracique, puis
cesse dans une petite étendue pour reparaître un peu au-dessus de la
bifurcation.
Reins, rate, etc., sains; pas d'infarctus.
Hémiplégie gauche; pas de troubles de l'intelligence ni de la parole;
ramollissement du lobe moyen droit ; artères athéftomateuses ; abcès
ATHÉROMATEUX DE LA CRCSSE AORTiQUE. (ObSCrVatiOU due à M. CliARCOT.j
Obs. XXVI. — Y... (Marie-Catherine), âgée de 83 ans, morte le
13 septembre 1863, à lliospice de la Salpêtrière, salle Saint-Alexan-
dre, n° 22, service de M. le docteur Charcot.
Cette malade, qui est entrée fréquemment à l'infirmerie pour un ca-
tarrhe de la vessie, dit avoir eu une hémiplégie gauche, sans perte de
connaissance, en 1849. Au bout d'un certain temps elle put marcher.
Depuis trois semaines, anorexie, constipation, fréquents étourdissements.
Le 19 août, attaque d'hémiplégie gauche, sans perte de connaissance;
elle s'aperçoit qu'elle ne peut pas se servir du bras gauche, et entre à
l'infirmerie, où Ton constate l'état suivant :
Pas d'aphasie ni d'embarras de la parole; mémoire bien conservée,
membre supérieur gauclie contracture, avant-bras légèrement fléchi sur
le bras, membre inférieur gauche faible ; la malade ne peut se tenir de-
bout. Sensibilité obtuse à gauche, urine albumineuse, température plus
élevée dans la main gauche que dans la droite ; au thermomètre on
trouve ; main droite, 36" 2/5; gauche, 3G° 4/5; rectum, 37° 3/5.
140
Bientôt une eschare se forme au sacrum, la malade est prise de fris-
sons. Le 12 septembre, température, 39" 1/5; l'intelligence subsiste.
Mort, le 13 septembre.
Autopsie. — Cavité crânienne. Membranes adhércnles, surtout à
droite, s'enlevant assez difficilement et entraînant par places de petites
portions de substance cérébrale.
Artères de la base très-athéromateuses, pas de caillots.
Cerveau. Uémisphcrc droit. Plaques jaunes, situées sur les pre-
mière ot deuxième circonvolutions, et un peu sur la troisième du lobe
antérieur, sur plusieurs circonvolutions du lobe postérieur, et au fond
de la scissure de llolando. Ces plaques jaunes s'étendent en profon-
deur ; mais dans ces parties profondes le ramollissement devient blanc
pultacé, et s'étend jusqu'au corps strié et à la couche optique qui sont
sains.
Hémisphère gauche. Quelques plaques non circonscrites, sur les-
quelles la substance grise a une coloration hortensia avec pointillé rouge.
Lésion d'ailleurs superficielle.
Poumons. Double pleurésie purulente, nombreux abcès métastati-
ques à la surface des deux poumons.
Cœur. Parois très-pâles, pas de lésions; le cœur droit présente des
caillots décolorés et tenaces; valvules sigmoïdes indurées.
Foie^ rate., sains.
Reins. Couche corticale atrophiée.
Vessie. Cystite folliculeuse.
Aorte athéromateuse ; au niveau du tronc brachio-céphalique, abcès
athéromateux ouverts, et dont la substance est à nu dans l'artère.
Pas d'hémiplégie diagnostiquée; ramollissement jaune (superficie), blanc
(profondeur) du lobe postérieur de L'HÉMISPnÈRE droit; aorte TIIORACI-
QUE TRÈS-ATHÉROMATEUSE ; DÉBRIS ATHÉROMATEUX DANS l' ARTÈRE CRURALE
(non athéromateuse). (Observation due à M. Charcot.)
Obs. XXVII. — B... (veuve T...), âgée de 79 ans, morte le 20 avril
1862, à l'hospice de la Salpôtrière, salle Saint-Luc, n" 1, service de
M. le docteur Charcot.
Cette femme se rend à pied à l'infirmerie le 18 avril; elle ne présente
aucun signe d'hémiplégie, au moins rien d'assez évident pour appeler
l'attention; aucun embarras de la parole, aucune déviation des com-
missures labiales. Elle se plaint d'un point de côté; elle a l'aspect d'une
femme débilitée et atteinte d'une affection thoracique ancienne. Œ-
dème des membres inférieurs, cyanose de la face; pas d'albuminurie;
râles sous-crépitants nombreux des deux côtés; pas de soufile.
141
Elle meurt le 20 avril.
Autopsie. — Cavité crânienne. Artères de la base légèrement athé-
romateuses, ne contiennent pas de caillots.
Cerveau. Ramollissement jaune à la surface, blanc pultacé dans la
profondeur occupant presque toute l'étendue du lobe postérieur droit,
mais ne s'étendant pas jusqu'au ventricule latéral. Dans la couche optique
droite, lacune assez considérable. Les parties ramollies contiennent
beaucoup de corps granuleux accumulés autour des vaisseaux qui sont
eux-mêmes atteints de dégénérescence graisseuse.
Cœur. Pas de lésion, si ce n'est une légère hypertrophie du cœur
gauche.
Foie muscade.
Reins, rate, pas d'infarctus.
Poumons. Pneumonie granuleuse double.
Aorte. A 2 à 3 centimètres au-dessus des valvules sigmoïdes, com-
mence une vaste ulcération recouverte d'une boue rougeâtre, grenue,
qui fait saillie dans le calibre du vaisseau, composée de fibrine et de dé
bris athéromateux (contenant de la graisse, des corps granuleux, des
lamelles de cholestérine); en plusieurs points, plaques calcaires. Cette
altération s'étend dans toute l'aorte thoracique, mai.s devient moins
considérable dans l'aorte abdominale.
On a examiné le sang extrait de l'extrémité inférieure de Vartère
crurale droite. Cette artère n'était pas athéromateuse et le sang conte-
nait des éléments identiques à ceux de l'athérome aortique; il n'y man-
quait que des cristaux de cholestérine. (Voy. PI. II, fig. 1, 2.)
L'embolie capillaire peut encore avoir pour point de départ les
caillots anciens du cœur dont la surface peut se désagréger, ou dont
la partie centrale, devenue puriforme, peut s'échapper par déchirure.
Nous ne répéterons pas ici la description de ces caillots, qui a été faite
de façon à ne rien laisser à désirer (1).
Nous devons mentionner aussi l'endocardite ulcéreuse dont nous ne
possédons pas d'observations. Nous rapporterons seulement ici trois
cas dans lesquels le mélange au sang de matière granuleuse prove-
nantde caillots anciens du cœur a pu jouer un rôle dans la production
des accidents. Dans un de ces cas, l'examen du sang contenu dans le
ventricule y a révélé la présence de corps granuleux.
(1) Voy. rharcot, Mém. de la Soc. de biol., passim; "Vulpian, Union
MÉDICALE., 1865, 1. 1, n" 18.
142
Attaque apoplectiforme (mort en quatre jours); hémiplégie droite légère;
ramollissements multiples dans les deux hémisphères ; infarctus o'un
rein; aorte CALCIFIÉE ET atdéromateuse. (Observatioii due à M. le doc-
teur VULPIAN.)
Obs. XXVIII. - P... (Marie), 73 ans, morte le ^26 juin 1862, salie
Saint-Thomas, n» 3, infirmerie de la Salpêtrière, service de M, Vulpian,
Cette femme a eu à plusieurs reprises de très-violents étourdisse-
ments avec pertes non complètes de la connaissance ; mais pas de pa-
ralysie, dit-elle.
Elle rentre le 22 juin présentant une faiblesse considérable, avec
prostration et perte de la parole ; tête penchée à droite. Ces symptômes
disparaissent presque complètement, puis se reproduisent à plusieurs
reprises. 11 survient alors (ce qui n'existait pas avant) une paralysie
incomplète du côté droit. La sensibilité est conservée. L'état s'aggrave
peu à peu; elle tombe dans le coma, et meurt le 26 juin 1862.
Autopsie. — Cavité crânienne. Pas de néo-membranes de la dure-
mère; artères de la base athéromateuse, en plusieurs points dans toute
leur circonférence; pas de caillot dans les grosses artères.
Cerveau. Ramollissement ancien jaune, occupant la partie la plus
reculée des deux lobes occipitaux.
Du côté gauche le ramollissement jaune superficiel repose sur un ra-
mollissement blanc qui s'étend aune assez grande profondeur; lacune
ancienne du corps strié gauche.
Hémisphère cérébelleux droit. Ramollissement de sa partie posté-
rieure; jaune à sa surface, mais présentant une coloration blanche et
un aspect pulpeux dans sa profondeur.
On retrouve dans ces parties des corps granuleux nombreux.
Poumons congestionnés.
Cœur graisseux ; pas de lésion des orifices ; fibrine ramollie, brunâtre,
d'aspect ancien dans le ventricule gauche, l'examen microscopique
montre qu'elle est en voie de régression, et fait découvrir des corps
granuleux nombreux dans le sang recueilli dans le ventricule gauche.
Aorte. Nombreuses plaques calcaires et athéromateuses.
Foie., raie sains.
Reins. Un infarctus très-limité.
L'état fortement athéromateux des artères cérébrales a pu être ici
la cause des accidents, et nous ne pouvons affirmer que le ramollis-
sement ait été produit par les caillots du cœur; cependant la pré-
sence de corps granuleux dans le sang ne permet guère de douter
143
qu'ils n'aient contribué, au moins pour une certaine part, à la pro-
duction des accidents cérébraux et en particulier de l'attaque apo-
plecliforme.
Hémiplégie droite; gangrène des membres droits; ramollissement du corps
STRIÉ GAUCHE ; kystes FIBRINEUX A CONTENU PURIFORME DANS LES DEUX AU-
ricules; APOPLEXIE PULMONAIRE. (Observation due à M. le docteur Vul-
pian).
Obs. XXIX. — C... (Marguerite), 75 ans, morte le 15 mai 1863, salle
Saint-Jean, n° 25, infirmerie de la Salpôtrière, service de M. le doc-
teur Vulpian.
Cette femme était déjà entrée à l'infirmerie en 1862 pour de la bron-
chite et de l'albuminurie. Elle en était sortie en bon état le 27 fé-
vrier 1863.
Le 24 mars 18G3, elle rentra pour de la bronchite et présentait encore
un peu d'albuminurie.
Le 4 avril, attaque d'Iiémiplégie droite, face déviée à gauche. Yeux
portés tous les deux à gauche; elle ne peut que fort imparfaitement les
diriger à droite ; langue déviée du côté paralysé.
Paralysie complète des membres du côté droit; le bras et la jambe
retombent inertes; légers mouvements réflexes du membre inférieur.
Scnsibililc conservée.
Inleltigence conservée; la malade répond, indistinctement il est
vrai, aux questions qu'on lui adresse ; il n'y a pas eu de perte de con-
naissance.
Les jours suivants la paralysie sembla un peu diminuer, de même que
la déviation des yeux.
Le 23 avril. Teinte cyanosée et refroidissement du pied droit et de
la main droite; on ne peut y constater de battements artériels; la ma-
lade y ressent des douleurs assez vives.
Les jours suivants la teinte des deux membres devint plus foncée, et
il s'établit bientôt une vraie gangrène sèche du membre inférieur droit
remontant jusqu'au genou , tandis que dans le membre supérieur la
morlificalion saccompagna d'oedème Ces parties répandirent bientôt
lodeur caractéristique de la gangrène, il survint du délire et la malade
succomba le 14 mai 1863.
Autopsie. — Cavité crânienne, l'as de néo-membranes de la dure-
mère.
Vaisseaux de la base athéromateux par place; dans quelques points
Tépaississement est assez considérable pour rétrécir notablement la
144
lumière du vaisseau; la terminaison de la carotide est surtout athéro-
mateuse.
Encéphale. Pas de lésions superficielles; pas de congestion.
Goi'ps strié gauche. Ramollissement blanc sans trace de congestion,
contenant un liquide laiteux. Ce ramollissement semble formé par la
réunion d'une foule de petites lacunes; il occupe la moitié postérieure
du corps strié et siège exclusivement dans le noyau extraventriculaire
(lenticulaire) et la capsule interne ; il n'atteint pas le prolongement
caudiforme du noyau caudé (intraventriculaire) ni la capsule externe.
La portion la plus interne du corps strié était seule atteinte. On y re-
trouve une foule de corps granuleux.
Pas de lésions des autres parties de l'encéphale.
Appareil circulatoire. — Cœur. Un peu hypertrophié et dilaté ; une
plaque laiteuse du péricarde; pas de lésion du tissu du cœur, sauf un
léger épaississement des valvules. Dans chaque auricule on retrouve
un caillot grisâtre décoloré, mou, de la grosseur d'une aveline. Ces
caillots contiennent une matière puriforme, trouble, blanc grisâtre,
dans laquelle on retrouve de la fibrine réduite à l'état granulaire, des
granulations graisseuses, quelques rares éléments fusiformes , et un
grand nombre de leucocytes dont plusieurs sont remplis de granulations
graisseuses.
Artère pulmonaire. On n'y a trouvé que des caillots récents.
Aorte athéromateuse, surtout dans sa partie inférieure, et au niveau
des artères rénales qui sont très-athéromateuses; ne contient pas de
caillots.
Artère iliaque primitive et iliaque externe droites. Caillots récents,
à peine adhérents aux parois, mais subissant déjà un commencement
de décoloration.
Artère fémorale droite. A 2 centimètres environ de l'arcade crurale
commence le caillot ancien adhérent à la paroi qui paraît saine, quoi-
que ses vasa vasorum soient congestionnés. Le caillot est gris rou-
geâtre, ramolli et friable à son centre, et se prolonge dans les diverses
branches de lartère fémorale. Il est formé de fibrine en partie à l'état
granulaire dans laquelle on retrouve des granulations graisseuses et
des leucocytes en partie granuleux.
Veine fémorale., renferme du sang récemment coagulé.
Les vaisseaux du membre inférieur gauche étaient parfaitement in-
tacts.
Artères carotides saines, pas de caillots.
Membre supérieur droit. Caillot ancien long de 3 à 4 centimètres
145
siégeant dans l'artère axillaire à 2 ou 3 centimètres au-dessous de la
clavicule. Ce caillot adiièro à la face postéro-externe du vaisseau qu'il
n'oblitère pas d'une façon absolue. Caillots récents dans les branches
et les terminaisons de lartère axillaire.
Veines oblitérées par des caillots relativement récents; le caillot
paraît plus ancien, et l'oblitération plus complète dans la veine basi-
lique.
Poumons. Œdème des deux poumons, surtout dans la partie posté-
rieure. Noyau d'apoplexie pulmonaire dans le poumon droit, au centre
duquel on trouve un petit noyau d'hépalisation granuleuse.
Foie et rate sains.
Reins dans une étendue de 3 à 4 centimètres. Atrophie du tissu avec
dépôt de pigment (peut-être résultat d'une ancienne apoplexie rénale).
M. Vulpian fait remarquer au sujet de cette observatiou que l'ap-
parition de gaugrèoes des membres a pu faire connaître pendant la
vie un ramollissement cérébral de nature embolique. La soudaineté
des accidents cérébraux avait d'abord fait penser à une hémorrhagie
cérébrale.
§ H. — Accidents ischémiques sans ramollissement.
Il arrive quelquefois, et plusieurs de nos observations nous en
offrent des exemples, que des attaques apoplectiques accompagnées
de coma, de convulsions épileptiformes, de vomissements, etc., et
souvent même d'une mort rapide, se rencontrent soit chez d'anciens
hémiplégiques, soit chez des sujets tombés dans la démence, soit
même chez des individus bien portants. Ces symptômes, sur lesquels
nous insisterons dans la partie sémiologique, ne se traduisent
quelquefois par aucune lésion appréciable, ou du moins par aucune
lésion récente de l'encéphale. Gomment doit-on interpréter ces cas
que les anciens avaient nommés apoplexies nerveuses, et que M. Du-
rand Fardel attribue, avec beaucoup d'auteurs, à une congestion ac-
tive du cerveau, qu'il divise en formes apoplectique (coup de sang) ,
suhapoplectique, délirante, convulsive?
Nous pouvons d'abord remarquer que tous les auteurs, et M. Du-
rand Fardel le premier, qui adoptent l'opinion d'une congestion aiguë
dn cerveau comme cause de ces accidents, insistent sur ce que ce
phénomène est passager et sur ce qu'on ne le retrouve pas toujours
MF,M. 10
146
à l'autopsie. « Les congestions les pins considérables, » nous dit-il
(Durand Fardel, Mal. des vieillards, p. 9), « se dissipent eu général
« avec une extrême facilité, soit spontanément, soit en raison des
« phénomènes variés dont l'organisme peut être le siège , de telle
« sorte qu'après la mort on cherche en vain quelquefois à quoi rap-
« porter des désordres fonctionnels considérables observés pendant
« la vie. »
Et plus loin :
« Aussi attachons-nous beaucoup plus d'importance à la détermi-
« nation des formes symptomatiques qu'il paraît raisonnable dattri-
« buer à la congestion cérébrale qu'à une description anatomique
« à laquelle nous n'aurons à ajouter que sur un point tout spécial à
« ce que l'on trouve dans tous les auteurs. »
Il nous paraît peu probable qu'une congestion sanguine prononcée,
capable de donner lieu à des phénomènes de coma, capable môme
d'amener la mort, disparaisse avant que l'on fasse l'autopsie. Il est
d'ailleurs des cas où une congestion se montre évidente à l'examen
cadavérique ; pourquoi disparaîtrait-elle dans le plus grand nombre
des soi-disant coups de sang? Ajoutons qu'il est fréquent de trouver
un cerveau très-congestionné quand aucun des phénomènes que l'on
attribue généralement à la congestion cérébrale ne s est montré pen-
dant la vie. C'est en particulier ce qui arrive dans la mort par as-
phyxie et dans les cas où la circulation pulmonaire est gênée ; pour-
quoi la congestion cérébrale aurait-elle le privilège de disparaître
dans quelques cas avant la mort, quand nous voyons les congestions
d'autres organes, les congestions pulmonaires, par exemple, diagnos-
tiquées pendant la vie, se montrer très-manifestes à l'autopsie?
Si la congestion ne paraît pas capable de donner l'explication des
symptômes dont nous parlons, une anémie plus ou moins généralisée
de l'encéphale peut, dans la plupart des cas, en être considérée comme
la cause; c'est pour cela que M. Virchow et, à son exemple, la plu-
part des auteurs allemands, ont donné à ces symptômes le nom de
ischémie cérébrale (1 ). MM. Gharcot et Vulpian ont souvent attiré notre
(1) Ce mot d'iscliétriie , qui indique simplement un arrêt de la circu-
lation, nous paraît préiérable au terme d'anémie cérébrale; en effet,
comme nous l'avons dit (appendice à la partie physiologique), il se pro-
duit consécutivement aux oblitérations artérielles de l'hyperémie aussi
souvent que de l'anémie dans la partie alimentée par l'artère.
147
attontion sur ce point en nous montrant combien cette opinon était
plus rationnelle. C'est ce qui semble d'ailleurs ressortir de l'analyse
de nos observations; en effet, dans les cas d'étourdissements, dans
les cas d'attaques apoplectiques mortelles non accompagnées de lé-
sions récentes du cerveau, nous avons trouvé, soit des artères céré-
brales très-athéromateuses devant amener des troubles de la circu-
lation de l'encéphale (voy. obs. XXII), soit une cause d'embolie
capillaire.
L'analogie de nos expériences d'injection de poudre de lycopode
avec les attaques apoplectilbrmes, tant au point de vue des symp-
tômes que de l'absence de lésion pathologique, est encore un argu-
ment en faveur de l'embolie capillaire (1).
Des symptômes de délire, des symptômes typhoïdes ont pu aussi
trouver leur explication dans la rupture de kystes puriformes du
cœur ou de l'aorte. Nous renverrons à ce sujet à l'observation que
M. Vulpian a présentée à la Société médicale des hôpitaux. (Voy. Union
MÉD , 1865, p. 276, n" 18.)
Pour être en droit d'aflirmer que dans nos observations les acci-
dents étaient dus à l'embolie capillaire, il aurait fallu retrouver les
capillaires oblitérés, comme disent l'avoir observé MM. Virchow (2),
Bergmann (3) et M. Lancereaux (4) qui en rapporte des observations.
Nous avons plusieurs fois cherché, sans y réussir, à trouver des
corps granuleux dans les vaisseaux capillaires de l'encéphale;
MM. Charcot et Vulpian nous ont dit avoir déjà fait plusieurs fois la
même recherche sans plus de succès ; M. Charcot, qui a plusieurs fois
pratiqué l'artériotomie temporale dans les cas de ce genre, n'a jamais
pu constater la présence de la matière athéromateuse ou de corps
granuleux dans le sang artériel. Mais il est vrai de dire que ces re-
cherches sont très-difficiles, que des débris granuleux répandus dans
la masse sanguine peuvent échapper à l'observation, et que la pous-
(1) Il va sans dire que si nous attribuons à l'ischémie cérébrale la plu-
part des accidents apoplectiformes des vieillards, nous n'entendons pas
nier la congestion cérébrale d'une manière absolue, et nous ne pouvons
la rejeter dans nombre de cas, notamment chez l'adulte.
(2) Virchow, PcUltologie cell. et Virchow s Archiv., passi7n.
(3) Bergmann, Virchow's Arckiv., XII, 59.
(4) Lancereaux, ouv. cit.
148
sée emboUque qui a donné lieu aux symptômes apoplectiques peut
avoir gagné les extrémités capillaires au moment où Ton pratique
l'artériotomie.
Le mélange de la matière athéromateuse dans le sang n'en est pas
moins démontré. MM. Gharcot et Vulpian et nous-mêmes avons plu-
sieurs fois trouvé dans le sang d'une artère périphérique (crurale,
pédieuse, branches de la carotide, etc.), dont les parois étaient saines,
des débris athéromateux. provenant, selon toute probabilité, des athé-
romes ulcérés de l'aorte.
Nous rapporterons les deux observations suivantes qui nous pa-
raissent confirmatives.
attaque apoplectique (r.iop.t en vingt-deux iieljres) ; pas de ramollissement
récent; aorte troracique très-athéromateuse, calcifiée; corps grani;-
leux dans les petites artères.
Obs. XXX. — G... (Eiilalie-Louise), 73 ans, morte le 22 mai 1865,
salle Sainl-Matliieii, 10, infirmerie de la Salpêtrière, service de M. Vul-
pian.
Celte femme est restée vingt jours à l'infirmerie pendant le mois de
mars 1865, olïrant des symptômes de bronchite chronique et des trou-
bles de la circulation cardiaque, bruits du cœur tumultueux, fréquem-
ment dédoublés, œdème des extrémités.
Elle dit avoir eu il y a deux ans une attaque d'hémiplégie droite (?)
incomplète, dont elle se serait ressentie pendant quatre mois;, elle au-
rait toujours pu continuer à marcher pendant ce temps, en traînant
la jambe. Il n'en reste pas trace actuellement.
Le 21 mai 1865 à huit heures du malin, attaque apoplectique subite;
on la ramène à l'infirmerie.
Résolution générale; les deux membres supérieurs retombent comme
des masses inertes. Bouche légèrement tirée à droite, paralysie du
buccinateur gauche. Yeux non déviés; pupille gauche dilatée, pupille
droite normale. Arrêt de la respiration de temps à autre; pendant plus
d'un quart de minute. Expiration brusque; pouls lent, faible. Perte
complète de connaissance. Sensibilité conservée des deux côtés (gri-
mace faciale quand on la pince).
Elle meurt le 22 mai à six heures du matin, sans avoir présenté de
nouveaux phénomènes.
Autopsie. — Cerx^eau. Pas de lésion de la dure-mère, pas de conges-
tion des membranes encéphaliques. Artères de la base athéromateuses
119
ne contenant pas de caillots, non plus que les vertébrales, les caro-
tides et les sinus de la dure-mère. A la palpation l'iicmisphère droit
paraît un peu moins résistant que le gauche; on y constate un ramollis-
sement ancien situé sur le bord postérieur de la circonvolution margi-
nale postérieure. Lacune du volume d'un pois à la partie inférieure du
noyau extra-venlriculaire du corps strié droit. (La malade se sera sans
doute trompée en indiquant une ancienne bémiplégie droite.)
On ne retrouve pas de ramollissement récent bien net, probablement
à cause de la rapidité de la mort.
Cœur sain, léger épaississement delà valvule mitrale.
Aorte thoraciqne ascendante et descendante complètement calcifiée,
ses parois se brisent sous le doigt. A l'ouverture du vaisseau on trouve
des plaques calcaires incrustant les parois dans tout le calibre du vais-
seau. Dans certains points, ramollissement et boue athéromateuse con-
tenant des amas de corps granuleux, des lamelles de cholestérine et
beaucoup de graisse.
Aorte abdominale n'est presque pas altérée depuis la naissance des
artères rénales.
Le sang des vaisseaux a été examiné; on a retrouvé dans une caro-
tide dont les parois étaient relativement saines (il n'y avait pas de pla-
ques calcaires, mais simplement quelques athéromes dans ses parois)
ainsi que dans les vaisseaux de la pie-mère, du sang contenant des
débris granuleux ayant le plus grand rapport avec ceux que l'on ren-
contrait dans l'aorte.
Ces débris provenaient-ils de l'aorte ou des parois de l'artère dans
laquelle on avait pris le sang? La première hypothèse semble plus pro-
bable, quoique non certaine.
Autres organes sains. Les poumons présentent une congestion œdé-
mateuse prononcée.
Pas à'infarctus des viscères.
Convulsions épileptiformes ; mort subite; athéromes ulcérés dans la croise
aortique; ancien ramollissement cérébral. (Observation due à M. Vul-
PIAN.)
Obs. XXXL — L... 'Marie-Louise), 63 ans, morte le 16 mai 1863,
salle Saint-Denis, 9, service de M. le docteur Vulpian.
Cette malade qui avait eu anciennement des rhumatismes, est entrée
plusieurs fois à l'infirmerie pour des accidents cardiaques. Dans les
derniers temps on pouvait constater un double bruit de souffle à la base
du cœur, qui a augmenté progressivement d'intensité jusqu'à la mort.
150
Depuis le 6 mai 1863 quelques troubles de l'intelligence; à deux re-
prises, délire.
Le 16 mai, la malade est prise subitement d'une attaque épileptiforme
et meurt subitement; elle n'avait jamais présenté de paralysie.
Autopsie. — Cavité crânienne. Aucune lésion du crâne ni do la dure-
mère.
Artères cérébrales. L'oblitération a été recherchée avec soin jusque
dans les fines ramifications de ces artères, et n'a pas été trouvée, non
plus que des corps granuleux ni des paillettes de cholestérine dans les
capillaires.
Cerveau. Sur la face externe du lobe pariétal gauche, foyer de ra-
mollissement du volume d'une noix, brun jaunâtre à la surface et blanc
dans la profondeur. Ce ramollissement contient un grand nombre de
corps granuleux, on retrouve de plus de Thématosine dans la partie jau-
nâtre superficielle.
Cœur. Néo-membranes et sérosité sanguinolente dans le péricarde.
Hypertrophie du ventricule gauche. Rétrécissement et insuflisance peu
prononcés de l'orifice aortique; valvules athéromateuses racornies. Pas
d'ulcérations ni de végétations fibrineuses sur ces valvules.
Aorte très-athéromateuse, calcifiée à son origine, ulcérations athéro-
mateuses dans sa partie ascendante, boue athéromateuse à nu dans la-
quelle on reconnaît à l'œil nu des paillettes chatoyantes de cholesté-
rine.
Rétrécissement Irès-considérable des grosses artères du cou, à leur
origine dans l'aorte, par épaississemeut alhéromateux.
La partie inférieure de l'aorte thoracique est presque saine; des abcès
athéromaleux et des plac^ues calcaires existent dans Vaorte abdomi-
nale.
Du sang pris daiis le? deux artères fémorales a présenté un grand
nombre de graniihitions graisseuses, <le gouttelettes hu!leu,«es. des
corps granuleux et quelques plaques de cholestérine.
Rien de particulier à noter dans les autres organes, pas d'infarctus.
CHAPITRE IV.
§ I. — Ramollissements sans lésions vasculaires évidentes.
Il existe un certain nombre de cas dans lesquels l'état des vais-
seaux a été examiné avec soin et où l'on n'a rencontré ni oblitéra-
tion, ni dégénérescence atliéroniateuse, ni point de départ embolique
qui permit de les ranger dans l'un des groupes précédents.
151
Telles sont les ojjservatioiis suivantes :
HÉMIPLÉGIE GAUCHE APOPLECTIQUE. RAMOLLISSEMENT ROUGE liE LHÉMISPHÈRE
DROIT. PETIT FOYER ANCIEN (jAUNE) DANS LE MÊME HÉMISPHÈRE; PAS DATHÉ-
ROMES NI d'oblitérations VASCULAIRES.
Obs. XXXII. — D... (Victoire-Honorine) 72 ans, entre le 5 juillet 1865,
salle Saint-Jean, 9, infirmerie de la Salpêtrière, service de M. Fournier,
suppléant M. Yulpian.
En 1864, première attaipie d'hémiplégie gaucho qui la laissa infirme;
elle pouvait cependant marcher en traînant un peu la jambe.
Etourdissements assez fréquents depuis lors.
Le 2 juillet 1865, cette femme se rendit seule, sans bâton, à la halle
et y fut prise d'une nouvelle attaque d'hémiplégie gauche, sans perte
de connaissance, on la ramena à la Salpêtrière sur un brancard. A son
entrée à l'infirmerie on constate : commissure labiale tirée à droite, pa-
ralysie légère du buccinateur gauche. Yeux dirigés constamment tous
deux du côté droit, elle peut les porter à gauche, mais le bord de l'iris
n'atteint pas de ce côté la commissure palpébrale; pas d'inégalité pu-
pillaire; langue déviée à gauche.
Bras et jambe gauche incomplètement paralysés; pas de mouvements
réflexes.
Sensibilité obtuse à gauche, surtout dans le membre inférieur.
Intelligence conservée, parole assez nette; depuis son attaque elle
est devenue gâteuse.
La paralysie augmente les jours suivants, elle devient complète du
côté gauche le 7 juillet. Il se produit bientôt de gros râles trachéaux,
et la malade succombe le 8 juillet.
Autopsie. — Cavité crânienne. Vaste ecchymose des téguments de la
région frontale gauche (provenant évidemment de la chute au momenf
de l'attaque). Les os sont sains, pas de fracture du crâne; pas de néo-
membranes de la dure-mère; méninges normales, non congestionnées.
Artères de la base non athéromateuses, sauf la terminaison des ca-
rotides qui présente un aspect légèrement blanchâtre. Mais les petites
artères sont remarquablement saines, et ne présentent d'épaississe-
ment athéromateux en aucun point. Ces artères ont été ouvertes avec
soin, et l'on n'y a pas retrouvé d'oblitération.
Cerveau. On remarque à la surface de l'hémisphère droit un ramol-
lissement superficiel à teinte rosée des circonvolutions; s'étendant
comme une traînée depuis le lobe frontal jusqu'au lobe occipital, occu-
pant la partie supérieure de l'hémisphère, et n'attaquant pas toutes les
152
circonvolutions; la substance des circonvolutions est comme déchique-
tée par places, à la suite de l'ablation de la pie-mère.
L'examen micrographique y montre, en certains points surtout, de
nombreux corps granuleux, des cellules granuleuses, de la graisse dis-
séminée en gouttelettes, et de petits vaisseaux granuleux.
Dans le centre ovale de Vieussens droit, ramollissement blanchâtre
de 2 à 3 centimètres de diamètre, dans lequel les vaisseaux ne sont pas
granuleux.
A une certaine distance, autre foyer de ramollissement de 1 à 2 cen-
timètres de diamètre, de couleur jaunâtre et présentant une masse
énorme de graisse en gouttelettes, des corps granuleux et une destruc-
tion presque complète des tubes nerveux.
En arrière de ce foyer, le centre ovale offre un aspect criblé remar-
quable et une teinte hortensia qui n'existent point dans l'autre hémi-
sphère. Les vaisseaux qui apparaissent comme des filaments dans la sub-
stance blanche sont fort peu altérés et l'on n'en retrouve que fort peu
de graisseux.
Rien dans les corps striés, les couches optiques ni dans les autres par-
ties de l'encéphale.
Moelle épinière saine.
Cavité llwracique. Hépatisation rouge un peu granuleuse par places
des deux bases des poumons, emphysème des lobes supérieurs.
Cœur sain; ne contient pas de caillots.
Aorte remarquablement peu athéromateuse; elle a l'aspect d'une
aorte d'adulte. Au niveau de sa bifurcation, on remarque simplement
une petite tache blanchâtre.
Artères carotides primitives et tronc brachio-céphalique nullement
athéromateux, ne contiennent pas de caillots.
Autres organes sains, pas d'infarctus.
ANCIENNE HÉMIPLÉGIE DROITE; RAMOLLISSEMENT BLANC DE LA TOTALITÉ DU LOBE
ANTÉRIEUR GAUCHE ; PAS d'aTHÉROMES.
Obs. XXXIIL — D... (Sophie-Joséphine), 47 ans, entrée à la Salpê-
trière le 28 janvier 1865, morte le 14 mars 1865 (salle Sainte-Rosalie,
n° 15), service de M. le docteur Charcot.
La maladie actuelle aurait débuté le 6 octobre 1864.
Déjà depuis deux ans la malade souffrait d'engourdissements dans le
bras droit.
Le 6 octobre 1864, son mari s'est aperçu qu'elle parlait par mono-
syllabes et qu'elle se servait de la main gauche pour manger; peu
153
d'instants après, elle a perdu connaissance et est devenue hémiplégique
à droite. Transportée à la Cliarilé, puis à la Salpêtrière, la malade n"a
jamais parlé depuis son attaque, elle n'est nullement intelligente et ne
se fait pas comprendre par signes.
Meurt d'une eschare au sacrum.
Autopsie. — Cerveau. Artères de la base non athéromateuses; le lobe
antérieur de Thémisphère gauche, jusqu'au sillon de Rolando, est en-
tièrement ramolli et transformé en un kyste rempli d'un liquide laiteux
dans lequel on trouve, au microscope, une grande quantité de gros
corps granuleux.
Coloration bleu ardoisé de la base du cerveau et de la moelle. (L'es-
chare pénètre dans le canal rachidien.)
C(VU7' petit, décoloré; pas d'altérations valvulaires.
Jorte non athéromateuse.
Rien à noter dans les autres organes.
Pas d'infarctus.
RAMOLLISSEMENT VIOLACÉ DU CERVEAU (APOPLEXIE CAPILLAIRE) ; INFARCTUS
d'un rein; PAS DE POINT DE DÉPART EMBOLIQUE.
Obs. XXXIV. — D... (Anne-Dauphine), âgée de 82 ans. Entrée
à la Salpêtrière le 25 mai 1863, morte le 1" juillet 1865 (salle Saint-
Alexandre, n» 17;, service de M. le docteur Charcol.
Habituellement bien portante.
Le 27 juin 1865, perte subite de connaissance, hémiplégie gauche; au
bout d'une heure la malade reprend un peu de connaissance. Flacci-
dité complète des membres gauches. Face déviée à droite, langue dé-
viée à gauche, yeux tournés à droite. Sensibilité intacte; mouvements
réflexes dans le membre inférieur gauche.
Les jours suivants la malade tombe dans un coma profond. Râle la-
ryngo-lrachéal ; mouvements spontanés dans tous les membres, le su-
périeur gauche excepté. La main gauche est beaucoup plus chaude que
la droite.
Mort le 1" juillet.
Température rectale aussitôt après l'attaque 37 4/5
id. id. 28 juin 38 3/5
Id. id. 29 - 39 1/5
id. id. 30 —(la veille de sa mort) 39 2/5
Autopsie. — Les téguments du crâne sont fortement congestionnés.
Ecchymoses sous le péricrâne. A l'ouverture de la cavité crânienne, il
•w.\
154
s'écoule une grande quantité de sang. La pie-mère n'est pas très-con-
gestionnée.
Hémisphère droit. Ramollissement violacé occupant le lobule de l'iu-
sula, la partie postérieure des deuxième et troisième circonvolutions
frontales, une portion de la marginale inférieure, et le corps strié dans
sa plus grande partie.
Le corps strié et toute la partie centrale du ramollissement présentent
un poin-tillé hémorrhagicpic très-abondant ou apoplexie capillaire; la
périphéiie du foyer est constituée par du ramollissement blanc. Dans
le lobe panélal, petit foyer analogue. Ramollissement blanc et apoplexie
capillaire au centre.
En ouvrant le ventricule latéral, on voit la tète du corps strié trans-
formée en une boue sanguinolente.
Hémisphère gauche. Plaque jaune très-superficielle, occupant l'insula
et une petiie partie de la troisième circonvolution frontale, s'élendant
en profondeur seulement jusqu'à la capsule externe du corps strié.
Pas d'altération des autres parties de l'encéphale; pas d'atrophie des-
cendante.
Artères de la base du cerveau non athéromateuses; on n'a pas trouvé
d'oblitération de l'artère sylvienne droite ni de ses branches.
Examen microscopique. — Les capillaires, examinés dans le ramollisse-
ment, sont en général peu athéromateux, un grand nombre sont remplis
de sang, d'autres sont vides, mais le sang paraîtinfitré dans leur paroi, ou
plutôt entre leur paroi et la tunique adventice décrite par l\i. Robin, de
façon à formerune sorte d'anévrysme disséquant. (PI. II, fig. 4,5, 6.) D'au-
tres capillaires présentent un épaississement considérable de leurs pa-
rois, au point que celles-ci égalent le calibre du vaisseau.
îl existe fort peu de corps granuleux, et seulement le long des vais-
seaux; on trouve aussi desgrams d'héniiatosine près des vaisseaux.
Les éléments nerveux uc présentent pas d'altération considérable:
dans quelques points on rencontre un grand nombre de corps amyloïdes.
Gœur vohnmneas.; pas d'altération valvulaire, pas de végétations.
Les auricules sont libres.
Aorle athéromateuse ; plaques jaunes dans la crosse, athéromes ul-
cérés dans la portion abdominale.
Poumons congestionnés, noyaux d'hépatisation rouge dans le lube
inférieur droit.
Rate. Pas d'infarctus.
Reins; le droit est sain, \v .gauche présente [)lusieurs infarctus récents,
l'un très-vulumineu\ corics[)ond à une branche de Tarière rénale obli-
térée par un caillot lUjriueu.\ ancien.
155
Hémiplégie gauche subite ; mort en trois jours ; plaques jaunes de l'hé-
MISPUÈRE droit; KA510LLISSE5IENT RÉCENT DU CORPS STRIÉ; INFARCTUS DE LA
RATE, DES REINS, DE LINTESTIN ; ARTÈRES PEU ATHÉROMATEUSES ; PAS d'oBLI-
TÉRAïlOiN MANIFESTE, SAUF DANS LE REIN.
Obs. XXXV. — F... (Marie-Nicole), 77 ans. Merle le 6 décembre
1865, salle Saint-Vincent, 8, hospice de la Salpêtrière, service de
M. le docteur Vulpian.
Cette malade était déjà entrée à Tinfirmerie en avril 1865, fort agitée
et offrant un peu de délire de persécution sans hallucinations. Pas d'état
organopathique appréciable.
Rentre le 4 décembre 1865. Elle marchait bien la veille, et le matin
elle est prise d'une attaque subite d'hémiplégie gauche sans perle de
connaissance.
Etal de La maladf . Hémiplégie gauche complète, avec flaccidité;
hémiplégie faciale gauche, langue non déviée. Déviation de la tète et
des deux yeux à droite; Tiris ne dépasse pas la ligne médiane quand
elle regarde à gauche.
Sensibilité très-affaiblie, ne sent pas le chatouillement de la plante
du pied gauche. Pas de mouvements réflexes.
Intelligence très-faible; connaissance conservée; elle parle en bre-
douillant.
5 décembre. Même état général. La sensibilité est revenue du côté
gauche, de même que les mouvements réflexes. Déviation des yeux.
Pas d'albuminurie.
6 décembre. A neuf heures et demie du matin, demi-coma ; cepen-
dant la malade a conservé assez de connaissance pour tirer la langue
quand on le lui demande; sensibilité conservée; gros râles d'agonie.
Elle meurt à onze heures et demie. Elle a conservé jusqu'à la fin la
tendance à la déviation oculaire du côté droit et la demi-rotation de la
tête à droite, quoiqu'à un degré moins prononcé qu'au début.
Température rectale.
4 décembre (huit heures environ après l'attaque)., "37" 2/5.
5 décembre matin 38" 1/5.
soir 38-4/5.
6 décembre à dix heures du matin 39" 2/5.
Autopsie. — Cavité crânienne. Pas de néo-membranes de la dure-
mère.
1Ô6
Un peu d'œdème de la pie-mère; liquide céphalo-rachidien abondant.
Pas d'oblitération des sinus.
Artères de la base. Ne présentent presque pas d'athéromes, sauf en
quelques points disséminés, surtoutsur la cérébrale postérieure.
Pas d'oblitération manifeste des gros vaisseaux; on trouve cependant
dans une des branches de la sylvienne droite, au niveau de l'insula, une
artère contenant un petit caillot rosé assez résistant, mais qui paraît
récent et s'est peut-être formé pendant l'agonie.
Cerveau. Hémisphère droit. Au niveau de la partie postérieure de
la troisième circonvolution frontale, tache d'apoplexie capillaire d'un
diamètre d'environ 2 centimètres, mais ne s'enfonçant pas en profon-
deur.
Plaques jaunes des circonvolutions siégeant l'une à la partie posté-
rieure et supérieure de l'insula de Rcil s'étendant un peu sur les circon-
volutions marginales et acquérant à peu près la dimension d'un sou.
Autre plaque jaune, mais plus molle, sur la circonvolution sphénoïdale
inférieure.
Ramollissement pulpeux récent imbibé de sang, formant une bouillie
rouge qui occupe le corps strié (partie postérieure et intraventriculaire)
et qui se prolonge en dehors jusqu'à la partie postérieure de l'insula at-
teignant ainsi la plaque jaune qui y a été signalée plus haut.
Examen Tnicroscopique. Dans les plaques jaunes formées de sub-
stance assez résistante, on trouve du tissu cellulaire, quelques rares
débris de tubes nerveux, une foule de corps granuleux, des granula-
tions et des cristaux hématiques ; dans ces parties récemment ramollies :
de la substance nerveuse dilacérée et en débris et des extravasations
sanguines, enfin des capillaires présentant en grand nombre des dila-
tation? anévrysmales. On n'y découvre pas d'oblitération. Les parois
de ces petits vaisseaux sont pour la plupart saines (sauf leur dilatation),
cependant, dans l'hémisphère sain, on retrouve quelques capillaires
très-légèrement granuleux; le nombre de ces capillaires granuleux est
faible, et dans les parties saines ils ne sont pas anévrysmatiques.
L'hémisphère gauche et les autres parties de l'encéphale ne présen-
tent pas d'altération.
Cavité thoracique. Poumons très-congestionnés, presque apoplecti-
ques, surtout à leur partie postérieure.
Cœur. Ne présente pas de lésions valvulaires. Pas de caillots anciens
ni récents; toutes les cavités et les auricules ont été ouvertes.
Cavité abdominale. Rate. Présente une partie très-pâle, anémiée,
tranchant avec la couleur du reste de l'organe. Cet infarctus paraît à la
coupe formé de substance plus compacte que le reste de l'organe et ne
157
laisse échapper presque pas de sang. Pas de rétraction de cet infarctus,
qui doit être assez récent. L'oblitération n'a pas été découverte.
Reiiis. Plusieurs infarctus anciens ; l'un d'eux, de la dimension d'une
pièce de 50 centimes au moins, est très-rélracté. Le tissu rénal a pres-
que disparu à ce niveau. Sa coupe est dure et crie un peu sous le scal-
pel. L'artère qui correspondait à cette partie était perméable jusqu'à
sa partie moyenne, mais toute l'autre moitié (périphérique) était réduite
en un cordon comparable au cordon de l'artère ombilicale de l'adulte.
A l'examen microscopique ces parties étaient formées d'un tissu atro-
phié, les glomérules plus petits et plus rapprochés les uns des autres
qu'à l'état normal, les tubuli très-rares. Quelques-uns de ces glomérules
et de ces tubes offraient à l'intérieur des granulations assez peu trans-
parentes qui se sont éclaircies par l'addition d'acide sulfurique ; il s'est
produit quelques bulles, mais pas de cristaux de sulfate de chaux. 11 est
possible cependant qu'il y eût un peu d'incrustation calcaire.
Intestin. Une anse de l'intestin grêle présentait en un point un as-
pect d'injection et de ramollissement rouge grisâtre (assez analogue à de
la gangrène); en l'ouvrant et en versant de l'eau dessus, il se produisit
une perforation ovalaire qui prouvait le degré de ramollissement de
l'organe.
Cette altération s'étendait sur une étendue d'environ 2 à 3 centi-
mètres.
En un autre point, tache rouge assez analogue.
L'oblitération artérielle n'a pas été recherchée avec soin. Il s'agissait
très-probablement d'un infarctus.
Aorte thoraciqiie alhéromaieuse; quelques plaques calcaires; l'une
d'elles, assez épaisse, siège un peu avant la naissance du tronc bra-
cliio-céphalique qui présente aussi quelques athéromes; les artères ca-
rotides ne sont que fort peu alhéromateuses (en un ou deux points seule-
ment).
L'aorte descendante, dans sa partie moyenne, présente aussi des
athéromes et quelques plaques calcaires; on ne trouve pas d'ulcéra-
tions ni d'abcès athéromaleux.
La bifurcation de l'aorte n'est pas athéromaleuse.
Les deux dernières de ces observations (obs. XXXIV et XXXY) qui
présentent en même temps que le foyer de ramollissement des in-
farctus des viscères, offrent une si grande analogie avec les cas d'em-
bolies multiples qu'il est bien difficile de ne pas les rapporter à la
même cause, quoique l'examen cadavérique fait avec soin n'ait rien
fait déconviii-, cl!e.T sont un nouvel exemple de la difficulté de ces
158
recherches. 11 est à regretter seulement que les veines pulmonaires
n'aient point été suffisamment e-xaminées; dans l'observation XXXY,
les poumons étaient fortement congestionnés et peut-être aurait-on
trouvé là un point de départ d'embolie, comme cela a été indiqué
par plusieurs auteurs (1).
Dans les deux autres observations, il est plus difficile de se rendre
(;ompte de la cause du ramollissement, et nous devons les considérer
comme des cas douteux et difficiles à interpréter.
L'encéphalite à laquelle on a pendant longtemps attribué une si
large part dans la nature du ramollissement ne nous semble pas non
plus pouvoir donner l'explication de ces cas douteux.
L'encéphalite spontanée et primitive (2), si elle existe, nous paraît
tout au moins devoir être très-rare : en effet une terminaison fré-
quente des phlegmasies est la formation du pus, c'est d'ailleurs ce
que nous voyons survenir dans les encéphalites traumatiques par
exemple, ou dans les cas d'encéphalites de voisinage (méningo-en-
céphalites, encéphalites entourant des tubercules, etc.) dans lesquels
on retrouve du pus manifeste et souvent de véritables abcès; la sub-
stance cérébrale est donc susceptible de s'enflammer et de suppurer,
et cependant dans les cas de ramollissement que nous avons eus en
vue, nous n'avons jamais retrouvé de pus, et MM. Charcot etVulpian
ont souvent fait la même recherche sans plus de succès, M. Durand--
Fardel(3) le reconnaît lui-même quand il dit : « Nous croyons que Ion
« rencontrera fort rarement la suppuration du cerveau, » phrase
qu'il objecte au reproche que lui fait M. Grisolle (4) « d'avoir admis
« une encéphalite dans laquelle on ne rencontre jamais de pus, bien
« que le cerveau soit un des organes où la suppuration se développe
« le plus facilement. »
(1) Voy. Lancereaux, ouvr. cit., p. 46, et Bail, Des embolies pulmo-
naires, Paris, 1862, p. 55.
(2) Nous ne nous sommes point occupés dans ce travail de certains
cas à symptômes assez vagues, dans lesquels on a trouvé à l'autopsie
des traînées rouges des circonvolutions avec adhérences de la pie-mère.
Cette lésion a été citée dans plusieurs de nos observations, mais comme
il ne nous est pas possible den déterminer la nature, nous ne nous y
arrêterons pas.
(3) Durand-Fardel, Trailé des mal. des vieillards, p. 174.
(4) Grisolle, PatlioL interne, 1852, t. II, p. 216.
Rien no nous engage donc i^i lulniettre une enréphalile primitive
comme cause de ramollissement; les symptômes semblent d'ailleurs,
comme nous le dirons, contraires à cette opinion, car au d^but du
ramollissement cérôliral il n'y a pas d'élévation de la température.
Mais il est possible, comme nous l'avons déjà dit, qu'une irritation
consécutive se développe à la suite du ramollissement, encéphalite
comme éliminatrice d'une eschare représentée par le foyer de ramol-
lissement; cette encéphalite consécutive acceptée par M. Hasse (1)
s'est montrée bien évidente dans une de nos expériences. Mais chez
l'homme on ne Fa pas vue donner lieu à un foyer purulent, peut-être
joue-t-elle un rôle dans les phénomènes consécutifs au ramoUis-
sement.
Une altération qui est assez fréquemment en coïncidence avec les
anciens foyers est le développement de membranes vasculaires sur la
dure-mère. Ces néo-membranes existent, il est vrai, fréquemment
sans lésion encéphalique, mais leur coïncidence avec d'anciens ra-
mollissements et leur développement souvent plus considérable au
niveau du foyer est peut-être la trace d'un travail irritatif de voisi-
nage que l'on pourrait rapprocher de l'encéphalite consécutive. Nous
renvoyons à l'observation XV, et nous croyons ce fait assez nouveau
pour publier les deux observations suivantes :
Hémiplégie droite ancienne; aphasie; ramollissement étendu, jaune de
LnÉMISPHÈRE gauche ; INFARCTUS DE LA RATE ; CANCER STOMACAL ; ATHÉ-
ROMEs ARTÉRIELS. (Observatlôn due à M. Charcot.)
Obs. XXXVl. — V... (Marguerite), 61 ans. Morte le 16 janvier
1863, salle Saint-Paul, n° 6, hospice de la Salpêtrière, service de M. le
docteur Charcot.
En février 1862, attaque subite d'hémiplégie droite, sans perle de
connaissance.
Etat actuel (octobre 1862). Membre supérieur droit flasque. Contrac-
ture de la main qui est fléchie en crochet. ÏMembre inférieur droit ri-
gide en demi-flexion. Légère diminution de la température du coté pa-
(1) Hasse, oiwr. n7.,j{213.
16U
ralysé. Sensibilité diminuée. Mouvements réflexes. Bouche déviée à
gauche et en bas; langue tirée à droite. Fréquemment la malade ne
peut s'exprimer et ne prononce que des monosyllabes à peine intelligi-
bles; d'autres fois elle parle assez correctement. La malade devient
cachectique, présente de l'œdème, une grande pâleur et meurt le
16 janvier 1863.
XvjopsiK. — Cavité crânienne. Néo-membranes minces sur la face in-
terne de la dure-mère du côté gauche. Pie-mère œdématiée.
Artères de la base athéromateuses.
Cerveau. Ramollissement jaune étendu de l'hémisphère gauche, por-
tant surtout sur les circonvolutions marginales antérieure et postérieure,
sur les circonvolutions qui limitent la scissure de Sylvius, sur les deux
circonvolutions postérieures de la pyramide de Reil. La troisième cir-
convolution frontale est légèrement atteinte à sa base et en arrière. La
lésion s'étend jusqu'au corps strié qui est sain.
Atrophie descendante, de la pyramide antérieure gauche, du côté
gauche de la protubérance, et du pédoncule cérébral gauche, rien dans
] hémisphère droit.
Poumons. Hépatisation grise du lobe supérieur gauche. Œdème et
bronchite purulente du poumon droit.
Cœur. Hypertrophie concentrique légère. Valvules un peu épaissies.
J\ate mamelonnée, présente un point jaune fluctuant (infarctus), ar-
tère splénique athéromateuse.
Reins. Mamelonnés. Pas d'infarctus.
Foie gras.
Estomac. "Végétation cancéreuse au niveau de la petite courbure.
Aorte à peine athéromateuse à son origine, mais alhéromes ulcérés
dans l'aorte abdominale. Concrétions athéromateuses molles dans les
artères carotides.
Muscles du bras gauche atrophiés.
Nerfs des deux côtés égaux en volume.
Ancienne héjiiplégie droite; ramollissement de tout le lobe antérieur
gaucbe, du corps strié et de la couche optique; athér0mes artériels.
(Observation due à M. Cdarcot.)
Obs. XXXVII. — H... (Marguerite), 56 ans. Morte le 14 septembre
1863, salle Sainte-Rosalie, 15, hospice de la Salpêlrière, service de
M. le docteur Charcot.
Transportée de la Pitié le l" septembre 1863 sans renseignements;
cette malade est dans un état d'hébétude absolue, ne prononce, quand
161
OQ la pince, que des paroles inarticulées. Elle parait ne rien comprendre.
Gâteuse. Arc sénile prononcé.
Tête et regard constamment tournés à gauche, sans qu'il paraisse y
avoir conlraclure des muscles du cou.
Hémiplégie faciale droite, bouche déviée à gauche et en haut, sillon
naso-labial profond à gauche.
Hémiplégie droite avec flaccidité parfaite. •
Sensibilité conservée.
Mouvements réflexes dans le membre inférieur droit.
Urines non albumineuses.
Le lendemain de son entrée, la malade, en prenant un bain, se fait
une brûlure au genou droit; la plaie prend bientôt un mauvais aspect;
la malade tombe dans le coma et succombe le 14 septembre.
Autopsie. — Cavité crânienne. Néo-membranes épaisses sur la partie
de la dure-mère qui correspond au ramollissement.
Artères de la base. Artères basilaires et artères sylviennes des deux
côtés légèrement athéromateuses.
Cerveau. Vaste ramollissement jaune à la surface occupant le lobe
antérieur gauche dans toute son étendue s'étendant jusqu'au sillon de
Roiando qu'il dépasse, comprenant en arrière de ce sillon deux groupes
de circonvolutions. Le lobe ramolli est flasque et atrophié; la surface
du cerveau est transformée en une membrane plissée, formant une sorte
de sac dans lequel ou trouve la substance cérébrale blanche et ramol-
lie, comme caséeuse.
Corps strié, ramolli dans presque toute son étendue.
La couche optique l'est beaucoup moins.
HiUiisplière droit sain.
Sur la surface des circonvolutions ramollies, vaisseaux de couleur
jaunâtre, opaques, complètement athéromateux.
Ces parties sont formées d'un tissu cellulaire à noyaux, on trouve
dans les parties blanches de nombreux corps granuleux et des débris de
tubes nerveux qui manquent dans les parties jaunes.
Pas d'atrophie descendante des pédoncules ni du bulbe.
Cœur. Les parois des ventricules sont jaunâtres et flasques. Valvules
un peu indurées.
Poumons. Dilatations bronchiques. Quelques tubercules miliaires dis-
séminés.
Reins. Plaques déprimées brunâtres qui se continuent en forme de
coins dans l'organe (vestiges d'infarctus).
Aorte légèrement athéromateuse à son origine."]
MEM. 11
162
Nous devons faire remarguer au sujet de cette observation une
particularité qui s'observe assez souvent dans les foyers de ramol-
lissement ancien : le ramollissement est jaune à la surface et blanc
dans la profondeur; nous avons déjà indiqué que la coloration jaune
est principalement dueàl'hématosine qui se dépose là où il y a eu une
forte hyperémie, ou des points d'apoplexie capillaire; il n'est donc
pas étonnant que cette coloration jaune puisse être limitée à la sub-
stance corticale, puisque c'est là surtout que l'on observe l'hyperé-
mie. La même particularité se retrouve aussi dans les observations
XII, XXIV, XXVI.
Nous pensons donc qu'on ne peut guère avancer que, dans ces cas,
les parties jaunes et les parties blanches remontent à des époques de
formation différentes. Il est possible cependant qu'il se forme autour
de la plaque jaune un ramollissement de voisinage et qui pourrait
expliquer quelques symptômes observés chez d'anciens hémiplégi-
ques.
§ II. — Altérations des capiUaires.
Dans les cas où le ramollissement n'a pu être expliqué par une lé-
sion artérielle ou veineuse évidente, on peut se demander si le point
de départ de la maladie ne se trouve point dans les capillaires. En
effet, il existe dans les foyers de ramollissement des lésions bien ca-
ractérisées de ces vaisseaux consistant soit dans leur dégénérescence
graisseuse, soit dans leur dilatation anévrysmatique (1). Dans le pre-
mier cas on voit des auiasde granulations graisseuses, des corps gra-
nuleux, soit dans la paroi môme du capillaire, soit le long de cette
paroi, qui parait alors très-épaisse et d'un diamètre supérieur au ca-
libre du vaisseau. (Voy. les obs. XI, XXV, XXVU.) 11 semble évident
à priori que dans de pareilles conditions les échanges endosmo-
(1) M. le professeur Robin a déjà appelé l'attention sur l'altération
granule-graisseuse des capillaires cérébraux chez les individus âgés
{Mém. Acad. de méd., 1856). M. Paget a insisté sur la coïncidence de
ces akéralions avec le ramollissement et l'hémorrhagie [on ihe fally
degeneralion of smaUblood-ves5els,elc., London médical Gazette, 1850).
Enfin M. Laborde a décrit certaines dilatations (étatmoniliforme) et des
ruptures des capillaires, altérations qu'il considère dans certains cas
comme paihogéniques du ramollissement.
163
cxosmutiques nécessaires a la nuintioa doivent être fort imparfaits
et que la substance cérébrale doive s'altérer consécutivement.
Nous sommes loin de nier qu'il en puisse être ainsi dans certains
cas; mais nos recherches nous portent à croire que souvent l'altéra-
tion des capillaires et l'altération du tissu nerveux se produisent si-
multanément et dépendent d'une même cause, d'une oblitération
artérielle par exemple. On voit en efFet dans les ramollissements par
thrombose ou par embolie l'altération des capillaires exactement
limitée au foyer de ramollissement où elle existe à un degré très-
avancé. (Voy. obs. XI.)
D'ailleurs, quelle que soit la cause productrice de la nécrobiose du
tissu nerveux, l'altération des capillaires paraît pouvoir se produire
secondairement. Ainsi dans les atrophies descendantes du pédoncule
et de la moelle, marquées par une traînée grise visible à l'œil nu, on
trouve, quand l'altération n'est pas trop avancée, des corps granuleux
dans la substance nerveuse et des capillaires présentant la dégéné-
rescence graisseuse à un degré très-avancé.
Les dilatations anévrysmatiques des capillaires ne se rencontrent
guère que dans les cas de ramollissement rouge ou d'apoplexie capil-
laire. (Voy. obs. XXXIV, XXXV.)
Tantôt le capillaire est dilaté en totalité, tantôt la dilatation est la-
térale, tantôt, enfin, le sang s'infiltre entre la tunique propre du
capillaire et la tunique lymphatique décrite par M. Robin de façon à
produire une sorte d'anévrysme disséquant, altération sur laquelle
M. Gharcot a plusieurs fois appelé notre attention.
Cette altération s'est montrée à nous dans plusieurs cas où l'oblité-
ration artérielle n'a pu être retrouvée et où la cause du ramollisse-
ment restait inconnue. Dans de pareils cas on peut se demander
aussi si la lésion des capillaires n'est pas protopathique; nous dirons,
comme tout à l'heure, qu'il peut en être ainsi dans quelques cas, mais
que certainement cette lésion est souvent secondaire, car nous l'avons
trouvée dans des cas où le ramollissement devait être attribué à une
oblitération artérielle.
Nous ferons observer de plus que cette dilation anévrysmatique ne
coùicide pas habituellement avec l'altération atbéromateuse des ca-
pillaires dilatés; leur paroi est saine; on ne voit, en un mot, d'autre
lésion que la dilatation. N'est-il pas plus naturel d'admettre que la
cause de cette dilatation est dans la tension du liquide sanguin, qui
164
peut, comme nous Javous dit plus haut (voy. première partie, Appen-
dice], être augmentée à la suite des oblitérations artérielles ou même
dans la diminution de consistance du tissu cérébral, qui n'offre plus
un soutien suffisant aux parois des capillaires?
Nous sommes d'autant plus disposés à adopter cette manière de
voir que les dilatations vasculaires de ce genre ne se rencontrent
que dans le ramollissement récent, rouge, à marche rapide, et qu'elles
paraissent être passagères comme les phénomènes hyperémiques aux-
quels nous les rattachons ; à une période plus avancée, on en retrouve
les traces dans ces amas d'hématosine rangés le long des capillaires
et accumulés souvent dans l'intérieur de la tunique adventice.
De récentes expériences sont venues encore confirmer nos opinions
sur les lésions granuleuses et anévrysmatiques des capillaires, nous
avons été assez heureux pour observer ces altérations dans un ra-
mollissem?nt produit chez un chien qui succomba au bout de trois
jours. Cette expérience nous parait présenter assez d'intérêt pour que
nous la rapportions ici en détail; elle offre aussi un exemple remar-
quable de rapide formation de corps granuleux.
Injection de graines de tabac dans la carotide droite (bout périphérique);
MÉNINGITE SUPPURÉE ; RAMOLLISSEMENT ROUGE DU CORPS STRIÉ DROIT AVEC CORPS
granuleux; capillaires granuleux et ANÉVRYSMATIQUES. MORT AU BOUT DE
TROIS JOURS.
Exp. XIII (8 janvier 1866). — Chien de grande taille, déjà vieux.
Le 8 janvier nous poussons dans le bout périphérique de la carotide
droite une injection d'eau chargée de graines de tabac. Au moment de
l'injection, l'animal pousse un cri. Pas d'autres symptômes; pas de
paralysie appréciable.
Les jours suivants, le chien est triste, abattu, mais n'offre aucun
symptôme de paralysie.
Le 11 janvier. Coma. Mort dans la soirée.
Autopsie. Au niveau de la plaie, collection purulente considérable,
avec fusée purulente du côté de la tête.
Cavité crânienne. La moitié droite de la dure mère étant ouverte on
trouve une Eccumulation de pus tapissant la face convexe de l'hémi-
sphère et s'étendant jusque dans le canal rachidien. Cette méningite était
sans doute due à une inflammation de voisinage produite par l'abcès du
cou.
Cerveau. Pas de ramollissement manifeste à la périphérie, les artères
165
contionnent des graines de tabac répandues çà et là : on en trouve en
particulier une forte accumulation dans la sylvienne droite.
Le corps strié droit présente dans son noyau intra-ventriculaire, un
petit foyer de ramollissement rouge atteignant les dimensions d'un pois.
L'examen microscopique, y fait découvrir une grande quantité de
corps granuleux et de granulations graisseuses libres ; ainsi que des
débiis d'éléments nerveux.
La plupart des capillaires sont notablement altérés ; les uns présen-
tent une accumulation considérable de corps granuleux et de granu-
lations graisseuses le long de leurs parois (PL III, fig. 7), dans quelques-
uns on peut apercevoir que la paroi elle-même est granuleuse (PL III,
fig. 8); d'autres capillaires moins nombreux sont gorgés de sang et pré-
sentent par places une infiltration sanguine de leurs parois, tout à fait
semblable à l'anévrysme disséquant que l'on observe dans le ramollis-
sement rouge de l'homme (PL III, fig. 3).
Ces altérations sont nettement limitées au foyer du corps strié droit,
le reste de l'encéphale et notamment le corps strié gauche ont été
soigneusement examinés : on n'y a trouvé aucune altération; les capil-
laires étaient remarquablement sains.
CHAPITRE V.
RAMOLLISSEMENTS PAR OBLITÉRATION VEINEUSE.
La thrombose des sinus de la dure-mère et des veines cérébrales a
été indiquée par plusieurs auteurs comme causes du ramollissement
cérébral (1).
Dans ces cas le ramollissement présente des caractères spéciaux ;
il est généralement superficiel, s'accompagne d'une forte congestion,
d'apoplexie capillaire, ou même d'extravasations sanguines plus ou
moins considérables souvent étendues en nappes sur la convexité
des hémisphères (2).
(1 ) Voy. pour la bibliographie et pour la description des lésions la
thèse de M. Lancereaux.
(2) Nous avions pensé que l'œdème de la pie-mère que l'on observe
si souvent pouvait peut-être se rapporter à une oblitération des sinus.
Depuis nous avons eu plusieurs occasions de pratiquer des autopsies
dans lesquelles cet œdème était très-prononcé, sans que les sinus fus-
sent oblitérés. Nous sommes portés à croire que cet œdème est le plu^
souvent un phénomène d'agonie.
166
L examen microscopique des parties ramollies permet d'y découvrir
des capillaires gorgés de sang et présentant des anévrysmes dissé-
quants (obs. XXXVIII) identiques à ceux que l'on observe dans les
ramollissements rouges par obstruction artérielle; en sorte qu'on
peut considérer cette altération comme propre aux foyers de ramol-
lissement rouge et d'apoplexie capillaire, quelle qu'en soit la cause
pathogénique. La présence de ces lésions des capillaires dans les ra-
mollissements par oblitération veineuse, où se produit mécanique-
ment une stase et une augmentation de tension du liquide sanguin,
nous parait être encore un argument à ajouter à ceux qui nous enga-
geaient plus haut à considérer ces anévrysmes comme un phénomène
passif et secondaire.
Dans les deux observations que nous possédons de ramollissement
par oblitération veineuse, la mort est survenue dans la première pé-
riode de la maladie, ainsi que cela arrive d'ailleurs le plus souvent
en pareil cas, en sorte que nous ne pouvons rien dire de précis sur
les transformations ultérieures de cette espèce de ramollissement.
Les deux observations suivantes se rapportent à cet ordre de faits :
RAMOLLISSEMENT HE DE VIN ; HÉMORRHAGIE SOUS-MÉNINGÉE ; THROMBOSES
MULTIPLES DES VEINES CÉRÉBRALES.
Obs. XXXVin. — L... (Marie-Catherine), âgée de 68 ans. Entrée à
la Salpêtrière le 29 avril 1854, morte le 23 août 1865 (salle St-.Tacques,
n" 9), service de M. le docteur Charcot.
Entrée à l'infirmerie, le 26 juin 1865, pour des douleurs de ventre;
et présentant un peu d'ascite.
Le 21 août, hémiplégie droite subite. La commissure des lèvres est
tirée en haut et à gauche; la langue déviée à droite.
Flaccidité complète des membres droits; la sensibilité y parait di-
minuée.
L'intelligence semble conservée à un certain degré ; la malade repond
aux questions, mais la parole est un peu embarrassée.
22 août, température rectale : 38 2/5.
Dans la nuit du 22 au 23 août elle tombe dans le coma ; respiration
stertoreuse, peau couverte de sueur, résolution des membres droits et
gauches; la malade reste insensible à toutes les excitations.
Mort le 23 août.
Autopsie. — Cavité craniertnr. Pa? de néomombranes de la dur?-
mére.
i67
Hémorrhagie sous-arachnoïdienne occupant presque toute la surfacw
des deux hémisphères, plus abondante cependant à droite qu'à gauche.
Les deux ventricules sont remplis de caillots noirs.
Hémisphère gauche. En arrière de la circonvolution marginale pos-
térieure, plaque de ramollissement rouge, la substance grise présente
une coloration lie de vin , la substance blanche sous-jaccnte est ra-
mollie et jaunâtre ; tout le plancher du ventricule latéral est ramolli ;
la couche optique présente à sa surface une bouillie rougeâtre formée
d'un mélange de sang et de substance cérébrale ramollie.
Hémisphère droit. Plaque de ramollissement rouge située en arrière
du sillon de Rolando, un peu moins étendue que celle de l'hémisphère
gauche. Artères de la base du cerveau non athéromateuses. Sur la sur-
face des caillots qui tapissaient la face externe des hémisphères, on
voyait se dessiner des veines se rendant au sinus longitudinal supérieur;
elles présentaient une coloration jaunâtre et renfermaient des caillots
anciens.
Cœur. Surcharge graisseuse. Pas de lésion des orifices.
Poumons. Le droit fortement congestionné, le gauche sain.
Cavité abdominale. Quantité considérable de sérosité dans le péri-
toine.
Foie petit, d'aspect granuleux et jaunâtre.
Rate et reins ne présentant rien d'anormal.
Apoplexie musculaire dans le muscle grand droit de l'abdomen du
côté droit.
Examen microscopique. Les parties du cerveau ramollies ne pré-
sentent pas de corps granuleux. On y retrouve les éléments nerveux;
les cellules sont jaunâtres, fortement granuleuses.
Dans les parties de la substance grise qui présentent la coloration lie
de vin, un certain nombre de capillaires présentent cette sorte d'ané-
vrysme disséquant formé par un épanchement sanguin entre leur paroi
et la tunique adventice. (PI. II, fig. 3.)
D'ailleurs les vaisseaux sont partout à peu près sains.
Au niveau de l'apoplexie musculaire, les fibres musculaires sont très-
granuleuses, et leur striation a complètement disparu.
Carcinome de la face; peu de symptômes oémiplégiques ; thrombose des
SINUS DU CÔTÉ gauche; ramollissement superficiel qui y correspond.
(Observation due à M. Charcot.)
Obs. XXXIX.— F.. . (Constance), 55 ans, meurt le 20 septembre 1862.
salle Sainte-Cécile, 12, hospice de la Salpêtrière, service de M. le doc-
teur Charcot.
168
Cette fomme, qui présentait une vaste ulcération cancéreuse occu-
pant toute la moitié droite de la face, se levait et marchait dans son
dortoir; elle devient agitée trois jours avant sa mort, tombe plusieurs
fois, probablement par suite d'élourdissements; puis surviennent delà
somnolence, du délire tranquille, sans paralysie manifeste, et elle meurt
le 20 septembre.
Autopsie. — Cavité crânienne. Le sinus latéral gauche est occupé
dans les deux tiers de son étendue par un caillot ancien qui le distend ;
ce caillot non adhérent aux parois, ramolli au centre, contient de nom-
breux globules blancs; il se prolonge dans deux veines qui se rendent
sur la partie externe du lobe moyen.
Cerveau. Plaque rouge recouvrant la face externe et inférieure du
lobe moyen gauche. Au centre de cette plaque rouge comme ecchymo-
tique aboutit une veine contenant du sang coagulé ancien, et quelques
autres contenant du sang coagulé récemment.
La pie-mère à ce niveau est infiltrée de sang et très-friable.
Au-dessous, la substance grise injectée, de couleur hortensia, est ma-
nifestement ramollie, la substance blanche contient quelques points
d'apoplexie capillaire.
Les poumons présentent des noyaux de pneumonie lobulaire dissé-
minée sur quelques points qui paraissent être des abcès méiastatiques.
Rien d'important dans les autres organes.
La thrombose était probablement due à l état cachectique de la
malade; on ne peut en effet l'attribuer à une inflammation produite
par le voisinage de l'ulcère cancéreux de la face , puisqu'elle s'était
produite dans le sinus latéral.
CHAPITRE TI.
LÉSIONS VISCÉRALES QUI ACCOMPAGNENT LE RAMOLLISSEMENT.
On trouve fréquemment, coïncidant avec le ramollissement céré-
bral, des lésions viscérales auxquelles il faut ajouter des gangrènes
des membres, et qui se produisent par le même mécanisme. Elles
sont dues en effet, soità l'altération athéromateuse des petites artères,
soit aux lésions du cœur et de l'aorte, et peuvent être rapportées à
l'obstruction artérielle, ou peut-être à la simple gêne de la circula-
tion. Très-fréquentes dans les reins et dans la rate, ces altérations
étaient déjà connues avant d'être rapportées à l'embolie. Nous voyons
169
en effet M. Rayer (1) leur consacrer un article dans son livre sur les
maladies des reins, et signaler la fréquente coïncidence de la néphrite
partielle avec le rhumatisme et les maladies du cœur. Cette même
coïncidence indiquée aussi par M. le docteur Charcot (2), et consta-
tée uniquement par l'observation clinique el anatomo- pathologique,
devait trouver son explication pathogénique dans la découverte de
l'embolie. Depuis lors plusieurs auteurs se sont occupés assez lon-
guement des infarctus, et l'on peut trouver des détails très-complets
sur ce sujet dans les ouvrages de MM. Cohn (3), Schutzemberger (4),
Beckmann (5), Bergmann (6), etc., ainsi que dans le résumé qui se
trouve dans la thèse de M. Lancereaux. Nous n'entreprendrons pas la
description de ces lésions qui nous entraînerait trop loin de notre
sujet; et si nous nous sommes un peu étendus sur les infarctus dans
notrepartie physiologique, c'est que ces altérations s'étaient produites
simultanément avec un ramollissement cérébral et qu'elles nous per-
mettaient d'étudier quelques particularités de la genèse de ce pro-
cessus dans des organes (les reins, par exemple) où l'observation
était plus facile que dans le cerveau.
La marche de ces lésions est très-analogue, comme nous l'avons
dit, à celle du ramollissement cérébral; elles débutent comme lui par
une partie tantôt anémiée, tantôt liyperémiée et surtout entourée de
congestion ; plus tard elles finissent par se rétracter et forment des
cicatrices jaunâtres comparables aux plaques jaunes de l'encéphale.
Nos observations nous donnent un certain nombre d'exemples de
ces lésions (infarctus des reins (7), de la rate (8), de l'intestin (9),
gangrènes des membres (10), en outre M. Vulpian nous a montré, de-
(1) Voy. Rayer, Mal. des reins, t. Il, Néphrite rhumatismale, et les
planches qui se rapportent à cet article.
(2) Charcot, Mém. de la Soc. de biol., 1851 .
(3) Cohn, Klinik der emboliscficn Gcfdsskrank'ieiten, Berlin, 1860.
(4) Schiilzemberger, Gaz. méd. de Strasbourg, 1856.
(5) Beckmann, 'Vircbow s Arcdiv., XX, p. 217, 1860.
(6) Die Lehre von devi Fettemembolie, Dorpat, 1863.
(7) Obs. III, V, VI, VIII, XXI, XXVIII, XXXIV, XXXV, XXXVII.
(8) Obs. V, XI, XV, XVII, XXV, XXXVI.
(9) Obs. XXXV.
(10) Obs. XXIX.
170
puis notre départ de la Salpêtrière, un infarctus du cœur qui avait
amené la rupture de cet organe, qui coïncidait avec une oblitération
de l'artère coronaire et qui était comparable à celui que nous avons
obtenu sur un chien (exp. VIII).
Si toutes ces lésions sont évidemment identiques et résultent d'une
altération vasculaire, quelle valeur faut-il leur donner dans le diag-
nostic de la nature du ramollissement cérébral?
Ces lésions ont une grande valeur quand avec des artères saines et
un cœur contenant des caillots elles se rencontrent dans les diffé-
rents viscères et accompagnent un ramollissement cérébral; elles
sont la preuve de l'existence d'embolies, même si l'oblitération des
artères cérébrales a échappé à l'autopsie (1) ; mais chez le vieillard il
n'en est pas toujours de même ; en effet, l'altération nutritive des or-
ganes peut résulter de la dégénérescence athéromateuse des petites
artères et de la formation de coagulum sur place, de plus, comme
nous l'avons dit, l'aorte est plus fréquemment ulcérée dans sa partie
abdominale que danssa portion thoracique, etces ulcérations peuvent
donner lieu à des iufarctusdes viscères sans qu'on puisse leur attri-
buer le ramollissement cérébral, en sorte que dans ces cas la question
est plus complexe.
Nous ne serons pas plus longs sur ce sujet ; nous tenions simple-
pleraent à montrer que dans plusieurs de nos observations (qui sont
très-comparables à nos expériences), des infarctus viscéraux ont pu
aider à déteroiiner la nature du ramollissement, qui peut alors être
considéré comme un véritable infarctus cérébral (2).
(1) Voy. Fritz, Gaz. hebd., 1856.
(2) Nous ne nous sommes pas occupés dans ce mémoire des lésions
consécutives au ramollissement cérébral, telles que les atrophies des-
cendantes de la moelle épinière, les altérations des nerfs, des muscles,
des os, etc. Ce sujet très-vaste, comme on le voit, pourrait remplir, à
lui seul, un long mémoire, et d'ailleurs notre collègue M. Bouchard a
entrepris sur ces lésions secondaires des recherches qu'il doit publier
prochainement.
ni
SECTION II. - SYMPTOMES.
Nous ne nous occuperons ici que des points qui nous paraissent
avoir été quelque peu éclaircis, soit par nos expériences de physio-
logie pathologique, soit par l'analyse de nos observations. En pre-
mière ligne, nous parlerons de ce symptôme si fréquent chez le vieil-
lard et qui précède si souvent le ramollissement, en un mot de
Vécoiirdissement.
De Cétourdissement. — Ce phénomène, rapporté habituellement à
la congestion cérébrale, présente la plus grande analogie avec les
troubles qui accompagnent l'ischémie, la suspension de la circulation
cérébrale. M. Durand-Fardel lui-même, comme nous Favons déjà dit,
avoue que l'anémie cérébrale produit des symptômes analogues à
ceux de la congestion. Aujourd'hui un certain nombre de médecins
attribuent la plupart des accidents apoplectiformes des vieillards à
l'anémie du cerveau. Qu'il nous suffise de dire que tel est l'avis de
nos maîtres, MM. Vulpian et Gharcot, qui ont souvent appelé notre
attention sur ce point; c'est aussi l'opinion que M. Lancereaux dé-
veloppe dans sa thèse. (Voyez page 60.)
Pendant notre séjour à la Salpêtrière, nous avons été frappés de
l'extrême fréquence de Tétourdissement chez les vieillards ; malheu-
reusement nous possédons peu de renseignements écrits à ce sujet.
Dans un grand nombre de nos observations, même de celles que nous
avons recueillies nous-mêmes au commencement de cette année, les
étourdissements ne sont pas indiqués, notre attention n'ayant pas en-
core été suffisamment appelée sur ce point de la sémiologie du vieil-
lard. On ne s'étonnera donc pas qu'après avoir insisté sur la fréquence
de l'étourdissement, nous n'ayons que 11 observations sur 39 où il
en soit fait mention. (Voy. obs. I, II, XUI, XVII, XIX, XX, XXII, XXIV,
XXVI. XXVIII, XXXII.)
L'étourdissement consiste, à son plus faible degré, en un simple
vertige avec obnubilation de la vue : le malade chancelle , mais il dp
tombe pas, ne perd pas connaissance, et tout se dissipe au bout de
quelques instants. (Voy. obs. II, XVII, XX, XXIV, XXVI, XXXII.)
172
Ces légers étourdissemenls se répètent quelquefois à de très-courts
intervalles, et il arrive même qu'il se produise uu état vertigineux
presque continuel, en sorte que le malade, sans avoir de paralysie
appréciable, est obligé de donner le bras à une personne pour mar-
cher. A un degré plus avancé, le malade tombe, perd connaissance,
puis revient à lui sans présenter de paralysie appréciable. (Voy.
obs. XIX, XXII, XXVIII.)
Au degré le plus grave, le malade tombe presque foudroyé, pré-
sente quelquefois des convulsions épileptiformes et reste dans un
état comateux; la respiration est stertoreuse, les membres sont en
résolution, il y a des déjections involontaires, quelquefois des vomis-
sements, et la mort survient au bout de quelques heures. (Voy.
obs. XXII, XXX, XXXI.)
En un mot, ce que nous venons de décrire sous le nom d'étourdis-
sement représente exactement la congestion cérébrale des auteurs à
ses différents degrés. Nous verrons bientôt s'il y a lieu d'attribuer
aussi à l'ischémie les formes délirante et convulsive de la congestion
cérébrale.
A leur degré le plus léger, les étourdissements coexistent souvent
avec une santé parfaite : c'est en quelque sorte le premier trouble
fonctionnel par lequel se manifeste la sénilité chez le vieillard jus-
que-là bien portant; cependant, l'œil attentif de l'observateur peut
découvrir tout un ensemble d'altérations organiques qui précèdent
ou accompagnent à peu près constamment les étourdissements; ce
sont : l'arc sénile, l'induration des artères qui se présentent sous le
doigt comme des tubes rigides; des troubles dans les mouvements du
cœur (irrégularité, intermittences, faiblesse de l'impulsion, timbre
obscur des bruits, etc.) qui nous paraissent être souvent en rapport
avec l'état graisseux de ses parois; l'emphysème sénile avec atrophie
du poumon , un certain degré d'amaigrissement ou plutôt d'atrophie
de tout le corps, enfin cet ensemble de phénomènes que l'on désigne
habituellement sous le nom de cachexie sénile (1).
(1) A ces symptômes viennent s'ajouter plus rarement des urines san-
glantes et albumineuses indiquant la production d'un infarctus rénal, des
douleurs spléniques avec tuméfaction de la rate qui ont pu faire diagnos-
tiquer des infarctus de cet organe, comme M. Charcot nous a dit en
avoir observé quelques exemples, enfin des gangrènes des membres.
173
Cette imperfection de la nutrition dans tout l'organisme se mani-
feste dans le cerveau par son atrophie souvent bien marquée cheii
les sujets de 70 à 80 ans. L'intelligence s'affaiblit en proportion, les
sens deviennent plus obtus, la mémoire est affaiblie, la parole lente,
les malades ont peine à comprendre les questions les plus simples,
ils finissent par tomber dans un état de démence complète. Comme
cet affaiblissement progressif des fonctions cérébrales accompagne
babitucllement les étourdissements, les auteurs qui admettent la con-
gestion l'ont souvent considéré comme consécutif aux byperémies
répétées du cerveau, qui, troubkint profondément les fonctions et
altérant même la structure de cet organe (état criblé), Unirait par
produire la démence.
Il nous parait probablcque le plus souvent l'affaiblissementde l'intel-
ligence et létourdissementse montrent simultanément et dépendent
l'un et l'autre d'une même cause, à savoir : les troubles de la circu-
lation et de la nutrition du cerveau. L'affaiblissement de l'intelli-
gence, qui est un phénomène pathologique à marche lente, serait en
rapport avec l'imperfection progressive de la circulation encépha-
lique qui s'aggrave à mesure que les athéromes rétrécissent les vais-
seaux, abolissent leur élasticité, si nécessaire à la circulation (1), et
que l'impulsion sanguine devient moins énergique , par suite de
l'atrophie graisseuse du cœur (2).
L'étourdissement, accident brusque et passager, devrait au con-
' traire être en rapport avec un trouble subit de la circulation encé-
phalique; c'est en effet ce qui existe dans les cas d'embolie, soit qu'il
y ait embolie d'une artère volumineuse, soit que le contenu d'un
kyste hbrineux du cœur ou d'un abcès athéromateux de la crosse de
l'aorte ait pénétré jusque dans les capillaires des différentes parties
du cerveau. Ces deux phénomènes pathologiques se manifestent seu-
lement par des symptômes d'intensité différente.
(1) M. le docteur Marey a démontré que si l'on fait passer un courant
de liquide saccadé, comme le courant sanguin, dans deux tubes de
même diamètre, l'un rigide, l'autre élastique, le tube rigide fournira un
écoulement moins considérable que le tube élastique. (Marey, ouvr.
cit., p. 130.)
(2) Voy. Geist., loc. cit.
174
Dangles cas d'embolie capillaire géuéralisée, on observe habituel-
lement une attaque apoplectiforme intense avec résolution générale,
stertor, etc., et souvent mort rapide. Dans les cas d'oblitération d'une
des artères du cerveau par embolie , la perte de connaissance
manque souvent ; mais fréquemment la circulation collatérale ne
suffit pas pour nourrir la partie dans laquelle la circulation a été
suspendue, et au lieu d'un simple étourdissement on a affaire à une
véritable attaque de ramollissement (1), comme nous le verrons plus
loin en analysant nos observations à propos des symptômes du ra-
mollissement confirmé.
Il nous est impossible de ne pas rapprocher ces phénomènes de
ceux que nous avons pu observer chez les animaux : si l'on injecte
de la poudre de lycopode (voy. 1" partie), l'animal pousse aussitôt
quelques cris, se débat, puis tombe dans un état comateux qui se
termine par la mort. Si l'on injecte, au contraire, quelques corps
plus volumineux ("graines de tabac, par exemple) et en petit nombre,
l'animal pousse un cri et se débat comme tout à l'heure, mais le plus
souvent il ne perd pas connaissance, et dans quelques cas il pré-
sente des signes d hémiplégie.
La thrombose peut-elle produire l'étourdissement? Nous avons dit
tout à l'heure que l'embolie pouvait peut-être déterminer le simple
étourdissement lorsque la circulation se rétablit assez vite pour que
le cerveau ne se ramollisse pas. Nous croyons qu'il en est de même
de la thrombose ; il est vrai que la plupart des auteurs admettent que
la thrombose produit plutôt des accidents à marche lente et chroni-
que, mais il nous parait résulter évidemment de nos observations
que la thrombose peut produire des accidents subits exactement
semblables à ceux de l'embolie.
Ce fait se montre dans toute son évidence dans les observations de
thromboses cachectiques survenues chez des cancéreuses (voy.
obs. VUI, X, XI). Dans ce cas il y a eu perte subite de connais-
sance; cependant la cause des accidents était certainement une coa-
gulation sur place, car il n'y avait pas de point de départ embolique ;
(1) D'après certains auteurs même, roblitération d'une des artères
située au delà du cercle de "Willis serait presque toujours suivie de
ramollissement, la circulation collatérale étant alors insuffisante. (Yoy.
Ehrmann, loc. cit.)
i75
il uousaparu d'ailleurs que les différeutes parties dun thrombus que
uous avons examinées étaient constituées par de la fibrine au même
degré de régression, et s'étaient par conséquent formées à la même
époque. Nous nous croyons donc autorisés à conclure que la throm-
« base peut, comme l'embolie, produire l'attaque apoplectiforme sui-
vie de paralysie, ou le simple étourdissement si la circulation se ré-
tablit assez vite.
Dirons-nous maintenant que tous les étourdissements ischémiques
sont dus à l'embolie ou à la thrombose? Telle n'est point notre pensée ;
nous croyons même que dans la plupart des cas, chez les vieillards
dont le système artériel est altéré, de simples troubles dynamiques
de la circulation peuvent produire ce symptôme. Chez un vieillard,
dont les artères cérébrales, considérablement rétrécies, et indurées ne
laissent arriver au cerveau que la quantité de sang strictement né-
cessaire à l'exercice de ses fonctions, et dont le cœur graisseux ne
peut fournir qu'un effort impuissant à compenser ces conditions
défavorables, n'est-il pas naturel que l'anémie cérébrale se produise
avec la plus grande facilité et sous l'influence des moindres troubles
fortuits dans les mouvements du cœur? (Voy. obs. XVII, XIX, XX,
XXII.) N'est-ce pas à cet ensemble de conditians défavorables au jeu
régulier de la circulation qu'il faut attribuer ces étourdissements
légers, mais presque continuels, se transformant en cet état vertigi-
neux continu dont nous avons parlé plus haut?
Chez les vieillards il n'est pas rare de rencontrer, outre les étour-
dissements, d'autres phénomènes qu'il serait peut-être permis d'at-
tribuer aussi à l'ischémie cérébrale. Ainsi l'on voit quelquefois,
surtout à la suite d'étourdissements, les malades tomber dans un état
de torpeur : ils gâtent, restent hébétés, parfois ils présentent un peu
de délire, de la carphologie, puis tout se dissipe au bout de peu de
temps sans qu'il y ait eu de paralysie bien déterminée. (Voy. obs. XVII,
XXVIII.)
Ces accidents peuvent se reproduire à plusieurs reprises, et en
prenant des renseignements sur les vieilles femmes de la Salpêtrière,
on apprend souvent quelles ont été gâteuses à plusieurs reprises et
que dans les intervalles elles revenaient à un état de santé satisfai-
sant.
En résumé, nous pensons que la plupart des étourdissements que
l'on observe chez les vieillards doivent être attribués à l'ischémie.
176
Quelquefois ils peuvent être dus à l'interruption subite du retour
du sang dans les veines; nous avons eu occasion d'observer derniè-
rement chez une femme atteinte de cancer du sein droit, des
étourdissements accompagnés d'engourdissements dans le bras gau-
che, qui trouvèrent leur explication dans des thromboses multiples
du sinus de la dure mère et des veines cérébrales, surtout à droite.
Il n'y avait pas de ramollissement du cerveau.
En parlant des étourdissements, nous avons traité la partie la plus
importante des prodromes de ramollissement : ces étourdissements
annoncent, en effet, Texistence de troubles ischémiquesqui peuvent
un jour devenir suflisants pour amener un ramollissement; nous de
vons ajouter que dansquelques cas les étourdissements appartiennent
à la période qui précède immédiatement l'attaque : on voit les mala-
des être pris de forts étourdissements auxquels succède, au bout de
peu de temps, une attaque d'hémiplégie. (Obs. 1, 11, XIII.)
Il nous reste à noter les engourdissements que certains malades
éprouvent dans les membres qui doivent être frappés de paralysie.
Sur ce point, comme sur bien d'autres, vu l'état intellectuel des ma-
lades de la Salpêtrière, les renseignements nous font défaut le plus
souvent, et nous ne pouvons guère nous faire une idée exacte de la
fréquence de ce symptôme. Il n'est pas rare cependant d'entendre
dire aux malades qu'elles souffraient depuis quelque temps de rhu-
matismes dans les membres actuellement paralysés. Cette lacune de
nos observations est d'autant plus regrettable que ce prodrome pour-
rait peut-être aider, dansquelques cas, àdi'terininer la nature du ra-
mollissement. Il est bien évident que le ramollissement dû à une in-
terruption subite de la circulation doit avoir un début subit; les
douleurs prémonitoires appartiendraient donc au ramollissement à
marche lente, dont le point de départ est dans l'altération athéroma-
teuse des artères cérébrales. (Voy. obs XX.), ou aux ramollissements
dont la nature nous reste inconnue (voy. obs. XXXIII.)
Quoi qu'il en soit des douleurs prémonitoires et de la nature du
processus pathologique, c'est presque toujours par une attaque brus-
que que la paralysie s'établit; nous avons cependant quelques exem-
ples de ramoUissements que rien n'avait annoncés pendant la vie, et
qui n'avaient même pas été diagnostiqués. (Ramollissement latent de
M. Durand- Fardel.) Les malades s'étaient affaiblies progressivement
et étaient mortes sans avoir présenté ni attaque ni paralysie déter-
177
minée. (Yoy. obs. IX, XXVll.) Il est vrai de dire que dans quelques
cas, chez des vieillards profondément cachectiques, continés au lit et
en démence, une attaque de ramollissement peut passer inaperçue.
De Catlaque. — L'attaque présente la plus grande analogie avec
l'étourdissement; pour mieux dire, elle u'en diiïère que par la para-
lysie qui l'accompagne habituellement. Comme l'étourdissement, elle
présente une intensité très-variable : tantôt ce n'est qu'un simple
éblouissement, un simple vertige, sans perte de connaissance, mais
suivi de paralysie, tantôt il y a perte de connaissance et coma.
Ces différences profondes peuvent-elles trouver une explication
dans les altérations anatomiques? Examinons.
Dans 22 de nos observations il est mentionné s'il y a eu ou non
perte de connaissance, et il est permis de rattacher les accidents soit
à une oblitération artérielle, soit au mélange dans le sang de matière
granuleuse provenant d'ulcères athéromateux de la crosse de l'aorte
ou de caillots anciens des cavités gauches du cœur.
De ces 22 observations, il en est 10 où il y a eu perte de connais-
sance. D'après les lésions anatomiques, ces 10 cas se répartissent
ainsi : 5 présentent des athéromes ulcérés de la crosse avec boue
athéromateuse en contact avec le sang. (Obs. Il, XXIII, XXV, XXX,
XXXI.)
Un cas présente un caillot ancien en voie de régression dans le
ventricule gauche (le sang recueilli dans le ventricule contenait des
corps granuleux) (obs. XXVIII).
Deux autres présentent des oblitérations artérielles, Tune (obs. VI)
d'une carotide, l'autre (obs. IV) des deux carotides.
Enfin, dans les deux dernières observations (XV, XVI), les accidents
pouvaient être attribués à des oblitérations des artères qui naissent
du cercle de Willis ou de leurs branches.
Sur ces 10 observations, il en est donc G qui peuvent se rapporter
à l'embolie capillaire; dans 2 autres, des troncs artériels très-im-
portants (carotides) étaient obbtérés, et il avait dû en résulter une
anémie très-étendue, sinon générale, de l'encéphale.
Nous ne voulons certes pas déduire des conclusions trop absolues
de faits aussi peu nombreux et dans lesquels tant de conditions com-
plexes doivent être considérées; mais nous ne pouvons nous empê-
cher de signaler cette concordance entre les faits d'observation pa-
MÉM. 12
178
ihologique et les inductions que nous avons tirées de nos expé-
riences.
Les observations où il est indiqué qu'il n'y a pas eu de perte de
connaissance sont au nombre de douze.
Dansneuf deces observations (obs. 1, III, VII, VIII,1X, X, XI1I,XXIX,
XXXV), il existait une oblitération, constatée dans les sept premières
et très-probable dans les deux dernières, d'une des artères qui nais-
sentducercledeWillis. Dans trois seulement(ob3. XXIV, XXVL XXVII),
le ramollissement pouvait être attribué à des athéromes ulcérés de la
crosse aortique; ces trois observations paraissent donc être en con-
tradiction avec la théorie que nous avançons ; mais il faut considérer
que l'embolie capillaire n'est qu'une probabilité dans ces trois cas,
les accidents pouvant être dus aux atbéi'omes des artères cérébrales,
et qu'enfin, si elle s'est produite, elle a pun'être pas généraliséedans
tout l'encéphale.
i\ous sommes donc disposés à conclure : qu'une attaque subite avec
perte de connaissance et coma profond correspond le plus souvent à
une anémie très-étendue de l'encéphale, soit par embolie capillaire,
soit par oblitération de gros troncs artériels (oblitération des carotides
par des caillots qui se prolongent jusque dans leurs branches), et
qu'une attaque légère, sans perte de connaissance et suivie d'hémi-
plégie, dépend habituellement de l'oblitération d'une des artères qui
naissent du cercle de Willis.
Dans les cas où le ramollissement était dû au simple état athéroma-
teux des artères cérébrales, nous avons observé tantôt perte de con-
naissance (obs. XVIII, XIX, XXll), tantôt conservation plus ou moins
complète de l'intelligence. (Obs. XVII, XX.)
Nous avons dit plus haut que nous avions observé des thromboses
multiples des sinus de la dure-mère et des veines cérébrales ayant
donné lieu à des étourdissements légers; nous avons deux observa-
tions de ramollissement consécutif à des thromboses veineuses; dans
un de ces cas, il y a eu une attaque d'hémiplégie subite, dans l'autre
on a observé de la somnolence, un délire tranquille, puis du coma
sans qu'il y ait eu de véritable attaciue; il faut ajouter que la malade
était déjà nrofondément affaiblie par un vaste ulcère cancéreux de la
face. lObs. XXXIX).
Dans les cas ou la cause du ramollissement est restée douteuse,
l'attaque était lantôt légère et sans perte de connaissance (obs.XXXll),
1711
tantôt intense avecperlu de connaissance et coniii (oi)S.XXXlII,XXlV).
Mais nous n'insisterons pas sur ces c;is, puisque nous ignorons com-
plètement le mécanisme par lequel se sont produits l'attaque et le
ramollissement.
Dans quelques cas, l'attaque est accompagnée de cris (obs. II, X)
et de mouvements convulsifs épileptil'ormes (obs. II, X, XYI, XXII,
XXXI), de sorte qu'elle offre la plus parfaite ressemblance avec les
symptômes que nous avons observés sur les animaux au moment où
les corps étrangers emboliques arrivent dans les centres nerveux et y
interrompent le cours du sang. Dans les cinq cas où l'on a observé
des convulsions épileptiformes, cet accident a pu être rattaché à
quatre causes diilërentes : 1" la thrombose d'une artère cérébrale
(obs. X); 2° rembolic capillaire (obs. II (1), XXXI); 3° l'état athéroma-
teux des artères cérébrales (obs. XXII); 4" la déchirure de la couche
corticale par un ramollissement hémorrhagique (obs. XVI,. M. le doc-
teur Gharcot nous a dit avoir plusieurs fois observé cette coïncidence
des convulsions épileptiformes avec les déchirures de la substance
grise des circonvolutions par un foyer hémorrhagique.
A ces phénomènes peuvent s'ajouter parfois des troubles intellec-
tuels tels que du délire, et nous en avons parlé à propos de l'étour-
dissement pour les rattacher à l'ischémie cérébrale. Mais, en résumé,
le délire est un symptôme rare, il n'est qu'un bien petit nombre
de nos observations ,'obs. XIX) où il ait été mentionné d'une façon bien
nette; les troubles intellectuels qu'on observe le plus souvent con^
sistent dans un état de stupeur ou d'affaiblissement progressif des
fonctions cérébrales, lorsque le début du ramollissement s'est fait
d'une façon graduelle.
De la paralysie. — Maintenant que nous avons étudié les prin-
cipaux symptômes qui précèdent et accompagnent l'attaque apoplec-
tique, nous aurions à décrire l'hémiplégie qui se manifeste dans le plus
grand nombre des cas. On comprend que nous ne nous étendions pas
longuement sur un sujet qui a été traité d'une manière fort complète
par ia plupart des auteurs et sur lequel nos observations ne nous
(1) Comme dans cette observation il y avait à la fois une oblitération
de l'artère basilaire et desathéromes ulcérés de la crosse aortique, les
accidents convulsifs peuvent être attribués soit à l'une, soit à l'autre de
ces deux cau.ses.
180
fournissent que peu de dunnées nouvelles ; cependant nous devons
insister sur quelques particularités qui nous ont frappés dans nos
observations.
Nous avons eu l'occasion d'observer quelques cas dans lesquels
rbémiplégie siégeait du même côté que la lésion encéphalique qui se
trouvait alors dans un hémisphère cérébelleux (telle est Tobs. II) ; ce
fait indique une action croisée du cerveau et du cervelet, et peut
être rapproché des atrophies d'un hémisphère cérébelleux qui sur-
viennent consécutivement à une lésion de l'hémisphère cérébral du
côté opposé.
L'hémiplégie peut présenter des degrés variables dans son inten-
sité : tantôt elle est complète, les membres sont flasques, retombent
inertes, rarement ils présentent un peu de roideur; tantôt elle est
plus ou moins incomplète, annoncée quelquefois par une simple
déviation des traits de la face (obs. III) ou un léger affaiblissement
des membres d'un côté du corps; tantôt enfin elle peut manquer com-
plètement (ramollissement latent).
L'hémiplégie complète peut correspondi'e aux lésions anatomiques
les plus variées quant au siège et quant à l'étendue. En effet, dans
certains cas, une hémiplégie avec abolition complète des mouvements
est en rapport avec un vaste ramoUissement occupant une grande partie
d'un hémisphère (obs. I, III, VI, XXI, XXXIIl, XXXVII); dans d'au-
tres, avec un ramollissement moins étendu occupant soit les parties
centrales (obs. V, VIll, XXXV, etc.), soit les circonvolutions (obs. X,
XI, XIII, etc.).
Dans quelques cas relativement rares (obs. XII, XXIV, XXV, XXXII),
la paralysie n'est devenue complète que quelques jours après l'atta-
que; cette marche progressive de la paralysie dans les premiers jours
de la maladie a été considérée comme un signe propre à faire distin-
guer le ramollissement d'avec l'hémorrhagie; nos observations ne
nous permettent pas d'adopter cette manière de voir, puisque sur un
grand nombre d'observations où s'est montrée une attaque d'hémi-
plégie nous n'en avons que quatre dans lesquelles la paralysie ne
s'est pas établie d'emblée avec toute son intensité.
Comme l'hémiplégie complète, rhèmiplégie avec un certain degré
de conservation des mouvements correspond à des lésions fort va-
riables, et dans quelques cas à des ramollissements étendus (obs. III,
XVII, XIX), mais parfois des attaques successives d'hémiplégie in-
i81
complèlo nous ont paru en rapport avec ces foyers multiples, et les
lacunes que l'on rencontre chez les vieillards présentant cette dégéné-
rescence atlîéromateuse très-avancée des artères sur laquelle nous
avons insisté plus haut (obs. XVII, XXIV, XXV, XXX).
Enfin, nous avons quelques exemples rares d'un ramollissement
étendu, constaté à l'autopsie, sans qu'il y ait eu de paralysie appré-
ciable (ramollissement latent de M. Durand-Fardel). Telles sont les
observations IX, XXVII, auxquelles nous pouvons ajouter les obser-
vations VII, XXXI, XXXIV, XXXV, dans lesquelles les malades avaient
succombé à un ramollissement récent, mais qui présentait de plus
des plaques jaunes ou d'anciens foyers des parties centrales sans que
rien dans les renseignements fournis ait pu faire supposer une hémi-
plégie ancienne.
De la contracture. — On a signalé la contracture dans la première
période du ramollissement comme fréquente et pouvant servir à
distinguer cette maladie de l'Iiémorrliagie cérébrale. Déjà M. Durand-
Fardel a démontré que si la contracture est fréquente dans le ramol-
lissement, c'est dans ses périodes ultérieures, et qu'elle est tout à fait
exceptionnelle au début. Nos observations confirment parfaitement
la manière de voir de cet auteur; en effet, dans presque toutes nos
observations de ramollissement récent, les membres paralysés étaient
complètement flasques (obs. I, II, III, V, VI, VII, VIII, X, XI, XVIII,
XXI, XXIII, XXIX, XXX, XXXII, XXXIV, XXXV, XXXVII, XXXVIII);
dans trois cas seulement (obs. IV, XII, XXV) il s'était manilusie dans
les premiers jours de la maladie un peu de roideur passagère des
membres paralysés.
Dans les ramollissements anciens, au contraire, une contracture
plus ou moins prononcée est la règle; les malades présentent alors
une attitude spéciale (1 ), surtout lorsqu'il existe une vaste destruction
de la substance encéphalique ; dans une communication que l'un do
nous a faite à la Société de biologie, il a attiré l'attention sur l'atti-
tude spéciale que présentaient alors les malades, et il a pu la rap-
procher de celle que l'on rencontre chez les individus atteints d'agé-
nésie cérébrale.
(t) Voy. à ce sujet : Note sur les lésions des nerfs et des vmscles
liées à la contracture tardive et permanente des membres dans Ché-
miplégie, par M. Cornil. (Mémoires de la Société de biologie, 1863.)
182
Ce symptôme d'ailleurs nous a paru souvent en rapport avec la
période de prolifération de tissu conjonctif (fausse sclérose de
M. Bouchard) qui se produit dans les atrophies descendantes (obs.
VI, XHl, XIV, XV, XVI, XXVI, XXXVI).
De la déviation des yeux et de la tête. — Un symptôme sur lequel
M. Vulpian a souvent attiré notre attention et qui a été l'objet d'une
note publiée par l'un de nous dans la Gazette hebdomadaire (1865,
p. 649), est la déviation des yeux et quelquefois de la tête qui sont
tournés du côté opposé à la paralysie vers le foyer encéphalique;
cette déviation, qui semble être une ébauche du mouvement de rota-
tion observé dans plusieurs de nos expériences, a été signalée dans
un grand nombre de nos observations (obs. I, III, IV, VU, VIII, XI,
XXIV, XXV, XXIX, XXXII, XXXIV, XXXV, XXXVIl).
Ce signe, qui est ordinairement passager et ne dure que quelques
jours, peut servir dans quelques cas à faire reconnaître une affection
cérébrale récente ; c'est ce qui arrive par exemple quand le malade
est plongé dans le coma avec résolution générale et que les rensei-
gnements font défaut.
Il nous a été une fois d'une grande utilité pour diagnostiquer une
attaque récente survenue chez une ancienne hémiplégique tombée
dans le coma pendant qu'elle mangeait ; la face était violacée, la ma-
lade était prise de suffocation. Ces symptômes semblaient si bien indi-
quer l'existence d'un corps étranger dans le pharynx que nous pra-
tiquâmes le caihétérisme de l'œsophage par les fosses nasales (il était
impossible d'ouvrir la bouche de la malade) ; c'est alors que nous
aperçûmes la déviation synergique des deux yeux qui nous lit recon-
naître à coup sûr une lésion cérébrale récente : il s'agissait en effet
d'une vaste hémorrhagie ventriculairc, comme le montra l'autopsie.
La confusion entre une attaque apoplectique et un corps étranger
du pharynx peut paraître extraordinaire au premier abord ; mais nous
devons dire que trois fois, dans l'année que nous avons passée à la Sal-
pêtrière, nos collègues ou nous-mêmes avons été embarrassés dans
ce diagnostic différentiel; dans un des cas, les symptômes de réso-
lution générale ressemblaient si bien à ceux du cas précédent que
l'on crut à une hémorrhagie cérébrale ou à une ischémie généralisée.
L'autopsie lit constater la présence dans le pharynx d'un bol alimen-
taire volumineux qui avait produit des symptômes de suffocation,
et à leur suite la résolution apoplectique.
183
De la sensibilité. Nous avons mentionné plus haut les engourdisse-
ments et les douleurs qui peuvent précéder l'attaque de paralysie. Après
l'attaque, la sensibilité est quelquefois conservée intacte dansles mem-
bres paralysés, comme cela est mentionné dans 1 1 de nos observations ,
dans 14 de nos observations, la sensibilité était obtuse; enfin, beau-
coup plus rarement elle était complètement abolie. (Obs. 111, Yl, VIll.)
Ces résultats se rapprochent, comme on le voit, de ce qui a été in-
diqué par les auteurs, et ea particulier par M. Durand-Fardel.
Dans les hémiplégies anciennes il se produit assez fréquemment,
en même temps que la contracture des membres paralysés, des trou-
bles de la sensibilité qui consistent surtout en des douleurs plus ou
moins vives, et qui paraissent être en rapport avec la prolifération
conjonctive qui se fait à cette époque dans les nerfs (1).
Quant aux mouvements réflexes, ils ont été souvent signalés dans
nos observations; généralement plus prononcés dans le membre in-
férieur, quelquefois ils étaient abolis au moment de l'attaque et n'ap-
paraissaient qu'au bout d'un ou plusieurs jours.
De l'intelligence. Nous avons cherché plus haut à établir un rapport
entre l'abolition plus ou moins complète de l'intelligence qui se pro-
duit au moment de l'attaque et la plus ou moins grande généralisation
des troubles ischémiques de l'encéphale.
Nous pensons que c'est aussi dans des lésions généralisées des cen-
tres nerveux quïl faut souvent trouver l'explication de l'abolition
complète de lïntelligence. Presque constamment chez les mdividus
atteints de ramollissement ancien, l'intelligence est notablement di-
minuée, et il s'est établi, à la suite de l'attaque, un certain degré de
démence; il n'est pas rare cependant de trouver les fonctions intel-
lectuelles conservées à un certain degré : c'est en particulier ce qui
arrive dans les cas d'emboUe ou de thrombose d'une artère cérébrale,
lorsqu'un foyer limité se trouve dans un encéphale sain d'ailleurs
(obs. XUl, XIV), on sait que chez les aphasiques l'intelligence n'est le
plus souvent pas complètement abolie. Les ramollissements par athé-
romes avec foyers multiples et lacunes disséminées, dans lesquels
tout l'encéphale parait avoir subi des troubles nutritifs, nous sem-
blent au contraire presque constamment en rapport avec un état de
démence beaucoup plus prononcé ; les malades gâtent, restent liébé-
(1) Voy. à ce sujet le mémoire déjà cité de M. Cornil.
184
tés dans un état de stupeur complète, et ne prononcent que quelques
paroles incohérentes. (Obs. XVI, XVII, XXIV, etc.)
Enfin, il en est de même des vastes ramollissements occupant une
grande partie d'un hémisphère, tout le lobe antérieur par exemple,
et qui s'accompagnent habituellement de démence complète. (Obs.
XXXIII, XXXVII.)
Nous ne nous étendrons pas sur l'aphasie ; le plus grand nombre
de nos observations ayant servi à faire le tableau que MM. Charcot et
Vulpian ont remis à M. le professeur Trousseau lors de la discussion
sur l'aphasie et qu'il a présenté à l'Académie de médecine.
De la température. — L'absence de l'appareil fébrile dans le ramol-
lissement cérébral a été généralement signalée, mais nous devons
indiquer les résultats de l'examen thermométrique de la température
rectale que M. le docteur Charcot a souvent pratiqué dans son ser-
vice. Il résulte, en effet, de cet examen que dans le ramollissement
cérébral on ne rencontre jamais cette élévation de température con-
sidérable qui caractérise les maladies inflammatoires. Ainsi, tandis
que dans la pneumonie on voit le thermomètre s'élever chez les
vieillards de 37 degrés 1/5 (température normale) à 40 et même 41 de-
grés, dans ie ramollissement il s'élève tout au plus à 38 degrés, si
ce n'est dans les derniers moments de la vie; mais à ce moment l'élé-
vation thermométrique n est due en rien au ramollissement, elle se
produit par le fait même de l'agonie.
Nous n'avons que peu d'observations où la température rectale
soit indiquée et que nous puissions citer comme exemple (voy. obs.
XXVI, XXXIV, XXXV, XXXVllI); mais M. le docteur Charcot nous a dit
avoir souvent fait cette recherche et n'avoir jamais constaté d'élé-
vation notable de température dans le ramollissement.
On peut considérer ce résultat comme un argument de plus en
faveur de la nature non phlegmasique du processus qui constitue le
ramollissement.
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS.
Gomme on le voit nous sommes loin d'avoir étudié tous les points
de l'histoire du ramollissement cérébral ; tel n'était point d'ailleurs
notre but : comme nous l'avons dit au commencement de ce travail,
nous n'avons eu d'autre intention que de présenter quelques consi-
dérations nouvelles, et de chercher à élucider quelques points encore
185
obscurs de cette maladie. Nous avons complètement laissé de côté l'é-
tude des différentes espèces de ramollissement inflammatoire, et nous
ne sommes pas sortis du cadre que nous avaient tracé les observations
prises à la Salpétriôre.
En terminant nous allons rappeler brièvement les principales con-
clusions auxquelles nous sommes arrivés :
L'expérimentation sur les animaux nous a permis de produire, au
moyen d'embolies artificielles, des ramollissements identiques à ceux
que l'on observe chez l'homme, et d'en suivre le processus à ses di-
verses périodes. Nous avons pu ainsi étudier l'hyperémie du début,
la dégénération nécrobiotique qui lui succède; enfin la production
du tissu conjonctif et la formation des plaques jaunes qui appartien-
nent à la troisième période du ramollissement.
Des expériences analogues avaient été faites en Allemagne par
MM. Virchow, Cobn, Panum, etc. Mais les procédés employés par ces
expérimentateurs produisant une mort trop rapide ne leur avait pas
permis d'étudier dans ses diverses phases le processus qui constitue
le ramollissement cérébral.
D'après les conseils de M. le docteur Vulpian, qui avait déjà produit
sur un chien un ramollissement bien caractérisé du cervelet, nous
avons pu instituer des expériences qui, n'entraînant pas la mort im-
médiate de l'animal, nous permirent de suivre le processus morbide
dans tout son développement, et de lui assimiler les infarctus qui
dans plusieurs de nos expériences se sont produits simultanément
dans les viscères.
Nous avons pu établir : qu'une congestion manifeste se produit ha-
bituellement dans les points où se distribue l'artère oblitérée, et nous
avons montré qu'il est difficile de se rendre compte de la cause de
cette hyperémie dans l'état actuel de la science. Quelle qu'en soit
l'explication mécanique, ce fait nous a suffi pour établir que l'hype-
rémie des ramollissements rouges, sur laquelle on s'était fondé pour
les assimiler aux phlegmasies, doit être considérée comme d'une toute
autre nature.
Nous avons pu saisir sur le fait le début du travail nécrobiotique et
démontrer que dès le troisième jour il existe des corps granuleux
bien nets et un grandnombre de granulations graisseuses non encore
agglomérées et qui se rassemblent surtout autour des capillaires en
leur formant comme une gaine. Les parois mêmes des capillaires nous
/oQf-
186
ont quelquefois présenté une dégénérescence granulo- graisseuse
consécutive, et, dans un cas, des anévrysmes disséquants.
Enfin, sur un chien qui avait survécu cinq semaines à l'opération,
nous avons vu le processus nécrobiotique aboutira la formation dune
véritable plaque jaune des circonvolutions.
L'analyse de nos observations nous a permis d'y retrouver c'es ra-
mollissements constitués par un processus morbide très-analogue à
celui que nous avons pu étudier sur le chien.
Cette altération nécrobiotique du tissu cérébral nous a paru pres-
que constamment expliquée par des troubles ischémiques, dont le
point de départ était variable selon les cas, et nous avons pu établir
une certaine relation entre ces diflérentes espèces de troubles isché-
miques et les caractères du ramollissement cérébral; le point de dé-
part de ces troubles ischémiques se trouvait tantôt dans une oblité-
ration artérielle par thrombose ou par embolie, tantôt dans la seule
dégénérescence athéromateuso des artères cérébrales, tantôt, peut-
être, dans une embolie capillaire plus ou moins généralisée. Dans
deux cas seulement on n'a pu saisir aucune cause de troubles circu-
latoires; mais il se peut que l'oblitération artérielle ait échappé, la
recherche en étant fort minutieuse.
Aucune de nos observations ne nous a permis d'attribuer à coup
sûr le ramollissement à la dégénérescence athéromateuse des capil-
laires, et nous avons vu que cette dégénérescence peut être consécu-
tive ; nous ne pouvons donc rien avancer de précis à cet égard.
Au processus nécrobiotique, qui constitue essentiellement le ramol-
lissement cérébral, viennent quelquefois s'ajouter des phénomènes
irritatifs. Nous avons vu dans quelques cas se produire de l'inflam-
mation et de la suppuration autour des infarctus que nous avons
produits chez les chiens; nous avons cherché à rapprocher de ces
phénomènes la production de néo-niembranes de la dure-mère au
niveau des anciens foyers de ramollissement.
Dans la partie sémiologique, nous avons insisté sur les symptômes
de l'ischémie cérébrale, nous avons attribué à cette cause les étour-
dissements et les attaques apoplectiformes suivies de mort rapide
sans lésion des centres nerveux, et que la plupart des auteurs ont
rapportés à la congestion cérébrale. Nous avons essayé d'établir un
rapport entre l'intensité plus ou moins grande de l'attaque et lapins
187
ou moins grande généralisation de ri?chémie cérébrale; enfin nous
avons montré que la thrombose peut, comme l'embolie, donner lieu
à des accidents subits.
Relativement à la paralysie, à la contracture et aux autres symp-
tômes du ramollissement, nous n'avons eu que peu de chose à ajou-
ter aux descriptions que l'on trouve dans les auteurs. L'analyse de
nos observations a montré que la paralysie s'établit le plus souvent
d'emblée et suit rarement une marcbe progressive, en sorte quïlest
impossible de fonder sur cette marche un signe diagnostique de quel-
que valeur.
Enfin, l'examen de la température rectale dans quelques-unes de
nos observations, et les renseignements que M. le docteur Charcot a
bien voulu nous donner à ce sujet, nous ont permis de dire que, con-
trairement à ce qui se passe dans les maladies inflammatoires, la
température du corps ne s'élève pas notablement dans le ramollisse-
ment cérébral; en sorte que si Tinflammation joue un rôle dans cette
maladie, ce rôle est certainement très-secondaire, et le processus qui la
constitue essentiellement est de toute autre nature. Il serait intéres-
sant de faire les mêmes recherches thermométriques dans les cas de
ramollissement inflammatoire.
Nous ajoutons à ce mémoire, le résumé d'une expérience récente
dans laquelle l'hyperémie consécutive aux oblitérations artérielles,
s'est montrée avec une netteté encore plus grande que dans les ex-
périences publiées plus haut. Voici cette expérience :
INJECTION DE GRAINES DE TABAC DANS LE BOUT CENTRAL DE LA CAROTIDE GAU-
CHE ; RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL ; INFARCTUS MULTIPLES DE LA RATE, DES
REINS, DE l'intestin, DES POUMONS.
Exp. XIV.— Chien adulte de taille moyenne.
Le 22 mars 18G6, à trois heures de l'après-midi, nous injectons dans
le bout central de la carotide i;auçhe environ 2(J grammes d'eau tenant
188
en suspension des graines de tabac. L'animal se débat et pousse un cri ;
on constate qu'il ne peut plus se tenir debout; il remue cependant les
pattes qui ne peuvent le soutenir. La faiblesse est surtout prononcée
dans le train postérieur. Mouvements réflexes quand on marche sur les
pattes postérieures. Pas de symptômes nets d'hémiplégie, pas de phé-
nomènes de rotation.
L'animal reste triste et abattu; le lendemain 23 mars, nous le trou-
vons dans le coma de l'agonie et il meurt dans la soirée.
Autopsie. — Cavité crânienne. L'artère sylvienne droite contient une
forte accumulation de graines de tabac. Il en est de même du tronc ba-
silaire, surtout dans la portion qui précède sa bifurcation.
Cerveau. L'hémisphère droit présente une mollesse remarquable; il
s'affaisse sur sa base; sa surface présente une assez forte injection. A la
coupe le tissu est mou, un peu diffluenl, rosé par places, blanchâtre
dans d'autres. Ce ramollissement s'étend dans le centre blanc, mais
n'atteint pas le ventricule latéral. Les parties profondes (corps striés,
couches optiques) sont saines.
L'examen microscopique montre des débris de tubes nerveux, non
granuleux, et une foule de granulations graisseuses disséminées, mais
pas encore de corps granuleux. Les vaisseaux capillaires sont gorgés de
sang, mais on n'y a pas trouvé d'anévrysme disséquant; en quelques
points ils présentent des dilatations manifestes.
Moelle. Non examinée.
Poumons. Quelques taches apoplectiques sont disséminées à la sur-
face des poumons. L'oblitération des artères bronchiques n'a pu être
suffisamment recherchée.
Foie. Très-congestionné. Pas d'infarctus bien limité.
Rate. Présente quatre ou cinq infarctus séparés les uns des autres par
des parties saines, se présentant sous l'aspect de plaques saillantes,
molles, de coloration violacée, tranchant sur les parties saines qui sont
d'une teinte plus claire et plus rose. Ces infarctus, qui rappellent exac-
tement ceux que nous avons vus se produire sous nos yeux dans une
précédente expérience où nous avions préalablement ouvert le ventre
de l'animal, correspondent à des branches de l'artère splénique oblité-
rées par des graines de tabac. Les branches artérielles qui se rendent
aux parties saines ne sont pas oblitérées. (PI. II, fig. 9.)
Reins. Présentent tous les deux des infarctus ramollis correspondant
à des oblitérations artérielles.
Intestin. Deux anses intestinales sont fortement injectées de colora-
180
lion brunâtre et violacée; leurs parois sont friables et manifestement
ramollies par places. Les artères correspondantes sont oblitérées.
Plusieurs ganglions mésentériques sont rouges et tuméfiés; l'un d'eux
présente un peu de ramollissement.
Cette expérience nous a paru intéressante en ce qu'elle a montré
avec la plus grande netteté dans le cerveau, dans la rate, dans l'in-
testin, cette hyperémie qui se produit au début dans les infarctus et
consécutivement à roblitération artérielle. Cette liyperémie nous
parait difficile à expliquer, mais nous croyons que la constatation du
fait n'est pas sans importance; car nous sommes en droit d'en con-
clure que, consécutivement aux oblitérations artérielles, il peut se
produire secondairement de l'hyperémie avec tuméfaction du tissu,
altérations que l'on rattachait habituellement à un processus inflam-
matoire (ramollissement rouge du cerveau), et qui cependant n'a
rien de commun avec les phénomènes phlegmasiqucs.
NOTE
SUR LEXAMEN MICROSCOPIQUE
DES LESIONS QUE L0.\ OBSERVE DANS L'AFFECTION CONNUE SOL'S LKS NOMS
DE
PÉRIGAL, PIED DE MADURA
lue à la Société de Biologiu
CAR
M. le Docteur GH. GOQUËREL.
L'affection connue sous le nom de Pérical ou de Pied de Madura (1)
parait être endémique dans une partie très-restreiute de l'Inde an-
glaise. Jamais on ne l'avait rencontrée, d'une manière authentique à
Bourbon, où arrivent cependant chaque année des centaines d'In-
diens. J'ai eu pourtant la bonne fortune de l'observer dernièrement
dans notre colonie de la Réunion.
Le sujet soumis à mon examen était un jeune Indien de 20 à 22 ans,
provenant de Pondichéry, qui fut reçu au mois de juin dernier à l'/fo-
pitaL colonial de la Réunion.
(1) Madura est une ville de Tlnde anglaise située dans la présidence
de Madras à 13u kilomètres de Trichnapoli.
192
Il est fort difficile d'obtenir des renseignements exacts de la part
des indiens qui, toujours défiants, ne répondent jamais que d'une
manière évasive aux questions qu'on leur adresse. Il pai'ait cependant
que chez ce malade l'affection n'était pas très-ancienne; elle ne re-
montait probablement qu'à deux ou trois ans, tandis que l'on rencon-
tre souvent dans l'Inde des hommes porteurs, depuis huit ou dix
ans, d'un pied de Madura, couvert de noyaux indurés ou en pleine
suppuration. Dans ces cas extrêmes, les tumeurs qui se dessinent sous
la peau du membre, devenu énorme, peuvent acquérir le volume
d'une noisette et même d'une petite noix. Lamaladie ne se voit jamais
en même temps sur les deux membres. M. le docteur Collas, médecin
en chef de la marine, qui a eu l'occasion d'observer dans l'Inde un
grand nombre de naturels atteints de cette curieuse affection, nous a
assuré qu'il n'avait jamais vu les deux pieds atteints et que la maladie
n'attaquait jamais une autre région du corps. Le seul remède efficace
est l'amputation et jamais la récidive n'est à craindre.
Le poids considérable du membre lésé devient pour le malade une
gêne constante, la marche est des plus pénible, les tumeurs qui cou-
vrent le pied sont le siège d'une suppuration incessante et les dou-
leurs sont tellement vives que le patient réclame lui-même l'opéra-
tion. Le mal est d'ailleurs tout à fait local et la sauté générale ne
souffre que peu ou point d'atteintes.
Notre malade, quoique son affection ne fût point ancienne, deman-
dait à être opéré. Il prétendait que les douleurs qu'il éprouvait étaient
tellement constantes qu'il ne pouvait plus ni manger ni dormir. L'am-
putation fut donc décidée et pratiquée sous mes yeux par M. le doc-
teur Bery, un de mes confrères à l'hôpital civil de la Réunion. Les
suites de l'opération furent des plus heureuses : en dix jours la ci-
catrisation était complète, le malade avait retrouvé l'appétit ainsi que
le sommeil et se consolait facilement de la perte de sa jambe.
Dès que le membre fut enlevé, je l'examinai à l'aide d'un microscope
de Nachet; c'est le résultat de cette observation que je présente au-
jourd'hui à la Société de biologie.
Examen extérieur du pied et de la jambe. — Les dimensions du
pied sont considérables : au cou- de-pied elles sont de U'°,3t, au ni-
veau de l'articulation tibio-tarsienne de 0'",27. Le tiers inférieur de
la jambe présente un gonflement assez marqué, mais la peau n'est
altérée qu'à la partie postérieure et inférieure. Comme on peut le
193
voir dans la photographip ci-jointe (pi. A), la peau est lisse et ten-
due; à la partie supérieure, sur les côtés, les plis cutanés sont
encore visibles; elle est décolorée par places et présente une teinte
blanchâtre qui contraste avec la couleur brune du sujet. La peau de
la plante du pied et de la partie postérieure du talon est saine. Sur la
surface du pied et la face postérieure de la jambe, on compte qua-
rafite-huit petites tumeurs de grandeurs différentes. Ces tumeurs
sont d'une consistance assez dure, ne se laissent pas déprimer pour
la plupart ; quelques-unes sont fluctuentes, d'autres, en petit nombre,
sont ramollies, déprimées, perforées et laissent écouler un liquide
séro-purulent.
Examen microscopiqîie.—lmméùiaiemcnt après l'opération, une des
petites tumeurs qui occupent le dos du pied est incisée. Elle se pré-
sente sous l'aspect d"uu petit kyste, à parois parfaitement limitées, qui
renferme, au milieu d'un liquide séreux dans lequel nagent de nom-
breux globules de pus et de sang, un amas d'une matière jaunâtre
d'apparence mamelonnée et de consistance caséeuse. 11 est des kystes
qui renferment deux ou trois de ces petites masses.
Cette matière caséeuse est formée d'une multitude de corpuscules de
forme assez irrégulière (pi. B, fig. 2, a), plus ou moins polyédriques;
ces corpuscules, que je crois composés de pus concret, sont finement
granulés et souvent agglomérés entre eux par une substance vis-
queuse. Leur diamètre varie entre 3 et 5 centièmes de millimètre.
Le tissu cellulaire sous-cutané est farci d'un très-grand nombre de
kystes d'un môme aspect que ceux de la peau, présentant le même
contenu et offrant un diamètre souvent plus considérable. Ils sont
entourés d'une membrane formée de fibres conjouctifs à noyaux très-
allongés (pi. B, fig. 3).
Une incision faite sur le cou-de-pied, entre le troisième et le qua-
trième métatarsien, donne issue à un kyste allongé ayant près d'un
centimètre de diamètre, renfermant un grand nombre de corpuscules
d'aspect caséeux, répandus en abondance au milieu d'un liquide sé-
reux de couleur rougeâtre. Ces corpuscules, évidemment de même
nature que les précédents, sont d'un blanc jaunâtre, de forme polyé-
drique, se laissant écraser sous la moindre pression. Ils atteignent
jusqu'à 1 millimètre de diamètre (pi. B, fig. 1, a). On remarque très-
. bien les surfaces déprimées par lesquelles ils se juxtaposent,
. Au niveau de ce kyste on voit le tendon de l'extenseur commua
MÉM. 13
194
qui se rend au troisième orteil, il est sain, mais les fibres muscu-
laires sont ramollies et presque incolores. Au niveau du second mé-
tatarsien on ne rencontre plus qu'un tissu blanc jaunâtre, lardacé,
criant sous le scalpel, dans lequel viennent se perdre et se confondre
tissu cellulaire ou graisseux, muscles et tendons. Le second méta-
tarsien lui-même est ramolli et laisse pénétrer très-facilement dans
son intérieur la pointe du scalpel. L'artère pédieuse, que découvre
l'incision, est saine. Tout le tissu lardacé dont je viens de parler est
criblé d'un nombre infini de petits kystes semblables aux kystes
sous-cutanés que nous avons décrits plus haut et renfermant le même
contenu.
Le liquide qui s'écoule de ces différentes incisions se présente sous
l'aspect d'une sérosité abondante, onctueuse, blanchâtre, dans la-
quelle nagent un grand nombre de plaques épithéliales à forme polyé-
drique (pi. B, fig. 4) entremêlées de cellules graisseuses.
Examiné au microscope, le tissu lardacé est formé d'un réseau de
fibres très-serrées, s'anastomosant fréquemment les unes avec les
autres (pi. B, fig. 5), au milieu desquelles on trouve des plaques épi-
théliales et des globules graisseux.
Dans un kyste à parois très-épaisses, de contexture fibreuse, situé
immédiatement sous la peau, au niveau supérieur du cou-de-pied,
j'ai trouvé un élément différent des précédents. Ce sont de grandes
plaques, ayant de 8 à 10 dixièmes de millimètre, présentant quelque
indice de noyau central et complètement envahies par de petites gra-
nulations arrondies, très-fines, très-serrées, à bords parfaitement
nets et d'un vert jaunâtre plus ou moins foncé (pi. B, fig. 6).
Quelques-unes de ces plaques à forme polyédrique très-remarquable
se juxtaposent par un ou plusieurs de leurs côtés (pi. B, fig. 6, a).
D'autres, tout à fait circulaires et entièrement couvertes par les gra-
nulations, présentent des masses sphériques d'un vert presque brun
(pi. B, fig. 6, b).
Sur les parois du kyste et le long des fibres qui le limitent, on
aperçoit des granulations détachées des plaques épithéliales et dis-
posées en forme de chapelet (pi. B, fig. 7).
Nota. — Il est très-probable que ce sont ces granulations et surtout
les masses sphériques qu'elles constituent par leur réunion qui ont
fait penser aux médecins anglais que le Vied de Madura était une ma-
ladie occasionnée par la présence, au sein des tissus, de parasites vé-
195
gôtaux. Ces granulations, sur la nature desquelles je n'ai d'ailleurs
aucune opinion à présenter, ont été prises pour les spores d'un cryp-
togame inférieur. Il m'est impossible d'admettre une pareille manière
die voir. Ce qui constitue essentiellement la maladie qui nous occupe,
c'est la présence au sein du tissu du pied d'un nombre incalculable dd
kystes renfermant les corpuscules particuliers dont^'ai donné la des-
cription etque je regarde comme formés par des amas de pus concret.
Il est à noter que ces corpuscules sont d'autant plus grands et plus
durs que le kyste semble plus ancien et qu'il est muni de parois plus
épaisses. Quant aux kystes contenant les petits corps arrondis, d'un
vert jaunâtre, ils sont infiniment plus rares, puisque jen'en ai trouvé
qu'un seul.
Devant les kystes et à mesure qu'ils se développent, les tissus sem-
blent disparaître et se confondre en une masse lardacée d'aspect uni-
forme. Les os mêmes s'éliminent peu à peu. Nous mettons sous les
yeux de la Société quatre métatarsiens et le scaphoïde de notre opéré
(pi. C, fig. 1, 2, 3, 4). Ces os sont remarquables par leur légèreté;
leur partie spongieuse tend à disparaître; elle est criblée de cavités
qui renfermaient des kystes semblables à ceux des parties molles. Il
paraît que dans les affections anciennes, le corps de l'os est envahi
delà même manière; l'os lui-même finit par se perdre au sein du tissu
lardacé qui forme la gangue des kystes, et il suffit alors d'une simple
incision, faite avec un scalpel, pour diviser par tranches le pied tout
entier ; il se trouve transformé en une masse uniforme de tissu lardacé
où sont confondus os, tendons et muscles.
M. le docteur Collas avait rapporté , il y a quelque temps , un Pied
de Madura conservé dans l'alcool. Cette pièce fut remise par lui à
mon ami M. Ch. Robin. M. Robin a bien voulu me communiquer une
note qu'il a rédigée à ce sujet. Les observations du savant professeur
ne s'accordent pas entièrement avec les miennes; mais ce fait s'ex-
plique, si Ton réfléchit que la pièce remise par M. le docteur Collas
séjournait dans l'alcool depuis huit ou neuf mois, tandis que j'ai ré-
digé mes observations au moment môme où le membre malade venait
d'être enlevé. M. Robin a parfaitement reconnu les kystes et les a dé-
crits avec une parfaite exactitude; mais je crois que l'importance des
corpuscules caséeux, que je regarde comme formés de pus concret, lui
a échappé. Il a été frappé surtout par la présence des nombreuses
cellules épithéliales qui, d'après lui, disposées en couches concentri-
196
quee, rempliraient les kystes. Il est très-certain que tous les liquides
qui baignent les tissus malades renferment de nombreuses cellules
que j'ai figurées dans mon dessin ; mais, pour moi, ce ne sont pas ces
cellules qui remplissent la cavité des kystes, ce sont les corpuscules
caséeux dont le nombre, dans le cas qui nous occupe, est réellement
prodigieux.
Je ne publie d'ailleurs ces observations que dans le but de contri-
buer, autant qu'il m'est possible, à l'histoire de la curieuse affection
encore si mal connue, et que l'on désigne sous le nom de Pied de
Madura. Tout est à faire encore dans ce champ à peine exploré. Aussi
faut-il espérer que M. le docteur Collas fera bientôt connaître un tra-
vail important qu'il prépare sur cette maladie singulière.
SUR LA TEMPÉRATURE DU RECTUM
DANS LE
CHOLÉEA ASIATIQUE
Note lue à la Société de Biolocrie
PAR
M. LE DOCTEUR CHARCOT.
M. Charcot fait connaître les résultats de quelques recherches ther-
mométriques qu'il a entreprises à l'hospice de la Salpètrière, pen-
dant le cours de la dernière épidémie, dans le but de déterminer la
température des parties centrales chez les cholériques aux diverses
époques de la maladie. Le thermomètre était introduit dans le rectum
et il y était maintenu, chaque fois, pendant cinq ou six minutes au
moins. Quelquefois, en outre, on déterminait comparativement la
température de l'aisselle et celle de la paume des mains. Ces re-
cherches ont été faites chez sept femmes âgées de 69 à 84 ans, et
chez trois autres femmes âgées de 30, 59 et 47 ans. Voici l'analyse
très-sommaire de ces dix observations.
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A propos de ces observations, M. Charcol présente les remarques
suivantes : « Si Ton prend 37", 2 pour type de l'état physiologique, ou
remarquera que dans tous les cas, sauf un seul, le septième, et dans
toutes les expériences la clialeur centrale mesurée par l'introduction
du thermomètre dans le rectum, était sensiblement augmentée, ou
tout au moins ne descendait pas au-dessous du taux normal. Le
chiffre 36°,2 observé dans le cas exceptionnel n* 7, est un chiffre
minimum qui peut se rencontrer— bien qu'assez rarement toutefois,
— chez les vieillards dans les conditions physiologiques.
« On voit par les observations 3, 4, 6, que des chiffres assez élevés,
tels que 37°, 8, 38°, 38", 4, ont été obtenus dans le temps même où les
symptômes d'algidité et la cyanose cholériques étaient le plus pro-
noncés. Il est bon de noter que les cas dont il s'agit étaient des plus
graves, et se sont rapidement terminés par la mort.
« L'observation n" 2 doit être considérée à part. Un chiffre très-élevé
40°, 8 a été noté dans une expérience faite cinq heures avant la mort.
Une heure après la mort la température rectale était descendue à 40".
L'examen nécroscopique a démontré qu'il n'existait chez ce sujet
aucune complication inflammatoire pouvant expliquer l'élévation de
la température. Ce fait peut être rapproché de ceux qu'a signalés
M. Doyère lors de l'épidémie de 1854 {Mémoires des savants élrangcrs
à Clnsiilui). Il démontre comme ceux-ci que dans le choléra, — et
pareille chose s'observe également dans des affections d'un tout autre
ordre, — la température s'élève quelquefois d'une manière très-re-
marquable aux approches de la terminaison fatale.
« Les observations 1, 8, 9 sont relatives à des malades dont la
température a été examinée pendant la période de réaction (réaction
typhoïde). L'algidité était à peine prononcée ou même la peau était
chaude. Le chiffre maximum a été 39°, 6 (obs. 9, et dans ce cas la
maladie s'est terminée par la guérison), le chiffre minimum 37°, 6.
« Dans les cas 5, 6, 8, la température de l'aisselle et celle du rec-
tum ont été prises comparativement. Celle-ci a été de 37°, 37*, 8 (cas
n* 5), 37°, 8 (cas n° 6), 37°, 6 (cas n° 8), tandis que les chiffres corres-
pondants fournis par l'examen du rectum étaient 38", 6, 37", 8 (diffé-
rence d'un degré, cas n" 5), 36°,2 (différence de plus d'un degré cas
n° 6), 35°,8 (différence de près de 2 degrés, cas n" 8). Il résulte de
tout cela que la thermométrie rectale doit être, dans ce genre de
recherches, préférée de beaucoup à la thermométrie de l'aisselle,
202
puisqu'elle accuse plus exactement que celle-ci la température des
parties centrales. Plusieurs auteurs avaient remarqué déjà que, dans
le choléra, l'examen thermométrique du rectum peut fournir une
température élevée, alors que chez le même individu l'examen de
l'aisselle donne au contraire un chiffre très-inférieur au taux nor-
mal. Le docteur Zimmermann, entre autres, a vu la température du
rectum s'élever, pendant l'algidité, à 39°,2, tandis que la température
de la bouche était de 33°, 4, et celle de l'aisselle seulement de 32°, 4
(Deutsche klinik, 1855).
« Par suite de la prompte cessation de l'épidémie à l'hospice de la
Salpêtrière, mes recherches ont dû être interrompues avant d'avoir
été suffisamment multipliées. Néanmoins les résultats que j'ai obte-
nus tendent évidemment à confirmer l'opinion émise par plusieurs
observateurs, à savoir que chez les cholériques dans la période al-
gide le refroidissement reste superficiel et ne s'étend pas aux parties
centrales.
«Il n'échappera à personne que d'un autre côté ces résultats four-
nissent un appui à l'ingénieuse Théorie physiologique du choléra pré-
sentée par notre collègue le docteur Marey dans un des derniers nu-
méros de la Gazette hebdomadaire. »
FIN des MEMOIRES.
PLANCHES.
EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE L
ÉTUDES PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES SUR LE RAMOLLISSEMENT
CÉRÉBRAL.
(Mémoires, page 49.)
Fia. I . Reiii de chien présentant deus infarctus calcifiés dont l'un est entouré par une col-
lection purulente (exp. IX, p. 76).
2. Rein de chien présentant plusieurs infarctus (exp. VII, p. 73).
3. Cristaux de sulfate de chaux obtenus en traitant une préparation de l'infarctus cal-
cifié par l'acide sulfuriijue (exp. IX, p. 77).
4 et 5. Coupe faite au centre de l'infarctus représenté flg. i. La préparation représentée
dans la 6g. 4, vue avec un grossissement plus considérable, a été traitée par l'acide
acétique : les tubes sont pilis par la dissolution du carbonate de chaui et les noyaux
du tissu conjontti de nouvelle formation sont devenus plus apparents (eip. IX,
p. 76).
6. Rein de vieillard présentant un ancien infarctus calcifié {voy. p. 85).
7 Coupe de ce même infarctus.
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PLANCHE II.
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
(Mémoires, page 49.)
PiG. 1. Lamelles de ctolestérine, corps granuleiiï, granulations graisseuses et gouttes d'huile
provenant d'un ulcère athéromatenx de la crosse de l'aorte (obs. XXVII, p. 141).
2. Corps granuleux et goiittes d'huile trouvés dans le sang de l'artère crurale (même
obs.).
3. Anévrysme disséquant des capillaires d'un ramollissement rouge par oblitération vei-
neuse (obs. XXXVIII, p. 167).
4. b, 6. Anévrysmes disséquants des capillaires d'un ramollissement rouge violacé
(obs. XXIV, p. 137).
7. Artère sylvienne, très-athéromatense, rétrécie par places et oblitérée par un thrombus
(obs. XIV, p. 119).
8. Artère sylvienne (représentée un peu trop grosse) oblitérée par un thrombus qui se
prolonge dans ses branches (obs. VIII, p. lOS).
9. Infarctus récents de la rate d'un chien : les parties tuméfiées et bleuâtres correspon-
dant à des artères oblitérées (eip. XIV, p. 188).
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PLANCHE ra.
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
(Mémoires, page 49.)
FiG. 1 . Coupe faite dans la plaque jaune représentée fig. 4.
2. Autre préparation traitée par l'acide acétique.
3. Anévrysme disséquant des capillaires dans un ramollissement rouge obtenu chez un
chien (eip. XIII, p. 165).
4. Plaque jaune du cerveau obtenue expérimentalement chez un chien (exp. XII, p. 116).
5. Ramollissement récent rouge, obtenu expérimentalement chez un chien, mort un jour
après l'injection de graines de tabac dans une carotide (bout périphérique). L'hémi-
sphère malade est incisé longitudinalement.
6. Corps granuleux et granulations graisseuses provenant d'un petit foyer de ramollisse-
ment rouge obtenu chez un chien (exp. IX, p. 77).
7 et 8. Altérations secondaires des capillaires dans un ramollissement rouge obtenu chez
un chien (exp. XIII. p. 165).
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PLANCHE IV.
RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL.
(Mémoires, page 49.)
m. I Plaque jaune du cerveau d'un vieillard, figure due à M. le docteur Charcot.
t, 3 et 4. Altérations des capillaires dans un ancien loyer de ramollissement observé
chez un vieillard.
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PLANCHE V.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE HISTOLOGIQUE DES LÉSIONS QU'ON RENCONTRE
DANS l'ARTHROPATHIE ET l'eNCÉPHALOPATHIE RHUMATISMALES AI-
GUËS.
(Comptes rendus, page 201.)
Altérations qui surviennent dans les cartilages diarthrodiaui sous l'influence du rhumatisme
articulaire aigu.
FiG. I. Premières modifications. — 1. Cavité cartilagineuse de la surface du cartilage à
l'état normal; elle contient une seule masse cellulaire ou protoplasma.— 2. Cavité
cartilagineuse de la surface contenant deux capsules secondaires. — 3. Cavité
cartilagineuse primitive contenant quatre capsules secondaires. — 4. Substance
fondamentale segmentée. (200 diamètres.)
FiG. II. Modifications plus avancées du cartilage. — 1. Cavité contenant plusieurs capsules
secondaires. — 2. Fragment de la substance fondamentale enlevé horizontalement
de la surface. — 3. Substance fondamentale segmentée. (200 diamètres.)
FiG. III. Altération encore plus avancée ; la segmentation de la substance fondamentale est
plus complète. — i . Lambeau enlevé à la surface et contenant une cavité primi-
tive dans l'intérieur de laquelle on remarque plusieurs capsules secondaires.
(200 diamètres.)
SYPHILIS VISCÉRALE ET OSSEU.SE.
(Comptes rendus, page 171.)
FiG. IV. Ostéite syphilitique caséeuse. — 1. Tissu osseux dont les lamelles sont coupées
d'une manière irrégulière sous l'influence de la néoformation pathologique dans
les espaces médirllaires. — 2. Cavité osseuse agrandie contenant trois noyaux ou
cellules. — 3. Ostéoplaste venant s'ouvrir dans un espace médullaii'e. — 4. Cel-
lules embryonnaires de la moelle (méduUocelles de Robin). — 4'. Ces cellules
deviennent de plus en plus petites, et donnent finalement des corpuscules (cyto-
blastions de Robin). Séparés les uns des autres par une substance fondamentale
dense et légèrement fibrillaire. — 5. Vaisseaux sanguins perméables. (230 dia-
mètres.)
FiG. V. Nécrose syphilitique. — Canal de Havers oblitéré par des couches successives
d'oâtéoplastes, et de substance fondamentale disposée en lamelles régulières. —
1. Ostéoplastes. — 2. Centre du canal de Havers. (300 diamètres.)
Fitt. VI. Plaque muqueuse de la vulve, survenue à la période secondaire ou tertiaire, sans
excoriation ni hypertrophie notable des papilles. — La figure représente un glo-
mérule de glande sudoripare compris dans la tumeur. — 1. Canal du glomérulo
ayant à peu près son diamètre normal, et courbé par des cellules épithéliales. —
2. Grande cavité irrégulière résultant de l'agrandissement de quelques portions
du tube enroulé et de la conamunication de ces portions les unes avec les autres ;
les cellules épithéliales sont hypertrophiées et ont subi la dégénérescence grais-
seuse. (40 diamètres.)
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PLANCHE VI.
SUR UN CAS DE MONSTRE ANIDIEN CHEZ L'HOMME.
(Comptes rendus, page 222.)
FiG. 1. Représente le monstre entier avec la portion du placenta qui lui est adhérente.— En
haut se voit le placenta avec ses branches vasculaires ; le cordon ombilical man-
que, de telle sorte qne le placenta s'insère directement sur le monstre au niveau
de cette insertion existent des poils.
FiG. 2. Face opposée du monstre sur laquelle on remarque une membrane transparente
appliquée par une de ses faces. Cette membrane est une portion de la membrane
amniotique d'un second fœtus.
FiG. 3. Le monstre divisé et disséqué ; au centre se trouve une vessie allongée formée par du
tissu fibreux et contenant une masse nerveuse; autour on remarque des pièces
osseuses disposées en fer à cheval; le reste de la masse est constitué par du
tissu connectif, des faisceaux musculaires striés et des vaisseaux.
FiG. 4. Portion osseuse divisée, dans laquelle on remarque en haut un os mince noyé dans
du tissu fibreux; en bas, une masse cartilagineuse avec deux points d'ossiflca-
tion.
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PLANCHE VII.
NOTE SUR l'examen MICROSCOPIQUE DES LÉSIONS QUE L'ON OBSERVE
DANS l'affection CONNUE SOUS LES NOMS DE PÉRICAL , PIED DE
MADURA.
(Mémoires, page 191.)
A. Pied de Madura, avant l'amputation, d'après une photographie faite à Saint-Denis (ile de
la Réunion), par M. Suiclei.
B. Anatomie microscopique du pied de Madura.
FiG. 1. Corpuscules d'un blanc jaunâtre, polyédriques, formés de pus concret, ayant
jusqu'à un miUimètre dans leur plus grand diamètre qui remplissent les kystes
les plus volumineux dont est farci le pied de Madura.
FiG. 2. Corpuscules de même nature que les précédents, mais plus petits, qui, réunis en
masses et adhérents par une ou plusieurs de leurs faces, se rencontrent dans
le plus grand nombre des kystes.
FiG. 3. Fibres à noyaux très-allongés que l'on observe dans la membrane qui forme les
parois des kystes.
FiG. 4. Plaques épithéliales qui se trouvent en très-grande abondance dans les liquides
dont les tissus sont imprégnés. Entre ces plaques on remarque des globules
graisseux qui sont également très-abondants.
FiG. 5. Fibres très-serrées, s'anostomosant souvent entre elles, composant le tissu lardacé
qui finit par envahir toutes les parties molles.
FiG. 6. a. Plaques épithéliales observées dans un kyste unique remarquable par son déve-
loppement et l'épaisseur de ses parois. Ces plaques sont plus ou moins entiè-
rement couvertes de petits corpuscules arrondis, à bords très-nets, d'un vert
jaunâtre.— J. Minces corpuscules réunis et formant de petites masses arron-
dies d'un vert presque brun.
FiG. 7. Corpuscules analogues aux précédents, détachés des plaques et disposés en cha-
pelet le long des parois fibreuses du kyste.
C. Os. — Scaphoïde et métatarsiens provenant du pied de Madura opéré à Saint-Denis. Ces
os sont remarquables par leur extrême légère té. Comme l'afi'ection n'est pas très-ancienne,
l'extrémité antérieure des métatarsiens est presque saine, mais on remarque que les
extrémités postérieures sont creusées de cavités nombreuses qui renfermaient des kystes
tout à fait semblables à ceux des parties molles.
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TABLE DES MÉMOIRES
DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
1. Mémoire sur la démonstration expérimentale de la production d'électricité
propre aux poissons du genre des raies; par M. le docteur Charles
Robin 3
a. Observation d'un monstre de la famille des pseudencéphaliens; par
M. Houel 29
3. Sur un cas de zona du cou, avec altération des nerfs du plexus cervical et
des ganglions correspondants des racines spinales postérieures ; par
MM. Charcot et Cotard 4i
4. Etudes physiologiques et pathologiques sur le ramollissement cérébral
(avec quatre planches coloriées); par MM. J. L. Prévost et J. Cotard. . 49
5. Note sur l'examen microscopique des lésions que l'on observe dans l'affec-
tion connue sous les noms de pérical, pied de Madura; par le docteur
Ch. Coquerel (avec une planche) i9i
6. Sur la température du rectum dans le choléra asiatique; par M. le docteur
Charcot 197
l'IN DE LA TAULE DES MEMOIRES.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS LES COMPTES RENDUS ET LES MÉMOIRES
DE I.A ISOCIÉTÉ DE BlOLOCilE
POUR l'année 1865 (1).
A
C. R M
Affinités de la classe des oiseaux avec celle des reptiles vrais; par M. P.
Bert 114
Altérations anatomiques de la pneumonie comparées chez l'homme, le
cheval et le chien; par MM Cornil et Trasbot 132 »
Amyloïde (Dégénérescence) du tissu cellulo-adipeux; par M. Hayem. . I8i »
— Idem du tube digestif; par M. Hayem 191 n
Analyse du glucose dans l'urine; par M. G. Bergeron 74 »
Anatomie et classification des crucifères; par M. Eug. Fournier. .13 "
— (Queli|ues points d') du /"om de Bossan; par P. Bert I2î "
Aphonie dès la naissance avec accès de suffocation; tumeur épithéliale
du larynx; par M. Dufoiir 6 "
Arthropathie et Encépbalopathie rhumatismales aiguës (Contribu-
tion à l'étude histologique del'); par MM. Ollivier et Ranvier. . 201 »
Ascaride lomhricoïde (Eventration chez un); par M. de Lignerolle. . 2i9 »
Atrophie des nerfs olfactifs et hypertrophie des racines des nerfs opti-
ques; diminution de l'odorat; par M. Prévost 37 »
B
Battements du cœur (Forme des) suivant l'état de la fonction circula-
toire dans la série animale; par M. Marey I8i »
Blétissure et pourriture des fruits sucrés; par M. Chatin m >
(l)Les pages indiqiiées à la margi» sont relies des comptes rendus (C.R. etdes mémoire (M.i
ir
9 0
a ? 9 I
cJ h^* S.J _â
220
C
C. R. M.
Cachexie cancéreuse (Paraplégie douloureuse dans la); parM. Charcot. 28 ..
—idem, thrombose artérielle; par M. Charcot 24 »
Cancer de la colonne vertébrale consécutif au cancer du sein ; par M. Co-
tard i39 »
Célotomien voisin du genre aspalasorae; par M. Pelvet 7S »
Choléra asiatique (Sur la température du rectum dans le); par M. Char-
cot r, 197
Cirrhose hypertrophique de cause alcoolique ; par M. Aug. Ollivier. . 2to »
Combustions respiratoires (Recherches expérimentales sur le siège
des); par MM. Estor et Saintpierre 45 »
Crucifères. Anatomie etclassification; parM. Eug. Fournier 13 »
Cysticercus tenuicollis chez le phacophorus africanus; par M. L. Vail-
lant 91 I)
o
Dégénérescence cireuse ou amyloïde généralisée, consécutive à une
pleurésie chronique tuberculeuse; par M. Duguet i4i
Déglution (Nouvelles expériences sur la) au moyen de l'autolaryngo-
scope; par M. Guinier. 42
Développement. Structure et fonctions de l'anthère; par M. Chatin. . 95
Diagnostic de l'hydrocéphalie chronique et du rachitisme au moyen de
l'ophlhalmoscope; par M. Bouchut 3i
Dilatation des veines el hémorrhagie de la rétine dans la méningite
tuberculeuse et la phlébite de la dure-mére; par M. Bouchut. . . 3t
E
Encéphalopathie el Artbropathie rhumatismales aiguës (note his-
tologique); par MM. Ollivier el Ranvier 201
Sndopéricardite ulcéreuse à forme typhoïde; par MM. Duguet et
Hayem 5i
Epidémie de Saint-Pétersbourg 1863-64; par Charcot 46
Erectiles (Expériences sur la physiologie des tissus); par M. Legros. . 183
Brythème papuleux et noueux; par M. L. Odier 65
—idem (Remarques suri'); parM. Gubler 65
Fève du Calabar (Action de l'extrait de la) sur les animaux ; par M. Jero-
nimo de Mello 87
Fou de Bassan (Anatomie); parM. P. Bert 122
G
Ganglion cervical supérieur (Ablation du) chez les oiseaux; par M. Mi-
chon 185
Greffe animale; par Paul Bert 200
Guano de chauve-souris; parM. E. Hardy 7i
221
H
C. 11. M
Hémorrhagie Je la rétine dans la méningile tuberculeuse et dans la
phlébite de la dure-mère; par M. Bouchut 31 „
I
Illusion génésique observée sur deux oiseaux de l'ordre des passereaux;
par M.O.Larcher 167 „
Infarctus calcifiés (Note sur un cas d'); par MM. Cotard et Prévost. . igy 1,
L
Lipome des gencives; par MM. Thomas et Cornil 163 »
M
Madura (Pied de); par M. Coquerel „ 192
Maladie septique de la vache, non charbonneuse ; par M. Davaine. . 152 »
Molluscum (fumeur dite); par M. Houel 11 „
ÏWonstre anidien chez l'homme ; par MM. Cornil et Causit 222 »
Morve. Structure des granulations morveuses du cheval; parMM.Tras-
botetCornil 21 8 »
N
Note sur une pièce d'anatomie pathologique du maxillaire inférieur;
par MM. H. Duraont et Magitot 129 „
o
Olfactifs (Atrophie des) avec diminution de l'odorat; par M. Prévost. . 37 »
Ovaire (Atrophie congénitale de !') chez une poule; principe du balan-
cement des organes; par Davaine 156 »
Ovaires (Maladies des) avec ascite chez la dorade de la Chine; par
M. Davaine 186 »
P
Paralysie infantile, lésion des muscles et de la moelle; par M. Prévost. 215 «
Paraplégie douloureuse dans la cachexie cancéreuse; par M. Charcot. 28 »
Pérical ou pied de Madura (Note sur l'examen microscopique des lé-
sions que l'on observe dans l'afTeclion connue sous les noms de);
par Coquerel >, 192
Péricarde (Productions polypeuses du) chez un enfant de 4 ans; par
M.Bouchard 130 »
Phènique (Acidej, son action sur le curare et la strychnine; par Paul
Bert 155 »
Polypeuses (Productions) du péricarde chez un enfant de 4 ans; par
M.Bouchard 130 »
— d'électricité propre aux poissons du genre des raies; par M. Robin. . » 1
Propagation du courant électrique; par M. Guillemin 35 »
Pseudencéphalien (Observation d'un monstre); par M. Ilouel. ... » 29
Pustule maligne (Observation de); par M. Féréol 1G4 «
222
R
e. R. tu.
Ramollissement cérébral (Eludes physiologiques et pathologiques sur
le); par MM. Prévost et Cotard » 49
— du lobe antérieur droit du cerveau et de la troisième circonvolution
frontale correspondante sans aphasie; par M. Bouchard i »
Rupture spontanée des muscles droits de l'abdomen dans un cas de
fièvre typhoïde; par le docteur Benj. Bail 2 »
S
Sels d'argent (Phénomènes toxiques déterminés par l'injection des) dans
le torrent circulatoire; par M. Benj. Bail 4 »
Sucre dans la betterave et le topinambour; par M. Chatin 93 »
Syphilis viscérale et osseuse; recherches anatomiques; par M. L. Ban-
vier , 171 »
Température du rectum dans le choléra asiatique; par M. Charcot. . . » I97
Thrombose artérielle dans la cachexie cancéreuse; par M. Charcot. . . 24 •
Tumeur épithéliale du larynx; par M. Dufour 6 »
— intrapelvienne par h^ .lergenése de la substance grise de la moelle épi-
nière chez un nouveau-né; par MM. Depaul et Robin 27 u
—à myélocytes de la queue de cheval et dégénération secondaire des
cordons postérieurs de la moelle; par MM. Cornil et Martineau . . »8 »
U
Utérine (Membrnne muqueuse) semblable à une caduque menstruelle;
par M. Davaine 161 »
V
Venins (Etude des); par P. Bert 132 »
Vessie natatoire (Influence de la section du grand sympathique sur la
composition de l'air delà); par M. Armand Moreau > . 21 «
— préputiale du porc; par Raimond 125 »
Z
7ona du cou; par MM. Charcot et Cotard » 4i
FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.
TABLE DES MATIÈRES
PAR NOMS L'AIJTEURS.
B
e. R n.
Benj. Ball Phénomènes toxiques déterminés par l'injection di-
directe des sels d'argent dans le torrent circula-
toire 4 »
— Rupture des muscles droits de l'abdomen dans un
cas de fièvre typhoïde . . 2 »
Bergeron (G.)- • ■ Procédé d'analyse du glycose dans l'urine 74 »
Bert (Paul). . . . Sur les affinités delà classe des oiseaux avec celle
des reptiles vrais m »
— Contribution à l'étude des venins. ...... i36 »
— Greffe animale 200 »
— Sur quelques points de l'analomie du fou de Bassan. 122 »
— Action de l'acide phénique sur le curare et la strych-
nine 15S »
Bouchard Ramollissement du lobe antérieur droit du cerveau
el notamment de la troisième circonvolution fron-
tale correspondante sans aphasie 1 »
— Productions polypeusesdu péricarde chez un enfant
de 4 ans i3u »
BoucHi'T Delà dilatation des veines de la rétine et de l'hémor-
rhagie de la rétine dans les cas de méningite tu-
berculeuse et de phlébite des sinus de la dure-
mère 31 »>
— Diagnostic différentiel de l'hydrocéphalie chronique
et du rachitisme au moyen de l'ophlbalmoscope. . 3i »
Causit Yoy. Cornil.
Charcot Epidémie de Saint-Pétersbourg 1863-1864 46 «
— Paraplégie douloureuse dans la cachexie cancéreuse. 28 »
— Thrombose artérielle dans la cachexie cancéreuse. . 24 »
— Température du rectttm dans le choléra asiatique. . >> 197
— el COTARD. . . . Zona du cou » 4i
224
C. R. M.
Chatin Blélissure et pourriture des fruits sucrés m »
— Développement, structure et fonctions des tissus de *
l'antbére 95 »
— Du sucre dans la betterave et le topinambour. . . 93 »
CoQDEREL Pérical ou pied de Madura » 192
CORNiL et Causit. . Monstre anidien chez l'homme (Observation d'un) . 222 »
— et Martineac. . Tumeur à myélocytes des nerfs de la queue de che-
val; dégénération secondaire des cordons posté-
rieurs de la moelle épinière 88 «
— et Thomas. . . . Lipome des gencives 163 »
— et Trasbot. . . . Etudes sur les altérations anatomiques de la pneu-
monie chez le cheval et chez le chien, comparées à
celles de la pneumonie chez l'homme i32 »
— Morve; note sur la structure des granulations mor-
veuses du cheval 2i8 »
CoTARD Cancer (Observation de) de la colonne vertébrale
consécutif au cancer du sein J39 »
— et Prévost. . . . Infarctus calcifiés 199 •
— To?/. Charcot.
D
Davaine Atrophie congénitale de l'ovaire chez une poule;
principe du balancement des organes 156 »
— Expériences sur une maladie septique de la vache
regardée à tort comme étant de nature charbon-
neuse 152 8
— Maladie des ovaires avec ascite chez la dorade de la
Chine 186 »
— Membrane muqueuse utérine semblable à une cadu-
que expulsée pendant la menstruation lei »
Depaul et Robin . . Tumeurintrapelviennedela région sacro-coccygienne
formée par hypergenése de la substance grise de la
moelle épinière chez un nouveau-né 27 >
DuFOUR Aphonie dès la naissance avec accès de sufTocation ;
tumeur épithéliale du larynx 6 »
DuGUET et Hayem. . Endopéricardile ulcéreuse à forme typhoïde. ... 51 »
— Dégénérescence amyloïde généralisée 141 »
DuMONT (H.) .... Note sur une pièce d'anatomie pathologique du maxil- 129 «
laire inférieur 129 »
E
EsTOR et Saintpierre. Recherches expérimentales sur le siège des com-
bustions respiratoires. . , 45 »
F
Féréol Pustule maligne (Observation de) 164 ■
F0URNIER (Eug.). . Anatoniie et classification des crucifères 13 »
G
GuBLBR Remarques sur l'érythéme papuleux et noueux dans
22f)
le rhumatisme 68 »
GuiLLEMiN Propaiîalion du courant électrique 35 «
GuiNiEK Nouvelles expériences sur la déglutition au moyen de
l'autolaryngoscopie 42 »
H
Hardy (E.) Guano de chauve-souris 71 »
HAYiiU Ainyloïde (Dégénérescence) du tissu cellulo-adipeux. i8i »
— Dégénérescence amyloïde; examen microscopique. . i49 «
— Dégénérescence amyloïde du tube digestif. ... i9i »
HouEL Pseudencéphalien (Observation d'un monstre). . . » 29
— Tumeur du derme dite à tort molluscum a »
Jeronimo de Mello. Action de l'extrait de la fève de Calabar sur les ani-
maux 87
Larcher (0.). . . . Illusion génésique (Note sur un cas d') observée sur
deux oiseaux de l'ordre des passereaux. .... 167
Legros Expériences sur la physiologie des tissus érectiles. . 183
LiGNEROLLE (de). . Eveniration chez un ascaride lombricoïde 210
M
Marey Forme des battements du cœur suivant l'état de
fonction circulatoire dans la série animale. . . 18I
Martineau Voy. Cornil.
.MicHON , Ablation du ganglion cervical supérieur chez les oi-
seaux 185
MOREAU (Armand). Influence de la section du grand sympathique sur la
composition de l'air de la vessie natatoire. ... 2i
o
Odier (Louis). . . . Erylhème papuleux et noueux 65
Ollivier et Ranvier. Cirrhose hypertrophique 210
— Contribution à l'étude histologique des lésions de
larthropathie et de l'encéphalopathie rhumatisma-
les aiguës 201
Pelvet Note sur un fœtus célosomien, voisin du genre aspa-
lasome. 75 »
Prévost Atrophie des nerfs olfactifs et hypertrophie des nerfs
optiques avec diminution manifeste de l'odorat. . 37 »
- Paralysie infantile avec lésion de la moelle et des
muscles 215 »
— et Cota 1.0. . . . Etudes physiologiques et anatomiques sur le ramol-
lissement cérébral » 4y
— Voy. Cotard,
MÉM. 15
226
C. I
R
Raimond Note sur la vessie prépuliale du porc 125
Ranvier (L.). ■ . Recherches analomiques dans un cas de syphilis vis-
cérale et osseuse m
Robin (Charles). . . Production d'e7ec<r«ci7é propre aux poissons du genre
des raies »
Saintpierre Voy. Ester.
Thomas Voy. Cornil.
Trasboi Voy. Cornil
Vaillant (Léon). . Du cysticercus tenuicollis chez le phacophorus afri-
canus , 91
l'IN DES TABLES.
LISTE DES OUVRAGES
OFFESiTS A liA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE.
1865.
A
Annuaire de l'Académie royale de médecine de Belgique. 1864.
6
Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. 1864.
Bulletin de l'Académie des sciences de Paris.
Bulletin de la Société anatomique de Paris. 1864.
Bulletin de la Société de chirurgie de Paris.
Bulletin de l'Académie des sciences d'Amsterdam.
Bulletin de la Société médicale de l'Aube.
Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris.
Bulletin de la Société médicale d'Angers.
Bulletin de l'Institut national genevois.
Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou.
Bulletin de la Société botanique de France.
Bulletin de la Société médicale d'émulation, envoyé par M. le ministre
de l'Instruction publique.
Bulletin de la Société impériale de médecine de Marseille, envoyé par
M. le ministre de l'Instruction publique.
Bulletin médical du nord de la France.
Bulletin de la Société médicale de Paris.
C
Caron Des causes de la mortalité des enfants dans
les villes de fabrique et des moyens d'y re-
médier. Brochure.
id. Introduction à la puériculture. Brochure.
CnRNiL Lésions anatomiques du rein dans lalbumi
nurie. Brochure.
id. Anatomie pathologique des diverses espèces
de pneumonie aiguë et chronique. Brochure.
228
D
Delmas De la pulvérisation, examen des débals de la
méthode de M. Sales-Girons. Brochure.
id. Six observations d'ataxie locomotrice. Bro-
chure.
E
EsTOR Des lésions diffuses. Brochure.
ici. De la diurèse. Brochure.
id. Physiologie pathologique de l'inflammation
diffuse et de l'infection purulente.
id. Sur la nature de l'héméralopie.
F
FouRNiER Recherches anatomiques et taxonomiques sur
la famille des crucifères et sur le genre Si-
symbrium en particulier.
G
Gazette médicale de Paris (1865).
GuiLLEMix Recherches expérimentales sur la transmission
des signaux télégraphiques.
id. Réponse aux observations de M. Gonnelle.
GuiLLON Sur l'eau de la Banche. Brochure.
H
HiRscHFELD Traité d'Anatomie du système nerveux. Nou-
velle édition.
J
Jacquart Mémoire sur les muscles de la déglutition chez
les ophidiens.
id. De la valeur de l'os épactal ou partie supé-
rieure de l'écaillé occipitale restée distincte,
comme caractère de race en anthropologie.
Brochure.
L
Lambron Etudes expérimentales sur le dégagement d'é-
lectricité dans les eaux sulfureuses de Ba-
iinères de Luchon.
229
Lebret Mémoire sur l'emploi et la contre-indication
des eaux sulfureuses dans le traitement des
ulcères et des plaies anciennes. Brochure.
l.EUDET Etude clinique des troubles nerveux périphé-
riques vaso-moteurs dans le cours des ma-
ladies chroniques.
id. Recherches sur les troubles nerveux périphé-
riques, et surtout des nerfs vaso-moteurs
consécutifs à l'asphyxie par la vapeur do
charbon.
M
Magitot Note sur deux cas de réimplantation des dents,
Marey. .<, Etudes physiologiques sur les caractères gra-
phiques des battements du cœur et des
mouvements respiratoires, et sur les diffé-
rentes influences qui les modifient.
R
Ranvier Sur quelques points du développement et les
altérations élémentaires du tissu osseux.
Robert Note sur les eaux thermales de Schinznach.
S
Saintpierre Recherches expérimentales sur les causes de
la coloration rouge des tissus enflammés.
id. Sur un appareil propre aux analyses des gaz
du sang.
id. Expériences propres à faire connaître le mo-
ment où fonctionne la rate.
id. Sur le siège des combustions respiratoires.
Sandras Etudes sur la digestion et l'alimentation.
FliN.
I
/
ERRATA.
1° Comptes rendus, p. 171. Recherches analomiques sur un cas de
syphilis viscérale et osseuse. Voyez planche V.
2* Comptes rendus, p. 192, ligne 37; au lieu de quarante autopsies,
lisez vingt.
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